mardi 13 mars 2018

Islamisme et politique 09.03.2018


Le Japon est-il en train de redevenir une puissance militaire ? (11.03.2018)
Cannabis : la nouvelle ruée vers l'or en Californie (11.03.2018)
Le coût exorbitant du Brexit pour les entreprises (11.03.2018)
Dans l'œil de Mossoul : le blogueur qui a défié Daech (12.03.2018)
Syrie : la France et les États-Unis réclament à Moscou de mettre fin «au bain de sang» (12.03.2018)

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Le Japon est-il en train de redevenir une puissance militaire ? (11.03.2018)

Par Alain Barluet
Mis à jour le 11/03/2018 à 18h22 | Publié le 11/03/2018 à 17h44
INFOGRAPHIE - Face aux tensions régionales, le Japon accroît ses capacités militaires. Pas question toutefois pour Tokyo de s'affranchir de son alliance stratégique avec les États-Unis.
Envoyé spécial à Tokyo et Okinawa
Alors que la menace balistique et nucléaire nord-coréenne n'a jamais été aussi élevée et que le Japon redoute l'«expansionnisme» chinois, Tokyo s'est doté en 2018, sous la houlette du premier ministre, Shinzo Abe, d'un budget militaire sans précédent. En hausse pour la sixième année consécutive, il atteint 39 milliards d'euros.
• Comment les menaces sont-elles perçues?
«Notre situation sécuritaire n'a jamais été aussi sérieuse depuis la Seconde Guerre mondiale», estime Ryosei Kokobun, le président de l'Académie de défense nationale où les militaires des Forces d'autodéfense (FAD) terrestres, aériennes et de la marine reçoivent leur formation initiale. Le développement du programme nucléaire de la Corée du Nord et ses tirs balistiques viennent en tête des préoccupations sécuritaires de l'archipel nippon. «La situation a beaucoup évolué ces mois», constate une bonne source à Tokyo. «Même s'il y a des doutes à ce stade sur la capacité des Nord-Coréens à “vectoriser” une bombe nucléaire, la menace est devenue beaucoup plus concrète», ajoute ce spécialiste.
«Le Japon ne voit pas de solution militaire mais ne l'écarte pas, pour crédibiliser sa stratégie de pression»
Une bonne source occidentale
L'an dernier, le régime de Pyongyang a procédé à un test nucléaire (le sixième depuis 2006) et à 16 tirs de missiles balistiques. Leur portée s'est progressivement accrue, la Corée du Nord affirmant pouvoir frapper le territoire américain. «Nous sommes en première ligne», constate Takaaki Mizuno, professeur de relations internationales à l'université Kanda. Convaincu que la Corée du Nord de Kim Jong-un ne renoncera pas à l'arme atomique, le gouvernement nippon prône une «pression maximale» sur l'inquiétant voisin. «Une reprise du dialogue ne réglera pas le problème», juge une bonne source, dubitative de la trêve des Jeux olympiques. Dans le même temps, les Japonais craignent d'être les victimes collatérales d'une éventuelle frappe préventive américaine. «Le Japon ne voit pas de solution militaire mais ne l'écarte pas, pour crédibiliser sa stratégie de pression», analyse une bonne source occidentale.
Le «comportement expansionniste» de la Chine est un autre souci majeur. Incursions près des îles Senkaku, en mer de Chine orientale, «poldérisation» des îles Spratleys, en mer de Chine du Sud: Tokyo compare la stratégie chinoise à celle des Russes en Ukraine mais «à plus grande échelle». L'an dernier, le nombre de bateaux chinois faisant intrusion dans les eaux territoriales nipponnes a quelque peu fléchi (23 en août 2016, 12 un an plus tard), Pékin souhaitant manifestement jouer l'apaisement. Mais on reste persuadé, à Tokyo, que le voisin chinois, dont le budget militaire continue de progresser fortement (+ 8% prévus en 2018, + 7 % en 2016 et 2017), souhaite «changer le statu quo» sur l'ensemble des îles contestées. L'émoi a été grand à Tokyo lorsque le 11 janvier dernier un sous-marin chinois a ostensiblement fait surface à proximité des Senkaku. Les survols d'avions chinois dans la zone ont fortement progressé ces dernières années, entraînant l'augmentation rapide de décollages d'urgence de la chasse japonaise (851 en 2016 contre 31 en 2008). En mer de Chine méridionale, «si Pékin devient plus agressif et entrave notre liberté de circulation, nous devrons réagir», prévient-on au Gaimusho, le Quai d'Orsay nippon.
Par ailleurs, les relations restent tendues avec la Russie sur la question des «Territoires du Nord» - les Kouriles. Moscou y a renforcé ses installations militaires, des radars notamment. Le Japon dénonce aussi des transbordements de pétrole à destination de la Corée du Nord, depuis les eaux territoriales de la Russie et avec l'accord tacite de celle-ci, en dépit des sanctions.
• Quelles réponses capacitaires?
Face à ces menaces, le premier ministre, Shinzo Abe, conforté par la victoire électorale de son parti, en octobre dernier, a clairement appelé à un renforcement des moyens militaires du pays - déjà beaucoup plus puissants que ne le suggère le terme de Forces d'autodéfense, notamment la marine. Selon le classement Global Firepower, le Japon figure au 7e rang des puissances militaires mondiales (France, 5e) et est considéré comme étant proche «du seuil nucléaire». Les «forces maritimes d'autodéfense», qui comptent 46 frégates modernes et polyvalentes - deux fois plus que la marine nationale française et la Royal Navy réunies - constituent la deuxième marine d'Asie, derrière la chinoise. Appelé destroyer porte-hélicoptères pour des raisons diplomatiques, un des quatre porte-hélicoptères nippons de type Izumo (24.000 tonnes, 248 mètres) pourrait être converti en porte-avions et le Japon se doter, dit-on, de dix avions F-35B à décollage court/atterrissage vertical (STOVL). Un retour des porte-avions - auxquels la marine japonaise avait renoncé depuis 1945 - qui redonnerait aux forces de l'Archipel une capacité de projection conséquente.
«Ces initiatives ne paraissent cependant pas suffisantes pour dissuader une attaque de la Corée du Nord dont le niveau technologique va croissant»
Marianne Péron-Doise, spécialiste de l'Asie du Nord à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire
Par ailleurs, le Japon est en train de remplacer son imposante flotte de 83 avions de patrouille maritime P-3C (Lockheed) par 70 P-1 de fabrication japonaise (Kawasaki). Le Japon a aussi renouvelé une partie de sa flotte d'avions de combat avec des F35 et s'est équipé d'Ospreys à décollage vertical. La priorité est surtout à la défense antimissile balistique (DAMB). Tokyo va moderniser ses batteries de missiles Patriot PAC-3 et souhaite acquérir un système d'interception de plus longue portée, appelé Aegis terrestre, équipé d'antimissiles SM-3 Block IIA et comprenant des stations radars. Ce dispositif compléterait les capacités maritimes existantes (8 frégates Aegis) et devrait permettre de couvrir l'ensemble de l'Archipel.
«Ces initiatives ne paraissent cependant pas suffisantes pour dissuader une attaque de la Corée du Nord dont le niveau technologique va croissant», écrit Marianne Péron-Doise, spécialiste de l'Asie du Nord à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem). Le Japon envisage donc de se doter d'armes de type missiles de croisière Tomahawk, capables de détruire préventivement des missiles nord-coréens sur leur site de lancement. Autant d'initiatives qui irritent la Chine. Et qui sont susceptibles de relancer le débat au sein de l'opinion publique nipponne, toujours viscéralement attachée au pacifisme.
• La Constitution est-elle un obstacle?
Imposée au pays vaincu, la Constitution «pacifiste» de 1947 «n'a jamais empêché le Japon de développer ses FAD comme une armée moderne au fil des décennies», rappelle Guibourg Delamotte, spécialiste du Japon à «Langues-O». L'article 9 de cette charte, par lequel l'Archipel renonce «à jamais» à la guerre (paragraphe 2), s'est même révélé confortable, permettant par exemple au Japon de ne pas s'engager militairement au Vietnam. Pourtant, «sous sa forme actuelle, la Constitution n'interdit pas explicitement des frappes préventives, dès lors que, menacée par un danger imminent, la sécurité de l'archipel est en jeu», relève Marianne Péron-Doise. Shinzo Abe veut tourner la page de la Seconde Guerre mondiale et donner une base de légitimité aux FAD.
En 2015, sans avoir à recourir à une révision constitutionnelle, le premier ministre a fait voter des nouvelles lois de défense autorisant, entre autres, le droit à l'autodéfense collective. Selon Guibourg Delamotte, «en cas de crise régionale, le Japon pouvait déjà fournir un soutien logistique aux États-Unis. Le nouveau cadre juridique lui permet de le faire au bénéfice d'autres alliés», en Asie et au-delà (notamment dans le cadre d'opérations de maintien de la paix). Face à la montée des périls, le Japon a révisé son approche stratégique, longtemps strictement «défensive». Le pays s'est doté d'une nouvelle doctrine plus active (le «pacifisme proactif»), pilotée, depuis 2013, par un Conseil de sécurité national. Shinzo Abe, conforté électoralement, pourrait décider de parachever la «normalisation» des FAD grâce à un amendement de la Constitution. «Le véritable obstacle n'est pas constitutionnel, il est politique et se situe du côté de l'opinion publique», estime Robert Dujarric, professeur à l'Université Temple de Tokyo.
• Quelles relations avec Trump?
Shinzo Abe joue pleinement la «carte Trump». Il lui a rendu visite avant même son investiture et s'entretient fréquemment au téléphone avec lui. «Le président américain inquiète les élites par son imprévisibilité. Mais son hostilité à la Corée du Nord les rassure», estime une bonne source. Pour sa sécurité, Tokyo continue de miser fondamentalement sur les États-Unis.
Certes, la possibilité d'un «découplage» entre les intérêts américains et ceux du Japon et de la Corée du Sud inquiète l'Archipel. «Il n'y a pas d'alternative à l'alliance nippo-américaine pour assurer une dissuasion crédible face à la Chine et à la Corée du Nord», souligne Céline Pajon, spécialiste du Japon à l'Ifri. C'est d'abord dans le cadre de cette alliance que Tokyo envisage son autonomie stratégique. «Si les États-Unis interviennent contre la Corée du Nord, nous ne participerons pas à l'attaque», échafaude l'amiral Yoji Koda, ancien numéro deux de la marine nipponne. «Mais le rôle du Japon dans la protection de la zone sera essentiel», estime-t-il.


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Cannabis : la nouvelle ruée vers l'or en Californie (11.03.2018)
Par Armelle Bohineust
Mis à jour le 12/03/2018 à 16h06 | Publié le 11/03/2018 à 16h47
ENQUÊTE - Un business prospère de la marijuana se développe dans le « Golden State » et ailleurs dans le monde, depuis la légalisation de ce stupéfiant pour un usage récréatif. Le marketing s'y engouffre, des géants comme Microsoft ou Philip Morris y investissent. Même Wall Street cote des sociétés de ce secteur florissant. L'État californien n'est pas en reste, qui va engranger de juteuses taxes.
Ce 1er janvier, au Harborside Health Center d'Oakland, dans la baie de San Francisco, Steve DeAngelo, coiffé de longues tresses indiennes et d'un chapeau de feutre, a saisi une paire de ciseaux géants et coupé symboliquement un immense ruban vert. «Je te libère», a-t-il scandé, en célébrant ce «jour de victoire» attendu depuis près de quarante ans: la libéralisation du cannabis. Il a ensuite servi la longue file de clients de tous âges, sexes et couleurs regroupés depuis l'aube devant son magasin, comme devant des dizaines de boutiques en Californie.
À ces consommateurs impatients de faire pour la première fois leur shopping sans ordonnance, le centre Harborside proposait des rayons entiers de bocaux d'herbe, des parterres de plants et, sur ses étagères, des sprays aphrodisiaques, des laits corporels, des infusions ou des cookies parfumés.
Avec ses 40 millions d'habitants et sa richesse écrasante - son PIB en fait le sixième État au monde -, la Californie ouvre à grande échelle le marché du cannabis
Près de vingt ans après avoir autorisé le cannabis à usage médical, le Golden State a libéré le recours à la drogue la plus consommée dans le monde. L'État américain libertaire y a mis quelques conditions: être âgé de 21 ans, ne pas en détenir plus de 28 grammes en poche et limiter son potager personnel à six plants. Il a aussi ajouté des règles: éviter la consommation en public, au volant ou près d'une école.
Pour les adeptes californiens de la marijuana, le 1er janvier était synonyme de nirvana. Et, pour bon nombre de financiers et d'entrepreneurs, il a été le signal d'une nouvelle ruée vers l'or, vert cette fois-ci. Aux États-Unis, le Colorado a ouvert la voie en 2014 à la consommation libre du cannabis sous toutes ses formes. Parmi celles-ci, l'herbe ou marijuana, c'est-à-dire les fleurs, tiges ou feuilles de cannabis (moins dosées en THC, la molécule qui agit sur le psychisme), ou le haschisch (la résine du chanvre). Mais, avec ses 40 millions d'habitants et sa richesse écrasante - son PIB en fait le sixième État au monde -, la Californie ouvre à grande échelle le marché du cannabis.
Capable de concurrencer le pétrole
C'est dans cet État que Steve DeAngelo, un militant historique des bienfaits de cette drogue pour l'humanité, qu'elle soit malade ou bien portante, a pris racine. Ce «serial entrepreneur» de 60 ans, auteur du Manifeste du cannabis, le nouveau paradigme de la santé, est considéré comme le père fondateur du marché légal de cette drogue. Il a créé le premier laboratoire spécialisé dans cette plante et ouvert en 2006 le plus grand centre médical de distribution du cannabis, le Harborside Health Center, un dispensaire à but non lucratif qui propose des produits, des services et aussi des formations pour les enfants malades ou les seniors.
Le Harborside est «un modèle pour le business», estime le New York Times tandis que les boutiques autorisées à distribuer du «pot», comme on dit en anglais, fleurissent aux États-Unis. Huit États y ont légalisé le cannabis récréatif et une trentaine limitent leur feu vert aux clients munis d'une ordonnance.
«Je resterai un activiste jusqu'à ce que le dernier prisonnier enfermé à cause du cannabis soit libéré, peu importe où il vit sur cette planète»
Steve DeAngelo, père fondateur du marché légal du cannabis
Enfant de la contre-culture - ses parents étaient très investis dans le mouvement de défense des Noirs américains -, Steve DeAngelo a démarré sa carrière en créant des start-up musicales. Il s'est engagé il y a quarante ans dans la promotion du chanvre, drogue «bénéfique» mais aussi plante bio capable de concurrencer les matières plastiques et le pétrole.
Il a créé, avec Troy Dayton, la société de recherche et d'investissement spécialisée ArcView, afin de «passer la vitesse supérieure», c'est-à-dire «faire évoluer la législation et apprivoiser les banques», souvent réticentes à financer la culture ou la distribution du cannabis.
Sa mission, répète-t-il, est «d'œuvrer en faveur de son développement durable». Au point d'avoir promis qu'il resterait «un activiste jusqu'à ce que le dernier prisonnier enfermé à cause du cannabis soit libéré, peu importe où il vit sur cette planète». Cela prendra du temps. Une poignée de pays, parmi lesquels l'Uruguay, l'Espagne ou l'Inde, sont tolérants. Mais beaucoup le classent encore parmi les narcotiques illégaux. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral, qui considère l'herbe comme une substance dangereuse, interdit sa circulation dans le pays.
La Creuse se voit en département pilote
En attendant, les États les plus complaisants entendent bien profiter de cette nouvelle ressource, qui générera plusieurs centaines de milliers d'emplois en Amérique du Nord, assurent ses adeptes. Au Canada, où le cannabis récréatif sera libéralisé cet été, le Québec a confié le monopole des ventes à une société publique, la Société québécoise du cannabis. Celle-ci a conclu des accords avec six producteurs et se prépare à ouvrir jusqu'à 150 boutiques dans la province francophone pour vendre la drogue entre 7 et 10 dollars canadiens le gramme.
D'autres pays misent sur la production de chanvre pour stimuler leur économie. L'Australie veut devenir numéro un mondial de l'export de cannabis médical. La Grèce vient de légaliser sa culture et vise un chiffre d'affaires de «1,5 à 2 milliards d'euros». Outre-Atlantique, l'État de Washington, sur la côte Ouest, veut lancer un label bio. «C'est une demande du consommateur», argumente la sénatrice républicaine Ann Rivers.
«L'enjeu est de faire en sorte qu'on puisse produire du chanvre, une plante à teneur diminuée en THC afin de ne pas avoir la neurotoxicité du cannabis, mais tous les autres effets médicinaux»
Éric Correia, conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine
En France, la Creuse se voit déjà département pilote pour la culture du cannabis à visées thérapeutiques. «L'enjeu est de faire en sorte qu'on puisse produire du chanvre, une plante à teneur diminuée en THC afin de ne pas avoir la neurotoxicité du cannabis, mais tous les autres effets médicinaux», a expliqué début février, sur Radio Nova, Éric Correia, conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine. L'élu socialiste se positionne «sur le terrain sanitaire, pas celui de la morale». Il justifie son projet en expliquant que, alors que le département faisait l'actualité en octobre avec les emplois en sursis de la société GM&S, Emmanuel Macron a demandé aux élus leur avis pour un «plan spécial pour revitaliser la Creuse», y compris des «propositions innovantes, même extralégales».
Si elle fait planer, la marijuana peut aussi faire rêver. Le marché mondial du cannabis légal, médical et récréatif, dépassera 31 milliards de dollars dans trois ans, pronostique le cabinet d'études spécialisé Brightfield.
C'est la culture «la plus rentable au monde», assure le cabinet de Steve DeAngelo. Le cannabis, qui génère jusqu'à 5 millions de dollars pour une acre (0,4 hectare) cultivée, rapporte 200 fois plus que le tabac ou le houblon. Ce qui ne fait d'ailleurs pas l'affaire de tous les agriculteurs. Les producteurs de vin de Napa Valley, en Californie, ont désormais du mal à attirer les saisonniers, bien mieux payés pour récolter le cannabis que pour faire les vendanges.
Mike Tyson vient d'acheter 16  hectares
Les investisseurs, les industriels et même les stars, à l'image de l'ancien boxeur Mike Tyson, qui vient d'acheter 16  hectares dans la Vallée de la Mort, se précipitent sur cette activité. Le 1er mars, les investisseurs se sont rués sur les titres de Cronos, première société axée uniquement sur le cannabis à entrer au Nasdaq, valorisée 2 milliards de dollars. Au Canada, la Bourse de Toronto, qui héberge depuis plusieurs années des acteurs du cannabis, abrite un ambitieux producteur, Canopy Growth. Cette société a réalisé au dernier trimestre 2017 un chiffre d'affaires de 22 millions de dollars, grâce notamment à ses ventes thérapeutiques en Allemagne. Canopy Growth vient, par ailleurs, d'accueillir à son capital le fabricant de bières et boissons alcoolisées Constellation Brands. Et elle entend créer des médicaments, à l'image du laboratoire Abbvie, qui distribue le Marinol, à base de cannabis, pour les patients en chimiothérapie.
En Californie, désormais premier marché mondial, les taxes collectées pourront atteindre 35 % des revenus, estimés à 9 milliards de dollars en 2018
Beaucoup de grandes entreprises lorgnent ce marché. En 2016, le fabricant de cigarettes Philip Morris a investi dans la start-up israélienne Syge Medical, qui développe des technologies d'inhalation. Microsoft a noué, de son côté, un partenariat avec Kind Financial, qui développe pour les autorités des logiciels de surveillance des opérateurs et des consommateurs de cannabis. Même l'Église s'y convertit! Des pasteurs distribuent de la marijuana avant les offices pour aider leurs fidèles à prier.
États et collectivités locales calculent déjà les recettes fiscales qu'ils peuvent attendre du cannabis. Le Québec prévoit d'engranger jusqu'à 4 milliards de dollars. En Californie, désormais premier marché mondial, les taxes collectées pourront atteindre 35 % des revenus, estimés à 9 milliards de dollars en 2018. En entrepreneur avisé, Steve DeAngelo s'inquiète de ce niveau d'imposition. «Beaucoup de consommateurs, en particuliers les moins riches, vont se tourner vers le marché illégal, moins cher», avertit-il.
En France, il n'est pas question d'autoriser le cannabis récréatifLe cercle de réflexion Terra Nova a toutefois estimé en 2014 que, s'il était autorisé et totalement contrôlé par l'État, à quantité de consommateurs égale, le budget public récolterait «1,8 milliard d'euros» pour un cannabis vendu à un tarif «40 % plus élevé que le prix actuel sur le marché noir». Mais ce calcul néglige, regrettent les médecins opposés à la banalisation de la marijuana, son coût en termes d'accidents et de santé publique.

