mercredi 25 avril 2018

Islamisme et politique 23.04.2018


Alpes : comment les immigrés illégaux s'organisent pour franchir la frontière française (23.04.2018)
Financement du terrorisme: Lafarge aurait renseigné l'État français sur ses versements (23.04.2018)
Arménie : contesté par la rue, le premier ministre démissionne (23.04.2018)
Trump et Macron célèbrent leur «relation spéciale» à Washington (22.04.2018)
Renaud Girard : «L'Iran, enjeu central de la rencontre entre Trump et Macron» (23.04.2018)

À Paris, les campements de migrants à nouveau saturés (23.04.2018)
Migrants : le «coup de com» des Identitaires salué par le FN (23.04.2018)
L'immigration, la dernière ligne de fracture idéologique (23.04.2018)
Georges Bensoussan  : «L'antisémitisme se pare désormais des oripeaux d'un antiracisme dévoyé» (23.04.2018)
Jean-Louis Thiériot : «Mineurs étrangers, le grand silence de la loi asile et immigration» (22.04.2018)
Le Groenland rêve encore d'indépendance (23.04.2018)
Séoul stoppe la diffusion de sa propagande à la frontière nord (23.04.2018)
Radovan Karadzic de retour devant les juges (23.04.2018)
Yémen : des raids aériens font des dizaines de morts lors d'un mariage (23.04.2018)
En Chine, un incroyable «Big Brother» pour trier les bons et les mauvais citoyens (19.04.2018)
Rwanda, le grand retour (20.04.2018)
De qui Salah Abdeslam est-il l'échec ? (24.04.2018)
Marion Maréchal-Le Pen inaugurera son «académie» à Lyon en juin (24.04.2018)
Allemagne : au Bundestag, l'AfD refuse de rentrer dans le rang (23.04.2018)
Merkel dénonce l'«autre antisémitisme» de certains réfugiés arabes (23.04.2018)
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YouTube a supprimé 8,3 millions de vidéos abusives au dernier trimestre 2017 (24.04.2018)
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Amazon développerait en secret Vesta, un robot majordome (24.04.2018)
Samuel Maoz : «La société israélienne est une société traumatisée» (24.04.2018)
Syrie: Paris aurait demandé à Washington d'épargner l'usine Lafarge, occupée par Daech (25.04.2018)
Antisémitisme : le Coran au coeur de la controverse (24.04.2018)
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Chez les juifs et les chrétiens, interpréter les textes religieux est capital (24.04.2018)
Alexandre del Valle : «L'islamiquement correct fait le jeu des terroristes» (23.03.2018)
Hamed Abdel-Samad : «L'idée du djihad est aussi vieille que l'islam lui-même» (10.03.2017)
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Ce que dit vraiment le Coran (13.11.2015)
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Éditorial : «Enfin !» (24.04.2018)
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Référendum sur l'immigration : Dupont-Aignan demande à Wauquiez de passer aux actes  (25.04.2018)
Lutter contre le financement du terrorisme, l'immense défi des États (25.04.2018)
L'État impuissant face aux finances de l'islam de France (25.04.2018)
« L'idée d'une zone grise dans laquelle on peut tolérer du terrorisme en défense de certaines causes a disparu » (25.04.2018)
Un policier israélien condamné à neuf mois de prison pour avoir tué un ado palestinien (25.04.2018)

Canada: une camionnette renverse une dizaine de piétons (23.04.2018)
Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 23/04/2018 à 21h10 | Publié le 23/04/2018 à 19h52
Une camionnette a renversé aujourd'hui une dizaine de piétons dans le centre de Toronto et au moins "huit à dix" personnes ont été blessées, a indiqué la police de la capitale économique canadienne. La police a indiqué sur Twitter que "la collision" a eu lieu à 13H27 locales (17H27 GMT) mais n'a pas précisé s'il s'agissait d'un acte délibéré ou d'un accident.
Cette "fourgonnette blanche" a renversé des passants sur la rue Yong, au coin de l'avenue Finch, au nord du centre-ville de Toronto, selon la police. Selon des médias locaux, "au moins quatre personnes n'ont plus de signes vitaux". Le chauffeur du véhicule à été arrêté, selon les médias locaux.

Alpes : comment les immigrés illégaux s'organisent pour franchir la frontière française (23.04.2018)
Par Christophe Cornevin
Mis à jour le 23/04/2018 à 19h45 | Publié le 23/04/2018 à 18h34
Évitant le «verrou» de Vintimille, les clandestins subsahariens vont plus au nord pour passer les cols. Les filières y rivalisent d'ingéniosité pour tromper la vigilance des autorités.
Théâtre de «provocations, de gesticulations et d'affrontements», selon Gérard Collomb qui renvoie dos à dos des «groupes d'activistes d'ultradroite et d'ultragauche», les Hautes-Alpes vont faire l'objet d'une thérapie de choc pour juguler un afflux exponentiel de migrants originaires d'Afrique de l'Ouest.
Samedi, une centaine d'activistes du mouvement d'extrême droite Génération Identitaire avaient bloqué le col de l'Échelle, point de passage des migrants dans les Alpes. En réponse, des militants antifascistes italiens accompagnés de migrants avaient forcé dimanche un barrage de gendarmes français.
Au moment même où son projet de loi sur l'asile et l'immigration a été adopté à l'Assemblée nationale au terme d'âpres débats, le ministre de l'Intérieur a donc ordonné que des «renforts de police et de gendarmerie importants» soient mis en place pour «s'assurer du respect absolu du contrôle des frontières». Dès dimanche soir, un escadron de gendarmerie mobile et une demi-compagnie républicaine de sécurité (CRS), soit une centaine d'hommes au total, ont été engagés en soirée pour renforcer les unités territoriales qui peinent à faire face à la vague montante des arrivées illégales.
Le col de l'Échelle, endroit stratégique
Chiffres à l'appui, la préfecture dresse un état des lieux préoccupant: le nombre des personnes refoulées vers l'Italie a littéralement explosé en un an, passant de 315 en 2016 - soit moins d'un cas par jour - à près de 1900 l'année dernière. Constatant un «effet de report» depuis que la charnière «traditionnelle» Menton/Vintimille (Alpes-Maritimes) est cadenassée par environ 600 policiers et gendarmes, un responsable local observe que «de plus en plus de candidats à l'exil tentent leur chance plus au nord et franchissent la frontière en empruntant le col de Montgenèvre, qui figure au nombre des 120 points de passage frontaliers autorisés mis en place lors de la fermeture des frontières au lendemain des attentats de novembre 2015».
Outre de sporadiques trafics intracommunautaires de clandestins indo-pakistanais faisant le voyage à deux ou trois à bord de véhicules conduits par des compatriotes venus de région parisienne gagner quelques billets, les forces de l'ordre y sont confrontées à des flots de migrants sénégalais, ivoiriens et guinéens. «Il s'agit essentiellement de jeunes hommes, plus rarement de familles avec des enfants, débarquant de Milan ou de Turin et qui savent que les rares points de passage routiers sont surveillés autant que les trains internationaux», rappelle un policier spécialisé.
En tenue de ski sur les planches
Attirés par le bouche-à-oreille qui reste l'un des vecteurs les plus efficaces pour dessiner leur «routing», ces exilés subsahariens franchissent à pied et avec les moyens les plus rudimentaires le très stratégique col de l'Échelle, culminant à 1762 mètres à six kilomètres de la frontière italienne. «Plus récemment, note un expert, nous avons aussi intercepté des migrants qui dévalaient tant bien que mal les pentes sur des planches et en tenue de ski pour se fondre dans le décor.»
De fait, les organisateurs de filières sont de plus en plus ingénieux pour tromper la vigilance des quelques dizaines de militaires et d'agents de la police aux frontières censés jusqu'ici «tenir» le périmètre. Après avoir essuyé quelques déconvenues liées à des arrestations de passeurs en flagrant délit, les animateurs de réseaux, pragmatiques, adaptent leur méthode.
Si la SNCF tourne au ralenti, les Ouibus sont très prisés par les passeurs. Selon nos informations, une filière franco-italienne en avait réservé pas moins de 6000 billets avant d'être démantelée au début de l'année
Moyennant 500 euros, ils délivrent à chaque migrant africain un petit «guide» pratique où figurent notamment les meilleurs chemins, les horaires les plus adéquats, un ou deux numéros téléphoniques de complices installés en France ou encore les lignes low-cost à emprunter de préférence en solo pour ne pas éveiller les soupçons. Si la SNCF tourne au ralenti, les Ouibus qu'elle affrète semblent très prisés. Selon nos informations, une filière franco-italienne en avait réservé pas moins de 6000 billets avant d'être démantelée au début de l'année.
«Après l'arrivée du printemps et la fonte des neiges, la pression migratoire va encore augmenter, comme tous les ans à cette saison», grimace un haut fonctionnaire qui se félicite de l'arrivée des renforts. Suffiront-ils? Considérant que «50.000 non-admissions ont été prononcées à la frontière franco-italienne» pour la seule année 2017, Gérard Collomb a décidé de «renouveler les contrôles pour six mois».
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Rédacteur en chef adjoint, spécialiste sécurité et renseignement
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Financement du terrorisme: Lafarge aurait renseigné l'État français sur ses versements (23.04.2018)
Par Le figaro.fr
Mis à jour le 23/04/2018 à 16h39 | Publié le 23/04/2018 à 14h01
Selon Jean-Claude Veillard, ancien directeur de la sûreté du cimentier, dont des déclarations à la justice ont été révélées par Libération, les renseignements français recevaient des informations sur la localisation des troupes djihadistes et étaient également au courant des transactions financières entre Lafarge et l'État islamique.
C'est une nouvelle fuite judiciaire qui va faire du bruit. D'après une enquêtede Libération, qui révèle des éléments du dossier Lafarge actuellement entre les mains de la justice, le cimentier aurait fourni de nombreux renseignements aux services français, au point de faire connaître les paiements faits à Daech pour continuer à faire tourner l'usine de Jalabiya, près de Kobané au nord du pays. Dans cette affaire, six dirigeants du cimentier ont déjà été mis en examen. Ils sont soupçonnés d'avoir payé l'État Islamique à hauteur de dizaines de milliers d'euros pour continuer à exploiter la cimenterie.
Le témoignage recueilli est celui de Jean-Claude Veillard, directeur de la sûreté chez Lafarge, qui aurait fait plusieurs déclarations et remis aux enquêteurs un agenda faisant état de 33 rencontres avec des services de sécurité extérieure (DRM et DGSE) entre 2012 et 2014.
Conversations avec «grosmarmotte»
Libération évoque également les nombreux mails saisis lors d'une perquisition au siège de Lafarge, qui attesteraient d'une correspondance avec l'agence de renseignement. La DGSE aurait utilisé une adresse mail banalisée («grosmarmotte@gmail.com») pour communiquer avec le directeur. Ce dernier les aurait informés de façon régulière, annonçant ses fréquentations, comme le 13 septembre 2014 avec des dirigeants kurdes sur le sol français. Il aurait aussi prévenu les services français lors des avancées de Daech et après la prise de contrôle de l'usine de Jalabiya par l'organisation terroriste. Le directeur décrit dans ces mails les méthodes de l'État Islamique: «L'usine est maintenant occupée par Daech qui bénéficie de notre cantine, clinique et base vie. […] Le contact a été établi pour la libération de nos collègues chrétiens. Nous recherchons maintenant une voie pour payer la “taxe” car leur jugement est simple: la conversion, la taxe ou la vie…».
Et lorsque la situation est stabilisée et qu‘un intermédiaire propose de reprendre l'activité «sous le contrôle d'hommes d'affaires de Daech», les informations auraient également été transmises. La DGSE aurait alors répondu qu'elle était intéressée «par tout élément sur les représentants de Daech [...] Tel, mails, pseudos, descriptions, etc.». Concernant les versements de Lafarge aux représentants de l'État Islamique, Jean-Claude Veillard affirme qu'il ne faisait «aucun tri dans les informations» et que tout était donné aux services français.
Utiliser l'usine comme base de déploiement pour les forces spéciales
On apprend également que deux salariés étrangers de Lafarge spécialisés dans la gestion des risques collectaient toutes les informations possibles sur Daech (localisation des soldats, hommes forts, etc.), et construisaient des cartes, ensuite transmises aux services français par l'équipe de Jean-Claude Veillard. Entre le service de la sûreté de Lafarge et les renseignements français, les liens sont en fait ténus. La plupart des recrues sont des anciens des «services», et Jean-Claude Veillard, ancien commando marine (et par ailleurs ancien candidat du Front national aux municipales de 2014), n'a rejoint le privé qu'après quarante ans au ministère de la Défense. Il ne cache pas ses liens avec le renseignement français et sa volonté d'aider la politique française dans la région, faisant même état de contacts avec le cabinet militaire du président François Hollande au sujet de l'intérêt stratégique de l'usine Lafarge. «Mon simple objectif était de faire comprendre que cette usine pouvait être utilisée comme base dans le cadre de déploiement des forces militaires françaises», souligne-t-il. Effectivement, à la fin de 2015, des forces américaines s'installent dans l'usine, rejointes quelques semaines plus tard par des forces spéciales françaises.
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Arménie : contesté par la rue, le premier ministre démissionne (23.04.2018)


Par Pierre Avril
Mis à jour le 23/04/2018 à 22h28 | Publié le 23/04/2018 à 15h43
VIDÉO - Serge Sarkissian, nommé premier ministre après dix années passées à la présidence, a annoncé lundi sa démission après plusieurs jours de manifestations anti-gouvernementales.
Après onze jours de manifestations hostiles, le premier ministre arménien, Serge Sarkissian, a présenté sa démission lundi alors que des milliers de jeunes étudiants continuaient à défiler dans la capitale Erevan, réclamant son départ. «Je m'adresse à vous pour la dernière fois comme chef de l'État. Je quitte le poste de premier ministre. Le mouvement de la rue est contre moi. Je fais suite à vos exigences», a déclaré ce dernier dans un communiqué publié sur le site de la présidence. Peu avant, les autorités arméniennes avaient libéré le leader de la contestation, Nikol Pachinian. Ce député d'opposition, un ancien journaliste de 42 ans, avait été arrêté la veille après avoir brièvement rencontré son adversaire dans un palace d'Erevan et lui avoir signifié qu'il n'avait plus la confiance du peuple. Le tête-à-tête avait tourné court, conduisant Sarkissian à faire procéder à de multiples arrestations. «Nikol Pachininan avait raison. J'avais tort», a finalement reconnu, vingt-quatre heures plus tard, l'ex-homme fort du pays.
Au pouvoir suprême depuis 2008 en tant que président de la République, ce dernier doit sa disgrâce à sa tentative de changer la constitution faisant de l'Arménie une république parlementaire avec à sa tête un premier ministre récupérant tous les pouvoirs autrefois dévolus au chef de l'État. La fonction présidentielle est actuellement occupée par Armen Sarkissian, sans lien de parenté avec Serge. Dans la foulée, Serge Sarkissian s'était fait élire par le parlement le 17 avril, catalysant la colère de la rue et parmi elle de nombreux étudiants. Lundi, des jeunes militaires s'étaient même joints à la contestation, s'attirant des mises en garde de la part de l'État-major. Néanmoins, «le pouvoir n'a pas la possibilité d'utiliser la force. Sarkissian est devenu un facteur d'instabilité. Il n'a pas d'autre choix que partir» expliquait lundi matin au Figaro, Grant Mikaelian, analyste à l'Institut du Caucase.
Commémoration du génocide arménien mardi
Son départ coïncide avec la journée, prévue demain, de commémoration du génocide arménien, correspondant à un intense moment de recueillement. L'Arménie est coincée entre son voisin russe au Nord, et turc au Sud. À l'Est, elle est également en conflit avec l'Azerbaïdjan, alliée avec Ankara, qui lui conteste militairement la propriété du haut Karabach. Serge Sarkissian tirait justement sa popularité de sa gestion militaire et diplomatique du dossier du Karabakh. Tout en signant un accord d'Union douanière avec la Russie qui dispose d'une base militaire, Erevan poursuit sa collaboration avec l'Union européenne. Ce week-end aussi bien Bruxelles que Washington avaient mis en garde Serge Sarkissian contre l'usage de la force. De son côté, à la différence du dossier ukrainien où il avait défendu Viktor Ianoukovitch face aux manifestants de Maïdan, le Kremlin avait indiqué que la crise relevait des «affaires intérieures» du pays.
Dans la foulée de la démission du premier ministre, les différentes fractions au parlement devront présenter leur candidat dans un délai de sept jours au poste de chef du gouvernement. Serge Sarkissian était le candidat de la majorité.
Correspondant à Moscou
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Trump et Macron célèbrent leur «relation spéciale» à Washington (22.04.2018)
Par Philippe Gélie
Mis à jour le 24/04/2018 à 12h23 | Publié le 22/04/2018 à 18h00
Le président français a entamé, lundi à Washington, une visite d'État de trois jours aux États-Unis, la première de l'Administration Trump. Il mise sur la proximité avec son homologue pour étendre l'influence de la France.
Correspondant à Washington
Il est plutôt rare que la guerre vienne donner raison à la diplomatie. Sans des frappes conjointes en Syrie le 13 avril dernier, Emmanuel Macron n'aurait pas grand-chose à montrer au bilan de sa relation privilégiée avec Donald Trump. Une série de raids nocturnes a changé la donne: le président français arrive ce lundi à Washington auréolé du statut d'allié militaire de premier plan.
La première visite d'État sous le mandat de Donald Trump, un privilège remarqué, doit plus à la First Lady, Melania, qu'au président américain. Selon le chef du protocole américain, c'est elle qui a insisté pour rendre la politesse de la sorte au couple français, qui les avait reçus avec faste le 14 juillet 2017 à Paris.
«Il n'y a pas d'objectif précis à attacher à ce type de rencontre très solennelle, même si des dossiers lourds seront discutés. Le cérémonial constitue en lui-même une déclaration publique d'amitié»
Un diplomate
Dîner privé à Mount Vernon, honneurs militaires sur la pelouse de la Maison-Blanche, dîner d'État avec le tout-Washington, discours au Congrès: en trois jours, le président français va bénéficier d'un traitement de marque qu'aucun autre dirigeant étranger n'a encore reçu. En soi, c'est la garantie d'une visite réussie: «Il n'y a pas d'objectif précis à attacher à ce type de rencontre très solennelle, même si des dossiers lourds seront discutés, dit un diplomate. Le cérémonial constitue en lui-même une déclaration publique d'amitié.»
La «lune de miel» avait pourtant démarré sous de mauvais auspices. Au mépris exprimé par Donald Trump pendant sa campagne envers «la France(qui) n'est plus la France», puis à son soutien à peine voilé à Marine Le Pen avaient succédé, côté français, une poignée de mains un peu trop agressive et l'ironie ciblée du slogan «Make our planet great again». Un dîner à la tour Eiffel et un défilé militaire sur les Champs-Élysées l'été dernier ont tout changé. Convaincu qu'il y avait une place à prendre, Emmanuel Macron a su établir une relation «amicale mais franche» avec Donald Trump, selon les entourages des deux hommes. Ils se parlent très souvent - une quinzaine de coups de fil depuis le début de l'année - et «je constate une très bonne alchimie entre eux», témoigne un responsable américain présent dans le Bureau ovale lors de ces entretiens.
«Ils se comprennent»
«Que sait la France que le reste de l'Europe n'a pas encore compris?, s'interroge Susan Glasser du New Yorker. Quel est le secret de Macron pour murmurer à l'oreille de Trump?» Réponse d'un diplomate français: «Ils se comprennent, en tout cas Macron comprend Trump. Tous deux ont remporté leur première élection contre l'establishment, tous deux sont des vainqueurs qui ont la volonté de mettre en œuvre leurs promesses, mais ni l'un ni l'autre n'est naïf.» Malgré des positions antagonistes, leurs points communs auraient permis l'éclosion d'une réelle connivence. «Sa maîtrise de l'anglais, son expérience du monde des affaires, son statut d'outsider et son absence de passé avec Obama ont positionné le président français de manière unique pour établir une relation de confiance avec son homologue américain», analyse Jef Lightfoot de l'Atlantic Council.
«Tous deux ont remporté leur première élection contre l'establishment, tous deux sont des vainqueurs qui ont la volonté de mettre en œuvre leurs promesses, mais ni l'un ni l'autre n'est naïf»
Un diplomate français
Donald Trump suit de si près les réformes en France qu'il lui arrive d'annoter des articles de journaux américains et de les envoyer à l'Élysée, via l'ambassade à Washington. Le septuagénaire voit son jeune homologue comme «un innovateur, un dirigeant charismatique qui essaie de changer les choses en France», assure le conseiller de la Maison-Blanche. La différence d'âge ne semble pas plus un problème qu'avec Jared Kushner, son gendre et plus fidèle conseiller. Autre avantage: le déficit commercial américain - obsession présidentielle - est marginal avec la France (moins de 4 milliards de dollars, 0,02 % du PIB), alors qu'il frise les 70 milliards avec l'Allemagne. La chancelière sera à Washington deux jours après le président français, mais c'est peu dire que le courant passe mal avec Trump.
Maigre bilan
Pour l'instant, l'alliance franco-américaine n'a pas produit grand-chose. Hormis la coopération militaire et antiterroriste - de la Syrie au Sahel - qui s'inscrit dans une longue tradition, les conseillers des deux présidents sont à court d'exemples: la France a inspiré l'idée d'organiser un défilé des troupes à Washington en novembre prochain, dit-on côté américain ; Macron avait conseillé à Trump de se rendre à Davos fin janvier, assure-t-on côté français. Maigre bilan, à comparer avec les décisions de Washington sur lesquelles la France n'a pas eu d'influence, de l'abandon de l'accord de Paris sur le climat au déclenchement d'une guerre commerciale en passant par le transfert de l'ambassade américaine à Jérusalem. «Ce n'est pas une romance, c'est de la politique étrangère, objecte un diplomate. Ils se parlent franchement et sont capables d'affronter leurs désaccords. Nous devons travailler avec le dirigeant le plus puissant du monde.»
« Ce n'est pas une romance, c'est de la politique étrangère. Ils se parlent franchement et sont capables d'affronter leurs désaccords»
Un diplomate
Le président populiste ne prend aucun risque à s'afficher avec un allié qui tente de l'influencer sans le remettre en cause. Marginalisé comme d'autres par l'unilatéralisme de Trump, Macron n'en répond pas moins présent lorsque celui-ci a besoin d'un appui international. La méthode semble avoir éveillé le chef de la Maison-Blanche à l'utilité des coalitions. Pour défendre l'ordre multilatéral en danger, le président français met en avant les «valeurs communes» et la nécessité d'affronter «ensemble» les défis internationaux - le mot-clef de son message à Washington. Que les valeurs de Trump fassent écho à celles que Macron condamne en Hongrie ou en Pologne, c'est l'une des contradictions de la realpolitik. Supporteur du Brexit et des nationalismes européens, le président américain sert par inadvertance l'ambition française d'une Europe plus forte et plus autonome, en exigeant d'elle un meilleur «partage du fardeau».
Après les déconvenues sur le climat ou le commerce, le dossier iranien s'annonce comme un «moment de vérité» pour Emmanuel Macron, l'occasion ou jamais d'obtenir un «retour sur investissement», souligne Jeff Lightfoot. Si, après des mois de négociations entre Américains et Européens, Donald Trump fait voler en éclats le 12 mai prochain l'accord nucléaire conclu en 2015 avec Téhéran, le président français «risque de voir l'opinion mettre en cause son intimité avec le président américain», prévient le chercheur (1). «Il n'y aura pas de confrontation, tempère un diplomate, c'est une conversation qui se poursuit.»
Au-delà des enjeux immédiats, l'opposition de leurs philosophies pourrait mettre à l'épreuve la relation à long terme. «La France est le principal laboratoire des réponses non populistes à la crise des démocraties», souligne Frances Burwell, spécialiste de l'Europe à l'Atlantic Council. «Macron vient ici pour consolider le lien entre les deux rives de l'Atlantique, ajoute Walter Russell Meade, professeur de Relations internationales à Bard College. S'il y en a un qui peut réussir, c'est lui. Mais je ne suis pas sûr que quiconque puisse y arriver.»

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Correspondant à Washington
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Renaud Girard : «L'Iran, enjeu central de la rencontre entre Trump et Macron»
Emmanuel Macron et Donald Trump en juillet 2017.
  1.  

  1. VOX

  1. Vox Monde
http://plus.lefigaro.fr/sites/default/files/imagecache/Petite/pictures/picture-60923-61ey2qa1.jpg
Par Renaud Girard
Publié le 23/04/2018 à 17h20
CHRONIQUE - En s'engageant à obtenir des Iraniens un amendement du JCPOA prolongeant indéfiniment les dates de suspension de leurs activités nucléaires, le président français pourrait très bien réussir à ramener les États-Unis à la raison.
C'est un sujet très technique mais c'est aussi un enjeu stratégique majeur. Lors de sa rencontre de ce mardi 24 avril 2018 avec Donald Trump à la Maison-Blanche, Emmanuel Macron devra déployer des trésors de persuasion pour sauver la grande œuvre diplomatique de l'Administration Obama, à savoir l'accord nucléaire avec l'Iran.
Toutes les entreprises européennes rêvent de faire des affaires avec l'Iran
Il fut négocié pendant des années, sous l'impulsion de l'Union européenne (UE), avec les représentants de Téhéran, conjointement par les États-Unis, la Russie, la Chine, la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, et signé à Vienne le 14 juillet 2015. Le Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) oblige les Iraniens à suspendre, jusqu'en 2025, leurs activités d'enrichissement d'uranium et de fabrication de plutonium, en échange d'une suspension des sanctions commerciales qui ont été décrétées contre eux par l'ONU, l'UE et les États-Unis, en raison de leur programme nucléaire. L'idée était très simple: la communauté internationale permettait à la Perse de revenir à ce qu'elle était dans les années 1970, à savoir une grande puissance commerciale, en échange de son renoncement à devenir une puissance nucléaire. Le problème est que, pendant sa campagne électorale, Donald Trump s'est engagé à casser cet «horrible deal».
Les inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique de Vienne (AIEA) ont noté dans tous leurs rapports que l'Iran satisfaisait parfaitement aux obligations qu'il avait contractées au titre du JCPOA. Le traité de non-prolifération nucléaire (TNP) de 1968 est donc bel et bien aujourd'hui appliqué au Moyen-Orient, dont tous les pays sont signataires (hormis Israël, qui a construit secrètement l'arme atomique au début des années 1960, grâce à la France). Mais, en Iran, les bénéfices commerciaux du JCPOA se font attendre, au grand dam du président réformateur Rohani, qui a mis tout son poids politique dans la balance pour imposer l'accord nucléaire aux «durs» du régime. Toutes les entreprises européennes rêvent de faire des affaires avec l'Iran, dont les quatre-vingts millions d'habitants jouissent d'un haut niveau d'instruction. Mais elles ne trouvent aucune grande banque pour financer leurs exportations ou leurs investissements. Les grands établissements financiers du Vieux Continent sont en effet traumatisés par ce qui est arrivé à la BNP, qui fut condamnée, le 1er mai 2015, à payer neuf milliards de dollars d'amende à la justice américaine, pour avoir financé des exportations de pétrole iranien libellées en dollars (légales en vertu du droit français ou européen, mais illégales en vertu du droit américain). Cette gigantesque amende n'avait curieusement pas déclenché de réaction de la part de la Commission européenne - laquelle aurait très bien pu, par exemple, condamner la banque américaine Goldman Sachs à une amende au moins équivalente, pour avoir aidé un pays membre de l'UE à maquiller ses comptes publics.
Macron à lui seul ne pourra obtenir que cesse la prétention des États-Unis à appliquer leurs lois au monde entier
Comme elles ne peuvent pas se permettre de risquer d'être bannies du marché américain, les grandes banques européennes prennent la précaution, avant toute opération en Iran, de demander une autorisation particulière au Trésor américain… lequel refuse toujours de se prononcer à l'avance! À cet inconfort financier s'ajoute un lourd climat d'incertitude politique. Sollicité par le président, le Congrès des États-Unis a refusé d'endosser la responsabilité d'une destruction du JCPOA. Car immenses en seraient les éventuelles conséquences: reprise de l'enrichissement d'uranium par le régime des mollahs ; bombardement par les Israéliens des installations nucléaires iraniennes ; ralliement de l'axe chiite autour de Téhéran (Bagdad, Damas, Beyrouth, Sanaa) ; embrasement du Moyen-Orient.
L'Iran n'a pas tort quand il dit que les Occidentaux ne respectent que la force et sont ingrats à l'égard de l'élève qui fait soudain le choix de se soumettre à leurs règles. La Corée du Nord a violé le TNP, puis s'en est retirée, puis a procédé à des expériences nucléaires et balistiques contraires aux résolutions de l'ONU: l'Amérique la cajole aujourd'hui, préparant un sommet Trump-Kim pour le mois de juin 2018. L'Iran a renoncé au terrorisme depuis la fin du siècle dernier, et à son programme nucléaire depuis 2015, mais il est toujours traité en paria par Washington.
Macron à lui seul ne pourra obtenir que cesse la prétention des États-Unis à appliquer leurs lois au monde entier. Pour libérer les Européens de cette emprise juridique américaine, il faudrait un bras de fer, dont l'actuelle Commission de Bruxelles n'est pas capable. Mais, en s'engageant à obtenir des Iraniens un amendement du JCPOA prolongeant indéfiniment les dates de suspension de leurs activités nucléaires, le président français pourrait très bien réussir à ramener les États-Unis à la raison, c'est-à-dire à la fin d'une brouille de quarante ans avec un pays dont les élites professionnelles ne songent qu'à communier avec la culture américaine.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 24/04/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Chroniqueur chargé des questions internationales
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À Paris, les campements de migrants à nouveau saturés (23.04.2018)
Par Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 23/04/2018 à 20h05 | Publié le 23/04/2018 à 19h47
Les clandestins qui affluent sont à une très large majorité des «dublinés» originaires d'Afrique subsaharienne.
Le démantèlement de la «jungle» de Calais, en octobre 2016, un succès? La question trouve en partie sa réponse aujourd'hui au nord de Paris, dans le quartier de la Villette. Plus de 2500 personnes s'y entassent dans un millier de tentes posées à même les trottoirs, sous les ponts, le long du périphérique et des grands boulevards, au bord des quais également. Les conditions d'insalubrité ne font qu'empirer avec les premières chaleurs qui reviennent. Et la violence guette de nouveau dans ce cloaque autour duquel rôdent les passeurs qui exploitent cette misère.
«Un certain nombre de personnes font des allers-retours pour se reposer de Calais»
Une source à la mairie de Paris
De l'avis même de l'équipe de la maire PS de la capitale, Anne Hidalgo, «un certain nombre de personnes font des allers-retours pour se reposer de Calais». Car la Grande-Bretagne reste un puissant point d'attraction pour ces déracinés. «Si on ne fait rien, dans deux semaines, ils seront 3000», avait prédit l'édile parisienne, le 5 avril dernier. Un haut responsable policier reconnaît que «le seuil est quasiment atteint». Une nouvelle opération de «mise à l'abri» se profile, alors que Mme Hidalgo évoque la possible «mise à disposition d'une aire pour les gens du voyage dans le bois de Boulogne».
«Le dossier migratoire est hors de contrôle»
Les migrants qui affluent sont originaires majoritairement d'Afrique subsaharienne. Ils sont soudanais, éthiopiens, érythréens, nigérians et s'ajoutent aux quelque 400 Afghans déjà présents près du canal Saint-Martin et de la porte d'Aubervilliers. Signe particulier: ce sont, à une très large majorité, des «dublinés». En clair, des illégaux qui, en vertu du règlement de Dublin, devraient voir étudier leurs demandes d'asile non pas en France, mais dans le premier pays européen qui a enregistré leurs empreintes, comme la Grèce ou l'Italie, par exemple. Mais le système est grippé et sa réforme n'aboutira pas avant dix-huit mois.
«On ment aux Français en leur disant que ce serait une crise migratoire passagère et qu'on va la régler avec la loi sur l'immigration»
Anne Hidalgo, maire de Paris
En tout état de cause, même renvoyés en Italie ou ailleurs en Europe, rien ne garantit que ces personnes ne reviennent pas en France tenter leur chance. Bien des récits en témoignent dans le campement de la Villette.
«Si la mairie de Paris souhaite l'évacuation, elle peut parfaitement le demander au juge. Et si le juge le décide, le gouvernement mettra en œuvre les moyens à sa disposition pour exécuter cette décision de justice», a rappelé, le 20 avril dernier, le secrétaire d'État en charge des Relations avec le Parlement, Christophe Castaner. Appelée à la «responsabilité», la maire de Paris, de son côté, ne ménage pas le gouvernement sur le dossier des migrants: «On ment aux Français en leur disant que ce serait une crise migratoire passagère et qu'on va la régler avec la loi sur l'immigration.»
C'est le rare point sur lequel elle s'accorde avec la droite. Le député LR des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti, très en pointe durant les débats sur ce texte défendu par le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, l'assure: «La situation parisienne éclaire le fait que le dossier migratoire est hors de contrôle. Le gouvernement déplace des gens, mais il ne règle pas le problème.» L'été 2018 s'annonce tendu, de Menton à Paris.

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Migrants : le «coup de com» des Identitaires salué par le FN (23.04.2018)

Par Charles Sapin
Mis à jour le 23/04/2018 à 20h39 | Publié le 23/04/2018 à 20h19
Une centaine de militants d'extrême droite ont bloqué ce week-end une partie du col de l'Échelle (Hautes-Alpes) pour protester contre le passage de migrants.
«C'est un coup de com réussi!» Au Front national, c'est des deux mains qu'on applaudit la dernière action de Génération identitaire. En bloquant avec des barrières de chantier une partie du col de l'Échelle, dans les Hautes-Alpes ce week-end, la centaine de militants du collectif d'extrême droite protestant contre le passage de migrants a «réussi à faire comprendre, notamment à Monsieur Collomb, qu'il y a une frontière et qu'il faut la contrôler», félicite le député des Pyrénées-Orientales, Louis Aliot. «C'était une action parfaitement pacifique, à la fois symbolique et efficace, qui a soulevé le vrai problème des frontières», abonde sur LCP le député européen Nicolas Bay. Même Marine Le Pen s'est fendu d'un tweet, dimanche, saluant une opération ayant pour conséquence «cocasse» que «toute la gauche s'est plainte en hémicycle que ce ne soient pas les forces de l'ordre qui aillent protéger les frontières…»
«Près de trois mois de préparation ont été nécessaires. Nous avons dépensé un budget d'environ 30.000 euros financé grâce aux dons d'adhérents et de chefs d'entreprise qui nous soutiennent»
Un ancien responsable de Génération identitaire
Des compliments qui n'ont pas toujours été de mise entre la sphère identitaire et le parti de Marine Le Pen. La chef de file du Front national s'était dissociée du «mode d'action» de ce même collectif en 2012, après une opération coup de poing sur le toit d'une mosquée en construction à Poitiers. Le groupe issu des jeunesses identitaires - distinct du Bloc identitaire - a pris garde, cette fois-ci, à ce que son action soit irréprochable sur la forme: «Près de trois mois de préparation ont été nécessaires. Nous avons dépensé un budget d'environ 30.000 euros financé grâce aux dons d'adhérents et de chefs d'entreprise qui nous soutiennent, assure un ancien responsable de Génération identitaire, Damien Rieu, présent ce week-end dans les Hautes-Alpes. Pas question d'enfreindre la loi. Si on croise des migrants, on appelle la gendarmerie, à la limite on leur demande de faire demi-tour. Point.»
Une communication millimétrée, qui n'aurait pas suffi, il y a quelques années, à glaner la bienveillance du FN. Longtemps concurrents dans les urnes, Front national et identitaires ont entretenu des relations détestables. «Il y a eu des affrontements électoraux assez durs, notamment dans le sud-est de la France. Évidemment, ça ne favorisait pas les échanges», relate un responsable du FN. Les choses s'apaisent par étapes. Tout d'abord à partir de 2012, où lors de leur convention d'Orange, les identitaires décident «de ne plus être concurrents du FN mais complémentaires».
Un pas qui n'empêchera pas Marine Le Pen de se méfier et de s'opposer, en 2013, à l'adhésion au Rassemblement bleu Marine du cofondateur du Bloc identitaire, Philippe Vardon. Ni d'exclure, en 2014, toute possibilité d'alliance aux municipales en raison de divergences «idéologiques insurmontables».
C'est finalement lors des régionales de 2015 que de véritables passerelles s'ouvrent, autour d'une certaine Marion Maréchal Le Pen, alors tête de liste en région Paca. Participent notamment à son équipe de campagne, Antoine Baudino, Damien Rieu et Philippe Vardon, tous issus des Identitaires. Le premier était candidat FN aux législatives dans les Bouches-du-Rhône, le deuxième est directeur de la communication de la ville FN de Beaucaire, le dernier, enfin, a rejoint en mars la direction du parti de Marine Le Pen et siège au bureau national.

