L'écrivain-voyageur a tenu, auprès du Figaro, des propos sévères à l'égard de la religion islamique, insinuant qu'elle était difficilement dissociable de l'idéologie islamiste. Récemment, il avait signé une tribune contre le «séparatisme islamique».
Dans une interview au Figaro, Sylvain Tesson livre sa pensée sur des thèmes aussi variés que le voyage, la littérature et la religion – sans craindre, visiblement, de choquer ou de susciter la polémique.
Interrogé sur sa vision de la France, l'écrivain-voyageur développe celle-ci d'un point de vue géographique, mais également politique : l'auteur de Berezina et Sur les chemins noirs considère que son pays souffre du «syndrome du scorpion», c'est-à-dire d'une tendance à vouloir «en finir» avec lui-même, à se jeter «dans la guerre civile permanente» – tendance que la France, selon lui, parvient néanmoins toujours à surmonter. Lorsque le journaliste du Figaro lui demande de désigner une manifestation actuelle de ce «syndrome», Sylvain Tesson pointe du doigt la capacité des Français à accepter «les discours et les actes de groupes revendiquant [la] destruction» de la société française.
Je suis frappé par l'état de surprise apparemment sincère de ceux qui ont semblé découvrir le concept de terreur islamiste avec le Bataclan ou Charlie Hebdo alors qu'il date de l'hégire !
Et l'écrivain d'évoquer la menace islamiste : «Je suis frappé par l'état de surprise apparemment sincère de ceux qui ont semblé découvrir le concept de terreur islamiste avec le Bataclan ou Charlie Hebdo alors qu'il date de l'hégire ! Souvenons-nous des ravages et des razzias en Provence ou dans le Sud-Ouest au Moyen Age !»
Selon lui, les attentats djihadistes en France «n'ont fait que réveiller la mémoire de gens qui dormaient et n'avaient pas lu le Coran». Sylvain Tesson invoque alors son expérience de voyageur pour appuyer son jugement pour le moins sévère de la religion islamique : «Quand je traversais à 20 ans l'Asie centrale à vélo, je voyais ces manifestations de haine et de violence terrifiantes au Pakistan et en Afghanistan. J'étais alors revenu avec l'espoir que jamais cette proposition sociologique, politique, psychique, administrative et religieuse ne puisse s'exprimer en France». Et de poursuivre : «L'islam modéré est du même registre que les banques populaires ou la musique militaire : c'est un oxymore.»
Anticipant sans doute les accusations d'islamophobie ou de racisme que pourraient générer à son encontre ses propos, l'écrivain prend la peine de préciser que l'islam «ne résume aucune race, aucun peuple, aucun pays». «Il existe des musulmans ouïgours – donc chinois –, kirghizes, soudanais, maghrébins… Pas plus que critiquer Nietzsche fait de vous un germanophobe ou la pensée aristotélicienne un hellénophobe, dénoncer l'islam ne fait de vous un raciste», déclare-t-il au Figaro.
L'intérêt de l'écrivain pour cette thématique n'est pas inédit ; en 2015, par exemple, il s'indignait auprès du Point : «Au nom de l'antiracisme, il n'est pas permis de critiquer l'islam.» Récemment, Sylvain Tesson a signé, parmi une centaine d'autres personnalités dont Alain Finkielkraut, Pierre Nora et Luc Ferry, une tribune dans le Figaro dénonçant le «séparatisme islamique» – une tribune critiquée par le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, qui a laissé entendre qu'elle était «stigmatisante».
Islam, Tibet, science, Dieu... Les confessions de Sylvain Tesson
EXCLUSIF - Entre deux expéditions au Tibet et en Méditerranée, l'écrivain-voyageur a reçu Le Figaro Magazine dans sa thébaïde parisienne afin d'évoquer son goût pour l'aventure, sa philosophie de la vie, la France, la politique, l'islam, l'Histoire, le progrès et… sa passion modérée pour le monde et l'homme modernes.
