Le Japon est-il en train de redevenir
une puissance militaire ? (11.03.2018)
Cannabis : la nouvelle ruée vers
l'or en Californie (11.03.2018)
Le coût exorbitant du Brexit pour les
entreprises (11.03.2018)
Dans l'œil de Mossoul : le blogueur
qui a défié Daech (12.03.2018)
Syrie : la France et les États-Unis
réclament à Moscou de mettre fin «au bain de sang» (12.03.2018)
Slovaquie : démission du ministre de l'Intérieur après l'assassinat d'un journaliste (09.03.2017)
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l'Inde dans le fief de Modi (12.03.2018)
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Que pèse réellement l’extrême droite en Europe ?
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Le Japon
est-il en train de redevenir une puissance militaire ? (11.03.2018)
INFOGRAPHIE - Face aux tensions régionales, le Japon accroît
ses capacités militaires. Pas question toutefois pour Tokyo de s'affranchir de
son alliance stratégique avec les États-Unis.
Envoyé spécial à Tokyo et Okinawa
Alors que la
menace balistique et nucléaire nord-coréenne n'a jamais été aussi
élevée et que le Japon redoute l'«expansionnisme» chinois, Tokyo s'est doté en
2018, sous la houlette du premier ministre, Shinzo Abe, d'un budget
militaire sans précédent. En hausse pour la sixième année consécutive,
il atteint 39 milliards d'euros.
• Comment les menaces sont-elles perçues?
«Notre situation sécuritaire n'a jamais été aussi sérieuse
depuis la Seconde Guerre mondiale», estime Ryosei Kokobun, le président de
l'Académie de défense nationale où les militaires des Forces
d'autodéfense (FAD) terrestres, aériennes et de la marine reçoivent leur
formation initiale. Le développement du programme nucléaire de la Corée du Nord
et ses tirs balistiques viennent en tête des préoccupations sécuritaires de
l'archipel nippon. «La situation a beaucoup évolué ces mois», constate une
bonne source à Tokyo. «Même s'il y a des doutes à ce stade sur la capacité des
Nord-Coréens à “vectoriser” une bombe nucléaire, la menace est devenue beaucoup
plus concrète», ajoute ce spécialiste.
«Le Japon ne voit pas de solution militaire mais ne
l'écarte pas, pour crédibiliser sa stratégie de pression»
Une bonne source occidentale
L'an dernier, le régime de Pyongyang a procédé à un test
nucléaire (le sixième depuis 2006) et à 16
tirs de missiles balistiques. Leur portée s'est progressivement accrue,
la Corée du Nord affirmant pouvoir frapper le territoire américain. «Nous
sommes en première ligne», constate Takaaki Mizuno, professeur de relations
internationales à l'université Kanda. Convaincu que la Corée du Nord de Kim
Jong-un ne renoncera pas à l'arme atomique, le gouvernement nippon prône une
«pression maximale» sur l'inquiétant voisin. «Une reprise du dialogue ne
réglera pas le problème», juge une bonne source, dubitative de la trêve des
Jeux olympiques. Dans le même temps, les Japonais craignent d'être les victimes
collatérales d'une éventuelle frappe préventive américaine. «Le Japon ne voit
pas de solution militaire mais ne l'écarte pas, pour crédibiliser sa stratégie
de pression», analyse une bonne source occidentale.
Le «comportement
expansionniste» de
la Chine est un autre souci majeur. Incursions près des îles
Senkaku, en mer de Chine orientale, «poldérisation» des îles Spratleys, en mer
de Chine du Sud: Tokyo compare la stratégie chinoise à celle des Russes en
Ukraine mais «à plus grande échelle». L'an dernier, le nombre de bateaux
chinois faisant intrusion dans les eaux territoriales nipponnes a quelque peu
fléchi (23 en août 2016, 12 un an plus tard), Pékin souhaitant
manifestement jouer l'apaisement. Mais on reste persuadé, à Tokyo, que le
voisin chinois, dont le budget militaire continue de progresser fortement
(+ 8% prévus en 2018, + 7 % en 2016 et 2017), souhaite «changer
le statu quo» sur l'ensemble des îles contestées. L'émoi a été grand à Tokyo
lorsque le 11 janvier dernier un sous-marin chinois a ostensiblement fait
surface à proximité des Senkaku. Les survols d'avions chinois dans la zone ont
fortement progressé ces dernières années, entraînant l'augmentation rapide de
décollages d'urgence de la chasse japonaise (851 en 2016 contre 31 en 2008). En
mer de Chine méridionale, «si Pékin devient plus agressif et entrave notre
liberté de circulation, nous devrons réagir», prévient-on au Gaimusho, le Quai
d'Orsay nippon.
Par ailleurs, les relations restent tendues avec la Russie
sur la question des «Territoires du Nord» - les Kouriles. Moscou y a renforcé
ses installations militaires, des radars notamment. Le Japon dénonce aussi des
transbordements de pétrole à destination de la Corée du Nord, depuis les eaux
territoriales de la Russie et avec l'accord tacite de celle-ci, en dépit des
sanctions.
• Quelles réponses capacitaires?
Face à ces menaces, le premier ministre, Shinzo Abe,
conforté par la victoire électorale de son parti, en octobre dernier, a
clairement appelé à un
renforcement des moyens militaires du pays - déjà beaucoup plus
puissants que ne le suggère le terme de Forces d'autodéfense, notamment la
marine. Selon le classement Global Firepower, le Japon figure au 7e rang des
puissances militaires mondiales (France, 5e) et est considéré comme étant
proche «du seuil nucléaire». Les «forces maritimes d'autodéfense», qui comptent
46 frégates modernes et polyvalentes - deux fois plus que la marine nationale
française et la Royal Navy réunies - constituent la deuxième marine d'Asie,
derrière la chinoise. Appelé destroyer porte-hélicoptères pour des raisons diplomatiques,
un des quatre porte-hélicoptères nippons de type Izumo (24.000 tonnes, 248
mètres) pourrait être converti en porte-avions et le Japon se doter, dit-on, de
dix avions F-35B à décollage court/atterrissage vertical (STOVL). Un retour des
porte-avions - auxquels la marine japonaise avait renoncé depuis 1945 - qui
redonnerait aux forces de l'Archipel une capacité de projection conséquente.
«Ces initiatives ne paraissent cependant pas suffisantes
pour dissuader une attaque de la Corée du Nord dont le niveau technologique va
croissant»
Marianne Péron-Doise, spécialiste de l'Asie du Nord à
l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire
Par ailleurs, le Japon est en train de remplacer son
imposante flotte de 83 avions de patrouille maritime P-3C (Lockheed) par 70 P-1
de fabrication japonaise (Kawasaki). Le Japon a aussi renouvelé une partie de
sa flotte d'avions de combat avec des F35 et s'est équipé d'Ospreys à décollage
vertical. La priorité est surtout à la défense antimissile balistique (DAMB).
Tokyo va moderniser ses batteries de missiles Patriot PAC-3 et souhaite
acquérir un système d'interception de plus longue portée, appelé Aegis
terrestre, équipé d'antimissiles SM-3 Block IIA et comprenant des stations
radars. Ce dispositif compléterait les capacités maritimes existantes (8
frégates Aegis) et devrait permettre de couvrir l'ensemble de l'Archipel.
«Ces initiatives ne paraissent cependant pas suffisantes
pour dissuader une attaque de la Corée du Nord dont le niveau technologique va
croissant», écrit Marianne Péron-Doise, spécialiste de l'Asie du Nord à
l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem). Le Japon
envisage donc de se doter d'armes de type missiles de croisière Tomahawk,
capables de détruire préventivement des missiles nord-coréens sur leur site de
lancement. Autant d'initiatives qui irritent la Chine. Et qui sont susceptibles
de relancer le débat au sein de l'opinion publique nipponne, toujours
viscéralement attachée au pacifisme.
• La Constitution est-elle un obstacle?
Imposée au pays vaincu, la Constitution «pacifiste» de 1947
«n'a jamais empêché le Japon de développer ses FAD comme une armée moderne au
fil des décennies», rappelle Guibourg Delamotte, spécialiste du Japon à
«Langues-O». L'article 9 de cette charte, par lequel l'Archipel renonce «à
jamais» à la guerre (paragraphe 2), s'est même révélé confortable, permettant
par exemple au Japon de ne pas s'engager militairement au Vietnam. Pourtant,
«sous sa forme actuelle, la Constitution n'interdit pas explicitement des
frappes préventives, dès lors que, menacée par un danger imminent, la sécurité
de l'archipel est en jeu», relève Marianne Péron-Doise. Shinzo Abe veut tourner
la page de la Seconde Guerre mondiale et donner une base de légitimité aux FAD.
En 2015, sans avoir à recourir à une révision
constitutionnelle, le
premier ministre a fait voter des nouvelles lois de défense autorisant, entre
autres, le droit à l'autodéfense collective. Selon Guibourg Delamotte,
«en cas de crise régionale, le Japon pouvait déjà fournir un soutien logistique
aux États-Unis. Le nouveau cadre juridique lui permet de le faire au bénéfice
d'autres alliés», en Asie et au-delà (notamment dans le cadre d'opérations de
maintien de la paix). Face à la montée des périls, le Japon a révisé son
approche stratégique, longtemps strictement «défensive». Le pays s'est doté
d'une nouvelle doctrine plus active (le «pacifisme proactif»), pilotée, depuis
2013, par un Conseil de sécurité national. Shinzo Abe, conforté électoralement,
pourrait décider de parachever la «normalisation» des FAD grâce à un amendement
de la Constitution. «Le véritable obstacle n'est pas constitutionnel, il est
politique et se situe du côté de l'opinion publique», estime Robert Dujarric,
professeur à l'Université Temple de Tokyo.
• Quelles relations avec Trump?
Shinzo Abe joue pleinement la «carte Trump». Il
lui a rendu visite avant même son investiture et s'entretient
fréquemment au téléphone avec lui. «Le président américain inquiète les élites
par son imprévisibilité. Mais son hostilité à la Corée du Nord les rassure»,
estime une bonne source. Pour sa sécurité, Tokyo continue de miser
fondamentalement sur les États-Unis.
Certes, la possibilité d'un «découplage» entre les intérêts
américains et ceux du Japon et de la Corée du Sud inquiète l'Archipel. «Il n'y
a pas d'alternative à l'alliance nippo-américaine pour assurer une dissuasion
crédible face à la Chine et à la Corée du Nord», souligne Céline Pajon,
spécialiste du Japon à l'Ifri. C'est d'abord dans le cadre de cette alliance
que Tokyo envisage son autonomie stratégique. «Si les États-Unis interviennent
contre la Corée du Nord, nous ne participerons pas à l'attaque», échafaude
l'amiral Yoji Koda, ancien numéro deux de la marine nipponne. «Mais le rôle du
Japon dans la protection de la zone sera essentiel», estime-t-il.
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Cannabis :
la nouvelle ruée vers l'or en Californie (11.03.2018)
ENQUÊTE - Un business prospère de la marijuana se développe
dans le « Golden State » et ailleurs dans le monde, depuis la
légalisation de ce stupéfiant pour un usage récréatif. Le marketing s'y
engouffre, des géants comme Microsoft ou Philip Morris y investissent. Même
Wall Street cote des sociétés de ce secteur florissant. L'État californien
n'est pas en reste, qui va engranger de juteuses taxes.
Ce 1er janvier, au Harborside Health Center d'Oakland,
dans la baie de San Francisco, Steve DeAngelo, coiffé de longues tresses
indiennes et d'un chapeau de feutre, a saisi une paire de ciseaux géants et
coupé symboliquement un immense ruban vert. «Je te libère», a-t-il scandé, en
célébrant ce «jour de victoire» attendu depuis près de quarante ans: la
libéralisation du cannabis. Il a ensuite servi la longue file de clients de
tous âges, sexes et couleurs regroupés depuis l'aube devant son magasin, comme
devant des dizaines de boutiques en Californie.
À ces consommateurs impatients de faire pour la première
fois leur shopping sans ordonnance, le centre Harborside proposait des rayons
entiers de bocaux d'herbe, des parterres de plants et, sur ses étagères, des
sprays aphrodisiaques, des laits corporels, des infusions ou des cookies
parfumés.
Avec ses 40 millions d'habitants et sa richesse
écrasante - son PIB en fait le sixième État au monde -, la Californie ouvre à
grande échelle le marché du cannabis
Près de vingt ans après avoir autorisé le cannabis à usage
médical, le
Golden State a libéré le recours à la drogue la plus consommée dans le monde.
L'État américain libertaire y a mis quelques conditions: être âgé de 21 ans, ne
pas en détenir plus de 28 grammes en poche et limiter son potager personnel à
six plants. Il a aussi ajouté des règles: éviter la consommation en public, au
volant ou près
d'une école.
Pour les adeptes californiens de la marijuana, le
1er janvier était synonyme de nirvana. Et, pour bon nombre de financiers
et d'entrepreneurs, il a été le signal d'une nouvelle ruée vers l'or, vert
cette fois-ci. Aux États-Unis, le
Colorado a ouvert la voie en 2014 à la consommation libre du cannabis sous
toutes ses formes. Parmi celles-ci, l'herbe ou marijuana, c'est-à-dire
les fleurs, tiges ou feuilles de cannabis (moins dosées en THC, la molécule qui
agit sur le psychisme), ou le haschisch (la résine du chanvre). Mais, avec ses
40 millions d'habitants et sa richesse écrasante - son PIB en fait le
sixième État au monde -, la Californie ouvre à grande échelle le marché du cannabis.
Capable de concurrencer le pétrole
C'est dans cet État que Steve DeAngelo, un militant
historique des bienfaits de cette drogue pour l'humanité, qu'elle soit malade
ou bien portante, a pris racine. Ce «serial entrepreneur» de 60 ans, auteur du
Manifeste du cannabis, le nouveau paradigme de la santé, est considéré comme le
père fondateur du marché légal de cette drogue. Il a créé le premier
laboratoire spécialisé dans cette plante et ouvert en 2006 le plus grand centre
médical de distribution du cannabis, le Harborside Health Center, un
dispensaire à but non lucratif qui propose des produits, des services et aussi
des formations pour les enfants malades ou les seniors.
Le Harborside est «un modèle pour le business», estime
le New York Times tandis que les boutiques autorisées à
distribuer du «pot», comme on dit en anglais, fleurissent aux États-Unis. Huit
États y ont légalisé le cannabis récréatif et une trentaine limitent leur feu
vert aux clients munis d'une ordonnance.
«Je resterai un activiste jusqu'à ce que le dernier
prisonnier enfermé à cause du cannabis soit libéré, peu importe où il vit sur
cette planète»
Steve DeAngelo, père fondateur du marché légal du cannabis
Enfant de la contre-culture - ses parents étaient très
investis dans le mouvement de défense des Noirs américains -, Steve DeAngelo a
démarré sa carrière en créant des start-up musicales. Il s'est engagé il y a
quarante ans dans la promotion du chanvre, drogue «bénéfique» mais aussi plante
bio capable de concurrencer les matières plastiques et le pétrole.
Il a créé, avec Troy Dayton, la société de recherche et
d'investissement spécialisée ArcView, afin de «passer la vitesse supérieure»,
c'est-à-dire «faire évoluer la législation et apprivoiser les banques», souvent
réticentes à financer la culture ou la distribution du cannabis.
Sa mission, répète-t-il, est «d'œuvrer en faveur de son
développement durable». Au point d'avoir promis qu'il resterait «un activiste
jusqu'à ce que le dernier prisonnier enfermé à cause du cannabis soit libéré,
peu importe où il vit sur cette planète». Cela prendra du temps. Une poignée de
pays, parmi lesquels l'Uruguay, l'Espagne ou l'Inde, sont tolérants. Mais
beaucoup le classent encore parmi les narcotiques illégaux. Aux États-Unis, le
gouvernement fédéral, qui considère l'herbe comme une substance dangereuse,
interdit sa circulation dans le pays.
La Creuse se voit en département pilote
En attendant, les États les plus complaisants entendent bien
profiter de cette nouvelle ressource, qui générera plusieurs centaines de
milliers d'emplois en Amérique du Nord, assurent ses adeptes. Au
Canada, où le cannabis récréatif sera libéralisé cet été, le Québec a
confié le monopole des ventes à une société publique, la Société québécoise du
cannabis. Celle-ci a conclu des accords avec six producteurs et se prépare à
ouvrir jusqu'à 150 boutiques dans la province francophone pour vendre la drogue
entre 7 et 10 dollars canadiens le gramme.
D'autres pays misent sur la production de chanvre pour
stimuler leur économie. L'Australie veut devenir numéro un mondial de l'export
de cannabis médical. La Grèce vient de légaliser sa culture et vise un chiffre
d'affaires de «1,5 à 2 milliards d'euros». Outre-Atlantique, l'État de
Washington, sur la côte Ouest, veut lancer un label bio. «C'est une demande du
consommateur», argumente la sénatrice républicaine Ann Rivers.
«L'enjeu est de faire en sorte qu'on puisse produire du
chanvre, une plante à teneur diminuée en THC afin de ne pas avoir la
neurotoxicité du cannabis, mais tous les autres effets médicinaux»
Éric Correia, conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine
En France, la Creuse se voit déjà département pilote pour la
culture du cannabis à visées thérapeutiques. «L'enjeu est de faire en sorte
qu'on puisse produire du chanvre, une plante à teneur diminuée en THC afin de
ne pas avoir la neurotoxicité du cannabis, mais tous les autres effets
médicinaux», a expliqué début février, sur Radio Nova, Éric Correia, conseiller
régional de Nouvelle-Aquitaine. L'élu socialiste se positionne «sur le terrain
sanitaire, pas celui de la morale». Il justifie son projet en expliquant que,
alors que le département faisait l'actualité en octobre avec les emplois en
sursis de la société GM&S, Emmanuel Macron a demandé aux élus leur avis
pour un «plan spécial pour revitaliser
la Creuse», y compris des «propositions innovantes, même extralégales».
Si elle fait planer, la marijuana peut aussi faire rêver. Le
marché mondial du cannabis légal, médical et récréatif, dépassera
31 milliards de dollars dans trois ans, pronostique le cabinet d'études
spécialisé Brightfield.
C'est la culture «la plus rentable au monde», assure le
cabinet de Steve DeAngelo. Le cannabis, qui génère jusqu'à 5 millions de
dollars pour une acre (0,4 hectare) cultivée, rapporte 200 fois plus que le
tabac ou le houblon. Ce qui ne fait d'ailleurs pas l'affaire de tous les
agriculteurs. Les producteurs de vin de Napa Valley, en Californie, ont
désormais du mal à attirer les saisonniers, bien mieux payés pour récolter le
cannabis que pour faire les vendanges.
Mike Tyson vient d'acheter 16 hectares
Les investisseurs, les industriels et même les stars, à
l'image de l'ancien boxeur Mike Tyson, qui vient d'acheter
16 hectares dans la Vallée de la Mort, se précipitent sur cette
activité. Le 1er mars, les investisseurs se sont rués sur les titres de
Cronos, première société axée uniquement sur le cannabis à entrer au Nasdaq,
valorisée 2 milliards de dollars. Au Canada, la Bourse de Toronto, qui
héberge depuis plusieurs années des acteurs du cannabis, abrite un ambitieux
producteur, Canopy Growth. Cette société a réalisé au dernier trimestre 2017 un
chiffre d'affaires de 22 millions de dollars, grâce notamment à ses ventes
thérapeutiques en Allemagne. Canopy Growth vient, par ailleurs, d'accueillir à
son capital le fabricant de bières et boissons alcoolisées Constellation
Brands. Et elle entend créer des médicaments, à l'image du laboratoire Abbvie,
qui distribue le Marinol, à base de cannabis, pour les patients en
chimiothérapie.
