Travailleurs maltraités: Koweït ne veut pas "d'escalade" avec
Manille (30.04.2018)
Natacha Polony : «Veuillez cacher cet antisémitisme…» (27.04.2018)
Les européennes de 2019 : vers un affrontement historique (29.04.2018)
En Chine, un incroyable «Big Brother» pour trier les bons et les mauvais
citoyens (19.04.2018)
À Lima, «le mur de la honte» (27.04.2018)
Italie : Di Maio s'ouvre au Parti démocrate (29.04.2018)
Florian Philippot va sortir un livre intitulé Frexit en vue
des européennes (30.04.2018)
La domination grandissante de la Chine en Asie du Sud-Est (30.04.2018)
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iraniens tués (30.04.2018)
Les Lords donnent au Parlement britannique le droit de bloquer le Brexit
en l'absence d'accord (30.04.2018)
Nétanyahou accuse l'Iran d'avoir un programme nucléaire secret
(30.04.2018)
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Identitaires (30.04.2018)
Travailleurs maltraités: Koweït ne veut pas
"d'escalade" avec Manille (30.04.2018)
Par Le Figaro.fr avec AFP - Mis à
jour le 30/04/2018 à 18h51 | Publié le 30/04/2018 à 18h42
Un haut responsable koweïtien a
cherché à calmer le jeu lundi dans la crise qui oppose son pays à Manille
autour du traitement des travailleurs domestiques philippins dans ce riche
émirat du Golfe. "Il y a eu beaucoup de malentendus et d'exagérations des
faits", a déclaré à la presse le ministre adjoint des Affaires étrangères
et de la Coopération internationale, Nasser al-Soubeih. "Nous avions pris
une position ferme (...) mais nous ne voulons pas d'escalade et nous voulons
des contacts pour résoudre le problème", a-t-il dit à propos de la
décision de son pays, prise la semaine dernière, d'expulser l'ambassadeur
philippin à Koweït et de rappeler le sien de Manille.
Le Koweït entendait ainsi
protester contre des opérations attribuées à des agents de l'ambassade
philippine consistant à aider des domestiques à fuir leurs employeurs
koweïtiens soupçonnés de les maltraiter. En réponse, le président philippin
Rodrigo Duterte a interdit de manière définitive dimanche à ses concitoyens de
partir travailler au Koweït. "L'interdiction est permanente. Il n'y aura
plus de recrutement, en particulier de domestiques", a dit M. Duterte.
Environ 262.000 Philippins travaillent au Koweït, dont près de 60% comme
employés de maison, selon le ministère philippin des Affaires étrangères. Au
total, plus de deux millions de Philippins sont employés dans les pays du
Golfe.
En février, M. Duterte avait
interdit provisoirement aux Philippins de partir travailler au Koweït après le
meurtre d'une domestique philippine, Joanna Demafelis, dont le corps avait été
retrouvé dans un congélateur, portant des traces de torture. Le président
philippin a promis dimanche de faire rapatrier les employés de maison victimes
d'abus et appelé ses compatriotes qui travaillent actuellement au Koweït à
rentrer dans l'archipel. "La voie est encore ouverte pour une solution
acceptable pour les deux parties", a déclaré lundi le haut responsable
koweïtien. Il a cependant insisté sur la demande de son pays de se faire
remettre les employés de l'ambassade qui ont été impliqués, selon lui, dans
l'organisation de la fuite de domestiques philippins de chez leurs employeurs
koweïtiens.
L'ambassadeur philippin Renato
Pedro Ovila avait indiqué samedi à l'AFP qu'il allait quitter le Koweït
mercredi matin et affirmé ne pas avoir l'intention d'accéder à la demande des
Koweïtiens d'identifier ceux qui ont aidé des domestiques. Lundi, le
gouvernement koweïtien a affirmé son rejet de toute "agression visant sa
souveraineté et ses lois", mais il a promis dans le même temps que les
"mesures nécessaires" seraient prises, soulignant son
"attachement aux relations entre les deux pays", a rapporté l'agence
officielle Kuna. Le gouvernement koweïtien a décidé de mettre en place une
commission présidée par le ministre des Affaires sociales et du Travail et
composée des ministères de l'Intérieur, des Affaires étrangères, de la Santé et
du Commerce "pour veiller à la coopération avec les Etats amis en vue de
parvenir à des solutions pour faire venir des employés de maison".
Natacha Polony : «Veuillez cacher cet antisémitisme…»
(27.04.2018)
CHRONIQUE - La seule importation
du conflit entre Israël et la Palestine ne suffit pas à raconter ce qui se
passe en France et dans le monde. La gangrène d'un islamisme qui impose partout
une lecture littéraliste du Coran ne peut pas être évacuée si facilement.
«Injuste
et délirant.» Ainsi le recteur de la Grande Mosquée a-t-il
qualifié le manifeste
contre l'antisémitisme signé pourtant par des personnalités aussi
diverses que François Pinault, Dominique Perben ou François Berléand. Tous ces
gens ne seraient-ils que des inconscients incapables de déceler l'intention
perverse cachée dans ce texte? Ou bien seraient-ils eux-mêmes coupables de
nourrir quelque intention malveillante à l'égard d'une religion de paix et de
ses croyants, qu'on voudrait implicitement exclure de la communauté nationale?
Tel est bien le nœud du problème:
à chaque fois que des voix s'élèvent, les plus diverses possible, pour tenter
de sortir du déni, de nommer enfin l'innommable et de poser les bases d'un
rassemblement, de doctes esprits s'emploient à vider le message de sa substance
et à détourner le débat. Michel Wieviorka parle d'un manifeste «partiel et
partial»: un antisémitisme «connu depuis un bon quart de siècle» et «déjà
dénoncé d'abondance». Circulez, il n'y a rien à voir, ni surtout à dire.
Puisqu'on en a déjà parlé, n'est-ce pas, on ne va pas y revenir… D'autant qu'à
nommer cet antisémitisme islamiste, on en oublierait l'antisémitisme
traditionnel européen… Comprenez, le véritable danger en France, c'est la republication
de Céline et Maurras. Mohamed Merah avait trop lu Rebatet.
On peut ne pas juger
indispensable la publication des pamphlets antisémites de Céline et, pour
autant, voir dans les arguments de Michel Wieviorka une brillante façon de
noyer le poisson. La même dont use Emmanuel Macron, qui, depuis les États-Unis,
a déclaré qu'«il y a deux racines de ce nouvel antisémitisme. La première est
liée à l'importation du conflit entre Israël et la Palestine (…). La deuxième
racine est une sorte d'ancien antisémitisme français, qui existait au début du
siècle et qui reprend de l'ampleur».
Cette chronique alerte depuis des
années contre la résurgence de l'antisémitisme, contre les «mort aux Juifs!»
entendus dans les rues de Paris et contre la jonction, réalisée lors de la
manifestation «Jour de colère» le 26 janvier 2014, entre un antisémitisme
d'extrême droite, version soralienne, et un antisémitisme d'extrême gauche,
camouflée derrière l'antisionisme. Mais la réponse présidentielle est un peu
courte. Ou plutôt, elle cherche délibérément à construire un balancement qui
n'existe pas en France pour mieux escamoter le débat lancé par le Manifeste de
Philippe Val.
Et l'on aimerait entendre des
voix s'élever contre la politique insupportable, mais aussi suicidaire, de la
droite israélienne, qui grignote les Territoires palestiniens
On ne peut, bien sûr, négliger le
fait que le conflit israélo-palestinien constitue dans le monde un abcès de
fixation. Et l'on aimerait entendre des voix s'élever contre la politique
insupportable, mais aussi suicidaire, de la droite israélienne, qui
grignote les Territoires palestiniens jusqu'à rendre impossible
désormais une solution à deux États. Suicidaire, car Israël, avec des citoyens
de seconde zone, ne serait plus l'État démocratique de ses origines. Il fut un
temps, au début des années 2000, où des intellectuels français faisaient vivre
sur ce sujet un indispensable débat. Leur silence laisse croire à une unanimité
qui nourrit le ressentiment et repousse l'antisionisme dans les franges de
l'antisémitisme.
Pour autant, la seule
«importation du conflit entre Israël et la Palestine» ne suffit pas à raconter
ce qui se passe en France et dans le monde. La gangrène d'un islamisme qui
impose partout une lecture littéraliste du Coran - et c'est bien la lettre du
Coran, n'en déplaise à Dalil Boubakeur, mais aussi la Sîra et les hadiths,
toute la tradition autour de la vie de Mahomet, qui servent de prétexte aux
islamistes - ne peut pas être évacuée si facilement. Moins encore quand l'État
qui porte cette vision et finance ses sectateurs, l'Arabie saoudite, noue une
alliance dangereuse avec les États-Unis et Israël, et veut entraîner la France
dans la dénonciation de l'accord nucléaire avec l'Iran. Mais ce qui se joue
dans nos banlieues, et dans la tête de ceux qui basculent dans le délire
antisémite, qu'il s'agisse d'assassiner
une vieille dame ou de massacrer des enfants de 3 ans devant
leur école, n'est qu'en partie déterminé par ces facteurs.
Le ressentiment, la frustration
qui voient se coaguler antisémitisme et haine de la France germent dans des
esprits culturellement en jachère, livrés à cet obscurantisme contre lequel se
sont élevées les Lumières. Le Manifeste contre l'antisémitisme ne prétend
nullement, comme s'en émeuvent 30 imams qui ont réagi dans Le Monde ,
que seul un musulman qui s'éloignerait de sa religion pourrait être pacifiste.
En revanche, il appartient à l'école - et, dans l'idéal, aux représentants des
religions - d'enseigner la différence entre l'ordre des croyances et celui des
savoirs. De quoi permettre à un jeune musulman de ne pas considérer comme une
vérité le caractère incréé du Coran, et donc d'entrer dans une forme de
distance qui articule l'identité du citoyen et celle du croyant. Les imams
français n'ont visiblement pas encore envie d'affronter ces difficultés. L'école
non plus, quand le président lui-même y prône «la bienveillance et l'ouverture»
plutôt que le savoir et l'exigence. Les intellectuels encore moins, dont la
grande angoisse est de passer pour islamophobes. Continuons donc de débattre de
la réédition de Céline ou de l'antisémitisme en Hongrie, jusqu'au prochain
drame.
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Les européennes de 2019 : vers un affrontement historique
(29.04.2018)
Par Leading
European Newspaper Alliance LENA
Mis à jour le 29/04/2018 à 19h55 | Publié le 29/04/2018 à 19h53
Mis à jour le 29/04/2018 à 19h55 | Publié le 29/04/2018 à 19h53
ANALYSE - Selon Alberto
D'Argenio, journaliste à La Repubblica, partenaire du Figaro au
sein de l'alliance Lena, le Parlement européen pourrait bien se retrouver
l'année prochaine avec une majorité eurosceptique, populiste, guidée par
l'extrême droite.
L'Union européenne comptera au
moins 31 membres en 2025 - si elle existe encore cette année-là.
Serbie et Monténégro sont déjà en train de négocier leur adhésion à l'Union
européenne. Albanie et Macédoine pourraient bien les imiter rapidement, la représentante
de la diplomatie européenne Federica Mogherini venant de recommander aux
gouvernements d'ouvrir les négociations d'ici au mois de juin. À l'avenir, ça
pourrait également être au tour du Kosovo et de la Bosnie.
Même si certaines capitales
préféreraient ralentir ce processus, au fond, personne en Europe n'est opposé à
l'intégration des Balkans. Le souvenir de la guerre qui a dévasté la région
après l'explosion de la Yougoslavie est encore trop frais. Les tensions qui
divisent encore la zone sont trop palpables. Pourtant, la semaine dernière,
Emmanuel Macron a déclaré face au Parlement européen: non aux nouvelles
adhésions tant
que l'Union européenne n'aura pas été réformée.
» LIRE AUSSI - Réformer
l'Europe: le rêve évanoui d'Emmanuel Macron?
Personne ne peut accuser le
président français d'anti-européanisme. Nul ne peut penser qu'il préférerait
laisser les Balkans à la merci de leurs pulsions historiques plutôt que de les
intégrer à l'Europe. Son propos est différent et d'une actualité criante.
Aujourd'hui, l'Union est déjà ingouvernable à 28 membres. Et ce n'est pas
à cause de la bureaucratie de Bruxelles - dont les politiques publiques,
qui ont leurs qualités et leurs défauts, visent à améliorer la vie des citoyens -
mais bien à cause des gouvernements, désormais divisés sur deux plans. Voilà
des années que l'Europe du Nord et celle du Sud se disputent sans parvenir à se
mettre d'accord sur la réforme essentielle du perfectionnement de l'euro. Quant
à l'Europe de l'Ouest et celle de l'Est, elles sont opposées sur les questions
des migrants et de la relance de l'intégration européenne. L'inertie de l'Union
est due à ces scissions, qui entraînent un immobilisme favorisant l'avancée des
populismes nés sur le continent. En toile de fond se joue une bataille encore
plus profonde autour de la raison sociale de l'Europe du futur:
continuera-t-elle de s'accrocher aux démocraties libérales? Se pliera-t-elle
aux autocraties illibérales déjà visibles dans certains pays comme
la Hongrie de Viktor Orban?
La bataille décisive de cet
affrontement historique se jouera lors des élections
européennes de mai 2019. L'année prochaine, les partis associés à
la famille socialiste étant en chute libre, le Parlement européen pourrait bien
se retrouver avec une majorité eurosceptique, populiste, guidée par l'extrême
droite.
Macron a raison : avant
d'agrandir l'Union, il faut la réformer. Tout au moins en retirant le droit de
veto aux gouvernements pour augmenter les décisions à la majorité qualifiée.
Dans la négative, l'Europe deviendra encore plus ingouvernable.
Pour éviter un tel scénario et
pour jouer un rôle positif dans le débat sur les missions de l'Union, Macron
travaille à la construction de son propre parti européen, «Europe en marche».
Fusionnant avec les libéraux, marchant sur les plates-bandes du Parti populaire
européen (rassemblement des partis européens de la droite classique, NDLR), et
des socialistes et s'alliant avec de nouvelles forces comme Ciudadanos,
il a l'ambition d'arriver deuxième
aux élections européennes derrière la droite classique, afin d'empiéter
sur l'espace dont disposent les eurosceptiques.
Macron est le seul leader qui
souhaite encore réformer l'Europe et parle sincèrement de lui donner une
nouvelle respectabilité aux yeux des citoyens. Ce projet recevable se heurte
aux réticences de ses collègues, Angela Merkel comprise, et à la faiblesse
politique de ses alliés naturels dans cette croisade, l'Italie et l'Espagne.
