dimanche 17 septembre 2017

Islamisme et politique 16.09.2017

Terrorisme: la police craint des déraillements de trains (16.09.2017)
Mis à jour le 16/09/2017 à 19h07 | Publié le 16/09/2017 à 18h16

Les djihadistes prôneraient ces derniers temps le déraillement de train comme mode opératoire, s'inquiète la police nationale dans une note que l'AFP a pu consulter samedi.


"En raison d'une incitation récente de la propagande djihadiste à planifier un déraillement de train, une attention toute particulière doit être accordée à toute remontée d'information relative à une intrusion ou tentative de sabotage dans les emprises destinées à la circulation des trains", peut-on lire dans ce télégramme de la Direction générale de la police nationale (DGPN), émis début septembre et révélé par Le Parisien.


"Il est important de souligner les appels récents des organisations terroristes ciblant les 'loups solitaires' et incitant à provoquer, en Europe, des déraillements de trains, des incendies de forêt ou des empoisonnements de nourriture", indique également le document.

Les transports "présentent de nombreuses vulnérabilités structurelles" et "constituent une cible privilégiée", notamment dans les gares, où la visibilité des forces de sécurité et autres unités spécialisées de la SNCF et de la RATP doit être accrue pour renforcer "le caractère dissuasif du dispositif", pointe le texte.

Les sites touristiques et culturels, parce qu'ils permettent "un bilan humain potentiellement lourd" et "des conséquences importantes sur l'activité touristique" en cas d'attaque, doivent aussi faire l'objet d'une "vigilance", souligne la note.

Face à la multiplication d'attaques au véhicule bélier, la note appelle également "les gestionnaires de parcs de véhicules, les responsables du personnel et les conducteurs" à "signaler, sans délai, tout vol de véhicule ou comportement suspect".

Des "mesures appropriées" doivent aussi être prises pour les civils et militaires portant un uniforme, "cibles privilégiées" des jihadistes.

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Libye: un millier de migrants interceptés (16.09.2017)



Mis à jour le 16/09/2017 à 19h23 | Publié le 16/09/2017 à 19h05


Des navires de la garde-côtes libyenne ont intercepté samedi une dizaine d'embarcations transportant au total un millier de migrants lors d'une série d'opérations au large de Tripoli.

Les traversées pour rejoindre l'Italie ont fortement diminué depuis juillet, ce qui s'expliquerait par l'action de groupes armés empêchant les départs autour des ports de Sabratha et Zaouïa, plaques tournantes des passeurs. Mais certains bateaux, souvent de fragiles canots gonflables, parviennent toujours à prendre la mer.


Samedi matin, "les gardes-côtes de la raffinerie de Zaouïa ont secouru 1074 migrants clandestins" à bord d'une dizaine de canots, a déclaré Ayoub Kassem, porte-parole de la garde-côtes. Zaouïa est située à 45 km à l'ouest de Tripoli.

Quelque 600.000 migrants et réfugiés ont franchi la Méditerranée centrale pour rejoindre l'Italie depuis 2014. L'Union européenne et l'Italie fournissent une aide à la garde-côtes libyenne afin qu'elle intercepte plus de migrants, mais cette stratégie est critiquée par les associations humanitaires, qui soutiennent que ces migrants ne devraient pas être renvoyés en Libye, car ils y subissent de nombreux abus.

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Le Hamas prêt à se réconcilier avec le Fatah (17.09.2017)



Mis à jour le 17/09/2017 à 11h27 | Publié le 17/09/2017 à 08h18


Le Hamas est prêt à discuter de la formation d'un gouvernement de réconciliation avec ses rivaux du Fatah et à organiser des élections générales, annonce dimanche le mouvement islamiste palestinien dans un communiqué. Le Hamas précise qu'il restituera le pouvoir dans la bande Gaza au gouvernement d'union et que l'administration qu'il y a mise en place sera dissoute.


Le mouvement islamiste dirige la bande de Gaza depuis qu'il en a chassé l'Autorité palestinienne, contrôlée par le Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas, en 2007. Toutes les initiatives visant à réconcilier les deux groupes rivaux et à former un gouvernement d'union nationale ont échoué jusqu'à présent.

Attentat de Londres : un 2e homme arrêté (17.09.2017)



Mis à jour le 17/09/2017 à 11h21 | Publié le 17/09/2017 à 09h32


Un deuxième suspect dans l'attaque dans le métro londonien a été arrêté samedi soir, a annoncé dimanche la police britannique.


L'homme âgé de 21 ans a été arrêté dans la banlieue de Londres, à Hounslow, aux alentours de 23h50, a précisé la police dans un communiqué. Elle avait également arrêté la veille un homme de 18 ans à Douvres.

Dimanche matin, très peu d'informations ont été communiquées par les autorités britanniques.

Attentat de Londres : la police arrête un homme à Douvres (16.09.2017)


Par Le figaro.fr 

Mis à jour le 16/09/2017 à 18h23 | Publié le 16/09/2017 à 12h31

EN BREF

  • Un homme de 18 ans a été interpellé samedi matin par la police du Kent après l'attentat à la bombe artisanale survenu la veille dans une station de métro de la capitale.
  • Une perquisition était en cours samedi en début d'après-midi dans un logement de Sunbury-on-Thames, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Londres.
  • Le degré d'alerte est maintenu à «critique», le niveau maximal, ce qui signifie qu'un nouvel attentat est peut-être imminent.
La police britannique a annoncé avoir arrêté samedi matin un jeune homme de 18 ans dans la région de Douvres, dans le cadre de l'enquête sur l'attentat qui a visé un train de banlieue vendredi matin à Londres et fait 29 blessés. La police évoque une arrestation «importante», effectuée dans le cadre de la législation antiterroriste. «Nous avons procédé à une importante arrestation dans le cadre de notre enquête, ce matin», a annoncé Neil Basu, coordinateur des services antiterroristes britanniques. «Si nous sommes ravis des progrès enregistrés, l'enquête n'en continue pas moins et le degré d'alerte à la sécurité est maintenu au niveau critique», a-t-il continué. Le suspect était maintenu en garde à vue dans un poste de police local avant son transfert à Londres. En début d'après-midi, une perquisition était en cours dans un logement de Sunbury-on-Thames, près de Londres. La police a fait évacuer les habitations alentour, dont un club de rugby, et établi un cordon de sécurité de 100 mètres.


Le patron de l'antiterrorisme britannique, Mark Rowley, avait la veille au soir déjà déclaré que l'enquête progressait bien. «Nous traquons des suspects», assurait-il. «Des centaines d'agents poursuivent plusieurs pistes d'enquête, en épluchant des heures d'enregistrement de vidéosurveillance et en interrogeant les témoins.» Des militaires ont été déployés dans les sites jugés stratégiques dans le but de libérer des policiers pour mener les recherches. «La population va voir davantage de policiers armés dans le réseau des transports et dans nos rues (...), ce sera une mesure proportionnée qui rassurera un peu plus et permettra d'assurer une meilleure protection, le temps que l'enquête fasse son chemin», avait justifié la premier ministre Theresa May.

«L'engin explosif était destiné à faire d'énormes dégâts.»
La première ministre Theresa May

Vendredi à l'heure de pointe du matin, 30 personnes ont été blessées par une bombe dans un train de banlieue de Londres. L'attentat a été revendiqué par l'organisation djihadiste État islamique. La détonation s'est produite vers 8h20 à la gare de Parsons Green, dans le sud-ouest de la capitale. Les blessés souffrent principalement de brûlures, aucun n'est dans un état grave. Seuls trois d'entre eux étaient encore hospitalisés. Selon Theresa May, «l'engin explosif était destiné à faire d'énormes dégâts.» Mais le retardateur de la bombe n'aurait pas fonctionné, assurent plusieurs médias britanniques. Des photos diffusées sur les réseaux sociaux montraient un seau blanc en train de brûler dans un sac de congélation de supermarché dont sortaient des fils électriques.

Le Royaume-Uni a déjà connu depuis le début de l'année quatre attaques traitées par la police comme des actes terroristes. Elles ont fait 36 morts au total, sans compter les assaillants.
(Avec agences)

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Discipline, dérives islamistes : et si l'école changeait enfin ?



Mis à jour le 15/09/2017 à 16h52 | Publié le 15/09/2017 à 09h00


ENQUÊTE - Rien ne va plus, et depuis longtemps, dans le système scolaire français. Le nouveau ministre de l'Éducation s'est lancé dans une contre-révolution qui ne dit pas son nom, avec la bénédiction d'Emmanuel mais aussi de Brigitte Macron.

En 1968, quand Edgar Faure avait été nommé ministre de l'Éducation nationale avec mission d'y ramener la paix, il avait trouvé une idée lumineuse pour empêcher les importuns de pénétrer dans son bureau: inverser le sens de la poignée de la porte, de telle sorte qu'aucun visiteur ne puisse entrer à l'improviste. Près de cinquante ans plus tard, Jean-Michel Blanquer doit déployer une stratégie beaucoup plus élaborée pour atteindre son objectif: liquider l'héritage des soixante-huitards et son cortège de «bourdieuseries», du nom du sociologue Pierre Bourdieu, pour qui le système scolaire n'était qu'un instrument de reproduction des élites. Selon cette icône des «pédagogistes», l'égalité devait primer sur la recherche de l'excellence. Najat Vallaud-Belkacem, malgré son jeune âge, en fut une fidèle disciple, et la réforme des collèges, la meilleure illustration de ses théories égalitaristes. C'est aussi le premier vestige du quinquennat Hollande auquel Jean-Michel Blanquer s'est attaqué, en rétablissant les classes bilangues et l'enseignement du grec et du latin. Et ce n'est qu'un début.

La charge de Jean-Michel Blanquer contre la méthode globale d'apprentissage de la lecture et le «pédagogisme», en août, ont donné le signal d'une mobilisation syndicale qui dure

Le ministre a lancé une révolution, ou une contre-révolution, qui ne dit pas son nom. Instruit par les échecs de Claude Allègre, écrasé en quelques mois par le «mammouth», de François Fillon, qui dut renoncer à réformer le bac sous la pression de la rue, de Gilles de Robien, qui ne parvint pas à réhabiliter la méthode syllabique, ou encore de Xavier Darcos avec les internats d'excellence, le ministre ne marquera pas son passage Rue de Grenelle par une grande«loi Blanquer». Comme il l'a confié au Figaro Magazine, ce «pragmatique», tel qu'il se définit, est convaincu que «ce qui a rendu les choses difficiles» pour les mieux intentionnés de ses prédécesseurs, «c'est le marquage politique d'options qui auraient dû être d'intérêt général». «Je cherche une forme d'unité nationale, assure-t-il. Il n'y a pas de fatalité à être dans d'éternelles querelles politiques et syndicales. La situation n'est pas binaire, pour peu que l'on sorte des postures médiatiques.»

Ce qui n'est pas gagné. La charge de Jean-Michel Blanquer contre la méthode globale d'apprentissage de la lecture et le «pédagogisme», en août, ont donné le signal d'une mobilisation syndicale qui dure, même si le ministre a précisé depuis qu'il visait la méthode mixte - globale au démarrage et syllabique ensuite. «Il a voulu plaire à l'électorat conservateur!» accuse Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp-Fsu, majoritaire dans le primaire. «Ceux qui donnent des interprétations politiques de ce que je fais dévoilent leurs arrière-pensées politiques plutôt que les miennes», rétorque l'intéressé. Sa position sur la méthode mixte ne variera pas: «Je n'ai jamais vu que mélanger ce qui marche et ce qui ne marche pas permette de réussir, ironise-t-il. Qui aurait l'idée de mélanger du vin et du vinaigre?»

La méthode syllabique, autrement dit le b. a.-ba, c'est celle qu'utilise ce garçon  de 6 ans pour apprendre à lire. - Crédits photo : Michel GAILLARD/REA

Le ministre refuse également d'étaler à l'infini cet apprentissage. Selon lui, «il y a une fausse bienveillance à vouloir diluer dans le temps l'acquisition des savoirs». D'où les évaluations qu'il a instituées dès cette année scolaire en CP (cours préparatoire) et en sixième. Ah, l'évaluation! C'est le mot qui fâche. Pour Stéphane Crochet, secrétaire général du SE- Unsa, ce serait un«facteur de stress». «Si l'évaluation ne se traduit pas par un surcroît de travail pour les enseignants, pourquoi pas? nuance Frédérique Rolet, secrétaire générale adjointe du SNES, à condition que ça ne donne pas lieu à une comparaison entre les établissements qui seraient “bons” et les autres, et que ça ne stigmatise pas les élèves.»

Jean-Michel Blanquer, lui, estime qu'il y a urgence à arrêter la dégringolade: dans le dernier classement Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), établi en 2016, la France était au 19e rang des pays de l'OCDE pour la lecture et au 26e rang pour les maths et pour les sciences. L'enquête Timss (Trends in International Mathematics and Science Study) réalisée en 2015 montre même que les petits Français en CM1 sont derniers de toute l'Europe en mathématiques. La faute aux maths modernes, bête noire du ministre qui se rappelle, enfant, avoir vécu leur avènement «comme un skieur voit l'avalanche arriver dans son dos»? Les syndicats enseignants contestent. À les entendre, les maths modernes, comme la méthode globale, c'est à peine si ça a existé…

Dans le primaire comme dans le secondaire, que le ministre veut réformer dans un deuxième temps, Il n'y aura donc pas de «loi Blanquer», pas de réforme pédagogique en tant que telle, et pas de manuel«officiel». Jean-Michel Blanquer s'y refuse, misant tout sur la formation des enseignants et sur l'évaluation. Il veut laisser une plus grande autonomie aux acteurs de l'éducation et souhaite que les chefs d'établissement puissent, «à terme», choisir leur équipe pédagogique. Comme dans le privé, son modèle à bien des égards.

«À l'Éducation nationale, vous avez une flopée de prescriptions mais personne ne contrôle rien. Si les profs ne sont pas en grève et que les élèves ne sont pas dans la rue, c'est “pas de nouvelle, bonne nouvelle !”»
Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN-Unsa

L'autonomie a longtemps été combattue par les syndicats enseignants, au nom de leurs principes égalitaristes. Mais selon Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN-Unsa, le syndicat des personnels de direction de l'Éducation nationale, «les profs commencent à se rendre compte que c'est l'État central qui constitue une menace et que l'autonomie est protectrice». Proviseur de Victor-Duruy, dans le VIIe, depuis 2012, il a eu l'occasion de vérifier avec la réforme des collèges de Najat Vallaud-Belkacem que le blocage «culturel» persistait davantage Rue de Grenelle que dans les mentalités enseignantes. «La réforme laissait les chefs d'établissement disposer librement d'un contingent d'heures de classe, mais dès que le décret est passé, le ministère a sorti une circulaire d'une dizaine de pages pour nous dire ce qu'on devait faire de ce temps», raconte-t-il, en précisant: «La nouveauté, c'est que les chefs d'établissement n'en ont tenu aucun compte.» Et qu'a fait le ministère? Il n'a pas réagi. «À l'Éducation nationale, vous avez une flopée de prescriptions mais personne ne contrôle rien, déplore Philippe Tournier. Si les profs ne sont pas en grève et que les élèves ne sont pas dans la rue, c'est “pas de nouvelle, bonne nouvelle!”»

Si cette indifférence compense, au moins partiellement, le dogmatisme de l'institution académique en matière de pédagogie, elle a des conséquences dévastatrices sur la bonne marche des établissements. En termes d'organisation aussi, tout est à revoir! Cette année, la rentrée scolaire s'est faite en musique pour les élèves, conformément au vœu de Jean-Michel Blanquer, mais aussi en fanfare pour certains de leurs profs et de leurs proviseurs, qui ont publié des livres de témoignage plus accablants les uns que les autres sur le délabrement de l'école.

Anne-Sophie Nogaret, professeur de philosophie, raconte dansDu mammouth au Titanic la guérilla incessante qu'elle a dû mener pour tenter, simplement, d'exercer son métier. Elle revient pour Le Figaro Magazine sur la démission progressive de l'institution face à la «mentalité des cités» Isabelle Dignocourt (1), professeur de latin et autrefois de grec, et qui a vu passer treize ministres Rue de Grenelle, analyse comment l'Éducation nationale est devenue une «machine à broyer». Jean-Noël Robert (2), désormais retraité de l'Éducation nationale, raconte dans Témoin de la déséducation nationale, entre autres scènes saisissantes, la visite guidée très particulière qu'il a organisée pour des parents d'élèves du grand lycée de Corbeil-Essonnes, juste en face de la cité des Tarterêts. Il a profité de la«demi-journée banalisée» pour leur montrer le bâtiment dans lequel leurs enfants pouvaient se procurer des drogues dures, des drogues douces, l'étage où trouver des préservatifs, celui où les utiliser…

«Tout a été judiciarisé de façon outrancière, et par l'institution elle-même. Après, il ne faut pas se plaindre qu'il n'y ait pas d'autorité !»
Philippe Tournier, secrétaire général des personnels de direction (SNPDEN) à l'Unsa

On imagine que les parents ont dû sortir de la visite passablement traumatisés. Mais la contribution parentale au fonctionnement du système éducatif ne va pas toujours dans le sens de l'intérêt de l'enfant, pour utiliser un euphémisme. Patrice Romain (3), qui a tiré des best-sellers de ses quarante ans de carrière dans l'Éducation nationale, vient de publier une édifiante compilation de ses réponses à des lettres de parents dans Quand un proviseur se lâche!une mère se plaint de la punition infligée à son rejeton, qui a insulté un professeur? «Nous aurions dû faire preuve de bienveillance plutôt que de sévir bêtement, lui écrit-il. “Fils de pute”, c'est plutôt gentil, non? “Bâtard”, presque amical?» Il ne dit pas si la destinataire a apprécié le second degré.