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Le coût exorbitant du Brexit pour les entreprises (11.03.2018)
Par Danièle Guinot
Mis à jour le 11/03/2018 à 22h22 | Publié le 11/03/2018 à 18h05
Le coût du Brexit est estimé à 69 milliards d'euros par an. Les sociétés britanniques seraient les plus touchées, selon une étude.
L'accord final sur le Brexit «ne conduira pas à des échanges plus fluides ou sans friction. Il les rendra plus compliqués et plus coûteux qu'aujourd'hui», a prévenu la semaine dernière Donald Tusk, le président du Conseil européen. Même si les conditions du divorce entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne ne sont pas encore finalisées, il semble acquis que la facture sera très lourde, notamment pour les entreprises. Ainsi, le Brexit pourrait coûter 69 milliards d'euros par an à l'ensemble des entreprises exportatrices, si des barrières douanières sont à nouveau érigées entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, selon une étude du cabinet OIiver Wyman publiée ce lundi. «Ces coûts sont dus en partie aux barrières tarifaires, mais surtout aux obstacles indirects, tels que les déclarations douanières, les aspects réglementaires, etc.», précise Hanna Moukanas, associé, responsable du bureau parisien d'Oliver Wyman.
La note annuelle est évaluée à 37 milliards d'euros (pour les importations et exportations) pour les entreprises des 27 pays de l'Union et à 32 milliards pour les Britanniques. «Si l'on tient compte de la taille du Royaume-Uni, l'impact serait quatre à six fois plus important pour ses entreprises que pour celles de l'Union européenne», souligne Hanna Moukanas. Un accord douanier permettrait certes de réduire les coûts, mais le Royaume-Uni resterait perdant.
Cinq secteurs d'activité seraient particulièrement touchés par la sortie du Royaume-Uni du marché unique : la finance, l'agroalimentaire, l'automobile, l'aérospatial, la pétrochimie et les métaux
Chaque année, ses entreprises paieraient 21 milliards d'euros en frais administratifs, contre 17 milliards d'euros pour celles de l'Union, calcule l'étude. Les PME britanniques qui exportent l'essentiel de leur activité en Europe (elles seraient 65. 000) seraient les plus pénalisées.
Cinq secteurs d'activité seraient particulièrement touchés par la sortie du Royaume-Uni du marché unique (ils concentreraient 70 % de l'impact financier). Sans surprise, outre-Manche, les services financiers seraient les plus pénalisés (la City pèse 10 % du PIB du Royaume-Uni). Ils supporteraient «un tiers des coûts direct du Brexit». Suivent l'agroalimentaire, l'automobile, l'aérospatial, la pétrochimie et les métaux. «Les entreprises de ces secteurs sont très intégrées dans les chaînes d'approvisionnement européennes», justifie l'étude. Selon des analyses confidentielles menées par le gouvernement britannique, le Brexit coûterait d'ailleurs entre 5 % et 8 % de croissance d'ici à quinze ans à la Grande-Bretagne.
Au sein de l'Union européenne, l'impact varierait fortement d'un pays à l'autre. «Le secteur agroalimentaire irlandais souffrirait particulièrement d'une réduction de son accès aux consommateurs», selon l'étude. Les secteurs automobile et manufacturier allemands seraient aussi mis à rude épreuve et la Bavière serait particulièrement touchée.
La France arrive en troisième position des pays les plus sensibles à la nouvelle donne. Les coûts directs pour ses entreprises (agroalimentaire, biens de consommation, automobile et industrie chimique) s'élèveraient à 5 milliards d'euros par an. «Si l'on tient compte du poids relatif de la France au sein l'Union, le pays sera moins touché que la moyenne européenne», nuance Hanna Moukanas.

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Dans l'œil de Mossoul : le blogueur qui a défié Daech (12.03.2018)

Par Delphine Minoui
Mis à jour le 12/03/2018 à 19h46 | Publié le 12/03/2018 à 19h05
PORTRAIT - Au péril de sa vie, il fut l'un des rares témoins à raconter de l'intérieur la vie sous Daech jusqu'à sa fuite précipitée, fin 2015, de l'ex-capitale de l'EI. Aujourd'hui réfugié en Europe, l'ex-blogueur star de Mossoul vient enfin de rompre avec l'anonymat. À visage découvert, il confie sa bataille de l'ombre au Figaro.
Il se présente: Omar. «Omar de Mossoul», précise-t-il, d'une poignée de main ferme. La nuit tombe sur ce trottoir d'une grande ville européenne, où il a fixé le rendez-vous. Nous nous engouffrons dans un café. Son «préféré», dit-il, en choisissant la petite table du fond. Son visage, si jeune, tranche avec l'image que renvoyait jusqu'ici, via WhatsApp, la maturité de ses paroles. D'un geste lent, il pose son sac, retire son manteau. Un silence passe. «S'il vous plaît, insiste le blogueur irakien en exil, ne mentionnez ni le nom de la ville où j'habite, ni celui de mon université.»
On ne se remet pas du jour au lendemain d'une vie de résistant dans l'ex-capitale autoproclamée de l'État Islamique. Là-bas, il était «Mosul Eye» (l'Œil de Mossoul): un mystérieux pseudonyme derrière lequel l'historien de 31 ans se cachait pour chroniquer sur les réseaux sociaux l'horreur du quotidien. Personne, pas même sa mère, n'était au courant de sa double vie. Il y a trois mois, il a pris son téléphone pour lui annoncer: «Mosul Eye, c'est moi.» En larmes, elle lui a répondu: «Je me doutais bien que tu traficotais quelque chose… Je suis si fière de toi!» Depuis, il se sent plus léger, mais il préfère cultiver la prudence - même loin de son pays - en révélant par petites touches son identité. Et son histoire.
http://i.f1g.fr/media/figaro/300x400/2018/03/12/INFa723e22c-25fd-11e8-aeb8-868b5077cf37-300x400.jpg
Le destin d'Omar Mohammed bascule le 10 juin 2014. À une vitesse éclair, sa ville tombe sous la coupe de Daech. Les soldats de l'armée irakienne n'opposent aucune résistance. Derrière ses lunettes, il les regarde s'enfuir, muet face à ce nouveau bouleversement qui secoue son pays. Omar est né en 1986 pendant la guerre Iran-Irak. Lycéen, il assiste en 2003 à l'invasion américaine de Bagdad et à la chute du dictateur, Saddam Hussein. À l'université, il voit la minorité chiite prendre le pouvoir tandis que les insurgés sunnites commettent des attentats et assassinent certains professeurs - toutes ces graines de discorde qui favoriseront ultérieurement l'essor de l'EI. Au début, Omar ne voit dans cette nouvelle percée djihadiste qu'une énième vague de terreur qui déferle sur Mossoul. Mais cette fois-ci, les combattants au drapeau noir ont un dessein bien précis: ils veulent établir un califat. L'islam est leur mot d'ordre. La violence, leur arme de répression. Sous le choc, Omar déverse son inquiétude sur sa page Facebook. Ses amis le trouvent inconscient, ils lui conseillent le silence. Il est incapable de se taire. «En tant qu'historien, je me devais de raconter les événements, de documenter le moindre incident. Je voulais offrir un contre-discours à la propagande de Daech.» Une semaine plus tard, le 18 juin 2014, il lance son blog, L'Œil de Mossoul: un regard alternatif pour empêcher la myopie.
L'entreprise est risquée. Soucieux de dresser un catalogue précis et détaillé du nouvel ordre imposé par les djihadistes, il se noie dans la masse. «Je me suis fait pousser la barbe obligatoire. J'ai retroussé mon pantalon jusqu'à la cheville pour me faire passer pour l'un d'eux», dit-il. Quand certains de ses confrères fuient la ville, ou s'exilent entre les quatre murs de leur maison, il démultiplie les sorties: dans les quartiers voisins, aux abords des villas réquisitionnées par les émirs étrangers, à l'université - où il apprend, lors d'une réunion interne dans laquelle il s'infiltre que le nouveau proviseur veut «imposer la charia et former une nouvelle génération de combattants». Parfois, Omar s'improvise chauffeur de taxi. Les yeux grands ouverts, il photographie du regard le moindre détail. «J'ai été le témoin des pires exactions. J'ai vu des gens se faire décapiter pour “apostasie”, des voleurs se faire couper la main. J'ai vu des homosexuels présumés se faire jeter du haut des immeubles, des épouses accusées d'adultère se faire lapider. D'ailleurs, je n'avais pas le choix: si vous passiez devant la place où se tenait l'exécution, on vous arrêtait pour vous forcer à regarder», dit-il.
À son insu, sa maman lui sert souvent d'alibi. «Je l'accompagnais au marché pour faire des courses, sous prétexte qu'une femme doit être escortée par un chaperon», raconte-t-il. Un jour, un jeune soldat de l'EI l'interpelle: «Pourquoi ne portez-vous pas le niqab?» Affolée, la pauvre dame baisse les yeux. Omar, lui, réagit du tac au tac: «De quoi parlez-vous? Ne savez-vous pas que l'islam n'impose pas aux femmes de plus de 50 ans de se couvrir le visage? Êtes-vous certain d'être un bon djihadiste, de représenter proprement notre grand califat?» Tétanisée, sa mère le tire par la manche, l'implore de se taire. Mais Omar surenchérit: «Où est votre chef? Que dirait-il s'il vous entendait?» «C'est alors, se souvient Omar, que le jeune homme, qui devait avoir à peine 15 ans, m'a supplié de ne pas le dénoncer auprès de ses supérieurs. À m'écouter, il en avait conclu que j'étais un haut gradé de Daech! De retour à la maison, qu'est-ce qu'on en a ri avec ma mère!»
«À plusieurs reprises, les informations publiées sur mon blog ont permis de cibler les combattants de l'EI et leurs quartiers généraux»
Omar Mohammed
Le soir, dans l'obscurité de sa chambre, le jeune historien consigne secrètement ses notes dans un cahier. Par précaution, il en copie un double sur son ordinateur. Et sur un autre appareil, connecté à l'Internet grâce à un serveur sécurisé, il en publie une sélection sur son blog. «Évidemment, je me gardais bien de tout révéler, par crainte d'être repéré», dit-il. La peur n'est jamais loin. «Un jour, se remémore-t-il, un ami qui avait rejoint Daech me confia son désarroi après que plusieurs de ses leaders, dont il cita les noms, eurent été tués dans une frappe de la coalition. Loin de se méfier de moi, il me raconta qu'un important stock d'armes qui se trouvait dans le bâtiment visé avait aussi été détruit. J'ai mémorisé toutes ces données et je les ai mises en ligne. Au bout de quelques minutes, j'ai réalisé ma bêtise: j'en étais le seul détenteur. Daech n'aurait pas de mal à m'identifier! Paniqué, j'ai aussitôt effacé mon texte.»
Brouiller les pistes
L'incident lui sert de leçon. «Je me suis mis à redoubler de prudence», dit-il. Un de ses subterfuges consiste à brouiller les pistes: «Un jour, je me faisais passer pour un chrétien, en publiant sur mon blog la photo d'un cierge allumé dans une église. Un autre, je prétendais être une femme en évoquant l'humiliation du long voile noir. Un autre encore, je donnais l'impression d'être un vieux monsieur. Certains de mes lecteurs pensaient même que j'étais juif.» Il avoue en avoir tiré un malin plaisir. «Il y avait quelque chose de grisant à tromper l'adversaire», dit-il. Sa plus grande satisfaction est d'avoir contribué à révéler le vrai visage de Daech: en détaillant sa hiérarchie interne, en localisant certaines caches d'armes. «À plusieurs reprises, les informations publiées sur mon blog ont permis de cibler les combattants de l'EI et leurs quartiers généraux», dit-il. «Mosul Eye, sourit-il, c'était le combat d'un seul homme contre une énorme machine de propagande. Daech n'a jamais pu me démasquer. C'est moi qui l'ai démasqué!»
Dans les moments de doute et de crainte, ses nombreux lecteurs sont une source d'encouragement. Avec plus de 250.000 abonnés sur Facebook (et plus de 30.000 sur son blog), L'Œil de Mossoul rejoint Twitter en avril 2015. Ses publications - en arabe et en anglais - sont une mine d'informations pour les journalistes étrangers… et pour les services de renseignement occidentaux qui ne manquent pas de l'approcher. «Je ne fais que documenter ce que je vois. Mes informations sont publiques et gratuites. Je ne suis ni reporter, ni espion», leur répond-il poliment. Mais son succès finit par lui jouer des tours: «À Mossoul, des gens se faisaient arrêter et questionner sur Mosul Eye: le connaissez-vous? Que savez-vous de lui? Où se cache-t-il?»
«Raconter la percée de Daech, c'est revenir aux enjeux de pouvoir entre citadins et villageois, issus de tribus, qui ont migré en ville depuis les années 1980.»
Omar Mohammed
À cours d'options, Omar ne trouve plus le sommeil. «Le danger se rapprochait. Je craignais moins pour ma vie que pour celle de ma famille», dit-il. Par l'entremise d'un ami, il déniche un passeur d'origine turkmène qui lui offre de l'exfiltrer pour 1000 dollars. À l'aube du 15 décembre 2015, Omar se réveille sur la pointe des pieds. Au fond d'un sac, il a glissé un disque dur - rempli de ses précieuses données -, un épais carnet de notes et un livre. «Je m'en vais», murmure-t-il à l'oreille de sa mère, encore endormie. «Je n'ai pas pu me retourner. Si j'avais vu son visage, je ne serai pas parti», concède-t-il.
Aujourd'hui, l'intrépide blogueur s'étonne encore d'être resté du côté des vivants. De Mossoul à Raqqa, en Syrie, en passant par la Turquie, sa périlleuse odyssée s'est achevée en Europe, en février 2017, où il a obtenu l'asile politique. Quand on lui souffle qu'on aimerait lire ses Mémoires, il répond qu'il est encore trop tôt. Qu'il veut prendre la distance nécessaire pour écrire. «Raconter la percée de Daech, c'est revenir aux enjeux de pouvoir entre citadins et villageois, issus de tribus, qui ont migré en ville depuis les années 1980. C'est comprendre l'exacerbation du confessionnalisme, après l'invasion américaine. C'est, aussi, sonder le passé plus lointain», insiste le jeune homme, qui prépare actuellement un doctorat sur Mossoul à l'époque ottomane. Son blog, concentré sur Daech jusqu'à la défaite des djihadistes, à l'été 2017, est désormais dédié à la renaissance de sa cité adorée. Photos à l'appui, l'infatigable Mosul Eye encourage ses lecteurs à rebâtir les églises saccagées, à retaper les mausolées et les vestiges défigurés. Depuis peu, il ose affronter les plateaux télé à visage découvert - à condition de taire le nom de son pays d'accueil. Grâce à sa mobilisation, la bibliothèque de Mossoul, brûlée par Daech, a reçu des milliers de donations de livres de l'étranger. L'Unesco vient pour sa part de s'engager à sauvegarder le précieux patrimoine de l'ex-Ninive. De petites victoires qui l'incitent à poursuivre sa fronde culturelle. Et à retrouver progressivement l'œil d'Omar, l'historien.

