Norvège : la coalition
des conservateurs et des populistes prête à rempiler (10.09.2017)
Par Frédéric
Faux
Mis à jour le 10/09/2017 à 18h33 | Publié le 10/09/2017 à 17h32
Travaillistes et écologistes
veulent faire chuter lundi aux législatives l'alliance gouvernementale
sortante.
À Stockholm
Elle est devenue l'une des
figures politiques les plus controversées en Norvège, la «Donald Trump» du Grand
Nord. Sylvi
Listhaug, ministre de l'Immigration issue du Parti du progrès, a dû
être recadrée par son chef de gouvernement, la première ministre, Erna Solberg,
quand elle a déclaré récemment que les demandeurs d'asile arrivant en Norvège,
ou ceux qui sont déboutés, «devaient être détenus dans des centres fermés
jusqu'à ce que leur identité soit confirmée». Auparavant, elle soufflait sur
les mêmes braises en glissant que dans son pays, «on mange du porc, on boit de
l'alcool, et on dévoile son visage. Vous devez souscrire à ces valeurs et à ces
lois norvégiennes quand vous venez ici». Des phrases chocs, destinées à
provoquer l'establishment, mais auxquelles les cinq millions d'habitants du
paisible royaume scandinave ont dû s'habituer. La Norvège est en effet l'un des
très rares pays européens où la droite conservatrice a fait une alliance avec
des populistes, le Parti du progrès, et où cette expérience est allée jusqu'à
son terme, les élections législatives se tenant ce lundi.
«Le Parti du progrès montre
qu'il peut gouverner, mais en même temps il maintient ce discours populiste,
anti-establishment, comme s'il était resté un outsider»
Johannes Bergh, politologue à
l'Institut de recherche sociale d'Oslo
Le Parti du progrès n'a pas les
mêmes racines que le Front national. Né en 1977 d'une fronde anti-impôts, il a
pris cependant un virage xénophobe sous la houlette de son chef historique,
Carl Hagen. Extrême droite ou parti populiste? Johannes Bergh, politologue à
l'Institut de recherche sociale d'Oslo, préfère le deuxième terme: «Le Parti du
progrès a tout fait pour devenir un partenaire acceptable. Il a fait l'effort,
au fil des années, d'exclure les éléments les plus extrémistes. Il a adouci son
discours. Il a préparé ses cadres à l'exercice des responsabilités. Et surtout
il a mis à profit la démission du sulfureux Carl Hagen, le leader historique,
pour mettre à sa tête une femme, Siv Jensen, beaucoup plus présentable. Le
Parti conservateur a accepté l'alliance pour toutes ces raisons, et aussi parce
que c'était pour lui le seul moyen d'avoir une majorité et de retourner au pouvoir.»
Sur l'immigration, le Parti du
progrès semble bien avoir tenu sa promesse: faire de la Norvège le pays ayant
«la plus stricte politique d'asile en Europe». Seuls 3 525 demandeurs
d'asile sont arrivés en Norvège en 2016, soit l'équivalent de 0,07 % de sa
population, et la plupart n'ont aucune chance de voir leur dossier accepté.
Concernant les Afghans, le taux de refus grimpe même jusqu'à 97 %. Mais le
Parti du progrès influence aussi la politique norvégienne par d'autres biais.
Siv Jensen détient le portefeuille des Finances, et un autre de ses cadres est
aux Transports. Celui-ci milite notamment pour le démantèlement des péages
d'autoroute ou une utilisation plus massive du fameux fonds souverain
norvégien, une cagnotte alimentée par les revenus du gaz et du pétrole, qui est
en passe d'atteindre les 1.000 milliards de dollars. Il tire aussi bénéfice des
performances économiques de la Norvège, qui affiche aujourd'hui une croissance
robuste et un taux de chômage qui est tombé à 4,3 %. Une participation au
gouvernement complètement assumée qui ne semble pas lui porter préjudice au
niveau électoral: «Le Parti du progrès à l'habileté de véhiculer deux images en
même temps, poursuit Johannes Bergh. Il montre qu'il peut gouverner, mais en
même temps il maintient ce discours populiste, anti-establishment, comme s'il
était resté un outsider… Ça lui a permis, si l'on en croit les sondages, de
garder ses électeurs.»
Le système électoral
norvégien, presque intégralement proportionnel, favorise les petits partis
Lors d'un débat télévisé le
29 août, Jonas Gahr Store, chef du Parti travailliste (gauche), déplorait
que «Erna Solberg (soit) l'une des rares, peut-être la seule leader de droite,
qui ait amené un parti d'extrême-droite au gouvernement. Cela a affecté le ton
de notre société ; cela a changé la Norvège». Les travaillistes, qui
menaient dans les sondages, ont vu leur avance fondre au soleil de l'été. Leur
proposition de mettre fin aux cadeaux fiscaux et d'augmenter les dépenses
sociales séduiront-elles les Norvégiens? Les conservateurs, qui promettent une
poursuite modérée des baisses d'impôts, garderont-ils le pouvoir? Avec le Parti
du progrès? Le système électoral norvégien, presque intégralement
proportionnel, favorise les petits partis qui pourraient mettre en avant leur
propre agenda - remise en cause des liens avec l'Union européenne, interdiction
de la prospection pétrolière dans le Grand Nord - pour faire basculer le
gouvernement à droite ou à gauche. Face à des enquêtes d'opinion aux résultats
inhabituellement resserrés, les politologues norvégiens restent prudents : ils
ont prévu une dizaine de scénarios différents.
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