Quand le respect des règles est une notion inconnue à la maison, l'école peut d'autant moins y remédier qu'elle a été systématiquement désarmée. «Sanctionner un élève est quasiment impossible, même pour des vétilles, affirme Philippe Tournier. Quand un élève perturbe la classe avec son portable, par exemple, vous ne pouvez pas agir si vous appliquez les textes réglementaires: il faut recevoir les parents et l'enfant, puis leur notifier qu'on va le sanctionner, puis attendre trois jours ouvrables pour envoyer une sanction, le troisième jour exactement… C'est un tel pataquès qu'on renonce.» «Tout a été judiciarisé de façon outrancière, et par l'institution elle-même, explique-t-il. Après, il ne faut pas se plaindre qu'il n'y ait pas d'autorité!» Selon lui, «ces nuisances de faible intensité sont bien plus répandues que les violences ou les dérives fondamentalistes».

Marginales, les dérives fondamentalistes? Ce n'est pas l'avis de Bernard Ravet (4), auteur de Principal de collège ou imam de la République. Ce retraité - depuis 2013 - de l'Éducation nationale a vu grandir l'emprise islamiste sur les établissements marseillais qu'il a dirigés et dénonce l'impuissance publique, voire le déni, face au phénomène. Il relate ses mésaventures avec un surveillant«très efficace» dont il découvre qu'il distribue un livret «qui promeut la charia et détaille les crimes des “mécréants”». Le rectorat, auquel il transmet des informations détaillées sur le livret, publié en Arabie saoudite et interdit en France, lui répond: «Ce monsieur a signé un contrat pour six ans, on ne peut rien faire.»Les RG (renseignements généraux), que le principal contacte, surveillent l'individu depuis six mois, mais rien n'est fait pour l'empêcher de nuire. «Méfiant, le surveillant a fini par partir de lui-même», explique Bernard Ravet.

Ikrame retire son voile avant d'entrer au lycée Paul-Gauguin d'Orléans, où elle est scolarisée, mais affirme être victime de «harcèlement» à cause de sa jupe longue. - Crédits photo : Eric MALOT/REPUBLIQUE DU CENTRE/MAXPPP

Dès 2002, Les Territoires perdus de la République- ouvrage collectif sous la direction de Georges Bensoussan (5) - avaient sonné l'alerte, en vain. En 2004, un rapport d'un inspecteur général de l'Éducation nationale, Jean-Pierre Obin, recensait les multiples atteintes à la laïcité constatées sur le terrain. Comprenant enfin que cette bataille culturelle était décisive, mais ne sachant comment la mener sans être accusés de «stigmatiser» l'islam, les parlementaires votèrent la loi d'«interdiction du port de signes religieux ostentatoires» à l'école.

Les syndicats enseignants ne peuvent plus prétendre que les maux de l'école sont imaginaires

La victoire fut de courte durée. Dans Témoin de la déséducation nationale, qui vient de sortir, Jean-Noël Robert cite le cas d'un collège près de Toulon dont le principal«a dû lutter contre le représentant des parents d'élèves, un musulman qui, au vu de la fréquentation de l'établissement, réclamait l'instauration de pratiques islamiques». D'après l'auteur, 25 élèves seulement sur environ 500 n'y font pas le ramadan. «Nous sommes seuls, accuse Bernard Ravet. Seuls à encaisser l'irrupton du religieux dans la sphère publique […] Seuls à devoir bidouiller des réponses au quotidien.»

Jean-Michel Blanquer se réfère volontiers à la loi de 2004, qu'il juge «très bonne». Quand il invoque la devise républicaine, il rajoute «laïcité» après«liberté, égalité, fraternité». Il a demandé aux chefs d'établissement, qu'il a rencontrés avant la rentrée, de lui «faire remonter les problèmes», en leur promettant qu'ils pourraient compter sur le soutien de leur hiérarchie. Son credo : «La République est forte, il faut la faire respecter!»

Y parviendra-t-il? Paradoxalement, sur ce sujet comme sur d'autres, l'évidence du délabrement de l'Éducation nationale devrait l'y aider. Les syndicats enseignants ne peuvent plus prétendre que les maux de l'école sont imaginaires.

Jean-Pierre Chevènement, qui marqua son passage Rue de Grenelle, de 1984 à 1986, en promouvant l'«élitisme républicain»contre l'égalitarisme, tient son lointain successeur, dont il a lu les livres, en haute estime. «Jean-Michel Blanquerpeut être le Jules Ferry ou le Paul Bert du XXIe siècle, assure-t-il, en énumérant ses atouts: Il a les idées claires, des chances raisonnables de durer dans son ministère, c'est un très bon connaisseur du système éducatif et il bénéficie du soutien d'un président de la République qui s'intéresse à l'Education.»

«Brigitte Macron doit y être pour quelque chose, ajoute Jean-Pierre Chevènement, car elle avait la réputation d'être un professeur de qualité.»Bien vu, même si officiellement, l'épouse du Président n'a eu qu'un vrai contact avec le ministre de l'Éducation, lors d'un déjeuner en tête à tête, avant l'été. Mais elle a joué un rôle dans sa nomination: «Elle avait lu les ouvrages de Jean-Michel Blanquer, elle en a parlé à Emmanuel Macron, qui a déjeuné avec lui pendant la campagne, au moment des vacances de Noël», raconte un membre de l'entourage du ministre.

Ex-professeur de lettres classiques à «Franklin»,  le prestigieux lycée privé jésuite parisien, Brigitte Macron  n'est pas pour rien dans  la nomination de Jean-Michel Blanquer. - Crédits photo : Pierre Perusseau / Bestimage

Le père d'un garçon que Brigitte Macron a eu comme élève quand elle enseignait à «Franklin», du nom de la rue du XVIe arrondissement où se trouve le lycée privé jésuite Saint-Louis-de-Gonzague, voit très bien «quelles peuvent être les convergences» entre le ministre et l'ancienne prof de son fils. Il en fait une description enthousiaste: «Elle est aux antipodes de la gauche bien-pensante et égalitariste, elle tirait les enfants vers le haut en exigeant d'eux beaucoup d'efforts et de travail. Elle tenait aussi énormément à leur donner l'esprit de synthèse: par exemple, elle demandait à un enfant de résumer le cours, après l'avoir prévenu au début de l'heure qu'elle le ferait.»

Certains des élèves de Brigitte Macron-Hauzy, comme elle s'appelait encore à l'époque, ont eu la chance qu'elle les emmène à Bercy, quand son mari était ministre de l'Économie, pour assister à un échange entre lui et Fabrice Luchini sur la littérature. Les enfants en gardent évidemment un souvenir ébloui. «Je me rappelle que Brigitte Macron nous avait dit “vos enfants sont à Franklin, ce serait impardonnable qu'ils n'aient pas lu les grands classiques”», raconte aussi le père de son ancien élève.
Des propos que ne désavouerait certainement pas le ministre qui a offert Les Fables de La Fontaine à tous les élèves de France… «On ne transmet bien que ce à quoi on croit», disait Hannah Arendt. Ne reste plus à Jean-Michel Blanquer qu'à redonner la foi au corps enseignant.

(1) L'Éducation nationale, une machine à broyer, Editions du Rocher.
(2)Témoin de la déséducation nationale, Les Belles Lettres.
(3)Quand un proviseur se lâche!, Editions du Cherche-Midi.
(4)Principal de collège ou imam de la République?, Kero.
(5) Les Territoires perdus de la République, Mille et une nuits.

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Anne-Sophie Nogaret: «La mentalité de cité se répand à l'école»



Mis à jour le 15/09/2017 à 10h13 | Publié le 15/09/2017 à 09h00


INTERVIEW - Professeur de philosophie à Rouen, Anne-Sophie Nogaret raconte le naufrage de l'Éducation nationale tel qu'elle l'a vécu de l'intérieur de l'institution. Ravages du pédagogisme, renoncement à l'autorité : son bilan est sans concession.

LE FIGARO MAGAZINE. - Selon vous, quelles sont les causes du naufrage de l'Éducation nationale?

Anne-Sophie NOGARET. - La succession des réformes pédagogiques est lourdement responsable. Prenez les grilles de correction qu'on demande aux profs de français d'appliquer en première: ils doivent vérifier que l'élève a bien mentionné le titre d'un ouvrage, ou qu'il a su repérer une métaphore. On ne leur demande pas d'évaluer le degré de compréhension du texte. D'ailleurs, les élèves n'appellent pas ça un texte, mais un«document». Moi, je n'ai pas appliqué ces grilles et des parents m'en ont félicitée! Mais ce n'est pas forcément le discours des fédérations de parents d'élèves. Depuis des années, sous leur pression, on a accordé aux parents un poids complètement délirant.

En avez-vous été victime?

Souvent. J'ai par exemple été convoquée par ma direction parce que les parents d'une petite à laquelle j'avais mis un avis défavorable n'étaient pas contents. Elle venait quand elle voulait, en raison de «problèmes médicaux». Elle était très mignonne, elle s'était mis l'infirmière dans la poche, donc je n'avais accès à aucune explication sur ces mystérieux problèmes qui la faisaient venir à 10 heures presque chaque matin au lieu de 8 heures, ou manquer la classe à chaque fois qu'elle devait rendre un devoir. Elle utilisait toutes les failles du système! J'ai dit à ma hiérarchie qu'elle était libre de changer mon appréciation mais que je ne le ferais pas moi-même.

Jean-Michel Blanquer parle d'une école de la «bienveillance», un mot qui vous fait bondir. Pourquoi?

Je ne sais pas ce qu'entend par là le nouveau ministre, mais la «bienveillance», telle qu'on la prêche depuis des années à l'Éducation nationale, est l'antonyme de la sanction, comme si les deux étaient incompatibles. C'est de l'idéologie pure et dure et ça n'aide pas les élèves. On m'a souvent demandé d'émettre des avis favorables pour le bac concernant des élèves qui n'avaient pas la moyenne, par «bienveillance». Comme si les examinateurs allaient être dupes!

«J'ai vu se répandre la “mentalité de cité” qui n'est rien d'autre qu'une forme de caïdat»
L'école a-t-elle renoncé à la discipline?

D'après mon expérience, oui. La sanction est maintenue sur le papier, elle donne même lieu à une inflation de procédures complexes, diluées dans le temps, ce qui lui ôte toute chance d'être efficace au cas où par extraordinaire elle serait appliquée. Et les enfants, bien sûr, le comprennent très vite! Quand un conseil de discipline finit par avoir lieu et décide d'une sanction, le rectorat peut la casser, alors qu'il y a eu un vote. Un collègue normand m'a raconté que deux élèves, exclus pour avoir bousculé un prof, ont été réintégrés parce que leurs copains étaient allés dire au recteur que le prof mentait.

Vous pointez aussi un «racisme inversé». Comment se manifeste-t-il?

L'institution et les professeurs ont la hantise de passer pour racistes, islamophobes, etc. Je ne dis pas que tous les élèves descendants d'immigrés ou qui viennent des cités posent problème, évidemment, mais quand ces élèves-là sont en cause, la discipline est rarement appliquée et ce sont au final les enfants qui sont les victimes de cette démission. J'ai vu se répandre la«mentalité de cité», qui n'est rien d'autre qu'une forme de caïdat. La pratique de l'intimidation, voire la menace, est courante, comme le mépris affiché pour les femmes, l'homophobie et l'antisémitisme.

Vous dites comprendre que beaucoup d'élèves n'adhèrent pas au «Je suis Charlie» né après les attentats islamistes de 2015. Pourquoi?

Je n'accepte pas le comportement de ces jeunes, mais je comprends qu'ils soient gavés de la bien-pensance qu'on leur inflige à longueur de temps. Pour faire court, en 2015, on a eu deux formes d'imbécillité face à face. L'élève complotiste de base, tous milieux sociaux confondus, qui passe sa vie sur internet, pas forcément méchant, juste ignare, et le prof structurellement de gauche, bloqué dans le catéchisme du politiquement correct. En général, c'est un écologiste farouche! J'ai vu des profs entrer comme des furieux dans ma salle de classe pour engueuler un élève qui avait jeté un papier une heure avant. Curieusement, ils sont moins allants contre l'homophobie, l'homosexualité n'étant pas très bien vue dans certains milieux! Pour Charlie, beaucoup ont renoncé à parler à leurs élèves.

Du Mammouth au Titanic, le livre d'Anne-Sophie Nogaret. - Crédits photo : _ISA
L'enseignement de la laïcité peut-il être un antidote à l'islamisme?

De quoi parle-t-on? Je connais de nombreux profs toujours contents de faire moins d'heures de cours et qui proposent des ateliers type «laïcité et citoyenneté». En ZEP, ça plaît, mais je ne suis pas sûre que le résultat soit à la hauteur. C'est encore du catéchisme! Le seul antidote, c'est la connaissance, historique, littéraire, bref, tout ce qui manque à tant d'élèves.

Le système des «devoirs faits»instauré par Jean-Michel Blanquer peut-il permettre aux élèves qui en ont besoin de rattraper leur retard?

Sur le papier c'est une bonne idée, à condition que l'encadrement soit compétent. J'ai vu des petits caïds des cités, envoyés par la mission locale qui essayait de les réinsérer, faire du soutien scolaire en maternelle et en primaire. C'est très bien pour apprendre aux gamins des morceaux de rap, mais pour le reste…

Vous semblez très pessimiste. L'Éducation nationale est-elle vouée à sombrer?

Il n'y aura pas d'issue tant qu'on ne renoncera pas d'abord à l'idée que tout le monde est fait pour l'enseignement général et qu'on ne réhabilitera pas l'enseignement professionnel et technique. J'ai eu régulièrement des élèves qui végétaient en terminale parce que des profs les avaient découragés d'aller dans le technique en fin de troisième, alors qu'ils étaient demandeurs.

Avez-vous l'intention de continuer l'enseignement?

J'aime enseigner! On peut avoir des relations extraordinaires avec des classes ou des élèves, et d'autres désastreuses, mais c'est la minorité. C'est un métier que j'adore, mais dans les conditions actuelles, il faut avoir une mentalité de combattante. Aujourd'hui, je rencontre beaucoup de jeunes, en général femmes, qui disent vouloir enseigner mais qui se voient en fait animatrices, assistantes sociales ou psychologues. Elles ne rêvent que de«dialoguer» avec les élèves. Les critères de recrutement doivent absolument changer, comme les méthodes d'enseignement et les programmes. Le respect de la discipline doit être restauré. Tout est imbriqué. Ça prendra du temps et on ne pourra pas tout faire en même temps. Il faudra hiérarchiser les priorités et ça, Jean-Michel Blanquer, qui connaît la machine, semble l'avoir bien compris.

Du mammouth au Titanic, d'Anne-Sophie Nogaret, L'Artilleur, 323 p., 18 €.

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Finkielkraut: «Le mal totalitaire découle de la certitude d'appartenir au camp du Bien» (15.09.2017)



Mis à jour le 15/09/2017 à 11h02 | Publié le 15/09/2017 à 09h00


FIGAROVOX/ENTRETIEN - Ils se disputent, mais de manière civilisée. Dans le livre En terrain miné(Stock), Élisabeth de Fontenay et Alain Finkielkraut, amis de longue date, exposent leurs accords et désaccords par lettres interposées. Un échange épistolaire passionnant qui permet aussi de redécouvrir l'auteur du Nouveau Désordre amoureux et de La Défaite de la pensée.

«En terrain miné», d'Élisabeth de Fontenay et Alain Finkielkraut. Stock, 270 p., 19,50€. - Crédits photo : ,

C'est un débat comme on n'en fait plus: vigoureux, mais loyal. Une querelle féconde qui permet d'aller au-delà de la surface des choses. Les philosophes et amis Alain Finkielkraut et Élisabeth de Fontenay ont choisi la forme épistolaire pour aborder tous les sujets qui fâchent: la gauche, la droite, le progrès, l'islam, le féminisme. L'auteur du Silence des bêtes a poussé l'académicien dans ses retranchements. Elle a bien fait car elle lui a ainsi permis de tirer le meilleur de lui-même. Alain Finkielkraut y laisse apparaître une pensée mesurée très éloignée des caricatures médiatiques. Sa sensibilité affleure à chaque page.

Pour Le Figaro Magazine, il poursuit son introspection et dresse son autoportrait philosophique et politique. «C'est le philosophe de la mesure, de la limite. L'homme révolté est aussi l'homme qui s'empêche, l'homme qui se résiste», disait Finkielkraut à propos d'Albert Camus. Dans ce livre, il s'approche comme jamais de son modèle.

LE FIGARO MAGAZINE. - En terrain miné est un livre d'échanges épistolaires entre la philosophe Élisabeth de Fontenay et vous-même, mais il ressemble aussi parfois à un dialogue entre l'intellectuel que vous êtes devenu et le jeune homme insouciant que vous étiez. On a l'impression qu'une immense inquiétude vous sépare de celui-ci. Le Finkielkraut de L'Identité malheureuse a-t-il définitivement rompu avec le soixante-huitard que vous avez été brièvement?

Alain FINKIELKRAUT. - En mai 68, j'avais 19 ans et j'ai été porté par la vague. J'ai vécu comme la plupart des gens de ma génération, un grand moment de lyrisme grégaire. Je me révoltais contre ce que nous appelions «le système» en suivant le mouvement. Et puis, mon expérience naissante de la vie s'est progressivement sentie à l'étroit dans l'idée que tout est politique. Je me suis rendu compte notamment que le discours de la libération sexuelle simplifiait la réalité du désir et celle de l'amour. C'est cette discordance avec l'esprit du temps qui nous a poussés, Pascal Bruckner et moi, à écrire Le Nouveau Désordre amoureux. Enfin, la découverte du devenir totalitaire des révolutions m'a amené à jeter sur nos belles manifs un regard moins complaisant et à m'approprier cette maxime d'Henri Michaux: «Qui chante en groupe, mettra, quand on le lui demandera, son frère en prison.» Je ne renie pas 68, mais j'ai commencé il y a longtemps à changer de regard.

