Diminué en hommes, Daech reste menaçant (01.09.2017)
Mis à jour le 01/09/2017 à 18h14 | Publié le 01/09/2017 à 17h57
En recul en Irak et
en Syrie, les djihadistes s'apprêtent à renouer avec la clandestinité.
Un chef en fuite mais bien vivant. Des troupes en débandade au fur et à mesure qu'elles doivent abandonner des villes, mais des cellules dormantes toujours capables de frapper à Bagdad ou ailleurs. Les djihadistes de Daech restent une menace. Ils ne cessent pourtant de reculer en Syrie comme en Irak, où en deux mois, ils ont perdu leur «capitale», Mossoul, et Tall Afar, leur voie de passage vers la Syrie.
Un chef en fuite mais bien vivant. Des troupes en débandade au fur et à mesure qu'elles doivent abandonner des villes, mais des cellules dormantes toujours capables de frapper à Bagdad ou ailleurs. Les djihadistes de Daech restent une menace. Ils ne cessent pourtant de reculer en Syrie comme en Irak, où en deux mois, ils ont perdu leur «capitale», Mossoul, et Tall Afar, leur voie de passage vers la Syrie.
En 2014, ils
contrôlaient près d'un tiers du territoire irakien. Aujourd'hui, plus que
10 %. Conséquence de leur recul: le poste-frontière entre l'Irak et la
Jordanie vient d'être rouvert, et avec lui, la longue autoroute vers Bagdad,
via Ramadi et le voisinage de Faloudja, villes reprises l'an dernier à l'État
islamique (EI).
Annoncé mort par la Russie fin juin,
son «calife» autoproclamé, Abou Bakr al-Baghdadi, est toujours en vie, d'après
le Pentagone qui le traque sans relâche. Il se cacherait le long de la vallée
de l'Euphrate, là où l'EI dispose encore de positions, en Irak comme en Syrie.
D'autres cadres ont, quant à eux, trouvé refuge 300 km plus à l'ouest dans
les montagnes de Himrin. Dans les batailles de Mossoul et Tall Afar, des
centaines de combattants, en particulier des étrangers, ont été tués. D'autres
ont été faits prisonniers par les Kurdes ou les forces gouvernementales. On en
voit sur certaines vidéos sur Twitter. Leur moral est atteint. Certains d'entre
eux devraient livrer des renseignements utiles à l'éradication des dernières
poches ou à la traque de leurs leaders. D'où la relative confiance des
Américains et de leurs alliés. «Daech sera vaincu, c'est une certitude»,
affirmait jeudi encore Jean-Yves Le Drian, le chef de la diplomatie, de retour
d'Irak.
D'autres leaders
djihadistes, en revanche, ont réussi à franchir les frontières. C'est le cas de
l'ex-émir de Mossoul en charge des finances, Salim Moustapha Mohammed
al-Mansour, passé en Turquie avant la chute de Mossoul, selon le département du
Trésor américain, qui vient de le placer sur sa «liste noire». Il pourrait être
à Mersin, Istanbul ou Adana. Ancien financier d'al-Qaida en Irak, al-Mansour
fut impliqué dans le transfert à Mossoul de centaines de milliers de dinars
irakiens au cours des premiers mois de 2014, en préparation de la prise de
contrôle de la ville et de pans entiers du pays. À partir de mi-2016,
al-Mansour se chargeait de vendre du pétrole brut extrait d'Irak et de Syrie
pour le compte de Daech. Sa relocalisation en Turquie souligne les complicités
régionales dont dispose l'EI.
«Sans véritable réconciliation nationale entre sunnites
et chiites, il n'y aura pas de recul durable de la violence en Irak»
Un diplomate
En Irak, l'EI ne
contrôle plus que les villes d'al-Qaëm, Rawa et Ana sur l'Euphrate, ainsi
qu'Hawija, à 120 km au sud de Mossoul. Quelle sera la prochaine cible des
forces irakiennes? Hawija et sa région, ont annoncé, vendredi, les autorités de
Bagdad.
En Syrie, la bataille de Raqqa avance, avec
la reprise vendredi de la vieille ville. Trois mois après son lancement par les
Forces démocratiques syriennes, une coalition arabo-kurde appuyée par la
coalition, 60 % de la «capitale» syrienne de l'EI a été reprise, et il ne
resterait plus qu'entre 700 et 1.000 djihadistes à l'intérieur de Raqqa, selon
un responsable des FDS, qui prévoit encore deux mois de combats. Malgré ces
revers, les djihadistes disposent encore de cellules résilientes capables de
commettre des attentats meurtriers, comme lundi à Bagdad (11 morts). La fin
prochaine du contrôle territorial djihadiste annoncera le retour à la lutte
clandestine. La violence ne cessera donc pas. D'autant moins si le traitement
politique fait défaut. «Sans véritable réconciliation nationale entre sunnites
et chiites, il n'y aura pas de recul durable de la violence», prévient un
diplomate, familier de l'Irak.
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présence de Daech
Syrie : L'État islamique chassé de la vieille ville de
Raqqa (01.09.2017)
- Par lefigaro.fr, AFP agence
- Publié le 01/09/2017 à 19:29
Deux mois après être entrés dans la «capitale» de facto
de l'organisation djihadiste, les Forces syriennes démocratiques, aidées des
combattants kurdes, ont repris ce vendredi la vieille ville de Raqqa. Les
djihadistes ont été chassés de plus de 60% de la cité qui était sous leur
contrôle depuis 2014.
Une alliance
arabo-kurde soutenue par Washington en Syrie a chassé ce vendredi le groupe
État islamique (EI) de la vieille ville de Raqqa, se rapprochant de la zone où
sont retranchés les djihadistes dans le cœur densément peuplé de cette
métropole du nord. Entrées le 6 juin dans la «capitale» de facto de l'EI en
Syrie, les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont désormais chassé les
djihadistes de plus 60% de la cité qui était sous leur contrôle depuis 2014. La
bataille avait débuté il y a deux mois.
» Lire aussi - Diminué en hommes, Daech reste menaçant
«Nous sommes aux portes
du périmètre de sécurité de l'EI dans le centre-ville, où se trouvent les
principaux QG» de l'organisation extrémiste, a affirmé vendredi Talal Sello,
porte-parole des FDS. Secteur historique, la vieille ville jouxte le quartier
administratif dans le centre de Raqqa. Ce quartier administratif où se trouvent
notamment l'ex-siège du gouverneur et les bâtiments qui abritaient les services
de renseignements, est fortement sécurisé par les djihadistes qui s'y sont
barricadés.
Les combattants de
l'EI contrôlent toujours une partie du nord et du centre de Raqqa, où selon
l'ONU quelque 25.000 civils sont toujours pris au piège des combats. Il
resterait dans la ville environ un millier de djihadistes, selon Rami Abdel
Rahmane, le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH),
une ONG disposant d'un vaste réseau de sources dans le pays en guerre. Talal
Sello s'est refusé à dire quand les FDS allaient pouvoir s'emparer de la
totalité de Raqqa, se bornant à déclarer que les opérations se déroulaient
selon le «plan prévu». La violence des combats a suscité des craintes pour le
sort des civils bloqués dans la ville, l'ONG de défense des droits de l'Homme
Amnesty International estimant qu'ils étaient pris au piège dans un «labyrinthe
mortel».