Sylvain Tesson a beau ne pas croire en Dieu, il est heureux comme un pape. Quatre ans après, sa terrible chute de dix mètres de haut alors qu'il escaladait le mur d'un chalet à Chamonix, semble un lointain souvenir. Tout comme ses mois d'hôpital sur un lit de souffrance. Ses séquelles physiques, il les camoufle sous un manteau d'autodérision aussi épais que les neiges du Tibet d'où il revient quand il nous accueille chez lui, rayonnant, frétillant, bondissant. Comme en témoigne la paire de skis posée le long d'une bibliothèque de son appartement, au dernier étage d'un immeuble parisien surplombant l'église Saint-Séverin, en plein Quartier latin, il s'apprête à repartir. Direction les Alpes, qu'il arpentera en suivant leurs crêtes depuis leur façade maritime jusqu'au massif de la Vanoise, où il aura une pensée pour Emmanuel Cauchy, qui vient de périr dans une avalanche («un grand alpiniste, un médecin hors pair, un ami»). Puis ce sera la Méditerranée, sur un voilier, pour refaire le voyage d'Ulysse, qu'il a raconté l'été dernier sur France Inter et qui fait l'objet d'un livre coédité par son ami Olivier Frébourg*.
Bouger, glisser, grimper, avancer: la vie de Sylvain Tesson est faite de mouvements plus ou moins ordonnés, mais pas seulement. A 45 ans, l'ancien jeune homme pressé a appris à se poser, à s'asseoir devant son bureau et à tirer de ses expériences de voyages des récits ou des livres de réflexions qui se vendent à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires. Parce qu'il a beaucoup lu, Tesson écrit beaucoup. Et ne pense pas moins: vivre un peu en dehors du monde ne l'empêche pas de nourrir une réflexion sur celui-ci. La France et son destin, l'Histoire, la politique, la foi (ou plutôt son absence), l'islam et l'islamisme, Homère, les rapports entre l'homme et la nature: durant deux heures, l'aventurier-philosophe, misanthrope et antépathe revendiqué, a accepté de se livrer. On est prié d'accrocher sa ceinture.
Peut-on vous définir comme un aventurier philosophe?
Sylvain Tesson - Disons que cela correspond peu ou prou à la démarche qui guide ma vie: transformer une idée en un itinéraire puis, durant le voyage qui suit cet itinéraire, laisser s'agréger des idées que je transforme en notations. De ces notations je ferai parfois un livre où affleureront peut-être des réflexions, des pensées, des méditations…
Quelles sont les trois dernières idées que vous avez transformées en voyages?
La première était celle de vivre un moment relevant du sacré: guetter l'apparition d'une bête, la panthère des neiges. Cet animal est le point d'aboutissement de millions d'années en vue de créer une arme de destruction massive. Mais une arme qui ne détruira autrui qu'en fonction de ses seuls besoins, sans démesure, ni hubris ni démiurgie: la panthère des neiges possède une beauté parfaite d'impératrice tranquille, car elle est située au sommet de son échelle de prédation animale. Par ailleurs, je voulais vivre le concept de l'affût. Cesser de circuler pour demander à l'espace de vous apporter de l'imprévu. Vivre ce moment totalement silencieux, au Tibet, à 4 000 mètres d'altitude, par - 35 °C, au cours duquel on regarde passer le temps en attendant de regarder passer la panthère qui peut-être ne viendra pas. Etre dans le non-agir. Cela a ses vertus. Et rend philosophe: cette observation immobile de ce spectacle antispectaculaire offre de quoi se consoler de la mélancolie qui nous atteint tous.
Avez-vous fini par voir la bête?
Oui, et l'exaltation intérieure que j'ai vécue équivalait sans doute à celle de Bernadette Soubirous dans la grotte de Lourdes. Ce qui est triste est d'imaginer qu'elle peut être mise en danger par l'homme, ce parvenu de l'évolution darwinienne arrivé récemment sur terre et qui, depuis, ne cesse de coloniser le vivant et parfois, souvent, de le détruire. Il est là, le grand remplacement! Il est là, le vrai combat anticolonial à mener!