Vous confessez que dans vos belles années, vous ne compreniez pas que l'on pût se dire de droite. «N'être le salaud de personne: telle était mon obsession», écrivez-vous. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis?

Ce sont les écrivains d'Europe centrale qui m'ont fait comprendre que le mal totalitaire découlait de la certitude d'appartenir au camp du Bien. Je leur dois d'avoir rompu avec la conception robespierriste de la politique comme la guerre de l'humanité contre ses ennemis. Grâce à eux, je suis devenu modeste.

La matrice de tous vos combats est-elle l'antitotalitarisme?

Quand s'est dévoilée l'imposture totalitaire, j'ai pris conscience du patrimoine commun à la droite et à la gauche. L'antitotalitarisme ne m'a pas pour autant conduit à fétichiser la démocratie. Je chéris l'égalité, c'est-à-dire l'universalisation du sentiment du semblable, mais je n'en conclus ni que tous se valent, ni que tout se vaut. Et je reprends à mon compte cet avertissement de Simon Leys: «La démocratie est le seul système politique acceptable, mais précisément car elle n'a d'application qu'en politique. Hors de son domaine propre, elle est synonyme de mort car la vérité n'est pas démocratique, ni l'intelligence, ni la beauté, ni l'amour (…). Une éducation vraiment démocratique est une éducation qui forme des hommes capables de défendre et de maintenir la démocratie en politique ; mais dans son ordre à elle, qui est celui de la culture, elle est implacablement aristocratique et élitiste.» J'atténue simplement le propos en disant que la République doit s'efforcer d'assurer la promotion de tous, mais sans jamais sacrifier l'exigence, ni l'excellence.

Vous aviez annoncé que l'antiracisme menaçait de devenir le communisme du XXIe siècle. Est-ce déjà le cas?

En effet, il ne reste plus rien de ce grand principe moral que la pratique systématique du déni et la persécution des indociles. Voir ce que l'on voit, c'est désormais s'exposer à l'accusation de racisme. Et après Georges Bensoussan ou Pascal Bruckner, tous ceux qui s'efforcent d'ouvrir les yeux sur l'antisémitisme et sur la francophobie qui sévissent dans les «quartiers populaires» risquent d'être poursuivis et de comparaître devant la XVIIe chambre pour incitation à la haine raciale.

«La droite et la gauche mettent la politique au service de l'économie, c'est désolant»

Dans sa première lettre, Élisabeth de Fontenay vous accuse de tenir certaines positions d'«ultra-droite». Vous lui répondez que votre défense acharnée de la laïcité ou de l'école républicaine ne fait pas de vous un homme de droite. Où vous situez-vous par rapport au clivage droite/gauche?

La gauche n'a que le mot «changement» à la bouche alors qu'il s'agit de sauver les meubles. Mais je ne suis pas de droite pour autant car la gauche, la droite et le centre parlent d'une seule voix: la voix de l'économie. Qu'il s'agisse des ravages du néotourisme ou de la démesure du football, nos représentants raisonnent exclusivement en termes de rentabilité: «Cela rapporte, donc, c'est bien!» La droite et la gauche mettent la politique au service de l'économie, c'est désolant. Plus que jamais, la politique doit changer de maître et, tout en œuvrant au bien-être des citoyens, servir la civilisation.

Pensez-vous, comme Emmanuel Macron, que celui-ci est dépassé et qu'on peut lui substituer le clivage «progressiste/conservateur»? Vous situez-vous résolument dans le camp des conservateurs?

N'étant pas moi-même un héritier, je n'ai aucune raison de plaider pour le maintien des privilèges et je ne souhaite nullement figer l'ordre social. Si je suis conservateur, c'est au sens écologique, mais cette écologie, ce principe de sauvegarde, ne doit pas se limiter à la terre, il doit englober la culture, la langue et aussi la douceur des manières. Le regretté Paul Yonnet cite quelque part cette belle phrase d'André Thérive: «Ce que nous voulons poser par simple prudence, c'est donc le mécanisme du frein. La pente n'a pas besoin de défenseurs.»

Peut-on être à la fois socialiste, conservateur, libéral, comme le suggère Leszek Kolakowski?

Dans son célèbre Credo publié pour la première fois en 1978ž Kolakowski rappelle que pour le conservateur, il n'y a pas de happy end, pas de solution définitive sur le problème humain. Et aussi qu'il y a un prix à payer pour tous les progrès que nous accomplissons. Pour le libéral, ajoute Kolakowski, «les communautés humaines sont menacées de stagnation, mais encore de régression lorsqu'elles se trouvent organisées de telle manière qu'il n'y a plus de place pour l'initiative individuelle et la faculté de création». Pour le socialiste enfin, les sociétés où la recherche du profit est le seul facteur de régulation du système de production sont menacées de catastrophes terribles. Les trois grandes sensibilités distinguées par Kolakowski peuvent être différemment dosées, mais j'assume comme lui ce triple héritage.


Élisabeth de Fontenay vous accuse d'avoir abandonné l'idéal des Lumières. Quel est votre rapport à cette époque et ce mouvement philosophique? Votre préférence semble plutôt aller à la Renaissance…

Ce qui caractérise les temps modernes, c'est l'humanisme. Dieu s'absente, l'homme prend sa place: tel est le scénario. Mais cet humanisme n'est pas d'un seul tenant. Il y a l'humanisme issu de la Renaissance qui définit la culture comme l'acheminement vers notre œuvre personnelle à travers le trésor des œuvres d'autrui, l'humanisme des Lumières qui veut que l'homme se serve de sa raison pour être libre et pour étendre son empire sur le monde, l'humanisme romantique, enfin, qui rappelle que nous ne sommes pas capables de nous autofonder, de nous autoengendrer et qui dessine l'image d'un irréductible enracinement de l'homme. La tension entre ces humanismes est féconde: aucun ne doit être négligé. Je suis donc un défenseur résolu des Lumières contre leurs adversaires et contre leur tentation d'occuper toute la place.

On a le sentiment que votre conservatisme est aussi esthétique que politique, que votre principal moteur est votre attachement à la beauté du monde et notamment celle du passé…

Si je suis un esthète, c'est au sens de ce paysan de l'Oise qui, dans un documentaire sur France 5, disait que jamais l'objectif de rentabilité ne le ferait consentir à choisir la voie de l'élevage industriel. Car, lorsqu'au printemps, il sort enfin ses vaches de l'étable, celles-ci gambadent comme des petites filles dans le pré. Et cette «danse des vaches, disait M. Delargillière, n'a pas de prix».

L'un des principaux sujets de discorde avec Élisabeth de Fontenay est la question des femmes. Êtes-vous féministe?

Ma mère était une femme au foyer et je ferais preuve d'une atroce ingratitude si je ne reconnaissais pas tout ce que je dois à son dévouement. Il reste que les femmes ont aujourd'hui un autre destin: elles sont présentes dans la sphère publique, elles accèdent à tous les métiers. Je me réjouis sans la moindre réserve de cette grande émancipation. Ce qui m'agace, c'est d'entendre certaines néoféministes dénoncer, comme si de rien n'était, la perpétuation de la domination masculine. Le mauvais joueur traditionnel ne reconnaît pas sa défaite. Ces mauvaises joueuses d'un nouveau type ne reconnaissent pas leur victoire. Elles veulent aussi en finir, une fois pour toutes, avec la différence des sexes par la déconstruction de ce qu'on appelle désormais le «genre». Je ne vois aucun progrès dans cette marche forcée vers l'indifférenciation.

«Les listes noires ont fait leur sinistre réapparition dans une partie de la presse et dans les milieux universitaires»

Élisabeth de Fontenay vous reproche également votre amitié pour Renaud Camus. Vous écrivez que le XXe siècle est celui des amitiés brisées. On a le sentiment que, pour vous, l'amitié est plus importante que l'idéologie?

J'ai de profonds désaccords avec Renaud Camus, mais ceux qui me somment de rompre avec lui pour réintégrer le cercle des gens respectables ont une chose en commun: ils n'ont jamais ouvert aucun de ses livres. Je me déshonorerais si je cédais à leur injonction. Je constate d'une manière plus générale que depuis la parution du libelle commandé à Daniel Lindenberg par Pierre Rosanvallon, et dont le titre, Le Rappel à l'ordre, sonne comme un aveu, les listes noires ont fait leur sinistre réapparition dans une partie de la presse et dans les milieux universitaires. On est «fasciste» aujourd'hui quand on ose prononcer les mots «identité nationale». On est islamophobe quand on constate avec Elisabeth Badinter qu'«une seconde société tente de s'imposer au sein de notre République, tournant le dos à celle-ci, visant explicitement le séparatisme, voire la sécession». Et on est réactionnaire quand on pense que cours magistral est un pléonasme, et que le rôle de l'école n'est pas d'adapter les enfants aux nouvelles technologies (ils n'ont pas besoin des adultes pour ça), ni de leur inculquer le bien vivre ensemble, l'interculturalité et les vertus du développement durable, mais de les soustraire au battage de l'esprit du temps et de les introduire dans un monde plus vieux qu'eux pour leur permettre d'innover et d'être tout ce qu'ils peuvent être. Cette intimidation et cette disqualification pourrissent la vie intellectuelle. J'essaie de tenir bon.

En terrain miné est un véritable débat intellectuel comme on n'en fait plus, mais débouche sur une impasse. Chacun reste sur ses positions et Élisabeth de Fontenay avoue qu'elle pourrait être ostracisée par une partie de ses amis pour ce livre. Que cela révèle-t-il? Est-il impossible de débattre aujourd'hui en France?

Nous avons discuté, et grâce sans doute à la forme épistolaire que nous avons choisie pour ces échanges, notre amitié a résisté aux orages. Tout n'est pas perdu.


Pour la 18e Rencontre du Figaro, Alexis Brézet et Vincent Trémolet de Villers recevront Elisabeth de Fontenay et Alain Finkielkraut. À cette occasion, Le Figaro vous invite à partager ce moment unique aux côtés de ces deux philosophes et amis qui parleront de leur essai épistolaire En terrain miné(Stock). Une dédicace de leur livre suivra cette conférence qui se déroulera lundi 25 septembre, à 20 h, Salle Gaveau, 45-47, rue La Boétie, Paris VIIIe.
Informations au 01.70.37.31.70. Réservez vos places sur www.lefigaro.fr/rencontres ; 25 €, placement libre.

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Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
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Ran Halévi : «Histoire mondiale ou histoire alternative de la France ?»


Par Ran Halévi 
Publié le 15/09/2017 à 17h33


TRIBUNE - L‘historien revient sur le best-seller « Histoire mondiale de la France ». Il y voit une histoire à la carte, empreinte d'idéologie malgré l'exigence de scientificité.

Parue en pleine saison électorale, L'Histoire mondiale de la Francede Patrick Boucheron a connu un beau succès et suscité de vives polémiques. Il est toujours temps de revenir, avec le recul, sur son ambition affichée de produire une «histoire autre» et ce qu'elle révèle de notre époque.
Qu'est-ce qu'une «histoire mondiale»? Elle peut renvoyer à des événements politiques, scientifiques, culturels, dont le caractère extra-national aura marqué le cours de notre passé - l'indépendance américaine, la révolution industrielle, les guerres mondiales, le phénomène totalitaire…

Mais elle dénote également des moments de notre histoire, et des réalisations, qui ont résonné par-delà nos frontières. Voyez le règne de Louis XIV dont l'ambition «mondiale» a été de jeter les bases politiques et culturelles d'une prééminence française, d'un exceptionnalisme national à caractère universel. Ou la publication deL'Esprit des lois, qui allait irriguer l'esprit des institutions en Europe et en Amérique. Ou la Déclaration des droits de 1789, promesse d'émancipation universelle, dont le retentissement a remué l'Europe et traversé les océans. Et, plus généralement, la Révolution française dont l'ombre devait hanter les contemporains et, plus tard, la révolution bolchévique. Ou Tocqueville qui fera découvrir au monde les ressorts du phénomène démocratique. Et cet autre événement de portée mondiale qu'a été la séparation de l'Église et de l'État en 1905.

Mais voilà, aucun de ces moments - il en est d'autres — ne figure dans le corpulent florilège qui compose cette Histoire mondiale(800 pages et 146 dates présentées par de courts essais). Son maître d'œuvre, Patrick Boucheron, dans une «ouverture» qui ne se veut pas une introduction et ne l'est pas en effet, se montre peu prolixe sur ce qu'il entend par ce titre alléchant, censé pourtant faire la nouveauté du livre. «Expliquer la France par le monde, écrire l'histoire d'une France qui s'explique avec le monde»: ces formules nébuleuses autorisent à mettre sous le label «mondial» tout et son contraire. Dans la presse, M. Boucheron va jusqu'à confier avoir choisi cette épithète «par une sorte provocation joyeuse», ce qui n'offre pas davantage une garantie d'intelligibilité.

L'auteur, un dévot de l'historiographie jacobine, en recycle ici les poncifs délabrés qui visent à banaliser cet épisode lugubre.

Ailleurs, il précise son ambition: réconcilier «l'art du récit et l'exigence critique», la rigueur de méthode et «le principe de plaisir», proposer des «narrations entraînantes», des «promenades buissonnières», bref produire une histoire «joyeusement polyphonique». Le gai savoir en somme. Seulement, faute de circonscrire son objet, l'ouvrage ressemble par moments à un marché aux puces peuplé d'objets trouvés, où toutes les dates se valent.

Pour ajouter à la confusion, M. Boucheron invoque Braudel selon qui la France «se nomme diversité» (mais sans préciser laquelle…) ; il dit aussi son attachement à une identité «composite et multiculturelle». On comprend mal, du coup, pourquoi il met son entreprise sous les auspices de Michelet, ennemi furieux de toute espèce de diversité ; et des fondateurs des Annales, dans un livre fait de dates et d'événements, le genre même qu'ils vouaient aux gémonies.

Cette histoire mondiale par intermittences, dont M. Boucheron veut «neutraliser la question des origines», s'étire en amont jusqu'au 34.000 avant J.-C., à l'homme de Cro-Magnon, «notre ancêtre direct — un métis par vocation». Se succèdent alors des dates et des entrées, certaines excellentes - sur la fondation de Marseille, la traduction du Coran à l'initiative de Pierre le Vénérable (mais coiffée d'un «chapeau» qui «lepénise» toute l'entreprise), la Peste noire, la révocation de l'édit de Nantes, l'affaire Dreyfus, le début du tourisme de masse… Mais dès qu'on aborde certains jalons canoniques de notre passé mondial, le «principe de plaisir» fait place à un parti moins joyeux.

Ainsi le règne de Louis XIV, dont le Code noir constituerait l'un des «caractères essentiels», les autres étant tout aussi pendables: «Croisade contre l'Islam en Méditerranée, purification religieuse, conversions et expulsions, ambition coloniale, organisation d'un esclavage de masse, idéologie suprématiste.» De là à réclamer qu'on abatte la statue du Roi-Soleil…

On n'est guère mieux loti avec le traité de 1763, qui conclut la guerre de Sept Ans, dépouille la France de ses possessions en Amérique et bouleverse durablement l'ordre mondial. L'auteur y voit surtout la monarchie abandonner «l'idée impériale pour choisir de préserver le système colonial esclavagiste», cependant que le royaume est ramené à «un ordre national qui procède d'une puissante matrice coloniale et sexuelle». On ne saurait mieux dire.

Criminalisation du passé d'un côté, disculpation de l'autre.

Mais le pompon revient à l'article sur la Terreur révolutionnaire. L'auteur, un dévot de l'historiographie jacobine, en recycle ici les poncifs délabrés qui visent à banaliser cet épisode lugubre. Et qu'il enrichit d'autres ficelles. Il dénonce la diabolisation posthume de Robespierre, pour mieux taire son féroce magistère à l'époque. La Terreur? Un «cliché», assure-t-il benoîtement (et pourquoi pas un détail de l'histoire?). Elle serait un «outil de répression couramment utilisé» alors à travers l'Europe, manière de la «mondialiser» pour mieux la rendre digestible. Je ne vois nulle part en Europe ériger le terrorisme d'État en système de gouvernement. Ou expédier à la guillotine des dizaines de milliers de victimes pour délit supposé d'opinion, sur simple dénonciation, sans autre forme de procédure. Et encore moins décimer le quart de la population d'une région, la Vendée, autre «détail» oublié dans cette notice extravagante.

Criminalisation du passé d'un côté, disculpation de l'autre. Le caractère idéologique de cette entreprise ne tient pas tant à l'évocation de l'esclavage ou de l'histoire coloniale («l'agression coloniale», dixit Boucheron) qu'à l'intention d'y réduire l'intelligence du passé en y projetant rétrospectivement les passions et les valeurs du présent. Idéologique aussi par cette exclusion des moments où notre histoire parut mondiale, de sorte que les dates retenues prennent forcément une résonance biaisée qui déteint sur l'ensemble.

En fuyant la définition d'un principe interprétatif, cet ouvrage empile sans hiérarchie événements majeurs et épisodes accessoires sous l'emballage artificieux de l'exigence scientifique. Il en ressort un objet déconcertant, composé «à la carte», une histoire proprement alternative, par ce qu'elle omet et ce qu'elle suggère.

M. Boucheron a conçu cette «polyphonie enjouée» contre les «conteurs peu scrupuleux» que plébiscite le public et contre «le rétrécissement identitaire» qui afflige le pays. Je me demande combien de lecteurs se sont précipités sur cette histoire mondiale en quête précisément de ce que lui prétend combattre: un éperdu besoin identitaire.