En Californie, désormais premier marché mondial, les
taxes collectées pourront atteindre 35 % des revenus, estimés à
9 milliards de dollars en 2018
Beaucoup de grandes entreprises lorgnent ce marché. En 2016,
le fabricant de cigarettes Philip Morris a investi dans la start-up israélienne
Syge Medical, qui développe des technologies d'inhalation. Microsoft
a noué, de son côté, un partenariat avec Kind Financial, qui développe
pour les autorités des logiciels de surveillance des opérateurs et des
consommateurs de cannabis. Même l'Église s'y convertit! Des pasteurs
distribuent de la marijuana avant les offices pour aider leurs fidèles à prier.
États et collectivités locales calculent déjà les recettes
fiscales qu'ils peuvent attendre du cannabis. Le Québec prévoit d'engranger
jusqu'à 4 milliards de dollars. En Californie, désormais premier marché
mondial, les taxes collectées pourront atteindre 35 % des revenus, estimés
à 9 milliards de dollars en 2018. En entrepreneur avisé, Steve DeAngelo
s'inquiète de ce niveau d'imposition. «Beaucoup de consommateurs, en
particuliers les moins riches, vont se tourner vers le marché illégal, moins
cher», avertit-il.
En France, il n'est pas question d'autoriser le cannabis récréatif. Le
cercle de réflexion Terra Nova a toutefois estimé en 2014 que,
s'il était autorisé et totalement contrôlé par l'État, à quantité de
consommateurs égale, le budget public récolterait «1,8 milliard d'euros»
pour un cannabis vendu à un tarif «40 % plus élevé que le prix actuel sur
le marché noir». Mais ce calcul néglige, regrettent les médecins opposés à la
banalisation de la marijuana, son coût en termes d'accidents et de santé
publique.
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Le coût
exorbitant du Brexit pour les entreprises (11.03.2018)
Le coût du Brexit est estimé à 69 milliards d'euros par
an. Les sociétés britanniques seraient les plus touchées, selon une étude.
L'accord final sur le Brexit «ne conduira pas à des échanges
plus fluides ou sans friction. Il les rendra plus compliqués et plus coûteux
qu'aujourd'hui», a prévenu la semaine dernière Donald Tusk, le président du
Conseil européen. Même si les conditions du divorce entre la Grande-Bretagne et
l'Union européenne ne sont pas encore finalisées, il semble acquis que la
facture sera très lourde, notamment pour les entreprises. Ainsi, le Brexit
pourrait coûter 69 milliards d'euros par an à l'ensemble des entreprises
exportatrices, si des barrières douanières sont à nouveau érigées entre le
Royaume-Uni et l'Union européenne, selon une étude du cabinet OIiver Wyman
publiée ce lundi. «Ces coûts sont dus en partie aux barrières tarifaires, mais
surtout aux obstacles indirects, tels que les déclarations douanières, les
aspects réglementaires, etc.», précise Hanna Moukanas, associé, responsable du
bureau parisien d'Oliver Wyman.
La note annuelle est évaluée à 37 milliards d'euros
(pour les importations et exportations) pour les entreprises des 27 pays de
l'Union et à 32 milliards pour les Britanniques. «Si l'on tient compte de
la taille du Royaume-Uni, l'impact serait quatre à six fois plus important pour
ses entreprises que pour celles de l'Union européenne», souligne Hanna
Moukanas. Un accord douanier permettrait certes de réduire les coûts, mais le
Royaume-Uni resterait perdant.
Cinq secteurs d'activité seraient particulièrement
touchés par la sortie du Royaume-Uni du marché unique : la finance,
l'agroalimentaire, l'automobile, l'aérospatial, la pétrochimie et les métaux
Chaque année, ses entreprises paieraient 21 milliards
d'euros en frais administratifs, contre 17 milliards d'euros pour celles
de l'Union, calcule l'étude. Les PME britanniques qui exportent l'essentiel de
leur activité en Europe (elles seraient 65. 000) seraient les plus
pénalisées.
Cinq secteurs d'activité seraient particulièrement touchés
par la sortie du Royaume-Uni du marché unique (ils concentreraient 70 % de
l'impact financier). Sans surprise, outre-Manche, les
services financiers seraient les plus pénalisés (la City pèse
10 % du PIB du Royaume-Uni). Ils supporteraient «un tiers des coûts direct
du Brexit». Suivent l'agroalimentaire, l'automobile, l'aérospatial, la
pétrochimie et les métaux. «Les entreprises de ces secteurs sont très intégrées
dans les chaînes d'approvisionnement européennes», justifie l'étude. Selon des
analyses confidentielles menées par le gouvernement britannique, le Brexit
coûterait d'ailleurs entre 5 % et 8 % de croissance d'ici à quinze
ans à la Grande-Bretagne.
Au sein de l'Union européenne, l'impact varierait fortement
d'un pays à l'autre. «Le secteur agroalimentaire irlandais souffrirait
particulièrement d'une réduction de son accès aux consommateurs», selon
l'étude. Les secteurs automobile et manufacturier allemands seraient aussi mis
à rude épreuve et la Bavière serait particulièrement touchée.
La France arrive en troisième position des pays les plus
sensibles à la nouvelle donne. Les coûts directs pour ses entreprises
(agroalimentaire, biens de consommation, automobile et industrie chimique)
s'élèveraient à 5 milliards d'euros par an. «Si l'on tient compte du poids
relatif de la France au sein l'Union, le pays sera moins touché que la moyenne
européenne», nuance Hanna Moukanas.
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Dans
l'œil de Mossoul : le blogueur qui a défié Daech (12.03.2018)
PORTRAIT - Au péril de sa vie, il fut l'un des rares témoins
à raconter de l'intérieur la vie sous Daech jusqu'à sa fuite précipitée, fin
2015, de l'ex-capitale de l'EI. Aujourd'hui réfugié en Europe, l'ex-blogueur
star de Mossoul vient enfin de rompre avec l'anonymat. À visage découvert, il
confie sa bataille de l'ombre au Figaro.
Il se présente: Omar. «Omar de Mossoul», précise-t-il, d'une
poignée de main ferme. La nuit tombe sur ce trottoir d'une grande ville
européenne, où il a fixé le rendez-vous. Nous nous engouffrons dans un café.
Son «préféré», dit-il, en choisissant la petite table du fond. Son visage, si
jeune, tranche avec l'image que renvoyait jusqu'ici, via WhatsApp, la maturité
de ses paroles. D'un geste lent, il pose son sac, retire son manteau. Un
silence passe. «S'il vous plaît, insiste le blogueur irakien en exil, ne
mentionnez ni le nom de la ville où j'habite, ni celui de mon université.»
On ne se remet pas du jour au lendemain d'une vie de
résistant dans l'ex-capitale autoproclamée de l'État Islamique. Là-bas, il
était «Mosul Eye» (l'Œil de Mossoul): un mystérieux pseudonyme derrière lequel
l'historien de 31 ans se cachait pour chroniquer sur les réseaux sociaux l'horreur
du quotidien. Personne, pas même sa mère, n'était au courant de sa double vie.
Il y a trois mois, il a pris son téléphone pour lui annoncer: «Mosul Eye, c'est
moi.» En larmes, elle lui a répondu: «Je me doutais bien que tu traficotais
quelque chose… Je suis si fière de toi!» Depuis, il se sent plus léger, mais il
préfère cultiver la prudence - même loin de son pays - en révélant par petites
touches son identité. Et son histoire.
Le destin d'Omar Mohammed bascule le 10 juin 2014. À
une vitesse éclair, sa ville tombe sous la coupe de Daech. Les soldats de
l'armée irakienne n'opposent aucune résistance. Derrière ses lunettes, il les
regarde s'enfuir, muet face à ce nouveau bouleversement qui secoue son pays.
Omar est né en 1986 pendant la guerre Iran-Irak. Lycéen, il assiste en 2003 à
l'invasion américaine de Bagdad et à
la chute du dictateur, Saddam Hussein. À l'université, il voit la
minorité chiite prendre le pouvoir tandis que les insurgés sunnites commettent
des attentats et assassinent certains professeurs - toutes ces graines de
discorde qui favoriseront ultérieurement l'essor de l'EI. Au début, Omar ne
voit dans cette nouvelle percée djihadiste qu'une énième vague de terreur qui
déferle sur Mossoul. Mais cette fois-ci, les combattants au drapeau noir ont un
dessein bien précis: ils veulent établir un califat. L'islam est leur mot
d'ordre. La violence, leur arme de répression. Sous le choc, Omar déverse son
inquiétude sur sa page Facebook. Ses amis le trouvent inconscient, ils lui
conseillent le silence. Il est incapable de se taire. «En tant qu'historien, je
me devais de raconter les événements, de documenter le moindre incident. Je
voulais offrir un contre-discours à la propagande de Daech.» Une semaine plus
tard, le 18 juin 2014, il
lance son blog, L'Œil de Mossoul: un regard alternatif pour empêcher la
myopie.
L'entreprise est risquée. Soucieux de dresser un catalogue
précis et détaillé du nouvel ordre imposé par les djihadistes, il se noie dans
la masse. «Je me suis fait pousser la barbe obligatoire. J'ai retroussé mon
pantalon jusqu'à la cheville pour me faire passer pour l'un d'eux», dit-il.
Quand certains de ses confrères fuient la ville, ou s'exilent entre les quatre
murs de leur maison, il démultiplie les sorties: dans les quartiers voisins,
aux abords des villas réquisitionnées par les émirs étrangers, à l'université -
où il apprend, lors d'une réunion interne dans laquelle il s'infiltre que le
nouveau proviseur veut «imposer la charia et former une nouvelle génération de
combattants». Parfois, Omar s'improvise chauffeur de taxi. Les yeux grands
ouverts, il photographie du regard le moindre détail. «J'ai été le témoin des
pires exactions. J'ai vu des gens se faire décapiter pour “apostasie”, des
voleurs se faire couper la main. J'ai vu des homosexuels présumés se faire
jeter du haut des immeubles, des épouses accusées d'adultère se faire lapider.
D'ailleurs, je n'avais pas le choix: si vous passiez devant la place où se
tenait l'exécution, on vous arrêtait pour vous forcer à regarder», dit-il.
À son insu, sa maman lui sert souvent d'alibi. «Je l'accompagnais
au marché pour faire des courses, sous prétexte qu'une femme doit être escortée
par un chaperon», raconte-t-il. Un jour, un jeune soldat de l'EI l'interpelle:
«Pourquoi ne portez-vous pas le niqab?» Affolée, la pauvre dame baisse les
yeux. Omar, lui, réagit du tac au tac: «De quoi parlez-vous? Ne savez-vous pas
que l'islam n'impose pas aux femmes de plus de 50 ans de se couvrir le visage?
Êtes-vous certain d'être un bon djihadiste, de représenter proprement notre
grand califat?» Tétanisée, sa mère le tire par la manche, l'implore de se
taire. Mais Omar surenchérit: «Où est votre chef? Que dirait-il s'il vous
entendait?» «C'est alors, se souvient Omar, que le jeune homme, qui devait
avoir à peine 15 ans, m'a supplié de ne pas le dénoncer auprès de ses
supérieurs. À m'écouter, il en avait conclu que j'étais un haut gradé de Daech!
De retour à la maison, qu'est-ce qu'on en a ri avec ma mère!»
«À plusieurs reprises, les informations publiées sur mon
blog ont permis de cibler les combattants de l'EI et leurs quartiers généraux»
Omar Mohammed
Le soir, dans l'obscurité de sa chambre, le jeune historien
consigne secrètement ses notes dans un cahier. Par précaution, il en copie un
double sur son ordinateur. Et sur un autre appareil, connecté à l'Internet
grâce à un serveur sécurisé, il en publie une sélection sur son blog.
«Évidemment, je me gardais bien de tout révéler, par crainte d'être repéré»,
dit-il. La peur n'est jamais loin. «Un jour, se remémore-t-il, un ami qui avait
rejoint Daech me confia son désarroi après que plusieurs de ses leaders, dont
il cita les noms, eurent été tués dans une frappe de la coalition. Loin de se
méfier de moi, il me raconta qu'un important stock d'armes qui se trouvait dans
le bâtiment visé avait aussi été détruit. J'ai mémorisé toutes ces données et
je les ai mises en ligne. Au bout de quelques minutes, j'ai réalisé ma bêtise:
j'en étais le seul détenteur. Daech n'aurait pas de mal à m'identifier!
Paniqué, j'ai aussitôt effacé mon texte.»
Brouiller les pistes
L'incident lui sert de leçon. «Je me suis mis à redoubler de
prudence», dit-il. Un de ses subterfuges consiste à brouiller les pistes: «Un
jour, je me faisais passer pour un chrétien, en publiant sur mon blog la photo
d'un cierge allumé dans une église. Un autre, je prétendais être une femme en
évoquant l'humiliation du long voile noir. Un autre encore, je donnais
l'impression d'être un vieux monsieur. Certains de mes lecteurs pensaient même
que j'étais juif.» Il avoue en avoir tiré un malin plaisir. «Il y avait quelque
chose de grisant à tromper l'adversaire», dit-il. Sa plus grande satisfaction
est d'avoir contribué à révéler le vrai visage de Daech: en détaillant sa
hiérarchie interne, en localisant certaines caches d'armes. «À plusieurs
reprises, les informations publiées sur mon blog ont permis de cibler les
combattants de l'EI et leurs quartiers généraux», dit-il. «Mosul Eye,
sourit-il, c'était le combat d'un seul homme contre une énorme machine de
propagande. Daech n'a jamais pu me démasquer. C'est moi qui l'ai démasqué!»
Dans les moments de doute et de crainte, ses nombreux
lecteurs sont une source d'encouragement. Avec plus de 250.000 abonnés sur
Facebook (et plus de 30.000 sur son blog), L'Œil de Mossoul rejoint Twitter en
avril 2015. Ses publications - en arabe et en anglais - sont une mine
d'informations pour les journalistes étrangers… et pour les services de
renseignement occidentaux qui ne manquent pas de l'approcher. «Je ne fais que
documenter ce que je vois. Mes informations sont publiques et gratuites. Je ne
suis ni reporter, ni espion», leur répond-il poliment. Mais son succès finit
par lui jouer des tours: «À Mossoul, des gens se faisaient arrêter et
questionner sur Mosul Eye: le connaissez-vous? Que savez-vous de lui? Où se
cache-t-il?»
«Raconter la percée de Daech, c'est revenir aux enjeux de
pouvoir entre citadins et villageois, issus de tribus, qui ont migré en ville
depuis les années 1980.»
Omar Mohammed
À cours d'options, Omar ne trouve plus le sommeil. «Le
danger se rapprochait. Je craignais moins pour ma vie que pour celle de ma
famille», dit-il. Par l'entremise d'un ami, il déniche un passeur d'origine
turkmène qui lui offre de l'exfiltrer pour 1000 dollars. À l'aube du
15 décembre 2015, Omar se réveille sur la pointe des pieds. Au fond
d'un sac, il a glissé un disque dur - rempli de ses précieuses données -, un
épais carnet de notes et un livre. «Je m'en vais», murmure-t-il à l'oreille de
sa mère, encore endormie. «Je n'ai pas pu me retourner. Si j'avais vu son
visage, je ne serai pas parti», concède-t-il.
Aujourd'hui, l'intrépide blogueur s'étonne encore d'être
resté du côté des vivants. De Mossoul à Raqqa, en Syrie, en passant par la
Turquie, sa périlleuse odyssée s'est achevée en Europe, en février 2017,
où il a obtenu l'asile politique. Quand on lui souffle qu'on aimerait lire ses
Mémoires, il répond qu'il est encore trop tôt. Qu'il veut prendre la distance
nécessaire pour écrire. «Raconter la percée de Daech, c'est revenir aux enjeux
de pouvoir entre citadins et villageois, issus de tribus, qui ont migré en
ville depuis les années 1980. C'est comprendre l'exacerbation du
confessionnalisme, après l'invasion américaine. C'est, aussi, sonder le passé
plus lointain», insiste le jeune homme, qui prépare actuellement un doctorat
sur Mossoul à l'époque ottomane. Son blog, concentré sur Daech jusqu'à la
défaite des djihadistes, à l'été 2017, est désormais dédié à la
renaissance de sa cité adorée. Photos à l'appui, l'infatigable Mosul Eye
encourage ses lecteurs à rebâtir les églises saccagées, à retaper les mausolées
et les vestiges défigurés. Depuis peu, il ose affronter les plateaux télé à
visage découvert - à condition de taire le nom de son pays d'accueil. Grâce à
sa mobilisation, la bibliothèque de Mossoul, brûlée par Daech, a reçu des
milliers de donations de livres de l'étranger. L'Unesco vient pour sa part de
s'engager à sauvegarder le précieux patrimoine de l'ex-Ninive. De petites
victoires qui l'incitent à poursuivre sa fronde culturelle. Et à retrouver
progressivement l'œil d'Omar, l'historien.
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Syrie :
la France et les États-Unis réclament à Moscou de mettre fin «au bain de sang»
(12.03.2018)
VIDÉO - Près de sept ans après le déclenchement du conflit,
plus de 350.000 personnes ont été tuées, selon un nouveau bilan de l'OSDH.
Paris et Washington en tête ont vivement accusé la Russie dans l'absence d'un
cessez-le-feu. Moscou s'est insurgé contre ces «reproches sans fin».
À l'approche du 7e anniversaire du début de la guerre en
Syrie, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a fourni un nouveau
bilan alarmant ce lundi. Ce conflit a fait plus 350.000 morts depuis le 15 mars
2011. Parmi ces victimes figurent 106.390 civils, dont
19.811 enfants et 12.513 femmes. Sur place, la situation humanitaire
est toujours catastrophique, selon les observateurs, notamment dans l'enclave
rebelle de la Ghouta orientale, qui fait l'objet d'intenses bombardements du
régime de Damas depuis début février malgré une trêve décrétée par l'ONU, et à
Afrine, une enclave tenue par les forces kurdes. Ce lundi, la diplomatie
internationale a tenté, une nouvelle fois, d'appeler les acteurs à la raison.
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de plus en plus d'enfants tués (Unicef)
● Paris demande à Moscou de faire «arrêter le bain
de sang»
Réunion de l'ONU ce lundi. - Crédits photo : MIKE
SEGAR/REUTERS
La France demande à la Russie de faire «arrêter le bain de
sang» en Syrie, a déclaré ce lundi l'ambassadeur français à l'ONU, François
Delattre, alors que les États-Unis ont rédigé un nouveau projet de résolution
pour une trêve immédiate. «La Russie peut faire arrêter le bain de sang», a
déclaré à des journalistes le diplomate. «Nous savons que la Russie, compte
tenu de son influence sur le régime, compte tenu aussi de sa participation aux
opérations, a la capacité de convaincre le régime par toutes les pressions
nécessaires d'arrêter cette offensive terrestre et aérienne» contre la Ghouta
orientale, a-t-il ajouté. «Il est naturel qu'aujourd'hui, à ce stade de la
crise, les regards se tournent vers elle», a-t-il insisté.