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Syrie : la France et les États-Unis réclament à Moscou de mettre fin «au bain de sang» (12.03.2018)
Par Yohan Blavignat et AFP agenceMis à jour le 12/03/2018 à 20h04 | Publié le 12/03/2018 à 19h17
VIDÉO - Près de sept ans après le déclenchement du conflit, plus de 350.000 personnes ont été tuées, selon un nouveau bilan de l'OSDH. Paris et Washington en tête ont vivement accusé la Russie dans l'absence d'un cessez-le-feu. Moscou s'est insurgé contre ces «reproches sans fin».
À l'approche du 7e anniversaire du début de la guerre en Syrie, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a fourni un nouveau bilan alarmant ce lundi. Ce conflit a fait plus 350.000 morts depuis le 15 mars 2011. Parmi ces victimes figurent 106.390 civils, dont 19.811 enfants et 12.513 femmes. Sur place, la situation humanitaire est toujours catastrophique, selon les observateurs, notamment dans l'enclave rebelle de la Ghouta orientale, qui fait l'objet d'intenses bombardements du régime de Damas depuis début février malgré une trêve décrétée par l'ONU, et à Afrine, une enclave tenue par les forces kurdes. Ce lundi, la diplomatie internationale a tenté, une nouvelle fois, d'appeler les acteurs à la raison.
● Paris demande à Moscou de faire «arrêter le bain de sang»

Réunion de l'ONU ce lundi. - Crédits photo : MIKE SEGAR/REUTERS
La France demande à la Russie de faire «arrêter le bain de sang» en Syrie, a déclaré ce lundi l'ambassadeur français à l'ONU, François Delattre, alors que les États-Unis ont rédigé un nouveau projet de résolution pour une trêve immédiate. «La Russie peut faire arrêter le bain de sang», a déclaré à des journalistes le diplomate. «Nous savons que la Russie, compte tenu de son influence sur le régime, compte tenu aussi de sa participation aux opérations, a la capacité de convaincre le régime par toutes les pressions nécessaires d'arrêter cette offensive terrestre et aérienne» contre la Ghouta orientale, a-t-il ajouté. «Il est naturel qu'aujourd'hui, à ce stade de la crise, les regards se tournent vers elle», a-t-il insisté.
En déplacement en Inde, Emmanuel Macron a jugé ce lundi que les concessions faites en Syrie «sur le terrain» par la Russie et le régime n'étaient «pas suffisantes», plus de 15 jours après l'adoption de la résolution de l'ONU sur une trêve. Dans le cadre de cette résolution adoptée le 24 février à l'unanimité par le Conseil de sécurité, «la Russie a fait des concessions. Elle a permis des trêves de quelques heures (...), elle a permis l'accès à certains convois (à la Ghouta orientale), et nous avons obtenu certains résultats mais qui ne sont pas à la hauteur de la résolution», a déclaré Emmanuel Macron devant la presse à Varanasi à l'issue de sa visite en Inde. La France lui demande donc, «de manière très claire», «de respecter intégralement» les termes de cette résolution sur une trêve d'un mois.
● Nouvelle résolution déposée par les États-Unis
Les États-Unis ont déposé à l'ONU une nouvelle résolution pour un cessez-le-feu immédiat en Syrie, a annoncé l'ambassadrice américaine Nikki Haley, en dénonçant l'attitude de Moscou et Damas qui «n'ont jamais eu l'intention d'appliquer» une trêve. Ce nouveau texte est «simple, contraignant» et «ne permet aucun contournement», a-t-elle ajouté devant le Conseil de sécurité, en soulignant que «l'heure est venue d'agir».
«Est-ce que la Russie est devenue l'outil de Bachar al-Assad et au pire de l'Iran ?»
Nikki Haley, ambassadrice des États-Unis à l'ONU
Nikki Haley a notamment accusé Moscou d'avoir «exploité une faille» de la résolution de fin février qui prévoyait des exceptions au cessez-le-feu pour la lutte contre des «groupes terroristes» et leurs affiliés. Pour Moscou comme pour Damas, tous les groupes rebelles dans la Ghouta orientale sont «terroristes», a-t-elle rappelé. Ni Damas ni la Russie «n'avaient l'intention d'appliquer le cessez-le-feu», a estimé Nikki Haley. «La Russie ne peut-elle plus influencer Damas», a-t-elle aussi demandé. «Est-ce que la Russie est devenue l'outil de Bachar al-Assad et au pire de l'Iran?», a insisté la diplomate américaine. Au cours de son intervention, l'ambassadeur britannique adjoint, Jonathan Allen, a assuré qu'il y aura «des comptes à rendre» et que le «rôle de la Russie qui soutient Damas ne sera pas oublié».
● L'ONU réclame un accès humanitaire immédiat dans la Ghouta
Lors de son exposé devant le Conseil de sécurité, qui lui était réclamé «dans les 15 jours» par la résolution 2401, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a lui aussi regretté que le cessez-le-feu ne soit pas respecté dans la Ghouta orientale. Le régime a repris le contrôle «de 60%» des zones détenues jusqu'alors par des groupes rebelles, a précisé le patron des Nations unies. Au début, son offensive se déroulait dans des zones peu peuplées, ce n'est plus le cas aujourd'hui, a poursuivi Antonio Guterres, en soulignant qu'il est devenu «urgent de permettre des évacuations humanitaires» dans cette banlieue de Damas.
«La résolution 2401 n'est pas appliquée deux semaines après son adoption à l'unanimité par le Conseil de sécurité»
François Delattre, ambassadeur français à l'ONU
Sans citer la Russie, il a aussi appelé «tous les États» à faire en sorte que la trêve soit appliquée et que de l'aide internationale parvienne aux civils. Plus de 1000 personnes - dont une majorité de femmes et d'enfants - ont besoin d'une évacuation médicale urgente, selon les Nations unies. «La résolution 2401 n'est pas appliquée deux semaines après son adoption à l'unanimité par le Conseil de sécurité», avait aussi déploré peu avant François Delattre. «L'offensive terrestre et aérienne du régime se poursuit sous un déluge de feu. Les civils ne sont pas des victimes collatérales mais les cibles même de cette offensive».
Dans cette enclave stratégique, 28 hôpitaux, cliniques et dispensaires ont été visés et neuf professionnels de santé ont été tués depuis le début de l'offensive, d'après la même source.
● La Russie s'insurge après sa mise en cause
L'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia, s'est insurgé contre la mise en cause de son pays par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni dans l'absence de cessez-le-feu en Syrie, estimant que ces pays ne sont pas motivés par des considérations humanitaires. Ce sont des «reproches sans fin contre la Russie», a-t-il dénoncé lors d'une réunion consacrée à la Syrie au Conseil de sécurité. Dans leurs discours, les États-Unis ont cité «22 fois» la Russie, la France «16 fois», le Royaume-Uni «12 fois», a-t-il énuméré.
C'est une «ligne politique» qui «n'est pas motivée par des considérations humanitaires», a poursuivi le diplomate russe, en laissant entendre que ces pays occidentaux cherchent avant tout à défendre des groupes opposés au régime de Damas. La résolution 2401 de fin février ne prévoyait pas «de cessez-le-feu immédiat» mais cherchait à établir un processus de moyen terme et concernait toute la Syrie, a aussi affirmé Vassily Nebenzia. Damas «a le droit de se défendre contre des terroristes», a-t-il fait valoir.
● Pourparlers dans les trois zones du fief rebelle dans la Ghouta
Le régime syrien mène des négociations sur le sort de chacune des trois parties du secteur rebelle de la Ghouta, enclave qu'il cherche à reprendre dans le cadre d'une offensive meurtrière lancée il y a trois semaines. Les négociations sont menées séparément avec des représentants de chacun des trois secteurs - notables ou groupes rebelles - et portent selon les cas sur la création de zones de «réconciliation», l'évacuation de combattants voire celle de civils, a affirmé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
À la faveur de leur avancée sur le terrain, elles ont divisé ce dernier bastion insurgé aux portes de Damas en trois secteurs: au nord, la grande ville de Douma et sa périphérie - sous le contrôle du groupe Jaich al-Islam -, à l'ouest Harasta - où se trouvent les combattants du groupe Ahrar al-Cham - et enfin le reste des localités au sud - aux mains de Faylaq al-Rahmane, avec une présence limitée de Hayat Tahrir al-Cham (autrefois lié à al-Qaida). Le régime mène actuellement des négociations séparées dans chacune des trois zones, selon le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.
En ce qui concerne Douma, ces pourparlers «ont lieu entre les Russes et Jaich al-Islam, par l'intermédiaire de membres de l'opposition proches de Moscou», selon la même source. L'objectif serait, selon Rami Abdel Rahmane, de «transformer le secteur en une zone de réconciliation avec l'entrée de la police militaire russe et le maintien (d'une présence) de Jaich al-Islam». D'après lui, Moscou demanderait «que soient hissés les drapeaux de la Syrie et le retour des institutions gouvernementales, sans l'entrée des forces du régime». À Harasta, divisée entre une zone sous contrôle du régime et l'autre aux mains d'Ahrar al-Cham, «les négociations entre des notables de la ville d'une part et le régime et la Russie de l'autre portent sur un accord d'évacuation «des combattants d'Ahrar qui le souhaiteraient et le maintien dans la ville de ceux en faveur d'une réconciliation». Ces discussions ne portent pas sur des évacuations de civils, d'après la même source. Dans le secteur sud, sous contrôle de Faylaq al-Rahmane, les négociations impliquent des notables et des représentants du régime sans participation du groupe islamiste rebelle.
● Des centaines de civils fuient la ville d'Afrine face à l'avancée turque
Des centaines de civils ont fui ou tentaient de fuir lundi la ville d'Afrine face à l'avancée des forces turques, qui sont aux portes de cette cité du nord-ouest de la Syrie située dans une enclave à majorité kurde, selon une ONG. «Près de 2.000 civils ont déjà rejoint la localité voisine de Nobol par crainte d'un éventuel assaut turc contre Afrine, tandis que des centaines tentent encore de quitter la ville», a indiqué à l'AFP Rami Abdel Rahmane, le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
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Slovaquie : démission du ministre de l'Intérieur après l'assassinat d'un journaliste (09.03.2017)

Par Marie-Alix Dagry
Mis à jour le 12/03/2018 à 14h28 | Publié le 09/03/2018 à 19h12
Ce lundi, le ministre de l'Intérieur Robert Kalinak a annoncé sa démission. Cette décision, réclamée par l'opposition, un parti de la coalition gouvernementale ainsi que des milliers de manifestants, fait suite à l'assassinat du journaliste Jan Kuciak le 25 février.
«Je démissionne du poste de ministre de l'Intérieur et du poste de vice-premier ministre», a déclaré le ministre de l'Intérieur slovaque Robert Kalinak ce lundi, après l'assassinat du journaliste d'investigation Jan Kuciak le 25 février dernier. Cette démission était réclamée par le parti de la coalition gouvernementale Most-Hid mais aussi l'opposition et la population alors que le pays est plongé dans une crise sans précédent. Supervisant la police en tant que ministre de l'Intérieur, Robert Kalinak ne peut garantir une enquête indépendante sur l'assassinat de Jan Kuciak et de sa fiancée, ont estimé ses adversaires politiques. «Je crois que par ce geste je contribuerai à la stabilisation de la situation en Slovaquie», a-t-il affirmé. «Mon principal objectif est d'éclaircir le double meurtre. Nous devons savoir pourquoi et qui» a fait cela.
Cette décision intervient alors que le président slovaque, Andrej Kiska, avait déploré dans une allocution télévisée la semaine dernière qu'il ne voyait «aucun plan pour sortir le pays de la crise de confiance». Et d'ajouter qu'«un remaniement en profondeur du gouvernement» ou «des élections anticipées» étaient nécessaires pour remédier à cette «crise de confiance». Ce que le chef de l'exécutif Robert Fico avait rejetté.
L'enquête du journaliste assassiné révèle des cas de corruption au sein du gouvernement
Le 25 février, le journaliste d'investigation Jan Kuciak était retrouvé abattu d'une balle dans la poitrine avec sa femme Martina Kusnirova dans la maison qu'ils venaient d'acquérir. Âgé de 27 ans, le journaliste travaillait pour le site Aktuality.ski et enquêtait sur l'infiltration en Slovaquie de la ‘Ndrangheta, une organisation mafieuse calabraise des plus puissantes et redoutées au monde. Le lendemain de son assassinat, le sujet de son investigation commença à fuiter, faisant grand bruit au sein de la sphère médiatique et politique. N'ayant pas bouclé l'enquête, Jan Kuciak et ses collègues n'avaient en effet pas encore publié d'article sur le sujet. Le 28 février, l'OCCRP (Organisation travaillant sur la corruption et le crime organisé), dévoila l'enquête qui met en lumière plusieurs cas de corruptions.
L'article révèle des cas de fraudes fiscales entre un homme d'affaires italien (Antonio Vadala) et l'entourage du premier ministre slovaque, Robert Fico, entraînant plusieurs démissions en peu de temps. Une conseillère du chef du gouvernement, Maria Troskova, et le responsable du conseil de Sécurité nationale, Viliam Jasan, ont quitté leurs fonctions tout en niant leur implication dans l'affaire. Également, le ministre de la Culture, Marek Madaric, allié de longue date de Robert Fico, a démissionné en signe de protestation.
Quant au ministre de l'Intérieur slovaque, Robert Kalinak, il est soupçonné d'entrave à la justice dans une affaire de corruption présumée. Une plainte a été déposée par Vasil Spirko du bureau du procureur spécial slovaque, qui a supervisé l'enquête. Robert Kalinak et l'ancien ministre des Finances Jan Pociatek auraient reçu à plusieurs reprises des commissions allant jusqu'à 200 millions d'euros lors d'appels d'offres sur des services et matériels informatiques pour le ministère de l'Intérieur, selon un témoin cité par le procureur.
Vague de contestation populaire
Par ailleurs, la contestation populaire, vive depuis le début de la crise, dénonce un système gangrené par la corruption. Dès le 28 février, un millier de personnes s'est réunies devant le siège du gouvernement slovaque. Et le 2 mars, après l'interpellation de sept hommes d'affaires italiens à l'est du pays, 25.000 personnes sont descendues dans la rue, à Bratislava, pour crier leur mécontentement et appeler le chef de l'exécutif à démissionner. Vendredi dernier encore, 50.000 personnes se sont rassemblées de manière pacifique sur une place de Bratislava «pour une Slovaquie honnête», demandant la démission du gouvernement Fico et une enquête approfondie sur la mort du journaliste.
Ces manifestations font écho à la vague de contestation intervenue l'année dernière dans le pays, et qui avait appelé les hauts fonctionnaires à démissionner, déjà critiqués dans leur combat contre la corruption.
Vendredi, 50.000 manifestants se sont rassemblés sur une place de Bratislava, pour protester contre la corruption et réclamer la démission du gouvernement de Robert Fico.
Vendredi, 50.000 manifestants se sont rassemblés sur une place de Bratislava, pour protester contre la corruption et réclamer la démission du gouvernement de Robert Fico. - Crédits photo : Radovan Stoklasa/REUTERS
La mort de Jan Kuciak intervient dans un contexte politique tendu. Depuis le retour au pouvoir de Robert Fico, populiste de gauche, en mars 2016 au sein d'une coalition tripartite avec l'extrême droite, les médias slovaques avaient révélé à plusieurs reprises des cas de corruption impliquant le gouvernement. Jan Kuciak publia, pour sa part, des enquêtes sur des soupçons de fraudes fiscales, ciblant Ladislav Basternak, le propriétaire d'un complexe immobilier dans lequel réside Robert Fico. Après cela, un climat d'hostilité s'est installé entre le chef du gouvernement et les journalistes indépendants. Allant jusqu'à les insulter en pleine conférence de presse, les traitant de «sales prostitués antislovaques» ou encore de «simples hyènes idiotes» et «serpents visqueux». Mais jusque-là, aucun journaliste n'avait été tué en raison de son travail en Slovaquie. Ce meurtre ravive ainsi le débat sur la liberté de la presse et la corruption en Slovaquie, et plus généralement en Europe.
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Macron scelle son alliance avec l'Inde dans le fief de Modi (12.03.2018)

Par François-Xavier Bourmaud
Mis à jour le 12/03/2018 à 18h17 | Publié le 12/03/2018 à 17h44
REPORTAGE - La visite d'État de trois jours du président français a permis de donner un nouveau souffle à la relation entre Paris et New Delhi.
De notre envoyé spécial à Bénarès
Impossible d'échapper à Emmanuel Macron. Dans les rues de Bénarès, son visage s'affiche partout. Pour la dernière journée du voyage d'État du président de la République en Inde, son hôte, Narendra Modi, a vu les choses en grand. Dans son fief de l'Uttar Pradesh, le premier ministre indien a fait disposer des photos d'Emmanuel Macron dans toute la ville. Le long de la route que va emprunter le chef de l'État, sur les façades des bâtiments, aux abords des échoppes, le long du Gange, en grand, en petit et même une version en pied de près de 10 mètres de haut.
Quand ce n'est pas le visage gigantesque d'Emmanuel Macron qui surgit au détour d'une rue, ce sont les pancartes des deux hommes qui sautent aux yeux. Un coup, ils se serrent la main ; un autre, ils saluent la foule ; le dernier, ils se donnent l'accolade. Seules les vaches sacrées semblent ignorer la décoration du jour et le chamboulement provoqué dans la ville par la visite d'Emmanuel Macron. Elles déambulent mollement sous le regard des militaires qui s'efforcent discrètement de les orienter ailleurs, vers des zones moins sensibles que celles du passage du cortège officiel. Tout y a été nettoyé, même si cela ne saute pas aux yeux. Quelques rues plus loin, les effluves de déjections bovines témoignent d'une saleté tenace. Par endroits, la route a été refaite. Devant les échoppes délabrées, les commerçants passent un dernier coup de balai.
Narendra Modi a décrété que la journée n'était pas travaillée. Cela fait autant de monde en plus dans les rues étroites et étouffantes de la ville où s'entassent 3,5 millions de personnes. Elles sont nombreuses à attendre sur les bords du Gange, le fleuve sacré indien sur lequel Narendra Modi a prévu d'emmener Emmanuel Macron faire une petite croisière. Sur la rive des ghats, ces escaliers qui descendent vers le fleuve pour permettre aux hindous de s'y purifier, la foule se masse. Sur la rive opposée, un gigantesque banc de sable, des drapeaux français et indiens ont été plantés tous les cinq mètres, des militaires aussi.
Des pétales de fleurs sont parfois lancés au passage des deux dirigeants. Ils trônent sur des sièges au premier étage du navire, saluant parfois la foule
Lorsque le bateau qui transporte Emmanuel Macron et Narendra Modi s'approche, des cris de joie et des chants retentissent. Des pétales de fleurs sont parfois lancés au passage des deux dirigeants. Ils trônent sur des sièges au premier étage du navire, saluant parfois la foule. À la sortie du débarcadère, une rangée de tableaux trace le chemin. Des peintures de Bénarès dans le style de ceux qui se vendent à Montmartre d'un côté, des reproductions de gravures du site de l'autre. Parfois, des coups de vent font tomber les chevalets sur lesquels ils reposent. Mais pas le grand panneau composé de fleurs sur lequel on peut lire: «Bienvenue, président de la France, honorable Monsieur Emmanuel Macron.»
Descendus de leur bateau, qui a eu un peu de mal à accoster, le président de la République et le premier ministre indien remontent les marches qui mènent à leurs voitures sous le regard d'une famille de singes qui se baladent sur les façades des bâtiments à la recherche de nourriture. Arrivé au cortège, Narendra Modi se tourne vers Emmanuel Macron: «Assieds-toi à l'avant, on va prendre la même voiture. Comme ça, on pourra voir les gens sur le trajet.» Le président de la République lui jette un clin d'œil en souriant, grimpe sur le marchepied pour observer la foule et s'engouffre dans le véhicule qui démarre aussi sec.
Bollywood et nucléaire
La visite d'État en Inde d'Emmanuel Macron s'achève sur un dernier déjeuner avec Narendra Modi, puis sur une conférence de presse. «Notre accueil enthousiaste, inédit même, selon les autorités indiennes, a marqué quelque chose de particulier pour notre pays», commence par relever Emmanuel Macron. Venu donner un nouveau souffle à la relation franco-indienne, il repart après trois jours d'embrassades publiques, de déclarations enflammées et de rêves d'avenir en commun.
Il ne manque plus que les preuves d'amour: les contrats. Les entreprises françaises en ont signé pour 13 milliards d'euros à l'occasion de cette visite d'État, mais la France espère davantage, et dans tous les domaines. Ceux déjà en cours dans l'aéronautique, le nucléaire civil ou l'espace, mais aussi d'autres plus étonnants, comme le cinéma. «Mon souhait est d'attirer le maximum de tournages de Bollywood en France, explique Emmanuel Macron juste avant de prendre son avion pour Paris. Nous avons des lieux magnifiques, comme Chambord.» Bollywood chez François Ier ou le renouveau de la relation franco-indienne à la sauce Macron.

