Macron : «Je travaille avec Donald Trump car nous sommes au service de
nos pays» (20.04.2018)
«No-go zones» : Anne Hidalgo porte plainte contre Fox News (20.01.2015)
Général Soubelet : «Il faut agir et reprendre l'initiative sur notre
propre sol» (20.04.2018)
L'idéologie droit-de-l'hommiste, un obstacle à la lutte contre le
terrorisme ? (29.03.2018)
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les agents secrets (20.04.2018)
L'Inquisition médiévale, au-delà de la légende noire (19.04.2018)
Allemagne : plongée au cœur de l'étrange festival néonazi d'Ostritz
(20.04.2018)
Immigration en Europe : le cri d'alarme de Douglas Murray, le Zemmour
britannique (20.04.2018)
Douglas Murray : «Le rejet de l'immigration a été la raison principale du
Brexit» (22.06.2017)
Nicolas Baverez : «Au Royaume-Uni, les ravages du populisme» (11.06.2017)
Pierre Rehov : un autre regard sur Gaza (20.04.2018)
«Syrie : de la guerre civile à la guerre régionale ?»
(19.04.2018)
Un imam salafiste expulsé vers l'Algérie (20.04.2018)
Cambriolages : les «voleurs dans la loi» géorgiens sévissent en France (20.04.2018)
Israël bloque le transfert des Palestiniens blessés à Gaza (20.04.2018)
Daniel Kretinsky : «J'ai un grand respect pour Elle et Marianne»
(20.04.2018)
Hubert Reeves: «Je pense qu'il y a beaucoup d'autres civilisations dans
l'Univers» (20.04.2018)
Natacha Polony : «La vraie révolution sera paysanne» (20.04.2018)
Macron : «Je travaille avec Donald Trump car nous sommes au
service de nos pays» (20.04.2018)
- Par Arthur Berdah
- Mis à jour le 21/04/2018 à 09:48
- Publié le 20/04/2018 à 11:45
LE SCAN POLITIQUE - Le chef de
l'État a accordé vendredi un entretien à la chaîne américaine conservatrice Fox
News. La séquence, diffusée dimanche, doit lancer sa visite d'État aux
États-Unis, où il s'envolera lundi soir.
Il veut continuer de casser les
codes. À quelques jours de sa vite d'État outre-Atlantique, Emmanuel Macron a
accordé une interview à la chaîne conservatrice Fox News. L'entretien, qui a
été enregistré ce vendredi à l'Élysée, sera diffusé dimanche sur les
télévisions américaines. «Il y a une volonté de s'adresser à tous les capteurs
de la société américaine. En l'occurrence ce sera principalement l'électorat de
Donald Trump», décrypte un conseiller auprès du Figaro.
Dans cette interview dont des
extraits ont déjà été publiés, Emmanuel Macron confie «ne jamais se demander»
si le président Trump achèvera son mandat. «Je travaille avec lui car nous
sommes tous les deux au service de nos pays», justifie, en anglais, le chef de
l'Etat français.
Au cours de cet entretien, Macron
refuse de commenter certaines controverses entourant Trump, notamment l'enquête
sur l'ingérence russe dans l'élection de 2016 qui pèse sur la présidence du
milliardaire. «Ce n'est pas à moi de juger ou, d'une certaine façon,
d'expliquer à votre peuple ce que devrait être votre président», affirme
Macron.
«Une première interview avait
été accordée en septembre dernier à CNN International, en marge
de l'Assemblée générale de l'ONU, et une autre à CBS en décembre, en marge du
One Planet Summit. Il faut un peu de rotation», indique l'entourage de Macron,
sans ignorer que le choix de cette chaîne controversée pourrait faire couler
beaucoup d'encre... Surtout depuis l'épisode des «no-go zones», qui avait poussé Anne Hidalgo à
porter plainte.
Ce qu'attend Macron de sa
visite aux États-Unis
Le président français entame ce
lundi une visite d'État de trois jours. Une première pour un dirigeant étranger
sous l'ère Trump. Isabelle Lasserre, spécialiste Diplomatie au Figaro, détaille
les priorités de Paris pour cette visite.
Macron va s'exprimer en
anglais devant le Congrès
Emmanuel Macron, qui doit
s'envoler lundi soir, va passer trois jours aux États-Unis. Il sera le premier
président à effectuer une visite d'État outre-Atlantique depuis l'élection de
Donald Trump. Accompagné de son épouse, la première dame Brigitte Macron, le
chef de l'État devrait offrir à son homologue américain un jeune plant de chêne
symbolisant la force des relations entre les deux pays, selon Fox News.
Le chef de l'État français
entamera son voyage par un dîner privé avec le couple présidentiel américain à
Mount Vernon, la demeure historique de George Washington.
Mardi matin, le locataire de
l'Élysée s'entretiendra à la Maison-Blanche avec son homologue, avant de se
rendre au département d'État pour un déjeuner avec le vice-président Mike
Pence. Là, il assistera à une cérémonie militaire au cimetière d'Arlington,
avant un dîner d'État à la Maison-Blanche. Mercredi, enfin, il s'exprimera en anglais devant le Congrès, pendant une
trentaine de minutes, pour y évoquer les «valeurs» et la démocratie. L'après-midi,
il discutera avec des étudiants à l'Université George Washington, puis il
repartira à Paris où se tient le jeudi une conférence internationale contre le
financement du terrorisme.
«No-go zones» : Anne Hidalgo porte plainte contre Fox News
(20.01.2015)
- Mis à jour le 20/01/2015 à 19:06
- Publié le 20/01/2015 à 18:55
LE SCAN POLITIQUE - La mairie
de Paris va poursuivre en justice la chaîne de télévision américaine, qui a
décrit certains quartiers de la capitale comme interdits aux non-musulmans.
Les excuses de Fox News n'auront rien changé. Anne Hidalgo a
annoncé mardi à CNN son intention de porter plainte contre la chaîne
de télévision américaine. «Quand vous êtes insulté, quand vous avez une image
et bien vous avez à aller devant la justice pour faire corriger ces mots.
L'image et l'honneur de Paris ont connu un préjudice», a-t-elle expliqué. À
l'occasion des attentats qui ont frappé la France, Fox News a en effet décrit
certains quartiers
de Paris comme des «no-go zones» (ou zones de non-droit) interdites aux
non-musulmans, et où al-Qaida s'affiche sur les T-shirts des passants.
Une fable qui a provoqué un tollé
chez les internautes français, poussant
la chaîne à s'excuser timidement, assurant tout de même que les quartiers
incriminés, dans le nord et l'est parisien, sont exposés à une très forte
délinquance. «C'est tout aussi inexact. Tous ces propos sont erronés. Il y a un
fort préjudice pour les Parisiens», estime l'entourage de la maire PS de Paris,
contacté par Le Scan. «Je ne peux pas accepter que l'on parle comme
ça de ma ville. C'est la bêtise qui s'exprime», avait déjà réagi un peu plus
tôt Anne Hidalgo auprès de RTL.
La mairie ne sait pas encore si
la plainte sera déposée dans une juridiction française, américaine, «ou dans
les deux».
«La réalité est loin des
caricatures»
En attendant, Anne Hidalgo s'est
amusée à faire visiter le XIXe arrondissement de la capitale, décrit comme une
«no-go zone», à son homologue new-yorkais, Bill de
Blasio. L'Américain, qui était mardi à Paris pour rendre hommage aux victimes des attentats, a rencontré
des acteurs associatifs et des éducateurs du quartier.
Interrogé par RTL, le maire de
New-York a pris ses distances avec Fox News : «Nous sommes
nombreux aux États-Unis à connaître les inexactitudes de cette chaîne de
télévision. Il n'est pas juste de dire qu'une partie de Paris est une zone de
non-droit. La réalité est très loin des caricatures».
La rédaction vous conseille
- VIDEO
- Attentats: hommage du maire de New York devant Charlie Hebdo
- «No-go
zones»: Fox News présente ses excuses aux Français
Général Soubelet : «Il faut agir et reprendre l'initiative
sur notre propre sol» (20.04.2018)
- Par Bertrand Soubelet
- Publié le 20/04/2018 à 19:23
FIGAROVOX/TRIBUNE - Bertrand
Soubelet appelle à un sursaut national dans la lutte contre le terrorisme
intérieur. Selon lui, la restauration de l'ordre républicain et de la sécurité
doit passer par des moyens adaptés à l'ampleur de l'urgence.
Général de corps d'armée,
ex-numéro trois de la gendarmerie nationale, Bertrand Soubelet est l'auteur deTout
ce qu'il ne faut pas dire (Plon), ouvrage sans concessions sur la situation
de la France, et Sans autorité, quelle liberté? (éd. de
l'Observatoire).
Les séquences se suivent et ne se
ressemblent pas. Après le drame de Trèbes vient l'engagement discutable de la
France en Syrie. La France agit avec célérité à l'extérieur, mais quid de
l'intérieur?
Le comportement héroïque du
colonel Beltrame a indéniablement sonné le glas du déni et de l'indifférence.
Pour ceux qui veulent bien ouvrir
les yeux il a mis en évidence nos propres contradictions et les insuffisances
de la réponse de l'État aux menaces de dislocation de la société française.
Nous avons franchi un palier.
Dont acte. Et maintenant? Irons-nous plus loin dans la résolution de nos
difficultés intérieures qui sont prioritaires pour la majorité des Français?
Il faut agir, non pas de manière
désordonnée et animés par un sentiment issu d'une vision médiatique déformante,
mais avec méthode et il est temps que le gouvernement indique la sienne et la
mette en œuvre.
J'ai lutté toute ma vie contre la
criminalité dont le terrorisme est une forme paroxystique. Cette expérience
permet d'avoir une vision assez claire des enjeux, des processus et des erreurs
à ne pas commettre.
La plus grave serait de basculer
dans la haine de l'Autre vers laquelle certains responsables politiques nous
amènent insidieusement. Elle se ressent déjà tous les jours avec des réactions
dans la rue, dans les magasins et sur les réseaux sociaux. Une haine aveugle,
irrationnelle qui ignore le discernement et qui s'exprime de plus en plus
ouvertement.
Or, pour que le combat soit
efficace et victorieux il est nécessaire de garder sa lucidité. Lucidité ne
veut pas dire faiblesse, déni ou naïveté mais plutôt détermination et courage.
Il faut agir et reprendre
l'initiative.
Cela ne veut pas dire que nous
devons tout attendre de l'État. Nous sommes en «guerre» et chacun doit se
mobiliser.
La première bataille à mener est
celle des esprits. Elle se résume en trois phrases:
- Une lutte contre nous-même afin
de sortir définitivement d'une certaine torpeur fataliste ;
- Un combat contre l'indifférence
choisie au nom de la tranquillité et du confort personnel ;
- Une offensive contre la
résignation, le laisser-faire et la bien-pensance, qui gouvernent la France.
La gravité de la situation
intérieure doit inciter chaque Français à réagir individuellement au quotidien
face à l'inacceptable. Ne détournons pas les yeux quand une agression ou un
événement se produit. Réagissons de manière citoyenne. Résistons. Sans haine
mais avec détermination.
Il ne s'agit pas d'exposer sa vie
au quotidien mais tout simplement de réagir ne serait-ce que par la parole.
Nous devons gagner cette bataille
des esprits.
Mais il faut également que l'État
tienne toute sa place et mène sans relâche le combat contre toutes les formes
de délinquance. Car le terrorisme islamiste est indissociable de la
délinquance.
Les moyens à employer sont des
moyens militaires.
C'est la guerre contre toutes les
formes d'atteintes à l'autorité de l'État et le rétablissement de l'ordre
républicain sur tout le territoire sans exception.
La lutte contre l'islamisme
radical est une partie importante de ce combat global.
Le gouvernement a le devoir de se
doter des moyens de l'action pour conduire cette guerre. La police de sécurité
du quotidien n'y suffira pas.
L'objectif est de sécuriser notre
territoire et de mettre fin à des situations et des organisations qui,
s'appuyant sur des trafics favorisent parfois l'émergence du terrorisme.
Ce sont donc des termes
militaires qu'il faut employer.