*Directeur de recherche au CNRS, Professeur au Centre de recherches politiques Raymond-Aron

Turquie: Erdogan tourne-t-il le dos à l'Otan ? (15.09.2017)



Publié le 15/09/2017 à 19h18


ANALYSE - L'achat par la Turquie de missiles russes s'inscrit dans un contexte de tensions avec ses interlocuteurs occidentaux et révèle une volonté du président turc de diversifier ses partenaires.
De notre correspondante à Istanbul

Faut-il s'inquiéter du rapprochement turco-russe? Finalisé ce mercredi, le contrat d'achat de systèmes de défense antiaérienne S400 russes par Ankara n'est pas passé inaperçu. À Washington, le Pentagone a rappelé sans détour qu'«il est généralement plus judicieux pour les Alliés d'acheter du matériel interopérable de l'Otan». Derrière cette réaction se cachent de vives préoccupations politiques à l'heure où la Turquie, un des piliers de l'Alliance atlantique, entretient des relations de plus en plus tendues avec les États-Unis et l'Europe. Fidèle à ses diatribes enflammées, le président turc défend ses choix. «Ils sont devenus fous à cause de l'accord sur les S400. Qu'aurions-nous dû faire: vous attendre? Nous prenons toutes les mesures nécessaires sur le front de la sécurité», a ainsi tranché Recep Tayyip Erdogan lors d'un discours à Ankara.

Le pied de nez à l'Occident est évident. De nombreux différends opposent Ankara à ses interlocuteurs occidentaux. À commencer par la question du soutien de Washington aux rebelles kurdes syriens des Unités de protection du peuple (YPG), qu'Ankara considère comme une extension du PKK. Ou encore l'épineux dossier des violations des droits de l'homme depuis le début de la vague de purge amorcée après le coup d'État raté du 15 juillet 2016. Quant au processus d'adhésion à l'UE, il semble de plus en plus compromis par une Allemagne remontée contre l'incarcération de certains de ses ressortissants en Turquie et l'ingérence d'Ankara dans sa campagne électorale.

Mais ce «deal» militaire turco-russe relève aussi de considérations stratégiques. Pour ces deux pays, c'est un moyen d'enterrer leur grave crise diplomatique, deux ans après l'abattement par la chasse turque d'un bombardier russe en mission dans le nord-ouest de la Syrie. À l'époque, l'incident avait provoqué l'ire de Moscou et débouché sur des sanctions économiques, douloureuses pour la Turquie. D'aucuns rappellent également les préoccupations sécuritaires qui ont motivé le choix d'Ankara. «Au vu de l'insécurité qui prévaut au Moyen-Orient et des menaces environnantes, dont celle du PKK, la Turquie a jugé qu'il était urgent de s'équiper au plus vite d'un système de défense. Or les autres pays concertés n'ont pas été en mesure de faire une offre à la hauteur de celle de Moscou», estime Murat Yesiltas, expert en questions sécuritaires.

«Une volonté de diversification plus qu'une envie de se couper de l'Occident»

Entamées à la fin des années 1990, les prospections d'Ankara pour l'acquisition d'un système de défense antiaérienne se sont accélérées depuis 2006. Après avoir consulté des compagnies américaines, européenne et également chinoise, Ankara a fini par se tourner vers la Russie. Après de longues négociations, la Turquie vient de verser son premier acompte et Moscou se prépare aux livraisons. «Les motivations sont avant-tout techniques et économiques», précise Murat Yesiltas. Balayant d'un revers de la main les craintes d'un éloignement de l'Otan, il y voit «une volonté de diversification plus qu'une envie de se couper de l'Occident». Une analyse à laquelle la France semble vouloir adhérer. «L'achat de ces équipements militaires par la Turquie relève d'un choix souverain qu'il n'appartient pas aux membres de l'Alliance atlantique de commenter», a ainsi déclaré un représentant du ministère français des Affaires étrangères.

C'est que, du point de vue de la diplomatie française, la Turquie demeure un partenaire, certes compliqué, mais incontournable dans la région. Interviewé le 7 septembre par un quotidien grec, le président Emmanuel Macron a signifié qu'il voulait «éviter les ruptures» avec la République turque, «un partenaire essentiel dans de nombreuses crises que nous affrontons ensemble, je pense au défi migratoire ou à la menace terroriste, notamment», tout en condamnant les «dérives préoccupantes» du pays. La visite, ces jeudi et vendredi, du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, à Ankara confirme cette approche pragmatique. Si le dossier syrien, la lutte contre le terrorisme et la libération du jeune journaliste français Loup Bureau, emprisonné en Turquie, ont fait partie des sujets chauds, la question d'un partenariat turco-européen sur un projet de système de défense antiaérien devait également être évoquée.

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Natacha Polony : «Réflexions non autorisées sur la PMA pour toutes» (16.09.2017)



Mis à jour le 16/09/2017 à 13h50 | Publié le 15/09/2017 à 15h53

FIGAROVOX/CHRONIQUE - Avoir un enfant est-il un droit ? Il semble aujourd'hui impossible d'exprimer des interrogations légitimes sur le sujet sans que ne ressurgissent la violence, les prises à partie et les procès d'intention.

C'est un sentiment de profonde lassitude. Il a suffi que la secrétaire d'État à l'Égalité «entre les femmes et les hommes», un jour de manifestation contre la loi travail, n'allume un contre-feu en déclarant que la procréation médicalement assistée serait légalisée pour toutes les femmes en 2018pour que ressurgissent la violence, les prises à partie et les procès d'intention. Sur les réseaux sociaux, des tordus insultent les homosexuels, des excités proclament qu'il faut «protéger nos enfants». De l'autre côté, des militants LGBT traitent d'«homophobe» quiconque ne partage pas l'ensemble de leurs vues, considèrent qu'on ne saurait être légitime pour réfléchir à ces questions si l'on n'est pas homosexuel, et se lancent dans des analogies effarantes: «Bientôt, on interdira aux chômeurs d'avoir des enfants…» (rappelons que personne «n'interdit» aux lesbiennes d'avoir des enfants, elles le peuvent).

Aussi, pour éviter tout énervement inutile, sans doute faut-il poser quelques prémisses: nul ne reviendra sur le mariage pour tous, ni sur la PMA, qui sera bien évidemment étendue aux couples de femmes homosexuelles. De sorte que les réflexions qui suivent relèvent seulement d'une analyse de la notion de droit dans les sociétés libérales, sans que des groupes activistes ne puissent s'en prévaloir pour insulter qui que ce soit.

Avoir un enfant est-il un droit? Telle est finalement la question que se pose quiconque se penche sans a priori sur le sujet. Jusqu'à une époque récente, avoir un enfant était un fait, l'enfant était une conséquence naturelle du couple (hétérosexuel, fatalement), que celui-ci dure dix minutes ou une vie entière. Et tout enfant était issu du croisement d'un principe masculin et d'un principe féminin, que ce père et cette mère soient des modèles ou des repoussoirs. La médecine ayant progressé, il a été peu à peu proposé aux couples stériles de les aider en compensant les problèmes physiologiques qui les empêchaient de concevoir. Le premier problème se présente à partir du moment où, ne pouvant soigner l'infertilité, on propose à la place de remplacer les gamètes défectueux par d'autres que celles du couple parent. Problème éthique puisque des gamètes, porteurs des caractéristiques génétiques et de toute l'histoire biologique d'un individu, sont traités comme un matériau pour fabriquer un enfant. Pour autant, on reste bien dans le cadre médical: il s'agit de traiter l'infertilité. Un traitement qui n'est en rien un droit. Il n'est d'ailleurs pas accessible non plus aux femmes de plus de 43 ans, puisqu'il est censé compenser ce que devrait permettre la nature mais qu'elle ne permet pas. Tel est, du moins, le droit français.

«Il n'est pas question de permettre aux lesbiennes d'avoir des enfants (...) mais bien de transformer l'État en fournisseur d'enfants pour tous ceux qui ne veulent pas en passer par la reproduction naturelle»

Les sociétés libérales telles que le sont les sociétés anglo-saxonnes et telles que tend à le devenir la société française considèrent que les présupposés éthiques qui régissent nos lois bioéthiques (ce précepte issu des Lumières, et notamment de la morale kantienne, selon lequel on ne doit en aucun cas instrumentaliser l'humain, l'utiliser comme un moyen) sont inutiles et infondés, car le principe qui doit régir une société démocratique est la régulation par le droit et le marché. Est autorisé tout ce qui ne limite pas les libertés d'autrui en tant qu'individu. Il n'y a donc aucune raison objective, dans cette conception des rapports sociaux, pour ne pas étendre les droits individuels, suivant la logique selon laquelle tout ce qui est possible doit être permis. Mais le problème se complique, concernant la PMA pour les couples homosexuels. Car il ne s'agit pas d'étendre un droit mais de réclamer que l'État et la collectivité prennent en charge la procédure qui permettra à des femmes de fabriquer des enfants sans avoir à s'embarrasser d'un père. «Fabriquer», dans la mesure où la conception devient volontairement un processus technique. Il s'agit donc bien, non pas d'étendre une liberté au nom de l'égalité mais de considérer qu'avoir un enfant est un droit pour lequel la collectivité doit payer (puisqu'il s'agit de la faire payer par la Sécurité sociale, ce qui signifie également que la «Sécu» n'est plus une assurance solidaire contre les risques). Il n'est pas question de permettre aux lesbiennes d'avoir des enfants alors qu'on les en aurait privées jusqu'à présent, mais bien de transformer l'État en fournisseur d'enfants pour tous ceux qui, quelle qu'en soit la raison, ne veulent pas en passer par la reproduction naturelle (des couples hétérosexuels, là où c'est autorisé, trouvent désormais plus confortable d'avoir recours à la PMA, ce qui implique, dans certaines cliniques, de sélectionner un embryon non porteur de certains facteurs génétiques prédisposant à des maladies). La fabrique des êtres humains avance par bien des moyens, la PMA pour toutes en est un parmi d'autres.

Balayer d'un revers de main ces réflexions au nom du désir d'enfant, ou plutôt du désir d'enfant sans père, de certaines femmes, relève du déni. Traiter ceux qui s'y livrent d'homophobes relève du terrorisme intellectuel. L'idéologie du progrès qui prévaut dans nos sociétés libérales nous impose d'estimer que c'est la marche de l'histoire. Sommes-nous obligés, en plus, de nous interdire toute pensée?

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Pékin soutient l'offensive de l'armée birmane dans l'État d'Arakan (15.09.2017)



Mis à jour le 15/09/2017 à 20h33 | Publié le 15/09/2017 à 18h46


Au moment où la situation humanitaire ne cesse de se dégrader au Bangladesh, qu'on rejoint près de 400.000 Rohingyas, le gouvernement chinois semble se focaliser sur la menace représentée par les rebelles de cette minorité.

De notre correspondant à Pékin

Alors que la pression internationale s'accroît sur Rangoun face aux cohortes de Rohingyas fuyant les violences de l'armée birmane, une voix dissonante s'est clairement fait entendre, celle de Pékin. Le ministère chinois des Affaires étrangères, «soutient les efforts» de la Birmanie pour «maintenir la paix et la stabilité dans l'État Rakhine (d'Arakan, NDLR)», a déclaré son porte-parole cette semaine, à l'heure où l'ONU dénonce un «nettoyage ethnique» de la minorité musulmane du pays dans cette région.

Au moment où la situation humanitaire ne cesse de se dégrader au Bangladesh, qu'on rejoint près de 400.000 personnes, le gouvernement chinois semble se focaliser sur la menace représentée par les rebelles de cette minorité. «La riposte des forces birmanes contre les extrémistes terroristes et les mesures gouvernementales d'aide à la population sont chaleureusement approuvées», a réagi cette semaine l'ambassadeur de Chine en Birmanie, Hong Liang, dont les propos ont été cités par un journal local dépendant des autorités. L'attaque, revendiquée par l'Armée du salut des Rohingyas de l'Arakan (Asra) d'une trentaine de commissariats à la fin du mois dernier, a déclenché une nouvelle réaction violente de l'armée birmane à l'encontre de l'ensemble de la population musulmane de la région.

Dans un éditorial récent, le Global Times, journal nationaliste affilié au Parti communiste chinois, s'insurge contre la condamnation internationale dont fait l'objet Aung San Suu Kyi, la dirigeante birmane, également prix Nobel de la paix. Doit-on «la blâmer pour la violence?» dans l'État d'Arakan, s'interroge le quotidien, pour qui «éviter un tel désastre est en réalité plus difficile que ce que pensent les voix critiques occidentales». Car dans les pays en voie de développement, «une fois que des conflits ethniques à grande échelle se déclenchent», ils peuvent facilement devenir «hors de contrôle» et mener au «massacre» de minorités et à des exodes massifs, poursuit l'éditorial.

Bien que l'ethnie birmane soit largement majoritaire dans la population, ce pays «compte plus de 130 groupes ethniques dont beaucoup sont armés», argumente le Global Times, ce qui pose, selon cet organe, «depuis longtemps un défi à la stabilité sociale de la Birmanie et à son unité». Justifiant le choix de l'ancienne icône de la démocratie aujourd'hui au pouvoir de ne pas condamner un «génocide», le journal chinois, estime qu'Aung San Suu Kyi a «peu d'espace» pour prendre la défense des Rohingyas, tant l'opinion publique se montre «nationaliste» dans ce conflit.

«La riposte des forces birmanes contre les extrémistes terroristes et les mesures gouvernementales d'aide à la population sont chaleureusement approuvées»
Hong Liang, ambassadeur de Chine en Birmanie

L'article établit implicitement un parallèle avec la Chine, un pays aux 56 ethnies, où les Hans sont archi-majoritaires. Obsédé par la stabilité, le gouvernement chinois, au nom des menaces «terroristes» croissantes représentée par des extrémistes ouïgours dans le Xinjiang et du risque «séparatiste», a accru sa répression sur l'ensemble de cette communauté musulmane, observent plusieurs experts.

La Chine n'est toutefois pas la seule à se montrer compréhensive envers l'offensive des forces birmanes. Lors d'une récente visite en Birmanie, le premier ministre indien, Narendra Modi, a déclaré qu'il partageait l'inquiétude de Rangoun concernant «la violence extrémiste» qui a frappé les forces de sécurité dans l'État d'Arakan. Le dirigeant nationaliste hindou, a lui aussi appelé à «l'unité et à l'intégrité territoriale» de la Birmanie.

Pendant ce temps, «les preuves irréfutables» des persécutions subies par les Rohingyas - la plus grande communauté apatride du monde - s'accumulent, selon Amnesty International. «Les forces de sécurité mettent le nord de l'État d'Arakan à feu et à sang dans le cadre d'une campagne ciblée visant à faire partir les Rohingyas», a dénoncé Tirana Hassan, directrice du programme Réaction aux crises au sein de l'ONG.

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Il y a 35 ans, le massacre de Sabra et Chatila au Liban (15.09.2017)


Publié le 15/09/2017 à 19h20


LES ARCHIVES DU FIGARO - Du 16 au 18 septembre 1982 des réfugiés palestiniens étaient massacrés par des milices chrétiennes dans la banlieue de Beyrouth. Voici le récit du correspondant spécial duFigaro découvrant le camp de Sabra après la tuerie.

Tout commence par un assassinat. Le 14 septembre 1982 le président nouvellement élu, Bachir Gemayel -chef des Forces libanaises, milices chrétiennes-, est tué dans un attentat. Deux jours après, par vengeance, débute le massacre de civils palestiniens dans deux camps de réfugiés -Sabra et Chatila- dans la banlieue de Beyrouth. Il est perpétré par des miliciens chrétiens (les Phalangistes) et se poursuit jusqu'au 18 septembre au matin. Mais ce n'est que le 19 septembre que le monde apprend l'affreuse tuerie -méthodique, qui n'a épargné personne: hommes, femmes, enfants, animaux.

Dès le 17 septembre au matin des femmes palestiniennes -qui ont pu fuir les camps- alertent sur le drame en cours, dans les rues de Beyrouth-Ouest. De nombreux journalistes, qui couvrent la guerre civile au Liban, sont présents dans la capitale. Certains d'entre-eux commencent à enquêter et tentent d'entrer dans les camps de réfugiés. Mais ils sont bloqués par les troupes israéliennes qui encerclent les camps et contrôlent leur accès. Et ce n'est que le lendemain, quelques heures après la fin du carnage, que les premiers journalistes peuvent enfin pénétrer dans les camps de Sabra et Chatila. En France c'est le quotidien Libération qui annonce le massacre dans son édition du 19 septembre 1982. La première dépêche de l'AFP tombe quant à elle dans l'après-midi, ce même jour. Avec l'arrivée des photographes et médias internationaux à Sabra et Chatila, l'horreur fait le tour du monde, provoquant stupeur et indignation. En 1983 l'enquête officielle libanaise conclut à «l'entière responsabilité» des forces israéliennes. Et, en 1991, une loi d'amnistie générale est décrétée.

Voici l'intégralité du récit du correspondant spécial du Figaro de l'époque, Jean-Jacques Leblond.

Article paru dans Le Figaro du 20 septembre 1982.
Un spectacle insoutenable

Beyrouth vient de toucher le fonds de l'horreur. Plusieurs centaines de civils palestiniens, qui vivaient encore dans ce qui tenait debout dans les camps du sud de la capitale, ont été tués dans d'atroces et odieuses conditions. Atroces parce que les auteurs ont frappé indistinctement femmes et enfants; odieuses, parce qu'ils s'en sont pris à une population désarmée et désemparée. Des enfants ont été tués du seul fait qu'ils étaient Palestiniens et que plus tard, selon la déclaration des exécutants de la tuerie, «ils grandiraient et deviendraient des terroristes».

Carte localisant les camps de réfugiés palestinniens de Sabra et Chatila parue dans Le Figaro du 20 septembre1982. - Crédits photo : Le Figaro

Je reviens de Sabra. Je traîne encore derrière moi l'odeur du charnier, la puanteur de la mort. Partout des cadavres déjà noircis par le soleil et raidis. Des nuages de mouches leur servent de linceuls. Ici, la mort n'est pas silencieuse. Des pleurs, des gémissements, des hurlements poussés par des femmes résonnent à nos oreilles. Dans cet univers dément et éclaté, chaque coin de ruelle est un drame. Des femmes vous entraînent dans les pires recoins où se gonflent des cadavres enchevêtrés et distordus. Chœur gémissant et autoritaire, elles nous tirent par le bras vers des carnages: autour d'une table, pas encore desservie, une famille gît en rond. Ailleurs, deux adolescents, dont l'un tient encore un fusil.