En déplacement en Inde, Emmanuel Macron a jugé ce lundi que
les concessions faites en Syrie «sur le terrain» par la Russie et le régime
n'étaient «pas suffisantes», plus de 15 jours après l'adoption de la résolution
de l'ONU sur une trêve. Dans le cadre de cette résolution adoptée le 24 février
à l'unanimité par le Conseil de sécurité, «la Russie a fait des concessions.
Elle a permis des trêves de quelques heures (...), elle a permis l'accès à
certains convois (à la Ghouta orientale), et nous avons obtenu certains
résultats mais qui ne sont pas à la hauteur de la résolution», a déclaré
Emmanuel Macron devant la presse à Varanasi à l'issue de sa visite en Inde. La
France lui demande donc, «de manière très claire», «de respecter intégralement»
les termes de cette résolution sur une trêve d'un mois.
● Nouvelle résolution déposée par les États-Unis
Les États-Unis ont déposé à l'ONU une nouvelle résolution
pour un cessez-le-feu immédiat en Syrie, a annoncé l'ambassadrice américaine
Nikki Haley, en dénonçant l'attitude de Moscou et Damas qui «n'ont jamais eu
l'intention d'appliquer» une trêve. Ce nouveau texte est «simple, contraignant»
et «ne permet aucun contournement», a-t-elle ajouté devant le Conseil de
sécurité, en soulignant que «l'heure est venue d'agir».
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la trêve en Syrie, la Ghouta agonise sous les bombes
«Est-ce que la Russie est devenue l'outil de Bachar
al-Assad et au pire de l'Iran ?»
Nikki Haley, ambassadrice des États-Unis à l'ONU
Nikki Haley a notamment accusé Moscou d'avoir «exploité une
faille» de la résolution de fin février qui prévoyait des exceptions au
cessez-le-feu pour la lutte contre des «groupes terroristes» et leurs affiliés.
Pour Moscou comme pour Damas, tous les groupes rebelles dans la Ghouta
orientale sont «terroristes», a-t-elle rappelé. Ni Damas ni la Russie
«n'avaient l'intention d'appliquer le cessez-le-feu», a estimé Nikki Haley. «La
Russie ne peut-elle plus influencer Damas», a-t-elle aussi demandé. «Est-ce que
la Russie est devenue l'outil de Bachar al-Assad et au pire de l'Iran?», a
insisté la diplomate américaine. Au cours de son intervention, l'ambassadeur
britannique adjoint, Jonathan Allen, a assuré qu'il y aura «des comptes à
rendre» et que le «rôle de la Russie qui soutient Damas ne sera pas oublié».
● L'ONU réclame un accès humanitaire immédiat dans
la Ghouta
Lors de son exposé devant le Conseil de sécurité, qui lui
était réclamé «dans les 15 jours» par la résolution 2401, le secrétaire général
de l'ONU, Antonio Guterres, a lui aussi regretté que le cessez-le-feu ne soit
pas respecté dans la Ghouta orientale. Le régime a repris le contrôle «de 60%»
des zones détenues jusqu'alors par des groupes rebelles, a précisé le patron
des Nations unies. Au début, son offensive se déroulait dans des zones peu peuplées,
ce n'est plus le cas aujourd'hui, a poursuivi Antonio Guterres, en soulignant
qu'il est devenu «urgent de permettre des évacuations humanitaires» dans cette
banlieue de Damas.
«La résolution 2401 n'est pas appliquée deux semaines
après son adoption à l'unanimité par le Conseil de sécurité»
François Delattre, ambassadeur français à l'ONU
Sans citer la Russie, il a aussi appelé «tous les États» à
faire en sorte que la trêve soit appliquée et que de l'aide internationale
parvienne aux civils. Plus de 1000 personnes - dont une majorité de femmes et
d'enfants - ont besoin d'une évacuation médicale urgente, selon les Nations
unies. «La résolution 2401 n'est pas appliquée deux semaines après son adoption
à l'unanimité par le Conseil de sécurité», avait aussi déploré peu avant
François Delattre. «L'offensive terrestre et aérienne du régime se poursuit
sous un déluge de feu. Les civils ne sont pas des victimes collatérales mais
les cibles même de cette offensive».
Dans cette enclave stratégique, 28 hôpitaux, cliniques et
dispensaires ont été visés et neuf professionnels de santé ont été tués depuis
le début de l'offensive, d'après la même source.
● La Russie s'insurge après sa mise en cause
L'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia, s'est insurgé
contre la mise en cause de son pays par les États-Unis, la France et le
Royaume-Uni dans l'absence de cessez-le-feu en Syrie, estimant que ces pays ne
sont pas motivés par des considérations humanitaires. Ce sont des «reproches
sans fin contre la Russie», a-t-il dénoncé lors d'une réunion consacrée à la
Syrie au Conseil de sécurité. Dans leurs discours, les États-Unis ont cité «22
fois» la Russie, la France «16 fois», le Royaume-Uni «12 fois», a-t-il énuméré.
C'est une «ligne politique» qui «n'est pas motivée par des
considérations humanitaires», a poursuivi le diplomate russe, en laissant
entendre que ces pays occidentaux cherchent avant tout à défendre des groupes
opposés au régime de Damas. La résolution 2401 de fin février ne prévoyait pas
«de cessez-le-feu immédiat» mais cherchait à établir un processus de moyen
terme et concernait toute la Syrie, a aussi affirmé Vassily Nebenzia. Damas «a
le droit de se défendre contre des terroristes», a-t-il fait valoir.
● Pourparlers dans les trois zones du fief rebelle
dans la Ghouta
Le régime syrien mène des négociations sur le sort de
chacune des trois parties du secteur rebelle de la Ghouta, enclave qu'il
cherche à reprendre dans le cadre d'une offensive meurtrière lancée il y a
trois semaines. Les négociations sont menées séparément avec des représentants
de chacun des trois secteurs - notables ou groupes rebelles - et portent selon
les cas sur la création de zones de «réconciliation», l'évacuation de
combattants voire celle de civils, a affirmé l'Observatoire syrien des droits
de l'Homme (OSDH).
À la faveur de leur avancée sur le terrain, elles ont divisé
ce dernier bastion insurgé aux portes de Damas en trois secteurs: au nord, la
grande ville de Douma et sa périphérie - sous le contrôle du groupe Jaich
al-Islam -, à l'ouest Harasta - où se trouvent les combattants du groupe Ahrar
al-Cham - et enfin le reste des localités au sud - aux mains de Faylaq
al-Rahmane, avec une présence limitée de Hayat Tahrir al-Cham (autrefois lié à
al-Qaida). Le régime mène actuellement des négociations séparées dans chacune
des trois zones, selon le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.
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les forces turques menacent, aux portes d'Afrine
En ce qui concerne Douma, ces pourparlers «ont lieu entre
les Russes et Jaich al-Islam, par l'intermédiaire de membres de l'opposition
proches de Moscou», selon la même source. L'objectif serait, selon Rami Abdel
Rahmane, de «transformer le secteur en une zone de réconciliation avec l'entrée
de la police militaire russe et le maintien (d'une présence) de Jaich
al-Islam». D'après lui, Moscou demanderait «que soient hissés les drapeaux de
la Syrie et le retour des institutions gouvernementales, sans l'entrée des
forces du régime». À Harasta, divisée entre une zone sous contrôle du régime et
l'autre aux mains d'Ahrar al-Cham, «les négociations entre des notables de la
ville d'une part et le régime et la Russie de l'autre portent sur un accord
d'évacuation «des combattants d'Ahrar qui le souhaiteraient et le maintien dans
la ville de ceux en faveur d'une réconciliation». Ces discussions ne portent
pas sur des évacuations de civils, d'après la même source. Dans le secteur sud,
sous contrôle de Faylaq al-Rahmane, les négociations impliquent des notables et
des représentants du régime sans participation du groupe islamiste rebelle.
● Des centaines de civils fuient la ville d'Afrine
face à l'avancée turque
Des centaines de civils ont fui ou tentaient de fuir lundi
la ville d'Afrine face à l'avancée des forces turques, qui sont aux portes de
cette cité du nord-ouest de la Syrie située dans une enclave à majorité kurde,
selon une ONG. «Près de 2.000 civils ont déjà rejoint la localité voisine de
Nobol par crainte d'un éventuel assaut turc contre Afrine, tandis que des
centaines tentent encore de quitter la ville», a indiqué à l'AFP Rami Abdel
Rahmane, le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
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la trêve en Syrie, la Ghouta agonise sous les bombes
Ce lundi, le ministre de l'Intérieur Robert Kalinak a
annoncé sa démission. Cette décision, réclamée par l'opposition, un parti de la
coalition gouvernementale ainsi que des milliers de manifestants, fait suite à
l'assassinat du journaliste Jan Kuciak le 25 février.
«Je démissionne du poste de ministre de l'Intérieur et du
poste de vice-premier ministre», a déclaré le ministre de l'Intérieur slovaque
Robert Kalinak ce lundi, après l'assassinat du journaliste d'investigation Jan
Kuciak le 25 février dernier. Cette démission était réclamée par le parti de la
coalition gouvernementale Most-Hid mais aussi l'opposition et la population
alors que le pays est plongé dans une crise sans précédent. Supervisant la
police en tant que ministre de l'Intérieur, Robert Kalinak ne peut garantir une
enquête indépendante sur l'assassinat de Jan Kuciak et de sa fiancée, ont
estimé ses adversaires politiques. «Je crois que par ce geste je contribuerai à
la stabilisation de la situation en Slovaquie», a-t-il affirmé. «Mon principal
objectif est d'éclaircir le double meurtre. Nous devons savoir pourquoi et qui»
a fait cela.
Cette décision intervient alors que le président slovaque,
Andrej Kiska, avait déploré dans une allocution télévisée la semaine dernière
qu'il ne voyait «aucun plan pour sortir le pays de la crise de confiance». Et
d'ajouter qu'«un remaniement en profondeur du gouvernement» ou «des élections
anticipées» étaient nécessaires pour remédier à cette «crise de confiance». Ce
que le chef de l'exécutif Robert Fico avait rejetté.
L'enquête du journaliste assassiné révèle des cas de
corruption au sein du gouvernement
Le 25 février, le journaliste d'investigation Jan Kuciak
était retrouvé abattu d'une balle dans la poitrine avec sa femme Martina
Kusnirova dans la maison qu'ils venaient d'acquérir. Âgé de 27 ans, le
journaliste travaillait pour le site Aktuality.ski et enquêtait sur
l'infiltration en Slovaquie de la ‘Ndrangheta, une organisation mafieuse
calabraise des plus puissantes et redoutées au monde. Le lendemain de son
assassinat, le sujet de son investigation commença à fuiter, faisant grand
bruit au sein de la sphère médiatique et politique. N'ayant pas bouclé l'enquête,
Jan Kuciak et ses collègues n'avaient en effet pas encore publié d'article sur
le sujet. Le 28 février, l'OCCRP (Organisation travaillant sur la corruption et le
crime organisé), dévoila l'enquête qui met en lumière plusieurs
cas de corruptions.
L'article révèle des cas de fraudes fiscales entre un homme
d'affaires italien (Antonio Vadala) et l'entourage du premier ministre slovaque,
Robert Fico, entraînant plusieurs démissions en peu de temps. Une conseillère
du chef du gouvernement, Maria Troskova, et le responsable du conseil de
Sécurité nationale, Viliam Jasan, ont quitté leurs fonctions tout en niant leur
implication dans l'affaire. Également, le ministre de la Culture, Marek
Madaric, allié de longue date de Robert Fico, a démissionné en signe de
protestation.
Quant au ministre de l'Intérieur slovaque, Robert Kalinak,
il est soupçonné d'entrave à la justice dans une affaire de corruption
présumée. Une plainte a été déposée par Vasil Spirko du bureau du procureur
spécial slovaque, qui a supervisé l'enquête. Robert Kalinak et l'ancien
ministre des Finances Jan Pociatek auraient reçu à plusieurs reprises des
commissions allant jusqu'à 200 millions d'euros lors d'appels d'offres sur des
services et matériels informatiques pour le ministère de l'Intérieur, selon un
témoin cité par le procureur.
Vague de contestation populaire
Par ailleurs, la contestation populaire, vive depuis le
début de la crise, dénonce un système gangrené par la corruption. Dès le 28
février, un millier de personnes s'est réunies devant le siège du gouvernement
slovaque. Et le 2 mars, après l'interpellation de sept hommes d'affaires
italiens à l'est du pays, 25.000 personnes sont descendues dans la rue, à
Bratislava, pour crier leur mécontentement et appeler le chef de l'exécutif à
démissionner. Vendredi dernier encore, 50.000 personnes se sont rassemblées de
manière pacifique sur une place de Bratislava «pour une Slovaquie honnête»,
demandant la démission du gouvernement Fico et une enquête approfondie sur la
mort du journaliste.
Ces manifestations font écho à la vague de contestation
intervenue l'année dernière dans le pays, et qui avait appelé les hauts fonctionnaires
à démissionner, déjà critiqués dans leur combat contre la corruption.
Vendredi, 50.000 manifestants se sont rassemblés sur une
place de Bratislava, pour protester contre la corruption et réclamer la
démission du gouvernement de Robert Fico. - Crédits photo : Radovan
Stoklasa/REUTERS
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les journalistes sont pris pour cible
La mort de Jan Kuciak intervient dans un contexte politique
tendu. Depuis le retour au pouvoir de Robert Fico, populiste de gauche, en mars
2016 au sein d'une coalition tripartite avec l'extrême droite, les médias
slovaques avaient révélé à plusieurs reprises des cas de corruption impliquant
le gouvernement. Jan Kuciak publia, pour sa part, des enquêtes sur des soupçons
de fraudes fiscales, ciblant Ladislav Basternak, le propriétaire d'un complexe
immobilier dans lequel réside Robert Fico. Après cela, un climat d'hostilité
s'est installé entre le chef du gouvernement et les journalistes indépendants.
Allant jusqu'à les insulter en pleine conférence de presse, les traitant de
«sales prostitués antislovaques» ou encore de «simples hyènes idiotes» et
«serpents visqueux». Mais jusque-là, aucun journaliste n'avait été tué en
raison de son travail en Slovaquie. Ce meurtre ravive ainsi le débat sur la
liberté de la presse et la corruption en Slovaquie, et plus généralement en
Europe.
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Macron
scelle son alliance avec l'Inde dans le fief de Modi (12.03.2018)
REPORTAGE - La visite d'État de trois jours du président
français a permis de donner un nouveau souffle à la relation entre Paris et New
Delhi.
De notre envoyé spécial à Bénarès
Impossible d'échapper à Emmanuel Macron. Dans les rues de
Bénarès, son visage s'affiche partout. Pour
la dernière journée du voyage d'État du président de la République en Inde,
son hôte, Narendra Modi, a vu les choses en grand. Dans son fief de l'Uttar
Pradesh, le premier ministre indien a fait disposer des photos d'Emmanuel
Macron dans toute la ville. Le long de la route que va emprunter le chef de
l'État, sur les façades des bâtiments, aux abords des échoppes, le long du
Gange, en grand, en petit et même une version en pied de près de 10 mètres
de haut.
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Macron à la jeunesse indienne: «Just do it» et «ne respectez jamais les règles»
Quand ce n'est pas le visage gigantesque d'Emmanuel Macron
qui surgit au détour d'une rue, ce sont les pancartes des deux hommes qui
sautent aux yeux. Un coup, ils se serrent la main ; un autre, ils saluent
la foule ; le dernier, ils
se donnent l'accolade. Seules les vaches sacrées semblent ignorer
la décoration du jour et le chamboulement provoqué dans la ville par la
visite d'Emmanuel Macron. Elles déambulent mollement sous le regard des
militaires qui s'efforcent discrètement de les orienter ailleurs, vers des
zones moins sensibles que celles du passage du cortège officiel. Tout y a été
nettoyé, même si cela ne saute pas aux yeux. Quelques rues plus loin, les
effluves de déjections bovines témoignent d'une saleté tenace. Par endroits, la
route a été refaite. Devant les échoppes délabrées, les commerçants passent un dernier
coup de balai.
Narendra Modi a décrété que la journée n'était pas
travaillée. Cela fait autant de monde en plus dans les rues étroites et
étouffantes de la ville où s'entassent 3,5 millions de personnes. Elles
sont nombreuses à attendre sur les bords du Gange, le fleuve sacré indien sur
lequel Narendra Modi a prévu d'emmener Emmanuel Macron faire une petite
croisière. Sur la rive des ghats, ces escaliers qui descendent vers le fleuve
pour permettre aux hindous de s'y purifier, la foule se masse. Sur la rive
opposée, un gigantesque banc de sable, des drapeaux français et indiens ont été
plantés tous les cinq mètres, des militaires aussi.
Des pétales de fleurs sont parfois lancés au passage des
deux dirigeants. Ils trônent sur des sièges au premier étage du navire, saluant
parfois la foule
Lorsque le bateau qui transporte Emmanuel Macron et Narendra
Modi s'approche, des cris de joie et des chants retentissent. Des pétales de
fleurs sont parfois lancés au passage des deux dirigeants. Ils trônent sur des
sièges au premier étage du navire, saluant parfois la foule. À la sortie du
débarcadère, une rangée de tableaux trace le chemin. Des peintures de Bénarès
dans le style de ceux qui se vendent à Montmartre d'un côté, des reproductions
de gravures du site de l'autre. Parfois, des coups de vent font tomber les
chevalets sur lesquels ils reposent. Mais pas le grand panneau composé de
fleurs sur lequel on peut lire: «Bienvenue, président de la France, honorable
Monsieur Emmanuel Macron.»
Descendus de leur bateau, qui a eu un peu de mal à accoster,
le président de la République et le premier ministre indien remontent les
marches qui mènent à leurs voitures sous le regard d'une famille de singes qui
se baladent sur les façades des bâtiments à la recherche de nourriture. Arrivé
au cortège, Narendra Modi se tourne vers Emmanuel Macron: «Assieds-toi à
l'avant, on va prendre la même voiture. Comme ça, on pourra voir les gens sur
le trajet.» Le président de la République lui jette un clin d'œil en souriant,
grimpe sur le marchepied pour observer la foule et s'engouffre dans le véhicule
qui démarre aussi sec.
Bollywood et nucléaire
La visite d'État en Inde d'Emmanuel Macron s'achève sur un
dernier déjeuner avec Narendra Modi, puis sur une conférence de presse. «Notre
accueil enthousiaste, inédit même, selon les autorités indiennes, a marqué
quelque chose de particulier pour notre pays», commence par relever Emmanuel
Macron. Venu donner un nouveau souffle à la relation franco-indienne, il repart
après trois jours d'embrassades publiques, de déclarations enflammées et de
rêves d'avenir en commun.
