J.-M. Blanquer:
« Beaucoup de choses contre-productives ont été entreprises au nom de
l’égalité »
- 8 septembre 2017
11:00
La journaliste Natacha Polony et
le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer. Photos: Hannah
Assouline
Pour sa première rentrée, nous
avons voulu confronter Jean-Michel Blanquer à l’une des observatrices les plus
pertinentes de l’école et du monde enseignant. Apprentissage de la lecture,
autonomie des établissements, restauration de l’autorité des profs, le ministre
et la journaliste sont loin d’être d’accord sur tout, mais partagent un même
constat: l’école est délabrée, et ce n’est pas en perpétuant les errements
égalitaristes du passé qu’on la reconstruira.
Si on en juge au bruit
médiatique, c’est au collège que se manifestent les plus grandes difficultés.
Ne faudrait-il pas revenir sur le collège unique ?
<p « >N. P.:
Non, ce n’est pas le plus urgent ! Le vrai maillon faible, c’est le
primaire, parce que quand on a 25 % des élèves qui entrent en sixième en
grande difficulté, le collège n’est qu’une conséquence. Le collège unique n’est
pas la cause de nos problèmes, car la massification du primaire a précédé son
instauration, en 1975. Le problème, c’est que l’effondrement des méthodes
d’apprentissage au primaire, au moment même où on organisait la massification,
a fait s’effondrer le niveau de tous les élèves.
J.-M. B. : Évidemment,
ce sont les premières années qui sont absolument décisives, y compris,
d’ailleurs, les années qui précèdent l’école. On le sait grâce aux sciences
cognitives, l’école maternelle, le CP et le CE1 sont très importants. Si vous
n’avez pas appris vos tables de multiplication à l’école élémentaire, vous ne
posséderez jamais réellement les automatismes qui vous permettraient d’avancer
sur d’autres questions mathématiques.
Il y a un terme qui résume
peut-être le virage pédagogique que vous appelez l’un et l’autre de vos vœux
– même si vous n’en avez pas strictement la même conception –, c’est
« autorité ». Or, c’est d’abord la restauration de celle-ci que
demandent de nombreux parents. Curieusement vous n’avez pas prononcé ce
mot.
J.-M. B. : Je
l’ai fait, et longuement, ce matin même, devant les recteurs ! La notion
d’autorité est fondamentale. D’un point de vue pédagogique, l’autorité du
professeur est liée à son savoir. Elle n’est en rien synonyme d’un bâton pour
taper, mais est, au contraire, le signal d’une volonté d’élever les enfants
vers l’âge adulte. L’autorité doit donc d’abord être la conséquence naturelle
d’une passion du savoir, des personnes comme des institutions. Par ailleurs, il
faut aussi rétablir l’autorité au regard du comportement des élèves. Cela ne se
fera pas en un jour, mais des grands principes sont déjà affirmés. J’ai évoqué
cette question devant des chefs d’établissement de l’académie d’Orléans-Tours en
leur disant : « Dans certains établissements, on ne fait pas
de conseils de discipline parce qu’on pense qu’un faible nombre de conseils de
discipline sera un indicateur de bonne santé de l’établissement. Mais nous
savons très bien que c’est faux ! Il ne faut pas agir sur le thermomètre,
mais sur la réalité. Vous ne serez pas jugés positivement ou négativement par
le nombre de conseils de discipline. Il faut aller en conseil de discipline
chaque fois qu’un fait le mérite. » Ma philosophie est claire sur
ce point : la force doit toujours être du côté du droit, le monde des
adultes doit être soudé vis-à-vis des enfants et des adolescents. Il est vrai
que nous avons à reprendre la pelote assez loin, mais cela a commencé de façon
parfaitement claire.
N. P. : Je
souscris totalement à votre propos liminaire, à savoir que l’autorité du
professeur découle de son savoir. Ce qui nécessite de porter une attention
immense à la formation des professeurs, parce que c’est seulement par leur
savoir qu’ils pourront en imposer aux élèves et, comme vous le dîtes, les tirer
vers le haut. Mais à ce stade, il nous faut revenir aux missions de l’école.
Qu’attendons-nous d’elle ? Et à quoi cela sert-il qu’il y ait des
professeurs ? Pendant des années, on a laissé se développer l’idée
que l’école était là d’abord pour répondre à la demande des parents et de la
société d’une future insertion professionnelle et, ensuite, pour permettre à
des jeunes gens de s’épanouir et de développer leur être. C’est une erreur
fondamentale qui vide de sa substance le rôle du professeur. Rappelons que dans
l’école républicaine, le professeur est là pour transmettre des savoirs
considérés comme universels et qui vont émanciper les élèves, c’est-à-dire
fabriquer des hommes libres. C’est cela le projet de l’école républicaine,
fabriquer des hommes libres, des citoyens capables d’exercer leur rôle sans
être aliénés par leur absence de savoir.
Nous devons avoir une unité
nationale par l’école (Jean-Michel Blanquer)
Jean-Michel Blanquer, Natacha
Polony amène cette question fondamentale : ne faut-il pas choisir entre la
transmission des humanités et la formation des futurs salariés – sachant
que, pour le moment, on échoue sur les deux fronts ?
J.-M. B. : Je
suis d’accord avec la fin du raisonnement de Natacha Polony, mais pas forcément
avec toutes ses prémisses. En effet, l’école doit permettre de former des
hommes et des femmes libres grâce à l’éducation. C’est presque une définition
de l’être humain, parce que celui-ci évolue en tant qu’être humain grâce à l’éducation,
par l’interaction avec les autres, et cette éducation, effectivement, l’amène
vers la liberté. Définir l’éducation comme un chemin vers la liberté, non la
liberté consumériste, mais la liberté construite, pensée, est un enjeu
pédagogique essentiel. Cela dit, l’école doit aussi être attentive au fait que
tous les êtres humains sont différents et que, a fortiori
au xxie siècle, on doit se garder de toute logique d’uniformisation.
Car l’uniformisation des approches ne marche pas et aggrave même les inégalités
que nous constatons aujourd’hui. Voilà pourquoi, dans ce cadre républicain
consistant à mener vers la liberté, je suis convaincu que nous devons
personnaliser les parcours. Certains parcours vont être particulièrement longs
et mener à des études générales ; d’autres, plus courts, mèneront à
l’enseignement professionnel. Il serait absurde, s’agissant de l’enseignement
professionnel, de considérer qu’il doit être déconnecté de la vie
économique ! Au contraire, je compte bien renforcer les liens entre ces
deux mondes. D’une manière plus globale, je ne place ni muraille ni toboggan
entre l’école et le monde extérieur, mais des articulations.
Ce qui nous amène à
l’autonomie des établissements à laquelle, monsieur le ministre, vous êtes
favorable. Natacha Polony, cet encouragement donné au terrain vous semble-t-il
de nature à lutter contre les maux que nous avons évoqués ?
N. P. : L’autonomie
est un très beau mot quand il désigne le projet de donner aux individus et à la
société la possibilité de déployer leurs potentialités. Qu’il faille retrouver
une dynamique qui naît souvent de la confiance laissée aux acteurs (pour peu
qu’ils soient correctement formés), pourquoi pas. Mais l’autonomie, dans l’état
actuel de la formation des chefs d’établissement, principalement gestionnaires
et adeptes des lubies pédagogiques flatteuses qui permettent d’organiser des
belles expositions de « photos-reportages sur le développement
durable », peut être ravageuse. Le bon professeur n’est pas celui qui « travaille
en équipe » et qui monte des « projets ». Le but actuel de
l’autonomie est essentiellement d’économiser des heures de cours en rognant sur
les horaires consacrés à l’apprentissage strict des disciplines. C’était la
logique de la réforme du lycée de Darcos et de Chatel, c’était la logique de la
réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem. Droite et gauche s’entendent très
bien là-dessus.
J-M B. : Vous
caricaturez un peu et pratiquez le soupçon. L’autonomie, c’est la liberté. Et
la liberté, c’est la République. Nous devons avoir une unité nationale par
l’école. Mais cela ne passe pas par l’uniformisation de chaque aspect de
l’école. Cela passe par une ambition éducative qui tire tout le monde vers le
haut. Et pour cela, il faut de la différenciation et une capacité de soutien
adaptée à chaque cas. On ne doit pas avoir peur de l’autonomie. Mais c’est vrai
que l’on doit la concevoir de façon à ce qu’il n’y ait ni anarchie ni
creusement des inégalités. Je suis convaincu que l’on peut aller vers l’égalité
par la liberté.
Il ne faut ni le
« tout numérique » ni le « zéro numérique » (Jean-Michel
Blanquer)
Concrètement, comment
articuler l’école avec le marché du travail sans renoncer à la transmission des
humanités ?
J-M. B : Jusqu’à
l’âge de la fin du collège, je considère justement que ce qui doit être
transmis, ce sont les « humanités », entendues dans un sens
large et éventuellement renouvelées, parce que ce sont à la fois les humanités
au sens classique – auxquelles je tiens énormément –, mais aussi les
« humanités numériques ». Savoir comment un monde de plus en plus
technologique peut rester un monde humain est la question majeure de notre
temps. Nous devons y répondre par un jeu d’équilibre entre, d’une part, les
enjeux d’enracinement, de transmission des savoirs, des humanités classiques
et, d’autre part, les enjeux d’adaptation, de compréhension de notre époque et
de maîtrise des technologies, de façon à les utiliser dans un sens positif.
N. P.: L’ennui, c’est
que ces humanités auxquelles vous vous dites attaché sont aujourd’hui
instrumentalisées au service d’une évaluation des « compétences » des
élèves. Si l’on considère que les savoirs valent par eux-mêmes, parce qu’ils
libèrent l’homme, alors on a forcément un problème avec l’importation de la
notion de « compétence » dans l’éducation. Quand vous disiez tout à
l’heure que notre école était trop franco-française, ce n’est pas vrai, elle
est en train de s’adapter à ce modèle international profondément
utilitariste !
J.-M. B. : J’ai
dit que les débats étaient très franco-français, pas l’école !
N. P. : Justement,
il y a une doxa mondiale profondément utilitariste qui instrumentalise les
savoirs afin d’en faire un outil permettant à chaque individu de développer son
capital de « compétences ». C’est ce qui rend d’ailleurs complètement
inopérante la transmission des savoirs, lesquels ne sont plus enseignés pour
eux-mêmes. La question de la technologie vient ensuite se greffer dessus :
puisqu’on a des visées purement utilitaristes, on éprouve le besoin de
s’adapter totalement à la supposée modernité. On fait donc entrer les
technologies modernes dans l’école à grands coups de subventions étatiques ou
régionales – chacun voulant des tablettes pour ses collégiens –, au
lieu de donner aux élèves la capacité, par les savoirs, d’ensuite utiliser ses
outils. Il suffit de lire les dernières enquêtes Pisa sur l’usage des
technologies pour s’apercevoir que les pays qui sont les plus performants dans
ce classement sont justement ceux où les élèves utilisent le moins
internet et les ordinateurs, aussi bien à l’école que chez eux !
J.-M. B : Sur
la question du numérique, le mot-clé est « discernement ». Il ne faut
ni le « tout numérique » ni le « zéro numérique ». Je
distingue les âges de la vie. Comme vous l’avez écrit, de zéro à sept ans, les
écrans peuvent être tout à fait nocifs. Cependant, faut-il ignorer les
révolutions majeures qui se produisent sous nos yeux, notamment dans les
domaines de la robotique et de l’intelligence artificielle ? Aujourd’hui,
des robots interviennent devant des enfants autistes et jouent un rôle-clé pour
le développement de leur sociabilité. Donc, on doit bien se garder, au nom
d’une pensée républicaine, qui est la mienne, de basculer dans une pensée
antimoderne, qui exclurait le numérique au nom des dangers bien réels qu’il
recèle.
N’y a-t-il pas, tout de même,
au sein de l’Éducation nationale une fétichisation du numérique et des
écrans ?
N. P. : Qui
coûte très cher et qui permet d’enrichir les Gafa ! D’autant que
l’Éducation nationale vient de faire entrer le loup dans la bergerie en
autorisant les outils proposés par Apple et Google, qui vont tuer les acteurs
français du numérique scolaire et dont le but est à la fois de récolter des
données et de se préparer un vivier de futurs consommateurs. Déjà, Najat
Vallaud-Belkacem avait consenti un contrat de 11 millions d’euros à
Microsoft…
J.-M. B. : Vous
avez largement raison, mais ce n’est pas une fatalité ! Il serait absurde
que cela nous amène à ne pas avoir de politique numérique à l’école. La liberté
dont vous parlez se conquiert progressivement, aussi ce qui se passe à l’école
primaire doit-il être différent de ce qui se passe au collège et au lycée. Le
numérique doit jouer un rôle important dans le secondaire, mais un rôle pensé,
construit ; ne serait-ce que pour que nos élèves soient outillés pour la
civilisation numérique dans laquelle nous entrons.
Le désastre est réversible.
Mais il faudra du temps. (Natacha Polony)
Le chaos créé par le logiciel
Admission post-bac (APB), qui a laissé des milliers de bacheliers sans
affectation à l’université, a surtout été commenté sur le plan technique. Au
fond, ce bug a révélé l’hypocrisie d’un système qui prétend que 90 % d’une
classe d’âge peut entrer à l’université : les bonnes formations étant
sélectives, ne faut-il pas enfin instaurer une sélection à l’entrée de
l’université ?
N. P. : Il faut
acter la mort du baccalauréat telle qu’il existait quand il sélectionnait et en
faire un diplôme de fin d’études qui ne donne donc plus droit à l’entrée dans
n’importe quelle filière. Cela laisserait aux universités le soin de
sélectionner leurs élèves en fonction de prérequis, en définissant ce qu’il
faut savoir quand on entre dans telle ou telle formation.
J.-M. B. : Sans
aller jusque-là, nous allons lancer une réforme du baccalauréat qui portera
pleinement ses effets en juin 2021 et dont l’état d’esprit est de remuscler ce
diplôme, de lui redonner son plein sens, notamment en réduisant le nombre de
matières à l’écrit, celles-ci étant plus approfondies par les élèves.
Ce qui signifie qu’on
reviendra à des taux de réussite plus modestes ?
J.-M. B. : En
tout cas, la sincérité de la correction caractérisera les temps futurs. L’objectif
est que les élèves soient le mieux préparés possible pour la nouvelle forme de
cet examen.
Le rôle de l’école, vous
l’avez dit, n’est pas seulement de transmettre des savoirs, mais de les
transmettre à tous, ou en tout cas de donner à tous les moyens de les acquérir.
Comment accomplir cette promesse d’égalité sans sombrer dans l’égalitarisme que
vous dénoncez l’un et l’autre et qui a – vous l’avez souligné –
produit encore plus d’inégalités ?
J.-M. B. : Nous
sommes dans cette situation d’inégalité, car beaucoup de choses
contre-productives ont été entreprises au nom de l’égalité. Nous devons avoir
confiance dans la capacité de tout enfant à progresser grâce à l’éducation.
Mais si nous voulons que les enfants issus des milieux défavorisés puissent
développer leur excellence sans discrimination, il est indispensable d’avoir de
l’ambition pour eux. Or, trop souvent, une fausse bienveillance a conduit à
tirer le système vers le bas, pour ne pas les discriminer.
N. P. : J’ai le
souvenir d’une discussion avec l’ancien patron de la FSU, Gérard Aschieri.
Alors que je critiquais l’uniformisation des parcours scolaires et le tabou du
redoublement, il me fit cette réponse : « Vous avez une
conception individuelle de la réussite, nous, nous avons une conception
collective. » Or, il me semble que l’individu et la société
doivent être pensés en même temps. On s’est imaginé qu’il ne fallait surtout
pas valoriser l’excellence et la volonté individuelle de s’en sortir des
enfants, c’était une grave erreur. On a fait prévaloir pendant des années le
dogme de l’hétérogénéité des classes : il fallait mélanger les élèves de
niveaux différents pour tirer vers le haut les élèves en difficulté. Or, ce qui
est valable quand les différences de niveau sont minimes ne l’est plus quand
certains élèves de collège ou de lycée sont à la limite de l’illettrisme. Ce
faisant, on a fait fuir de certains établissements les classes moyennes, dont
les parents pensaient que leurs enfants seraient dans de mauvaises conditions
pour apprendre. Et l’on a sacrifié les meilleurs élèves de milieux défavorisés
en les condamnant à rester dans des classes où il devenait impossible
d’apprendre. La seule solution, ce sont des classes de niveau, ou du moins des
filières d’excellence dans chaque établissement. Certains, comme l’ancienne
ministre, s’imaginent que cela ne profitera qu’aux riches. Comme s’il était
impensable qu’un pauvre puisse réussir dans une filière d’excellence. Ils
confondent mixité sociale et mixité scolaire, et croient qu’il faut mélanger
les niveaux scolaires pour mélanger les classes sociales. C’est au contraire en
valorisant l’excellence, le dépassement de soi chez tous les élèves qu’on
maintiendra les classes moyennes dans le public et qu’on permettra aux
meilleurs des milieux défavorisés d’être tirés vers le haut.
Ne traitons pas les enfants comme
des demeurés qui seraient traumatisés par la moindre mauvaise note. Au
contraire, il faut leur montrer qu’il y a des difficultés et, du coup, les
valoriser quand ils ont travaillé. La plupart aspirent à cette émulation, car
la dignité humaine passe par la fierté d’être allé au bout de soi-même.
Donc, le désastre est
réversible ?
J.-M. B. : Bien
sûr !
N. P. : Oui,
sans doute. Mais il faudra du temps. Et beaucoup de détermination.
N. Polony: « Aujourd’hui,
un enfant de pauvre n’a aucune chance de réussir à l’école » (07.09.2017)
Jean-Michel Blanquer et Natacha Polony débattent sur l'Ecole (1/2)
par
- 7 septembre 2017 11:00
Le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, et la
journaliste Natacha Polony. Photo: Hannah Assouline
Pour sa première rentrée, nous
avons voulu confronter Jean-Michel Blanquer à l’une des observatrices les plus
pertinentes de l’école et du monde enseignant. Apprentissage de la lecture,
autonomie des établissements, restauration de l’autorité des profs, le ministre
et la journaliste sont loin d’être d’accord sur tout, mais partagent un même
constat: l’école est délabrée, et ce n’est pas en perpétuant les errements
égalitaristes du passé qu’on la reconstruira.