Un revers majeur pour l'EI
En deux mois et
demi, les FDS se sont emparées de plusieurs quartiers dans le sud, l'est et
l'ouest de la ville, mais se heurtent toujours à une farouche résistance des
djihadistes au fur et à mesure de leur progression vers le centre. L'alliance
arabo-kurde avait effectué début juillet sa percée dans la vieille ville de
Raqqa, aidée par les frappes de la coalition internationale anti-djihadistes
menée par les États-Unis qui avaient ouvert deux brèches dans le mur de Rafiqah
qui entoure ce secteur: une muraille datant du 8e siècle.
» Lire aussi - À la reconquête de Raqqa, avec la Brigade de la
liberté
Le directeur général
des Antiquités et Musées de Syrie, Maamoun Abdelkarim, a exprimé son
«soulagement» après «la libération de la vieille ville», minimisant l'étendue
des dégâts et se montrant confiant en ce qui concerne les opérations de restauration.
«Raqqa était une des capitales de l'empire abbasside (750 - 1258), elle a
beaucoup d'importance pour nous (...) les murailles sont les symboles de cette
ville», a-t-il déclaré. «Nous n'avons pas perdu ce vestige historique, le plus
important de la vieille ville», a-t-il assuré.
L'EI s'est emparé en
2014 de cette ville située sur les bords de l'Euphrate dont il a fait sa
capitale syrienne de facto. Raqqa est devenue tristement célèbre en devenant le
théâtre de certaines des pires atrocités commises par ce groupe extrémiste:
décapitations publiques, emprisonnements arbitraires, tortures. La ville serait
aussi un centre pour la planification d'attentats à l'étranger. L'annonce de ce
vendredi constitue un nouveau revers pour l'EI, confronté dans l'est de la
Syrie à l'avancée des forces gouvernementales qui progressent vers la province
de Deir Ezzor que les djihadistes contrôlent encore.
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de Raqqa, avec la Brigade de la liberté
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Birmanie : l'exode massif des Rohingyas (01.09.2017)
Par Fanny Laurent
et Mickaël DeneuxMis à jour le
01/09/2017 à 18h29 | Publié le 28/08/2017 à 18h47
Les combats font
rage entre l'armée birmane et les rebelles musulmans rohingyas. En une semaine,
on a dénombré environ 400 morts. Près de 50.000 personnes ont fui vers le
Bangladesh.
Plus de 27.000
réfugiés de Birmanie sont passés au Bangladesh voisin en une semaine, fuyant
les combats entre des rebelles musulmans rohingyas et l'armée birmane, accusée
d'avoir tué au moins 130 civils d'un même village. Selon les derniers chiffres
donnés vendredi par l'ONU, 27.400 personnes sont arrivées au Bangladesh depuis vendredi
dernier et 20.000 seraient bloquées à la frontière. Ces réfugiés sont
majoritairement des Rohingyas. Parallèlement, plusieurs organisations accusent
l'armée d'avoir perpétré un nouveau massacre dans le village de Chut Pyin.
Nombre de Rohingyas
tentent leur chance sur des rafiots de pêche à travers la rivière Naf, qui
marque une frontière naturelle entre la Birmanie et la pointe sud-est du
Bangladesh. Les flots de ce cours d'eau peuvent être particulièrement
capricieux en cette période de mousson en Asie du Sud. Dix-huit nouveaux corps
ont retrouvés vendredi sur la rive bangladaise de la rivière. Au total, ces
derniers jours 41 se sont échoués, a indiqué un officiel de la région de Cox's
Bazar, sous le couvert de l'anonymat. «Les corps étaient en état de
décomposition avancée et devaient donc être dans la rivière depuis un certain
temps», a-t-il ajouté.
Des Rohingyas
marchent le long de la route les menant à leur camp de réfugiés .
(REUTERS/Mohammad Ponir Hossain)
L'envoyée spéciale
pour les Nations unies en Birmanie, Yanghee Lee, a exprimé jeudi son
inquiétude, se disant «sérieusement préoccupée» par la situation et réclamant
que le cycle de la violence soit «rompu de manière urgente. L'armée birmane a
annoncé vendredi que les combats, qui l'opposent à des rebelles musulmans dans
le nord-ouest du pays, avaient fait environ 400 morts en une semaine,
principalement des combattants rohingyas.
Tensions interethniques
L'État de Rakhine,
aussi appelé Arakan, est le théâtre depuis quelques années de face-à-face
sanglants entre Rohingyas et bouddhistes (majoritaires à 90 % en Birmanie)
et corps policier. Le dernier date d'octobre 2016 avec l'attaque de
trois postes frontaliers le long de la rivière de Naf par des rebelles
musulmans.
L'assaut avait fait
neuf morts chez les gardes birmans. Les forces militaires avaient riposté par
des exécutions sommaires, des viols et des incendies de villages musulmans. Ce
regain de violence témoigne d'une escalade significative des tensions
interethniques et d'un racisme exacerbé à l'égard des rohingyas. Cet événement entache une nouvelle fois le
régime du Prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, accusée de
soutenir les méthodes controversées de l'armée.
Les Rohingyas sont vus par l'État birman comme des
immigrés illégaux et sont, à ce titre, privés de leurs libertés fondamentales
À cette accusation
s'ajoute la condamnation de la part des Nations unies du traitement
discriminatoire de cette communauté, privée de nationalité depuis 1982 et de
facto apatrides. La population rohingya est en proie à un nettoyage ethnique.
Les Rohingyas sont vus par l'État birman comme des immigrés illégaux et sont, à
ce titre, privés de leurs libertés fondamentales. Ils ne jouissent d'aucun
droit politique sur le sol birman, ne peuvent tenir un magasin ou encore avoir
accès aux soins et se marier. Pire encore, ils n'ont aucune liberté de
circulation et sont méprisés par une grande partie de la majorité bouddhiste.
Une haine qui s'est traduite en 2012 par de graves émeutes et près d'une
centaine de morts dans les zones du nord-ouest de l'Arakan.
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Des Rohingyas
pleurent lorsque les gardes-frontières du Bangladesh leur ordonnent de quitter
leur cap de fortune - Crédits photo : Mushfiq Alam/AP
Nomades par la force
des choses, les Rohingyas s'entassent dans des camps de réfugiés où ils sont
détenus jusqu'au paiement de rançons. Alors que certains espèrent rejoindre la
Malaisie ou l'Indonésie par la mer, d'autres choisissent de fuir vers le
Bangladesh.
Les récents
affrontements localisés au nord-ouest de Rakhine ont forcé le gouvernement
birman à évacuer au moins 4000 bouddhistes des cantons concernés.
Aung San Suu Kyi,
chef du gouvernement depuis avril 2016, a accusé lundi les rebelles musulmans
Rohingyas d'enrôler des enfants soldats et de mettre le feu à des villages
de minorités ethniques. Ceux-ci seraient des enfants des villages locaux,
équipés de couteaux, arme principale des attaques commises depuis vendredi
d'après les autorités birmanes.
Une commission
internationale dirigée par l'ex-secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a
récemment appelé la Birmanie à donner plus de droits à sa minorité musulmane
des Rohingyas, faute de quoi elle risque de «se radicaliser». Le Pape lui-même
compte se rendre en Birmanie et au Bangladesh fin novembre en soutien à cette
minorité persécutée.
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persécuté au monde selon l'ONU
Annulations de la
pièce de théâtre de Charb : l'ombre de la censure idéologique (01.09.2017)
Par Isabelle Barbéris Mis
à jour le 01/09/2017 à 14:08 Publié le
01/09/2017 à 14:06
FIGAROVOX/TRIBUNE -
La pièce de théâtre issue de l'ouvrage Lettre aux escrocs de
l'islamophobie qui font le jeu des racistes du dessinateur et
journaliste Charb, a encore vu sa représentation annulée le 9 août. Isabelle
Barbéris dénonce une interdiction systématique cachée.