Il s'agit de neutraliser l'ennemi
et pour parvenir à ce résultat concevoir une manœuvre d'ensemble fondée sur la
connaissance du terrain et le renseignement dans la profondeur.
Dès lors avec une concentration
des moyens il faudra traiter successivement un certain nombre de zones et
d'objectifs en fonction des priorités.
Pour mettre cela en œuvre un
travail préparatoire sera nécessaire. Il permettra de définir la méthode, le
tempo et les conditions juridiques de l'action.
Avant tout, donnons-nous les
moyens juridiques d'agir.
Nous sommes sortis, à juste
titre, de l'état d'urgence puisque les dispositions de droit commun ont évolué.
Mais pas suffisamment pour donner tous les moyens, sur un territoire donné, de
traiter les questions de sécurité nationale dans des délais raccourcis. Or ni
l'état d'urgence ni l'état de siège ne correspondent juridiquement et
politiquement à la situation que notre pays connaît.
Il est capital de faire coïncider
nos règles juridiques à l'état de notre société sans se faire intoxiquer en
permanence par des lobbies droits-de-l'hommistes et des juristes déconnectés de
la vraie vie qui veulent nous imposer des normes contraires aux intérêts du
peuple français.
Guillaume Bigot, dans
sa tribune dans Figarovox le 29 mars dernier, a fait le point sur cette
question.
Il est donc nécessaire
d'instituer un nouveau régime juridique particulier, limité dans l'espace et
dans le temps, pour permettre le déploiement et la mise en œuvre de moyens
adéquats. Placées sous l'autorité directe du gouvernement avec la prééminence
d'un chef opérationnel désigné, des forces seraient déployées sur le territoire
considéré et bénéficieraient notamment d'une équipe de magistrats pour
renforcer temporairement la juridiction du lieu.
Il s'agirait d'un «état de
contrôle renforcé» qui pourrait être déclenché dans des situations de deux
natures différentes. Dans les zones urbaines connaissant des difficultés de
sécurité publique et dans d'autres zones du type ZAD dans lesquelles l'ordre
public ne peut plus être assuré dans des conditions normales.
Notre-Dame-des-Landes en est la parfaite illustration.
Dès le fondement juridique
institué il appartiendra au gouvernement de déployer temporairement des moyens
sur certaines zones déclarées par décret en «état de contrôle renforcé» afin de
les traiter en profondeur en concertation avec les élus et les autorités
locales.
Cette force modulable d'environ
800 à 1000 personnes serait composée de gendarmes, de policiers, de militaires,
de magistrats, d'éducateurs, de psychologues notamment.
Il faut appliquer une peine
extrêmement lourde pour des individus agissant ou se réclamant d'une puissance
ou d'une organisation étrangère à caractère terroriste.
Une telle volonté de traiter le
mal en profondeur n'est pas une option ; c'est une nécessité pour notre pays.
C'est avec pragmatisme et une méthode rigoureuse que nous éviterons le pire qui
se prépare dans certaines parties de notre territoire. Reculer l'échéance
augmentera très significativement les violences potentielles à venir.
Une deuxième mesure serait
efficace pour traiter spécifiquement les islamistes radicaux en mettant fin aux
querelles juridiques: c'est la transposition dans le titre 2 du chapitre IV des
dispositions de l'article 411-4 du Code pénal. Avec une nécessaire adaptation,
cela permettrait d'appliquer une peine extrêmement lourde de 20 ou 30 ans de
réclusion pour des individus agissant ou se réclamant d'une puissance ou d'une
organisation étrangère à caractère terroriste dans le cadre de la préparation
ou de l'exécution d'une action criminelle. C'est l'intelligence avec l'ennemi
dans un cadre terroriste.
Il serait également de bonne
politique d'introduire dans la notion d'apologie du terrorisme un délit
punissant la détention et l'action de brandir publiquement des drapeaux et
emblèmes représentant des organisations terroristes.
Ces propositions relèvent du bon
sens et du pragmatisme. Il ne fait aucun doute que s'élèveront des voix pour
dire que cela n'est pas possible ou pas opportun. Ce sont les voix de ceux qui
nous ont menés dans la situation actuelle.
Or personne ne se soucie des
millions de Français qui vivent dans des parties du territoire où la loi
républicaine ne s'applique plus depuis bien longtemps. Eux ont compris,
puisqu'ils supportent au quotidien une forme larvée de totalitarisme. Eux sont
déjà en résistance et contemplent, atterrés, la dégradation de la situation et
l'impuissance de l'État.
C'est leur voix et celle de tous
les Français qui ont décidé de résister que le gouvernement doit entendre.
La rédaction vous conseille
- Du
11 septembre 2001 à Barcelone: retour sur 15 ans de djihadisme
- Attentat
de Berlin: décryptage d'un incroyable fiasco sécuritaire et politique
européen
- Renaud
Girard: après Daech, comment sauver le Moyen-Orient?
- Délinquance:
le cri d'alarme d'un grand patron de la gendarmerie
L'idéologie droit-de-l'hommiste, un obstacle à la lutte
contre le terrorisme ? (29.03.2018)
- Publié le 29/03/2018 à 18:38
FIGAROVOX/ENTRETIEN -
Guillaume Bigot juge que la lutte contre le terrorisme est ralentie, sur le
plan judiciaire, par le»droit-de-l'hommisme» des juridictions supra-nationales
ainsi que de certains magistrats.
Membre des Orwelliens,
chroniqueur sur France Libre TV et sur BFMbusiness, Guillaume Bigot est
essayiste. Il a notamment coécrit avec Stéphane Berthomet Le Jour où
la France Tremblera, Terrorisme islamique: les vrais risques pour
l'Heaxgone (Ramsay, 2006).
FIGAROVOX.- Après les
attentats de Carcassonne et de Trèbes, l'islamisme armé est de retour. Comment
analysez-vous la réaction des autorités?
Guillaume BIGOT.- Une
réaction pavlovienne de la classe politique et des pseudo-experts consiste à
s'indigner de ce que les djihadistes qui passent à l'acte sont déjà connus. Une
telle indignation relève d'un pur contre-sens.
Si les auteurs d'attaques sont
fichés, c'est que le renseignement est efficace et non l'inverse. Le système de
remontée et de classement d'informations est déjà perfectionné: on classe les
individus de 1 à 16, en fonction de leur dangerosité, les proches peuvent être
fichés et on fait tout pour éviter l'engorgement de la base. Ce système ne
cesse de s'améliorer. Ainsi lorsque Yassin Sahli, par exemple, l'islamiste qui
avait égorgé son patron à Saint-Quentin-Fallavier, dans la banlieue de Lyon,
était sorti des fiches S (il avait été fiché une première fois en 2006), un nouveau
fichier dit FSPRT (Fichier de signalement pour la prévention de la
radicalisation à caractère terroriste) a été créé afin d'y verser les noms
retirés du fichier principal. Nous gardons une avance indispensable sur
l'ennemi. Contrairement à certaines allégations, les forces de l'ordre sont
très bien renseignées de l'intérieur par nos compatriotes musulmans, fort
heureusement d'ailleurs.
Si les auteurs d'attaques sont
fichés, c'est que le renseignement est efficace.
Ce formidable travail de l'ombre
réalisé par des informateurs de confession musulmane, par des fonctionnaires
infiltrés et par les services permet d'éviter l'essentiel des actes qui, sans
cela, ensanglanteraient la France. Chaque année, depuis 2015, ce sont entre 15
et 20 tentatives d'attentats qui sont en moyenne déjouées. Certaines de ces
attaques auraient été dévastatrices.
Donc, les attentats qui
surviennent doivent être considérés comme inévitables? Si l'on vous suit, tout
ce qui peut l'être serait donc entrepris pour protéger nos compatriotes?
Loin s'en faut. Mais en
critiquant le renseignement on se trompe de cible.
Par ailleurs, on a beau
redécouvrir la menace à chaque attentat, il faudra bien un jour admettre
qu'éradiquer le djihadisme en France sera l'affaire d'une guerre de trente ans.
L'islamisme est enraciné, avec un risque de séparatisme à la clé comme nous
l'écrivions dès 2005, avec Stéphane Berthomet. Le risque zéro relève donc de
l'illusion. Le reconnaître ne revient cependant pas à dire que l'on se protège
aussi efficacement qu'on le devrait.
Les services travaillent aussi
bien qu'ils le peuvent, mais nous sommes confrontés à trois obstacles.
Le premier est de taille si j'ose
dire: le phénomène revêt des proportions telles qu'il ne peut plus être
appréhendé à l'aune des moyens actuellement mis en œuvre.
20 000 islamistes radicalisés
dans le fichier «S» dont 7 000 très dangereux... pour moins de 8 000
fonctionnaires chargés de circonscrire la menace qu'ils représentent (4 300 de
la DGSI, 2 500 fonctionnaires du Service central du renseignement territorial,
plus des enquêteurs de la SDAT et des gendarmes de la sous-direction de
l'anticipation opérationnelle).
Surveiller une seule cible,
24h/24, même en ayant intensément recours à l'intelligence artificielle,
mobilise toute une équipe agents. Il faut donc recruter et former.
Le second obstacle qui nous
empêche de lutter plus efficacement contre le terrorisme islamique, ce sont les
magistrats eux-mêmes qui le dressent. À côté de juges d'élite telles que
Jean-Louis Bruguière, Gilbert Thiel ou Marc Trévidic et d'autres encore moins
médiatisés mais tout aussi remarquables, certains magistrats restent très
imprégnés de ce que Jean-Pierre Le Goff appelle le gauchisme culturel. La
magistrature a souvent les yeux de Chimène pour les caïds des cités qui forment
la base du recrutement des futurs terroristes. Pourquoi? Un substrat de
préjugés se mêle et explique cette coupable indulgence: culture de l'excuse,
culte de la repentance néocoloniale, admiration pour un islamisme
anticapitaliste. On n'est parfois pas très loin de la France rance et vichyste
des porteurs de valise de Ramadan qui font semblant de ne pas entendre les
délinquants de banlieues aduler Radouane Lakdim.
Le troisième obstacle est donc
idéologique. Ce qui paralyse les dirigeants français, c'est ce qu'il est
convenu d'appeler le droit de l'hommisme. Ce dernier n'a rien à voir avec la
défense concrète des droits de l'homme, ni même avec un attachement sincère aux
valeurs qui forment le socle de notre pacte social. Le droit-de-l'hommisme est
un culte des formes juridiques, sacralisées et placées au-dessus de la
souveraineté populaire. L'apologie des droits de l'individu considérés comme
l'alpha et l'oméga des valeurs morales cadenasse juridiquement la volonté de la
majorité et fait le jeu de nos ennemis qui s'abritent derrière des procédures.
Les dirigeants sont paralysés
par le «droit-de-l'hommisme».
En quoi ce que vous appelez le
droit-de-l'hommisme empêche-t-il de lutter contre l'islamisme radical?
L'expulsion des étrangers fichés
S, l'éloignement des Français radicalisés ou le rétablissement des frontières
forment trois mesures-clé qui feraient reculer l'ennemi. Mais en l'état actuel
du droit, qui inclut les traités et l'interprétation du bloc de
constitutionnalité par le Conseil d'État, par le Conseil Constitutionnel, par
la Cour de Cassation et par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, de telles
mesures sont inenvisageables. On serait tenté de répondre: mais alors que l'on
change le droit! À ce stade, les choses se corsent car notre système juridique
installe ces juridictions suprêmes et ces traités au-dessus de la loi,
c'est-à-dire de l'expression de la volonté générale. Il faudrait agir par
référendum pour défaire ce que le peuple a fait sous la forme de traités
ratifiés ou d'articles de la constitution autorisant des recours devant la Cour
constitutionnelle par exemple.