Il ne manque plus que les preuves d'amour: les
contrats. Les
entreprises françaises en ont signé pour 13 milliards d'euros à l'occasion
de cette visite d'État, mais la France espère davantage, et dans tous
les domaines. Ceux
déjà en cours dans l'aéronautique, le nucléaire civil ou l'espace, mais aussi
d'autres plus étonnants, comme le cinéma. «Mon souhait est d'attirer le
maximum de tournages de Bollywood en France, explique Emmanuel Macron juste
avant de prendre son avion pour Paris. Nous avons des lieux magnifiques, comme
Chambord.» Bollywood chez François Ier ou le renouveau de la relation
franco-indienne à la sauce Macron.
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Ex-espion
empoisonné : l'ultimatum de Theresa May à Vladimir Poutine (12.03.2018)
Londres donne 24 heures à l'État russe pour s'expliquer
sur l'empoisonnement de son ex-espion au Novichok.
De notre correspondant à Londres
Au bout de dix ans d'acharnement, Marina Litvinenko a réussi
à obtenir, en 2016, la reconnaissance par la justice britannique de l'implication
très «probable» de
Vladimir Poutine lui-même dans l'empoisonnement au polonium-210 de
son mari, Alexandre, ancien espion du KGB retourné par le MI6. Il avait fallu
se battre contre l'inertie du gouvernement britannique. À l'époque ministre de
l'Intérieur, Theresa May avait écrit à la veuve pour lui promettre de «tout
faire pour qu'un tel crime ne se reproduise jamais». Or, «on voit que rien n'a
été fait», s'est répandue Marina Litvinenko sur les plateaux télé britanniques,
dimanche. C'était une semaine après l'empoisonnement
à l'arme chimique de Sergueï Skripal, un autre espion russe retourné
par les services secrets britanniques, et de sa fille Ioulia, dans la petite
ville de Salisbury. Tous deux se battent depuis entre la vie et la mort.
Cette fois, Londres s'oriente vers une réponse beaucoup plus
musclée. Sous pression, Theresa May n'a pas tergiversé. À
l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité nationale, elle a désigné la
responsabilité «hautement
probable» de
la Russie. L'agent innervant extrêmement puissant «Novichok», de classe
militaire, a été développé par le pays. La première ministre pointe aussi du
doigt un historique d'assassinats «extrajudiciaires» approuvés par l'État
russe, y compris à l'étranger. Selon elle, les offres de coopération de la part
du régime de Moscou à l'époque de l'affaire Litvinenko n'avaient abouti qu'au
«déni et à l'obstruction».
«Usage de la force illégal contre le Royaume-Uni»
L'ambassadeur russe à Londres a été convoqué au Foreign
Office lundi pour se voir présenter un ultimatum. Moscou est sommé de se
justifier d'ici ce mardi soir et de faire la transparence sur le programme
Novichok. «Il n'y a que deux explications plausibles sur ce qui s'est passé à
Salisbury le 4 mars. Soit c'était une action directe de l'État russe
contre notre pays. Soit le gouvernement russe a perdu le contrôle de cet agent
innervant à la dangerosité potentiellement catastrophique et l'a laissé tomber
entre d'autres mains», a asséné la première ministre devant le Parlement. «En
l'absence de réponse crédible, nous conclurons que cette action équivaut à un
usage illégal de la force par l'État russe contre le Royaume-Uni», a-t-elle
martelé avec solennité. Des mesures de rétorsion seront dans ce cas présentées
mercredi.
Pour Theresa May, cette agression s'inscrit dans une
escalade de défiances russes vis-à-vis de l'Ouest, depuis l'annexion de la
Crimée, les violations régulières d'espaces aériens, l'immixtion dans des
élections à l'étranger, les cyberattaques, jusqu'au provocant déploiement
récent d'un nouvel arsenal militaire par Vladimir Poutine.
L'enquête mobilise 250 policiers de l'antiterrorisme,
appuyés par 180 militaires sur le terrain ; plus de 200 témoins et autant
d'indices sont examinés
La réaction très robuste de la première ministre a été
saluée de part et d'autre de l'échiquier politique. Plusieurs députés évoquent
un «acte terroriste». L'enquête mobilise 250 policiers de l'antiterrorisme,
appuyés par 180 militaires sur le terrain ; plus de 200 témoins et
autant d'indices sont examinés. «Si ce n'est un acte de guerre, c'est un acte
de type guerrier», assène Tom Tugendhat, président de la commission des
affaires étrangères du Parlement. Il cite à l'appui la contamination d'un
policier britannique, hospitalisé dans un état grave après avoir porté secours
aux Skripal, ainsi que le risque encouru par le public. Cet influent député
fait partie, comme plusieurs ministres, des partisans d'une ligne dure contre
Moscou. Au gouvernement, Boris Johnson, chef du Foreign Office, Gavin
Williamson, ministre de la Défense, et Philip Hammond, chancelier de
l'Échiquier, s'étaient impatientés devant une réaction jugée trop «molle» de
leur première ministre dans les premiers jours.
Un début de scandale sanitaire
Theresa May a été accusée de prudence déplacée après que le
Parti conservateur a reçu environ 1 million d'euros de donateurs russes
depuis qu'elle en a pris la tête. Traditionnellement, le Royaume-Uni hésite à
frapper au portefeuille la riche communauté expatriée russe. Son soutien à
l'activité économique de la capitale (City, immobilier, restaurants…) est loin
d'être négligeable.
Il s'agissait aussi pour la première ministre d'éteindre un
début de scandale sanitaire. Il a en effet fallu attendre une semaine pour que
les autorités conseillent à 500 clients d'une pizzeria et d'un pub de
Salisbury, où s'étaient rendues les victimes avant de perdre connaissance, de
bien laver leurs vêtements et objets personnels (bijoux, téléphones…). Dans un
premier temps, on les avait assurés qu'il n'y avait pas de risque. Or le niveau
de contamination était tel qu'il a fallu détruire la table sur laquelle Sergueï
et Ioulia Skripal ont déjeuné. L'agent neurotoxique provoque une coupure de la
communication entre le cerveau et les muscles et les organes, entraînant une
paralysie.
Moscou dénonce «un jeu du cirque»
En quatre ans, le pouvoir russe a été accusé
d'organiser un
système de dopage d'État, d'avoir fourni le lance-missiles ayant abattu
un avion de ligne au-dessus de l'Ukraine, d'avoir influencé la campagne
électorale américaine, de disséminer des fausses informations pour déstabiliser
les démocraties européennes ou de couvrir des attaques chimiques en Syrie. À
chaque fois, le Kremlin a rejeté avec constance ces accusations, dénonçant
l'absence de preuves, rendant même ses partenaires responsables des méfaits qui
lui sont attribués. La tentative d'empoisonnement de Sergueï Skripal, que
Theresa May a imputé à Moscou, n'échappe pas à la règle. Avant même
l'intervention de la première ministre, la diplomatie russe avait accusé
Londres de jouer «un jeu très dangereux» avec elle. «Tirez les choses au clair
de votre côté et après nous en parlerons», avait éludé Vladimir Poutine devant
la BBC.
Le député Dmitri Lougovoï, un homme bien connu au
Royaume-Uni puisqu'il est accusé d'avoir empoisonné en 2006 sur le sol
britannique un autre de ses ex-collègues espions, Alexandre Litvinenko, a
qualifié la déclaration de Theresa May «d'irresponsable». Le ministère des
Affaires étrangères a dénoncé pour sa part «un jeu du cirque» et un «conte»
élaboré, selon lui, par Londres. La chaîne Rossia 1 et son présentateur vedette
Dmitri Kisseliev ont carrément retourné l'accusation: après avoir été «pressé
comme un citron» par le M16, Sergueï Skripal était devenu pour Londres plus
«intéressant» mort que vivant. Après l'avoir empoisonné, la Grande-Bretagne
trouvera selon la télé russe un prétexte pour boycotter la Coupe du monde de
football. Et Moscou une opportunité de dénoncer une tentative de déstabilisation
à la veille des élections présidentielles du 18 mars.
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Irma :
200 millions d'euros pour restaurer les infrastructures de Saint-Martin
(12.03.2018)
Un plan d'investissement, dont un tiers sera financé par
l'État, a été annoncé pour réparer écoles, gymnases, casernes de pompiers et
logements sociaux dévastés. Le palais de justice reprend du service, malgré la
perte de nombreux dossiers pénaux lors de l'ouragan.
Après le chaos
lié à l'ouragan Irma, Saint-Martin redresse peu à peu la tête. Alors
que les particuliers réparent leurs habitations, d'importants chantiers vont
démarrer sur l'île pour remettre en état des infrastructures publiques. Le feu
vert en a été donné ce lundi, avec la présentation par les autorités locales de
leur plan d'investissement de près de 200 millions d'euros. Dans le cadre de
son soutien, l'État a décidé de financer un tiers des travaux prévus en versant
à la collectivité 66,4 millions d'euros. Prévu sur plusieurs années, ce
programme permettra ainsi de restaurer, voire de rebâtir des écoles, des
gymnases, des casernes de pompiers ou encore des logements sociaux dévastés.
Au coeur des rues commerçantes de Marigot, la ville la plus
étendue du territoire, le palais de justice a lui aussi souffert, il y a six
mois, du passage de ces vents, d'une puissance jamais égalée dans la région.
Malgré les précautions qui avaient été prises pour bloquer toutes les issues,
les portes et les fenêtres avaient été arrachées. Dans sa folie destructrice et
charriant avec lui des paquets d'eau venant du ciel et de la mer, l'ouragan
s'était alors engouffré dans les salles pour tout mettre sens dessus dessous.
Le lendemain, la consternation s'était emparée du personnel: tous les dossiers
qui avaient été soigneusement placés en hauteur flottaient dans des pièces
transformées en piscine.
Après des semaines d'hébergement dans les locaux de la
gendarmerie et la reprise progressive, dans des conditions acrobatiques, de la
chaîne pénale, la justice s'est depuis réinstallée dans ses locaux, après des
réparations d'urgence. Reprenant le cours de ses activités, elle ignore
toujours la quantité de dossiers pénaux irrécupérables, après leur séjour dans
l'eau. Baptisés «les dossiers cyclonés» et au nombre de 200, ces derniers ont
pris l'avion et sèchent aujourd'hui en Guadeloupe, dans les locaux d'une
société spécialisée. «Celle-ci avait de la place suffisante pour étaler toutes
les feuilles de papier», indique Samuel
Finielz, le procureur de Basse-Terre et responsable de Saint-Martin.
«On frappe à la porte des services de la gendarmerie
notamment pour voir s'ils n'ont pas archivé certaines copies de documents»
Samuel Finielz, le procureur de Basse-Terre et responsable
de Saint-Martin
Ce dernier s'inquiète en particulier du sort des notes
manuscrites de certains jugements qui n'ont pu à temps être mis en forme.
Persuadés d'ailleurs que certaines pièces finiront à la poubelle, magistrats et
greffiers se lancent d'ores et déjà à la chasse aux doubles. «On frappe à la
porte des services de la gendarmerie notamment pour voir s'ils n'ont pas
archivé certaines copies de documents», poursuit le procureur.
Par ailleurs, un traitement «post-Irma» a dû être pensé pour
une partie des 108 affaires qui avaient été renvoyées peu après le séisme,
faute d'audiences assurées. Irma qui a pulvérisé les habitations a aussi joué
les trouble-fête dans les dossiers judiciaires. «Par exemple dans des conflits
de voisinage opposant deux habitants, l'un
d'eux a finalement quitté Saint-Martin après la destruction de son
logement. Après Irma encore, des personnes ont finalement décidé de retirer
leur plainte», énumère ainsi le magistrat. Alors, des dossiers ont donné lieu à
des classements d'opportunité, d'autres à des alternatives aux poursuites,
d'autres encore à des ordonnances pénales (jugement sans audience). Autant de
dénouements qui ont permis aussi d'éviter l'embouteillage judiciaire à
Saint-Martin. Toutefois, la justice se garde sous le coude 60 dossiers.
Renfermant les faits les plus graves, ces derniers seront jugés au fil du
temps.
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efforts considérables»
Tarnac,
le procès d'un enlisement judiciaire (12.03.2018)
RÉCIT - Présentés en 2008 comme de dangereux terroristes
d'ultragauche, huit personnes, dont Julien Coupat et sa compagne Yildune Lévy,
sont jugées ce mardi, notamment pour la dégradation d'une ligne SNCF.
«Nonobstant leur caractère d'indéniable violence, leurs
motivations idéologiques tendant à s'en prendre d'une manière générale à la
société […] et plus spécialement à son système économique et à ses modes de
consommation, les actions de dégradations, de faux et d'association de
malfaiteurs reprochés aux mis en examen ne peuvent revêtir la qualification
terroriste.»
En droit, ce type de formule s'appelle une
requalification ; en l'espèce, celle-ci arrive à la fin d'une ordonnance
de renvoi en correctionnelle et conclut près de 30.000 pages de procédure. Pour
le commun des mortels, qui ne parle pas couramment le Dalloz, cela s'appelle
une déculottée pour les services de lutte antiterroriste.
Des crochets à béton déposés sur les câbles
d'alimentation de locomotives avaient désorganisé le trafic
Le procès dit «de Tarnac», qui s'ouvre ce mardi à Paris et
doit durer jusqu'au 30 mars (quatre après-midi d'audience par semaine),
sera peut-être moins celui des huit prévenus que celui des policiers et juges
qui, en
novembre 2008, prétendaient avoir démantelé un dangereux groupuscule
d'ultragauche. Très vite, la défense emmenée par les avocats
de Julien
Coupat,né en 1974 et diplômé de l'Essec, et de sa compagne
d'alors, Yildune
Lévy, de neuf ans sa cadette, avaient mis au jour de stupéfiantes
béances dans l'enquête lancée après des tentatives de sabotage
visant des chemins de fer. Des crochets à béton déposés sur les câbles
d'alimentation de locomotives avaient désorganisé le trafic et lancé les limiers
de la sous-direction antiterroriste (Sdat) sur la piste d'un groupe de
militants post-situationnistes convaincus, des «anarcho-autonomes» gravitant
autour d'une épicerie associative baptisée «Magasin général» et sise à Tarnac
(Corrèze).
L'annonce de l'arrestation de ces redoutables individus par
la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, et les plus hautes autorités
judiciaires, avaient permis à la France de découvrir à quel point la menace
gauchiste, bien que sous-estimée, était prégnante sur son sol… L'affaire
n'était-elle qu'un rideau de fumée politique, comme le soutiennent les
prévenus?
En dépit des lumières d'un agent britannique infiltré dans
la pampa corrézienne et de révélations accablantes sur Julien Coupat, émanant
d'un témoin courageux mais anonyme, le château de cartes s'est effondré.
L'espion n'était pas si fiable qu'il en avait l'air. Quant au témoin mystère,
il s'agit d'un agriculteur psychologiquement fragile, en bisbilles avec les
agités du Magasin général, ces lecteurs assidus d'un bréviaire (également
anonyme) de sédition, L'insurrection qui vient.
Des moyens considérables
La défense - dont un très grand avocat, Me Thierry
Lévy, aujourd'hui disparu, était la figure centrale - sème le doute sur
certains actes prépondérants. Ainsi d'une filature du couple Coupat-Lévy, la
nuit où furent commises les déprédations poursuivies: selon les avocats, elle
était matériellement impossible. «Les enquêteurs admettaient une erreur dans le
procès-verbal D104 quant à la retranscription des horaires», consignent
pudiquement les juges d'instruction. Yildune Levy, elle, affirme qu'à l'heure
où elle était supposée saboter une caténaire en Seine-et-Marne, elle retirait
de l'argent dans un distributeur de billets du quartier Pigalle, à Paris. Sa
carte bancaire a bien été utilisée à cette fin, au moment dit.
La justice a déployé des moyens considérables pour affubler
les prévenus d'une panoplie de terroristes internationaux. Mais la Cour de
cassation a tranché: les délits pour lesquels ils peuvent être jugés relèvent
du droit commun. Julien Coupat, Yildune Lévy et deux autres répondront, outre
des dégradations, d'association de malfaiteurs, délit passible de dix années de
prison.
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Mathieu
Bock-Côté : «L'antifascisme médiatique radicalise la vie politique» (12.03.2018)
TRIBUNE - Notre chroniqueur québécois analyse le triomphe
des populistes en Italie. Voir dans ce vote un désir de «plus d'Europe» relève
de l'autisme politique.
On s'attendaità un tremblement de terre lors
des élections italiennes du dimanche 4 marset c'est ce qui s'est
produit. Une partie du «commentariat» prend un air grave et disserte sur
l'événement comme si l'Italie était désormais au borddu gouffre. Elle annonce
tout à la fois la fin possible de l'Europe et s'inquiète avec des mots usés
d'une poussée xénophobe. Le «vivre-ensemble diversitaire» n'est pourtant plus
qu'une fiction médiatique masquant bien mal des tensions identitaires souvent
violentes. Et l'Italie a été particulièrement touchée par la grande vague
migratoire qui en amène plusieurs à redouter une transformation démographique
irréversible de la civilisation européenne. La peur de devenir étranger chez
soi hante l'Europe occidentale, et même l'Europe centrale, qui redoute de
connaître le même sort.
L'offre politique se renouvelle autour de la question
identitaire
Une angoisse existentielle longtemps étouffée remonte à la
surface de la vie politique: on s'inquiète pour la survie de la civilisation
européenne et de ses peuples. Les leaders politiques sont appelés à prendre en
charge cette inquiétude. Trop souvent, ils s'y sont refusés et pire encore, ils
l'ont diabolisé ou laissé diaboliser, en n'y voyant qu'un repli identitaire
maquillant bien mal une crispation raciste. Il fallait s'enthousiasmer pour le
multiculturalisme et la promesse d'un monde sans frontières. Au mieux, ceux qui
traînaient de la patte devant la promesse d'un avenir radieux étaient les réactionnaires
accrochés au monde d'hier. Au pire, ils laissaient craindre un retour du
fascisme, dénoncé à travers le rituel du rappel des années 1930. Nous assistons
pourtant à un retour du tragique: la politique ne saurait plus se réduire à une
rationalité gestionnaire.
La recomposition politique qui s'annonce n'en est peut-être
qu'à ses débuts. L'offre politique se renouvelle autour de la question
identitaire. De ce point de vue, les deux Europe n'en font peut-être qu'une. La
référence au populisme est-elle adéquate pour désigner ce mouvement?
Généralement, l'étiquette a pour vocation de transformer en infréquentables
ceux à qui on l'accole. Notons toutefois que d'un pays à l'autre, les partis ne
sont pas perçus de la même manière, comme on le voit avec la
Ligue de Matteo Salvini, classée à droite chez elle mais à l'extrême
droite en France. Il arrive qu'un système électoral oblige certains partis à se
coaliser alors que sous d'autres cieux, ils refuseraient de faire cause
commune. Certains partis protestataires parviennent ainsi à se normaliser et
espèrent devenir hégémoniques dans leur camp.
Devant la perspective d'un choc des civilisations, le
vieil antagonisme historique entre le nord et le sud de l'Italie se relativise
On aime présenter l'Italie comme un laboratoire politique.
On ne doit pourtant pas négliger la spécificité de sa culture politique, qui
s'incarne de manière caricaturale dans les mille vies de Silvio Berlusconi.