«Nous n'avons rien compris ensuite. Les autres ont tiré et tué.Ça a duré tout le lendemain, c'était horrible»
Réfugiés palestiniens.

Nous allons de cadavres en cadavres et l'on essaie de nous raconter la genèse du drame: «C'est jeudi que nous avons vu arriver des soldats. Parmi, nous, un franc-tireur a ouvert le feu et les autres ont riposté. Nous avons eu peur et beaucoup sont partis avec des drapeaux blancs vers l'est. D'autres se sont dirigés vers les lignes israéliennes. Nous n'avons rien compris ensuite. Les autres ont tiré et tué. Nous, nous avons pu nous cacher sous des maisons démolies. Ça a duré tout le lendemain, c'était horrible.»

Je donne ici, en raccourci, la traduction des témoignages que j'ai recueillis. Ils se ressemblent tous et tous sont pitoyables. Nous retenons au bord des lèvres des nausées irrépressibles qui mouillent nos mouchoirs. Les ambulanciers, visages masqués, brancardent des masses informes, dissimulées sous des couvertures. On parle de mille morts: mille morts, ce fut, si je m'en souviens bien, le bilan d'un autre massacre perpétré au Liban. Celui de Damour, cette ville proche de Beyrouth, que les Palestiniens, un soir de janvier exterminèrent.

Des familles ont été surprises alors qu'elles dormaient sur des nattes. Des bébés semblent encore dormir sur leur couche.

Dans l'une des rues du camp, où l'on relève des traces de bulldozers qui ont défoncé les murs des habitations, des morts sont allongés sur les trottoirs. Personne n'a été épargné, ni les hommes ni les animaux. Couchés dans une courette, près de huit corps humains, deux cadavres de chevaux dressent leurs jambes en l'air. Un peu plus loin, des poulets et des chats ont été abattus par des rafales d'armes automatiques. Le sol est jonché de douilles. À l'intérieur des maisons, on découvre le drame tout entier. Des familles ont été surprises alors qu'elles dormaient sur des nattes. Des bébés semblent encore dormir sur leur couche. Dans les cours traînent encore des jouets qui ont été précipitamment abandonnés. «En massacrant des innocents, c'est la paix au Liban qu'on a assassinée», me dit un Libanais, qui, comme nous tous, est horrifié.

Extrait de la Une du Figaro du 20 septembre 1982. - Crédits photo : Le Figaro

Pourtant, samedi, juste avant que nous prenions connaissance des premières rumeurs concernant ce massacre, la situation allait en se normalisant. Perquisitions en série, vérifications à la chaîne et récupération massive des matériels de tous calibres. L'armée israélienne achevait de prendre possession de Beyrouth-Ouest. Elle venait de passer à la deuxième phase de son opération éclair: le quadrillage de la capitale. Elle s'y était installée massivement. Samedi, elle avait renforcé sa présence et des colonnes de blindés avaient boudé tous les points chauds. Des chars Merkava et des transports de troupes M 113 quadrillaient tous les secteurs et tenaient les principaux axes.

Dans bien des cas, les combattants progressistes du mouvement mourabitoune avaient préféré céder leurs positions et déposer leurs armes. Tout allait vers le calme. Les Israéliens avaient occupé les principaux sièges des organisations adverses. Ceux des nassériens et du Parti populaire de Walid Joumblat. Ils atteignaient dans la foulée les locaux du bureau central de l'O.LP. à Mazraa, et, dans le même temps, ils installaient leurs différents services dans plusieurs grands hôtels après avoir coupé toutes les communications de Beyrouth avec le monde extérieur.

La chasse aux suspects

Et la chasse aux suspects avait commencé dans les rues et les immeubles. Des petits commandos légers de Land-Rovers, montées par des équipes de quatre hommes portant des gilets pare-balles, s'étaient mis à circuler à toute allure. Il était apparu que cette course répondait à un plan méthodiquement préparé: la mise en place d'un dispositif policier bien informé.
Cartes détaillées, photos aériennes commentées et documents divers en mains, les groupes spéciaux israéliens avaient fait leur entrée. Ils s'étaient immédiatement dirigés vers les caches secrètes de l'O.L.P. et de ses alliés. Dans un bâtiment proche de l'ambassade de France, dans un sous-sol parfaitement aménagé et profondément enterré, ils avaient découvert un important stock d'armes et de munitions. Peu après, plusieurs camions lourds, escortés de blindes, transportaient un chargement dé caisses scellées vers le port.

Une femme palestinienne pleure le 20 septembre 1982 au-dessus des corps de ses proches tués, le 17 septembre 1982 dans le camp de réfugié à Beyrouth. - Crédits photo : SANA/AFP

La purge de Beyrouth commençait en même temps que les rafles. Avenue de Paris, sur le front de mer, des centaines d'hommes avaient été rassemblés sur la chaussée, attendant que leur situation soit éclaircie. Comme dans les territoires du Sud, les Israéliens disposaient ici de réseaux de renseignements solidement implantés. Et les «taupes», infiltrées dans les rangs de l'adversaire, réapparaissaient au grand jour. Certains habitants affirmeront même avoir reconnu sous les traits d'un officier israélien un ancien responsable palestinien bien connu d'eux. Toujours est-il que, convaincant ou pas, ce témoignage collectif conforte l'idée que le Mossad en savait long sur l'infrastructure adverse. Il avait repéré un bon nombre de dépôts clandestins de l'O.L.P. qu'il n‘a aujourd'hui aucune difficulté à découvrir. On racontait même que les services secrets israéliens avaient «marqué» à l'aide de pastilles électroniques certains des refuges les plus secrets des dirigeants palestiniens.

«Que les hommes se rendent pour protéger leurs familles. Il ne leur sera fait aucun mal.»

On récupère aussi, dans les rues, des armes qui ont été précipitamment abandonnées et des paquets d'explosifs. Si donc Tsahal campe aujourd'hui dans les jardins de Beyrouth, ce n'est que samedi matin qu'elle avait achevé l'investissement de la zone des camps palestiniens depuis la corniche Mazraa. Les unités israéliennes avaient avancé en tenaille. Elles avaient fait précéder leur progression par des appels au mégaphone: «Que les hommes se rendent pour protéger leurs familles. Il ne leur sera fait aucun mal.» En fin de matinée, quelque 1 500 réfugiés palestiniens s'étaient rendus aux patrouilles. En colonnes anxieuses, ils avaient été conduits vers la «cité sportive» et le stade municipal de Fakhani où commençaient les formalités de tri. Dans les ruines de la cité sportive, deux cents suspects, assis sous la carcasse effondrée de la tribune, attendaient encore dans l'après-midi. Une foule de femmes en pleurs interrogeaient un gradé sur le sort qui serait réservé aux captifs: «S'ils n'ont rien à se reprocher ils vous seront rendus», leur répondit-il.

Traces de massacres

Mais la neutralisation des redoutes ruinées de l'O.L.P. aurait pu passer pour une simple opération de contrôle si une information n'était venue lui donner un tour tragique. Dans certains secteurs de Sabra et de Chatila, on venait de découvrir des traces de massacre perpétré contre la population civile. Selon certaines sources contradictoires et impossibles à vérifier, on aurait retrouvé plusieurs centaines de victimes: hommes, femmes et enfants confondus, sommairement exécutés. On apprenait également que plusieurs habitations avaient été détruites à la dynamite ou défoncées par les bulldozers. On découvrit dans les maisons des corps figés dans le sommeil et, plus loin ceux de deux vieillards tombés à proximité de leur éventaire de primeurs.

Le général chrétien libanais Saad Haddad en 1979. - Crédits photo : IPPA/AFP

Une première enquête révéla que, dès jeudi soir, des éléments armés, revêtus de treillis vert olive, ne portant, aucun signe distinctif, s'étalent introduits dans les camps. Un communiqué de la télévision libanaise laissait entendre, dans la soirée de samedi, qu'il s'agissait des milices chrétiennes de l'Armée de libération du Sud opérant sous les ordres du major Saad Haddad. Celui-ci, ancien officier, avait fait dissidence en 1976. Avec deux mille hommes, il s'était taillé un petit fief autour de Marjayoum, dans le Sud, et il en avait fait un État tampon entre les lignes de l'O.L.P. et la frontière d'Israël. Il s'était fait connaître par ses méthodes expéditives à l'époque ou, jusqu'en juin dernier, les Palestiniens occupaient toute la partie méridionale du Liban. Allié des Israéliens, il n'avait toutefois que symboliquement participé à leurs interventions. Il avait été chargé du maintien de l'ordre dans les zones libérées. Bien que chrétien, le major Haddad n'entretenait aucune relation de caractère politique ou militaire avec l'organisation «kataïeb» de Bechir Gemayel. On n'avait jamais, d'autre part, signalé la présence de cette milice sudiste dans la région de Beyrouth jusqu'à samedi matin. Les effectifs de deux compagnies en uniformes non identifiables ont été vues en effet en train de manœuvrer à proximité de l'aéroport international.

La tuerie remonterait à jeudi soir et à vendredi matin.

On se pose bien évidemment des questions sur l'identification des véritables responsables de ces exécutions sommaires, et, surtout, on s'interroge sur les conséquences politiques immédiates de ces massacres. Selon certains témoins d'origine européenne, qui travaillaient à l'hôpital d'Acca (Saint Jean-d'Acre), au sud de la capitale, non loin des camps de Sabra et Chatila, la tuerie remonterait à jeudi soir et à vendredi matin. Elle aurait suivi les violents accrochages qui avaient opposé les derniers combattants progressistes aux forces israéliennes. Ces combats, qui avaient débuté mercredi à midi, s'étaient achevés vendredi à l'aube. Mais à aucun moment le contingent militaire israélien n'avait pénétré dans les camps, se contentant de les encercler et de se diriger vers le centre de la capitale.

Les corps des réfugiés palestiniens tués dans le camp de Sabra au Liban en septembre 1982. - Crédits photo : STF/AFP

Plusieurs des médecins et infirmiers, servant au titre du Croissant-Rouge palestinien et qui ont depuis été évacués vers leurs ambassades respectives, nous ont déclaré: «Des militaires sont arrivés jeudi à l'hôpital et nous ont accostés, ils paraissaient très nerveux et excités. Ils se sont ensuite calmés et nous ont offert des cigarettes. Après, nous avons été interrogés en français, en anglais et en arabe, selon nos nationalités; ils nous ont dit: «Allez voir les autorités israéliennes qui sont là-bas. Vous vous arrangerez avec elles.»

«Celles-ci ont vérifiés nos passeports après nous avoir fait baisser les bras et ils nous ont dit de rejoindre l'hôpital où nous avions des enfants à soigner.» Deux délégués de la Croix-Rouge internationale sont ensuite venus vérifier nos identités avant de nous envoyer plusieurs véhicules qui nous ont ramenés à Beyrouth. Au moment où nous partions, l'un des nôtres nous a affirmé que les soldats qui occupaient l'hôpital étaient bien des gens d'Haddad, et qu'ils avaient égorgé deux infirmières de nationalité libanaise. Mais nous n'avons pas été témoins de cet acte.» À Sabra, où j'ai passé une partie de la matinée, les civils palestiniens nous ont également affirmé que les tueurs étalent des miliciens sudistes. «Venez avec nous, nous allons encore vous montrer des choses horribles.»

II est bien difficile de mener une enquête dans un pays où la mort est devenue banale à force d'être quotidienne.

Et dans le dédale des ruelles à moitié démolies, nous sommes allés de maison en maison. Encore des cadavres, partout des cadavres. À un endroit, j'en ai compté huit, alignés au bas d'un mur qui portait des traces de balles. Il est bien difficile de mener une enquête dans un pays où la mort est devenue banale à force d'être quotidienne et où les atrocités, depuis huit ans, sont monnaie courante.

Toutefois, il est certain que des civils de tous les sexes et de tous âges ont été exécutés dans des conditions que plus rien ne justifie aujourd'hui. Et surtout pas la vengeance à l'heure où le Liban ne peut rétablir son unité qu'à travers la réconciliation de toutes ses communautés. Or c'est mardi que l'État libanais doit se donner un nouveau président de la République en remplacement de celui qui, élu il y a moins d'un mois, est mort dans la violence avant même d'être investi de son autorité suprême.

Hier, en fin de matinée, on vit arriver les premières colonnes motorisées de l'armée libanaise. Lorsqu'elles entrèrent dans le camp, leurs chefs se virent encerclés par des femmes en furie. «Pourquoi n'êtes-vous pas venus plus tôt? Si vous aviez été là, tout cela ne serait pas arrivé...» En fait les forces libanaises occupaient hier soir le terrain et le général Raphael Eytan, le commandant israélien, déclarait à midi à Baabda: «Nous sommes prêts à nous retirer immédiatement si l'armée libanaise est prête à nous relever.»

Hier soir, l'entrée des camps était interdite. Des barrages ont été posés, gardés par des Libanais, en même temps, je pouvais constater un certain allégement, des forces israéliennes dans Beyrouth même. Toutefois, la circulation entre les deux secteurs de la capitale était soumise à un strict contrôle et à l'ouest un couvre-feu a été décrété de 17 heures à 6 heures du matin.
Par Jean-Jacques Leblond
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Les tribunaux français débordés par l'afflux de clandestins (16.09.2017)



Mis à jour le 16/09/2017 à 17h16 | Publié le 15/09/2017 à 17h51


VIDÉO - Réseaux de passeurs, délinquance… les contentieux liés à la recrudescence du flux migratoire submergent les parquets.

Le procureur de Nice, Jean-Michel Prêtre, a les yeux braqués sur la date du 13 novembre 2017. Ce jour-là, c'en sera fini de la fermeture des frontières, décidée deux ans auparavant alors que l'Europe se réveillait sous le choc des attentats de Paris. Une fermeture des frontières qui a permis à l'administration et au parquet de Nice d'endiguer à 97 % le flot de 31.000 migrants qui, sur les huit premiers mois de l'année, ont été interpellés à la frontière italienne. «Sur ces 31.000 personnes, 28.000 n'ont pas été admises sur le territoire français, 1600 ont été interpellées, 1600 ont été réadmises en Italie, et 315 ont été reconduites, détaille Jean-Michel Prêtre. Quand les frontières seront rouvertes, nous allons changer de braquet. Les renvois en Italie, sans vérification d'identité ou sans avoir à prouver qu'ils en viennent, seront impossibles.»

« Une petite filière de 3-4 passeurs peut faire passer entre 15 et 20 migrants tous les jours. À raison de 3000 à 4000 euros par migrant, vous imaginez le chiffre d'affaires »
Julien Gentile, chef de l'Ocriest

Cette recrudescence du flux migratoire sera d'autant plus difficile à maîtriser pour les parquets frontaliers - du Nord ou ceux de la frontière italienne - que tous témoignent d'un changement d'origine nationale. Jusqu'à la fin de l'année 2016, il s'agissait de personnes venant de pays en guerre, zone irako-syrienne, Corne de l'Afrique ou encore Afghanistan. Un flux en décrue alors qu'explose désormais une immigration économique en provenance de l'Afrique de l'Ouest francophone. À 95 %, ces populations prennent la route de la Libye et utilisent les mêmes réseaux de passeurs que les victimes des conflits. Des réseaux de plus en plus structurés, générant un chiffre d'affaires tel qu'il s'impose désormais comme le plus lucratif après les trafics de stupéfiants et d'armes.

«Une petite filière de 3-4 passeurs, qui travaillent toutes les nuits, peut faire passer entre 15 et 20 migrants tous les jours. À raison de 3000 à 4000 euros par migrant, vous imaginez le chiffre d'affaires», a rappelé Julien Gentile, chef de l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et l'emploi d'étrangers sans titre (Ocriest), lors d'un séminaire sur la lutte contre l'immigration illégale. Des tarifs qui peuvent monter jusqu'à 15 000 euros quand le passage est assuré depuis le pays d'origine jusqu'au pays de destination.

À cette occasion, la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a clairement annoncé vouloir «conduire une politique assumée de lutte contre l'immigration irrégulière». «La pression migratoire est telle qu'elle justifie la poursuite et l'amélioration des dispositifs mis en place, a-t-elle lancé à l'intention des procureurs. Pour demeurer à la hauteur des enjeux, il convient d'amplifier vos efforts.»

Les « chauffeurs » peuvent écoper de peines allant de 8 à 24 mois, les « lieutenants » des réseaux de passeurs encourant jusqu'à six ans de prison

À Nice, depuis le début de l'année, 183 passeurs ont été interpellés et le procureur avoue entre 4 et 10 défèrements par semaine donnant lieu à autant de comparutions immédiates et entraînant des retards de 8 mois à un an des audiences correctionnelles. Dans le Nord, de cinq à huit dossiers par semaine font l'objet d'une audience au tribunal de Boulogne-sur-Mer. Selon une procédure bien huilée, ne passent en comparution immédiate que les passeurs qui ont mis en jeu la vie des migrants. Les «chauffeurs» peuvent écoper de peines allant de 8 à 24 mois, les «lieutenants» des réseaux de passeurs encourant jusqu'à six ans de prison. «Nous travaillons avec les procureurs pour définir ce qu'ils attendent en termes de preuves menant sur la voie de la condamnation», affirme Julien Gentile. La question des saisies d'avoirs criminels est compliquée, car peu d'argent liquide transite et les transferts se font à travers des chambres de compensation dans les pays mêmes.