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L'immigration, la dernière ligne de fracture idéologique (23.04.2018)
Par Albert Zennou
Mis à jour le 23/04/2018 à 20h27 | Publié le 23/04/2018 à 20h07
ANALYSE - C'est aujourd'hui autour de ce thème que les débats sont les plus féroces, entre ceux qui redoutent l'islamisme voire le «grand remplacement» et ceux qui ne désespèrent pas des capacités d'intégration de la société française.
Le défi majeur d'Emmanuel Macron sera la réponse qu'il donnera aux grands sujets de société dont l'immigration et la laïcité. Les réformes économiqueset sociales, il devrait les réussir sans trop de difficulté. Mais le président sera jugé sur les questions sociétales.» Ce député LaREM qui compte dans la macronie se veut avant tout pragmatique: la réponse que le président de la République apportera aux angoisses des Français sur l'immigration et plus généralement sur l'identité française sera essentielle. Le succès des réformes économiques est une condition nécessaire mais non suffisante pour garantir la victoire en 2022, lorsqu'il s'agira de défendre une nouvelle candidature à l'élection présidentielle, dont personne ne doute qu'elle est d'ores et déjà dans l'esprit du chef de l'État.
L'immigration est un marqueur symbolique d'autant plus fort qu'elle est associée immédiatement aux migrants d'origine musulmane
L'immigration est devenue la vraie ligne de fracture de la société française. On l'a vu avec la loi «asile et immigration». Alors qu'on pensait le clivage droite-gauche complètement obsolète, jeté aux oubliettes par Emmanuel Macron et son «et de droite et de gauche», l'immigration agit comme une ligne de démarcation persistante dans un pays qui rejette, du moins en apparence, les anciennes oppositions idéologiques. Car les députés de La République en marche ont beau avoir avalisé la remise à jour du logiciel politique, la loi «asile et immigration», votée le 22 avril en première lecture à l'Assemblée nationale, a vu ressurgir les antagonismes anciens.
Pas étonnant que le député de la Vienne Jean-Michel Clément, qui a annoncé dès ce vote en première lecture sa démission du groupe LaREM, soit un ancien adhérent et élu du Parti socialiste reconverti macroniste. Le parcours politique passé a parlé. On n'échappe pas à ses convictions d'antan aussi rapidement. D'ailleurs, il n'est pas le seul parlementaire macroniste à avoir eu des états d'âme. Le projet asile-immigration est le texte de loi le plus mal adopté depuis le début de la législature:: 228 pour, 193 contre et 24 abstentions, soit un petit score de 58 %. Preuve de l'embarras d'une partie des troupes dirigées d'une main ferme par Richard Ferrand, 99 des 312 députés LaREM étaient absents lors du vote.
L'immigration est un marqueur symbolique d'autant plus fort qu'elle est associée immédiatement aux migrants d'origine musulmane. Schématiquement, la gauche, plus adepte que la droite d'un internationalisme revendiqué, a toujours défendu une conception positive de l'immigration. Quand le sujet est devenu d'autant plus politique que le Front national s'en était emparé pour en faire l'identifiant majeur de son programme, les autres partis ont dû se positionner selon un axe pour ou contre l'arrivée d'étrangers dans l'Hexagone et leur influence sur la structure même de la société française.
Mais à partir des années 1990, les doutes sur la formule célèbre «l'immigration, une chance pour la France» ont atteint aussi une partie des élites de gauche. C'est la fameuse phrase de Michel Rocard: «Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. La France doit rester ce qu'elle est, une terre d'asile politique […] mais pas plus.» Le premier ministre de l'époque ajouta, citant un nombre significatif de reconduites à la frontière et d'expulsions: «Cette politique est dure […] mais nous devons le faire pour maintenir la cohésion de la société françaiseet pour pouvoir intégrer, insérer, dans des conditions décentes ceux des immigrés qui sont chez nous en situation régulière, et qui sont - Dieu merci! - le plus grand nombre.»
L'immigration est désormais associée non plus seulement à l'accueil mais aussi à l'intégration des étrangers
Quand Marine Le Pen, à partir de 2007, est montée en puissance dans son parti et dans l'opinion, avec une ligne sociale très affirmée et la défense des «oubliés», elle rompait avec la tradition libérale de son père en économie. Du coup, de nombreux observateurs n'ont vu dans le programme économique mariniste qu'un copier-coller des thèses défendues jusque-là par la gauche la plus radicale, avec Jean-Luc Mélenchon en tête. Même programme économique, refus de l'Europe, appel au «dégagisme» ; seule différence profonde: l'immigration. Marine Le Pen estimait qu'il n'était même plus besoin d'aborder le thème, tant son parti était identifié au sujet. «Pas besoin d'en parler autant qu'avant, notre histoire parle pour nous», avait coutume de dire un cadre du FN.
Quoi qu'il en soit, si l'immigration est souvent renvoyée dans l'inconscient collectif au sort des migrants et des réfugiés, elle est désormais associée non plus seulement à l'accueil mais aussi à l'intégration des étrangers. C'est aujourd'hui autour de ce thème que les débats sont les plus féroces, entre ceux qui redoutent l'islamisme voire le «grand remplacement» et ceux qui ne désespèrent pas des capacités d'intégration de la société française. Pour l'instant, le chef de l'État reste allusif sur ces questions. Sans doute le prochain plan Borloo pour la jeunesse pourrait-il comporter des éléments de réponse.

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Rédacteur en chef au service politique du Figaro
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Georges Bensoussan  : «L'antisémitisme se pare désormais des oripeaux d'un antiracisme dévoyé» (23.04.2018)

Par Vincent Tremolet de Villers
Mis à jour le 23/04/2018 à 20h18 | Publié le 23/04/2018 à 19h13
GRAND ENTRETIEN - La Seine-Saint-Denis a perdu 80 % de sa population juive en quinze ans, rappelle l'historien.
LE FIGARO. - En 2002, vous dirigiez Les Territoires perdus de la République , essai qui décrivait notamment l'apparition d'un antisémitisme culturel dans certains quartiers en France. Seize ans plus tard, vous avez signé la «tribune contre le nouvel antisémitisme» publiée par Le Parisien et vous participez au livre publié par Albin Michel sur le sujet. Diriez-vous que le temps du déni est révolu?
Georges BENSOUSSAN. - On aimerait le penser. Pourtant, même s'il est indéniable que quelque chose a bougé depuis plusieurs mois, je crois que les forces du déni demeurent puissantes. Elles tiennent à cette partie de la gauche sociétale qui domine encore largement l'opinion par le biais d'un grand nombre de médias au discours formaté. De ce côté-là, il faudra s'attendre à de nombreuses contorsions. Tout en déplorant l'antisémitisme («plus jamais ça»), on continuera à ne pas nommer la source du péril.
La notion de vivre ensemble n'a cessé d'être invoquée tandis que, dans les faits, les communautés n'ont cessé de se séparer. Comment expliquer ce paradoxe?
La notion de «vivre ensemble» dit, comme un sous-texte, un lent processus d'éclatement de la nation
Dans une société où, pour le pire, le libéralisme économique épouse le libéralisme sociétal, il me semble que ce paradoxe n'est qu'apparent. On invoque d'autant plus le vivre ensemble que nous ne vivons pas ensemble mais à côté les uns des autres. La notion de «vivre ensemble» dit, comme un sous-texte, un lent processus d'éclatement de la nation. Qui nourrit une insécurité culturelle dont les premières victimes sont les classes populaires et les classes moyennes pour lesquelles la nation demeure ce bien commun, cette forme d'harmonie collective qui leur semble aujourd'hui menacée.
Dans sa doctrine, ses ressorts, ses représentations, en quoi cet antisémitisme est-il nouveau?
L'antisémitisme qui tue aujourd'hui ne vient pas de l'extrême droite même si celui-ci demeure une réalité. Évoquer la France comme un «pays antisémite» était jusqu'à maintenant aberrant tant les préjugés antiJuifs n'avaient cessé de reculer depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C'est évidemment moins vrai à l'heure actuelle. Dans ce domaine comme en d'autres, la régression française est patente.
L'antisémitisme d'aujourd'hui est nouveau par la source et par le mode opératoire. Par la source d'abord. Cet antisémitisme violent est issu d'une nouvelle frange de la population française. Il puise aux sources coraniques comme à l'histoire moderne des Juifs du Maghreb, une histoire méconnue en France où de nombreux idéologues accréditent la thèse d'une histoire apaisée que le sionisme et la création de l'État d'Israël seraient venus briser. Qu'il y eut des moments heureux, de convivialité et d'amitié, c'est certain. Que ces Juifs du Maghreb furent longtemps des Juifs de culture arabe, c'est certain aussi. Il n'est pas nécessaire, pour autant, d'idéologiser ce passé ni de confondre l'histoire d'une bourgeoisie juive qui avait peu à faire avec la «rue arabe», avec l'histoire des Juifs de condition populaire, largement majoritaires, qui eux, et eux seuls, eurent à subir une vie marquée au quotidien par l'arbitraire et une forme de précarité sur fond de crainte diffuse. Arrivé en France, cet antisémitisme traditionnel s'y est aggravé tout en se modifiant, nourri par le ressentiment né d'une intégration plus ou moins réussie, comme par le conflit israélo-arabe.
Cet antisémitisme est également nouveau par le mode opératoire: il tue (15  personnes depuis 2006 en y incluant les victimes du Musée juif de Bruxelles assassinées par un Français).
Diriez-vous qu'un antiracisme dévoyé peut nourrir l'antisémitisme?
Ce dévoiement de l'antiracisme va plus loin encore quand il crée un discours normatif qui fait de toute opinion dissidente un écart à la règle passible du tribunal
L'antisémitisme ne parle plus le langage du racisme d'avant guerre. Il parle au contraire la langue d'une idéologie victimaire et communautariste qui se pare des oripeaux de l'antiracisme. Mais il s'agit en effet d'un antiracisme dévoyé. Une partie de cet antisémitisme prétend s'exprimer au nom de l'«ouverture à l'Autre» (même si, en réalité, nombre de violences verbales antijuives dans les «quartiers» relèvent encore du basique «sale race»), voire prend appui sur la mémoire de la Shoah pour affirmer que l'État d'Israël «fait aux Arabes ce que les Allemands firent jadis aux Juifs» (sic).
Ce dévoiement de l'antiracisme va plus loin encore quand il crée un discours normatif qui fait de toute opinion dissidente un écart à la règle passible du tribunal. Ce faisant, il nourrit la judiciarisation du débat intellectuel et à terme son rétrécissement. Ce dévoiement est inséparable, à cet égard, d'une judiciarisation de la société qui, loin de signifier une extension des droits de chacun, traduit au contraire le règne, encore feutré, de la guerre de tous contre tous.
La vie impossible des Français juifs dans les «territoires perdus» témoigne-t-elle d'un processus de séparation qui menace à terme toute la communauté nationale?
L'exode intérieur de nombreux Français juifs (la Seine-Saint-Denis a perdu 80 % de sa population juive en quinze ans) doit être corrélé au départ des 52.000 Juifs qui ont gagné l'État d'Israël ces seize dernières années. Sans compter le nombre, inconnu, de ceux qui sont partis ailleurs.
En dépit des proclamations, probablement sincères, qui se multiplient, il y a fort à parier que les Français juifs (et d'abord, sinon exclusivement, le judaïsme populaire) seront abandonnés à leur sort tout comme la «France périphérique» (Christophe Guilluy), qui relève de la même logique d'abandon, demeurera cantonnée à… la périphérie de la vie nationale. Taraudée par l'amertume de sa marginalisation et le sentiment de son déclin social, cette France-là, majoritaire en nombre, et qui se sent étouffer sous le poids d'un discours moutonnier («ce qu'il faut dire»), ne trouve plus guère de langage commun avec des élites culturelles et sociales de plus en plus souvent hors sol et pour lesquelles les mots «identité» et «nation» paraissent vides de sens.

- Crédits photo : Albin Michel
Que doivent faire en priorité les pouvoirs publics?
Être des «pouvoirs publics». Exercer l'autorité, diriger, commander et faire respecter la loi. En commençant par avoir le courage des mots, la première des digues contre le retour en force de la barbarie. La liberté a un prix, c'est celui du combat. Que les pouvoirs publics l'assument.
Mais aussi qu'ils gardent en mémoire les diagnostics de Marc Bloch et de Georges Bernanos dressés tous les deux en 1940-1941, L'Étrange Défaite de l'un, la Lettre aux Anglais de l'autre. Qu'ils n'oublient pas leurs mots sévères sur la trahison d'une partie des élites et sur la lâcheté du grand nombre. Et qu'ils s'évertuent à ce que ces textes demeurent de grands textes littéraires de combat, mais qu'ils n'aient pas pour nous de valeur prémonitoire.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 24/04/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Jean-Louis Thiériot : «Mineurs étrangers, le grand silence de la loi asile et immigration» (22.04.2018)
Par Jean-Louis Thiériot
Publié le 22/04/2018 à 16h57
TRIBUNE - Pour le président du conseil départemental de Seine-et-Marne, le statut très favorable des étrangers mineurs crée un appel d'air dans notre pays, difficile à gérer pour les départements.
C'est une épine dans la chair des départements. Pourtant le projet de loi asile et immigration ne dit pas un mot de la douloureuse question des mineurs non accompagnés (MNA), c'est-à-dire des mineurs étrangers arrivés seuls sur le territoire national. Rappelons quelques éléments de fait. En vertu du Code de l'action sociale et conformément à leur vocation de proximité, les départements sont en charge de l'ASE, l'aide sociale à l'enfance. Parmi les mineurs en difficultés figurent naturellement les jeunes migrants dont le nombre connaît une croissance exponentielle. Alors qu'ils n'étaient que 2500 en 2004, ils sont aujourd'hui plus de 26.000, représentant près de 20 % des enfants placés pour un coût de prise en charge dépassant 1,9 milliard d'euros, nullement compensé par l'État alors que les départements n'ont d'évidence aucune prise sur les flux migratoires. Peu relèvent du droit d'asile ; c'est en fait de l'immigration économique. Trois pays, la Guinée, la Côte d'Ivoire et le Mali représentent 60 %des arrivants. Cette situation engendre une série de difficultés juridiques, humaines et financières qui sont laissées en jachère.
Le régime très favorable aux MNA est un formidable appel d'air pour les filières de trafic d'êtres humains
Juridiquement, la grande difficulté est l'établissement de la minorité réelle ou supposée des requérants. Le droit français prévoyant l'accueil automatique de tous les mineurs et la délivrance d'un titre de séjour à la majorité, c'est évidemment un précieux Graal. Faute de documents d'identité fiables, dans un secteur où les falsifications de documents sont monnaie courante, l'évaluation de minorité est un jeu de piste des plus aléatoires. On estime qu'entre 50 % et 80 % des demandeurs sont en fait des majeurs. En l'absence du droit de recourir à l'âge osseux par examen radiologique, sans l'accord de l'intéressé, l'évaluation faite par les départements ou les juges en cas de contestation aboutit à des jurisprudences contradictoires, de 10 % à 90 % d'un territoire à l'autre. De plus, faute de ficher biométrique national, un candidat au statut de MNA refoulé par un département peut déposer une demande dans un autre, jusqu'à ce qu'il obtienne gain de cause.
Humainement, le régime très favorable aux MNA est un formidable appel d'air pour les filières de trafic d'êtres humains. De surcroît, un mineur peut invoquer le regroupement familial pour faire venir ses parents. Pour les mineurs, la rémunération des passeurs est ainsi évaluée à 15.000 $ contre 7000 $ pour un majeur. De ce point de vue, le projet de loi asile et immigration qui prévoit d'offrir aux frères et sœurs du mineur étranger le bénéfice du regroupement familial est une dangereuse folie.
Enfin, financièrement, l'accueil des MNA est un puits sans fond qui menace l'équilibre budgétaire de départements déjà fragilisés par la baisse des dotations et par la croissance des allocations de solidarité comme le RSA. Pour un département comme la Seine-et-Marne, la charge des MNA qui était d'1,5 million d'euros en 2010 est passée à 11,5 millionsen 2015 et dépassera probablement les 30 millions en 2018. Cette charge supplémentaire vient en outre se heurter au récent pacte de stabilité limitant à 1,2 % la croissance des dépenses de fonctionnement des départements. Concrètement, alors que les dépenses sociales représentent près de 70 %des dépenses des départements, cela signifie que des choix doivent être faits au préjudice d'autres politiques sociales. Compte tenu du caractère obligatoire des dépenses de l'aide sociale à l'enfance, ce sont les autres bénéficiaires du territoire, les personnes âgées, les handicapés, les accidentés de la vie qui en paieront le prix.
Dans son discours à l'Association des départements de France,Édouard Philippe avait promis que «l'État assumera l'évaluation et l'hébergement d'urgence des personnes se déclarant mineurs». À ce jour rien ou presque n'a été fait. Une aumône de 200 millions d'euros et la proposition de créer un fonds de péréquation entre les départements ; autrement dit, que ces derniers se financent entre eux.
Une politique nationale d'accueil ne peut se faire au détriment de nos anciens ou des accidentés de la vie
Au-delà des politiques de maîtrise des flux migratoires qui relèvent de l'échelon national et européen, quelques mesures de bon sens s'imposent:
• Prise en charge par les services de l'État ou indemnisation totale des départements pour les frais d'évaluation et d'hébergement d'urgence avant reconnaissance de minorité ;
•  Règles d'appréciation unifiées sur l'ensemble du territoire et mise en place d'une juste répartition entre les départements ;
•  Obligation pour les candidats suspectés de fraude de se soumettre à un test d'âge osseux ;
•  Refus de délivrance d'un titre de séjour à la majorité quand le requérant a présenté de faux documents ou falsifié son âge ;
•  Établissement d'un fichier biométrique des personnes déclarées majeures pour éviter les évaluations multiples ;
•  Exclusion des dépenses liées à l'accueil des MNA du pacte de stabilité.
Les départements sont prêts à prendre leur part du fardeau de l'accueil, toute leur part mais à condition que ce soit un juste accueil. Ils sont prêts à mobiliser des hommes et des moyens. La fraternité est dans leur ADN. Mais la solidarité au service des uns ne peut se faire au détriment des autres. Méfions-nous de la colère des territoires, de celle des oubliés. Une fois encore, c'est une charge qui repose majoritairement sur la province. Une politique nationale d'accueil ne peut se faire au détriment de nos anciens ou des accidentés de la vie. On en arrive à cette heure singulière où une politique sociale va contraindre la puissance publique à en abandonner d'autres. C'est à l'État d'assumer ses choix et d'en payer le prix financier. Pour éviter que ne se défasse notre monde déjà si fragile!

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Le Groenland rêve encore d'indépendance (23.04.2018)
Par Slim Allagui
Mis à jour le 24/04/2018 à 12h46 | Publié le 23/04/2018 à 18h29
La souveraineté est au cœur des élections de mardi au Parlement de ce territoire autonome danois.
 «La flamme de l'indépendance brûle dans nos cœurs pour toujours!» clame avec force Kim Kielsen, le chef du gouvernement sortant du Groenland, territoire autonome du Danemark, à la veille des élections législatives du 24 avril. Peu débattue lors du scrutin précédent de 2014, la question de l'affranchissement de la tutelle danoise a constitué un thème essentiel de la campagne électorale dans cette île stratégique, la plus grande du monde, de 2,2 millions de km2, peuplée de quelque 56.000 habitants, et qui abrite une base radar américaine à Thulé, un des maillons du bouclier antimissiles des États-Unis.
«L'indépendance viendra par étapes et lorsque nous aurons réalisé une autonomie économique viable»
Kim Kielsen (parti Siumut, social-démocrate), chef du gouvernement sortant du Groenland
Un scrutin suivi avec intérêt par les pays riverains de l'Arctique et d'ailleurs. Car le royaume des Inuits et de l'or bleu (10 % des réserves d'eau douce de la planète) occupe une position clé dans la région, par ses immenses richesses en hydrocarbures et en ressources minérales encore inexploitées, et par son accès - provoqué par la fonte des glaces - au passage du nord-ouest dans l'océan Arctique, entre l'Atlantique et le Pacifique. Objet de toutes les convoitises, le Groenland attire nombre d'États, notamment la Chine, qui cherche à en faire sa porte d'entrée dans l'Arctique.
Pour six des sept partis en lice qui briguent les 31 sièges du Parlement, la souveraineté, soutenue par une large majorité de la population, est «le but» à plus ou moins long terme.
«Elle viendra par étapes et lorsque nous aurons réalisé une autonomie économique viable», assure, pragmatique, M. Kielsen, à la tête du parti Siumut (social-démocrate), crédité de 27,6 % des voix selon un dernier sondage. Le patron du Siumut met en garde ceux qui veulent rompre rapidement les amarres avec Copenhague, qui assure la survie de l'île en injectant près de 3,8 milliards de couronnes (510 millions d'euros) de subsides par an, plus de la moitié de son budget. «Nous avons beaucoup de défis à relever, diversifier notre économie, dépendante à 92 % de la pêche, éduquer une grande partie de notre population, mais le cap est mis: nous sommes irrévocablement sur la voie de l'indépendance.» commente-t-il. M. Kielsen espère que les richesses minérales du Groenland, comme l'uranium, les terres rares et autres minerais (fer, zinc) ainsi que le pétrole et le gaz, seront exploitables dans un avenir pas trop lointain pour asseoir les bases de son indépendance.
Une place stratégique
Face aux velléités souverainistes des Inuits, le premier ministre danois, Lars Loekke Rasmussen a prévenu: «Je ne m'imagine pas que l'aide du Danemark se poursuivra si le Groenland décide d'être indépendant.»
«Notre priorité est de nous attaquer aux problèmes de notre société, comme l'éducation, le manque de logements, le vieillissement de notre population, les violences conjugales et les abus sexuels…»
Sara Olsvig, présidente d'Inuit Ataqatigiit (IA, extrême gauche)
«Une menace intolérable» pour les indépendantistes les plus acharnés, à l'instar de Nalerak (11,1 % des intentions de vote), un parti fondé par l'ancien chef du gouvernement Hans Enoksen, père du statut d'autonomie élargie obtenu en 2009, lui accordant notamment le contrôle sur ses ressources naturelles. Il rêvait déjà de voir le Groenland «indépendant en 2021, trois cents ans après l'arrivée du pasteur évangéliste danois Hans Egede», explorateur et missionnaire. Une date qu'il «maintient encore aujourd'hui».
Tout aussi pressé, Vittus Qujaukitsoq, l'ex-ministre Siumut des Affaires étrangères, qui a créé son propre parti Nunatta Qitornai (Nos descendants). Il milite pour «l'indépendance le plus tôt possible», affirmant que «nous n'allons pas mourir de faim si Copenhague nous coupe les vivres!»
D'autant que le Groenland a retrouvé une meilleure santé: croissance de 6,9 % en 2016 en raison de belles performances de la pêche, de 3,9 % en 2017 et de 2,6 % prévus cette année. Le chômage est en recul et les finances publiques plus ou moins à l'équilibre. Un climat optimiste qui encourage les plus chauds partisans de l'indépendance. «Ce qu'ils proposent est irréaliste», rétorque Sara Olsvig, présidente d'Inuit Ataqatigiit (IA, extrême gauche) en tête des sondages (31,0 % des suffrages). «Notre priorité est de nous attaquer aux problèmes de notre société, comme l'éducation, le manque de logements, le vieillissement de notre population, les violences conjugales et les abus sexuels contre les enfants», explique-t-elle.
Le Groenland, indépendant? Sans doute une illusion, car un pays si faiblement peuplé ne pourra pas s'en sortir seul avec ses propres moyens notent nombre d'experts. Résumant ces doutes dans un livre récent Si le Groenland se libérait de Martin Breum, le dirigeant danois Lars Loekke Rasmussen rappelle aux Inuits «l'emplacement stratégique de leur pays dans le jeu géopolitique entre les grandes puissances». Libres, «il ne faut pas qu'ils s'attendent à prendre seuls leurs destinées en main». Et, selon lui, il serait «dans leur intérêt d'être grands avec le Danemark plutôt que petits face aux États-Unis, la Russie, la Chine ou d'autres».

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Séoul stoppe la diffusion de sa propagande à la frontière nord (23.04.2018)
Par Le figaro.fr
Mis à jour le 23/04/2018 à 10h55 | Publié le 23/04/2018 à 08h43
L'armée sud-coréenne a fait taire lundi les haut-parleurs géants appelant à la défection les soldats nord-coréens déployés à la frontière, un geste de conciliation avant le sommet intercoréen.
L'armée sud-coréenne fait taire les haut-parleurs géants qui diffusent à grand renfort de décibels des messages aux soldats nord-coréens déployés à la frontière. «Nous espérons que dette décision convaincra les deux Corées de cesser de se critiquer mutuellement et qu'elle contribuera à créer un climat de paix», a annoncé lundi le ministère sud-coréen de la Défense. Le Sud diffuse depuis longtemps un mélange d'informations, de musique et de messages de propagande appelant les soldats nord-coréens à faire défection, au moyen d'énormes haut-parleurs installés le long de la frontière intercoréenne ultrafortifiée. L'intensité de ces opérations dépend largement de l'état des relations bilatérales souvent volatiles. Le Nord diffuse de son côté sa propre propagande.
Cette décision est l'illustration de l'effervescence diplomatique qui s'est emparée de la région depuis les Jeux Olympiques d'hiver organisés au Sud. Dernier signe en date, l'annonce samedi par l'agence de presse officielle de Pyongyang KCNA de la suspension à compter de ce samedi des essais nucléaires et de missiles balistiques et du démantèlement d'un site à partir duquel Pyongyang procédait à ses tests d'armes atomiques. Séoul s'est empressé de saluer un «progrès significatif pour la dénucléarisation de la Péninsule coréenne, que le monde attend». Le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, et le président sud-coréen, Moon Jae-in, doivent se retrouver vendredi à Panmunjom, village où fut signé en 1953 l'armistice de la guerre de Corée dans la Zone démilitarisée. La rencontre doit constituer le prélude à un face-à-face historique entre Kim Jong-un et Donald Trump.
Des décennies d'animosité
Le sommet entre les deux chefs d'État coréens est le premier à se tenir au Sud. Ceux de 2000 et 2007 avaient eu lieu à Pyongyang. Les deux voisins sont toujours techniquement en guerre car le conflit s'est achevé sur un armistice et non un traité de paix. Des dizaines de milliers de soldats sont ainsi déployés dans la zone démilitarisée (DMZ), hérissée de champs de mine et de miradors. Le président sud-coréen a appelé de ses vœux la conclusion d'un traité de paix mettant fin officiellement à la guerre de Corée. Pour parvenir à un accord, Nord et Sud devront dépasser des décennies d'animosité et de méfiance. Le Nord affirme être sorti victorieux du conflit qu'il appelle la «Grande guerre pour la libération de la patrie». La question essentielle vendredi sera de voir si Kim Jong-un promet des actions concrètes pour démanteler l'arsenal nucléaire nord-coréen.
(Avec agences)
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Radovan Karadzic de retour devant les juges (23.04.2018)
Par Le figaro.fr
Publié le 23/04/2018 à 11h18
L'ancien dirigeant des Serbes de Bosnie comparaît ce lundi devant la justice internationale deux ans après avoir été condamné à 40 ans de prison pour génocide et son implication dans le massacre de Srebrenica.
L'ex-chef politique des Serbes de Bosnie est toujours érigé en «héros» par beaucoup des siens et en monstre mégalomaniaque par les Croates et les musulmans de Bosnie. Radovan Karadzic comparaît de nouveau ce lundi à La Haye (Pays-Bas) devant les juges internationaux, saisis en appel de sa condamnation en mars 2016 à 40 ans de prison pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) l'avait reconnu coupable d'atrocités commises pendant la guerre sanglante de Bosnie. Aujourd'hui âgé de 72 ans, l'ex-psychiatre est le plus haut responsable à devoir rendre des comptes devant la justice, depuis la mort pendant son procès de l'ancien président serbe Slobodan Milosevic.
En première instance, le TPIY avait considéré que ses troupes avaient «sélectionné leurs victimes sur la base de leur identité de musulman ou de Croate». Le massacre de près de 8000 hommes et garçons musulmans à Srebrenica en juillet 1995, le pire commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, s'inscrivait ainsi dans le cadre d'un «nettoyage ethnique» planifié par un trio regroupant Karadzic, le général Ratko Mladic et Slobodan Milosevic. L'accusé a aussi été condamné pour des persécutions, meurtres, viols, traitements inhumains ou transferts forcés, notamment lors du siège de Sarajevo, qui a coûté la vie à 10.000 civils en 44 mois, ainsi que pour des camps de détention aux «conditions de vie inhumaines».
Un «procès politique»
Son avocat, Peter Robinson, a fait appel du verdict du TPIY, estimant que les juges «l'ont présumé coupable et ont construit un jugement pour justifier cette présomption». L'ex-président de l'entité des Serbes de Bosnie, la Republika Srpska, a lui-même fustigé un «procès politique» et s'est dit victime d'une condamnation «monstrueuse». Radovan Karadzic a d'ailleurs dressé une liste d'une cinquantaine de griefs qu'il entend faire valoir pour faire annuler sa condamnation. L'accusation, qui demandait la prison à vie, a également fait appel du verdict, jugé trop clément. Le procureur Serge Brammertz regrette notamment que les juges aient retenu «une définition excessivement étroite de l'intention génocidaire».
Un temps fugitif le plus recherché du continent européen, Radovan Karadzic a été arrêté en 2008 au terme de 13 ans de cavale. Barbe blanche fournie et cheveux longs, il se faisait appeler Dragan Dabic et se présentait comme un spécialiste en médecine alternative. Depuis 2009, il se trouve derrière les barreaux du quartier pénitentiaire des Nations unies dans les dunes de La Haye, où il cohabite notamment avec son alter ego militaire, Ratko Mladic, alias le «Boucher des Balkans», condamné à la perpétuité en novembre. Avant le jugement en première instance, Karadzic avait fait sa valise, tant il était persuadé de pouvoir retrouver sa terre natale en homme libre avant la tombée de la nuit.
L'accusé aura l'occasion de prendre librement la parole mardi. Le conflit dans ce petit pays des Balkans a fait plus de 100.000 morts et 2,2 millions de déplacés entre 1992 et 1995.
(Avec AFP)
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Yémen : des raids aériens font des dizaines de morts lors d'un mariage (23.04.2018)
Par Ottilia Ferey et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 24/04/2018 à 08h23 | Publié le 23/04/2018 à 14h34
Des frappes aériennes de la coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite se sont abattues sur des personnes assistant à un mariage au nord-ouest du Yémen dimanche soir. Des bilans variant de 23 à 33 morts, et de 40 à 55 blessés, ont été fournis par différentes sources médicales et de l'administration locale.
Des dizaines de Yéménites qui participaient à une cérémonie de mariage ont été tués ou blessés dans des frappes aériennes. Les rebelles Houthis, qui contrôlent la région, ont attribué les frappes à la coalition militaire sous commandement saoudien qui intervient depuis 2015 au Yémen pour soutenir les forces progouvernementales. Les raids ont touché la localité de Bani Qais, située dans la province de Hajja et proche de la ligne de front d'après le responsable local. Les circonstances exactes de ces raids n'ont pas été établies.
L'organisation Médecins sans frontières (MSF) a indiqué sur Twitter que l'hôpital qu'elle soutenait à Hajja avait admis 45 blessés, dont 13 enfants.
“ Up to the moment, we have received in @MSF-supported hospital in #Hajjah 45 injuries among of them 13 children, some of the cases are in a very critical situation” Sally Thomas, Project Coordinator for @MSF in #Hajjah
أطباء بلا حدود-اليمن (@msf_yemen) 23 avril 2018
Le chef de l'hôpital Al Jumhouri à Hajjah a déclaré à Reuters par téléphone que l'hôpital avait reçu 40 corps, la plupart déchiquetés et que 46 personnes avaient été blessées, dont 30 enfants. Plus loin dans la province, les habitants d'un village appelé Taiba ont déclaré à Reuters qu'une frappe aérienne distincte avait tué une famille de quatre personnes dans leur maison ce même dimanche soir.
D'après des secouristes et les médias des Houthis, les raids se sont produits de nuit dans une zone sous contrôle rebelle. Deux tentes ont été touchées et une trentaine d'enfants figurent parmi les blessés, dont trois ont été amputés, ont affirmé les mêmes sources. Accusé d'aider militairement les Houthis, l'Iran, le grand rival chiite de l'Arabie saoudite sunnite, a rapidement condamné les frappes. «Les attaques contre les quartiers résidentiels et les objectifs civils, en plus de l'interdiction de l'accès du peuple yéménite aux agences et institutions d'aide, sont des violations des principes humanitaires», a déclaré le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Bahram Qassemi.
Ce n'est pas la première fois que des fêtes de mariage au Yémen sont touchées par des bombardements imputés à la coalition: 131 personnes avaient ainsi été tuées dans la région de Mokha (sud-ouest) en septembre 2015 et 28 dans la province de Dhamar (centre) en octobre 2015. En octobre 2016, un raid aérien avait fait 140 morts lors d'une cérémonie funéraire dans la capitale Sanaa.
Mauvaises informations?
La fréquence des attaques contre ce genre de cérémonie soulève des questions. Dans certains cas, les mariages donnent lieu à des rassemblements d'hommes en armes qui les célèbrent en tirant en l'air. Dans d'autres, les mariés reçoivent la visite de rebelles venant les féliciter dans des cortèges de véhicules militaires. Quoi qu'il en soit, les bavures sont souvent le résultat de mauvaises informations, soulignent des experts. Par le passé, la coalition a reconnu, après enquête, certaines «erreurs» et promis d'affiner ses règles d'engagement militaires.

