Les forces irakiennes à Al-Charqat, fief de l'EI (22.09.2017)
Mis à jour le 22/09/2017 à 11h22 | Publié le 22/09/2017 à 11h08
Les forces gouvernementales irakiennes sont parvenues aujourd'hui au centre d'Al-Charqat, une localité au nord de Bagdad tenue par le groupe État islamique (EI), ont constaté des journalistes de l'AFP.
Cette localité se trouve à 30 km au nord-ouest du principal objectif des forces irakiennes dans le nord de l'Irak: Hawija, une localité tombée aux mains de l'EI en juin 2014.
Les forces irakiennes ont enlevé les drapeaux des djihadistes, ont obligé des hommes à se dévêtir pour voir s'ils ne cachaient pas d'armes tandis que d'autres civils dansaient et des femmes poussaient des youyous, selon le vidéaste de l'AFP.
» Voir aussi - FOCUS : "Al-Qaida profite du recul de Daech"
Trois ans après l'offensive-éclair qui avait permis aux djihadistes de s'emparer d'un tiers de l'Irak et de près de la moitié de la Syrie, leur territoire se réduit comme peau de chagrin.
Outre Hawija, les djihadistes contrôlent encore trois localités dans la province d'Al-Anbar, dans l'ouest du pays: Anna, Rawa et surtout Al-Qaïm, tout près de la frontière syrienne.
Un officier supérieur irakien dans la région a indiqué à l'AFP que les forces irakiennes s'étaient emparés hier de la ville d'Anna et poursuivaient leur offensive.
LIRE AUSSI :
Syrie: raids israéliens contre le Hezbollah (22.09.2017)
Mis à jour le 22/09/2017 à 11h50 | Publié le 22/09/2017 à 11h19
Des frappes israéliennes ont visé cette nuit un dépôt
d'armes appartenant au mouvement chiite libanais du Hezbollah, près de
l'aéroport de Damas, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme
(OSDH). Le Hezbollah est
un allié du régime syrien.
» Lire aussi - Russie, Iran et Hezbollah renouvellent leur soutien
à Assad
"Des avions israéliens ont tiré des roquettes sur un
dépôt d'armes du Hezbollah près de l'aéroport", situé à 25 km au sud-est
de la capitale a dit l'ONG.
Depuis le début en 2011 du conflit en Syrie, Israël a mené
plusieurs raids contre l'armée syrienne et le Hezbollah libanais -l'ennemi juré
de l'Etat hébreu- qui combat avec elle les rebelles et les jihadistes.
Le 7 septembre, l'armée syrienne avait accusé l'Etat hébreu
d'avoir mené dans l'ouest du pays des frappes aériennes contre l'une de ses
infrastructures, faisant deux morts.
Attaque à la hache/Allemagne: l'auteur interné
(22.09.2017)
Mis à jour le 22/09/2017 à 13h09 | Publié le 22/09/2017 à 12h55
La justice allemande a décidé aujourd'hui l'internement dans
un service psychiatrique d'un Kosovar de 37 ans qui avait blessé à la hache
neuf personnes à la gare de Düsseldorf (ouest) en mars, selon l'agence
allemande dpa.
Il s'en était pris aux voyageurs qui se trouvaient à
bord d'un train de banlieue à la gare de Düsseldorf. Il avait ensuite agressé
plusieurs personnes dans l'enceinte de la gare avant de se blesser en sautant
d'un pont.
Au moment des faits, l'homme souffrait de schizophrénie et
n'était pas responsable de ses actes, a affirmé le président du tribunal, selon
dpa. Cet homme, arrivé du Kosovo en 2009 et qui bénéficiait d'un titre de
séjour pour des raisons humanitaires, comparaissait devant un tribunal de
Düsseldorf pour tentative de meurtre dans huit cas.
Les forces de l'ordre s'étaient déployées massivement aux
abords de la gare et fait appel aux hommes lourdement armés de ses unités
spéciales d'intervention. Beaucoup redoutaient une attaque islamiste.
Les enquêteurs ont retrouvé chez lui un certificat précisant
qu'il souffrait d'une maladie psychiatrique grave - une schizophrénie paranoïde
-, et des médicaments prescrits pour cette pathologie.
Mayotte: tensions après l'annonce de visas gratuits avec
les Comores (22.09.2017)
Mis à jour le 22/09/2017 à 16h03 | Publié le 22/09/2017 à 15h59
La tension monte à Mayotte après que Paris a annoncé son
intention de rendre gratuit le visa entre l'île française et les Comores
voisines, et des actions sont annoncées lundi dans l'île qui connaît déjà une
forte pression migratoire. Associations citoyennes, personnalités de l'île et
élus ont exprimé leur colère à la suite de la signature le 12 septembre d'une
"feuille de route" visant à assouplir les règles de circulation entre
les deux îles de l'océan Indien.
Cette feuille de route prévoit la délivrance par la France
de visas gratuits aux ressortissants des Comores afin de lutter contre le
trafic d'êtres humains et de tarir les passages illégaux. Le Comité de défense
des intérêts de Mayotte (Codim) - groupe ayant activement participé aux
mouvements de "décasages" illégaux l'année dernière pour expulser
ceux qu'ils considéraient comme des clandestins -, a appelé l'ensemble des
Mahorais à se rassembler dimanche à Mamoudzou (chef-lieu de l'île) afin de
protester et à dormir sur place "pour pouvoir commencer les actions dès
lundi", a annoncé Maïla, membre de la structure.
Le député de Mayotte, Mansour Kamardine (Les Républicains),
s'est quant à lui dit "consterné" et il a réclamé qu'une délégation
d'élus mahorais soit reçue au ministère des Affaires étrangères. Pour le
parlementaire, cet assouplissement du visa "ferait du 101e département
français une 'jungle de Calais' puissance 10". Une réunion
d'information à destination des élus mahorais se tiendra le 28 septembre au
ministère des Outre-mer à Paris.
Mayotte subit une forte pression migratoire venant
principalement des îles des Comores, qui ne sont qu'à 70 kilomètres de ses
côtes. Les migrants empruntent des embarcations de fortune, les
"kwassa-kwassa", pour rallier illégalement l'île française, parfois
au péril de leur vie. Ces traversées ont causé "entre 7000 et 10.000 morts
depuis 1995", selon un rapport du Sénat français de 2012. En 2015, 19.000
personnes ont été reconduites à la frontières à Mayotte contre environ 20.000
sur le territoire métropolitain.
Crimée: un journaliste condamné pour "apologie du
séparatisme" (22.09.2017)
Mis à jour le 22/09/2017 à 17h37 | Publié le 22/09/2017 à 17h36
Un journaliste de la radio financée par les États-Unis
Svoboda a été condamné aujourd'hui à une peine de deux ans et demi de prison
avec sursis par un tribunal de Crimée pour "apologie du séparatisme",
dans cette péninsule annexée par la Russie en mars 2014. Nikolaï Semena
avait été arrêté en avril 2016 après des perquisitions menées par les services
de sécurité russes à son domicile et à celui de plusieurs autres journalistes à
l'origine d'un site internet sur la Crimée créé par Radio Free Europe/Radio
Liberty.
Il avait été le seul journaliste inculpé après ces
perquisitions. La justice russe reprochait notamment à M. Semena un
article appelant à "isoler la péninsule et ses habitants, y compris, à
l'aide d'opérations militaires", selon le Parquet. Nikolaï Semena avait
évoqué pour sa part un article appelant à un "blocus civil" de la
péninsule ukrainienne rattachée à la Russie après une intervention de ses
forces spéciales et un référendum jugé illégal par Kiev et les Occidentaux.
"Je suis soulagé par le fait que la peine soit avec
sursis. Mais on m'a également interdit pendant trois ans d'exercer ma
profession", a réagi M. Semena. "Le juge a donné un signal à tous les
journalistes : pas une seule opinion allant à l'encontre des positions des
autorités ne doit être publiée dans ce pays", a-t-il estimé, ajoutant
qu'il allait faire appel de la décision.
Douala: double explosion d'origine "criminelle"
(22.09.2017)
Mis à jour le 22/09/2017 à 17h50 | Publié le 22/09/2017 à 17h46
La ville de Douala (sud), poumon économique du Cameroun, a
été la cible ce matin d'une double explosion d'origine "criminelle"
près de la Société camerounaise de dépôts pétroliers (SCDP), sans faire de
victime, a rapporté la Cameroon radio-television (CRTV). L'explosif a été
fabriqué à l'aide d'une "bouteille à gaz et de deux batteries de
moto", a ajouté la CRTV.
L'origine de la double explosion est "criminelle",
a affirmé sur les antennes de la radio d'État le gouverneur de la région du
Littoral dont Douala est le chef-lieu, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua.
"Rien ne se cache à Douala. Ceux qui ont pu, nuitamment venir (poser
l'engin explosif) peuvent se réjouir, mais ils n'iront très loin", a-t-il
assuré. Aucune organisation n'a pour l'heure revendiqué la double explosion.
Miss Turquie déchue pour un tweet sur le putsch
(22.09.2017)
Mis à jour le 22/09/2017 à 19h18 | Publié le 22/09/2017 à 19h09
La lauréate du principal concours de beauté de Turquie a été
déchue de son titre aujourd'hui, au lendemain de son sacre, après avoir comparé
ses menstruations au "sang répandu" par les victimes du putsch manqué
l'an dernier. Couronnée Miss Turquie 2017 hier soir, Itir Esen, 18 ans, a
été rattrapée aujourd'hui par ce message publié il y a deux mois sur
Twitter qui a suscité l'indignation de nombreux internautes dans un pays où la
mémoire des victimes du putsch manqué est quasi sacrée.
"L'organisation Miss Turkey, dont l'objectif est de
promouvoir et soigner l'image de la Turquie dans le monde, ne peut accepter une
telle publication", ont déclaré les organisateurs du concours dans un
communiqué publié sur leur page Facebook. Indiquant qu'ils retiraient sa
couronne à Esen, les organisateurs ajoutent n'avoir vu le tweet qu'"après
l'élection".
» Lire aussi - Turquie : l'opposition lance un "congrès pour
la justice"
Les quelque 250 victimes de la tentative de coup d'Etat font
l'objet d'un culte national en Turquie, où leurs portraits sont omniprésents
dans l'espace public. Dans ses discours, le président turc Recep Tayyip Erdogan
fait régulièrement référence aux "martyrs" du putsch avorté.
"Ce matin, j'ai eu mes règles pour célébrer le jour des
martyrs du 15-juillet. Je commémore ce jour en versant par procuration le sang
répandu par nos martyrs", avait écrit Mme Esen sur son compte Twitter le
16 juillet dernier, au lendemain de la célébration du premier anniversaire du
putsch manqué. Son compte Twitter était inaccessible vendredi, mais
l'organisation Miss Turkey indique dans son communiqué avoir déterminé qu'Itir
Esen était bien l'auteure du message.
En étant élue Miss Turquie 2017, Itir Esen devait porter les
couleurs de son pays au concours de beauté Miss Monde qui se déroulera en Chine
le 18 novembre. Sa couronne a finalement été décernée à sa dauphine, Asli
Sümen.
L'ancien avocat Karim Achoui mis en examen (22.09.2017)
Mis à jour le 22/09/2017 à 19h24 | Publié le 22/09/2017 à 19h18
L'ancien avocat Karim Achoui a été mis en examen
aujourd'hui pour "exercice illégal de la profession d'avocat",
a-t-on appris de source judiciaire. "Présenté à un juge d'instruction
aujourd'hui Karim Achoui a été mis en examen pour exercice illégal de la
profession d'avocat et abus de confiance", a déclaré cette source.
» Lire aussi - Procès Karim Achoui : les six accusés acquittés
Il a été par ailleurs placé sous le statut plus favorable de
témoin assisté pour des faits d'escroquerie et un magistrat a ordonné un
contrôle judiciaire, a précisé la source judiciaire. Visé par une enquête
préliminaire ouverte par le parquet de Paris, Karim Achoui avait été placé en
garde à vue mercredi matin.
Connu pour avoir défendu des figures du grand banditisme,
Karim Achoui a vu son nom apparaître dans plusieurs affaires, dont l'évasion en
2003 d'Antonio Ferrara. Soupçonné dans ce dossier de complicité d'évasion, il a
été condamné en première instance à sept ans de prison. Il a été acquitté en
2010 en appel.
Radié définitivement en 2012 du barreau de Paris, notamment
pour "manquements déontologiques", il avait prêté serment à Alger
début 2015. En janvier 2016, il avait été autorisé à défendre à Paris le
chanteur Jean-Luc Lahaye dans son procès l'opposant à l'artiste Julie Pietri.
L'ancien avocat préside la Ligue de défense judiciaire des musulmans qu'il a
lancée en 2013 pour "lutter contre les discriminations islamophobes".
LIRE AUSSI :
Christopher Caldwell : «Les intuitions de Houellebecq sur
la France sont justes»
Publié le 25/03/2016 à 19h41
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Dans son livre, une Révolution
sous nos yeux, le journaliste américain Christopher Caldwell annonçait
que l'islam allait transformer la France et l'Europe. En
exclusivité pour FigaroVox, il réagit aux attentats de Bruxelles.
Christopher Caldwell est un journaliste américain. Il est
l'auteur de Une Révolution sous nos yeux,
comment l'islam va transformer la France et
l'Europe paru aux éditions du Toucan en 2011.
Après Paris, Bruxelles est frappée par le terrorisme
islamiste. A chaque fois la majeure partie des djihadistes sont nés dans le
pays qu'ils attaquent. Cela révèle-t-il l'échec du multiculturalisme?
Peut-être, mais je ne suis pas sûr que le mot
«multiculturalisme» signifie encore quelque chose. Il ne faut pas être surpris
qu'un homme né européen commette des actes de terrorisme européen. C'est pour
l'essentiel une question pratique. Le terrorisme requiert de la familiarité
avec le terrain d'opération, le “champ de bataille”. C'est une chose très
difficile que de constituer une équipe de terroristes en passant plusieurs
frontières pour mener à bien une opération dans un pays étranger - même si cela
peut être réalisé, comme les attentats du 11 Septembre l'ont montré.
Au surplus, l'ensemble des droits et libertés
constitutionnels de l'Union européenne, en commençant par Schengen, donne un
éventail particulièrement large de possibilités à tout jeune Européen en
rupture. Regardez ces terroristes belges. L'artificier Najim Laachraoui est
allé en Syrie pour se battre aux côtés de Daech, mais personne n'a su comment
il était revenu à Bruxelles. Ibrahim el-Bakraoui a été condamné à 9 ans de
prison pour avoir tiré sur un policier en 2010. Mais il a également été arrêté
plus récemment par la Turquie à Gaziantep, à la frontière syrienne, et
identifié comme un combatant de Daech. Et tout cela est resté sans
conséquences.
Les élites françaises donnent souvent l'impression
qu'elles seraient moins perturbées par un parti islamiste au pouvoir que par le
Front national.
Diriez- vous que derrière l'islamisme guerrier de Daesh,
l'Europe est-elle également confrontée à une islamisation douce un peu comme
dans le dernier livre de Houellebecq, Soumission ?
Quand j'ai lu le livre de Houellebecq, quelques jours après
les assassinats à Charlie Hebdo, il m'a semblé que ses intuitions sur la vie
politique française étaient tout à fait correctes. Les élites françaises
donnent souvent l'impression qu'elles seraient moins perturbées par un parti
islamiste au pouvoir que par le Front national.
La lecture du travail de Christophe Guilluy sur ces
questions a aiguisé ma réflexion sur la politique européenne. Guilluy se
demande pourquoi la classe moyenne est en déclin à Paris comme dans la plupart
des grandes villes européennes et il répond: parce que les villes européennes
n'ont pas vraiment besoin d'une classe moyenne. Les emplois occupés auparavant
par les classes moyennes et populaires, principalement dans le secteur
manufacturier, sont maintenant plus rentablement pourvus en Chine. Ce dont les
grandes villes européennes ont besoin, c'est d'équipements et de services pour
les categories aisées qui y vivent. Ces services sont aujourd'hui fournis par
des immigrés. Les classes supérieures et les nouveaux arrivants s'accomodent
plutôt bien de la mondialisation. Ils ont donc une certaine affinité, ils sont
complices d'une certaine manière. Voilà ce que Houellebecq a vu.
Les populistes européens ne parviennent pas toujours à
développer une explication logique à leur perception de l'immigration comme
origine principale de leurs maux, mais leurs points de vues ne sont pas non
plus totalement absurdes.
Dans votre livre Un
révolution sous nos yeux ,vous montriez comment l'islam va
transformer la France et l'Europe. Sommes-nous en train de vivre cette
transformation?
Très clairement.
Celle-ci passe-t-elle forcément par un choc des cultures?
C'est difficile à prévoir, mais ce qui se passe est un
phénomène profond, anthropologique. Une culture - l'islam - qui apparaît, quels
que soient ses défauts, comme jeune, dynamique, optimiste et surtout centrée
sur la famille entre en conflit avec la culture que l'Europe a adoptée depuis
la seconde guerre mondiale, celle de la «société ouverte» comme Charles Michel
et Angela Merkel se sont empressés de la qualifier après les attentats du 22
Mars. En raison même de son postulat individualiste, cette culture est timide,
confuse, et, surtout, hostile aux familles. Tel est le problème fondamental:
l'Islam est plus jeune, plus fort et fait preuve d'une vitalité évidente.
