https://chezobiter.wordpress.com/2019/09/24/la-baisse-du-qi/
Franck Ramus est chercheur au CNRS et spécialiste du QI. Régulièrement, il s’exprime dans les media sur des questions scientifiques et tient un blogue intéressant. Mais il ne s’est visiblement pas foulé dans ses réflexions sur la baisse du QI.
Il accuse le documentaire d’Arte, Demain, tous crétins ?, de sombrer dans le sensationnalisme au mépris de la rigueur scientifique. Il n’a pas tort d’attaquer ce reportage, qui a le défaut de ne considérer que les causes environnementales, mais sa réponse est tout aussi malhonnête.
Franck Ramus estime que ni la dégradation de l’environnement (malbouffe, perturbateurs endocriniens) ni le dysgénisme (raréfaction des marqueurs génétiques de l’intelligence) ne sont des causes probables de la baisse du QI. Son « examen rigoureux de l’ensemble des données internationales portant sur l’évolution des scores de QI » lui fait dire que les baisses observées ici et là ne seraient que des erreurs statistiques, c’est tout. Simplement, il y aurait une stagnation, parfaitement normale puisque l’Occident aurait atteint les « limites intrinsèques à l’espèce humaine ». Il n’y a rien à voir, circulez !
En fait, Franck Ramus n’a absolument pas passé en revue la littérature scientifique sur la question. Premièrement, il pointe du doigt une méta-analyse qui montre que l’effet Flynn est toujours très fort si l’on prend une perspective mondiale – autrement dit, les nouvelles générations font mieux que les précédentes sur les tests de QI.
Ensuite, il affirme que l’étude qui signale une baisse du QI en France se fonde sur des cohortes trop réduites et a une méthode qui laisse trop de place à l’erreur. Quant à la baisse dans les pays nordiques, si les cohortes sont solides, il écrit que rien ne prouve que ce ne soit pas des facteurs non génétique (tests vieillis, changement des programmes scolaires) qui aient produit la baisse. Certes, ce sont des critiques recevables.
Mais Franck Ramus ergote à côté de la plaque. Il ne discute pas une seule seconde de l’hypothèse la plus importante, le dysgénisme, à savoir : l’immigration et la corrélation négative entre l’intelligence et la fertilité font diminuer la fréquence des marqueurs génétiques de l’intelligence. Cette hypothèse est documentée psychométriquement et génétiquement. Pas un mot.
C’est un problème de fertilité !
Depuis 2013, Michael Woodley of Menie, jeune chercheur écossais, travaille sur la dégradation du fonds génétique occidental. Nommé « étoile montante » par l’Association for Psychological Science pour son travail sur l’effet Flynn, il est désormais membre du comité éditorial de la revue Intelligence et est le chef de file des chercheurs qui travaillent sur la baisse du QI.
Michael Woodley s’inscrit dans la continuité des grands biologistes qui ont prédit la diminution de l’intelligence. Galton, Darwin, Wallace, Pearson, Fisher, Cattell ont tous constaté plus ou moins rigoureusement la même chose : les individus les plus intelligents tendent à faire moins d’enfants. Aujourd’hui, cette corrélation est bien établie. Elle existe depuis la révolution industrielle et touche d’abord les femmes.
La situation préindustrielle était la suivante : toutes les couches sociales faisaient beaucoup d’enfants parce que la mortalité infantile était importante et parce que sans État providence, les aînés étaient pris en charge par la famille. Mais, qualité de vie médiocre oblige, les classes populaires furent plus touchées par la mortalité des enfants en bas âge et n’ont pas eu les ressources nécessaires pour faire autant d’enfants que les classes aisées. Or, les classes aisées ont un meilleur capital cognitif. Voyez ce syllogisme :
- l’intelligence est largement héritable et est positivement associée au statut social et économique ;
- la mobilité sociale, comme l’a notamment montré Gregory Clark, n’est pas un phénomène moderne ;
- Les classes supérieures des sociétés préindustrielles en Occident avaient donc un avantage cognitif dû, en partie, à leurs gènes.
Gregory Clark a pu conclure que la fertilité d’alors était eugénique : la fréquence allélique des traits comportementaux comme l’intelligence et l’industriosité ont augmenté et infusé toute la société par mobilité sociale descendante.
Tout pousse donc à penser qu’il y a eu une évolution bioculturelle qui a permis la révolution industrielle.
Et celle-ci a inversé la tendance. Elle amène avec elle des progrès considérables quant à l’hygiène et l’agriculture. Dans l’Angleterre de 1900, la mortalité infantile passe de 45 à 10%. Dans le même temps, l’on constate que :
- plus les gens sont éduqués, moins ils font d’enfants. Le niveau d’éducation est positivement corrélé à l’intelligence ;
- la contraception est mieux maîtrisée par les femmes les plus éduquées ;
- l’intelligence est négativement corrélée au désir d’avoir des enfants ;
- les femmes célibataires sont incitées par l’État providence à faire des enfants – les femmes célibataires avec des enfants sont tendanciellement les moins intelligentes ;
- le féminisme a poussé les femmes intelligentes à aller à l’université et à avoir des carrières prenantes ;
- les immigrés qui ont une intelligence inférieure à celle des natifs du pays qui les accueille ont un taux de fertilité supérieur à celui desdits natifs.
L’intelligence étant largement génétique, elle n’a donc pu que baisser. L’on rétorque cependant que le QI a augmenté tout au long du XXème siècle ! Il y a eu l’effet Flynn !