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Ex-espion empoisonné : l'ultimatum de Theresa May à Vladimir Poutine (12.03.2018)

Par Florentin Collomp
Mis à jour le 12/03/2018 à 20h50 | Publié le 12/03/2018 à 19h58
Londres donne 24 heures à l'État russe pour s'expliquer sur l'empoisonnement de son ex-espion au Novichok.
De notre correspondant à Londres
Au bout de dix ans d'acharnement, Marina Litvinenko a réussi à obtenir, en 2016, la reconnaissance par la justice britannique de l'implication très «probable» de Vladimir Poutine lui-même dans l'empoisonnement au polonium-210 de son mari, Alexandre, ancien espion du KGB retourné par le MI6. Il avait fallu se battre contre l'inertie du gouvernement britannique. À l'époque ministre de l'Intérieur, Theresa May avait écrit à la veuve pour lui promettre de «tout faire pour qu'un tel crime ne se reproduise jamais». Or, «on voit que rien n'a été fait», s'est répandue Marina Litvinenko sur les plateaux télé britanniques, dimanche. C'était une semaine après l'empoisonnement à l'arme chimique de Sergueï Skripal, un autre espion russe retourné par les services secrets britanniques, et de sa fille Ioulia, dans la petite ville de Salisbury. Tous deux se battent depuis entre la vie et la mort.
Cette fois, Londres s'oriente vers une réponse beaucoup plus musclée. Sous pression, Theresa May n'a pas tergiversé. À l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité nationale, elle a désigné la responsabilité «hautement probable» de la Russie. L'agent innervant extrêmement puissant «Novichok», de classe militaire, a été développé par le pays. La première ministre pointe aussi du doigt un historique d'assassinats «extrajudiciaires» approuvés par l'État russe, y compris à l'étranger. Selon elle, les offres de coopération de la part du régime de Moscou à l'époque de l'affaire Litvinenko n'avaient abouti qu'au «déni et à l'obstruction».
«Usage de la force illégal contre le Royaume-Uni»
L'ambassadeur russe à Londres a été convoqué au Foreign Office lundi pour se voir présenter un ultimatum. Moscou est sommé de se justifier d'ici ce mardi soir et de faire la transparence sur le programme Novichok. «Il n'y a que deux explications plausibles sur ce qui s'est passé à Salisbury le 4 mars. Soit c'était une action directe de l'État russe contre notre pays. Soit le gouvernement russe a perdu le contrôle de cet agent innervant à la dangerosité potentiellement catastrophique et l'a laissé tomber entre d'autres mains», a asséné la première ministre devant le Parlement. «En l'absence de réponse crédible, nous conclurons que cette action équivaut à un usage illégal de la force par l'État russe contre le Royaume-Uni», a-t-elle martelé avec solennité. Des mesures de rétorsion seront dans ce cas présentées mercredi.
Pour Theresa May, cette agression s'inscrit dans une escalade de défiances russes vis-à-vis de l'Ouest, depuis l'annexion de la Crimée, les violations régulières d'espaces aériens, l'immixtion dans des élections à l'étranger, les cyberattaques, jusqu'au provocant déploiement récent d'un nouvel arsenal militaire par Vladimir Poutine.
L'enquête mobilise 250 policiers de l'antiterrorisme, appuyés par 180 militaires sur le terrain ; plus de 200 témoins et autant d'indices sont examinés
La réaction très robuste de la première ministre a été saluée de part et d'autre de l'échiquier politique. Plusieurs députés évoquent un «acte terroriste». L'enquête mobilise 250 policiers de l'antiterrorisme, appuyés par 180 militaires sur le terrain ; plus de 200 témoins et autant d'indices sont examinés. «Si ce n'est un acte de guerre, c'est un acte de type guerrier», assène Tom Tugendhat, président de la commission des affaires étrangères du Parlement. Il cite à l'appui la contamination d'un policier britannique, hospitalisé dans un état grave après avoir porté secours aux Skripal, ainsi que le risque encouru par le public. Cet influent député fait partie, comme plusieurs ministres, des partisans d'une ligne dure contre Moscou. Au gouvernement, Boris Johnson, chef du Foreign Office, Gavin Williamson, ministre de la Défense, et Philip Hammond, chancelier de l'Échiquier, s'étaient impatientés devant une réaction jugée trop «molle» de leur première ministre dans les premiers jours.
Un début de scandale sanitaire
Theresa May a été accusée de prudence déplacée après que le Parti conservateur a reçu environ 1 million d'euros de donateurs russes depuis qu'elle en a pris la tête. Traditionnellement, le Royaume-Uni hésite à frapper au portefeuille la riche communauté expatriée russe. Son soutien à l'activité économique de la capitale (City, immobilier, restaurants…) est loin d'être négligeable.
Il s'agissait aussi pour la première ministre d'éteindre un début de scandale sanitaire. Il a en effet fallu attendre une semaine pour que les autorités conseillent à 500 clients d'une pizzeria et d'un pub de Salisbury, où s'étaient rendues les victimes avant de perdre connaissance, de bien laver leurs vêtements et objets personnels (bijoux, téléphones…). Dans un premier temps, on les avait assurés qu'il n'y avait pas de risque. Or le niveau de contamination était tel qu'il a fallu détruire la table sur laquelle Sergueï et Ioulia Skripal ont déjeuné. L'agent neurotoxique provoque une coupure de la communication entre le cerveau et les muscles et les organes, entraînant une paralysie.

Moscou dénonce «un jeu du cirque»
En quatre ans, le pouvoir russe a été accusé d'organiser un système de dopage d'État, d'avoir fourni le lance-missiles ayant abattu un avion de ligne au-dessus de l'Ukraine, d'avoir influencé la campagne électorale américaine, de disséminer des fausses informations pour déstabiliser les démocraties européennes ou de couvrir des attaques chimiques en Syrie. À chaque fois, le Kremlin a rejeté avec constance ces accusations, dénonçant l'absence de preuves, rendant même ses partenaires responsables des méfaits qui lui sont attribués. La tentative d'empoisonnement de Sergueï Skripal, que Theresa May a imputé à Moscou, n'échappe pas à la règle. Avant même l'intervention de la première ministre, la diplomatie russe avait accusé Londres de jouer «un jeu très dangereux» avec elle. «Tirez les choses au clair de votre côté et après nous en parlerons», avait éludé Vladimir Poutine devant la BBC.
Le député Dmitri Lougovoï, un homme bien connu au Royaume-Uni puisqu'il est accusé d'avoir empoisonné en 2006 sur le sol britannique un autre de ses ex-collègues espions, Alexandre Litvinenko, a qualifié la déclaration de Theresa May «d'irresponsable». Le ministère des Affaires étrangères a dénoncé pour sa part «un jeu du cirque» et un «conte» élaboré, selon lui, par Londres. La chaîne Rossia 1 et son présentateur vedette Dmitri Kisseliev ont carrément retourné l'accusation: après avoir été «pressé comme un citron» par le M16, Sergueï Skripal était devenu pour Londres plus «intéressant» mort que vivant. Après l'avoir empoisonné, la Grande-Bretagne trouvera selon la télé russe un prétexte pour boycotter la Coupe du monde de football. Et Moscou une opportunité de dénoncer une tentative de déstabilisation à la veille des élections présidentielles du 18 mars.

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Irma : 200 millions d'euros pour restaurer les infrastructures de Saint-Martin (12.03.2018)

Par Angélique Négroni
Mis à jour le 12/03/2018 à 21h17 | Publié le 12/03/2018 à 20h07
Un plan d'investissement, dont un tiers sera financé par l'État, a été annoncé pour réparer écoles, gymnases, casernes de pompiers et logements sociaux dévastés. Le palais de justice reprend du service, malgré la perte de nombreux dossiers pénaux lors de l'ouragan.
Après le chaos lié à l'ouragan Irma, Saint-Martin redresse peu à peu la tête. Alors que les particuliers réparent leurs habitations, d'importants chantiers vont démarrer sur l'île pour remettre en état des infrastructures publiques. Le feu vert en a été donné ce lundi, avec la présentation par les autorités locales de leur plan d'investissement de près de 200 millions d'euros. Dans le cadre de son soutien, l'État a décidé de financer un tiers des travaux prévus en versant à la collectivité 66,4 millions d'euros. Prévu sur plusieurs années, ce programme permettra ainsi de restaurer, voire de rebâtir des écoles, des gymnases, des casernes de pompiers ou encore des logements sociaux dévastés.
Au coeur des rues commerçantes de Marigot, la ville la plus étendue du territoire, le palais de justice a lui aussi souffert, il y a six mois, du passage de ces vents, d'une puissance jamais égalée dans la région. Malgré les précautions qui avaient été prises pour bloquer toutes les issues, les portes et les fenêtres avaient été arrachées. Dans sa folie destructrice et charriant avec lui des paquets d'eau venant du ciel et de la mer, l'ouragan s'était alors engouffré dans les salles pour tout mettre sens dessus dessous. Le lendemain, la consternation s'était emparée du personnel: tous les dossiers qui avaient été soigneusement placés en hauteur flottaient dans des pièces transformées en piscine.
Après des semaines d'hébergement dans les locaux de la gendarmerie et la reprise progressive, dans des conditions acrobatiques, de la chaîne pénale, la justice s'est depuis réinstallée dans ses locaux, après des réparations d'urgence. Reprenant le cours de ses activités, elle ignore toujours la quantité de dossiers pénaux irrécupérables, après leur séjour dans l'eau. Baptisés «les dossiers cyclonés» et au nombre de 200, ces derniers ont pris l'avion et sèchent aujourd'hui en Guadeloupe, dans les locaux d'une société spécialisée. «Celle-ci avait de la place suffisante pour étaler toutes les feuilles de papier», indique Samuel Finielz, le procureur de Basse-Terre et responsable de Saint-Martin.
«On frappe à la porte des services de la gendarmerie notamment pour voir s'ils n'ont pas archivé certaines copies de documents»
Samuel Finielz, le procureur de Basse-Terre et responsable de Saint-Martin
Ce dernier s'inquiète en particulier du sort des notes manuscrites de certains jugements qui n'ont pu à temps être mis en forme. Persuadés d'ailleurs que certaines pièces finiront à la poubelle, magistrats et greffiers se lancent d'ores et déjà à la chasse aux doubles. «On frappe à la porte des services de la gendarmerie notamment pour voir s'ils n'ont pas archivé certaines copies de documents», poursuit le procureur.
Par ailleurs, un traitement «post-Irma» a dû être pensé pour une partie des 108 affaires qui avaient été renvoyées peu après le séisme, faute d'audiences assurées. Irma qui a pulvérisé les habitations a aussi joué les trouble-fête dans les dossiers judiciaires. «Par exemple dans des conflits de voisinage opposant deux habitants, l'un d'eux a finalement quitté Saint-Martin après la destruction de son logement. Après Irma encore, des personnes ont finalement décidé de retirer leur plainte», énumère ainsi le magistrat. Alors, des dossiers ont donné lieu à des classements d'opportunité, d'autres à des alternatives aux poursuites, d'autres encore à des ordonnances pénales (jugement sans audience). Autant de dénouements qui ont permis aussi d'éviter l'embouteillage judiciaire à Saint-Martin. Toutefois, la justice se garde sous le coude 60 dossiers. Renfermant les faits les plus graves, ces derniers seront jugés au fil du temps.
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Tarnac, le procès d'un enlisement judiciaire (12.03.2018)

Par Stéphane Durand-Souffland
Mis à jour le 12/03/2018 à 20h10 | Publié le 12/03/2018 à 18h40
RÉCIT - Présentés en 2008 comme de dangereux terroristes d'ultragauche, huit personnes, dont Julien Coupat et sa compagne Yildune Lévy, sont jugées ce mardi, notamment pour la dégradation d'une ligne SNCF.
«Nonobstant leur caractère d'indéniable violence, leurs motivations idéologiques tendant à s'en prendre d'une manière générale à la société […] et plus spécialement à son système économique et à ses modes de consommation, les actions de dégradations, de faux et d'association de malfaiteurs reprochés aux mis en examen ne peuvent revêtir la qualification terroriste.»
En droit, ce type de formule s'appelle une requalification ; en l'espèce, celle-ci arrive à la fin d'une ordonnance de renvoi en correctionnelle et conclut près de 30.000 pages de procédure. Pour le commun des mortels, qui ne parle pas couramment le Dalloz, cela s'appelle une déculottée pour les services de lutte antiterroriste.
Des crochets à béton déposés sur les câbles d'alimentation de locomotives avaient désorganisé le trafic
Le procès dit «de Tarnac», qui s'ouvre ce mardi à Paris et doit durer jusqu'au 30 mars (quatre après-midi d'audience par semaine), sera peut-être moins celui des huit prévenus que celui des policiers et juges qui, en novembre 2008, prétendaient avoir démantelé un dangereux groupuscule d'ultragauche. Très vite, la défense emmenée par les avocats de Julien Coupat,né en 1974 et diplômé de l'Essec, et de sa compagne d'alors, Yildune Lévy, de neuf ans sa cadette, avaient mis au jour de stupéfiantes béances dans l'enquête lancée après des tentatives de sabotage visant des chemins de fer. Des crochets à béton déposés sur les câbles d'alimentation de locomotives avaient désorganisé le trafic et lancé les limiers de la sous-direction antiterroriste (Sdat) sur la piste d'un groupe de militants post-situationnistes convaincus, des «anarcho-autonomes» gravitant autour d'une épicerie associative baptisée «Magasin général» et sise à Tarnac (Corrèze).
L'annonce de l'arrestation de ces redoutables individus par la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, et les plus hautes autorités judiciaires, avaient permis à la France de découvrir à quel point la menace gauchiste, bien que sous-estimée, était prégnante sur son sol… L'affaire n'était-elle qu'un rideau de fumée politique, comme le soutiennent les prévenus?
En dépit des lumières d'un agent britannique infiltré dans la pampa corrézienne et de révélations accablantes sur Julien Coupat, émanant d'un témoin courageux mais anonyme, le château de cartes s'est effondré. L'espion n'était pas si fiable qu'il en avait l'air. Quant au témoin mystère, il s'agit d'un agriculteur psychologiquement fragile, en bisbilles avec les agités du Magasin général, ces lecteurs assidus d'un bréviaire (également anonyme) de sédition, L'insurrection qui vient.
Des moyens considérables
La défense - dont un très grand avocat, Me Thierry Lévy, aujourd'hui disparu, était la figure centrale - sème le doute sur certains actes prépondérants. Ainsi d'une filature du couple Coupat-Lévy, la nuit où furent commises les déprédations poursuivies: selon les avocats, elle était matériellement impossible. «Les enquêteurs admettaient une erreur dans le procès-verbal D104 quant à la retranscription des horaires», consignent pudiquement les juges d'instruction. Yildune Levy, elle, affirme qu'à l'heure où elle était supposée saboter une caténaire en Seine-et-Marne, elle retirait de l'argent dans un distributeur de billets du quartier Pigalle, à Paris. Sa carte bancaire a bien été utilisée à cette fin, au moment dit.
La justice a déployé des moyens considérables pour affubler les prévenus d'une panoplie de terroristes internationaux. Mais la Cour de cassation a tranché: les délits pour lesquels ils peuvent être jugés relèvent du droit commun. Julien Coupat, Yildune Lévy et deux autres répondront, outre des dégradations, d'association de malfaiteurs, délit passible de dix années de prison.

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Mathieu Bock-Côté : «L'antifascisme médiatique radicalise la vie politique» (12.03.2018)

Par Mathieu Bock-Côté
Publié le 12/03/2018 à 17h02
TRIBUNE - Notre chroniqueur québécois analyse le triomphe des populistes en Italie. Voir dans ce vote un désir de «plus d'Europe» relève de l'autisme politique.
On s'attendaità un tremblement de terre lors des élections italiennes du dimanche 4 marset c'est ce qui s'est produit. Une partie du «commentariat» prend un air grave et disserte sur l'événement comme si l'Italie était désormais au borddu gouffre. Elle annonce tout à la fois la fin possible de l'Europe et s'inquiète avec des mots usés d'une poussée xénophobe. Le «vivre-ensemble diversitaire» n'est pourtant plus qu'une fiction médiatique masquant bien mal des tensions identitaires souvent violentes. Et l'Italie a été particulièrement touchée par la grande vague migratoire qui en amène plusieurs à redouter une transformation démographique irréversible de la civilisation européenne. La peur de devenir étranger chez soi hante l'Europe occidentale, et même l'Europe centrale, qui redoute de connaître le même sort.
L'offre politique se renouvelle autour de la question identitaire
Une angoisse existentielle longtemps étouffée remonte à la surface de la vie politique: on s'inquiète pour la survie de la civilisation européenne et de ses peuples. Les leaders politiques sont appelés à prendre en charge cette inquiétude. Trop souvent, ils s'y sont refusés et pire encore, ils l'ont diabolisé ou laissé diaboliser, en n'y voyant qu'un repli identitaire maquillant bien mal une crispation raciste. Il fallait s'enthousiasmer pour le multiculturalisme et la promesse d'un monde sans frontières. Au mieux, ceux qui traînaient de la patte devant la promesse d'un avenir radieux étaient les réactionnaires accrochés au monde d'hier. Au pire, ils laissaient craindre un retour du fascisme, dénoncé à travers le rituel du rappel des années 1930. Nous assistons pourtant à un retour du tragique: la politique ne saurait plus se réduire à une rationalité gestionnaire.
La recomposition politique qui s'annonce n'en est peut-être qu'à ses débuts. L'offre politique se renouvelle autour de la question identitaire. De ce point de vue, les deux Europe n'en font peut-être qu'une. La référence au populisme est-elle adéquate pour désigner ce mouvement? Généralement, l'étiquette a pour vocation de transformer en infréquentables ceux à qui on l'accole. Notons toutefois que d'un pays à l'autre, les partis ne sont pas perçus de la même manière, comme on le voit avec la Ligue de Matteo Salvini, classée à droite chez elle mais à l'extrême droite en France. Il arrive qu'un système électoral oblige certains partis à se coaliser alors que sous d'autres cieux, ils refuseraient de faire cause commune. Certains partis protestataires parviennent ainsi à se normaliser et espèrent devenir hégémoniques dans leur camp.
Devant la perspective d'un choc des civilisations, le vieil antagonisme historique entre le nord et le sud de l'Italie se relativise
On aime présenter l'Italie comme un laboratoire politique. On ne doit pourtant pas négliger la spécificité de sa culture politique, qui s'incarne de manière caricaturale dans les mille vies de Silvio Berlusconi. Plus profondément, on a assisté à une mutation, depuis quelques années, du sentiment identitaire italien. Il se révèle avec la transformation de la Ligue, passée d'un régionalisme nordiste séparatiste à un euroscepticisme virulent soucieux de contenir l'immigration massive. Devant la perspective d'un choc des civilisations, le vieil antagonisme historique entre le nord et le sud de l'Italie se relativise, ce qui ne veut pas dire qu'il disparaît. Il n'en demeure pas moins que la Ligue, au-delà de ses mutations idéologiques et de ses virages stratégiques, s'entête à cultiver un style histrionique et attire des éléments militants toxiques, qui la rendent inquiétante au-delà des cercles portant leur antifascisme à la boutonnière.
Le Mouvement 5 étoiles donne un autre visage au populisme italien, qui répond à une authentique détresse sociale. Vieille nation d'émigration, l'Italie craint à nouveau de se vider de ses enfants, qui peinent à s'y imaginer un avenir. S'il est aussi sévère à l'endroit de l'immigration, le M5S canalise surtout une protestation multiforme, symptomatique d'un sentiment de dépossession collectif, comme si la démocratie tournait à vide en peinant à porter un authentique projet politique, sinon celui de s'adapter à l'univers de la mondialisation, qui s'incarne dans une Union européenne ne parvenant pas à protéger ses peuples. Dès lors, la tentation de sortir les sortants devient de plus en plus forte et le fantasme de la démocratie directe s'empare de ceux qui ne croient plus aux institutions. Mais cet appel au secours peine à se métamorphoser en programme et l'Italie se retrouve avec une formation politique protestataire et tribunitienne comme premier parti national.
Un régime qui étouffe de profondes aspirations populaires les voit souvent se retourner contre lui
On ne sait toujours pas quel gouvernement sortira des élections italiennes. Toutes les combinaisons politiques sont imaginables. Mais il ne sert à rien de faire sonner encore une fois les sirènes fêlées de l'antifascisme, qui ne convainquent plus grand monde. L'antifascisme médiatique radicalise la vie politique en refusant de prendre au sérieux l'insécurité culturelle des peuples. De même, on peine à croire aussi que certains voient dans le vote italien un appel à encore plus d'Europe. Comment ne pas y voir une forme d'autisme politique grave? C'est le propre des idéologues les plus fanatisés de croire qu'on les congédie parce qu'ils n'en font pas assez dans la promotion au bulldozer de leur doctrine. Plus on les rejette et plus ils se croient désirés.
Dans une époque tourmentée, il est normal qu'un peuple réclame des frontières correspondant à la fonction protectrice du politique et défende son identité, à travers laquelle il exprime son droit à la continuité historique. C'est lorsque ces besoins sont méprisés qu'ils sont récupérés par des mouvements illibéraux suscitant une légitime méfiance. Un régime qui étouffe de profondes aspirations populaires les voit souvent se retourner contre lui. C'est probablement ce qui arrive aujourd'hui à la grandeur de l'Europe. Les dirigeants qui s'autoproclament remparts contre le populisme auraient tort de croire que c'est en réduisant l'inquiétude identitaire des peuples à une passion triste et mesquine qu'ils sauront vraiment les en détourner.