Tant que l'immigration se poursuivra, favorisant un
établissement inéluctable de l'islam en France, les instances musulmanes
peuvent estimer qu'elles n'ont aucun intérêt à transiger.
Certains intellectuels comme Pierre Manent propose de
négocier avec l'islam. Est-ce crédible? Les «accommodements raisonnables»
peuvent-ils fonctionner?
Situation de la France de Pierre Manent est un
livre brillant à plusieurs niveaux. Il a raison de dire que, comme pure
question sociologique, l'Islam est désormais un fait en France. Manent est
aussi extrêmement fin sur les failles de la laïcité comme moyen d'assimiler les
musulmans, laïcité qui fut construite autour d'un problème très spécifique et
bâtie comme un ensemble de dispositions destinées à démanteler les institutions
par lesquelles l'Église catholique influençait la politique française il y a un
siècle. Au fil du temps les arguments d'origine se sont transformés en simples
slogans. La France invoque aujourd'hui, pour faire entrer les musulmans dans la
communauté nationale, des règles destinées à expulser les catholiques de la vie
politique.
Il faut aussi se rappeler que Manent a fait sa proposition
avant les attentats de novembre dernier. De plus, sa volonté d'offrir des accommodements
à la religion musulmane était assortie d'une insistance à ce que l'Islam
rejette les influences étrangères, ce qui à mon sens ne se fera pas. D'abord
parce que ces attentats ayant eu lieu, la France paraîtrait faible et non pas
généreuse, en proposant un tel accord. Et aussi parce que tant que
l'immigration se poursuivra, favorisant un établissement inéluctable de l'islam
en France, les instances musulmanes peuvent estimer qu'elles n'ont aucun
intérêt à transiger.
«Entre une culture qui doute d'elle-même et une culture
forte, c'est la culture forte qui va l'emporter...» écrivez-vous en conclusion
de votre livre. L'Europe des Lumières héritière de la civilisation
judéo-chrétienne et gréco-romaine est-elle appelée à disparaître?
L'Europe ne va pas disparaître. Il y a quelque chose
d'immortel en elle. Mais elle sera diminuée. Je ne pense pas que l'on puisse en
accuser l'Europe des Lumières, qui n'a jamais été une menace fondamentale pour
la continuité de l'Europe. La menace tient pour l'essentiel à cet objectif plus
récent de «société ouverte» dont le principe moteur est de vider la société de
toute métaphysique, héritée ou antérieure (ce qui soulève la question, très
complexe, de de la tendance du capitalisme à s'ériger lui-même en
métaphysique). A certains égards, on comprend pourquoi des gens préfèrent cette
société ouverte au christianisme culturel qu'elle remplace. Mais dans l'optique
de la survie, elle se montre cependant nettement inférieure.
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ses motivation
«Angela Merkel n'a pas perçu la différence entre islam et
islamisme»
Par Nicolas
Barotte
Mis à jour le 22/09/2017 à 17h39 | Publié le 22/09/2017 à 17h27
INTERVIEW - Alice Schwarzer est la fondatrice et
rédactrice en chef du magazine Emma. C'est la grande figure du
féminisme en Allemagne.
Correspondant à Berlin
LE FIGARO. - Qu'a fait Angela Merkel pour l'égalité entre
les sexes?
Alice Scwarzer - Crédits photo : rtn, ulrike
blitzner/picture alliance / rtn - radio t
Alice SCHWARZER. - Par son existence seulement
elle a fait beaucoup. Maintenant les petites filles en Allemagne peuvent
s'imaginer devenir coiffeuse ou chancelière! Je me souviens durant l'hiver
2005, après son élection, j'avais invité des enfants avant Noël. Je leur avais
dit de jouer dehors et de faire des bonshommes de neige. Quelques minutes plus
tard, une bande de petites filles a frappé à ma porte et crié: «Alice, les
garçons cassent notre Merkel de neige!» Bien sûr, je ne leur avais jamais parlé
de la chancelière… Mais juste quelques semaines après son élection, les petits
garçons organisaient déjà la résistance! Dès le début, Angela
Merkel a été sous-estimée. Après son élection, les sociaux-démocrates
mais aussi son propre parti ont cherché durant des semaines à l'empêcher de
diriger. C'était absurde. L'Allemagne n'était nullement prête à avoir une femme
à sa tête. Et aujourd'hui, on l'appelle «la femme la plus puissante du monde».
Quel regard portez-vous sur elle?
Les Allemands aiment son style, peu importe leur orientation
politique. Elle s'occupe des faits et ne pose pas. C'était tellement soulageant
après Schröder et Fischer, ces coqs. Il y a des gens qui aimeraient que Merkel
soit plus controversée. Personnellement, je trouve qu'elle fait bien son job.
Je ne lui reprocherais qu'une seule erreur: avant même la crise migratoire,
elle n'a pas perçu la différence entre l'islam et l'islamisme, entre la
religion et l'idéologie politique. Elle a été finalement assez protestante dans
son attitude: elle n'a voulu parler que du respect envers les autres religions.
De cette fausse perception sur la politisation de l'islam ont découlé de
nombreuses erreurs. Aujourd'hui, un jeune musulman sur deux ou sur trois pense
que «les lois de Dieu» l'emportent sur l'État de droit. C'est nouveau et un
retour en arrière. La troisième génération de musulmans en Allemagne parle
moins l'allemand que leurs grands-parents, à cause de la propagande islamiste,
qui leur déconseille de s'intégrer. Au
nom d'une fausse tolérance, on n'a pas fait face à cette propagande menée par
des forces réactionnaires soutenues par l'étranger, comme l'Arabie saoudite,
l'Iran ou la Turquie.
Vous avez été souvent critiquée, ainsi que votre
journal Emma, pour vos positions contre l'islamisme. On vous a accusée
de racisme…
C'est ainsi partout dans le monde. Quand on critique l'islam
politique, on est accusé d'être islamophobe ou raciste. En Allemagne, ça pèse
encore plus lourd à cause de notre histoire. Mais c'est un instrument
d'intimidation. Si on n'ose pas nommer la réalité, on ne peut la changer. Ce
qui est raciste, c'est de laisser la majorité des musulmans non
fondamentalistes seule, livrée à la minorité radicale. Ce sont eux qui ont
droit à notre solidarité - et les filles et les femmes doivent avoir les mêmes
libertés que nous.
«Les réfugiés viennent de cultures où les femmes sont
sans aucun droit et considérées comme mineures. Même le plus gentil des garçons
a été élevé ainsi. Le chemin sera long pour changer les esprits»
Les agressions commises par des étrangers lors de la
Saint-Sylvestre à Cologne le 1er janvier 2016 ont marqué une rupture…
Ce n'était pas une addition d'agressions individuelles,
c'était une manifestation collective. Sur cette place, face à la gare où
les événements se sont déroulés, on ne fête pas le Nouvel An d'habitude. À
Cologne, la fête se déroule au bord du Rhin, avec le feu d'artifice. D'une
manière ou d'une autre, le mouvement a été concerté: des petits groupes de 10 à
20 hommes se détachaient de la foule de mille à deux mille hommes, ils
agressaient les femmes et s'y réfugiaient ensuite. 624 femmes ont porté plainte
ensuite pour agressions sexuelles! Ces hommes étaient mus par un mélange
d'idées patriarcales et d'islam politique. À Cologne comme au Caire, il
s'agissait d'intimider les femmes qui à leurs yeux n'ont rien à faire dehors la
nuit et d'humilier les hommes qui sont trop bêtes pour protéger leurs femmes. À
mon avis, cette nuit de Cologne était une nouvelle forme de ce que Gilles Kepel
appelle le «djihadisme par le bas».
Qu'est-ce que ces événements ont changé en Allemagne?
La nuit de Cologne a fait basculer le climat qui est passé
d'une trop grande naïveté à de trop grands préjugés, surtout envers les
réfugiés. C'est notamment parce que ni la politique, ni les médias en Allemagne
n'ont jamais fait la distinction entre la religion de l'islam et l'idéologie
islamiste. C'est aussi la raison principale de l'échec de l'intégration depuis
des années, longtemps avant les réfugiés. Les politiques n'ont jamais voulu
évoquer ce problème, ni le parti de Merkel, ni les sociaux-démocrates et
surtout pas les Verts. La chancelière a elle aussi sous-estimé cette situation.
Personne ne s'est opposé en Allemagne à l'offensive de la propagande islamiste
internationale. Personne n'est allé dans les quartiers pour dire aux jeunes
comment ils pouvaient s'intégrer. Personne n'a protégé les femmes et les jeunes
filles. Les islamistes donnent du fric aux parents pour que les filles portent
le voile! Ensuite sont arrivés les réfugiés. Ils viennent aussi de cultures où
les femmes sont sans aucun droit et considérées comme mineures. Même le plus gentil
des garçons a été élevé ainsi. Le chemin sera long pour changer les esprits. Il
faut aussi protéger les femmes réfugiées. Il y a eu des viols, de la
prostitution forcée. Elles sont à la merci des hommes dans les centres
d'accueil. On ne devrait pas le dire pour ne pas être accusé de racisme?
«Les partis démocratiques n'auraient pas dû laisser la
critique de l'islamisme à la droite populiste comme l'AfD. Mais ils
s'inquiètent de perdre l'électorat turc»
En parle-t-on assez durant cette campagne électorale?
C'est «l'éléphant dans le salon», comme on dit en allemand.
Il est là mais personne ne veut le voir. C'est pourtant le sujet numéro un de
préoccupation des gens. Aucun parti n'en parle vraiment sauf l'AfD. En ce qui
concerne l'islamisme, le programme de l'AfD n'est pas raciste, même si certains
de ses membres s'expriment de manière raciste. Le reste du programme est
évidemment une catastrophe. Mais les partis démocratiques n'auraient pas dû
laisser la critique de l'islamisme à la droite populiste, comme
l'AfD, et aux extrémistes de droite. Mais ils s'inquiètent de perdre
l'électorat turc. C'est absurde, vu que les musulmans sont les premières
victimes de ces criminels.
L'ouverture des frontières en 2015 a-t-elle été une
erreur?
Au moment où la chancelière a ouvert les frontières, presque
tout le monde s'est enthousiasmé. Nous étions enfin de bons Allemands et, après
avoir fait de si méchantes choses dans notre histoire, nous aidions de pauvres
gens. J'étais fière moi aussi. J'ai commencé à douter quand j'ai vu les gens
applaudir dans la gare de Munich. Mais pourquoi applaudissaient-ils? Quelle
était cette mise en scène? Et qui arrivait là chez nous? Pendant six longs
mois, il n'y a eu aucun contrôle. Assez vite, je me suis demandé quelles
difficultés se poseraient à l'avenir. Il nous faudra sans doute deux ou trois
générations pour réussir l'intégration. À condition qu'on fasse enfin la
distinction entre la religion de l'islam - toléré - et l'islamisme, auquel il
faut enfin faire face, à Berlin comme à Paris.
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interdit partiellement le voile intégral
Laurent Bouvet :«Pourquoi une telle complaisance pour la
violence d'extrême-gauche?» (21.09.2017)
- Par Alexandre Devecchio
- Publié le
21/09/2017 à 14:01
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le procès de la voiture de police
incendiée a été interrompu par des militants d'extrême-gauche. Laurent Bouvet
décrypte les motivations et l'idéologie de ces groupuscules radicaux.
Laurent Bouvet est professeur de Science politique à
l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il a publié L'Insécurité
culturellechez Fayard en 2015. Son dernier livre, La gauche Zombie,
chroniques d'une malédiction politique, est paru le 21 mars 2017 aux
éditions lemieux. Il est l'une des principales figures du Printemps
Républicain.
FIGAROVOX.- Le procès de la voiture de police incendiée a
été interrompu suite aux pressions de militants de l'ultra gauche. Des
journalistes ont également été virés et insultés. Que cela révèle-t-il?
Laurent BOUVET.- Cela révèle, comme les
violences régulièrement commises pendant les manifestations de l'an dernier par
ces militants d'extrême-gauche, leur conception de la politique: une conception
purement idéologique au sein de laquelle la violence est légitimée.
Tout ce qui n'est pas eux, tous ceux qui ne sont pas
d'accord avec eux, sont des ennemis, des fascistes, des valets du capitalisme,
etc., donc des gens que l'on doit combattre par la violence.
Tout ce qui n'est pas eux, tous ceux qui ne sont pas
d'accord avec eux, sont des ennemis, des fascistes, des valets du capitalisme,
etc., donc des gens que l'on doit combattre par la violence. Les policiers,
comme ceux qu'ils ont agressés dans cette voiture, sont pour eux les défenseurs
d'un système à abattre. Tout est permis à leurs yeux. Même chose avec la justice
ou la presse, qui participent du système.
Ils sont peu nombreux mais très «bruyants», très visibles et
donc très efficaces dès lors qu'ils peuvent faire irruption dans une
manifestation ou se rassembler comme lors de cette première journée de procès.
Cette gauche qui se qualifie d'«antifasciste» est-elle
paradoxalement totalitaire?
Si elle accédait au pouvoir, elle le deviendrait assez vite.
On a des exemples suffisamment probants dans le passé pour le dire aujourd'hui.
La légitimation de la violence politique pour abattre un régime et prendre le
pouvoir est un classique, bien connu et théorisé même par certains penseurs
révolutionnaires. Le grand problème, c'est qu'en général, une fois au pouvoir,
cette violence ne cesse pas. Il y a toujours des ennemis à éliminer: ceux qui
s'opposent au nouveau régime bien évidemment mais aussi des ennemis à raison de
«ce qu'ils sont» et non de ce qu'ils font: des ennemis de classe, des ennemis
«de race», des ennemis de religion, etc. C'est ainsi que se met en place le totalitarisme.
Fort heureusement, l'extrême-gauche actuelle ne pourra pas
parvenir au pouvoir. A la fois parce que nous
Nous avons à faire à des « petits fonctionnaires » de la
révolution davantage qu'à des désespérés qui n'ont rien à perdre.
gardons la mémoire, collective, du totalitarisme, et parce
que nous avons à faire à des «petits fonctionnaires» de la révolution davantage
qu'à des désespérés qui n'ont rien à perdre. Cette extrême-gauche violente n'a
pas de base sociale.
Quel est le profil sociologique de ces militants?
On ne dispose pas de beaucoup d'éléments sur ceux qui sont
en cause dans le procès actuel hors les enquêtes des journalistes, mais de
manière plus générale, les études faites sur les groupes radicaux
d'extrême-gauche ces dernières années montrent que ce sont surtout des jeunes
issus de la petite bourgeoisie déclassée (i.e. dont le niveau d'études est
supérieur aux emplois occupés) qui les alimentent en militants. On y trouve peu
ou pas de jeunes issus des catégories populaires.
La question qui se pose, et qui est malheureusement peu ou
mal traitée par les sciences sociales, est celle de leur motivation
idéologique, de la construction de leur vision du monde, de ce qui les conduit
à s'engager ainsi dans des groupes prêts à la violence.
La réduction par la sociologie contemporaine de toute
explication des faits sociaux (et politiques…) à la question sociale rend
opaque le processus à l'oeuvre chez ces militants.
Car une fois que l'on a expliqué qu'ils se rebellent contre
un système qui les rejette (parce qu'il ne leur «offre» pas l'emploi espéré ou
souhaité notamment), on a du mal à comprendre pourquoi certains, très peu
nombreux, choisissent cette voie militante en enrobant leur engagement d'un
discours révolutionnaire ou anarchisant forgé à une autre époque - dont le
moins que l'on puisse dire est qu'ils sont bien incapables de le renouveler ou
même de l'actualiser.
On est là devant une difficulté plus large: celle des
sciences sociales, en particulier de la science politique, à saisir la réalité
de ce qui est à l'œuvre dans notre société, du fait du refus ou du rejet dans
cette discipline de certains outils d'analyse. C'est valable pour
l'extrême-gauche comme pour l'islamisme par exemple.
Geoffroy de Lagasnerie a publié dans Libération, un texte
en défense des agresseurs. Cela signifie-t-il que l'idéologie de ces
groupuscules se diffuse au-delà du petit cercle des militants? Que cela dit-il
de la gauche aujourd'hui?
A côté des militants actifs de cette extrême-gauche
violente, on trouve un ensemble de gens qui les soutiennent ou du moins qui
prétendent le faire, tranquillement installés derrière leur ordinateur.
Classiquement, à côté des militants actifs de cette
extrême-gauche violente, on trouve un ensemble de gens qui les soutiennent ou
du moins qui prétendent le faire, tranquillement installés derrière leur
ordinateur. Je dis «classiquement» car ça a toujours été le cas.
Le romantisme révolutionnaire, surtout lorsqu'il est assorti
d'une violence dont ils sont strictement incapables, a toujours été très prisé
chez certains intellectuels. Au-delà, on peut constater aussi que ces militants
ont des soutiens, plus ou moins affirmés, dans la gauche politique, syndicale,
associative, dans la presse aussi.
C'est là le signe d'un délitement préoccupant à gauche, à la
fois d'une grande paresse intellectuelle et d'un éloignement de la réalité. On
peut paraphraser Lénine en disant cette inclination pour le gauchisme est la
maladie infantile de la gauche.
Pour ce qui est des intellectuels, celui que vous citez est
emblématique. On peut même dire qu'il fait profession de gauchisme, en
intervenant systématiquement dans ce sens depuis quelques années.