Agrégée de
Lettres modernes, ancienne élève de l'École normale supérieure Fontenay
Saint-Cloud, Isabelle Barbéris est Maître de conférences en arts du spectacle à
l'université Paris Diderot et chercheuse associée au CNRS.
Le 9 août dernier,
l'adjoint au maire de Lormont (Gironde) informait Gérald Dumont, directeur de
la compagnie Théâtre K, metteur en scène et interprète de Lettre aux
escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes que son
spectacle, préalablement invité par l'association Laïcité 33, faisait l'objet
d'une déprogrammation de dernière minute de la part de la Mairie (PS). Motif
invoqué: «Le contexte général actuel nous amène à privilégier des méthodes
d'éducation constructives et dans la durée, pour défendre avec conviction notre
si chère laïcité. L'analyse approfondie de la représentation que tu proposes,
suite à notre brève rencontre de juin, ne va pas à notre avis dans ce sens
d'une transmission apaisée.» Dans une réponse ultérieure, la Mairie croira bon
de préciser que «malgré l'intérêt que peut porter le spectacle tiré des écrits
de Charb, il ne représente pas l'unique entrée pour défendre les valeurs de la
laïcité. (…) Si le combat pour la laïcité nous est commun, les outils et moyens
pour le mener peuvent diverger et appartiennent à chacun (dans le respect des
choix faits).»
Le vivre-ensemble et
le politiquement correct mollesse, paresse dont on sait précisément qu'elles
menacent la liberté d'expression si chère à Charb.
Que comprendre
derrière les méandres argumentatifs de cette double réponse pour le moins…
circonvolutoire? C'est assez simple: la municipalité exprime qu'elle se
désolidarise de la laïcité défendue par Charb (et le spectacle), en proposant
ce qui serait, selon elle, une vision «alternative»: la «laïcité apaisée». De
loin, un tel éloge de l'apaisement ne ressemble qu'à un énième plaidoyer,
entendu mille fois, pour les accommodements raisonnables, la «résilience», le
vivre-ensemble et le politiquement correct - mollesse, paresse dont on sait
précisément qu'elles menacent la liberté d'expression si chère à Charb.
À s'y pencher de
plus près, l'expression de «laïcité apaisée» fait directement référence à un
ouvrage éponyme de Jean Baubérot, paru en 2016. Hasard sémantique? Le travail
de Baubérot appartient au corpus idéologique régulièrement revendiqué par les
associations (CCIF, ALCIR…) qui déguisent leur communautarisme derrière la
lutte contre l «islamophobie» - cette cause des nouveaux «intouchables» qui ont
«ringardisé le racisme», pour citer Charb… Comble de la brutalité, l'annulation
de la représentation se fait donc explicitement au nom des imposteurs que le
texte se charge de démasquer.
Ce revirement vient
en fait prendre place au bout d'une liste déjà assez longue: créée fin janvier
2016 sous la forme d'une lecture, la mise en scène a d'abord connu une période
d'embellie et trouvé son public de manière spontanée - outre de nombreuses
invitations, elle s'est également vue décerner le prix de l'éducation citoyenne
de Moselle. Succes story de courte durée cependant. Une première annulation,
qui n'alerte pas encore l'équipe artistique, survient en décembre 2016. Le
spectacle qui devait se jouer dans la médiathèque de Lomme (59) se voit alors
«repoussé» pour raison de sécurité et manque de personnel. Le report va se
transformer en silence radio, et restera sans suite. Puis, en mai 2017, c'est
au tour de la Maison des associations d'Arras de déprogrammer une étape du
spectacle (avant son passage au festival Colères du Présent). Mais cette
fois-ci, les associations communautaristes s'en mêlent: l'annulation a lieu
sous la pression conjuguée du MRAP et de la LDH. Puis, toujours au printemps
2017, l'université Lille II revient sur ses engagements, arguant là encore de
problèmes de sécurité ingérables pour le lieu d'accueil.
Le metteur en scène
devra en fait attendre mars 2016 pour se voir, et cela par voie de presse,
crédité d'un refus cinglant et impersonnel, faisant valoir le manque d'intérêt
artistique du projet.
L'épisode du Théâtre
de la Manufacture se présente dans un contexte où le malaise a donc déjà
grandi. Ce lieu, renommé, du OFF, va également faire faux bond au Théâtre K,
mais sur un mode plus larvé. L'équipe de direction a en effet rencontré le
metteur en scène en 2016 et lui a exprimé son intérêt, sans engagement
définitif, en l'invitant à déposer un projet. Mais personne n'accusera
réception du dossier dûment envoyé par Gérald Dumont, et contenant une
«proposition ouverte» pour l'anniversaire des 25 ans de Charlie. Le metteur en
scène devra en fait attendre mars 2016 pour se voir, et cela par voie de
presse, crédité d'un refus cinglant et impersonnel, faisant valoir le manque
d'intérêt artistique du projet. À la même période, l'Entrepôt, un autre lieu
d'OFF, botte en touche et se désengage du projet déjà amorcé. Il s'agissait de
diffuser la forme brève dans les quartiers d'Avignon… mais là encore, le lieu
se dédit, en prétextant ne pas avoir eu le temps de «préparer la population».
Le spectacle trouvera in extremis refuge au Théâtre de l'Oulle, proposant
chaque soir au public une forme animée et originale. Chaque représentation est
en effet suivie d'un débat entre l'équipe artistique, des militants laïques,
des journalistes de Charlie et le public, nombreux et au rendez-vous - malgré
l'heure tardive de programmation (23h30).
Depuis près d'un an
donc, la compagnie doit essuyer une série d'annulations dont le caractère
humiliant (et amateur) ne peut que sauter aux yeux. Servant parfois de
paravents à des pressions plus organisées, deux arguments sont systématiquement
objectés, celui de la «sécurité» - qui revient à laisser le dernier mot aux
ennemis de Charlie et de la liberté d'expression; celui du «dossier
artistique», agité sans tenir le compte le moins du monde du caractère
revendiqué, pensé, élaboré de la sobriété formelle du projet.
Comment comprendre
ces barrages qui, aujourd'hui, entravent si ce n'est compromettent la
transmission de la parole laïque et humaniste de Charb, mort de rire trop tôt -
et cela si l'on laisse de côté les pressions, déjà évoquées, provenant des lobbys
communautaristes? Deux autres facteurs me semblent importants pour comprendre
ce «chemin de croix» - à contre-emploi pour Charb! Le facteur économique, et le
facteur idéologique.
L'argument
artistique a bon dos et voile d'autres réalités: Le facteur économique, et le
facteur idéologique.
Dans le cas de la
Manufacture par exemple, l'argument artistique a bon dos et voile d'autres
réalités. L'économie du lieu repose en effet sur le modèle de la location, sans
mise à disposition de moyens. C'est donc «avantage aux grosses compagnies»
(très subventionnées) qui non seulement ont les ressources financières pour
louer le théâtre, mais aussi se déplacer, avec matériel, équipe artistique et
technique, et les loger au plus cher de la vie avignonnaise. On comprend donc
que la bien connue mais petite compagnie du Théâtre K ne fasse pas le poids
face à un gros Centre dramatique national comme celui de Rouen, dépendant
directement du budget déconcentré de la culture, et producteur de la pièce de
Kacimi sur Mohamed Merah (Moi, la mort, je l'aime, comme vous aimez la vie).