Causeur : Natacha
Polony, Jean-Michel Blanquer jouit d’un préjugé favorable dans les milieux que
l’on disait autrefois « républicains » et que l’on qualifie
aujourd’hui, pour les décrier, de « réacs ». Partagez-vous ce préjugé
globalement favorable à l’égard du nouveau ministre ?
Natacha Polony : Jean-Michel Blanquer, par-delà les
divergences que nous pouvons avoir, a de mon point de vue l’immense mérite
d’avoir, tout au long de sa carrière, mis en avant la question des méthodes
d’enseignement, qui est absolument cruciale. Monsieur le ministre, vous faites
partie des rares qui comprennent l’enjeu que constituent les techniques
d’apprentissage de la lecture et des mathématiques, ce qui explique que votre
nomination ait ravi une bonne part des gens qui s’y intéressent depuis des
années.
La première mission de
l’école est de transmettre des savoirs et des valeurs (J.-M. Blanquer)
Il faut lever une confusion
sémantique. Dans la querelle de l’école, les adversaires des républicains ont
été baptisés « pédagogistes » (ou « pédagos »), ce qui
donne l’impression que les uns veulent s’occuper des savoirs et les autres des
méthodes.
N. P. : Une partie du problème de l’école tient
précisément au fait que le mot « pédagogie » a été préempté par les
tenants d’une certaine ligne
pédagogique, qui ont réussi à faire croire que tous les autres se
fichaient complètement de la façon de faire passer les savoirs. Or, en
particulier, à l’école primaire, enseigner est un métier qui relève de
savoir-faire extrêmement complexes qui sont aujourd’hui totalement détruits. Et
l’un des chantiers essentiels sera la reconstruction du métier d’instituteur.
Monsieur le ministre, pour
l’électorat conservateur, qui craint que le progressisme macronien soit une
liquidation, vous représentez une lueur d’espoir. En êtes-vous conscient et
avez-vous des assurances quant au soutien du président ?
Jean-Michel Blanquer : Si j’espère mériter le compliment que
me fait Natacha Polony, je ne me situe pas dans une logique de séduction d’une
famille politique particulière. Du reste, la définition des familles et des
clivages est aujourd’hui piégée. Vous reconnaîtrez que le clivage entre
« républicains » et « pédagos » que vous décrivez est un
peu manichéen et qu’il ne rend pas compte de toutes les discussions liées à la
pédagogie, sujet fort complexe. De ce point de vue, l’élection d’Emmanuel
Macron a le grand mérite de renouveler notre approche des frontières du débat
public et des clivages politiques, y compris en matière éducative. Il y a aussi
un trait de sa personnalité qui devrait vous séduire : c’est un
intellectuel, un homme politique qui a réellement une pensée charpentée. Je me
sens extrêmement à l’aise avec cette double dimension. Pour moi, l’école est
consubstantielle à la République. Sa première mission est de transmettre des
savoirs et des valeurs. Cela doit unir et non diviser.
Nous avons désormais le
système le plus inégalitaire de l’OCDE (N. Polony)
Tout de même, il y a bien, sur
l’école, deux points de vue parfaitement antagonistes. D’un côté, ceux que
Renaud Camus appelait les « niveaumontistes » et qui, s’ils ne
défendent tout de même plus l’idée que le niveau monte, s’efforcent de
camoufler la maladie en truquant les thermomètres ; de l’autre ceux qui
pensent (on est tenté de dire « qui voient ») que l’école
républicaine est en faillite et que tout est à reconstruire. Allez-vous faire
une révolution Rue de Grenelle ?
J.-M. B. : Mon but n’est pas de révolutionner
l’école, mais plutôt d’opérer un changement de méthode afin de la faire évoluer
vers plus de réussite. Et ce n’est pas qu’une question de loi. En effet, le
problème du système français, je l’ai souvent constaté, est de s’intéresser aux
dispositifs, aux tuyaux, aux techniques ; et pas nécessairement aux
contenus, au substantiel. C’est typiquement le cas de la formation des
professeurs. On a imaginé depuis la création des IUFM (aujourd’hui les Espé)
des structures qui sont tout à fait pertinentes dans leurs grands
principes ; car il faut en effet former des professeurs, parce que c’est
un métier nécessitant des concepts théoriques et, comme l’a souligné Natacha
Polony, un savoir-faire pratique. Mais on s’est peu soucié de ce qui s’y
passait vraiment, sans éclairer tout cela par la science, alors même que
l’Éducation nationale est l’institution du savoir par excellence. Elle devrait
rechercher l’excellence pratique, c’est-à-dire ce qui marche bien sur le
terrain !
Avant de discuter des
solutions, il faut s’accorder sur la réalité, donc s’attaquer à la difficile
question du niveau. C’est une chose de sentir que « le niveau baisse »,
une autre de le démontrer. Alors, a-t-on raison de parler de désastre ?
N. P. : On peut résumer ce constat par une
vérité mise en avant par les enquêtes Pisa : nous avons désormais le
système le plus
inégalitaire de l’OCDE, ce qui n’était pas vrai autrefois.
Aujourd’hui, un enfant de pauvre n’a aucune chance de réussir à l’école. Ce
constat-là, tous les politiques devraient se le répéter le matin et se demander
le soir ce qu’ils ont fait pour y remédier ! Quant au niveau, pendant des
années, on nous a expliqué que le niveau montait – tant et si bien qu’on
n’avait pas le droit de le nier. Il y avait même des chiffres du ministère qui
prétendaient le prouver ! En admettant que l’on s’accorde sur le fait
d’une baisse, voire d’un effondrement, il faudrait l’expliquer. Pourquoi des
élèves français, confrontés à des tests internationaux, si imparfaits
soient-ils, puisqu’ils regardent avant tout des compétences et non pas des
savoirs, se situent-ils dans le ventre mou et de plus en plus bas au fil des
années ? Si on lit Le
Monde, on pense que c’est à cause du système français monstrueusement
élitiste. Voilà pourquoi seul un petit nombre s’en sort. En réalité, le groupe
restreint des excellents élèves reste à peu près stable, les très mauvais
élèves le sont de plus en plus et le groupe moyen est en train de plonger. On
peut donc poser l’hypothèse qu’un petit nombre d’excellents élèves s’en sortira
toujours, grâce à des facteurs extérieurs à l’école : quand celle-ci ne
fait pas son travail, la famille, l’entourage, la culture personnelle
compensent. En revanche, pour tous les autres, rien ne vient compenser cette
incapacité de l’école à transmettre des savoirs stables, cohérents et
progressifs. Du coup, tous sont tirés vers le bas, en particulier ces élèves
moyens qui représentent la très grande majorité et qui sont aussi, du point de
vue sociologique, les enfants de la classe moyenne.
Si j’avais tellement peur
de fâcher des gens, cela se verrait (J.-M. Blanquer)
Jean-Michel Blanquer, sur la
question du niveau, partagez-vous le constat de Natacha Polony ?
J.-M. B. : La France est en effet dans cette
moyenne basse que vous avez évoquée. La situation est plutôt
celle d’une lente, mais réelle dégradation de la maîtrise de deux savoirs
fondamentaux deux matières fondamentales : le français et les
mathématiques. C’est désormais un constat partagé, mais il ne faut pas non plus
noircir le trait, car c’est une moyenne qui reflète une très grande diversité
de situations ; le système français est devenu extrêmement hétérogène,
avec des élèves qui vont bien et des élèves qui vont mal. Il y a même des
établissements qui vont bien et des établissements qui vont mal. Certains
établissements qui sont dans des situations comparables sur les plans
géographique, social et culturel ne connaissent pas du tout les mêmes
résultats, selon les alchimies humaines à l’œuvre ; preuve que le facteur
humain est décisif en matière d’éducation. La géographie de la France révèle
une grande hétérogénéité, avec une France de l’Ouest qui, aujourd’hui, va bien
sur le plan scolaire et ne connaît pas forcément la même dégradation que
d’autres parties du pays.
La France de l’Ouest a
globalement échappé aux vagues d’immigration massive qui ont accru
l’hétérogénéité des élèves. La question migratoire n’est pas sans incidences
sur la question éducative.
J.-M. B. : Il y a beaucoup de facteurs
extrascolaires qui ont des conséquences pour l’école. Mais je pense d’abord à
la relation entre la famille et l’école, car la réussite d’un élève exige qu’il
existe une convergence des valeurs entre les parents et l’école. La maîtrise de
l’écrit est aussi un problème. De ce point de vue, il y a une nette dégradation
que l’Éducation nationale mesure à travers une dictée que l’on fait tous les
dix ans. Sur cette question fondamentale de la maîtrise du langage écrit ou
oral, on doit donc faire preuve d’un volontarisme plus fort que celui qui
pouvait exister il y a dix, vingt ou trente ans. L’école doit rechercher des
effets de compensation pour pallier les difficultés de la société et rétablir
l’égalité des chances. D’où l’importance de la mesure que l’on prend en cours
préparatoire (CP) en réseau d’éducation prioritaire, avec la division de
l’effectif des classes par deux. Là où il y a le plus de fragilité sociale, il
y a le plus de fragilité pédagogique. Cela ne pose pas seulement la question
des méthodes d’enseignement, mais aussi celle du manque de stabilité et
d’expérience du personnel affecté dans les lieux les plus fragiles.
Mais aucune expérience ne
prépare à faire cours la peur au ventre !
N. P. : La violence, les insultes sont le
produit de toutes ces années où les enfants n’apprennent pas à devenir des
élèves, à respecter les règles, à accepter l’autorité et où le retard accumulé
les prive de toute possibilité de comprendre ce qu’ils font là. On paye au
collège ce qui n’a pas été fait en maternelle et au primaire parce que
l’institution, la société et certains professeurs ont fini par accepter
l’inacceptable. Même dans les établissements réputés faciles, professeur est un
métier difficile. Il faudrait s’intéresser à la façon dont l’État les traite.
Et surtout qu’il commence par les rémunérer correctement et par les valoriser.
J.-M. B. : Je me définis volontiers comme un
ministre des professeurs. Plus largement, depuis que je suis arrivé au
ministère, j’utilise l’expression « école de la confiance ». Votre
façon de poser les questions peut être clivante ; or, sur les questions
d’éducation, cliver est contre-productif. Les pays dont le système éducatif se
porte bien sont ceux qui réussissent à créer une forme d’unité nationale autour
de leur école. C’était encore le cas en France il y a quelques décennies.
Il y a beaucoup de décennies,
alors ! Parmi les nombreuses forces qui ont conspiré à camoufler le
désastre en cours sous des taux de réussite au bac faramineux, obtenus grâce à
une notation volontairement laxiste, ce ministère est depuis longtemps en
première ligne !
J.-M. B. : Je refuse qu’on mette les problèmes
sous le tapis. Mais je refuse aussi d’entretenir les querelles, aussi
pertinentes soient-elles intellectuellement ! En réalité, si l’on mène le
travail d’explication nécessaire, 90 % des Français sont capables
d’adhérer à un socle de grands principes de fonctionnement de l’école.
N. P. : Que, dans votre position, il soit
essentiel de ne pas cliver, on peut l’entendre. Quand cette recherche du
consensus devient un empêchement à l’action, cela commence à poser problème.
Prenons l’exemple de l’apprentissage du français au CP : aujourd’hui
encore, de jeunes professeurs comprennent progressivement que les méthodes
qu’ils utilisent ne fonctionnent pas. Ils font donc des recherches et
découvrent – ô surprise ! – que des enseignants utilisent une
méthode strictement syllabique et non pas des méthodes mixtes ou semi-globales,
comme 95 % des méthodes aujourd’hui. Ces jeunes professeurs expérimentent,
comparent, s’aperçoivent que la méthode syllabique marche mieux et, le jour où
ils sont inspectés, ils se font saquer et on les oblige à revenir à d’autres
méthodes ! J’ai encore eu des témoignages en ce sens cette année. Alors,
s’il faut cliver pour avancer, tant pis ! Étant donnée la force d’inertie
considérable de toute une partie de l’Éducation nationale, l’important, c’est
de savoir ce que l’on veut faire et de s’y tenir.
J.-M. B. : Comme vous le savez, j’ai décidé de
prendre le taureau par les cornes sur ces questions, en particulier sur
l’apprentissage de la lecture. Je ferai tout ce qui permet le progrès des
enfants.
N. P. : En ce cas, il vous faudra accepter de fâcher
pas mal de gens…
J.-M. B. : Si j’avais tellement peur de fâcher des
gens, cela se verrait !
N. P. : Vous avez été choisi par Emmanuel Macron qui
explique qu’on ne peut pas changer la France avec les mêmes personnes. Mais
vous gardez à des postes de responsabilité des gens qui étaient en place sous
Najat Vallaud-Belkacem, en particulier les membres du Conseil supérieur des
programmes et son président qui ont inventé ou validé les pires
aberrations. Le
« prédicat » (notion dont l’introduction à l’école
primaire a pour seul objet de reculer encore l’apprentissage de l’analyse
grammaticale précise) est toujours d’actualité – et le prédicat n’est
qu’un symbole. Le nerf de la guerre pédagogique, ce sont les contenus, les savoirs,
qu’il s’agit de transmettre.
Précisons que Florence Robine,
la directrice générale de l’enseignement scolaire de Najat Vallaud-Belkacem, a
déjà été appelée à d’autres fonctions. Pour conclure la question de Natacha
Polony, avez-vous l’intention, monsieur le ministre, de limoger le président du
Conseil supérieur des programmes ? Qui est-ce, d’ailleurs ?
N. P. : Le célèbre Michel
Lussault, notamment connu pour avoir présidé à la confection de
programmes aux intitulés délicieusement orwelliens, « Aller de soi
et de l’ici vers l’autre et l’ailleurs », « Rechercher le
gain d’un duel médié par une balle ou un volant », et avoir conclu
que « la grammaire n’est pas un dieu ».
J.-M. B. : Je ne vais évidemment pas me prononcer
sur la personne, mais il importe de ne pas se faire une image fantasmatique de
ce ministère. C’est une communauté humaine qui a la caractéristique d’être très
vaste – un million de personnes, si l’on parle du personnel, dont 850 000
professeurs. Cela pose des problèmes de taille, mais il ne faut jamais la
fantasmer comme le fameux « mammouth » que Claude Allègre avait
fustigé.
Donc, la cogestion du
ministère par les syndicats et un certain nombre de milieux, pour le coup
« pédagogistes », est un fantasme ? Vous auriez le champ plus libre
que nombre de vos prédécesseurs qui disent s’être heurtés à la résistance
syndicale ?
J.-M. B. : Non, mais c’est la même chose que pour
les clivages. En forçant le trait, on devient contre-productif et on s’interdit
d’apporter des réponses aux problèmes, bien réels, que par ailleurs on signale.
Autrement dit, cette maison, et c’est un message d’optimisme, est tout à fait
capable de se transformer. Les esprits sont mûrs pour cela. Là où l’équation se
complique, c’est que, d’un côté, les gens en ont assez des réformes annoncées à
grands coups de trompettes, des nouvelles lois, des changements de programme,
etc., et tout le monde réclame que l’on en finisse avec ces grands coups de
barre. Mais, d’un autre côté, tout le monde pense, comme vous, que ça ne va pas
et qu’il faut que ça change. Si l’on admet que ces deux propositions sont
parfaitement valables, la question se pose : comment fait-on pour
transformer sans casser ? Et l’une des réponses, qui anticipe peut-être
sur la suite de notre discussion, est qu’il faut donner de la liberté aux
acteurs, donc de la confiance. Et je pense en premier lieu aux professeurs, aux
instituteurs que vous évoquiez. Ce sont eux qui sont sur le terrain, en prise
avec le réel, et qui peuvent donner des réponses adaptées aux situations qu’ils
rencontrent, avec bien sûr le soutien et la clarté pédagogique de
l’institution. Dans cette perspective de prise en compte du réel, je regrette
que la France s’enferme dans une approche franco-française de ces questions. Je
crois au contraire qu’il est bon de faire des comparaisons internationales.
Plutôt que de se jeter des invectives au visage, regardons ce qui marche, chez
nous ou ailleurs. Il faut par exemple se demander pourquoi l’apprentissage des
mathématiques en France est bien moins
performant qu’à Singapour.
Peut-être parce que nous ne
sommes pas singapouriens !
J.-M. B. : Non, parce que je crois que les
mathématiques ont un caractère assez universel. Si je vous montre le manuel de
Singapour, vous vous y reconnaîtrez. C’est un exemple d’une pédagogie
explicite, progressive, simple, qui produit des effets : Singapour est en
tête de tous les classements dans ce domaine. Il serait regrettable de se
priver de leurs connaissances.
Joe Arpaio, l'impitoyable shérif anti-immigration (08.09.2017)
Par Laure Mandeville
Publié le 08/09/2017 à 09h00
PORTRAIT - Il se considère comme «le shérif le plus dur d'Amérique», en
raison de son zèle pour traquer les clandestins dans son comté de Maricopa,
dans l'Arizona. Condamné en juillet dernier, à 85 ans, pour ses méthodes peu
orthodoxes, il vient d'être gracié et vise désormais le Sénat.
L'aube se levait sur cette banlieue nord de Phoenix, quand une escouade
de voitures de police déboula soudain, en cet automne 2010. En quelques
minutes, une vingtaine de policiers en sortirent pour investir une entreprise
de production d'emballages et y appréhender des ouvriers clandestins. Au milieu
d'eux se tenait le vieux Joe Arpaio, large visage, bedaine en avant.
Visiblement avide de publicité, il se précipita vers les micros des rares
journalistes présents. «Les autres s'indignent, moi j'agis», lança le shérif
anti-immigration illégale le plus controversé d'Amérique, heureux d'assumer sa
réputation de «flic le plus impitoyable du pays». «J'espère que vous n'allez
pas vous laisser gagner par le poison politiquement correct de vos confrères»,
ajouta-t-il, expliquant que ses hommes avaient arrêté cinq ouvriers en
situation irrégulière sur les onze présents dans l'entreprise. Il souligna
qu'ils avaient volé des cartes de sécurité sociale. «Usurpation d'identité,
c'est grave. On devrait me donner une décoration pour avoir libéré des places
au profit des travailleurs américains, au lieu de m'accuser de racisme», ajouta
le shérif, goguenard.