Mais au-delà de ce cas exemplaire, il est indispensable de
comprendre le mécanisme de fascination du gauchisme qui s'exerce sur une grande
partie de la gauche. L'appel permanent à la «révolution», l'usage légitimé de
la violence contre le «système», la dénonciation de toute pensée non conforme,
la disqualification de tout adversaire politique accusé d'être d'extrême-droite,
etc., tout cela est très répandu, bien au-delà des groupuscules dont il est ici
question.
Comme si, au sein de la gauche, existait un complexe
vis-à-vis d'une avant-garde toujours plus à gauche, toujours plus proche d'une
inaccessible vérité. On a à faire à une forme de platonisme.
Un exemple frappant de cette inclination en forme de
complaisance pour le gauchisme était observable in vivo au moment de Nuit
Debout.
Pendant des semaines, des chercheurs, des journalistes, des
politiques… nous ont expliqué que ce rassemblement de quelques centaines de
personnes place de la République représentait un phénomène politique
exceptionnel, qu'au cœur de Paris s'inventait une «nouvelle politique», que la
gauche allait se régénérer et que le paysage politique allait en être
bouleversé.
Il s'agissait d'ailleurs souvent des mêmes qui défendent
aujourd'hui les accusés du procès de la voiture de police incendiée! Des heures
d'antenne et des pages entières de journaux ont ainsi été consacrées à
décortiquer le moindre aspect de ce «phénomène» politique. On a su ce qu'on
mangeait à Nuit Debout, la manière dont on votait la moindre des propositions
dans les «assemblées citoyennes» réunies sur la place, les vêtements que
portaient les militants les plus déterminés, etc. On a tout su.
Si un quart seulement de l'énergie politologique,
sociologique et médiatique consacrée à Nuit Debout avait été consacrée à En
Marche, on comprendrait ce qu'est la France politique aujourd'hui.
Résultat, pas grand-chose de neuf ni de vraiment intéressant,
de l'aveu même d'un certain nombre des acteurs de ces semaines de
«mobilisation». Et pendant ce temps, rien ou presque sur la constitution très
rapide des grands mouvements politiques qui joueront un rôle essentiel dans la
présidentielle, tout spécialement sur celui qui fera élire le nouveau président
de la République.
Si un quart seulement de l'énergie politologique,
sociologique et médiatique qui a été consacrée à Nuit Debout avait été
consacrée à En Marche, on comprendrait sans doute mieux ce qu'est la France
politique aujourd'hui. C'est ça le problème de cette complaisance très générale
pour le gauchisme.
Deux ans après le 11 janvier où la police avait été
applaudie, comment expliquez-vous le retour de la «haine antiflics»?
Les Français qui ont applaudi et soutenu les forces de
l'ordre après les attentats continuent de le faire même si c'est moins
démonstratif que lors de la grande manifestation du 11 janvier bien évidemment.
Cela n'a pas changé.
En revanche, ce qui a changé, c'est que les tenants, très
minoritaires, de la « haine antiflics » se sont eux remobilisés, à l'occasion
des manifestations de l'an dernier et de quelques affaires.
En revanche, ce qui a changé, c'est que les tenants, très
minoritaires, de la «haine antiflics» se sont eux remobilisés, à l'occasion des
manifestations de l'an dernier et de quelques affaires qui ont impliqué des
policiers ou des gendarmes - on pense ici à Sivens, à l'affaire Traoré ou à
celle de Théo.
Cette remobilisation s'est faite en raison du croisement de
trois phénomènes distincts mais concomitants ces deux dernières années: la
protestation contre l'état d'urgence et ses conséquences directes sur certains
milieux militants ; la violence anti-flics classique de l'extrême-gauche dans
les manifestations contre la loi travail ; la mobilisation associative et
médiatique contre les «violences policières» dont sont victimes des jeunes
issus de l'immigration.
Cette concomitance a cristallisé dans toute la «gauche de la
gauche» un discours très violent contre les forces de l'ordre et contre l'Etat
lui-même accusé d'être liberticide, raciste, etc. Ce qui a eu plusieurs
conséquences.
D'abord de libérer et de légitimer la violence physique dont
il est question dans l'affaire du véhicule de police incendié ; ensuite de
reléguer pour toute cette gauche le combat contre l'islamisme au second voire
au troisième plan ; enfin de nourrir le discours identitaire de haine de la
France qu'on trouve chez les «décoloniaux», chez les «indigènes de la
République», au sein de l'islam politique et de ses nombreuses déclinaisons
associatives (CCIF, Baraka City, Lallab, Bondy Blog…).
Cette cristallisation attisée et encouragée par des médias
(on pense évidemment ici à Mediapart!), par des chercheurs et des
intellectuels, par des responsables politiques aussi notamment au sein de la
France Insoumise pose aujourd'hui un problème politique à la gauche, au-delà de
la légitimation de la violence dont on parlait plus haut.
Ce problème, c'est celui de la capacité d'un mouvement comme
la France Insoumise au premier chef (mais aussi des tentatives de personnalités
comme Benoît Hamon) à surmonter de telles dérives. Celles-ci occultent en effet
aux yeux de nombre de nos concitoyens toute réflexion et toute proposition un
tant soit peu sérieuse de ce côté-ci de l'échiquier politique. Ce qui est
toujours dommageable au débat démocratique.
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Irak: veillée d'armes pour les Kurdes de Kirkouk
(21.09.2017)
Par Thierry
Oberlé
Mis à jour le 21/09/2017 à 22h21 | Publié le 21/09/2017 à 17h20
VIDÉO - À la veille du référendum sur l'indépendance du
Kurdistan, la cité multiethnique irakienne est devenue une poudrière.
Envoyé spécial à Kirkouk
Le timing ne doit rien au hasard: les forces irakiennes ont
lancé jeudi matin leur
offensive sur Hawija, la dernière
poche de résistance de l'État islamique dans le nord et l'est de
l'Irak. La zone des combats est située à une vingtaine de kilomètres de la cité
pétrolifère de Kirkouk, un territoire disputé entre Irakiens et Kurdes, où doit
se dérouler lundi le référendum, réfuté par Bagdad, sur l'indépendance du
Kurdistan. L'opération est menée par la police fédérale, mais également par les
Hachd al-Chaabi, les milices chiites qui font planer la menace d'un
affrontement armé avec les Kurdes si ces derniers poursuivent leur chemin sur
la voie du séparatisme. Elle vise d'abord à expulser Daech d'un secteur
surnommé le «Kandahar irakien» sous l'occupation américaine. Elle cherche
ensuite à démontrer que l'initiative de référendum lancée
par le président de la région autonome du Kurdistan irakien, Massoud Barzani,
est précipitée, puisque la guerre contre l'État islamique n'est pas terminée.
Elle risque enfin par le rassemblement de forces militaires aux intérêts
divergents depuis la chute de Mossoul et l'annonce de la consultation populaire
kurde de mettre le feu à une poudrière.
En début de semaine, un cortège de plusieurs dizaines de
véhicules des milices chiites Badr a ainsi effectué une démonstration de force
dans le centre de Kirkouk. Il s'est rendu, à deux pas du parlement local, au
siège de cette organisation paramilitaire. Une parade considérée comme une
provocation par les pechmergas, les combattants kurdes. «L'offensive sur Hawija
a été sans cesse repoussée depuis le début, voilà bientôt un an, de la campagne
pour la
libération de Mossoul. C'est louche. Nous sommes inquiets, car il existe un
véritable risque d'engrenage qui conduirait à une explosion. Ce sont les forces
extérieures qui créent les problèmes à Kirkouk, mais il faut reconnaître qu'en
ville c'est tendu», commente Kamiran Kirkouki, 60 ans, le chef de file des
élus kurdes de la cité.
Environ un millier de djihadistes seraient retranchés dans
la ville de Hawija et dans les villages de la plaine du même nom, ancien
grenier à blé de la région, dont les champs à l'abandon s'étendent à l'ouest au
bord de l'autoroute reliant Kirkouk à Bagdad. «Une partie de ma famille est
coincée là-bas depuis la conquête par Daech en mai 2014», dit Nourredine
Hala, une Arabe sunnite, élue indépendante du conseil provincial de Kirkouk.
«Les djihadistes étrangers sont partis. Il ne reste plus que des combattants
locaux qui retiennent plusieurs dizaines de milliers d'habitants pris au piège.
La situation humanitaire est catastrophique. Les pénuries ont fait flamber les
prix des denrées alimentaires.»
À Kirkouk, mosaïque ethnique où coexiste, non sans mal, une
société clanique composée de Kurdes, d'Arabes sunnites, de Turkmènes sunnites
ou chiites et d'une petite minorité de chrétiens, l'ambiance est pesante.
D'ordinaire embouteillées, les rues du bazar sont presque vides. Voilà quelques
jours, un professeur arabe est mort en prenant le volant de sa voiture, piégée
par une bombe. «Si tu parles, tu peux avoir des problèmes, alors les gens comme
nous se taisent. On vit dans le stress permanent et la crainte des événements»,
commente un employé arabe. Puis, lundi soir, un Kurde a été abattu par un garde
en faction devant les bureaux du Parti national turkmène. Il célébrait avec un
groupe de partisans du référendum circulant à moto et en voiture le début de la
campagne électorale en faveur du «oui» à l'indépendance. Un couvre-feu nocturne
a été instauré, puis levé.
«Si tu parles, tu peux avoir des problèmes, alors les
gens comme nous se taisent. On vit dans le stress permanent et la crainte des
événements»
Un employé arabe
Attaqué en octobre par des djihadistes infiltrés et des
membres de cellules dormantes de Daech, le conseil provincial est défendu comme
une forteresse. Il faut passer trois fouilles au corps pour pénétrer dans son
enceinte. L'assemblée est à l'image de la ville: divisée. Elle se réunit ce
mardi pour soutenir par un vote le gouverneur de la ville démis de ses
fonctions par Bagdad, pour s'être déclaré en faveur de l'organisation du
scrutin contesté. La motion est approuvée par les élus kurdes, majoritaires,
mais leurs collègues turkmènes et arabes boycottent, à une exception près, la
séance.
En l'absence de recensement, il est difficile d'estimer avec
précision la démographie de la ville, qui compterait 1,5 million
d'habitants. Les Kurdes seraient majoritaires, les Arabes représenteraient
environ un tiers de la population et les Turkmènes quelque 15 %. Le
nationalisme kurde a fait de cette ville sa «Jérusalem». L'ex-président irakien
Saddam Hussein l'a peuplé d'Arabes d'«intérêt», des familles installées de
force par la dictature. Quant aux Turkmènes, ils y connurent leurs heures de
gloire sous l'Empire ottoman. Épicentre de la querelle territoriale entre
l'État central et le gouvernement régional du Kurdistan irakien, Kirkouk attise
toutes les convoitises. Son sous-sol est un coffre-fort pétrolier et gazier,
dont on se dispute aujourd'hui les clés. Exporté via la Turquie, l'or noir issu
de ces champs à ciel ouvert assure au gouvernement kurde une grande partie de
ses recettes. Et le volume de brut des gisements géants est estimé à 40 %
des réserves de l'ensemble de l'Irak, deuxième pays producteur de l'Opep.
«Notre communauté a peur de s'exprimer. On nous accuse
d'être des terroristes ou des partisans de Daech, alors que nous voulons vivre
en paix. Nous cherchons la stabilité de la cité»
Le cheikh Bourhan al-Assi
La débandade de l'armée irakienne devant l'État
islamique en 2014 a permis aux Kurdes d'occuper seuls le terrain militaire.
Ils comptent pousser leur avantage sur le plan politique, en incluant ce
territoire disputé dans la consultation populaire du 25 septembre. Non
sans réticences. Opposé à la tenue du référendum dans sa ville, le cheikh
Bourhan al-Assi sourit en avalant un café serré et «amer comme l'état d'esprit
des Arabes de Kirkouk». «Notre communauté a peur de s'exprimer. On nous accuse
d'être des terroristes ou des partisans de Daech, alors que nous voulons vivre
en paix. Nous cherchons la stabilité de la cité», plaide sur un ton policé ce
notable en tenue traditionnelle, qui dirige la liste arabe du conseil
provincial. «Les Kurdes ont le droit de choisir leur destin, mais ils n'ont pas
à décider du nôtre», glisse-t-il sans élever la voix.
Dans le quartier des organisations turkmènes, les rues sont
désertes et les positions plus véhémentes. «Nous voulions avoir un partenariat
avec les Kurdes mais notre situation ne cesse de se détériorer. Nous ne
participerons pas au vote de lundi pour ne pas donner de légitimité à ce
scrutin», prévient Raad R. Agah, un conseiller au parlement de Kirkouk. «Si le
vote pour l'indépendance a lieu, nous userons de tous les recours juridiques
nationaux et internationaux pour nous y opposer. Je ne comprends pas pourquoi
Barzani s'acharne. Ce jeu est très dangereux. Il y a une sorte d'alliance entre
chiites et sunnites qui commence à se nouer et des jeunes motivés dans tous les
camps. Il suffit d'une provocation pour qu'on assiste à une escalade»,
assure-t-il.
En attendant, une chape de plomb semble se poser sur les
avenues décorées de drapeaux vert, blanc et rouge du Kurdistan. À Kirkouk,
l'air de la guerre n'avait plus paru depuis longtemps si proche.
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En Syrie, Lafarge a versé des centaines de milliers
d'euros aux terroristes (20.09.2017)
- Par Mathilde Golla
- Publié le
20/09/2017 à 20:26
Le groupe a accepté de verser une rançon entre 2011 et
2014 à l'EI pour maintenir l'activité et la sécurité de son usine, selon les
informations du Monde.
Les dernières révélations sur les agissements de Lafarge en
Syrie accablent encore un peu plus le géant des matériaux de construction. Dans
le cadre d'une enquête ouverte après une plainte de Bercy en octobre 2016, le
groupe a
admis en mars dernier avoir «indirectement» financé des groupes armés en Syrie.
Les auditions dévoilent les mécanismes qui ont conduit le cimentier - fusionné
en 2015 avec le suisse Holcim -à vouloir coûte que coûte maintenir l'activité
de son usine en 2013 et 2014, en plein conflit syrien. Face aux enquêteurs,
l'ancien directeur général adjoint opérationnel de Lafarge
a notamment reconnu que le groupe s'est plié à une «économie de racket», selon
les documents consultés par Le Monde.
La cimenterie en cause est située à Jalabiya, à 150
kilomètres au nord-est d'Alep. Elle avait été achetée en 2007 par le français
Lafarge qui a ensuite mené trois ans de travaux pour un montant de 680 millions
de dollars. Puis Lafarge a tout fait pour la maintenir en activité jusqu'en
septembre 2014.
Pourtant, le 29 juin 2014, l'organisation terroriste Etat
islamique (EI) proclame l'instauration du «califat» et prend ainsi le contrôle
sur un vaste territoire où se situe notamment l'usine de Lafarge. Mais le
cimentier s'entête à vouloir rester en Syrie, quels qu'en soient les coûts. Ce
même 29 juin, un cadre de cette usine de Lafarge a, selon Le Monde,
«informé par mail ses supérieurs qu'il a pris rendez-vous avec un “responsable
de l'Etat islamique” pour négocier la sécurité des employés du site»...
L'aval des autorités françaises
Lafarge avait ainsi employé un intermédiaire pour obtenir de
l'EI des laissez-passer pour ses employés aux checkpoints. Cet homme d'affaires
- fils de l'ex-ministre de la Défense du président Bachar Al-Assad, ayant fait
défection au régime - se voit remettre «entre 80.000 et 100.000 dollars par
mois» pour monnayer des laisser-passer avec ces groupes, selon Le Monde.
Au total, le cimentier a versé plusieurs centaines de milliers d'euros à divers
groupes armés, dont 5 millions de livres syriennes (20.000 euros) par mois à
l'EI, indique le quotidien. Bruno Pescheux, PDG de la filiale syrienne de
l'entreprise jusqu'en juin 2014, affirme en effet aux enquêteurs avoir vu le
nom de Daesh sur des documents internes à l'entreprise et à la question
«Avez-vous une idée du montant prévu pour Daesh?», il répond: «De l'ordre de
20.000 dollars par mois.»
Toujours selon Le Monde, le groupe était en
relation régulière entre 2011 et 2014 avec les autorités françaises qui avaient
donné leur aval pour son maintien en Syrie. Selon Christian Herrault, ancien
directeur général adjoint opérationnel du groupe, le Quai d'Orsay aurait même
recommandé à Lafarge de «tenir, que ça va se régler. Et il faut voir qu'on ne
peut pas faire des allers-retours, on est ancrés et, si on quitte, d'autres
viendront à notre place…». Toutefois, les responsables de l'usine n'avaient pas
informé les diplomates des rançons payées à l'Etat Islamique, souligne Le
Monde.
Pour l'heure, seuls trois responsables ont avoué avoir eu connaissance
de ces pratiques «il est tout à fait vraisemblable que d'autres protagonistes
aient couvert ces agissements», dont l'ex-PDG du groupe, Bruno Lafont, le
«directeur sûreté», Jean-Claude Veillard, et «certains actionnaires», selon les
extraits de l'enquête.
La compromission de Lafarge dans le conflit syrien ne l'aura
pas épargnée puisque l'organisation djihadiste avait fini par prendre le
contrôle du site en septembre 2014.
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Syrie : mémoires de sang (20.09.2017)
Par Delphine
Minoui
Publié le 20/09/2017 à 18h13
REPORTAGE - Des dizaines de milliers de Syriens, arrêtés ou
enlevés depuis le début du soulèvement contre Damas, en 2011, sont toujours
portés disparus. Exilé en Europe, un ex-détenu politique est devenu le
porte-parole de cette cause pour avoir fait sortir de prison des preuves de
cette tragédie occultée par la guerre.