Mais la grille de
lecture économique ne suffit pas. À la Manufacture par exemple, le Charb s'est
également vu écarté au profit d'une lecture d'Histoire de la violence dirigée
par le metteur en scène Laurent Hatat en présence de l'auteur Edouard Louis. Or
ce récit, assez similairement à la pièce de Mohamed Kacimi, procède à la
réhabilitation du criminel (ici le violeur) présenté comme un damné de la terre
et une victime de la société. Accueillie en même temps que Moi, la mort, je
l'aime, comme vous aimez la vie, cette lecture laisse à penser qu'il y a bien
un «choix artistique» assez peu pluraliste de la part de la Manufacture, qui
accueille ici deux projets, deux formats différents - mais aux présupposés
idéologiques assez similaires.
La lecture conçue et
interprétée par Dumont est emblématique d'un théâtre de tréteau, populaire,
qui, en abaissant les contraintes techniques, souhaite aller à la rencontre
d'un public nombreux, jeune, sans élitisme esthétique, mais sans populisme non
plus. Gérald Dumont a du métier ; il délivre une lecture-performance claire,
habile, du texte de Charb qui a préalablement fait l'objet de coupes, et d'un
remontage avec des projections de dessins. L'ensemble est, à l'image du dessinateur,
très pédagogique, mais aussi léger, vivant. Le spectacle a été conçu pour
s'adapter aussi bien à des théâtres qu'à des écoles, des médiathèques, des
amphithéâtres d'universités, afin de rendre largement audible cette parole en
voie de disparition. Parole d'autant plus dangereuse qu'elle n'a pas besoin,
contrairement à d'autres, d'appuis idéologiques, de transfiguration esthétique,
de torsion sémantique, de réhabilitation ou de plaidoirie victimaire, pour être
audible. Elle touche droit au cerveau en passant par le cœur.
Les mésaventures de
ce spectacle font donc symptôme, non seulement des tropismes idéologiques du
monde du spectacle vivant, mais aussi de son économie.
Les mésaventures de
ce spectacle font donc symptôme, non seulement des tropismes idéologiques du
monde du spectacle vivant, mais aussi de son économie et de la manière dont
celle-ci contribue à faire disparaître les petites formes, en les écartant avec
un paternalisme quelque peu méprisant.
Sinon, pour
comprendre une bonne fois pour toutes que mettre en scène le racisme pour
dénoncer le racisme, c'est non seulement le contraire d'être raciste, mais le
meilleur apaisement qu'il soit, le mieux est d'essayer d'assister à une
représentation. En priant Dieu, Allah, Yahvé pour qu'elle soit maintenue…
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sera finalement bien Charlie
Kenya : la Cour suprême annule l'élection présidentielle
(01.09.2017)
- Par Nicolas Certes, AFP,
Reuters Agences
- Mis à jour le 01/09/2017 à 21:42
- Publié le 01/09/2017 à 15:21
VIDÉO - La Cour
suprême kényane a pris ce vendredi une décision historique en invalidant pour
«irrégularités» le résultat de l'élection présidentielle du 8 août qui avait
donné le sortant Uhuru Kenyatta vainqueur. Un nouveau scrutin doit être
organisé dans les deux mois.
La Cour suprême du
Kenya a invalidé vendredi l'élection présidentielle du 8 août qui avait vu
Uhuru Kenyatta l'emporter devant Raila Odinga. Il s'agit de la plus haute
juridiction du pays, composée de sept juges dont les arrêts sont définitifs et
font jurisprudence. «À la question de savoir si les illégalités et
irrégularités ont affecté l'intégrité de l'élection, la Cour est d'avis que
c'est le cas», a déclaré son président, David Maraga. Son jugement est sans
appel: l'élection présidentielle «n'a pas été conduite en accord avec la
Constitution» et le résultat est donc «invalide et nul».
C'est la première
fois en Afrique qu'un tribunal suprême annule le résultat d'une élection
présidentielle. Un nouveau scrutin doit être organisé dans les deux mois. Raila
Odinga, l'opposant à l'origine du recours, devra à nouveau affronter le
président sortant Kenyatta.
» Lire aussi - Présidentielle au Kenya: Odinga saisit la
justice
Dès l'annonce de la
décision, les cris de joie des partisans de l'opposition ont retenti aux
alentours de la Cour suprême, dans le centre de la capitale Nairobi, où un
important dispositif policier avait été déployé, ainsi qu'à Mathare, l'un des
bidonvilles de Nairobi, acquis à l'opposition. La coalition d'opposition a
immédiatement salué une «décision historique». Raila Odinga a aussitôt mis la
pression sur la Commission électorale en affirmant n'avoir «aucune confiance» dans
sa capacité à conduire une nouvelle élection. Uhuru Kenyatta a annoncé qu'il
n'approuvait pas la décision de la Cour mais qu'il la respectait. «Et encore
une fois, je le dis: la paix, la paix, la paix. C'est la nature même de la
démocratie» a déclaré M. Kenyatta dans une allocution télévisée.
Uhuru Kenyatta, 55
ans, élu pour la première fois en 2013, avait été proclamé vainqueur le 11
août, avec 54,27% des voix contre 44,74% à l'opposant historique, Raila Odinga,
72 ans, déjà battu en 1997, 2007 et 2013. Dès le lendemain du scrutin,
l'opposition avait dénoncé des fraudes et s'était résolue le 18 août à saisir
la Cour suprême. Celle-ci jouait là une partie de sa crédibilité. L'annonce de
la victoire de Kenyatta s'était accompagnée de manifestations et d'émeutes
violemment réprimées par la police, dans lesquelles au moins 21 personnes, dont
un bébé et une fillette de neuf ans, avaient été tuées.
Devant la Cour
suprême, l'opposition avait obtenu d'accéder à certains documents originaux,
dont les procès-verbaux, ses serveurs informatiques et les données GPS des kits
de reconnaissance biométrique des électeurs. Cela avait permis aux avocats de
pointer du doigt des procès-verbaux non signés ou d'autres ne présentant pas
les signes d'authentification prévus par la Commission électorale, autant
d'irrégularités portant selon eux sur plus de 5 millions de votes. La
Commission avait reconnu avoir décelé quelques «erreurs humaines commises par
inadvertance». Mais elle avait assuré les avoir corrigées et les considérait
comme trop marginales pour avoir influé sur le résultat global. Elle avait
appelé la Cour à ne pas remettre en cause la souveraineté du peuple. Le juge
Maraga a ordonné à cette même Commission d'organiser un nouveau scrutin dans un
délai de 60 jours, conformément à la Constitution.
Aïd : un agriculteur interpellé pour avoir abattu des
moutons (02.09.2017)
- Par Le Figaro.fr avec AFP
- Mis à jour le 02/09/2017 à 13:28
- Publié le 02/09/2017 à 13:23
Un agriculteur
alsacien retraité a été interpellé vendredi en Alsace alors qu'il participait
dans un pré à l'abattage clandestin de moutons dans le cadre de la fête
musulmane de l'Aïd-el-Kebir, a-t-on appris ce samedi auprès des gendarmes.
Lire aussi - Les musulmans du monde célèbrent l'Aïd
Cet agriculteur
d'Oermingen près de Sarre-Union (Bas-Rhin), âgé d'environ 82 ans, proposait ses
services à des musulmans pour abattre des moutons dans le cadre de la fête de
l'Aïd, pour "arrondir ses fins de mois", ont indiqué les gendarmes
confirmant des informations de la presse locale.