Condamné par un juge fédéral, mais gracié par Trump
Pendant vingt-quatre ans, son bagou de cow-boy paternaliste prêt à
«protéger les honnêtes gens» et arrêter sans relâche les clandestins dans un
Etat d'Arizona en proie à une immigration illégale massive, ont valu à Joe
Arpaio d'être régulièrement réélu avec des scores écrasants à son poste de
shérif du comté de Maricopa, malgré ses méthodes provocatrices. Partisan de la
fermeté, volontiers populiste et mégalo, ce fils d'immigrés italiens qui
arborait sur ses cravates des épingles en forme de colt, avait créé dans le désert
de Phoenix une prison à ciel ouvert, où les prisonniers dormaient sous de
simples bâches par une canicule de 45 à 50 °C, parce qu'il ne voulait pas
qu'ils aient «de meilleures conditions de vie que les soldats américains en
Irak, qui risquent leur vie et n'ont pas enfreint la loi». Arpaio forçait aussi
les détenus à porter des caleçons roses, pour les décourager de récidiver. «Je
sais qu'ils détestent le rose mais je ne suis pas là pour leur faire plaisir.
Mon but est de tout faire pour qu'ils n'aient pas envie de se retrouver en
taule à nouveau» se défendait-il, hilare. Un comportement qui lui avait créé
une armée de fans dans le monde rude de l'Ouest américain ; mais aussi des
ennemis de plus en plus nombreux au Parti démocrate et dans les rangs de la
minorité hispanique, qui l'accusait de délit de faciès.
Décrié, traîné en justice maintes fois, Arpaio a longtemps paru
insubmersible, à la manière d'un Donald Trump, malgré toutes ses casseroles. A
l'été 2015, il devenait d'ailleurs l'un des premiers à soutenir la candidature
présidentielle du turbulent milliardaire, sillonnant le pays pour son compte,
tandis que le candidat républicain envoyait son avion privé pour faire
transporter et soigner la femme de son ami shérif, atteinte d'un cancer. Trump
a «bon cœur», nous confiait Arpaio en juillet 2016, avant d'intervenir
devant la convention d'investiture républicaine de Cleveland, pour le soutenir.
Les deux hommes étaient faits pour s'entendre. Rebelles, durs au mal,
pourfendeurs du politiquement correct, se moquant des us d'une classe politique
washingtonienne perçue comme une bande de dégonflés. Mais, alors que Donald Trump raflait la présidence en
novembre 2016, Joe Arpaio échouait à se faire réélire à un
septième mandat, la communauté hispanique se mobilisant massivement pour le
faire chuter. Condamné par un juge fédéral qui l'a déclaré coupable d'avoir
ignoré maintes décisions judiciaires l'enjoignant de cesser ses raids contre
les illégaux, Arpaio risquait jusqu'à 6 mois de prison, mais il a été sauvé in
extremis par son ami, qui a décidé de le gracier fin août malgré un torrent de
critiques. «Joe Arpaio est un patriote qui croit aux frontières et a été
injustement sali par ses ennemis lors d'une campagne vicieuse», a justifié
Trump. Requinqué, le shérif de 85 ans vient de confier au Washington
Examiner qu'il rêvait de se présenter… au Sénat.
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L'Irlande du nord sous très
haute tension (08.09.2017)
Par Cyril
Hofstein et Stephen DockPublié le 08/09/2017 à 09h00
REPORTAGE - Alors que le doute
plane sur le rétablissement d'une frontière physique, conséquence du Brexit,
entre la République d'Irlande, membre de l'UE, et l'Irlande du Nord, qui fait
partie du Royaume-Uni, la société nord-irlandaise craint un retour des tensions
entre catholiques et protestants.
Une bouteille de bière vient
d'éclater en mille morceaux. Puis d'autres volent à leur tour, jonchant le sol
de débris multicolores. Hilares, les gamins qui montent la garde autour de
l'immense bonfire, un bûcher traditionnel érigé sur un terrain vague du
quartier protestant de Tiger Bay, à Belfast, la capitale d'Irlande du Nord, au
Royaume-Uni, s'en donnent à cœur joie. Nous sommes le 11 juillet. Le jour
qui précède l'anniversaire de la bataille de la Boyne en 1690, au cours de
laquelle le souverain protestant Guillaume d'Orange a vaincu son rival
catholique le roi Jacques II. À la veille des grandes parades orangistes qui
défilent dans toutes les villes du Nord au son entêtant des fifres et des
tambours. Dans les bastions unionistes, ce soir, des dizaines de bonfires vont
illuminer la nuit, commémorant les feux allumés il y a plus de trois
cents ans sur les plages des comtés d'Antrim et de Down pour guider les
navires des partisans de Guillaume dans les eaux dangereuses de la passe de
Belfast.
Sur un terrain vague dans une
enclave loyaliste près de Sandy Row, des jeunes empilent les dernières palettes
de leur «bonfire», un bûcher commémoratif traditionnel. - Crédits photo :
Stephen Dock
Malgré l'interdiction faite par
les autorités municipales de construire des bûchers démesurés, les jeunes de
Tiger Bay ont réalisé le leur comme ils l'ont toujours fait. Érigé à l'aide de
centaines de palettes de bois et haut d'une quinzaine de mètres, il est plus
petit que celui, gigantesque, élevé par Sandy Row, territoire loyaliste
historique situé à proximité immédiate du centre-ville. Mais qu'importe, la
tradition est respectée. Comme souvent, ils ont planté à son sommet le drapeau
de la République d'Irlande, celui de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), le
fanion du Celtic Glasgow, un club de football écossais catholique, et les
portraits de membres locaux du Sinn Féin, le parti républicain et la deuxième
force politique du pays. Autant de symboles haïs de génération en génération
qui seront bientôt la proie des flammes.
«On ne peut rien faire ni rien
dire. La consigne est de ne pas se montrer trop laxiste et de ne pas intervenir
trop vite. Le sujet est sensible»
Un officier du Service de police
d'Irlande du Nord (PSNI)
Dans les rues de la ville,
policiers et pompiers sont sur les dents. Ce matin, à Carrickfergus, dans le
comté d'Antrim, un immense bonfire a été allumé trop tôt à moins de
200 mètres d'une station-service, mobilisant plusieurs véhicules de
secours des brigades anti-incendie et attirant de nombreux journalistes et
représentants politiques de tout bord. «C'est bien mieux que Noël, lance un ado
qui tire nerveusement sur sa cigarette. Ce soir, la ville va s'embraser.»«On ne
peut rien faire ni rien dire, soupire un officier du Service de police
d'Irlande du Nord (PSNI). La consigne est de ne pas se montrer trop laxiste et
de ne pas intervenir trop vite. Le sujet est sensible. Manifestations
traditionnelles destinées à marquer le territoire, ces feux sont aussi
éminemment culturels et politiques. Nous nous bornons seulement à éviter les
débordements et les provocations des extrémistes, quelles que soient leurs origines.»
La question identitaire
omniprésente
Malgré les polémiques qui
reviennent régulièrement, cette période demeure un des temps forts de l'année
pour tous les loyalistes d'Ulster et d'Écosse qui, depuis deux jours, ne
cessent d'arriver par cars entiers dans les hôtels du centre-ville. Souvent
venus en famille, la plupart d'entre eux font partie de l'ordre d'Orange.
Demain, ils en arboreront fièrement l'étole couverte d'insignes et de badges
indiquant leur degré d'initiation dans cette société fraternelle dont les
fondements reposent sur la religion et la fidélité à la monarchie britannique.
Fort de dizaines de milliers de membres, fondé en 1795 par des protestants
soucieux de défendre leurs prérogatives religieuses et économiques, l'ordre est
resté un monde à part. Plus ouvert au dialogue que par le passé, il pèse
toujours très lourd sur les institutions d'Irlande du Nord, et aucune
négociation ne se fait sans lui.
Les violences
interconfessionnelles fratricides ont fait 3 500 morts
En attendant, dans la fumée
grasse des barbecues, sous les innombrables drapeaux - Union Jack, croix de
Saint-George, main rouge de l'Ulster ou croix de Saint-André - qui pavoisent le
quartier, Tiger Bay trinque en l'honneur des soldats et des volontaires morts
pour défendre Dieu et le roi dans toutes les guerres menées par la Couronne,
sur son propre sol comme ailleurs, en Afrique, en Inde ou dans la Somme en
1916. On lève son verre aux enfants, nombreux, qui jouent un peu partout, aux
femmes et aux familles. Les seuls vrais remparts contre le chômage, la pauvreté
et le sentiment d'abandon qui minent le quartier. Puis on boit à la santé des
paramilitaires qui ont affronté l'Armée républicaine irlandaise (IRA) et
défendu la population protestante pendant les «Troubles» ces années noires qui,
du milieu des années 1960 à la fin des années 1990, ont ensanglanté l'Ulster.
Des violences interconfessionnelles fratricides qui ont fait 3 500 morts.
En plein cœur de Belfast, la
parade du 12 Juillet rassemble des milliers de sympathisants orangistes et
attire des spectateurs venus de tout le Royaume-Uni. - Crédits photo :
Stephen Dock
Les toasts s'enchaînent.
L'atmosphère est bon enfant. Puis, tout doucement, les esprits s'échauffent. On
évoque sans détours ceux d'en face, dont on se méfie toujours sans vraiment
savoir pourquoi. Même si la plupart reconnaissent du bout des lèvres que la
discrimination et l'injustice dont les catholiques ont longtemps fait l'objet
ont largement contribué à faire éclater la guerre civile, beaucoup pensent
aujourd'hui qu'à force de faire des compromis, ce sont les protestants qui sont
devenus les vrais perdants. Ce n'est pas vraiment de la haine. Il n'y a ni
colère ni rage. Seulement une vieille habitude et une peur panique de
disparaître. Car plus personne ici ne croit encore que seule la religion peut
expliquer ce qui s'est passé. Mais la question identitaire demeure
omniprésente.
Presque à tous les coins de rue,
des fresques - les fameux murals que les touristes viennent admirer sans
vraiment les comprendre - viennent rappeler l'histoire et saluent ceux qui sont
tombés pour la cause. Catholiques nationalistes et unionistes comptent encore
leurs morts et honorent leur mémoire. Leurs visages sont partout. Il est
impossible de les éviter. Sentinelles d'une époque passée, ils gardent les
entrées des quartiers et défendent les routes d'accès de part et d'autre des
hauts murs surmontés de fils barbelés, les peace lines («murs de la paix») qui
séparent encore les secteurs catholiques républicains, anciens fiefs de l'IRA
(essentiellement Falls Road à l'ouest, ainsi qu'Ardoyne au nord et Short Strand
à l'est), et protestants unionistes (surtout la zone nord dont Shankill Road,
ainsi que Sandy Row et Ormeau Road au sud). «Beaucoup de gens ici souffrent
d'une forme particulière de stress post-traumatique, explique un travailleur
social. Même si les plus jeunes n'ont pas vécu directement l'époque des
“Troubles”, la mémoire de cette période terrible imprègne profondément les
communautés. Les histoires de meurtres et de vengeance font partie du
quotidien, au point d'avoir donné naissance à un monde paradoxal où les mêmes
récits tournent en boucle. On agite toujours les mêmes peurs ou les mêmes
espoirs: l'improbable réunification de l'île, le retour des violences ou la
fuite en avant des plus extrémistes. Alors qu'en réalité, tout le monde ne veut
qu'une seule chose: la paix. La paix absolue et durable.»
À Londonderry, la seconde ville
d'Irlande du Nord, les blessures du Bloody Sunday sont toujours à vif. -
Crédits photo : Stephen Dock
Dans le quartier catholique de
Falls Road, sous les néons du pub bondé The Felons, à l'ouest de la ville, le
seul sujet qui préoccupe aujourd'hui ce lieu symbolique de la culture
républicaine, c'est comment va se dérouler le prochain match des Celtic contre
l'équipe rivale de Linfield. Une rencontre à haut risque entre un club
traditionnellement catholique et une équipe majoritairement soutenue par les
loyalistes qui doit se jouer le 14 juillet à Windsor Park. Mais les
visages sont fermés et personne n'est dupe. Le foot n'est qu'une façon
détournée de parler de la journée de demain et des mauvais souvenirs que les
parades rappellent à certains. En 2015, 24 personnes avaient été blessées
lors d'une marche orangiste lorsque des manifestants protestants, arborant le
drapeau britannique de l'Union Jack et revêtus des principaux symboles
loyalistes, avaient affronté les forces de l'ordre lorsqu'ils s'étaient vu interdire
l'accès du quartier catholique et traditionnellement républicain d'Ardoyne.
Incertitude autour du Brexit
L'atmosphère est aussi très
tendue car l'avenir est plus que jamais incertain. Depuis le vote du
23 juin 2016, par lequel 51,89 % des électeurs britanniques se sont
prononcés pour un retrait de leur pays de l'Union européenne, l'Irlande du Nord
vit un moment particulièrement difficile. Dans l'impasse politique depuis la
chute, au mois de janvier dernier, du précédent gouvernement autonome associant
républicains du Sinn Féin et unionistes du DUP, comme l'exige l'accord de paix
conclu en 1998 ayant mis fin à trente ans de violences, la
province ne sait toujours pas comment répondre à
l'incertitude qui pèse sur les conséquences du Brexit.
«Le retour de postes de douane
marquerait le retour physique et brutal de divisions historiques et d'erreurs
politiques»
Leo Varadkar, le premier ministre
irlandais
En principe, selon le
porte-parole de la Première ministre Theresa May, la liberté de circulation
entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne prendra fin en mars 2019,
dès que Londres aura effectivement quitté l'Union européenne. Mais,
si aucune «frontière
physique»
ne devrait être rétablie entre l'Irlande, membre de l'UE, et le Royaume-Uni, le
plus grand flou règne. En arguant que les futurs accords douaniers
permettront une libre circulation des marchandises, le gouvernement britannique
a beau promettre une délimitation «sans infrastructure frontalière physique ni
poste-frontière», la question reste sans réponse précise et rappelle un passé
douloureux pour cette région toujours hantée par la division. «De fait, le
retour d'une frontière entre les deux Irlande risquerait de provoquer un choc pour
ces deux économies particulièrement imbriquées qui échangent aujourd'hui sans
entraves, assure un observateur du gouvernement irlandais en poste à Belfast.
De l'avis de tous les partis politiques d'Ulster et de l'ensemble des acteurs
économiques de la région, le rétablissement d'une séparation physique
risquerait aussi de fragiliser tout ce qui a été fait depuis la signature de
l'accord du Vendredi saint et pourrait provoquer un regain de violence entre
les communautés. C'est l'avenir même du processus de paix qui est en jeu
aujourd'hui.» À Dublin, le premier ministre irlandais, Leo Varadkar, a déclaré
qu'il ne pouvait pas imaginer autre chose que de «bâtir des ponts et non des
frontières» entre son pays et l'Irlande du Nord. «Le Brexit risque sérieusement
de creuser un fossé entre l'Irlande du Nord et l'Irlande, ainsi qu'entre la
Grande-Bretagne et l'Irlande, et je ne peux imaginer qui en bénéficiera, a-t-il
ajouté. Le retour de postes de douane marquerait le retour physique et brutal
de divisions historiques et d'erreurs politiques.»
Comme un symbole de la fragilité
de l'accord de paix signé le 10 avril 1998, une poignée de militants
républicains continuent de défiler en tenue paramilitaire lors de certaines
commémorations. - Crédits photo : Stephen Dock
Même si l'Ulster a voté contre la
sortie de l'Europe à 55, 8 %, beaucoup, parmi les classes populaires
loyalistes, croient assister à «une renaissance de la société britannique» et
espèrent ainsi «ne pas subir les vagues de migrants qui entrent en Europe et
qui viennent d'Afrique ou du Moyen-Orient». Mais aucun d'entre eux ne sait
comment le Royaume-Uni va pouvoir remplacer les dizaines de millions d'euros
d'aide à la province d'Irlande du Nord versés par l'Union européenne depuis les
accords de 1998. Tout en assurant que son gouvernement étudie «un futur
programme potentiel de financement de la paix» une fois que le pays aura quitté
l'UE, Theresa May a déclaré que «le financement européen qui a aidé les
victimes des “Troubles” et les groupes intercommunautaires continuera au moins
jusqu'à la fin du programme actuel». Mais sans donner plus de détails.
À Crossmaglen dans le comté
d'Armagh, sur la route entre Dublin et Belfast, personne ne veut croire à un
retour d'une frontière visible. Et encore moins à la réouverture éventuelle de
la caserne du village: un bunker surmonté d'une tour haute de 30 mètres
hérissée de micros et de caméras infrarouges. Aujourd'hui désaffecté et noyé
dans la bruine qui détrempe le bourg, ce bâtiment est l'un des derniers
témoignages des pires dérives de la guerre civile. Dans cette ancienne région
la plus militarisée d'Europe de l'Ouest, bastion de l'IRA qui s'est retrouvé en
Irlande du Nord lors de la partition en 1920, le conflit a pris ici les teintes
sombres d'une guérilla rurale. A la fin des années 1960, les vertes collines de
l'Armagh sont devenues, toutes proportions gardées, le «Vietnam» de l'armée
britannique et des policiers du Royal Ulster Constabulary (RUC) dont les
hélicoptères quadrillaient le ciel.
Le 23 mars 2017 à Derry, les
funérailles de Martin McGuinness, ex-chef d'état-major de l'IRA provisoire et
ancien vice-Premier ministre d'Irlande du Nord ont attiré des milliers de
personnes. - Crédits photo : Stephen Dock
Actuellement, le seul signe
tangible du passage entre le Royaume-Uni et l'Irlande est le changement de
monnaie dans les stations-services. «Environ 30.000 personnes franchissent
chaque jour sans le moindre contrôle les 500 kilomètres de frontière entre
les deux pays, explique un commerçant de Cullaville, tout près de Crossmaglen,
dont la majorité des clients viennent d'Irlande. Ce serait une catastrophe de
perdre cette liberté. Une catastrophe et une humiliation pour tous les
habitants.» Même constat à Londonderry. Dès l'entrée de la ville, des panneaux
s'insurgent contre l'éventualité de la mise en place d'une barrière douanière.