Envoyée spéciale à Scala (Italie)
Dun geste de la main fragile et minutieux, Mansour Omari,
38 ans, soulève un à un les clichés étalés sur sa table. Les voici, ces
traces irréfutables de la machine à éradiquer de Damas. Les voici, imprimées en
couleur sur cinq pages A4.
Cinq photographies de modestes lambeaux de tissu, frappés du
nom et du numéro de téléphone de ses ex-codétenus, rédigés à l'encre de sang,
et qu'il a exfiltrés in extremis de prison.
- Crédits photo : Mansour Omari
«Il fallait documenter
l'horreur des geôles syriennes. Ne pas oublier les milliers de personnes
qui y ont péri et celles qui y sont encore», insiste le rescapé syrien, assis
sous un arbre à kiwis. Depuis un mois, les originaux sont au Musée de
l'Holocauste de Washington, où ils seront exposés à l'approche des 7 ans
de la révolution
anti-Assad. Mais les copies, elles, ne le quittent jamais. Elles sont dans
cette pochette plastifiée qui l'a suivi jusqu'à Scala, petit village italien
perché au-dessus de la côte amalfitaine, où il est venu se ressourcer. Pour y
accéder depuis Naples, il faut changer trois fois de bus, sillonner des routes
à flanc de colline. Sa maisonnette baigne dans un profond silence, parfois
interrompu par les cloches des églises et le bêlement des chèvres. «J'avais
besoin de dépaysement pour exhumer mes souvenirs. Loin, bien loin, du cauchemar
de Damas», dit l'activiste syrien en écarquillant ses grands yeux bruns.
«Un nouveau monde s'ouvrait à moi, peuplé de personnages
en quête de justice, d'égalité entre les sexes»
Le devoir de mémoire: une obsession chez ce défenseur
invétéré des droits de l'homme. Son histoire commence à Damas en 1979. Il naît
dans une Syrie verrouillée par le clan Assad, nourri au biberon de la
propagande du parti Baath. Son père est policier. Sa mère, femme au foyer. À la
maison, les sept enfants se tiennent à carreau. Ils ne posent pas de question
quand les parents chuchotent. «C'est l'université qui m'a ouvert les yeux»,
avance Mansour Omari, en tirant sur sa cigarette. Il choisit d'y étudier la
littérature anglaise.
«Un nouveau monde s'ouvrait à moi, peuplé de personnages en
quête de justice, d'égalité entre les sexes. Je me souviens de Moll Flanders,
de Daniel Defoe. Soudain, je prenais conscience de la notion de féminisme»,
dit-il. Quand la Tunisie se soulève contre Ben Ali, au
début du printemps arabe de 2011, il travaille comme traducteur et
journaliste. «Avec mes amis, on s'est dit: chez nous aussi, le changement est
peut-être possible!» Dès les premières manifestations syriennes, violemment réprimées,
il filme les cortèges, télécharge les vidéos sur YouTube, crée une page
Facebook baptisée Demoscratos. «On voulait relayer la vérité, offrir au monde
entier une autre version que celle imposée par le régime, en l'absence de
reporters étrangers», se souvient-il.
Éviter de sombrer dans l'oubli
En janvier 2012, un ami activiste l'invite à rejoindre le
Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression, fondé en 2004 par le
militant démocrate Mazen Darwich. Son rôle consiste à tenir un inventaire
détaillé des personnes arrêtées ou disparues de force. «J'ai accepté sans
hésiter», raconte ce témoin encombrant pour le régime. Il est loin d'imaginer
qu'au bout de quelques jours, il va se retrouver à leur place. «C'était le 16
février 2012. Des agents de la sécurité ont fait irruption dans nos locaux.
Après deux heures de fouille, on nous a embarqués.» Avec ses 14 compagnons
d'infortune, Mansour échoue à l'aéroport militaire de Mezzeh, le siège des
renseignements de l'armée de l'air. Coupé du monde, sans accès à un avocat,
n'ayant pas le droit d'appeler sa famille. Au bout de 33 jours de garde à vue,
il est transféré en bus, les yeux bandés, dans une autre prison tenue par la
4e division de l'armée. «On nous a accueillis à coups de bottes, de bâton,
en nous infligeant des chocs électriques. Quand je tentais de me relever, les
coups redoublaient. J'avais mal au dos, aux mains, aux genoux. J'en ai perdu
conscience.» Mansour s'interrompt, ses yeux rivés vers l'horizon.
«À chaque fois que les geôliers nous apportaient à
manger, on devait remettre notre bandeau sur les yeux. Ils nous insultaient,
nous attaquaient avec des tuyaux et des tasers électriques»
Là-bas, au pied des collines, le bleu de la mer apaise la
douleur. Il rallume une cigarette, évoque pudiquement dix cicatrices gravées à
jamais sur son corps, et ajoute: «Plus tard, j'ai appris qu'on appelait ça “la
fête de bienvenue”.» Un sinistre rituel avant d'être expédié dans sa nouvelle
cellule, isolée au troisième sous-sol: «Nous étions 60 codétenus, entassés
dans une pièce. Il fallait se relayer pour dormir et partager l'une des six
couvertures. Au plafond, un médiocre néon éclairait nos journées.» À ses côtés,
il y a des manifestants, des passants enlevés en pleine rue ou de simples
innocents raflés au hasard, comme ces deux frères de 16 et 17 ans,
«arrêtés pour avoir travaillé dans un restaurant mitoyen de l'endroit où un
pilote syrien avait été assassiné». Très vite, la cellule atteint les
82 personnes.
Son quotidien est un triste échantillon de l'enfer carcéral
syrien: «À chaque fois que les geôliers nous apportaient à manger, on devait
remettre notre bandeau sur les yeux. Ils nous insultaient, nous attaquaient
avec des tuyaux et des tasers électriques. Ça ne faisait qu'aggraver les
blessures. Personne, pourtant, ne souhaitait être envoyé à l'hôpital, où l'on
risquait d'être à nouveau torturé et de finir dans un linceul.» Au fond du
trou, la vie s'organise malgré tout. Il y a celui qui soigne les plaies, celui
qui recoud les vêtements, celui qui distrait le groupe en imitant le journal
télévisé. Mansour, lui, donne des cours d'anglais. «Une façon de m'évader»,
dit-il, la gorge nouée. Mais le souci de continuer à documenter la dure réalité
des exactions du régime lui colle à la peau. «Je me devais de poursuivre ma
mission: éviter que toutes ces personnes privées de liberté ne sombrent dans
l'oubli.»
«Un jour, un membre de notre groupe s'est mis à faire
couler le sang de ses gencives : nous avions trouvé la couleur de notre
écriture ! «
Un jour qu'il discute en catimini avec quatre autres amis de
confiance, dont les activistes Nabil Chorbaji et Manaf Abazid, une idée surgit
des ténèbres: recueillir les noms et les numéros de téléphone de chaque détenu
pour défier la loi du silence. «Nos familles étaient sans nouvelles de nous.
Nous voulions trouver un moyen de leur donner un signe de vie.» Privés de papier
et de stylos, ils se replient sur des bouts de tissu, arrachés à de vieilles
chemises. Un petit os de poulet, sauvé d'un maigre repas, fait office de plume.
Reste à trouver l'encre. Les premiers essais à base de soupe à la tomate sont
infructueux: le liquide rougeâtre s'efface trop vite. «Un jour, un membre de
notre groupe s'est mis à faire couler le sang de ses gencives: nous avions
trouvé la couleur de notre écriture!» En dix jours, quelque 80 noms sont
récoltés. «On a scellé un pacte: le premier qui sortirait de prison informerait
les parents des autres.» Le 14 novembre 2012, au bout de neuf mois de
détention, Mansour est libéré le premier. «Tu as deux minutes pour te
préparer», lâche un geôlier. À la va-vite, le militant embrasse ses compagnons
et s'empresse de dissimuler les précieux documents dans le col de sa chemise et
les ourlets de ses manches.
La culpabilité du survivant
En fait, sa liberté n'est que relative: d'abord transféré
pendant 13 jours à la police militaire de Qaboun, il atterrit à Adra, la prison
centrale de Damas. «On avait au moins droit aux cigarettes et aux visites. Et
ma mère a enfin pu me voir!» raconte-t-il.
«J'avais peur de mettre en danger ceux qui étaient
restés en prison»
À la boutique de la prison, Mansour s'achète un cahier. À
l'abri des regards, il y dissimule ses morceaux de tissus, qui n'en bougeront
pas jusqu'à sa vraie libération, le 6 février 2013. À sa sortie, c'est le choc:
«J'avais du mal à marcher, à reconnaître mon pays. En un an, les combats armés
avaient remplacé les manifestations.» Mais il s'interdit de craquer. Sur les
conseils de ses proches, il s'enfuit à Beyrouth, puis à Istanbul. Là-bas, il
rouvre aussitôt son classeur cache-noms pour composer, un à un, les numéros
rouges. Lui, le miraculé, se met à distribuer par téléphone des preuves de vie
aux familles en larmes. «Malheureusement, certains numéros étaient illisibles à
cause de la transpiration. D'autres personnes étaient introuvables»,
souffle-t-il, le visage défait.
Longtemps, Mansour Omari a préféré ne pas dévoiler cette
incroyable histoire au grand jour. «J'avais peur de mettre en danger ceux qui
étaient restés en prison», raconte l'activiste, qui, entre-temps, obtient
l'asile politique en Suède. L'année 2016 marque un tournant: il apprend la mort
en détention de Nabil Chorbaji. Bouleversé, Mansour Omari rédige un hommage à
son ami dans un webzine de l'opposition syrienne. C'est la première fois qu'il
brise le silence en évoquant l'épisode des bouts de tissu, projet si cher à
Nabil. L'impact est immédiat: une documentariste anglaise demande à le
rencontrer ; le Musée de l'Holocauste de Washington l'invite à exposer ses
reliques; un agent littéraire lui propose d'écrire ses Mémoires.
Depuis, les invitations pleuvent: de la Commission suédoise
des crimes de guerre au Centre européen pour les droits constitutionnels et les
droits de l'homme (ECCHR), on veut entendre le témoignage de ce miraculé. «On
dit de moi que je suis un cas “César” vivant» (en référence à ces milliers de
clichés de détenus torturés à mort, extirpés de Syrie par un ex-photographe
officiel), rougit-il.
Le calme de Scala, où il vient de poser ses valises pour
quelques mois, lui donne enfin la force de rédiger son livre. «Au début, je me
sentais coupable d'être sorti vivant de cette terrible aventure quand mes amis
étaient encore sous les verrous, dit-il. Mais à l'heure où le régime éradique
la moindre preuve de ses crimes, à l'heure où YouTube, aussi, efface certains
contenus visuels du soulèvement syrien, je comprends qu'il est urgent de
parler, pour immortaliser le souvenir des disparus.»
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À Sabratha, en Libye, l'argent lié au trafic des migrants
a rallumé la guerre des gangs (20.09.2017)
Par Maryline
Dumas
Mis à jour le 20/09/2017 à 18h49 | Publié le 20/09/2017 à 18h35
REPORTAGE - Le groupe armé qui aurait reçu des millions de
Rome pour stopper les départs vers l'Italie est attaqué par ses rivaux jaloux.
Envoyée spéciale à Sabratha et Tripoli
Des tirs qui marquent l'Histoire. Les combats, commencés
dimanche à Sabratha, à 70 km à l'ouest de Tripoli, ont touché le théâtre
antique de la ville, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Mercredi, un
accord de cessez-le-feu aurait été trouvé. Mais les divisions sont toujours là.
Les violences, qui divisent les familles de la cité, ont été, à tort ou à
raison, allumées par l'Italie. En toile de fond, la lutte contre l'immigration
clandestine.
Samedi soir, les combats ont éclaté après qu'un membre de la
brigade Anas Dabbashi - du nom d'un martyr cousin du chef Ahmed Dabbashi - a
été tué à un check-point dans un échange de tirs face à la Chambre des
opérations, force militaire officielle de la ville. Il n'en fallait pas plus
pour qu'une guerre se déclenche entre la Chambre des opérations et Ahmed
Dabbashi, allié à la brigade 48 emmenée par un de ses frères. Cinq personnes
seraient décédées.
«Nous ne savons pas si les Italiens qui ont rencontré les
trafiquants sont envoyés par leur gouvernement. Ce que je peux vous assurer,
c'est que la partie libyenne en question ne représente pas notre État.»
Général Omar Abu Jalil, chef de la Chambre des opérations à
Sabratha
La tension entre ces deux clans couvait depuis des semaines
à Sabratha, comme Le Figaro a pu le constater sur place samedi
dernier. Mais certaines allégations, selon lesquelles l'Italie aurait passé un
accord financier avec Ahmed Dabbashi, dit «al-Ammou» (l'oncle), pour stopper le
trafic de migrants, ont attisé les jalousies.
Sabratha est l'un des principaux points de départ des
migrants vers l'Europe. Sur les 800.000 à un million de clandestins -
majoritairement originaires d'Afrique subsaharienne — présents en Libye, 15.000
attendraient actuellement leur départ vers l'Europe dans cette ville de la côte
méditerranéenne. Al-Ammou n'aurait pas été choisi au hasard: il est considéré
comme le plus grand trafiquant humain libyen. Et ses hommes sont en charge de
la sécurité du site gazier de Mellita, géré par le géant italien ENI.
Officiellement, l'Italie dément tout accord. Le Parti
radical italien a annoncé vendredi dernier avoir déposé une plainte au parquet
à ce sujet. Les responsables libyens, eux, se veulent prudents. Si le général
Omar Abu Jalil, chef de la Chambre des opérations, estime que «les contacts de
certains États européens avec les trafiquants sont un problème dans notre lutte
contre la criminalité», il se reprend vite lorsqu'on cite al-Ammou: «Nous ne
savons pas si les Italiens qui ont rencontré les trafiquants sont envoyés par
leur gouvernement. Ce que je peux vous assurer, c'est que la partie libyenne en
question ne représente pas notre État. Ce sont des passeurs qui seront jugés
lorsque nous aurons un État de droit.»
«Al-Ammou va recevoir 5 millions d'euros chaque
trimestre. Il a déjà dit que si l'Italie arrêtait de payer, il enverrait à
nouveau des bateaux.»
Un officier sécuritaire de Sabratha
Hussein Dawadi, le maire de la ville, lui, a reçu un démenti
des autorités italiennes, mais ajoute: «Néanmoins, les trafiquants, eux,
parlent.» Il fait allusion au porte-parole d'al-Ammou, Bachir Ibrahim, qui a
confirmé à l'agence AP qu'un accord verbal avec les autorités italiennes avait
été conclu pour stopper les départs. En échange, la brigade recevrait argent,
bateaux et équipements.
Sous couvert d'anonymat, un officier sécuritaire de Sabratha
précise: «Al-Ammou va recevoir 5 millions d'euros chaque trimestre. Un
premier paiement a déjà eu lieu il y a un mois. Ahmed Dabbashi a déjà dit que
si l'Italie arrêtait de payer, il enverrait à nouveau des bateaux. Il possède
des hangars dans lesquels il fabrique des embarcations pouvant contenir 600
migrants!»
Le général Omar Abu Jalil insiste sur les risques
sécuritaires: «Il faut savoir une chose: les passeurs n'ont aucun problème à
aider un migrant ou un terroriste à traverser la Méditerranée. Pour eux, c'est
la même chose.» En août, la Chambre des opérations a arrêté deux personnes,
prêtes à partir pour l'Europe, grâce à la brigade Anas Dabbashi, qui
appartiendraient à Boko Haram. Le groupe État islamique est d'ailleurs présent
à Sabratha. Jusqu'en 2016, il y possédait des camps d'entraînement. Le leader
de l'EI au niveau local était d'ailleurs un Dabbashi. Il a été tué en avril
dernier.
«J'ai essayé d'éloigner Al-Ammou de ces trafics. Je n'ai
pas réussi. Ce n'est pas quelqu'un d'éduqué. Il a pu gagner beaucoup d'argent
avec les migrants et des gens haut placés le protègent.»
Ayman Dabbashi, militaire et cousin germain du trafiquant
Les liens du sang ne peuvent toutefois tout expliquer, ni
tout justifier. Ayman Dabbashi en est la preuve. Le militaire est un cousin
germain d'Ahmed Dabbashi, qu'il combat aujourd'hui: «J'ai essayé de l'éloigner
de ces trafics. Je n'ai pas réussi. Ce n'est pas quelqu'un d'éduqué. Il a pu
gagner beaucoup d'argent avec les migrants et il y a des gens haut placés qui
le protègent.» Ayman est en colère. Alors que lui, appartenant à l'armée, n'a
qu'un Zodiac pour surveiller la Méditerranée, son cousin trafiquant dispose de
deux bateaux Sillinger, quasiment neufs et volés à la marine libyenne, ainsi
que des tanks.
Pour les Libyens, l'Italie aurait donc misé sur la force en
mettant de côté les principes. Si tel est le cas, les résultats sont
discutables. «Ahmed Dabbashi bloque les trafiquants concurrents, mais continue
d'envoyer ses clients», certifie Bassem al-Garabli, représentant du bureau de
lutte contre l'immigration clandestine à Sabratha. Pour preuve, l'homme évoque
le millier de migrants interceptés en mer, le vendredi 15 septembre.