A leur arrivée, les
gendarmes ont découvert dans un pré "une installation de fortune et les
déchets de 14 ovins" qui venaient d'être abattus, parmi lesquels "une
bête agonisante". Dépêchés sur place, les services vétérinaires ont
euthanasié l'animal et saisi les cadavres pour équarrissage. Deux personnes,
dont l'agriculteur, ont été interpellées et entendues par les gendarmes, sans
placement en garde à vue. Ressorties libres, elles seront convoquées
prochainement devant le tribunal de Saverne.
L'agriculteur devait
toucher 140 euros par bête abattue. Quelque 1.400 euros en espèces ont été
saisis, en accord avec le parquet de Saverne. L'abattage était organisé
"en dehors d'un abattoir, dans un pré qui longe une route, vendredi en fin
d'après-midi", a-t-on indiqué. "Deux personnes venues acheter des
moutons se trouvaient sur place", a-t-on précisé. Le mis en cause "un
retraité qui continue à avoir quelques bêtes, pensait pouvoir ainsi arrondir
les fins de mois, malheureusement ce n'est pas la meilleure façon", ont
souligné les gendarmes.
L'abattage d'un
animal dans des conditions illicites est puni de six mois d'emprisonnement et
de 15.000 euros d'amende. Plus de 100.000 animaux d'élevage, essentiellement
des ovins, sont sacrifiés légalement chaque année en France pendant les trois
jours de l'Aïd el-Kébir (ou Aïd al-Adha), selon les données du ministère de
l'Agriculture. Cette année, en plus des quelque 120 abattoirs utilisés toute
l'année par la filière halal, une cinquantaine d'installations temporaires ont
été agréées.
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Nigeria : 18 tués dans un raid de Boko Haram (02.09.2017)
- Par Le Figaro.fr avec Reuters
- Mis à jour le 02/09/2017 à 08:48
- Publié le 02/09/2017 à 08:44
Dix-huit personnes
ont été tuées vendredi soir dans le nord-est du Nigeria lors d'un raid imputé
aux djihadistes de Boko Haram, rapportent des témoins et responsables locaux.
Les assaillants,
armés de couteaux, ont attaqué à la faveur de l'obscurité la localité de Banki,
située à la frontière avec le Cameroun, à 130 km au sud-est de Maiduguri,
capitale de l'Etat de Borno, l'épicentre de l'insurrection lancée il y a neuf
ans par la secte islamiste. Banki abrite des milliers d'habitants déplacés par
le conflit. Le bilan de 18 morts a été fourni par le membre d'un groupe
d'autodéfense et confirmé par un chef local.
La fréquence des
attaques dans le nord-est du Nigeria s'est accrue ces derniers mois, alors que
l'armée nigériane affirme avoir quasiment maté l'insurrection. Au moins 172
personnes ont été tuées depuis le 1er juin, selon les calculs de Reuters, qui
ne tiennent pas compte du raid de vendredi. Les violences liées à Boko Haram
ont fait au moins 20.000 morts et provoqué une grave crise humanitaire.
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Bérénice Levet : «Qui arrêtera les grands épurateurs de
l'Histoire ? » (01.09.2017)
- Par Bérénice Levet
- Publié le 01/09/2017 à 18:42
FIGAROVOX/TRIBUNE - À la suite de la polémique sur la
statue déboulonnée du général Lee à Charlottesville, les demandes de réécriture
de l'Histoire se multiplient. Pour la philosophe, ces exigences trahissent une
démesure consistant à réécrire le passé avec nos grilles du présent.
Bérénice Levet est docteur en philosophie et professeur de philosophie au Centre Sèvres. Son dernier livre La théorie du genre ou le monde rêvé des anges, publié chez Grasset en novembre 2014, vient de sortir dans une version «Poche» chez Hachette avec une préface inédite de Michel Onfray.
28, se saisissant de la condamnation unanime par les médias français des
événements de Charlottesville déclenchés par la décision de la municipalité de
destituer la statue du ségrégationniste Général Lee, et la dénonciation non
moins unanime du racisme persistant des Américains, de l'attitude des
«suprémacistes blancs», le très prévisible président du Conseil Représentation
des Associations noires de France (Cran), Louis-Georges Tin, publiait
dans Libération une tribune intitulée «Vos héros sont parfois nos bourreaux»
- précisons que la nuance n'est pas de Tin lui-même ; pour lui, il n'y a pas de
«parfois»: «Vos héros sont nos bourreaux», écrit-il.
Dans cette tribune,
il somme le peuple français de procéder à son examen de conscience, de prendre
acte de sa propre complaisance envers «les négriers», et réclame des édiles une
vaste politique d'épuration urbaine: débaptiser les noms de rues, déboulonner
les statues et, parmi les cibles visées par le militant, un nom se détache,
nullement choisi au hasard tant la charge symbolique est forte, celui d'une des
grandes figures de l'histoire de France: le nom de Colbert. «Lequel des deux
pays est le plus problématique, feint de s'interroger Tin, celui où il y a un
conflit autour de la statue d'un général esclavagiste, ou celui où il y a
l'Assemblée nationale une statue de Colbert, une salle Colbert, une aile
Colbert au ministère de l'Économie, des lycées Colbert, des dizaines de rues ou
d'avenue Colbert sans qu'il y ait le moindre conflit, la moindre gêne, le
moindre embarras?»
S'attaquer aux statues est un geste hautement significatif.Une
ville est sédimentée historiquement et les statues sont les incarnations de ces
couches successives qui la composent
S'attaquer aux
statues est un geste hautement significatif. Souvenons-nous de l'Abbé Grégoire
et de sa grande croisade contre le vandalisme (mot qu'il forgea)
révolutionnaire, qu'il interprétait comme une volonté de «ramener le peuple à
l'ignorance en détruisant les monuments des arts». Une ville est sédimentée
historiquement et les statues sont les incarnations de ces couches successives
qui la composent. Une ville se raconte au travers de ses statues. Celles-ci
sont riches d'une double épaisseur temporelle: elles renvoient au siècle de la
personne statufiée - témoins d'un temps passé, elles sont les marqueurs de la
continuité historique d'une nation - mais aussi à l'époque où elles ont été
érigées. (Je renvoie sur cette question aux précieux travaux de Maurice
Agulhon).
Ces grands
démolisseurs ignorent les racines affectives de ces monuments. «Ces mois
derniers, racontait le philosophe Ortega y Gasset dans sa préface à la
Révolte des masses destinée aux lecteurs français, tout en traînant ma
solitude par les rues de Paris, je découvrais qu'en vérité je ne connaissais
personne dans la grande ville, personne sauf les statues (…) N'ayant personne à
qui parler, c'est avec elles que je m'entretins». Et chacun de nous fait au
moins l'expérience de ces itinéraires urbains jalonnés par la présence de ces
grands hommes, écrivains, monarques, révolutionnaires, qui ont fait la France.
Ces exigences de
réécriture de l'histoire se sont multipliées au cours de ces dernières années.
En décembre 2015, le Rijksmuseum d'Amsterdam s'engageait dans une vaste
opération intitulée «Ajustements au sujet des terminologies colonialistes».