La main de l'État est donc
paralysée par deux facteurs: un facteur dur, juridique, la règle de droit
(expulser un étranger, c'est s'exposer à un recours que l'on anticipe comme
perdu d'avance) et un facteur mou, symbolique et culturel (les résidus de
l'idéologie soixante-huitarde qui placent l'État de droit au-dessus de la
démocratie). L'anticipation de la règle de droit et cette mentalité qui
considère comme sacrilège de vouloir la changer se combinent pour forger cet
état d'esprit capitulard face à l'islamisme. Nous sommes face à des gouvernants
qui croient faire leur devoir en résistant au populisme, c'est-à-dire à la
demande d'une majorité de l'opinion qui attend des mesures énergiques pour
neutraliser les apôtres de la guerre sainte.
Le gouvernement se trompe dans
sa communication à l'égard des attentats?
La communication officielle verse
dans le contre-sens absolu et fait le jeu de l'ennemi. Cette communication se
décline suivant trois axes: premièrement, chercher à édulcorer les actes (mais
à l'ère des réseaux sociaux, les informations finissent par sortir et c'est
alors l'empire de la théorie du complot). On a vu ce mécanisme à l'œuvre: ce
fut le cas avec certaines attaques à la voiture bélier ou avec l'égorgement du
colonel Beltrame.
Le deuxième axe de communication
consiste à dédouaner préventivement l'Islam. C'est le grand mantra du
«pasdamalgame». Il s'agit de parler à la place des musulmans pour les désolidariser
à leur place d'avec l'islamisme. Nos compatriotes musulmans n'en demandent pas
tant! Et puis un tel empressement à affirmer que les attentats islamistes n'ont
rien à voir avec la religion mahométane est un peu louche. Les Français savent
faire la différence entre leurs compatriotes d'origine musulmane qui veulent
qu'on leur fiche la paix avec cette religion qu'ils ne pratiquent ni ne
revendiquent, des concitoyens qui ont une pratique paisible de leur culte
compatible avec les valeurs de la République. L'opinion ne confond pas ces deux
catégories avec des islamistes provocateurs et vindicatifs qui placent la
charia au-dessus des lois françaises ni avec les djihadistes assassins. Mais
les Français, y compris de confession musulmane, sont exaspérés par ce qu'ils
considèrent comme une manifestation de malaise de la part des autorités.
Le troisième axe de
communication, c'est de viser l'effet compassionnel. C'est la séquence
«émotion». Les officiels se rendent sur place. On sort alors les bougies, on observe
une minute de silence et on verse une larme.
Or, ces trois réflexes sont
totalement inappropriés.
Le gouvernement devrait
convoquer des caméras et mettre en scène l'expulsion de 300 imams salafistes.
L'Islam, pas seulement le
djihadisme mais toute la culture arabo-musulmane, est traversé par un culte de
la virilité et de l'esprit chevaleresque. Montrer sa force, c'est gagner le
respect. Passer pour une victime, c'est attiser la haine et le mépris.
La fameuse taqîya, l'art de la
dissimulation tactique prôné par le Coran consiste à tenir compte du rapport de
forces pour s'adapter à un environnement non musulman. En nous montrant
intraitables sur le respect de la laïcité, nous n'allons nullement encourager
la révolte ou nourrir le sentiment d'injustice. Au contraire: nous obtiendrons
que l'Islam s'adapte à la France et non l'inverse.
Ainsi, le gouvernement devrait,
au contraire, convoquer des caméras et mettre en scène l'expulsion de 300 imams
salafistes. Il aura alors gagné sur tous les tableaux: sa cote de popularité
bondira, les gamins qui hurlent de joie après des attentats ou certains
sympathisants du djihad rentreront la tête dans leurs épaules.
La rédaction vous conseille
- Alexandre
del Valle: «L'islamiquement correct fait le jeu des terroristes»
- Procès
Merah ou la désintégration française
- La
Cnil dans l'inextricable jungle des fichiers antiterroristes
- Thibault
de Montbrial: «Il existe un deuxième cercle au-delà des 3000 combattants
du djihad»
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les agents
secrets (20.04.2018)
- Publié le 20/04/2018 à 19:36
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN -
Hugues Moutouh est un fin connaisseur du milieu du renseignement et de la
sécurité extérieure. Dans son Dictionnaire du renseignement, il
livre un regard clair et lucide sur le vrai quotidien de James Bond, apportant
un éclairage nouveau sur de nombreux enjeux sécuritaires actuels.
Hugues Moutouh est préfet et
ancien conseiller à la présidence de la République et auprès du ministre de
l'Intérieur, spécialiste des questions de sécurité. Il vient de diriger avec
Jérôme Poirot la publication du Dictionnaire
du renseignement (Perrin, 2018).
FIGAROVOX.- Le métier d'agent
secret fascine le grand public depuis toujours. Mais la réalité est-elle aussi
spectaculaire que dans James Bond?
Hugues MOUTOUH.- Clairement
non! L'univers de Ian Fleming, revu par des réalisateurs de talent, nous
enchante, mais c'est une pure fiction. Le métier d'agent secret est en réalité
beaucoup moins romantique et exotique que dans les romans ou films
d'espionnage. Je dirai qu'il y a plus de réflexion et d'expertise que de
cascades! Depuis quelques années, la dimension technologique est devenue
prégnante, comme on s'en est aperçu avec les révélations de l'affaire Snowden.
Cela étant, la collecte de renseignements continue toujours de se faire sur le
terrain par des agents qui prennent souvent des risques importants.
Se rapproche-t-elle davantage
de la série de Canal +,Le bureau des légendes, avec Mathieu Kassovitz,
inspirée par la DGSE?
Personnellement, Le Bureau des
légendes est, avec Homeland, la série d'espionnage que je préfère !
La série créée par Éric Rochant
est une excellente fiction et le succès qu'elle a rencontré depuis sa première
sortie, en 2015, est largement mérité. Sans aucun doute elle se rapproche de la
réalité, même si elle a tendance à forcer certains traits et condenser sur
quelques journées des événements exceptionnels qui s'étendent sur de nombreuses
années, voire des vies entières d'agent de renseignement. Comme son titre
l'indique, elle met l'accent sur la vie particulière d'agents infiltrés à
l'étranger, chargés de collecter des renseignements sensibles. L'intérêt de
cette série est de faire découvrir à nos concitoyens que notre pays possède
aussi, à l'instar des États-Unis ou du Royaume-uni, un service de renseignement
extérieur qui compte sur la scène internationale et qui est à même de protéger
nos intérêts. Personnellement, Le Bureau des légendes est,
avec Homeland, la série d'espionnage que je préfère!
Ce dictionnaire est-il, en
quelque sorte, une entreprise de démystification? En quoi le métier d'espion
consiste-t-il réellement aujourd'hui?
L'idée de ce Dictionnaire répondait
à une lacune: l'inexistence en France d'un grand ouvrage de référence sur le
renseignement. Le lecteur français avait à sa disposition des essais, des
témoignages vécus plus ou moins romancés, mais pas de livre exhaustif sérieux.
Avec Jérôme Poirot, qui a co-dirigé avec moi cet important ouvrage de 829
pages, nous voulions réunir une équipe de professionnels du sujet et offrir à
nos lecteurs une «vue de l'intérieur»: le renseignement par les hommes du
renseignement, en quelque sorte. On trouve des entrées très diverses, certaines
légères et distrayantes, faisant la part belle aux grandes affaires de
l'espionnage mondial, d'autres beaucoup plus techniques, s'adressant à un
public déjà averti.
Le monde de l'espionnage
a-t-il été profondément bouleversé par la chute du mur de Berlin et la fin de
la guerre froide?
La grande époque de l'espionnage
et du contre-espionnage est effectivement celle de la guerre froide ou
«couverte» (par opposition à celle de «guerre ouverte»), pour reprendre une
expression du Cardinal de Richelieu. Toutes les grandes affaires, les plus
retentissantes et médiatisées du moins, prennent place dans ce contexte
d'affrontement idéologique sans concession entre l'Est et l'Ouest. La plus
incroyable, à mon avis, est celle dite des Cinq de Cambridge. Des années 30 aux
années 60, cinq membres de l'élite britannique, dont le célèbre Kim Philby,
travaillèrent pour le compte de Moscou tout en occupant des fonctions
stratégiques dans la diplomatie britannique et les services de Sa Majesté! Il y
a également les incroyables tentatives d'assassinat répétées de Fidel Castro
par la CIA, par des procédés aussi loufoques qu'inefficaces (cigares explosifs,
poison, etc.). Derrière ces anecdotes qui nous font sourire, il faut se
souvenir que cette guerre froide n'avait rien d'une «drôle de guerre». Elle a
fait de nombreuses victimes. Depuis la chute du mur, la donne a changé». On
pourrait croire que les pays s'espionnent moins, parce qu'on n'en entend pas
parler. C'est bien évidemment faux. Les services du monde entier continuent de
se surveiller les uns les autres. On se renseigne sur l'action des
gouvernements alliés ou ennemis, on cherche à anticiper leurs décisions quand
elles sont de nature à affecter les intérêts nationaux, on suit pas à pas les
nouveautés technologiques produites ailleurs, etc. Les révélations de l'affaire
Snowden montrent même qu'il faut parfois savoir se protéger de ses alliés! La
maxime de De Gaulle, empruntée à Lord Palmerston, est plus que jamais
d'actualité: les États n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts.
On pourrait croire que les
pays s'espionnent moins, parce qu'on n'en entend pas parler. C'est bien
évidemment faux.
Depuis le 11 septembre,
diriez-vous que la menace prioritaire pour les États est la menace du
terrorisme islamiste?
Il est sûr que depuis le 11
septembre, la menace prioritaire est le terrorisme international. L'activité la
plus importante et budgétivore des services intérieur comme extérieur n'est
plus le contre-espionnage, mais le contre-terrorisme. L'islamisme constitue
pour nos démocraties occidentales l'ennemi absolu. Or, au-delà des actions
militaires sur les théâtres extérieurs (comme au Mali par exemple), la lutte
contre le terrorisme se déroule dans l'ombre: il faut anticiper et connaître
les intentions de ceux qui comptent passer à l'acte et nous frapper. Le
problème est de plus en plus complexe avec l'apparition de ce que j'ai nommé
dans les pages de votre journal l'Uber-terrorisme: ce terrorisme low-cost qui
est le fait de n'importe qui ou presque. Le suivi des filières djihadistes
professionnelles était beaucoup plus simple à assurer que ce terrorisme de
nature endogène que nous connaissons aujourd'hui.
Comment expliquez-vous que
beaucoup de fichés S échappent aux services de renseignements et passent à
l'acte? S'agit-il d'un manque de moyens humains? Faut-il davantage blâmer la
justice et l'administration que les services de renseignements?
90 % des terroristes qui sont
passés à l'action ces dernières années étaient déjà connus des services. Cela
démontre, contrairement à ce que l'on entend trop souvent, que nous n'avions
pas de problème de détection en France. Les signaux faibles sont déjà bien pris
en compte. Cela ne suffit manifestement pas. Pour résumer, je dirais que le
problème est double. Il y a d'une part un problème quasi philosophique: quels
sacrifices est-on prêt à faire en termes de liberté, pour assurer notre
sécurité collective? Si on décide de donner, pour un moment du moins, la
priorité à la sécurité sur la liberté, on ne doit pas hésiter à durcir notre
droit, par exemple en assumant de prendre des mesures attentatoires à la vie
privée et à la liberté individuelle des personnes que l'on soupçonne de
constituer un danger sérieux. C'est dans ce cadre-là que l'on débat de
l'opportunité ou non d'interner administrativement pendant une certaine durée
les personnes à la dangerosité avérée, mais qui ne sont pas encore passées à
l'action violente. Sur de simples soupçons, peut-on attenter à la liberté
d'aller et venir d'un individu? Le débat est compliqué. Je rappelle seulement
que les pères fondateurs de la République ont eu beaucoup moins de scrupules
que nous pour endiguer la menace du terrorisme anarchiste à la fin du XIXe siècle.
Je pense, pour ma part, que des solutions raisonnables existent, à l'instar de
celles qui sont prévues pour les hospitalisations contraintes. Notre démocratie
n'est pas condamnée à être éternellement faible.
Ne laissons pas en héritage à
nos enfants un contexte de quasi-guerre civile.