Dans cette cité marquée à vif par le souvenir du Bloody Sunday, le
30 janvier 1972, quand des parachutistes britanniques avaient ouvert le
feu, tuant 14 civils qui manifestaient pacifiquement pendant une marche
pour les droits civils, l'idée même d'une entrave, même symbolique, entre les
deux Irlande, est insupportable. «Nous avons accompli tellement de belles
choses depuis 1998, explique Jim Roddy, ancien directeur du club de football de
Derry, devenu un des plus importants représentants du dialogue entre les
communautés. Le Brexit est un défi majeur qui ne doit pas remettre en cause la
paix que nous avons mis tant de temps à gagner et que tant d'hommes et de
femmes ont payé de leur sang. Je suis fier de voir ce que cette ville a su
devenir, malgré tout ce qu'elle a traversé. Ne gâchons pas tout cela.»
Le 12 Juillet, fête de la
bataille de la Boyne en 1690, où le roi protestant Guillaume d'Orange a vaincu
le roi catholique Jacques II. - Crédits photo : Stephen Dock
Un à un, les bonfires se sont
éteints et il ne reste plus que des tas de cendres. Nous sommes le
12 juillet. Le jour s'est levé sur Belfast. À Ardoyne, on retient son
souffle. Après d'âpres négociations, les orangistes ont eu l'autorisation de
traverser le quartier à la seule condition de le faire en silence et de
«respecter ceux qui sont morts». Parmi les petits groupes qui se sont
rassemblés un peu à l'écart, un homme dépasse tous les autres. Entouré de
journaliste et d'officiels, Gerry Kelly, ancien volontaire de l'IRA aujourd'hui
membre de l'Assemblée nationale d'Irlande du Nord, dont le rôle dans les
pourparlers de paix de l'accord du Vendredi saint a été essentiel, est venu sur
place vérifier le bon déroulement de la manifestation. Non loin, le père Gary,
prêtre catholique d'Ardoyne, ne cache pas sa nervosité. Très impliqué dans le processus
de réconciliation et l'apaisement entre les communautés, il sait qu'il joue
gros aujourd'hui. Si les choses dérapent, le religieux sera en première ligne.
Des policiers lourdement armés ont été déployés tous les 20 mètres
environ. Un véhicule du déminage passe en trombe, suivi par deux lourds Land
Rover blindés du PSNI. La rumeur d'une bombe posée sur le parcours passe de
groupe en groupe avant d'être démentie.
Puis les premiers orangistes se
présentent, bannières levées et marchant au pas cadencé. En silence. Comme
promis. Le temps semble suspendu. Les cortèges défilent chacun leur tour et se
dirigent vers Orange Hall, l'un des cœurs protestants de la province d'Ulster.
Parmi eux, des musiciens du Whiterock Flute Band, l'une des plus célèbres formations
du quartier de Springfield et de West Belfast, saluent amicalement au passage
un membre du Sinn Féin, qui leur répond par un clin d'œil. C'est du jamais-vu.
Personne n'aurait osé y croire. Tout le monde s'attendait à un embrasement qui,
heureusement, n'est jamais venu. Tout ou presque s'est joué sur un simple
signe. Ardoyne est loin maintenant. Les caisses claires crépitent, les fifres
montent aux lèvres et la musique des flute bands s'empare de Belfast.
Aujourd'hui, la ville leur appartient.
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PUBLIÉ PAR CHRISTIAN LARNET LE 10
SEPTEMBRE 2017
Des Allemands ont écrit
« merci Merkel » sur des blocs de bétons qui apparaissent un peu
partout dans les villes allemandes pour tenter de protéger la population contre
les attentats à la voiture bélier.
Un nouveau sondage révèle que 70%
des Allemands considèrent le terrorisme comme leur premier souci, selon un
sondage mené par R+V Infocenter sur 2,380 personnes en juin et juillet.
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indiquez le montant de votre contribution.
61% des Allemands ont également
mentionné les tensions provoquée par l’immigration massive comme un de leurs
sérieux motifs d’inquiétude.
Brigitte Romstedt, directrice de
R+V Infocenter, a déclaré : “la peur des attentats islamistes est de
loin ce qui inquiète le plus les Allemands, avec un taux de 70 pour cent, un
des plus haut jamais enregistré lors d’une étude sur le long terme.”
L’Allemagne a accepté plus d’un
million de migrants sous l’impulsion de la chancelière Angela Merkel, et les
Allemands se réveillent avec la gueule de bois après une série d’attentats et
d’agressions et viols presque quotidiens, au point qu’il est maintenant demandé
aux Allemandes de ne plus faire de jogging seules.
Ce qui est fascinant dans cette
Allemagne qui se veut le bastion des pays sans frontières en Europe, est que la
population a maintenant très peur du terrorisme, mais d’une part il est trop
tard pour faire marche arrière, et d’autre part, en réélisant Angela Merkel qui
est largement favorite des sondages, ils vont réélire celle par qui leur
malheur et surtout la dégradation tragique de leur qualité de vie est arrivée.
Il faut dire que son concurrent n’est pas moins immigrationniste.
Donc les autorités ont ouvert les
frontières et bétonné les rues.
Mais ce qu’elles ne semblent pas
comprendre, c’est que les musulmans décidé à commettre des attentats passent
des journées entières à chercher de nouveaux moyens de semer la terreur et la
mort afin d’installer progressivement l’islam et ses lois comme religion
dominante en Europe.
Les prochaines attaques
retrouveront hélas les marques traditionnelles des attentats suicides à
l’explosif.
Et si l’on en juge par la
découverte presque simultanée de trois laboratoires de fabrique d’explosifs à
Villejuif, à Thiais et près de Barcelone, que les médias français classent dans
la rubrique « faits divers », nous ne sommes pas très loin de passer
à la phase sérieuse des attentats : tout ce que vous avez connu jusqu’à présent
n’était pour l’Etat islamique, que des préparatifs destinés à analyser les
réactions des services de police et de renseignement locaux, afin d’améliorer
leurs logistique pour les attentats sérieux.
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Reproduction autorisée avec la
mention suivante : © Christian Larnet pour Dreuz.info.
Espoir de dialogue vite
douché entre l’Arabie saoudite et le Qatar (09.09.2017)
Après trois mois de crise, les
leaders des deux puissances du Golfe ont échangé par téléphone, mais Riyad ne
croit pas que Doha souhaite réellement négocier.
Le Monde.fr avec
AFP | 09.09.2017 à 05h12 • Mis à jour le 09.09.2017 à 11h31
image:
http://img.lemde.fr/2017/09/06/0/0/4440/3090/534/0/60/0/edd6829_5959741-01-06.jpg
C’est l’émir du Qatar, le cheikh
Tamim Ben Hamad Al-Thani qui a appelé le prince héritier saoudien, Mohammed Ben
Salman Al-Saoud. HANDOUT / AFP
La crise entre le Qatar et ses voisins du Golfe
devrait durer. Samedi 9 septembre, l’Arabie
saoudite a annoncé que Doha était prêt au dialogue pour résoudre la dispute qui l’oppose depuis le 5 juin
à quatre pays arabes (Egypte, Bahreïn, Emirats arabes unis en plus de
l’Arabie saoudite). Mais l’espoir d’une fin de crise a vite été douché. Riyad
exige désormais du pouvoir qatari qu’il confirme sa volonté de négocier.
L’émir du Qatar, le cheikh Tamim
Ben Hamad Al-Thani, a appelé au téléphone le prince héritier saoudien, Mohammed
Ben Salman Al-Saoud, pour exprimer son « désir
de s’asseoir à la table du dialogue », a rapporté l’agence
saoudienne SPA. Il s’agissait du premier contact officiel à ce niveau entre les
deux pays depuis le début de cette crise sans précédent dans le Golfe.
Lire aussi : Accusé de soutenir le terrorisme, le Qatar mis au
ban par l’Arabie saoudite et ses alliés
Dans son compte rendu de
l’entretien, l’agence QNA du Qatar a précisé que l’appel avait été passé à la
demande de Donald Trump. Le président américain
a proposé vendredi sa médiation dans la crise. Riyad affirme de son côté que
c’est bien l’émir du Qatar qui a eu l’initiative du coup de fil.
Interprétations différentes de
l’appel
Selon QNA, Tamim Ben Hamad
Al-Thani a accepté une proposition du prince saoudien de charger deux personnalitésde
chaque pays d’« examiner les points en litige, sans atteinte à la
souveraineté des Etats ». Or, Riyad a affirmé que les modalités du
dialogue restent à déterminer.
« Cela prouve que les
autorités du Qatar ne sont pas sérieuses dans leur désir de dialogue »,
a rétorqué le porte-parole saoudien. Tout dialogue est donc suspendu alors
que « l’inconsistance de la politique du Qatar n’aide pas
à renforcer la confiance nécessaire ».
Lire aussi : « Les Emirats sont déterminés à mettre le
Qatar, d’une manière ou d’une autre, à genoux »
L’Arabie saoudite, les Emirats
arabes unis, Bahreïn et l’Egypte, accusent leur voisin de soutenir des
groupes extrémistes et lui reprochent sa proximité avec l’Iran, le
grand rival de l’Arabie saoudite. Ils ont imposé à l’émirat le blocage des
voies d’accès maritimes, aériennes et terrestres.
Donald Trump, médiateur
efficace ?
Pour le Qatar, les exigences des
autres pays du Golfe, comme fermer la chaîne
Al-Jazira ou une base turque sur son territoire, représentent une atteinte à sa
souveraineté. Avant tout dialogue, l’Emirat gazier demande la fin des sanctions
économiques qui le frappent.
Lire aussi :
Le Qatar refuse les exigences de ses frères ennemis
Lire aussi :
« C’est une crise existentielle pour le
Qatar »
Pour Kristian Ulrichsen, du think
tank Rice University’s Baker Institute for Public Policy, cité par l’AFP,
l’appel entre Riyad et Doha, est un bon signe. « Je suis persuadé
que cette percée potentielle est liée à la rencontre de l’émir de Koweïtavec le président Trump et à
l’accord apparent sur le fait que la crise a duré suffisamment longtemps et
qu’il faut la résoudre », estime l’analyste.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/09/09/espoir-de-dialogue-vite-douche-entre-l-arabie-saoudite-et-le-qatar_5183142_3218.html#rLit0BE3z2EvgqPg.99
En Irak, l’impossible
retour des yézidis (03.08.2017)
Les déplacés sont traumatisés par
les persécutions commises durant trois ans par l’EI dans la région de Sinjar.
LE MONDE | 03.08.2017 à
10h58 • Mis à jour le 03.08.2017 à 16h54 | Par Allan Kaval
(Baadre (Irak), envoyé spécial)
Hazim Khidir n’a pas 30 ans, mais
il en paraît dix de plus. Comme chaque jour, assis sur un fin matelas de
mousse, dans la pénombre d’une pièce aux murs de ciment nus, il attend que les
heures s’écoulent jusqu’au soir au rythme soutenu de cigarettes de contrebande
allumées l’une après l’autre. La maison qu’il habite n’est pas la sienne et,
bien que son exil s’y prolonge, Baadre, la bourgade du Kurdistan irakien où il
a trouvé refuge, lui est toujours étrangère. « Nous avons tout
perdu il y a trois ans », souffle-t-il, le regard perdu dans le
vide, l’esprit plongé dans ses souvenirs muets. « Le temps passe
et il n’y a plus d’espoir de retrouver nos anciennes vies. »
Le 3 août 2014, son village
a été pris d’assaut par les hommes de l’organisation Etat islamique (EI) en
même temps que les autres localités des environs du mont Sinjar, foyer
historique des yézidis, une minorité religieuse kurdophone du nord de l’Irak.
Moins d’un mois après sa proclamation à Mossoul, le « califat »
d’Abou Bakr Al-Baghdadi comptait y prolonger ses conquêtes récentes par une
tentative de génocide, rendue possible par le retrait des forces kurdes censées
protéger la zone.
Dans le nouvel ordre imposé par
les djihadistes, les pratiques religieuses des yézidis, considérées comme
polythéistes, les condamnaient à l’annihilation. Maîtres des villages de la
plaine, les djihadistes ont organisé le massacre de ceux qui n’avaient pas pu
fuir vers la montagne, avant de traiter leurs épouses et leurs enfants comme le
butin d’une razzia. Ils seront plus de 6 000 à alimenter le commerce
d’esclaves mis en place par l’EI après l’offensive de Sinjar. Si aucun chiffre
fiable sur le bilan des tueries n’a été arrêté, le nombre de victimes est
estimé à plusieurs milliers.
« J’ai dû racheter ma
famille »
Après être parti à temps avec un
de ses fils sur les hauteurs du mont Sinjar, Hazim a pu éviter la mort et se
réfugier au Kurdistan irakien avec des centaines...
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/moyen-orient-irak/article/2017/08/03/en-irak-l-impossible-retour-des-yezidis_5168178_1667109.html#ryQHTDHBI8xSUvT9.99
Syrie : offensive des forces
arabo-kurdes contre l’EI dans la dernière province qu’ils contrôlent
(09.09.2017)
Deir ez-Zor est la dernière
province de Syrie encore contrôlée par les djihadistes. Une alliance des
combattants arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis a lancé l’offensive.
Le Monde.fr avec
AFP | 09.09.2017 à 13h29 • Mis à jour le 09.09.2017 à 19h03
C’est la dernière province
de Syrie encore contrôlée par
l’organisation Etat
islamique (EI). Une alliance de combattants kurdes et arabes
syriens soutenue par les Etats-Unis a lancé, samedi 9 septembre, une
offensive pour chasser les djihadistes de l’est de Deir ez-Zor (est du
pays), selon un communiqué.
Cette alliance antidjihadiste des
Forces démocratiques syriennes (FDS) mène déjà une offensive distincte pour
chasser l’EI de son fief de Rakka (Nord). L’armée syrienne
combat de son côté l’EI dans la ville de Deir ez-Zor, chef-lieu de la province
du même nom. Samedi, l’agence officielle Sana rapportait que les forces du
régime avaient brisé le siège imposé par les djihadistes au sud de la ville, en
atteignant l’aéroport militaire, encerclé par l’EI depuis près de trois ans.
L’annonce de la nouvelle
offensive des FDS a été faite en conférence de presse par Ahmad Abou Khawla,
chef du conseil militaire de Deir ez-Zor, un groupe armé
rattaché aux Forces démocratiques syriennes, qui mènent la bataille sur ce
nouveau front.
L’assaut a été lancé à partir de secteurs
tenus par les FDS dans le nord de la province de Deir ez-Zor, à la limite de
celle de Hassaké, contrôlée en majorité par les FDS.
Première étape
L’objectif est de « libérer » des
zones aux mains de l’EI dans le sud de la province de Hassaké, ainsi que « l’est
de la province de Deir ez-Zor », a précisé M. Abou Khawla
à Abou Fass, dans la province de Hassaké.
« Nous diriger vers [la province] de Deir ez-Zor est
inévitable, a-t-il précisé. Nous entamons la première étape,
pour libérer les régions à l’est de l’Euphrate, dans la
province de Deir ez-Zor. »
« L’opération a commencé
et nous avons progressé sur plusieurs kilomètres, grâce au soutien aérien de la
coalition internationale » anti-EI emmenée par les Etats-Unis,
selon lui.
L’armée d’Assad à la
reconquête de la capitale provinciale
Après avoir brisé le
siège de l’EI à l’aéroport de Deir ez-Zor, les forces de Bachar Al-Assad,
soutenues par l’aviation russe, continuent, elles, d’essayer de déloger l’EI de
la capitale provinciale de Deir ez-Zor, dont l’organisation djihadiste contrôle
toujours quelque 60 %.
« Il n’y a pas de
coordination avec le régime ou les Russes. Nous coordonnons avec la coalition
internationale », a tenu à affirmer Ahmad Abou Khawla,
le chef du conseil militaire de Deir ez-Zor.
Déclenché en 2011 par la
répression de manifestations pacifiques par le régime, le conflit en Syrie
s’est complexifié avec l’implication de pays et milices étrangers et de groupes
djihadistes sur un territoire morcelé. Il a fait plus de
330 000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/syrie/article/2017/09/09/syrie-offensive-des-forces-arabo-kurdes-contre-l-ei-dans-la-derniere-province-qu-ils-controlent_5183373_1618247.html
Birmanie : l’exode
des Rohingya se poursuit, l’ONU s’alarme (09.09.2017)
Près de 300 000 personnes,
la plupart des musulmans rohingya, se sont réfugiées au Bangladesh pour fuir
les violences qui sévissent dans le nord-ouest de la Birmanie, selon un
décompte de l’ONU, alarmée par l’ampleur de l’exode.
Le Monde.fr avec
AFP | 09.09.2017 à 13h08 • Mis à jour le 10.09.2017 à 06h17
Le nombre de musulmans rohingya
ayant fui les violences en Birmanie ne cesse d’augmenter.
Selon le dernier décompte de l’Organisation des Nations unies (ONU), annoncé
samedi 9 septembre, près de 300 000 personnes, pour la plupart des
musulmans rohingya, se sont réfugiées au Bangladesh pour fuir les troubles du
nord-ouest de la Birmanie.
En une journée, le nombre de
réfugiés a encore bondi de 20 000 après le recensement de nouvelles zones
et villages investis par les nouveaux venus, d’après l’ONU, alarmée par
l’ampleur de l’exode.
« Quelque 290 000
Rohingya sont arrivés au Bangladesh depuis le 25 août », a déclaré
Joseph Tripura, porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR).
La plupart arrivent à pied ou en bateau. Les deux pays ont une frontière longue
de 278 km, et un quart de celle-ci est constituée par la rivière Naf.
« Situation très volatile »
Le HCR estime que sur la seule
journée de mercredi, plus de 300 bateaux sont arrivés. Une traversée
dangereuse en cette période de mousson qui a coûté la vie à de nombreuses
personnes depuis quinze jours.
Les civils rohingya fuient les
violences dans leur région depuis que l’armée a lancé une vaste opération à la suite
d’attaques à la fin du mois d’août contre des postes de police par
les rebelles de l’Armée du salut des Rohingya de
l’Arakan (ARSA), qui dit vouloir défendre les
droits bafoués de cette minorité musulmane.
Au Bangladesh, Dipayan
Bhattacharyya, du Programme alimentaire mondial (PAM), s’inquiète de la « situation
très volatile ». « Nous avions prévu pour
120 000 nouveaux arrivants. Puis pour 300 000. Nous avons
atteint ce chiffre et allons donc peut-être devoir prévoir davantage si cela se poursuit sans
relâche », estime-t-il.