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Mathieu Laine :«L'Étranger de Camus contre la fièvre populiste» (12.03.2018)

Par Mathieu Laine
Publié le 12/03/2018 à 17h51
TRIBUNE - Et si le roman culte du philosophe pouvait nous aider à mieux comprendre les enjeux contemporains ? Les électeurs qui se tournent vers les partis populistes ressemblent à des Meursault sans surmoi.

Mathieu Laine - Crédits photo : Fabien CLairefond
La puissance d'un livre ne se révèle pas seulement à la popularité dont le public l'honore. Elle tient surtout, les deux phénomènes étant intimement liés, à sa plastique universelle, à sa capacité à ne point se périmer avec le temps et à autoriser le lecteur à non seulement se saisir des clés de vérités humaines offertes par le texte mais également à devenir, lui-même, en interprétant ce dernier à l'aune d'un vécu inconnu de l'auteur, le coproducteur d'une nouvelle série d'outils de décryptage de son temps.
Si L'Étranger, qui fut publié en 1942, figure toujours au deuxième rang des œuvres françaises les plus lues au monde, après Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry, c'est parce qu'elle fait partie de ces rares œuvres suffisamment humaines et souples pour être appropriées par quiconque le lit. Alors que l'Occident cède de plus en plus, à des degrés divers, à la tentation populiste, il nous est apparu, en relisant L'Étranger, quelques raisonnements insoupçonnés et pourtant fort utiles pour nous, Français.
La France fait figure d'exception
Alors que le Brexit a secoué sévèrement l'élite anglaise, que Trump a pris de court une classe dirigeante arrogante, que l'Italie a sanctionné les partis du centre droit comme du centre gauche, que l'Allemagne a vu ressurgir un parti d'extrême droite (l'AFD a fait 12,6 % et obtenu 90 députés au Bundestag), que l'Autriche, la Hongrie, la Pologne ont accédé à des demandes illibérales (les Polonais ont ainsi vu la séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice et la liberté d'expression reculer), la France fait figure d'exception face à une bascule qui pourrait, si l'on ne s'en saisit pas davantage, la rattraper dans quatre ans et quelques mois.
Que nous apprend Camus? À réfléchir autrement qu'en jugeant sommairement, par le haut, doctement, ceux qui paraissent penser si différemment de nous qu'ils ne mériteraient que le mépris, le rejet ou la guillotine, électorale et sociale cette fois.
C'est pour son attitude déconcertante, pour son étrangeté palpable, plus que parce qu'il a tué « l'Arabe », que le tribunal condamne à mort Meursault.
Meursault, le héros bien connu de l'œuvre magistrale d'humanité d'Albert Camus, a d'abord été perçu comme un prince de «la sensibilité absurde», celle du Mythe de Sisyphe. On le voit, il est vrai, désarmant de désintérêt face à la mort de sa mère («Aujourd'hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas») et au crime qu'il a commis («c'était à cause du soleil»). Et c'est pour cela, pour son attitude déconcertante, pour son étrangeté palpable, plus que parce qu'il a tué «l'Arabe», que le tribunal le condamne à mort. Il y a du Kafka dans cette dénonciation des mécaniques sociales, dans cette déviation du sens, dans cette gratuité exagérée et atrocement arbitraire. Ce personnage, dont la surinterprétation coloniale n'a toujours pas été digérée en Algérie, comme l'a poétiquement et puissamment analysé Kamel Daoud dans Meursault, contre-enquête, est également apparu comme un champion de la vérité, du parler-vrai, de la sincérité authentique, faisant fi des conventions, refusant l'hypocrisie dont Olivier Babeau vient de faire l'éloge dans un essai brillant.
Incapable de mentir, de cacher ses pensées les plus déroutantes, de se voiler derrière un paraître pouvant le protéger socialement. En cela, Meursault pourrait faire figure de héros randien, comme Howard Roark, cet architecte à la fois visionnaire et totalement inadapté aux impératifs de la communauté du roman La Source vive, d'Ayn Rand, que Plon s'apprête à publier à nouveau. Mais c'est sans doute plus complexe que cela car Meursault n'est pas un inventeur. Sa vie est banale. Et derrière la figure valorisante de la vérité ontologique, la multiplication de Meursault agissant uniquement par instinct, tuant pour un rayon de soleil et épousant parce qu'on lui a demandé, nous plongerait dans la nuit d'un monde sans règle dans lequel le surmoi aurait été banni.
Notre Meursault contemporain, c'est non seulement l'abstentionniste, qui assume de n'en avoir rien à faire de notre avenir commun, mais également l'électeur du parti populiste.
Et c'est là que se fait le lien avec le toboggan sur lequel la social-démocratie et, peut-être même, la démocratie occidentale, elle-même, sont désormais poussées. La confrontation sourde entre une partie toujours plus importante du peuple, enragé par la déception (dégagisme), gagné par l'agrégation des peurs (migrants, perte d'identité, déclassement, chômage, etc.), grignoté par l'envie (refus des inégalités), et une élite en grande partie aveugle à ces appels, continuant à faire l'autruche en diabolisant les extrêmes tout en refusant d'adresser pleinement les angoisses sous-jacentes, s'inscrit dans la dialectique deL'Étranger. Notre Meursault contemporain, c'est non seulement l'abstentionniste, qui assume de n'en avoir rien à faire de notre avenir commun, mais également l'électeur du parti populiste. Dans l'isoloir, ce dernier hésite de moins en moins à assumer son choix et à voter pour une forme de désagrégation de la démocratie. Le juge d'instruction, le procureur, et même le prêtre, dont l'inflexibilité et l'inhumanité sont assises sur la certitude de classe d'agir pour le bien commun, c'est l'élite courant à sa perte en renouvelant plus ou moins les mêmes recettes et en apportant trop peu de réponses satisfaisantes aux cris silencieux de la croissance vertigineuse des votes ultras.
Comme dans le roman de Camus, cette circonstance tragique échappe à tout manichéisme. Il n'y a, dans cette spirale infernale, ni vainqueurs ni bons. Chacun perd. Les Meursault, en courant, bornés de certitude, à la guillotine de modèles sociétaux vrillant petit à petit, mais véritablement, vers une négation suicidaire de la démocratie, comme le révèle le jeune professeur de Harvard Yascha Mounk dans son très lucide essai The People vs. Democracy. Why Freedom is in Danger & How to Save it ; les institutions, en témoignant leur incapacité à répondre avec efficacité aux difficultés humaines qu'elles sont censées juguler, par atavisme technocratique comme par refus d'aller suffisamment loin dans la réforme au service de ceux qui ont déjà réussi et pourraient réussir encore davantage, mais aussi pour les plus faibles et les plus pauvres, qui méritent eux aussi de solides opportunités d'être à nouveau gagnés par l'espérance d'un meilleur avenir. C'est tout l'enjeu d'un second souffle à la fois plus réformateur et plus protecteur, qui traiterait davantage du sujet empoisonné des migrants, que le président Macron devrait, à mon sens, initier au terme de la première année de son mandat. Pour transformer encore plus en profondeur et briser, avec une puissance inégalée dans le monde occidental, la vague populiste qui ne manquera pas de tenter de nous terrasser à notre tour.
Mathieu Laine est l'auteur, avec Jean-Philippe Feldman, de Transformer la France. En finir avec mille ans de mal français, (Plon).

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Jean-Pierre Robin: «L'Amérique de Trump est devenue “La Vieille Dame indigne” de l'Occident» (11.03.2018)

Par Jean-Pierre Robin
Mis à jour le 12/03/2018 à 12h10 | Publié le 11/03/2018 à 22h44
CHRONIQUE - Voulant sanctionner la Chine, Washington pénalise d'abord ses alliés.
À Davos, le 25 janvier, Donald Trump s'était vanté que la Bourse américaine avait bondide 50 % depuis son élection de novembre 2016. Le Dow Jones affichait alors effectivement un gain de 45,4 %. Mais il a suffi que la Maison-Blanche déclare ce jeudi 1er mars son intention de mettre des droits de douane sur l'acier et l'aluminium pour que Wall Street recule de 2 % en une semaine. On s'était donc trompé: Donald Trump n'est pas un boursicoteur idolâtre. Au contraire, il pourrait à bon droit paraphraser le général de Gaulle (en 1966), «la politique des États-Unis ne se fait pas à la corbeille». Dont acte.
Les marchés financiers ont raison de s'inquiéter des «guerres commerciales». Ils reflètent les craintes exprimées un peu partout, notamment par le FMI dont la position est très claire: «Les restrictions à l'importation annoncées par le président américain sont susceptibles de causer des dommages non seulement en dehors des États-Unis, mais aussi sur l'économie américaine elle-même, y compris l'industrie et le secteur de la construction qui sont des utilisateurs majeurs d'aluminium et d'acier.» Alors que l'Amérique est au plein emploi de ses capacités de production, le renchérissement de ces produits de base pénalisera les entreprises et leurs consommateurs.
Donald Trump n'en a cure. «Quand on a un déficit de 100 milliards de dollars avec un pays et qu'il fait le malin, on arrête de faire des affaires et on gagne gros.» Le tweet du président de la première puissance économique mondiale se veut belliqueux. Qui vise-t-il précisément? La Chine avec laquelle les États-Unis ont un déficit bilatéral annuel de plus de 300 milliards de dollars (selon les statistiques américaines), le Mexique (un peu plus de 100 milliards), l'Allemagne ou le Japon (entre 60 et 70 milliards chacun), le Canada (55 milliards) ou encore le Vietnam (30 milliards)? Pour l'anecdote, on notera que la France a enregistré un excédent commercial bilatéral de 14 milliards de dollars avec l'Oncle Sam en 2016, ce qui nous place à la 14e place.
Les sanctions sur l'aluminium et l'acier seraient-elles des sommations en attendant des actions plus fondamentales visant la Chine sur la propriété intellectuelle?
En égrenant cette litanie de chiffres, que l'hôte de la Maison-Blanche a plus ou moins en tête, il faut se rappeler la maxime anglo-saxonne, «À la guerre, la première victime est toujours la vérité!». La guerre économique n'échappe pas à cette loi. On sait en effet que dans la mondialisation, les chaînes de production sont la règle et un produit passe plusieurs frontières nationales avant d'arriver dans les mains du consommateur. Les statistiques bilatérales entre pays offrent donc une vision déformée de la réalité.
C'est l'exemple bien connu de l'iPhone, «Designed by Apple in California, Assembled in China» (conçu en Californie, monté en Chine), comme il est écrit au dos des téléphones. En réalité, à peine 6,5 % de la valeur de l'appareil est d'origine chinoise ; le reste provient d'une demi-douzaine d'autres pays, sans oublier ce qui revient à la Silicon Valley. Mais quand un iPhone arrive des usines de Shanghaï à Los Angeles, son prix incorpore tous les coûts des composants ayant contribué à sa fabrication.
Querelle sur les métaux
Les chiffres bilatéraux de commerce, fondés sur les prix des produits à leur passage en douane, sont trompeurs. Il conviendrait d'établir des «statistiques en valeur ajoutée», comme l'OCDE et l'OMC en ont produit à titre expérimental en 2015. Cet exercice, techniquement difficile, avait montré que le déficit des États-Unis vis-à-vis de la Chine était deux fois moindre qu'il n'est en apparence (celle des douanes).
La querelle sur les métaux s'avère doublement erronée. Elle voudrait cibler la Chine mais l'empire du Milieu n'est que le 11e fournisseur d'acier des États-Unis et moins de 1 % des exportations d'aluminium chinois prend la route de l'Amérique. Le paradoxe est que les sanctions élaborées par Washington feront long feu, épargnant de facto Pékin et frappant le Brésil, la Corée du Sud, le Canada ou le Mexique. Certes, il existe un problème de surproduction de la sidérurgie chinoise qui déprime les cours mondiaux, mais ce n'est pas la bonne façon de le traiter.
De même, les Américains ont de réels motifs de récrimination vis-à-vis de Pékin, mais ils sont d'une tout autre nature comme l'explique, dans une tribune du think-tank Peterson Institute, Fred Bergsten, l'un des meilleurs analystes des relations internationales: «Le président Trump a raison sur un point en matière commerciale. Comme il aime à le répéter, le principal objectif de toute offensive commerciale américaine devrait être la Chine. Parmi les justifications, les énormes vols de propriété intellectuelle, une politique chinoise industrielle mercantiliste agressive, l'obligation faite aux investisseurs étrangers de transferts de technologie, les cyberattaques répétées, les manipulations monétaires dans les années précédentes… Ces actions déloyales pénalisent gravement le reste du monde.»
Les États-Unis peuvent-ils réellement abandonner le cadre multilatéral du libre-échange dont ils ont été l'instigateur?
Les sanctions sur l'aluminium et l'acier, venant après des mesures similaires sur les panneaux solaires et les machines à laver, ne sont-elles que des sommations préparant le terrain à des actions plus fondamentales sur la propriété intellectuelle notamment? C'est l'hypothèse de Fred Bergsten. Il n'en considère pas moins regrettable de vouloir partir à la guerre commerciale en gênant ses alliés au lieu de les mobiliser.

« La Vieille Dame indigne» (1965), un film de René Allio retraçant les aventures d'une femme âgée qui n'en fait plus qu'à sa tête une fois qu'elle a élevé ses enfants. - Crédits photo : Claude Schwartz/mention obligatoire©Claude Schwa
Les Occidentaux ont donc l'impression désagréable que l'Amérique se comporte comme La Vieille Dame indigne (film de René Allio, tiré d'une nouvelle de Bertolt Brecht) qui n'en fait plus qu'à sa tête une fois qu'elle a élevé ses enfants. Les États-Unis peuvent-ils réellement abandonner le cadre multilatéral du libre-échange dont ils ont été l'instigateur et qu'ils n'ont eu de cesse d'enseigner aux autres depuis 1945?

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Dirk Schümer : «L'Allemagne ressemble de plus en plus à l'Italie : ingouvernable !» (11.03.2018)

Par Leading European Newspaper Alliance LENA
Publié le 11/03/2018 à 18h02
FIGAROVOX/ANALYSE - Longues négociations à couteaux tirés, alliances qui éclatent, fausses promesses et démentis à demi-mot... L'Allemagne, dont la stabilité ennuyait presque autrefois, n'a jamais autant ressemblé à l'ingouvernable Italie pendant les législatives.

- Crédits photo : LENA logo
Quatre mois après les législatives, l'Allemagne va enfin disposer d'un nouveau gouvernement. En revanche, selon toute vraisemblance, l'Italie, qui vient de se rendre aux urnes, va devoir attendre. Ces deux nouvelles sont plus étroitement liées qu'il n'y paraît. La seule différence, c'est que si l'Italie est plongée dans le marasme, le drame allemand n'en est qu'à ses prémices.