Au Yémen, un enfant meurt toutes les dix minutes de maladie selon les Nations unies. - Crédits photo : ABDO HYDER/AFP
Le Yémen, pays pauvre de la péninsule arabique, est entré dans la quatrième année d'une guerre meurtrière entre rebelles Houthis, appuyés par l'Iran, et forces progouvernementales, soutenues par la coalition menée par Ryad. Le conflit a fait près de 10.000 morts et provoqué «la pire crise humanitaire du monde», selon l'ONU. Depuis le 4 novembre, le Yémen est en proie à un blocus total. Près de dix millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire d'urgence, alertent les ONG. Alors que l'eau potable et la nourriture manquent, des épidémies de choléra et de diphtérie se répandent dans tout le pays.
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En Chine, un incroyable «Big Brother» pour trier les bons et les mauvais citoyens (19.04.2018)
Par Cyrille Pluyette
Mis à jour le 20/04/2018 à 15h45 | Publié le 19/04/2018 à 19h31
ENQUÊTE - Le Parti communiste chinois, qui s'immisce déjà dans le quotidien des citoyens, met au point un dispositif pour récompenser les «bons» sujets et punir les «mauvais», en collectant des données dans tous les domaines de leur vie. Fondé sur les nouvelles technologies, «le système de crédit social» doit être opérationnel en 2020.
De notre correspondant à Pékin
Liu Hu, un journaliste d'investigation, s'était spécialisé dans les enquêtes sensibles: il dénonçait la corruption de hauts responsables du régime. Arrêté en 2013 pour «fabrication et diffusion de rumeurs», il est condamné fin 2016 pour «diffamation» dans une autre affaire. La cour exige qu'il présente publiquement ses excuses, à ses frais. Mais c'est au printemps 2017 que sa vie bascule. Alors qu'il essaye de réserver un billet d'avion sur Internet, un message apparaît: il n'est pas autorisé à effectuer cet achat. «Je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait», se souvient cet homme de 43 ans. En fait, sans que personne ne l'avertisse, il avait été placé sur une «liste noire» liée à son numéro de carte d'identité.
Liu Hu n'a pas non plus le droit de prendre des trains à grande vitesse, de solliciter un prêt bancaire ou d'acquérir un appartement. Lorsqu'il s'en est rendu compte, il a appelé le juge: la somme demandée n'était pas arrivée, le compte indiqué n'étant pas valide. Liu Hu a de nouveau effectué un transfert, mais la cour lui demande désormais un montant bien supérieur. Une exigence infondée, estime le journaliste, qui n'a aucune idée du temps que durera sa mise à l'index.
«Le système envisagé est un outil efficace pour gouverner la société, mais aussi pour reconstruire les valeurs morales»
Lin Junyue, chercheur à l'Association chinoise de développement du marché
Plusieurs dispositifs de ce genre sont testés dans tout le pays depuis quelques années. Ils préfigurent le vaste «système de crédit social» que la Chine est en train de développer. Cet outil, dont une première mouture doit être lancée à partir de 2020, a pour ambition de répartir dans une sorte de fichier la population en bons et mauvais citoyens, en fonction de données informatiques glanées dans tous les domaines. Il est présenté par Pékin comme un moyen de renforcer le respect des règles et la stabilité sociale. Mais ses détracteurs y voient l'avènement d'une dystopie orwellienne: l'instauration d'un Big Brother, visant à permettre au régime autoritaire de contrôler la moindre parcelle de la vie privée des Chinois.
«Des punitions nécessaires»
Le périmètre de ce dispositif n'a cessé de croître, depuis les premiers travaux de réflexion, lancés à la fin des années 1990. Au départ, le but était classiquement de vérifier la solvabilité des emprunteurs. Mais le concept a ensuite été étendu à tous les aspects de la société. Ses contours sont en cours d'élaboration, mais les informations fournies par les tribunaux, la police, le fisc, les sites de commerce électronique ou les réseaux sociaux devraient être collectées, si l'on se fie aux expérimentations actuelles et aux experts. L'objectif est «de s'assurer que les personnes dignes de confiance seront récompensées dans tous les domaines ; et que celles qui brisent la confiance rencontreront des difficultés à chaque étape» de leur existence, résume un document gouvernemental publié en 2014. Les individus défaillants seraient, par exemple, pénalisés dans la recherche d'un emploi ou d'un établissement scolaire ; et leur entourage pourrait même être touché, selon certains spécialistes.
«Le système envisagé est un outil efficace pour gouverner la société, mais aussi pour reconstruire les valeurs morales», se félicite Lin Junyue, chercheur à l'Association chinoise de développement du marché, et considéré comme le «père» du dispositif. Il estime que «des punitions sont nécessaires» pour lutter contre les problèmes sociaux qui secouent la Chine, comme les scandales de sécurité alimentaire ou les sites de microcrédits en ligne recourant à des méthodes de mafieux. Quand le projet sera achevé, «tous les individus seront notés», de même que les entreprises et les établissements publics, avance Lin Junyue. Certains chercheurs pensent cependant qu'une telle entreprise sera compliquée à mettre en œuvre techniquement pour près de 1,4 milliard d'habitants. Et peut-être aussi à faire accepter politiquement. Le mécanisme pourrait donc reposer au départ sur des listes noires.
«Une personne peut être accusée de violer la loi sur la cybersécurité si elle exprime en ligne des idées qui vont contre les intérêts du Parti»
Samantha Hoffman, chercheuse au Mercator Institute for China Studies
Pour l'heure, les punitions infligées dans les dispositifs pilotes portent souvent sur des restrictions dans les transports. La Cour suprême chinoise a précisé qu'environ 10 millions de personnes, qui n'avaient pas payé leur dette ou exécuté une décision de justice, se sont vu interdire l'accès aux avions ou aux trains rapides, entre 2013 et début mars 2018. L'institution estime que ces représailles ont contraint des millions de personnes à obtempérer, alors que le gouvernement, faute de lois et d'institutions efficaces, peine généralement à traquer les impayés. Mais le régime s'apprête à franchir une étape supplémentaire à partir du 1er mai. En plus des mauvais payeurs, seront également bannis des airs et de certains chemins de fer des personnes ayant propagé de fausses informations sur le terrorisme, utilisé des billets périmés, fumé dans un wagon, ou encore omis de s'acquitter de leur assurance sociale.
Ce n'est qu'un début. Le Parti communiste chinois (PCC) s'immisce déjà dans la vie quotidienne des citoyens depuis des décennies, «mais les nouvelles technologies lui permettent de rendre ses méthodes plus efficaces», explique Samantha Hoffman, chercheuse au Mercator Institute for China Studies. Tel qu'il est imaginé, le système «accroîtrait la capacité du Parti à façonner le comportement des individus», poursuit cette experte. Le principe est d'agir de façon préventive, «afin d'éviter l'émergence de tout problème susceptible de menacer le régime», ajoute-t-elle.
«La création d'immenses bases de données constitue une violation du droit à la vie privée»
Maya Wang, chercheuse pour Human Rights Watch (HRW)
«C'est effrayant, car cela va faire de la Chine un État policier», s'inquiète l'historien indépendant Zhang Lifan, qui craint que ce chantier ne serve à faire encore davantage pression sur ceux qui dérangent le gouvernement. Outre le fait que «la création d'immenses bases de données constitue une violation du droit à la vie privée», Maya Wang, chercheuse pour Human Rights Watch (HRW), dénonce aussi des critères «très arbitraires» pour placer les gens sur une liste noire. Le fait que le système collectera aussi des données juridiques ne rassure pas non plus certains observateurs, la frontière entre ce qui est politique et ne l'est pas étant floue. «Une personne peut ainsi être accusée de violer la loi sur la cybersécurité si elle exprime en ligne des idées qui vont contre les intérêts du Parti», fait observer Samantha Hoffman.
Dans un scénario à la 1984, les autorités chinoises, qui ont déjà installé plus de 170 millions de caméras de surveillance sur le territoire, chercheront en toute logique à intégrer la reconnaissance faciale dans le projet, prévoient les spécialistes. Il deviendra alors encore plus facile de bloquer un individu, grâce à cette technologie très prisée par le régime. Le système Skynet de caméras, installé dans 16 municipalités et provinces chinoises, aurait ainsi permis d'identifier en deux ans plus de 2000 personnes recherchées, selon la presse d'État. Tout récemment, un fugitif a même été repéré - à sa plus grande stupéfaction - dans une foule de 60.000 personnes assistant à un concert de musique pop dans la ville de Nanchang. Et les médias chinois ont montré en février des policiers en train de scanner la foule avec des lunettes équipées de systèmes de reconnaissance faciale, dans la ville de Zhengzhou.
Prédire des futurs crimes
C'est au Xinjiang, aux confins de l'Asie centrale, que cette logique ultrasécuritaire est poussée à son paroxysme. Dans cette région troublée par des violences ces dernières années, les autorités utilisent un algorithme pour prédire des crimes futurs et mettre de façon préventive les personnes suspectes dans des centres de rééducation politique extrajudiciaire, affirme HRW. Le monde imaginé par Philip K. Dick et adapté par Steven Spielberg dans Minority Report, où la police intercepte les criminels avant qu'ils n'agissent, serait donc en train de devenir une réalité. Selon l'association, le gouvernement, qui s'inquiète de liens éventuels entre «séparatistes» et djihadistes, puise pour cela dans un vaste ensemble de données: images tournées par des caméras de vidéosurveillance, mouvements bancaires, dossiers juridiques, ou encore informations glanées dans les smartphones et les ordinateurs. Les autorités sanitaires, ajoute HRW, ont par ailleurs commencé à recueillir l'ADN de la population locale, largement peuplée d'Ouïgours, une ethnie de religion musulmane, dans le cadre d'un programme de santé gouvernemental.
De nombreuses incertitudes planent encore sur le système de crédit social. Lin Junyue, son fondateur, pense qu'il ne comprendra que des fonctions de base en 2020, et qu'il «faudra au moins dix ans de plus pour le terminer». Mais l'unification des différents systèmes existants pourrait prendre beaucoup plus de temps. Le gouvernement va en outre être confronté à d'épineuses questions juridiques, notamment sur la protection des données.
«Comme le projet vise les mauvais comportements, beaucoup de gens pensent qu'ils ne seront pas concernés»
Li Ming, consultant à l'Institut de recherche sur le big data de Pékin
L'idée de ce «flicage informatique» n'est pas apparue par hasard en Chine. Elle revient en effet à numériser et à perfectionner le dang'an: ce dossier physique détenu par l'administration compile toutes sortes d'informations sur les citoyens depuis leur plus jeune âge (commentaires des enseignants, rapport des employeurs…). Sous le règne de Mao Tsé-toung, le Parti le consultait pour l'attribution des emplois ou même autoriser les mariages. Mais avec le développement de la mobilité interne, il a montré ses limites, et la plupart des sociétés privées ne l'exigent plus.
Pour l'heure, le projet en cours a suscité peu de réactions en Chine. «Comme il vise les mauvais comportements, beaucoup de gens pensent qu'ils ne seront pas concernés», observe Li Ming, consultant à l'Institut de recherche sur le big data de Pékin. Mais dans un pays où même les images de Winnie l'Ourson sont censurées sur Internet - certains internautes les utilisant pour évoquer le président chinois Xi Jinping - les Chinois pourraient déchanter si leur espace de liberté recule encore.

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Rwanda, le grand retour (20.04.2018)
Par Jean-Bernard Carillet
Mis à jour le 20/04/2018 à 15h01 | Publié le 20/04/2018 à 10h42
REPORTAGE - Les cicatrices du passé se sont progressivement refermées. Aujourd'hui, le Rwanda, modèle de stabilité en Afrique de l'Est, offre l'image apaisée d'une petite Suisse africaine, tournée vers un avenir touristique prometteur grâce à la mise en valeur de ses trésors naturels. Clou du spectacle : les plus grands singes de la création.
De notre envoyé spécial au Rwanda
Le grand jour tant attendu est arrivé: nous partons à la rencontre des gorilles de montagne. Principale attraction touristique du Rwanda, l'observation des primates attire chaque année des milliers de visiteurs venus réaliser le rêve d'une vie. Tout commence par un rendez-vous aux aurores au siège du Parc national des Volcans, au nord-ouest du pays. Les 80 touristes (maximum) détenteurs du convoité «permis gorille» sont rassemblés par groupes de huit et se voient attribuer une famille de primates.
Pour nous, ce sera le groupe Igishya. Bonne pioche: cette famille est la plus nombreuse du parc, avec 28 membres. La marche d'approche est estimée entre deux et trois heures. Escortés de Simon, un guide naturaliste, nous effectuons la première partie du parcours au milieu de champs de pommes de terre et de pyrèthres, à plus de 2500 mètres d'altitude. Lorsque les cultures s'arrêtent, à la lisière de la forêt, notre guide fait une pause pour un briefing: «Restez calmes, évitez tout geste brusque et, en cas de charge, ne prenez pas la fuite, baissez les yeux et accroupissez-vous pour témoigner de votre attitude de soumission.»
Des consignes de circonstance, aucun incident n'étant à déplorer jusqu'à présent. Les conditions d'approche et d'observation sont irréprochables sur le plan de la sécurité et du respect de l'environnement. «Lorsque nous serons en vue des gorilles, nous resterons une heure sur place. Respectez une distance minimale de sept mètres», ajoute Simon. Une heure, pas une minute de plus. C'est la règle, pour limiter l'impact de la présence humaine sur cet écosystème fragile.
On vient du monde entier pour approcher les gorilles du Rwanda, qui vivent en famille dans les forêts de bambous. L'expérience d'une vie. - Crédits photo : Stanislas Fautré/Figaro Magazine
Nous reprenons notre progression, en file indienne, cette fois dans un labyrinthe végétal. Des gardes forestiers tracent le sentier, recouvert de ronces et d'orties, à la machette. Muni d'un talkie-walkie, Simon communique avec les trackers (pisteurs), partis au petit matin localiser l'emplacement des gorilles. Invariablement, ils réussissent à les repérer en interprétant les indices: branches cassées, excréments, empreintes… Au bout de deux heures, à proximité d'une forêt de bambous géants, nous rejoignons enfin les trackers, à plus de 3000 mètres d'altitude. Dans le couvert végétal, des craquements indiquent que les gorilles du groupe Igishya sont tout proches. Soudain, au détour d'un bosquet, la récompense: une grosse masse noire.
«Oh my God!» s'étrangle Alissa, ma voisine, une jeune Canadienne. C'est un «dos argenté», autrement dit un mâle dominant, reconnaissable aux poils blancs qui recouvrent son dos. Le colosse de 250 kilos, d'une beauté à couper le souffle, tout occupé à mâchonner des pousses de bambou, daigne à peine nous jeter un regard furtif. La peur? Totalement dissipée. Cette stature majestueuse, cette force tranquille imposent un formidable respect. Au bout de quelques minutes, le dos argenté rejoint sa petite tribu, à quelques mètres de là. C'est l'occasion de s'immiscer dans l'intimité quotidienne de cette famille. D'adorables gorillons, au poil duveteux, font les 400 coups, parfois sermonnés par leurs aînés.
Leurs mères allaitent ou se reposent, étalées de tout leur long. Des adolescents, plus chafouins, batifolent dans les branches, tambourinent des poings sur leur poitrine, au gré de leur humeur. Le tout sous l'œil vigilant du mâle argenté. À nos côtés, les pisteurs chuchotent des indications sur leur comportement, tout en veillant à nous placer de manière à assurer notre sécurité et à respecter le bien-être des gorilles. Par moments, la distance de sécurité est difficile à maintenir car ce sont les gorilles qui s'approchent de nous, jusqu'à nous frôler.

Nouveau venu sur la scène hôtelière rwandaise, le Bisate Lodge offre un panorama incomparable sur les volcans. - Crédits photo : Stanislas Fautré/Figaro Magazine
Au bout d'une heure, l'observation est terminée. Il est temps de redescendre, avec la sensation d'avoir vécu un moment unique. «C'est une expérience émotionnelle incomparable», jubile Alissa, les yeux encore pétillants de bonheur. Même le coût du permis, passé de 750 à 1500 dollars américains en mai 2017, ne semble pas modérer son enthousiasme. Il faut dire que les conditions d'observation des gorilles de montagne sont exceptionnellement favorables au Rwanda, plus encore qu'en Ouganda et qu'en République démocratique du Congo, les deux pays limitrophes où se prolonge le parc des Volcans.
La sensation d'avoir vécu un moment unique
Plus massifs et plus noirs que leurs cousins des plaines, qui comptent encore quelques milliers d'individus, les gorilles de montagne ne sont plus que 900 ou 1000 spécimens, les derniers de la planète, à vivre dans ces hautes montagnes des Virunga, aux confins de ces trois pays d'Afrique de l'Est. Il s'en est d'ailleurs fallu de peu qu'ils disparaissent. C'était sans compter l'acharnement de l'éthologue américaine Dian Fossey. Installée dans la chaîne des Virunga dès la fin des années 1960, la scientifique a lutté sans relâche contre les chasseurs, trafiquants, cultivateurs et braconniers.
Et l'a payé de sa vie, lâchement assassinée en 1985. Le film Gorilles dans la brume (1987) a retracé sa croisade. Son succès planétaire a sensibilisé le grand public au sort de ces grands primates menacés d'extinction. Dian Fossey est inhumée à l'endroit même où elle a vécu pendant dix-huit ans, à plus de 3000 mètres d'altitude, au milieu de ses protégés, avec qui elle avait noué des liens très forts. Sa tombe et quelques vestiges de son centre de recherche sont accessibles en deux heures de marche sur un sentier raide et boueux. Le tout dans une luxuriance digne d'un premier matin du monde, entre les fougères arborescentes et les silhouettes fantomatiques des séneçons géants.
Dans le Parc nationalde Nyungwe, une passerelle aménagée au-dessus de la canopée permet d'embrasser d'un coup d'œil le «poumon vert» du Rwanda. - Crédits photo : Stanislas Fautré/Figaro Magazine
Dans sa partie sud, à la frontière avec le Burundi, le Parc national de la forêt de Nyungwe cache d'autres trésors qui font éclater sous nos yeux la richesse insoupçonnée de la biodiversité du Rwanda. Cette forêt primaire d'altitude aux allures amazoniennes enveloppe comme une mousseline vert émeraude des massifs montagneux et s'enfonce dans des vallées zébrées d'innombrables rivières et cascades. Dans cette atmosphère humide et protégée, plus de cent espèces d'orchidées et de multiples essences forestières trouvent un biotope idéal.
Mais ce sont les singes qui restent, là encore, la principale attraction. Pas les gorilles, mais plusieurs familles de chimpanzés et une dizaine d'espèces de petits primates: colobes d'Angola, cercocèbes, cercopithèques et autres babouins olives. Au cours des promenades organisées quotidiennement par des guides compétents, on s'immerge dans cette nature farouche et majestueuse. Si la rencontre avec les chimpanzés n'est pas aussi spectaculaire que celle avec les gorilles, elle vaut pourtant bien les quelque deux heures de crapahutage nécessaires pour les localiser.
Pas de chance: le jour de notre visite, les chimpanzés ne décrochent pas de la cime des arbres. À peine visibles à travers les branches, ils signalent leur présence par d'impressionnantes vocalises. On se rattrape le lendemain avec le Canopy Walkway, l'autre grande attraction de la forêt de Nyungwe. Ce pont suspendu métallique, construit en surplomb de la canopée, ménage des vues vertigineuses sur ce joyau écologique. Séquence frisson au moment de s'engager sur cette passerelle branlante, à plus de 70 mètres du sol. L'expérience est grisante.

Au village de Gorilla Guardians, les visiteurs peuvent se familiariser avec la culture et l'artisanat rwandais traditionnels. - Crédits photo : Stanislas Fautré/Figaro Magazine
Cap vers l'est du pays et le Parc national de l'Akagera, où le Rwanda n'en finit pas d'offrir ses merveilles. Aménagé à la frontière de la Tanzanie, dans une région vallonnée et piquetée de lacs, ce sanctuaire animalier abrite toute la grande faune des savanes d'Afrique orientale: 3500 buffles, une centaine d'éléphants, des hippopotames, des crocodiles, des girafes, des phacochères, des babouins, des troupeaux d'antilopes et de zèbres. S'ajoutent depuis peu à ce bestiaire une vingtaine de lions et des rhinocéros noirs réintroduits.
L'Akagera vit aujourd'hui une renaissance.
L'Akagera revient de loin. Après le génocide en 1994, le parc avait vu sa superficie réduite de moitié et sa population animale décimée. Il vit aujourd'hui une renaissance, grâce à un partenariat entre le gouvernement rwandais et African Parks, une organisation à but non lucratif dont la compétence en matière de gestion de parcs nationaux en Afrique est reconnue. De quoi réjouir Jes Gruner, le directeur du parc national: «De 12.000 visiteurs en 2010, nous sommes passés à 37.000 en 2017, et nous visons les 45.000 en 2018. L'Akagera est aujourd'hui une étape incontournable dans tout circuit touristique au Rwanda.»
Une success-story qui doit beaucoup à la gestion rigoureuse et aux moyens déployés par African Parks dont les équipes de surveillance patrouillent inlassablement dans le parc et où une clôture électrifiée de 120 kilomètres a été installée. Les intrusions liées au braconnage sont désormais marginales et la faune prolifère. Bientôt, la consécration: le groupe hôtelier Wilderness Safaris, une référence en Afrique, a prévu d'ouvrir un lodge au nord du parc.

Les rives du lac Kivu, à l'ouest du Rwanda, offrent un cadre idéal pour la détente dans des hôtels de charme. - Crédits photo : Stanislas Fautré/Figaro Magazine
Certes, l'Akagera ne peut rivaliser avec les grands parcs du Kenya et de Tanzanie, mais il a l'avantage d'être préservé des armadas de minibus et de 4 x 4 et offre un répertoire d'écosystèmes varié, alternant collines sèches, lacs, marécages, végétation arbustive et savanes. En plus de la visite libre du parc à bord de son véhicule, plusieurs activités sont proposées: balade en bateau, safari nocturne ou encore rencontre avec les brigades antibraconnage. Sur les pistes qui serpentent entre les lacs Ihema et Mihindi, l'imagination vagabonde, stimulée par la quiétude des lieux, à peine troublée par la caresse du vent et les stridulations de l'avifaune. Le soir, au camp toilé de Ruzizi, on savoure un dîner au bord de l'eau, à quelques mètres des hippopotames.
Dépourvu de façade maritime, le Rwanda est cependant bordé à l'ouest par le lac Kivu, qui constitue une frontière naturelle avec la République démocratique du Congo. Complément idéal à un safari, le Kivu offre le spectacle d'une beauté tranquille et sécurisante. Ses rives morcelées forment d'innombrables petites criques et baies. Pour les Rwandais, le Kivu est un lieu de villégiature prisé le week-end, lorsque les familles se rendent à Gisenyi, près de la frontière congolaise, pour profiter des joies de la plage. Le soir, place à la fête dans les bars et les restaurants sur les berges du lac.

On croise d'importantes populations d'antilopes dans l'Akagera. - Crédits photo : Stanislas Fautré/Figaro Magazine
En filant vers le sud, on arrive à Kibuye, perle du Rwanda et lieu de villégiature favori des expatriés de Kigali qui viennent se ressourcer dans l'un de ses hôtels de charme et profiter de panoramas somptueux. En début de matinée, il est fréquent d'assister au retour des pêcheurs sur leurs pirogues traditionnelles, des sortes de trimarans en bois équipés de longues perches. Leurs prises? De petites sardines appelées sambazas, dont raffolent les habitants de la région. Notre voyage se termine à Kigali, la capitale. Là encore, l'effet de surprise est total.
Pas un papier par terre, une circulation automobile bien réglée, des espaces verts remarquablement entretenus et des immeubles flambant neufs. On flâne en toute sécurité dans les rues vallonnées de cette «Singapour de l'Afrique», dont le bouillonnement créatif est partout perceptible. Néanmoins, le pays n'occulte pas son douloureux passé. Pour preuve, le mémorial du Génocide, dans le quartier de Gisozi. Il permet de comprendre les mécanismes de la folie destructrice qui s'est emparée du Rwanda en 1994 - 800.000 morts en trois mois - mais aussi le processus de réconciliation grâce auquel la société rwandaise a pu se reformer. On en ressort à la fois bouleversé et éclairé. Un message d'espoir qui redonne foi en l'humanité.


Carnets de voyage

- Crédits photo : Olivier Cailleau/Figaro Magazine
Utile
Le site (en anglais) de l'organisme touristique d'État (rwandatourism.com) est très bien conçu.
Formalités: le visa est délivré à l'arrivée à l'aéroport (30 $US ou 27 €). Se munir d'un passeport d'une validité d'au moins 6 mois après le retour. Décalage horaire: aucun en été, + 1 heure en hiver. Monnaie: le franc rwandais (1 € = 1 030 RWF). Dollars et euros sont également acceptés. Santé: un certificat de vaccination contre la fièvre jaune est exigé à l'entrée du pays. Antipaludéen recommandé. Le permis gorille s'obtient par l'intermédiaire de votre voyagiste.
Un guide:Lonely Planet East Africa (nouvelle édition en 2018).
Y aller
Air France/KLM (3654 ; Airfrance.fr ; Klm.com) propose un vol quotidien Paris-Kigali via Amsterdam à partir de 445 € l'aller-retour en classe Economique.
Organiser son voyage

Randonnée entre le volcan Karisimbi et le volcan Bisoke. - Crédits photo : Stanislas Fautré/Figaro Magazine
Avec Club Faune Voyages(01.42.88.31.32 ; Club-faune.com). Ce spécialiste des voyages nature sur mesure à travers le monde, propose de découvrir le Rwanda au cours de safaris d'exception. Parmi les suggestions de l'agence, un séjour itinérant de 12 jours/10 nuits à la découverte des plus beaux sites naturels du pays. Le voyage débute dans le Parc national de l'Akagera, avec 2 nuits au Ruzizi Tented Camp et 1 nuit au Karenge Bush Camp, deux camps de toile montés par la célèbre ONG African Parks. L'occasion de découvrir les actions menées par cette ONG et d'observer les «big five» au cours de safaris en 4x4 ou en bateau, éventuellement de nuit.
Vient ensuite Kigali, avec 1 nuit au Serena Hotel. Au petit matin, transfert privé vers le Parc national de Nyungwe, avec 3 nuits au One & Only Nyungwe House. Au programme: observation des chimpanzés et découverte de la canopée sur le Canopy Walkway. L'itinéraire se prolonge par la traversée du lac Kivu en bateau jusqu'au Cormoran Lodge pour une journée et une nuit de détente. Le voyage se termine par la rencontre des gorilles de montagne dans le Parc national des Volcans. Une étape inoubliable où vous séjournerez deux nuits au Virunga Lodge. Cet itinéraire inédit, proposé à partir de 7200 € par personne (base 2 personnes) au départ de Paris, inclut les vols en classe Économique sur la compagnie Air France/KLM, l'hébergement en pension complète et un véhicule privé avec guide chauffeur francophone.
Notre sélection d'hébergements

Bisate Lodge. - Crédits photo : Stanislas Fautré/Figaro Magazine
● A proximité du Parc national des Volcans: Bisate Lodge (Wilderness-safaris.com). Le premier lodge au Rwanda de la prestigieuse enseigne Wilderness Safaris a ouvert ses portes en 2017. L'architecture des six grandes suites, unique en son genre, évoque des huttes traditionnelles coiffées d'un toit sphérique en paille tressée. La décoration associe le bambou, la pierre volcanique, le verre et le métal. Disposées à flanc de colline, elles offrent une vue imprenable sur les volcans Bisoke et Karisimbi. Le lodge est impliqué dans plusieurs projets environnementaux locaux. À partir de 1 860 € la nuit en chambre double et pension complète.
● Virunga Lodge (Volcanoessafaris.com/virunga-lodge-rwanda). Perché sur une crête à 2200 m d'altitude, ce lodge offre un panorama sensationnel, avec les lacs Burera et Ruhondo en contrebas et la chaîne des Virunga en arrière-plan. Chalets spacieux, avec terrasse. L'intérieur n'est plus de première jeunesse, mais le charme opère. La partie lounge-bibliothèque, autour d'une cheminée centrale, invite à la détente. À partir de 893 € la nuit en chambre double.

Virunga Lodge. - Crédits photo : Stanislas Fautré/Figaro Magazine
● Près du Parc national de Nyungwe: One & Only Nyungwe House (Oneandonlyresorts.com). L'enseigne de luxe One & Only a ouvert son premier établissement au Rwanda en 2017, à proximité immédiate de la forêt du Parc national de Nyungwe. Les 22 bungalows, de très grand confort, sont disséminés dans une magnifique plantation de thé. À partir de 896 €.
● Dans le Parc national de l'Akagera: Ruzizi Tented Camp (Ruzizilodge.com). Les adeptes du «glamping» (camping de luxe) adorent! Ce camp de toile installé sur les rives du lac Ihema comporte neuf tentes de bon confort, avec sanitaires irréprochables, accessibles chacune par une passerelle en bois. Le soir, on dîne aux chandelles sur un deck ouvrant sur le lac, à quelques mètres des hippopotames et des crocodiles. Compter 316 € la nuit en chambre double et demi-pension.
● À Kibuye (lac Kivu): Cormoran Lodge (Cormoranlodge.com). Coup de cœur pour ce charmant lodge composé de chalets en bois sur pilotis au bord du lac Kivu. Depuis la terrasse, la vue est incomparable. Le luxuriant jardin débouche sur une petite zone de baignade. Possibilité de pratiquer le kayak. À partir de 146 €, la nuit en chambre double.
Une étape à kigali

Heaven Restaurant. - Crédits photo : Stanislas Fautré/Figaro Magazine
● Café Néo (786.562.628 ; Facebook: Cafe Neo). KN 41 Street. Avec sa terrasse sur le toit, c'est l'un des points de rendez-vous des expatriés. Dans un cadre néo-industriel, on y sert un excellent café, du thé et d'alléchantes pâtisseries maison.
● Heaven Restaurant (788.486.581 ; Heavenrwanda.com). La meilleure table de la capitale. Dans un décor mêlant la pierre et le bois, avec une grande terrasse ouverte de style deck, on se régale de plats combinant à merveille les influences africaines et européennes. La propriété comprend également plusieurs suites haut de gamme (The Retreat). Le plat à partir de 10 €, .
● Mémorial du Génocide (Kgm.rw). La visite, poignante, du musée consacré au génocide qui a déchiré le pays en 1994 est incontournable. Entrée gratuite. Tous les jours, de 8 h à 17 h.
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De qui Salah Abdeslam est-il l'échec ? (24.04.2018)
Par Paul Sugy
Publié le 24/04/2018 à 17h02
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Salah Abdeslam a été condamné lundi à 20 ans de prison par la justice belge, pour une fusillade survenue au cours de sa cavale. Selon le sénateur belge Alain Destexhe, la chute d'Abdeslam est aussi la faillite des élites politiques qui ont laissé prospérer le communautarisme dans certains quartiers.

Alain Destexhe est un sénateur belge (Mouvement réformateur).