Macron a raison: avant d'agrandir
l'Union, il faut la réformer. Tout au moins en retirant le droit de veto aux
gouvernements (dans les cas où ils en disposent actuellement, NDLR) pour
augmenter les décisions à la majorité qualifiée. Dans la négative, l'Europe
deviendra encore plus ingouvernable. Avant même d'envisager un élargissement
vers les Balkans, qui n'aura pas lieu avant au moins sept ou huit ans, il
faudra concrétiser cette réforme, ainsi que, avant 2019, celles de l'euro et
des politiques migratoires.
Tous l'affirment, mais à part
Macron, personne n'a le courage d'y croire vraiment, privilégiant les batailles
politiques à court terme à une vision de l'avenir. La classe dirigeante
européenne actuelle devrait en venir aux faits si elle ne veut pas être balayée
de la carte politique du continent et risquer de disparaître de l'Union
européenne.
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En Chine, un incroyable «Big Brother» pour trier les bons et
les mauvais citoyens (19.04.2018)
ENQUÊTE - Le Parti communiste
chinois, qui s'immisce déjà dans le quotidien des citoyens, met au point un
dispositif pour récompenser les «bons» sujets et punir les «mauvais», en
collectant des données dans tous les domaines de leur vie. Fondé sur les
nouvelles technologies, «le système de crédit social» doit être opérationnel en
2020.
De notre correspondant à Pékin
Liu Hu, un journaliste
d'investigation, s'était spécialisé dans les enquêtes sensibles: il dénonçait
la corruption de hauts responsables du régime. Arrêté en 2013 pour «fabrication
et diffusion de rumeurs», il est condamné fin 2016 pour «diffamation» dans une
autre affaire. La cour exige qu'il présente publiquement ses excuses, à ses
frais. Mais c'est au printemps 2017 que sa vie bascule. Alors qu'il essaye de
réserver un billet d'avion sur Internet, un message apparaît: il n'est pas
autorisé à effectuer cet achat. «Je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait», se
souvient cet homme de 43 ans. En fait, sans que personne ne l'avertisse, il
avait été placé sur une «liste noire» liée à son numéro de carte d'identité.
Liu Hu n'a pas non plus le droit
de prendre des trains à grande vitesse, de solliciter un prêt bancaire ou
d'acquérir un appartement. Lorsqu'il s'en est rendu compte, il a appelé le
juge: la somme demandée n'était pas arrivée, le compte indiqué n'étant pas
valide. Liu Hu a de nouveau effectué un transfert, mais la cour lui demande
désormais un montant bien supérieur. Une exigence infondée, estime le
journaliste, qui n'a aucune idée du temps que durera sa mise à l'index.
«Le système envisagé est un
outil efficace pour gouverner la société, mais aussi pour reconstruire les
valeurs morales»
Lin Junyue, chercheur à
l'Association chinoise de développement du marché
Plusieurs dispositifs de ce genre
sont testés dans tout le pays depuis quelques années. Ils préfigurent le vaste
«système de crédit social» que la Chine est en train de développer. Cet
outil, dont une première mouture doit être lancée à partir de 2020, a
pour ambition de répartir dans une sorte de fichier la population en bons et
mauvais citoyens, en fonction de données informatiques glanées dans tous les
domaines. Il est présenté par Pékin comme un moyen de renforcer le respect des
règles et la stabilité sociale. Mais ses détracteurs y voient l'avènement d'une
dystopie orwellienne: l'instauration d'un Big Brother, visant à permettre au
régime autoritaire de contrôler la moindre parcelle de la vie privée des
Chinois.
«Des punitions nécessaires»
Le périmètre de ce dispositif n'a
cessé de croître, depuis les premiers travaux de réflexion, lancés à la fin des
années 1990. Au départ, le but était classiquement de vérifier la solvabilité
des emprunteurs. Mais le concept a ensuite été étendu à tous les aspects de la
société. Ses contours sont en cours d'élaboration, mais les informations
fournies par les tribunaux, la police, le fisc, les sites de commerce électronique
ou les réseaux sociaux devraient être collectées, si l'on se fie aux
expérimentations actuelles et aux experts. L'objectif est «de s'assurer que les
personnes dignes de confiance seront récompensées dans tous les domaines ; et
que celles qui brisent la confiance rencontreront des difficultés à chaque
étape» de leur existence, résume un document gouvernemental publié en 2014. Les
individus défaillants seraient, par exemple, pénalisés dans la recherche d'un
emploi ou d'un établissement scolaire ; et leur entourage pourrait même être
touché, selon certains spécialistes.
«Le système envisagé est un outil
efficace pour gouverner la société, mais aussi pour reconstruire les valeurs
morales», se félicite Lin Junyue, chercheur à l'Association chinoise de développement
du marché, et considéré comme le «père» du dispositif. Il estime que «des
punitions sont nécessaires» pour lutter contre les problèmes sociaux qui
secouent la Chine, comme les scandales de sécurité alimentaire ou les sites de
microcrédits en ligne recourant à des méthodes de mafieux. Quand le projet sera
achevé, «tous les individus seront notés», de même que les entreprises et les
établissements publics, avance Lin Junyue. Certains chercheurs pensent
cependant qu'une telle entreprise sera compliquée à mettre en œuvre
techniquement pour près de 1,4 milliard d'habitants. Et peut-être aussi à
faire accepter politiquement. Le mécanisme pourrait donc reposer au départ sur
des listes noires.
«Une personne peut être
accusée de violer la loi sur la cybersécurité si elle exprime en ligne des
idées qui vont contre les intérêts du Parti»
Samantha Hoffman, chercheuse au
Mercator Institute for China Studies
Pour l'heure, les punitions
infligées dans les dispositifs pilotes portent souvent sur des restrictions
dans les transports. La Cour suprême chinoise a précisé qu'environ
10 millions de personnes, qui n'avaient pas payé leur dette ou exécuté une
décision de justice, se sont vu interdire l'accès aux avions ou aux trains
rapides, entre 2013 et début mars 2018. L'institution estime que ces
représailles ont contraint des millions de personnes à obtempérer, alors que le
gouvernement, faute de lois et d'institutions efficaces, peine généralement à
traquer les impayés. Mais le régime s'apprête à franchir une étape supplémentaire
à partir du 1er mai. En plus des mauvais payeurs, seront également bannis des
airs et de certains chemins de fer des personnes ayant propagé de fausses
informations sur le terrorisme, utilisé des billets périmés, fumé dans un
wagon, ou encore omis de s'acquitter de leur assurance sociale.
Ce n'est qu'un début. Le Parti
communiste chinois (PCC) s'immisce déjà dans la vie quotidienne des citoyens
depuis des décennies, «mais les nouvelles technologies lui permettent de rendre
ses méthodes plus efficaces», explique Samantha Hoffman, chercheuse au Mercator
Institute for China Studies. Tel qu'il est imaginé, le système «accroîtrait la
capacité du Parti à façonner le comportement des individus», poursuit cette
experte. Le principe est d'agir de façon préventive, «afin d'éviter l'émergence
de tout problème susceptible de menacer le régime», ajoute-t-elle.
«La création d'immenses bases
de données constitue une violation du droit à la vie privée»
Maya Wang, chercheuse pour Human Rights Watch
(HRW)
«C'est effrayant, car cela va
faire de la Chine un État policier», s'inquiète l'historien indépendant Zhang
Lifan, qui craint que ce chantier ne serve à faire encore davantage pression
sur ceux qui dérangent le gouvernement. Outre le fait que «la création d'immenses
bases de données constitue une violation du droit à la vie privée», Maya Wang,
chercheuse pour Human Rights Watch (HRW), dénonce aussi des critères «très
arbitraires» pour placer les gens sur une liste noire. Le fait que le système
collectera aussi des données juridiques ne rassure pas non plus certains
observateurs, la frontière entre ce qui est politique et ne l'est pas étant
floue. «Une personne peut ainsi être accusée de violer la loi sur la
cybersécurité si elle exprime en ligne des idées qui vont contre les intérêts
du Parti», fait observer Samantha Hoffman.
Dans un scénario à la 1984,
les autorités chinoises, qui ont déjà installé plus de 170 millions de
caméras de surveillance sur le territoire, chercheront
en toute logique à intégrer la reconnaissance faciale dans le projet,
prévoient les spécialistes. Il deviendra alors encore plus facile de bloquer un
individu, grâce à cette technologie très prisée par le régime. Le système
Skynet de caméras, installé dans 16 municipalités et provinces chinoises,
aurait ainsi permis d'identifier en deux ans plus de 2000 personnes
recherchées, selon la presse d'État. Tout récemment, un fugitif a même été
repéré - à sa plus grande stupéfaction - dans une foule de 60.000 personnes
assistant à un concert de musique pop dans la ville de Nanchang. Et les médias
chinois ont montré en février des policiers en train de scanner la foule avec
des lunettes équipées de systèmes de reconnaissance faciale, dans la ville de
Zhengzhou.
Prédire des futurs crimes
C'est au Xinjiang, aux confins de
l'Asie centrale, que
cette logique ultrasécuritaire est poussée à son paroxysme. Dans cette
région troublée par des violences ces dernières années, les autorités utilisent
un algorithme pour prédire des crimes futurs et mettre de façon préventive les
personnes suspectes dans des centres de rééducation politique extrajudiciaire,
affirme HRW. Le monde imaginé par Philip K. Dick et adapté par Steven Spielberg
dans Minority Report, où la police intercepte les criminels avant
qu'ils n'agissent, serait donc en train de devenir une réalité. Selon
l'association, le gouvernement, qui s'inquiète de liens éventuels entre
«séparatistes» et djihadistes, puise pour cela dans un vaste ensemble de
données: images tournées par des caméras de vidéosurveillance, mouvements
bancaires, dossiers juridiques, ou encore informations glanées dans les
smartphones et les ordinateurs. Les autorités sanitaires, ajoute HRW, ont par
ailleurs commencé à recueillir l'ADN de la population locale, largement peuplée
d'Ouïgours, une ethnie de religion musulmane, dans le cadre d'un programme de
santé gouvernemental.
De nombreuses incertitudes
planent encore sur le système de crédit social. Lin Junyue, son fondateur,
pense qu'il ne comprendra que des fonctions de base en 2020, et qu'il «faudra
au moins dix ans de plus pour le terminer». Mais l'unification des différents
systèmes existants pourrait prendre beaucoup plus de temps. Le gouvernement va
en outre être confronté à d'épineuses questions juridiques, notamment sur la
protection des données.
«Comme le projet vise les
mauvais comportements, beaucoup de gens pensent qu'ils ne seront pas concernés»
Li Ming, consultant à l'Institut
de recherche sur le big data de Pékin
L'idée de ce «flicage
informatique» n'est pas apparue par hasard en Chine. Elle revient en effet à
numériser et à perfectionner le dang'an: ce dossier physique détenu par
l'administration compile toutes sortes d'informations sur les citoyens depuis
leur plus jeune âge (commentaires des enseignants, rapport des employeurs…).
Sous le règne de Mao Tsé-toung, le Parti le consultait pour l'attribution des
emplois ou même autoriser les mariages. Mais avec le développement de la
mobilité interne, il a montré ses limites, et la plupart des sociétés privées
ne l'exigent plus.
Pour l'heure, le projet en cours
a suscité peu de réactions en Chine. «Comme il vise les mauvais comportements,
beaucoup de gens pensent qu'ils ne seront pas concernés», observe Li Ming,
consultant à l'Institut de recherche sur le big data de Pékin. Mais dans un
pays où même les images de Winnie l'Ourson sont censurées sur Internet -
certains internautes les utilisant pour évoquer le président chinois Xi Jinping
- les Chinois pourraient déchanter si leur espace de liberté recule encore.
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À Lima, «le mur de la honte» (27.04.2018)
REPORTAGE - Sur les hauteurs de
la capitale péruvienne, ce mur sépare le quartier riche, Las Casuarinas, de
Pamplona Alta : l'un des plus grands bidonvilles du pays. Plus que d'une
simple ségrégation sociale, ce rempart est le stigmate d'un État défaillant et
corrompu.
À nos pieds serpente, sur l'arête
d'une montagne qui surplombe la ville de Lima, un mur. Haut de près de
3 mètres, épais de 50 centimètres, surmonté par endroits de barbelés
auxquels s'accrochent des sacs plastique portés par le vent, il sépare deux
versants. À gauche, Pamplona Alta, l'un des plus grands bidonvilles du Pérou,
et l'un des quartiers les plus pauvres de la capitale. À droite, Las
Casuarinas, une communauté fermée, gardée par une société privée - petit faubourg
abritant quelques-unes des plus riches familles du pays.
«Ce mur, il nous dit ce que
l'on ne peut pas être. Il nous dit ce que l'on ne sera jamais»
Un habitant de Pamplona Alta
D'un côté du mur, plus de
400.000 âmes grouillent dans un gigantesque et chaotique entrelacs de
petites bicoques de tôle, de brique et de bois, érigées sur une terre
désertique et poussiéreuse s'étendant à perte d'horizon. De l'autre, 600
familles se répartissent dans de sublimes villas dont les piscines sont
encerclées de gazon vert émeraude fraîchement tondu. Au second plan de ce
spectacle ahurissant, devant lequel viennent pâlir les plus sinistres
prédictions dystopiques d'Aldous Huxley ou de George Orwell, Lima s'allonge au
bord de l'océan - monstrueuse fourmilière de près de 10 millions
d'habitants, au bord de mer englouti par l'épais et habituel brouillard
hivernal mélangé aux nuages de pollution. «Si le mur tombait, on ne serait pas
plus riches. Ce mur, il nous dit ce que l'on ne peut pas être. Il nous dit ce
que l'on ne sera jamais.» Ce témoignage fataliste d'un habitant de Pamplona
Alta n'avait jamais vraiment quitté nos esprits. Ce n'est qu'une fois en haut
de cette montagne que nous en avons pris la mesure.
Dans les rues de Miraflores et de
San Isidro, ou des autres quartiers aisés et touristiques de la capitale que
nous distinguons au loin depuis notre promontoire, le mur n'évoque
rien, sinon pas grand-chose. «El muro de la vergüenza», comme l'ont
baptisé les habitants et les médias locaux - littéralement «Le mur de la honte»
-, ne jouit pas d'une grande notoriété et ne choque pas outre mesure ceux qui
découvrent son existence. S'il sillonne aujourd'hui les montagnes sur plus
d'une quinzaine de kilomètres, s'interrompant lorsque la géographie suffit à
créer une barrière naturelle, le premier pan aurait été construit en 1971 par
un collège privé jésuite, le Colegio de la Inmaculada. Mais la date
«officielle» de construction la plus fréquemment évoquée reste 1985.