Dirk Schümer, correspondant du quotidien allemand Die Welt en Italie. - Crédits photo : KARLHEINZ SCHINDLER/dpa Picture-Alliance/AFP FORUM
Longues négociations à couteaux tirés, alliances qui éclatent, fausses promesses et démentis à demi-mot, votes de militants jusqu'à la nausée pour la population - jusqu'à maintenant, ce type de mise en scène théâtrale de l'immobilité politique était l'apanage de Rome. Pourtant, cette fois-ci, elle avait lieu à Berlin, même la scène traditionnelle de la commedia dell'arte avec une Andrea Nahles (SPD) hurlant depuis son pupitre - une première en Allemagne. Berlin découvrit aussi son professionnel du revirement, le vieux SPD, diva au caractère versatile, qui avait exclu toute participation au gouvernement. Le parti d'extrême droite AfD ne devait en aucun cas devenir le principal parti d'opposition - ce sera pourtant le cas. Le FDP, grand vainqueur de l'élection, devait être intégré dans la coalition - ce ne sera pourtant pas le cas. La CSU voulait mettre un terme à la politique d'accueil socio-démocrate - or elle se poursuivra.
«L'italianisation de la politique allemande a démontré que cette alliance des deux piliers traditionnels de la stabilité allemande représentait le dernier acte d'un drame historique»
Avant les législatives, CDU et Verts étaient si souvent d'accord qu'on aurait presque pu appeler à leur fusion. Pourtant, en définitive, les Verts vont devoir feindre de s'opposer à leur chère Merkel. C'est ainsi que l'Allemagne entame un quatrième gouvernement Merkel, que l'on aimerait pouvoir appeler «grande coalition», ne serait-ce que par nostalgie.
L'Allemagne, dont la stabilité ennuyait presque autrefois, n'a jamais autant ressemblé à l'ingouvernable Italie. La joie qu'a suscitée l'annonce de l'accord final - entériné par les militants récalcitrants du SPD - était teintée de fatigue. L'italianisation de la politique allemande a démontré que cette alliance des deux piliers traditionnels de la stabilité allemande - les chrétiens-démocrates et les socio-démocrates - représentait le dernier acte d'un drame historique. Avec une CDU réduite, toujours plus socio-démocrate, et un SPD moribond, tous deux rattrapés par l'extrême droite, l'ère des partis de masse «interclassistes» et de la stabilité politique touche bientôt à sa fin en Allemagne.
«SPD et CDU ont perdu des millions d'électeurs au profit de l'AfD, car l'arrivée de près de deux millions d'immigrés, a réveillé chez les électeurs allemands le désir de sécurité, de patrie et d'identité»
Cette coalition de l'urgence pourrait être fatale aux deux partenaires. Ils vont à contre-courant de la tendance générale des opinions, face à la crise que traverse l'Europe, à pencher vers la droite et à récuser l'establishment politique. SPD et CDU ont perdu des millions d'électeurs au profit de l'AfD car l'arrivée de près de deux millions d'immigrés, avec ses conséquences inévitables telles que la criminalité, le dumping social, la crise du logement et les communautarismes, a évidemment réveillé chez les électeurs allemands le désir de sécurité, de patrie et d'identité. Pour beaucoup de conservateurs nationalistes, la CDU est devenue un parti de gauche au même titre que le SPD. Comme en France, les «petites gens» se détournent toujours plus d'une social-démocratie d'intellectuels et de fonctionnaires - et votent à droite, parce que leurs préoccupations du quotidien n'apparaissent absolument pas dans les programmes des partis de gauche.
Paradoxe des règles de la démocratie représentative, l'on peut analyser pourquoi les partis de gouvernement allemands ont perdu tant de voix tout en poursuivant avec exactement le même casting: Merkel et Altmaier, Maas et Seehofer, Scholz et von der Leyen. Même l'indestructible Schäuble sera encore présent en tant que président du Parlement malgré son âge avancé. Et le président de la République fédérale, Steinmeier, est quant à lui la grande coalition personnifiée. Cette tradition de coalition qui se poursuit après une retentissante débâcle électorale prend des allures de dernier carré des anciens partis de masse «interclassistes».
«Pour la première fois, Merkel dirige un gouvernement de second choix, une alliance de circonstance des faibles, une coalition du compromis et de la peur»
Dans ce contexte, le gouvernement allemand fait parfaitement écho à l'ingouvernabilité italienne. Les Allemands ont simplement quelques années de retard sur les Italiens. La tendance européenne à l'opposition à l'establishment politique n'est pas terminée. Les humiliants 5 à 10 % obtenus par les Partis socialistes néerlandais et français montrent qu'actuellement, les partis de gauche peuvent encore beaucoup progresser - vers le bas.
Pour la première fois, Merkel dirige un gouvernement de second choix, une alliance de circonstance des faibles, une coalition du compromis et de la peur. Ce gouvernement est tout sauf un pilier de la stabilité européenne ; il s'agirait plutôt d'un clin d'œil de l'avenir: bienvenue en Italie!

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Guillaume Tabard: «Hollande-Macron, la mésentente frontale» (12.03.2018)

Par Guillaume Tabard
Mis à jour le 12/03/2018 à 19h57 | Publié le 12/03/2018 à 19h52
CONTRE-POINT - Emmanuel Macron n'a pas attendu son retour d'Inde pour riposter à la flèche décochée par François Hollande au sujet de la ligne diplomatique de la France en Syrie.
Il n'est pas besoin d'attendre le 11 avril, jour prévu de la parution de son livre Les Leçons du pouvoir, pour savoir  ce que François Hollande pense d'Emmanuel Macron. Ni pour savoir ce que le président de la République pense de son prédécesseur. Ils n'ont même pas besoin de se citer pour s'affronter.
En prenant, dans Le Monde ,  la défense des populations kurdes victimes du rôle conjoint de la Turquie d'Erdogan et de la Russie de Poutine, l'ancien président se défendra évidemment de toute arrière-pensée politicienne. Mais c'est bien son successeur qu'il vise quand il lance  que si «on peut évoquer les relations historiques entre la France et la Russie - allusion à la réception de Vladimir Poutine au château de Versailles -,  ce n'est pas une raison pour le laisser avancer ses pions sans réagir».  Une flèche en tout cas qu'Emmanuel Macron a clairement prise pour lui-même puisqu'il n'a pas attendu  son retour d'Inde pour répliquer  à «certaines personnes qui donnent  des leçons» et pour opposer  sa «responsabilité» aux «commentaires» de ceux  qui n'exercent plus que le ministère  de la parole.
«En août, en pleine polémique sur la réforme du Code du travail, l'ancien président avait mis en garde contre des “sacrifices inutiles” demandés aux Français.»
C'est la première fois que François Hollande intervient formellement, par un long entretien à un quotidien, dans le débat public. Mais ce n'est pas la première fois qu'il «cherche» celui qui l'a empêché de se présenter. En août, en pleine polémique sur la réforme du Code du travail, l'ancien président avait mis en garde contre des «sacrifices inutiles» demandés aux Français. La riposte n'avait pas plus tardé qu'aujourd'hui. «Il serait étrange que l'impossibilité qui a été  la sienne de défendre son bilan devant les Français puisse motiver une tentation de le justifier devant les journalistes», avait répliqué Macron dans un entretien au Point.  Une pique, un scud en retour.
Si prévenant avec Nicolas Sarkozy - les deux couples rivalisent d'amabilités -, le président de la République est intraitable envers celui qui avait dit de lui: «Il sait  ce qu'il me doit.» Ces deux-là furent trop proches pour avoir aujourd'hui une relation «normale», apaisée. «Ce ne serait pourtant pas compliqué, veut croire un de leurs amis communs. Hollande devrait avoir  la sagesse d'accepter que son fils s'est émancipé et Macron devrait avoir l'intelligence de reconnaître ce qu'il doit à son aîné.»
Expert ès médias, François Hollande sait que toutes  ses phrases ou allusions sur Macron feront le buzz.
Simple à dire, moins simple à faire. Les rares ayant eu accès au manuscrit du livre de l'ancien élu corrézien assurent toutefois qu'il n'y aura pas de règlements de comptes envers son successeur. «Juste un récit précis  de ce qu'il a vu et su de lui», ce qui est déjà beaucoup… Expert ès médias, François Hollande sait que toutes  ses phrases ou allusions sur Macron feront le buzz. Mais s'il a pris la plume si vite, c'est aussi parce qu'il ressent un besoin de réhabilitation de son action. S'il assure que, contrairement à Nicolas Sarkozy, il ne reviendra jamais dans la vie politique, il s'agace de la mansuétude dont bénéficie son successeur, alors qu'on ne lui passait rien à lui. En attaquant Macron sur le terrain de la politique internationale, il veut instiller l'idée que, sur la Syrie notamment, il avait vu juste avant les autres. Contraint de rédiger lui-même une plaidoirie que personne, et à commencer par ses amis restés au PS, ne veut écrire pour lui.

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À Mayotte, la ministre des Outre-mer veut calmer le jeu (12.03.2018)

Par Jérôme Morin
Mis à jour le 12/03/2018 à 20h43 | Publié le 12/03/2018 à 20h29
REPORTAGE - Annick Girardin a annoncé une série de mesures pour lutter contre l'insécurité. Mais le mouvement de contestation reste important.
À Mamoudzou
Scène rare à Mayotte. Quelques huées ont accompagné l'arrivée lundi de la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, place de la République, le principal lieu de rassemblement de Mamoudzou, le chef-lieu du 101e département français. Cette île de l'océan Indien vient d'entamer sa quatrième semaine de grève générale contre l'insécurité. L'archipel subit une forte pression migratoire venue des Comores, à seulement 70 km de ses côtes. Et une grande partie de la population de Mayotte (environ 250.000 habitants) voit dans cette immigration la principale cause de la délinquance et des problèmes sociaux.
»» LIRE AUSSI: Comprendre la grève générale qui touche Mayotte depuis 3 semaines
Pour rétablir le dialogue, Annick Girardin est venue avec trois «sages», dont l'ancien préfet de Mayotte, Jean-Jacques Brot. Ils «resteront dans le territoire (…) tant que ce sera nécessaire», afin d'établir avec les élus, associations et habitants des propositions, sur «le logement, l'hôpital, le transport…», liste la ministre. Dans l'immédiat, celle-ci a annoncé, sur le volet de la lutte contre l'insécurité («la priorité du territoire»), quelques moyens supplémentaires en zone police et gendarmerie. Dix policiers doivent arriver avant fin mars, ainsi que 16 gendarmes d'ici au mois d'août. De quoi armer la nouvelle brigade de prévention de la délinquance juvénile de la gendarmerie. Par ailleurs, Annick Girardin a annoncé le maintien, jusqu'à la fin de l'année scolaire, de l'escadron de gendarmes mobiles arrivé début mars, soit 60 hommes. Les crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance seront augmentés de 330.000 euros, notamment pour faciliter le développement de la vidéoprotection.
En ce qui concerne la lutte contre l'immigration clandestine, un état-major opérationnel, à terre et en mer, va être créé dans les prochains jours. Les rotations d'hélicoptères vont aussi augmenter et un groupe d'enquête interservices va être créé. Un navire patrouilleur militaire vient d'arriver sur l'île, pour renforcer les capacités de surveillance en haute mer.
Une nouvelle marche ce mardi
« Nous invitons (Annick Girardin) à venir marcher avec nous »
Foumo Silahi, l'un des porte-parole du collectif des associations
Insuffisant pour le collectif des associations et l'intersyndicale à l'origine du mouvement social. Ils organisent ce mardi matin une marche dans les rues de Mamoudzou. La dernière, il y a une semaine, avait rassemblé 8000 personnes, selon la police. «Nous invitons (Annick Girardin) à venir marcher avec nous», indique Foumo Silahi, l'un des porte-parole du collectif. Réticent à rencontrer la ministre ce lundi, le collectif et l'intersyndicale ouvrent désormais une porte, après sa série d'annonces. «C'est une petite victoire. Nous avions l'impression que nous parlions dans le vide. Nous sommes vigilants», poursuit Foumo Silahi.
Ce mardi, les barrages routiers seront maintenus sur l'île. La ministre, Annick Girardin, s'est rendue sur l'une de ces barricades. «Je suis une femme de terrain», précise-t-elle, vêtue d'une salouva, un habit local offert par une Mahoraise. Elle a échangé avec les syndicats patronaux de l'île, mais aussi rencontré à part quelques manifestants. «On est en souffrance. (…) On n'en peut plus. Nos frontières sont ouvertes, nos hôpitaux sont bondés. Il n'y a plus de place dans nos écoles. Nos enfants les plus discrets ramènent des armes blanches (…) pour se défendre parce qu'ils savent que leurs camarades ont des armes, déplore l'une d'elles. On veut être comme La Réunion, on veut avoir les mêmes chances qu'en Guadeloupe, ou pourquoi pas comme un petit Parisien.» «J'ai été attaquée par des enfants cagoulés en 2014. Je veux qu'ils comprennent la souffrance d'une personne qui se lève à 4 heures du matin et qui se couche à 22 heures», ajoute une commerçante de Chirongui.
La ministre a aussi rencontré une dizaine d'élus, lundi soir, pour leur présenter ses propositions. Trois maires de Mayotte avaient fait le choix de n'ouvrir aucune des écoles primaires, ce lundi, jour de rentrée scolaire sur l'île, estimant ne pas pouvoir assurer la sécurité des élèves, tandis que les organisateurs de la grève générale avaient appelé les parents à ne pas envoyer leurs enfants dans les établissements scolaires ouverts.

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Journaliste

Homosexualité, islam... cinq phrases clés du pape François (12.03.2018)

Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 13/03/2018 à 09h37 | Publié le 12/03/2018 à 21h15
Le Souverain pontife, qui fête ce mardi le cinquième anniversaire de son élection, cultive l'art des formules chocs, imagées et incisives. Il s'est beaucoup exprimé mais voici cinq phrases déjà retenues par l'histoire.
● PAUVRETÉ DE L'EGLISE
«Comme je voudrais une Eglise pauvre, pour les pauvres.»
16 mars 2013 - Vatican
● RÉFUGIÉS ET IMMIGRÉS
«La culture du bien-être nous rend insensibles aux cris des autres. Elle nous fait vivre dans des bulles de savon qui sont belles mais ne sont rien, (…) et qui conduit à une mondialisation de l'indifférence.»
8 juillet 2013 - Ile de Lampedusa
● HOMOSEXUALITÉ
«Le problème n'est pas d'avoir cette tendance, c'est de faire du lobbying. C'est le problème le plus grave selon moi. Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger?»
29 juillet 2013 - Vol retour des JMJ de Rio de Janeiro (Brésil)
● VIOLENCE ISLAMIQUE
«Je n'aime pas parler de violence islamique (…). Si je parlais de violence islamique, je devrais également parler de violence catholique. Tous les musulmans ne sont pas violents ; tous les catholiques ne sont pas violents. (…) Dans presque toutes les religions, il y a toujours un petit groupe fondamentaliste.»
31 juillet 2016 - Vol retour des JMJ de Cracovie (Pologne)
● MISÉRICORDE DE DIEU
«Dieu ne se fatigue jamais de pardonner, c'est nous qui nous fatiguons de demander sa miséricorde.»
24 Novembre 2013 - Exhortation apostolique «La Joie de l'Évangile»
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Essonne : agression au marteau et coup de feu dans un lycée (12.03.2018)
Par Le figaro.fr et AFP agencePublié le 12/03/2018 à 20h40
Au moment de la pause matinale, deux jeunes ont agressé un élève du lycée de Draveil, dans l'Essonne. La victime, âgée de 15 ans, a reçu un coup de marteau à la tête, et un coup de feu aurait été tiré. Son pronostic vital n'est pas engagé.
Un lycéen a été blessé à Draveil, dans l'Essonne, par un coup de marteau, lors d'une agression au cours de laquelle un coup de feu a été tiré, selon des sources concordantes. «Il y a eu un coup de feu lors de cette rixe», a expliqué le parquet d'Évry, sans pouvoir préciser s'il provenait d'une arme réelle ou bien d'un pistolet d'alarme. «L'arme n'a pas été retrouvée», confie une source policière au Figaro.

L'agression a eu lieu «au moment de la pause matinale, lorsque les portes étaient ouvertes», selon la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de l'Essonne. Deux jeunes ont passé la grille du lycée Nadar, et ont agressé un élève, âgé de 15 ans, sur le parvis. «Ils ont poursuivi la victime afin de lui porter un coup de marteau à la tête», indique une source policière. «Il a été transporté à l'hôpital, mais son pronostic vital n'est pas en danger», a précisé la DDSP.
Une enquête ouverte
Lors de l'agression, trois élèves du lycée sont rentrés dans la bagarre, pour défendre leur camarade. Un coup de feu a été tiré et les deux agresseurs extérieurs au lycée «ont réussi à prendre la fuite», selon la DDSP. Les trois lycéens qui se sont jetés dans la mêlée ont eux été interpellés et placés en garde à vue. L'enquête, ouverte pour violences aggravées et confiée au commissariat de Draveil, «devra déterminer le mobile de l'agression et le rôle des différents mineurs mis en cause», a annoncé le parquet d'Évry.
Le lycée dispose d'une vidéosurveillance qui «contribuera efficacement à l'enquête», ont fait savoir la préfecture et la direction académique de l'Essonne, dans un communiqué commun. Elles ont également salué «la réaction professionnelle des personnels de vie scolaire et des enseignants», qui a «permis de circonscrire les faits (...) sur le parvis». Selon le maire de la ville, Georges Tron (LR), les violences «pourraient être liés à un conflit de bandes entre le quartier des Mazières et celui des Bergeries». Une information confirmée par une source policière au Figaro. L'édile a demandé une présence policière renforcée dans ces deux quartiers lors des prochains jours, ainsi qu'aux abords de l'établissement.