Une autre idée récente devenue voyage?
Je suis passionné par les techniques de mouvement, quelles qu'elles soient: biologique, sociale, militaire, etc. La manière dont les bêtes circulent - par lévitation, vol, en apesanteur… - me fascine particulièrement. Et je m'intéresse aux déplacements humains, lorsqu'ils sont naturels: à bicyclette, à cheval, à pied («by fair means», comme disent les Anglais). Voilà pourquoi je me lance ce printemps dans une randonnée à skis, en compagnie de Daniel Dulac (guide de montagne, champion d'Europe d'escalade, compagnon fréquent d'aventures de Sylvain Tesson, ndlr). Je devais aller à Val-d'Isère à l'occasion du Festival Aventure et découverte: au lieu de m'y rendre en TGV et taxi, je pars de Menton et je rejoins le massif de la Vanoise à skis et peaux de phoque par le Mercantour, les Alpes-de-Haute-Provence, le Queyras. Glisser silencieusement pendant des jours dans la blancheur immaculée des sommets alpins, quelle extase… Et quel appel à la méditation, là encore. La montagne vous immerge dans un rapport singulier au vide. Surtout l'escalade, qui est une allégorie de la symphonie de l'existence: un début,une fin et, entre les deux, un solfège de sensations, de réflexions, de pensées,d'espoirs,de désespoirs. Et surtout, grâce à cette absence d'hommes autres que vos compagnons de cordée, ce sentiment de renouer avec les temps préadamiques.
Votre misanthropie va assez loin. Au point de partager l'interrogation de Théodore Monod se demandant «si l'existence humaine était un échec?»?
Oui, et c'est d'ailleurs le plaisir de m'éloigner des hommes qui préside un peu à ma troisième idée-voyage: répéter, sur un bateau à voile, le périple accompli par Ulysse tel qu'historiens, géographes et hellénistes l'ont reconstitué. Je partirai en mai et cela sera aussi comme un prolongement de l'été que j'ai passé avec l'œuvre d'Homère l'an passé.
D'où viennent votre familiarité et votre fascination pour le poète grec?
Je me dis que ce texte aurait pu mettre un point final à toute production littéraire. Chaque fois que l'on est confronté à un tourment personnel ou le spectateur d'un conflit majeur, on en retrouve la description, l'explication ou l'enseignement chez Homère. Son œuvre est une sorte de bréviaire de l'homme. Mais Homère, c'est aussi et d'abord un enchantement de lecture. Y compris pour les enfants et quoi qu'en disent les dynamiteurs de l'enseignement qui prétendent que c'est trop compliqué ou trop je ne sais quoi. Homère, c'est Goldorak! Il y a des filles qui volent, des types qui sortent de la terre, des monstres que combattent des héros sur l'eau, sous l'eau, dans les airs!
Enfant, que lisiez-vous?
Je suis venu assez tard à la lecture. Non par esprit de séparatisme d'une famille exceptionnelle vivant dans les vers, les lettres et la musique, et qui m'a offert un capital moral au sens où l'entendait Jacques Bainville pour décrire la succession de Louis XIV («la France ruinée avait hérité d'un capital moral»). Mais dans cette cage dorée et merveilleuse, j'étouffais, raison pour laquelle j'adore ouvrir les fenêtres et parfois passer à travers. Bref, à l'appel des feuilles des livres, je préférais celui des feuilles de la forêt. J'ai donc juste un peu lu Jules Verne adolescent, puis plus rien jusqu'à 20 ans et là, c'est devenu une compulsion vorace. Je suis un anorexique-boulimique des livres. Pour vous dire, j'en suis à dévorer même des manuels de technique de machines à laver moldaves.
C'est ce désir de fuite physique qui vous a poussé vers des études de géographie?