Se protéger des invasions
Situé juste à côté de la mythique
autoroute Transaméricaine, qui relie l'ensemble des Amériques du nord au sud,
l'établissement se niche au pied des montagnes, entre Las Casuarinas et
Pamplona Alta. Le mur aurait été construit pour protéger le collège des
invasions. Invasion de quoi, par qui? Des terres en périphéries des grandes
villes par les populations indigènes venues des Andes: un exode rural qui a
débuté dès le milieu du XXe siècle.
Alexis Machaca, 28 ans, vit à
Pamplona, et travaille dans la ville de Lima. Il aurait aimé devenir ingénieur,
mais son maigre salaire, gagné sur les chantiers, ne lui permet pas
d'économiser pour payer des études. - Crédits photo : Gael Turine / MAPS
À Pamplona Alta, la plupart des
habitants sont issus de l'une des nombreuses tribus recensées par le gouvernement
péruvien (plus d'une soixantaine), et, pour la grande majorité, de celle
des Quechuas.
Certains sont arrivés dans le bidonville il y a plus de trente ans et n'ont
jamais réussi à le quitter par manque de moyens. Avec 850 soles de salaire
mensuel (un peu moins de 250 euros), et une fois l'électricité et l'eau
payées, difficile d'économiser de quoi s'offrir un avenir meilleur: Lima est la
deuxième plus grande ville du globe située au milieu d'un désert après
Le Caire. Les réservoirs d'eau de 1000 litres dans lesquels chaque
foyer stocke ses réserves peuvent coûter 400 soles l'unité, sachant qu'il faut
dépenser plus de 60 soles pour le remplir chaque mois.
» LIRE AUSSI - Pérou:
les Incas revendiquent un rôle public
D'autres ont choisi de venir
habiter ici pour pouvoir se permettre d'envoyer leurs enfants dans de bons
établissements. Enfin, quelques-uns préfèrent repartir dans les campagnes
plutôt que de rester au pied du mur de la honte. Pamplona Alta recouvre quatre
collines alignées comme des vagues de roches et de terres arides. Les
habitations ont été progressivement érigées en terrasses, creusées au fur et à
mesure à coups de marteau-piqueur dans la falaise. Sur les versants les plus
anciens - et les plus près du mur -, chaque parcelle a été exploitée et les
cases vont jusqu'à s'adosser au rempart.
Un urbanisme dérégulé
On se déplace à Pamplona Alta en
empruntant des escaliers abrupts sous un soleil plombant, ou par des chemins de
fortune zigzaguant entre les maisons, jonchés de bouteilles d'Inca Kola ou
autres sodas. En journée, la semaine, le bidonville est presque vide. Tous ou
presque partent travailler en ville. Seules certaines femmes restent pour
surveiller les enfants les plus jeunes et garder le peu de biens que la famille
possède. Cruelle ironie, beaucoup ont un emploi dans les quartiers riches de
l'autre côté du mur: à Las Casuarinas, mais aussi à La Molina, La Rinconada ou
La Planicie. À vol d'oiseau, les quartiers en question ne sont qu'à quelques
centaines de mètres. Mais pour se rendre au travail, pas question d'enjamber le
mur.
Ceux qui se rendent à Las
Casuarinas sont contraints de faire le tour (30 à 60 minutes de trajet selon la
circulation), et de passer un poste de contrôle. La zone est entièrement fermée
et dispose d'un service de sécurité privé, financé par les habitants des beaux
quartiers, et qui patrouille et surveille 24 heures sur 24 les rues et la
zone tampon qui sépare les plus hautes villas du mur de protection. Pour les
autres, La Molina, La Rinconada et La Planicie ont installé des checkpoints à
certains endroits du rempart, avec tour de contrôle et garde muni d'une radio,
veillant à ce que personne de suspect, comme des groupes de squatteurs, ne
puisse traverser. «Au mieux, ce mur est une honte, au pire, c'est une insulte»,
témoigne une religieuse travaillant dans une des missions des Sœurs
comboniennes au cœur de Pamplona Alta.
Un éleveur de porcs de Pamplona
Alta prépare le repas de son élevage clandestin. La police corrompue ferme les
yeux sur ces nombreuses fermes aux conditions sanitaires terribles. -
Crédits photo : Gael Turine / MAPS
18 heures. Le soleil brûlant
commence à se coucher sur l'horizon de l'océan lorsque nous la voyons arriver
au loin, au bas d'une des montagnes noires sur lesquelles ondule le mur.
Grimpant une route goudronnée de La Molina, elle porte sur ses épaules un large
et lourd sac blanc, sa fille trottinant à ses côtés. Elle nous apprend qu'elle
est la femme de ménage d'une famille vivant de ce côté-ci du mur. Chaque matin,
et chaque soir, elle doit grimper les escaliers à pic de Pamplona Alta et des
chemins rocailleux de l'autre versant pour aller travailler. Dans son sac: son
linge et celui de sa famille que ses employeurs l'autorisent à laver dans leur
machine.
Le mur cache le vrai problème
Un récit de vie de Pamplona Alta
parmi tant d'autres, et qui n'illustre que trop bien les profondes inégalités
existant entre les deux quartiers voisins. Les mêmes inégalités sclérosent la
société péruvienne. «La brutalité symbolique du mur ne fait que dissimuler le
vrai problème, analyse Monica Taurel, une interprète habitant avec son mari
dans un appartement de Las Casuarinas depuis le début des années 2000. C'est
évidemment tentant de résumer la situation aux méchants riches qui excluent les
gentils pauvres. Mais ça n'a rien à voir avec l'exclusion - c'est de la
protection.»
«Ce mur existe pour une seule
raison : l'échec de l'État péruvien et de ses gouvernements successifs à
structurer la société»
Monica Taurel, une interprète de Las
Casuarinas
De son balcon, Monica peut
apercevoir le mur. Très au fait des polémiques qu'il a pu susciter au fil des
années, elle refuse catégoriquement les procès à la hâte qui sont faits aux
habitants de Las Casuarinas. «C'est trop simple de l'appeler “le mur de la
honte”. Vous voulez parler de honte? Que l'on explique plutôt pourquoi les
habitants de Pamplona Alta payent leur eau potable quatre fois plus cher que
moi. Que l'on explique aussi pourquoi les services publics y sont défaillants,
voire inexistants. Que l'on explique pourquoi les écoles manquent de matériel
et de professeurs - que l'on parle plutôt des rackets qui sont orchestrés
là-bas. Ce mur existe pour une seule raison: l'échec de l'État péruvien et de
ses gouvernements successifs à structurer la société. Les gens ne s'en rendent
pas forcément compte: en Europe, on ne parle de l'Amérique du Sud qu'à travers
la violence spectaculaire de pays comme la
Colombie, le
Brésil ou le
Honduras. Mais le Pérou n'est pas un État de droit non plus.»
Protéger les biens et les
terres
Gangrené par une kyrielle d'affaires
de corruption, dont la dernière en date, l'affaire
Odebrecht, a éclaboussé l'ensemble de la classe politique (dont quatre
des derniers présidents de la République), le Pérou est, de surcroît, en proie
à un important trafic de terres. Les invasions et les squats illégaux sont
légion dans le pays. Cette situation catastrophique résulte d'un gouffre
judiciaire, vestige de l'idéologie communiste qui avait infusé dans le
continent sud-américain. Autre cause du problème: les réformes agraires mises
en place par le général Alvarado, proche du régime cubain, après son coup
d'État de 1968. Et Pamplona Alta ne fait pas exception à la règle.
«Le mur protège la valeur des
terres et des biens des gens de Las Casuarinas qui paient leurs impôts!
poursuit Monica Taurel. Comme seulement 13 % de la population péruvienne.
Vous n'avez pas idée de l'économie parallèle qui existe dans les quartiers
pauvres de Lima ; des sommes colossales sont en jeu. Et du coup, les
bidonvilles sont le terreau de la criminalité. Ai-je envie de ce mur? Oui.
Ai-je besoin de ce mur? Certainement. Est-ce une honte pour moi d'avoir besoin de
ce mur? Absolument.»
Une fille mange un fruit, adossée
à sa maison, à Pamplona Alta. - Crédits photo : Gael Turine / MAPS
L'importance de l'économie
parallèle en Amérique latine n'est plus à démontrer: on estime que
de 50 à 75 % des travailleurs de ces pays exercent leurs activités hors du
cadre légal. Dès 1983, dans un article du Washington Post, l'économiste
péruvien Hernando
de Soto évaluait que la «shadow economy» des bidonvilles
produisait l'équivalent de 11 milliards de dollars en biens et
services - à l'époque, Lima ne comptait que 5 millions d'habitants
contre 10 aujourd'hui, et le mur n'avait pas encore été érigé. De Soto, qui a
connu l'époque où le Pérou luttait contre le groupe terroriste marxiste du
Sentier lumineux, n'a pas changé d'avis sur la situation de la population
pauvre et majoritairement indigène, comme celle que l'on trouve à Pamplona
Alta.
«Ils ont des maisons, mais pas de
titres de propriétés, expliquait-il lors d'un discours il y a quelques
semaines. Des plantations, mais pas de terres ; des entreprises, mais pas
de statuts de constitution de société.» À Lima, comme partout ailleurs,
l'illégalité se confond dans l'extralégalité: pour survivre, des citoyens, devant
l'incapacité de leur gouvernement et de leur État à fournir un cadre légal
(pour une entreprise, une propriété, un état civil même), contournent comme ils
peuvent un système inerte et vicié. À cela s'ajoute une criminalité, certes en
baisse par rapport aux autres pays d'Amérique du Sud, mais toujours rampante
- surtout concernant les cambriolages et les braquages.
» LIRE AUSSI - Le
pape à Lima, «ce n'est pas le Pérou»!
Augusta Ludowieg vit à Las
Casuarinas avec ses enfants, sa belle-famille et ses petits-enfants. Plusieurs
fois par mois, elle se rend dans une paroisse située de l'autre côté du mur, à
Pamplona Alta, qui apporte de l'aide aux jeunes mères et leurs enfants. Comme
toutes les autres familles de Las Casuarinas, Augusta a dû participer au
financement du mur - 3000 soles (environ 750 euros), selon elle. Tous ses
proches affirment être contre le mur et ce qu'il représente. «Les habitants de
Las Casuarinas n'étaient pas forcément unanimes lors de la construction du mur,
raconte Augusta. Mais c'est un conseil de sept personnes résidentes et élues
qui prennent les décisions pour l'organisation du quartier. Alors, le mur a été
construit. Et le gouvernement n'a rien fait pour l'empêcher.» Ils admettent,
cependant, qu'il leur procure une sécurité bienvenue.
«Nous possédions une maison sur
une plage, dans le sud du pays, raconte Gian Ludowieg, le petit-fils d'Augusta.
Mais elle a été envahie par des squatteurs, et nous l'avons perdue. Alors oui,
le mur est peut-être nécessaire.» Et de poursuivre, de concert avec son père et
sa grand-mère: «Ce mur n'est pas le seul, vous savez. À Lima, tout le monde vit
derrière un mur.»
Cette famille de Las Casuarinas
est l'une des rares à entreneir des rapports avec des personnes vivant de
l'autre côté du mur, à Pamplona Alta. - Crédits photo : Gael Turine / MAPS
À Lima, au Pérou, et plus
largement, en Amérique latine, l'urbanisation brutale, le manque de projets
d'aménagements urbains, l'absence de cadastre ou de titres de propriété et la
forte criminalité ont créé un besoin de protection chez les habitants
- chez les pauvres comme chez les riches. Le «mur de la honte» n'est que
le syndrome le plus patent d'une maladie profonde et complexe, le fragment
émergé d'une muraille encore plus haute: celle que les individus dressent entre
eux lorsque les États et les gouvernements échouent à créer un modèle social
viable et à installer une primauté du droit. Car dans le bas de Pamplona Alta,
et dans les quartiers pauvres de la ville, des murs et des barrières encerclent
aussi certaines maisons.
» LIRE AUSSI - Déforestation:
anatomie d'un désastre annoncé
La «honte» de Las Casuarinas ne
réside finalement que dans sa proximité géographique avec Pamplona Alta. Le mur
s'étend sur plus de dix kilomètres, mais la partie «protégeant» Las Casuarinas
en mesure moins de deux. Les autres zones résidentielles luxueuses de La
Planicie et La Rinconada, où l'on trouve des lacs artificiels avec, en leur
centre, des villas comme sorties de Beverly Hills, sont elles aussi abritées
derrière le mur. Mais le contraste est moins évident, moins scandaleux. «El
muro de la vergüenza» porte bien son nom ; mais encore faudrait-il
déterminer à qui incombe cette honte. Aux habitants de Las Casuarinas? À ceux
de Pamplona Alta? Ou bien à un État qui, faute de mieux, laisse le mur se
soustraire à son autorité et à ses devoirs, camouflant son échec et sa
défaillance.
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Italie : Di Maio s'ouvre au Parti démocrate (29.04.2018)
Le chef du Mouvement 5 étoiles
est prêt à passer un accord de gouvernement avec le centre gauche.
Deux mois après les élections,
c'est au tour du Parti démocrate d'entrer en scène. Luigi
Di Maio, le leader du Mouvement 5 étoiles (M5S), renonce
unilatéralement à l'alliance avec la
Ligue de Matteo Salvini pour tendre la main à la formation de
Matteo Renzi. «Nous avons de nombreux points en commun. Définissons ensemble
objectifs et échéances pour rédiger un contrat de gouvernement», écrivait-il
dimanche.
Mercredi, la direction du Parti
démocrate se réunira pour donner sa réponse. La perspective d'une alliance
paraît extrêmement compliquée, à première vue même impossible. Le M5S (parti
antisystème fondé en 2009 par Beppe Grillo) n'a cessé de combattre les réformes
de Matteo Renzi, à commencer par celles de l'école et du Code du travail. Il a
largement contribué à l'échec
du référendum constitutionnel du 4 décembre 2016. Multipliant
insultes, bagarres au Parlement et manifestations de rue. Pour Renzi, «pas
question de faire un gouvernement avec eux. Notre base ne veut pas d'accord».
Une majorité de ses troupes parlementaires (70 députés sur 105 et 35 sénateurs
sur 52) le suit. Et du côté du M5S, seulement 13 % de la base, selon le
dernier sondage Ipsos, souhaite une alliance avec le PD, alors que 32 % se
montrent favorables à un accord avec la Ligue de Salvini.
«Pas question de faire un
gouvernement avec eux. Notre base ne veut pas d'accord»
Matteo Renzi, Parti démocrate
La tentation est pourtant très
forte au PD d'éviter la rupture. L'alternative possible serait un retour aux
urnes en octobre - le gouvernement de Paolo Gentiloni continuant d'expédier les
affaires courantes. Avec le risque réel pour le parti de disparaître de
l'horizon politique après la débâcle du 4 mars où il avait obtenu à peine
18 %.