Le tiers des Rohingya désormais
au Bangladesh
Epuisés, affamés, les nouveaux
arrivés se précipitaient samedi en courant vers les distributions alimentaires
du PAM. La plupart des familles ont dû marcher pendant
plusieurs jours pour atteindre le
Bangladesh, survivant sous la pluie avec très peu de vivres et d’eau.
« Les gens sont
complètement désespérés. Ils ont besoin de nourriture, d’eau et d’un abri. Ils
sont privés de tout », raconte Dipayan Bhattacharyya.
Au total, on estime qu’entre les
violences d’octobre, qui avaient poussé 87 000 personnes à fuir, et les
troubles actuels, près du tiers des Rohingya de Birmanie (estimés à un million)
sont désormais au Bangladesh.
« Nous avons identifié un
terrain pour le camp qui pourra accueillir 250 000 à
300 000 personnes », a déclaré Mofazzal Hossain Chowdhury,
le ministre de la gestion des catastrophes et des secouristes. Ce camp
devrait être installé près
d’un camp de réfugiés rohingya existant et géré par l’ONU.
La Birmanie va mettre en place
des camps
La Birmanie a annoncé samedi
qu’elle allait mettre en place des camps pour accueillir les musulmans rohingya
déplacés, une première, après un nouvel appel de l’ONU, qui a enjoint vendredi
à la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi de « se mobiliser ».
La pression monte pour Mme Suu
Kyi – lauréate du prix Nobel de la paix 1991 – qui
pour l’heure s’en est tenue à un communiqué dénonçant la « désinformation » des
médias internationaux et à une interview jeudi à la télévision indienne. « Nous
devons prendre soin de tous ceux qui vivent dans notre pays,
qu’ils soient citoyens ou pas », y dit-elle aussi, dans des premiers
mots de compassion depuis le début de la crise.
Environ 27 000 bouddhistes
et hindous ont également fui leurs villages et ont trouvé refuge dans les
monastères et les écoles du sud de la région.
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au Bangladesh
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250 000 personnes privées d’aide alimentaire dans le nord-ouest du
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Birmanie, la persécution des musulmans Rohingya continue VIDÉO
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- En
Birmanie, la guérilla des Rohingya passe à l’offensive
- Birmanie :
l’armée et les Rohingya à couteaux tirés
- Birmanie : l’héritage d’Aung San, assassiné il y a soixante-dix ans
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/09/09/birmanie-l-exode-des-rohingya-se-poursuit-l-onu-s-alarme_5183369_3216.html
En Somalie, le temps de la paix
et de la musique retrouvées (05.09.2017)
Le pays tente de se reconstruire
et de redevenir celui où il fit bon vivre. Avant le terrorisme, avant la
dictature et la guerre, espère notre chroniqueur.
Par Abdourahman Waberi
(chroniqueur Le Monde Afrique)
LE MONDE Le 05.09.2017 à
14h55
On associe la Somalie à
la guerre et à la famine. Et ce n’est pas une vue de l’esprit tant les
dernières décennies ont été meurtrières pour les Somaliens, particulièrement
depuis la chute du régime de Siad Barré en 1991. Les causes extérieures et
les poisons intérieurs conjugués finirent par créer un cercle
vicieux mettant en échec les multiples tentatives de sorties de crise
orchestrées depuis les pays voisins ou manœuvrées depuis Washington.
De civile, la guerre est devenue
systémique, permanente, totalement dénuée de sens. Plus récemment, elle a pris
le visage du terrorisme djihadiste avec la secte Chabab.
S’il faut tirer une leçon du
cas de la Somalie, c’est que l’adage latin « Qui veut la paix prépare la
guerre » n’y a jamais sonné aussi creux, aussi absurde. Ce qui vaut pour
la Somalie vaut également pour tous les autres pays en détresse. Le mal n’est
pas local ou étranger, il est partagé et planétaire. Tous les Etats se targuent
de posséder un
ministère, des équipements, des centres de recrutement et de formation pour
leurs forces armées. Aucun ne dépense le millième des
sommes englouties dans le secteur de la défense pour éduquer sa populationà
la paix. De plus, on sait que le commerce des armes n’a jamais été aussi
lucratif. Pourquoi alors s’étonner que la planète soit
à feu et à sang ? Ce raisonnement compréhensible pour un enfant de 5 ans
ne semble pas coulerde source pour la
grande majorité des Terriens.
Il est un autre adage que les
Somaliens connaissent, et qu’ils chérissent au plus profond de leur être. Cet adage nomme
deux besoins primordiaux : la paix et le lait. Mieux qu’un slogan, nabad
iyo caano (« paix et lait ») est une formule d’accueil et de
salutation incessamment répétée au cours de la journée. Un vœu pour soi et pour
autrui. Dès que deux personnes amies ou étrangères se séparent, même pour une
courte période, le vœu qui jaillit spontanément des lèvres est toujours
celui-là : « Paix et lait ! » Notons que
la sagesse populaire n’en a pas choisi l’ordre au hasard. C’est le climat de
sécurité (intérieur et extérieur, individuel et collectif) qui crée les
conditions pour satisfaire les
besoins primaires : manger, boire, se vêtir, se loger, etc. Que la paix
commence à manquer et tout
le reste s’écroule.
Miracle
Après des décennies de chaos et
de traumatismes, la Somalie emprunte le chemin de la reconstruction et de la
guérison. Ce processus de renouveau engage autant la politique que
les arts.
Le Théâtre national est en cours de reconstruction et les initiatives
favorisant une culture de la paix se multiplient un
peu partout.
En 1988, au plus fort de la
guerre, les avions de Siad Barré avaient bombardé Hargeisa, capitale de la
province du Nord qui fera sécession en 1992 sous le nom de Somaliland.
Pour éviter les ravages
des bombardements aériens à venir, des
milliers de cassettes et de bandes de Radio Hargeisa ont été rassemblés,
acheminés à Djibouti et en Ethiopie ou
enterrés sous terre. Vik Sohonie, un DJ et producteur de musique américain
d’origine indienne a puisé dans le trésor de 10 000 bandes, aujourd’hui
géré par la fondation somalilandaise RedSea, pour en extraire des
pépites. Sweet as Broken Dates : Lost Somali Tapes from
the Horn of Africa est une merveille de 15 titres
classiques interprétés par des groupes illustres et des artistes réputés :
Waaberi, Iftiin, Shareero, Dur Dur, Maryan Mursal, Kadra Daahir, Faadumo Qassim,
Hibo Nuuro, Ahmed Naaji…
En se replongeant dans les années
1970 et 1980, les Somalis de la Corne et la diaspora redécouvrent avec émotion
combien la vie était douce à Mogadiscio, les arts florissaient et les artistes
féminines tenaient le haut du pavé. Certes, l’industrie de
la musique nationalisée était sous la coupe du régime autoritaire qui recourait
aux grandes voix pour faire sa
propagande, mais les artistes se produisaient aussi dans les multiples hôtels
et clubs de la capitale et enchantaient de grandes villes.
Lire aussi : Et demain, l’Indafrique ?
De plus, ils voyageaient à
l’étranger et en rapportaient des influences funk, rock, jazz, reggae et
Bollywood perceptibles dans les riches et variés enregistrements choisis et
valorisés par Vik Sohonie sous le label Ostinato Records. Car aucun titre ne provient
d’un enregistrement professionnel réalisé en studio. Tous ont été sauvés par
des amoureux en concert ou en club, avec des moyens rudimentaires. Ce disque
est donc un miracle. Un legs du passé qui estompe le trauma du présent et
promet de magnifiques gerbes pour demain.
Sweet as Broken
Dates : Lost Somali Tapes from the Horn of Africa, compilation de
15 titres d’artistes somaliens des années 1970/1980, Ostinato Records, sortie
CD le 8 septembre, 17,99 euros. Site Internet :
ostinatorecords.bandcamp.com.
Abdourahman A. Waberi est
né en 1965 dans l’actuelle République de Djibouti. Il vit entre Paris et
les Etats-Unis, où il a enseigné les littératures francophones aux Claremont
Colleges (Californie). Il est aujourd’hui professeur à George-Washington
University. Auteur, entre autres, d’Aux Etats-Unis d’Afrique(éd.
J.-C. Lattès, 2006) et de La Divine Chanson (éd. Zulma, 2015).
En 2000, Abdourahman Waberi avait écrit un ouvrage à mi-chemin entre
fiction et méditation sur le génocide rwandais, Moisson de crânes (ed.
Le Serpent à plumes), qui vient d’être traduit en anglais, Harvest of
Skulls (Indiana University Press, 2017).
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/09/05/en-somalie-le-temps-de-la-paix-et-de-la-musique-retrouvees_5181289_3212.html
« La
présidentielle kényane a révélé la mascarade qu’est devenue l’observation
électorale en Afrique » (07.09.2017)
Zoom de notre chroniqueur sur le
système qui légitime, à coups de personnalités internationales, locales, et de
milliers d’euros les scrutins douteux du continent.
Par Seidik Abba (chroniqueur Le
Monde Afrique)
LE MONDE Le 07.09.2017 à
14h23
On le savait depuis belle lurette
: l’observation des élections en Afrique n’a pas grande utilité. Elle
ne sert ni l’enracinement de la culture démocratique, ni la
transparence des processus électoraux sur le continent. Toutefois, on était
loin d’envisager le naufrage de l’observation électorale que vient de provoquer l’invalidation
par la Cour suprême kényane des résultats du scrutin présidentiel du 8 août.
Les juges de la plus haute
institution du pays ont estimé, le 1er septembre, que la
réélection du président sortant, Uhuru Kenyatta, était tellement entachée
d’irrégularités qu’il n’y avait aucune autre alternative que sa reprise
complète. Quelques jours plus tôt, pourtant, les observateurs internationaux
avaient quant à eux estimé que la présidentielle avait été libre et crédible. Même
la délégation du National Democratic Institue (NDI), conduite par l’ancien
secrétaire d’Etat américain John Kerry, n’avait rien trouvé à redire aux
conditions d’organisation des opérations électorales.
En réalité, ce n’est pas la
première fois que les observateurs électoraux ne « voient » pas
l’évidence lors d’une élection organisée sur le continent. Leurs turpitudes
avaient jusqu’ici été masquées par les décisions d’institutions d’arbitrage aux
ordres du pouvoir.
Anciens chefs d’Etat
reconvertis
Qu’il soit effectué pour le
compte d’organisations internationales comme la Francophonie, l’Union africaine ou les
communautés économiques sous-régionales (Cédéao, SADC, Ceeac), le travail d’observation
électorale a été dévoyé depuis très longtemps en Afrique. Il s’est transformé
en business et en mercenariat. Ainsi, des personnalités à l’agenda
surchargé sont mandatées par des organisations internationales pour aller observerdes
élections. Faute de temps, elles arrivent la veille ou l’avant-veille du
scrutin, rencontrent quelques sensibilités politiques individuellement ou
collectivement à leur hôtel. Le jour du scrutin, ces mêmes personnalités font
le tour de quelques bureaux de vote de la capitale et, au mieux, de sa
périphérie, puis rendent une déclaration sur la bonne tenue des élections. Avec
souvent, pour principal critère d’appréciation, le fait qu’il n’y ait eu ni
bousculade, ni bagarre dans les bureaux qu’ils ont visités.
Lire aussi : L’Afrique ne veut plus d’élections au rabais
Anciens chefs d’Etat, anciens
chefs de gouvernement, anciens ministres ou universitaires réputés, ces
observateurs reprennent leur avion au lendemain du scrutin. Ils ont déjà
empoché leurs per diem, le plus souvent en liquide et en devises.
Ces indemnités journalières peuvent être conséquentes :
entre 500 euros et 1 000 euros pour les « sans-grade »,
entre 1 000 euros et 2 000 euros pour les grades intermédiaires
et bien au-delà de 2 000 euros pour les « haut gradés ».
Sur le terrain, ces personnalités côtoient des
observateurs « free lance » qui proposent spontanément leurs
services ou sont directement sollicités par les pouvoirs locaux désireux
d’obtenir l’onction des observateurs internationaux. Avec les
observateurs free lance, les pouvoirs signent souvent un engagement
contractuel. Il inclut la prise en charge du transport aller-retour,
le per diem, l’assistance logistique, la pension complète à l’hôtel
et, à la fin du séjour, une enveloppe qui peut monter jusqu’à
50 000 euros, en fonction de ce que pèse la parole de l’observateur sur le
marché international. En retour, notre
observateur free lance s’engage à certifier, souvent
sans être sorti de sa chambre d’hôtel, la sincérité du scrutin.
Mascarade
Pour ces observateurs free lance,
plus il y a d’élections à observer sur le continent, plus il y a de business
à réaliser. A cet
égard, l’année 2016, qui fut exceptionnelle en nombre de scrutins présidentiels
et législatifs organisés sur le continent, a généré un chiffre d’affaires
impressionnant pour ces mercenaires d’un genreparticulier.
Dans sa forme actuelle, qu’elle
soit effectuée par des observateurs mandatés par les organisations
internationales ou par des free lance, l’observation
électorale ne sert qu’à enrichir des
individus peu scrupuleux et à conforter des
régimes en mal de légitimation. Le grand perdant de la présidentielle kényane
n’est ni le président sortant Uhuru Kenyatta, ni son challenger Raila
Ondinga, mais ce faux-nez de la transparence démocratique. Telle qu’elle est
pratiquée, l’observation des élections est une mascarade qui doit tout
simplement être abandonnée.
Seidik Abba, journaliste
et écrivain, auteur, notamment, de La Presse au Niger. Etat des lieux et perspectives,
L’Harmattan, Paris, 2010.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/09/07/la-presidentielle-kenyane-a-revele-la-mascarade-qu-est-devenue-l-observation-electorale-en-afrique_5182351_3212.html
En Mauritanie, les dernières
convulsions d’un régime agonisant (08.09.2017)
Moussa Fall, membre de la
coalition de l’opposition mauritanienne, dénonce les « méthodes
antidémocratiques » du régime de Mohamed Ould Abdel Aziz.
Par Moussa Fall
LE MONDE Le 08.09.2017 à
16h09
En tant que responsable politique mauritanien,
il est de mon devoir d’en appeler à la
conscience de tous dans cette période particulièrement dangereuse que traverse
mon pays. Avec son vaste territoire situé dans un Sahel aux prises avec des
bandes terroristes, sa petite population et ses
importantes ressources naturelles (fer,
or, cuivre, poissons, gaz, etc.), la Mauritanie a
tous les ingrédients pour se développer, pour
se défendre et
pour contribuer efficacement
à l’effort international engagé
pour stabiliser et sécuriser la
sous-région. Pourtant, l’accaparement des ressources par le clan présidentiel
et la dérive autoritaire entraînent le pays dans une crise endémique.
Depuis quelques mois, le régime
du président Mohamed Ould Abdel Aziz s’efforce d’étouffer toute opposition
alors que se profile à l’horizon 2019 une nouvelle élection présidentielle à
laquelle il n’a pas le droit de se présenter, la
Constitution mauritanienne l’empêchant, par des articles verrouillés, de prétendre à un
troisième mandat.
Peut-il se résoudre à partir, lui qui est en
train de laisser un pays
exsangue à cause d’une gestion catastrophique des ressources publiques ?
Peut-il se résoudre à partir, lui qui se complaît dans un enrichissement
illicite avec une accumulation de biens indus ? Peut-il se résoudre à
partir, lui dont l’avidité l’a poussé à vendre les locaux
d’écoles publiques à des commerçants dans un pays où la moitié de la population
est analphabète ?
Les manœuvres pour un
troisième mandat
Déjà le 29 novembre 2016,
lors d’un dialogue national organisé par le dernier militaire chef d’Etat d’Afrique de
l’Ouest, le général président avait pu voir une foule
immense défiler contre
ses velléités de rester au pouvoir. Soucieux
de tester l’acceptabilité
d’un troisième mandat par référendum, il a initié de nouvelles réformes
constitutionnelles ne présentant aucun intérêt et aucune urgence :
modification du drapeau national, suppression du Sénat, changement de l’Hymne
national, etc. Et ce, alors même que des problèmes majeurs comme l’esclavage,
l’unité nationale ou la pauvreté ne sont pas traités.
Si ces projets de réforme ont
d’abord été acceptés par l’Assemblée nationale, ils ont ensuite été massivement
rejetés par le Sénat pourtant dominé par la majorité présidentielle, le
18 mars. Le président s’en est immédiatement pris aux sénateurs en les
accusant de traîtres et de corrompus alors qu’il les avait reçus, un à un,
avant le scrutin, pour les inciter à voter en faveur de
ses projets en échange de certains avantages.
Dans sa ligne de mire :
Mohamed Ould Ghadda, un jeune sénateur intransigeant et incorruptible ayant
milité contre ces réformes, et qui présidait la commission parlementaire d’enquête sur
les marchés de gré à gré. Il a été arrêté une première fois au lendemain du
vote sénatorial en dépit de son immunité parlementaire, ses téléphones ont été
saisis et piratés pour soutirer des
informations secrètes et privées, en violation des libertés consacrées par la
Constitution et le droit international.
Le général président, se sentant
humilié par le Sénat, a décidé de passer outre le
rejet des sénateurs et de violer la Constitution
en tentant de la modifier par
référendum. Pour battre campagne
pendant l’été, Aziz a embrigadé des hauts fonctionnaires, s’est appuyé sur des
autorités administratives régionales et locales et a saigné à blanc le trésor
public pour financer la
logistique. Pour museler l’opposition,
qui a appelé au boycottage, le régime a réprimé, intimidé et arrêté les
opposants.
La politique du
bâton
Quelques jours après la
« victoire » présidentielle tronquée au référendum, le sénateur
Ghadda a été enlevé en pleine nuit par des inconnus en civil, sans mandat
d’arrêt et sans motif. Pendant plusieurs jours, ni sa famille,
ni ses avocats n’ont pu le voir ou obtenir une
quelconque information à son sujet. Pressé de toutes parts, le régime
dictatorial a ordonné à son procureur d’engager une information judiciaire afin
de donner un
habillage légal à son forfait.
Seulement, dans sa précipitation,
le procureur s’est empêtré dans des notions ambiguës, au point de justifierl’arrestation
du sénateur et celles de futurs « complices » par un délit non encore
prévu par le Code pénal mauritanien, celui de « grands crimes de gabegie
transfrontaliers », afin de justifier les poursuites contre des opposants
réels ou supposés installés à l’extérieur et donc hors de portée des visiteurs
de nuit du dictateur.