Le deuxième problème général que
j'entrevois est celui des mesures plus générales à prendre pour éviter d'avoir
à gérer pendant les cinquante prochaines années la même situation. Si nous
voulons éviter à la prochaine génération d'avoir à se battre pour sa sécurité,
prenons les devants! Ne laissons pas en héritage à nos enfants un contexte de
quasi-guerre civile. Ce n'est procéder à aucun amalgame idéologique douteux que
d'affirmer que le terrorisme actuel trouve sa source dans la délinquance et le
sentiment de frustration ou de désespérance de jeunes issus de l'immigration.
Le terrorisme sonne le glas de notre modèle d'intégration. On ne le dit pas
assez. Pourquoi ces jeunes nous haïssent-ils autant? Pourquoi rejettent-ils l'Occident
qui les accueille? Pourquoi ont-ils le nihilisme comme projet? Ces questions
doivent trouver des réponses. Il faut laisser les penseurs penser et les hommes
politiques agir! À court terme, la première réponse est de revenir à une
politique de bon sens concernant l'immigration. Partons de l'idée simple que la
France a besoin de peu d'immigrés, bien formés et en mesure de s'intégrer
culturellement. Gérer le flux devient une urgente nécessité puisqu'il est déjà
trop tard pour s'occuper du stock.
Mis à part le terrorisme,
quelles sont les autres menaces?
En dehors de la lutte contre le
terrorisme, nos services doivent bien sûr protéger les intérêts de notre pays.
Cette affirmation est à la fois d'une simplicité évidente, mais elle est loin
d'aller de soi dans un univers fortement marqué par l'idéologie
post-moderniste. Pour une bonne part de la classe dirigeante européenne, nous
sommes entrés depuis la fin de la guerre froide dans une autre ère. Il n'y a
plus d'ennemis, que des concurrents. À force de répéter que la guerre, la
souveraineté, la nation sont des vestiges du passé, on en est venu à croire que
le XXIe siècle serait celui de la paix perpétuelle annoncé par Kant. Défendre
et promouvoir les intérêts nationaux suppose qu'il y ait bien une nation avec
des frontières. Un «eux» et un «nous». On en revient encore et toujours à De
Gaulle: la France n'a pas d'amis. Elle doit d'abord penser à défendre ses
intérêts. Les services de renseignement sont le bras armé de l'État pour
assurer, en temps de paix, la continuité de ses institutions, préserver ses
valeurs et s'assurer que ses ressortissants comme les générations futures
pourront perpétuer leur mode d'existence. Toutes les prises de position sur la
scène internationale de nos dirigeants doivent être jugées à l'aune de cet
exigeant critère. La défense de la Liberté et de l'Humanité sont de belles
causes, mais elles ne doivent pas se faire au détriment des intérêts des
Français vivants et à naître.
L'enjeu majeur du futur est-il
d'éviter une guerre cybernétique? Celle-ci est-elle déjà déclarée?
La guerre cyber est effectivement
déjà déclarée, dans la mesure où un peu partout dans le monde des attaques
informatiques ont lieu. On peut lancer des missiles sur le web aussi puissants
et destructeurs qu'au dehors. Les Israéliens ont réussi la prouesse de
paralyser, via un virus électronique particulièrement agressif, les sites
d'enrichissement d'uranium iraniens pendant des années. Les Russes comme les
Américains pratiquent cette nouvelle guerre de l'ombre pour déstabiliser les
puissances concurrentes. Nous ne devons pas rester en marge de l'histoire. Nous
avons les compétences pour participer à cette évolution inéluctable et n'avoir
pas une guerre de retard. Nous devons investir pour nous défendre. Il y a une
dissuasion cyber, comme il y a une politique de dissuasion nucléaire, même si
des différences existent bien entendu entre ces deux univers. Le cyber n'est
pas un nouveau terrain de guerre qui viendrait s'ajouter à la terre, l'air et
l'eau. Il les englobe tous. C'est carrément un nouveau paradigme. Nos services
l'ont parfaitement compris, comme le ministère de la Défense. Il faut investir
vite et beaucoup pour ne pas se retrouver à la traîne des grandes puissances.
Un nouveau programme à la hauteur de celui mis en place à l'après-guerre pour
le nucléaire militaire français doit être institué. Pourquoi ne pas créer un
commissariat doté des moyens adéquats, à l'image du CEA (commissariat à
l'énergie atomique)? Ce serait la manifestation d'une forte volonté politique
et un appel à la mobilisation nationale!
La rédaction vous conseille
- La
vraie vie des espions: voyage au cœur de nos services secrets
- Commission
Fenech, terrorisme: on ne règle pas les problèmes en créant des agences!
- Loi
renseignement: comment vous allez être espionnés
L'Inquisition médiévale, au-delà de la légende noire
(19.04.2018)
- Mis à jour le 20/04/2018 à 15:34
- Publié le 19/04/2018 à 19:40
HISTOIRE - Le 20 avril 1233 le
pape Grégoire IX établit l'Inquisition en France. Dans l'imaginaire collectif,
ce tribunal ecclésiastique du Moyen Âge est associé à un temps de violence,
d'infâmes tortures, d'immenses bûchers, de fanatisme… Retour sur quelques idées
reçues.
Falsification de l'histoire au
XIXe siècle. Il y a 785 ans le pape Grégoire IX introduit dans le royaume de
France l'Inquisition pontificale. Il s'agit d'un tribunal ecclésiastique confié
aux ordres mendiants (les dominicains et les franciscains) pour lutter
contre l'hérésie en Europe. Ainsi le 20 avril 1233, le pape charge les frères
prêcheurs (les dominicains) de lutter contre l'hérésie dans le Languedoc.
Mais qu'en est-il de l'action de
cette institution en France? Répression aveugle ou action modérée? Signe
d'obscurantisme? Décryptage en quatre idées reçues.
Idée reçue n°1: l'Inquisition
médiévale est le signe d'un temps d'intolérance et de fanatisme
Ce tribunal pontifical médiéval
est institué par la papauté pour protéger l'orthodoxie catholique: il est créé
pour lutter contre les dissidences religieuses. En contestant l'organisation de
l'Église romaine et certains de ses dogmes elles menacent son unité. Ces
membres sont considérés comme des hérétiques. Aussi l'objectif du tribunal est
avant tout de sauver les âmes égarées, de les ramener dans le giron de l'Église
romaine.
À l'origine dans l'esprit de la
papauté il s'agit davantage d'un outil de persuasion que de répression, ce que
certains juges oublieront. L'Inquisition est créée pour préserver la chrétienté
et ne juge que les chrétiens. Les tribunaux inquisitoriaux sont introduits en
1233 dans le royaume de France pour lutter contre les Cathares, installés dans
le Midi de la France. Les inquisiteurs, nommés par le pape, s'appuient dans
leur mission sur les pouvoirs laïcs.
En replaçant cette organisation
ecclésiastique, dans le contexte culturel et historique du Moyen Âge, on ne
peut parler de fanatisme ou d'intolérance.
Idée reçue n°2: Les juges
inquisitoriaux rendent une justice arbitraire
L'Inquisition est souvent
présentée comme une justice arbitraire et archaïque, alors qu'elle apparaît
plutôt moderne: elle met en place une procédure d'enquête. Le but est de
ramener la personne suspectée d'hérésie dans le droit chemin, de permettre la
conversion. Ainsi l'instruction est méthodique, elle ne peut débuter que sur la
base de témoignages vérifiés. Il faut des preuves concrètes et des témoignages
probants avant de pouvoir faire procéder à l'arrestation d'une personne par les
pouvoirs civils. La justice s'appuie sur l'aveu -s'il est obtenu par la
torture, il doit être réitéré «sans aucune pression de force ou de contrainte»,
hors de la chambre de torture pour être recevable. Le faux témoignage est par
ailleurs poursuivi et condamné.
L'historien Didier Le Fur précise
dans son livre sur l'Inquisition que la sentence du tribunal est prise sur
l'avis du conseil -qui comprend des membres du clergé régulier ou séculier et
des laïcs désignés expressément et chacun fait serment de donner les bons
conseils. On ne communique pas forcément le nom du prévenu. Enfin Il faut
soulever que l'Inquisition ne condamne pas systématiquement les personnes
suspectées. Il ne s'agit pas d'une justice aveugle, comme peut l'être la
justice seigneuriale, souvent arbitraire et expéditive.
Idée reçue n°3: l'Inquisition
est un tribunal qui envoie des milliers de personnes au bûcher
La légende noire de
l'Inquisition, présentant les inquisiteurs comme des juges cruels, responsables
d'immenses bûchers est un héritage de la littérature et de l'iconographie du
XIXe siècle. Or les recherches récentes ont permis de réévaluer largement à la
baisse le nombre d'occis. Ainsi selon les chiffres des sentences de Bernard
Gui, inquisiteur à Toulouse pendant 15 ans, de 1308 à 1323, sur 633 sentences,
seules 40 personnes sont remises au bras séculier, donc au bûcher
(l'Inquisition qui ne peut en théorie pratiquer la peine de mort envoie le
condamné à la justice laïque). Dès la fin du XIIIe siècle le bûcher est de plus
en plus exceptionnel; il est aussi le signe de l'échec de l'Église, incapable
de ramener les âmes perdues.
» LIRE AUSSI - Le Livre des sentences de l'inquisiteur Bernard Gui: la
véritable figure de l'Inquisition
Il est certain qu'au cours de son
histoire l'Inquisition a pu se montrer féroce, mais il faut aussi mentionner
que les abus de certains juges sont aussi punis. Ainsi Robert le Bougre -ancien
hérétique converti- inquisiteur en Champagne qui envoie des dizaines de
condamnés au bûcher (bûcher du Mont-Aimé) est suspendu temporairement en 1233.
Lorsqu'il reprend sa mission, ses excès sont tels qu'il est révoqué et condamné
à la prison à perpétuité en 1247. Mais ces dérives ne sont pas une généralité:
les tribunaux inquisitoriaux sont davantage modérés dans leurs sentences que
les tribunaux laïcs. Et la grande majorité des peines consiste en un temps
d'emprisonnement.
Les images de violences
proviennent surtout de l'amalgame qui est fait avec l'Inquisition espagnole
-fondée en Espagne, en 1479, par les rois catholiques Isabelle de Castille et
Ferdinand d'Aragon. Indépendante de Rome, elle est un temps sous l'autorité du
tristement célèbre grand inquisiteur Thomas de Torquemada. Elle est instaurée
pour sévir contre toutes les déviances, c'est-à-dire contre tous ceux qui ne
sont pas catholiques. Il s'agit d'un phénomène politico-religieux. Abolie une
première fois en 1808, elle l'est définitivement en 1834.
Idée reçue n°4: l'Inquisition
en France est une organisation pontificale puissante pendant des siècles
L'Inquisition médiévale dans le
royaume de France perd de son importance avec le déclin des hérésies cathare et
vaudoise à la fin du XIVe siècle. Ainsi un siècle après sa création elle est
affaiblie notamment par la royauté qui souhaite affermir son autorité et
conteste celle de l'Église. Aussi dans certaines affaires -comme celle des
Templiers avec Philippe le Bel- il est difficile de définir la frontière entre
le domaine politique et religieux.
» LIRE AUSSI - Le vrai du faux des Templiers
La perte de l'influence du
tribunal pontifical est flagrante au moment de la réforme protestante puisque
ce n'est pas lui qui est au premier plan dans la lutte. En effet, les
protestants sont considérés comme une menace pour la paix dans le royaume, par
leur rébellion. Ce sont des criminels qui désobéissent au roi et dépendent donc
de la justice laïque. Alors qu'en tant qu'hérétiques ils devraient relever du
tribunal ecclésiastique, mais seuls les cas d'hérésie simple sont jugés par
lui.
L'inquisition reprend une certaine
importance à la fin du XVIe siècle lorsqu'elle s'engage dans la chasse aux
sorcières (magiciens, devins, sorciers). Les tribunaux inquisitoriaux
disparaissent du royaume de France à la fin du XVIIe siècle.
Pour aller plus loin: L'Inquisition
enquête historique France, XIIIe-XVe siècle de Didier Le Fur, Taillandier,
2012, 183p.