Aussi, Luigi Di Maio, avec une parfaite
duplicité et une grande habileté, joue-t-il sur la corde sensible en leur
proposant «un contrat à l'allemande, noir sur blanc et immédiat, pour améliorer
la qualité de vie des Italiens». Objectifs concrets, thèmes communs comme la
lutte contre la pauvreté, l'aide aux retraités dans le besoin, un salaire
horaire minimum, une banque publique d'investissement, la lutte contre les
infiltrations mafieuses dans les institutions: tous points que le Parti
démocrate ne peut pas refuser. Mais en se gardant bien de dire qui devra
conduire l'alliance et sans renoncer à la présidence du Conseil, ce que lui
demandent plusieurs dirigeants démocrates. En cas d'accord, le «régent» du
Parti démocrate, Maurizio Martina, promet de consulter les militants.
Pour l'éditorialiste du Corriere
della Sera Pierluigi Battista, «l'Italie vit un dilemme absolument inédit
depuis l'instauration de la République, quelque chose de jamais vu ni vécu et
qui engendre inévitablement angoisses, désorientations, peur
de l'inconnu. Jamais les forces politiques n'avaient été aussi
antagonistes. Dans le passé, les partis ont collaboré autour de la démocratie
chrétienne sans se livrer à une guerre aussi impitoyable».
À droite, la Ligue devrait sortir
renforcée par sa victoire aux élections
régionales de ce dimanche dans le Frioul-Vénétie Julienne. Et, sur le
pied de guerre, Matteo Salvini se dit prêt à renouer à tout moment avec Luigi
Di Maio. Mais si le PD devait entrer au gouvernement, il mobiliserait «des
millions d'Italiens dans la rue».
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Florian Philippot va sortir un livre intitulé Frexiten
vue des européennes (30.04.2018)
LE SCAN POLITIQUE - Le président
des Patriotes a annoncé lundi la sortie d'un livre à la rentrée prochaine. Un
ouvrage qui devrait lui servir de point de départ en vue des élections
européennes, où il sera candidat.
Il a décidé de prendre la plume.
Invité de RTL lundi, Florian Philippot a annoncé la
sortie d'un livre à paraître en septembre prochain. «Je suis en train de
l'écrire, je tiens à l'écrire moi-même», a précisé le président des Patriotes.
Le titre du livre est déjà tout trouvé, baptisé simplement Frexit.
Florian Philippot veut en effet poser noir sur blanc les raisons pour
lesquelles il estime que la France doit sortir de l'Union européenne. Un fil
rouge qu'il a toujours suivi, et qui l'a notamment amené à claquer
la porte du Front national alors que Marine Le Pen souhaite relayer
la question de la souveraineté monétaire au second plan.
Florian Philippot devrait ainsi
profiter de son livre pour revenir plus en détail sur son départ du parti
frontiste... et régler quelques comptes avec son ancienne présidente. «Le
premier chapitre revient sur mes derniers mois au FN. Je reviendrai un petit
peu sur ce débat (de l'entre-deux-tours, ndlr). J'estime que mon
départ du FN s'est fait sur la question européenne parce que Marine Le Pen
n'assume plus la défense de l'indépendance nationale, a estimé le président des
Patriotes. Ça l'amène dans un discours de leurre. Aujourd'hui elle veut faire
beaucoup de choses, notamment en matière d'immigration, mais elle ne se donne
plus les moyens de son indépendance nationale».
Un livre-programme
Le livre de Florian Philippot
devrait lui servir de point de départ en vue des élections européennes de 2019
où il portera la candidature des Patriotes. «Cela lui permet de poser les
choses. De dire aux électeurs: “Voilà mon programme, voilà ce que je vous
propose” autrement que par l'intermédiaire des médias comme il a l'habitude de
le faire», résume Maxime Thiébault, cofondateur du mouvement.
Reste à savoir quel accueil
recevra le livre de Florian Philippot à sa sortie dans les bacs. «Il ne fait
pas ça dans un but financier», insiste son équipe. «C'est plus une manière de
dire aux gens: “Tu ne connais pas Florian Philippot? Tu ne sais pas ce que sont
Les Patriotes? Tu ne sais pas ce que veut dire le Frexit? Achète le livre, et
en trois, quatre jours, tu sauras tout».
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La domination grandissante de la Chine en Asie du Sud-Est
(30.04.2018)
INFOGRAPHIES - Les vastes
exercices navals de la marine chinoise, ces dernières semaines, notamment à
proximité de Taïwan, sont la dernière illustration de l'influence régionale
grandissante de Pékin qui souhaite limiter celle des États-Unis. Le
Figaro revient sur cet arc de crise qui s'étend des îles Spratleys aux
îles Senkaku.
La marine chinoise a procédé, le
12 avril, à la plus grande parade de son histoire, suivie, la
semaine suivante, par des exercices navals à tirs réels, notamment dans le détroit de
Taïwan, à quelques encablures de cette île souveraine, mais dont Pékin
considère qu'elle est partie intégrante de son territoire.
» LIRE AUSSI - La
Chine peut-elle envahir Taïwan?
Ce conflit larvé, qui dure depuis plus d'un demi-siècle,
n'est pas le seul lieu de tensions aux abords de la Chine. Plus à l'Ouest, la
présence de Pékin s'accroît parmi les îles de la mer de Chine méridionale, revendiquées par
d'autres États frontaliers. À l'est de Taïwan, c'est en mer de Chine
orientale qu'un différend oppose Pékin au Japon à propos des îles Senkaku.
Dans cet arc de crise, stratégique pour la Chine comme pour les États-Unis, les
enjeux sont à la fois commerciaux, énergétiques, militaires et politiques.
Décryptage, cartes à l'appui.
● Taïwan et le risque
d'une rupture du statu quo
Depuis l'élection de Tsai Ing-Wen à la tête de Taïwan
en 2016, et plus encore depuis l'élection de Donald Trump à la
Maison-Blanche, la Chine durcit le ton vis-à-vis de Taïpei. «Pékin
montre les muscles et réactive la “diplomatie du chéquier”, cette politique qui
consistait pour les deux États rivaux à monnayer leur reconnaissance
diplomatique», analyse pour LeFigaroBarthélémy Courmont, maître de
conférences à l'Université catholique de Lille et directeur de recherche à
l'IRIS. Aujourd'hui, la communauté internationale respecte très largement le principe de «la Chine unique» forgé par Pékin.
Seuls 23 petits États reconnaissent officiellement Taïwan. «Quand Pékin a
accédé à l'ONU en 1971, c'était le contraire. La France était l'un des rares
pays européens à avoir reconnu la RPC», rappelle le géopolitologue, auteur d'un
récent essai, Asie du Sud-Est. Trajectoires plurielles et incertaines.
«L'idée que le statu
quo entre les États-Unis et la Chine à propos de Taïwan est rompu
progresse dans chaque camp», corrobore l'historien Pierre Grosser, professeur
agrégé à Sciences Po Paris et auteur d'un récent essai, L'histoire du
monde se fait en Asie. Avant même son investiture, Donald Trump avait appelé la dirigeante taïwanaise,
provoquant l'ire de Pékin. En juin 2017, la Chine a vertement protesté
contre la vente d'1,3 milliards d'armes américaines à Taïwan.
«Les Chinois pensaient jouer avec Taïwan le jeu de la séduction, comme avec
Hongkong, mais aujourd'hui cette politique est terminée», poursuit l'historien.
«Le rapport de force militaire s'est renversé. Depuis dix ans, c'est Pékin qui
a l'avantage. Les Taïwanais sont inquiets», corrobore Barthélémy Courmont.
● En Mer de Chine
méridionale, la domination de la Chine est un état de fait
Bordée par plusieurs États, dont
la Chine, le Vietnam, les Philippines, Brunei et la Malaisie, la mer de Chine méridionale est stratégique à plusieurs
titres. Outre des ressources en poisson, en gaz et en pétrole, cette
mer semi-fermée est sur le chemin de la plus grande route maritime du monde,
par laquelle passe près d'un tiers du commerce mondial. C'est aussi un poste
avancé militaire, qui permet à Pékin de gagner une «profondeur stratégique»,
notamment pour ses sous-marins nucléaires basés, plus au Nord, sur l'île
d'Hainan. Historiquement, ses milliers de récifs et ses centaines d'îles font
l'objet de revendications des pays frontaliers, mais l'emprise de Pékin, ces
dernières années, change la donne. La Chine s'est lancée dans une militarisation des îlots et
des récifs, doublée de la construction d'îles artificielles, notamment
dans l'archipel des Spratleys. Une fortification chinoise qu'un général américain
a baptisée du nom de «grande muraille de sable». «La Chine n'est plus dans la
recherche du dialogue, mais dans l'imposition d'un état de fait», estime
Barthélémy Courmont.
Pendant de nombreuses années, les
revendications des différents États se sont traduites par des actions
juridiques multilatérales. Ainsi, en 2016, les Philippines avaient obtenu une décision favorable
de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye à propos du récif de Scarborough,
occupé par Pékin depuis 2013. «Depuis les choses ont changé, la Chine occupe de
facto la région et a convaincu les États frontaliers de négocier avec eux de
façon bilatérale, même si le Vietnam reste sur des positions plus fermes». En
échange d'une acceptation de cet état de fait, la Chine leur propose de
juteuses coopérations économiques, à l'image des Philippines, qui se
rapprochent de Pékin depuis l'élection de Rodrigo Duterte. «Paradoxalement,
nous allons du coup vers un apaisement», estime le directeur de recherche à
l'IRIS.
● La Mer de Chine
orientale, révélatrice des ambiguïtés entre la Chine et le Japon
Le cas des îles Senkaku, cette fois-ci en mer de Chine
orientale, est différent. Des tensions récurrentes ont lieu entre la Chine, qui y
envoie régulièrement des navires, et le Japon, qui occupe ces îles.
Mais «Tokyo n'est pas dans la même position que les autres pays de la région,
car il peut encore se positionner d'égal à égal avec Pékin», explique Barthélémy
Courmont qui rappelle que, du côté chinois, les îles Senkaku ne revêtent pas la
même importance stratégique que celles de la mer de Chine méridionale.
Le gouvernement conservateur du
Japon tient certes un discours offensif vis-à-vis de la Chine. Son premier
ministre, Shinzo Abe, souhaite notamment réviser la constitution pour lever
l'interdiction de la guerre et augmente le budget de la défense. Néanmoins, «il
est très affaibli et je ne crois pas que les Japonais soutiennent ce tournant
nationaliste», nuance Barthélémy Courmont. «Abe consolide aujourd'hui son
alliance avec les États-Unis, mais, discrètement, il y a un dégel avec Pékin.
Récemment, le ministre des Affaires étrangères chinois est venu à Tokyo»,
corrobore Pierre Grosser qui rappelle qu‘Obama avait déclaré que l'alliance
américano-japonaise couvrait les îles Senkaku. «Les Chinois savent qu'ils ne
peuvent pas faire n'importe quoi», insiste-t-il.
● Pour les Chinois,
repousser les Américains, mais jusqu'où?
Derrière ces trois zones
conflictuelles au large de la Chine, se trouve la volonté affirmée de Pékin de sécuriser une zone
d'influence régionale et de limiter la présence des États-Unis, dont la
puissante 7e Flotte, qui couvre l'océan Indien et l'ouest du Pacifique, est
basée au Japon. «La Chine croit qu'elle est la première puissance terrestre qui
parviendra à devenir aussi une puissance navale», explique Pierre Grosser.
Comme l'illustre la parade navale de la semaine dernière, la marine chinoise,
qui est devenue en 2016 la deuxième au monde par son tonnage,
connaît depuis une dizaine d'années une croissance exponentielle. À ce jour, les
chantiers navals chinois construisent simultanément 2 porte-avions, 17
destroyers et 4 frégates.
«Les Chinois ont l'impression
d'être en position défensive dans leur “étranger proche”», explique Pierre
Grosser, reprenant un concept forgé par les Russes. «Toute la stratégie
chinoise consiste à empêcher les Américains de s'approcher de leurs côtes, ce
qui serait pour eux un cauchemar. C'est le cœur de la tension entre Pékin et
Washington», déclare l'historien. «Même si la marine américaine continue de
mener des opérations en mer de Chine méridionale au nom de la “liberté de
navigation”, c'est un échec pour Washington. La stratégie du pivot vers l'Asie promue par Barack Obamaet
initiée dès le second mandat de George W. Bush ne fonctionne pas, à
l'image du bras d'honneur que Rodrigo Duterte a tendu aux
États-Unis en se tournant vers Pékin», analyse Barthélémy
Courmont, qui estime que cet échec est antérieur à l'arrivée de Donald Trump.
Une ambition chinoise qui ne se
limite plus à son «étranger proche» et qui pourrait encore davantage gêner
Washington. Alors que la Chine a mis en service sa première base navale à l'étranger en 2017, à Djibouti sur
le Golfe d'Aden, la deuxième puissance économique de la planète se tourne vers
l'Est et le Pacifique. Il y a une semaine, l'information selon laquelle Pékin serait en discussion avec
la République de Vanuatu, un archipel de Mélanésie, pour établir une base
navale a ainsi fait vivement réagir l'Australie, l'un des
principaux alliés des Américains dans la région.
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Ce que racontent les femmes espagnoles avec #Cuéntalo (30.04.2018)
Par Baptiste
Erondel | Le 30 avril 2018
Sur Twitter et sous le hashtag
#cuentalo - pour «raconte-le» - s'accumulent des centaines de milliers de
témoignages de femmes victimes de violences sexuelles.
L'Espagne a trouvé son
#BalanceTonPorc. C'est sous le hashtag #Cuentalo,
«raconte-le», que des anonymes et des personnalités témoignent des violences
sexuelles dont elles ont été victimes, ou relatent celles subies par
des proches. Des comptes dédiés s'ouvrent même le temps de rapporter une
agression, un viol... Le mouvement, déjà vaste, a pris davantage d'ampleur
depuis le rendu d'un jugement disculpant de «viol» cinq hommes ayant abusé d'une
jeune femme. Que disent précisément ces femmes sur Twitter ? Nous avons
passé au crible leurs posts, symboles de la lutte contre la culture machiste et
patriarcale.