FIGAROVOX.- Salah Abdeslam a grandi à Molenbeek, commune belge tristement connue pour le grand nombre de djihadistes qui y ont vécu. Peut-on aller jusqu'à dire qu'il s'agit d'un bastion européen du terrorisme islamiste?
Alain DESTEXHE.- Force est de constater, en tout cas, que c'est un lieu qui a produit de nombreux terroristes: on retrouve des individus originaires de Molenbeek impliqués dans l'assassinat du commandant Massoud, dans les attentats de Madrid, de Paris, du musée juif de Bruxelles, ou encore la cellule de Verviers et l'attentat du Thalys…
À Molenbeek, l'ancien bourgmestre Philippe Moureaux (PS) a institué un véritable système de clientélisme électoral et religieux, alors que la commune connaît un afflux très important d'immigrés, dont une bonne part de clandestins. C'est l'une des zones urbaines belges dont la croissance démographique a été la plus forte.
Et une partie du personnel politique entretient donc ce communautarisme, il l'alimente même. Des élus se rendent dans les mosquées, ils mettent aussi à disposition des locaux publics pour que les imams puissent enseigner le Coran. Le voile, bien sûr, est omniprésent, mais ce qui est bien plus grave, on observe surtout une montée de l'antisémitisme qui est trop souvent toléré par les autorités: des politiques participent presque toujours aux manifestations contre Israël, alors même que dans ces cortèges on voit surgir des inscriptions antisémites, quand ce n'est pas tout simplement le drapeau d'Israël qui est recouvert d'une croix gammée! La Shoah n'est d'ailleurs plus toujours enseignée à l'école, alors qu'elle fait partie du programme scolaire. Et cette tolérance ne s'arrête pas là: le jour de la fête de l'Aïd el-Kébir, la plupart des écoles de la commune sont désertées.
À Molenbeek, la Shoah n'est plus toujours enseignée à l'école.
Molenbeek est la commune bruxelloise où ce phénomène est le plus visible et le plus médiatisé, mais il y a d'autres quartiers qui sont concernés: à Anderlecht, à Schaerbeek et même de plus en plus aussi dans Bruxelles-ville. La Belgique, rapporté au nombre d'habitants total, est le pays qui a vu partir le plus grand nombre de djihadistes en Syrie. Du reste, dans certains quartiers, l'islam est en train de devenir la religion majoritaire. À l'école publique, où les élèves doivent choisir un cours de religion, 49 % d'entre eux choisissent le cours sur l'islam.
Jugez-vous que les autorités belges ne prennent pas assez au sérieux le problème que posent ces quartiers?
Le communautarisme, comme je l'ai dit, a été encouragé par des politiques pour des raisons électorales ou par naïveté. Maintenant, il faut bien se dire que la Belgique n'est pas la France: le gouvernement fédéral dispose de pouvoirs bien moindres, et même s'il souhaite mener une politique très volontariste contre la diffusion de l'islamisme, il n'en a pas les compétences institutionnelles. Cela étant, il a déjà mis en place une réaction policière et judiciaire assez ferme.
Mais cela ne suffit pas, car on ne s'attaque pas là à l'islam politique et culturel, ni au fondamentalisme.
Peut-on dire que c'est aussi la misère de ces quartiers qui pousse plus facilement les jeunes, en quête de repères, dans les bras des djihadistes?
Non, la thèse sociologique classique du djihadisme qui prospère sur la misère sociale ne résiste pas à l'épreuve des faits: Salah Abdeslam en est le contre-exemple le plus flagrant!
Comme son père, il a travaillé à la STIB, l'équivalent bruxellois de la RATP. La famille Abdeslam avait des revenus de 104 K€ par an, et pourtant bénéficiait d'un logement social ; du reste, et c'est tout de même significatif, le frère de Salah Abdeslam travaillait pour la commune et le bourgmestre.
La radicalisation de Salah Abdeslam ne résulte pas de conditions de vie difficiles ou misérables, c'est d'abord une conversion spirituelle. L'enracinement religieux de ses convictions est si fort qu'elles n'ont rien perdu en intensité malgré sa captivité, et il a encore publiquement réaffirmé sa foi lors de son procès.
Cette radicalisation, même si elle ne va pas toujours jusqu'au djihadisme, se manifeste chez de nombreux individus du quartier au travers de trois points fondamentaux qui vont à l'encontre de nos valeurs: l'antisémitisme, l'inégalité homme-femme, et l'interdiction d'apostasier sa foi. Du reste, quelques élus musulmans refusent de serrer la main des femmes. Cette semaine encore, Redouane Ahrouch, le président du parti «Islam» - et oui cela existe - et candidat aux élections communales a refusé de regarder la chroniqueuse qui le questionnait lors d'une émission de télévision.
On peut sérieusement se demander si les attentats de Paris et de Bruxelles auraient eu lieu sans les vagues de migration massive de l'année 2015.
Selon l'étude de Jean-Charles Brisard, du Centre d'analyse du terrorisme, Salah Abdeslam a joué un important rôle logistique pour convoyer des terroristes en France et en Belgique. Le terrorisme est donc intimement lié à l'immigration?
En effet, dix des auteurs des attentats de Paris et Bruxelles sont arrivés en Europe via le flux de migrants, la plupart convoyés par Abdeslam. On peut sérieusement se demander, et je pèse mes mots, si les attentats de Paris et de Bruxelles auraient eu lieu sans les vagues de migration massive de l'année 2015. Je sais qu'avec des «si» on mettrait Paris en bouteille, mais la question mérite d'être posée.
Il y a eu, notamment en France, une levée de boucliers au moment où cette question a été posée: on a dit que c'était impossible que l'État islamique profite des vagues migratoires pour faire passer des terroristes. Cela paraît pourtant logique: la préparation, complexe, des attentats en Europe risquait d'attirer l'attention. En revanche, les organiser à Raqqa, puis envoyer les terroristes en Europe était moins risqué. Alors même qu'il est prouvé aujourd'hui que certains des terroristes se sont dissimulés parmi les migrants, je n'ai entendu aucun de ceux qui le niaient hier la possibilité faire leur mea culpa.
Cela pose surtout la question de la responsabilité d'Angela Merkel: il est temps à présent que soient révélées au grand jour les conséquences désastreuses de l'ouverture massive des frontières européennes qu'elle a délibérément orchestrée. La chancelière allemande est donc directement responsable de l'arrivée d'un million de migrants, et bientôt plusieurs autres millions grâce au regroupement familial contre lequel nous ne pouvons pratiquement rien faire tellement la jurisprudence de la CEDH verrouille ce sujet. Elle est responsable de la montée de l'antisémitisme dans les quartiers concernés par cette immigration massive, qui a vu arriver des personnes ayant souvent grandi dans des environnements nettement hostiles aux juifs. Elle est responsable de l'apparition de partis de droite radicale, comme l'AfD en Allemagne. Elle est responsable du rejet par les Britanniques de la politique migratoire européenne, qui a contribué à provoquer le Brexit. Elle est responsable enfin d'avoir divisé l'Europe, non seulement entre l'Est et l'Ouest, mais à l'intérieur même des pays entre les tenants de l'immigration et ceux qui la rejettent fermement, en polarisant les débats sur ce sujet.
En somme, le bilan d'Angela Merkel pour l'Europe est, à bien des égards, désastreux.
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Marion Maréchal-Le Pen inaugurera son «académie» à Lyon en juin (24.04.2018)
Par François-Xavier Bourmaud
Mis à jour le 24/04/2018 à 11h01 | Publié le 24/04/2018 à 09h35
LE SCAN POLITIQUE - L'académie de sciences politiques de la nièce de Marine Le Pen, retirée de la vie politique depuis mai 2017, ouvrira officiellement ses portes à la rentrée de septembre 2018. Une école qui vise à former les futurs cadres de l'extrême droite.
Marion Maréchal-Le Pen a choisi Lyon. C'est là, dans la capitale des Gaules, que la nièce de Marine Le Pen et petite-fille de Jean-Marie Le Pen inaugurera fin juin son académie de sciences politiques. Elle ouvrira ensuite officiellement ses portes à la rentrée de septembre 2018. Des élus FN de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont précisé à l'AFP que cette académie «sera installée dans le quartier de la Confluence» au sud de la ville. Le futur établissement a reçu les autorisations nécessaires pour délivrer des diplômes et recrutera ses candidats sur dossier.
Retirée pour l'heure de la vie politique, l'ancienne député du Vaucluse présente veut faire de son académie le «terreau de tous les courants de droite» pour «détecter et former les dirigeants de demain». Marquée par la défaite de sa tante face à Emmanuel Macron lors de l'élection présidentielle de 2017, Marion Maréchal-Le Pen a également en mémoire celle de son grand-père face à Jacques Chirac en 2002. «La bataille des idées est gagnée à bien des égards mais elle ne parvient pas à se transformer en victoire électorale», déplorait-elle en février dernier dans l'hebdomadaire Valeurs Actuelles. Selon Marion Maréchal-Le Pen, «c'est précisément sur ce rôle que la jeunesse conservatrice de France a une mission d'ampleur à mener. Je suis convaincue que notre famille de pensée doit investir davantage le champ de la métapolitique». D'où cette idée d'académie de science politique dont le lancement désormais officiel ne va pas manquer d'alimenter les spéculations sur son retour en politique.
Marion Maréchal-Le Pen avait annoncé son retrait en mai 2017, avant les élections législatives. «Il est temps de s'atteler à des œuvres moins visibles peut-être, plus humbles à certains égards, mais non pas moins efficaces et concrètes», avait-elle expliqué. Depuis, son ombre plane sur le FN alors que sa tante peine à se remettre de son débat raté face à Emmanuel Macron dans l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle. Lors du congrès du FN de mars, auquel elle n'assistait pas, Marion Maréchal-Le Pen, qui venait de prononcer un discours remarqué aux Etats-Unis, était dans tous les esprits. Elle «n'est pas seulement une étoile montante, c'est l'une des personnes les plus impressionnantes au monde», avait assuré Steve Bannon, l'ancien conseiller stratégique de Donald Trump. Invité surprise du congrès, il avait été plébiscité par les militants.
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Grand reporter au service politique du Figaro
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Allemagne : au Bundestag, l'AfD refuse de rentrer dans le rang (23.04.2018)
Par Nicolas Barotte
Mis à jour le 23/04/2018 à 21h03 | Publié le 23/04/2018 à 20h51
L'Alternative für Deutschland, devenue la voix de l'opposition à cause de la grande coalition, mène depuis six mois une stratégie de coups d'éclat et de provocation. Sa cible favorite demeure l'immigration.
De notre correspondant à Berlin
S'ils le demandent, les députés peuvent tous adhérer, a priori, à la Parlementarische Gesellschaft. Installé dans le bâtiment situé en face du Reichstag, ce club parlementaire fondé en 1951 accueille les élus qui veulent échapper aux regards - les journalistes ne sont pas admis - et aux luttes partisanes: on y discute, on s'y retrouve pour un verre, au-delà des étiquettes politiques. Le lieu est là pour «soigner les relations humaines» entre les députés, y assure-t-on. «Mais depuis que les élus de l'AfD y ont accès, l'ambiance a changé et les autres députés ont moins envie de s'y rendre», raconte une observatrice avisée de la vie parlementaire.
L'Afd a obtenu la présidence de la commission parlementaire sur la justice et de celle sur le tourisme
La gêne a rattrapé la Parlementarische Gesellschaft comme elle a saisi le Bundestag depuis sa première session, le 24 octobre. Avec 92 élus, l'Alternative für Deutschland forme la troisième force du Parlement derrière la CDU-CSU et le SPD. À cause de la grande coalition, elle est devenue la voix de l'opposition au Bundestag avec tous les droits qui s'y rapportent: présidence de la commission du budget, premier droit de réponse lors des débats.
Depuis six mois, l'AfD a pris ses marques au Bundestag. Elle a aussi obtenu la présidence de la commission parlementaire sur la justice et de celle sur le tourisme. Elle n'a toutefois pas réussi à faire élire un des siens au poste de vice-président de l'Assemblée, comme elle y a droit: son candidat, Albrecht Glaser, a été refusé à chaque tour par une majorité de députés. Ses propos niant aux musulmans la liberté religieuse ont été jugés intolérables par ses pairs.
Les profils parfois extrêmes des députés de l'AfD passent mal au Bundestag. «J'ai fait une demande d'adhésion à la Parlementarische Gesellschafft mais je n'ai toujours pas reçu de réponse», déplore Markus Frohnmaier, élu de 28 ans, membre de l'aile la plus dure de l'AfD. Peut-être que le symbole de la German Defense League que ses collègues soupçonnent sous sa chemise les a refroidis? La GDL est surveillée comme un groupuscule violent par les services de renseignement allemand. Markus Frohnmaier dément toute proximité avec elle et même la nature exacte du tatouage.
Les profils parfois extrêmes des députés de l'AfD passent mal au Bundestag
Mais l'affaire résume bien les tensions des six premiers mois de l'AfD au Bundestag. «Montre-nous ton tatouage», a hurlé la députée Verte Franziska Brantner lors du premier discours du député, en mars dernier. Même sur les bancs écologistes, l'interpellation a fait sursauter par sa virulence inhabituelle. Markus Frohnmaier venait à peine de commencer une intervention sur l'aide au développement: «Quand on parle de développement, on entend jusqu'à présent de la part du gouvernement une seule approche: creuser des puits, ouvrir des écoles pour filles, limiter les émissions de CO2 dans les zones touchées par les famines, soutenir la politique du genre au Lesotho…» Après son discours, il s'est plaint de la charge de l'élue: «Qu'aurait-on dit si je lui avais demandé de nous montrer ses seins! Cependant, je comprends son souhait: dans son parti, les hommes appartiennent surtout au courant “müesli”.» Lui est adepte de la musculation. Mais il préfère parler d'autre chose, comme de son voyage en Crimée, le week-end dernier, à l'occasion d'un forum économique. Il plaide pour la reconnaissance de l'annexion de la province.
Il n'est pas le seul élu de l'AfD à jongler avec son passé. Sebastian Münzenmaier, par exemple, a été condamné dans une affaire de hooliganisme à l'automne dernier. Mais il est aujourd'hui président de la commission sur le tourisme. «Je n'ai aucun problème avec mes collègues, assure-t-il. J'ai un rôle de modérateur dans la commission. Par ailleurs, nous voulons tous que le tourisme se développe en Allemagne», ajoute-t-il.
Les autres groupes parlementaires hésitent encore sur leur stratégie
Tout en se réclamant du travail parlementaire, l'AfD mène depuis six mois une stratégie de coups d'éclat et de provocation. «C'est un mécanisme empoisonné, explique Konstantin von Notz, vice-président du groupe Vert. À chaque fois qu'ils se radicalisent, qu'ils brisent des tabous, ils renforcent leur audience. Depuis qu'elle est au Bundestag, l'AfD ne se modère pas.»
Les élus de l'Alternative für Deutschland s'en félicitent. «Les débats parlementaires sont de nouveau devenus passionnants», affirme Alexander Gauland, le chef de file de l'AfD et ancien député de la CDU. «Nous avons élargi le corridor du dicible», poursuit-il. L'AfD a aussi renforcé sa structure. Le parti veut se doter d'une plateforme de communication. Il a enfin mis sur pied une fondation, comme les autres partis politiques représentés.
La cible favorite des députés de l'AfD demeure l'immigration
L'AfD «n'a pas apporté grand-chose sur le fond du travail du Bundestag, ses interventions sont souvent rudimentaires, corrige la journaliste du SpiegelMelanie Amann, spécialiste du parti de droite radicale. Le changement est dans le style: le ton des discussions est devenu plus dur».
La cible favorite des députés de l'AfD demeure l'immigration. Dans leurs propositions de loi, ils ont réclamé par exemple la fin de la double nationalité, prôné l'interdiction de la burqa ou proposé d'autoriser les expulsions des réfugiés en Syrie. Un groupe de parlementaires de l'AfD s'est même rendu à Damas et a assuré que la situation y était sans risque.
Ils ont de nouveau scandalisé, le mois dernier, en demandant au gouvernement des précisions chiffrées sur le nombre d'enfants handicapés dans la population immigrée, en relevant que souvent le handicap était la conséquence de relations consanguines. La question de l'AfD évoque «les pages les plus sombres de l'histoire allemande où les personnes handicapées se sont vu refuser le droit de vivre et ont compté parmi les centaines de milliers de victimes du national-socialisme», s'est ému un collectif d'associations de premier plan. Interrogé sur la pertinence de l'amalgame, Alexander Gauland a botté en touche: «Adressez-vous aux auteurs de la question.» L'un d'eux, Jürgen Pohl, est un proche de Björn Höcke, le responsable de l'AfD en Thuringe, leader de l'aile identitaire du parti, celle qui veut notamment remettre en cause «la culture du souvenir» en Allemagne.
Si les Verts et Die Linke ont choisi une confrontation directe avec l'AfD, les autres groupes parlementaires hésitent encore sur leur stratégie
C'est sur ce thème qu'a eu lieu l'unique débat en séance plénière visant explicitement «la façon de débattre avec l'AfD». «Il ne faut pas réagir à chaque provocation, mais on ne pouvait pas laisser passer les attaques contre la mémoire, surtout dans ce lieu», explique Konstantin von Notz, à l'origine de la discussion. Il a été soutenu par les autres groupes. En réponse, le député de l'AfD Marc Jongen a déploré au pupitre «la haine» contre son parti.
Si les Verts et Die Linke ont choisi une confrontation directe avec l'AfD, les autres groupes parlementaires hésitent encore sur leur stratégie. La CDU-CSU a tracé une limite infranchissable entre les populistes et elle, refusant catégoriquement tout rapprochement, même de circonstance. Angela Merkel a été d'une clarté absolue à ce sujet. Mais la pression de l'Alternative für Deutschland pousse les conservateurs à durcir eux-mêmes leur discours. «Il faut rendre l'AfD superflue», répète Jens Spahn, qui incarne la nouvelle droite de la CDU. Du côté du SPD, la ligne d'opposition est claire, comme l'a réaffirmé la présidente du parti, Andrea Nahles. Mais la méthode des sociaux-démocrates pour reconquérir l'électorat perdu reste à inventer.
L'espoir d'une normalisation de l'AfD au contact des institutions démocratiques ou d'une modération progressive ne s'est pas concrétisé. Pourtant, l'AfD est plus divisée qu'il n'y paraît, jusqu'à faire croire à l'existence «d'un groupe dans le groupe» autour des élus les moins extrémistes, comme le relève un élu de gauche. Les excès de langage ne sont pas du goût de tous les députés de l'AfD. Mais ils évitent de le dire publiquement, tant que cela marche.

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Correspondant du Figaro à Berlin
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Merkel dénonce l'«autre antisémitisme» de certains réfugiés arabes (23.04.2018)
Par Nicolas Barotte
Mis à jour le 23/04/2018 à 21h02 | Publié le 23/04/2018 à 20h47
Dans une interview à la télévision israélienne, la chancelière a dénoncé la résurgence d'une haine apportée par des immigrés, qui s'ajoute aux incidents d'extrême droite.
Correspondant à Berlin
Les mots ressemblent à un aveu: «Nous avons maintenant aussi de nouveaux phénomènes: nous avons des réfugiés ou des personnes d'origine arabe qui introduisent une autre forme d'antisémitisme dans le pays.» Dans une interview à la chaîne de télévision israélienne Channel 10 News, accordée à l'occasion des 70 ans de l'État d'Israël, Angela Merkel a nommé le problème par son nom. Cette prise de position sans ambiguïté, par celle qui a incarné l'ouverture des frontières du pays, était devenue indispensable.
La haine contre les Juifs existait «malheureusement» avant la vague migratoire, a-t-elle complété, alors que le pays est aussi confronté à la poussée de l'extrême droite. Mais «qu'aucun jardin d'enfants, aucune école, aucune synagogue ne puisse être sans protection policière, cela nous inquiète», a-t-elle insisté. «Il faut remporter cette bataille», avait-elle déclaré quelques jours auparavant.
«Nous avons maintenant aussi de nouveaux phénomènes : nous avons des réfugiés ou des personnes d'origine arabe qui introduisent une autre forme d'antisémitisme dans le pays»
Angela Merkel
En Allemagne comme partout en Europe, l'antisémitisme a ressurgi au quotidien et avec violence. «C'est devenu pire, soupire Sigmund Königsberg, chargé de la lutte contre l'antisémitisme pour la communauté juive à Berlin. Je ne recommande à personne de se promener dans la rue avec une kippa. Le danger n'est pas immédiat, mais je ne suis pas sûr que rien ne se passe», confiait-il au début du mois. Effectivement.
Quelques jours plus tard une vidéo choquait le pays: on y voit, dans le quartier bourgeois-bohème de Prenzlauer Berg, à Berlin, un jeune homme agresser un passant à coups de ceinture en criant: «Juif!» La victime a filmé la scène avec son téléphone portable. «Je ne suis pas juif, a expliqué celui-ci par la suite. Mais j'ai voulu porter une kippa dans la rue pour faire l'expérience.» Son agresseur, un réfugié syrien de 19 ans, s'est ensuite livré à la police. Les détails de l'agression ne sont pas connus. Mais plusieurs affaires récentes dans des écoles ont souligné la recrudescence de l'antisémitisme parmi la population d'origine arabe.
Ce n'est pas la seule polémique qui agite le pays. Mi-avril, le prix musical Echo, décerné à deux rappeurs, Kollegah et Farid Bang, a suscité une vague de défiance et d'incompréhension. Il récompensait le succès de l'album Jeune, brutal et beau gosse 3, vendu à 200.000 exemplaires. Dans un de leurs textes, les deux artistes, qui nient tout antisémitisme, se comparent aux victimes de la Shoah: «Mon corps est plus “fitté” que celui des détenus d'Auschwitz», lancent-ils par exemple.
Hausse des actes antisémites
Si le jury du prix n'a pas sursauté en écoutant la chanson, les protestations politiques et artistiques ont été immédiates ensuite: «Les provocations antisémites ne méritent pas de récompense», a critiqué le ministre de l'Intérieur, Heiko Maas. Et plusieurs artistes de renom ont commencé à rendre les trophées des années passées: les textes de ces rappeurs sont «clairement antisémites, misogynes, homophobes et d'une manière générale méprisants pour la dignité humaine», a dénoncé par exemple le célèbre chef d'orchestre Daniel Barenboïm. «Les intérêts commerciaux ne doivent pas supplanter la décence et l'humanité», a-t-il ajouté. Kollegah et Farid Bang ne sont pas les seuls rappeurs à véhiculer des stéréotypes ou à banaliser la Shoah: Bushido, Fard ou Haftbefehl ont aussi été épinglés pour leurs propos.
L'antisémitisme arabe n'est pas le seul en cause dans la résurgence de ce phénomène. L'extrême droite reste à l'origine de la plupart des actes dénombrés. Dans son dernier rapport, l'association ReportAntisemitism, qui recense les actes antisémites à Berlin via un site Internet, fait état de 947 agressions en 2017, contre 590 en 2016. «Dans les faits et quand on regarde les chiffres, il n'y a pas forcément de “nouvel” antisémitisme : il y a toujours eu des problèmes, nuance une élue berlinoise. Mais peu importe: si les Juifs ne se sentent pas en sécurité en Allemagne, c'est inacceptable, notamment compte tenu de notre histoire», poursuit-elle. Le gouvernement a réagi en nommant pour la première fois un commissaire à la lutte contre l'antisémitisme. C'est le diplomate Felix Klein qui a été désigné. Son travail ne fait que commencer.

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Correspondant du Figaro à Berlin
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L'errance des femmes irakiennes qui ont vécu sous l'État islamique (24.04.2018)
Par Pauline Verge
Mis à jour le 24/04/2018 à 11h31 | Publié le 24/04/2018 à 06h00
VIDÉO - Les femmes qui ont vécu dans des territoires de l'Irak occupés par l'État islamique avant 2017 sont aujourd'hui rejetées par la société irakienne. Dans un rapport intitulé «Les condamnées», Amnesty International fait état de l'exclusion et des abus dont elles sont victimes.
D'après un rapport d'Amnesty International, les femmes irakiennes soupçonnées d'avoir entretenu des liens avec l'État islamique lorsque celui-ci contrôlait un tiers du pays sont victimes de violations des droits de l'homme. Elles vivent exclues de la société irakienne dans des camps de populations déplacées, où elles sont la cible de chantages et d'abus.
En janvier 2018, soit plus d'un an après la fin du conflit pour reprendre les territoires occupés par l'État islamique, 2,6 millions de personnes vivaient encore dans des camps de personnes déplacées d'après le rapport. Il s'agit en grande majorité de femmes et d'enfants. En effet, les hommes sont nombreux à être décédés pendant le conflit. Beaucoup d'entre eux ont également été victimes d'arrestations arbitraires par l'État irakien et sont aujourd'hui détenus ou victimes de disparitions forcées, estime Amnesty international. «À l'origine, nos chercheurs voulaient faire un rapport sur les familles irakiennes déplacées à cause des opérations militaires contre Daech. Sur place, ils se sont rendu compte que les familles soupçonnées d'avoir entretenu des liens avec Daech sont plus susceptibles que les autres d'êtres victimes de graves abus» raconte Nina Walch, chargée de campagne conflits armés chez Amnesty International France.
Chassées par les autorités locales
Les enquêteurs ont rencontré 92 femmes dans huit camps. Les raisons qui les amènent à être suspectées de liens avec l'État islamique sont diverses et parfois floues. Elles peuvent être liées au rôle joué par un homme de leur famille, proche ou lointaine, qui aurait servi l'État islamique. Néanmoins, cette définition est plus subtile, fait remarquer Nina Walch, qui souligne qu'aucune des 92 femmes interrogées par Amnesty International n'a été inculpée d'actes criminels. D'une part, il était difficile pour les hommes vivant dans des territoires occupés de ne pas avoir du tout affaire à l'État islamique. D'autre part, les femmes avaient rarement leur mot à dire dans les décisions de leur mari. «Si votre mari était avec l'État islamique, il vous forçait à l'accompagner. Quand il meurt, vous êtes punie pour lui» témoigne Farah, 18 ans, dans le camp Jedaa 6.
À l'issue du conflit, ces femmes et leurs enfants ont du mal à quitter les camps de personnes déplacées dans lesquels elles ont trouvé un refuge tout relatif. En effet, il leur est particulièrement difficile, voire refusé, d'acquérir les papiers d'identité requis. «Je n'ai pas de carte d'identité. Personne ne nous autorise à en avoir une. Ils disent que les familles de l'État islamique n'ont pas de droits» relate Maha, qui vit dans le camp d'Hama al-Ali. Certains camps, comme celui d'Al-Shahama oùvivent 180 familles, s'apparentent à des centres de détention. Il est impossible de le quitter sauf dans le cadre d'un rendez-vous médical, escorté par un officier de police. D'après les travailleurs sociaux et humanitaires d'Al-Shahama, il est possible d'être libéré à condition de passer une série de tests et de vérifications menés par les forces de sécurité irakiennes, les autorités locales et tribales des lieux de naissance des femmes, et par le commandant des opérations de Salah al-Din. Au total, réunir toutes ces approbations peut prendre plus de 18 mois.
Celles qui parviennent à quitter les camps ont également du mal à retourner dans leur village ou région d'origine, car elles en sont chassées par les autorités locales ou la communauté. Le rapport évoque par exemple des inscriptions «Daeshi» sur leurs maisons. «Certains villages autorisent les femmes à revenir mais refusent leurs enfants, notamment les garçons, par peur qu'ils deviennent des combattants de l'État islamique» ajoute Nina Walch.
Le terreau de tensions futures
À l'intérieur des camps de personnes déplacées, les femmes accusées d'être des «daeshi» et leurs enfants n'ont pas le même accès à l'aide humanitaire, à l'eau et à la nourriture que les autres. «Il y a des discriminations systématiques. Les secteurs dédiés aux familles «liées à l'État islamique» sont considérés comme non prioritaires lorsqu'on distribue de la nourriture» témoigne un membre d'une organisation humanitaire internationale. Certaines femmes disent aussi être empêchées d'avoir accès aux soins médicaux. «À la clinique, les infirmières se sont passé le mot: «elle vient d'une famille de l'État islamique, ne lui donnez rien». Mon fils est diabétique et une seringue coûte 100.000 dinars irakiens. Où est ce que je les trouve?» déplore Nour, âgée de 26 ans.
À travers le chantage des forces de sécurité ou des gardiens, elles sont également victimes de harcèlement et d'exploitation sexuelle pour obtenir de la nourriture, des papiers, ou une compensation monétaire. Cette pratique a été confirmée et décrite à Amnesty International par 26 travailleurs humanitaires et par 19 femmes présentes dans les camps. Neuf d'entre elles au moins affirment avoir personnellement subi des pressions ou des moyens de coercition pour avoir des relations sexuelles avec des hommes. Tala, 28 ans, raconte avoir fini par accepter d'avoir des rapports sexuels avec une quinzaine d'hommes afin d'être autorisée à quitter le camp et de recevoir de l'argent. «J'étais forcée de coucher avec des membres de la coalition car j'avais besoin de tous les dinars que je pouvais avoir», raconte-t-elle. Lorsqu'on lui demande si elle se sent en sécurité dans le camp, Dana répond «je suis comme un cerf en pleine jungle, avec tous ces tigres et ces lions autour de moi».
Pour Nina Walch, il s'agit d'une «punition collective extrêmement humiliante, qui empêche la réconciliation nationale et risque d'être le terreau d'un futur conflit». En effet, les enfants victimes de ces discriminations risquent de développer un ressentiment certain à l'égard des autorités irakiennes. «Les enfants n'oublieront jamais avoir vu leurs familles humiliées» fait remarquer Maha«Les élections législatives de mai, dans la perspective desquelles les camps de personnes déplacées seront fermés, sont l'occasion pour le gouvernement de mettre fin à ce cycle de conflits, en cessant de stigmatiser une partie de la population pour éviter d'encourager des tensions futures», conclut Nina Walch.
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Journaliste
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YouTube a supprimé 8,3 millions de vidéos abusives au dernier trimestre 2017 (24.04.2018)
Par Ingrid Vergara
Publié le 24/04/2018 à 05h00
Après les nombreuses polémiques qui ont écorné son image, la plateforme vidéo de Google veut être plus transparente sur sa modération de contenus abusifs. Elle publie un premier rapport instructif.
Sommée de réagir vite et fort après plusieurs polémiques concernant des contenus qui n'avaient rien à faire sur sa plateforme vidéo YouTube et celle dédiée aux enfants, YouTube Kids, Google veut montrer les premiers résultats de ses efforts. Il vient de publier son premier «community guidelines et enforcement report» , un compte rendu trimestriel destiné à donner des informations et des chiffres précis sur les contenus supprimés pour infraction au règlement de la communauté.
Après le départ de plusieurs gros annonceurs de la plateforme, parmi lesquels Mars, Adidas ou HP soucieux de ne pas voir leur image accolée à des contenus problématiques, la directrice générale de YouTube Susan Wojcicki avait présenté en décembre 2017 une série de mesures pour renforcer la politique de modération. La plus forte était l'embauche de 10.000 personnes d'ici la fin de l'année 2018 pour agrandir son pôle dédié aux problématiques de modération des contenus dits sensibles pour Google (et pas seulement pour sa plateformeYouTube). Leur mission: repérer les contenus violant les conditions d'utilisation de la plate-forme, les contenus abusifs ou polémiques. L'équipe entraîne également les algorithmes développés par YouTube, un technologie déployée depuis juin 2017, pour repérer plus rapidement et plus efficacement les vidéos à supprimer.
30% des vidéos supprimées à caractère sexuel
Ce premier rapport donne quelques premiers chiffres intéressants sur la période octobre-décembre 2017. Sur ces trois mois, la plateforme a supprimé un total de 8,3 millions de contenus dont 81% ont été détectés par un algorithme. Le nombre de vidéos signalées par des ONG ou des agences gouvernementales s'est élevé à 1,1 million, celui signalé par des membres ordinaires de la communauté à 400.000.
Parmi les 6,7 millions de vidéos détectées grâce à une intelligence artificielle, 76% ont été enlevées avant qu'elles aient eu le temps d'être visionnées par un autre membre du réseau. Les machines de YouTube sont capables de scanner les tags, les mots du titre, mais aussi avec de plus en plus d'efficacité les images pour détecter un contenu problématique. Utilisée depuis juin, cette technologie a permis d'accélérer grandement l'analyse de vidéos.
Près d'un tiers (30% ) des vidéos supprimées sont des contenus présentant un caractère sexuel, devant les contenus qualifiés spams (27%), les contenus haineux (16%), ceux violents (14%). Les vidéos pouvant mettre en danger des enfants représentent 5% des suppressions, celles faisant la promotion du terrorisme 2%.
D'après le document, c'est en Inde que sont signalés le plus de contenus enfreignant les règles de YouTube, devant les États-Unis, le Brésil, la Russie et l'Allemagne. La France ne figure pas dans le top 10.
Tout internaute qui a signalé un contenu sur la plateforme va pouvoir suivre ce qu'il advient. YouTube n'a en revanche pas communiqué de données concernant spécifiquement sa plateforme pour enfants YouTube Kids. Il le promet pour les prochains mois. D'ici la fin de l'année, il devrait aussi proposer des données sur les commentaires, les vitesses de suppression et donner plus de détails sur sa politique de modération.
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Journaliste Rédactrice en chef du Figaro.fr
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Google, porté par la publicité, s'attaque de front à Apple et Amazon (24.04.2018)
Par Pierre-Yves Dugua
Mis à jour le 24/04/2018 à 10h41 | Publié le 24/04/2018 à 08h11
Alphabet, la maison mère de Google, choisit de sacrifier ses marges pour investir dans des activités qui ne produiront de résultats qu'à moyen et long terme.
De notre correspondant à Washington
À l'occasion de la publication de ses résultats trimestriels, Alphabet a révélé sa nouvelle stratégie. La maison mère de Google s'appuie sur la forte croissance de son principal métier, la publicité numérique, pour investir massivement dans des activités qui la placent en concurrence directe avec Apple et Amazon: les équipements incorporant de l'intelligence artificielle, la production de contenus originaux pour sa plateforme de streaming, Youtube, et les services informatiques. C'est dans le contexte de ce tournant qu'il faut replacer ses performances financières au cours des trois premiers mois de l'année. Elles sont excellentes, même si certains changements de normes comptables exagèrent certaines tendances. Les profits d'Alphabet bondissent de 73%, pour atteindre 9, 4 milliards de dollars, tandis que son chiffre d'affaires issu de la vente de publicités décolle de 24%, à 26, 6 milliards de dollars. La nouvelle méthode comptable d'Alphabet permet aussi de révéler que 2, 4 milliards de dollars des profits de l'entreprise sont générés par les plus-values de ses participations dans des jeunes pousses comme Uber et Airbnb.
Investissement sur le moyen et long terme
Ceci posé, on comprend que désormais Alphabet choisit de sacrifier ses marges pour investir dans des activités qui ne produiront de résultats qu'à moyen et long terme. Les dépenses d'investissement à long terme de la firme californienne font plus que tripler par rapport à l'année dernière pour atteindre 7, 3 milliards de dollars rien qu'au cours des trois derniers mois. Ces investissements réduisent ses marges d'exploitation de 27% à 22%. De quoi refroidir certains à Wall Street, pris par surprise. Ruth Porat, Directrice financière du groupe, cite quelques exemples des investissements massifs d'Alphabet: trois nouveaux cables sous-marins, des centres de traitements de données, des équipements de réseau. Mais il s'agit aussi un immeuble de 2, 4 milliards de dollars dans le quartier de Chelsea à New York, des dizaines d'ingénieurs pour concevoir de nouveaux composants électroniques originaux capables d'exécuter des tâches complexes d'intelligence artificielle et des spécialistes de contenus vidéo. Dans la production et la vente de smartphones et de haut-parleurs intelligents, secteurs dominés par Apple et Amazon, Sundar Pichai le patron de Google s'estime «à deux à trois ans de la position dans laquelle nous voulons être». Il reste beaucoup de chemin à parcourir à Google avant de rivaliser avec Apple par exemple: au cours des trois derniers mois de 2017, alors que Google vendait environ 2 millions de ses smartphones Pixel, Apple distribuait 77 millions d'iPhones. Même chose sur le front de la concurrence avec Amazon. On estime à 2,5 milliards de dollars les ventes de services de Google dans le cloud cette année. C'est deux fois moins que les ventes équivalentes d'Amazon en un seul trimestre.
Protection des données
Par ailleurs les dirigeants d'Alphabet ont cherché à rassurer leurs actionnaires sur leur préparation aux nouvelles normes européennes en matière de protection des données personnelles des internautes. Google y travaille depuis 18 mois.
«Nous avons changé nos pratiques pour nous adapter. Nous fournissons aussi aux utilisateurs des moyens puissants de contrôle et de réglage relatifs à la vie privée», affirme Ruth Porat. Mais Sundar Pichai insiste pour différencier Google, dont le principal métier est encore la recherche d'information sur internet, de Facebook qui se targue de bien connaître les goûts des internautes pour mieux cibler ses messages publicitaires. «Il est important de comprendre que l'essentiel de notre métier dans la publicité est lié à la recherche, fonction où nous nous appuyons sur des informations très limitées. Il s'agit essentiellement des mots clés qui vont déterminer quelle sera la publicité qui s'affichera». Google qui draine pourtant énormément d'informations sur des milliards d'utilisateurs de smartphones équipés de son logiciel Android, veut donc paraître moins intrusif que Facebook.
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Amazon développerait en secret Vesta, un robot majordome (24.04.2018)
Par Marius François
Publié le 24/04/2018 à 09h35
Dans le secret du Lab 126, son laboratoire de R&D, le géant américain s'attaquerait au marché des robots majordomes. Vesta embarquerait entre autres des technologies proches de celles des voitures autonomes.
Doucement mais sûrement, Amazon conquiert la maison de ses clients. Après les enceintes Echo et leur assistant vocal Alexa, le géant du e-commerce plancherait sur un nouveau projet. Selon Bloomberg, la firme développerait un robot pour la maison. Son nom de code? Vesta, emprunté à la déesse du foyer, de la maison et de la famille dans la mythologie romaine. Des sources proches du dossier rapportent que les travaux de recherche sont supervisés par Gregg Zehr, dirigeant du Amazon Lab 126 qui conçoit les produits maison d'Amazon. Très discret, le laboratoire de R&D n'a pas communiqué sur ce projet jusqu'alors tenu secret. Seules apparaissent sur son site des annonces de recrutement d'ingénieur en robotique ou de développeur logiciel, signe que le projet est en phase d'accélération. Le robot serait testé au domicile d'employés d'Amazon d'ici la fin de l'année 2018 pour une commercialisation espérée dans le courant de l'année 2019. Un porte-parole de la firme, contacté par Bloomberg, a indiqué ne pas commenter les «rumeurs et spéculations».
Selon les sources de l'agence américaine, il s'agirait d'un «Alexa en mouvement». Il suivrait les utilisateurs dans toutes les pièces de la maison, contrairement aux appareils Echo, conçus pour rester fixes. Les prototypes seraient équipés de caméras et de logiciels de vision par ordinateur, des algorithmes que l'on retrouve notamment dans les voitures autonomes. Les fonctionnalités n'ont pas été révélées dans le détail pour le moment, mais le champ des possibles s'annonce vaste.
La robotique n'est pas une découverte pour Amazon qui a déjà acquis l'entreprise Kiva Systems (devenue Amazon Robotics), à l'origine des robots Kiva. Ces derniers viennent en aide aux employés des entrepôts pour déplacer les produits et améliorer la productivité. Riche de ce savoir-faire, la firme devrait désormais s'attaquer au marché très prometteur du robot grand public. Selon une estimation de Research and Markets, il représenterait 5,4 milliards de dollars en 2018 et passerait la barre des 15 milliards par an en 2023.
Amazon, des «paris audacieux» et quelques échecs
Ce projet est actuellement en développement, rien n'indique qu'il sera commercialisé ou qu'il rencontrera un franc succès. Cela ne serait pas une première pour Amazon qui bouillonne de projets ces dernières années. Parmi les échecs, nous pouvons citer le Fire Phone, un smartphone abordable abandonné faute de ventes et de performances convaincantes. Le Wall Street Journal avait d'ailleurs été virulent dès sa sortie: «Plein de gadgets, mais il manque l'essentiel». De même, malgré un bon démarrage en 2011, la tablette Kindle Fire a subi une chute de ses ventes face à un marché d'entrée de gamme très concurrentiel. Au deuxième semestre 2012, le produit est passé de 16,8% de part de marché à seulement 5%.
En décembre 2014, Jeff Bezos, PDG d'Amazon, revendiquait sa culture de l'échec: «Mon travail est d'encourager les gens à être audacieux. Or, si l'on fait des paris audacieux, cela conduit à faire des expérimentations qui sont par nature souvent vouées à l'échec».

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Samuel Maoz : «La société israélienne est une société traumatisée» (24.04.2018)
Par Marie-Noëlle Tranchant
Mis à jour le 24/04/2018 à 15h55 | Publié le 24/04/2018 à 15h27
INTERVIEW - Primé deux fois à la Mostra de Venise, le réalisateur de  Foxtrot  est l'une des plus brillantes figures du cinéma israélien. Un film qui entend lever des tabous dans son pays.
On a découvert Samuel Maoz à la Mostra de Venise avec son premier film,Lebanon, lion d'or en 2009. Il mettait en scène son expérience de jeune militaire israélien de 20 ans, lors de la guerre du Liban de 1982: la guerre vécue de l'intérieur d'un char. Foxtrot, second film de nouveau récompensé à la Mostra (lion d'argent 2017), n'est pas moins percutant. C'est que Samuel Maoz a une imagination artistique exceptionnelle pour styliser la réalité sociale et politique israélienne. Foxtrot évoque la douleur d'un couple qui croit avoir perdu son fils, envoyé à la frontière israélo-palestinienne pendant son service militaire.
LE FIGARO. - Vous considérez-vous comme un cinéaste politique?
Samuel MAOZ. - Je suis plus social que politique. Je n'ai rien d'un activiste. Je me tiens assis dans ma chambre et j'explore mes sentiments personnels, mes expériences profondes. Là, le point de départ est un drame intime vécu avec ma fille. Comme elle était souvent en retard pour aller à l'école et réclamait un taxi, par souci éducatif, j'ai exigé qu'elle prenne le bus. Et ce jour-là, il y a eu un attentat sur la ligne. Par chance, elle avait manqué le bus qui a explosé. Mais c'est comme si j'avais envoyé ma fille à la mort. Je me suis beaucoup interrogé sur cet événement qui me posait la question philosophique du hasard, de la fatalité, du destin. Foxtrot parle de ce post-traumatisme, à la fois personnel et collectif.
«Un film ne va pas changer les choses, mais il fait un pas. Pour moi, la réussite consiste à ce que les gens, en sortant de la projection, parlent des sujets tabous»
Samuel Maoz
Vous le transposez dans le contexte militaire, ce qui a créé une polémique autour du film…
Le gouvernement est toujours très susceptible sur tout ce qui touche à l'armée. Pour moi, je voulais que le film soit une sorte d'allégorie. L'armée israélienne est l'armée du peuple, donc un microcosme de la société. Je parle à ma manière, celle que je considère comme la plus efficacement critique: en ajoutant au réalisme une couche de surréalité, de théâtralité absurde.
Je diagnostique sans prendre parti. Je montre que nous sommes une société traumatisée, et la première chose, c'est de le reconnaître. Il y a quelque chose dans notre mémoire émotionnelle… Ceux qui ont choisi Israël après l'Holocauste ont gardé l'impression instinctive d'un danger existentiel constant, et l'ont transmise aux générations suivantes. Un film ne va pas changer les choses, mais il fait un pas. Pour moi, la réussite consiste à ce que les gens, en sortant de la projection, parlent des sujets tabous.
Que représente pour vous cette danse, le foxtrot, dont vous avez fait le titre?
C'est une danse qui a toutes sortes de variations possibles. Vous pouvez danser le foxtrot comme vous voulez, à des générations différentes. Mais quelles que soient les figures que vous inventez, le pas de base vous ramène toujours au point de départ. J'y vois la métaphore d'une danse avec le destin. À la fin, on se retrouve dans la même position.
«Quand j'ai eu 14 ans, mon père m'a offert une caméra Super 8. Je l'ai immédiatement cassée en essayant de reproduire [un] plan périlleux»
Samuel Maoz
Vous avez un univers artistique extrêmement puissant et original. Quel est votre itinéraire?
Mon père était chauffeur de bus et rêvait d'être acteur. Il y avait un bus qui menait à un cinéma. Il avait ses entrées et j'ai vu quantité de films, enfant, westerns, kung-fu, horreur… Dans l'un d'eux, Train to the West, il y avait un plan où le train passait littéralement par-dessus la caméra. Cela a été une révélation. Quand j'ai eu 14 ans, mon père m'a offert une caméra Super 8. Je l'ai immédiatement cassée en essayant de reproduire ce plan périlleux. Cela a entraîné une dispute entre mes parents: ma mère s'opposait à ce qu'on m'en donne une nouvelle. Mais mon père a déclaré: «S'il est capable de risquer sa vie pour faire un plan, il faut plutôt l'encourager.»
Vous considériez déjà les choses sous leur aspect esthétique d'abord?
J'ai commencé mes études de cinéma par la direction de photographie, où j'étais très bon. Mes idées de départ sont souvent visuelles. Je fais un cinéma plutôt expérimental. Il pénètre et réfléchit mes personnages. Par exemple, le grand appartement d'architecte où vit Michael, le père du jeune soldat de Foxtrot, est un lieu d'inconfort. J'ai choisi le sol très géométrique pour pouvoir le filmer en surplomb. J'élimine des dialogues toutes les informations qui peuvent être apportées par l'image, intuitivement. Du coup, il y a un contraste très net entre les phrases courtes qui sont prononcées et ce grand espace froid où elles se perdent. Cela ne m'intéresse pas de raconter une histoire de plus. Je m'ennuierais si un projet ne représentait pas un défi artistique inédit que je me lance à moi-même. Je préfère risquer un échec où il y aura un peu de gloire: au moins, on aura essayé!