La rédaction vous conseille
- Le
Nom de la rose, le polar médiéval d'Umberto Eco au cinéma
- L'Eglise
demande pardon pour les Cathares
Allemagne : plongée au cœur de l'étrange festival néonazi
d'Ostritz (20.04.2018)
REPORTAGE - À l'occasion de
l'anniversaire de la naissance d'Adolf Hitler, il rassemble des centaines de
sympathisants.
Envoyé spécial à Ostritz
L'hôtel Neisseblick est situé
comme son nom l'indique au bord de la rivière Neisse, à quelques mètres de la
frontière polonaise, à l'entrée d'Ostritz. Dans ce petit village de Saxe de
2400 habitants, l'endroit, sans cachet, aurait pu rester anonyme. Mais il
accueille pour deux jours le festival de rock Schild und Schwert, le bouclier
et l'épée, «SS» en résumé. Un millier de sympathisants néonazis est attendu
d'Allemagne, de Pologne ou de République tchèque en ce 20 avril, la date de
naissance d'Adolf Hitler. Les principaux groupes du genre seront là pour la
fête: Kategorie C, aux connexions avec le hooliganisme, ou encore Lunikoff
Verschwörung, dont le leader a été condamné dans le passé pour incitation à la
haine raciale. Ostritz est devenue un symbole. Pour les autorités allemandes,
l'extrême droite la plus dure teste sa capacité de mobilisation.
« Même quand il y a eu les
inondations, il n'y a pas eu autant de monde ici »
Une retraitée
«Même quand il y a eu les
inondations, il n'y a pas eu autant de monde ici», soupire une retraitée qui
s'attarde au bord du chemin en regardant le défilé des policiers, des
journalistes et des militants de tout ordre. Plusieurs contre-manifestations
sont prévues durant le week-end: d'un côté une «fête de la paix» sur la place
principale, de l'autre, sur un champ à la sortie de la ville, un rassemblement
«contre l'extrême droite» organisé par les partis politiques de gauche.
Plusieurs milliers de personnes sont attendues. «Il n'y a pas une bonne
ambiance à Ostritz», confie la dame en pestant contre le désordre à venir ou en
montrant du doigt les maisons vides. Le parti populiste AfD a obtenu en Saxe
ses meilleurs résultats aux élections de septembre 2017. Avec 28,8%, Ostritz
est dans la moyenne basse.
» LIRE AUSSI - La
chasse aux nazis relancée en Allemagne
Devant l'Hôtel Neisseblick, des
panneaux siglés du parti néonazi NPD, réclamant «des crèches plutôt que des
centres pour réfugiés», protègent les participants du festival des regards
extérieurs. La manifestation se trouvant sur un terrain privé, elle est
quasiment impossible à interdire pour les autorités. Le propriétaire est un
sympathisant du NPD.
L'entrée est filtrée. Ceux qui
franchissent le seuil refusent généralement de parler «à la presse qui ment»,
comme ils l'appellent. Mais on croise cependant un Texan couvert de tatouages,
les cheveux rasés sur le côté, boitant avec sa prothèse, plus loquace. «Je ne
suis pas nazi. Nationaliste, pro-allemand, pro-européen, oui», assume-t-il en
dénonçant «l'invasion étrangère». Il fait semblant de ne pas avoir remarqué la
date du jour. «Je ne savais pas. Je suis venu voir des amis», se moque
l'Américain.
Aspect organisationnel
La presse est autorisée à visiter
pendant quelques minutes le terrain où le festival va se dérouler: des stands
de bière, un coin restaurant… Plus loin, non loin de la scène, on vend des CD
de rock extrême, des livres d'occasion parlant «du IV Reich», de la Russie ou
de la faillite de l'Allemagne. Les partis politiques NPD et Die Rechte tiennent
aussi leur stand. Quelques sympathisants tournent leur visage pour ne pas
apparaître sur d'éventuelles photos. Certains font des doigts d'honneur plus ou
moins discrets. Mais la plupart pose fièrement, comme celui-ci l'œil goguenard
arborant sur son vêtement l'inscription «La Hit-Lerche» et un dessin d'oiseau,
soit littéralement la «hit-alouette». Pour échapper aux interdictions, les
néo-nazis jouent sur le fil du rasoir.
«Ces réseaux ont aussi besoin
de se retrouver, pour permettre aux militants de participer à des projets»
Le sociologue Jan Raabe,
spécialiste des réseaux néonazis
Dans la rue, les forces de
l'ordre sont sur les dents. Plusieurs centaines de policiers ont été déployées
pour éviter les débordements. Tous ceux qui entrent en ville sont soigneusement
fouillés. In extremis, le tribunal a ordonné vendredi une interdiction de
consommer de l'alcool lors des manifestations organisées durant le week-end. Le
concert est visé. Mais pas la convention de tatouage, prévue samedi, ni
l'événement sportif, «le combat des Nibelungen»: une sorte de tournoi de sport
de combat. Plusieurs discours politiques sont aussi annoncés, comme celui d'Udo
Voigt, le seul député européen du NPD.
» LIRE AUSSI - L'armée
allemande et les ombres de l'extrême droite
«Ce genre de manifestation a
plusieurs raisons d'être pour l'extrême droite», explique le sociologue Jan
Raabe, spécialiste de la musique néonazie. «Tout d'abord ces réseaux ont besoin
de se retrouver entre eux pour s'organiser», dit-il. Les occasions ne sont pas
si fréquentes. «Il y a ensuite l'argent», poursuit-il. Avec un ticket d'entrée
à 45 euros (195 euros avec accès VIP, boissons et repas compris), l'affaire est
rentable. L'enjeu est d'autant plus fort que le ministère de l'Intérieur a
décidé la semaine dernière d'exclure le NPD des financements étatiques. En
2017, malgré ses maigres résultats électoraux (0,4% aux élections
législatives), le NPD avait perçu 852000 euros de financement.
La rédaction vous
conseille :
- Plongée
dans le fief est-allemand de l'extrême droite
- En
Thuringe, les populistes de l'AfD ont réveillé les déçus de la politique
- Autriche:
l'encombrante maison natale d'Adolf Hitler
- Les
dossiers secrets du KGB sur la mort d'Adolf Hitler
ENTRETIEN EXCLUSIF - Dans
son dernier essai, L'Étrange suicide de l'Europe, qui est
resté près de vingt semaines dans le top 10 des meilleures ventes du Sunday
Times, il décrit les conséquences mortifères de l'immigration incontrôlée
dans une Europe en voie de désintégration. À l'occasion de la parution de
l'édition française de son best-seller, Douglas Murray nous a accordé un
entretien exclusif.
Votre livre L'Etrange
suicide de l'Europe a été un énorme succès mondial. Comment
l'expliquez-vous?
Selon moi, les gens voient
partout les mêmes choses et s'inquiètent des mêmes phénomènes. Pourtant, leurs
préoccupations et leurs questions les plus légitimes sont systématiquement
réprimées. Mais, chaque fois que quelqu'un expose (en l'étayant de preuves
solides) ce qu'un grand nombre de personnes pensent, ses propos finissent
toujours par résonner.
Vous avez été surpris par la façon
dont les politiques ont reçu votre livre. En aparté, ils n'ont pas hésité à
accepter vos conclusions.
Depuis toujours, il y a la
réalité et ce qui peut être politiquement exprimable. J'ai parlé avec des
fonctionnaires français, comme avec beaucoup d'autres sur tout le continent, et
ce sont ceux qui m'ont dit en privé les choses les plus accablantes sur
l'immigration, l'intégration et la sécurité. Ils connaissent les problèmes
auxquels nous sommes tous confrontés. Pourtant, en public, ils disent autre chose.
Pourquoi? Parce que, pour relever le défi auquel nous sommes tous confrontés,
il faudra admettre que plusieurs générations de décideurs politiques à travers
l'Europe ont commis des erreurs historiques ou ont été totalement
incompétentes.
«La plupart des Européens
souhaitent sans ambiguïté que les migrations de masse s'arrêtent ou diminuent
beaucoup.»
Le plus simple, pour les
politiques, est toujours de remettre cette question à plus tard, de mettre un
terme à la discussion et de persécuter les gens parce qu'ils ont dit la vérité.
Mais ce n'est pas une bonne stratégie à long terme. Le statu quo pourra tenir
encore un cycle électoral ou deux. Mais pas plus.
Vous avez exprimé des
préoccupations au sujet des associations antiracistes. Peut-on parler de dérive
de l'antiracisme?
Ce qui m'inquiète, c'est que les
«antiracistes» sont le plus souvent des racistes. C'est le même phénomène pour
les soi-disant «antifascistes», qui sont presque toujours profondément
fascistes. Il y a des moments où l'antifascisme et l'antiracisme sont
nécessaires. Mais, ces derniers temps, les groupes qui se qualifient ainsi sont
coupables de ce que le philosophe politique Kenneth Minogue a appelé «syndrome
de saint George à la retraite». Après avoir tué un dragon, ils errent autour de
la terre à la recherche d'autres dragons à tuer, jusqu'à ce qu'ils finissent,
délirant, par donner des coups d'épée dans l'air. La plupart des Européens
souhaitent sans ambiguïté que les migrations de masse s'arrêtent ou diminuent
beaucoup. Pourtant, tous les groupes «antiracistes» disent que ce point de vue
est raciste. C'est une erreur historique. Si l'on abuse de mots comme «raciste»
et «nazi», la probabilité est très forte que ces mots ne soient plus d'aucune
utilité le jour où l'on pourrait en avoir réellement besoin. La question que je
pose aux «antiracistes» est celle-ci: un citoyen français ou britannique qui
voit son quartier et sa société changer radicalement peut-il ressentir de la
tristesse à ce sujet ou exprimer une opposition sans être qualifié de raciste?
Si la réponse est «non», alors nous sommes vraiment très mal partis.
Cette dérive a-t-elle abouti
au scandale
de Telford, ces milliers de viols collectifs commis par des gangs
pakistanais?
Telford est seulement le dernier
cas. Des gangs de violeurs ont été découverts à Rotherham, Rochdale, dans
l'Oxfordshire et plusieurs autres endroits au Royaume-Uni. Ce sont presque
toujours des groupes d'hommes pakistanais (rejoints parfois par des
Nord-Africains) qui ciblent des jeunes filles blanches vulnérables, souvent
mineures, en tout cas extérieures à leur communauté. Mille cinq cents jeunes
filles ont été violées dans une seule ville anglaise. Il y a des causes
locales, tribales et religieuses spécifiques, liées en partie à la «culture de
la honte» pakistanaise. La Grande-Bretagne a gardé le silence à ce sujet pendant
des années. Pour une part à cause de cette sorte de politesse lâche qui existe
partout, mais qui est particulièrement répandue chez nous. Mais aussi parce que
ces horreurs ont toutes les caractéristiques d'un odieux crime raciste, et que
personne ne voulait que cela se sache. Une classe entière de fonctionnaires
locaux, de policiers et de politiciens a échoué.
«Dans certains quartiers du
centre de Paris et de Londres, tout peut sembler fonctionner. Mais, si l'on va
juste un peu plus loin, à Saint-Denis ou à Tower Hamlets, c'est objectivement
un désastre.»
Jeremy Corbyn, le chef de
l'opposition, a parfois été accusé d'être complaisant envers l'islamisme et
l'antisémitisme…
Oubliez le mot «parfois» :
«toujours» est celui que vous recherchez. Mr Corbyn voudrait nous faire
croire que, ayant passé sa vie à patauger dans les égouts, il n'a jamais
remarqué la puanteur. Je n'y crois pas. Que l'homme qui a passé sa vie à
absoudre les islamistes ait toujours couvert les pires antisémites… ce doit
être une pure coïncidence. Non, Mr Corbyn constitue un vrai problème. Le
fait que, en 2018, nous ayons un Parti travailliste taraudé par l'antisémitisme
devrait être une source de profonde honte nationale.
Selon vous, la montée de
l'islamisme est la conséquence de la faillite des politiques migratoires
européennes. La majorité des immigrants ne réussissent-ils pas à s'intégrer?