Sans doute. Et au-delà, vers un rapport particulier à l'espace mais aussi au temps. Quand on est passionné par la géographie, et surtout la géologie, donc les formes, les reliefs, les paysages et la tectonique, vient un moment où l'on s'intéresse moins au présent et à l'avenir car on s'occupe de choses qui ont deux millions d'années. Cela m'a sans doute ancré dans la difficulté à vivre dans l'adoration de l'avenir et de l'innovation: la sédimentation m'intéresse davantage que la disruption. Prenez cette église dont les cloches sont en train de sonner (il se lève et se dirige sur une petite terrasse qui surplombe la nef de Saint-Séverin). Bien sûr, on peut s'extasier devant cette illustration remarquable du gothique flamboyant, se souvenir que c'est là où fut baptisé Huysmans et où eurent lieu les obsèques de Bernanos, mais ce que je vois, moi, ce sont tous ces moellons de calcaire qui ont été avant cela des coquillages, donc des êtres vivants. Tout Paris est construit sur des fossiles vivants et cela me passionne autant que cela me détourne de tout enthousiasme béat pour la comédie humaine contemporaine.
Votre fascination pour la charpente matérielle extérieure vous retient-elle d'entrer dans ce sanctuaire et d'adorer Dieu?
Mais je n'ai pas besoin d'entrer dans une église pour voir Dieu. Je vois la manifestation du divin dans le vivant. N'est-ce pas d'ailleurs étrange d'édifier une voûte de pierre qui nous coupe physiquement du Ciel quand on prétend s'y intéresser? En fait, je suis le précepte de Clément d'Alexandrie: «Contente-toi du monde.» J'absorbe le monde dans sa substance. Ma pratique du voyage et ce mode de vie m'incorporent au réel que j'ai étudié comme géographe et me gardent de tout culte d'un dieu qui serait extérieur à sa création.
Votre raisonnement relève un peu de la guimauve new age…
J'assume. Autant je me revendique comme un catholique culturel, car je suis l'héritier d'une histoire de France façonnée par le catholicisme, autant on ne m'obligera pas à croire aux fables sur lesquelles repose la religion. Je vais à l'église mais en grimpant dessus.
Même après votre accident il y a quatre ans?
En vérité, non. J'ai arrêté les églises, je ne fais plus d'alpinisme gonzo, je fais de l'escalade traditionnelle: les calanques, Chamonix, les Dolomites, etc. Avec d'autres sensations. Avant, elles étaient celles d'un ivrogne: en buvant, j'éprouvais le besoin de grimper. Je ne bois plus et mon envie de grimper a changé de forme. Elle est plus technique, plus professionnelle.
Au point de bénir cet accident?
Ah non! Je veux bien être un catholique culturel, mais le dolorisme chrétien, très peu pour moi. Ne comptez pas sur moi pour vous dire que lorsque j'étais sur mon lit d'hôpital, je remerciais Dieu de m'avoir mis sur le droit chemin grâce à ces souffrances m'ayant ouvert les yeux sur l'inconséquence de mes actes! Le malheur n'est jamais utile. Jamais. Par ailleurs, cet accident ne m'a pas rendu sage, ne m'a pas enseigné une nouvelle manière de vivre. Je n'ai jamais été aussi actif, instable, agité, en mouvement.
Pourquoi ne pas transformer ce goût de l'action en militantisme politique?
Il y a longtemps, on m'a présenté à l'écrivain Vladimir Volkoff en lui précisant que je revenais d'un tour du monde à bicyclette. Il m'a dit: «Tout jeune garçon qui n'a pas envie de partir faire le tour du monde à bicyclette à 20 ans est à passer par les armes.» C'est vrai: à 20 ans, il faut se lancer. Certains, c'est dans un engagement politique ; moi, je suis tombé dans cette espèce d'action sportive qui a tenu lieu d'école d'action politique. Au lieu de prétendre transformer la société, on transforme son gouvernement personnel. J'ai fait mes propres Mai 68, mes propres 6 février 1934, sauf qu'au lieu de prendre d'assaut des ponts comme celui de la Concorde, je sautais par-dessus. Sous les auspices de Clément Marot: «Plus ne suis ce que j'ai été/Et ne le saurais jamais être/Mon beau printemps et mon été/Ont fait le saut par la fenêtre.»