Réseaux de passeurs albanais

Mais cette population pénale pose problème. Lors du séminaire, le procureur général de Chambéry, Brice Robin, a rappelé que les trois établissements pénitentiaires de son ressort accueillaient «plusieurs réseaux de passeurs albanais qui continuent leur activité depuis la prison avec des sommes directement versées en Albanie». Dans le Nord, les magistrats rappellent que ces personnes incarcérées, pour lesquelles aucun travail de réinsertion ne peut être envisagé, encombrent les établissements pénitentiaires et représentent un coût de 100 euros par jour.

À cette question des passeurs s'ajoute aussi le poids d'une autre délinquance qui pèse sur les parquets du fait de leur complexité, comme la fraude documentaire, le montage de situation légale permettant l'obtention de vrais passeports, titres de séjour ou de nationalité française. À une organisation en réseau succèdent des nébuleuses complexes à appréhender et impliquant des enquêtes difficiles qui débouchent sur des informations judiciaires longues.

Enfin, les parquets - spécialement ceux qui opèrent depuis la frontière suisse jusqu'à la région lyonnaise - sont aussi confrontés à une délinquance du quotidien. Commise soit par des populations venues d'Europe de l'Est et organisées en gangs de cambriolage, soit, plus récemment, par des sans-domicile fixe venus d'Afrique du Nord. De quoi mettre les parquets sous pression.

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Les mineurs isolés, véritable casse-tête pour les tribunaux (15.09.2017)



Mis à jour le 15/09/2017 à 22h23 | Publié le 15/09/2017 à 19h41


La première mission des parquets est déjà d'évaluer la réalité de cette minorité.

Une préoccupation doublée d'une bombe à retardement contre lesquels tous les parquets mettent en garde les pouvoirs publics. La question des mineurs isolés est devenue le cauchemar des conseils généraux mais aussi des parquets qui doivent gérer ce flux en concertation avec la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou bien dans le cadre de la lutte contre la délinquance. «La question des mineurs isolés représente une part importante de l'activité du parquet mineur», concède-t-on du bout des lèvres au parquet de Paris. À Bobigny, ce n'est pas moins de 170 cas en trois mois qui ont dû être traités. Le parquet de Nice, lui, avoue ne pas pouvoir toujours respecter le délai de cinq jours dans lequel est insérée l'évaluation de la minorité. Car tous ne sont pas mineurs. La première mission est donc d'évaluer la réalité de cette minorité, notamment par la Croix-Rouge. Selon les chiffres rapportés par les parquets, 50 % le seraient réellement. «Avec tous les aléas que ça représente et les complications judiciaires…, déplore Fabienne Klein-Donati, procureur de Seine-Saint-Denis. Nous arrivons à des situations ubuesques où il est difficile de juger un individu parce qu'il n'est considéré ni majeur ni mineur. Cela frise parfois le déni de justice.»

Il existe désormais des filières de passeurs spécialisés, mais difficiles à circonvenir parce qu'elles acheminent ces mineurs jusqu'aux frontières et les laissent livrés à eux-mêmes ensuite

Dans la région Rhône-Alpes, les procureurs s'inquiètent de la montée d'une délinquance du quotidien commise par des populations mineures, sans domicile fixe, en provenance essentiellement d'Afrique du Nord. Dans un rapport de physionomie, début septembre, il apparaît que trois cas sur huit relèvent de cette typologie.

Entre 2015 et 2017, le nombre de mineurs isolés arrivés en France a augmenté de 100 %. Ils sont actuellement 18.000 recensés sur le territoire national. Pour le seul parquet de Bobigny, 398 mineurs ont été pris en charge depuis le début de l'année 2017. Et la procureur du TGI, Fabienne Klein-Donati, estime qu'«à la fin de l'année nous pourrions atteindre le chiffre de 600 mineurs pour notre seul parquet». Sans compter ceux qui se situent dans la zone d'attente de Roissy. Des mineurs qui sont signalés et interpellés par les forces de police à la suite d'infractions mais qui, par eux-mêmes aussi, viennent frapper à la porte du tribunal. «Nous avons en effet une vingtaine d'enfants en moyenne par mois qui viennent spontanément solliciter l'assistance de la justice», affirme la procureur de Bobigny.
Selon Julien Gentile, le directeur de l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et l'emploi d'étrangers sans titre (Ocriest), il existe désormais des filières de passeurs spécialisés, mais difficiles à circonvenir parce qu'elles acheminent ces mineurs jusqu'aux frontières et les laissent livrés à eux-mêmes ensuite. «Beaucoup sont munis d'un duvet et d'un téléphone portable, pour entrer ou retrouver leurs proches sur le territoire», note le procureur de Nice. Il évalue ces enfants qui arrivent et quittent les structures d'accueil à plusieurs milliers par an, car «90 % des mineurs accueillis repartent sur les routes», note le magistrat. Cela n'empêche pas la saturation des structures d'accueil. Comme tous ses collègues, il doit décider du placement judiciaire de cette population dans le cadre de l'accueil d'urgence et de l'enfance en danger. De quoi faire exploser les foyers de placement. Au point que, depuis 2015, la PJJ a mis en place une plateforme nationale pour tenter de répartir au plan national cet afflux de mineurs. «Mais les départements freinent des quatre fers: seuls 46 de nos mineurs ont été placés hors de notre département», note Fabienne Klein-Donati.

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Sondage : les Français jugent sévèrement l'immigration (15.09.2017)


Mis à jour le 15/09/2017 à 19h13 | Publié le 15/09/2017 à 18h51

SONDAGE - Selon les résultats d'un sondage au niveau mondial, réalisé par l'institut Ipsos dans 25 pays, la perception de l'immigration reste globalement négative. En France, 53% des personnes interrogées estiment que le nombre d'immigrés est trop élevé.

La perception de l'immigration reste globalement négative dans le monde. C'est ce qui ressort d'un sondage réalisé par l'institut Ipsos, dans 25 pays, auprès de 17.903 personnes, entre le 24 juin et le 8 juillet dernier. Une étude menée, année après année, depuis 2011.

En 2017, les trois quarts des personnes interrogées pensent que le nombre de migrants a augmenté dans leur pays sur les cinq dernières années. Mais elles étaient 82 % en octobre 2015, puis 78 % en juillet 2016.

Parmi les pays où l'on considère que l'augmentation a été importante, il n'est guère étonnant de trouver en tête la Turquie, soumise à forte pression pour 78 % des sondés. Suivent l'Italie (74 %), la Suède (66 %) et l'Allemagne (65 %). En France, 58 % estiment que l'immigration a beaucoup augmenté.

Dans la plupart des pays, très peu de sondés considèrent que l'immigration a un impact positif: 21 % en moyenne. Les personnes interrogées en France ne sont que 14 % à le penser. C'est mieux qu'en 2016 où seulement 11 % étaient enclines à «positiver». Et l'Allemagne? L'opinion n'a peut-être pas le même allant que ses dirigeants lorsqu'il s'agit d'ouvrir les portes du pays, car seulement 18 % des sondés outre-Rhin jugent positivement les effets de l'immigration.

Ce tableau mondial brille aussi par l'optimisme de la Grande-Bretagne où 40 % des sondés voient un effet positif dans l'immigration. Ils sont 38 % au Canada, 35 % aux États-Unis.
Trop d'immigrés en France? La réponse est oui pour 53 % des personnes. Un Allemand sur deux pense la même chose.

Un autre point interpelle: en France, en une année, ils sont 6 % de plus à considérer qu'il faut fermer les frontières. Et, comme dans la plupart des pays, une majorité de Français (64 %) est encore «tout à fait d'accord» ou «plutôt d'accord» avec l'idée qu'il y a dans leur pays «des terroristes qui prétendent être réfugiés». Et 53 % doutent que les réfugiés soient vraiment des réfugiés.


«Les mineurs étrangers coûtent 1 milliard d'euros par an aux départements» (17.09.2017)



Mis à jour le 17/09/2017 à 15h10 | Publié le 15/09/2017 à 19h51


INTERVIEW -Dominique Bussereau est président LR de l'Assemblée des départements de France (ADF) et président du conseil départemental de Charente-Maritime. Il tire la sonnette d'alarme car, selon lui, le nombre de prises en charge des mineurs étrangers isolés explose partout en France et les structures sont en voie de saturation.

LE FIGARO. - Quelle est l'ampleur du problème des mineurs étrangers non accompagnés?

Dominique BUSSEREAU. - Nous sommes confrontés à des difficultés croissantes dans la prise en charge des mineurs étrangers non accompagnés. C'est une situation d'urgence. Le chiffre de 13.000 mineurs en 2016 a presque doublé en un an. Au niveau national, cela représente une hausse de 30 % à 40 %. Dans mon seul département de Charente-Maritime, nous sommes passés de 12 cas en 2012 à 240 aujourd'hui. Ce chiffre progresse au rythme de dix accueils par semaine. Sans compter les jeunes majeurs que nous prenons en charge parce que nous sommes parfois dans l'impossibilité de prouver qu'ils sont mineurs.

En fin d'année, les départements auront probablement atteint le cap de 20.000 accueils de mineurs, auxquels il faut ajouter environ 5.000 jeunes majeurs. Cela représente un coût global annuel d'un milliard d'euros, sachant que certaines prises en charge sont prolongées durant trois ans.

Nous avons noté que ces jeunes arrivent en France via des réseaux de passeurs. Ils se présentent avec des fiches plastifiées déjà prêtes, contenant les noms et les numéros de téléphone de nos travailleurs sociaux.

Combien de départements sont touchés?

La quasi-totalité. Si ceux de la petite couronne, en région parisienne, sont extrêmement impactés, les départements ruraux le sont aussi. Il existe des pics dans les grandes agglomérations et à proximité des frontières. Le Nord est, évidemment, le symbole de cette explosion des demandes. Mais beaucoup d'autres départements sont fortement touchés comme les Hautes-Alpes, le Maine-et-Loire, la Somme, la Mayenne, le Val-de-Marne, les Deux-Sèvres, l'Essonne, le Var… Nous recevons des alertes venant de partout.

«Nos structures sociales sont saturées. Elles ne sont pas toujours adaptées face à des situations relevant plutôt de la politique migratoire»
Dominique Bussereau

Quel est le périmètre d'une prise en charge départementale?

Les mineurs étrangers isolés sont hébergés en foyers, internats, hôtels ou via des familles volontaires, plutôt rares. Ils sont également nourris, habillés, soignés et éduqués. En vérité, puisqu'ils n'ont rien, leur existence est totalement prise en charge. Pour chaque département, cela représente environ 50.000 euros par an et par individu en moyenne. Les situations auxquelles nous sommes confrontés compliquent l'accueil des autres enfants français, que nous avons l'habitude de prendre en charge suite à des difficultés familiales ou sociales. Ces enfants se retrouvent au contact de jeunes plus âgés, venant d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Afghanistan… La coexistence n'est pas toujours simple et nos équipes ne sont pas forcément formées. Par ailleurs, nos structures sociales sont saturées. Elles ne sont pas toujours adaptées face à des situations relevant plutôt de la politique migratoire. Nous pensons que cette compétence régalienne doit être assumée par l'État.

Quelle est la contribution financière de l'État?

L'État rembourse cinq journées sur la totalité d'un séjour qui dure trois ans, en moyenne. Cela représente environ 1 250 euros d'aide par individu. Début juillet, nous avons rencontré le président de la République. Il s'est voulu très clair sur ce sujet: il considère que cette prise en charge ne relève pas des départements ni de l'aide sociale à l'enfance. Il a demandé aux ministères de la Justice, de la Solidarité, de la Santé et de l'Intérieur de lui proposer des solutions d'ici la fin de l'année.

Il envisage de revoir complètement la gestion de cet accompagnement mais les départements souhaitent que cet engagement présidentiel se traduise en actes concrets, le plus vite possible. Ce problème doit être complètement réglé l'année prochaine. Nous aurons une audience ministérielle avec Nicole Belloubet, garde des Sceaux, le 4 octobre.

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Éric Zemmour: «Ce qui a changé depuis le 11 septembre 2001…»


Par Eric Zemmour 

Publié le 15/09/2017 à 09h00



CHRONIQUE - Plutôt qu'être le départ d'une nouvelle ère plus conflictuelle entre l'lslam et l'Occident, les attentats du 11 septembre ont marqué la fin de l'hyperpuissance américaine.

Dès le 11 septembre 2001, on a compris que la date resterait dans l'Histoire, mais pas pour les raisons d'abord avancées. Le 11 septembre 2001 n'est pas, comme l'ont cru nombre d'observateurs, le départ d'une nouvelle ère plus conflictuelle entre l'lslam et l'Occident. La guerre des civilisations avait commencé avant. Ben Laden, le «héros» de cette journée pour les masses arabes et tous les ennemis de l'Amérique, a été exécuté depuis par les forces spéciales de l'US Army.

Le président George Bush et les intellectuels néo-conservateurs qui le conseillaient ont cru que cet attentat pourrait servir de prétexte pour permettre à la puissance américaine de remodeler tout le Moyen-Orient autour des valeurs démocratiques et de la sécurité d'Israël. L'échec est total ; à la place des dictateurs laïques, on a eu les islamistes du califat ; et l'Iran a amené ses troupes à la frontière nord d'Israël.

Alors? Le grand historien français Fernand Braudel, mort bien avant 2001, avait sans doute donné la clé d'interprétation la plus pertinente. Il expliquait que ce qu'il appelait «l'économie-monde» s'organisait toujours autour d'un centre et de cercles concentriques. Le centre était le lieu le plus dynamique, et donc hégémonique. Il s'était successivement appelé Gênes, Venise, Amsterdam, Londres. Le centre de l'économie-monde était imprenable par les armées ennemies. Amsterdam avait échappé aux armées de Louis XIV ; Londres resta hors de portée de la Grande Armée de Napoléon. Quand la ville était conquise, c'était le signe infaillible qu'elle n'était plus le centre hégémonique. Amsterdam pris par les soldats de la Révolution française ; Londres bombardé par Hitler. New York fut le centre de l'économie-monde du XXe siècle. Pendant les deux guerres mondiales, l' Amérique était restée inviolée.

Les vainqueurs de la mondialisation n'ont plus de valeurs en commun avec les perdants
Le coup d'audace de Ben Laden a mis un terme à cette inviolabilité. New York n'était plus le centre de l'économie-monde, qui était passé sur le Pacifique, entre Los Angeles (les fameux Gafa) et la Chine (atelier du monde.)

Pour les Etats-Unis, ce basculement est historique. Le 11 Septembre a sonné la fin de l'hyperpuissance mais seul Obama l'avait compris. L'Amérique n'a subi depuis lors que des échecs: en Irak, en Afghanistan, où les talibans sont revenus, en Syrie, où la Russie lui a résisté. Même le tyran de Corée du Nord la nargue avec ses missiles nucléaires. La Chine devient partout son rival du XXIe siècle, économiquement et militairement. A l'intérieur de la nation-continent, ce basculement économique a des conséquences politiques: la Californie, soutenue par les médias bien-pensants de la côte Est, ne reconnaît pas la légitimité de l'élection de Donald Trump. Les vainqueurs de la mondialisation n'ont plus de valeurs en commun avec les perdants. La gauche radicale ramène la guerre raciale sur le devant de la scène. Le spectre de la désagrégation et de la guerre civile, prophétisé par Samuel Huntington dans Qui sommes-nous?, paraît soudain moins utopique. Le 11 septembre 2001, il n'y a pas que les deux tours du World Trade Center qui se sont effondrées.

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Attentat de Londres: le niveau d'alerte passe de «sévère» à «critique»



Mis à jour le 16/09/2017 à 10h26 | Publié le 15/09/2017 à 21h20


VIDÉO - La première ministre britannique, Theresa May, a décidé de relever le niveau d'alerte, signifiant que les services de sécurité considèrent qu'une attaque est hautement probable. Le groupe Etat islamique a revendiqué l'attaque de vendredi matin dans le métro londonien qui a fait une trentaine de blessés.

De notre correspondant à Londres

Le pire a sans doute été évité. La rame bondée de la District Line venant de Wimbledon à destination du centre de Londres, à l'heure de pointe, vendredi matin, venait d'entrer dans la station de Parsons Green, quand une détonation a retenti dans le dernier wagon. Les témoins évoquent une boule de feu traversant l'habitacle. Aussitôt, c'est la panique. Les passagers prennent la fuite dans cette station du Tube à ciel ouvert du sud-ouest de Londres, entraînant une vaste bousculade. Appelés à 8 h 20, les secours sont sur place en moins de cinq minutes. Au total, 29 blessés sont admis à l'hôpital - aucun dans un état grave - en majorité pour des brûlures au visage ou aux membres. Un périmètre de sécurité de 50 mètres autour de la gare est évacué par précaution.


Rapidement, la police retrouve un «engin explosif artisanal» assez rudimentaire abandonné sur le sol du wagon, visiblement pas endommagé. Des photos prises par des voyageurs montrent un large seau blanc en flammes dans un sac en plastique Lidl, dont sortent des câbles. Une odeur de produits chimiques a été ressentie. Selon les premières pistes, un minuteur n'aurait pas fonctionné et la bombe, destinée à faire un maximum de dégâts, n'a pas explosé comme prévu.


Ce qui pourrait expliquer la détonation dans cette station du quartier résidentiel de Fulham. «Si c'était une attaque terroriste, elle a visiblement raté», estimait Lauren, une passagère du wagon, interrogée par la BBC. «Ce n'est pas Oxford Street, ici, c'est Parsons Green, comme un village dans Londres, où il ne se passe rien», renchérissait son compagnon, Charlie. Un quartier prisé des familles d'expatriés français pour son école francophone.

« L'engin explosif était clairement destiné à faire beaucoup de mal »
Theresa May, première ministre britannique

Dans la soirée, l'État islamique a revendiqué l'attentat via l'agence de propagande Amaq, avant d' indiquer que «plusieurs charges explosives ont été posées dans le métro de Londres, dont une qui a fonctionné».