C'est ce que tendrait à prouver l'élection de Sadiq Khan comme maire de
Londres…
Je suis fier que Londres puisse élire
quelqu'un comme Sadiq Khan. Il n'est pas un maire particulièrement
compétent, mais il aide à démontrer que la discrimination mise en avant par les
communautés musulmanes est un mensonge raconté par de mauvais acteurs. En ce
qui concerne l'intégration au sens large, cela dépend de l'endroit où vous
regardez. Dans certains quartiers du centre de Paris et de Londres, tout peut
sembler fonctionner. Mais, si l'on va juste un peu plus loin, à Saint-Denis ou
à Tower Hamlets, c'est objectivement un désastre.
La vague d'attentats qui a
frappé l'Angleterre en 2017 n'a-t-elle pas sonné le réveil de la classe
politique?
J'ai abandonné cet espoir. Après
les attentats du London Bridge, l'année dernière, Theresa May a dit «trop,
c'est trop», mais cela ne voulait rien dire. Qu'a-t-elle fait depuis? Ils se
contentent tous de vagues dispositifs bureaucratiques pour résoudre un problème
bien plus profond. Sur la base de critères purement juridiques, au moins l'un
des attaquants du London Bridge n'aurait jamais dû se trouver au Royaume-Uni.
Le kamikaze du Manchester Arena n'aurait jamais dû se trouver au Royaume-Uni.
Le jeune homme qui a déposé une bombe dans le métro de Londres en septembre
dernier n'aurait jamais dû se trouver au Royaume-Uni. On aurait pu penser que
ces questions auraient fait partie des sujets à traiter. Mais non. Une autre
attaque se produit et les politiciens disent: «Les entreprises de technologie
doivent faire plus pour détecter les contenus extrémistes en ligne.» Il s'agit
là d'une question importante, à coup sûr, mais cela signifie qu'il y a des
aspects du problème terroriste qui peuvent être abordés et des questions
beaucoup plus vastes auxquelles il ne faut même pas faire allusion.
«Nous avons glissé vers une
conception étrange, où nous supposons que le reste du monde restera le reste du
monde, mais où l'Europe deviendra les Nations unies»
Nos sociétés ont toujours eu des
problèmes de sécurité. Mais le terrorisme islamiste est un problème importé, et
importé sous la responsabilité directe de nos politiciens.
Vous écrivez que l'opinion
publique a très bien compris que «ce qui se cache derrière le terrorisme est
une menace encore plus grande». Qu'entendez-vous par là?
La question centrale à laquelle
nous devons penser est la suivante: à qui s'adresse l'Europe? Est-ce une maison
potentielle pour le monde entier? Ou simplement pour celui qui y fait sa vie?
Si oui, où est la maison des peuples d'Europe? Nous avons glissé vers une
conception étrange, où nous supposons que le reste du monde restera le reste du
monde, mais où l'Europe deviendra les Nations unies. Cette manière de penser
préside aux décisions de nos responsables, contre les souhaits constamment
exprimés par les peuples européens. A long terme, je pense que ce changement
total, cette fragmentation, cette ghettoïsation de notre continent constituent
une menace existentielle bien plus grande que le terrorisme.
Vous adoptez un ton particulièrement
véhément au sujet de la Suède, pourtant souvent citée en exemple. Pourquoi?
Parce que, en dehors de
l'Allemagne, aucun pays en Europe n'a accepté autant de migrants ces dernières
années que la Suède. Et personne n'a autant de problèmes. Il n'y a rien à faire
pour les Suédois. Plus personne n'a une classe politique aussi ridiculement
timide, autocensurée et volontairement aveugle. J'ai fait le tour des banlieues
et j'ai vu des quartiers désormais envahis par les crimes, les gangs, les viols
et les attaques à la grenade. Presque tous les journalistes sont là pour suivre
la ligne du parti et régurgiter les mêmes mensonges. Ils semblent penser que
leur travail est de maintenir les mauvaises nouvelles le plus loin possible du
public. Donc, comme en Allemagne, le public doit apprendre à lire les nouvelles
selon un dispositif de décodage interne, comme on le faisait sous le
communisme. Ainsi, lorsqu'un viol est signalé, par exemple, si le nom de
l'agresseur n'est pas mentionné, tout le monde sait qu'il s'agit d'un migrant.
Plus largement, vous expliquez
la mort de l'Europe par une certaine forme de haine de soi…
Nous n'avons pas eu un beau
XXe siècle en Europe, et n'importe qui aurait besoin de temps pour s'en
remettre. Personnellement, je suis pour une autocritique robuste, mais je
descends du bus quand il est conduit par des gens qui veulent s'anéantir.
J'aime l'Europe, et je pense que nous sommes - tout bien considéré - très
chanceux. Nous avons produit une culture exceptionnelle et des droits que le
monde n'a jamais connus. On me demande parfois si je suis patriote. Selon moi,
c'est une mauvaise question. Je ne pense pas aux choses en ces termes. Ce que
je ressens, c'est de la gratitude. Je suis reconnaissant pour ce dont nous
avons hérité et je sens que je dois le conserver et essayer de le transmettre.
Pourtant, des gouvernements aux universités et au-delà, nous sommes dirigés par
des gens qui ne veulent pas transmettre ce qui est bon, mais le remplacer.
Certains pensent que la
renaissance de l'Europe passera nécessairement par un renouveau du
christianisme. Mais l'Eglise est très favorable à l'accueil des migrants…
Il est certain que nous ne
pourrons pas conserver ce que nous avons en nous querellant sur nos racines. Et
prétendre que le christianisme n'est pas au cœur de ce qui fait de nous
l'Europe, c'est faire preuve d'une terrible
«Si la classe politique ne
répond pas aux préoccupations des peuples, les extrémistes finiront par
l'emporter.»
ignorance. Mais vous avez raison
- le comportement de l'Eglise (et pas seulement l'Eglise de Rome, mais aussi
les Eglises protestantes d'Europe du Nord) pendant toute cette crise a été très
problématique. Certains (en particulier les Eglises protestantes) ont
globalement remplacé la croyance en Dieu par la croyance en un activisme social
d'extrême gauche. Le Pape a une position qui est insoutenable. Pourtant, je
comprends pourquoi il le dit. Et peut-être qu'il remplit l'un des rôles de
l'Eglise en le disant. Mais il doit être contredit par les responsables politiques
et d'autres, qui doivent dire très clairement: «Nous souhaitons sauver le monde
entier. Mais le fait est que nous ne pouvons pas. Et, si nous continuons, non
seulement nous ne sauverons jamais Mogadiscio, mais nous pourrions commencer à
lui ressembler.»
Diriez-vous que les
«populismes» vont aggraver la situation ou, au contraire, qu'ils font partie de
la solution?
Les courants politiques dominants
continueront à souffrir jusqu'à ce qu'ils s'attaquent enfin aux préoccupations
légitimes des peuples européens. Si la classe politique ne répond pas aux
préoccupations des peuples, les extrémistes finiront par l'emporter. Comment un
citoyen européen peut-il exprimer ses inquiétudes quant à la direction que
prend sa société? Quelle que soit sa manière, et surtout s'il n'a pas un
doctorat, on le traitera de raciste et de xénophobe. Et, s'il vote pour le
«mauvais» parti, il sera rejeté comme «populiste». Pourtant, le vrai problème
est clair: plusieurs générations de dirigeants politiques ont fondamentalement
modifié nos sociétés sans le consentement et même contre le souhait des
peuples. N'est-il pas temps de commencer à y faire face et à y remédier plutôt
que d'inventer de nouvelles façons d'insulter le peuple?
Que révèle la troisième
victoire consécutive d'Orbán?
Beaucoup de gens critiquent
Viktor Orbán. Pourtant, la question est très simple: qui avait raison en 2015?
Orbán ou Merkel? Cette dernière a été punie par son électorat et a maintenant
l'AfD comme principal parti d'opposition. Le refus d'Orbán de souscrire à
l'effondrement des frontières européennes et à la suspension de toutes les
règles migratoires était, entre autres, le reflet des souhaits de l'immense
majorité du peuple hongrois. C'est une arrogance extraordinaire que les
politiciens et les commentateurs à travers l'Europe se permettent de
réprimander Orbán, lui qui fait la volonté de son peuple. J'ai vu il y a
quelques semaines une photo de lui en train de lire l'édition hongroise de mon
livre. On m'a dit que cela pourrait dissuader votre Président de lire l'édition
française. J'espère que non!
La rédaction vous
conseille :
- Douglas
Murray: «Le rejet de l'immigration a été la raison principale du Brexit»
- Telford:
«On s'inquiète plus d'un éventuel racisme de la classe ouvrière que de
l'abus sexuel d'enfants»
- Nicolas
Baverez: «Au Royaume-Uni, les ravages du populisme»
Journaliste au Figaro et
responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
Ses derniers articles
- Tout
ce que vous avez toujours voulu savoir sur les agents secrets
- Recomposition
politique
- Douglas
Murray : «Le terrorisme islamiste est un problème importé»
Douglas Murray : «Le rejet de l'immigration a été la raison
principale du Brexit» (22.06.2017)
INTERVIEW - Écrivain et
journaliste britannique, il publie L'Étrange Mort de l'Europe *,
un pamphlet sur l'immigration, actuellement en tête des ventes au Royaume-Uni.
Un an après le vote sur la sortie de l'Europe, il revient sur les raisons du
« Leave ».
LE FIGARO. - Dans votre
dernier ouvrage, intitulé L'Étrange Mort de l'Europe, vous dites
que l'immigration massive et débridée provoque le suicide de notre continent.
Pensez-vous que le rejet de cette immigration a été la principale cause du vote
en faveur du Brexit il y a un an?
Douglas MURRAY. -
Absolument. C'était l'une des raisons majeures, sinon la principale, pour
laquelle les Britanniques ont voté «Leave». La libre circulation des personnes
au sein de l'Europe a beaucoup d'avantages pour les Européens. Mais cette libre
circulation, combinée avec la décision d'Angela Merkel (et consorts) d'ouvrir
les frontières du Vieux Continent au monde entier, est une idée dangereuse. Je
pense qu'il est inconséquent de continuer de s'attacher à des personnes et des
organisations qui prennent d'aussi mauvaises décisions: nous sommes largement
capables de le faire par nous-mêmes! Alors oui, je pense que le Brexit
s'explique par un fort refus de la part des Britanniques de continuer de placer
leur avenir, leur politique migratoire et leur sécurité dans les mains de tels
irresponsables.
Pensez-vous que fermer les
frontières ou quitter l'UE soit la bonne solution pour bloquer l'immigration?
N'est-il pas trop tard?
«Le plus urgent est de
ralentir massivement ces flux incontrôlables de migrants et de faire de notre
mieux pour intégrer ceux qui sont déjà là»
À ce jour, il est déjà très tard.
Peut-être trop. Mais si les frontières extérieures de l'Europe sont rétablies
et qu'une régulation efficace de l'immigration est mise en place (j'évoque pour
cela plusieurs idées dans mon livre), alors nous pourrions faire ce qui doit
être fait, et les choses iraient au moins un peu mieux. Le plus urgent est de
ralentir massivement ces flux incontrôlables de migrants et de faire de notre
mieux pour intégrer ceux qui sont déjà là. Mais ce sera le travail (peut-être
déjà voué à l'échec) des générations à venir.
Concernant les frontières, ce qui
est arrivé en novembre 2015 à Paris devrait avoir rappelé à tous que la
mise en place d'un système efficace de frontières intérieures et extérieures
sur notre continent ne constitue pas une paranoïa identitaire mais le point de
départ élémentaire pour une politique de sécurité responsable. Seuls des
idéologues comme Juncker refusent que notre continent soit autorisé à se
défendre lui-même et font de l'existence de frontières une position extrémiste,
alors qu'il s'agit de la plus élémentaire base de la politique.
Le Royaume-Uni est une nation
insulaire, vous ne faites pas partie de l'espace Schengen et vous continuez
cependant à subir de violentes attaques. Les frontières peuvent-elles
réellement protéger les populations?