En fait, diverses raisons expliquent la diminution de
22 % des arrivées en Italie depuis le début de l'année par rapport à 2016,
et la chute de plus de 80 % des personnes secourues en Méditerranée au
mois d'août. D'abord, les chiffres de 2016 étaient exceptionnellement hauts. La
«guerre du singe» de Sebha, ces violences tribales commencées après qu'un
animal domestiqué a sauté sur une jeune écolière en novembre 2016, aurait
ralenti le flux d'hommes venus du Sud libyen pour rejoindre les côtes
méditerranéennes. Ensuite, l'Italie a mis en place différentes mesures,
comme la
formation des gardes-côtes libyens, tandis que les bateaux des ONG internationales,
accusés de servir involontairement les intérêts des passeurs, se
sont en grande partie retirés.
L'Organisation internationale pour les migrations a, de son
côté, accéléré les rapatriements vers les pays d'origine. Enfin, la «mauvaise
presse», évoquant les morts en Méditerranée, commence à décourager les
candidats au départ. Ceux qui continuent, malgré tout, à rêver d'Europe
parviennent peu à peu à s'organiser: beaucoup demandent aujourd'hui des
«garanties» aux passeurs. Il peut s'agir d'une «escorte» armée jusqu'aux eaux
internationales, ou d'un paiement effectué à l'arrivée. De quoi compliquer le travail
des trafiquants.
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Les guerrières vikings existaient bel et bien
(20.09.2017)
Par Jean-Luc
Nothias
Mis à jour le 20/09/2017 à 19h30 | Publié le 20/09/2017 à 19h21
La génétique vient de prouver qu'un squelette du
IXe siècle était celui d'une femme combattante de haut rang.
Cette fois, c'est indubitable: les femmes guerrières vikings
ont réellement existé. Les valkyries des contes nordiques, chères à Wagner, ne
sont donc pas si imaginaires que cela. La Lagherta de
la série Vikings est peut-être celle qui
repose dans une tombe de la ville de Birka, sur l'île de Björkö dans le
centre-est de la Suède. La sépulture contient de nombreuses armes, les
squelettes de deux chevaux, montrant que la personne enterrée là était d'un
haut rang.
Une étude menée il y a quelques années présentait
naturellement la personne ensevelie comme un homme. Une deuxième étude se
posait la question de savoir si ce n'était pas une femme. «Balivernes»
rétorquèrent les autres spécialistes. Aujourd'hui, ils devront se rendre à
l'évidence: une équipe de l'université d'Uppsala vient de prouver, par la
génomique, que le guerrier était bel et bien une guerrière.
«Déjà au Moyen Âge, ils se disaient que des femmes
vikings combattaient aux côtés des hommes»
Charlotte Hedenstierna-Jonson, du laboratoire de recherche
en archéologie de l'université de Stockholm
«Déjà au Moyen Âge, ils se disaient que des femmes vikings
combattaient aux côtés des hommes », écrit Charlotte Hedenstierna-Jonson,
du laboratoire de recherche en archéologie de l'université de Stockholm,
également à l'université d'Uppsala et premier signataire de ces travaux (publiés
dans la revue American Journal of Physical Anthropology). «Bien
qu'apparaissant de manière récurrente dans l'art et dans la poésie, les femmes
guerrières ont généralement été considérées comme un mythe.»
«Officier supérieur»
On a toujours pensé que les femmes de la société viking
étaient cantonnées à un rôle domestique dans leurs fermes, tenant à la fois la
maison et l'exploitation agricole, cultures et animaux. Elles vêtaient aussi la
famille en tissant laine et lin. Si elles participaient, avec leurs enfants,
aux expéditions guerrières, c'était dans le cadre de «colonisations ».
D'autres femmes occupaient les rôles de «prêtresses » ou
«prophétesses », les Völva, et pouvaient se trouver sur les lieux de
combats. On connaît aussi, d'après certains récits indirects, Freydis
Eiriksdottir, fille d'Erik «le Rouge» Thorvaldsson, qui fut capitaine d'un
bateau et participa à plusieurs expéditions au Groenland et au Vinland (sans
doute le golfe du Saint-Laurent au Canada). Mais les spécialistes n'y croyaient
pas. Comme Judith Jesch, professeur d'études vikings à l'université de
Nottingham: «Il n'y a absolument aucune preuve que des femmes s'entraînaient ou
servaient comme soldats réguliers à l'âge viking. Les valkyries sont du domaine
de l'imagination, des créatures de fantasy ancrées dans les expériences des
combattants mâles », écrivait-elle en 2014.
«Les valkyries sont du domaine de l'imagination, des
créatures de fantasy ancrées dans les expériences des combattants mâles»
Judith Jesch, professeur d'études vikings à l'université de
Nottingham en 2014
La tombe Bj581 ouvre une tout autre perspective. Mesurant
3,5 m de long sur 1,8 m de large, et profonde de 1,8 m, elle est
placée sur une terrasse surélevée, entre une fortification et la ville, en
communication avec les quartiers de la garnison. Elle a très bien protégé son
contenu, os et dents, alors que la zone est peu propice à cette bonne
conservation. Cette tombe à chambre contient, outre un squelette humain, à la
constitution «féminine », une épée, deux boucliers, une hache, une lance,
des flèches capables de percer des armures, un couteau de combat et deux
chevaux, une jument et un étalon. On a également trouvé des pions de jeu
indiquant une pratique de tactiques et de stratégie. Tout ici désigne un
«officier supérieur ».
«Femmes du Nord»
«Je ne suis pas surpris que la question de la place de la
femme guerrière se pose », admet Pierre Bauduin, professeur d'histoire
médiévale à l'université de Caen, spécialiste des Vikings et de l'histoire
normande. «On avait retrouvé il y a quelques années, une statuette de guerrière
viking. Il va falloir que l'on se concerte entre collègues pour examiner cette
question à la lueur de ces travaux ».
«On avait retrouvé il y a quelques années, une statuette
de guerrière viking. Il va falloir que l'on se concerte entre collègues pour
examiner cette question à la lueur de ces travaux»
Pierre Bauduin, professeur d'histoire médiévale à
l'université de Caen, spécialiste des Vikings et de l'histoire normande
La guerrière, qui vivait entre l'an 850 et l'an 950, devait
avoir une trentaine d'années à sa mort. Les chercheurs ont extrait de l'ADN de
la canine gauche et de l'humérus gauche du squelette. L'absence de chromosome Y
prouve que ce n'est pas un homme. L'équipe a pu comparer son ADN à celui de
contemporains et d'actuels dans des bases de données. La guerrière a des gènes
semblables aux Suédois d'aujourd'hui et plus généralement aux habitants des
pays du nord, d'Angleterre et d'Écosse à la Scandinavie et aux pays Baltes. Les
analyses du strontium laissent penser que la guerrière n'était pas originaire
de Birka et qu'elle a voyagé dans sa jeunesse.
À l'époque, et jusque vers 950, Birka était un grand port où
vivaient quelque 1000 personnes. Il reliait les terres vikings à celles des
Slaves de Novgorod, à celles des Byzantins de Constantinople et au califat
Abbasside en actuel Irak. Ils vendaient des fourrures, de l'ambre et du fer. En
France, les Carolingiens règnent. Les Vikings pillent les abbayes et les
villes. En 885, ils font le siège de Paris. Cette guerrière y était peut-être.
En tout cas, il va désormais falloir dire «Vikings,
la légende des hommes et femmes du Nord ».
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Voiture de police incendiée: les agents ont «cru mourir»
(21.09.2017)
Par Jean
Chichizola
Mis à jour le 21/09/2017 à 18h28 | Publié le 20/09/2017 à 20h43
Nicolas Fensch, qui a frappé avec une barre métallique la
voiture et le policier, «regrette profondément». Il a agi par «colère».
«S'il y avait eu un collègue à l'arrière de la voiture, il
serait mort». Les mots d'Allison Barthélemy ont résonné mercredi, en son
absence, devant la 14e chambre correctionnelle qui juge les auteurs présumés de
l'attaque
de la voiture de police où cette gardienne de la paix se trouvait le
18 mai 2016.Ce jour-là, elle «a eu extrêmement peur» et «a cru
mourir». Son chauffeur, Kevin Philippy, alors adjoint de sécurité (ADS), est
bien présent. Sanglée dans une veste sombre, sa carrure en impose. Le contraste
est total entre sa voix calme, sa façon presque chirurgicale d'expliquer les
faits et la teneur de son récit. «J'ai encore leurs cris dans les oreilles:
“dégage sale flic, dégage!”.» La voix, lasse, baisse d'un ton,: «des
agressions, des cris, comme d'habitude, comme ILS font». Ce jour-là, Kevin
Philippy a «cru mourir» lui aussi. En réponse au président du
tribunal, il se dit «attristé, en colère, avec beaucoup d'incompréhension.
Pourquoi cette violence, pourquoi cet acharnement». Ce jour-là, sa collègue,
voyant un groupe approcher et se masquer le visage, lui a dit: «On va se faire
caillasser.» En fait de caillassage, l'ADS reçoit des coups de poing et de pied
au visage, aux cervicales. Quand il voit un individu s'approcher avec un objet
qu'il ne parvient pas à identifier, Kevin Philippy, face à un danger potentiel,
sort son arme. Puis la remet dans son étui. «Je ne voulais pas me la faire
piquer», explique-t-il. Quand un fumigène est lancé dans la voiture où il se
trouve toujours avec sa collègue, il voit «une fumée se propager très
rapidement. Il y avait une forte fumée noire, le feu commençait à être
alimenté». Quand il sort, il est frappé «de trois ou quatre coups de barre à la
tête». Pour lui aucun doute: «On voulait me mettre au sol pour m'achever.»
Des images très violentes
Diffusées dans la salle, les images, très violentes, de
l'attaque, donnent du poids à ces mots. On y voit notamment un individu lancer
un plot dans le pare-brise et l'homme à la barre métallique. Entendus mercredi,
deux prévenus, au casier vierge, David-Kara Brault et Nicolas Fensch sont
accusés de ces actes et encourent dix ans de prison. Ils ont tous deux reconnu
les faits pendant l'instruction. «Madame Brault», transsexuelle américaine, née
dans le Maryland d'un papa œuvrant dans le marketing informatique et d'une
maman enseignante, s'était dite «désolée». Mercredi, elle a décidé de garder le
silence. Ce qui n'est pas le cas de Nicolas Fensch, l'homme à la barre
métallique. Il ne reconnaît pas seulement, il s'excuse devant le tribunal
auprès de M. Philippy et de ses proches. Le cheveu court, lunettes, pull
sombre et chemise claire, Nicolas Fensch ressemble à l'informaticien qu'il est
dans le «civil». Et il a une explication à ses actes: la peur de voir le
policier sortir son arme et la colère contre les «violences policières»
observées depuis sa première participation à une manifestation d'extrême
gauche, le 28 mars 2016.
«Si vous ne vouliez pas faire du mal, qu'est-ce qui vous
empêchait de ne pas le frapper?»
Le procureur, à l'adresse d'un des prévenus
Poussé dans ses retranchements par le procureur, qui note
ses écrits enflammés, son équipement (lunettes de ski, masque de peintre) et
ses actes le 18 mai, il reconnaît «une colère qui s'installe au fil des
manifestations, une forme de radicalisation» qu'il «regrette profondément».
L'interrogatoire subtil du président amène parfois à des reparties presque
surréalistes. Le président reprenant un mot du prévenu: «Si vous ne vouliez pas
faire du mal, qu'est-ce qui vous empêchait de ne pas le frapper?» Le prévenu:
«la colère». Un peu plus tard, après une nouvelle remarque de Fensch, le
président a ce mot définitif: «Le meilleur moyen de ne pas faire du mal à
quelqu'un n'est pas de le frapper.»
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Allemagne : l'AfD se pose en force anti-islam
(01.05.2016)
Par Nicolas
Barotte
Mis à jour le 01/05/2016 à 19h43 | Publié le 01/05/2016 à 19h33
À l'origine anti-euro, le parti veut désormais interdire les
minarets ou le voile intégral.
Avec son programme anti-islam, l'AfD espère-t-il accéder au
pouvoir? «Nous ne sommes pas dans la perspective d'être un parti junior au
Parlement», a lancé Frauke Petry, la chef de file de l'Alternative für
Deutschland, samedi devant quelque 2 000 militants de son parti réunis à
Stuttgart pour leur congrès. «Nous voulons atteindre la majorité pour mettre en
œuvre notre contre-projet à la politique de l'establishment politique»,
a-t-elle ajouté. Mais l'élue de Saxe, contestée au sein de son parti, a dû
s'effacer derrière plus radicaux qu'elle. Pour certains responsables, comme
Alexander Gauland, l'AfD n'est pas encore prêt à prendre des responsabilités et
doit demeurer un parti d'opposition. L'heure est à la surenchère.
Parti protestataire né en 2013, l'AfD s'est nourri de la
crise de l'euro puis de la crise des réfugiés. Dimanche, le parti a adopté une
feuille de route où l'islam est jugé incompatible avec la culture allemande.
Les «symboles de la domination islamique» y sont dénoncés. L'AfD veut
interdire les minaretsou le voile intégral. «Le chant du muezzin ne peut
pas revendiquer les mêmes droits que les cloches de l'église» en Allemagne, ont
aussi affirmé les leaders du parti. Frauke Petry a toutefois assuré qu'elle
était prête à discuter avec les représentants du culte musulman.
Bientôt la troisième force politique?
Crédité, suivant les sondages, de 10% à 14% des intentions
de vote pour les élections fédérales, l'AfD pourrait s'installer comme
troisième force politique d'Allemagne s'il suit sa course en 2017. Lors des
élections régionales de mars, le parti populiste a
déjà battu des records, compliquant la constitution d'une majorité de
coalition. «L'AfD réussit à mobiliser de nouveaux électeurs, qui jusqu'à
présent s'abstenaient», explique Thomas Krüger, directeur de l'Office fédéral
d'éducation politique BpB. «L'AfD parviendra probablement à entrer au Bundestag
l'année prochaine», parie-t-il. Pour y parvenir, le parti devra recueillir plus
de 5 % des voix, comme l'exige le système électoral. D'autres formations
avant l'AfD ont échoué face à l'obstacle.
«L'AfD parviendra probablement à entrer au Bundestag
l'année prochaine»
Thomas Krüger, directeur de l'Office fédéral d'éducation
politique BpB
«On observe l'émergence de partis contestataires dans de
nombreux pays. Mais il est trop tôt pour dire si l'AfD va s'installer dans le
paysage politique allemand ou si le phénomène n'était dû qu'à la crise de
l'euro et la crise des migrants», nuance le directeur de l'institut Jacques
Delors, Henrik Enderlein. «Dans la plupart des pays, il existe toujours une
solide majorité contre ces extrêmes», fait-il remarquer.
L'AfD fait l'unanimité des forces politiques contre lui.
Samedi, quelque 900 manifestants d'extrême gauche ont tenté
d'empêcher l'ouverture du congrès de l'AfD en bloquant son accès. Dimanche, un
site Internet militant marqué à gauche a dévoilé la liste piratée des 2000
participants du congrès ainsi que des données personnelles. L'AfD, de son côté,
a dénoncé les tentatives de diabolisation à son endroit. Électoralement, le
parti pense pouvoir en tirer profit.
Avertissement de modération: Nous vous
rappelons que vos commentaires sont soumis à notre charte et qu'il n'est pas
permis de tenir de propos violents, diffamatoires ou discriminatoires. Tous les
commentaires contraires à cette charte seront retirés et leurs auteurs risquent
de voir leur compte clos. Merci d'avance pour votre compréhension .
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
02/05/2016. Accédez
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Allemagne : Alice Weidel, l'anti-islam, l'anti-Merkel,
l'anti-Europe (25.09.2017)
Par Nicolas
Barotte
Mis à jour le 25/09/2017 à 13h13 | Publié le 20/09/2017 à 17h50
À 38 ans, cette économiste inconnue il y a moins d'un an a
été choisie pour conduire au Bundestag la nébuleuse populiste de l'AfD.
De notre correspondant à Berlin
Alice Weidel a vite compris les règles. Celles du jeu
médiatique, comme lorsqu'elle a quitté le plateau d'un talk-show de la ZDF,
pour protester contre le traitement «partisan» dont elle serait victime en tant
que tête de liste de l'Alternative für Deutschland. L'esclandre a valu quelques
articles et peut-être apporté quelques voix. Celles aussi de son parti, qui l'a
choisie pour être son visage et conduire au Bundestag la nébuleuse
populiste de l'AfD. Elle s'y plie sans broncher, suivant une ligne toujours
plus dure, avec une efficacité radicale. À 38 ans, Alice Weidel, inconnue il y
a moins d'un an, s'apprête à entrer au Parlement allemand pour y porter la voix
des «anti»: anti-Merkel, anti-musulmans, anti-Europe…
L'AfD a réussi la quadrature du cercle avec cette jeune
économiste homosexuelle, candidate plus moderne et plus intransigeante
que Bernd
Lücke et Frauke
Petry, précédents leaders poussés hors de la scène parce qu'ils étaient
trop modérés et trop peu charismatiques. Le premier, le fondateur du parti, ne
voulait parler que d'Europe et pas d'immigration. La deuxième avait durci le
ton mais, timorée, elle avait voulu prendre ses distances avec l'aile droite de
l'AfD, celle qui se plaint par exemple de la «culture de la honte» sur le passé
nazi de l'Allemagne. Elle avait aussi tenté de se dresser contre Alexander
Gauland, le seul véritable chef de l'AfD. Alice Weidel n'a pas participé à
ce combat perdu d'avance. Au congrès de Cologne, fatal à Petry au printemps
2017, elle est restée prudemment discrète.