Plus profondément, on a assisté à une mutation, depuis quelques années, du
sentiment identitaire italien. Il se révèle avec la transformation de la Ligue,
passée d'un régionalisme nordiste séparatiste à un euroscepticisme virulent
soucieux de contenir l'immigration massive. Devant la perspective d'un choc des
civilisations, le vieil antagonisme historique entre le nord et le sud de
l'Italie se relativise, ce qui ne veut pas dire qu'il disparaît. Il n'en
demeure pas moins que la Ligue, au-delà de ses mutations idéologiques et de ses
virages stratégiques, s'entête à cultiver un style histrionique et attire des
éléments militants toxiques, qui la rendent inquiétante au-delà des cercles
portant leur antifascisme à la boutonnière.
Le Mouvement 5 étoiles donne un autre visage au
populisme italien, qui répond à une authentique détresse sociale. Vieille
nation d'émigration, l'Italie craint à nouveau de se vider de ses enfants, qui
peinent à s'y imaginer un avenir. S'il est aussi sévère à l'endroit de
l'immigration, le M5S canalise surtout une protestation multiforme,
symptomatique d'un sentiment de dépossession collectif, comme si la démocratie
tournait à vide en peinant à porter un authentique projet politique, sinon
celui de s'adapter à l'univers de la mondialisation, qui s'incarne dans une
Union européenne ne parvenant pas à protéger ses peuples. Dès lors, la
tentation de sortir les sortants devient de plus en plus forte et le fantasme
de la démocratie directe s'empare de ceux qui ne croient plus aux institutions.
Mais cet appel au secours peine à se métamorphoser en programme et l'Italie se
retrouve avec une formation politique protestataire et tribunitienne comme
premier parti national.
Un régime qui étouffe de profondes aspirations populaires
les voit souvent se retourner contre lui
On ne sait toujours pas quel gouvernement sortira des
élections italiennes. Toutes les combinaisons politiques sont imaginables. Mais
il ne sert à rien de faire sonner encore une fois les sirènes fêlées de
l'antifascisme, qui ne convainquent plus grand monde. L'antifascisme médiatique
radicalise la vie politique en refusant de prendre au sérieux l'insécurité
culturelle des peuples. De même, on peine à croire aussi que certains voient
dans le vote italien un appel à encore plus d'Europe. Comment ne pas y voir une
forme d'autisme politique grave? C'est le propre des idéologues les plus
fanatisés de croire qu'on les congédie parce qu'ils n'en font pas assez dans la
promotion au bulldozer de leur doctrine. Plus on les rejette et plus ils se
croient désirés.
Dans une époque tourmentée, il est normal qu'un peuple
réclame des
frontières correspondant à la fonction protectrice du politique et défende son
identité, à travers laquelle il exprime son droit à la continuité
historique. C'est lorsque ces besoins sont méprisés qu'ils sont récupérés par
des mouvements illibéraux suscitant une légitime méfiance. Un régime qui
étouffe de profondes aspirations populaires les voit souvent se retourner
contre lui. C'est probablement ce qui arrive aujourd'hui à la grandeur de
l'Europe. Les dirigeants qui s'autoproclament remparts contre le populisme
auraient tort de croire que c'est en réduisant l'inquiétude identitaire des
peuples à une passion triste et mesquine qu'ils sauront vraiment les en
détourner.
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Mathieu
Laine :«L'Étranger de Camus contre la fièvre populiste»
(12.03.2018)
TRIBUNE - Et si le roman culte du philosophe pouvait nous
aider à mieux comprendre les enjeux contemporains ? Les électeurs qui se
tournent vers les partis populistes ressemblent à des Meursault sans surmoi.
Mathieu Laine - Crédits photo : Fabien CLairefond
La puissance d'un livre ne se révèle pas seulement à la
popularité dont le public l'honore. Elle tient surtout, les deux phénomènes
étant intimement liés, à sa plastique universelle, à sa capacité à ne point se
périmer avec le temps et à autoriser le lecteur à non seulement se saisir des
clés de vérités humaines offertes par le texte mais également à devenir,
lui-même, en interprétant ce dernier à l'aune d'un vécu inconnu de l'auteur, le
coproducteur d'une nouvelle série d'outils de décryptage de son temps.
Si L'Étranger, qui fut publié en 1942, figure
toujours au deuxième rang des œuvres françaises les plus lues au monde,
après Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry, c'est parce
qu'elle fait partie de ces rares œuvres suffisamment humaines et souples pour
être appropriées par quiconque le lit. Alors
que l'Occident cède de plus en plus, à des degrés divers, à la tentation
populiste, il nous est apparu, en relisant L'Étranger,
quelques raisonnements insoupçonnés et pourtant fort utiles pour nous,
Français.
La France fait figure d'exception
Alors que le Brexit a secoué sévèrement l'élite anglaise,
que Trump a pris de court une classe dirigeante arrogante, que l'Italie
a sanctionné les partis du centre droit comme du centre gauche, que
l'Allemagne a vu ressurgir un parti d'extrême droite (l'AFD a fait 12,6 %
et obtenu 90 députés au Bundestag), que l'Autriche, la Hongrie, la Pologne ont
accédé à des demandes illibérales (les Polonais ont ainsi vu la séparation des
pouvoirs, l'indépendance de la justice et la liberté d'expression reculer), la
France fait figure d'exception face à une bascule qui pourrait, si l'on ne s'en
saisit pas davantage, la rattraper dans quatre ans et quelques mois.
Que nous apprend Camus? À réfléchir autrement qu'en jugeant
sommairement, par le haut, doctement, ceux qui paraissent penser si
différemment de nous qu'ils ne mériteraient que le mépris, le rejet ou la
guillotine, électorale et sociale cette fois.
C'est pour son attitude déconcertante, pour son étrangeté
palpable, plus que parce qu'il a tué « l'Arabe », que le tribunal condamne à
mort Meursault.
Meursault, le héros bien connu de l'œuvre magistrale
d'humanité d'Albert Camus, a d'abord été perçu comme un prince de «la
sensibilité absurde», celle du Mythe de Sisyphe. On le voit, il est vrai,
désarmant de désintérêt face à la mort de sa mère («Aujourd'hui maman est
morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas») et au crime qu'il a commis («c'était
à cause du soleil»). Et c'est pour cela, pour son attitude déconcertante, pour
son étrangeté palpable, plus que parce qu'il a tué «l'Arabe», que le tribunal
le condamne à mort. Il y a du Kafka dans cette dénonciation des mécaniques sociales,
dans cette déviation du sens, dans cette gratuité exagérée et atrocement
arbitraire. Ce personnage, dont la surinterprétation coloniale n'a toujours pas
été digérée en Algérie, comme l'a poétiquement et puissamment analysé Kamel
Daoud dans Meursault, contre-enquête, est également apparu comme un
champion de la vérité, du parler-vrai, de la sincérité authentique, faisant fi
des conventions, refusant l'hypocrisie dont Olivier Babeau vient de faire
l'éloge dans un essai brillant.
Incapable de mentir, de cacher ses pensées les plus
déroutantes, de se voiler derrière un paraître pouvant le protéger socialement.
En cela, Meursault pourrait faire figure de héros randien, comme Howard Roark,
cet architecte à la fois visionnaire et totalement inadapté aux impératifs de
la communauté du roman La Source vive, d'Ayn Rand, que Plon
s'apprête à publier à nouveau. Mais c'est sans doute plus complexe que cela car
Meursault n'est pas un inventeur. Sa vie est banale. Et derrière la figure
valorisante de la vérité ontologique, la multiplication de Meursault agissant
uniquement par instinct, tuant pour un rayon de soleil et épousant parce qu'on
lui a demandé, nous plongerait dans la nuit d'un monde sans règle dans lequel
le surmoi aurait été banni.
Notre Meursault contemporain, c'est non seulement
l'abstentionniste, qui assume de n'en avoir rien à faire de notre avenir
commun, mais également l'électeur du parti populiste.
Et c'est là que se fait le lien avec le toboggan sur lequel
la social-démocratie et, peut-être même, la démocratie occidentale, elle-même,
sont désormais poussées. La confrontation sourde entre une partie toujours plus
importante du peuple, enragé par la déception (dégagisme), gagné par
l'agrégation des peurs (migrants, perte d'identité, déclassement, chômage, etc.),
grignoté par l'envie (refus des inégalités), et une élite en grande partie
aveugle à ces appels, continuant à faire l'autruche en diabolisant les extrêmes
tout en refusant d'adresser pleinement les angoisses sous-jacentes, s'inscrit
dans la dialectique deL'Étranger. Notre Meursault contemporain, c'est
non seulement l'abstentionniste, qui assume de n'en avoir rien à faire de notre
avenir commun, mais également l'électeur du parti populiste. Dans l'isoloir, ce
dernier hésite de moins en moins à assumer son choix et à voter pour une forme
de désagrégation de la démocratie. Le juge d'instruction, le procureur, et même
le prêtre, dont l'inflexibilité et l'inhumanité sont assises sur la certitude
de classe d'agir pour le bien commun, c'est l'élite courant à sa perte en
renouvelant plus ou moins les mêmes recettes et en apportant trop peu de
réponses satisfaisantes aux cris silencieux de la croissance vertigineuse des
votes ultras.
Comme dans le roman de Camus, cette circonstance tragique
échappe à tout manichéisme. Il n'y a, dans cette spirale infernale, ni
vainqueurs ni bons. Chacun perd. Les Meursault, en courant, bornés de
certitude, à la guillotine de modèles sociétaux vrillant petit à petit, mais
véritablement, vers une négation suicidaire de la démocratie, comme le révèle
le jeune professeur de Harvard Yascha Mounk dans son très lucide essai The
People vs. Democracy. Why Freedom is in Danger & How to Save it ;
les institutions, en témoignant leur incapacité à répondre avec efficacité aux
difficultés humaines qu'elles sont censées juguler, par atavisme technocratique
comme par refus d'aller suffisamment loin dans la réforme au service de ceux
qui ont déjà réussi et pourraient réussir encore davantage, mais aussi pour les
plus faibles et les plus pauvres, qui méritent eux aussi de solides
opportunités d'être à nouveau gagnés par l'espérance d'un meilleur avenir.
C'est tout l'enjeu d'un second souffle à la fois plus réformateur et plus
protecteur, qui traiterait davantage du sujet empoisonné des migrants, que le
président Macron devrait, à mon sens, initier au terme de la première année de
son mandat. Pour transformer encore plus en profondeur et briser, avec une
puissance inégalée dans le monde occidental, la vague populiste qui ne manquera
pas de tenter de nous terrasser à notre tour.
Mathieu Laine est l'auteur, avec Jean-Philippe Feldman,
de Transformer la France. En finir avec mille ans de mal français,
(Plon).
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Robin: «L'Amérique de Trump est devenue “La Vieille Dame indigne” de
l'Occident» (11.03.2018)
CHRONIQUE - Voulant sanctionner la Chine, Washington
pénalise d'abord ses alliés.
À Davos, le 25 janvier, Donald
Trump s'était vanté que la Bourse américaine avait bondide 50 %
depuis son élection de novembre 2016. Le Dow Jones affichait alors
effectivement un gain de 45,4 %. Mais il a suffi que la Maison-Blanche
déclare ce jeudi 1er mars son intention de mettre des droits de douane sur
l'acier et l'aluminium pour que Wall Street recule de 2 % en une semaine.
On s'était donc trompé: Donald Trump n'est pas un boursicoteur idolâtre. Au
contraire, il pourrait à bon droit paraphraser le général de Gaulle (en 1966),
«la politique des États-Unis ne se fait pas à la corbeille». Dont acte.
» LIRE AUSSI - Nicolas
Baverez: «La guerre de l'acier aura bien lieu»
Les marchés financiers ont raison de s'inquiéter des
«guerres commerciales». Ils reflètent les craintes exprimées un peu partout,
notamment par le FMI dont la position est très claire: «Les restrictions à
l'importation annoncées par le président américain sont susceptibles de causer
des dommages non seulement en dehors des États-Unis, mais aussi sur l'économie
américaine elle-même, y compris l'industrie et le secteur de la construction
qui sont des utilisateurs majeurs d'aluminium et d'acier.» Alors que l'Amérique
est au plein emploi de ses capacités de production, le renchérissement de ces
produits de base pénalisera les entreprises et leurs consommateurs.
Donald Trump n'en a cure. «Quand on a un déficit de
100 milliards de dollars avec un pays et qu'il fait le malin, on arrête de
faire des affaires et on gagne gros.» Le tweet du président de la première
puissance économique mondiale se veut belliqueux. Qui vise-t-il précisément? La
Chine avec laquelle les États-Unis ont un déficit bilatéral annuel de plus de
300 milliards de dollars (selon les statistiques américaines), le Mexique
(un peu plus de 100 milliards), l'Allemagne ou le Japon (entre 60 et
70 milliards chacun), le Canada (55 milliards) ou encore le Vietnam
(30 milliards)? Pour l'anecdote, on notera que la France a enregistré un
excédent commercial bilatéral de 14 milliards de dollars avec l'Oncle Sam
en 2016, ce qui nous place à la 14e place.
Les sanctions sur l'aluminium et l'acier seraient-elles
des sommations en attendant des actions plus fondamentales visant la Chine sur
la propriété intellectuelle?
En égrenant cette litanie de chiffres, que l'hôte de la
Maison-Blanche a plus ou moins en tête, il faut se rappeler la maxime
anglo-saxonne, «À la guerre, la première victime est toujours la vérité!». La
guerre économique n'échappe pas à cette loi. On sait en effet que dans la
mondialisation, les chaînes de production sont la règle et un produit passe
plusieurs frontières nationales avant d'arriver dans les mains du consommateur.
Les statistiques bilatérales entre pays offrent donc une vision déformée de la
réalité.
C'est l'exemple bien connu de l'iPhone, «Designed by Apple
in California, Assembled in China» (conçu en Californie, monté en Chine), comme
il est écrit au dos des téléphones. En réalité, à peine 6,5 % de la valeur
de l'appareil est d'origine chinoise ; le reste provient d'une demi-douzaine
d'autres pays, sans oublier ce qui revient à la Silicon Valley. Mais quand un
iPhone arrive des usines de Shanghaï à Los Angeles, son prix incorpore tous les
coûts des composants ayant contribué à sa fabrication.
Querelle sur les métaux
Les chiffres bilatéraux de commerce, fondés sur les prix des
produits à leur passage en douane, sont trompeurs. Il conviendrait d'établir
des «statistiques en valeur ajoutée», comme l'OCDE et l'OMC en ont produit à
titre expérimental en 2015. Cet exercice, techniquement difficile, avait montré
que le déficit des États-Unis vis-à-vis de la Chine était deux fois moindre
qu'il n'est en apparence (celle des douanes).
La querelle sur les métaux s'avère doublement erronée. Elle
voudrait cibler la Chine mais l'empire du Milieu n'est que le 11e fournisseur
d'acier des États-Unis et moins de 1 % des exportations d'aluminium
chinois prend la route de l'Amérique. Le paradoxe est que les sanctions
élaborées par Washington feront long feu, épargnant de facto Pékin et frappant
le Brésil, la Corée du Sud, le Canada ou le Mexique. Certes, il existe un
problème de surproduction de la sidérurgie chinoise qui déprime les cours
mondiaux, mais ce n'est pas la bonne façon de le traiter.
De même, les Américains ont de réels motifs de récrimination
vis-à-vis de Pékin, mais ils sont d'une tout autre nature comme l'explique,
dans une tribune du think-tank Peterson Institute, Fred Bergsten, l'un des
meilleurs analystes des relations internationales: «Le président Trump a raison
sur un point en matière commerciale. Comme il aime à le répéter, le principal
objectif de toute offensive commerciale américaine devrait être la Chine. Parmi
les justifications, les énormes vols de propriété intellectuelle, une politique
chinoise industrielle mercantiliste agressive, l'obligation faite aux
investisseurs étrangers de transferts de technologie, les cyberattaques
répétées, les manipulations monétaires dans les années précédentes… Ces actions
déloyales pénalisent gravement le reste du monde.»
Les États-Unis peuvent-ils réellement abandonner le cadre
multilatéral du libre-échange dont ils ont été l'instigateur?
Les sanctions sur l'aluminium et l'acier, venant après des
mesures similaires sur les panneaux solaires et les machines à laver, ne
sont-elles que des sommations préparant le terrain à des actions plus
fondamentales sur la propriété intellectuelle notamment? C'est l'hypothèse de
Fred Bergsten. Il n'en considère pas moins regrettable de vouloir partir à la
guerre commerciale en gênant ses alliés au lieu de les mobiliser.
« La Vieille Dame indigne» (1965), un film de
René Allio retraçant les aventures d'une femme âgée qui n'en fait plus qu'à sa
tête une fois qu'elle a élevé ses enfants. - Crédits photo : Claude
Schwartz/mention obligatoire©Claude Schwa
Les Occidentaux ont donc l'impression désagréable que
l'Amérique se comporte comme La Vieille Dame indigne (film de
René Allio, tiré d'une nouvelle de Bertolt Brecht) qui n'en fait plus qu'à sa
tête une fois qu'elle a élevé ses enfants. Les États-Unis peuvent-ils
réellement abandonner le cadre multilatéral du libre-échange dont ils ont été
l'instigateur et qu'ils n'ont eu de cesse d'enseigner aux autres depuis 1945?
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Dirk
Schümer : «L'Allemagne ressemble de plus en plus à l'Italie :
ingouvernable !» (11.03.2018)
FIGAROVOX/ANALYSE - Longues négociations à couteaux tirés,
alliances qui éclatent, fausses promesses et démentis à demi-mot...
L'Allemagne, dont la stabilité ennuyait presque autrefois, n'a jamais autant
ressemblé à l'ingouvernable Italie pendant les législatives.
- Crédits photo : LENA logo
Quatre mois après les législatives, l'Allemagne
va enfin disposer d'un nouveau gouvernement. En revanche, selon toute
vraisemblance, l'Italie,
qui vient de se rendre aux urnes, va devoir attendre. Ces deux
nouvelles sont plus étroitement liées qu'il n'y paraît. La seule différence,
c'est que si l'Italie est plongée dans le marasme, le drame allemand n'en est
qu'à ses prémices.
Dirk Schümer, correspondant du quotidien allemand Die
Welt en Italie. - Crédits photo : KARLHEINZ SCHINDLER/dpa
Picture-Alliance/AFP FORUM
Longues négociations à couteaux tirés, alliances qui
éclatent, fausses promesses et démentis à demi-mot, votes de militants jusqu'à
la nausée pour la population - jusqu'à maintenant, ce type de mise en scène
théâtrale de l'immobilité politique était l'apanage de Rome. Pourtant, cette
fois-ci, elle avait lieu à Berlin, même la scène traditionnelle de la commedia
dell'arte avec une Andrea
Nahles (SPD) hurlant depuis son pupitre - une première en
Allemagne. Berlin découvrit aussi son professionnel du revirement, le vieux
SPD, diva au caractère versatile, qui avait exclu toute participation au
gouvernement. Le parti d'extrême droite AfD ne devait en aucun cas devenir le
principal parti d'opposition - ce sera pourtant le cas. Le FDP, grand vainqueur
de l'élection, devait être intégré dans la coalition - ce ne sera pourtant pas
le cas. La CSU voulait mettre un terme à la politique d'accueil socio-démocrate
- or elle se poursuivra.