Qu'est-ce qui vous donne envie de vous rendre quelque part?
Je ne raisonne pas en me disant que j'aimerais connaître la culture caribéenne, lapone ou toltèque mais parce qu'un élément m'attire: la mangrove, l'atoll corallien, etc. En ce moment, je m'intéresse à l'idée de l'île déserte, du caillou isolé au milieu de l'océan. Je lis donc beaucoup de littérature de naufrage portugaise. C'est très instructif en termes d'édification politique. Emerge tout le questionnement, très actuel, sur le vivre-ensemble tel qu'il est impossible à mettre en place s'il n'est pas raisonné en amont. Ainsi des morutiers anglais et français échoués dans les terres australes qui jugeaient nécessaire de se séparer, de recréer un Channel entre eux, alors qu'ils appartenaient à deux cultures assez cousines et alors que la raison leur dictait de se mettre ensemble pour chasser les manchots et affronter l'avenir incertain… Mais non, ils s'installaient sur leur île à bonne distance les uns des autres. En découvrant cela, le concept magnifique de mariage spontané des cultures tombe à l'eau, c'est le cas de le dire.
Quel est votre regard sur la France?
La France m'intéresse géographiquement à cause de sa marqueterie spécifique. Je ne me lasse pas d'être étonné par le rapport proportionnel inversé entre la taille de son territoire - une tête d'épingle sur un planisphère - et l'épaisseur de l'attention qu'on a portée au moindre mètre carré de ce pays. Pas un arpent qui n'ait été peint par un artiste, chanté par un poète, étudié par un sociologue, aménagé par un géographe, envié par un conquérant, déconstruit par un philosophe, reconstruit par un historien… Un paysage de forêts, au nord du lac Baïkal, n'est pas moins beau esthétiquement, mais il n'aura intéressé provisoirement qu'une escouade de Russes au XVIIe, quelques braconniers de visons au XVIIIe, une poignée de cavaliers iakoutes au XIXe, et les pauvres zeks d'un goulag au XXe. Et aucun peintre, car l'huile gèle là-bas. Historiquement, la France me donne l'impression de souffrir du syndrome du scorpion. Malgré une volonté permanente d'unité politique et administrative, qu'elle émane de rois, d'empereurs ou de gouvernements républicains, elle est toujours traversée par la tentation d'en finir avec elle-même, de se jeter dans la guerre civile permanente (sociale, politique, sociologique, religieuse). Tendance qui finit toujours par être surmontée. Il y a toujours une Jeanne d'Arc ou un de Gaulle qui surgit de derrière les fagots. En cela, la France me fait penser aux grimpeurs qui s'approchent toujours au plus près du précipice. Comme l'écrit Jankélévitch: «L'homme brûle de faire ce qu'il redoute de plus.»
Voyez-vous une manifestation contemporaine de ce syndrome?
Faut-il en parler?
Oui.
Eh bien, je dirais: notre tolérance à accepter les discours et les actes de groupes revendiquant notre destruction.
Vous voulez parler des islamistes?
Oui. Je suis frappé par l'état de surprise apparemment sincère de ceux qui ont semblé découvrir le concept de terreur islamiste avec le Bataclan ou Charlie Hebdoalors qu'il date de l'hégire! Souvenons-nous des ravages et des razzias en Provence ou dans le Sud-Ouest au Moyen Age!