>> Lire aussi : #Cuéntalo, le #BalanceTon Porc ibérique
"Il me dit que je vais le
payer cher"
Parmi ces centaines de milliers
de récits glaçants, celui de Lucia Etxebarria. L'écrivaine espagnole se
remémore sur son compte Twitter sa rencontre avec un célèbre auteur. «J'ai 28
ans. Je viens de gagner le prix Nadal (le plus ancien prix littéraire
délivré en Espagne, NDLR). Un célèbre écrivain me fait des avances. Je lui
dis non. Il me dit que je vais le payer cher. Et je l'ai payé. Mauvaises
critiques, destructrices. Vingt-trois ans après, Béatrice et les corps
célestes est un classique.»
#Cuentalo tengo
28 años. Acabo de ganar el premio Nadal. Un famosísimo escritor me tira los
tejos. Le digo que no. Me dice que lo voy a pagar caro. Y lo pagué: Críticas
nefastas, destructivas.
23 años después, Beatriz y los cuerpos celestes es un clásico.
23 años después, Beatriz y los cuerpos celestes es un clásico.
Paula Borja, aujourd'hui manager,
est toujours hantée par un traumatisme remontant à son enfance. «J'ai 32 ans et
je me réveille apeurée quand l'édredon tombe la nuit. Quand j'étais petite, il
m'est arrivé la même chose. L'homme qui aurait dû m'aimer le plus jetait
l'édredon à terre et là, tout commençait», raconte-t-elle sous le hashtag
#cuentalo.
Tengo 32 años y me despierto con miedo cuando se me cae el edredón por las
noches. Cuando era pequeña me pasaba igual. El hombre que más tenía que haberme
querido tiraba el edredón al suelo y ahí empezaba todo #cuéntalo
Elisa Maza, 41 ans, relate sur
Twitter les sévices subis alors qu'elle n'était qu'une enfant. «C'était mon
père, ça a commencé bien avant que je puisse m'en souvenir. Vers 2 ou 3 ans ?
Moins ? Je viens d'avoir 41 ans et cela fait quelques mois que je suis une
thérapie, je croyais l'avoir surmonté, ce n'était pas le cas. Je fais des
dépressions chroniques, j'ai des crises d'angoisse, je fais des cauchemars...
Je n'ai jamais été en couple, je ne me sens en sécurité que seule», écrit-elle.
Depuis, son post a été «liké» plus de 5000 fois et a suscité plus de 2500 réactions.
#cuéntalo
Fue mi padre, y empezó antes que mi memoria. ¿Dos, tres años?, ¿menos? Acabo de
cumplir 41 y hace unos meses volví a terapia porque, aunque creia que si, no lo
he superado. Depresión crónica, ataques de ansiedad, pesadillas... Nunca tuve
pareja. Sola me siento segura.
"Un étranger se
masturbait sur moi dans le bus"
Les violences sexuelles ne
surviennent pas que dans la sphère familiale. Zazu en a fait
les frais dans l'espace public, à l'âge de 12 ans. «Un étranger se
masturbait sur moi dans le bus qui m'emmenait à la maison. Je n'ai pas bougé.
Je sentais la honte, la culpabilité, le dégoût. Je ne l'ai dit à personne avant
des années. J'ai vécu comme si ça n'était pas arrivé, mais je n'ai plus porté
de jupe pendant des années.»
#Cuéntalo
Con 12 años un desconocido se masturbó en mi en el autobús urbano q me llevaba
a casa. No me moví. Sentí vergüenza, culpa, asco. No se lo conté a nadie hasta
años después. Viví como si no hubiera ocurrido pero no volví a llevar falda
durante años. Es la primra q rcuerdo
Une autre internaute, sous le
pseudonyme «Soy Mujer» («je suis une femme»), décrit l'agression subie
lorsqu'elle avait 7 ans. «Un homme m'a plaquée contre une porte, a descendu ma
culotte et a fait des attouchements. La mémoire reste intacte 43 ans plus
tard.»
He arrancado el día proponiendo el #cuéntalo porque
creo que CASI TODAS hemos sufrido algún tipo de agresión sexual.
HILO
HILO
Con 7 años me metió en un portal un asqueroso guarro pederasta, me bajó las
bragas y me realizó tocamientos. El recuerdo sigue intacto 43 años después. No
pude contarlo en casa, no sabía ni que me estaba sucediendo #cuentalo
Un récit auquel fait écho celui
de Montse Fradera, sur le même réseau social. «J'avais 14 ans. Un après-midi
d'hiver, quand je suis sortie de la gymnastique, un homme s'est tenu à côté de
moi et m'a attrapé le bras. Il m'a dit que je lui devais une faveur. Je n'ai
rien dit, il avait un rasoir dans sa poche. Il m'a forcé. Il a commencé à jouer
debout derrière moi et m'a dit qu'il voulait uriner. Si quelqu'un venait, il se
cacherait. Il a baissé son pantalon. Je ne sais pas où j'ai puisé cette force,
mais j'ai descendu les escaliers. J'entends encore ses cris.»
He arrancado el día proponiendo el #cuéntalo porque
creo que CASI TODAS hemos sufrido algún tipo de agresión sexual.
HILO
HILO
#cuéntalo
Yo tenía 14 años. Una tarde de invierno al salir de gimnasia deportiva, un
hombre se me puso al lado y me agarró del brazo. Me dijo que le tenía que hacer
un favor, i que no dijera nada, que tenía una navaja en el bolsillo. Me obligó
a entrar a una portería.
«Quand j'avais 16 ans, ma famille
et moi sommes parties en voyage. Un de mes cousins a décidé de faire des choses
la nuit. Je me suis figée et j'ai pleuré. Je dis cela maintenant parce que
j'étais terrifiée à l'époque», écrit encore Pamela.
When I was 16, my family and I went to a trip. One of my cousins decided to
do inappropriate things at night. I just froze and started crying. I say this
now cause I was terrified back then #cuentalo
Salaya, elle, a été agressée à
l'école alors qu'elle avait 10 ans. «Nous détestions l'un des enseignants, nous
le fuyions dès qu'on le voyait. Plus tard, j'ai compris. Baisers et caresses.
C'était désagréable, mais je ne comprenais pas pourquoi.»
Con 10 años, de vacaciones, en Las Ramblas, un hombre no dejaba de
agarrarme el culo, miré hacia atrás y me hizo un gesto obsceno q no comprendí.
Sentí desagrado y empecé a caminar delante de mi abuela. Lo escribí en mi
diario, años después lo comprendí #Cuéntalo
En la escuela odiábamos a uno de los maestros, por la calle huíamos nada
más verlo. También lo comprendí después. Besos, caricias, siéntate en mi
cuello... era desagradable, pero no entendía el porqué. #cuéntalo
«Ce n'est pas un geste
d'adhésion, mais une accumulation de récits intimes, commente dans Le Figaro Cristina
Fallaras, journaliste indépendante à l'origine de #Cuentalo. En nous
emparant des réseaux sociaux, nous racontons ce que personne ne nous a laissées
raconter dans les médias.» Des médias qui, après l'affaire Weinstein, Me Too, Balance
ton porc ou encore Time's
Up, sont désormais tout ouïe.
Afghanistan : deux attentats meurtriers frappent le coeur de
Kaboul (30.04.2018)
Par Le
figaro.fr et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 30/04/2018 à
17h12 | Publié le 30/04/2018 à 10h20
VIDÉO - Au moins 25 personnes,
dont un photographe de l'AFP, un reporter de la BBC et huit autres
journalistes, ont été tuées lundi dans deux attaques revendiquées par l'État
islamique. La presse semble avoir été particulièrement prise pour cible.
Le groupe État islamique a
revendiqué lundi la responsabilité du double attentat qui a une nouvelle fois
frappé la capitale afghane. Au moins 25 personnes, dont un photographe de
l'AFP, un reporter de la BBC et sept autres journalistes, ont été tuées dans
ces attaques suicides survenues tôt ce lundi matin au coeur de Kaboul. Le
second attentat semble avoir visé la presse accourue sur le site du premier.
Selon un bilan encore provisoire
communiqué en fin de matinée par le ministère de la Santé afghan, le double
attentat a fait au moins 25 morts et 49 blessés. Une journaliste de l'AFP a
pour sa part décompté 14 corps à la morgue de l'hôpital Wazir Akbar Khan, mais
d'autres victimes ont été acheminées vers l'hôpital de l'ONG italienne
Emergency. Au moins «six journalistes et quatre policiers figurent au nombre
des tués dans ces deux explosions», a précisé à l'AFP le porte-parole du
ministère Najib Danish.
Shah Marai, chef photographe du
bureau de l'AFP à Kaboul. - Crédits photo : Johannes Eisele/AP
Shah Marai, chef
photographe du bureau de l'AFP à Kaboul qui s'était rendu sur les lieux de la
première explosion, a été tué par la deuxième déflagration survenue une
trentaine de minutes plus tard. Il travaillait pour l'AFP depuis 1996. Il a
notamment contribué à la couverture pour l'agence de l'invasion américaine de
2001.
Ahmad Shah, un reporter
afghan de la BBC en pachtou a également été tué, a annoncé la radio-télévision
britannique à Kaboul. «C'est avec une immense tristesse que la BBC confirme la
mort de notre reporter afghan Ahmad Shah à la suite d'un attentat», indique la
BBC dans un communiqué. Yar Mohd Tokhi, un journaliste travaillant
pour la chaîne Tolo News, déjà éprouvée par un attentat revendiqué par les
talibans en 2016 qui avait fait sept morts a aussi été fauché par l'explosion.
Les autres journalistes décédés
ont été identifiés: Mahram Durani, Sabawoon Kakar et Ebadullah
Hananzai du média Azadi; Ghazi Rasooli et Nowroz
Ali Rajabi de la chaîne 1TV et Saleem Talash et Ali
Saleemi de la chaîne Mashal TV.
Selon une source sécuritaire, le
kamikaze qui a visé la presse s'était préalablement glissé parmi les reporters,
«muni d'une caméra». «Le kamikaze s'est fait exploser parmi les journalistes,
il a fait des victimes», a précisé le porte-parole de la police de Kaboul
Hashmat Stanikzai. Les reporters étaient allés couvrir le premier attentat,
perpétré peu avant 08h locales à proximité du siège des services de
renseignements afghans.
«Les apostats des forces de
sécurité, des médias, et d'autres (personnes) ont accouru sur le [premier] site
de [l'attaque], où un frère kamikaze les a pris par surprise avec sa veste
explosive», selon la revendication de l'Etat islamique.
- Crédits photo : Rahmat Gul/AP
La France a condamné «un acte
odieux» et déploré que la «presse paie encore un lourd tribut», a déclaré le
ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. «Dans ce moment
douloureux, je souhaite assurer l'AFP et ses équipes partout dans le monde de
notre totale solidarité», a t-il ajouté. «Je tiens à rendre un hommage
particulier à tous les journalistes qui, souvent au péril de leur vie,
continuent à travailler chaque jour dans des conditions difficiles pour nous
informer», a souligné le chef de la diplomatie française.
Kaboul est devenue selon l'ONU
l'endroit le plus dangereux d'Afganistan pour les civils avec une recrudescence
des attentats, généralement perpétrés par des kamikazes et tour à tour
revndiqués par les talibans ou le groupe Etat islamique (EI).
Le
précédent en date dans la capitale, le dimanche 22 avril, a fait près de 60
morts et 20 blessés dans un quartier à majorité chiite: un
kamikaze de l'EI avait visé un centre de délivrance de cartes d'identités en
vue des élections législatives du 20 octobre.
L'une des attaques les plus
meurtrières, le 27 janvier, avait fait 103 morts et plus de 150 blessés.
» LIRE AUSSI - Afghanistan:
pourquoi cette multiplication d'attaques?
L'Agence France Presse se dit
«dévastée»
«Nous sommes dévastés par la mort
de notre photographe Shah Marai qui témoignait depuis plus de quinze ans de la
tragédie qui frappe son pays. La direction de l'AFP salue le courage, le
professionnalisme et la générosité de ce journaliste qui avait couvert des
dizaines d'attentats avant d'être lui-même victime de la barbarie», a déclaré
Michèle Léridon, directrice de l'Information de l'AFP.
De nombreux messages de sympathie
et de condoléances affluaient lundi au bureau de l'AFP-Kaboul dont un autre
journaliste, Sardar Ahmad, a été tué en mars 2014 avec toute sa famille, à
l'exception d'un enfant alors âgé de trois ans, dans un attentat taliban.
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Royaume-Uni : Sajid Javid, un nouveau ministre de l'Intérieur
dans un gouvernement fragilisé (30.04.2018)
- Par Le
figaro.fr AFP, Reuters Agences
- Mis à jour le 30/04/2018 à 15:14
- Publié le 30/04/2018 à 13:01
La Première ministre britannique
Theresa May nomme un nouveau ministre de l'Intérieur, Sajid David, après la
démission d'Amber Rudd en raison du scandale provoqué par le traitement accordé
aux immigrés originaires des Caraïbes, une nouvelle crise qui
Cet ancien banquier d'origine
pakistanaise, qui occupe des fonctions ministérielles depuis six ans, devient
ministre de l'Intérieur après la démission retentissante d'Amber Rudd, une
figure influente du parti conservateur, proche de la première ministre, Theresa
May, sur fond de scandale «Windrush» lié à l'immigration.
Le ministre britannique des
Communautés, Sajid Javid, a été nommé ce lundi ministre de l'Intérieur en
remplacement d'Amber Rudd, qui a démissionné dimanche, en raison du scandale provoqué par le traitement accordé aux immigrés
originaires des Caraïbes, a annoncé le 10, Downing Street. Cette affaire fragilise Theresa May à seulement trois jours
d'élections locales, mais ne déplaît pas aux conservateurs partisans d'une
ligne plus dure sur le Brexit, dont Amber Rudd était l'une des farouches
adversaires.
» LIRE AUSSI - Qu'est-ce que le scandale Windrush, qui a poussé la ministre de
l'Intérieur britannique à la démission?
Sajid David, élu au Parlement
dans la circonscription de Bromsgrove dans l'ouest de l'Angleterre et
admirateur de l'ancienne première ministre Margaret Thatcher, qu'il cite comme
modèle politique, occupe des fonctions ministérielles depuis 2012. Il a été le
premier des ministres britanniques à appartenir à la communauté d'Asie du Sud,
note Reuters. Il a notamment été secrétaire d'État à la Culture, aux Médias et
au Sport, de 2014 à 2015, puis aux Affaires, à l'Innovation et aux Compétences,
de 2015 à 2016. D'origine pakistanaise, fils d'un chauffeur de bus, c'est à
l'Université d'Exeter où il étudie l'économie et la politique qu'il adhère au
parti conservateur. Il travaille ensuite dans la banque, notamment aux
États-Unis puis en Amérique du Sud, avant de revenir à Londres en 1997 comme
directeur à la Deutsche Bank. Il a mis un terme à sa carrière financière en
2009 pour se consacrer à la politique.