«Les nouveaux Allemands ? Nous préférons les faire
nous-mêmes»
Écrit sur une affiche électorale de l'AfD
Weidel bat maintenant les estrades avec Gauland, cet
ex-député CDU qui a deux fois son âge et qui l'a choisie, en avril dernier,
pour mener campagne en première ligne. À elle la télévision, le fond, et les
attaques contre la chancelière, à lui les provocations verbales. Elle le laisse
donc dire quand il s'en prend à un célèbre joueur noir de l'équipe de foot
d'Allemagne, dont «il ne voudrait pas comme voisin», quand il suggère de
«déporter en Anatolie» une ministre germano-turque, quand il
loue les héros de la Wehrmacht… Une «affaire de goût» dans le choix des
mots, dit seulement Alice Weidel, en formulant un avertissement: «légalement»
personne «n'a le droit de désigner l'AfD comme un parti d'extrême droite». Le
parti a eu gain de cause devant la justice à ce sujet. «C'est une étiquette
destinée à faire fuir de nous les électeurs», énonce-t-elle, droite dans des
baskets qu'elle ne quitte presque jamais durant cette campagne.
Une Allemagne consensuelle
La jeune femme n'a a priori pas d'accointance avec les
réseaux les plus extrêmes. Mais elle partage avec les plus durs de son parti la
même hostilité
envers l'islam, «incompatible avec l'Allemagne» et qui «menace» le pays.
Toutefois, si quelqu'un lui demande si elle est raciste, elle répond que la
question «est idiote». «Nous sommes pour une immigration qualifiée»,
réplique-t-elle. Peut-être pense-t-elle aussi à Sarah, sa compagne d'origine
sri-lankaise.
«Ce n'est pas un secret que j'ai toujours admiré Margaret
Thatcher»
Alice Weidel
Sur l'une des affiches électorales de l'AfD, on voit le
ventre d'une femme enceinte. «Les nouveaux Allemands? Nous préférons les faire
nous-mêmes», lit-on. Dans son programme, l'Alternative für Deutschland promeut
la famille traditionnelle, et dénonce les théories du genre à l'école. Mais
elle s'est choisi comme tête de liste une lesbienne qui élève, en Suisse, deux
enfants avec sa partenaire. Alice Weidel ne relève pas le paradoxe. Mais elle reconnaît
que sa vie privée a bien eu une influence sur son parcours politique.
«L'immigration homophobe musulmane est un risque pour notre avenir»,
confie-t-elle en assurant, le visage dur, l'avoir expérimenté «très tôt». «Je
connais ça depuis mon enfance. Je viens d'un petit village qui a été submergé
par une immigration musulmane. J'ai entendu à l'école ou à la piscine des
insultes parce que j'étais une jeune Allemande. J'ai vu se développer des zones
de non-droit pour les femmes et c'est de pire en pire.» Il y a en Allemagne
«des no-go areas où ma compagne et moi nous ne pouvons plus aller», dit-elle
avant d'ajouter. «C'est aussi une question pour les droits de femmes en
général. Notre Constitution est claire en ce qui concerne l'égalité des sexes.
Mais dans l'islam, dans la charia, les hommes et les femmes ne sont pas égaux.
Je n'en veux pas dans notre pays.»
Pourtant Alice Weidel ne s'est pas engagée en politique pour
dénoncer l'immigration musulmane. Elle a poussé la porte de l'AfD en octobre
2013, alors que le parti vient de rater de peu son entrée au Bundestag. Sa
capacité de protestation dans une Allemagne consensuelle attire cette jeune
analyste financière, reconnue pour son intelligence et son tempérament: elle se
bat pour se défendre. «L'AfD était le seul parti à dénoncer la politique de
sauvetage de la zone euro, qui est contraire au droit», raconte-t-elle. La
politique d'Angela Merkel et celle de la BCE la scandalisent: c'est une
«expropriation» financière, selon elle. C'est un autre de ses sujets favoris
lorsqu'elle prononce un discours. Elle est une libérale convaincue. «Ce n'est
pas un secret que j'ai toujours admiré Margaret Thatcher», dit-elle en
souriant.
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Un Palestinien abat trois Israéliens dans une colonie de
Cisjordanie (26.09.2017)
Par Cyrille
Louis
Mis à jour le 26/09/2017 à 12h10 | Publié le 26/09/2017 à 11h30
REPORTAGE - Mardi matin, un résident du village voisin de
Beit Surik s'est présenté à l'entrée de l'implantation de Har Adar muni d'un
permis de travail en bonne et due forme, avant d'ouvrir le feu sur le poste de
sécurité. Les habitants se disent «terriblement surpris».
Envoyé spécial à Har Adar
Deux cents mètres à peine séparent la guérite qui marque
l'entrée de Har Adar des premières maisons palestiniennes situées sur la
colline voisine. Mardi matin, peu après sept heures, un résident du village de
Beit Surik s'est présenté à l'entrée de la colonie israélienne muni d'un permis
de travail en bonne et due forme, avant d'ouvrir le feu sur le poste de
sécurité. Un garde-frontière âgé de 20 ans ainsi que deux agents travaillant
pour une compagnie privée ont été tués sur le coup, tandis qu'un quatrième
homme a été blessé. L'auteur de l'attaque a été abattu dans la foulée par la
police. À en croire les médias palestiniens ainsi que le témoignage fourni par
un habitant de Har Adar, cet homme de 37 ans était père de quatre enfants et sa
femme l'avait récemment quitté pour s'installer en Jordanie.
Le poste de sécurité visé par l'attaque - Crédits photo
: Cyrille Louis
«Nous sommes tous terriblement surpris», témoigne Yitzhak
Rabihya, un habitant de Har Adar. Cette colonie d'environ 5000 habitants située
en lisière de Cisjordanie,
une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Jérusalem, emploie chaque jour une
centaine de travailleurs palestiniens. «Comme chacun d'entre eux, le terroriste
avait dû faire l'objet de contrôles approfondis avant d'obtenir la carte
magnétique qui lui permet, chaque matin, de pénétrer dans notre communauté»,
poursuit M. Rabihya. Ce permis, exigé au passage de la porte métallique qui
clôture Har Adar, est en principe délivré pour une période de trois mois
renouvelables. Selon les premiers éléments de l'enquête, l'auteur de l'attaque
s'était muni d'un revolver dérobé en 2003 à un soldat israélien. Prié de
s'arrêter par l'un des gardes israéliens à son arrivée devant la guérite, il
aurait aussitôt dégainé son arme.
L'ONU juge déplorable que le Hamas glorifie ce type
d'attaques
L'attaque meurtrière est survenue alors qu'un calme relatif
régnait sur la Cisjordanie comme sur Jérusalem-Est depuis la fin des tensions
provoquées, au cœur de l'été, par le meurtre de trois policiers israéliens et
l'installation consécutive de portiques détecteurs de métaux aux entrées de
l'Esplanade des mosquées. Le mouvement islamiste Hamas, qui contrôle la bande de
Gaza, a aussitôt salué «un nouveau chapitre de l'intifada de Jérusalem» et
promis que «les efforts pour judaïser la ville ne changeront rien à son
caractère arabe et islamique». Le coordinateur de l'ONU pour le processus de paix,
Nickolay Mladenov, a jugé «déplorable que le Hamas et d'autres continuent à
glorifier de telles attaques, qui minent la possibilité d'atteindre la paix
entre Israéliens et Palestiniens».
La police a dénoncé l'action d'un «loup solitaire» dont rien
ne permettait apparemment de prédire le passage à l'acte. Comme à son habitude,
le gouvernement israélien a pour sa part réagi en accusant le président de
l'Autorité palestinienne, Mahmoud
Abbas, d'encourager la violence. Benyamin Nétanyahou a
promis que la maison de l'assaillant serait rapidement détruite et que les
membres de sa famille se verraient retirer leur permis de travail. Tzipi
Hotovely, la vice-ministre des Affaires étrangères, a dénoncé «la réception
préparée par les Palestiniens» alors que l'envoyé spécial de Donald Trump pour
le processus de paix, Jason Greenblatt, est
depuis quelques heures de retour au Proche-Orient. «L'Administration américaine
doit bien faire comprendre aux Palestiniens qu'ils ne peuvent pas réclamer des
négociations tout en incitant leur population à la haine d'Israël», a pour sa
part relevé Yoav Galant, le ministre de la Construction, avant de menacer:
«Ceux qui cherchent à tuer nos enfants doivent savoir que nous n'hésiterons pas
à les expulser vers la Syrie».
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Thierry Wolton: «Communisme et nazisme sont deux
variantes du totalitarisme» (22.09.2017)
Par Eugénie
Bastié
Mis à jour le 24/09/2017 à 13h30 | Publié le 22/09/2017 à 18h31
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Jean-Luc Mélenchon a affirmé,
«c'est la rue qui a abattu les nazis», sans évoquer les crimes soviétiques. Le
leader de la France insoumise devrait lire, Les Complices, de Thierry Wolton.
L'essayiste y décrit la complaisance de l'intelligentsia notamment française
pour le totalitarisme communiste.
Thierry Wolton, essayiste, est l'auteur d'une vingtaine
d'ouvrages, consacrés pour la majeure partie à divers
- Crédits photo : grasset
aspects du communisme. Fruit de plus de dix années de
travail acharné, Une histoire mondiale du communisme synthétise et complète
plus d'un demi-siècle de connaissances sur le sujet. C'est une œuvre sans
équivalent dans le monde.
FIGAROVOX.- Dans votre livre Les Complices, tome III de
votre Histoire mondiale du communisme, vous vous penchez sur l'attrait qu'a
exercé l'idéologie communiste sur les intellectuels occidentaux. D'où vient
selon vous cette fascination?
Thierry WOLTON.- Les intellectuels et le
communisme étaient faits pour se rencontrer depuis que Lénine a compris que le
prolétariat n'allait pas briser ses chaînes d'exploité, comme le croyait Marx,
et qu'il fallait un parti de révolutionnaires professionnels pour prendre le
pouvoir, comme il l'écrit dans Que faire? en 1902. La
révolution, devenait du coup une affaire d'intellectuels éclairés, chargés de
faire le bonheur du peuple malgré lui. Être au centre du pouvoir, en tant que
conseiller ou comme acteur, est un vieux rêve de l'élite pensante depuis
Platon. De plus, le déterminisme historique qui caractérise la théorie
marxiste, avec la lutte des classes comme moteur de l'histoire et l'inéluctable
avènement du communisme, stade suprême de l'humanité, offrait aux intellectuels
la feuille de route dont ils rêvaient. Les voilà au cœur de l'action avec la
boussole pour les diriger. Le communisme une fois instauré, tous les régimes en
question ont éliminé les intellectuels qui n'étaient pas dans la ligne, mais
tant qu'il s'est agi du sang des autres là-bas, au loin, de ceux qui subissaient,
la plupart des intellectuels occidentaux sympathisants ont continué à croire en
l'avenir radieux.
À vous lire, il semble que la France ait fourni les plus
beaux contingents de ces «complices». Pourquoi selon vous «l'opium des
intellectuels» a-t-il eu autant d'emprise dans notre pays?
Le terme de « révolution communiste » est un oxymore que
nos intellectuels ont vénéré.
L'expression «opium des intellectuels» est de Raymond Aron,
l'un de nos rares intellectuels à avoir échappé à l'attraction communiste.
L'appétence particulière de nos «penseurs» pour cette idéologie tient à
plusieurs facteurs. Pour l'essentiel, disons que le rapport de l'intellectuel
français au pouvoir est singulier, au phénomène de cour mis en place sous la
royauté: être proche, avoir l'oreille du prince a toujours été une marque de
reconnaissance. En France le pouvoir attire, jusqu'à aveugler souvent. D'autre
part, la philosophie des Lumières qui a annoncé la Révolution française a
démontré comment la pensée pouvait préparer les esprits aux bouleversements
politiques et sociaux, ce que le communisme systématise avec le parti de Lénine
justement. Le facteur révolution joue aussi son rôle, toute la culture post
1789 a magnifié ce moment, c'est seulement récemment que nous avons pris
conscience que l'instrumentalisation idéologique pouvait conduire à la Terreur,
comme en 1793. L'expression populaire «on ne fait pas d'omelette sans casser
d'œufs» présente les excès révolutionnaires comme nécessaires, donc
acceptables. En réalité, il n'y a jamais eu de révolution communiste, c'est
l'une des impostures de cette histoire. Dans les faits, le pouvoir n'a jamais
été conquis à la suite d'une révolte populaire: le coup d'État de Lénine en
octobre 1917, la guerre civile gagnée par Mao en 1949, la guerre de libération
nationale conduite par Ho Chi Minh au Vietnam en sont quelques exemples. Le
terme de «révolution communiste» est un oxymore que nos intellectuels ont
vénéré.
Vous évoquez notamment le concept de «compagnon de
route». Que signifie-t-il? Quels ont été les plus célèbres d'entre eux?
L'expression est due à Trotski, en 1922. Elle désigne
l'intellectuel qui est prêt à faire un bout de chemin avec les communistes sans
pour autant adhérer au parti. «Pour un compagnon de route, la question se pose
toujours de savoir jusqu'où il ira», dit Trotski, idéologue du communisme parmi
les idéologues. Le terme s'est décliné en plusieurs langues: papoucki en
russe, fellow travelleren anglais, Mitlaufer en
allemand, compagno di strada en italien, etc. Dans à peu près
tous les pays du monde il y a eu des compagnons de route: GB Shaw en Grande
Bretagne, Dashiell Hammett aux Etats Unis, Bertolt Brecht en Allemagne, Alberto
Moravia en Italie, etc. Il serait plus court de citer les intellectuels restés
lucides.
Quelles différences faites vous entre le «compagnon de
route» et «l'idiot utile» dont vous parlez aussi?
Lénine désignait par ce terme l'homme politique, l'homme
d'affaires qui pouvaient être utilisés pour promouvoir tel ou tel aspect du
communisme, par orgueil (se rendre intéressant), par ignorance, par cupidité,
bref en usant de tous les ressorts humains. Le plus connu des «idiots utiles»
est l'ancien président du Conseil français, sous la IIIe République, Edouard
Herriot, invité en Ukraine au début des années 1930 alors que la famine,
instrumentalisée par Staline pour liquider les paysans récalcitrants à la
collectivisation, battait son plein. Il en a nié la réalité, soit plusieurs
millions de morts. Plus près de nous, François Mitterrand s'est prêté à la même
opération pour le compte de Mao. Reçu par le Grand Timonier alors que la famine
décimait le pays à cause du Grand bond en avant, il en a contesté l'ampleur
comme Mao lui avait dit. De 30 à 50 millions de Chinois sont morts à cette
époque. On ne compte pas les hommes d'affaires capitalistes qui ont aidé les
régimes communistes à survivre par des crédits ou en livrant du matériel, de la
technologie jusque et y compris à l'usage des travailleurs forcés des camps de
concentration. Tout ce passé est douloureux pour nos consciences, voilà
pourquoi aussi il est tentant de l'oublier, voire de l'escamoter.
La vérité sur le communisme a été connue dès les premiers
mois, les témoignages n'ont jamais cessé de s'accumuler : qui voulait savoir
pouvait savoir.
Certains comme Gide et son Retour d'URSS font
leur mea-culpa, mais d'autres comme Sartre ou Aragon persisteront dans
l'erreur. Quels sont les ressorts de cette «cécité volontaire»?
La fameuse phrase de Sartre sur «il ne faut pas désespérer
Billancourt», peut-être une explication de cette cécité. Le communisme a
représenté un tel espoir que peu importait la réalité. Pour beaucoup il était
préférable de croire que de voir, donc ils se sont aveuglés d'eux-mêmes car la
vérité sur le communisme a été connue dès les premiers mois, les témoignages
n'ont jamais cessé de s'accumuler: qui voulait savoir pouvait savoir. C'est
bien ce qui rend cet aveuglement coupable, autant, quitte à choquer, que ceux
qui savaient sur la Shoah avant la découverte des camps d'extermination en 1945
mais qui se sont tus pour raison d'État, dans un contexte de guerre mondiale.
L'indifférence, pis les mensonges qui ont couvert la réalité communiste, ne
bénéficient même pas d'une telle excuse. C'est ainsi que des dizaines de
millions de personnes ont disparu dans ces régimes que la doxa intellectuelle
présentait comme LE modèle pour l'humanité. La culpabilité est immense ce qui
rend ce passé si douloureux pour la conscience universelle. Certains sont
toutefois plus coupables que d'autres. Un Aragon, apparatchik communiste
jusqu'à ses derniers jours, est cent fois plus blâmable qu'un Sartre qui a fait
des allers-retours avec l'idéologie.
Poème d'Aragon datant de 1931 (Extrait de Les
Complices). - Crédits photo : perso
«Descendez les flics camarades» écrit Aragon dans un
poème. «Les révolutionnaires de 1793 n'ont pas assez tué» écrit Sartre.
Derrière la fascination pour le communisme, n'y a-t-il pas la fascination de
l'intellectuel aux mains blanches pour la violence?