Au fond, ces attentats n'ont fait que réveiller la mémoire de gens qui dormaient et n'avaient pas lu le Coran. Ou n'avaient pas voyagé: quand je traversais à 20 ans l'Asie centrale à vélo, je voyais ces manifestations de haine et de violence terrifiantes au Pakistan et en Afghanistan. J'étais alors revenu avec l'espoir que jamais cette proposition sociologique, politique, psychique, administrative et religieuse ne puisse s'exprimer en France. Or, non seulement elle s'exprime, mais elle a déjà remporté des victoires.
Par exemple sur le plan sémantique, où l'on utilise le terme de «radicaux» pour parler des djihadistes alors que le vrai terme devrait être celui d'«orthodoxes» car ils ne font que respecter ce qui est écrit dans le Coran, qui n'est certes pas un livre de développement personnel visant à amener les populations vers la compassion universelle, et dont des «extrémistes» dévoieraient le message…
Pour rester dans la sémantique, comment, au pays de Voltaire, Ravachol etCharlie Hebdo, en est-on arrivé à mesurer ses propos pour critiquer une religion au motif que cela relèverait du racisme? L'islam ne résume aucune race, aucun peuple, aucun pays. Il existe des musulmans ouïgours - donc chinois -, kirghizes, soudanais, maghrébins… Pas plus que critiquer Nietzsche fait de vous un germanophobe ou la pensée aristotélicienne un hellénophobe, dénoncer l'islam ne fait de vous un raciste.
Vous ne croyez pas du tout à l'existence d'un islam modéré?
L'islam modéré est du même registre que les banques populaires ou la musique militaire: c'est un oxymore.
Que n'aimez-vous pas dans votre époque?
L'inquiétante reconfiguration du monde. Scientifiquement, nous arrivons à réécrire le poème du réel: l'infiniment petit est manipulable à loisir (atome, génome, molécule). Mais cette possibilité scientifique de reconstruire les grandes structures du vivant se double d'une volonté de réécriture de ce qui appartient au patrimoine intellectuel et culturel: l'Histoire, les rapports humains, la place des femmes, etc. Succédant au pléistocène, au pliocène, au quaternaire, ce «cybercène» marque la naissance d'une nouvelle ère de soumission à la machine. Or, si l'écroulement de notre vieux monde est bien étudié, personne n'est capable de décrire la voie que va prendre cette ère digitale. Pas même les idiots utiles de la cybernétique qui pullulent. Tout ce qui a été institué se dissout mais ce qui doit advenir n'est pas encore là. C'est vertigineux.
Pourquoi ne vous êtes-vous rendu qu'une seule fois aux Etats-Unis?
Pourquoi aller là-bas puisqu'ils sont déjà là? comme dirait Régis Debray. Ce pays qui s'est bâti sur un génocide (celui des Indiens) et un zoocide (celui des bisons) ne m'attire vraiment pas…
Y a-t-il une époque où vous auriez aimé vivre?
Le paléolithique magdalénien, c'est-à-dire environ 15.000 ans avant J.-C., quand apparaissent le langage, un début d'organisation de la société, des bijoux (donc la volupté), l'enterrement des morts (donc la notion de transcendance). Et l'art! Mais attention: un art exécuté par des artistes tellement modestes qu'ils faisaient leurs expos dans des galeries souterraines et des grottes mal éclairées. J'allais oublier le plus important: ne vivaient alors sur terre que 100.000 hommes qui, selon les chercheurs, ne travaillaient d'ailleurs que trois ou quatre jours par semaine. Ce qui relativise beaucoup le caractère révolutionnaire des syndicalistes contemporains plagiaires du paléolithique qui réclament de travailler moins de 35 heures par semaine.
Votre vision du passé est un peu romantique, non?
Je ne crois pourtant pas l'être. L'exaltation de son propre tourment intérieur, la sentimentalisation du rapport à la nature, très peu pour moi. Quand je vois un rocher, je ne dis pas: «Rocher inaccessible/Que vous êtes heureux/De n'être point sensible/Aux tourments amoureux.» Les rochers, je préfère grimper dessus.
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