«L'italianisation de la politique allemande a démontré
que cette alliance des deux piliers traditionnels de la stabilité allemande
représentait le dernier acte d'un drame historique»
Avant les législatives, CDU et Verts étaient si souvent
d'accord qu'on aurait presque pu appeler à leur fusion. Pourtant, en définitive,
les Verts vont devoir feindre de s'opposer à leur chère Merkel. C'est ainsi que
l'Allemagne entame un quatrième gouvernement Merkel, que l'on aimerait pouvoir
appeler «grande coalition», ne serait-ce que par nostalgie.
L'Allemagne, dont la stabilité ennuyait presque autrefois,
n'a jamais autant ressemblé à l'ingouvernable Italie. La joie qu'a suscitée
l'annonce de l'accord final - entériné
par les militants récalcitrants du SPD - était teintée de fatigue.
L'italianisation de la politique allemande a démontré que cette alliance des
deux piliers traditionnels de la stabilité allemande - les chrétiens-démocrates
et les socio-démocrates - représentait le dernier acte d'un drame historique.
Avec une CDU réduite, toujours plus socio-démocrate, et un SPD moribond, tous
deux rattrapés par l'extrême droite, l'ère des partis de masse «interclassistes»
et de la stabilité politique touche bientôt à sa fin en Allemagne.
«SPD et CDU ont perdu des millions d'électeurs au profit
de l'AfD, car l'arrivée de près de deux millions d'immigrés, a réveillé chez
les électeurs allemands le désir de sécurité, de patrie et d'identité»
Cette coalition de l'urgence pourrait être fatale aux deux
partenaires. Ils vont à contre-courant de la tendance générale des opinions,
face à la crise que traverse l'Europe, à pencher vers la droite et à récuser
l'establishment politique. SPD et CDU ont perdu des millions d'électeurs au
profit de l'AfD car l'arrivée de près de deux millions d'immigrés, avec ses
conséquences inévitables telles que la criminalité, le dumping social, la crise
du logement et les communautarismes, a évidemment réveillé chez les électeurs
allemands le désir de sécurité, de patrie et d'identité. Pour beaucoup de
conservateurs nationalistes, la CDU est devenue un parti de gauche au même
titre que le SPD. Comme en France, les «petites gens» se détournent toujours
plus d'une social-démocratie d'intellectuels et de fonctionnaires - et votent à
droite, parce que leurs préoccupations du quotidien n'apparaissent absolument
pas dans les programmes des partis de gauche.
Paradoxe des règles de la démocratie représentative, l'on
peut analyser pourquoi les partis de gouvernement allemands ont perdu tant de
voix tout en poursuivant avec exactement le même casting: Merkel et Altmaier,
Maas et Seehofer, Scholz et von der Leyen. Même l'indestructible Schäuble sera
encore présent en tant que président du Parlement malgré son âge avancé. Et le
président de la République fédérale, Steinmeier, est quant à lui la grande
coalition personnifiée. Cette tradition de coalition qui se poursuit après une
retentissante débâcle électorale prend des allures de dernier carré des anciens
partis de masse «interclassistes».
«Pour la première fois, Merkel dirige un gouvernement de
second choix, une alliance de circonstance des faibles, une coalition du
compromis et de la peur»
Dans ce contexte, le gouvernement allemand fait parfaitement
écho à l'ingouvernabilité italienne. Les Allemands ont simplement quelques
années de retard sur les Italiens. La tendance européenne à l'opposition à
l'establishment politique n'est pas terminée. Les humiliants 5 à 10 %
obtenus par les Partis socialistes néerlandais et français montrent
qu'actuellement, les partis de gauche peuvent encore beaucoup progresser - vers
le bas.
Pour la première fois, Merkel dirige un gouvernement de
second choix, une alliance de circonstance des faibles, une coalition du
compromis et de la peur. Ce gouvernement est tout sauf un pilier de la
stabilité européenne ; il s'agirait plutôt d'un clin d'œil de l'avenir:
bienvenue en Italie!
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Guillaume
Tabard: «Hollande-Macron, la mésentente frontale» (12.03.2018)
CONTRE-POINT - Emmanuel Macron n'a pas attendu son
retour d'Inde pour riposter à la flèche décochée par François Hollande au sujet
de la ligne diplomatique de la France en Syrie.
Il n'est pas besoin d'attendre le 11 avril, jour
prévu de la parution de son livre Les Leçons du pouvoir, pour
savoir ce que François Hollande pense d'Emmanuel Macron. Ni pour savoir
ce que le président de la République pense de son prédécesseur. Ils n'ont même
pas besoin de se citer pour s'affronter.
En prenant, dans Le
Monde ,
la défense des populations kurdes victimes du rôle conjoint de la Turquie
d'Erdogan et de la Russie de Poutine, l'ancien président se défendra
évidemment de toute arrière-pensée politicienne. Mais c'est bien son successeur
qu'il vise quand il lance que si «on peut évoquer les relations
historiques entre la France et la Russie - allusion à la réception de Vladimir
Poutine au château de Versailles -, ce n'est pas une raison
pour le laisser avancer ses pions sans réagir». Une flèche en tout cas
qu'Emmanuel Macron a clairement prise pour lui-même puisqu'il n'a pas attendu
son
retour d'Inde pour répliquer à «certaines personnes qui
donnent des leçons» et pour opposer sa «responsabilité» aux
«commentaires» de ceux qui n'exercent plus que le ministère de la
parole.
«En août, en pleine polémique sur la réforme du Code du
travail, l'ancien président avait mis en garde contre des “sacrifices inutiles”
demandés aux Français.»
C'est la première fois que François Hollande intervient formellement,
par un long entretien à un quotidien, dans le débat public. Mais ce n'est pas
la première fois qu'il «cherche» celui qui l'a empêché de se présenter. En
août, en pleine polémique sur la réforme du Code du travail, l'ancien président
avait mis en garde contre des «sacrifices inutiles» demandés aux Français. La
riposte n'avait pas plus tardé qu'aujourd'hui. «Il serait étrange que
l'impossibilité qui a été la sienne de défendre son bilan devant les
Français puisse motiver une tentation de le justifier devant les journalistes»,
avait répliqué Macron dans un entretien au Point. Une pique,
un scud en retour.
Si prévenant avec Nicolas Sarkozy - les deux couples
rivalisent d'amabilités -, le président de la République est intraitable envers
celui qui avait dit de lui: «Il sait ce qu'il me doit.» Ces deux-là
furent trop proches pour avoir aujourd'hui une relation «normale», apaisée. «Ce
ne serait pourtant pas compliqué, veut croire un de leurs amis communs.
Hollande devrait avoir la sagesse d'accepter que son fils s'est émancipé
et Macron devrait avoir l'intelligence de reconnaître ce qu'il doit à son
aîné.»
Expert ès médias, François Hollande sait que toutes
ses phrases ou allusions sur Macron feront le buzz.
Simple à dire, moins simple à faire. Les rares ayant eu
accès au manuscrit du livre de l'ancien élu corrézien assurent toutefois qu'il
n'y aura pas de règlements de comptes envers son successeur. «Juste un récit
précis de ce qu'il a vu et su de lui», ce qui est déjà beaucoup… Expert
ès médias, François Hollande sait que toutes ses phrases ou allusions sur
Macron feront le buzz. Mais s'il a pris la plume si vite, c'est aussi parce
qu'il ressent un besoin de réhabilitation de son action. S'il assure que,
contrairement à Nicolas Sarkozy, il ne reviendra jamais dans la vie politique,
il s'agace de la mansuétude dont bénéficie son successeur, alors qu'on ne lui
passait rien à lui. En attaquant Macron sur le terrain de la politique
internationale, il veut instiller l'idée que, sur la Syrie notamment, il avait
vu juste avant les autres. Contraint de rédiger lui-même une plaidoirie que
personne, et à commencer par ses amis restés au PS, ne veut écrire pour lui.
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À
Mayotte, la ministre des Outre-mer veut calmer le jeu (12.03.2018)
REPORTAGE - Annick Girardin a annoncé une série de mesures
pour lutter contre l'insécurité. Mais le mouvement de contestation reste
important.
À Mamoudzou
Scène rare à Mayotte. Quelques huées ont accompagné
l'arrivée lundi de la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, place de la
République, le principal lieu de rassemblement de Mamoudzou, le chef-lieu du
101e département français. Cette île de l'océan Indien vient d'entamer sa
quatrième semaine de grève
générale contre l'insécurité. L'archipel subit une forte pression
migratoire venue des Comores, à seulement 70 km de ses côtes. Et une
grande partie de la population de Mayotte (environ 250.000 habitants) voit
dans cette immigration la principale cause de la délinquance et des problèmes
sociaux.
»» LIRE AUSSI: Comprendre la grève générale qui touche Mayotte depuis 3 semaines
»» LIRE AUSSI: Comprendre la grève générale qui touche Mayotte depuis 3 semaines
Pour rétablir le dialogue, Annick Girardin est venue avec
trois «sages», dont l'ancien préfet de Mayotte, Jean-Jacques Brot. Ils
«resteront dans le territoire (…) tant que ce sera nécessaire», afin d'établir
avec les élus, associations et habitants des propositions, sur «le logement,
l'hôpital, le transport…», liste la ministre. Dans l'immédiat, celle-ci
a annoncé, sur le volet de la lutte contre l'insécurité («la
priorité du territoire»),
quelques moyens supplémentaires en zone police et gendarmerie. Dix
policiers doivent arriver avant fin mars, ainsi que 16 gendarmes d'ici au
mois d'août. De quoi armer la nouvelle brigade de prévention de la délinquance
juvénile de la gendarmerie. Par ailleurs, Annick Girardin a annoncé le
maintien, jusqu'à la fin de l'année scolaire, de l'escadron de gendarmes
mobiles arrivé début mars, soit 60 hommes. Les crédits du Fonds
interministériel de prévention de la délinquance seront augmentés de
330.000 euros, notamment pour faciliter le développement de la
vidéoprotection.
En ce qui concerne la lutte contre l'immigration
clandestine, un état-major opérationnel, à terre et en mer, va être
créé dans les prochains jours. Les rotations d'hélicoptères vont aussi
augmenter et un groupe d'enquête interservices va être créé. Un navire
patrouilleur militaire vient d'arriver sur l'île, pour renforcer les capacités
de surveillance en haute mer.
Une nouvelle marche ce mardi
« Nous invitons (Annick Girardin) à venir marcher avec
nous »
Foumo Silahi, l'un des porte-parole du collectif des
associations
Insuffisant pour le collectif des associations et
l'intersyndicale à l'origine du mouvement social. Ils organisent ce mardi matin
une marche dans les rues de Mamoudzou. La dernière, il y a une semaine, avait
rassemblé 8000 personnes, selon la police. «Nous invitons (Annick
Girardin) à venir marcher avec nous», indique Foumo Silahi, l'un des
porte-parole du collectif. Réticent à rencontrer la ministre ce lundi, le
collectif et l'intersyndicale ouvrent désormais une porte, après sa série
d'annonces. «C'est une petite victoire. Nous avions l'impression que nous
parlions dans le vide. Nous sommes vigilants», poursuit Foumo Silahi.
Ce mardi, les barrages routiers seront maintenus sur l'île.
La ministre, Annick Girardin, s'est rendue sur l'une de ces barricades. «Je
suis une femme de terrain», précise-t-elle, vêtue d'une salouva, un habit local
offert par une Mahoraise. Elle a échangé avec les syndicats patronaux de l'île,
mais aussi rencontré à part quelques manifestants. «On est en souffrance. (…)
On n'en peut plus. Nos frontières sont ouvertes, nos hôpitaux sont bondés. Il
n'y a plus de place dans nos écoles. Nos enfants les plus discrets ramènent des
armes blanches (…) pour se défendre parce qu'ils savent que leurs camarades ont
des armes, déplore l'une d'elles. On veut être comme La Réunion, on veut avoir
les mêmes chances qu'en Guadeloupe, ou pourquoi pas comme un petit Parisien.»
«J'ai été attaquée par des enfants cagoulés en 2014. Je veux qu'ils comprennent
la souffrance d'une personne qui se lève à 4 heures du matin et qui se couche à
22 heures», ajoute une commerçante de Chirongui.
La ministre a aussi rencontré une dizaine d'élus, lundi
soir, pour leur présenter ses propositions. Trois maires de Mayotte avaient
fait le choix de n'ouvrir aucune
des écoles primaires, ce lundi, jour de rentrée scolaire sur l'île,
estimant ne pas pouvoir assurer la sécurité des élèves, tandis que les
organisateurs de la grève générale avaient appelé les parents à ne pas envoyer
leurs enfants dans les établissements scolaires ouverts.
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Journaliste
Homosexualité,
islam... cinq phrases clés du pape François (12.03.2018)
Le Souverain pontife, qui fête ce mardi le cinquième
anniversaire de son élection, cultive l'art des formules chocs, imagées et
incisives. Il s'est beaucoup exprimé mais voici cinq phrases déjà retenues par
l'histoire.
● PAUVRETÉ DE L'EGLISE
«Comme je voudrais une Eglise pauvre, pour les pauvres.»
16 mars 2013 - Vatican
● RÉFUGIÉS ET IMMIGRÉS
«La culture du bien-être nous rend insensibles aux cris des
autres. Elle nous fait vivre dans des bulles de savon qui sont belles mais ne
sont rien, (…) et qui conduit à une mondialisation de l'indifférence.»
8 juillet 2013 - Ile de Lampedusa
● HOMOSEXUALITÉ
«Le problème n'est pas d'avoir cette tendance, c'est de
faire du lobbying. C'est le problème le plus grave selon moi. Si une personne
est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger?»
29 juillet 2013 - Vol retour des JMJ de Rio de Janeiro
(Brésil)
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● VIOLENCE ISLAMIQUE
«Je n'aime pas parler de violence islamique (…). Si je
parlais de violence islamique, je devrais également parler de violence
catholique. Tous les musulmans ne sont pas violents ; tous les catholiques ne
sont pas violents. (…) Dans presque toutes les religions, il y a toujours un
petit groupe fondamentaliste.»
31 juillet 2016 - Vol retour des JMJ de Cracovie (Pologne)
● MISÉRICORDE DE DIEU
«Dieu ne se fatigue jamais de pardonner, c'est nous qui nous
fatiguons de demander sa miséricorde.»
24 Novembre 2013 - Exhortation apostolique «La Joie de
l'Évangile»
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Essonne :
agression au marteau et coup de feu dans un lycée (12.03.2018)
Au moment de la pause matinale, deux jeunes ont agressé un
élève du lycée de Draveil, dans l'Essonne. La victime, âgée de 15 ans, a reçu
un coup de marteau à la tête, et un coup de feu aurait été tiré. Son pronostic
vital n'est pas engagé.
Un lycéen a été blessé à Draveil, dans l'Essonne, par un
coup de marteau, lors d'une agression au cours de laquelle un coup de feu a été
tiré, selon des sources concordantes. «Il y a eu un coup de feu lors de cette
rixe», a expliqué le parquet d'Évry, sans pouvoir préciser s'il provenait d'une
arme réelle ou bien d'un pistolet d'alarme. «L'arme n'a pas été retrouvée»,
confie une source policière au Figaro.
L'agression a eu lieu «au moment de la pause matinale,
lorsque les portes étaient ouvertes», selon la Direction départementale de la
sécurité publique (DDSP) de l'Essonne. Deux jeunes ont passé la grille du lycée
Nadar, et ont agressé un élève, âgé de 15 ans, sur le parvis. «Ils ont
poursuivi la victime afin de lui porter un coup de marteau à la tête», indique
une source policière. «Il a été transporté à l'hôpital, mais son pronostic
vital n'est pas en danger», a précisé la DDSP.
Une enquête ouverte
Lors de l'agression, trois élèves du lycée sont rentrés dans
la bagarre, pour défendre leur camarade. Un coup de feu a été tiré et les deux
agresseurs extérieurs au lycée «ont réussi à prendre la fuite», selon la DDSP.
Les trois lycéens qui se sont jetés dans la mêlée ont eux été interpellés et
placés en garde à vue. L'enquête, ouverte pour violences aggravées et confiée
au commissariat de Draveil, «devra déterminer le mobile de l'agression et le
rôle des différents mineurs mis en cause», a annoncé le parquet d'Évry.
Le lycée dispose d'une vidéosurveillance qui «contribuera
efficacement à l'enquête», ont fait savoir la préfecture et la direction
académique de l'Essonne, dans un communiqué commun. Elles ont également salué
«la réaction professionnelle des personnels de vie scolaire et des
enseignants», qui a «permis de circonscrire les faits (...) sur le parvis».
Selon le maire de la ville, Georges Tron (LR), les violences «pourraient être
liés à un conflit de bandes entre le quartier des Mazières et celui des
Bergeries». Une information confirmée par une source policière au Figaro.
L'édile a demandé une présence policière renforcée dans ces deux quartiers lors
des prochains jours, ainsi qu'aux abords de l'établissement.
La
priorité du pape François : l'image de l'Église et non les rouages de la
curie (12.03.2018)
RÉCIT - Mardi, François fête le cinquième anniversaire de
son pontificat. Loin du microcosme romain, son souhait est de travailler à «une
Église pauvre, pour les pauvres», à l'opposé d'une Église catholique bourgeoise
et moralisante.
Envoyé spécial à Rome
Le pape François n'a pas d'agenda électronique. Il est resté
au papier, au crayon et à la gomme. Pas d'alertes automatiques, donc, pour lui
signaler qu'il fête, ce mardi, le cinquième anniversaire de son élection. Un
jour ordinaire pour lui. Parfois, il l'a commémoré en recevant des pauvres.
Cette année, il doit simplement signer - le 19 mars, jour de son
intronisation officielle et fête dans l'Église catholique de
Saint-Joseph - une exhortation apostolique sur le thème de «la sainteté».
En revanche, le «temps» est pour lui un allié. En novembre
2013, année de son élection, il expliquait ses principes d'action. Dont le
fameux «le temps est supérieur à l'espace». «Cela permet de travailler à long
terme, écrivait-il, sans être obsédé par les résultats immédiats. Ce principe
aide à supporter avec patience les situations difficiles et adverses.»
Dédaigner la longueur du temps revenait pour lui «à devenir fou», en
s'accrochant à l'illusion de vouloir «tout résoudre». Compter avec le temps, au
contraire, permettait d'avancer «sans inquiétude, mais avec des convictions
claires et de la ténacité».
«Déterminé» pour aller au bout de sa mission
Tout un programme que cette philosophie de l'action… Elle
est même devenue d'une actualité brûlante en ce cinquième anniversaire. Car
loin de l'état de grâce des premières années, les nuages orageux s'amoncellent.
» LIRE AUSSI - La popularité du pape François faiblit chez les catholiques
Il en faut plus pour décourager François, 81 ans, ce
«dirigeant né» qui commence et conclut toutes ses journées, insiste un proche,
par «des heures de prières» solitaires et silencieuses. Et, selon un autre, il
est «farouchement déterminé» pour aller au bout de sa mission. Au reste, plus
personne ne croit à sa prédiction du 13 mars 2015: «Mon pontificat sera
bref, 4 ou 5 ans. Je ne sais pas… J'ai la sensation que le Seigneur m'a mis ici
pour une chose brève, et rien de plus. Mais c'est une sensation. Je laisse
toujours ouverte la possibilité.» Le même jour, il avait annoncé qu'il suivrait
l'exemple du pape Benoît XVI en démissionnant s'il n'avait plus la force
d'avancer. Il avait toutefois apporté une précision importante, très jésuite et
totalement passée inaperçue: «Je n'aime pas trop l'idée d'une limite d'âge, car
la papauté est une grâce spéciale.»