Vingt-trois termes figurant sur les cartels des œuvres accrochées aux cimaises
du musée, pouvant être jugés «offensants» par les visiteurs, avaient été
retenus afin de leur trouver des substituts politiquement corrects: Maure,
nègre , esclave, sauvage, hottentot, nain, mahométan. La même année, un
Américain de trente-trois attaquait le Metropolitan Museum of Art de New York
en justice pour racisme. Il accusait l'institution muséale de n'exposer que des
œuvres figurant des Christs de type «arien», des Christs à la peau claire et aux
cheveux blonds, provoquant du même coup, chez lui «un sentiment de rejet».
Quatre toiles l'offensaient particulièrement, dont une du Tintoret et une autre
du Pérugin. Il en exigeait impérieusement le décrochage.
Cette année, en
Martinique, à l'occasion du 23 août, décrété par l'Unesco journée international
de la mémoire de l'esclavage et de son abolition, une manifestation à
l'initiative du MIR (Mouvement International pour les Réparations) a été
organisée afin d'obtenir la destitution de la statue de Joséphine de
Beauharnais, sur la place de la Savane. Les militants ont brûlé sur la statue
le drapeau aux serpents, emblème très controversé de la Martinique puisque ce
pavillon figurait à l'époque sur les navires négriers. D'autres manifestations
et revendications de cet ordre ont été récemment rappelées par Mathieu
Bock-Côté (Le Figaro, 30 août 2017). Il faudrait également regarder du côté des
féministes non moins résolues à reconfigurer l'espace public.
Politique de reconnaissance importée
Comment en
sommes-nous arrivés là? Plusieurs facteurs y ont contribué et se conjuguent.
Nous sommes la proie
d'une hydre à plusieurs têtes. Effets délétères partout dans le monde, mais
plus encore en France tant cet esprit est contraire à notre histoire. L'avènement
d'une mémoire pénitentielle et l'importation d'une idéologie et d'une politique
de reconnaissance des identités venue des pays anglo-saxons, l'exaltation du
droit à la différence avec la création de SOS Racisme par la gauche
mitterrandienne en 1984 ont eu raison de la conception française de la
République et de sa passion du monde commun.
Le retrait de la
nation, de l'histoire nationale comme principe d'identification a laissé le
champ libre à l'affirmation identitaire, aux revendications de chacune des
communautés et à l'émiettement du corps national. Un individu ne se satisfait
pas longtemps de demeurer sans identité, il se tourne alors vers les plus
avenants, les seuls offrants. Une identité de victime, autorisant la haine de
la France et de l'Occident, semble un joyeux écrin.
Le retrait de la nation, de l'histoire nationale comme
principe d'identification a laissé le champ libre à l'émiettement du corps
national.
Ces phénomènes
témoignent du rapport extrêmement épineux que nous entretenons avec le passé.
Nous ne savons plus comment l'appréhender. Le passé appelle des héritiers, car
il aspire à être continué, maintenu vivant et enrichi, or, il semble bien qu'il
doive se contenter de touristes ou de juges, qui sont souvent les mêmes.
L'hubris, la démesure d'un présent qui se voudrait entièrement fondateur, nous
domine. L'homme ne veut plus se concevoir comme un héritier, avec ce que cela
engage de responsabilité. L'histoire singulière dans laquelle nous entrons nous
est confiée et il nous appartient d'en répondre. «Naître, disait Marcel Hénaff,
c'est être en dette».
La passion
judiciaire nous habite et le passé ne nous apparaît plus que comme coupable de
part en part et indigne d'être continué. Nous sommes devenus inaccessibles à la
grandeur du passé, à sa noblesse, à sa puissance d'inspiration, à ses trésors.
Dans la novlangue des années 1960-1970, fabriquer des héritiers signifie ipso
facto se rendre coupable de collaboration en permettant à une
civilisation de se prolonger. La passion de la repentance, l'ivresse
pénitentielle, sur lesquelles tout a été écrit, nous habitent.
Incarcérés dans la prison du présent
Un point me semble
devoir cependant être ajouté, plus rarement souligné. Incarcérés dans la prison
du présent, nous sommes devenus incapables de nous extraire de nos catégories
de pensée et de jugement - sexisme, racisme, colonialisme, machisme,
dominants/dominés et nous revisiterons l'histoire avec pour seule pierre de
touche cette indigente grille de lecture. L'inconnu est ramené au connu, l'étrangeté
qui marque de son sceau des modalités de pensée et de vie venues d'autres rives
temporelles, reconduites à du familier.
Les programmes d'histoire et de littérature sont infestés
par l'idéologie contemporaine et l'élève appréhende le passé avec les lunettes
du présent.
Un mal redoutable
nous affecte: nous sommes devenus incapables de suspendre nos évidences, de
mettre entre parenthèses nos préjugés d'hommes démocratiques, égalitaristes.
Incapables, autrement dit, de «nous dépayser dans un sens autre» (Paul Ricoeur)
et d'atteindre à la complexité de réalités essentiellement distinctes des
nôtres - et le plus grave est que l'école elle-même ne se fait plus le lieu de
l'apprentissage de cette faculté, de cet art. Les programmes d'histoire et de
littérature sont infestés par l'idéologie contemporaine et l'élève appréhende
le passé avec les lunettes du présent, encouragé à distribuer les bons et
mauvais points.
Ainsi de Colbert,
cette immense figure de l'histoire de France, qui a permis à notre pays d'accéder
à une grandeur jusqu'alors inégalée, Louis-Georges Tin ne sait et ne veut
savoir qu'une chose: qu'il fut l' «auteur du code noir» - formule approximative
car si Colbert fut à l'initiative du code noir, il n'en fut pas le rédacteur,
mais ne demanderons pas à Tin de s'embarrasser de ce qui n'est assurément à ses
yeux qu'un détail - et le fondateur de la Compagnie des Indes Occidentales.
Qu'on ne nous accuse
pas de nier la réalité de l'esclavage et la rigueur de cette juridiction. Nous
n'ignorons nullement que le Code noir «en vigueur jusqu'en 1848, fut l'un des
outils de l'inhumanité du système esclavagiste. Il en demeure l'un des symboles»
(Olivier Grenouilleau) mais l'histoire de la France ne s'y réduit pas. Ce que
s'obstinent à nier les Tin et consorts pour qui la colonisation est l'essence
même de la France. Et dans cette intrigue des plus rudimentaires, les rôles
sont aisés à distribuer: nous sommes les bourreaux et eux, les victimes.
Il est évident que
l'établissement des faits, la connaissance historique n'intéressent pas ces
militants. L'objectif de ces carabiniers n'est pas le savoir, l'instruction,
mais la comparution: ils veulent une France à terre, une France qui batte sa
coulpe. La haine, le ressentiment - passion vile des hommes démocratiques,
disait Nietzsche - les dévorent.
L'objectif de ces carabiniers n'est pas le savoir,
l'instruction, mais la comparution : ils veulent une France à terre, une France
qui batte sa coulpe.
Lecture infantilisante de l'histoire
Cette lecture en
blanc et en noir de l'histoire pourrait être dénoncée comme de l'infantilisme,
ce qu'elle est assurément - l'adulte, l'homme qui a accédé à l'âge de la majorité,
l'homme éclairé est censé savoir que l'histoire est un tissu de complexités -
mais ce serait insuffisant car elle est d'une redoutable efficacité, elle
séduit et est diffusée, relayée par des esprits qui ont largement dépassé l'âge
infantile.
Nos élites
intellectuelles, culturelles, politiques en sont les grandes instigatrices.