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Syrie: Paris aurait demandé à Washington d'épargner l'usine Lafarge, occupée par Daech (25.04.2018)
Par Le figaro.fr et agence ReutersMis à jour le 25/04/2018 à 14h58 | Publié le 25/04/2018 à 13h35
Nouvelles révélations dans le dossier Lafarge : selon l'agence Reuters, la France aurait demandé aux États-Unis de ne pas bombarder la cimenterie de Jalabiya lorsque celle-ci était occupée par Daech à l'automne 2014.
Préserver les investissements français. Telle semble avoir été la priorité du ministère des Affaires étrangères en Syrie, au moins en ce qui concerne la reconquête du nord du pays en 2014. Selon l'agence Reuters, qui a consulté les échanges entre le directeur sûreté de Lafarge et la diplomatie française, la France aurait demandé à l'automne 2014 aux États-Unis de ne pas bombarder la cimenterie de Lafarge. Celle-ci était alors occupée par des combattants de l'État islamique (Daech). L'usine est actuellement au cœur d'une information judiciaire pour financement du terrorisme et mise en danger délibérée d'autrui.
La cimenterie de Jalabiya: un investissement de 700 millions de dollars
Le ministère des Affaires étrangères et Lafarge partageaient alors la conviction qu'il fallait préserver l'investissement de près de 700 millions de dollars à Jalabiya, dans la perspective de la reconstruction de la Syrie. La cimenterie de Jalabiya, à 87 km de Raqqa, ville qui deviendra un bastion de Daech, a commencé sa production fin 2010 quelques mois avant le début de la guerre civile en Syrie. Elle est restée en activité jusqu'à ce que les djihadistes de Daech s'en emparent et l'occupent le 19 septembre 2014. L'ambassadeur de France pour la Syrie, Franck Gellet, basé à Paris, juge alors «légitime», dans un mail adressé le jour même à sa hiérarchie, de demander aux Américains de s'abstenir de bombarder le site sans consulter Paris au préalable. Il joint les coordonnées GPS du site, communiquées par Jean-Claude Veillard, «en vue des messages appropriés à faire passer aux Américains».
La réponse tombe le 2 octobre 2014: le site est inscrit sur la liste appropriée.
La réponse tombe le 2 octobre 2014: les militaires français ont transmis le message à leurs collègues américains et le site «est inscrit désormais sur la liste appropriée.» Après la reconquête de l'usine par les forces kurdes du PYD en avril 2015, Jean-Claude Veillard signale au quai d'Orsay la présence de forces spéciales américaines sur le site à partir de décembre, rejointes par des éléments français et britanniques. Lafarge n'a alors pas perdu espoir de redémarrer l'usine, comme le démontre la poursuite des échanges entre le responsable de la sécurité de Lafarge et son interlocuteur au Quai d'Orsay. En mars-avril 2016, Jean-Claude Veillard se plaint cependant de ce que les occupants du site en interdisent l'accès aux représentants de Lafarge. Les Kurdes «considèrent de manière de plus en plus visible que ce site est leur», écrit-il notamment.
Pour ménager l'avenir, Lafarge a aussi sollicité en mars 2015, par l'intermédiaire de son responsable de la sécurité, l'aide du ministère français des Affaires étrangères pour exfiltrer et faire soigner un commandant kurde blessé lors des combats contre Daech pour la reconquête du site de Jalabiya. Le Quai d'Orsay donnera effectivement des consignes pour qu'un visa médical soit accordé au blessé.
Les investigations des magistrats s'accélèrent depuis quelques semaines
Jean-Claude Veillard est l'un des sept cadres du cimentier français, absorbé en 2015 par le suisse Holcim pour former le géant LafargeHolcim, mis en examen dans cette affaire, dont l'ex-PDG Bruno Lafont. Une plainte, notamment pour financement d'entreprise terroriste et mise en danger délibérée d'autrui, déposée fin 2016 par l'organisation de lutte contre les crimes économiques Sherpa, est à l'origine de cette procédure. Plusieurs autres associations se sont jointes à cette démarche, qui vise à la fois la société Lafarge, sa filiale syrienne LCS et leurs dirigeants à l'époque des faits. En toute logique, alors que les investigations des magistrats instructeurs semblent s'accélérer depuis quelques semaines, ce sont donc les personnes morales qui devraient être prochainement mises à leur tour en examen. Les auditions des principaux protagonistes et les pièces versées au dossier montrent également que l'État français a été informé pendant toute la période considérée de la situation de l'usine et de l'évolution de son environnement militaire.
Jean-Claude Veillard a ainsi dit lors de récentes auditions par la juge Charlotte Bilger qu'il transmettait régulièrement aux services de renseignement français (DGSE, DGSI et DRM) des informations sur la situation dans la zone. «Dès que j'avais des informations sur les individus, je mettais ces informations à la disposition des services (...) Je leur transmettais des informations brutes», a notamment expliqué cet ancien militaire des commandos de marine. Prié de dire s'il avait informé ces services du versement d'argent aux groupes armés contrôlant la zone, dont Daech, pour maintenir l'usine en activité - ce qui est reproché à Lafarge - il a répondu qu'il ne faisait «aucun tri» dans ces informations.
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Antisémitisme : le Coran au coeur de la controverse (24.04.2018)
Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 25/04/2018 à 20h21 | Publié le 24/04/2018 à 20h35
VIDÉO - Une tribune et un livre mettent en cause la vision du judaïsme dans le Coran. Des imams y répondent, défendant leur religion.
En France, la planète musulmane est en totale ébullition. Depuis la publication, dimanche 22 avril 2018, dans Le Parisien, d'une tribune signée par 300 personnalités politiques culturelles et religieuses (dont Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, Jean-Pierre Raffarin) «contre le nouvel antisémitisme». Et la sortie, ce mercredi, chez Albin Michel, d'un ouvrage cosigné par quinze intellectuels, intitulé Le Nouvel Antisémitisme.
Ce livre et cette tribune lancent tout d'abord un cri: la France «est devenue le théâtre d'un antisémitisme meurtrier». Ils désignent des coupables: «Onze juifs viennent d'être assassinés - et certains torturés - parce que Juifs, par des islamistes radicaux.»Ils pointent une conséquence: «10 % des citoyens juifs d'Île-de-France - environ 50.000 personnes - ont été récemment contraints de déménager parce qu'ils n'étaient plus en sécurité dans certaines cités», soit «une épuration ethnique à bas prix» liée à «la terreur que font régner les islamistes sur les musulmans de France». Et formulent deux demandes précises: Que «la lutte contre l'antisémitisme» devienne «une cause nationale» ; et que «les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés d'obsolescence par les autorités théologiques».
Inutile de dire que le souhait de cette réforme du texte même du Coran - signée par quelques rares musulmans dont Hassen Chalghoumi, le célèbre imam de Drancy - allume un incendie dans la communauté musulmane. D'abord parce que le Coran ne dirait pas exactement cela, soutiennent à l'unanimité les responsables musulmans. Ce sont les Hadiths, ces textes qui relatent la vie et les actes du prophète Mahomet, qui sont plus explicites. Mais surtout, comme le dit Anouar Kbibech, vice-président du Conseil français du culte musulman, pourtant considéré comme modéré - et littéralement «assailli depuis trois jours de coups de fils de responsables musulmans régionaux et locaux profondément choqués et indignés qui ne comprennent pas ce qui se passe»: «Il est hors de question de toucher une seule virgule du texte du Coran, qui est sacré et révélé.» D'autant qu'il est «trop facile de sortir des versets de leur contexte».
Impuissance «religieuse»
Mais au-delà des textes religieux musulmans, il suffit d'aller par exemple sur le site Internet de l'Observatoire du Moyen-Orient - certes proche d'Israël - pour se rendre compte de la teneur des propos antisionistes et antisémites, tous datés et sourcés, qui inondent chaque jour les sites Internet d'information des pays musulmans. «Voilà le point névralgique, rétorque Tareq Oubrou, imam de Bordeaux. C'est la confusion entre le politique et le théologique à propos du conflit israélo-palestinien. Il ne s'agit en aucun cas de mettre en cause l'existence d'Israël mais les institutions juives de France ne nous aident pas beaucoup quand il faut parfois critiquer la politique du gouvernement israélien. Le résultat est que nous avons dans nos banlieues de France des jeunes musulmans plus palestiniens que les Palestiniens et des jeunes juifs plus israéliens que les Israéliens!»
Cette personnalité, qui fut proche de l'UOIF (Union des organisations islamiques de France), intellectuellement très respectée, publie dans Le Monde daté du 25 avril une tribune - dont il affirme qu'elle était livrée avant la publication du Parisien - signée par une trentaine d'imams et intitulée «Des imams au service de la République française» où il reconnaît que les musulmans, «indignés» par le terrorisme, sont «plongés dans un mutisme de sidération» face à «la confiscation de leur religion par des criminels». Avec les imams signataires, ils confessent leur impuissance «religieuse» de voir «l'islam tomber dans les mains d'une jeunesse ignorante, perturbée et désœuvrée», «naïve» et «proie facile» pour des «théoriciens d'une géopolitique du chaos» qui exploitent son «désarroi» en lui proposant un «sens dévoyé du martyr». En promettant «le paradis», alors que c'est «l'enfer et ses tourments» qui attendent ces meurtriers, car «le vrai sacrifice est de se donner pour les autres comme l'a fait notre héros national, le colonel Arnaud Beltrame».
Mea culpa
Et ce mea culpa, déjà entendu mais rarement formulé aussi nettement: «Depuis plus de deux décennies, des lectures et des pratiques subversives de l'islam sévissent dans la communauté musulmane, générant une anarchie religieuse, gangrenant toute la société. Une situation cancéreuse à laquelle certains imams malheureusement ont contribué, souvent inconsciemment. Le courage nous oblige à le reconnaître.»
«Depuis plus de deux décennies, des lectures et des pratiques subversives de l'islam sévissent dans la communauté musulmane, générant une anarchie religieuse, gangrenant toute la société»
Tareq Oubrou, imam de Bordeaux
Tareq Oubrou conclut en lançant un cri d'alarme sur l'enjeu à éviter: accréditer l'idée que «l'islam soit génétiquement opposé à l'Occident et qu'il est invinciblement incompatible avec les valeurs de la République». Car c'est précisément «une idée» qui fait «des ravages chez toute une jeunesse ignare et sans culture religieuse». Mais il insiste, «les imams seuls ne peuvent donner la solution» à cette «radicalisation». Il se propose donc d'«aider les pouvoir publics»contre «le danger terroriste qui sommeille encore dans certains esprits malades».
Amar Lasfar, président de Musulmans de France (nouveau nom de l'UOIF), est ulcéré: «Il est aberrant et offensant de laisser penser que l'islam, le Coran et les musulmans de France seraient antisémites. C'est même un blasphème! Connaissez-vous un génocide perpétré par des musulmans contre des juifs? L'islam n'est pas comme cela! Merci de ne pas le confondre avec ces voyous et ces repris de justice!» Il argumente : «Où se sont réfugiés les juifs persécutés d'Espagne et du Portugal? Au Maroc et dans tout le Maghreb, où ils vivent paisiblement depuis… dix siècles, s'il vous plaît.» Provoqué par cette polémique, ce responsable musulman très écouté annonce avant l'été des «assises nationales de l'islam de France réunissant toutes les fédérations pour mettre sur les points sur les i».

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Rédacteur en chef, chargé des religions
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Ce que dit vraiment l'islam sur les juifs (24.04.2018)

Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 25/04/2018 à 11h37 | Publié le 24/04/2018 à 17h30
FOCUS - Le texte du Coran contient plusieurs références précises au judaïsme. Certains hadiths, qui relatent les actes et les paroles du prophète Mahomet, sont plus explicites. En voici quelques-unes.
Coran 44.30 à 44.33
«Nous sauvâmes les Enfants d'Israël du châtiment avilissant de Pharaon qui était hautain et outrancier. À bon escient nous les choisîmes parmi tous les peuples de l'univers, et leur apportâmes des miracles de quoi les mettre manifestement à l'épreuve.»
Coran 62.5
«L'image de ceux qui ont été chargés de la Torah et qui, par la suite, ne s'en chargèrent point est à la ressemblance de l'âne chargé de livres. Combien détestable est l'image de ce peuple qui traite nos ayat de mensonges! Allah ne dirige point le peuple des Injustes.»
Coran 9.29
«Combattez ceux qui ne croient point en Allah ni au Dernier Jour, qui ne déclarent pas illicite ce qu'Allah et son Apôtre ont déclaré illicite, qui ne pratiquent pas la religion de Vérité, parmi ceux ayant reçu l'Écriture! Combattez-les jusqu'à ce qu'ils payent la jizya, directement et alors qu'ils sont humiliés.»


Tabari (839-923), une référence car l'un des premiers historiens de l'islam et exégète du Coran.
«Le Prophète leur dit: Ô vous, singes et cochons, comment avez-vous observé la volonté d'Allah? Les juifs répliquèrent: Ô Muhammad, tu ne nous as jamais insultés, pourquoi le fais-tu aujourd'hui? C'est Allah qui le fait, répondit le Prophète.»
Le Sahih Muslim, l'un des six recueils de hadiths.
«L'Heure ne viendra pas jusqu'à ce que les musulmans combattent les juifs et que les musulmans les tuent ; jusqu'à ce que le juif se cache derrière un mur ou un arbre, et le mur ou l'arbre diront: Ô musulman! Ô serviteur d'Allah! Voilà un juif derrière moi. Viens et tue-le!»
Le Sahih al-Bukhari, l'un des six recueils de hadiths.
«Lorsque l'Envoyé de Dieu (Mahomet, qui aurait été empoisonné par une juive, NDLR) fut frappé de la maladie dont il mourut, […] Tandis qu'il était ainsi, il s'écria: “La malédiction soit sur les juifs et sur les chrétiens qui ont pris comme temples les tombeaux de leurs prophètes.”»

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Chez les juifs et les chrétiens, interpréter les textes religieux est capital (24.04.2018)
Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 24/04/2018 à 20h58 | Publié le 24/04/2018 à 20h37
L'Église catholique a notamment revu au fil des siècles sa vision des choses en reconnaissant et en respectant davantage la valeur du judaïsme.
La question de l'antisémitisme a longtemps travaillé la théologie chrétienne. Tant catholique que protestante. L'anniversaire des cinq cents ans de la Réforme, en 2017, n'a d'ailleurs pas éludé les pages sombres de Martin Luther à cet égard… Il importait de les resituer dans un contexte historique de persécution des juifs par les chrétiens.
Dans l'Église catholique, un pas considérable a été très tardivement franchi à la fin du XXe siècle, au moment du concile Vatican II (1965). La déclaration Nostra Aetate reconnaissait notamment une filiation spirituelle des chrétiens vis-à-vis du judaïsme. L'Église rompait avec des siècles d'un reproche latent adressé aux juifs, une des sources historiques de l'antisémitisme, pourtant déjà corrigé lors du concile de Trente en 1566: le fameux «déicide» imputé aux juifs, qui auraient «tué» le Messie, Jésus Christ, fils de Dieu pour la théologie chrétienne.
Le XXe siècle a vu aussi, sous le pontificat du pape Jean-Paul II et sous l'influence du cardinal Jean-Marie Lustiger, juif converti, la fin définitive de la «théologie de la substitution». Elle consistait à penser que la révélation divine - toujours en attente chez les juifs, pour qui le Messie n'est pas encore venu - est totalement accomplie pour les chrétiens. Ils pensaient que l'incarnation du Christ clôturerait en quelque sorte l'histoire théologique de l'humanité. Et considéraient le judaïsme comme une religion presque sans objet dès lors que le Messie était déjà venu.
Éviter toute ambiguïté
Là aussi, l'Église catholique a revu sa vision des choses en reconnaissant et en respectant davantage la valeur du judaïsme, l'ampleur de sa vocation. Les juifs devenaient des «frères aînés dans la foi» pour les chrétiens, selon l'expression de Jean-Paul II. Le christianisme ne «remplaçait» plus le judaïsme parce qu'il en était… issu! Une vision qui a donné les révisions historiques du jubilé de l'an 2000. Notamment sur la part de responsabilité de l'Église catholique dans la construction historique d'une culture antisémite.
«Nous avons fait très attention à l'utilisation du mot “juif”. Il fallait éviter toute suspicion des juifs, dont certains ont rejeté le Christ mais d'autres l'ont accueilli»
Mgr Philippe Gueneley, archevêque émérite de Langres
Plus récemment, la mise au point en 2013 d'une nouvelle traduction liturgique de la Bible (Éditions Mame) - dont le nouveau Notre Père - a suscité beaucoup de vigilance pour éviter toute ambiguïté antisémite. Mgr Philippe Gueneley, archevêque émérite de Langres, qui fut avec Mgr Aubertin, archevêque de Tours, chargé de la traduction francophone se souvient: «Nous avons fait très attention à l'utilisation du mot “juif”, notamment dans l'Évangile de saint Jean. Il fallait éviter toute suspicion des juifs, dont certains ont rejeté le Christ mais d'autres l'ont accueilli.»
Et les juifs? Comment traitent-ils les paroles violentes de la Torah et donc de la Bible? Armand Abécassis, intellectuel juif et grand spécialiste de la pensée juive, explique: «Il ne faut pas le nier, la Torah, et donc la Bible, contient des pages de violences dont certaines sont “dictées” par Dieu pour son peuple! C'est écrit dans le texte de la Torah… Mais le judaïsme a aussi développé une longue tradition - fondamentale et constituante désormais - d'interprétation du texte de la Torah. Ce travail forme les soixante-trois traités du Talmud. Cette nécessité de l'interprétation est aussi venue de notre histoire car les juifs se sont retrouvés dans tous les pays, ou presque, avec des cultures très différentes. Les juifs réinterprètent donc le texte. Ils ne peuvent en aucun cas se tenir à une lecture littérale. Ainsi ce savoureux dialogue rapporté dans le Talmud entre Dieu et Moïse. Par trois fois, Moïse refuse d'exécuter l'ordre d'extermination que Dieu demande. Il négocie avec Dieu car, par trois fois, il demande la paix à son adversaire qu'il est censé tuer.»

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Alexandre del Valle : «L'islamiquement correct fait le jeu des terroristes» (23.03.2018)
Par Paul Sugy
Mis à jour le 26/03/2018 à 10h04 | Publié le 23/03/2018 à 19h38
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Alexandre del Valle a publié jeudi un volumineux essai, dans lequel il décrit la «stratégie d'intimidation» des islamistes pour soumettre l'Occident. Le lendemain, une nouvelle attaque terroriste ensanglantait la France. Il revient longuement sur ses thèses dans un entretien au FigaroVox.


- Crédits photo : L'Artilleur
Géopolitologue, docteur en histoire contemporaine, consultant et essayiste, Alexandre del Valle est professeur de géopolitique et de relations internationales. Il vient de publier La Stratégie de l'intimidation, du terrorisme jihadiste à l'islamiquement correct (éd. L'Artilleur, mars 2018).

FIGAROVOX.- À Trèbes, dans l'Aude, un homme a tiré sur des CRS avant d'abattre plusieurs civils dans un supermarché. Dans votre livre, vous insistez sur la dimension idéologique de tels actes?
Alexandre DEL VALLE.- Oui, et cela ne fait aucun doute pour tous les spécialistes du terrorisme: ce serait une erreur fondamentale d'analyse que de réduire le terrorisme au profil psychiatrique de ses petits soldats. Car en dernier ressort, ceux-ci sont mus par une idéologie très puissante, capable de pousser un homme à sacrifier sa propre vie pour le suprématisme islamiste. Les théoriciens de cette idéologie ne sont ni des individus isolés ni des déséquilibrés, mais des intellectuels dont le rayonnement à travers le monde est immense.
Le cri des jihadistes, que, selon certains éléments, Redouane Lakdim aurait également poussé vendredi matin, est «Allah akbar», Dieu est le plus grand. Ce cri nous fait remonter toute l'histoire des conquêtes musulmanes, et jusqu'au prophète Mahomet lui-même! Il rappelle la continuité historique et civilisationnelle entre le jihadisme et l'islam.
Vous décrivez dans votre livre une «stratégie de l'intimidation», celle d'un islamisme conquérant dont le terrorisme n'est que la branche armée, tandis que la crainte qu'il inspire est perpétuée par un discours «islamiquement correct». Que recouvre cette expression?
En effet, la violence physique des jihadistes produit une sidération et une intimidation qui profite en fait grandement aux tenants de l'islamisme plus «institutionnel». Ceux-ci prétendent que «le jihadisme n'a rien à voir avec l'islam» alors qu'ils s'abreuvent aux mêmes sources totalitaires. D'où le sous-titre de l'essai: «du terrorisme jihadiste à l'islamiquement correct», deux formes d'intimidation complémentaires. Cette expression, que j'ai utilisée la première fois dans un article du Figaro Magazine en 1999 en même temps que celle de «totalitarisme islamiste», montre que plus l'on tue au nom de l'islam, et plus les Occidentaux combattent l'islamophobie en affirmant que le «vrai islam» est pacifique. Paradoxalement, donc, l'islamiquement correct n'est pas qu'une déclinaison de la xénophilie, la version islamique du «politiquement correct», mais le résultat d'une intimidation physique et psychologique qui pousse à céder devant ceux qui sont prêts à mourir pour leur cause fanatique.
L'islamiquement correct est le résultat d'une intimidation physique et psychologique qui pousse à céder devant le fanatisme.
L'islamiquement correct est donc devenu l'épicentre de la culture de l'excuse, le fruit le plus mûr du «complexe occidental». Pareille capitulation des Occidentaux face à la stratégie de conquête des pôles islamistes néo-conquérants est d'autant plus perverse qu'elle est présentée comme un gage d'antiracisme. Pour le dire autrement, l'islamiquement correct des «coupeurs de langue» (ceux qui font taire les soi-disant «islamophobes» qui osent critiquer l'islam et l'islamisme) est renforcé par la crainte suscitée par les «coupeurs de tête» (les jihadistes, qui rappellent de façon fort persuasive à quel point il est dangereux de critiquer l'islam). En mêlant ainsi les questions d'immigration, de crise des réfugiés ou de «racisme» avec celle du totalitarisme islamiste, en assimilant la critique de l'islam à la haine envers les musulmans, les islamistes institutionnels et leurs alliés d'extrême-gauche sont parvenus à faire passer toute critique de l'islam et toute dénonciation de l'islamisme pour un racisme envers les immigrés musulmans et la civilisation musulmane.
Vous assimilez le terrorisme à une «guerre psychologique»: quel en est l'objectif?
Toute guerre a un objectif, et celui de l'islamisme mondial est de faire régner partout l'ordre de la charia, de reconquérir tous les pays qui furent jadis musulmans (Balkans, Espagne, Sicile, Portugal, Inde, Israël, etc.), qu'il veut réunir à terme dans un califat, afin d'islamiser la planète entière. Mais, sachant que de nombreux pays sont militairement plus forts qu'eux, les islamistes doivent désarmer d'abord l'Occident grâce à l'interdiction de toute critique de l'islam sous couvert de lutte contre l'islamophobie. Pour éliminer les obstacles sur leurs chemins de conquête subversive, les pôles de l'islamisme mondial distillent l'idée selon laquelle toute critique de l'islam serait une attaque contre les musulmans. Cette «paranoïsation» des musulmans via l'idée que les «sociétés mécréantes» les persécuteraient prépare la sécession possible d'une grande partie des communautés musulmanes de nos pays, que les jihadistes comme les «islamistes modérés» incitent à se «désassimiler».
De ce fait, il est stupide de réduire la menace islamiste au seul terrorisme jihadiste, qui n'est que l'avant-garde, la face émergée de l'iceberg. L'objectif de conquête du monde et de l'Occident est en effet poursuivi tout autant par l'islam institutionnel mondial et occidental, majoritairement fondamentaliste. La différence entre les deux n'est pas de nature mais de degré. Le but commun est d'instaurer le règne universel de la charia.
Selon vous, ces institutions que vous nommez les «pôles subversifs» de l'idéologie islamiste dans le monde prônent par conséquent une doctrine proche de celle des jihadistes?
Oui, la doctrine est la même, elle découle des textes sacrés de l'islam: le Coran incréé, où les sourates guerrières de Médine priment sur celles plus spirituelles de La Mecque, puis les Hadîths (propos complémentaires rapportés et attribués à Mahomet), et la Sira, la vie de Mahomet qui regorge de conflits et d'actes jihadistes. Dans l'islam, rappelons qu'il n'y a pas réellement de théologie, comme dans le christianisme: il y a une orthodoxie, qui opère une fusion totale entre le spirituel et le temporel, et une orthopraxie qui en découle et qui valorise la conquête, la ruse de guerre et le combat sacré. L'islam (soumission) se distingue d'ailleurs de la foi (iman), car islam signifie la soumission à un ordre plus politique que religieux. De ce fait, lorsque nos dirigeants refusent d'interdire les Frères musulmans, les salafistes «modérés», le Tabligh indo-pakistanais, ou l'islam turc du Millî Görüs, sous prétexte que ceux-ci n'exercent pas d'action terroriste sur notre sol, ils n'ont rien compris à l'islam, car ils n'ont pas affaire qu'à des prosélytes religieux, mais à des adeptes d'un ordre juridico-politique fondé sur la vision totalitaire de la charia et qui est qui plus est conquérant et opposé à l'ordre démocratico-occidental judéo-chrétien.
L'Université d'Al-Azhar, la plus prestigieuse du monde sunnite, n'a jamais excommunié les jihadistes.
Dans les universités islamiques sunnites officielles, le religieux et le socio-temporel sont toujours enseignés ensemble. Ces pôles de l'islamisme mondial conquérants sont par ordre d'influence dans nos sociétés et dans le monde: les Frères musulmans, qui dirigent de nombreuses mosquées aux États-Unis, en France, en Allemagne, en Italie… Ensuite, il y a le salafisme wahhabite, produit et entretenu par l'Arabie Saoudite, qui tient les lieux saints de l'islam et les grandes organisations panislamistes mondiales (la Ligue islamique mondiale, l'OCI, ISESCO, l'Assemblée mondiale des mosquées, etc.). Le pôle saoudien produit une orthodoxie islamique totalitaire qui a contaminé une grande partie du monde musulman depuis des décennies, y compris nos «banlieues de l'islam». On peut aussi mentionner le Tabligh et la Jamaà Islamiya indo-pakistanaises, très présents en Grande Bretagne ou en Amérique mais aussi chez nous, sans oublier le Millî Görüs turc et autres confréries néo-ottomanes très actives au sein de la diaspora en Europe et qui ont contribué à l'essor de l'AKP d'Erdogan en Turquie. Et l'Université d'Al-Azhar, la plus prestigieuse du monde sunnite, qui n'a jamais excommunié les jihadistes, alors qu'elle a déclaré «apostats» nombre de libéraux.
J'ajoute que ce système théocratique conquérant, sous couvert de prosélytisme et de liberté religieuse, repose sur une vision foncièrement irrédentiste, puisque tout territoire qui appartenait dans le passé au Califat (Espagne, Balkans, Inde, Andalous, Sicile, etc.) est censé retourner à l'islam.
L'emploi de l'expression «aslam taslam» («soumets-toi et tu seras épargné») par les jihadistes est pour vous la preuve d'une continuité entre le terrorisme d'aujourd'hui, et la longue histoire d'expansion de l'islam par l'appel à la soumission…
Absolument. À l'Institut du monde arabe, qui représente pourtant un islam assez modéré, on montre régulièrement une vidéo sur la vie du prophète des musulmans et sur les premières expansions islamiques du VIIe siècle, dans laquelle on voit Mahomet envoyer des cavaliers d'Allah aux quatre coins du monde pour aller déclarer aux rois byzantin ou perse: «aslam taslam!», «soumets-toi et tu auras la paix».
Les textes des grands jurisconsultes de l'islam, ceux de Bukhari, Muslim, Nawawi, etc. sont enseignés en Europe dans la plupart des centres islamiques officiels ayant pignon sur rue, alors qu'ils consacrent des chapitres entiers au jihad guerrier offensif, au prélèvement des butins, à la prise des otages mécréants, à l'esclavage, aux châtiments corporels, à l'infériorité des non-musulmans et des femmes et aux peines de mort pour l'apostasie et le blasphème. Quand on prend conscience du lien entre le jihadisme et les sources doctrinales légales de la violence sacrée, on comprend que l'on ne peut pas déradicaliser un jihadiste si facilement. De ce fait, j'affirme qu'un Mohammed Merah ou des égorgeurs de Daech n'ont pas besoin de s'appuyer sur les textes «hérétiques» pour commettre leurs crimes: ils n'ont qu'à écouter les sermons et lire les ouvrages (en vente à la FNAC) de Youssef al-Qardawi par exemple, qui appelle à tuer les homosexuels, les apostats et ceux qui blasphèment.
Vous dites également que l'islamisme repose sur un mythe, celui d'un âge d'or de l'islam qui aurait généré une dette de l'Occident à l'égard de la science et de la culture arabo-musulmanes. Sur quoi repose-t-il selon vous?
Sur deux vecteurs. Le premier est une haine de soi civilisationnelle entretenue par l'Occident lui-même, et notamment un rejet de l'héritage Grecs byzantins. Pour ne pas être redevable envers l'empire byzantin, l'Europe occidentale a créé le «mythe de l'islam éclairé», de la supériorité philosophique, scientifique et morale d'un Orient islamique qui nous aurait apporté le zéro, Aristote et Platon et sans qui nous ne serions encore que des barbares obscurantistes.
Le second vecteur, qui poursuit le premier, est la détestation de l'apport judéo-chrétien par l'Occident moderne consumériste et multiculturaliste. En termes clairs, cette haine de soi, ce «complexe occidental» conduit à exagérer par contraste l'influence culturelle et philosophique du monde musulman envers lequel en réalité l'Occident n'est pas redevable scientifiquement puisque la quasi-totalité des savants et traducteurs qui ont transcrit en arabe les œuvres grecques, perses et indiennes étaient ni arabes ni musulmans mais majoritairement chrétiens d'Orient araméophones, byzantins, perses, juifs et espagnols.
Pour ne pas être redevable envers l'empire byzantin, l'Europe occidentale a créé le « mythe de l'islam éclairé ».
Ce mythe donne une légitimité morale à l'impérialisme islamiste et à son irrédentisme agressif. Il est le motif central des revendications jihadistes: il faut «venger l'offense de la Reconquista» et «reprendre possession» d'une ex-colonie européenne islamique. Le génie de l'islamisme est d'avoir su capter les mérites de nombreuses cultures passées: les coupoles ont en réalité été inventées par les Perses, l'irrigation par les Romains, le zéro par les Indiens, Aristote a été traduit par les chrétiens grâce à des manuscrits empruntés à Byzance, etc.
Vous fustigez la réaction des Occidentaux après chaque attentat, qui se contentent d'allumer des bougies. Pourtant, il y a aussi des plans de prévention de la radicalisation: cela ne vous semble pas suffisant?
Ce que l'on n'a pas compris en Occident, c'est que lorsque l'on tue au nom de l'islam, les pôles institutionnels de l'islamisme testent nos réactions. J'ai visité et pris en photo les nombreux lieux de commémorations post-attentats édifiés comme des autels par la mairie très gauchiste (Podemos) de Barcelone: il n'y a pas eu de photo des victimes occidentales sur les lieux de commémoration, aucune croix chrétienne, aucune apologie de ce que nous sommes, de l'Espagne ou de notre identité, mais une omniprésence d'écrits en arabe, de pancartes où il était écrit que l'islam c'est la paix, l'islam est innocent... Le lendemain des attentats, la mairie de Barcelone fit augmenter les dotations accordées aux organismes de lutte contre l'islamophobie! Nos professions de foi post-attentats et nos bougies entourées de slogans exposées après des carnages sur fond de «lutte contre l'islamophobie» sont perçues par les pôles de l'islamisme institutionnel comme des extraordinaires messages de faiblesse. Ce recours permanent à l'autoflagellation et à la culpabilisation est la preuve, pour les islamistes, que nous sommes une proie facile.
Pour revenir à la déradicalisation, je pense que celle-ci est quasiment impossible avec des vrais radicalisés qui pris le «goût du sang». La prévention de la radicalisation est en revanche la seule chose que l'on puisse effectivement faire, car les personnes déjà touchées par la contagion du discours islamiste et qui l'ont mis en pratique n'en reviennent jamais ou très rarement, d'autant que les ex-jihadistes «revenants» ont le droit de mentir d'une façon illimitée dans le cadre de la «ruse de guerre jihadiste», que l'on retrouve dans des textes de la jurisprudence islamique.
Est-ce à dire qu'il n'existe pas d'islam modéré en France?
En France, l'islam modéré, celui de la mosquée de Paris ou de l'imam Chalghoumi, existe mais il est en perte de vitesse et minoritaire au niveau des lieux de cultes et de la production de discours et d'identité. L'État français et les Européens en général ont beaucoup trop cédé durant des décennies, notamment en laissant les Frères musulmans et à présent le pôle turc (néo-ottoman) contrôler le Conseil français du culte musulman (CFCM). Il est urgent par exemple de n'accorder la gestion du marché du halal de sacrifice des bêtes qu'à des pôles vraiment modérés de l'islam, car on oublie trop souvent que les milliards du halal permettent à des mouvances comme les Frères de s'auto-financer, en plus des dons des fidèles.
Depuis la mise en garde de Karl Popper contre les totalitarismes du XXe siècle, dans «the open society and its enemies», vous jugez que nos démocraties n'ont toujours pas tiré les leçons de l'histoire?
Non, les pires erreurs se répètent. Comme jadis face aux totalitarismes rouges et bruns qui annoncèrent sans complexe leurs objectifs de conquêtes, nos démocraties ouvrent leurs portes à l'ennemi islamiste. Karl Popper ne s'est pas trompé. J'irai même plus loin. Cet auto-sabordage civilisationnel fait que nos sociétés ne définissent plus leurs intérêts que de façon marchande, économique, de sorte que l'Arabie saoudite, la Turquie ou le Qatar producteurs d'islamisme radical institutionnel ou jihadiste, qui devraient être définis comme des ennemis dès lors qu'ils incitent les musulmans chez nous à se «désassimiler», sont vus comme des amis ou des alliés puisqu'ils le sont d'un point de vue économique ou stratégique face au bloc russo-orthodoxe désigné comme ennemi principal par l'OTAN.
La contre-attaque consiste en premier lieu à ne pas donner systématiquement raison à l'ennemi.
Et la haine envers la civilisation occidentale, distillée par les idéologues révolutionnaires rouges alliés des prédicateurs verts, crée un terreau favorable au processus de radicalisation jihadiste. Certains États européens ont toutefois commencé à mettre en place des mécanismes de défense: les Autrichiens, avant que l'extrême-droite n'arrive au pouvoir, ont en effet interdit dès fin 2015 le financement des lieux de culte et des centres gérés par des pôles islamistes étrangers. Et pour autant que je sache, Erdogan ne leur a pas fait la guerre! Cela montre que nous pouvons encore être maîtres de notre destin, et surtout que nos dirigeants n'ont aucune excuse pour laisser proliférer une telle menace géo-civilisationnelle.
Quels seraient justement, selon vous, les ressorts de la «contre-attaque» idéologique et psychologique que vous appelez de vos vœux?
La contre-attaque consiste en premier lieu à ne pas donner systématiquement raison à l'ennemi. Lorsque les islamistes utilisent le chiffon rouge de «l'islamophobie» pour justifier en «représailles» les meurtres de Charlie Hebdo, nous ne devons pas nous reconnaître coupables des blasphèmes qu'ils nous reprochent ou lancer des campagnes de lutte contre l'islamophobie. Dire «je suis Charlie» ne sert à rien si l'on continue ensuite à criminaliser la critique de l'islam!
Il faut ensuite lutter contre les théories conspirationnistes, comme celles sur le 11 septembre. Ces théories accréditent l'idée que l'Occident étant «l'Empire du mal, la seule force de résistance face à ce monstre ne peut être que la lutte terroriste.
Il faut enfin que l'Occident se réconcilie avec lui-même. Dans ses travaux, le thérapeute américain William Schutz a montré que plus une entité véhicule une image positive d'elle-même, et plus elle suscite l'adhésion de l'autre: l'Europe doit méditer ceci si elle veut proposer un modèle concurrent de celui de l'islamisme! Les hussards noirs de la IIIe République le savaient très bien, puisque même s'ils étaient profondément anticléricaux, ils enseignaient aux élèves la fierté de l'héritage civilisationnel européen et y compris de la monarchie chrétienne.
Il faut enfin redonner à la justice les moyens de lutter efficacement contre ceux qui propagent les discours qui conduisent les terroristes à passer à l'acte. Il n'y a pas de raison que les citoyens musulmans ne fassent pas de bons Français et de bons républicains, c'est déjà le cas de 46 % si l'on en croit l'étude de l'Institut Montaigne. Reste les 54 % restants, qui sont soit très conservateurs, soit carrément séparatistes et donc en rupture. Avec une politique de «patriotisme assimilateur» fondée sur une exaltation de la fierté nationale, nous aurions pu éviter ce gâchis. Il est clair que tant que nos institutions, et nos écoles en particulier, n'auront plus d'autorité, nous ne pourrons que favoriser le chemin vers la radicalisation islamiste.
Enfin, l'histoire des conquêtes islamiques montre que c'est toujours la dissension interne et la faiblesse des dirigeants qui ont permis à l'islamisme conquérant de prospérer: nous devrions réfléchir aux conséquences funestes de la nouvelle guerre froide entre l'Occident et la Russie.