Une ligne mesurée sur le
Brexit
À moins de 48 ans, l'ancien
banquier hérite du portefeuille de la très influente Amber Rudd, souvent pressentie comme future premier ministre. À 54 ans,
cette proche de Theresa May a dû quitter son poste, qu'elle occupait depuis
juillet 2016, après avoir reconnu avoir «involontairement trompé» une commission parlementaire sur
«les objectifs de déplacement des immigrés clandestins». Sa carrière a ainsi
explosé après des semaines de polémiques au sujet de la «génération Windrush», ces enfants d'immigrés des Caraïbes arrivés
légalement au Royaume-Uni après la Seconde Guerre mondiale, mais traités comme
des clandestins et menacés d'expulsion par les services de l'immigration. Jusqu'à
50.000 personnes sont concernées par ce scandale d'excès de zèle du ministère
de l'Intérieur.
Cette étoile montante des «Tories» était également favorable
au maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Son départ est vu
comme une aubaine par les «brexiters» au sein de sa famille
politique. De ce point de vue, le profil de son remplaçant, Sajid Javid,
apparaît moins europhile. S'il a fait campagne contre, il avait pourtant
déclaré, avant la campagne, que son cœur était pour le Brexit, rappelle
Reuters. Après les résultats, il a déclaré que «nous étions tous des Brexiters,
maintenant».
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La Chine peut-elle envahir Taïwan ? (29.04.2018)
INFOGRAPHIES - Pékin se montre de
plus en plus menaçant envers l'île, qu'il soupçonne de vouloir déclarer
formellement son indépendance.
La Chine a montré ses muscles
récemment dans le détroit de Taïwan en y menant des exercices navals à balles
réelles. Cette démonstration de force intervient alors que Xi Jinping, le président
chinois, se montre de plus en plus menaçant envers Taïpeh,
qu'il met en garde contre toute tentation séparatiste. «L'empereur rouge»
cherchera-t-il à s'approprier l'île par la force? Il prendrait de gros risques
en s'attaquant à un allié des États-Unis, mais ce scénario ne peut pas être
écarté à terme. Quoi qu'il en soit, les tensions entre les deux superpuissances
pourraient s'intensifier sur ce dossier, alors que Donald Trump multiplie les
gestes de rapprochement avec Taïwan, provoquant l'ire de Pékin.
● Quel message veut faire
passer Pékin?
Les manœuvres militaires navales
organisées le 18 avril dans le détroit de Taïwan, une bande large
d'environ 180 kilomètres qui sépare le continent chinois de l'île, étaient les
premières dans cette zone ultra-sensible depuis 2016. La Chine est certes
restée à distance des côtes taïwanaises, mais le message était sans ambiguïté.
Pékin «a voulu mettre en garde Taïpeh et Washington: pas question de franchir
les lignes rouges fixées par le régime et de remettre en cause ses intérêts
essentiels», explique Bonnie Glaser, du Centre d'études stratégiques et
internationales (CSIS). Xi Jinping a martelé en mars que toute initiative
séparatiste s'exposerait à une «punition de l'Histoire». Le géant asiatique a
déjà averti dans un texte de loi de 2005 qu'il n'hésitera pas à utiliser la
force si ce tabou est brisé.
L'île, où s'était replié en 1949
le leader nationaliste Tchang Kaï-chek, après la victoire des troupes
communistes, mènede facto une politique indépendante. Mais la Chine considère
que Taïwan fait partie intégrante de son territoire. Les relations se sont
fortement dégradées depuis l'élection, début 2016, de la présidente Tsai
Ing-wen, qui dirige le Parti progressiste démocratique, dont un courant pousse
à l'indépendance. Pékin, qui a renforcé ses patrouilles aériennes et navales
depuis l'accession au pouvoir de la dirigeante, la soupçonne de vouloir
déclarer formellement l'indépendance, ce qu'elle réfute.
● Pourquoi Xi Jinping
vise-t-il une réunification?
Aux yeux de la Chine, Taïwan est
la priorité numéro un, en termes de souveraineté territoriale. Il est dans
«l'intérêt fondamental» des Chinois de parvenir à la «réunification complète»
du pays, a prévenu Xi Jinping en mars. Le numéro un chinois devrait donc, en
toute logique, chercher d'une manière ou d'une autre à l'avenir à s'approprier
l'île, estiment plusieurs experts. «Sur le plan stratégique, ce territoire
constitue un élément central dans le rapport de force entre la Chine, d'un
côté, et les États-Unis et leurs alliés asiatiques, de l'autre», souligne
Mathieu Duchâtel, directeur adjoint Asie et Chine de l'European Council on
Foreign Relations (ECFR). À cela, s'ajoute le fait que Taïwan «symbolise la
compétition entre les régimes autoritaires et le modèle démocratique», dont il
est un digne représentant en Asie, poursuit cet expert. En déroulant cette
rhétorique de fermeté, Xi Jinping, qui a bâti une partie de sa légitimité sur
sa ligne nationaliste, cherche enfin à soigner son image de dirigeant fort et
respecté auprès de sa population.
- Crédits photo : Le Figaro
● La Chine risque-t-elle
d'attaquer Taïwan?
«Le risque d'une attaque chinoise
sur Taïwan ne peut pas être écarté», souligne Bonnie Glaser, du CSIS. Mais,
étant donné la prudence de Taïpeh, qui offre peu de prises à Pékin, cette
possibilité semble actuellement «faible», estime-t-elle. Une offensive
chinoise, qui entraînerait vraisemblablement une intervention militaire de
Washington, serait par ailleurs trop risquée pour le moment, selon plusieurs
experts. «Les États-Unis se sont engagés par la loi à défendre la démocratie
taïwanaise et l'Armée populaire de libération (APL) n'est pas prête à affronter
la marine américaine», souligne Juliette Genevaz, chercheuse à l'Irserm. Signe
toutefois que l'île prend la menace chinoise au sérieux, la présidente
taïwanaise a supervisé le 13 avril ses premiers exercices navals depuis
son arrivée aux manettes.
- Crédits photo : Le Figaro
Les manœuvres chinoises
s'inscrivent surtout «dans une stratégie de guerre psychologique destinée à
atteindre le moral des Taïwanais et à les contraindre d'envisager une forme de
réunification», analyse Jean-Pierre Cabestan, sinologue à l'université baptiste
de Hongkong. «L'objectif de Pékin est de fragiliser le statu quo existant
tandis que celui de Taïpeh est, au contraire, de le préserver», renchérit
Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique.
Ces pressions s'ajoutent à celles
exercées par Pékin pour tenir à l'écart Taïwan des organisations
internationales, réduire le nombre d'alliés officiels de Taïpeh, ainsi qu'à ses
initiatives pour inciter l'élite économique et intellectuelle à s'établir sur
le continent chinois. Le régime autoritaire reste cependant peu attractif pour
la population insulaire. «Les forces pro-unification ont peu de chances d'être
élues dans l'île: tant que les États-Unis les soutiennent, il paraît peu
probable que les Taïwanais acceptent de se soumettre», pronostique Jean-Pierre
Cabestan. Une impasse qui pourrait conduire à terme la Chine à employer la
force.
● Vers une hausse des
tensions sino-américaines sur ce dossier?
La Chine, qui condamne tout
contact entre Taïpeh et des pays étrangers, a été ulcérée par plusieurs
initiatives pro-taïwanaises validées ces derniers mois par le président
américain Donald Trump. Une récente loi encourage ainsi les visites mutuelles
entre responsables des États-Unis et de Taïwan. Washington n'entretient pas de
lien officiel avec l'ex-Formose, mais des relations informelles, en lui vendant
notamment des armes. La Maison-Blanche vient d'autoriser la vente à Taïpeh de
la technologie lui permettant de construire ses propres sous-marins. Les
tensions pourraient franchir un cran supplémentaire sur ce dossier - en plus de
celles existantes sur le front commercial - avec la nomination récente du
«faucon» John Bolton, un proche de Taïwan, comme conseiller de Donald Trump à
la sécurité nationale. Il avait plaidé en 2017 pour un rapprochement militaire
entre Washington et Taïpeh, de façon à contrer Pékin. En mars, Alex Wong,
sous-secrétaire adjoint au département d'État, a indiqué que les États-Unis
voulaient «renforcer leurs liens avec le peuple taïwanais», lors d'une visite à
Taïpeh.
Reste à savoir si Washington ira
jusqu'à défier la Chine. Pékin a promis que des escales de navires de guerre
américains sur l'île - une perspective défendue dans un texte signé l'an
dernier par le leader américain - constitueraient une ligne rouge. Une crise
avait déjà éclaté fin 2016, lorsque Donald Trump, à peine élu, avait accepté un
appel téléphonique de la dirigeante taïwanaise, rompant avec la ligne suivie
par la diplomatie américaine pendant plusieurs décennies.
● Un conflit entre Pékin
et Washington est-il possible en Mer de Chine du Sud?
- Crédits photo : Le Figaro
Le 12 avril, Xi Jinping a
assisté à un exercice naval géant en mer de Chine méridionale, présenté comme
le plus spectaculaire de l'histoire du pays. «Le besoin d'édifier une marine
forte n'a jamais été aussi pressant qu'aujourd'hui», a déclaré le maître de
Pékin, en veste et casquette de treillis, dont la présence dans cette zone
maritime disputée était loin d'être anodine. La Chine affirme sa souveraineté
sur de nombreuses îles et des récifs de la région, également revendiqués par
plusieurs pays riverains (Vietnam, Philippines, Malaisie ou Brunei). Et
transforme des îlots qu'elle contrôle en bases militaires pour appuyer ses
prétentions territoriales.
La rivalité sino-américaine
s'intensifie dans cette région, où l'écart de puissance se resserre. Mais les
États-Unis cherchent aussi à montrer leurs muscles dans ses eaux, où navigue
actuellement un porte-avions de l'US Navy. Ils envoient régulièrement des
navires de guerre patrouiller au nom de la «liberté de navigation» près d'îlots
administrés par Pékin, qui dénonce en retour des «provocations». Des incidents
sont possibles, mais un conflit semble toutefois peu probable dans l'immédiat.
«Pékin, qui pratique la politique du fait accompli, cherche à modifier
progressivement la situation à son avantage sans pour autant déclencher une
réponse forte de la communauté internationale», observe Antoine Bondaz. Si
l'empire du Milieu semble être parvenu à ses fins concernant des îlots en mer
de Chine méridionale, les États-Unis pourraient se montrer plus pointilleux au
sujet de Taïwan.
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 30/04/2018. Accédez à sa version
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Qu'est-ce que le scandale Windrush, qui a poussé la ministre
de l'Intérieur britannique à la démission ? (30.04.2018)
- Par Le
figaro.fr
- Mis à jour le 30/04/2018 à 16:48
- Publié le 30/04/2018 à 11:22
Royaume-Uni: L'audition
d'Amber Rudd à l'origine de sa démission
La ministre britannique de l'Intérieur
Amber Rudd a démissionné dimanche après plusieurs scandales entourant le
traitement des immigrés par ses services. Elle était sur la sellette depuis
plusieurs jours.
FOCUS - Dimanche soir, Amber
Rudd a démissionné après plusieurs semaines de polémique. Des immigrés arrivés
légalement au Royaume-Uni et leurs descendants s'étaient retrouvés menacés
d'expulsion.
Sur
la sellette depuis plusieurs semaines, la ministre de l'Intérieur britannique,
Amber Rudd, a fini par démissionner dimanche, emportée par un double
scandale lié aux questions migratoires. Pour la première ministre Theresa May,
qui était très proche de la partante, ce départ est un coup dur.
La génération Windrush
Amber Rudd finit par payer le
scandale Windrush, du nom de l'Empire Windrush, le premier navire chargé
de Jamaïcains à accoster à Londres, en 1948, afin de reconstruire le pays après
la guerre. Ce bateau sera le premier d'une longue lignée, puisque 550.000
Caribéens profiteront des facilités offertes par le Royaume-Uni aux membres du
Commonwealth pour gagner son sol. En 1973, cette possibilité prend fin, mais
les personnes arrivées avant cette date sont considérées comme britanniques à
part entière, même si le ministère de l'Intérieur n'entreprend alors aucune
démarche pour les recenser. Une erreur que certains payent aujourd'hui. La
carte d'identité n'est pas obligatoire au Royaume-Uni et, bien souvent, les
populations concernées sont trop pauvres pour voyager: elle n'ont donc jamais
fait faire de passeport. Si bien que ces personnes se retrouvent aujourd'hui
incapables de justifier leur identité.
Pendant des années, cela ne leur
pose cependant aucun problème. Jusqu'en 2013, lorsqu'un changement de
politique, sous l'impulsion de la ministre de l'Intérieur de l'époque, Theresa
May, vient compliquer leur situation. Il est décidé de créer un «environnement
hostile» aux immigrés illégaux. Les employeurs, les médecins ou les
propriétaires sont incités à les dénoncer, sous peine d'amende. Nombre de
membres ou de descendants de la «génération Windrush» sont confondus avec des
sans-papiers. Ils sont contraints de devoir présenter des preuves de leur
présence au Royaume-Uni pour chaque année, sous peine d'expulsion.
Quotas
Des articles de presse illustrent
ces situations, parfois aberrantes, contribuant à alimenter un scandale dont
Theresa May ne semble pas percevoir l'ampleur. La première ministre refuse dans
un premier temps de recevoir une délégation d'ambassadeurs de 12 pays dont sont
issus les membres de la génération Windrush. Elle s'était cependant excusée
quelques jours plus tard lors d'un sommet du Commonwealth tandis qu'Amber Rudd
assurait dédier une équipe entière à la régularisation des cas.
Royaume-Uni: L'audition
d'Amber Rudd à l'origine de sa démission
La ministre britannique de
l'Intérieur Amber Rudd a démissionné dimanche après plusieurs scandales entourant
le traitement des immigrés par ses services. Elle était sur la sellette depuis
plusieurs jours.
Le calme n'est cependant pas
revenu pour la ministre de l'Intérieur. Les appels à la démission se sont
multipliés ces dernières semaines, allant de pair avec de nouvelles révélations
sur des quotas d'immigrés à expulser, fixé par le ministère. Amber Rudd se
défend de l'existence de tels quotas, mais la publication dans la presse de
documents prouvant l'inverse aura provoqué sa chute.
Amber Rudd aura donc joué le rôle
de fusible, payant les politiques mises en place à l'époque par Theresa May. La
première ministre n'est peut-être pas tirée d'affaire pour autant. Cette
démission intervient quelques jours avant des élections locales qui
s'annonçaient déjà compliquées pour les conservateurs. Le vote protestataire
pourrait être amplifié par ce scandale.