C'est une cinquième attaque terroriste mortelle cette année sur le sol britannique qui semble avoir été évitée de justesse, après celles de Westminster, London Bridge, Finsbury Park et Manchester, qui ont fait 36 morts.

«L'engin explosif était clairement destiné à faire beaucoup de mal», a confirmé la première ministre, Theresa May, à l'issue d'une réunion de crise des services de sécurité nationaux. Le dispositif d'alerte terroriste - «sévère» - a été relevé d'un cran, passant à «critique», signifiant qu'un nouvel attentatest hautement probable. La présence policière a été renforcée dans la capitale, en particulier dans les transports.

Le Royaume-Uni va également déployer des militaires sur certaines sites. Le maire de Londres, Sadiq Khan, a appelé les Londoniens à être «vigilants» tout en restant «calmes».

Le commandement antiterroriste de la Metropolitan Police a pris les rênes de l'enquête, avec l'appui du renseignement intérieur MI5. Un suspect aurait été identifié grâce aux caméras de surveillance du métro, selon Sky News. Vendredi soir, le patron de l'antiterrorisme britannique, Mark Rowley, a déclaré que l'enquêtait progressait bien. «Des centaines d'agents poursuivent plusieurs pistes d'enquête, en épluchant des heures d'enregistrement de vidéo-surveillance et en interrogeant les témoins», a-t-il expliqué. Le journal Birmingham Mail a par ailleurs annoncé vendredi l'arrestation dans l'après-midi d'un homme armé d'un couteau près d'une gare ferroviaire de Birmingham, dans le centre de l'Angleterre.

Donald Trump a soulevé une controverse en vilipendant sur Twitter, peu après les événements, des «terroristes ratés qui étaient dans la ligne de mire de Scotland Yard». Theresa May a critiqué des «spéculations inutiles».
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 16/09/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Femme enceinte tuée: un suspect interpellé (17.09.2017)



Mis à jour le 17/09/2017 à 15h31 | Publié le 17/09/2017 à 15h26


Un homme a été arrêté dimanche à Boucau (Pyrénées-Atlantique). Il est soupçonné du meurtre de la femme enceinte de huit mois retrouvée morte asphyxiée sur son lit, ligotée, nue et les yeux bandés, à Ustaritz, près de Bayonne.


Le suspect, sans domicile fixe, a été interpellé entre midi et 13 heures après une course-poursuite avec les gendarmes. Il a été placé en garde à vue. 

C'est le compagnon de la victime qui avait prévenu les secours mercredi soir lorsqu'il avait trouvé le corps nu et sans vie de la jeune femme de 23 ans dans l'appartement qu'elle occupait à Ustaritz, au Pays Basque.

L'autopsie pratiquée sur le corps de la victime a établi qu'elle avait été asphyxiée par le bâillon qu'elle avait dans la bouche. Elle a également mis en évidence des lésions traumatiques du visage, notamment une fracture du nez. Vendredi, l'autopsie n'avait pas encore déterminé si la victime avait subi des violences sexuelles.
Le procureur de la République de Bayonne tiendra une conférence de presse à 17h30.

Le multirécidiviste, le policier et l'«infra-djihadisme» (17.09.2017)



Mis à jour le 17/09/2017 à 20h53 | Publié le 17/09/2017 à 19h54


Un enquêteur de la ­sûreté urbaine du commissariat de Mantes-la-Jolie doit être jugé par le tribunal correctionnel de Versailles pour «violences par personne dépositaire de l'autorité».
C'est un rendez-vous judiciaire que suivent avec attention les policiers de Mantes-la-Jolie, des Yvelines et au-delà. Ce lundi, un enquêteur de la sûreté urbaine du commissariat de Mantes-la-Jolie doit être jugé par le tribunal correctionnel de Versailles pour «violences par personne dépositaire de l'autorité». Et les circonstances de l'affaire, qui illustrent les difficultés croissantes des forces de police et de gendarmerie face à ce qu'on pourrait baptiser «d'infra-djihadisme» au quotidien, émeuvent la base policière dans un département où deux fonctionnaires ont été assassinés par un islamiste radical le 13 juin 2016 à Magnanville.

Âgé de 41 ans et de nationalité algérienne, il a plus de soixante infractions relevées au fichier des antécédents judiciaires. La première infraction remonte à 1994 et la dernière à 2016.
Tout commence le 8 mars 2017 avec une garde à vue de routine. Le groupe flagrants délits de la brigade de sûreté urbaine en est à sa dix-septième depuis le début de la semaine. Le policier concerné, en présence d'un de ses collègues, commence l'interrogatoire d'un suspect visé par une plainte pour violences contre sa mère, qu'il est soupçonné d'avoir frappé pour lui soutirer une somme d'argent. L'homme est menotté, mains devant lui, en vertu des consignes données pour les individus particulièrement dangereux (l'article 803 du Code de procédure pénale prévoit que les menottes peuvent être utilisées si le suspect «est considéré comme dangereux pour autrui ou pour lui-même»). Âgé de 41 ans et de nationalité algérienne, il a en effet des antécédents: plus de soixante infractions relevées au fichier des antécédents judiciaires (vols à main armée, violences, outrages sur personne dépositaire de l'autorité publique, menaces de mort…). La première infraction remonte à 1994 et la dernière à 2016. Au total, l'homme a écopé d'une trentaine de condamnations pour 17 années de détention. Détail important, il n'est en revanche a priori pas connu pour une quelconque adhésion aux thèses de l'islam radical.

« Je suis un soldat de Daech, Daech va vous fumer… »
Le suspect

Ce 8 mars, il se montre très agressif dès le début de la garde à vue. Il refuse de répondre à l'enquêteur, qui continue toutefois à poser ses questions. Soudain, le suspect se lance dans une diatribe en arabe. Puis il passe au français pour menacer de mort le policier après un «Allah akbar» retentissant. Il affirme qu'il le suivra jusque chez lui, qu'il y mettra le temps qu'il faut, qu'il ne le ratera pas, qu'il l'égorgera… Les hurlements s'entendent dans les bureaux voisins. L'enquêteur décide de mettre un terme à l'audition et se lève. Selon le policier, témoignage corroboré par le collègue à ses côtés, le suspect se jette alors sur lui, ses mains menottées au niveau du visage de l'enquêteur dans l'intention manifeste de le frapper. Le policier lui décoche un coup de poing au visage. Avec l'aide de son collègue, il maîtrise l'homme à terre qui est ramené en cellule de garde à vue. Il hurle de plus belle: «Je suis un soldat de Daech, Daech va vous fumer…» avec menaces d'attentat à la clé.

Le policier-prévenu encourt, en théorie, plusieurs années de prison

Par la suite, deux autres policiers ne parviendront pas à l'entendre dans des conditions satisfaisantes, l'un d'eux devant le maîtriser. Dans les semaines qui suivent, l'homme écope de deux nouvelles condamnations: un an ferme pour les violences sur sa mère et deux ans ferme pour les menaces de mort et l'agression contre le policier. Après cette dernière condamnation, il lance au juge: «Dieu te jugera, Dieu te jugera, Dieu te jugera…» Pour sa part, le policier est donc poursuivi pour violences.
Dès après l'incident, il a en effet téléphoné à un substitut du procureur pour lui signifier qu'il voulait porter plainte. La magistrate a semblé surprise, pensant visiblement à un cas de violence policière, et demandé immédiatement une expertise sur le suspect (un médecin notera des «excoriations» à la main avec un jour d'ITT). L'enquêteur, visé par un blâme en 2016 dans une autre affaire, a ensuite appris qu'il était visé par une enquête pour violences. En arrêt maladie, soutenu par sa hiérarchie et ses collègues, dont plus d'une trentaine ont pris la plume pour décrire les faits et prendre sa défense, l'enquêteur, défendu par Me Laurent-Franck Liénard, attend d'être fixé sur son sort. Il a refusé de payer une amende de 1000 euros et demandé à être jugé. Reporté une première fois le 19 juin, le procès est donc prévu ce lundi. Le policier-prévenu encourt, en théorie, plusieurs années de prison et des dizaines de milliers d'euros d'amende.

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Bagdad menace de recourir à la force contre les Kurdes (17.09.2017)



Mis à jour le 17/09/2017 à 21h14 | Publié le 17/09/2017 à 20h34


Le pouvoir irakien veut empêcher la tenue d'un référendum sur l'indépendance dans les trois provinces autonomes kurdes.

À peine la menace djihadiste recule-t-elle en Irak qu'un autre danger affleure: lundi prochain, les Kurdes des trois provinces autonomes du nord du pays ont prévu de tenir un référendum sur leur indépendance. La plupart de leurs leaders répètent qu'ils n'ont pas «d'autre choix» pour garantir les droits des Kurdes - entre 15 et 20 % de la population irakienne -, durement réprimés par le régime de Saddam Hussein, jusqu'à sa chute en 2003. Même s'il ne s'agit que d'une étape en vue d'une lointaine indépendance, la consultation menace l'unité d'un pays déjà fragmenté.

Conforté par l'opposition de la communauté internationale à ce référendum, le gouvernement central de Bagdad est vent debout et se fait menaçant. «Quand j'ai parlé aux ambassadeurs européens de cette question, affirme au Figaro Hadi al-Ameri, le tout-puissant chef de la Mobilisation populaire, qui participe à la guerre contre Daech, je leur ai dit que si on ne peut pas empêcher Massoud Barzani (le président du Parlement autonome kurde, NDLR) de tenir le référendum, la confrontation sera certaine. On ne pourra pas éviter la guerre.»

Alors que le Parlement kurde - qui ne s'était pas réuni depuis deux ans - a ratifié le référendum (par 65 voix sur 68 présents, 43 députés étant absents), le Parlement central à Bagdad l'a rejeté, son président, Salem Jabouri, demandant au premier ministre Haidar al-Abadi de «prendre toutes les mesures pour protéger l'unité de l'Irak». Samedi, al-Abadi, à son tour, a froncé les sourcils, déclarant que «si la population irakienne était menacée par l'usage de la force en dehors de la loi, nous interviendrons militairement» contre les Kurdes.

«Les Kurdes agissent en contradiction avec la Constitution irakienne»
Hadi al-Ameri, ancien chef de la milice chiite Badr

Ces derniers prévoient de tenir la consultation dans leurs trois provinces autonomes, mais aussi à la périphérie de celles-ci dans des «zones disputées» avec Bagdad que les Kurdes contrôlent, depuis le blanc-seing donné par les Américains en 2003. Et c'est là que réside le principal danger de confrontation, notamment dans la riche province pétrolière de Kirkouk, que les Kurdes ont encore conquise lors de l'avancée de Daech en juin 2014, sans laquelle leur rêve d'indépendance n'est pas viable. «Tenir le référendum dans les zones disputées est particulièrement provocateur et déstabilisant», a averti vendredi la Maison-Blanche, qui appelle Massoud Barzani à renoncer au référendum et à entrer en négociations avec Bagdad. «Un référendum à Kirkouk et dans toutes les zones disputées est une ligne rouge», gronde Hadi al-Ameri. Selon l'ancien chef de la milice chiite Badr, entraînée et formée en Iran jusqu'à la chute de Saddam Hussein, «les Kurdes agissent en contradiction avec la Constitution irakienne. Les habitants des zones disputées sont désarmés. Des Turkmènes, des Yazidis, des Arabes et des Shabaks refusent le référendum.»

Éviter que la guerre des mots ne dégénère en affrontements

La semaine dernière, le Parlement irakien a démis de ses fonctions le gouverneur kurde de Kirkouk, qui a rejeté cette décision. Le danger de confrontation est accru par la présence dans ces zones, non loin des combattants kurdes, de miliciens chiites déployés à la faveur de la guerre contre Daech. Massoud Barzani exige, depuis des mois, leur départ. «Pas question», répond Hadi al-Ameri, arguant que le combat antidjihadiste n'est pas terminé. «Face à la décision prise par Barzani de déployer les pechmergas dans ces zones, le gouvernement irakien entrera en confrontation avec les Kurdes, c'est inévitable», prévient Hadi al-Ameri.

La province de tous les dangers

Pour éviter que la guerre des mots ne dégénère en affrontements, Américains, Britanniques, Français, mais aussi Iraniens et Turcs ont multiplié les pressions sur Barzani. Pour Washington, l'initiative kurde remet en cause la guerre, bien avancée contre Daech, après les victoires à Mossoul et Tal Afar, alors que le prochain front sera précisément dans cette province disputée de Kirkouk, à Hawija, à 70 km plus à l'est. Mais alors que les forces irakiennes ont pris position non loin de Hawija, al-Abadi a d'ores et déjà demandé aux Kurdes de ne pas s'en approcher. En riposte, des renforts de pechmergas se seraient déployés dans d'autres secteurs de cette province de tous les dangers.

De leur côté, les voisins turcs et iraniens des Kurdes redoutent que ce référendum attise les appétits séparatistes de leurs propres minorités kurdes. Téhéran dispose de relais au sein des Kurdes irakiens, divisés sur cette initiative jugée dangereuse par certains, compte tenu de leur isolement. «Les Kurdes vont quand même trop loin», regrette Hamid, un Irakien.

Le premier ministre espère encore que le dialogue évitera la confrontation avec Massoud Barzani, qui compte utiliser le oui attendu au référendum pour consolider sa position dans des négociations avec Bagdad sur un divorce. Mais Haidar al-Abadi est sous pression. «Jusqu'à maintenant, nous avons réfréné la Mobilisation populaire d'attaquer, mais ça ne durera pas toujours», aurait confié l'Iranien Qassem Soulaimani, tout-puissant patron de la Force al-Qods, à un responsable kurde irakien.

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Pyrénées-Atlantiques : un SDF, soupçonné d'avoir tué une femme enceinte, interpellé (17.09.2017)


Par Le figaro.fr 

Mis à jour le 17/09/2017 à 20h32 | Publié le 17/09/2017 à 17h23


La jeune femme de 23 ans a été retrouvée morte asphyxiée mercredi soir sur son lit, ligotée, nue et les yeux bandés, à Ustaritz, près de Bayonne.

Un homme, soupçonné d'avoir tué une femme enceinte près de Bayonne, a été interpellé ce dimanche, en début d'après-midi, après une course poursuite avec les gendarmes. Alors qu'il se trouvait à bord d'un véhicule utilitaire volé, il a fini sa course en s'encastrant dans un garage, rapporte France bleu. Identifié grâce à son ADN relevé sur la scène de crime, ce sans domicile fixe de 38 ans a été placé en garde à vue. Selon le procureur de Bayonne, qui a donné une conférence de presse ce dimanche, le suspect avait des antécédents psychiatriques et était connu des services de police. Sa dernière condamnation remonte au mois d'août dernier, à 3 mois de prison avec sursis et une obligation de soins psychiatriques pour des faits de vols et dégradations. Originaire de Haute-Savoie et vivant à Bayonne depuis huit ans, il n'avait a priori aucun lien avec les proches de la victime.

Le corps de Mélodie, 23 ans, a été retrouvé mercredi soir à Ustaritz, au Pays basque. C'est son compagnon, candidat de télé-réalité, qui a fait la macabre découverte et prévenu les secours vers 22h30. La jeune femme, enceinte de huit mois, gisait nue sur le lit de la chambre à coucher, les poignets et chevilles ligotés, les yeux bandés et bâillonnée avec des torchons. Dès jeudi, le procureur de la République a évoqué un «acte criminel particulièrement violent». Elle se trouvait dans un appartement qui appartient à sa mère, absente au moment des faits.

Selon les premiers éléments de l'enquête, aucune trace d'effraction ou «vitre brisée» n'a été retrouvée sur les lieux du crime. En revanche, les enquêteurs ont relevé plusieurs marques de coups sur le visage de la victime, notamment une fracture du nez. L'autopsie a établi qu'elle avait été asphyxiée par le bâillon qu'elle avait dans la bouche, a précisé le parquet vendredi. Dimanche soir, le procureur de Bayonne a annoncé que la victime avait «été violée». Le suspect n'avait néanmoins «aucun antécédent en matière sexuelle», a-t-il précisé. Il a par ailleurs annoncé que «des objets avaient disparu au domicile de la victime».

Son compagnon sous le choc

Une enquête de flagrance a été ouverte sur cet «acte criminel particulièrement violent sur une personne vulnérable», car à un stade avancée de sa grossesse, a indiqué le parquet. Au total, une cinquantaine de gendarmes travaillent sur cette affaire, selon le colonel Laurent Lesaffre, de la Section de Recherches de la gendarmerie de Pau.

La jeune femme, originaire de Béziers, était élève infirmière à Bordeaux et avait décidé de venir à Ustaritz pour y passer les dernières semaines de sa grossesse avec sa mère. Son compagnon, intermittent du spectacle et par ailleurs étudiant en sophrologie à Bordeaux, ne résidait pas avec elle à Ustaritz, a indiqué le procureur de la République de Bayonne, Samuel Vuelta Simon. Choqué, il avait été pris en charge par le Samu après la découverte du crime.

Une information judiciaire devrait être ouverte à l'issue de la garde à vue du suspect.

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Farhad Khosrokhavar : « Des femmes djihadistes bientôt renvoyées en France »


Mis à jour le 17/09/2017 à 18h39 | Publié le 17/09/2017 à 18h14


INTERVIEW - Pour ce spécialiste de la radicalisation, ces Européennes, souvent très jeunes, qui ont rejoint Daech, adhèrent largement à son idéologie mortifère.

Elles sont environ 500 femmes sur 5000 Européens à avoir rejoint Daech. Pourquoi un tel phénomène? Farhad Khosrokhavar, sociologue franco-iranien, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales et spécialiste de la radicalisation, vient d'écrire avec Fethi Benslama, psychanalyste et membre de l'Académie tunisienne, un ouvrage intitulé Le Djihadisme des femmes. Pourquoi ont-elles choisi Daech? (Seuil, 14 septembre 2017).

LE FIGARO. - Comment expliquer la présence de femmes au sein de Daech?