Plus triste encore, l’arrestation
de Ghadda sert de prétexte pour poursuivre 22
personnes, parmi lesquelles les dirigeants des principaux syndicats, des
journalistes, des hommes d’affaires et des sénateurs qu’il faut puniravec sévérité
pour avoir osé voter
contre la volonté du chef.
Ne supportant pas la compétition
politique et pacifique, le régime, à l’instar de tous les pouvoirs d’essence
dictatoriale, réprime l’opposition pour l’affaiblir et stopper son
expansion. Il arrête des opposants et poursuit des personnalités dont
certaines sont à l’extérieur, comme l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou.
Il s’attaque à ceux-ci en délivrant des mandats d’arrêt pour les mettre hors la loi
et les neutraliser pour
la suite des événements. Il prend leurs biens quitte à fermer leurs entreprises et
à mettre au chômage leurs employés pour asphyxier l’opposition
et la désarmer avant
les prochaines échéances électorales.
En recourant à des méthodes
antidémocratiques et, faisant face à une opposition grandissante qui a su unir de nombreux
partis dans une coalition représentative de toutes les composantes de la
société, à une jeunesse qui s’engage courageusement pour l’émancipation du pays
et à une opinion publique qui exprime son ras-le-bol contre le système
autocratique, le général président devra s’attendre à affronter, au cours
des mois à venir, les pires moments
de sa longue présidence.
Moussa Fall est le
président du Mouvement pour le changement démocratique (MCD) membre de la
coalition de l’opposition mauritanienne, le Forum national pour la démocratie
et l’unité (FNDU)
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/09/08/en-mauritanie-les-dernieres-convulsions-d-un-regime-agonisant_5182982_3212.html
Les migrants, cibles du trafic
d’organes (04.09.2017)
Fin août, un nouveau coup de
filet a eu lieu en Egypte contre des trafiquants d’organes. Au Proche-Orient,
les migrants sont devenus leurs proies privilégiées.
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO |
04.09.2017 à 14h16 • Mis à jour le 05.09.2017 à 06h33 | Par Agnès Noël
Kalila, réfugiée syrienne de
39 ans, ici au Liban en juin 2014, porte la cicatrice du prélèvement de son
rein, vendu 15000 dollars (12600 euros).
Hiba, jeune migrante soudanaise,
mère célibataire de deux enfants, venait d’arriver au Caire lorsqu’elle a été
approchée par des « courtiers » qui lui ont proposé de leur vendre un rein. A
la clinique, le médecin lui a donné 40 000 livres égyptiennes (1 900 euros),
beaucoup moins que les 40 000 dollars (33 600 euros) promis initialement.
L’argent ne lui a pas beaucoup
servi. « J’ai dépensé la plus grande partie de cette somme en restant à
l’hôtel. Je ne voulais pas que quiconque apprenne ce qui était arrivé »,
a-t-elle indiqué à Sean Columb, maître de conférences en droit à la faculté de
Liverpool et spécialiste de la question du trafic d’organes, qui a recueilli
son témoignage.
Aujourd’hui, elle souffre de
fortes douleurs au ventre et ne peut plus soulever de charges lourdes. Le seul
travail qu’elle a pu trouver est « hôtesse » dans un club de nuit.
Ils seraient des milliers comme
Hiba au Proche-Orient. Les migrants et les personnes déplacées sont devenus en
Egypte, en Irak et en Syrie les victimes privilégiées du trafic d’organes. Un
trafic qui a fait l’actualité ces dernières semaines en Egypte : le ministère de
l’intérieur a annoncé, le 22 août, l’arrestation de douze personnes, dont des
médecins faisant partie d’un « grand réseau spécialisé de trafic d’organes ».
Et le procès d’un autre réseau de 41 personnes, arrêtées en décembre 2016, a
commencé en juillet.
Les pays touchés par ce trafic
sont nombreux : Inde, Pakistan, Philippines, Bangladesh, Egypte, Mexique,
Cambodge, Sri Lanka, mais aussi Chine, où la « tolérance zéro », décrétée
vis-à-vis des prélèvements effectués sur des condamnés à mort, ne serait pas sans
faille…
Le Declaration of Istanbul
Custodian Group (DICG), qui promeut les règles éthiques de la transplantation
d’organes, estime ainsi qu’il y a au moins plusieurs centaines de cas en Egypte
et au moins 2 000 dans tout le Moyen-Orient.
La présence de migrants n’a
pourtant pas...
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/09/04/les-migrants-cibles-du-trafic-d-organes_5180796_1650684.html
Ne bradons pas notre temps
d’attention aux géants du web (09.09.2017)
Deux anciens employés de Google
ont fondé une association pour inciter les utilisateurs des nouvelles
technologies à défendre leurs « intérêts ».
LE MONDE
IDEES | 09.09.2017 à 14h00 • Mis à jour le 09.09.2017 à
16h22 | Par Luc
Vinogradoff
« Si c’est gratuit, c’est
que vous êtes le produit. » Cette maxime qui tente de résumer le
modèle économique de la Silicon Valley se vérifie d’année en année. Le point
commun entre les services offerts par Google, puis Facebook, puis Snapchat est
qu’ils ne vous coûtent rien, hormis votre temps d’attention. Plus nos yeux et
nos oreilles sont accaparés par les produits de ces entreprises, plus celles-ci
gagnent de l’argent grâce à la publicité, leur principale source de revenu.
Ruses et techniques
Le temps d’attention de
l’utilisateur est la denrée que convoitent toutes les entreprises de nouvelles
technologies. S’il est à ce point précieux pour elles, pourquoi les
consommateurs n’ont-ils pas encore fait le même constat ? Et pourquoi ne
tentent-ils pas d’utiliser leur temps d’attention comme un levier pour défendre
leurs intérêts ?
C’est l’ambition que s’efforcent
de propager Tristan Harris et James Williams, deux anciens employés de Google,
respectivement « philosophe produit » et publicitaire. L’association
qu’ils ont fondée, Time Well Spent (« du temps bien utilisé »), a
pour objectif de lutter pour les « intérêts » des utilisateurs
de nouvelles technologies en « empêchant les plates-formes
technologiques de prendre en otage nos esprits ».
Les services que vous utilisez
constamment ne sont pas « neutres ». Ils sont conçus « pour nous obliger à
passer le plus de temps possible » dessus.
Tout cela est connu. Mais ce
constat, résumé sur le site qu’ils ont créé, a le mérite de rendre compte de
l’ampleur des ruses et techniques imaginées pour que notre œil reste le plus
longtemps possible rivé à l’écran : vidéos en autoplay, interfaces pensées
pour attirer notre attention et encourager les visites, multiplication des
notifications.
Les créateurs de Time Well Spent
n’en restent pas à ce constat négatif. Ils proposent une solution :
d’abord une prise de conscience, une responsabilisation qui, dans l’idéal,
aboutirait à un lobbying...
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/09/09/ne-bradons-pas-notre-temps-d-attention-aux-geants-du-web_5183378_3232.html
Collomb veut « pouvoir muter
et radier un fonctionnaire radicalisé » (10.09.2017)
Le ministre de l’intérieur
estime, dans un entretien au « Parisien », que « jusqu’ici, nos
marges de manœuvre sont très faibles ».
Le Monde.fr avec
AFP | 10.09.2017 à 02h22 • Mis à jour le 10.09.2017 à 09h02
Le ministre de l’intérieur
Gérard Collomb souhaite « pouvoir muter et radier un fonctionnaire
radicalisé » lorsque celui-ci exerce des missions de sécurité,
explique-t-il dans un entretien au Parisien, dimanche 10 septembre.
La mesure, qui devrait prendre place
dans le projet de loi antiterroriste examiné
par les députés en octobre, « concernera les policiers, les
gendarmes, les militaires, les douaniers et le personnel pénitentiaire »,
explique-t-il.
« Marges de manœuvre
faibles »
« Jusqu’ici, quand nous
découvrons qu’un agent s’est radicalisé, nos marges de manœuvre sont très
faibles », déplore le locataire de la Place Beauvau,
particulièrement « avec les fonctionnaires et les militaires les
plus engagés dans le domaine de la sécurité ». « Il
faut pouvoir muter et radier un fonctionnaire radicalisé
lorsqu’il exerce des missions de souveraineté ou un métier en lien avec la
sécurité », insiste-t-il.
Interrogé sur le nombre de « profils
radicalisés » visés, M. Collomb précise que « quelques
dizaines de situations font l’objet d’un suivi ».
Le projet de loi antiterroriste,
adopté mi-juillet au Sénat, doit être examiné en
octobre par les députés. Le président Emmanuel Macron a annoncé mardi une
révision de la politique de prévention de la
radicalisation avec l’adoption « d’ici la fin de l’année » d’un
plan national.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/politique/article/2017/09/10/collomb-veut-pouvoir-muter-et-radier-un-fonctionnaire-radicalise_5183486_823448.html
Mark Zuckerberg : le patron de
Facebook sera-t-il le prochain président des États-Unis ?
Par Vincent
Jolly et Service
InfographieMis à jour le 08/09/2017 à 15h55 | Publié le 08/09/2017 à
09h01
À 33 ans, le fondateur et
PDG de Facebook est l'un des milliardaires les plus influents et puissants de
la planète. Depuis quelques mois, et à raison, beaucoup lui prêtent une
ambition présidentielle aux Etats-Unis. Portrait d'un homme connecté à deux
milliards d'êtres humains.
Nous sommes le 17 juillet
2017. Mark Zuckerberg rend visite à la tribu indienne des Blackfeet, dans le
Montana. Et comme chacun des deux milliards d'utilisateurs de Facebook, le plus
grand réseau social mondial dont il est le fondateur et PDG, Mark Zuckerberg
poste les photos de sa rencontre avec les membres de la tribu des Blackfeet sur
son mur. Il y décrit, entre autres, la vie quotidienne sur la réserve, précise
la complexité des problématiques liées à la juridiction particulière dont elle
dispose, évoque les affres de l'alcool et de la drogue au sein de la tribu…
Quelques jours plus tôt, le 12 juillet, Zuck - pour les intimes - nous
contait ses péripéties et ses analyses du monde rural depuis une ferme
d'élevage du Dakota du Sud. Cette fois-ci, avec des photos de lui au milieu des
vaches. Pourquoi Mark Zuckerberg, l'un des hommes les plus puissants et les
plus influents de la planète, à la tête d'une fortune personnelle de
71,5 milliards de dollars, PDG d'un empire technologico-médiatique
pouvant s'adresser d'un clic à la moitié du globe, prendrait-il la peine de se
rendre dans une réserve indienne, une ferme d'élevage, ou une caserne de
pompiers pour s'adresser à une petite vingtaine de personnes, ou pour voir des
vaches?
Il se pourrait bien que le plus
jeune milliardaire de l'Histoire - Zuckerberg a gagné son premier milliard à
23 ans, huit ans avant Bill Gates - ne limite pas ses ambitions à
l'interconnexion de l'humanité tout entière. Mais
se verrait bien en président des Etats-Unis d'Amérique.
Le jeune génie de l'informatique
est reçu et écouté par les plus grands de ce monde, notamment le Pape en
2016. - Crédits photo : Prensa Internacional/ZUMA/REA
Tout début 2017, Mark Zuckerberg
annonçait ses bonnes résolutions dans une lettre ouverte à sa communauté -
comme tous les ans. Mais si, les autres années, celles-ci se limitaient à
apprendre le mandarin ou lire 25 livres en un an, le défi de cette année
allait mettre la puce à l'oreille de certains journalistes: visiter chacun des
50 Etats avant 2018. D'où l'explication «officielle» de sa présence dans ce
fameux Dakota du Sud. Depuis cette annonce et sa lettre ouverte du
16 février, Mark Zuckerberg n'a cessé de multiplier les indices laissant
entendre une possible candidature à la présidence lors de l'élection de 2020.
Derniers en date? Les recrutements successifs au sein de sa fondation
philanthropique Chan Zuckerberg Initiative de Joel
Benenson, ancien conseiller de Barack Obama et stratège de la campagne d'Hillary
Clinton en 2016 ; de David Plouffe, l'un des architectes de la
campagne de Barack Obama en 2008 ; de Ken Mehlman, directeur de la seconde
campagne de George W. Bush en 2004 ; de Charles Ommanney, ancien
photographe de campagne d'Obama et de Bush… Autant de signes qui tendent à
lever le voile sur sa possible candidature. Remarquons également qu'en janvier
dernier, cet ancien athée assumé a avoué, après avoir rencontré le pape et fait
les éloges du bouddhisme, que «la religion (était) très importante».
Pourtant, l'intéressé nie
farouchement toute ambition présidentielle. «Beaucoup me demandent si ces
visites des 50 Etats signifient que je compte me présenter à une fonction
officielle: ce n'est pas le cas. Je le fais simplement pour avoir une meilleure
idée et perspective de notre pays, pour mieux servir notre communauté de presque
2 milliards de personnes […].»
«Je pense qu'il est difficile
d'adhérer uniquement au Parti démocrate ou au Parti républicain. Je suis
simplement pour une économie du savoir»
Mark Zuckerberg en 2016
Peut-être le temps de faire
accepter par l'opinion américaine l'idée qu'un PDG tel que lui, sans aucune
expérience politique, soit investi par le Parti démocrate. Après l'investiture
de Donald Trump, Mark Zuckerberg publia le 16 février 2017 un long
manifeste sur Facebook à l'adresse de ses 96 millions de followers, repris
dans la presse internationale qui comparait cette lettre à un des State of the
Union d'un président des Etats-Unis. Intitulé «Building Global Community», le
texte énonce cette question solennelle: «Sommes-nous en train de construire le
monde que nous voulons tous?» Ceux qui ne connaissaient pas bien l'homme
derrière Facebook ont ainsi pu découvrir l'une de ses nombreuses facettes: Mark
Zuckerberg a une vision précise du monde qui l'entoure et de l'état de nos
sociétés modernes. «Depuis son plus jeune âge, Mark Zuckerberg est un garçon
particulier, raconte David Kirkpatrick, journaliste et auteur d'un livre très
fouillé sur la genèse de Facebook. Il est tenace, toujours cohérent et possède
de vraies convictions.» Dont celle qui l'anime depuis les bancs de
l'université: connecter les êtres humains entre eux pour rendre le monde
meilleur, plus ouvert et plus libre. Le milliardaire a déjà contribué à la
campagne de politiciens issus des deux grands partis du pays, refusant de
croire à un manichéisme politique. «Je pense qu'il est difficile d'adhérer
uniquement au Parti démocrate ou au Parti républicain, a affirmé en 2016 le
jeune milliardaire. Je suis simplement pour une économie du savoir.» Zuckerberg
avait par exemple rencontré le sénateur républicain de Floride et malheureux
adversaire de Donald Trump, Marco
Rubio, pour discuter d'une réforme bipartisane sur l'immigration, persuadé
que les immigrants «sont la clé de l'économie et du savoir».
Si la question est d'abord de
savoir s'il se présentera bel et bien en 2020 (ou en 2024), et si oui, sous
quelle égide politique, celle - évidente - que tout le monde se pose est:
peut-il gagner? Ce n'est pas impossible: un institut de sondage indiquait cet
été que dans l'hypothèse d'un duel Trump-Zuckerberg en 2020, les deux candidats
arriveraient au coude-à-coude. Cette même étude indique que 24 % des Américains
seraient favorables à sa candidature, contre 29 % non favorables et
47 % d'indécis. En somme, en 2017, le peuple américain semble vouloir en
savoir plus sur l'homme derrière cette société qui régit une grande partie de
son quotidien, à travers Facebook mais aussi WhatsApp, Instagram et Messenger.
Quatre des 10 applications smartphone les plus utilisées dans le monde.
Plus que d'une simple fortune,
Zuckerberg est à la tête d'une entreprise tentaculaire qui fait de lui le
«rédacteur en chef» le plus puissant du monde: Facebook est une vitrine
virtuelle de toutes les unes des journaux du monde entier et peu de médias
peuvent se targuer de disposer d'un lectorat ou d'une audience de
2 milliards de personnes. Et, comme un journal, le réseau a sa propre ligne
éditoriale: des photographies historiques, notamment une sur la guerre du
Vietnam, et des images de toiles de maîtres ont déjà été supprimées
(temporairement) par le site car violant les conditions d'utilisation de
Facebook. Un véritable empire dont il a posé la première pierre un soir
d'hiver 2003, dans sa chambre de Kirkland, sur le campus d'Harvard où il était
étudiant.
Alors que les réseaux sociaux
n'en étaient qu'à leurs balbutiements, Zuckerberg avait su sentir ce qui
composait le tissu social d'un milieu universitaire et a réussi à le transposer
sur la toile
Lors de ses premiers mois à la
prestigieuse université, après avoir refusé plusieurs propositions d'embauche
de grandes sociétés, il inventa deux logiciels très populaires, CourseMatch et
Facemash. Le premier permettait aux étudiants de voir à quels cours s'étaient
inscrits leurs camarades et le second classait, par un système de vote,
l'apparence et le physique des élèves. Bien avant Facebook donc, ce fils d'une
psychiatre et d'un dentiste élevé dans l'Etat de New York démontrait une
capacité sans pareille à créer des concepts de logiciels que les internautes
aimaient utiliser. Pourquoi? Car à cette époque, où les réseaux sociaux n'en
étaient qu'à leurs balbutiements (Friendster et Myspace ne fonctionnaient pas
très bien et croulaient sous des annonces publicitaires encombrant des interfaces
déjà chargées), Zuckerberg avait su sentir ce qui composait le tissu social
d'un milieu universitaire et a réussi à le transposer sur la toile. Facebook
fut mis en ligne le 4 février 2004. Quatre jours plus tard, 650
utilisateurs avaient déjà créé leur compte. Puis, à l'instar d'un stratège
militaire et aidé par ses camarades Dustin Moskovitz, Chris Hughes, Eduardo
Saverin et Andrew McCollum, Zuckerberg entreprit d'étendre TheFacebook à
d'autres universités: Yale, Columbia, Stanford… En un mois, 10.000 élèves dans
le pays possédaient un compte Facebook. Treize ans plus tard et cinq ans après
son introduction en Bourse, le réseau social est disponible dans plus de 140
langues et emploie plus de 20.000 personnes à travers le monde. Et, avec 2 milliards
d'utilisateurs actifs par mois, il est - et de loin - le réseau social le plus
important au monde.