La priorité du pape François : l'image de l'Église et non les rouages de la curie (12.03.2018)

Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 12/03/2018 à 21h02 | Publié le 12/03/2018 à 20h56
RÉCIT - Mardi, François fête le cinquième anniversaire de son pontificat. Loin du microcosme romain, son souhait est de travailler à «une Église pauvre, pour les pauvres», à l'opposé d'une Église catholique bourgeoise et moralisante.
Envoyé spécial à Rome
Le pape François n'a pas d'agenda électronique. Il est resté au papier, au crayon et à la gomme. Pas d'alertes automatiques, donc, pour lui signaler qu'il fête, ce mardi, le cinquième anniversaire de son élection. Un jour ordinaire pour lui. Parfois, il l'a commémoré en recevant des pauvres. Cette année, il doit simplement signer - le 19 mars, jour de son intronisation officielle et fête dans l'Église catholique de Saint-Joseph - une exhortation apostolique sur le thème de «la sainteté».
En revanche, le «temps» est pour lui un allié. En novembre 2013, année de son élection, il expliquait ses principes d'action. Dont le fameux «le temps est supérieur à l'espace». «Cela permet de travailler à long terme, écrivait-il, sans être obsédé par les résultats immédiats. Ce principe aide à supporter avec patience les situations difficiles et adverses.» Dédaigner la longueur du temps revenait pour lui «à devenir fou», en s'accrochant à l'illusion de vouloir «tout résoudre». Compter avec le temps, au contraire, permettait d'avancer «sans inquiétude, mais avec des convictions claires et de la ténacité».
«Déterminé» pour aller au bout de sa mission
Tout un programme que cette philosophie de l'action… Elle est même devenue d'une actualité brûlante en ce cinquième anniversaire. Car loin de l'état de grâce des premières années, les nuages orageux s'amoncellent.
Il en faut plus pour décourager François, 81 ans, ce «dirigeant né» qui commence et conclut toutes ses journées, insiste un proche, par «des heures de prières» solitaires et silencieuses. Et, selon un autre, il est «farouchement déterminé» pour aller au bout de sa mission. Au reste, plus personne ne croit à sa prédiction du 13 mars 2015: «Mon pontificat sera bref, 4 ou 5 ans. Je ne sais pas… J'ai la sensation que le Seigneur m'a mis ici pour une chose brève, et rien de plus. Mais c'est une sensation. Je laisse toujours ouverte la possibilité.» Le même jour, il avait annoncé qu'il suivrait l'exemple du pape Benoît XVI en démissionnant s'il n'avait plus la force d'avancer. Il avait toutefois apporté une précision importante, très jésuite et totalement passée inaperçue: «Je n'aime pas trop l'idée d'une limite d'âge, car la papauté est une grâce spéciale.»
Une grâce spéciale… Il lui en faut une aujourd'hui, car le bilan du pontificat en termes de «résultats immédiats» n'est pas convaincant. À commencer par le premier dossier phare: la réforme de la curie romaine, pour laquelle François fut notamment élu.
Des cardinaux dans la tourmente
Premier chantier de cette réforme, la fusion, en vue de réaliser des économies, d'une dizaine de petits services en deux nouveaux superministères: l'un est consacré à la question sociale, l'autre aux laïcs. Aucune économie n'a toutefois été réalisée. Il s'est agi, à périmètre de coûts identiques, d'une simple réorganisation d'organigrammes.
Deuxième chantier, la création d'un superministère de l'économie. Cette nouvelle structure n'a pas réussi à s'imposer face à la secrétairerie d'État, l'unité centrale de la curie qui a su conserver la plupart de ses prérogatives financières. Le contrôle espéré et unifié des finances du Saint-Siège n'est donc pas atteint.
Le troisième volet de la réforme de la curie a consisté à renforcer le management global de l'Église par la création d'un conseil spécial du pape, le C9. Composé de cardinaux, non romains pour l'essentiel, il est censé apporter un sang neuf et penser la réforme de la curie. Mais ce cénacle est en difficulté. Sur le plan moral: trois de ses membres, et pas les moindres, sont actuellement publiquement mis en cause. L'Australien, le cardinal George Pell (qui était aussi le ministre de l'économie), a dû rentrer dans son pays pour affronter des accusations d'agressions sexuelles qu'il récuse. Le cardinal Oscar Maradiaga, lui, venant du Honduras, est accusé de malversations financières qu'il conteste formellement. Quant au cardinal chilien Francisco Errazuriz, il est accusé d'avoir couvert les agissements d'un prêtre pédophile notoire…
Des oppositions au sein même de l'Église
Ce C9 est également en difficulté sur le plan stratégique. Le pape François voudrait une Église «synodale», plus démocratique, moins romaine, moins pontificale. Il s'agirait d'injecter une forte dose de décentralisation pour donner plus d'initiatives aux conférences épiscopales. Un projet qui se heurte cependant à des avis partagés au sein du C9 lui-même. On hésite avant de décréter la mort du centralisme romain dans une nouvelle Constitution apostolique. Elle est effectivement en cours de rédaction par le C9. La perspective d'une satellisation incontrôlable de l'Église catholique inquiète.
En cinq ans - et 23 sessions de trois jours du C9 à Rome - rien de stupéfiant n'est donc encore sorti. L'annonce de la création, la semaine dernière par le C9, d'un poste de «modérateur» de l'administration centrale de l'Église catholique pourrait même apparaître comme un aveu d'impuissance. Ce secrétaire général serait justement chargé d'établir des liens transversaux entre la secrétairerie d'État (comparable à Matignon), la vingtaine de ministères qui ont tendance à fonctionner isolément et… l'entourage du Pape et son Conseil, le C9 (comparable à l'Élysée).
Sans oublier que, avec près de 2000  employés, la curie est très loin de représenter l'ampleur de l'Église catholique. Celle-ci fédère un milliard quatre cents millions de fidèles sur la planète. Soit près de 20 % de la population mondiale. Une Église qui n'est vraiment pas réductible au Vatican avec, dans le monde, 5304 évêques, 415.792 prêtres, 682.729 religieuses, 219.881 séminaristes, 368.530 laïcs missionnaires, 3.262.768  catéchistes actifs, 212.202 établissements scolaires catholiques, 47.644 hôpitaux et dispensaires médicaux et sociaux…
«François cultive l'isolement que la bureaucratie lui reproche. Pour lui, la curie est un organisme qui doit être, non pas aux commandes, mais au service de l'Église»
Un proche du pape François
Un Italien très proche du pape François, qui requiert l'anonymat, commente: «Ce serait une erreur de juger le Pape sur cette réforme de la curie romaine. Cela reviendrait à mettre l'accent sur ce qu'il considère comme secondaire. En réalité, François est très détaché de la curie. Il cultive l'isolement que la bureaucratie lui reproche. Pour lui, la curie est un organisme qui doit être, non pas aux commandes, mais au service de l'Église. Il ne veut pas en être le prisonnier. Il ne lui donne pas d'importance .»
De fait, depuis 2013, tous ses discours de vœux à la curie sont l'occasion d'une attaque en règle. En décembre 2017, François a même fustigé «les traîtres» de son administration. Cette curie le lui rend bien, même si elle n'est pas réductible aux opposants du Pape, car la majorité des employés travaille loyalement. En revanche, le mot «autoritarisme» revient de plus en plus à son encontre. Un témoin direct va jusqu'à déplorer «un climat délétère, de peur» où «tout le monde se méfie de tout le monde».
Mais la vraie réforme de François, sa bataille «politique», est loin de ce microcosme. Il travaille à une «Église pauvre, pour les pauvres». Il veut changer l'image d'une Église catholique bourgeoise et moralisante et espère attirer le plus de monde possible, sans repousser personne. Dans le milieu catholique, beaucoup lui reprochent de créer ainsi une «confusion doctrinale», inédite et paradoxale pour un Pape. Mais jusque-là, rien ne le fait dévier.
D'où sa bataille, menée par le biais du synode sur la famille, pour que les divorcés remariés, s'ils désirent vraiment avancer dans l'Église, puissent communier. D'où le démantèlement de l'Institut Jean-Paul II et la révision à venir de l'encyclique Humanae Vitae sur la contraception, deux symboles forts d'une pastorale qui refuse désormais de placer au premier plan la morale sexuelle. D'où, aussi, lors des deux synodes à venir - celui sur les jeunes et les vocations (2018) et celui sur l'Amazonie (2019) - l'ouverture de la prêtrise aux hommes mariés, pour les pays qui souffrent du manque de prêtres, mais sans abolir pour autant le célibat sacerdotal.
Main tendue à l'islam
Autre front pour François, plus connu du grand public - mais souvent rejeté, comme les dernières élections italiennes l'ont montré de façon cinglante -, sa main tendue à l'islam et ses appels constants à mieux accueillir les immigrés et les réfugiés.
Enfin, un dernier écueil, et pas le moindre, s'est ouvert de façon imprévue depuis cinq ans. Alors que l'on pensait les affaires de prêtres pédophiles globalement réglées, c'est l'heure à présent d'un autre procès contre l'Église catholique: celui de l'omerta épiscopale, qui a effectivement longtemps présidé à la gestion de ces prêtres prédateurs d'enfants.
Le récent voyage du Pape au Chili a ainsi été totalement miné par son soutien public à un évêque: Mgr Juan Barros, accusé - il s'en défend - d'avoir couvert le père Fernando Karadima, effectivement pédophile. Or, des affaires Barros, il y en a potentiellement partout. Cette nouvelle bataille sera rude. Il en va cette fois de la crédibilité de la haute hiérarchie, évêques et papes compris…

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La popularité du pape François faiblit chez les catholiques (12.03.2018)
Par Jean-Marie Guénois et Service InfographieMis à jour le 12/03/2018 à 21h37 | Publié le 12/03/2018 à 20h03
SONDAGE - SONDAGE - Cinq ans après son élection, 78 % des Français ont une bonne opinion du Saint-Père, contre 87 % en 2015. Une baisse plus notable encore chez les pratiquants, où une chute de 12 points est relevée selon notre sondage BVA.
Même si sa popularité est très élevée, avec 78 % de bonnes opinions - très au-dessus de tous les leaders politiques - le pape François connaît une érosion significative d'image depuis son élection en 2015, avec neuf points en moins dans l'opinion des Français. Et, surtout, 12 points perdus chez les catholiques pratiquants réguliers, et même 17 points chez les sympathisants du parti politique Les Républicains. Ce désenchantement, quoique très relatif, est le principal enseignement du sondage BVA-Le Figaro, lancé à l'occasion du cinquième anniversaire, ce mardi, de l'élection du pape François.

Une tendance qui n'est pas seulement française. Un sondage américain, publié le 6 mars 2018 à Washington par le Pew Research Center, confirme la même déception chez les catholiques d'outre-Atlantique: 24 % des catholiques pratiquants (contre seulement 15 % en 2015) le trouvent «trop naïf» quand 34 % le jugent «trop libéral», contre 19 % il y a cinq ans.
«Dans certains milieux, on comprend mal l'ouverture pastorale aux situations d'homosexualité ou au remariage»
Philippe Portier, directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Philippe Portier, directeur d'études à l'École pratique des hautes études et titulaire de la chaire «Histoire et sociologie des laïcités» - l'une des principales références sociologiques du fait religieux en France (1) - explique: «La baisse est significative dans des catégories très intégrées au catholicisme et ordinairement les plus légitimistes (pratiquants réguliers, ruraux, les catégories supérieures, les plus âgés, Les Républicains). Tout en étant encore très favorables au Pape argentin, ces catégories témoignent là d'une certaine inquiétude, que révèlent aussi les enquêtes par entretiens».
Ce sociologue met en évidence deux motifs d'interrogation: «le discours du Pape semble en opposition avec la compréhension souvent traditionnelle de la morale familiale. Dans ces milieux, on comprend mal l'ouverture pastorale aux situations d'homosexualité ou au remariage». Philippe Portier relève un second lieu de questionnement: «On trouve dans ces catégories une vision volontiers identitaire de la nation, que le discours papal sur les migrants, et souvent sur les musulmans, vient troubler». Il pense aussi que «la dénonciation du libéralisme économique par le pape François peut susciter la critique dans toute une fraction du catholicisme français, qui n'a jamais accepté totalement la doctrine sociale de l'Église.»
Erwan Lestrohan, de l'institut BVA qui a piloté ce sondage, analyse pour sa part que «ce qui surprend, c'est que cette baisse affecte les populations les plus marquées par le catholicisme. On peut donc formuler l'hypothèse que le discours du Pape sur les migrants et sur l'homosexualité a joué. Mais l'importance de cette érosion a aussi du sens: avec 12 points de baisse chez les pratiquants, elle n'est pas due au hasard. Elle est significative parce qu'elle touche précisément des catégories de gens qui sont des “experts”, et donc des connaisseurs du pape François et de l'Église catholique. Le Pape est clivant dans son camp.»

Une amélioration de l'image de l'Église
Autre enseignement de ce sondage, 31 % des Français estiment que le Pape a fait évoluer, «en bien», l'image de l'Église catholique dans la société française. Pour Erwan Lestrohan ce «regain de bienveillance ne va pas jusqu'au ré-enchantement», mais mérite l'attention «sans marquer pour autant un basculement». Car «dans ce domaine des convictions, politiques ou religieuses, les avis personnels sont très ancrés, très structurés, profondément cristallisés. Il faudrait un événement d'importance pour constater une évolution forte de ces convictions».
Philippe Portier estime quant à lui que «le Pape a réconcilié une partie de la société, souvent éloignée du christianisme, avec l'Église, sans doute en raison de son ouverture à ce qu'il appelle les “situations complexes” au plan moral. Et en raison de ses déclarations contre la pédophilie, où il apparaît en phase avec les attentes de la société actuelle. Sans oublier l'option écologique et son encouragement pour l'apostolat social en faveur du peuple des pauvres.»
Mais, conclut-il, «pour le moment, son action n'a pas inversé la tendance au déclin des indicateurs d'implantation du catholicisme français: vocations, pratiques, militances, croyances». De fait, tandis que 130 jeunes en moyenne entraient au séminaire en France chaque année, pendant les 8 ans du pontificat de Benoît XVI, ils sont à peine 100 par an en moyenne, depuis cinq ans, à choisir cette voie. Une tendance qui, aujourd'hui, s'annonce encore à la baisse.
- Crédits photo : Le Figaro
(1) Religion et Politique. L'enjeu mondial, aux Presses de Sciences Po, 2017
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 13/03/2018.
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Paris: 3 enfants jetés dans l'eau pour un téléphone (09.03.2018)

Par Le Figaro.fr
Mis à jour le 09/03/2018 à 14h15 | Publié le 09/03/2018 à 11h33
Les bords de la Seine, à Paris, le long du 36 quai des Orfèvres - Crédits photo : Reuters
Deux adolescents âgés de 13 et 16 ans ont été interpellés hier soir à proximité du canal de l’Ourq et du canal de Saint-Denis à Paris. Ils sont soupçonnés d’avoir agressé trois enfants de 12 ans en les forçant à se jeter à l’eau, rapporte Le Parisien .
Samedi dernier, vers 20 heures, un premier garçon s’est fait agresser alors qu’il marchait près du canal Saint-Denis dans le XIXe arrondissement, à hauteur du boulevard Macdonald. Deux individus lui sautent dessus, le rouent de coups et lui volent son portable. Les agresseurs l’ont ensuite obligé à se jeter plusieurs fois dans l’eau glacée, précise une source proche de l’affaire, en le filmant avec son téléphone.
Mercredi, vers 17 heures sur le quai de la Marne, non loin de la première agression présumée, ce sont cette fois deux enfants qui se font dérober un téléphone portable et une trottinette. Ils sont ensuite roués de coups puis poussés dans le canal par les deux mêmes individus.
Les deux agresseurs ont été arrêtés hier et placés en garde à vue.

Ces très chers biens de l'oncle de Bachar el-Assad en France et en Espagne (13.03.2018)

Par Christophe Cornevin
Publié le 13/03/2018 à 06h00
Plus de 500 villas, appartements, hôtels particuliers appartenant à Rifaat el-Assad ont fait l'objet de saisies en 2017.
Soupçonné d'avoir quitté le Levant en détournant les richesses de son pays après avoir été écarté du pouvoir dans les années 1980, Rifaat el-Assad, oncle de l'actuel président Bachar al-Assad, menait grand train lors de son exil en Europe jusqu'à ce qu'il attire l'attention de la justice, après une dénonciation au parquet émanant de deux associations de lutte anti-corruption: Sherpa et Transparency International. Âgé de 79 ans, ce sulfureux dignitaire a été mis en examen le 9 juin 2016 pour «blanchiment de fraude fiscale aggravée» et «détournement de fonds publics».
Les derniers résultats de l'enquête portés à la connaissance du Figaro révèlent que quelque 503 biens immobiliers, d'une valeur de 600 millions d'euros, et appartenant à Rifaat el-Assad ou à son proche entourage, ont été confisqués dans la station balnéaire de Marbella. Il s'agissait de villas, d'un hôtel particulier, d'appartements ainsi que de restaurants pour faire fructifier le patrimoine.
Hôtels particuliers, château, haras...
Ces perquisitions de la garde civile, menées pour l'essentiel dans le luxueux port de plaisance de Puerto Banus (Andalousie), découlaient d'une équipe commune d'enquête (ECE) formée avec le SNDJ. Rifaat a argué que sa fortune provenait de dons de la famille royale saoudienne, dont les défunts rois Fahd et Abdallah, mais sans convaincre. En France, deux arrêts de la cour d'appel de Paris, rendus en mars dernier, ont confirmé les saisies opérées sur plusieurs sociétés détenant des biens immobiliers dans les quartiers huppés de la capitale.
Parmi eux, figurent deux hôtels particuliers situés dans le XVIe arrondissement, dont l'un de plus de 3 000 m² sur la prestigieuse avenue Foch. Dans ce Monopoly grandeur nature, se trouve aussi une créance de 9,5 millions d'euros qu'une des sociétés détenait à Paris après l'expropriation d'un terrain de 788 m² situé rue Jasmin. Lequel devrait, d'ici à 2020, accueillir 29 logements sociaux familiaux, 14 places de parking et une crèche.
«Monseigneur»
L'inventaire des saisies comprend aussi un château de 45 hectares et un haras dans le Val-d'Oise ou encore 7300 m² de bureaux à Lyon. Au total, le fisc estime à 90 millions d'euros la valeur de ces biens acquis au travers de sociétés - dont certaines sont installées au Luxembourg - entre 1984, année de l'arrivée de Rifaat en France avec sa suite, et 1988 lorsqu'il fut fait grand-croix de la Légion d'honneur par François Mitterrand. Période où il était invité aux chasses présidentielles par François de Grossouvre, le conseiller de l'ombre lui donnant même du «Monseigneur» dans un courrier d'invitation écrit le 19 décembre 1988.
Pour sa défense, Rifaat el-Assad s'est présenté comme un homme politique ne s'occupant pas de son patrimoine, disant ignorer les documents qu'il signe, a raconté à l'AFP une source informée. Dans l'une de ses décisions, la chambre de l'instruction s'appuie sur des écoutes téléphoniques pour relever qu'une gestionnaire «rendait compte» à Rifaat el-Assad «très régulièrement» de la situation de son patrimoine immobilier.