Ainsi, mardi 28, dès 7h30, avant même de s'être rendu à son kiosque à journaux,
l'auditeur de la Matinale de France-inter savait, grâce à son animateur Nicolas
Demorand (éditorial accessible en ligne sur le site de la radio), qu'il était
ce jour-là un sermon à ne pas manquer et à gravement médité, publié dans le
quotidien Libération, la tribune de Louis-Georges Tin. «Examen de conscience
nécessaire, donc, de ce côté de l'Atlantique», concluait le journaliste sur un
ton solennel mais non moins enjoué, le ton de celui qui se sait appartenir au
camp du bien.
On aurait tort de traiter par le mépris, avec un
haussement d'épaules et un sourire au coin des lèvres, ces manifestations et
revendications.
C'est la raison pour
laquelle on aurait tort de traiter par le mépris, avec un haussement d'épaules
et un sourire au coin des lèvres, ces manifestations et revendications. Comment
ces grands épurateurs de notre histoire, de notre passé, ne trouveraient-ils
pas audience auprès de nos politiques hantés par l'idée d'être suspects de
complicité avec les «péchés», quand ce ne sont pas les «crimes», de la France
(colonialisme, sexisme etc.)? Imaginons un instant, Anne Hidalgo, lisant la
tribune de Tin: Comment l'exhortation à traquer la moindre trace des «négriers»
dont la ville perpétuerait le souvenir, et en conséquence, à débaptiser les
rues, les établissements scolaires, déboulonner les statues pécheresses, ne
trouverait-elle une oreille des plus bienveillantes auprès de la maire de Paris
engagée dans cette vaste opération d'ingénierie urbaine et sociétale,
éloquemment intitulée «Réinventer Paris» (entendre régénérer le peuple
parisien)? Une ville nettoyée de ces vieilleries au nom de la lutte contre le
racisme et l'esclavagisme…Que rêver de mieux!
Il nous faut être
extrêmement vigilants, car les revendications communautaristes sont un tonneau
des Danaïdes et nos élites font montrer d'une véritable soumission.
Cette focalisation
sur le passé offre l'avantage de se détourner de l'urgence du présent, de se
dispenser de juger ici et maintenant. Ainsi la France mérite-t-elle toute leur
haine, quand les terroristes islamistes à l'inverse, serinent-ils après chaque
nouvel attentat, ne l'auront pas.
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d'Autant en emporte le vent: jusqu'où ira la guerre culturelle aux
Etats-Unis?
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France fait un pas de plus vers le politiquement correct à l'américaine»
Italie: 27.000 camionnettes contrôlées après les
attentats de Catalogne (02.09.2017)
- Par Lefigaro.fr avec AFP
- Mis à jour le 02/09/2017 à 18:01
- Publié le 02/09/2017 à 17:45
Quelque 27.000
camionnettes ont été contrôlées en Italie entre les 28 et 30 août au cours
d'une vaste opération antiterroriste mise en place après les attentats commis en Catalogne
avec des véhicules-béliers. Durant trois jours, la police a contrôlé
27.043 camionnettes et 32.600 personnes. Elle a procédé à 24 arrestations, la
plupart pour des délits liés à la drogue, le reste concernant des faits
mineurs.
Contrairement à
d'autres pays européens comme la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou la
Suède, l'Italie n'a pas été frappée sur son sol par les attentats islamistes,
mais le pays multiplie les mesures de prévention.
Calais : heurts entre migrants et policiers (02.09.2017)
- Mis à jour le 02/09/2017 à 20:51
- Publié le 02/09/2017 à 20:46
Une cinquantaine de
migrants ont profité samedi d'embouteillages formés sur la rocade portuaire de
Calais pour tenter de monter dans des camions, nécessitant une intervention de
la police qui les a dispersés.
"Nos collègues
britanniques n'avaient activé de leur côté que neuf files sur 14 pour ce
weekend où l'on attendait 9000 véhicules à Eurotunnel et 7500 au port", a
expliqué le sous-préfet de permanence, Jean-Philippe Vennin. A partir de 16H30,
"une cinquantaine de migrants ont profité de ce bouchon pour monter dans
certains camions", parfois avec succès.
Le trafic a été
perturbé et les autorités ont décidé de couper temporairement la rocade
portuaire, détournant la circulation sur un autre axe passant par la ville. Les
CRS sont intervenus "dans un jeu du chat et de la souris" et ont usé
de gaz lacrymogènes pour disperser les migrants. Trois policiers ont été
blessés par des jets de pierre. Ceux qui avaient réussi à grimper dans des
poids-lourds en ont été chassés par les fonctionnaires grâce au signalement
d'automobilistes.
Selon le
sous-préfet, ces tentatives pour aller en Angleterre sont redevenues
"habituelles" les jours de gros trafic. Elles étaient fréquentes
avant le démantèlement de la "Jungle" en octobre 2016. Trois barrages
posés sur l'A16 et la rocade pour arrêter les camions ont été démantelés dans
la nuit de vendredi à samedi, a dit la source syndicale.
Islamisme à l'école: après l'énième constat des
territoires perdus, à quand la reconquête? (01.09.2017)
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2017/09/01/31003-20170901ARTFIG00243-islamisme-a-l-ecole-apres-l-enieme-constat-a-quand-la-reconquete-des-territoires-perdus.php
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2017/09/01/31003-20170901ARTFIG00243-islamisme-a-l-ecole-apres-l-enieme-constat-a-quand-la-reconquete-des-territoires-perdus.php
- Par Barbara
Lefebvre
- Mis
à jour le 01/09/2017 à 18:58
- Publié le
01/09/2017 à 18:23
FIGAROVOX/TRIBUNE - Principal de collège ou imam
de la République? de Bernard Ravet est une autre preuve du recul de la
République. Selon l'enseignante Barbara Lefevbre, le silence et la faiblesse de
l'Education Nationale expliquent ce phénomène nullement récent.
Le témoignage du principal de collège Bernard Ravet a fait,
il y a quelques jours, son petit effet dans certains médias qui ont semblé
découvrir qu'il existât «des territoires perdus de la République». Un peu comme
en janvier 2015 lorsque ces mêmes médias et l'opinion réalisèrent brutalement
que la France abritait un foyer ardent de violence sanguinaire, nourri par une
vision totalitaire de l'islam. Depuis que les autruches ont été contraintes de
sortir la tête du sable, nous sommes soumis à leur lancinant lamento fait de
«mais pourquoi nous?» et autres «comment en sommes nous arrivés là?» en passant
par l'autodénigrement occidental systématique et son corollaire la
victimisation du bourreau, soit par des arguments socioéconomiques ou plus
récemment psychopathologiques, afin de mieux oublier l'effarement qui saisit
les autruches devant le sort réservé aux innocentes victimes dans leurs rangs.
Tout cela comme si rien n'avait été dit ou écrit depuis plus de deux décennies
sur le sujet. Sur la menace que faisait peser l'islam politique, et le
communautarisme qui lui sert de paravent pour développer sa clientèle et que
nos dirigeants nationaux et locaux ont laissé se développer au nom du respect
des différences, du multiculturalisme qui vire aujourd'hui au racialisme avec
des colloques ouverts en fonction du taux de mélamine des participants.
Nous avions tout dit de l'absence de réaction de
l'institution, de sa volonté d'étouffer nombre d'affaires « délicates ».