«Si l'on décidait de mettre
davantage de barrières aux frontières, on n'aurait peut-être pas besoin d'en
ériger autant au cœur de notre capitale, autour des monuments»
Gérer ses frontières pour une île
telle que la nôtre est effectivement plus simple, et ne pas rejoindre Schengen
était une sage décision. Et pourtant, c'est vrai, nos frontières demeurent
poreuses. Quoi qu'il en soit, le rétablissement des frontières ne saurait être
l'unique solution. Une politique migratoire raisonnable et une stratégie
d'intégration efficace sont tout aussi nécessaires. Mais les frontières ont
leur importance. Comme l'a récemment fait remarquer Mark Steyn, chaque pont ou
bâtiment important de Londres est désormais protégé par des barrières
métalliques infranchissables pour les véhicules. Si l'on décidait de mettre
davantage de barrières aux frontières, on n'aurait peut-être pas besoin d'en
ériger autant au cœur de notre capitale, autour des monuments.
Vous prophétisez la mort de
l'Europe telle que nous l'avons connue jusqu'ici .Avez-vous encore de
l'espoir?
Je pense que nous avons mis une
sacrée pagaille. Quiconque souhaite entrer en Europe, entre sans conditions.
Nous avons essayé de faire du foyer des Européens le foyer du monde entier.
C'est une délicate attention pour le monde, mais ça laisse les peuples d'Europe
sans repères, dans un territoire qui risque d'être profondément divisé et de
devenir dangereux dans les années à venir. L'immigration a bien sûr ses bons
côtés, mais en accueillant le monde entier, on accueille aussi les problèmes du
monde entier. L'avenir nous dira quelles seront les conséquences de ces choix
en matière d'immigration.
En France, après les attaques
terroristes, certains intellectuels ont vanté le modèle multiculturaliste et
attribué l'échec de l'intégration à la laïcité à la française. On constate
cependant l'échec du multiculturalisme au Royaume-Uni. Quelle est alors la
bonne solution?
Depuis quelques années, on a pu
constater un fascinant échec des «modèles». Certains ont dit durant plusieurs
décennies que le «modèle français» était la solution. Ensuite, on a loué le
«modèle britannique», mais nous avons subi des émeutes et des attaques. Le
«modèle suédois» a eu son heure de gloire, maintenant achevée. Le problème
n'est pas dans les légères différences dans les réponses apportées. Le
problème, c'est le problème! C'est le simple fait qu'il est inconséquent de faire
entrer sans conditions des millions de personnes de cultures très différentes
sur notre territoire. Je pense que la France a admirablement et courageusement
géré cette période (un élément que je soulève souvent face à des audiences
anglophones et pas seulement pour Le Figaro). Il est possible que l'islam soit
un morceau que l'Europe ne puisse digérer. Mais alors, c'est l'islam qui est en
cause et non l'Europe.
Un an après le Brexit, comment
qualifieriez-vous l'atmosphère au Royaume-Uni? Le patriotisme est-il plus fort
que jamais ou y a-t-il au contraire une forme de déprime nationale?
Le pays était très divisé juste
après le vote, il y avait une forme d'état de choc. Et puis nous nous sommes
faits à l'idée. Mais, ensuite, le pari de Theresa May de lancer les
négociations du Brexit sans majorité, s'est révélé être un véritable hara-kiri
et nous sommes aujourd'hui dans une situation indescriptible. Je pense que la
plupart des gens espèrent encore un renversement de situation rapide. Il est
probable que nous devenions désormais coutumiers du fait…
Texte traduit par Vianney
Passot
*The Strange Death of Europe:
Immigration, Identity, Islam, Bloomsbury Continuum, 2017.
La rédaction vous
conseille :
- Affaiblie
politiquement, Theresa May édulcore son programme
- Nicolas
Baverez: «Au Royaume-Uni, les ravages du populisme»
Nicolas Baverez : «Au Royaume-Uni, les ravages du populisme»
(11.06.2017)
Nicolas Baverez. - Crédits
photo : ERIC GARAULT/Le Figaro Magazine
CHRONIQUE - Theresa May, en
décidant d'organiser par surprise des élections anticipées, a délibérément
ignoré les leçons des récents scrutins qui témoignent de la volatilité de
l'opinion et de la révolte des citoyens.
Les démagogues font d'autant
mieux leurs affaires qu'ils ont jeté leur pays dans la discorde», soulignait
Ésope. Mais les populistes eux-mêmes ne sont pas épargnés par les chocs en
retour que suscitent leurs promesses irréelles et les passions qu'ils
déchaînent. Ainsi, tout comme David Cameron, Theresa May s'est carbonisée en
jouant avec le feu. Le premier a déclenché le Brexit en voulant reprendre le
contrôle du Parti conservateur. La seconde qui comptait profiter de la
faiblesse de l'opposition pour fonder un leadership fort et stable se retrouve
avec une légitimité effondrée et une majorité très relative qui dépend des
unionistes d'Irlande du Nord.
May sort du scrutin pour ce
qu'elle est : un leader faible sans projet ni programme cohérents.
May, en décidant d'organiser par
surprise des élections anticipées, a délibérément ignoré les leçons des récents
scrutins dans les pays développés qui témoignent de la volatilité de l'opinion
et de la révolte des citoyens. Elle s'est trompée de campagne en se concentrant
sur le Brexit que les Britanniques considèrent comme acquis et en négligeant
les questions liées aux revenus, aux retraites et à la sécurité. Elle a estimé
qu'elle avait élection gagnée en refusant de participer au débat télévisé et en
limitant les réunions publiques. Elle a développé un populisme anglican et un
conservatisme rouge et brun, mêlant l'étatisme, la critique de l'économie de
marché et la dénonciation de l'immigration, qui a fait le jeu de l'extrémisme
de Jeremy Corbyn. Celui-ci, en dépit d'un programme radical associant
renationalisations, envol des dépenses publiques et des impôts, indifférence
pour la sécurité et les libertés publiques, a ainsi été plébiscité par jeunes
et salariés.
Ces élections sont un banc
d'essai du populisme dont elles démontrent les ravages. May sort du scrutin
pour ce qu'elle est: un leader faible sans projet ni programme cohérents. Les
contradictions du conservatisme rouge apparaissent: choix du grand large tout
en restaurant les frontières et en réduisant l'immigration des deux tiers,
dumping fiscal et social tout en renforçant l'État-providence, choix d'un
Brexit dur tout en s'enfermant dans le déni sur ses conséquences, alignement
sur les États-Unis au moment où leur leadership s'effondre, rupture avec
l'Europe au moment où elle se relance. La fragilité du leadership de May et de
sa majorité relative réduit fortement la possibilité d'un accord sur le Brexit
d'ici à 2019.
La violence du retournement
est inouïe, témoignant de la puissance dévastatrice des passions politiques.
L'évolution du Royaume-Uni
souligne la fragilité des démocraties face au populisme qui constitue la pire
des menaces pour la liberté. La violence du retournement est inouïe, témoignant
de la puissance dévastatrice des passions politiques. Au début de 2016, le Royaume-Uni
connaissait une réussite exceptionnelle. La croissance évoluait entre 2,5 et
2,8 % par an. Le plein-emploi était rétabli. La forte réduction du déficit
public laissait envisager le retour à l'équilibre budgétaire pour 2020. La
domination écrasante de la City sur la finance européenne allait de pair avec
le dynamisme retrouvé de l'industrie, de l'immobilier et du tourisme. Dix-huit
mois ont suffi pour annihiler les acquis de 17 années de redressement. La
croissance a chuté pour se limiter à 1 % en 2018 contre 1,8 % dans la
zone euro et 2 % en Allemagne. L'inflation tend vers 3 % par an,
laminant les salaires réels. La dévaluation de plus de 15 % de la livre a
stimulé dans un premier temps l'économie mais au prix de l'amputation des
patrimoines et des revenus. Les entreprises s'apprêtent à être coupées de leurs
marchés et à voir détruites les chaînes de valeur intégrées avec le continent.
Capitaux internationaux, talents et cerveaux commencent à se détourner. Le
Royaume-Uni se découvre vulnérable face à la terreur djihadiste qui n'a aucun
lien avec l'immigration européenne et vis-à-vis de laquelle la coordination des
stratégies de sécurité avec celle de l'Europe est impérative.
Dix-huit mois ont suffi pour
annihiler les acquis de 17 années de redressement.
Le Royaume-Uni tourne le dos à
tout ce qui a permis sa modernisation depuis 1979: économie de marché,
concurrence, société ouverte, sur fond de séquelles du krach de 2008, de
polarisation sociale et territoriale, de perte de confiance dans les institutions
et la classe politique, de haine des élites. L'embardée populiste refait du
Royaume-Uni une île que les passions nationalistes et xénophobes coupent de
l'Union comme du monde du XXIe siècle. Elle a pour résultat paradoxal de
ressouder l'Union européenne et de faire prendre conscience à ses citoyens de
l'ampleur des acquis de l'intégration du continent. Face à la faillite
politique et morale du monde anglo-saxon, c'est à l'Europe de combattre le
fléau populiste et de reprendre le flambeau de la liberté.
La rédaction vous
conseille :
- Pari
[pa-ri] n. m. Événement de May
- Royaume-Uni:
Theresa May a perdu son pari électoral à haut risque
Pierre Rehov : un autre regard sur Gaza (20.04.2018)
- Crédits photo : Pierre Rehov
FIGAROVOX/TRIBUNE - Le reporter
Pierre Rehov s'attaque, dans une tribune, à la grille de lecture dominante dans
les médias français des événements actuels à Gaza. Selon lui, la réponse
d'Israël est proportionnée à la menace terroriste que représentent les
agissements du Hamas.
Pierre Rehov est reporter,
écrivain et réalisateur de documentaires, dont le dernier, «Unveiling
Jérusalem», retrace l'histoire de la ville trois fois sainte.
Les organisations islamistes qui
s'attaquent à Israël ont toujours eu le sens du vocabulaire dans leur
communication avec l'Occident. Convaincus à juste titre que peu parmi nous sont
capables, ou même intéressés, de décrypter leurs discours d'origine révélateur
de leurs véritables intentions, ils nous arrosent depuis des décennies de
concepts erronés, tout en puisant à la source de notre propre histoire les
termes qui nous feront réagir dans le sens qui leur sera favorable. C'est ainsi
que sont nés, au fil des ans, des terminologies acceptées par tous, y compris, il
faut le dire, en Israël même.
Prenons par exemple le mot
«occupation». Le Hamas, organisation terroriste qui règne sur la bande de Gaza
depuis qu'Israël a retiré ses troupes et déraciné plus de 10 000 Juifs tout en
laissant les infrastructures qui auraient permis aux Gazaouites de développer
une véritable économie indépendante, continue à se lamenter du «fait» que
l'État Juif occupe des terres appartenant «de toute éternité au Peuple
Palestinien». Il s'agit là, évidemment, d'un faux car les droits éventuels des
Palestiniens ne sauraient être réalisés en niant ceux des Juifs sur leur terre
ancestrale.
Le terme «occupation» étant
associé de triste mémoire à l'Histoire européenne, lorsqu'un lecteur, mal
informé, se le voit asséner à longueur d'année par les médias les ONG et les
politiciens, la première image qui lui vient est évidemment celle de la botte
allemande martelant au pas de l'oie le pavé parisien ou bruxellois.
Cette répétition infligée tout
autant qu'acceptée d'un terme erroné a pour but d'occulter un fait essentiel,
gravé dans l'Histoire: selon la loi internationale, ces territoires dits
«occupés» ne sont que «disputés». Car, afin d'occuper une terre, encore eût-il
fallu qu'elle appartînt à un pays reconnu au moment de sa conquête. La
«Palestine», renommée ainsi par l'Empereur Hadrien en 127 pour humilier les
Juifs après leur seconde révolte contre l'empire romain, n'était qu'une région
de l'empire Ottoman jusqu'à la défaite des Turcs en 1917. Ce sont les pays
Arabes dans leur globalité qui, en rejetant le plan de partition de l'ONU en
1947, ont empêché la naissance d'une «nation palestinienne» dont on ne retrouve
aucune trace dans l'histoire jusqu'à sa mise au goût du jour, en 1964, par
Nasser et le KGB.