Farhad KHOSROKHAVAR. - Al-Qaida privilégiait les hommes majeurs et sans problèmes mentaux. Daech s'est montré moins regardant. Dès le début, le mouvement a embauché toutes les catégories sociales, psychopathes compris, et aussi des femmes, plutôt jeunes, susceptibles de mettre au monde des «lionceaux». Le nombre d'adolescentes peut représenter jusqu'à 20 % des recrues de Daech dans certains pays européens.

«Certaines affirment avoir été violentées dans leur enfance par un homme de la famille. S'il y a là une part de vérité, il semble qu'il y ait aussi beaucoup d'imaginaire»
Farhad Khosrokhavar

Quels sont les profils psychologiques de ces femmes?

Certaines affirment avoir été violentées dans leur enfance par un homme de la famille. S'il y a là une part de vérité, il semble qu'il y ait aussi beaucoup d'imaginaire. D'autres souffrent de cet entre-deux que représente l'adolescence. Cette période, qui durait quatre à cinq ans auparavant, s'étend désormais sur quinze à vingt ans. Celle-ci est souvent synonyme de manque d'autonomie, lié à l'absence de travail, sur fond d'éclatement familial. En rejoignant Daech, les jeunes femmes - dont des converties - vont pouvoir vite se marier et avoir un enfant. Cette expatriation est une sorte de rite de passage à la vie adulte. Une manière d'occulter un malaise, un traumatisme, pour une bonne partie d'entre elles. Un tiers environ a des problèmes d'ordre mental. Les autres sont animées d'une volonté d'affirmation de soi.

En quoi les motivations des femmes se différencient-elles de celles des hommes?

Les filles, souvent bonnes élèves, sont en quête d'altérité dans un monde nouveau. Elles intègrent une structure patriarcale forte avec des maris successifs qui meurent en «martyrs» et des enfants promis eux aussi au combat. En quelque sorte, une famille sacralisée qui perpétue l'oumma, la communauté arabe. Chez les hommes, souvent déscolarisés, il y a l'affirmation d'une virilité qui n'a pas l'occasion de s'exercer dans la société moderne. Là-bas, ils deviennent des chevaliers de la foi, des héros qui roulent en 4 × 4, portant mitraillette en bandoulière et Ray-Ban.

«L'idéologie de Daech se veut un contre-pied à tous les idéaux de Mai 68 que sont l'occultation de la violence et de la mort, la promulgation d'une société ouverte et antipatriarcale»
Farhad Khosrokhavar

En Occident, cette recherche d'une société patriarcale explique-t-elle le port du voile?

Le port du voile ne doit pas être réduit à une soumission à l'homme. Il y a aussi une ultime provocation envers une société sécularisée. En France, la plupart des femmes - notamment des converties - qui portent la burqa l'ont fait depuis la promulgation de la loi interdisant le voile intégral dans les lieux publics.

Le rejet de notre mode de vie occidental suffit-il à comprendre l'idéologie mortifère de Daech?

L'idéologie de Daech se veut un contre-pied à tous les idéaux de Mai 68 que sont l'occultation de la violence et de la mort, la promulgation d'une société ouverte et antipatriarcale. Elle est aussi une façon de cristalliser la haine de soi… et du coup des autres.

Pourquoi associer violence et religion?

Le besoin de sacré est toujours présent dans nos sociétés. Mais plus personne ne propose le paradis sur terre. Tant le christianisme depuis le XVIIe siècle que les utopies de nos sociétés contemporaines que sont la République, les socialisme, communisme ou nationalisme. La force de Daech est d'avoir eu l'idée de proposer une version mythifiée de la religion. Le paradoxe est que des femmes et des hommes puissent y croire. La «chance» de Daech est d'avoir bénéficié de la conjugaison de ceux, en Occident, qui recherchent une nouvelle sacralité et de ceux, en Orient, qui veulent en découdre avec l'impérialisme occidental.

«L'islamisme est une machine à tuer. Il tue à 95 % dans le monde musulman et relativement peu en Occident »
Farhad Khosrokhavar

Comment la société occidentale peut-elle réagir?

L'islamisme est une machine à tuer. Il tue à 95 % dans le monde musulman et relativement peu en Occident. Chez nous, s'il ne remet pas en cause le système politique et économique, il touche aux fondements symboliques du «vivre ensemble». Il instille une forme de violence, revendiquée au nom d'une sacralité religieuse. Ce retour de sacralité déstabilise énormément la population.

Que deviennent les femmes djihadistes?

Environ 5 % d'entre elles rejoignent la brigade al-Khamsa, où elles apprennent à manier les armes. Les autres, visiblement déçues, cherchent à partir. Mais elles sont souvent violentées ou périssent dans des bombardements. Certaines, récupérées actuellement par les Kurdes, vont être renvoyées en France.

Peut-on encore parler de déradicalisation?

Même l'Angleterre, qui travaille depuis 2007 sur un système de déradicalisation, enregistre des résultats contrastés. Les cas des repentis, qui doivent apprendre à se réinsérer, et des endurcis, rejoindre la prison, sont relativement simples. Reste les indécis, qu'il faut entourer de psychologues, sociologues, imams modérés… Il faut tâcher de les convaincre de l'impasse de la violence. Il nous reste à inventer des formes de cure pour y arriver.

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Philippe d'Iribarne : «Penser l'islam, l'héritage des Lumières face à une contradiction»


Publié le 17/09/2017 à 18h34


TRIBUNE - Lorsqu'il s'agit d'appréhender l'islam, le principe d'égalité et le principe de libre examen, marques de la civilisation européenne, entrent en conflit, argumente le sociologue*.
Pourquoi les Français, comme les Européens dans leur ensemble, ont-ils une opinion aussi négative de l'islam? Est-ce l'islam lui-même qui fait problème? Ou plutôt les mauvais sentiments d'une société raciste? Le débat n'est pas près de se clore. C'est qu'il est nourri par une opposition radicale entre deux manières de regarder l'islam, associées à deux cadres de pensée - solidement ancrés l'un et l'autre dans les idéaux des Lumières. Le premier de ces cadres de pensée privilégie l'exigence d'égalité et le second le libre examen.

Égalité des religions, égalité des droits entre leurs fidèles, refus de toute attitude discriminatoire qui conduirait, sous quelque prétexte que ce soit, à traiter différemment les uns des autres, l'idéal politique des Lumières l'exige.Citoyens, égaux à tout autre citoyen, les musulmans ont droit, comme chacun, à voir leur religion pleinement respectée. Dans cette perspective, prêter attention à ce qui fait de l'islam une réalité sociale singulière, marquée par des manières spécifiques d'être et d'agir, n'est pas acceptable. En effet, une telle attention conduit inévitablement à un désir de traiter de manière également spécifique, donc discriminatoire, ce que l'on scrute ainsi.

L'hétérogénéité du monde musulman

L'absence de liberté de conscience dans les pays où l'islam règne en maître, le statut problématique des femmes, l'association fondatrice entre l'islam et la guerre, les imprécations du Coran contre les infidèles, l'idéal de libre examen des Lumières exige cependant d'y prêter attention, aussi nobles que soient les raisons que l'on puisse invoquer pour s'en dispenser. Cet idéal implique d'être lucide sur l'existence d'une menace envers nos sociétés démocratiques et d'éviter de baisser la garde, serait-ce au nom de l'égalité.

Comment faire, si c'est l'égalité que l'on révère, pour se dispenser de regarder la réalité en face? L'imagination n'a pas manqué. Le moyen le plus expédient, sans doute, est de construire un mur face aux réalités gênantes en disqualifiant ceux qui les évoquent. La logique sous-jacente est simple: ceux qui mettent en avant des éléments peu favorables à l'islam montrent par ce fait même qu'ils sont animés de mauvais sentiments à son égard, c'est-à-dire «islamophobes».

Pour traiter la question du voile islamique à l'école, la loi a déclaré viser les ‘signes religieux' toutes religions confondues, en taisant le fait que c'est l'islam qui était réellement visé

Étrangers donc à l'idéal d'égalité, ils n'ont pas droit au chapitre dans une société démocratique, ce qui interdit de prêter attention à ce dont ils font état. Un autre moyen consiste à mettre l'accent sur l'hétérogénéité du monde musulman pour détourner l'attention de ce qui fait son unité, ce qui permet de déclarer que «l'islam n'existe pas» comme entité ayant quelque consistance, donc qu'en parler n'a pas de sens. On peut encore affirmer que ce qui, telle l'absence de liberté de conscience, inquiète relève de purs choix politiques qui n'ont «rien à voir avec l'islam», que c'est un pur effet du hasard si on le retrouve dans l'ensemble des pays musulmans. Des citations tronquées du Coran à destination de ceux qui ne l'ont jamais lu peuvent également servir.

Réciproquement, quand c'est le libre examen que l'on privilégie et que, du coup, on entend lutter contre l'emprise de l'islam sur la société, comment se mettre à l'abri des exigences de l'idéal d'égalité? Là encore, l'imagination n'a pas manqué pour se mettre formellement en règle. On peut faire semblant d'agir envers les religions en général quand c'est en fait le seul islam qui est visé. Ainsi, pour traiter la question du voile islamique à l'école, la loi a déclaré viser les «signes religieux», toutes religions confondues, en taisant le fait que c'est l'islam qui était réellement visé. Plus largement, maint aspect de ce qui est présenté comme une défense de la laïcité, comme ce qui touche à la tenue des mères dans les sorties scolaires, a en fait l'islam pour cible. Ou encore, quand il s'est agi d'interdire la burqa, la loi n'a fait aucune référence à l'islam, même si c'était bien celui-ci seul qui était visé. Il n'a été question que de «dissimulation du visage dans l'espace public». Il est parfois fait appel, avec plus ou moins de succès, comme cela a été le cas dans l'affaire du burkini, à la notion générale de «trouble de l'ordre public». La référence aux traditions culturelles peut aussi faire l'affaire pour résister à l'islamisation de la société, en réservant un traitement particulier à l'islam, comme c'est le cas pour autoriser la sonnerie des cloches et refuser l'appel du muezzin.

Un avenir plus raisonnable

Est-on condamné à vivre ainsi indéfiniment de faux-semblants frustrants pour tous, l'idéal d'égalité comme celui de libre examen étant tous deux constamment bafoués? Dans l'immédiat, le droit y pousse, avec l'ensemble des institutions qui s'y rattachent, jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme. Le droit ne veut connaître que l'égalité des religions et ne veut rien savoir des spécificités de l'islam. Il ignore superbement tout ce qui contribue à la construction d'une contre-société islamique, terreau d'entreprises politiques: pression sociale qui, à coup d'intimidations, incite les «musulmans» à s'y rallier ; pression sur les enseignants pour qu'ils «respectent l'islam», c'est-à-dire sa vision du monde ; pressions sur les entreprises. Quand il s'agit de combattre l'emprise de l'islam, le droit oblige à ruser en faisant semblant de ne pas le viser spécifiquement. À court terme, on ne voit pas comment mieux faire. Mais on peut tenter de préparer un avenir plus raisonnable.

Les affrontements au sein des pays musulmans entre les partisans et les adversaires d'évolutions démocratiques sont, en la matière, riches d'enseignements

Un point central est sans doute qu'il faut réfléchir plus avant sur la notion de «religion». Le mot a-t-il vraiment le même sens quand on évoque l'égalité des «religions» et quand on qualifie l'islam de «religion»? Il faudra bien finir par prendre en compte la dimension sociale et politique de l'islam, tout ce par quoi il ne s'agit pas seulement pour lui de convertir les cœurs mais de contraindre les corps. Il faudra bien distinguer, dans ses manifestations, ce qui relève réellement de l'expression de la liberté de conscience ou, au contraire, d'un projet politique conquérant. Les affrontements au sein des pays musulmans entre les partisans et les adversaires d'évolutions démocratiques sont, en la matière, riches d'enseignements. Ainsi, la «tenue islamique» s'y montre un enjeu politique, imposée par les adversaires de la démocratie, rejetée par ses défenseurs. Dans ces conditions ne serait-il pas raisonnable d'y voir un signe politique, un étendard, à juger dans ce registre et non dans celui de la liberté de religion? Plus largement, toute une démarche de discernement est nécessaire.

Il est douloureux, sans doute, de constater qu'il n'existe pas d'harmonie préétablie, au sein des Lumières, entre l'idéal d'égalité et celui de libre examen. Mais où est donc leur cœur? Peut-on vraiment invoquer les Lumières pour refuser de regarder la réalité?

*Ancien élève de l'École polytechnique. Directeur de recherche au CNRS, Philippe d'Iribarne est l'auteur de plusieurs ouvrages devenus des classiques, tels La Logique de l'honneur. Gestion des entreprises et traditions nationales (1989) et L'Étrangeté française (2006). Dernier livre paru: Chrétien et moderne (Gallimard, 2016).

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Nicolas Baverez : «Après Irma, tirons des leçons pour la sécurité nationale» (17.09.2017)


Publié le 17/09/2017 à 21h31


ANALYSE - Les risques auxquels sont confrontés la France et les Français ne vont cesser de croître. La réaction tardive ainsi que le manque d'anticipation des pouvoirs publics pour la tempête qui a dévasté Saint-Martin ne laissent rien présager de bon.

L'ouragan Irma marque un tournant dans l'histoire des cyclones par sa violence comme par ses dommages. Des vents de 396 km/h ont été enregistrés qui rendent caduque l'échelle de mesure Saffir-Simpson dont le niveau maximum de 5 reposait sur des vitesses comprises entre 250 et un peu plus de 300 km/h. Le taux de destruction de 95 % des bâtiments et des activités à Saint-Martin n'a que très peu de précédents. Enfin, la simultanéité avec l'ouragan Harvey qui a dévasté le Texas témoigne du changement de nature et d'intensité des catastrophes naturelles.

La violence extrême de la tempête ne suffit cependant pas à expliquer la faillite des pouvoirs publics français. Car le cataclysme était parfaitement prévu dans sa trajectoire comme dans sa nature hors norme. Mais rien n'a été fait pour l'anticiper en pré-positionnant eau potable, groupes électrogènes, moyens du génie et forces de sécurité - alors même que la Légion étrangère est implantée en Guyane. Pis, la réaction n'est intervenue qu'avec un retard de près de 48 heures, dans une improvisation totale dont témoigne le recours au centre de crise du Quai d'Orsay pour gérer une situation d'urgence sur le territoire national, faute pour le ministère de l'Intérieur de pouvoir traiter les appels. Enfin, une nouvelle fois a été mise en lumière la pénurie tragique de moyens aériens qui compromet l'action des armées comme des forces de sécurité intérieure.

L'incurie des pouvoirs publics français

La défaillance des autorités françaises est soulignée par l'action des autres pays développés. La partie néerlandaise de Saint-Martin a vu la situation humanitaire maîtrisée et n'a pas connu de pillages en raison du déploiement avant l'ouragan des troupes de marine et du stockage de biens de première nécessité. En Floride, les leçons de Katrina ont été tirées avec l'évacuation de 6,5 millions de personnes et la surveillance stricte de leurs habitations par la police et la garde nationale, ce qui a limité les pertes humaines et interdit tout vol.

On peut aussi se rassurer à bon compte en saluant la mobilisation et l'héroïsme réels de nombre d'agents publics

La tentation est forte, face à l'incurie des pouvoirs publics français, de mettre en cause l'inexpérience des dirigeants et leur méconnaissance de l'État régalien. De fait, l'alerte n'a été lancée que par Jean-Yves Le Drian, qui est le seul membre du gouvernement à maîtriser la gestion de crise. On peut aussi se rassurer à bon compte en saluant la mobilisation et l'héroïsme réels de nombre d'agents publics qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes et fait preuve d'une ingéniosité stupéfiante pour suppléer l'absence de stratégie et d'organisation de l'État.

Le problème fondamental ne réside ni dans la légèreté des gouvernants, ni dans l'insuffisance des moyens publics. Il provient de l'archaïsme des structures, de l'organisation et de la culture du ministère de l'Intérieur, qui est devenu, comme il a été mis en évidence depuis les attentats de 2015, le maillon faible de la sécurité du territoire. Au nom de la proximité et de la réactivité, il refuse toute forme de programmation et de planification, ce qui le condamne à subir les événements au lieu de les anticiper. Au nom de l'absolue priorité donnée aux moyens humains, les dépenses de fonctionnement générées par les quelque 150.000 policiers et 100.000 gendarmes atteignent 17,5 milliards d'euros et cannibalisent le budget d'investissement limité à 450 millions d'euros. Au nom du monopole des forces de police en matière de sécurité du territoire, la coopération avec les armées comme avec les entreprises spécialisées dans le secteur demeure lacunaire.

Une cible privilégiée

Le déni doit cesser. Les risques auxquels sont confrontés la France et les Français ne vont cesser de croître en fréquence, en intensité et en diversité: terrorisme, attaques cybernétiques, catastrophes naturelles (épisodes cycloniques, inondations, sécheresse), pandémies. La France est une cible privilégiée pour les groupes djihadistes comme pour les «démocratures» hostiles aux démocraties et à l'Europe, notamment dans la perspective d'événements comme les Jeux olympiques de 2024. Les calamités se multiplient et pourraient prendre un tour catastrophique en cas de séisme à Nice, où la majorité des bâtiments publics ne bénéficient d'aucune protection antisismique.

La sécurité du territoire et des Français doit redevenir une priorité de premier rang. Elle passe par la reconfiguration de l'État autour de sa fonction de gestion des risques. La prévention et la résilience aux chocs ont vocation à former le cœur des politiques publiques. Une modernisation radicale du ministère de l'Intérieur mérite d'être engagée autour de la création d'un centre permanent de commandement dont les missions seront d'anticiper les risques, de planifier et de coordonner les opérations sur le territoire national. Enfin, à l'inverse des coupes budgétaires dévastatrices de l'été, il faut réinvestir dans l'État régalien.

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