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En Irak, les «White Flags» vont-ils succéder à Daech? (29.04.2018)
Par Inès Daif et Thierry
OberléMis à jour le 30/04/2018 à 13h14 | Publié le 29/04/2018 à 17h24
Un nouveau groupe clandestin, les
«Drapeaux Blancs», sème la terreur dans la région de Kirkouk.
Province de Salah ad-Dine
(Irak)
Le temps semble suspendu dans les
rues de Touz Khourmatou, mosaïque ethno-religieuse - kurde, turkmène et arabe -
à 60 km de Kirkouk. La ville a été l'un des théâtres violents de
l'offensive irakienne du 16 octobre 2017. Ce jour-là, les
forces irakiennes ont chassé les Kurdes de cette zone située dans
les «territoires disputés» que contrôlaient les pechmergas depuis l'invasion de
Daech en 2014. Depuis, une forte instabilité perdure. Ce délitement offre un
terreau parfait pour la résurgence de groupements insurrectionnels ou
terroristes. Le 13 avril, des habitants de la zone de Dakuk, entre Kirkouk
et Touz Khourmatou, ont ainsi dû fuir durant la nuit, après l'arrivée d'un
groupe mystérieux, nommé symboliquement dans la région les White Flags (les
Drapeaux Blancs). Un nom donné par les habitants et les forces en présence pour
marquer à la fois la continuation et la rupture avec les Drapeaux Noirs de
Daech officiellement anéantis de 9 décembre 2017.
À Touz Khourmatou des photos
d'hommes rassemblés dans des caves à Kifri, un village voisin, ou encore
roulant à moto dans les environs circulent. «J'ai reçu des menaces de mort des
White Flags», confie Mohammed Fiaq, le porte-parole de l'UPK, l'un des principaux
partis politiques kurdes. «Six hommes sont d'abord venus à la mosquée avec des
turbans noirs autour de la tête, ils ne se sont pas identifiés. Le lendemain
ils sont revenus avec sept voitures. Ils ont fait le tour du village sans
attaquer les civils et ont pris les postes à l'abandon des pechmergas. L'armée
irakienne ou les Hachd ne sont pas intervenus. Le 13 avril, la population
s'est réfugiée vers Tawuq et Chamchamal» raconte, de son côté, un habitant de
Farik, un village à 20 km de Dakuk.
«Pour moi, ce sont ou des
anciens de Daech, ou bien des groupes mafieux ralliés à Daech ou alors des
Kurdes»
Mohammed al-Bayati, numéro deux
de l'organisation chiite Badr
La configuration montagneuse est
propice au développement et à l'ancrage de ces groupes qui ne revendiquent pas
leurs actions. Ils sévissent principalement dans la plaine de Dakuk (province
de Kirkouk). «Trois villages ont été pris par les White Flags le 11 avril.
Autour de Dakuk, où ils sont plus forts que toutes les forces armées présentes.
Ils sont là pour affaiblir la zone», explique un haut responsable de
l'intelligence kurde.
Ici chacun à sa version sur
l'origine des combattants clandestins selon l'armée ou la milice à laquelle on
appartient. Des Kurdes pensent que c'est un jeu de l'armée irakienne voire des
Américains. Mais beaucoup incriminent des forces dissidentes kurdes.
Des flèches rouges sur une
carte
«Pour moi, ce sont ou des anciens
de Daech, ou bien des groupes mafieux ralliés à Daech ou alors des Kurdes»,
affirme Mohammed al-Bayati, numéro deux de l'organisation chiite Badr. Les
Hachd Badr, supplétifs de l'armée irakienne, en conflit avec les Kurdes,
contrôlent principalement les montagnes et la périphérie de Touz Khourmatou.
«Ils ont profité du recul des pechmergas après les affrontements du
16 octobre pour prendre position. Ils contribuent à augmenter le conflit
intercommunautaire. Ces gens sont impalpables: ils agissent la nuit et passent
d'une localité à l'autre. Il y a des attaques de civils, quatre personnes ont
été brûlées dans une voiture vers Dakuk», raconte Mohammmed al-Bayati. Il
ajoute que plus de 12 attaques incombent à Daech depuis le 16 octobre,
comme celle revendiquée à Hawija faisant 28 morts dans des Unités de
mobilisation populaires.
Dans la salle de commandement de
l'ERD (unité d'intervention rapide irakienne), la police irakienne, trône une
carte marquée de trois flèches rouges désignant les White Flags. «Pour moi les
White Flags, c'est Daech. Ils sont à 3 km dans les montagnes faisant face
à la base. Tous les jours nous avons des interventions de nettoyage de poches
résistantes» tranche le sous-général Fawzi.
«C'est Daech qui a troqué son
drapeau noir contre un drapeau blanc»
un haut responsable de
l'intelligence kurde
L'État islamique est-il en train
de réapparaître et de signifier son retour sous une nouvelle forme? Pour
l'expert irakien, Shalallaw Kirkuky, il ne faut pas, dans tous les cas de
figure, minimiser le phénomène. «C'est une organisation similaire à Daech. Le
9 avril, onze policiers fédéraux ont été tués pendant la nuit près de
Dakuk. C'est
une puissance régionale qui doit les financer et qui les entraîne.
Ils ont des armes lourdes et utilisent des nouvelles technologies satellites»,
estime-t-il. «Ils ont deux chefs, un irako-syrien, Khalid Mooradi et Chalak, un
chef kurde.»
Le nom du leader présumé Khalid
Mooradi est également confirmé par l'analyste politique irakien Hicham
al-Hashemi proche de l'intelligence irakienne, qui considère, en revanche,
avoir affaire à «des séparatistes kurdes qui veulent à nouveau asseoir leurs
pouvoirs sur les territoires perdus en octobre». Reste que le haut responsable
des services de renseignement kurdes n'en démord pas. Il est convaincu d'être
confronté à un avatar de l'État islamique.
«C'est Daech qui a troqué son
drapeau noir contre un drapeau blanc. Ces hommes viennent en partie de Syrie et
se sont unis avec des survivants de poches de l'État islamique irakien
subsistant au sud de Kirkouk, de Hawija, de Tall al-Wad, Mossoul et Tall Afar.
Ils sont une centaine. Un certain Abou Ghinam originaire de Kirkouk est leur
chef des finances. Ils sont armés de mitraillettes, de roquettes et de RPG. Le
11 avril, ils ont tué le sous-général Moustafa al-Jabani de l'armée
irakienne. Pour nous il n'y a pas de doute: ils sont un simple prolongement de
Daech.»
Qu'ils soient des rescapés de
Daech, ou des Kurdes radicalisés et islamisés, les intrigants White Flags
n'ont, sans doute, pas fini de faire parler d'eux.
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- Par Cyrille Louis
- Publié le 30/04/2018 à 17:57
Après des tirs de missiles dimanche
soir observés dans la région de Hama, les soupçons se sont une nouvelle fois
orientés vers Israël, qui martèle sa détermination à tout faire pour empêcher
une implantation militaire durable de la République islamique à sa frontière
nord.
De notre correspondant à
Jérusalem
L'explosion fut d'une violence
telle que des capteurs disposés dans la région l'ont assimilée à un tremblement
de terre. Dimanche vers 22h30, le quartier général de la 47e brigade de l'armée
syrienne, située dans la périphérie de Hama et utilisée par l'Iran, a été visé
par des missiles dont l'impact a provoqué une immense boule de feu. Selon l'ONG
Observatoire syrien des droits de l'homme, au moins 26 combattants ont été tués
par ces frappes. Un aéroport militaire situé près d'Alep a également été pris
pour cible. Les soupçons se sont d'emblée orientés sur Israël, qui a laissé
planer le doute sur son implication. Le président Bachar el-Assad a fustigé
lundi «l'escalade des agressions contre la Syrie», sans pour autant désigner
l'auteur de ces attaques.
» LIRE AUSSI - Israël
et l'Iran testent leurs limites en Syrie
L'Etat hébreu, qui a frappé plus
d'une centaine de convois et de dépôts d'armes sophistiquées en Syrie depuis
janvier 2013, a pour habitude de ne pas confirmer son implication dans ce type
d'opérations. Cette politique d'ambiguïté vise à laisser au pays ou la milice
prise pour cible la possibilité de ne pas répliquer sans nécessairement perdre
la face. Lundi matin, un influent expert militaire a toutefois estimé que
l'hypothèse d'une frappe israélienne était «la plus vraisemblable». «La
puissance et la précision de ces attaques laissent penser qu'elles ont
nécessairement été perpétrées par un Etat», a indiqué Amos Yadlin, ancien chef
des renseignements militaires et directeur de l'Institut d'études pour la
sécurité nationale, qui met en garde depuis plusieurs mois contre le risque de
confrontation entre l'Iran et lsraël.
«L'explosion spectaculaire
observée à Hama n'a pas pu être provoquée par les munitions qui ont visé le
site. Tout laisse au contraire penser qu'elle a été causée par la présence de
nombreux engins balistiques en sous-sol», a ajouté M. Yadlin. Selon une source
proche de l'axe Iran-Syrie-Hezbollah citée par le New York Times, 200 missiles
auraient été détruits lors de la déflagration. Les stratèges israéliens
soupçonnent l'Iran d'avoir récemment commencé à entreposer des missiles sol-sol
sur la base de la 47ème brigade. Ils redoutent que les Gardiens de la
révolution ne préparent ainsi leur riposte aux frappes conduites par l'Etat
hébreu le 9 février contre la base T-4, près de Palmyre, lors desquelles
quatorze personnes dont sept combattants iraniens ont été tués. «Plusieurs
options s'offrent à nos adversaires, détaille Amos Yadlin. Ils peuvent frapper
Israël au moyen d'un missile balistique tiré depuis l'Iran, la Syrie ou le
Liban, préférer une attaque directe à nos frontières ou opter pour une action
contre des intérêts israéliens à l'étranger.»
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Syrie, Irak: comment l'Iran étend son emprise
Dans ce contexte de tensions
croissantes, l'Iran a choisi de maintenir le flou sur l'étendue de ses pertes
après les frappes de dimanche soir. Une agence semi-officielle a annoncé lundi
en début de matinée la mort de 18 conseillers militaires iraniens, avant de se
rétracter quelques heures plus tard. L'Observatoire syrien des droits de
l'homme affirme pour sa part que la plupart des 26 victimes recensées étaient
de nationalité iranienne. «Il est possible que Téhéran préfère maintenir une
forme d'ambiguïté sur cette attaque pour ne pas avoir à répliquer
immédiatement. De leur point de vue, il est essentiel que leur riposte soit
efficace ou bien cela sera vécu comme une humiliation», avance M. Yadlin.
Les dirigeants israéliens, qui se
disent frustrés de contraster que la Russie n'a pas l'intention de brider les
velléités d'implantation militaire durable de l'Iran en Syrie, ont décidé de
défendre leurs intérêts par leurs propres moyens. Au cours des derniers mois,
ils ont mené au moins cinq frappes contre des sites iraniens - au risque de
précipiter un embrasement. «C'est tout le dilemme auquel est confrontée l'armée
israélienne, résume Amos Yadlin. Pouvons-nous tolérer que l'ennemi accumule si
prêt de nos frontières des systèmes avancés de défense antiaérienne, des drones
militarisés et des missiles balistiques? Ou bien est-il préférable d'agir de
manière préventive - en sachant que la situation peut déraper à tout moment?»
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Les Lords donnent au Parlement britannique le droit de
bloquer le Brexit en l'absence d'accord (30.04.2018)
- Par Valérie Samson
- Mis à jour le 30/04/2018 à 19:45
- Publié le 30/04/2018 à 19:22
VIDÉO - L'amendement adopté ce
lundi par la chambre des Lords donne aux parlementaires la possibilité de
décider d'un maintien dans l'Union européenne, en cas d'échec des négociations
menées par le gouvernement de Theresa May.
La chambre des Lords britannique,
l'équivalent de notre Sénat, a adopté lundi un amendement au projet de loi sur
le Brexit donnant au Parlement le pouvoir d'empêcher le gouvernement de quitter
l'Union européenne en l'absence d'accord avec Bruxelles. La proposition a été
adoptée par 335 voix contre 244. À l'issue de son examen par les Lords, le
texte doit revenir dans les prochaines semaines devant les députés, qui
l'avaient voté en janvier et qui pourraient donc supprimer ou modifier cet
amendement embarrassant pour l'exécutif.
Le gouvernement conservateur de
Theresa May avait précédemment indiqué qu'il laisserait certes le Parlement
voter sur l'accord de divorce. Mais en cas de rejet, la seule option restante
était alors une sortie sans accord, une perspective qui inquiète
particulièrement les entreprises britanniques. L'amendement adopté lundi donne
aux parlementaires la possibilité «de suggérer de nouvelles négociations»,
voire de décider d'un maintien dans l'UE, a expliqué le Lord conservateur
Douglas Martin Hogg, un des signataires.
Ce vote constitue un énième
camouflet pour le gouvernement depuis le début de l'examen du projet de loi par
la chambre des Lords, majoritairement pro-UE, et illustre les divisions du
parti au pouvoir sur le Brexit. Avant même son adoption, l'exécutif avait
prévenu qu'une telle proposition risquait «d'affaiblir la main du Royaume-Uni
dans les négociations sur le Brexit», selon un porte-parole de Theresa May.
Courant avril, les «Pairs», non
élus, avaient déjà voté pour que la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne soit conservée dans la loi britannique, et adopté un amendement
remettant en cause le projet du gouvernement de quitter l'union douanière.
Le projet de loi gouvernemental
sur le retrait de l'Union européenne est censé permettre au Royaume-Uni de
continuer à fonctionner normalement lorsqu'il aura coupé le cordon avec le bloc
européen. Il met notamment fin à la suprématie du droit européen sur le droit
national britannique et organise la transposition des réglementations
européennes.
Barnier brandit le risque d'un
échec
Un peu plus tôt lundi, le
négociateur en chef du Brexit pour l'Union européenne, Michel Barnier, avait mis
en garde contre le «risque» d'un échec des négociations avec Londres sur le
Brexit en raison de la question de la frontière irlandaise. «Le cadre de
l'accord doit contenir une solution claire et opérationnelle concernant
l'Irlande», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. «Tant que nous
n'aurons pas atteint cet accord, il y a un risque» que ces négociations
n'aboutissent pas, a-t-il ajouté.