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Trappes : l'islamisation toujours galopante (11.03.2018)

Par Jean Chichizola
Mis à jour le 11/03/2018 à 18h47 | Publié le 11/03/2018 à 18h08
Un plan d'actions pour lutter contre la radicalisation, cité en exemple par Emmanuel Macron, a été discrètement lancé début 2017. Mais la situation continue de se dégrader.
Trappes, le «Molenbeek français», serait-il devenu un laboratoire de la lutte contre l'islam radical, comme semble l'indiquer le chef de l'État? Le 5 septembre, dans son discours aux préfets, Emmanuel Macron évoquait «ce travail (de lutte contre la radicalisation) (…) fait pour certains quartiers, je pense à Trappes pour les Yvelines. Le plan qui m'a été communiqué propose une stratégie d'action qui mobilise tous les services de l'État, les collectivités et qui met en lumière des ramifications avec certains pays étrangers». Le 18 octobre, dans son discours aux forces de sécurité intérieure, il parlait d'actions menées «à (sa) demande, en particulier à Trappes, pour mieux prévenir et mieux lutter contre les comportements et les agissements qui favorisent l'extension de la radicalisation».
«La fracture se creuse entre une minorité qui se radicalise et le reste de la société française»
Othman Nasrou (LR), chef de file de l'opposition municipale à Trappes
Sur place, le plan se fait discret. La mairie PS ne veut pas répondre au Figaro et l'opposition locale n'a pas d'informations. Chef de file de l'opposition municipale et président du groupe «Les Républicains et Indépendants» à la région Île-de-France, Othman Nasrou déplore qu'on ait «choisi de gérer cette question dans l'opacité tant à la mairie qu'à la préfecture alors que le phénomène progresse et que la fracture se creuse entre une minorité qui se radicalise et le reste de la société française».
Selon des services impliqués dans l'opération, il y a pourtant bien un «plan Trappes» centré sur le quartier des Merisiers-Plaine de Neauphle. Une méthode d'action y est testée depuis début 2017. Le but est d'identifier des cibles (lieux, individus, commerces) et de mener une action tous azimuts mobilisant les services de renseignement, les autorités judiciaires et la préfecture. Avec un arsenal de mesures judiciaires ou administratives (expulsions, lutte contre la fraude, surveillance financière, contrôles administratifs). Une méthode proche des «plans de lutte contre l'islam radical» en vigueur dans les années 2000. Emmanuel Macron souhaite que des «plans Trappes» soient lancés dans une quinzaine d'autres quartiers à travers le pays.
«La radicalisation et la laïcité sont des sujets tabous» 
Extrait d'une note blanche
Seront-ils efficaces? À Trappes, la situation est pire que jamais, comme le confirme une note blanche «prévention de la radicalisation» dans la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (incluant Trappes), sorte de synthèse brute d'informations glanées au cours des dix-huit derniers mois auprès des services de l'État, milieux associatifs ou dans divers rapports.
Elle dresse d'abord un profil détaillé des 400 personnes inscrites dans les Yvelines au Fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. 65 % des radicalisés du «78» ont entre 15 et 25 ans (35 % entre 26 et 32 ans). 35 % sont des femmes. 85 % des radicalisés ont été confrontés à des problèmes comme «faiblesse de l'autorité parentale, absence physique et/ou affective du père, enfance chaotique, absence de repères et rupture avec l'environnement». 40 % ont connu des épisodes dépressifs majeurs, «traumatismes non traités» précise la note: «anorexie, tentative de suicide, isolement…». 45 % des filles radicalisées qui acceptent de témoigner «ont connu des sévices à caractère sexuel (attouchement, viols ou tentatives de viol d'un membre de la famille)».
Les hommes ont recours à «un usage massif du cannabis dès l'adolescence» suivi d'un «usage fréquent de neuroleptiques avant la phase de radicalisation». La note souligne que «la radicalisation et la laïcité sont des sujets tabous», d'où «une difficulté à collecter des données - pas de chiffrage, de capitalisation des données et de témoignages». Sur place, on note un «sentiment que parler, c'est s'exposer, voire se mettre en danger». Les services de l'État s'inquiètent qu'il y ait moins de «signalements de jeunes radicalisés à Trappes que dans les autres villes du département au profil sociologique similaire: Mantes-la-Jolie et les Mureaux».
«Une logique communautaire forte, diffuse, permanente» 
Extrait d'une note blanche
La note reprend enfin «des éléments factuels rapportés par les partenaires». Éléments qui dressent un portrait très inquiétant d'un secteur où «des commerces financent le radicalisme, une source de financement importante», où «le prosélytisme religieux» a pris une «dimension sociale et caritative» comme des «aides ponctuelles pour payer factures ou loyers», où «les jeunes de retour de Syrie sont des vecteurs déterminants» dans la radicalisation.
C'est sur la jeunesse que le constat est le plus alarmant: «augmentation de la pratique du jeûne pendant le ramadan parmi les enfants scolarisés en CM1/CM2 - jusqu'à 50 % dans certaines classes ; augmentation des refus d'inscription à la cantine scolaire (classes élémentaires) au motif que la viande n'est pas halal ; augmentation du port de tenues cultuelles (jupes longues) en collèges et aux lycées ; refus croissant de participer à certaines activités scolaires comme le chant pour les filles ; baisse de fréquentation des structures d'accueil des jeunes comme la Mission locale de Trappes». Et d'évoquer les «témoignages de professionnels (éducateurs, enseignants, professionnels des maisons des parents…) qui font état de situations de confrontation ou de provocation comme le port du niqab chez des enfants ou des questions sur la société française et l'école qui ne permettent pas une pratique religieuse assidue.»
La jeunesse est également mise à contribution pour un «contrôle social intense et un maillage du territoire»: «Les enfants d'élémentaires rappellent à leurs pairs ce qui est autorisé ou pas, contrôle des allées et venues dans certains immeubles, rappel sur les tenues, les heures et lieux pour sortir (pour les filles) et les heures de prière (pour les garçons), porte-à-porte pour convaincre, recruter, rappeler à l'ordre». Trappes n'est pas la seule touchée. Dans la ville voisine de La Verrière, on observe «le retrait des femmes musulmanes du marché du travail», «une logique communautaire forte, diffuse, permanente», des pressions pour financer une mosquée salafiste ou porter le voile. Sans oublier «un conflit générationnel entre les anciens (foyer Adoma) et les jeunes du quartier», les seconds accusant les premiers de «ne pas être de bons musulmans»... Il faudra encore beaucoup de «plans Trappes» pour tenter d'endiguer une vague qui ne cesse de monter.

Le futur parquet national antiterroriste se précise
Dans le cadre de la réforme de la justice, un nouveau parquet national antiterroriste doit voir le jour pour rapprocher la justice antiterroriste du terrain. Trente magistrats devraient composer  ce parquet, épaulés par une quinzaine d'autres magistrats délégués sur tout le territoire, notamment dans des foyers de djihadistes comme Toulouse, Lille, Montpellier, Lyon, mais aussi Bobigny, Versailles ou Trappes, selon L'Obs. En cas d'attentat majeur, ce parquet se déploierait en cellule de crise. Le futur procureur national antiterroriste devrait être nommé début 2019.

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De mystérieux colis piégés livrés à domicile tuent au Texas (13.03.2018)
Par Valérie Samson et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 13/03/2018 à 07h35 | Publié le 12/03/2018 à 22h14
Des engins explosifs ont fait deux morts et deux blessés graves en dix jours à Austin, ville réputée progressiste du sud des États-Unis. La police demande aux habitants de ne plus ouvrir les paquets laissés devant leur porte.
Deux nouvelles explosions ont retenti lundi à Austin, à quelques heures d'intervalle, faisant un mort et deux blessés dans cette ville texane réputée progressiste, et où se déroule ces jours-ci le grand festival culturel South by Southwest (SXSW). La police a rapidement établi un lien avec une précédente explosion au colis piégé, qui le 2 mars déjà avait tué un homme de 39 ans.
Selon les médias locaux, la première déflagration ce matin a tué un jeune homme de 17 ans et blessé sérieusement sa mère. L'une des victimes venait de trouver un paquet à l'extérieur de sa maison, et l'avait ouvert dans la cuisine, où il a explosé.
Le chef de la police d'Austin était encore sur la scène du crime quand l'annonce d'une seconde explosion a retenti dans sa voiture. Brian Manley s'est précipité sur les lieux pour trouver qu'une femme de 75 ans venait d'être transportée à l'hôpital, souffrant de graves blessures. Le paquet a explosé quand Esperanza Herrera le ramassait sur le pas de sa porte. Ses jours sont en danger, a précisé Brian Manley lors d'une conférence de presse lundi après-midi.
«Engins explosifs puissants»
Le chef de la police a exhorté les habitants de cette ville étudiante à ne pas ouvrir les paquets laissés devant leur porte. «Si vous trouvez un colis que vous n'attendiez pas, appelez les secours. Personne ne doit tenter de toucher ou de manipuler l'un de ces paquets», a-t-il martelé. Il a enjoint la communauté à la plus grande vigilance, sans toutefois céder à la psychose: «Ce n'est pas l'heure de paniquer, mais c'est l'heure d'être vigilant», a-t-il indiqué. Il a semble-t-il été entendu: à 15 heures (locales), la police d'Austin avait reçu 34 appels téléphoniques depuis 8 heures du matin pour signaler des paquets suspects, contre deux le lundi précédent.
«Les indices que nous avons trouvés sur les lieux» de la dernière explosion «ainsi que sur les lieux des (deux premières) explosions nous poussent à croire que ces faits sont liés», a souligné Brian Manley.
Les policiers suivent notamment la piste d'attentats racistes, car les victimes des deux premières explosions sont noires. La troisième serait d'origine hispanique. «Nous ne pouvons pas exclure des crimes de haine mais nous ne sommes pas en train de dire que c'est la cause», a expliqué Brian Manley.  Les enquêteurs n'ont trouvé «aucune indication pour le moment» pointant vers un acte de terrorisme, a ajouté le chef de la police d'Austin, qui a dit toutefois n'écarter aucune piste. «Déterminer un mobile est impossible à ce stade de l'enquête», a-t-il ajouté. Les enquêteurs savent quels types d'engins explosifs ont été employés lors des deux premières explosions, a-t-il indiqué, évoquant des «engins très puissants» sans plus de précision.
Des paquets laissés en personne
Le 2 mars pourtant, la première explosion avait été classée comme un «incident isolé», bien que «suspect». La police d'Austin avait déclaré qu'il ne semblait pas s'agir d'un acte terroriste, et avait estimé que la menace était levée. Changement de ton lundi: «Nous ne parlons pas de poseur de bombes en série mais il existe une trame commune entre ces faits (...) qui nous inquiètent beaucoup», a admis Brian Manley. La police inspecte désormais des maisons d'Austin à la recherche de caméras de surveillance, les enquêteurs estimant que les paquets ont été laissés en personne dans la nuit et non pas livrés par la poste. «Je demande au public de faire attention et d'être prudent, a encore insisté le chef de la police. Nous allons retourner chaque pierre car nous ne permettrons pas que ceci se produise dans cette ville.» Le gouverneur du Texas, Greg Abbott, a offert une récompense de 15.000 dollars pour toute information sur la ou les personnes impliquées dans ces attaques.
Ville de deux millions d'habitants, Austin accueille du 9 au 18 mars le festival SXSW qui attire quelque 500.000 personnes avec une affiche mêlant conférences, projections et concerts, truffée de célébrités, comme Elon Musk, le fondateur de Tesla ou l'actrice Lena Dunham. Dans un message sur Twitter, les organisateurs se sont dits «dévastés» par les explosions mais n'ont pas annoncé de nouvelles mesures de sécurité. Le chef de la police a simplement appelé les festivaliers à «rester informés de ce qu'il se passe», précisant n'avoir pas à ce stade établi de lien entre les explosions et la tenue de SXSW.

Goldman Sachs: le départ de Harvey Schwartz fait de David Solomon le favori au poste de PDG (12.03.2018)
Par Le figaro.fr et AFP agencePublié le 12/03/2018 à 19h18
Goldman Sachs a annoncé lundi le départ de Harvey Schwartz, une annonce inattendue qui place l'autre co-président et directeur général délégué de la banque américaine, David Solomon, en position de favori évident pour succéder au PDG Lloyd Blankfein, sur le départ.
Harvey Schwartz quitte Goldman Sachs, mettant ainsi son homologue David Salomon en pole position dans la course au poste de PDG. En décembre 2016, les deux hommes ont été nommés co-directeurs généraux délégués de ce qui est considéré comme la plus puissante banque d'investissement américaine, ce qui les mettait en concurrence manifeste pour prendre un jour les rênes de la banque. Lors d'une réunion le mois dernier, le conseil d'administration de Goldman Sachs a débattu de la désignation d'un directeur général délégué unique et son choix s'est porté sur David Solomon, a dit une source proche du dossier. Les spéculations sur le nom du prochain dirigeant de la banque sont allées bon train depuis que le Wall Street Journal a rapporté vendredi que Lloyd Blankfein, 63 ans, se préparait à quitter ses fonctions dès cette année et que la banque n'avait pas l'intention de lui chercher un successeur autre que Harvey Schwartz ou David Solomon.
Goldman Sachs préfère un banquier à un trader
Le départ d'Harvey Schwartz écarte a priori de la course à la succession de Lloyd Blankfein un banquier disposant d'une grande expérience dans le trading au moment où Goldman Sachs cherche justement à se réinventer face à la chute des revenus de cette activité autrefois lucrative, désormais pénalisée par l'évolution des marchés et de la réglementation. Harvey Schwartz, âgé de 53 ans, quittera ses fonctions le 20 avril. Il a codirigé la division trading de Goldman Sachs avant d'être promu directeur financier en 2013.
«Ce sera la première fois depuis plus de dix ans qu'un banquier dirigera Goldman et non un trader»
Mike Mayo, analyste de Wells Fargo.
David Solomon, de son côté, est âgé de 56 ans et il a été coresponsable de la banque d'investissement de Goldman Sachs de 2006 jusqu'à sa nomination au poste de directeur général délégué. Cette ascension d'un spécialiste de la banque d'investissement correspondrait à la nouvelle orientation de l'établissement et illustrerait la perte d'influence de la division trading, juge Mike Mayo, analyste de Wells Fargo. «Ce sera la première fois depuis plus de dix ans qu'un banquier dirigera Goldman et non un trader», dit-il.
Les analystes soulagés
Goldman Sachs a pour habitude de préparer les successions pour ses principaux postes en désignant deux ou trois candidats. Harvey Schwartz et David Solomon ont été propulsés directeurs généraux délégués à la suite du départ de Gary Cohn, devenu conseiller économique du président américain Donald Trump, poste dont il a démissionné la semaine dernière.
L'action Goldman Sachs gagnait 1,16% à 273,90 dollars à 17h38 GMT à Wall Street après avoir touché un pic historique à 275,29 dollars; au même moment, l'indice Dow Jones cédait 0,45%. Les analystes sont soulagés par cette clarification dans le processus de préparation de la succession de Lloyd Blankfein, qui semble écarter l'hypothèse d'une direction bicéphale.
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Le Medef explore l'Éthiopie, un marché attirant mais rude (11.03.2018)

Par Nathalie Tissot
Mis à jour le 11/03/2018 à 21h47 | Publié le 11/03/2018 à 17h35
REPORTAGE - Les 100 millions de consommateurs sont convoités. L'État dirigiste et la Chine compliquent le défi.
À Addis-Abeba
«C'est un pays où il y a tout à faire», lance Bernard Coulais, directeur général du brasseur BGI Castel, à la communauté d'entrepreneurs français, rassemblés au sein d'un luxueux hôtel d'Addis-Abeba.
Une délégation d'une quarantaine de dirigeants français conduite par le Medef était jeudi et vendredi derniers en Éthiopie pour explorer ce marché de 100 millions d'habitants au potentiel prometteur. Pierre Gattaz, le président du Medef, a mené cette mission lors de sa première étape au Kenya mais s'est finalement dérouté pour l'Inde où il a rejoint Emmanuel Macron.
«On produisait 10.000 à 15.000 hectolitres de bière par mois au début. On en produit aujourd'hui entre 350.000 et 400.000»
Bernard Coulais, directeur général du brasseur BGI Castel
Dans la capitale éthiopienne, le patron de BGI Castel, groupe présent depuis vingt ans dans le grand pays de la Corne de l'Afrique, se veut encourageant. «On produisait 10.000 à 15.000 hectolitres de bière par mois au début. On en produit aujourd'hui entre 350.000 et 400.000.» La société, qui emploie plus de 2800 personnes, possède trois brasseries et vient d'en racheter deux. Mais l'homme d'affaires ne cache pas les difficultés. «C'est un État bureaucratique, très dirigiste. Il n'y a pas de système bancaire développé.» Près de 70 entreprises françaises sont déjà installées dans le pays dont une dizaine de taille importante comme BGI Castel, Total ou Systra (infrastructures ferroviaires).
«Le potentiel est énorme», assure Jean-Baptiste Parnaudeau, représentant de Saint-Gobain. Sur le chemin de son bureau, dans le quartier de Kazanchis à Addis-Abeba, les immeubles en construction reflètent le développement du pays. «Le taux de croissance de la population urbaine est de 4 % par an en Éthiopie.» L'entreprise promeut ses produits auprès d'importateurs et de distributeurs locaux depuis maintenant deux ans. Récemment, elle a fourni les matériaux nécessaires à l'imperméabilisation de la piscine du futur hôtel Hyatt Regency, en centre-ville.
Développement à grande vitesse
À l'image de l'immobilier, de grands chantiers sont également en cours, articulés autour du second plan quinquennal 2015-2020: le Growth and Transformation Plan. Des parcs industriels fleurissent en régions. Le barrage de la Renaissance sur le Nil Bleu, le plus grand d'Afrique, devrait encore augmenter la capacité de production en électricité du pays. Sans oublier la nouvelle ligne de chemin de fer entre Addis-Abeba et Djibouti, fonctionnelle depuis deux mois, construite par les Chinois. Dans ce développement à grande vitesse, les entreprises françaises ont une carte à jouer, selon Araya Gebregziabher, chargé de la promotion commerciale au ministère des Affaires étrangères éthiopien. «Elles sont fiables, elles restent ici longtemps, pas juste pour faire du profit.» Parmi les entrepreneurs venus en repérage avec le Medef figuraient des représentants d'Air liquide, de Bolloré Ports, d'EDF ou encore de Safran.
Ils ne pouvaient pas repartir d'Éthiopie sans visiter le site de la compagnie aérienne Ethiopian Airlines, la plus grosse entreprise nationale, et son nouveau simulateur de l'A 350 unique sur le continent. La compagnie, fierté du pays, pourrait profiter du nouveau marché aérien unique en Afrique, lancé lors du sommet de l'Union africaine, en janvier. «Il va générer un développement du trafic aérien et des compagnies aériennes, Ethiopian Airlines se positionne pour être le grand gagnant de ce développement, affirme Olivier Lafaye, directeur du développement international de Safran. Ce sont des clients, il faut qu'on sache les accompagner dans leur stratégie et devancer la concurrence chinoise à venir.»
Instabilité politique
«Importer des matériaux face à la concurrence chinoise et au manque de devise est très dur»
Jean-Baptiste Parnaudeau, représentant de Saint-Gobain
La situation dans le pays reste cependant fragile. L'État, pour financer un certain nombre de grands projets, s'endette. Pour la nouvelle voie ferrée, il a emprunté près de 3,4 milliards de dollars auprès de la banque chinoise Exim. Un prêt sur quinze ans qu'il va bientôt devoir rembourser. Des secteurs comme la banque ou la logistique restent également fermés aux entreprises étrangères. Enfin, la balance commerciale est largement déficitaire et le manque de devises étrangères demeure un souci majeur. «Importer des matériaux face à la concurrence chinoise et au manque de devise est très dur», déplore Jean-Baptiste Parnaudeau. Pour éviter l'importation et poursuivre sa stratégie d'industrialisation, Saint-Gobain prévoit d'ouvrir des usines sur place.
La situation politique instable plonge cependant les investisseurs dans le brouillard. Le premier ministre a démissionné il y a trois semaines, l'état d'urgence a été instauré, des barrages et grèves ont fortement ralenti les transports dans plusieurs régions. La coalition au pouvoir doit désigner ces jours-ci un nouveau premier ministre. «La politique ne suit pas le rythme de l'économie», regrette Bernard Coulais. BGI Castel a néanmoins enregistré 15 % de croissance l'année dernière. Et un des représentants du Medef d'ajouter, en substance, «c'est quand les voyants sont au rouge ou orange qu'il faut visiter un pays. Si l'Éthiopie négocie bien le tournant, on sera d'autant mieux accueilli lorsqu'on reviendra».

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