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Hamed Abdel-Samad : «L'idée du djihad est aussi vieille que l'islam lui-même» (10.03.2017)
Par Alexandre Devecchio
Publié le 10/03/2017 à 16h38
INTERVIEW - Le Germano-Egyptien Hamed Abdel-Samad est l'un des plus grands spécialistes de l'islam politique en Europe. La traduction de son best-seller, Le Fascisme islamique, sort finalement en France, chez Grasset, six mois après que son éditeur initial a renoncé à le publier.

« Le Fascisme islamique.Une analyse», de Hamed Abdel-Samad. Traduit de l'allemand par Gabrielle Garnier. Grasset, 304 p., 20 €. - Crédits photo : ,
Né en 1972 près du Caire, fils d'imam, Hamed Abdel-Samad est l'un des penseurs de l'islam les plus reconnus en Allemagne. Menacé de mort par les islamistes, il vit sous protection policière. Son essai, Le Fascisme islamique , immense succès en Allemagne en 2014, aurait dû être publié en français à l'automne 2016 par la maison d'édition Piranha qui en avait acquis les droits. Mais son directeur, Jean-Marc Loubet, s'était ravisé pour des raisons de sécurité, mais aussi pour ne pas «apporter de l'eau au moulin de l'extrême droite». Après que l'affaire a suscité un tollé en Allemagne, il paraît aujourd'hui chez Grasset. L'auteur y dresse un parallèle entre l'idéologie fasciste et l'islamisme, en remontant jusqu'aux origines du Coran. Pour Hamed Abdel-Samad, l'idéologie fascisante est ancrée dans les racines de l'islam: «L'islamisme n'est pas la trahison d'une religion immaculée, mais la tare originelle de sa traduction dans le champ politique.»
Dans votre dernier livre, vous expliquez que l'islamisme est un fascisme…
Je fais la comparaison à trois niveaux: l'idéologie, la structure organisationnelle et les objectifs. Islamisme et fascisme partagent le monde entre le bien et le mal, considèrent leurs adeptes comme des élus et le reste du monde comme des ennemis. Ils nourrissent tous deux leurs adeptes du poison de la haine et des ressentiments, déshumanisent leurs ennemis et appellent à leur extermination. La haine est idéalisée en vertu, et la lutte mystifiée en expérience transcendante. Pour ces deux idéologies, la lutte n'est pas seulement le moyen pour atteindre des objectifs politiques mais devient un but en soi. Aussi bien dans l'islamisme que dans le fascisme, on ne combat pas pour vivre, mais on vit pour combattre. Le principe du chef est central dans les deux cas. Le chef - ou, le cas échéant, le prophète - possède l'accès exclusif à la vérité absolue. Il est chargé d'une mission sacrée afin d'unir la nation et d'éliminer les ennemis. On ne peut pas le critiquer car toute l'identité du peuple (l'oumma) dépend de lui. Les deux idéologies s'emploient à dominer le monde et le rééduquer ensuite.
L'islam est né au VIIe siècle dans la péninsule arabique, le fascisme et le nazisme sont des idéologies du XXe siècle…
Le fascisme n'est pas seulement une idéologie politique, mais aussi une religion politique avec ses prophètes, ses secrets, ses vérités absolues et ses épiphanies sacrées. L'islam n'est pas seulement une religion, mais aussi une idéologie politique avec une mission clairement définie. L'islam fait encore aujourd'hui partie de notre réalité politique. Mahomet continue à régner depuis sa tombe et décide de la vie et de la mort.
«L'islam modéré est un islam qui attend seulement sa chance de prendre le pouvoir. Nous nous souvenons tous de l'attitude d'Erdogan quand il avait besoin du soutien de l'Occident. Depuis, il a montré son vrai visage»
Selon vous, il n'existe pas d'islamisme modéré. Pourquoi?
L'islam n'a pas été créé afin de faire partie d'un ordre mondial façonné par les hommes, mais pour modeler le monde depuis le haut. Il se montre sous un jour modéré seulement là où il n'a pas (encore) conquis le pouvoir. Là où il détient les rênes politiques et juridiques, il pratique des prisons à ciel ouvert et l'oppression des minorités, le mépris de la femme et des droits de l'homme. L'islam modéré est un islam qui attend seulement sa chance de prendre le pouvoir. Nous nous souvenons tous de l'attitude d'Erdogan quand il avait besoin du soutien de l'Occident. Depuis, il a montré son vrai visage.
L'une des thèses les plus provocantes de votre livre est que l'idéologie fascisante est ancrée dans les racines mêmes de l'islam…
«Les Frères musulmans ainsi que l'Etat islamique ne font rien d'autre que ce que Mahomet et ses adeptes ont fait auparavant: la conquête, l'esclavage, l'assassinat des prisonniers de guerre et l'exécution de peines corporelles»
L'islam est né politique. C'est sa tare de naissance: Mahomet n'était pas seulement prophète, mais aussi chef d'armée, législateur, juge et ministre des Finances. Le mélange entre croyance, pouvoir, guerre et législation est ancré dans le Coran. Ce ne sont pas les Frères musulmans qui ont commencé à diviser le monde en croyants bénis et incroyants damnés, mais Mahomet. L'idée du djihad comme combat pour la cause divine est aussi vieille que l'islam lui-même. Dieu lui-même se décrit comme guerrier dans le Coran, qui tue des incroyants de ses mains. Les Frères musulmans ainsi que l'Etat islamique ne font rien d'autre que ce que Mahomet et ses adeptes ont fait auparavant: la conquête, l'esclavage, l'assassinat des prisonniers de guerre et l'exécution de peines corporelles.
Ils ne font pas mauvais usage du Coran, ils traduisent seulement en actes ce que le Coran exige. Il y a 206 passages dans le Coran qui glorifient la violence et la guerre. La décapitation des incroyants y est exigée à deux reprises. On peut bien sûr lire tous ces passages en les plaçant dans leur contexte historique, mais le Coran s'entend lui-même comme la parole directe et ultime de Dieu pour les hommes. Il se présente comme un manifeste politique et une constitution valables pour tous les temps. C'est là qu'il y a un problème. L'intangibilité du Coran et du Prophète empêche la conceptualisation historique de ces passages et la possibilité de les déclarer inopérants pour notre vie d'aujourd'hui. Nous avons besoin d'un discours post-coranique et post-prophétique!
Une telle critique ne risque-t-elle pas «d'essentialiser» les musulmans?
Je n'ai jamais dit que tous les musulmans étaient des fascistes. Certes, il n'y a pas d'islam modéré, mais seulement des musulmans modérés. Tous les musulmans ne sont pas des corans ambulants. L'islam est multiple. L'aspect spirituel et social est agréable et important pour les hommes. L'aspect politique et juridique est dépassé et porte des caractéristiques fascistoïdes. Parmi les musulmans, beaucoup ont neutralisé dans leur vie quotidienne la dimension politique de l'islam, et ce depuis longtemps. Beaucoup de musulmans sont des démocrates, non pas parce que l'islam possède une orientation démocratique, mais parce que ce sont des personnes raisonnables et pragmatiques. Pour autant, on ne peut pas dire que 99,9% des musulmans soient pacifiques. Car la paix ne signifie pas seulement l'absence de violence et de terreur, mais l'élimination des structures et des cadres qui mènent à la violence. La plupart des musulmans ne commettent certes pas d'attentats terroristes, mais beaucoup d'entre eux soutiennent la théologie de la violence qui en est le fondement. Beaucoup sont certes contre l'Etat islamique, cependant ils ne s'opposent ni à l'idée du califat ni à la charia en soi.
Comment expliquez-vous l'antisémitisme dans le monde arabe? Est-il uniquement lié au conflit israélo-palestinien?
«L'antisémitisme a davantage à voir avec l'échec du monde arabe et avec l'éducation. On nourrit la population avec le poison de la haine»
On peut comprendre quand un Palestinien à Gaza ou un Libanais dans le Liban-Sud condamne Israël parce qu'ils ont perdu leur maison ou leur famille dans la guerre. Cependant, que des Marocains ou des Mauritaniens, qui n'ont strictement rien à voir avec ce conflit, haïssent les juifs de manière pathologique relève d'autre chose. Les juifs, dans le Coran, sont désignés à plusieurs reprises comme étant des escrocs, des incroyants ou encore les descendants des singes ou des porcs. Allah, dans le Coran, applaudit les musulmans qui tuent des juifs et les chassent de leurs villes. Mahomet a prophétisé que les musulmans et les juifs se battront les uns contre les autres jusqu'à la fin du monde. Que, pendant la lutte finale, les juifs devront se cacher derrière des rochers et des arbres, et que ceux-ci s'écrieront alors: «O musulman, derrière moi se cache un juif, viens le tuer.» Cette exclamation célèbre de Mahomet est aujourd'hui enseignée dans toutes les écoles coraniques.
L'antisémitisme a davantage à voir avec l'échec du monde arabe et avec l'éducation. On nourrit la population avec le poison de la haine et la prive d'énergies importantes dont on a besoin pour être productif. Il faut croire que les dirigeants, qu'ils soient islamistes ou laïques, ont besoin d'ennemis et de boucs émissaires pour déplacer l'attention de leur propre misère et canaliser la colère de la population vers une autre cible. Le fait que Mein Kampf et Les Protocoles des Sages de Sion fassent partie des best-sellers de longue durée dans le monde arabe est une preuve de son indigence. Kant, Voltaire et John Lock sont des inconnus pour la plupart. Et ce n'est pas la faute d'Israël.
En France, le débat sur l'islam est très vif. Est-ce également le cas en Allemagne?
De soi-disant spécialistes-ès-terrorismes ont cru pendant longtemps que l'Allemagne serait à l'abri parce qu'elle jouissait d'une image positive dans le monde arabe et avait à l'époque condamné la guerre contre l'Irak. Puis, le fait qu'elle n'ait pas d'histoire coloniale au Proche-Orient a fait croire à certains que l'Allemagne allait être épargnée. Mais les terroristes islamistes haïssent l'Occident non seulement parce qu'il s'est engagé militairement dans le monde musulman, mais aussi parce qu'il est décadent et incroyant et qu'il empêche les musulmans d'exécuter le plan divin et de rétablir l'ordre du monde sous la domination de l'islam.
On a cru que l'ouverture des frontières et la culture de l'accueil envers les réfugiés musulmans allaient protéger l'Allemagne de la haine islamiste. Mais c'est exactement le contraire qui s'est produit. Cologne marque une césure. L'opinion a basculé quand la population a tout à coup compris que beaucoup des réfugiés qui avaient été accueillis avec des couvertures et des peluches par des femmes ont justement importuné ou violenté ces mêmes femmes quelques mois plus tard. Et c'est seulement après l'attaque au marché de Noël de Berlin à la fin de l'année dernière que l'on a compris que la politique des frontières ouvertes pouvait aussi représenter un danger existentiel.
«Une partie de la gauche n'analyse même plus les problèmes, elle ne fait que les moraliser. Or, ce n'est pas une protection pour les musulmans, sinon une forme de racisme qui consiste à abaisser le niveau d'exigence»
En France, l'écrivain Kamel Daoud a été accusé d'islamophobie pour avoir lié les viols de Cologne à la misère sexuelle du monde musulman…
Je connais Kamel Daoud mais aussi l'attitude hostile à l'égard de sa critique de l'islam de la part des musulmans et de la gauche française. J'ai rencontré ce même cas de figure en Allemagne. Plutôt que d'affronter la critique de manière rationnelle, on essaie de diffamer celui qui critique et de le réduire au silence. Depuis le 11 Septembre, des musulmans tentent de démonter la critique de l'islam en mettant en avant l'islamophobie ou le racisme. Mais plutôt que de défendre l'islam avec autant de véhémence, ils feraient mieux de chercher les véritables raisons de la violence et de la misère dans le monde musulman. Et plutôt que d'attaquer des voix critiques comme Kamel Daoud ou moi-même, ils feraient mieux de s'élever contre l'Etat islamique ou contre l'islam politique en Europe.
Cela est valable pour la gauche aussi, qui en temps normal n'a pas de problème avec la critique de la religion tant qu'il s'agit du christianisme, mais qui fait du chantage - en parlant de racisme - aux détracteurs de l'islam. Une partie de la gauche n'analyse même plus les problèmes, elle ne fait que les «moraliser». Or, ce n'est pas une protection pour les musulmans, sinon une forme de racisme qui consiste à abaisser le niveau d'exigence. On n'attend pas des musulmans qu'ils puissent supporter les mêmes critiques que les adeptes d'autres religions, on les transforme en victimes, les empêchant ainsi de régler les problèmes dont ils sont eux-mêmes responsables.
Alors, que faire pour enrayer la percée de l'islamisme…
«L'islam a besoin d'une sécularisation et d'un processus démocratique. L'éducation de la haine dans les mosquées et dans les foyers doit cesser»
L'islam a besoin d'une sécularisation et d'un processus démocratique. L'éducation de la haine dans les mosquées et dans les foyers doit cesser. Le sentiment d'humiliation permanente et de paranoïa par rapport à l'Occident doit être surmonté. Les Etats occidentaux et démocratiques ne doivent pas permettre, au nom de la tolérance, que les intolérants construisent leurs propres infrastructures et diffusent leur idéologie. Nous ne devons pas seulement débattre de ce que nous devrions offrir aux musulmans, mais aussi de ce que nous attendons d'eux.
Nous sommes en droit d'attendre une égalité du traitement et, par conséquent, que Mahomet et le Coran puissent être critiqués tout autant que Jésus et la Bible. Nous pouvons aussi attendre d'eux qu'ils interviennent davantage pour lutter contre la théologie de la haine plutôt que d'organiser des campagnes de promotion de l'islam. Qu'ils descendent plus souvent dans la rue pour protester contre l'Etat islamique, au lieu de s'énerver contre des caricaturistes et des détracteurs de l'islam. L'islam n'a pas de problème d'image, il a un problème avec lui-même et avec l'interprétation de ses textes sacrés et de sa mission politique.
Vous avez vous-même eu des difficultés à publier votre livre en France.
Oui, les éditions Piranha auraient dû publier mon livre en septembre 2016. Mais seulement quelques semaines avant la date de publication, la maison d'éditions a annulé la publication. Après les attentats de Charlie Hebdo, du Bataclan et de Nice, elle a eu peur de devenir une cible des islamistes pour la publication d'un livre intitulé Le Fascisme islamique. J'aurais compris si cela s'était arrêté à cet argument, car c'est en effet une question de vie et de mort et je n'attends pas que tout un chacun prenne les mêmes risques que moi. Mais la maison a voulu transformer cette nécessité en vertu, et la peur en argument moralisateur.
Le renoncement à la publication devait ainsi protéger les musulmans de la montée de l'extrémisme de droite en France. Mais ce retrait n'était rien d'autre qu'une génuflexion lâche face aux islamistes et à l'extrême droite. Nous ne pouvons pas lutter contre les radicaux si nous passons sous silence des débats nécessaires. Celui qui veut empêcher que des racistes et des extrémistes s'emparent du thème de l'islam et des migrations et l'exploitent à des fins de haine et d'exclusion doit mener ce débat honnêtement et publiquement dans l'espace politique et intellectuel. Je n'aurais jamais pu imaginer qu'un éditeur argumente ainsi dans le pays de Voltaire en 2016. Heureusement que la maison Grasset a décidé de publier le livre. Voltaire n'est pas encore à terre. Mais pour combien de temps?

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Rémi Brague : «La législation d'origine divine constitue le centre de l'islam» (27.11.2015)
Par Marie-Laetitia Bonavita
Publié le 27/11/2015 à 16h49
INTERVIEW - L'auteur, membre de l'Institut, spécialiste de la philosophie grecque et de la philosophie médiévale arabe et juive, décrypte la doctrine de la religion musulmane.
LE FIGARO. - Les djihadistes qui ont mené les attentats de janvier et du 13 novembre en appellent à Allah. Ont-ils quelque chose à voir avec l'Islam?
Rémi BRAGUE. - De quel droit mettrais-je en doute la sincérité de leur islam, ni même le reproche qu'ils adressent aux «modérés» d'être tièdes. Rien à voir avec l'islam? Si cela veut dire que les djihadistes ne forment qu'une minorité parmi les musulmans, c'est clair. Dans quelle mesure ont-ils la sympathie, ou du moins la compréhension, des autres? J'aimerais avoir là-dessus des statistiques précises, au lieu qu'on me serine «écrasante majorité» sans me donner des chiffres.
Les djihadistes invoquent eux-mêmes Mahomet, le «bel exemple» (Coran, XXXIII, 21). Ils expliquent qu'avec des moyens plus rudimentaires qu'aujourd'hui, il a fait la même chose qu'eux: faire assassiner ses adversaires, faire torturer le trésorier d'une tribu vaincue pour lui faire cracher où est le magot, etc. Ils vont chercher dans sa biographie l'histoire d'un jeune guerrier, Umayr Ben al-Humam, qui se jette sur des ennemis supérieurs en nombre pour entrer au paradis promis. Il n'avait pas de ceinture d'explosifs, mais son attitude ressemble fort à celle des kamikazes d'aujourd'hui.
Les imbéciles objectent souvent: «Oui, mais Hitler était chrétien.» Ce à quoi il faut dire que: 1) non seulement il avait abandonné la foi dans laquelle il avait été baptisé, mais il haïssait le christianisme. Les Églises, catholique et protestantes, étaient sur son cahier des charges et devaient, après la victoire, subir le même sort que les Juifs ; 2) à ma connaissance, Hitler n'a jamais été donné en exemple aux chrétiens.

Le but des terroristes semble être de déclencher en Europe une guerre civile entre les communautés musulmanes et le reste de la population. Comment éviter que la communauté musulmane soit identifiée au terrorisme?
Effectivement, il est prudent de dire ce que ce but semble être. Nous le devinons à partir de cas précédents comme les Brigades rouges italiennes: créer des conditions dans lesquelles la répression atteindra, même sans les viser, l'ensemble des musulmans, afin de créer chez eux un réflexe de solidarité avec les terroristes. Je ne sais d'ailleurs pas si cela a jamais marché…
Il y a là-derrière un problème de logique: tous les musulmans ne sont pas islamistes, mais tous les islamistes sont musulmans. Donc être musulman est une condition nécessaire pour être islamiste, mais elle n'est pas suffisante. Pour tout musulman, être islamiste est une possibilité mais, heureusement, ce n'est pas une nécessité. Il est stupide de prêter a priori de noirs desseins à tous les musulmans. On a donc raison de ne pas les mettre tous dans le même panier. Les gens qui peignent des slogans hostiles sur les mosquées sont des crétins malfaisants qui font le jeu des islamistes de la façon que je viens de dire.
Il serait bon que l'effort pour éviter le fameux «amalgame» soit clair des deux côtés. Et que les musulmans trouvent un moyen de faire comprendre haut et fort, par la parole comme par le comportement, qu'ils désapprouvent le terrorisme. Le problème est que personne n'a autorité pour les représenter. Nous aimons mieux les «modérés». Mais les intellectuels médiatiques qui parlent en leur nom représentent-ils d'autres qu'eux-mêmes?
«Quelle République peut s'imaginer faire le poids contre Dieu ?»
Rémi Brague
Comment expliquer que la religion musulmane apparaisse plus focalisée sur la forme (vêtements, nourriture…) que sur le fond et qu'elle rechigne à accepter les lois de la République?
Ce qui nous semble à nous purement formel dans une religion peut apparaître à ceux qui la professent comme central. Pensez au turban des sikhs. Dans l'islam, la mystique est permise, pas toujours bien vue, mais en tout cas seulement facultative. En revanche, les règles de la vie quotidienne sont obligatoires pour tous. Les lois sur lesquelles la nation musulmane se règle ont été, selon elle, dictées par Dieu en personne et littéralement. Quelle République peut s'imaginer faire le poids contre Dieu?
Un islam éclairé a existé au Moyen Âge. Peut-il servir de référence aux musulmans d'aujourd'hui?
Il faut distinguer la religion et la civilisation. La conquête arabe avait unifié deux mondes qui se faisaient la guerre, à savoir la partie orientale de l'Empire de Constantinople et l'Empire persan. Avec le Proche-Orient, il avait ramassé dans son escarcelle la partie intellectuellement féconde de l'Empire byzantin. Regardez d'où viennent les grands intellectuels de l'Antiquité gréco-romaine: l'Égypte, la Mésopotamie, l'Anatolie, bien plus que Rome ou même la Grèce. Tout cela passa à la civilisation arabe à travers les écoles du monde syriaque. L'islam comme religion a connu des tentatives qui ressemblent beaucoup à la façon dont l'Occident a réfléchi de manière critique sur sa propre tradition, par exemple chez les mutazilites. Mais cela fait mille ans qu'ils ont été vaincus…
«Le fameux verset rappelant, après le Talmud (bSanhedrin, 37a), que tuer un homme, c'est comme tuer l'humanité entière (V, 32) ajoute en incise que cela ne vaut pas pour ‘ceux qui répandent la corruption (fasād) sur la terre'».
Rémi Brague
Le Pape a dit que le Coran s'oppose à la violence. Partagez-vous ce point de vue?
A-t-il jamais lu le Coran? Sa lecture ne fait pas partie de la formation habituelle d'un jésuite, ou même d'un théologien.
Ce qui est vrai, c'est que l'on trouve dans le Coran des versets pacifiques, appelant à la discussion courtoise, etc. Non sans bien des restrictions. Ainsi, le fameux verset rappelant, après le Talmud (bSanhedrin, 37a), que tuer un homme, c'est comme tuer l'humanité entière (V, 32) ajoute en incise que cela ne vaut pas pour «ceux qui répandent la corruption (fasād) sur la terre». Or, comment comprendre cette faute? Et qui va décider de qui s'en est rendu coupable?
Les versets pacifiques datent de la première période de la mission de Mahomet qui, prêchant à La Mecque devant un auditoire indifférent ou même hostile, devait composer avec les autres groupes religieux. Une fois à Médine, devenu chef d'une armée, le ton change. L'avertisseur est devenu chef politique et militaire. Il s'agira désormais de combattre, de soumettre l'adversaire, et de lui faire payer l'impôt. Et l'ennui est que, selon la dogmatique islamique, les versets descendus à Médine «abrogent» les versets antérieurs. On continue à les réciter, mais leur contenu normatif n'est plus valable et est remplacé par d'autres, postérieurs.
Afin de ne pas être repérés, certains terroristes n'hésitent pas à boire de l'alcool, à s'afficher avec des femmes et à ne pas fréquenter les mosquées. S'agit-il de cette ruse qu'on appelle la «taqîya»? Sur quoi repose cette notion?
Il est en effet probable qu'il s'agisse d'une dissimulation par stratagème.
Le conseil de pratiquer la dissimulation dans certains cas se tire de deux versets du Coran: «Que les croyants ne prennent pas pour amis des incrédules de préférence aux croyants […] à moins que vous ne vous protégiez d'eux» (III, 28) et «Celui qui renie Dieu après avoir cru - non pas celui qui subit une contrainte et dont le cœur reste paisible dans la foi — […], la colère de Dieu est sur lui […]» (XVI, 106). Un autre verset demande aux musulmans de ne pas demander la paix quand ils sont les plus forts (XLVII, 35). Et des hadiths font prononcer au Prophète l'éloge de la ruse, identifiée à la guerre.
Historiquement parlant, cette dissimulation a surtout été pratiquée par les chiites, tout simplement parce que, minoritaires, ils en avaient besoin. Mais ceux-ci ne sont nullement les seuls à l'autoriser, voire à la recommander.
Comment le Coran envisage-t-il les rôles de l'homme et de la femme? Est-ce compatible avec l'égalité occidentale?
Notre égalité est encore imparfaite dans les faits. Mais elle est depuis longtemps dans les textes du Nouveau Testament, puis plus tard dans nos législations. Le Coran accorde à la femme la valeur de la moitié d'un homme: il faut deux femmes pour contrebalancer le témoignage d'un seul homme (II, 282), et une fille reçoit en héritage la moitié de la part d'un garçon (IV, 11). On entend souvent que l'islam aurait représenté un progrès dans la situation de la femme. Mais progrès aux yeux de qui? Dans ma Loi de Dieu, je cite un passage du grand écrivain Gahiz (mort en 869) qui se félicite de ce que l'islam ait mis fin à la licence d'autrefois en interdisant aux filles de parler aux garçons.
L'obligation de porter un voile est-elle inscrite dans les textes du Coran?
Elle repose sur deux versets où Dieu s'adresse à Mahomet: «Dis aux croyantes […] de rabattre leurs voiles (himār) sur leurs poitrines» (XXIV, 31) et «[…] Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de se couvrir de leurs voiles (ğilbāb) […]» (XXXIII, 59). Saint Paul dit quelque chose de voisin (1 Corinthiens, 11, 5). Seulement, Paul de Tarse était une créature vivant à une certaine époque, dans une civilisation où sortir sans voile était pour une femme une honte. On peut donc remonter de la lettre à l'intention, à savoir s'habiller décemment selon les climats et les modes. Pour le Coran, ce n'est pas possible. En effet, son auteur est censé être Dieu, qui est éternel et qui sait tout, et qui peut donc prévoir la totalité des circonstances. Si Dieu dit «voilez-vous», il s'agira donc d'un voile bien concret, d'un tissu totalement matériel. La seule latitude qui reste sera celle de s'interroger sur le sens très précis des mots qui le désignent et d'en déduire si ce voile voulu par Dieu sera long ou court, opaque ou transparent. C'est souvent à des choses de ce genre que pensent ceux qui disent «interpréter» le Coran.
«On répète ‘padamalgam !' comme une sorte de mantra ; d'ailleurs, cela sonne sanscrit…»
Rémi Brague
Plutôt que de communautarisme islamique on parle de plus en plus souvent d'une montée du fait religieux. Peut-on faire l'amalgame entre la religion catholique, la religion juive et l'islam?
Il est vrai que le christianisme, surtout mais pas seulement dans sa variante «évangélique», connaît actuellement un bouillonnement. Ou que l'hindouisme se raidit, ou que le bouddhisme attire de plus en plus de monde. Ce qui est vrai en tout cas, c'est que l'idée d'un effacement inexorable de la religion devant «la science» en a pris un sacré coup.
On répète «padamalgam!» comme une sorte de mantra ; d'ailleurs, cela sonne sanscrit… Cette règle doit s'appliquer aussi aux religions. Au lieu de dire que «les religions» sont ou font ceci ou cela, en les mettant dans le même sac, distinguons, traitons au cas par cas. Une religion est nationale ou universelle, naturelle ou révélée, etc.
Au fond, le mot même de «religion» est trompeur. Il recouvre des phénomènes incomparables. Il est d'origine occidentale et a été fait sur les mesures du christianisme. En conséquence, nous nous imaginons qu'une religion doit être une sorte de christianisme avec quelque chose en plus ou en moins. D'où notre mal à penser le bouddhisme, qui se passe de révélation, voire de l'idée de Dieu. Et notre mal à comprendre que l'idée d'une législation d'origine divine n'est pas accessoire dans l'islam, mais en constitue le centre.
Êtes-vous d'accord avec Pierre Manent lorsqu'il dit que l'islam peut paradoxalement aider l'Europe à retrouver ses racines chrétiennes?
Il est de fait que l'exemple de la piété au quotidien des musulmans marocains a aidé des gens comme Charles de Foucauld ou Louis Massignon à retrouver la foi chrétienne. Mais attention: la dévotion, le scrupule dans l'accomplissement des rites ne sont pas la foi comme la comprend le christianisme. En matière de plaisanterie, je dirais que l'islam est au christianisme ce que mon visage est à son image dans un miroir. Rien ne me ressemble plus, mais tout y est renversé. Le défi de l'islam peut aider à reprendre conscience de l'importance du christianisme pour la civilisation occidentale. Je dirais donc, avec mon vieil ami Pierre, que l'Europe peut s'aider de l'islam pour mieux se voir et mieux comprendre ce qu'elle est.
*Professeur émérite de philosophie à la Sorbonne et à l'université de Munich.


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Ce que dit vraiment le Coran (13.11.2015)
Par Jean Sévillia
Mis à jour le 13/11/2015 à 15h52 | Publié le 13/11/2015 à 14h41
Inspiré à Mahomet par Allah, selon la tradition musulmane, le livre sacré de l'islam a été fixé entre le VIIe et le VIIIe siècle. Mais selon les éditions et les traductions, on en trouve des interprétations différentes. Des chercheurs soumettent le texte à la critique historique.
Après les attentats du mois de janvier à Paris, comme au lendemain du 11 septembre 2001 à New York, les ventes du Coran se sont multipliées. Inquiets ou curieux, beaucoup cherchaient l'explication de ce déploiement de violence, ou au contraire sa condamnation, dans le livre sacré de l'islam. Sur les réseaux sociaux, les internautes s'envoient quotidiennement des citations du Coran à la figure, qui pour l'attaquer, qui pour le défendre. Querelle sans fin et sans arbitre, d'autant que la lecture de l'ouvrage, en soi ardue, exige des clés que tout le monde n'a pas. D'une traduction à l'autre et d'une édition à l'autre, le texte varie, son sens également, et plus encore les commentaires des spécialistes. Comment y voir clair?
Selon la Sira, biographie officielle de Mahomet constituée par les témoignages de ses compagnons, celui-ci, né vers 570 à La Mecque, commence à recevoir des messages de l'au-delà vers 610. L'archange Gabriel lui serait apparu et lui aurait communiqué des paroles directement venues de Dieu, qui formeront les premiers versets du Coran.
Après avoir en vain prêché ses compatriotes afin de les convertir au Dieu unique, Mahomet, mis en difficulté après la mort de sa femme, Khadija, une riche veuve qui le protégeait, doit quitter La Mecque et plus tard s'installer dans une oasis qui deviendra Médine. A partir de 622 - date de l'Hégire, le départ de La Mecque des compagnons de Mahomet, événement qui inaugure le calendrier musulman -, le prophète de l'islam devient le chef d'une communauté, l'oumma, qui vise à l'universalité.
Les révélations qu'il continue de recevoir, consignées par ses proches, définissent désormais les règles auxquelles les croyants sont tenus. Après dix ans de guerre entre Médine et La Mecque, Mahomet entre en vainqueur, en 630, dans sa cité natale où les idoles polythéistes sont détruites. Deux ans plus tard, il meurt dans les bras d'Aïcha, la dernière de ses nombreuses épouses.

L'archange Gabriel apparaissant à Mahomet (dont le visage est voilé). Miniature ottomane du XVe siècle. - Crédits photo : ©PrismaArchivo/Leemage
A la mort de Mahomet, les textes coraniques n'ont pas été établis de manière définitive. Selon la tradition musulmane, Abou Bakr, son premier successeur, aurait fait procéder à une première réunion de manuscrits. Vers 650, Osman (ou Othman), le troisième calife, aurait arrêté le texte définitif, l'aurait fait copier en faisant détruire les translations antérieures, de façon à ce qu'il n'existe plus qu'un seul Coran, indiscutable. L'historien Alfred-Louis de Prémare observe que les savants occidentaux n'acceptent pas cette version des faits, notamment en raison des contradictions dans les récits coraniques, mais aussi du fait que des manuscrits retrouvés à l'époque moderne attestent de la longue persistance de versions dissidentes du Coran (1). Le manuscrit du Coran conservé à Istanbul, au musée Topkapi, remonterait au IXe siècle. C'est un des plus anciens, mais considéré comme sacré, il est pratiquement inaccessible aux chercheurs non-musulmans. D'autres versions anciennes se trouvent à Sanaa, au Yémen, à Tachkent, en Ouzbékistan, à Londres, au British Museum.
La Bibliothèque nationale de France détient 70 feuillets d'un codex de 98 feuillets découvert au Caire au début du XIXe siècle. Sur la base de critères paléographiques et orthographiques, François Déroche, professeur au Collège de France, fait remonter ces fragments aux années 50 à 86 de l'Hégire, soit aux années 670 à 705 de notre ère (2). L'analyse au carbone 14 d'un manuscrit du Coran conservé depuis 1864 à l'université de Tübingen, en Allemagne, a permis de dater le parchemin d'entre 649 et 675 après Jésus-Christ, de même qu'elle a permis de dater une autre version manuscrite, découverte en 2015 dans les archives de l'université de Birmingham, en Angleterre, d'entre 568 et 645 de notre ère. Certains chercheurs, toutefois, ont fait valoir que ce n'est pas l'encre qui a été datée mais le support, qui a pu être lavé et réutilisé…
En l'absence de certitudes, Alfred-Louis de Prémare conclut que la constitution du Coran a été le résultat d'une élaboration progressive qui s'est étalée entre le VIIe et le VIIIe siècle.
Le texte du Coran n'est ni thématique ni chronologique
Formellement, le texte se présente sous la forme de 114 chapitres, appelés sourates, de longueur inégale, eux-mêmes composés de plus de 6 000 versets. Avant d'être transcrit, le texte a vraisemblablement été mémorisé par les compagnons de Mahomet. Le mot Coran vient d'un mot arabe qui signifie tout à la fois rassembler ce qui est épars, lire, réciter, déclamer: d'emblée, le Coran était destiné à la proclamation publique. Dans les mosquées, il n'est pas récité mais psalmodié. A l'oral, ce texte doit être restitué par les musulmans tel qu'il a été prononcé par Mahomet. Toute une science coranique s'intéresse par conséquent aux variantes de lecture, à la prononciation, aux tournures des mots, à l'intonation, à la rythmique. Pour la même raison, certains courants rigoristes estiment que le Coran ne peut et ne doit pas être traduit de l'arabe.
Traduit, il l'est pourtant depuis l'origine. En français existe aujourd'hui une vingtaine de traductions qui font référence. Malek Chebel, auteur d'une traduction parue en 2009, souligne cependant qu'«on ne traduit pas le Coran comme une œuvre profane, on en interprète seulement les idées, on cherche à les comprendre et, si besoin est, à les restituer aux lecteurs d'une autre langue». Remarque précédée de cet aveu: «Tous ceux qui maîtrisent la langue arabe savent qu'il est extrêmement difficile de comprendre le Coran (3).»