Une grâce spéciale… Il lui en faut une aujourd'hui, car le
bilan du pontificat en termes de «résultats immédiats» n'est pas convaincant. À
commencer par le premier dossier phare: la réforme de la curie romaine, pour laquelle
François fut notamment élu.
Des cardinaux dans la tourmente
Premier chantier de cette réforme, la fusion, en vue de
réaliser des économies, d'une dizaine de petits services en deux nouveaux
superministères: l'un est consacré à la question sociale, l'autre aux laïcs.
Aucune économie n'a toutefois été réalisée. Il s'est agi, à périmètre de coûts
identiques, d'une simple réorganisation d'organigrammes.
Deuxième chantier, la création d'un superministère de
l'économie. Cette nouvelle structure n'a pas réussi à s'imposer face à la
secrétairerie d'État, l'unité centrale de la curie qui a su conserver la
plupart de ses prérogatives financières. Le contrôle espéré et unifié des
finances du Saint-Siège n'est donc pas atteint.
Le troisième volet de la réforme de la curie a consisté à
renforcer le management global de l'Église par la création d'un conseil spécial
du pape, le C9. Composé de cardinaux, non romains pour l'essentiel, il est
censé apporter un sang neuf et penser la réforme de la curie. Mais ce cénacle
est en difficulté. Sur le plan moral: trois de ses membres, et pas les
moindres, sont actuellement publiquement mis en cause. L'Australien, le cardinal George Pell (qui était aussi le
ministre de l'économie), a dû rentrer dans son pays pour affronter des
accusations d'agressions sexuelles qu'il récuse. Le cardinal Oscar
Maradiaga, lui, venant du Honduras, est accusé de malversations financières
qu'il conteste formellement. Quant au cardinal chilien Francisco Errazuriz, il
est accusé d'avoir couvert les agissements d'un prêtre pédophile notoire…
Des oppositions au sein même de l'Église
Ce C9 est également en difficulté sur le plan stratégique.
Le pape François voudrait une Église «synodale», plus démocratique, moins
romaine, moins pontificale. Il s'agirait d'injecter une forte dose de
décentralisation pour donner plus d'initiatives aux conférences épiscopales. Un
projet qui se heurte cependant à des avis partagés au sein du C9 lui-même. On
hésite avant de décréter la mort du centralisme romain dans une nouvelle
Constitution apostolique. Elle est effectivement en cours de rédaction par le
C9. La perspective d'une satellisation incontrôlable de l'Église catholique
inquiète.
En cinq ans - et 23 sessions de trois jours du C9 à
Rome - rien de stupéfiant n'est donc encore sorti. L'annonce de la création, la
semaine dernière par le C9, d'un poste de «modérateur» de l'administration
centrale de l'Église catholique pourrait même apparaître comme un aveu
d'impuissance. Ce secrétaire général serait justement chargé d'établir des
liens transversaux entre la secrétairerie d'État (comparable à Matignon), la
vingtaine de ministères qui ont tendance à fonctionner isolément et…
l'entourage du Pape et son Conseil, le C9 (comparable à l'Élysée).
Sans oublier que, avec près de 2000 employés, la
curie est très loin de représenter l'ampleur de l'Église catholique. Celle-ci
fédère un milliard quatre cents millions de fidèles sur la planète. Soit près
de 20 % de la population mondiale. Une Église qui n'est vraiment pas
réductible au Vatican avec, dans le monde, 5304 évêques, 415.792 prêtres,
682.729 religieuses, 219.881 séminaristes, 368.530 laïcs missionnaires,
3.262.768 catéchistes actifs, 212.202 établissements scolaires
catholiques, 47.644 hôpitaux et dispensaires médicaux et sociaux…
«François cultive l'isolement que la bureaucratie lui
reproche. Pour lui, la curie est un organisme qui doit être, non pas aux
commandes, mais au service de l'Église»
Un proche du pape François
Un Italien très proche du pape François, qui requiert
l'anonymat, commente: «Ce serait une erreur de juger le Pape sur cette réforme
de la curie romaine. Cela reviendrait à mettre l'accent sur ce qu'il considère
comme secondaire. En réalité, François est très détaché de la curie. Il cultive
l'isolement que la bureaucratie lui reproche. Pour lui, la curie est un
organisme qui doit être, non pas aux commandes, mais au service de l'Église. Il
ne veut pas en être le prisonnier. Il ne lui donne pas d'importance .»
De fait, depuis 2013, tous ses discours de vœux à la curie
sont l'occasion d'une attaque en règle. En décembre 2017, François a même
fustigé «les traîtres» de son administration. Cette curie le lui rend bien,
même si elle n'est pas réductible aux opposants du Pape, car la majorité des
employés travaille loyalement. En revanche, le mot «autoritarisme» revient de
plus en plus à son encontre. Un témoin direct va jusqu'à déplorer «un climat
délétère, de peur» où «tout le monde se méfie de tout le monde».
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Mais la vraie réforme de François, sa bataille «politique»,
est loin de ce microcosme. Il travaille à une «Église pauvre, pour les
pauvres». Il veut changer l'image d'une Église catholique bourgeoise et
moralisante et espère attirer le plus de monde possible, sans repousser
personne. Dans le milieu catholique, beaucoup lui reprochent de créer ainsi une
«confusion doctrinale», inédite et paradoxale pour un Pape. Mais jusque-là,
rien ne le fait dévier.
D'où sa bataille, menée par le biais du synode sur la
famille, pour que les divorcés remariés, s'ils désirent vraiment
avancer dans l'Église, puissent communier. D'où le démantèlement de
l'Institut Jean-Paul II et la révision à venir de l'encyclique Humanae Vitae
sur la contraception, deux symboles forts d'une pastorale qui refuse désormais
de placer au premier plan la morale sexuelle. D'où, aussi, lors des deux
synodes à venir - celui sur les jeunes et les vocations (2018) et celui sur
l'Amazonie (2019) - l'ouverture de la prêtrise aux hommes mariés, pour les pays
qui souffrent du manque de prêtres, mais sans abolir pour autant le célibat
sacerdotal.
Main tendue à l'islam
Autre front pour François, plus connu du grand public
- mais souvent rejeté, comme les dernières élections italiennes l'ont
montré de façon cinglante -, sa main tendue à l'islam et ses appels
constants à mieux accueillir les immigrés et les réfugiés.
Enfin, un dernier écueil, et pas le moindre, s'est ouvert de
façon imprévue depuis cinq ans. Alors que l'on pensait les affaires de prêtres
pédophiles globalement réglées, c'est l'heure à présent d'un autre procès
contre l'Église catholique: celui de l'omerta épiscopale, qui a effectivement
longtemps présidé à la gestion de ces prêtres prédateurs d'enfants.
Le récent voyage du Pape au Chili a ainsi été totalement
miné par son soutien public à un évêque: Mgr Juan Barros, accusé - il s'en défend -
d'avoir couvert le père Fernando Karadima, effectivement pédophile. Or, des
affaires Barros, il y en a potentiellement partout. Cette nouvelle bataille
sera rude. Il en va cette fois de la crédibilité de la haute hiérarchie, évêques
et papes compris…
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popularité du pape François faiblit chez les catholiques
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La
popularité du pape François faiblit chez les catholiques (12.03.2018)
Par Jean-Marie
Guénois et Service
InfographieMis à jour le 12/03/2018 à 21h37 | Publié le 12/03/2018 à
20h03
SONDAGE - SONDAGE - Cinq ans après son élection, 78 % des
Français ont une bonne opinion du Saint-Père, contre 87 % en 2015. Une baisse
plus notable encore chez les pratiquants, où une chute de 12 points est relevée
selon notre sondage BVA.
Même si sa popularité est très élevée, avec 78 % de
bonnes opinions - très au-dessus de tous les leaders politiques - le pape
François connaît une érosion significative d'image depuis son élection en 2015,
avec neuf points en moins dans l'opinion des Français. Et, surtout, 12 points
perdus chez les catholiques pratiquants réguliers, et même 17 points chez les
sympathisants du parti politique Les Républicains. Ce désenchantement, quoique
très relatif, est le principal enseignement du sondage BVA-Le Figaro, lancé à
l'occasion du cinquième anniversaire, ce mardi, de l'élection du pape François.
Une tendance qui n'est pas seulement française. Un sondage
américain, publié le 6 mars 2018 à Washington par le Pew Research Center,
confirme la même déception chez les catholiques d'outre-Atlantique: 24 %
des catholiques pratiquants (contre seulement 15 % en 2015) le trouvent
«trop naïf» quand 34 % le jugent «trop libéral», contre 19 % il y a cinq
ans.
«Dans certains milieux, on comprend mal l'ouverture
pastorale aux situations d'homosexualité ou au remariage»
Philippe Portier, directeur d'études à l'École pratique des
hautes études
Philippe Portier, directeur d'études à l'École pratique des
hautes études et titulaire de la chaire «Histoire et sociologie des laïcités» -
l'une des principales références sociologiques du fait religieux en France (1)
- explique: «La baisse est significative dans des catégories très intégrées au
catholicisme et ordinairement les plus légitimistes (pratiquants réguliers,
ruraux, les catégories supérieures, les plus âgés, Les Républicains). Tout en
étant encore très favorables au Pape argentin, ces catégories témoignent là
d'une certaine inquiétude, que révèlent aussi les enquêtes par entretiens».
Ce sociologue met en évidence deux motifs d'interrogation:
«le discours du Pape semble en opposition avec la compréhension souvent
traditionnelle de la morale familiale. Dans ces milieux, on comprend mal
l'ouverture pastorale aux situations d'homosexualité ou au remariage».
Philippe Portier relève un second lieu de questionnement: «On trouve dans ces
catégories une vision volontiers identitaire de la nation, que le discours
papal sur les migrants, et souvent sur les musulmans, vient troubler». Il pense
aussi que «la dénonciation du libéralisme économique par le pape François peut
susciter la critique dans toute une fraction du catholicisme français, qui n'a
jamais accepté totalement la doctrine sociale de l'Église.»
» LIRE AUSSI - Le pape François est-il de gauche?
Erwan Lestrohan, de l'institut BVA qui a piloté ce sondage,
analyse pour sa part que «ce qui surprend, c'est que cette baisse affecte les
populations les plus marquées par le catholicisme. On peut donc formuler
l'hypothèse que le discours du Pape sur les migrants et sur
l'homosexualité a joué. Mais l'importance de cette érosion a aussi du sens:
avec 12 points de baisse chez les pratiquants, elle n'est pas due au hasard.
Elle est significative parce qu'elle touche précisément des catégories de gens
qui sont des “experts”, et donc des connaisseurs du pape François et de
l'Église catholique. Le Pape est clivant dans son camp.»
Une amélioration de l'image de l'Église
Autre enseignement de ce sondage, 31 % des Français
estiment que le Pape a fait évoluer, «en bien», l'image de l'Église catholique
dans la société française. Pour Erwan Lestrohan ce «regain de bienveillance ne
va pas jusqu'au ré-enchantement», mais mérite l'attention «sans marquer pour
autant un basculement». Car «dans ce domaine des convictions, politiques ou
religieuses, les avis personnels sont très ancrés, très structurés, profondément
cristallisés. Il faudrait un événement d'importance pour constater une
évolution forte de ces convictions».
Philippe Portier estime quant à lui que «le Pape a
réconcilié une partie de la société, souvent éloignée du christianisme, avec
l'Église, sans doute en raison de son ouverture à ce qu'il appelle les
“situations complexes” au plan moral. Et en raison de ses déclarations contre
la pédophilie, où il apparaît en phase avec les attentes de la société
actuelle. Sans oublier l'option écologique et son encouragement pour
l'apostolat social en faveur du peuple des pauvres.»
Mais, conclut-il, «pour le moment, son action n'a pas
inversé la tendance au déclin des indicateurs d'implantation du catholicisme
français: vocations, pratiques, militances, croyances». De fait, tandis que 130
jeunes en moyenne entraient au séminaire en France chaque année, pendant les 8
ans du pontificat de Benoît XVI, ils sont à peine 100 par an en moyenne, depuis
cinq ans, à choisir cette voie. Une tendance qui, aujourd'hui, s'annonce encore
à la baisse.
- Crédits photo : Le Figaro
(1) Religion et Politique. L'enjeu mondial, aux
Presses de Sciences Po, 2017
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
13/03/2018.
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Paris: 3
enfants jetés dans l'eau pour un téléphone (09.03.2018)
Les bords de la Seine, à Paris, le long du 36 quai des
Orfèvres - Crédits photo : Reuters
Deux adolescents âgés de 13 et 16 ans ont été interpellés
hier soir à proximité du canal de l’Ourq et du canal de Saint-Denis à Paris.
Ils sont soupçonnés d’avoir agressé trois enfants de 12 ans en les forçant à se
jeter à l’eau, rapporte Le Parisien .
Samedi dernier, vers 20 heures, un premier garçon s’est fait
agresser alors qu’il marchait près du canal Saint-Denis dans le XIXe
arrondissement, à hauteur du boulevard Macdonald. Deux individus lui sautent
dessus, le rouent de coups et lui volent son portable. Les agresseurs l’ont
ensuite obligé à se jeter plusieurs fois dans l’eau glacée, précise une source
proche de l’affaire, en le filmant avec son téléphone.
Mercredi, vers 17 heures sur le quai de la Marne, non loin
de la première agression présumée, ce sont cette fois deux enfants qui se font
dérober un téléphone portable et une trottinette. Ils sont ensuite roués de
coups puis poussés dans le canal par les deux mêmes individus.
Les deux agresseurs ont été arrêtés hier et placés en garde
à vue.
Ces très
chers biens de l'oncle de Bachar el-Assad en France et en Espagne (13.03.2018)
Plus de 500 villas, appartements, hôtels particuliers
appartenant à Rifaat el-Assad ont fait l'objet de saisies en 2017.
Soupçonné d'avoir quitté le Levant en détournant les
richesses de son pays après avoir été écarté du pouvoir dans les années 1980,
Rifaat el-Assad, oncle de l'actuel président Bachar al-Assad, menait grand
train lors de son exil en Europe jusqu'à ce qu'il attire l'attention de la
justice, après une dénonciation au parquet émanant de deux associations de
lutte anti-corruption: Sherpa et Transparency International. Âgé de 79 ans, ce
sulfureux dignitaire a été mis en examen le 9 juin 2016 pour «blanchiment
de fraude fiscale aggravée» et «détournement de fonds publics».
Les derniers résultats de l'enquête portés à la connaissance
du Figaro révèlent que quelque 503 biens immobiliers, d'une
valeur de 600 millions d'euros, et appartenant à Rifaat el-Assad ou à son
proche entourage, ont été confisqués dans la station balnéaire de Marbella. Il
s'agissait de villas, d'un hôtel particulier, d'appartements ainsi que de
restaurants pour faire fructifier le patrimoine.
Hôtels particuliers, château, haras...
Ces perquisitions de la garde civile, menées pour
l'essentiel dans le luxueux port de plaisance de Puerto Banus (Andalousie),
découlaient d'une équipe commune d'enquête (ECE) formée avec le SNDJ. Rifaat a
argué que sa fortune provenait de dons de la famille royale saoudienne, dont
les défunts rois Fahd et Abdallah, mais sans convaincre. En France, deux arrêts
de la cour d'appel de Paris, rendus en mars dernier, ont confirmé les saisies
opérées sur plusieurs sociétés détenant des biens immobiliers dans les
quartiers huppés de la capitale.
Parmi eux, figurent deux hôtels particuliers situés dans le
XVIe arrondissement, dont l'un de plus de 3 000 m² sur la
prestigieuse avenue Foch. Dans ce Monopoly grandeur nature, se trouve aussi une
créance de 9,5 millions d'euros qu'une des sociétés détenait à Paris après
l'expropriation d'un terrain de 788 m² situé rue Jasmin. Lequel devrait, d'ici à 2020, accueillir 29 logements
sociaux familiaux, 14 places de parking et une crèche.
«Monseigneur»
L'inventaire des saisies comprend aussi un château de 45
hectares et un haras dans le Val-d'Oise ou encore 7300 m² de bureaux à
Lyon. Au total, le fisc estime à 90 millions d'euros la valeur de ces
biens acquis au travers de sociétés - dont certaines sont installées au Luxembourg
- entre 1984, année de l'arrivée de Rifaat en France avec sa suite, et 1988
lorsqu'il fut fait grand-croix de la Légion d'honneur par François Mitterrand.
Période où il était invité aux chasses présidentielles par François de
Grossouvre, le conseiller de l'ombre lui donnant même du «Monseigneur» dans un
courrier d'invitation écrit le 19 décembre 1988.
Pour sa défense, Rifaat el-Assad s'est présenté comme un
homme politique ne s'occupant pas de son patrimoine, disant ignorer les
documents qu'il signe, a raconté à l'AFP une source informée. Dans l'une de ses
décisions, la chambre de l'instruction s'appuie sur des écoutes téléphoniques
pour relever qu'une gestionnaire «rendait compte» à Rifaat el-Assad «très
régulièrement» de la situation de son patrimoine immobilier.
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Trappes :
l'islamisation toujours galopante (11.03.2018)
Un plan d'actions pour lutter contre la radicalisation, cité
en exemple par Emmanuel Macron, a été discrètement lancé début 2017. Mais la
situation continue de se dégrader.
Trappes, le «Molenbeek français», serait-il devenu un
laboratoire de la lutte contre l'islam radical, comme semble l'indiquer le chef
de l'État? Le 5 septembre, dans son discours aux préfets, Emmanuel Macron
évoquait «ce travail (de lutte contre la radicalisation) (…) fait pour certains
quartiers, je pense à Trappes pour les Yvelines. Le plan qui m'a été communiqué
propose une stratégie d'action qui mobilise tous les services de l'État, les
collectivités et qui met en lumière des ramifications avec certains pays
étrangers». Le 18 octobre, dans son discours aux forces de sécurité
intérieure, il parlait d'actions menées «à (sa) demande, en particulier à
Trappes, pour mieux prévenir et mieux lutter contre les comportements et les
agissements qui favorisent l'extension de la radicalisation».
«La fracture se creuse entre une minorité qui se
radicalise et le reste de la société française»
Othman Nasrou (LR), chef de file de l'opposition municipale
à Trappes
Sur place, le plan se fait discret. La mairie PS ne veut pas
répondre au Figaro et l'opposition locale n'a pas
d'informations. Chef de file de l'opposition municipale et président du groupe
«Les Républicains et Indépendants» à la région Île-de-France, Othman
Nasrou déplore qu'on ait «choisi de gérer cette question dans
l'opacité tant à la mairie qu'à la préfecture alors que le phénomène progresse
et que la fracture se creuse entre une minorité qui se radicalise et le reste
de la société française».