En exergue à l'un de mes chapitres je cite cette phrase de
Camus: «Toute idée fausse finit dans le sang mais il s'agit toujours du
sang des autres». Le communisme a été une idée fausse, des hectolitres de
sang ont été versés en son nom, mais qu'importe…. L'intellectuel, d'une manière
générale, s'embarrasse peu de la réalité surtout s'il n'y est pas confronté
directement. Cette indifférence, voire cet amour du sang des autres a des
ressorts profonds dont l'une des sources est probablement la haine de soi
éprouvée en tant que profiteur d'un monde que l'on abhorre. L'adhésion au
communisme a été d'autant plus forte que le rejet du capitalisme a été profond,
un système vu, jugé comme l'exploitation du plus grand nombre, l'enrichissement
d'une minorité, et le fourrier de la guerre (celle de 1914-1918) qui venait de
meurtrir le monde. La charge était telle que s'en débarrasser devenait une
libération pour l'humanité, quel qu'en soit le coût humain puisque le
capitalisme ne pouvait en ce domaine donner de leçon. La violence est devenue
une nécessité pour s'arracher de ce monde. L'enchaînement capitalisme - haine -
égalité - révolution - violence annonçait l'indifférence à venir. Les
intellectuels s'y sont complus tant qu'ils n'en étaient pas les victimes.
Après la stalinolâtrie, vint le règne de la «maôlatrie»,
que vous qualifiez de «maladie infantile du gauchisme». En quoi la fascination
pour le régime chinois diffère-t-elle de celle pour le régime soviétique?
L'aveuglement était-il encore pire?
Avoir été maoïste est à la fois plus grave et moins grave
qu'avoir été stalinien. Plus grave puisqu'intervenant après, quand on pouvait
tout savoir des dégâts provoqués par l'aveuglement sur Staline. Plus grave
encore car Mao est responsable de bien plus de morts que Staline. La complicité
est donc moralement plus grave. En même temps, l'aveuglement a duré moins
longtemps et certains maoïstes occidentaux s'en sont repentis. Moins grave
aussi parce que le maoïsme a pris en Occident un côté folklorique qui lui
conférait un aspect ridicule: voir des intellectuels brandir le Petit livre
rouge en ânonnant les slogans du Grand Timonier pouvait difficilement être pris
aux sérieux. Le maoïsme a démontré de manière éclatante combien l'aveuglement
idéologique abêtit, en cela il a été utile si j'ose dire. Maintenant, que Mao
garde une stature de commandeur quand Staline a été déboulonné, la
responsabilité en revient en premier lieu au régime chinois qui en est
l'héritage. Que tous les billets de banque de la République populaire de Chine
soient encore à l'effigie du Grand Timonier est aussi scandaleux que si les
Deutsche Marks d'après guerre avaient mis le Führer en emblème.
«Le péché de presque tous les gens de gauche, c'est
d‘avoir voulu être antifascistes sans être
Le meilleur allié du communisme a été le nazisme et le plus
utile des idiots, si l'on peut dire, fut Hitler. Les deux totalitarismes se
sont entraidés avant de se combattre.
antitotalitaires» écrit Orwell. Qu'a-t-il voulu dire par
là?
Le meilleur allié du communisme a été le nazisme et le plus
utile des idiots, si l'on peut dire, fut Hitler. Les deux totalitarismes se
sont entraidés avant de se combattre. Ils avaient la même haine du monde
occidental, de la démocratie et leur système politique était cousin germain.
Après avoir aidé Hitler à arriver au pouvoir en 1933 grâce à la lutte conjointe
des communistes allemands (aux ordres de Moscou) et des nazis, contre le
gouvernement social-démocrate en place à Berlin ; après avoir soutenu l'effort
de guerre du Führer grâce au pacte germano-soviétique d'août 1939 ; après
s'être partagé l'Europe au début de la guerre, les deux totalitarismes se sont
affrontés. À partir de là, toute l'intelligence de Staline, toute la tactique
communiste a consisté à se présenter comme le meilleur rempart, le seul même
face à la peste brune, jusqu'à faire oublier l'alliance passée. L'antifascisme
a servi de paravent au stalinisme pour accomplir ses noirs desseins, d'abord
contre son peuple puis contre les peuples conquis à la faveur du conflit
mondial. Communisme et nazisme sont deux variantes du totalitarisme. Être
contre l'un aurait dû amener à être contre l'autre, c'est cela que dit Orwell.
Or l'hémiplégie d'une partie de l'opinion publique (cela va bien au-delà des
intellectuels) consiste toujours à diaboliser un totalitarisme, le brun, pour
excuser ou minorer l'autre, le rouge. C'est l'un des héritages du communisme
dans les têtes. La seule attitude morale qui vaille est d'être antitotalitaire
et de renvoyer dos à dos toutes les idéologies qui en sont le substrat.
Vous parlez de «négationnisme communiste». Comment
expliquez-vous le deux-poids, deux-mesures dans le traitement mémoriel des
totalitarismes nazi et communiste?
Le communisme a représenté un grand espoir de justice
sociale, il a mis ses pas dans la démarche chrétienne. Cela explique en partie
son succès: au message christique «les derniers seront les premiers» au
paradis, l'idéologie a substitué l'idée que les prolétaires (les plus pauvres)
gouverneront le monde pour instaurer l'égalité pour tous. L'échec est d'autant
plus durement ressenti. La mort du communisme revient pour certains à la mort
de Dieu pour les croyants: inacceptable, impensable. Le communisme n'est
toujours pas sorti de cette phase de deuil, d'où le négationnisme dont je
parle: on nie la réalité de ce qui fut pour ne pas souffrir des espoirs qu'il a
suscité. Il est certes désormais reconnu que ces régimes ont fait des millions
de morts. C'est un progrès. Il n'empêche, être anti communiste reste péjoratif,
quand cela devrait être une évidence. L'intellectuel qui a eu des faiblesses
envers le fascisme demeure coupable à jamais quand celui qui a idolâtré le
stalinisme ou le maoïsme, ou le pol-potisme (le Cambodge des Khmers rouge) est
vite pardonné. C'est aussi cela le négationnisme communiste. Il ne s'agit pas
de faire des procès, mais de regarder la réalité historique en face.
L'intellectuel qui a eu des faiblesses envers le fascisme
demeure coupable à jamais quand celui qui a idolâtré le stalinisme ou le
maoïsme, ou le pol-potisme est vite pardonné
En outre, la complicité envers le communisme a été telle,
elle a pris une telle ampleur - des militants des PC du monde entier aux
intellectuels, des dirigeants politiques des démocraties aux hommes d'affaires
-, qu'il existe un consensus tacite pour oublier cette face sombre de
l'humanité. L'être humain n'aime pas se sentir coupable, alors il passe à autre
chose. Ce ne peut être que transitoire. La dimension du drame communiste fait
qu'il est impossible d'en faire l'impasse. Je fais le pari que la réflexion sur
cette époque va prendre de l'ampleur pour que l'histoire se fasse enfin. Il
faudra sans doute pour cela que tous les témoins (acteurs ou simples
spectateurs) de cette époque disparaissent. Et avec eux ce négationnisme diffus
qui sert de garde-fou à l'émergence de la mauvaise conscience. Il est évident
que l'étude approfondie de cette époque est indispensable pour la compréhension
de notre monde actuel, l'héritage somme toute du XXe siècle communiste.
Vous parlez de «retour impossible» du communisme. À
l'heure où on évoque une hypothétique résurgence du fascisme, pourquoi le
communisme ne pourrait-il pas ressurgir? Est-ce une utopie vraiment morte ou
reste-t-il des résidus?
En premier lieu, il reste encore des régimes communistes:
outre la Chine, la Corée du Nord, le Laos, le Vietnam, Cuba, l'Erythrée
notamment. Ces pays fonctionnent sous l'égide d'un parti unique qui se réclame
de l'idéologie marxiste-léniniste, avec tout ce que cela comporte d'atteinte
aux libertés et de drames humains. Maintenant, l'échec du bloc soviétique a
discrédité ce type de système politique. Je doute que des régimes communistes
nouveaux apparaissent. En fait, il n'y a plus le terreau nécessaire pour cela.
L'idéal, comme les régimes qui s'en réclament, sont apparus dans un contexte
idéologico-politico-économique particulier, fait à la fois de scientisme, de
guerres, de massification des individus, de crises sociales, toutes choses que
je développe largement dans mon livre, qui ne sont plus. J'ajoute que la
mondialisation, l'ouverture obligée des frontières pour y participer, est
antinomique avec l'esprit totalitaire qui oblige à l'enfermement des êtres
comme des esprits. On peut d'ailleurs constater que les pays qui restent
communistes s'ouvrent économiquement tout en restant fermés politiquement. La
Chine en est le meilleur exemple. Or, à terme, cette schizophrénie
politico-économique n'est pas viable. Non seulement le contexte mondial a
changé pour que de nouveaux pays tombent dans la nasse communisme, mais ceux
qui y restent sont condamnés à terme à disparaître, en tout cas tels qu'ils
existent. Dans nos contrées démocratiques, seul un quarteron d'idéologues se
réclame encore du communisme marxiste-léniniste vieille manière, celui qui a
brillé au XXe siècle. Mais ils n'ont plus d'influence. La page est tournée. La
protestation sociale née des inégalités, qui elles ne cesseront sans doute
jamais, prend et prendra d'autres chemins, mais pas celui emprunté tout au long
du XXe siècle.
Le philosophe anglais Bertrand Russel remarquait déjà au
début des années 1920 une ressemblance entre communisme et islamisme, notamment
la même volonté de convertir le monde.
«La fin du messianisme marxiste-leniniste a libéré un
espace d'utopie dans lequel s'est engouffré le djihad.» écrivez-vous dans votre
épilogue. Quel lien faites-vous entre l'idéologie communiste et l'islam
radical?
Le philosophe anglais Bertrand Russel remarquait déjà au
début des années 1920 une ressemblance entre communisme et islamisme, notamment
la même volonté de convertir le monde. N'oublions pas que la propagande
communiste, très présente au XXe siècle, a développé des thèmes anti
occidentaux au nom de la lutte contre l'abomination capitaliste, et contre
l'impérialisme. Cela a façonné des esprits, y compris dans des pays musulmans
influencés par l'URSS, leur allié contre l'ennemi principal, Israël. La doxa
communiste contre la liberté d'être, de penser, de se mouvoir, d'entreprendre,
etc., se retrouve dans le discours des islamistes, présentée comme des
tentations de Satan. En tant qu'idéologie totalitaire, le communisme cherchait
à atomiser les individus en les arrachant de leurs racines sociales,
politiques, culturelles, voire familiales, pour mieux les dominer, les
contrôler. L'islamisme, lui, propose des repères, des codes, à des individus déjà
déracinés sous la poussée d'une mondialisation dont les effets ont tendance à
déstructurer les sociétés traditionnelles. La démarche est différente, mais le
résultat est comparable: dans les deux cas il s'agit d'unir des personnes
isolées grâce à des sentiments identitaires - la communauté socialiste, la
communauté des croyants -, de donner sens à leur collectif grâce à un mythe
absolu et exclusif, le parti pour les communistes, l'oumma pour les
islamistes, terme qui désigne à la fois la communauté des croyants et la
nation. Enfin, on retrouve dans l'islamisme des marqueurs du communisme: la
contre-modernité du propos, une explication globale du monde et de sa marche,
une opposition radicale entre bons et mauvais - croyants/impies en lieu et
place des exploités/exploiteurs -, la volonté de modeler les hommes, et un
esprit de conquête planétaire. Dès lors, la substitution est possible.
Six blessés à Londres dans une possible attaque à l'acide
(23.09.2017)
Mis à jour le 23/09/2017 à 23h13 | Publié le 23/09/2017 à 23h12
Six personnes ont été intoxiquées samedi près d'un centre
commercial de Londres où plusieurs individus les ont semble-t-il aspergées avec
une substance toxique, a annoncé la police qui ne pense pas avoir affaire à une
attaque terroriste.
L'incident s'est produit à proximité du centre commercial de
Westfield, dans l'est de la capitale britannique.
"Un certain nombre de personnes sont signalées blessées
dans différents endroits - on pense qu'il y en a six. Nous attendons d'autres
détails", annonce la Metropolitan Police de Londres dans un communiqué.
Un homme a été arrêté, précise la police londonienne.
Palestine : l'inquiétante dérive autoritaire de Mahmoud
Abbas (22.09.2017)
Par Cyrille
Louis
Mis à jour le 22/09/2017 à 18h27 | Publié le 22/09/2017 à 18h13
Les récentes arrestations de plusieurs voix critiques envers
l'Autorité palestinienne mettent en lumière le durcissement du régime.
Correspondant à Jérusalem
La nouvelle semblait si énorme qu'elle a laissé sans voix la
plupart des diplomates occidentaux accrédités à Ramallah. Lundi
4 septembre, l'un des militants anti-occupation les plus emblématiques de
Cisjordanie a été convoqué au commissariat de Hébron et arrêté par les services
de sécurité de l'Autorité palestinienne (AP). Accusé d'«atteinte à l'unité
nationale» pour avoir dénoncé sur Facebook l'interpellation d'un journaliste
quelques heures plus tôt, Issa Amro a passé quatre jours en détention avant d'être
libéré sous caution.
À la tête du collectif «La Jeunesse contre la colonisation»,
cet ingénieur de 37 ans documente et dénonce depuis plusieurs années le coût
humain de l'occupation militaire imposée à la population palestinienne de sa
ville. Un rôle qui lui avait déjà valu d'être interpellé des dizaines de fois
par l'armée israélienne - mais jamais encore par son propre gouvernement.
Sa brève incarcération, quel qu'en ait été le but, a mis en
lumière le durcissement jusqu'alors passé inaperçu de l'AP envers certaines
voix discordantes. Vingt-neuf sites Web avaient été bloqués début juin sur
ordre du procureur général palestinien. La plupart sont notoirement proches du
mouvement islamiste Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, ou de Mohammed
Dahlan, rival honni du président Mahmoud
Abbas. Mais plusieurs autres sont identifiés comme des plateformes
d'information indépendantes, qui ont pour seul tort d'exprimer sans retenue
leurs critiques des autorités.
Travaux forcés
La crainte d'un tour de vis sécuritaire a été renforcée,
début juillet, par la publication d'une loi controversée sur la criminalité
électronique. «Nous ne contestons pas que la généralisation rapide de l'usage
d'Internet en Palestine justifie, sur le fond, une telle démarche, commente
Ammar Dwaik, directeur de la Commission indépendante des droits de l'homme à
Ramallah. Mais ce texte, rédigé par l'exécutif sans aucune concertation avec la
société civile, déborde le champ de la lutte contre la cybercriminalité et
porte atteinte à la liberté d'expression.» Son article 51 punit d'une
peine maximale de 15 ans de travaux forcés la publication d'écrits
susceptibles de troubler «l'ordre public», «l'unité nationale», la «paix
sociale» ou d'«offenser la religion». L'article 20 sanctionne la diffusion de
«matériaux critiques susceptibles de menacer la sécurité ou l'intégrité de
l'État» - sans définir clairement aucune de ces notions.
Début août, l'encre du décret présidentiel avait à peine
séché que cinq journalistes collaborant à des médias proches du Hamas ont été
placés en détention sur la base de ces incriminations. Par une coïncidence qui
n'est sans doute pas fortuite, leur remise en liberté est intervenue au moment
précis où les autorités de la bande de Gaza relâchaient symétriquement des
journalistes proches du Fatah. «Une partie des récentes arrestations sont liées
au duel qui oppose les deux factions rivales, concède Ammar Dwaik. Mais pas
toutes…» Selon le Centre palestinien pour la liberté et le développement des
médias, l'AP a arrêté 14 journalistes pour le seul mois d'août.
«Ce texte, rédigé par l'exécutif sans aucune concertation
avec la société civile, déborde le champ de la lutte contre la cybercriminalité
et porte atteinte à la liberté d'expression»
Ammar Dwaik, directeur de la Commission indépendante des
droits de l'homme à Ramallah
«Depuis le début 2017, les autorités palestiniennes en
Cisjordanie ont mené de nombreuses attaques contre des activistes et des
journalistes, auxquels ils ont imposé des arrestations arbitraires, des
interrogatoires violents et des confiscations de leur équipement», dénonce
l'ONG Amnesty International dans un rapport. Ammar Dwaik attribue cette dérive
«aux tensions croissantes entre Abbas et ses principaux adversaires». Le
récent rapprochement entre le Hamas et Mohammed Dahlan, sous patronage
égyptien, semble avoir particulièrement attisé la méfiance du président
palestinien. «Je ne sais pas si on peut parler de dérive autoritaire, commente
l'ex-ministre et vice-président de l'université de Birzeit, Ghassan al-Khatib,
mais il est certain que le gel de tout réel processus électoral depuis 2006
conduit inéluctablement dans cette direction.» Abbas, dont le mandat est arrivé
à son terme en 2009, affronte d'ailleurs une crise de légitimité si profonde
que 70 % des Palestiniens affirment désormais souhaiter son départ.
Le 3 septembre, c'est pour avoir dénoncé l'impuissance
de l'AP et appelé ses dirigeants à la démission après une descente de l'armée
israélienne dans les locaux de la radio al-Hurryia, à Hébron, que le
journaliste Ayman Qawasmeh a été arrêté. L'activiste Issa Amro, qui s'était
empressé de prendre sa défense, a été interpellé dans la foulée. «L'arrestation
de ce défenseur des droits de l'homme pour des commentaires critiques exprimés
sur Internet témoigne d'un rétrécissement de l'espace démocratique», a relevé
Robert Piper, coordinateur humanitaire de l'ONU pour les Territoires
palestiniens, sur Twitter.