L’effet Flynn a camouflé la baisse de l’intelligence
C’est là tout la subtilité du problème. Il s’agit du paradoxe de Cattell. Raymond Cattell est l’un des plus grands psychométriciens du XXème siècle. Il avait bien repéré la corrélation négative qui existait entre fertilité et intelligence, ce qui l’a poussé à publier en 1937 The fight for our national intelligence. Le paradoxe est que ses recherches lui ont permis de constater qu’au lieu de baisser, le QI montait.
Cette hausse du QI a fait l’objet d’une étude systématique dans les années 1980 par James Flynn. Celui-ci a montré que les nouvelles générations ont systématiquement eu de meilleurs résultats sur les tests de QI que les précédentes. Il précise néanmoins une chose, trop souvent occultée quand l’effet Flynn est invoqué : les gains n’ont pas concerné avec la même ampleur toutes les parties des tests de QI. Précisément, les gains sont observables sur les parties des tests les moins héritables, c’est-à-dire ceux qui ne concernent pas ou peu l’intelligence générale.
James Flynn a en effet montré que l’effet Flynn n’était pas une réelle augmentation de l’intelligence. Il est principalement le produit d’une démocratisation de la pensée abstraite. Le psychologue soviétique Alexandre Luria a bien documenté cette pensée pré-effet Flynn chez les paysans du XIXème siècle. Quel est le rapport entre un chien et un lapin ? Ceux-ci répondaient que le chien chassait le lapin, pas que les deux étaient des mammifères. Or, c’est la deuxième réponse qui rapporte le plus de point sur un test de QI, précisément sur le sous-test des similitudes, lequel est l’un des plus touchés par l’effet Flynn. Si je vous dis qu’il n’y a pas de chameaux en Allemagne et qu’Hambourg est une ville allemande, y a-t-il des chameaux à Hambourg ? Ceux-ci ne répondaient pas par la négative, mais disaient n’en savoir rien – « il faudrait que quelqu’un qui soit allé à Hambourg me le dise ; si Hambourg est un petit village, sans doute n’y a-t-il pas de chameaux ».
La capacité à raisonner logiquement avec des objets abstraits est particulièrement bien mesurée par les matrices de Raven, un autre test qui a connu de larges gains avec l’effet Flynn.
Michael Woodley a alors pu émettre l’hypothèse suivante : tandis que l’effet Flynn faisait monter le QI, l’intelligence générale, elle, continuait de baisser. L’effet Flynn aurait camouflé cette baisse séculaire. Depuis 2013, le chercheur s’attache avec brio à prouver l’existence de cette baisse.
Le faisceau d’indices est le suivant :
- Augmentation du temps de réaction visuel et auditif.
- Moins bonne discrimination des couleurs.
- Diminution de l’utilisation du vocabulaire complexe.
- Baisse de la mémoire de travail.
- Dégradation de la perception spatiale.
- Développement piagétien moins poussé.
- Diminution du nombre de génies et de macro-innovations.
- Diminution de la créativité.
- Réduction de la fréquence allélique de l’intelligence générale.
Toutes ces mesures sont des proxies de l’intelligence générale et leur baisse est solidement corrélée dans le temps. Notons bien la dernière ligne car elle est fondamentale, c’est une confirmation par la génétique de l’observation des psychométriciens.
Un génome en miettes
Une autre tendance lourde induite par la révolution industrielle est l’augmentation du nombre de mutations délétères au sein du génome. Chaque nouveau-né porte en lui entre 40 et 100 mutations de novo, i.e. qui n’existaient pas chez ses parents. Elles peuvent être neutres, positives ou négatives. Les sociétés préindustrielles écrèment les individus qui portent trop de mutations délétères, parce que leur génome abîmé, au système immunitaire atrophié, ne permet pas de survivre sans l’absence de la médecine et de l’hygiènes modernes.
84% des gènes concernent le développement ou la maintenance du cerveau. L’accumulation de mutations délétères n’est donc pas qu’un problème pour le système immunitaire, mais aussi pour l’intelligence.
En prenant uniquement en compte les mutations délétères, les estimations les plus hautes pointent une baisse de 0.84 de points de QI par décennie.
10 à 15 points de QI perdus pour les Occidentaux
Si l’on additionne la perte causée par la corrélation négative fertilité-intelligence et celle causée par l’accumulation de mutations délétères, il s’avère que les Occidentaux ont perdu l’équivalent de 10 à 15 points de QI depuis la révolution industrielle. Le professeur d’université du XXIème siècle a l’intelligence de l’instituteur de 1900.
Si l’on fait entrer l’immigration dans l’équation, c’est plus d’1.5 point par décennie qui est perdu. L’Occident a fait le choix d’une immigration de quantité qui accélère le déclin cognitif. Comme l’a montré un article précédent, les différences entre les races et les populations portent largement sur g, c’est-à-dire qu’elle sont génétiques.
Franck Ramus fait comme si de rien n’était. Pourtant, c’est l’avenir de la civilisation qui est en jeu.
« Avec la révolution industrielle, cette sélection de g s’est inversée et nous avons démontré que g a décliné et que le progrès scientifique a ralenti et continue de ralentir. Ainsi devrions-nous être capables de circonscrire historiquement l’émergence et le déclin de l’Occident, comme nous l’avons fait avec Rome et, certes avec moins d’assurance, les civilisations islamique et chinoise. » — At Our Wits’ End
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