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confrontée au communautarisme islamique
Selon des services impliqués dans l'opération, il y a
pourtant bien un «plan Trappes» centré sur le quartier des Merisiers-Plaine de
Neauphle. Une méthode d'action y est testée depuis début 2017. Le but est
d'identifier des cibles (lieux, individus, commerces) et de mener une action
tous azimuts mobilisant les services de renseignement, les autorités
judiciaires et la préfecture. Avec un arsenal de mesures judiciaires ou
administratives (expulsions, lutte contre la fraude, surveillance financière,
contrôles administratifs). Une méthode proche des «plans de lutte contre
l'islam radical» en vigueur dans les années 2000. Emmanuel Macron souhaite que
des «plans Trappes» soient lancés dans une quinzaine d'autres quartiers à
travers le pays.
«La radicalisation et la laïcité sont des sujets tabous»
Extrait d'une note blanche
Seront-ils efficaces? À Trappes, la situation est pire que
jamais, comme le confirme une note blanche «prévention de la radicalisation»
dans la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (incluant
Trappes), sorte de synthèse brute d'informations glanées au cours des dix-huit
derniers mois auprès des services de l'État, milieux associatifs ou dans divers
rapports.
Elle dresse d'abord un profil détaillé des 400 personnes
inscrites dans les Yvelines au Fichier de traitement des signalements pour la
prévention de la radicalisation à caractère terroriste. 65 % des
radicalisés du «78» ont entre 15 et 25 ans (35 % entre 26 et 32 ans).
35 % sont des femmes. 85 % des radicalisés ont été confrontés à des
problèmes comme «faiblesse de l'autorité parentale, absence physique et/ou
affective du père, enfance chaotique, absence de repères et rupture avec
l'environnement». 40 % ont connu des épisodes dépressifs majeurs,
«traumatismes non traités» précise la note: «anorexie, tentative de suicide,
isolement…». 45 % des filles radicalisées qui acceptent de témoigner «ont
connu des sévices à caractère sexuel (attouchement, viols ou tentatives de viol
d'un membre de la famille)».
Les hommes ont recours à «un usage massif du cannabis dès
l'adolescence» suivi d'un «usage fréquent de neuroleptiques avant la phase de
radicalisation». La note souligne que «la radicalisation et la laïcité sont des
sujets tabous», d'où «une difficulté à collecter des données - pas de chiffrage,
de capitalisation des données et de témoignages». Sur place, on note un
«sentiment que parler, c'est s'exposer, voire se mettre en danger». Les
services de l'État s'inquiètent qu'il y ait moins de «signalements de jeunes
radicalisés à Trappes que dans les autres villes du département au profil
sociologique similaire: Mantes-la-Jolie et les Mureaux».
«Une logique communautaire forte, diffuse, permanente»
Extrait d'une note blanche
La note reprend enfin «des éléments factuels rapportés par
les partenaires». Éléments qui dressent un portrait très inquiétant d'un
secteur où «des commerces financent le radicalisme, une source de financement
importante», où «le prosélytisme religieux» a pris une «dimension sociale et
caritative» comme des «aides ponctuelles pour payer factures ou loyers», où
«les jeunes de
retour de Syrie sont des vecteurs déterminants» dans la
radicalisation.
C'est sur la jeunesse que le constat est le plus alarmant:
«augmentation de la pratique du jeûne pendant le ramadan parmi les enfants
scolarisés en CM1/CM2 - jusqu'à 50 % dans certaines classes ;
augmentation des refus d'inscription à la cantine scolaire (classes
élémentaires) au motif que la viande n'est pas halal ; augmentation du
port de tenues cultuelles (jupes longues) en collèges et aux lycées ;
refus croissant de participer à certaines activités scolaires comme le chant
pour les filles ; baisse de fréquentation des structures d'accueil des
jeunes comme la Mission locale de Trappes». Et d'évoquer les «témoignages de
professionnels (éducateurs, enseignants, professionnels des maisons des
parents…) qui font état de situations de confrontation ou de provocation comme
le port du niqab chez des enfants ou des questions sur la société française et
l'école qui ne permettent pas une pratique religieuse assidue.»
La jeunesse est également mise à contribution pour un «contrôle
social intense et un maillage du territoire»: «Les enfants d'élémentaires
rappellent à leurs pairs ce qui est autorisé ou pas, contrôle des allées et
venues dans certains immeubles, rappel sur les tenues, les heures et lieux pour
sortir (pour les filles) et les heures de prière (pour les garçons),
porte-à-porte pour convaincre, recruter, rappeler à l'ordre». Trappes n'est pas
la seule touchée. Dans la ville voisine de La Verrière, on observe «le retrait
des femmes musulmanes du marché du travail», «une logique communautaire forte,
diffuse, permanente», des pressions pour financer une mosquée salafiste ou
porter le voile. Sans oublier «un conflit générationnel entre les anciens
(foyer Adoma) et les jeunes du quartier», les seconds accusant les premiers de
«ne pas être de bons musulmans»... Il faudra encore beaucoup de «plans Trappes»
pour tenter d'endiguer une vague qui ne cesse de monter.
Le futur parquet national antiterroriste se précise
Dans le cadre de la réforme de la justice, un nouveau parquet
national antiterroriste doit voir le jour pour rapprocher la
justice antiterroriste du terrain. Trente magistrats devraient composer
ce parquet, épaulés par une quinzaine d'autres magistrats délégués sur
tout le territoire, notamment dans des foyers de djihadistes comme Toulouse,
Lille, Montpellier, Lyon, mais aussi Bobigny, Versailles ou Trappes,
selon L'Obs. En cas d'attentat majeur, ce parquet se déploierait en
cellule de crise. Le futur procureur national antiterroriste devrait être nommé
début 2019.
La rédaction vous conseille :
De
mystérieux colis piégés livrés à domicile tuent au Texas (13.03.2018)
Par Valérie
Samson et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 13/03/2018 à 07h35 |
Publié le 12/03/2018 à 22h14
Des engins explosifs ont fait deux morts et deux blessés
graves en dix jours à Austin, ville réputée progressiste du sud des États-Unis.
La police demande aux habitants de ne plus ouvrir les paquets laissés devant
leur porte.
Deux nouvelles explosions ont retenti lundi à Austin, à
quelques heures d'intervalle, faisant
un mort et deux blessés dans cette ville texane réputée progressiste,
et où se déroule ces jours-ci le grand festival culturel South by Southwest
(SXSW). La police a rapidement établi un lien avec une précédente explosion
au colis piégé, qui le 2 mars déjà avait tué un homme de 39 ans.
Selon les médias locaux, la première déflagration ce
matin a tué un jeune homme de 17 ans et blessé sérieusement sa mère.
L'une des victimes venait de trouver un paquet à l'extérieur de sa maison, et
l'avait ouvert dans la cuisine, où il a explosé.
Le chef de la police d'Austin était encore sur la scène du
crime quand l'annonce d'une seconde explosion a retenti dans sa voiture. Brian
Manley s'est précipité sur les lieux pour trouver qu'une femme de 75 ans venait
d'être transportée à l'hôpital, souffrant de graves blessures. Le paquet a
explosé quand Esperanza Herrera le ramassait sur le pas de sa porte. Ses jours
sont en danger, a précisé Brian Manley lors d'une conférence de presse lundi
après-midi.
«Engins explosifs puissants»
Le chef de la police a exhorté les habitants de cette
ville étudiante à ne pas ouvrir les paquets laissés devant leur porte. «Si
vous trouvez un colis que vous n'attendiez pas, appelez les secours. Personne
ne doit tenter de toucher ou de manipuler l'un de ces paquets», a-t-il martelé.
Il a enjoint la communauté à la plus grande vigilance, sans toutefois céder à
la psychose: «Ce n'est pas l'heure de paniquer, mais c'est l'heure d'être
vigilant», a-t-il indiqué. Il a semble-t-il été entendu: à 15 heures (locales),
la police d'Austin avait reçu 34 appels téléphoniques depuis 8 heures du matin
pour signaler des paquets suspects, contre deux le lundi précédent.
«Les indices que nous avons trouvés sur les lieux» de la
dernière explosion «ainsi que sur les lieux des (deux premières) explosions
nous poussent à croire que ces faits sont liés», a souligné Brian Manley.
Les policiers suivent notamment la piste d'attentats
racistes, car les victimes des deux premières explosions sont noires. La
troisième serait d'origine hispanique. «Nous ne pouvons pas exclure des crimes
de haine mais nous ne sommes pas en train de dire que c'est la cause», a
expliqué Brian Manley. Les enquêteurs n'ont trouvé «aucune indication
pour le moment» pointant vers un acte de terrorisme, a ajouté le chef de la
police d'Austin, qui a dit toutefois n'écarter aucune piste. «Déterminer un
mobile est impossible à ce stade de l'enquête», a-t-il ajouté. Les enquêteurs
savent quels types d'engins explosifs ont été employés lors des deux premières
explosions, a-t-il indiqué, évoquant des «engins très puissants» sans plus de
précision.
Des paquets laissés en personne
Le 2 mars pourtant, la première explosion avait été classée
comme un «incident isolé», bien que «suspect». La police d'Austin avait déclaré
qu'il ne semblait pas s'agir d'un acte terroriste, et avait estimé que la
menace était levée. Changement de ton lundi: «Nous ne parlons pas de poseur de
bombes en série mais il existe une trame commune entre ces faits (...) qui nous
inquiètent beaucoup», a admis Brian Manley. La police inspecte désormais des
maisons d'Austin à la recherche de caméras de surveillance, les enquêteurs
estimant que les paquets ont été laissés en personne dans la nuit et non pas
livrés par la poste. «Je demande au public de faire attention et d'être
prudent, a encore insisté le chef de la police. Nous allons retourner chaque
pierre car nous ne permettrons pas que ceci se produise dans cette ville.» Le
gouverneur du Texas, Greg Abbott, a offert une récompense de 15.000 dollars pour
toute information sur la ou les personnes impliquées dans ces attaques.
Ville de deux millions d'habitants, Austin accueille du 9 au
18 mars le
festival SXSW qui attire quelque 500.000 personnes avec une
affiche mêlant conférences, projections et concerts, truffée de célébrités,
comme Elon
Musk, le fondateur de Tesla ou l'actrice Lena Dunham. Dans un
message sur Twitter, les organisateurs se sont dits «dévastés» par les
explosions mais n'ont pas annoncé de nouvelles mesures de sécurité. Le chef de
la police a simplement appelé les festivaliers à «rester informés de ce qu'il
se passe», précisant n'avoir pas à ce stade établi de lien entre les explosions
et la tenue de SXSW.
Goldman
Sachs: le départ de Harvey Schwartz fait de David Solomon le favori au poste de
PDG (12.03.2018)
Goldman Sachs a annoncé lundi le départ de Harvey Schwartz,
une annonce inattendue qui place l'autre co-président et directeur général
délégué de la banque américaine, David Solomon, en position de favori évident
pour succéder au PDG Lloyd Blankfein, sur le départ.
Harvey Schwartz quitte Goldman Sachs, mettant ainsi son
homologue David Salomon en pole position dans la course au poste de PDG. En
décembre 2016, les deux hommes ont été nommés co-directeurs généraux délégués
de ce qui est considéré comme la plus puissante banque d'investissement
américaine, ce qui les mettait en concurrence manifeste pour prendre un jour
les rênes de la banque. Lors d'une réunion le mois dernier, le conseil
d'administration de Goldman Sachs a débattu de la désignation d'un directeur
général délégué unique et son choix s'est porté sur David Solomon, a dit une
source proche du dossier. Les spéculations sur le nom du prochain dirigeant de
la banque sont allées bon train depuis que le Wall Street Journal a rapporté
vendredi que Lloyd
Blankfein, 63 ans, se préparait à quitter ses fonctions dès cette année et
que la banque n'avait pas l'intention de lui chercher un successeur autre que
Harvey Schwartz ou David Solomon.
Goldman Sachs préfère un banquier à un trader
Le départ d'Harvey Schwartz écarte a priori de la course à
la succession de Lloyd Blankfein un banquier disposant d'une grande expérience
dans le trading au moment où Goldman Sachs cherche justement à se réinventer
face à la chute des revenus de cette activité autrefois lucrative, désormais
pénalisée par l'évolution des marchés et de la réglementation. Harvey Schwartz,
âgé de 53 ans, quittera ses fonctions le 20 avril. Il a codirigé la division
trading de Goldman Sachs avant d'être promu directeur financier en 2013.
«Ce sera la première fois depuis plus de dix ans qu'un
banquier dirigera Goldman et non un trader»
Mike Mayo,
analyste de Wells Fargo.
David Solomon, de son côté, est âgé de 56 ans et il a été
coresponsable de la banque d'investissement de Goldman Sachs de 2006 jusqu'à sa
nomination au poste de directeur général délégué. Cette ascension d'un
spécialiste de la banque d'investissement correspondrait à la nouvelle
orientation de l'établissement et illustrerait la perte d'influence de la
division trading, juge Mike Mayo, analyste de Wells Fargo. «Ce sera la première
fois depuis plus de dix ans qu'un banquier dirigera Goldman et non un trader»,
dit-il.
Les analystes soulagés
Goldman Sachs a pour habitude de préparer les successions
pour ses principaux postes en désignant deux ou trois candidats. Harvey
Schwartz et David Solomon ont été propulsés directeurs généraux délégués à la
suite du départ de Gary Cohn, devenu conseiller économique du président
américain Donald Trump, poste
dont il a démissionné la semaine dernière.
L'action Goldman Sachs gagnait 1,16% à 273,90 dollars à
17h38 GMT à Wall Street après avoir touché un pic historique à 275,29 dollars;
au même moment, l'indice Dow Jones cédait 0,45%. Les analystes sont soulagés
par cette clarification dans le processus de préparation de la succession de
Lloyd Blankfein, qui semble écarter l'hypothèse d'une direction bicéphale.
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Le Medef
explore l'Éthiopie, un marché attirant mais rude (11.03.2018)
REPORTAGE - Les 100 millions de consommateurs sont
convoités. L'État dirigiste et la Chine compliquent le défi.
À Addis-Abeba
«C'est un pays où il y a tout à faire», lance Bernard
Coulais, directeur général du brasseur BGI Castel, à la communauté
d'entrepreneurs français, rassemblés au sein d'un luxueux hôtel d'Addis-Abeba.
Une délégation d'une quarantaine de dirigeants français conduite
par le Medef était jeudi et vendredi derniers en Éthiopie pour explorer ce
marché de 100 millions d'habitants au potentiel prometteur. Pierre Gattaz,
le président du Medef, a mené cette mission lors de sa première étape au Kenya
mais s'est finalement dérouté pour l'Inde où il a rejoint Emmanuel Macron.
«On produisait 10.000 à 15.000 hectolitres de bière par
mois au début. On en produit aujourd'hui entre 350.000 et 400.000»
Bernard Coulais, directeur général du brasseur BGI Castel
Dans la capitale éthiopienne, le patron de BGI Castel,
groupe présent depuis vingt ans dans le grand pays de la Corne de l'Afrique, se
veut encourageant. «On produisait 10.000 à 15.000 hectolitres de bière par mois
au début. On en produit aujourd'hui entre 350.000 et 400.000.» La société, qui
emploie plus de 2800 personnes, possède trois brasseries et vient d'en racheter
deux. Mais l'homme d'affaires ne cache pas les difficultés. «C'est un État
bureaucratique, très dirigiste. Il n'y a pas de système bancaire développé.» Près
de 70 entreprises françaises sont déjà installées dans le pays dont une dizaine
de taille importante comme BGI Castel, Total ou Systra (infrastructures
ferroviaires).
«Le potentiel est énorme», assure Jean-Baptiste Parnaudeau,
représentant de Saint-Gobain. Sur le chemin de son bureau, dans le quartier de
Kazanchis à Addis-Abeba, les immeubles en construction reflètent le
développement du pays. «Le taux de croissance de la population urbaine est de
4 % par an en Éthiopie.» L'entreprise promeut ses produits auprès
d'importateurs et de distributeurs locaux depuis maintenant deux ans.
Récemment, elle a fourni les matériaux nécessaires à l'imperméabilisation de la
piscine du futur hôtel Hyatt Regency, en centre-ville.
Développement à grande vitesse
À l'image de l'immobilier, de grands chantiers sont
également en cours, articulés autour du second plan quinquennal 2015-2020: le
Growth and Transformation Plan. Des parcs industriels fleurissent en régions.
Le barrage de la Renaissance sur le Nil Bleu, le plus grand d'Afrique, devrait
encore augmenter la capacité de production en électricité du pays. Sans oublier
la nouvelle ligne de chemin de fer entre Addis-Abeba et Djibouti, fonctionnelle
depuis deux mois, construite par les Chinois. Dans ce développement à grande vitesse,
les entreprises françaises ont une carte à jouer, selon Araya Gebregziabher,
chargé de la promotion commerciale au ministère des Affaires étrangères
éthiopien. «Elles sont fiables, elles restent ici longtemps, pas juste pour
faire du profit.» Parmi les entrepreneurs venus en repérage avec le Medef
figuraient des représentants d'Air liquide, de Bolloré Ports, d'EDF ou encore
de Safran.
Ils ne pouvaient pas repartir d'Éthiopie sans visiter le
site de la compagnie aérienne Ethiopian Airlines, la plus grosse entreprise
nationale, et son nouveau simulateur de l'A 350 unique sur le continent.
La compagnie, fierté du pays, pourrait profiter du nouveau marché aérien unique
en Afrique, lancé lors du sommet de l'Union africaine, en janvier. «Il va générer
un développement du trafic aérien et des compagnies aériennes, Ethiopian
Airlines se positionne pour être le grand gagnant de ce développement, affirme
Olivier Lafaye, directeur du développement international de Safran. Ce sont des
clients, il faut qu'on sache les accompagner dans leur stratégie et devancer la
concurrence chinoise à venir.»
Instabilité politique
«Importer des matériaux face à la concurrence chinoise et
au manque de devise est très dur»
Jean-Baptiste Parnaudeau, représentant de Saint-Gobain
La situation dans le pays reste cependant fragile. L'État,
pour financer un certain nombre de grands projets, s'endette. Pour la nouvelle
voie ferrée, il a emprunté près de 3,4 milliards de dollars auprès de la
banque chinoise Exim. Un prêt sur quinze ans qu'il va bientôt devoir
rembourser. Des secteurs comme la banque ou la logistique restent également
fermés aux entreprises étrangères. Enfin, la balance commerciale est largement
déficitaire et le manque de devises étrangères demeure un souci majeur. «Importer
des matériaux face à la concurrence chinoise et au manque de devise est très
dur», déplore Jean-Baptiste Parnaudeau. Pour éviter l'importation et poursuivre
sa stratégie d'industrialisation, Saint-Gobain prévoit d'ouvrir des usines sur
place.
La
situation politique instable plonge cependant les investisseurs
dans le brouillard. Le premier ministre a démissionné il y a trois semaines,
l'état d'urgence a été instauré, des barrages et grèves ont fortement ralenti
les transports dans plusieurs régions. La coalition au pouvoir doit désigner
ces jours-ci un nouveau premier ministre. «La politique ne suit pas le rythme
de l'économie», regrette Bernard Coulais. BGI Castel a néanmoins enregistré
15 % de croissance l'année dernière. Et un des représentants du Medef
d'ajouter, en substance, «c'est quand les voyants sont au rouge ou orange qu'il
faut visiter un pays. Si l'Éthiopie négocie bien le tournant, on sera d'autant
mieux accueilli lorsqu'on reviendra».
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élections sur ces 15 dernières années. Analyse d’un phénomène électoral à
l’échelle continentale.
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