S'exprimant à Dundalk, à un jet
de pierre de la frontière avec l'Irlande du Nord, il a dit espérer des progrès
d'ici les conseils européens de juin puis d'octobre, tout en insistant sur le
fait qu'il n'est pas «favorable à repousser davantage» la conclusion d'un
accord. Michel Barnier a aussi rappelé que la mise en place de la période de
transition prévue
de la fin mars 2019 jusqu'au moment de la sortie officielle du Royaume-Uni de
l'Union, à la fin décembre 2020, dépendait de la conclusion d'un accord sur
la sortie elle-même entre Londres et Bruxelles en octobre prochain.
Brexit : «La décision du
Royaume-Uni crée le risque d'un retour d'une frontière dure»
Michel Barnier, le négociateur
européen du Brexit, affirme que l'Union européenne doit se préparer au risque
que les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l'UE se terminent sans
accord.
La crainte d'une frontière
interne
Londres comme Bruxelles disent
vouloir éviter le rétablissement d'une frontière «dure» entre la province
britannique d'Irlande du Nord et la République d'Irlande voisine, membre de
l'Union, après la sortie britannique de l'UE fin mars 2019. Il
s'agit de préserver l'accord de paix de 1998, qui avait mis fin à trois
décennies d'affrontements sanglants entre nationalistes et unionistes
nord-irlandais, en renforçant les liens entre les deux territoires. Certains
craignent également de voir naître une frontière interne si l'Irlande du Nord
reste alignée sur la réglementation européenne contrairement au reste du pays.
Dimanche, dans un entretien au
journal dominical irlandais Sunday Independent, le responsable
européen avait souligné que «le Brexit a créé un problème spécifique en
Irlande, il est donc de la responsabilité du Royaume-Uni de présenter une
solution pratique». Mais «jusqu'à présent, nous n'avons reçu aucune solution
pratique», avait-il déploré. Theresa May est plus que jamais sous pression.
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Nétanyahou accuse l'Iran d'avoir un programme nucléaire
secret (30.04.2018)
- Par Yohan
Blavignat AFP agence
- Mis à jour le 30/04/2018 à 20:13
- Publiéle 30/04/2018 à 20:10
Lors d'une conférence de presse,
le premier ministre israélien a présenté ce qu'il a décrit comme «les copies
exactes» de dizaines de milliers de documents originaux iraniens obtenus il y a
plusieurs semaines et qui prouveraient que Téhéran cherche à se doter de l'arme
nucléaire.
Le premier ministre israélien
Benjamin Nétanyahou a affirmé ce lundi que son pays disposait de nouvelles
«preuves concluantes» d'un programme secret iranien pour se doter de l'arme
nucléaire. Le chef du gouvernement israélien, virulent détracteur de l'accord
international sur les activités nucléaires de l'Iran, a présenté à la presse, à
Tel-Aviv, et en direct devant les télévisions israéliennes ce qu'il a décrit
comme «les copies exactes» de dizaines de milliers de documents originaux
iraniens obtenus il y a quelques semaines au prix d'une «formidable réussite
dans le domaine du renseignement».
Ces documents contenus sur papier
ou sur CD et servant de décor à la déclaration de Benjamin Nétanyahou
constituent des «preuves nouvelles et concluantes du programme d'armes
nucléaires que l'Iran a dissimulé pendant des années aux yeux de la communauté
internationale dans ses archives atomiques secrètes», a-t-il dit. Ces documents
montrent que, malgré les assurances des dirigeants iraniens affirmant n'avoir
jamais cherché à avoir l'arme nucléaire, «l'Iran a menti, et sacrément!»,
a-t-il déclaré.
L'hypothèse d'un nouvel accord
Benjamin Nétanyahou s'exprimait à
l'approche de la date butoir du 12 mai fixée par le président américain Donald
Trump pour décider ou non de dénoncer l'accord sur le nucléaire iranien conclu
en 2015 par six grandes puissances, dont les États-Unis, avec la République
islamique. Lors
de sa visite à Washington la semaine dernière, Emmanuel Macron a proposé au
président américain de préserver l'accord d'origine et d'ouvrir des
négociations pour un nouvel accord élargi. La chancelière allemande Angela
Merkel, également en visite aux États-Unis vendredi, a
tenté à son tour de convaincre le locataire de la Maison-Blanche.
De son côté, le président
iranien, Hassan Rohani, a souligné dimanche que son pays n'accepterait «aucune
restriction au-delà de ses engagements» actuels.
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Montée de l'antisémitisme : qui sont les coupables ?
(30.04.2018)
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Alors que
la montée de l'antisémitisme est au cœur de l'actualité depuis quelques
semaines et a suscité de nombreuses réactions, Gilles-William Goldnadel
déconstruit quelques idées reçues ou raccourcis médiatiques.
Gilles-William Goldnadel est
avocat et essayiste. Il est président de l'association France-Israël. Toutes
les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.
Tandis que l'aimable chauffeur de
taxi maghrébin qui me ramenait jusqu'à mon domicile jeudi soir m'expliquait
sans acrimonie, et manifestement sans savoir à qui il s'adressait , que les
juifs, les sionistes, les banquiers et Rothschild étaient à l'origine de la
crise économique, je songeais à la vanité du débat médiatique.
La pétition contre
l'antisémitisme islamique dans Le Parisien. Un pas dans le bon
sens, évidemment, compte tenu notamment de la personnalité des signataires. On
peut évidemment, comme dans toute réflexion collective, et c'est mon cas, y
contester individuellement ici ou là un concept ou une formulation.
À raison comme à tort. Ainsi,
certains linguistes distingués ont fait la fine bouche s'agissant de
l'expression «épuration ethnique», appliquée aux juifs quittant en masse la
Seine-Saint-Denis. Pourtant, lorsque les trois quarts d'une population
pacifique quitte un territoire pour cause de racisme violent, les deux mots
employés ne paraissent pas outranciers. Je ne vois pas de notable différence
avec les Serbes du Kosovo. J'irai plus loin, s'agissant de la
Seine-Saint-Denis, le mot de remplacement aurait pu être employé sans mentir ni
faillir. En tout état de cause, l'expression est infiniment moins discutable
que celle d'«apartheid», utilisée par Jean-Louis Borloo appliquée notamment au
même territoire et qui ne semble pas avoir fait l'objet d'une identique
contestation par les linguistes précités. Dans ce cas précis, la comparaison
avec la situation juridique et factuelle qui régnait en Afrique du Sud relève à
la fois de l'offense aux Français et du mensonge à l'histoire.
S'agissant à présent de l'adresse
aux autorités musulmanes françaises de demander de frapper d'obsolescence un
texte divin, elle relève du vœu pieux selon moi, et du vœu impie selon ces
dernières.
Et j'en viens, précisément, au
texte des imams publié dans Le Monde. On pourrait évidemment
considérer la réponse outragée comme désespérante, au regard de cette cécité
intellectuelle et de cette susceptibilité hors de saison qui aura caractérisé
une bonne partie des autorités officielles islamiques tandis que les paroles de
haine s'écoulaient et que le sang juif coulait. Il n'empêche qu'on pourrait
voir avant tout dans la pétition de la bonne volonté et une sortie du déni. On
est loin de l'article collectif de ces intellectuels musulmans pourtant modérés
publiés dans le JDD du 31 juillet 2016, et dans lequel ceux-ci
faisaient la liste de tous les attentats terroristes commis en France qu'ils
flétrissaient, à l'invraisemblable exclusion de ceux perpétrés contre les
juifs.
Demander de frapper d'obsolescence
un texte divin relève du vœu pieux selon moi, et du vœu impie selon les
autorités musulmanes.
Toujours à la décharge des
musulmans de France, je rappellerai les réticences d'une partie du monde
chrétien (et notamment du clergé proche-oriental) au moment où le pape Jean
XXIII supprima définitivement en 1959 la prière pascale contre les juifs
«perfides», ou encore lors de Vatican II, lorsqu'il s'agit de condamner à
nouveau l'appellation de «peuple déicide», déjà ébranlée par le Concile de Trente
en 1566 qui avait précisé que les responsables de la mort du Christ n'étaient
pas les Juifs mais bien toute l'humanité pécheresse.
Encore à décharge, cette
observation contre l'illusion de ce que le présent débat serait moderne et que
les rôles seraient figés. Citons d'abord Ernest Renan après qu'il a rendu un
hommage critique au judaïsme: «l'islamisme ne peut exister que comme
religion officielle ; quand on le réduira à l'État de religion libre et
individuelle, il périra. L'islamisme n'est pas seulement une religion d'État.
(…) C'est la religion excluant l'État. L'islam est la plus complète négation de
l'Europe ; l'islam est le fanatisme ; l'islam est le déclin de la science, la
suppression de la société civile ; l'épouvantable simplicité de l'esprit sémitique,
rétrécissant le cerveau humain, (…) pour le mettre en face d'une éternelle
tautologie: Dieu est Dieu» (De la part des peuples sémitiques dans
l'histoire de la civilisation 1862). Mais l'intellectuel réformiste
afghan Jamal al-Din Asadâbâdi dans le Journal des Débats lui
répondit: «Je ne peux m'empêcher d'espérer que la société mahométane
arrivera un jour à briser ses liens et à marcher résolument dans la voie de la
civilisation à l'instar de la société occidentale pour laquelle la foi
chrétienne, malgré ses rigueurs et ses intolérances, n'a point été un obstacle
invincible.»
Ainsi, nous sommes condamnés à
espérer.
Et toujours à décharge à l'égard
des musulmans modérés de France, j'affirme qu'ils ne sont pas les premiers
responsables de cette situation, mais bien davantage ceux que j'ai nommés
islamo-gauchistes, qui sont bien plus gauchistes dans leur haine pathologique
de l'Occident qu'attachés sincèrement aux musulmans. J'affirme que si ceux-ci,
en majesté médiatique, n'avaient fait pas montre d'une bienveillante indulgence
à l'égard de l'islam radical et de ses invraisemblables excès, jamais la
communauté musulmane organisée n'aurait épousé cet autisme dont on lui fait
aujourd'hui un trop tardif grief.
Raison pourquoi, il faudrait bien
davantage reprocher aux institutions françaises de la République de demeurer
sous cette influence idéologique. Comment accepter, par exemple, que la section
presse du parquet de Paris - véritable parquet dans le parquet - ait osé
interjeter appel à l'encontre du jugement de relaxe de Georges Bensoussan,
poursuivi par ce même parquet parce qu'il avait osé mettre en cause
l'antisémitisme islamique? Dans un même ordre d'idées, comment accepter les
poursuites de ce même parquet à l'encontre de Nicolas Dupont-Aignan sous le prétexte
délirant autant que liberticide que celui-ci ait pu considérer comme invasif
l'actuel phénomène migratoire aussi irrésistible que largement illégal?
L'antisémitisme qui tue
aujourd'hui en France n'est ni très vieux ni très français.
Je rappellerai que la même
section n'a pas bougé le petit doigt de son bras judiciaire lorsque je lui
avais déféré ces livres de l'islam radical vendus en grandes surfaces qui
appelaient à la mort des juifs des chrétiens et des mécréants.
Vanité des débats intellectuels
et médiatiques que l'on voudrait décisifs lorsqu'on voit leur évolution
positive, au regard de la récurrence de l'idéologie et des nécessités de la
petite politique.
Nul n'est épargné, y compris au
sommet de l'Olympe. Ainsi du président jupitérien.
Le voici qui croit devoir
expliquer aux étudiants américains que l'antisémitisme criminel actuel serait à
la confluence de l'importation du conflit israélo-palestinien, par la voie
antisioniste, et de celle du «vieil antisémitisme français». C'est à la fois
mésestimer la puissance de l'antijudaïsme islamique et surestimer la vigueur de
l'antisémitisme nationaliste occidental discrédité par la Shoah.
L'antisémitisme qui tue
aujourd'hui en France n'est ni très vieux ni très français.
À dire le vrai, je suis incapable
d'écrire si Jupiter est rendu fou par la folle idéologie anti-occidentale qui
lui aura fait dire que la colonisation française en Algérie était un crime
contre l'humanité, ou s'il n'est pas prêt à renoncer de bonne grâce à ce front
antifasciste qui lui aura servi de martingale gagnante il y a près d'un an.
Le cynisme politique n'excluant
pas l'erreur intellectuelle, je ne suis pas obligé de choisir.
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Gilles William Goldnadel
Hautes-Alpes: la préfecture annonce avoir stoppé l'action des
Identitaires (30.04.2018)
La préfecture des Hautes-Alpes a
annoncé ce lundi avoir "empêché" des militants de Génération
Identitaire (GI) de "poursuivre" leurs patrouilles anti-migrants à la
frontière franco-italienne, ce que conteste le groupuscule d'extrême droite.
Depuis le 21 avril et une
première manifestation hostile aux migrants au col de l'Échelle, au-dessus de
Briançon, ces militants qui agissent sous la bannière du mouvement "Defend
Europe" affirment sillonner la région pour "veiller à ce qu'aucun
clandestin ne puisse rentrer en France".
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poursuivis
Selon leurs dires, ils ont
"raccompagné" quatre clandestins à la frontière dans la nuit du 26 au
27 avril puis en ont signalé sept autres à la police la nuit suivante.
Selon la préfecture, "huit
membres" de Génération identitaire ont à nouveau, dans la nuit du 28 au 29
avril, "tenté de se faire passer pour des supplétifs de l'État" en
surveillant la frontière, alors que leur mouvement "n'est en rien habilité
à agir dans ce domaine" et que cela leur a été "clairement
signifié" à "plusieurs reprises".
Une entrave aux services de
l'État
Les forces de l'ordre "leur
ont donné ordre de stopper immédiatement leurs agissements néfastes, qui ne
servent à rien dans la lutte contre l'immigration irrégulière, constituent au
contraire une entrave pour les services de l'État à la bonne réalisation de
leur mission et ne font qu'exacerber les tensions autour de la question migratoire",
indique un communiqué de la préfecture.
"GI a ainsi été empêché de
poursuivre son action", assure la préfecture, selon laquelle le groupe a
"déclaré quitter les lieux en fin de nuit" de samedi à dimanche, et
"n'a plus été observé à la frontière haut-alpine depuis lors".
"Les services de l'État restent extrêmement vigilants",
ajoute-t-elle.
Un porte-parole de GI a démenti
que les militants avaient mis fin à leurs patrouilles, d'autant, a-t-il dit,
que celles-ci ne sont pas répréhensibles pénalement. "Nos équipes sont
toujours sur place, leur mission continue et nous n'avons pas reçu de demande
de partir", a déclaré Romain Espino, évoquant une "vingtaine de
militants", en majorité des Français.
"Juridiquement, on peut
intervenir car on a la loi de notre côté et l'article 73 du code pénal protège
notre action", a-t-il ajouté. Cet article stipule que "dans les cas
de crime ou délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute personne a
qualité pour appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police
judiciaire le plus proche".
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