Une autre représentation de la révélation
de la première sourate du Coran à Mahomet, par l'archange Gabriel, sur le mont Hira, à côté de La Mecque. - Crédits photo : ©DeAgostini/Leemage
Difficile, le Coran? Les sourates ne sont en effet ni thématiques ni chronologiques par rapport à la vie de Mahomet. L'exégèse islamique distingue deux sources dans le livre. En premier lieu les sourates mecquoises, inspirées avant l'Hégire, centrées sur l'unicité de Dieu, les devoirs du croyant, notamment les cinq piliers de l'islam - profession de foi (chahada), prières (salat), aumône (zakat), jeûne (ramadan) et pèlerinage (hadj) -, les récits des prophètes, la description du châtiment encouru par ceux qui refusent de croire. En second lieu les sourates médinoises, postérieures à l'Hégire, et dont l'orientation est politique, sociale et législative.
Pour les musulmans, à l'exception des titres des sourates, le texte reprend les propres mots d'Allah révélés à Mahomet. Parole de Dieu, le livre sacré est donc regardé comme incréé, éternel et inimitable. «Le Coran, écrit Malek Chebel, est le compagnon fétiche du musulman, celui de ses heures sombres, son talisman contre le mauvais œil, son philtre magique, son baume protecteur (4).»
L'islamologue Régis Blachère, à qui l'on devait une édition critique et une tentative de reclassement des sourates dans l'ordre chronologique de leur inspiration, soulignait naguère le «désarroi» du lecteur occidental face au Coran. C'est un livre rempli de violences et d'anathèmes, par exemple, mais qui contient aussi des versets pacifiques. Selon les théologiens musulmans, il ne peut pas y avoir de contradictions dans le livre sacré: quand deux versets se contredisent, le verset antérieur est abrogé par le verset postérieur. Le problème, selon Marie-Thérèse Urvoy, professeur d'islamologie à l'Institut catholique de Toulouse, est que abrogeant et abrogé sont conservés avec le même statut dans le texte définitif, et que le Coran n'est pas classé chronologiquement (5). Les spécialistes occidentaux soulignent notamment que les versets interdisant le meurtre et prônant la tolérance religieuse avec juifs et chrétiens ont été abrogés par un verset qui commande de tuer tous ceux qui associent un autre être au culte du Dieu unique, à moins qu'ils n'acceptent un statut de soumission pour échapper à la mort (Coran, IX-5). Cependant d'autres exégètes musulmans contestent qu'il y ait eu abrogation des versets initiaux…
Les chercheurs scrutent les sources de l'islam
Pour compliquer la chose, l'islam possède une deuxième grande source, les hadiths, relation des actes et paroles de Mahomet et de ses compagnons, qui constituent la matière de la Sunna (la Tradition), laquelle a force de loi. Professeur de philosophie médiévale chrétienne, juive et arabe, Rémi Brague observe ainsi que le hadith qui distingue le petit djihad, le combat par les armes contre les impies, et le grand djihad, le combat spirituel contre ses propres passions, ne figure dans aucun des recueils classiques du sunnisme, courant majoritaire de l'islam, et n'est attesté que chez certains mystiques soufis, suspects aux yeux de l'islam dogmatique (6).
La question est d'autant plus délicate que l'islam ne dispose d'aucune instance autorisée qui pourrait définir une orthodoxie: en l'absence d'un magistère religieux universellement reconnu par les musulmans, on obtient, selon les courants, des lectures différentes du Coran, qui débouchent ainsi sur des interprétations divergentes de la charia ou du djihad.
Certains aimeraient reprendre la tradition mutazilite, école théologique musulmane présente dès le IXe siècle, pour qui Dieu a laissé aux hommes la puissance d'agir librement et pour qui le Coran a été créé, ce qui signifie que le livre sacré est distinct de Dieu. Mais dans les pays de culture musulmane, ces voix sont étouffées. La nébuleuse des défenseurs d'un «islam des Lumières» (Malek Chebel, Rachid Benzine, Abdennour Bidar…) est d'ailleurs formée d'auteurs vivant en Occident et écrivant pour des Occidentaux.
Depuis une trentaine d'années, une nouvelle génération de chercheurs, alliant des disciplines comme l'histoire, l'archéologie, l'épigraphie, la philologie, l'exégèse coranique ou l'histoire comparée des religions, scrutent les sources de l'islam, mais aussi les textes grecs, syriaques et juifs de l'époque. Biographe de Mahomet, Olivier Hanne souligne que «ces travaux universitaires ont ouvert de multiples perspectives sur le personnage de Mahomet et la constitution du Coran, élargissant un peu plus le fossé entre les hypothèses de la science moderne et les convictions des croyants» (7). Et cet historien de remarquer qu'un tel hiatus n'a eu d'équivalent qu'au XIXe siècle, lorsque la critique s'est attaquée à la Bible… Réforme théologique, travail scientifique de recherche historico-critique: l'islam y est-il prêt?
(1) Alfred-Louis de Prémare,Les Fondations de l'islam, Seuil, 2002.
(2) François Déroche, Le Coran, PUF, 2009.
(3) Malek Chebel, Le Coran et Dictionnaire encyclopédique du Coran,Fayard, 2009.
(4) Malek Chebel, Dictionnaire amoureux de l'islam, Plon, 2004.
(5) Marie-Thérèse Urvoy avec Louis Garcia, Entretiens sur l'islam,Docteur angélique, 2015.
(6) Rémi Brague, Du Dieu des chrétiens et d'un ou deux autres,Flammarion, 2008.
(7) Olivier Hanne, Mahomet, Belin, 2013.

Le Coran dans le texte
L'homme et la femme: inégaux ou égaux?
«Les hommes ont autorité sur les femmes en raison des privilèges que Dieu accorde à certains par rapport à d'autres et en raison des biens qu'ils dépensent pour elles. En l'absence de leurs conjoints, les femmes vertueuses sont chastes. Elles préservent ce que Dieu a considéré devoir l'être. En revanche, celles dont vous craignez la sédition, ne vous mettez pas au lit avec elles, vous les reléguerez et vous les battrez, à moins qu'elles ne vous obéissent à nouveau, auquel cas vous les laisserez tranquilles, Allah étant au-dessus, Il est le plus grand.»Coran, IV-34.
«Aux musulmans et aux musulmanes, aux croyants et aux croyantes, aux hommes pieux et aux femmes pieuses, aux hommes sincères et aux femmes sincères, aux persévérants et aux persévérantes, aux hommes dévoués et aux femmes dévouées, à ceux et à celles qui tiennent pour véridiques (Nos Messages), à ceux et celles qui jeûnent, à ceux et à celles qui sont chastes, à ceux et à celles qui invoquent Allah énormément, un grand pardon et une récompense immense sont accordés.» Coran, XXXIII-35.
Intolérance religieuse ou tolérance?
«Telle est la rétribution de ceux qui mènent la guerre à Allah et à Son Prophète, et de ceux qui sèment le désordre sur terre. Ils seront tués ou suppliciés, tandis que leurs mains et leurs pieds seront amputés, à moins qu'ils ne soient bannis de terre. Telle est leur rétribution: une honte ici-bas et un châtiment sévère dans la vie future.»Coran, V-33.
«Dis: ô vous les incroyants! Je n'adore pas ce que vous adorez. Vous n'adorez pas Celui que j'adore. Je n'adorerai pas ce que vous avez adoré. Et vous n'êtes pas en mesure d'adorer ce que j'adore. Vous avez votre religion, j'ai la mienne.»Coran, CIX, 1-6.
Guerre ou paix?
«Que ceux qui troquent la vie d'ici-bas contre la vie dernière combattent dans la voie d'Allah, car celui qui se bat au nom d'Allah, vainqueur ou vaincu, recevra de Nous une récompense immense.»Coran, IV-74.
«Nous avons établi à l'égard des fils d'Israël que celui qui a tué un homme qui n'a commis aucune violence sur terre, ni tué, est considéré comme ayant sauvé tous les hommes. Celui qui sauve un seul homme est considéré comme ayant sauvé tous les hommes.»Coran, V-32.
Ces citations du Coran sont extraites de la traduction de Malek Chebel, Fayard, 2009.
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Rémi Brague : «Le parallèle entre antijudaïsme musulman et antijudaïsme catholique est faux» (24.04.2018)

Par Eugénie Bastié
Mis à jour le 25/04/2018 à 20h26 | Publié le 24/04/2018 à 19h30
INTERVIEW - Le philosophe spécialiste des religions* rappelle que le Coran est censé être l'œuvre, non d'un homme, mais de Dieu qui l'aurait dicté à Mahomet.
LE FIGARO. - Dans une tribune, 300 personnalités s'engagent contre l'antisémitisme islamiste. L'antisémitisme est-il fermement inscrit dans la religion musulmane?
Rémi BRAGUE. - Il existe des langues que l'on classe par commodité dans la famille sémitique, comme l'arabe, l'hébreu, l'araméen, le ge'ez, etc. L'antisémitisme suppose, à tort, qu'il y a des peuples «sémitiques», selon une fumeuse conception biologique des «races» qui ne remonte qu'au XIXe siècle. Il n'y a donc pas, en rigueur de termes, d'antisémitisme religieux, chrétien ou musulman. Mais attention à l'échappatoire facile: «Nous ne pouvons pas être antisémites, nous sommes nous-mêmes des Sémites!» Car la vraie question est celle de l'antijudaïsme. Non la critique argumentée des dogmes du judaïsme, qui a son pendant dans la critique juive des croyances chrétiennes ou islamiques, mais bien la haine, mêlée de mépris ou d'envie, envers les juifs.
Chez beaucoup de chrétiens, elle existe ou — soyons optimistes —, elle a existé, quoique, chez certains, en grattant un peu, bref… Quant aux pays islamiques, l'orientaliste hongrois Ignaz Goldziher raconte qu'il a entendu un Syrien battre son âne en le traitant de juif… C'était en 1874. D'après l'extraordinaire BD L'Arabe du futur, dans laquelle Riad Sattouf raconte son enfance dans la Libye, puis la Syrie des années 1980, la haine du juif y est répandue depuis le plus jeune âge. Bien sûr, les gens intelligents distinguent celle-ci de la critique de l'État d'Israël, qui se rencontre aussi chez des Israéliens. Mais l'homme de la rue, et de nos banlieues, ne s'embarrasse pas de ces subtilités.
Que disent les textes islamiques?
Les textes fondateurs, le Coran, demande aux croyants de ne pas choisir leurs amis chez les juifs ou les chrétiens (V, 51). Il accuse les deux d'avoir ajouté au Dieu unique des créatures, Jésus ou le mystérieux Uzayr (IX, 30). Les juifs auraient altéré l'Écriture sainte (II, 75). Les juifs sont des gens qui ont manqué le coche deux fois: en refusant Jésus, puis en refusant Mahomet. Le hadith attribue à Mahomet des déclarations plus raides encore. La biographie officielle de Mahomet, la sira, raconte que celui-ci aurait fait torturer le trésorier d'une tribu juive pour lui faire cracher où le magot était enterré (traduction A. Badawi, t. 2, p. 281 s.). Les assassins d'Ilan Halimi s'en seraient-ils souvenus?
«La législation islamique, aujourd'hui tombée en désuétude, octroie aux juifs, comme aux chrétiens, une place de sujets soumis à un impôt spécial et à diverses interdictions et obligations»
La législation islamique, aujourd'hui tombée en désuétude, octroie aux juifs, comme aux chrétiens, une place de sujets soumis à un impôt spécial et à diverses interdictions et obligations comme, pour les juifs, le port d'une pièce de vêtement jaune.
Les signataires demandent que «les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés d'obsolescence par les autorités théologiques comme le furent les incohérences de la Bible et l'antisémitisme catholique aboli par Vatican II, afin qu'aucun croyant ne puisse s'appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime». Cette proposition vous semble-t-elle raisonnable ou peu crédible?
J'ignore qui a rédigé cette tribune, mais il me semble peu au courant des croyances de l'islam. Le mot d'antisémitisme est faux, je viens de le dire. Le parallèle avec l'antijudaïsme catholique (celui de Luther n'était d'ailleurs pas piqué des vers non plus) est faux lui aussi. Ensuite, la question ne se pose pas de la même façon pour la Bible et le Coran. La Bible est censée être inspirée, mais ses auteurs sont humains et donc marqués par la vision du monde et les préjugés de leur époque. Le Coran est censé être l'œuvre, non d'un homme, mais de Dieu qui l'aurait dicté à Mahomet. Dieu est éternel, il sait tout, même l'avenir. Les intellectuels musulmans de bonne volonté, comme récemment Rachid Benzine, souhaitent, non qu'on expurge le Coran, mais qu'on en fasse une «lecture critique». Mais comment replacer dans son temps, «contextualiser» comme on dit, la parole d'un Dieu éternel? Tant qu'on n'aura pas affronté la question de l'auteur du Coran, on n'avancera pas.
La référence à Vatican II est souvent employée pour demander un aggiornamento de l'islam. Ce parallèle avec le christianisme est-il pertinent?
Ce parallèle boiteux est le fait de gros malins peu informés. Les différences sont flagrantes: Vatican II, et l'idée d'aggiornamento, ont été lancés par le pape Jean XXIII. Il n'a pas d'équivalent en islam, qui n'a pas de magistère et n'en a pas besoin. Ce qui en tient lieu est l'«accord unanime» de la communauté. Mais personne n'est habilité à le définir avec autorité. Ensuite, comment mettre «au goût du jour» un message émis par un Dieu éternel?
* Auteur de Sur la religion, chez Flammarion.

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Mustapha Benchenane : «Aujourd'hui, l'islam est plus impuissant que conquérant» (24.04.2018)
Par Mustapha Benchenane
Mis à jour le 25/04/2018 à 06h39 | Publié le 24/04/2018 à 18h53
TRIBUNE - Pour le docteur d'État en science politique, on surestime la capacité d'hégémonie des musulmans. L'islam est une religion en crise et l'islamisme est le symptôme de ce déclin.

Mustapha Benchenane est conférencier au Collège de l'Otan et à l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ).

La formule «islam conquérant» est souvent utilisée en France pour désigner la menace à laquelle les pays occidentaux sont censés faire face. Le terrorisme et les migrations seraient les moyens mis en œuvre par les musulmans pour réaliser leur projet hégémonique. Or, c'est très mal connaître la réalité que de les croire capables de fixer et d'atteindre un objectif stratégique aussi ambitieux…
L'excès d'islam, qui se traduit par l'«islamisme» est signe de la crise d'un système de croyance en train de se décomposer en sectes de plus en plus nombreuses
En effet aux plans religieux, politique idéologique, c'est la grande discorde. Aux plans économique, social, culturel, c'est l'échec. Chaque pays exportateur de pétrole et de gaz a disposé, durant le demi-siècle écoulé, de l'équivalent de dix fois le plan Marshall, sans pour autant amorcer le processus du développement. Quant aux «États» du Golfe ils confondent richesse et développement. Dans le domaine politique, il y a une grande fragmentation, car les structures étatiques sont trop nombreuses et ces pays souffrent d'un grave déficit d'intégration économique. En outre, on assiste à l'effondrement du mythe de l'«État nation». On a transposé ce concept, produit de l'histoire européenne, dans des régions où le système d'appartenance n'est pas la nation mais la tribu, l'ethnie,le clan, les confréries. C'est ce qui explique pour une part importante l'implosion de ces pays et la multiplication des guerres civiles (Irak, Syrie, Libye, Yémen, Soudan, Afghanistan). Quant à la culture démocratique, elle est loin de s'être enracinée. Les régimes en place sont dans un mimétisme mal inspiré quand ils organisent des élections. Le rituel démocratique est dévoyé en raison de fraudes massives qui sont l'ordinaire de la vie politique de ces contrées. Quant aux ingérences, notamment militaires, des Occidentaux, elles sont un facteur non négligeable d'aggravation des faiblesses internes. Les migrations sont l'une des facettes de cette situation difficile sinon impossible à maîtriser.
L'«islamisme» sous ses différentes formes est en fait le révélateur, le symptôme, d'un phénomène historique beaucoup plus profond qu'on ne le pense: le début d'un processus de dépérissement de la religion musulmane. L'excès d'islam, qui se traduit par l'«islamisme» n'est pas un signe de vitalité et de dynamisme, mais celui de la crise d'un système de croyance en train de se décomposer en sectes de plus en plus nombreuses. Certaines d'entre elles ont recours à la violence sous toutes ses formes, en particulier le terrorisme, dont les principales victimes sont les musulmans en pays d'islam. Le clivage, l'antagonisme, sunnites-chiites, musulmans-chrétiens, musulmans-juifs, n'expliquent que partiellement ce qui se déroule sous nos yeux. En Algérie,par exemple, tous les musulmans sont sunnites. C'est pourtant dans ce pays que, durant la décennie 1990, s'est produit le pire des conflits internes, causant la mort d'environ 200.000 personnes. C'est là que se situe le cœur du problème: l'islam ne réussit plus à faire vivre ensemble et en paix ceux qui s'en réclament.
L'appartenance à l'islam se réduit souvent, désormais, à l'observance conformiste et ostentatoire d'un rituel
L'une des finalités des religions est de «relier» les croyants les uns aux autres par l'adhésion à une même foi, à une éthique, à des règles morales, se déclinant dans un code de conduite permettant de vivre paisiblement au sein d'une communauté. Or le déchaînement de la violence, d'abord dans les pays musulmans, et l'implosion des entités se réclamant de l'islam sont révélatrices de l'incapacité dans laquelle se trouve maintenant cette religion à assurer cette finalité. L'appartenance à l'islam se réduit souvent, désormais, à l'observance conformiste et ostentatoire d'un rituel.
Ce «toujours plus» de religion est aussi la marque de l'impuissance de ces peuples à résoudre les problèmes liés au développement dans toutes ses dimensions. L'évocation fréquente d'un passé glorieux et d'une «Andalousie heureuse» renvoient à la même impasse.
D'un côté, les «islamistes» n'en démordent pas: pour eux, il faut revenir à la «pureté du Message originel» et, ainsi, le miracle s'accomplira. De l'autre, les «réformistes» qui donnent, à tort ou à raison, l'impression d'agir sur injonction de l'Occident, poursuivent une autre chimère,car l'islam n'est pas,à proprement parler, réformable. Deux facteurs rendent impossible la «réforme» de l'islam: le premier, le plus important, tient à la croyance que le Coran est la parole de Dieu, vérité absolue pour aujourd'hui et pour toujours. Le débat sur «le Coran créé ou incréé» qui fut possible sous les Abbassides durant une courte période, est aujourd'hui interdit. Le second facteur tient à la médiocrité des systèmes éducatifs de ces pays qui, loin d'éveiller les jeunes à l'esprit critique, les maintiennent dans un état de somnolence intellectuelle qui arrange tous les acteurs, à commencer par ceux qui exercent le pouvoir.
Le problème pour les Occidentaux n'est pas celui d'un «islam conquérant» mais bien celui d'un «islam impuissant». Il n'est pas impossible qu'un jour, on en arrive, au nord de la Méditerranée, à regretter le temps où cette religion était un facteur structurant tant pour ceux qui s'y rattachent que dans le cadre des relations internationales, car rien n'est pire que d'être privé d'interlocuteur.

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Éditorial : «Enfin !» (24.04.2018)
Par Yves Thréard
Publié le 24/04/2018 à 21h16
Par Yves Thréard
Face à l'antisémitisme cultivé par l'islam radical, une réalité de plus en plus flagrante, des voix se lèvent, des consciences se réveillent, des mots justes sont prononcés. Enfin!
En Allemagne, Angela Merkel elle-même vient d'appeler la menace par son nom, pointant un antisémitisme introduit par «des personnes d'origine arabe». En France, un manifeste contre le «nouvel antisémitisme» a été signé ce dimanche par trois cents personnalités. Leur texte suscite une polémique d'ordre théologique (le Coran est-il, ou non, amendable?) qu'on ne prétendra pas trancher ici, mais il a aussi et d'abord le mérite d'inciter, ce mardi, trente imams à briser le silence. Un silence, comme ils l'écrivent eux-mêmes dans une tribune publiée par Le Monde, qui aurait pu finir par apparaître «complice et donc coupable».
Ces trente imams le reconnaissent: la situation, pour eux, devient de «plus en plus intenable». Ils déplorent certes que leur religion soit sur le banc des accusés mais, en même temps, ils admettent qu'une «anarchie religieuse» sévit dans la communauté musulmane à laquelle, entre autres causes, «certains imams ont malheureusement contribué».
Il eût été préférable que cette clairvoyance, ce salutaire sursaut, cet exercice de contrition, s'exprimât avant: avant l'horrible martyr d'Ilan Halimi en 2006 ; avant les attentats de Mohamed Merah à l'école juive de Toulouse et d'Amedy Coulibaly à l'Hyper Cacher de Vincennes ; avant les assassinats de Sarah Halimi et Mireille Knoll, à Paris. Car cette situation détestable, créée par la haine antijuive des radicalisés présents sur notre sol, existe depuis très longtemps. Et elle ne fait qu'empirer. L'appel de cent intellectuels contre le séparatisme islamiste le rappelait avec force dans Le Figaro du 20 mars dernier.
Dans un islam de France noyauté par des associations aux objectifs souvent obscurs - pour ne pas dire obscurantistes -, la parole «libérée» de trente imams ne doit pas rester lettre morte. Elle doit être reçue comme un cri d'alarme pour combattre l'islamisme, antisémite par définition, qui tue dans notre pays.

Ces mercenaires russes qui meurent pour la Syrie (25.04.2018)
Par Pierre Avril
Mis à jour le 25/04/2018 à 18h39 | Publié le 25/04/2018 à 18h38
ENQUÊTE - Des centaines de soldats de fortune combattent, dans la plus grande opacité, aux côtés de l'armée régulière syrienne. Le parti de l'écrivain nationaliste Édouard Limonov a fourni un contingent de recrues au nom de l'alliance historique entre Moscou et Damas.
Correspondant à Moscou
Kirill Ananiev n'aura jamais connu ni les honneurs ni la gloire militaire, seulement l'estime de ses camarades de combat. Aucun officiel n'a jamais fleuri sa tombe, indistincte des sépultures ordinaires du cimetière de Chtcherbynka, à la périphérie de Moscou. Cet homme de 30 ans a perdu la vie le 8 février dernier près de Deir ez-Zor, en Syrie. Pour le Kremlin, il n'existe pas. Il est l'un des «ressortissants russes qui se sont rendus en Syrie de leur propre initiative et avec les objectifs les plus divers», a déclaré le ministère de la Défense. «Il ne nous revient pas de juger de la légalité et de la légitimité de ces décisions», a précisé l'institution militaire, feignant d'ignorer que la profession de mercenaire est punie par la loi.
Kirill Ananiev l'a voulu ainsi. Pour ce militant national bolchevique, il eût été une hérésie de prendre les armes à la gloire du Kremlin et de son chef Vladimir Poutine. «Nous sommes dans l'opposition, nous ne voulons pas combattre au nom du gouvernement russe», insiste l'écrivain Edouard Limonov, dont le Parti national bolchevique - identitaire et communiste - a fourni plusieurs recrues à la Syrie, et ceci, dit-il, au nom de l'alliance historique forgée entre Damas et Moscou dans les années 1960. À l'époque de la guerre froide.
Cercueil fermé
Pour sa part, le jeune activiste s'était enrôlé dans la compagnie privée Wagner, qui, sans existence légale, monopolise le marché du mercenariat russe en Syrie. «Kirill n'était pas motivé par l'argent. C'était un homme déterminé doté de qualités exceptionnelles et militaires dans l'esprit», ajoute Edouard Limonov. «La guerre est un mode de vie qui me convient parfaitement», confirmait l'intéressé dans une vidéo tournée à son retour du Donbass, début 2017, la région du sud-est de l'Ukraine où il a fait ses classes comme plusieurs de ses compatriotes. À l'époque, il annonçait déjà son intention de partir en Syrie, avec le soutien de sa famille, des intellectuels moscovites très religieux. «C'est là où les choses se passent», expliquait-il.

En février dernier, Farkhanur Gavrilova regarde des photos de son fils Ruslan Gavrilov, tué quelques jours auparavant en Syrie au cours d'une attaque contre des combattants kurdes soutenus par les Etats-Unis. Avec sept autres hommes de son village, il avait été recruté par une société militaire privée. - Crédits photo : Nataliya Vasilyeva/AP
Alors qu'il n'a jamais bénéficié d'une formation militaire, il servira en Syrie comme chef d'une unité d'artillerie, et ceci jusqu'à la bataille de Deir ez-Zor. Cette dernière a été présentée par Washington comme une offensive prosyrienne qui aurait mal tourné. Des sources anonymes au ministère russe de la Défense ont également critiqué son amateurisme. Kirill Ananiev sera tué à la suite de bombardements terrestres et aériens menés par la coalition sous commandement américain.
Du fait qu'il n'émargeait pas au registre de l'armée russe, commencera un long travail d'identification, suivi par le rapatriement de son corps en catimini. «Sur le terrain, il nous a toujours été difficile de trouver nos militants parmi les disparus», confirme Edouard Limonov. Lors de l'enterrement, par respect pour le défunt lourdement blessé à la tête, et contrairement à la tradition orthodoxe, son cercueil restera fermé. Son père a apporté sa voix au chœur religieux. Ce jour-là, l'église était pleine à craquer.
La société Wagner serait dirigée par un oligarque proche de Vladimir Poutine, Evgueni Prigozhin, le même qui est accusé par Washington d'avoir piloté une usine de trolls destinée à influencer les élections américaines
Selon le site Conflict Intelligence Team (CIT), une source indépendante sur le conflit en Syrie s'appuyant notamment sur les réseaux sociaux, près de 80 mercenaires russes seraient morts le 8 février, tous membres d'un détachement au sein duquel combattait également un tiers de recrues syriennes. Pour sa part, le ministère des Affaires étrangères n'a reconnu que des dizaines de tués ou blessés. Leur employeur, la société Wagner, qui emploie entre 2 000 et 3 000 mercenaires, serait dirigée par un oligarque proche de Vladimir Poutine, Evgueni Prigozhin, le même qui est accusé par Washington d'avoir piloté une usine de trolls destinée à influencer les élections américaines.
Ce dernier a construit sa fortune sur les marchés de la restauration du Kremlin et des écoles moscovites ainsi que sur l'entretien des locaux du ministère de la Défense. Selon le Washington Post, qui s'appuie sur des sources du renseignement américain, ce quinquagénaire aurait lui-même coordonné l'offensive de Deir ez-Zor en liaison avec Damas et le Kremlin, bien qu'il nie officiellement tout lien avec la société Wagner. Selon le site Fontanka, ses opérations seraient contrôlées par Dmitri Outkine, un ancien du Donbass qui a reçu l'ordre du Courage. Une photo volée le montre en décembre 2016 au Kremlin en compagnie de Vladimir Poutine et de trois autres mercenaires.
«Ces groupes sont utilisés pour remplir des missions que le pouvoir ne souhaite pas imputer aux armées régulières. Grâce à eux, le Kremlin n'a pas à répondre de leurs pertes»
Alexandre Khramtchikhin, expert à l'Institut d'analyse politique et militaire
À la différence des sociétés privées américaines qui ont pignon sur rue - comme Academi avec ses 22 000 collaborateurs -, les mercenaires russes cultivent l'opacité. La loi punit de trois à sept ans de prison la participation officieuse de contractuels russes à des conflits armés. La société Moran Security, active dans la lutte contre la piraterie maritime, est enregistrée au Belize, d'autres compagnies émargent à Hongkong ou à Londres. Mais en zone de guerre, l'État russe n'entend pas se priver de leurs services. «Ces groupes sont utilisés pour remplir des missions que le pouvoir ne souhaite pas imputer aux armées régulières. Grâce à eux, le Kremlin n'a pas à répondre de leurs pertes», explique Alexandre Khramtchikhin, expert à l'Institut d'analyse politique et militaire. De surcroît, les salaires, de quelques milliers de dollars par mois, y sont bien supérieurs aux soldes des officiers lambda (60 000 roubles pour un capitaine, soit 800 euros).
Le groupe Wagner constitue un cas particulier. Après l'aventure malheureuse de Deir ez-Zor, l'omerta règne dans ses rangs, en particulier parmi ses collaborateurs ou les proches des victimes. «Actuellement les relations sont tendues entre Wagner et le ministère de la Défense. Mais dans cette affaire, c'est le Kremlin qui décide car il a besoin d'eux pour libérer la Syrie. Et l'armée obéit», constate Rouslan Leviev, fondateur du projet Conflit Intelligence Team.
L'acheminement de ces combattants se fait en toute discrétion via la compagnie civile syrienne Cham Wings, sanctionnée par Washington
Selon Reuters, l'acheminement de ces combattants se fait en toute discrétion via la compagnie civile syrienne Cham Wings, sanctionnée par Washington. Non répertoriés, les vols de Cham Wings décollent tard la nuit de l'aéroport russe de Rostov-sur-le-Don, dans le sud du pays, et atterrissent tôt le matin, à destination et en provenance de Damas et Lattaquié. Ces quatorze derniers mois, Reuters a comptabilisé 51 rotations d'A 320. Chacun de ces appareils peut transporter 180 passagers.
Récemment, deux députés russes ont proposé - en vain - de légaliser l'existence des compagnies de guerre. Dans ce projet de loi mort-né, obligation était faite de souscrire une police d'assurance à leurs contractuels et de placer leurs opérations sous la tutelle du ministère de la Défense - un officier de liaison étant détaché auprès de chacune d'elles. «Le but de notre projet est de mettre ces sociétés au service des intérêts extérieurs de la Russie, explique son auteur, Mikhaïl Emelianov, qui a trouvé porte close au ministère de la Défense. Avec la reconquête progressive par Damas et Moscou des dernières poches rebelles, l'affaire syrienne est désormais entendue, ajoute ce parlementaire. Aujourd'hui, il faut penser à l'avenir de la région tout entière, et les compagnies privées peuvent aider à cette mission.» Son initiative législative a été repoussée.
Demain, le marché africain
«La Syrie, c'est fermé, il n'y a plus de marché», confirme Bondo Dorovskykh, fondateur d'une société enregistrée à Londres et dont il tait l'identité. Ce fils de militaire qui a servi six mois au Donbass prospecte actuellement au Nigeria, dans le delta du fleuve Niger. Cette région est en proie à une catastrophe environnementale liée à l'exploitation pétrolière menée par les compagnies occidentales, ainsi qu'à l'instabilité politique. «Shell et les autres y pompent du pétrole et exterminent l'écologie. Nous, nous soutenons ceux qui réclament la nationalisation des ressources», explique cet homme d'affaires qui a envoyé sur place des officiers de renseignement et fourni à différentes factions des gilets pare-balles et des munitions.
Par ailleurs, les autorités françaises observent avec inquiétude le déploiement en République centrafricaine (RCA) d'instructeurs russes. Agissant officiellement sous mandat de l'ONU, ces derniers sont suspectés en réalité de prospecter vers le nord-est en direction de la frontière soudanaise, dans des territoires contrôlés par l'opposition. En attendant, depuis le début de l'année, Bangui reçoit en toute légalité des armes légères issues des stocks de l'armée russe.
«En Afrique, il ne s'agit pas de simples missions de surveillance mais de livraison d'équipement spécialisé, de moyens de défense et de préparation militaire»
Un représentant de Morgan Security
Cette pratique rappelle l'époque soviétique, lorsque, en pleine guerre froide, Moscou poussait ses pions diplomatiques en Afrique via la distribution à des alliés potentiels de matériel militaire à prix cassé. Ce fut le cas en Éthiopie après 1976, au profit du gouvernement marxiste issu d'un coup d'État, ou en Angola lors de la guerre civile. Cette fois, la référence faite par le ministère des Affaires étrangères à la présence, en RCA, «de 5 militaires et de 170 instructeurs civils» fait suspecter le recours à des sociétés privées.
«Pour nous, le marché africain est potentiellement intéressant. Là-bas, il ne s'agit pas de simples missions de surveillance mais de livraison d'équipement spécialisé, de moyens de défense et de préparation militaire», confirme, sous couvert d'anonymat, un représentant de Morgan Security qui opère notamment dans le golfe de Guinée. Pour sa part, la presse russe a fait état de la présence de la société Wagner au Soudan du Sud, frontalier avec la RCA.
Selon Kommersant, le curateur de Wagner, le fameux Evgueni Prigozhin projette également d'envoyer des politologues russes sur le continent africain à l'occasion des multiples élections qui s'y dérouleront dans les deux prochaines années. Selon cette même source, des enquêtes d'opinion «made in Russia» ont déjà été diligentées en Afrique du Sud et au Kenya. Émanant de cet oligarque à la réputation sulfureuse, surnommé «le cuisinier de Poutine», une telle initiative alimente les spéculations sur l'existence d'un futur partage des tâches entre chiens de guerre et conseillers politiques. Le lobbying, expliquent volontiers les mercenaires, est le nerf de la guerre.