Le témoignage de Bernard Ravet est précieux et intéressant,
toutefois le devoir de réserve invoqué pour ne pas avoir livré ce récit avant
la retraite me paraît quelque peu surfait. Nous qui avons témoigné dès 2002
dans l'ouvrage Les territoires perdus de la République, n'avons en
rien dérogé aux règles de discrétion imposées aux fonctionnaires en alertant
sur les dérives institutionnelles observées et les menaces que l'islam
politique représentait au sein de l'école. Son intrusion se manifestant par le
port du hijab, des requêtes à caractère religieux insistantes pour
l'alimentation, les contenus d'enseignement, le calendrier scolaire. Pour les
trois auteurs qui ont témoigné sous leur nom en 2002, nous n'avons souffert
d'aucune sanction, ni rétorsion de notre administration. Nous avions tout dit
de l'absence de réaction de l'institution, de sa volonté d'étouffer nombre
d'affaires «délicates». Qu'il s'agisse d'élève juif devant être changé en
urgence d'établissement en cours d'année en raison des violences graves qu'il
subissait, des filles de culture musulmane se plaignant en vain d'être
harcelées verbalement et physiquement par des camarades autoproclamés agents du
vice et de la vertu, d'élèves traqués parce qu'ils ne faisaient pas Ramadan
auxquels la direction conseillait d'aller manger chez eux plutôt que garantir
leur sécurité. À l'instar du surveillant fiché S dont Bernard Ravet dénonce
l'activisme, j'ai moi-même raconté dans Les territoires perdus de la
République comment deux surveillants diffusaient leur propagande
islamiste au sein de mon collège dans les Hauts-de-Seine, tant auprès des
élèves que de leurs collègues, l'un d'eux se servant de notre local
d'histoire-géo pour prier. Nous étions au début des années 2000. J'ai raconté
ces élèves contestant les cours, sans parler de l'antisémitisme violent qui
régnait dans des établissements où plus aucun élève de confession juive n'était
scolarisé. Rien de neuf sous le soleil. Hélas.
On l'a vu après les attentats de janvier 2015, la situation
n'a fait qu'empirer, en sourdine. Malgré les mesures prises par le ministère en
2003 sous Luc Ferry et Xavier Darcos. Malgré le rapport Obin de 2004, longtemps
gardé dans les tiroirs du ministre Fillon peu intéressé à cette époque par ces
questions, qui avait démontré que les témoignages dérangeants des Territoires
perdus de la Républiquen'avaient rien d'anecdotiques comme le prétendent
encore aujourd'hui, en professionnels du déni du réel, ces idéologues qui
traquent les «paniques identitaires».
Le rapport Obin de 2004 avait démontré que les
témoignages dérangeants des Territoires perdus de la République n'avaient rien
d'anecdotiques.
Je me permets de conseiller la lecture du rapport Obin aux
journalistes qui découvrent, stupéfaits, le témoignage de Bernard Ravet. Depuis
que cette situation délétère a été exposée et dénoncée, l'Education nationale a
continué de travailler seule, à ne pas partager ses informations, ses constats,
sur l'évolution tragique du tissu social et culturel français. Nous l'avions
dit. Ils étaient dans nos classes dans les années 1990 et 2000 les Merah,
Fofana, Coulibaly et tous les «déséquilibrés» venus à leur suite. Quand j'entends
à présent les médias psychiatriser les terroristes islamistes, je reconnais
bien là le réflexe de l'homo-struthio, une nouvelle espèce d'hominidés
descendant de la famille des Struthionidés, trivialement appelés autruches. A
croire que nous scolarisions des cohortes d'élèves atteints de maladies
psychiques sans le savoir. La décompensation psychotique est pourtant un
phénomène rarement discret! J'ai vu en effet quelques élèves au profil
agressif, à l'éducation familiale déstructurée violente à leur égard, qui
mélangeaient dans un délire évident la religion et la haine, mais ils furent
incontestablement moins nombreux que ceux qui articulaient tout cela de façon
absolument raisonnée, alimentée par des idéologues extérieurs à l'école, et
nourrissant une haine antijuive singulièrement obsessionnelle. Ces élèves sont
toujours dans nos classes.
A l'école de la République depuis trois décennies au moins,
on a su très bien s'y prendre pour déraciner les savoirs et la culture, pas la
haine. Elle a continué à croître en s'alimentant de tout ce qui était
timidement mis en œuvre pour la contrer, mesures que les idéologues de l'islam
politique et leurs idiots utiles taxèrent de racisme et autre «… phobie». On
peut au moins se satisfaire de la loi de 2004. D'innombrables jeunes filles ont
échappé à la main mise psychologique et physique de l'islam politique par
l'interdiction du port de signes religieux à l'Ecole. La loi, puisqu'il fallut
en arriver là en raison de l'inertie du ministre Jospin en 1989, aura permis
d'éviter la propagation généralisée du sexisme islamique incarné par le hijab
et aura ainsi limité la visibilité de l'islam wahhabite au moins dans l'espace
scolaire. Car c'est bien de cela qu'il s'agit: marquer le corps de la fille
d'un signe discriminatoire pour lui indiquer sa place, son rôle, la soustraire
aux yeux de tous en lui faisant croire que cet effacement la glorifie et
qu'elle l'a choisi. Relisons le Discours de la servitude
volontaire d'Etienne de la Boétie datant de 1548.
On ne le dira jamais assez : la vraie grande muette,
c'est l'Education nationale.
On ne le dira jamais assez: la vraie grande muette, c'est
l'Education nationale. Demandez ce qu'il en est aux autres ministères ou
collectivités territoriales, jusqu'aux préfectures, qui doivent travailler en
partenariat avec les rectorats ou le ministère. Aucune transmission
d'information, aucune volonté de partenariat suivi. Et quand l'Education
nationale ne peut s'y soustraire, c'est bien souvent une seule réponse: «chez
nous, pas de problème». La fameux «pas de vague». Je l'ai constaté lorsque j'ai
été chargée de mission au Haut Conseil à l'Intégration pendant trois ans. Et le
rapport sur «les défis de l'intégration à l'école» publié en janvier 2011 avait
demandé à mes collègues bien du travail pour réussir à établir un état des
lieux. Les 50 propositions de ce rapport ne furent suivies d'aucune mesure,
pour cause avec l'élection de François Hollande en mai 2012, le HCI fut
dissous, les problèmes qu'il soulevait avaient disparu par magie, aspirés par
le rêve de la «grande nation pour une société inclusive» promu par le rapport
Tuot. Nous voyons où nous en sommes.
Que de temps perdu. Que de beaux principes invoqués en vain
et instrumentalisés pour endormir les masses à qui l'on demande de «s'habituer»
à la barbarie, à la haine, sauf à y répondre à coup de peluches! Que de salive
et d'encre usées pour si peu de mesures concrètes, de résultats! La peur n'a
toujours pas changé de camp. L'école est pourtant bien le seul lieu qui nous
reste pour retisser le lien social. Ce lieu d'adhésion affective et raisonnée à
l'identité commune dont le manque brise le cœur de tant et tant de Français.
L'école est un si vaste chantier qu'on ne sait par où commencer: dévasté par le
pédagogisme, le relativisme culturel, le consumérisme scolaire, le
communautarisme. Pourtant, nous n'avons plus le choix. Les constats sont posés
depuis vingt ans. L'école de la République doit être reconquise. Ni avec des
peluches ou des minutes de silence. Nous l'avons encore montré par de nombreux
témoignages dans Une France soumise, il existe une majorité de gens
dans ce pays qui ne se résignent pas. On peut reconquérir l'Ecole, avec de
l'audace et du courage, comme les Français en sont capables quand le moment du
sursaut est venu, quand plus aucune autre alternative ne s'offre. Sinon la
disparition de ce que nous sommes.
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