Mark Zuckerberg en 2005 avec ses
parents et deux de ses trois sœurs. - Crédits photo : SHERRY
TESLER/NYT-REDUX-REA
Important, et influent: car
Facebook a déjà révélé être capable d'agir directement sur le moral des gens en
changeant l'ordre des informations présentes sur leur page personnelle. En
analysant vos données, Facebook (mais également la plupart des autres grandes
plates-formes internet) peut cibler les publicités que vous verrez s'afficher
sur votre page. Si l'on sait ce que vous voulez acheter, on peut également
déterminer (en changeant la manière dont sont compilées les données) votre
candidat préféré aux prochaines élections et vos convictions politiques.
En 2014, dans une étude menée en
collaboration avec les universités de Cornell et de Californie (UCLA) sur un
échantillon de près de 700.000 personnes, Facebook
démontrait qu'il était tout à fait possible d'altérer les humeurs des gens.
Qu'il était tout à fait possible, en somme, de créer à l'aide d'algorithmes une
«contagion affective à grande échelle».
L'étude avait évidemment provoqué
un tollé et n'avait pas manqué d'affoler politiques et observateurs du monde
digital. «Est-ce que la CIA pourrait inciter à une révolution au Soudan en
faisant pression sur Facebook pour qu'il mette en avant des messages de mécontentement?
Est-ce que ça doit être légal?», s'interrogeait alors un spécialiste avant de
poursuivre, précurseur: «Est-ce que Zuckerberg pourrait rafler une élection en
faisant la promotion de tel ou tel site internet?» Pour ne rien arranger,
Facebook avait conduit cette expérience sans que les personnes sélectionnées
dans l'échantillon aient été préalablement prévenues.
Barack Obama se félicitait d'être
celui qui avait réussi à faire mettre une veste et des chaussures à Mark
Zuckerberg, connu pour ne porter que des tee-shirts et des sandales. -
Crédits photo : Jim Young/REUTERS
C'est là que le bât blesse:
dans 1984, George Orwell prédisait un futur où la vie privée ne
serait plus qu'une relique du passé. L'un des seuls détails que l'auteur
visionnaire n'avait pas prévu est au cœur de la réussite même de Facebook:
Zuckerberg n'a jamais volé une information à qui que ce soit. Nous lui avons
tout donné, et gratuitement. Un fait qu'il mentionnait déjà à Harvard en 2004,
quelques semaines après le lancement de Facebook, dans un échange d'e-mails
publié quelques années plus tard dans la presse: «Si tu veux des informations
sur quelqu'un de l'université, tu me demandes. J'ai environ 4000 adresses
mails, des photos, des coordonnées…» - «Comment t'as fait ça?!» - «Les gens les
ont juste envoyées. Je ne sais pas pourquoi. Ils me font confiance. Bande
d'abrutis.» Notons qu'à l'époque, Zuckerberg n'était encore qu'un jeune
étudiant, au caractère bien éloigné du PDG qu'il est aujourd'hui. Un PDG qui,
grâce aux informations que mettent en ligne ses utilisateurs, sait tout (ou
presque) d'eux: 230 des 360 millions d'habitants aux Etats-Unis sont sur
Facebook. S'il le souhaitait, Mark Zuckerberg pourrait aisément utiliser la
masse de données dont il dispose pour analyser les opinions du pays, d'une
région, d'un Etat, d'un district, d'une ville… et adapter ainsi une éventuelle
stratégie électorale. Et si certains de ses détracteurs ne manquent pas de
souligner son manque de charisme naturel - élément crucial à l'heure de la prédominance
de la communication et de l'image dans la vie politique -, Zuckerberg est loin
de la caricature du simple geek ayant eu une bonne idée au fin fond de son
garage ou de sa chambre. «Il s'est révélé être quelqu'un d'aussi visionnaire
que Steve Jobs et d'aussi influent que Bill Gates», témoigne un journaliste
du New Yorker. Discret dans les médias «traditionnels», Zuckerberg
partage son quotidien le plus intime sur sa page Facebook. Il ne va pas
arpenter les couloirs du Capitole à Washington mais a facilement accès aux plus
hautes sphères du pouvoir: Barack Obama pendant ses mandats (le président
américain se félicitait d'être celui qui avait réussi à faire mettre une veste
et des chaussures à Mark Zuckerberg, connu pour ne porter que des tee-shirts et
des sandales), Angela Merkel, le pape François… Mais, en revanche, il décline
les invitations de Donald Trump à participer aux réunions entre la
Maison-Blanche et les autres géants de la tech américaine.
Demeure une question: pourquoi se
présenterait-il? Après tout, Mark Zuckerberg dispose déjà d'une immense
fortune, d'une immense influence… d'un immense pouvoir. En tant que PDG, il
pourrait parfaitement continuer à étendre l'emprise de Facebook à travers le
monde: le soleil se lève et se couche d'ores et déjà sur Facebook mais reste à
conquérir l'Afrique, et également l'Asie, où l'Inde et la Chine résistent à
l'arrivée du réseau social sur leur territoire. Se lancer dans une campagne
présidentielle, dans le monde tumultueux de la politique, c'est risquer d'y
perdre des plumes, d'y perdre du temps, de fouler le sol d'un monde dont les
Américains se méfient beaucoup plus, à tort ou à raison, que celui idyllique et
optimiste des nouvelles technologies.
C'est son royaume, son empire,
qui a donné naissance au concept même de «fake news», qui a vu la promotion de
sites internet colportant des informations haineuses faisant fi de la réalité
Mais peut-être Mark Zuckerberg
a-t-il pris conscience de son influence politique avec l'élection de Donald
Trump? Après tout, et ce n'est plus à démontrer, ce sont en grande partie des
plates-formes comme Facebook et Twitter qui ont été l'un des théâtres de
l'élection du nouveau Président. C'est son royaume, son empire, qui a donné
naissance au concept même de «fake news», qui a vu la promotion de sites
internet colportant des informations haineuses faisant fi de la réalité. Avant
l'élection de Trump, Zuckerberg arguait de vouloir rester neutre. Depuis son
investiture en janvier dernier, Facebook a installé une nouvelle fonctionnalité
pour faciliter les échanges entre les citoyens américains et leurs élus. Au
XXIe siècle, Mark Zuckerberg n'a pas besoin du Bureau ovale pour devenir
le maître du monde. S'il se présente, c'est que son ambition est nourrie par
d'autres motifs. Peut-être celui de vouloir donner à ses deux filles, Maxima,
née en novembre 2015, et August, née le 28 août dernier, un monde
meilleur. Un monde avec «une meilleure éducation, moins de maladies, des
communautés soudées et plus d'égalité», comme il
l'écrit dans une lettre adressée à sa
benjamine. Car si le candidat Donald Trump était sans aucun doute l'un des
visages de l'Amérique, Mark Zuckerberg, lui, en est un autre: celui de la
démesure, de la réussite, de l'optimisme, de la mondialisation à outrance et de
l'universalité… du progrès aussi. Lui et sa femme Priscilla Chan, une fille
d'immigrés vietnamiens diplômée d'Harvard Med School en pédiatrie et très
impliquée dans l'éducation, multiplient les actes caritatifs - ils ont
récemment donné 3 milliards de dollars à la recherche médicale - et
se sont engagés à reverser 99 % de leur fortune personnelle. Peut-être un
nouveau chapitre de la saga politique du pays et un exemple de ces
storytellings dont les électeurs américains raffolent.
Marié à Priscilla Chan, Mark
Zuckerberg met en scène sa vie privée sur Facebook. Le 28 août dernier, il
a partagé une photo pour la naissance de sa deuxième fille, August. -
Crédits photo : Charles Ommanney/AP/SIPA
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Musk et Mark Zuckerberg s'opposent sur l'intelligence artificielle
Thierry Meyssan, l'auteur de
l'Effroyable imposture (2002), vendue à 250 000 exemplaires.
AFP/DANIEL JANIN
Avec son livre niant la
responsabilité d'Al-Qaïda dans les attentats du 11 septembre 2001, ce Français
est devenu une figure clef des complotistes. Depuis, établi en Syrie, il
accable "l'Occident et les sionistes" de tous les maux.
La vérité est ailleurs. Il le
proclame à la face du monde: l'actualité internationale et son cortège de
drames n'ont rien à voir avec ce qu'en disent les médias occidentaux. La tuerie de Charlie Hebdo, par exemple. Elle "n'a pas
de lien avec l'idéologie djihadiste [...]. Ses commanditaires les plus
probables sont à Washington". La preuve? "Les assaillants n'étaient
pas vêtus à la mode des djihadistes, mais comme des commandos militaires."
CQFD. De même, les combattants de Daech (organisation de l'Etat islamique) "ont été formés par
les Etats-Unis [...], mais aussi par des Français, de la Légion
étrangère". Rien d'extraordinaire, quand on sait qu'"Al-Qaeda assure
la sécurité de l'Etat d'Israël face à la Syrie"... Ceux qui ne le croient
pas sont manipulés par la "propagande impérialiste états-unienne
Conspirationnisme: Thierry
Meyssan, le maître à fausser
Par Boris Thiolay,
publié le 17/04/2015 à 19:46
Avec son livre niant la
responsabilité d'Al-Qaïda dans les attentats du 11 septembre 2001, ce Français
est devenu une figure clef des complotistes. Depuis, établi en Syrie, il
accable "l'Occident et les sionistes" de tous les maux.
La vérité est ailleurs. Il le
proclame à la face du monde: l'actualité internationale et son cortège de
drames n'ont rien à voir avec ce qu'en disent les médias occidentaux. La tuerie de Charlie Hebdo, par exemple. Elle "n'a
pas de lien avec l'idéologie djihadiste [...]. Ses commanditaires les plus
probables sont à Washington". La preuve? "Les assaillants n'étaient
pas vêtus à la mode des djihadistes, mais comme des commandos militaires."
CQFD. De même, les combattants de Daech (organisation de l'Etat islamique) "ont été formés par
les Etats-Unis [...], mais aussi par des Français, de la Légion
étrangère". Rien d'extraordinaire, quand on sait qu'"Al-Qaeda assure
la sécurité de l'Etat d'Israël face à la Syrie"... Ceux qui ne le croient
pas sont manipulés par la "propagande impérialiste états-unienne et
sioniste"...
Notre dossier sur le complotisme
>>> Enquête sur la folie des complots
>>> Le complotisme ou la défaite des journalistes
>>> Quand les politiques croient au complot
>>> Pierre-André Taguieff: "Trop d'info crée le complot"
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Voilà près de quinze ans que le
Français Thierry Meyssan récite son credo: les Etats-Unis, l'Organisation du
traité de l'Atlantique Nord (Otan) et Israël mènent un complot à l'échelle mondiale pour
asservir les pays "non alignés" - Syrie, Iran et Venezuela en tête. Pour tenter de le démontrer, tous
les moyens sont bons. Plus c'est gros, plus ça passe. En 2002, Thierry Meyssan
lance un bobard ahurissant: dans son livre L'Effroyable Imposture,
il affirme que les attentats du 11 septembre 2001 sont en réalité une
manipulation d'"une faction du complexe militaroindustriel
américain". Selon lui, aucun avion ne s'est écrasé sur le Pentagone ce
jour-là. Cette thèse absurde rencontre aussitôt un écho international.
Depuis lors, Meyssan, ex-militant
de la liberté d'expression, est devenu l'un des chefs de file mondiaux du
complotisme. Etabli à Damas, il est aujourd'hui, à 57 ans, à la tête d'une
véritable entreprise de désinformation, mise au service de la propagande de
régimes autoritaires et de dictatures. Incroyable destin pour cet homme qui a
eu plusieurs vies, et autant d'engagements.
"Il voulait bénéficier de
financements étrangers"
Thierry Meyssan est né le 18 mai
1957 à Talence (Gironde), dans une famille bourgeoise catholique. Son père
travaille au côté de Jacques Chaban-Delmas, maire de Bordeaux et Premier
ministre (1969-1972). Sa mère dirige les oeuvres interdiocésaines en Aquitaine.
Le jeune Meyssan entame des études de théologie avant d'opter pour Sciences po, dont il n'obtiendra pas le diplôme. Il
appartient aussi au Renouveau charismatique, mouvement catholique qui met en
valeur les dons de "guérison" et de "prophétie". A 19 ans,
le jeune homme se marie. Mais, dans les années 1980, sa vie prend une autre
direction. Meyssan est maintenant libre-penseur et clame son homosexualité. Il
obtient du Vatican l'annulation de son mariage religieux, un fait rare. L'homme
milite pour les droits des homosexuels, s'investit dans la lutte contre le
sida, s'essaie au journalisme. En 1993, le voici secrétaire national du Parti
radical de gauche (PRG). "Il était très actif et avait un carnet
d'adresses bien rempli. Son ambition était de faire une carrière
politique", affirme un de ses anciens compagnons de route. L'année
suivante, Thierry Meyssan fonde le Réseau Voltaire pour défendre la liberté
d'expression et la laïcité. Des cadres de partis de gauche (Verts, PCF, PRG) et
de syndicats siègent au conseil d'administration. Philippe Val y
représente... Charlie Hebdo. Au
quotidien, le Réseau Voltaire, qui multiplie les révélations sur les filières
d'extrême droite, est constitué d'un duo: Thierry Meyssan et son compagnon,
Serge M., seul salarié de l'association, à 8000 francs par mois.
"Meyssan avait un fond
paranoïaque, se souvient Yves Frémion, ancien vice-président du Réseau Voltaire
et ex-élu Vert. Régulièrement, il racontait les tentatives d'assassinat
auxquelles il avait soi-disant échappé... Ensuite, il a "pété les
plombs" par autoritarisme." Son glissement de la gauche vers la
mouvance rouge-brun, l'antiaméricanisme et l'antisionisme virulents, prend une
tournure publique en septembre 2001. Dès le lendemain des attentats, Thierry
Meyssan met en doute leur réalité. Six mois plus tard, il publie L'Effroyable
Imposture. Succès immédiat: vendu à 250 000 exemplaires, le livre est
traduit en 26 langues. Mais ses élucubrations suscitent aussi un énorme tollé.
Les membres du Réseau Voltaire finissent par prendre leurs distances.
"Rapidement, Meyssan a été approché par des gens travaillant pour un état
du Proche-Orient, relate Yves Frémion. Ils lui ont livré clefs en main des documents
censés démontrer que le Pentagone avait été frappé par un missile
américain..." L'association explose en février 2005. "Il voulait
modifier les statuts pour créer des sociétés et bénéficier du financement de
pays étrangers, raconte Gilles Alfonsi, qui représentait alors le Parti
communiste au sein du réseau. Le conseil d'administration était noyauté par ses
nouvelles connaissances, notamment un pseudo-scientifique qui avait nié
l'existence des chambres à gaz lors du procès [du négationniste] Robert Faurisson."
Il relaie désormais la propagande
du régime de Bachar el-Assad
En 2006, Thierry Meyssan effectue
un premier voyage au Liban et en Syrie, peu après des attaques israéliennes contre les bases
du Hezbollah. Il est l'invité de ce dernier et du régime de
Damas. Deux ans plus tard, pour échapper à un invraisemblable "contrat"
que Nicolas Sarkozy - "élu grâce à la CIA" - aurait mis sur sa tête,
l'amateur de complots s'installe à Damas, dans le quartier des ambassades. Il
devient un expert habilité auprès d'une cohorte de médias
"antioccidentaux" ou "antisionistes": chaînes télé du
Hezbollah et du régime iranien, RT (ex-Russia Today, pro-Kremlin), radios et
quotidiens syriens... Le site Internet du Réseau Voltaire international
revendique 760 00 visiteurs uniques par mois. Le véritable ordre de grandeur se
situe plutôt autour de 20 000 à 30 000.
Cependant, il est traduit en 16
langues. Ce qui nécessite d'importants moyens financiers et humains. Lesquels?
Les indices affleurent. A Damas, Thierry Meyssan forme des cadres du régime au
sein de l'institut de recherche politique Syria Al-Ghad (Syrie Demain). Le
vice-président du Réseau, Issa el-Ayoubi, est un cadre du Parti social
nationaliste syrien, formation d'inspiration nazie créée dans les années 1930.
"Thierry Meyssan a choisi de s'allier avec les pires antisémites tout en
se gardant de manier lui-même cette rhétorique, poursuit Gilles Alfonsi. Voilà
toute la malignité et la perversité de son discours."
Depuis le déclenchement de la
guerre civile syrienne, en 2011, notre "journaliste en exil" assure,
en vidéo, le service après-vente de la propagande du régime de Bachar el-Assad. Le message est simple: la Syrie est victime
d'un terrible complot mêlant l'Occident, Israël et Daech... Thierry Meyssan
n'est jamais à court d'explications, même s'il doit les trouver par-delà les
frontières du réel. En revanche, bien que sollicité à plusieurs reprises par
courrier électronique, il n'a pas donné suite à nos demandes d'entretien.
Ses idées discutées chez Soral et
Dieudonné
Depuis la tuerie de Charlie
Hebdo, il semble de nouveau s'intéresser à la politique française. Le
faussaire est apparemment satisfait que ses idées soient discutées au sein du
groupuscule Réconciliation nationale, fondé par Dieudonné et Alain Soral, polémiste qui se définit lui-même
comme "national-socialiste français". "Cette formation entend
réunir des citoyens d'origines politiques différentes, y compris des personnes
ayant milité à l'extrême droite antisémite", écrit le Réseau Voltaire. La
vérité surgit parfois là où on ne l'attend pas...
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Dijon veut être la première
«smart city» française (10.09.2017)
La ville va piloter à distance
beaucoup de ses équipements : eau, éclairage, propreté…
Un soir de semaine comme les
autres. Un passionné de football se rend au stade à vélo. Au préalable, il a
vérifié sur une appli que la qualité de l'air n'était pas gênante pour son déplacement.
Sur le chemin, il tombe sur un accident qui implique un motard. Il le signale
par smartphone à l'administration locale qui, immédiatement, met les feux
tricolores à l'orange clignotant pour faciliter l'arrivée des secours et
indique aux automobilistes, via les panneaux urbains, d'éviter ce quartier. En
se rendant au stade, une autre fan constate qu'une poubelle n'a pas été
ramassée. En un clic, elle le signale à l'administration locale qui va
programmer tout de suite le passage d'un camion-benne.