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Correspondant à Moscou
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Trump, Syrie, Europe, Macron : l'état du monde selon Hubert Védrine (25.04.2018)

Par Eugénie Bastié
Mis à jour le 25/04/2018 à 20h19 | Publié le 25/04/2018 à 19h11
GRAND ENTRETIEN - Dans un monde de plus en plus chaotique, l'ancien ministre des Affaires étrangères appelle à un sursaut mental des Européens, qui doivent absolument apporter des réponses pratiques aux questions de souveraineté et d'identité. La maîtrise des migrations est pour cela indispensable.
Urgence écologique, explosion démographique, choc numérique: dans son livre Comptes à rebours (Fayard), qui recueille ses interventions publiques entre 2013 et 2018, l'ancien ministre des Affaires étrangères alerte sur les grands défis qui menacent l'équilibre mondial. Ce tenant d'une ligne géopolitique réaliste estime l'approche diplomatique d'Emmanuel Macron ambitieuse et pragmatique. Il juge que les frappes de la France contre le régime syrien ne relèvent pas de l'ingérence naïve mais d'une réponse ciblée à une transgression majeure du droit international sur les armes chimiques.
LE FIGARO.- Vous plaidez pourune attitude réaliste en relations internationales. Un an après son élection, comment jugez-vous globalement l'approche diplomatique d'Emmanuel Macron?
Hubert VÉDRINE.- L'approche du président Macron est ambitieuse, et réaliste. Il se dit prêt à rencontrer tout dirigeant si c'est utile pour régler un problème, sans refus a priori. Il a raison, l'«irreal politik» déclaratoire ne marche pas. J'observe avec beaucoup d'intérêt la séquence américaine, avant son voyage en Russie le mois prochain. Emmanuel Macron est le seul dirigeant à avoir réussi à se positionner en interlocuteur face à Donald Trump: dans le reste du monde, à part l'Arabie saoudite et Israël qui sont sur sa ligne, les autres pays ne sont pas en mesure jusqu'ici de dialoguer avec lui.
Cette visite américaine a-t-elle été un succès?
Puisque les autres politiques ne donnent aucun résultat, le président de la République a raison d'essayer «l'amitié». S'il convainc Donald Trump sur le nucléaire iranien, ce serait un exploit. S'il n'y parvient pas, il aura eu le mérite de tenter. Après, l'enjeu, ce sera de faire vivre l'accord Iran sans les États-Unis, voire contre eux. Ou encore de rechercher un «meilleur» accord. Mais ce serait très difficile.
Beaucoup s'inquiètentde la «twitto-diplomatie», agressive et sans règles, de Donald Trump. Son action diplomatique a-t-elle selon vous une cohérence?
Trump n'est pas isolationniste. Il est égoïste, brutal et indifférent aux conséquences extérieures de ses décisions. Mais il n'a jamais dit qu'il ne frapperait personne. Ce qui est sûr, c'est que plus encore qu'Obama, il tourne le dos à une tradition américaine missionnaire qui remontait à Wilson: l'interventionnisme au nom de la démocratie. En Syrie, si les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont estimé impossible de ne rien faire, c'est que dans le monde chaotique dans lequel nous sommes, la prohibition de l'usage des armes chimiques est un des seuls interdits encore à peu près respectés.
«L'intervention en Syrie était justifiée. Il ne s'agissait pas de résoudre la crise syrienne en s'engageant dans cette guerre civile, mais de sanctionner l'usage de l'arme chimique»
L'intervention en Syrie était donc légitime?
Elle était justifiée. Il ne s'agissait pas de résoudre la crise syrienne en s'engageant dans cette guerre civile, mais de sanctionner l'usage de l'arme chimique.
Les précédents irakien et libyen ont-ils condamné l'Occident à la prudence, voire à l'inaction?
Qu'une partie des opinions occidentales se méfie des interventions et d'ingérence est une preuve de sagesse. Depuis vingt-cinq ans, les deux tiers des interventions occidentales, même labélisées ONU, ont été contre-productives. Mais cela ne doit pas conduire à refuser systématiquement toute intervention. Il faut les réserver à quelques cas où la justification est incontestable. Dans le cas syrien, n'oublions pas que les Russes eux-mêmes s'étaient portés garants du retrait des armes chimiques en Syrie par l'accord Kerry-Lavrov. C'est à se demander si Assad n'a pas voulu montrer par là son indépendance vis-à-vis de la Russie qui, d'ailleurs, n'a pas réagi très violemment aux frappes occidentales. La plupart des dénonciations automatiques des récentes frappes, sorties du congélateur politique, ne s'appliquent pas à ce cas.
«Si on abandonne l'ONU, c'est encore plus la loi du plus fort qui régnera»
Comment distinguer entre une intervention légitime et une ingérence aux conséquences catastrophiques?
Il y a d'abord le mode de décision. Les puristes du droit international disent qu'il faut l'accord du Conseil de sécurité de l'ONU, donc sans veto. Oui, c'est mieux. Mais cela suffit-il à rendre une intervention légitime? Rappelons que l'intervention en Libye comme l'opération «Turquoise», aujourd'hui contestées, avaient été approuvées par l'ONU. Une dizaine de veto russes, des dizaines de cas d'utilisation d'armes chimiques, la ligne rouge qui avait été annoncée, des frappes qui n'ont ciblé que des sites chimiques, aucun appel au renversement du régime: cette opération n'est peut-être pas formellement légale mais elle est légitime. On ne peut pas se soumettre entièrement par amour du droit international au veto russe (ou américain ou chinois!). Il y a des cas où il faut assumer!
L'interminable guerre en Syrie n'est-elle pas une nouvelle preuve de l'obsolescence de l'ONU?
Par quoi voulez-vous la remplacer? Il faut bien qu'il y ait un endroit où les nations du monde se parlent. On ne peut pas reprocher à l'ONU de faire des miracles dont elle n'a jamais été chargée. Même si les Nations ne sont pas «Unies», l'ONU est un cadre, irremplaçable. Si on abandonne cette enceinte, c'est encore plus la loi du plus fort qui régnera. Bien sûr, il faudrait élargir le Conseil de sécurité, la France a toujours été favorable. Mais la Chine ne veut pas du Japon ni de l'Inde, les Africains ne sont pas d'accord sur qui choisir, tout comme l'Amérique du Sud, etc.
«Le rôle de la France avec Moscou pourrait d'être le seul pays occidental qui, tout en étant ferme et net par rapport à Poutine, serait capable de proposer une vision sur la relation à long terme Europe-Russie»
L'affaire Skripal a catalysé les tensions entre l'Europe et la Russie. Quelle doit être selon vous l'attitude de la France vis-à-vis de Moscou?
Il faut être ferme et dissuasif, et dialoguer en même temps. Même pendant la guerre froide, où il y avait de vraies menaces croisées et des assassinats d'espions par dizaines, des durs comme Kissinger ou Nixon ont su mettre en place la Détente et dialoguer avec la Russie sans faiblesse. On ne va pas transformer la Russie en une gentille démocratie scandinave. Et on ne peut pas avoir pour seule politique russe pour les cinquante prochaines années une surenchère de sanctions. Le rôle de la France pourrait d'être le seul pays occidental qui, tout en étant ferme et net par rapport à Poutine, serait capable de proposer une vision sur la relation à long terme Europe-Russie. Emmanuel Macron pourrait combiner fermeté et dialogue. Sinon qui?
Dans l'ouverture de votre livre, vous évoquez plusieurs «comptes à rebours» qui menacent l'équilibre mondial. Quels sont-ils?
Il y a plusieurs crises simultanées dans ce monde, qui n'a rien à voir avec celui dont les Occidentaux rêvaient après la chute de l'URSS. Compte à rebours écologique (climat, mais aussi biodiversité, déchets, déforestation, etc.), explosion démographique (stabilité en Europe, montée partout ailleurs), choc numérique (quel impact sur la décision publique et notre capacité à réagir?): aucun de ces engrenages n'est mécaniquement favorable à l'Occident qui, pour le meilleur et pour le pire, a contrôlé l'histoire du monde pendant quatre siècles.
Loin de la «fin de l'histoire», nous sommes dans un monde conflictuel qui ressemble plus à Jurassic Parkqu'aux Bisounours. Il faut dissiper nos chimères. Je conclus d'ailleurs par un appel, non pas à plus d'intégration européenne, qui ne créera pas plus de volonté européenne géopolitique, mais à un sursaut mental des Européens sur ces enjeux globaux et leurs conséquences pour nous. Si les Européens ne parviennent pas dans les prochaines années à être plus lucides, plus déterminés, plus unis (pas fusionnés, mais unis), ce sera trop tard, le monde finira par se réorganiser mais sans eux (sauf pour le tourisme).
Vous évoquez «l'explosion démographique», notamment de l'Afrique. Quelle est la solution selon vous à cette «ruée vers l'Europe» que prédit l'universitaire Stephen Smith?
«Il faut que ces migrations soient maîtrisées. C'est crucial. Les Européens rejettent de plus en plus l'Europe car ils pensent qu'elle est devenue une passoire»
Ces migrations sont un phénomène mondial, qui ne concerne pas que l'Afrique et l'Europe et qui ne sera pas stoppé, en effet, par le développement. La fameuse transition démographique vitale ne se concrétisera en Afrique, et notamment dans les pays du Sahel que par l'éducation des femmes. C'est la priorité. Ensuite, il faut que ces migrations soient maîtrisées. C'est crucial. Les Européens rejettent de plus en plus l'Europe car ils pensent qu'elle est devenue une passoire. Que faire? D'un côté, sanctuariser et harmoniser l'asile pour les gens véritablement en danger et, en même temps, cogérer les flux avec les pays de départ et de transit en fixant des quotas par métiers.
Si on ne distingue pas les deux, le droit d'asile finira par être balayé. Il faut travailler avec les dirigeants africains qui n'ont pas intérêt à ce que leurs meilleurs éléments partent pour l'Europe. Il faut donc un Schengen renforcé qui fonctionne vraiment, avec une vraie gestion des frontières, où on soit capable de détecter très vite qui relève du droit d'asile et qui relève de l'immigration économique, et une coopération politique permanente avec les pays de départ. La fermeture totale est impraticable, économiquement inepte et humainement cruelle. L'inverse, ouverture totale, sans frontière, est insensé et ferait exploser l'Europe. Donc il faut gérer, cogérer.
Vous abordez également «l'urgence écologique»…
Le maintien de la vie sur la planète n'est pas garanti si le modèle prédateur actuel occidental/américain perdure avec dix milliards d'habitants. Comme il y a eu un processus d'industrialisation aux XIXe siècle, il faut aujourd'hui un processus d'écologisation, qui transforme tous les domaines: énergie, transport, agriculture, industrie, construction, etc. et qui aille plus vite que le compte à rebours écologique. D'ici vingt ou trente ans il faudra avoir tout changé.
Quelle est la bonne échelle pour traiter ces problèmes?
Il n'y a pas à choisir. Il faut agir à tous les niveaux, du plus local ou plus global en passant par l'État-nation qui ne va pas disparaître. C'est la «subsidiarité», que Delors recommandait pour l'Europe (sans être suivi!).
«On peut reconvaincre les eurosceptiques de réadhérer au projet européen, à condition que celui-ci réponde aux attentes des gens ordinaires et des classes populaires : garder une certaine identité, une certaine souveraineté et de la sécurité»
L'Occident est-il fragile dans ce monde où les régimes autoritaires montent en puissance?
Il est flagrant que les Occidentaux n'ont plus le monopole de la conduite des affaires du monde. Et ils le vivent mal. Occident fragilisé? Oui, s'il accumule les bévues. L'Occident reste fort riche. Mais il n'est pas homogène. La mondialisation était censée assurer la domination occidentale, mais les classes occidentales populaires ont décroché. Les Américains voudraient garder leur puissance, ils ne savent pas comment. Travaillés par une rhétorique sermonneuse et moralisatrice, fondée sur le remords instrumentalisé des guerres et de la colonisation, les Européens eux ont peur de la «puissance». L'Union européenne, conçue pour profiter de la paix garantie par l'alliance, et non pas pour devenir une «puissance», doit redémontrer son efficacité, notamment démocratique, face au défi grandissant des régimes autoritaires.
Vous appelez à la renaissance du projet européen mais vous fustigez l'européisme et l'idéologie intégrationniste. Pourquoi? Quelles sont les conditions pour que l'Europe reprenne vie?
C'est parce que je ne crois pas que plus d'intégration créerait plus d'ambition et de puissance européenne. Et je constate que le sentiment pro-européen n'est majoritaire dans quasiment plus aucun pays d'Europe. Les vrais fédéralistes n'existent pas électoralement, à part dans les journaux économiques et les think-tanks. Donc subsidiarité! Il existe un «marais»: ceux qui sont devenus sceptiques - les médias ont tort de qualifier d'eurosceptiques les euro-hostiles - les allergiques, les découragés qu'on peut reconvaincre de réadhérer au projet européen, à condition que celui-ci réponde aux attentes des gens ordinaires et des classes populaires: garder une certaine identité, une certaine souveraineté et de la sécurité. Depuis une trentaine d'années, les élites méprisent et rejettent ces demandes. Il est encore temps de leur donner des réponses raisonnables.
Je souligne donc que l'Europe telle qu'elle est, et tels que sont les schémas mentaux et européens, ne garantit pas que nous relevions à temps ces défis. Cela m'inquiète. Il faut alarmer, sans paniquer et mobiliser, pour une confédération européenne qui s'assurera comme puissance sans prétendre tout normaliser en son sein.

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Journaliste Débats et opinions
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Georges Bensoussan  : «L'antisémitisme se pare désormais des oripeaux d'un antiracisme dévoyé» (23.04.2018)
Par Vincent Tremolet de Villers
Mis à jour le 23/04/2018 à 20h18 | Publié le 23/04/2018 à 19h13
GRAND ENTRETIEN - La Seine-Saint-Denis a perdu 80 % de sa population juive en quinze ans, rappelle l'historien.
LE FIGARO. - En 2002, vous dirigiez Les Territoires perdus de la République , essai qui décrivait notamment l'apparition d'un antisémitisme culturel dans certains quartiers en France. Seize ans plus tard, vous avez signé la «tribune contre le nouvel antisémitisme» publiée par Le Parisien et vous participez au livre publié par Albin Michel sur le sujet. Diriez-vous que le temps du déni est révolu?
Georges BENSOUSSAN. - On aimerait le penser. Pourtant, même s'il est indéniable que quelque chose a bougé depuis plusieurs mois, je crois que les forces du déni demeurent puissantes. Elles tiennent à cette partie de la gauche sociétale qui domine encore largement l'opinion par le biais d'un grand nombre de médias au discours formaté. De ce côté-là, il faudra s'attendre à de nombreuses contorsions. Tout en déplorant l'antisémitisme («plus jamais ça»), on continuera à ne pas nommer la source du péril.
La notion de vivre ensemble n'a cessé d'être invoquée tandis que, dans les faits, les communautés n'ont cessé de se séparer. Comment expliquer ce paradoxe?
La notion de «vivre ensemble» dit, comme un sous-texte, un lent processus d'éclatement de la nation
Dans une société où, pour le pire, le libéralisme économique épouse le libéralisme sociétal, il me semble que ce paradoxe n'est qu'apparent. On invoque d'autant plus le vivre ensemble que nous ne vivons pas ensemble mais à côté les uns des autres. La notion de «vivre ensemble» dit, comme un sous-texte, un lent processus d'éclatement de la nation. Qui nourrit une insécurité culturelle dont les premières victimes sont les classes populaires et les classes moyennes pour lesquelles la nation demeure ce bien commun, cette forme d'harmonie collective qui leur semble aujourd'hui menacée.
Dans sa doctrine, ses ressorts, ses représentations, en quoi cet antisémitisme est-il nouveau?
L'antisémitisme qui tue aujourd'hui ne vient pas de l'extrême droite même si celui-ci demeure une réalité. Évoquer la France comme un «pays antisémite» était jusqu'à maintenant aberrant tant les préjugés antiJuifs n'avaient cessé de reculer depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C'est évidemment moins vrai à l'heure actuelle. Dans ce domaine comme en d'autres, la régression française est patente.
L'antisémitisme d'aujourd'hui est nouveau par la source et par le mode opératoire. Par la source d'abord. Cet antisémitisme violent est issu d'une nouvelle frange de la population française. Il puise aux sources coraniques comme à l'histoire moderne des Juifs du Maghreb, une histoire méconnue en France où de nombreux idéologues accréditent la thèse d'une histoire apaisée que le sionisme et la création de l'État d'Israël seraient venus briser. Qu'il y eut des moments heureux, de convivialité et d'amitié, c'est certain. Que ces Juifs du Maghreb furent longtemps des Juifs de culture arabe, c'est certain aussi. Il n'est pas nécessaire, pour autant, d'idéologiser ce passé ni de confondre l'histoire d'une bourgeoisie juive qui avait peu à faire avec la «rue arabe», avec l'histoire des Juifs de condition populaire, largement majoritaires, qui eux, et eux seuls, eurent à subir une vie marquée au quotidien par l'arbitraire et une forme de précarité sur fond de crainte diffuse. Arrivé en France, cet antisémitisme traditionnel s'y est aggravé tout en se modifiant, nourri par le ressentiment né d'une intégration plus ou moins réussie, comme par le conflit israélo-arabe.
Cet antisémitisme est également nouveau par le mode opératoire: il tue (15  personnes depuis 2006 en y incluant les victimes du Musée juif de Bruxelles assassinées par un Français).
Diriez-vous qu'un antiracisme dévoyé peut nourrir l'antisémitisme?
Ce dévoiement de l'antiracisme va plus loin encore quand il crée un discours normatif qui fait de toute opinion dissidente un écart à la règle passible du tribunal
L'antisémitisme ne parle plus le langage du racisme d'avant guerre. Il parle au contraire la langue d'une idéologie victimaire et communautariste qui se pare des oripeaux de l'antiracisme. Mais il s'agit en effet d'un antiracisme dévoyé. Une partie de cet antisémitisme prétend s'exprimer au nom de l'«ouverture à l'Autre» (même si, en réalité, nombre de violences verbales antijuives dans les «quartiers» relèvent encore du basique «sale race»), voire prend appui sur la mémoire de la Shoah pour affirmer que l'État d'Israël «fait aux Arabes ce que les Allemands firent jadis aux Juifs» (sic).
Ce dévoiement de l'antiracisme va plus loin encore quand il crée un discours normatif qui fait de toute opinion dissidente un écart à la règle passible du tribunal. Ce faisant, il nourrit la judiciarisation du débat intellectuel et à terme son rétrécissement. Ce dévoiement est inséparable, à cet égard, d'une judiciarisation de la société qui, loin de signifier une extension des droits de chacun, traduit au contraire le règne, encore feutré, de la guerre de tous contre tous.
La vie impossible des Français juifs dans les «territoires perdus» témoigne-t-elle d'un processus de séparation qui menace à terme toute la communauté nationale?
L'exode intérieur de nombreux Français juifs (la Seine-Saint-Denis a perdu 80 % de sa population juive en quinze ans) doit être corrélé au départ des 52.000 Juifs qui ont gagné l'État d'Israël ces seize dernières années. Sans compter le nombre, inconnu, de ceux qui sont partis ailleurs.
En dépit des proclamations, probablement sincères, qui se multiplient, il y a fort à parier que les Français juifs (et d'abord, sinon exclusivement, le judaïsme populaire) seront abandonnés à leur sort tout comme la «France périphérique» (Christophe Guilluy), qui relève de la même logique d'abandon, demeurera cantonnée à… la périphérie de la vie nationale. Taraudée par l'amertume de sa marginalisation et le sentiment de son déclin social, cette France-là, majoritaire en nombre, et qui se sent étouffer sous le poids d'un discours moutonnier («ce qu'il faut dire»), ne trouve plus guère de langage commun avec des élites culturelles et sociales de plus en plus souvent hors sol et pour lesquelles les mots «identité» et «nation» paraissent vides de sens.

- Crédits photo : Albin Michel
Que doivent faire en priorité les pouvoirs publics?
Être des «pouvoirs publics». Exercer l'autorité, diriger, commander et faire respecter la loi. En commençant par avoir le courage des mots, la première des digues contre le retour en force de la barbarie. La liberté a un prix, c'est celui du combat. Que les pouvoirs publics l'assument.
Mais aussi qu'ils gardent en mémoire les diagnostics de Marc Bloch et de Georges Bernanos dressés tous les deux en 1940-1941, L'Étrange Défaite de l'un, la Lettre aux Anglais de l'autre. Qu'ils n'oublient pas leurs mots sévères sur la trahison d'une partie des élites et sur la lâcheté du grand nombre. Et qu'ils s'évertuent à ce que ces textes demeurent de grands textes littéraires de combat, mais qu'ils n'aient pas pour nous de valeur prémonitoire.

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Référendum sur l'immigration : Dupont-Aignan demande à Wauquiez de passer aux actes  (25.04.2018)
Par Charles Sapin
Publié le 25/04/2018 à 18h15
LE SCAN POLITIQUE - Le leader de Debout la France demande au chef des Républicains de soutenir son initiative de référendum populaire sur l'immigration et d'être «à la hauteur de ce moment de vérité.»
«Les Républicains allieront-ils la parole aux actes?» C'est en filigrane, la question que pose le leader de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, dans une lettre ouverte à Laurent Wauquiez publiée par Le Figaro. Mardi dernier, le candidat malheureux à la présidentielle a annoncé déposer avec le sénateur de Moselle, Jean-Louis Masson, une proposition de loi permettant d'enclencher une procédure de référendum d'initiative partagée sur le thème de l'immigration.
Le député de l'Essonne ambitionne de questionner les Français sur cinq mesures issues de «propositions communes à Debout la France, aux Républicains et au Front national», dont notamment le rétablissement des contrôles aux frontières nationales, le vote chaque année de quotas pour réduire l'immigration légale, la limitation de l'immigration familiale ou l'expulsion systématique des clandestins ayant commis un crime ou un délit. Pour voir le jour, un tel référendum nécessite selon la lettre de la Constitution la signature de 185 parlementaires, puis de 4,6 millions de Français. Une marche bien difficile à franchir pour le chef de file de Debout la France.
Le patron du parti Les Républicains a pourtant fait naître un espoir chez le parlementaire en se déclarant favorable, mercredi dernier, à la tenue d'un référendum sur le sujet : «Je veux que les Français puissent avoir un choix (...) Jamais on n'a consulté les Français sur ce qu'ils souhaitaient», a-t-il lâché au micro de RTL. Une semaine plus tard, Laurent Wauquiez n'a pas donné suite à ses déclarations, ni réagi à l'initiative de Nicolas Dupont-Aignan.
«À cause du scrutin majoritaire, seuls les parlementaires des Républicains sont suffisamment nombreux pour accorder assez de signatures à cette proposition de loi», défend le patron de Debout La France qui intime donc à Laurent Wauquiez «d'être à la hauteur de ce moment de vérité» en soutenant son initiative de référendum, saisir «l'opportunité historique de donner la parole aux Français sur l'immigration.»
En cas de refus, Nicolas Dupont-Aignan qui travaille à la constitution d'une liste pour les prochaines européennes avec ses alliés des Amoureux de la France, a déjà prévenu qu'il ne manquera pas de mettre durant la campagne les candidats LR «devant leurs responsabilités et leur hypocrisie.»
» La lettre de Nicolas Dupont-Aignan:
Journaliste au service politique
Twitter : @csapin
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Lutter contre le financement du terrorisme, l'immense défi des États (25.04.2018)
Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 25/04/2018 à 20h02 | Publié le 25/04/2018 à 19h37
Soixante-dix pays sont réunis à Paris pour assécher les ressources de Daech et d'al-Qaida.
Lorsque Emmanuel Macron s'est rendu en visite officielle au Qatar en décembre, il a insisté auprès de ses hôtes sur un point précis du protocole: pouvoir assister au côté de l'émir cheikh Tamim à l'intégralité de la réunion entre experts des deux pays sur le financement du terrorisme.
Cette question avait déjà dominé certains discours du candidat à l'élection présidentielle, qui n'avait pas manqué d'égratigner, à ce sujet, le Qatar et l'Arabie saoudite, soupçonnés de laxisme.
Une fois élu, le chef de l'État annonça, fin août, devant les ambassadeurs, la tenue d'une conférence internationale dédiée à cette problématique. «No money for terror» (pas d'argent pour le terrorisme) est le titre de la réunion, qui a commencé mercredi et se poursuivra ce jeudi dans les locaux de l'Organisation de coopération et de développement économique à Paris. Deux jours de réunions à huis clos autour de 80 ministres et 500 experts venus de plus de 70 pays, dont de nombreux chefs des services de renseignements.
Comment contrôler des flux d'argents cachés, privés mais pas uniquement, qui alimentent les caisses des organisations terroristes et d'autres d'apparence moins dangereuse. Le défi est immense.
«Au Sahel, par exemple, les terroristes n'hésitent pas à se lier avec les trafiquants»
Un expert
Daech a été en grande partie vaincu militairement dans ses bastions irako-syriens. Mais «de 2014 à 2016, explique-t-on à l'Élysée, l'organisation terroriste a accumulé un énorme trésor de guerre, de l'ordre de 1 milliard de dollars par an. Il a depuis circulé, au moins en partie, il est vraisemblablement quelque part, ajoute-t-on dans l'entourage du chef de l'État. Ces groupes sont très doués pour utiliser les techniques les plus sophistiquées pour faire circuler les flux financiers, ils savent se jouer des frontières».
Sociétés écrans
Daech aujourd'hui, al-Qaida hier ont investi dans des entreprises, des fermes, des commerces et des biens immobiliers qu'ils gèrent via des relais. Les organisations terroristes utilisent les bureaux de change, des aigrefins ont établi des sociétés écrans, d'autres intermédiaires ont revendu des objets d'art. Et puis il y a les taxes prélevées sur la population ou le trafic de stupéfiants auquel s'adonne la branche égyptienne de l'État islamique dans l'immensité du désert du Sinaï. Et enfin, plus prosaïquement, les bonnes vieilles valises d'argent qui passent d'une main à une autre, pendant le pèlerinage sacré qui rassemble chaque année des millions de musulmans à La Mecque, en Arabie saoudite. Sans oublier les agences de voyages suspectes.
«Ce qui frappe, raconte un expert, c'est le pragmatisme et l'opportunisme de ces groupes pour se financer. Notre travail doit se faire au cas par cas, région par région, car les terroristes s'adaptent. Au Sahel, par exemple, ils n'hésitent pas à se lier avec les trafiquants.»
Pendant longtemps, certains États, telle l'Arabie saoudite, ont acheté la paix sociale en laissant les activités islamiques se financer. Reprendre les choses en main est un exercice délicat
Pendant longtemps, nos alliés du Golfe ont montré de sérieux signes de défaillance en matière de contrôle de financement du terrorisme. «On partait d'assez loin», confirme avec sobriété un maître espion, mais «aujourd'hui, nous ne doutons aucunement de la bonne volonté» du Qatar et de l'Arabie saoudite en la matière, ajoute-t-il.
Il faut dire que les États-Unis, alliés privilégiés des pétromonarchies, ont exercé, bien avant Emmanuel Macron, de fortes pressions sur Doha, Riyad ou Koweït. Le Qatar a longtemps été «le plus mauvais élève», selon les rapports du département d'État américain, qui pointait en les nommant des «individus» et «des entités» qui finançaient des organisations terroristes, notamment al-Qaida et sa branche syrienne. «Le Qatar a fait des efforts», confiait récemment au Figaro Seth Unger, responsable au département du Trésor américain, de passage à Paris.
Juste avant la visite de l'émir Tamim début avril à Donald Trump, Doha a finalement placé sur sa «liste noire» l'une des figures emblématiques du financement prétendument privé du terrorisme, cheikh Abdurhamane Ben Omer al-Nouaimy. Un an auparavant, le vieux cheikh à l'épaisse barbe poivre et sel n'hésitait pas devant le journaliste occidental à dire tout le bien qu'il pensait de la branche syrienne d'al-Qaida «composée en majorité de Syriens qui luttent contre le dictateur Bachar el-Assad». Est-ce à dire qu'ici ou ailleurs les gouvernants sont décidés, une fois pour toutes, à ne plus laisser une fraction - fût-elle infime - de leur population financer des groupes terroristes ou des ONG qui répandent un islam radical en Afrique, et jusqu'en Europe?
Un exercice délicat
Pendant longtemps, certains États, telle l'Arabie saoudite, ont acheté la paix sociale en laissant les activités islamiques se financer. Reprendre les choses en main est un exercice délicat. Faire le tri entre une juste aumône - en l'occurrence la zakat, l'un des cinq piliers de l'islam - et un versement douteux n'est pas aisé. C'est pourtant à une telle reprise en main que s'est engagé le jeune prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman. En vue de la conférence de Paris, les services de renseignements d'Arabie comme du Qatar ont fourni à leurs homologues français des listes d'ONG suspectes. En dépit de ces engagements, beaucoup de travail reste à faire, notamment tant que les pays occidentaux n'auront pas obtenu la levée de l'anonymat sur les transactions financières. C'est une de leurs vieilles requêtes. «On va essayer d'aller plus loin en ce sens», espère l'un des cadres de la conférence.
Pendant deux jours, ses participants vont confronter leurs expériences pour tenter de parvenir à un ensemble de «bonnes pratiques» qui pourraient par la suite être globalisées par exemple au niveau des Nations unies, précise l'Élysée. Bref, aucun engagement contraignant ne sera pris lors de ce rendez-vous contre l'argent sale du terrorisme. Mais «une mobilisation politique internationale» contre un fléau qui affecte l'ensemble du monde ou presque.

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Grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient
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L'État impuissant face aux finances de l'islam de France (25.04.2018)
Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 25/04/2018 à 20h23 | Publié le 25/04/2018 à 19h22
S'il en a le pouvoir juridique, il n'a pas les moyens humains de contrôler l'argent circulant dans les lieux de culte.
Officiellement, en France, le financement de l'islam est très encadré, à l'image d'un jardin à la française. Officieusement, c'est une forêt vierge. Son véritable écosystème est sous-terrain. Donc incontrôlable et… incontrôlé. Il existe pourtant deux lois-cadres pour gérer les lieux de culte: 1901 pour les associations culturelles, 1905 pour les associations cultuelles.
Mais, en pratique, sauf scandale, l'État, s'il en a le pouvoir juridique, n'a pas les moyens humains de contrôler. Il existe 13.000 associations en moyenne par département! Sans compter qu'une association cultuelle 1905 qui récolte moins de 153.000 euros de dons par an n'a aucune obligation de déposer ses comptes en préfecture… De plus, rien n'empêche un citoyen de fonder un lieu de culte sans avoir recours à ces deux types d'associations. Il suffit d'utiliser une dérogation à la loi de 1905. Elle fut tolérée en 1907 à la demande des catholiques de l'époque qui refusaient la nouvelle législation. Cette dérogation peut profiter aujourd'hui à de petites salles de prière, et à des prédicateurs quasiment privés. Elle reconnaît en effet le droit d'ouvrir un lieu de culte «à titre individuel». Et n'exige aucun contrôle financier. Dernière possibilité: une personne physique a toujours le droit d'être propriétaire d'une salle ouverte au public qu'il peut dédier au culte.
«L'argent du terrorisme échappe aux mosquées, il est plutôt issu du système D : petits commerces et trafics de toutes sortes. C'est incontrôlable»
Didier Leschi, auteur de «Misère (s) de l'islam de France»
Une absence de gestion globale
Autre difficulté majeure pour l'État, le fonctionnement financier des mosquées lors de leur construction et une fois en activité. Il est rarissime que la construction d'une mosquée soit financée par une source unique. En général, les fidèles mettent d'abord la main à la poche. Ils peuvent être accompagnés par une collectivité locale (bail emphytéotique ou subvention culturelle). Le tout étant complété, selon l'ampleur du projet, par des institutions étrangères, comme le Fonds Hassan II, la Ligue islamique mondiale, ou encore par un État étranger, car les mosquées sont souvent édifiées par des musulmans d'une même origine, marocaine, algérienne, turque.
Mais une fois inaugurée, c'est souvent le règne de l'argent liquide: par le biais des quêtes, très importantes lors du ramadan, ou à l'occasion du pèlerinage à La Mecque qui génère d'importants flux. «Le problème du culte musulman n'est pas l'absence d'argent, observe Didier Leschi, auteur de Misère(s) de l'islam de France (Cerf), mais l'absence de gestion globale et de mise en commun des fonds. Quant à l'argent du terrorisme, il échappe aux mosquées, il est plutôt issu du système D: petits commerces et trafics de toutes sortes. C'est incontrôlable.»
Un expert de ce dossier assure toutefois: «Le président de la République sait que le Conseil français du culte musulman a torpillé - par conflit d'intérêts - le projet Cazeneuve de créer une association cultuelle nationale pour gérer l'argent de l'islam. Il prépare donc une nouvelle proposition. Le contexte n'a jamais été aussi favorable. Quant à la volonté politique de régler ce problème, elle n'a jamais été aussi forte.»

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Rédacteur en chef,
chargé des religions
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« L'idée d'une zone grise dans laquelle on peut tolérer du terrorisme en défense de certaines causes a disparu » (25.04.2018)
Par Georges Malbrunot
Publié le 25/04/2018 à 19h06
INTERVIEW - Secrétaire d'État aux Affaires étrangères, Anwar Gargash participe au nom des Émirats arabes unis à la conférence internationale de Paris sur le financement du terrorisme.
LE FIGARO.- Les États du Golfe ont longtemps été accusés de fermer les yeux sur le financement du terrorisme. Où en êtes-vous aujourd'hui?
Anwar GARGASH.-Les États du Golfe ont sous-estimé ce phénomène. Les terroristes se sont nourris d'événements comme la guerre en Afghanistan et la révolution en Iran pour peser sur les discours publics. Et de nombreux pays avaient accepté ces discours. Mais aujourd'hui, l'idée d'une zone grise dans laquelle on peut tolérer du terrorisme en défense de certaines causes a disparu. Des groupes extrémistes, comme les Frères musulmans qui surfaient sur cette ambiguïté, sont dans une position de faiblesse. Ce qui ne veut pas dire que nous avons gagné cette guerre contre le terrorisme. Mais nous sommes désormais en meilleure posture. Aux Émirats, nous avons très tôt insisté pour que la lutte antiterroriste comporte ce volet financier pour assécher le flot d'argent qui parvient aux terroristes, mais le combat inclut aussi une réponse aux contenus des messages djihadistes sur les réseaux sociaux. Sur le plan international, nos alliances contre le terrorisme sont également plus fortes, mais nous devons continuer nos efforts. C'est pourquoi cette conférence qui traite aussi du financement de l'extrémisme au sens large est importante.
«Récemment, le Qatar a publié une liste de financiers du terrorisme, mais on a vu le premier ministre assister au mariage du fils de l'un de ces principaux financiers»
Des ONG du Golfe financent des projets en Europe ou en Afrique sous couvert d'aide caritative. L'Europe est-elle consciente de certaines dérives?
C'est un grand problème, ces ONG ou ces organisations proches de gouvernements qui financent en fait des extrémistes, des mosquées radicales ou qui influencent des groupes, comme la branche syrienne d'al-Qaida. C'est un de nos différends avec le Qatar. Nous devons parvenir à un plus grand contrôle de cet argent prétendument privé. Nous savons que certaines de ces ONG sont liées aux gouvernements. N'oublions pas que de l'argent privé parvient jusqu'en Europe, où la menace extrémiste est forte.
Le Qatar a fait des efforts en matière de contrôle de financement du terrorisme.
Oui et non. Le Qatar sait qu'il est sous la pression de ses voisins. Il a pris des engagements. Il doit les respecter. Récemment, le Qatar a publié une liste de financiers du terrorisme, mais on a vu le premier ministre assister au mariage du fils de l'un de ces principaux financiers. Le Qatar ne doit pas se servir de la conférence de Paris comme d'un exercice de relations publiques pour faire croire qu'il a fait ce qu'on lui demandait.
Aux Émirats, des banques sont accusées d'être laxistes avec de l'argent qui est sale ou qui alimente le terrorisme?
Nos réglementations sont strictes et nous les appliquons. Mais notre économie est ouverte, notre société est cosmopolite. Nous pouvons avoir des failles. Mais, lorsque des preuves sont apportées, nous combattons ces transferts frauduleux ou suspects.

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Grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient
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Un policier israélien condamné à neuf mois de prison pour avoir tué un ado palestinien (25.04.2018)
Par Cyrille Louis
Publié le 25/04/2018 à 19h16
Le policier a été reconnu coupable de «négligence» et d'«homicide involontaire» après avoir tiré en mai 2014 sur un jeune garçon qui ne constituait pas une menace avérée.
Correspondant à Jérusalem,
Les derniers instants de Nadeem Nuwara, mortellement blessé par le tir d'un policier israélien le 15 mai 2014 près de Ramallah, furent captés par deux caméras de vidéosurveillance. Leurs images inondèrent les réseaux sociaux, montrant au monde entier que l'adolescent de 17 ans ne constituait pas une menace immédiate pour les forces de l'ordre. Après quatre ans de procès,l'auteur du tir a été condamné mercredi à neuf mois de prison ferme ainsi qu'à 50 000 shekels (environ 12 000 euros) d'amende. Reconnu coupable de «négligence» et d'«homicide involontaire», il encourrait une peine maximale de deux ans d'emprisonnement. «C'est à peu près ce dont écope un adolescent palestinien pour avoir lancé des pierres», a souligné l'ONG Defense for Children International Palestine en prenant connaissance du jugement.
Une autopsie nécessaire pour obtenir un jugement
Il est très rare qu'un soldat ou un policier israélien soit renvoyé devant un tribunal pour la mort d'un manifestant palestinien. Le père de l'adolescent, Syiam Nuwara, s'est toutefois déclaré déçu par la clémence de la décision. Depuis près de quatre ans, ce coiffeur palestinien, domicilié à Ramallah, se bat sans relâche pour que l'auteur du tir mortel soit puni par la justice. Plusieurs semaines après la mort de son fils, il avait accepté de faire exhumer le corps afin qu'il puisse être autopsié à l'institut médico-légal d'Abou Dis. «Il s'agit d'un geste contraire à nos traditions, que la plupart des familles refuseraient par principe», avait alors expliqué M. Nuwara. La famille de Mohammed Mahmoud Odeh, un autre adolescent tué le même jour au même endroit, avait d'ailleurs refusé cette procédure - si bien que la justice israélienne ne s'est pas penchée sur son cas.
Des preuves accablantes
Malgré les images accablantes enregistrées par la vidéosurveillance ainsi que par une équipe de CNN présente sur les lieux, les autorités israéliennes rejetèrent d'abord toute implication dans la mort du jeune homme. Le porte-parole militaire, confronté à ces vidéos, crut pouvoir mettre en doute leur authenticité. Mais la découverte d'une balle dans le sac-à-dos de Nadeem Nuwara, ainsi que les analyses médico-légales démontrant que le projectile était à l'origine de sa mort, fragilisèrent cette ligne de défense. Ben Deri, un policier aux frontières âgé de 21 ans à la date du tir, fut alors arrêté et inculpé pour «homicide involontaire». Selon l'accusation, c'est de façon involontaire qu'il a remplacé son chargeur rempli de projectiles en caoutchouc par un autre, recouvert de ruban adhésif rouge et contenant des balles réelles.
«Mon fils a été tué de sang-froid»
Ce jour-là, Nadeem Nuwara et plusieurs dizaines d'autres jeunes Palestiniens participaient à un rassemblement commémorant la «Nakba», cette «catastrophe» que constitua la fuite et l'expulsion de 700.000 Palestiniens en 1948. Ils s'étaient regroupés à proximité du checkpoint de Beitunia et avaient jeté des pierres en direction des forces de l'ordre. Au moment du tir, cependant, l'adolescent marchait d'un pas tranquille et les mains apparemment vides, à environ une cinquantaine de mètres du policier qui ouvrit le feu dans sa direction.
Ben Deri, qui avait tout d'abord clamé son innocence, a fini par accepté un accord de plaider coupable avec l'accusation. Le tribunal, évoquant un acte «grave», a estimé que «le degré de négligence était significatif et méritait une peine de prison». Le père de la victime, interrogé mercredi par le journal Haaretz, a dénoncé «une sentence ridicule». «Dès que le plaider coupable a été signé, nous savions que l'affaire prenait cette direction», a ajouté Siyam Nuwara, avant de conclure: «Mon fils a été tué de sang-froid. Nous avions accepté de faire une autopsie - ce qui était pour nous comme le tuer une seconde fois, mais tout ceci n'a pas suffi à convaincre la Cour».
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