Selon une enquête réalisée ces derniers jours par le Centre
palestinien d'études politiques et de sondages, 85 % de la population
disent s'inquiéter pour l'avenir des libertés publiques en Cisjordanie. Et
seuls 38 % des sondés estiment qu'il est possible d'y critiquer librement
leurs dirigeants.
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Quels sont les enjeux du référendum au Kurdistan irakien
? (22.09.2017)
Par Edouard
de Mareschal et Service
InfographieMis à jour le 23/09/2017 à 15h53 | Publié le 22/09/2017 à
12h34
DÉCRYPTAGE - Malgré l'opposition de l'État central, les
pressions de Washington et de presque toute la communauté internationale, le
gouvernement kurde reste déterminé à organiser un référendum d'indépendance
lundi 25 septembre.
Lundi prochain, les Kurdes doivent se rendre aux urnes pour
voter sur leur indépendance. Un scrutin
qui provoque la colère du gouvernement central de Bagdad. «Nous ne
permettrons pas la création d'un deuxième Israël au nord de l'Irak», a déclaré
le vice-président irakien Nouri al-Maliki. De son côté, le président du
gouvernement régional kurde annonce qu'il ne renoncera pas au référendum du 25
septembre sans solution de sortie acceptable. Mais il temporise: un «oui» ne
mènerait pas à une déclaration d'indépendance immédiate, mais plutôt au début
de «discussions sérieuses avec Bagdad». À mesure que la date approche, le ton
se durcit entre Bagdad et Erbil, tandis que la communauté internationale
multiplie les tentatives de médiation pour trouver un accord entre les deux
parties.
● Un bras de fer entre Bagdad et Erbil
La menace d'un référendum d'indépendance est brandie depuis
des années par le président du gouvernement régional kurde, Massoud Barzani. Le
puissant chef du parti démocratique du Kurdistan a franchi un pas supplémentaire
lorsqu'il a
annoncé en juin que le scrutin se tiendrait le 25 septembre dans les
trois provinces autonomes ( Erbil, Souleymanieh et Dohuk), mais aussi dans les
«territoires disputés» entre l'autorité kurde et Bagdad. Massoud Barzani est
engagé dans un bras de fer avec le vice-président irakien Nouri al-Maliki,
déterminer à empêcher la tenue de ce référendum jugé «inconstitutionnel».
Toutes les institutions fédérales d'Irak sont vent debout
contre le scrutin: le Parlement fédéral l'a condamné par deux fois, avant
que la
Cour suprême ne décide de le suspendre pour inconstitutionnalité. Depuis,
le vice-président Nouri al-Maliki appelle sans relâche Massoud Barzani à
renoncer à son projet. Il s'oppose à la création d'un État sur des bases
ethniques.
● Un référendum qui ne fait pas l'unanimité, même au
Kurdistan
Les Kurdes d'Irak sont favorables dans leur immense majorité
à l'idée d'indépendance de leur territoire. Mais l'opportunité d'un vote
maintenant est loin de faire l'unanimité. «Pour beaucoup, ce n'est pas la
priorité», explique Olivier Grojean, docteur en sociologie politique et
spécialiste de la question kurde. En effet, le Kurdistan traverse une crise
politique et économique grave: le mandat de Massoud Barzani a expiré le 19 août
2015, sans qu'un scrutin soit organisé pour élire son successeur. Son mandat a
donc été prolongé dans des conditions controversées, jusqu'à ce qu'une nouvelle
élection présidentielle soit organisée. Le président Barzani est par ailleurs
toujours considéré comme tel par la communauté internationale.
Le Parlement du Kurdistan est aussi plongé dans une crise
politique profonde. L'Assemblée a bien approuvé le 15 septembre dernier par un
vote à main levée la tenue du référendum. Mais c'était la première séance
depuis deux ans ; séance par ailleurs boycottée par le président de
l'Assemblée, membre du parti Goran, et par tous les députés de l'opposition
dont ceux de Jamaa islamiya, formation proche de l'Iran.
LIRE AUSSI - Massoud Barzani: «Que le prochain président français
reconnaisse l'indépendance du Kurdistan»
«Les opposants au référendum estiment que Massoud Barzani
devrait d'abord remettre son mandat en jeu par un scrutin en bonne et due
forme. Sans cela, ils voient le vote d'indépendance comme un coup de force de
Massoud Barzani pour se maintenir au pouvoir», explique Denise Natali,
chercheuse à l'Institute for National Strategic Studies de la National Defense
University à Washington, spécialiste du Kurdistan. L'opposition à l'initiative
de Barzani se concentre dans les rangs de l'UPK - parti de son rival historique
Jalal Talabani - et du Goran, qui mènent leur campagne «Non au référendum».
Par ailleurs, le Kurdistan traverse une grave crise
économique. La lutte contre l'État islamique, la chute du prix du pétrole qui
représente la quasi-totalité de ses revenus, et la rupture avec Bagdad qui ne
contribue plus au budget de la région, prive Erbil de 80% de ses recettes. «Le
Kurdistan ne dispose d'aucune ouverture sur la mer. Il est enclavé entre
l'Irak, l'Iran et la Turquie dont il dépend totalement pour ses exportations
d'hydrocarbure. Or, Ankara est totalement opposé à l'idée d'un référendum»,
explique Denise Natali.
● La question très sensible des territoires disputés
En trois ans de lutte contre l'État islamique, les
peshmergas kurdes ont considérablement renforcé leurs positions dans les
«territoires disputés», territoires dont Erbil et Bagdad revendiquent chacun le
contrôle. Les tensions se cristallisent autour Kirkouk, grande ville d'1,2
million d'habitants qui est l'une des plus grandes réserves de pétrole d'Irak.
Majoritairement kurde avant les années 1990, elle subit de plein fouet la
politique d'arabisation de Saddam Hussein. Aujourd'hui, la composition ethnique
de la ville est une question extrêmement sensible. Mais on estime que les
Kurdes sont à nouveau majoritaires, suivis des Arabes, des Turkmènes et des
Chaldéens. Depuis juin 2014, les Kurdes ont pris le contrôle de la ville que
les forces gouvernementales avaient quitté face à l'avancée de Daech.
LIRE AUSSI - Irak: veillée d'armes pour les Kurdes de
Kirkouk
Désormais, Kirkouk relève-t-elle de l'autorité kurde ou du
gouvernement central de Bagdad? La Constitution de 2005 prévoyait de trancher
ce différend territorial par un scrutin, mais il ne s'est jamais tenu. Ainsi,
lorsque Massoud Barzani a fixé la date du référendum, le conseil provincial de
Kirkouk a annoncé que celui-ci se tiendrait aussi sur son territoire,
provoquant la colère de Bagdad. Le premier ministre Aïder al-Abadi a laissé
planer la possibilité d'une intervention militaire à Kirkouk. «Si le citoyen de
Kirkouk est exposé au danger, c'est notre devoir légitime d'imposer la
sécurité», a-t-il dit. «J'ai demandé clairement à la police de Kirkouk de faire
son devoir en surveillant la sécurité et ne pas se transformer en un outil
(politique).»
● L'initiative kurde isolée sur la scène internationale
Dans son entreprise, Massoud Barzani n'est soutenu par
aucune puissance régionale à l'exception d'Israël. La Turquie et l'Iran sont
particulièrement vent debout contre le scrutin, craignant qu'il attise les
velléités indépendantistes de leurs propres populations kurdes. De concert avec
l'Irak, ils ont appelé jeudi les autorités kurdes à renoncer au référendum,
envisageant des «mesures de rétorsion concertées». À la tribune de l'ONU, le
président turc Recep Tayyip Erdogan a par ailleurs menacé le gouvernement
régional kurde de le priver «des opportunités dont il bénéficie actuellement». En
clair: fermer la frontière par laquelle Erbil exporte son pétrole via le port
turc de Ceyhan, contre l'avis de Bagdad.
À l'approche du scrutin, les diplomates des grandes
puissances occidentales se succèdent auprès de Massoud Barzani pour le
dissuader d'organiser le référendum. En début de semaine, le ministre des
Affaires étrangères britannique Michael Fallon a tenté une médiation pour
obtenir à minima un report du scrutin, en vain. L'ex-ambassadeur saoudien à
Bagdad Thamer al-Sabhan, qui plaide lui aussi pour un report, aurait quant à
lui promis des investissements pour redresser l'économie de la région. Mais
Massoud Barzani reste inflexible. Il conditionne le report du référendum à
l'obtention de garanties supplémentaires pour son peuple.
● Risques de perturber la lutte contre Daech et de
déstabiliser la région
Le référendum intervient dans un contexte où la
victoire militaire contre l'État islamique n'est toujours pas acquise en Irak.
L'organisation terroriste contrôle toujours deux fiefs en Irak dont Hawija, une
ville sunnite située dans la province de Kirkouk. Les forces irakiennes ont
lancé leur offensive jeudi pour libérer cette ville à 300 kilomètres au nord de
Bagdad. Mais le fait qu'elle se situe dans les territoires disputés risque de
compliquer l'opération de conquête, d'autant que l'offensive ne sera
certainement pas terminée d'ici au 25 septembre.
À Kirkouk, la situation est électrique. La province a décidé
de passer outre l'interdiction de Bagdad pour organiser le référendum sur son
territoire. Bagdad a répliqué en limogeant le gouverneur kurde Najm Eddine
Karim, qui refuse de quitter son poste. Les risques d'affrontements
intercommunautaires sont réels, et les rumeurs de distributions d'armes sont
persistantes. Le puissant chef de l'organisation paramilitaire chiite Badr
soutenue par Téhéran, Hadi al-Ameri, a mis en garde contre le risque d'une
«guerre civile».
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Le président libanais Michel Aoun: «Non, non, je ne
regrette rien…» (22.09.2017)
Par Renaud
Girard
Mis à jour le 22/09/2017 à 19h31 | Publié le 22/09/2017 à 19h00
INTERVIEW - Le président de la République du Liban
défend son accord passé avec le mouvement chiite Hezbollah dans un
entretien au Figaro.
Élu
président de la République du Liban en octobre 2016, Michel Aoun, 82 ans, a
reçu Le Figaro au palais de Baabda. Par tradition, c'est
toujours un chrétien maronite qui occupe cette fonction. Le général Aoun avait
lancé sa «guerre de libération» contre l'occupant syrien, dont il sortira
perdant - et exfiltré vers la France - en octobre 1990. Il ne retournera
dans son pays qu'en avril 2005. Le général entame lundi une visite d'État
en France.
LE FIGARO. - Partout en Orient, les chrétiens sont
massacrés ou chassés. Quel est l'avenir des chrétiens du Liban?
Michel AOUN. - Ils se sentent bien, pour le
moment. Je pense que les guerres civiles, qui ravagent actuellement la Syrie et
l'Irak, ont eu beaucoup de conséquences. Je vois souvent les dirigeants arabes.
À Damas (où le gouvernement baasiste me semble avoir gagné la guerre), à
Bagdad, au Caire, et dans les autres capitales arabes, on me tient le même
langage: tous sont attachés au
maintien de la présence chrétienne au Liban, et même ailleurs dans le monde
arabe. L'avenir est bien sûr toujours imprévisible. Le Liban est resté calme
pendant toute la durée de la guerre civile en Syrie, malgré les discours incendiaires
qu'on trouvait dans la bouche de maints politiciens libanais, d'un bord comme
de l'autre. Nous avons réussi à conserver notre unité nationale.
Combien de Libanais chrétiens vivent à l'étranger?
Les appelez-vous à rentrer au pays?
La diaspora libanaise compte des millions de chrétiens. Mais
nous sommes actuellement en crise économique et il faudra attendre que la
situation s'améliore pour inviter ces Libanais à revenir et à trouver du
travail dans le pays.
Pour protéger à long terme la communauté chrétienne
libanaise, il y a toujours eu deux tendances, ceux qui prêchaient sa
meilleure intégration au sein de l'océan sunnite environnant, et ceux
qui, comme vous, prônaient une stratégie d'alliance des minorités
au Moyen-Orient. Pour cela, vous avez, en février 2006, contracté une
alliance avec le Hezbollah, qui représente la communauté chiite. On vous a
alors accusé de trahison. Estimez-vous que l'Histoire vous a donné raison?
Modestement, oui. Parce que je recherchais l'équilibre. Il y
a parfois eu, au sein du monde sunnite, des tendances à l'hégémonie. Ce n'était
pas une alliance mais une entente. Les Libanais étaient en situation de clivage
politique. Grâce à cet accord nous avons pu échapper à un conflit interne au
Liban. Sincèrement, je crois que j'ai sauvé l'État libanais.
Le Hezbollah a modifié sa ligne politique et a respecté
la souveraineté libanaise. Nasrallah l'a dit : le Hezbollah a renoncé à son
projet d'instaurer une « république islamique » au Liban
Michel Aoun, président de la République du Liban.
Quel accord avez-vous alors passé avec Nasrallah, le
secrétaire général du Hezbollah?
Premièrement, les Libanais doivent régler tous leurs
différends par le dialogue, et seulement le dialogue dans un climat de
transparence et de franchise. Deuxièmement, la démocratie consensuelle doit
redevenir la base du système politique au Liban. Troisièmement, les parties à
l'accord s'engagent à respecter en tout point la Constitution libanaise et le
pacte national (qui, depuis 1943, veut que le chef de l'État soit toujours un
chrétien maronite, le premier ministre un musulman sunnite, et le président du
Parlement un chiite).
Qu'avez-vous gagné avec cet accord?
Le Hezbollah a
modifié sa ligne politique et a respecté la souveraineté libanaise. Nasrallah
l'a dit dans un discours: le Hezbollah a renoncé à son projet d'instaurer une
«république islamique» au Liban. La loi électorale adopte désormais la
proportionnelle, garantissant une représentation juste. Nous avons aussi réussi
à limiter la puissance de l'argent politique au Liban et à permettre aux
Libanais de l'étranger d'exercer leur droit de vote. Cela a été fait. Ils
pourront voter en 2022.
Malgré tout cela, le Hezbollah a déclenché, le
12 juillet 2006, une guerre contre Israël, sans vous consulter.
C'est un incident de frontière classique, qui a dégénéré, de
la faute d'une surréaction israélienne. Vous me dites que le Hezbollah avait
violé ce jour-là le territoire israélien. C'est possible. Mais des incidents de
ce genre, il y en a très fréquemment! Il y a quelques jours, des
chasseurs-bombardiers israéliens ont franchi le mur du son au-dessus de Saïda
(ville côtière au sud de Beyrouth), violant notre espace aérien et provoquant
partout des bris de glaces.
Entretenez-vous toujours des contacts avec Nasrallah?
Oui, lorsque c'est nécessaire. Mais pas de contacts directs
depuis mon élection.
«On ne peut pas priver le Hezbollah de ses armes tant
qu'Israël ne respectera pas les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU»
Michel Aoun, président de la République du Liban.
Toutes les milices libanaises ont désarmé à la fin de la
guerre civile de 1975-1990. Pourquoi ne demandez-vous pas au Hezbollah de
désarmer également?
Le Hezbollah n'utilise pas ses armes dans la politique
intérieure. Elles ne servent qu'à assurer notre résistance à l'État d'Israël,
qui occupe toujours une partie de notre territoire (le territoire de 30 km2 des
fermes de Chebaa), et qui refuse d'appliquer les résolutions de l'ONU sur le
droit au retour chez eux des Palestiniens qui sont venus se réfugier chez nous
durant la guerre de 1948.
Le problème palestinien justifie-t-il pour autant
les armes du Hezbollah?
On ne peut pas priver le Hezbollah de ses armes tant
qu'Israël ne respectera pas les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU.
Israël aurait le droit de faire la guerre comme il veut et quand il veut,
tandis que les autres n'auraient pas le droit de garder des armes pour se
défendre? Non, ce n'est pas possible!
L'armement des chrétiens s'impose-t-il donc au Liban?
Non car nous renforçons l'armée, pour protéger tout le pays,
y compris les chrétiens. La paix doit être fondée sur le droit et trouver une
solution au problème palestinien. Pourquoi ne déclare-t-on pas la solution des
deux États? La solution dépend d'Israël, qui continue à user de ses chars et de
son aviation.
«Nous devons beaucoup à la France, nos écoles, nos
universités francophones, nos missions religieuses. Nous sommes un pays
francophone et fier de l'être»
Michel Aoun, président de la République du Liban.
Quelle est votre stratégie par rapport
à la guerre en Syrie?
Garder les frontières libanaises pour nous protéger du
terrorisme ; distanciation par rapport aux problèmes politiques internes à
la Syrie.
Que représente la France pour les Libanais?
Nous devons beaucoup à la France, nos écoles, nos
universités francophones, nos missions religieuses qui font aussi beaucoup pour
l'enseignement du français. Nous sommes un pays francophone et fier de l'être.
De quoi parlerez-vous avec le président Macron?
De plein de choses… Mais je lui demanderai certainement
d'accroître la coopération culturelle et administrative française avec le Liban
et la coopération militaire aussi.
Qu'est-il arrivé au contrat Donas négocié par le
président Hollande qui prévoyait la livraison d'armes françaises à l'armée
libanaise, financé à hauteur de 4 milliards de dollars par l'Arabie
saoudite?
L'Arabie saoudite est revenue sur sa signature et elle
n'applique pas le contrat.
Le regrettez-vous?
Non, non, je ne regrette rien…