«Avec cette gestion connectée
de l'espace public, nous inventons la ville 3.0»
François Rebsamen, maire de Dijon
Un film de science-fiction sur la
métropole de demain? Pas tout à fait. Dijon,
qui va proposer ces services et bien d'autres, veut devenir une ville
intelligente. «Avec cette gestion connectée de l'espace public, nous inventons
la ville 3.0», explique François Rebsamen, maire de Dijon. Pour y parvenir, la
capitale de la Bourgogne, qui compte 250.000 habitants, va se doter fin 2018
d'un centre de pilotage où toutes les données de la ville (éclairage, eau,
propreté, déplacement…) seront remontées et exploitées en temps réel. Ce projet
sera réalisé par un consortium mené par Bouygues associé pour l'occasion à
Citelum (filiale d'EDF), Suez et Capgemini. Ensemble, ces quatre partenaires
ont remporté ce contrat qui s'étalera sur les douze prochaines années pour un
montant de 105 millions d'euros.
«Ce sera la première smart city
française», affirme Martin Bouygues, PDG du groupe Bouygues. La première même
en Europe. Car si beaucoup de grandes villes comme Copenhague réfléchissent au
sujet, aucune n'a lancé une expérimentation à grande échelle. À l'image de Lyon
ou de Nice, les plus avancées testent ce genre d'approche dans un quartier.
C'est qu'il s'agit d'une opération qui demande des investissements
significatifs. Entre le déploiement de la fibre optique, l'installation
d'ampoule LED sur l'éclairage urbain, le renouvellement de 270 caméras de
vidéosurveillance… Dijon va investir 53 millions d'euros. «En retour, nous
escomptons des économies de 15 millions sur les douze ans composées de
65 % d'économies sur l'éclairage et d'une division par deux des frais de
maintenance», affirme François Rebsamen, qui promet néanmoins que les impôts
locaux n'augmenteront pas.
«Les villes dans le monde
entier nous questionnent pour être plus efficaces et plus économes»
Martin Bouygues, PDG du groupe
Bouygues
Autre difficulté: avec la multiplication
de ces objets connectés qui disent tout de nos pratiques, la Ville devra être
très vigilante pour que ces données ne puissent pas être piratées ou que le
système ne tombe pas en panne. Les récentes cyberattaques ont montré que le
risque zéro n'existait pas. Mais ces nouveaux risques représentent aussi de
formidables opportunités. Par exemple, avec le flot de nouvelles données qui
seront accessibles à tous, les citoyens seront davantage «acteurs» de leur
ville.
Ils pourront donc savoir en temps
réel et à distance quelles sont les places de parking libres en centre-ville,
si des logements HLM sont disponibles, quelle est la longueur de la liste
d'attente pour avoir une place en crèche… Encore faudra-t-il que des start-up
s'emparent de ces data et développent des applications grand public.
En attendant, si Dijon joue les
précurseurs, son exemple pourrait faire école. «D'autres villes se préparent à
lancer ce genre d'appel d'offres», affirme Christophe Bonnard, président de
Capgemini France. Nantes, notamment, y réfléchirait. La montée en puissance des
problématiques de la «ville intelligente» constitue un axe de développement
pour ces grands groupes. «Les villes dans le monde entier nous questionnent
pour être plus efficaces et plus économes, illustre Martin Bouygues. Le fait de
réaliser cette opération à Dijon va être une très belle référence.» Et si tous
les acteurs de ce consortium sont présents dans les pays concernés, il n'est
pas exclu qu'ils répondent ensemble aux appels d'offres internationaux.
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le changer »
Dans le métro, une
adolescente se rebelle, son agresseur finit au tribunal (10.09.2017)
La jeune victime a d'abord été
«collée» sur l'escalator avant d'être agressée./ DDM illustration Nathalie
Saint-Affre.
Alors qu'elle rentrait du collège
avec ses camarades mardi après-midi, une jeune mineure de 15 ans a été victime
d'une agression sexuelle dans la station de métro Jean-Jaurès, à Toulouse.
L'agresseur est un homme grand et frêle, âgé de 22 ans. Il l'a d'abord collé
dans l'escalator. Pourtant il n'y avait pas foule ce jour-là et l'adolescente a
trouvé ça très curieux. Arrivée au bas de l'escalier, au niveau des commerces,
la victime s'est éloignée pensant se débarrasser de l'individu. C'était sans
compter sur la détermination de cet homme qui, d'un pas décidé, s'est dirigé
vers l'adolescente et lui a touché avec sa main l'entrejambe au niveau du sexe
par-dessus son jean.
Malgré son jeune âge, la victime
ne s'est pas laissée faire. Elle n'a repoussé l'homme et son amie lui a mis une
gifle. Après ça, les deux jeunes filles ont eu la présence d'esprit d'avertir
les agents Tisseo qui ont intercepté l'homme. Placé en garde à vue et entendu
par les enquêteurs de la sûreté départementale, il a été présenté jeudi au
parquet et jugé vendredi.
Devant le tribunal correctionnel,
Alain Moulis, ancien juge d'application des peines qui présidait l'audience de
comparution immédiate pour la première fois, s'inquiète : «Votre geste était-il
volontaire ?». «C'était une faute du moment, je ne me l'explique pas. Oui mon
geste était volontaire. Je n'avais aucune motivation particulière, je n'ai même
pas vu son visage», répond le prévenu.L'homme n'en est pourtant pas à son coup
d'essai. Il est déjà connu de la gendarmerie et de la justice pour avoir commis
des faits identiques le 14 avril à Cazères. Ce jour-là, il avait saisi la
poitrine d'une femme. Il s'expliquera sur cette agression sexuelle devant le
tribunal correctionnel de Saint-Gaudens le 5 octobre.
Demandeur d'asile, lui et sa
famille sont hébergés par une association. Marié et père d'un bébé de 10 mois,
sa femme est présente dans la salle d'audience et le soutient. Le procureur
Pierre Demonte se dit préoccupé. «Les faits sont d'une certaine gravité
d'autant qu'ils sont commis sur une mineure de 15 ans, dans un espace public et
en pleine journée. Pire encore, le prévenu ne donne aucune explication à son
geste». Le procureur réclame 12 mois de prison avec sursis.
«Ce sont des faits désagréables.
Je le sais d'autant plus que je suis une femme. Cet homme assume néanmoins son
geste déplacé, devant vous et sa femme. Il doit être averti mais il a déjà
compris» plaide son avocate, Me Anita Buzonie. Après délibéré, le tribunal a
condamné le prévenu à huit mois de prison avec sursis.
Saint-Martin: le gouvernement
veut éteindre la polémique sur la gestion de la crise (10.09.2017)
Mis à jour le 10/09/2017 à 21h51 | Publié le 10/09/2017 à 20h32
Plusieurs responsables politiques
ont dénoncé des défailances de l'Etat face à l'insécurité régnant sur l'île
durement frappée par l'ouragan Irma. Le président Macron s'envolera ce lundi
soir pour Saint-Martin.
Des attaques à la voiture bélier
contre des commerces, des pillages massifs, des rumeurs de «chasse aux Blancs»,
d'évasion de détenus dangereux et armés, des milices de riverains, bien réelles
celles-là, constituées pour protéger certains quartiers. Et, en tout état de
cause, des familles qui ont peur et réclament, pour certaines, un rapatriement,
au moins pour les femmes et les enfants. Il n'en fallait pas davantage pour que
ce qui se passe à Saint-Martin,
l'île des Antilles françaises la plus durement frappée par l'ouragan Irma,
n'échauffe les esprits à Paris. L'ampleur du désastre se confirme notamment
dans les témoignages
chocs de fonctionnaires ultramarins.
Sur
le chaos régnant sur place, le général Jean-Marc Descoux, qui dirige les
forces de gendarmerie en Guadeloupe, à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, a
livré son analyse de militaire. Il a d'abord confirmé sur France Info que les
forces de l'ordre ont désarmé «des gens avec des couteaux» qui «terrorisaient»
les habitants. Une maigre moisson, pour l'heure, d'une vingtaine de voyous tout
au plus. Le général Descoux a révélé que «500, 600 malfaiteurs, mais qui étaient
des malfaiteurs d'habitude (…) ont profité de l'opportunité» pour passer à
l'action.
«Je ne nie pas le sentiment
d'insécurité, il est réel (…). Il y avait 11 pharmacies, 8 ont été détruites, 3
pillées par des gens qui, face à la panique, ont fait ce qu'ils n'auraient
jamais fait à aucun autre moment»
Christophe Castaner, porte-parole
du gouvernement
Christophe Castaner, le
porte-parole du gouvernement, a bien été forcé de le reconnaître: «Je ne nie
pas le sentiment d'insécurité, il est réel (…). Il y avait 11 pharmacies, 8 ont
été détruites, 3 pillées par des gens qui, face à la panique, ont fait ce
qu'ils n'auraient jamais fait à aucun autre moment.» Des frigos, des machines à
laver, des téléviseurs ont aussi été embarqués dans des pick-up lors de razzias
improvisées jusque chez les particuliers. On a même vu un adjoint de sécurité
de la police aux frontières (PAF) embarquer du matériel nautique. Bref, les
37.000 habitants d'une île dévastée ont été confrontés à l'anarchie la plus
totale.
En face, le nombre des agents qui
ont pu être déployés sur le terrain dans un premier temps était inférieur à
celui des pilleurs. «420 gendarmes immédiatement sur place, 80 policiers, 100
militaires» auxquels il faut ajouter 550 pompiers pour arriver au chiffre d'un
millier de professionnels à pied d'œuvre au début de la crise, était-ce un
nombre suffisant? Une chose est sûre: la polémique n'aura pas attendu la fin
des secours et de l'urgence pour démarrer.
«Défaillance de l'État»
Marine Le Pen a ouvert les
hostilités dès samedi. «Rien n'a été prévu, rien n'a été anticipé. Les moyens
de secours et de maintien de l'ordre sont tout à fait insuffisants.
L'effondrement de nos moyens militaires - le nombre dérisoire de nos bâtiments
de la Marine - ne permet pas la réponse qui devrait être celle d'une grande et
puissante nation comme la France», a-t-elle déclaré.
«Il y a une défaillance de
l'État», a estimé, de son côté, dimanche, Éric
Ciotti, invité du «Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro». «Il y a eu un défaut
d'anticipation de la part des services de l'État», a-t-il martelé. «On aurait
pu prépositionner des forces, des militaires pour assurer la sécurité» des
civils, a continué le député qui réclame «une commission d'enquête
parlementaire», pour «tirer toutes les conséquences, pour que cela ne se
reproduise plus». Il ajoute: «Elle devra établir si tout a été fait.»
«Je proposerai qu'on fasse une
commission d'enquête parlementaire pour savoir si l'on a prépositionné des
forces militaires et civiles en nombre suffisant, alors qu'on savait que
l'ouragan arrivait»
Jean-Luc Mélenchon
Même Jean-Luc Mélenchon, à
l'extrême gauche, annonce vouloir prendre une initiative similaire: «Je
proposerai qu'on fasse une commission d'enquête parlementaire pour savoir si
l'on a prépositionné des forces militaires et civiles en nombre suffisant,
alors qu'on savait que l'ouragan arrivait», a déclaré le chef de file des
Insoumis, lors de l'émission «Dimanche en politique» sur France 3.
Sur le pont, tout l'été avec les
incendies de forêts et les retombées de l'enquête antiterroriste consécutive
aux attentats de Catalogne, Gérard
Collomb s'attendait certes à une rentrée musclée. Mais il se préparait
surtout à une fronde sociale autour de la réforme du Code du travail. Pouvait-il
prévoir le coup de tabac d'Irma, une séquence qui, dans son esprit, appellerait
plutôt à la cohésion nationale? À Beauvau, ce sont bien les événements qui
commandent.
Le premier ministre fait bloc
avec son ministre de l'Intérieur. Il a annoncé que deux escadrons de
gendarmerie mobiles, arrivés dimanche en renfort, «seront opérationnels dès
lundi». Un autre arrivera de métropole dans «les jours qui suivent». «Cela
représente 240 gendarmes supplémentaires, auxquels s'ajoutent des moyens
militaires, avec la mobilisation de trois compagnies», issues de l'infanterie
de marine, avec ses «paras», et de la Légion. Le GIGN a envoyé 30 hommes, et le
GIPN, une quinzaine de superflics. Les forces d'élite mobilisées pour réprimer
les troubles.
Le président de la République, de
retour de Grèce, se doit de montrer que la réponse de l'État est à la hauteur
du défi d'Irma. Emmanuel Macron s'envolera lundi soir pour Saint-Martin. «Il y
sera mardi au matin. Il passera la journée sur l'île pour pouvoir s'entretenir
avec les habitants (...) et les élus de l'île», a déclaré Gérard Collomb
dimanche soir.
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Le fils du premier
ministre israélien suscite un nouveau scandale après un dessin antisémite
(09.09.2017)
Le sulfureux Yaïr Nétanyahou a
publié vendredi sur Facebook un dessin représentant le philanthrope juif
américain George Soros tenant la Terre au bout d’une canne à pêche.
LE MONDE | 09.09.2017 à 21h39 •
Mis à jour le 10.09.2017 à 19h15 | Par Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)
« Chaîne alimentaire ». L’expression est en
anglais dans le texte. C’est ainsi que Yaïr Nétanyahou, fils du premier
ministre israélien, a introduit un dessin satirique aux relents antisémites,
publié vendredi 8 septembre sur sa page Facebook. On y voit, de gauche à
droite, le philanthrope juif américain George Soros, qui tient la Terre au bout
d’une canne à pêche, puis un grand lézard, un personnage symbolisant les
Illuminati et enfin plusieurs figures publiques israéliennes : l’ancien premier
ministre Ehud Barak, un avocat travailliste ou encore Menny Naftali.
Lire aussi : Yair Nétanyahou dans la droite ligne du père
Ce dernier est l’ancien concierge
de la résidence officielle de M. Nétanyahou. Pour se retrouver en si
prestigieuse compagnie, M. Naftali est devenu un acteur central dans l’enquête
sur les frais de bouche abusifs du premier ministre. Une enquête dans laquelle
le procureur général, Avichai Mandelblit, a confirmé vendredi que Sara
Nétanyahou, l’épouse du premier ministre, serait bientôt inculpée pour fraude,
après avoir utilisé de façon indue 84 000 euros d’argent public. Or il ne
s’agit que d’une affaire mineure, par rapport à plusieurs autres investigations
policières en cours.
Grand fan de Donald Trump
Quelques heures après cette
annonce, Yaïr Nétanyahou publiait ce dessin, suggérant une vaste conspiration
contre sa famille. Une pluie de commentaires a suivi sur les réseaux sociaux. «
Est-ce génétique, ou s’agit-il d’une maladie mentale soudaine ? », s’est
indigné Ehud Barak. Samedi soir, Yaïr Nétanyahou précisait qu’il avait trouvé
cette caricature sur une page anti-gauchiste, dont la photo d’illustration
montre un Augusto Pinochet hilare en train de trinquer. L’image satirique
originale a été rapidement trouvée : il s’agit d’un dessin en vogue depuis des
années sur des sites antisémites.
En tout cas, David Duke, ancien
leader du Ku Klux Klan, a apprécié la suggestion qu’un milliardaire juif
contrôlait le monde : il a retweeté un article de la presse israélienne
consacré au scandale. Yaïr Nétanyahou n’a peut-être pas vu le mal qu’il y avait
à mettre en cause George Soros. Son père n’a pas émis la moindre protestation
ou réserve, en juillet, avant de se rendre en Hongrie pour rencontrer son
homologue Viktor Orban. Or une campagne d’affichage haineuse, aux accents
antisémites, avait pris le philanthrope pour cible dans son propre pays
d’origine.
Benyamin Nétanyahou est fier de
son fils. Lorsque Donald Trump et son épouse Melania ont été accueillis fin mai
à la résidence du premier ministre israélien, celui-ci a présenté Yaïr au
président américain, devant les caméras. « Je suis un grand fan de vous », a
déclaré le jeune homme, âgé de 25 ans, à l’attention de l’invité.
Lire aussi : La droite israélienne fébrile avant la
visite de Donald Trump
Les « voyous de Black Lives
Matter »
Le 30 juillet, le site satirique
Sixty-One, l’un des projets du Centre pour le renouveau de la démocratie
(Molad), a publié un texte cinglant intitulé « Cinq choses que vous ne saviez
pas sur l’héritier du trône ». Le texte mettait en cause la mise à disposition
de la protection rapprochée du premier ministre pour les déplacements de son
fils, son goût du luxe, mais aussi son influence auprès de son père dans des
affaires sensibles ou encore sa défense passée du boycottage de produits
arabes. Furieux, Yaïr Nétanyahou a répondu, toujours sur Facebook, en accusant
Sixty-One d’être une « organisation radicale, antisioniste », qui aurait en
plus le tort d’être financée « par l’Union européenne » – une marque d’infamie
pour la droite dure israélienne, obsédée par l’idée d’une cinquième colonne
gauchiste soutenue de l’étranger.
A la mi-août, après les violences
à Charlottesville (Virginie) pendant une marche de l’extrême droite américaine,
le jeune homme avait publié un message sur Facebook pour se dire davantage
inquiet par l’extrême gauche que par les néonazis, qui représenteraient « une
race en extinction ». « En revanche, ajoutait-il, les voyous d’Antifa et de
[Black Lives Matter] qui haïssent mon pays (et les Etats-Unis aussi de mon
point de vue) tout autant, sont de plus en plus forts et deviennent
super-dominants dans les universités américaines et la vie publique. »
Début septembre, Yaïr Nétanyahou
a décidé de porter plainte contre l’un des organisateurs d’un rassemblement
hebdomadaire devant le domicile du procureur général, à Petah Tikva. Les
participants réclament l’aboutissement des nombreuses enquêtes mettant en cause
le premier ministre. Son fils a pris pour cible Abie Binyamin en raison d’un
post publié un an plus tôt sur Facebook. L’activiste y affirmait, sans aucune
preuve, que Yaïr Nétanyahou avait reçu un faux passeport du Mossad, les
services secrets israéliens, pour pouvoir ouvrir des comptes cachés à
l’étranger.
En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/09/09/le-fils-du-premier-ministre-israelien-suscite-un-nouveau-scandale-apres-un-dessin-antisemite_5183456_3218.html