Depuis deux semaines le Hamas
et autres organisations terroristes ont repris à leur compte ce qu'ils veulent
faire passer pour un soulèvement populaire « pacifiste ».
Lorsqu'à l'issue d'une guerre
défensive, Israël a «pris» la Cisjordanie et Gaza en 1967, ces deux territoires
avaient déjà été conquis par la Jordanie et l'Égypte. Ce qui nous conduit à
remettre en question une autre révision sémantique. Pourquoi des terres qui,
pendant des siècles, se sont appelées Judée-Samarie deviendraient-elles, tout à
coup, Cisjordanie ou Rive Occidentale, de par la seule volonté du pays qui les
a envahies en 1948 avant d'en expulser tous les Juifs dans l'indifférence
générale? Serait-ce pour effacer le simple fait que la Judée… est le berceau du
judaïsme?
Mais revenons à Gaza.
Depuis deux semaines le Hamas et
autres organisations terroristes ont repris à leur compte ce qu'ils veulent
faire passer pour un soulèvement populaire «pacifiste». Une fois de plus, le
détournement du vocabulaire est habile car ces manifestations à plusieurs
couches - l'une pacifique et bon enfant, servant de couverture aux multiples
tentatives de destruction de la barrière de séparation entre Gaza et Israël,
d'enlèvement de soldats, et d'attentats terroristes heureusement avortés -
voudraient promouvoir un «droit au retour» à l'intérieur d'Israël des
descendants de descendants de «réfugiés».
J'ai déjà abondamment écrit, y
compris dans ces pages, sur cette aberration tragique perpétuée au profit de
l'UNWRA, une agence onusienne empêchant, dans sa forme actuelle,
l'établissement et le développement des Arabes de Palestine sur leurs terres
d'accueil. Je n'y reviendrai que par une phrase. Pourquoi un enfant, né à côté
de Ramallah ou à Gaza, de parents nés au même endroit, ou pire encore, né à
Brooklyn ou à Stockholm de parents immigrés, serait-il considéré comme
«réfugié» - comme c'est le cas dans les statistiques de l'UNRWA - si un enfant
Juif né à Tel Aviv, de parents nés à Bagdad, Damas ou Tripoli, et chassés entre
1948 et 1974 n'a jamais bénéficié du même statut?
Mais voici que des bus affrétés
par le Hamas et la Jihad Islamique, et décorés de clés géantes et de noms
enluminés de villages disparus censés symboliser ce «droit au retour» au sein
d'un pays honni, viennent cueillir chaque vendredi devant les mosquées et les
écoles de Gaza une population manipulée, prête aux derniers sacrifices afin de
répondre à des mots d'ordre cyniques ou désuets.
Voici que des milliers de civils,
hommes, femmes, enfants, se massent à proximité des zones tampons établies en
bordure de la barrière de sécurité israélienne, dans une ambiance de kermesse
destinée à nous faire croire qu'il s'agit là de manifestations au sens
démocratique du terme.
Voici, également, que des
milliers de pneus sont enflammés, dégageant une fumée noirâtre visible depuis
les satellites, dans le but d'aveugler les forces de sécurité israéliennes qui
ont pourtant prévenu: aucun franchissement sauvage de la barrière-frontière ne
sera toléré. Toute tentative sera stoppée par des tirs à balle réelle - ce qui,
n'en déplaise à beaucoup, est absolument légal dans toute buffer
zone entre entités ennemies.
À cette annonce, les dirigeants
du Hamas ont dû jubiler! Eux qui jouent gagnant-gagnant dans une stratégie
impliquant l'utilisation de leurs civils comme boucliers humains, puisqu'il
s'agit surtout d'une guerre d'influence, n'en espéraient pas autant. Dès lors
ils allaient enfin pouvoir de nouveau compter leurs morts comme autant de
victoires médiatiques. Et cela - au grand dam des Israéliens - s'est déroulé
exactement comme prévu. Au moment où paraissent ces lignes, Gaza pleure plus de
trente morts et les hôpitaux sont débordés par le nombre de blessés - même si
les chiffres sont sujets à caution puisque seulement fournis par le Hamas.
En menaçant d'avoir recours à
des mesures extrêmes, Israël ne fait que dissuader et empêcher le développement
d'un cauchemar humanitaire.
Pour une fois, cependant, le
Hamas s'est piégé lui-même, en publiant avec fierté l'identité de la majorité
des victimes qui, de toute évidence appartiennent à ses troupes. C'est le cas du
journaliste Yasser Mourtaja dont le double rôle de correspondant de presse et
d'officier salarié du Hamas a également été dévoilé .
Mais aurait-il été possible pour
Israël d'avoir recours à d'autres moyens? L'alignement de snipers parallèlement
à l'utilisation de procédés antiémeutes, était-il vraiment indispensable?
Imaginons, un instant, que, dans
les semaines à venir, comme annoncé par le dirigeant de l'organisation
terroriste, Yahya Sinwar, la «marche du retour» permette à ses militants de
détruire les barrières, tandis que des milliers de manifestants, femmes et
enfants poussés en première ligne, se ruent à l'intérieur d'Israël, bravant non
plus les tirs ciblés des soldats entraînés mais la riposte massive d'un peuple
paniqué?
En menaçant d'avoir recours à des
mesures extrêmes, et en tenant cet engagement, Israël ne fait que dissuader et
empêcher le développement d'un cauchemar humanitaire dont les dirigeants du
Hamas, acculés économiquement et politiquement, pourraient se régaler.
Contrairement aux images promues
par d'autres abus du vocabulaire, Gaza n'est pas une «prison à ciel ouvert»
mais une bande de 360 km² relativement surpeuplée, où vivent également nombre
de millionnaires dans des villas fastueuses côtoyant des quartiers miséreux.
Chaque jour, environ 1 500 à 2
500 tonnes d'aide humanitaire et de biens de consommation sont autorisés à
passer la frontière par le gouvernement israélien. Plusieurs programmes
permettent aux habitants de Gaza de se faire soigner dans les hôpitaux de Tel
Aviv et de Haïfa.
Un projet d'île portuaire
sécurisée est à l'étude à Jérusalem, et des tonnes de fruits et légumes sont
régulièrement achetés aux paysans gazaouis par les réseaux de distribution
alimentaires israéliens.
L'Égypte contrôle toute la partie
sud et fait souvent montre de beaucoup plus de rigueur qu'Israël pour protéger
sa frontière, sachant que le Hamas est issu des Frères Musulmans, organisation
interdite par le gouvernement de Abdel Fatah Al Sissi.
Mais Gaza souffre, en effet, et
même terriblement!
Gaza souffre du fait que le Hamas
détourne la majorité des fonds destinés à sa population pour creuser des
tunnels et se construire une armée dont le seul but, ouvertement déclaré dans
sa charte, est d'oblitérer Israël et d'exterminer ses habitants.
Gaza souffre des promesses d'aide
financière non tenues par les pays Arabes et qui se chiffrent en milliards de
dollars.
Gaza souffre de n'avoir que trois
heures d'électricité par jour, car les terroristes du Hamas ont envoyé une
roquette sur la principale centrale pendant le dernier conflit et l'Autorité
Palestinienne, de son côté, refuse de payer les factures correspondant à son
alimentation, espérant de la sorte provoquer une crise qui conduira à la perte
de pouvoir de son concurrent.
Gaza souffre d'un taux de chômage
de plus de 50 %, après que ses habitants, dans l'euphorie du départ des Juifs,
aient saccagé et détruit les serres à légumes et les manufactures construites
par Israël et donc jugées «impures» selon les théories islamistes qui les ont
conduits, ne l'oublions pas non plus, à voter massivement pour le Hamas.
Israël ne peut faire la paix
avec une organisation terroriste vouée à sa disparition.
Gaza souffre enfin de ces
détournements du vocabulaire, de ces concepts esthétiques manichéens conçus au
détriment des êtres, qui empêchent les hommes de conscience de comprendre le
cœur du problème et sont forcés de penser qu'Israël est l'unique cause du
malheur de ses habitants.
C'est pour cela qu'il faut, une
fois de plus, clamer quelques faits incontournables.
Israël ne peut faire la paix avec
une organisation terroriste vouée à sa disparition.
Les habitants de Gaza seraient
libres de circuler et de se construire un avenir à l'instant même où ils
renonceraient à la disparition de leur voisin.
Le Hamas et autres organisations
terroristes savent qu'ils peuvent compter sur la sympathie des Nations unies et
de nombre d'ONG à prétention humanitaire et ne se privent donc pas d'exploiter
la population qu'ils détiennent en otage puisqu'ils savent qu'Israël sera
systématiquement condamné à leur place.
J'en veux, pour exemple, une
anecdote affligeante.
En septembre 2017, une
organisation regroupant des femmes arabes et israéliennes a organisé une marche
en Cisjordanie (Judée-Samarie). Aucun parent n'aurait pu être indifférent aux
images de ces mères juives et arabes qui avouent leur quête d'un avenir
meilleur pour leurs enfants. Durant la marche, aucun pneu brûlé, pas de
lancement de pierres ou de cocktails Molotov, aucune tentative d'envahir
Israël, aucun propos haineux. Tout le contraire. C'était une authentique
manifestation pacifique.
Seulement, le Hamas a
immédiatement condamné la marche en déclarant que «la normalisation est une
arme israélienne».
L'ONU, de son côté, n'a pas cru
bon promouvoir l'initiative. Pourquoi l'aurait-elle fait?
Il est davantage dans sa
tradition, et certainement plus politiquement correct de condamner Israël pour
ses «excès» en matière défensive tandis que le Moyen Orient, faute d'une vision
honnête, bascule progressivement dans un conflit généralisé.
La rédaction vous
conseille :
- Israël:
trois Etats pour un seul peuple?
- Pourquoi
la paix continue d'être impossible entre Israël et Palestine
- Conflit
israélo-palestinien: les accords d'Oslo sont-ils morts?
- Les
frappes, un outil diplomatique pour Israël et le Hamas
«Syrie : de la guerre civile à la guerre
régionale ?» (19.04.2018)
FIGAROVOX/OPINION - Ran Halévi,
directeur de recherche au CNRS, analyse pour Le Figaro les
enjeux de la riposte occidentale en Syrie après l'usage d'armes chimiques par
le régime de Damas.
La Syrie est-elle en passe de
glisser de la guerre civile à une guerre régionale? Nous venons peut-être d'en
vivre les prémices, avec les
frappes alliées sur des sites syriens d'armements chimiques et,
quelques jours plus tôt, l'attaque
israélienne contre des installations iraniennes près de Homs. Les deux
opérations n'ont pas de lien direct, mais elles visent le même objectif -
brider les agissements dangereux de Damas et de Téhéran - et mettre au défi le
pouvoir quasi hégémonique de la Russie en Syrie.
La riposte occidentale au massacre
chimique de Douma a suscité de sérieuses réserves qu'on ne saurait
méconnaître. Je ne parle pas des prosélytes assermentés de l'inaction, qui
empilent d'excellentes raisons de ne rien faire chaque fois qu'un tyranneau
viole la loi internationale ou décime des populations civiles en les faisant
gazer à l'occasion. Voyez les conséquences onéreuses de notre démission, sous
la houlette de M. Obama, après les attaques chimiques en 2013 par le même
régime Assad: destruction d'Alep, essor de Daech, emprise de la Russie et de
l'Iran sur la Syrie, crise des migrants à nos portes…
«On ne peut considérer l'usage
des armes chimiques comme un simple pas de plus sur l'échelle de l'horreur»
Ran Halévi
Je parle des critiques d'ordre
politique et stratégique. Elles soulignent d'abord les incohérences de la
politique américaine: bombarder la Syrie tout en s'engageant à faire partir de
son territoire les maigres troupes américaines n'est pas la meilleure recette
pour inhiber le président syrien. Quant à la promesse sonore de M. Trump, après
le carnage de Douma, de «faire payer cher» à Assad et à ses bienfaiteurs russes
et iraniens, l'image du dictateur syrien vaquant paisiblement à ses besognes au
lendemain des raids alliés en dit long. Tout comme la fanfaronnade de Trump sur
«mission accomplie», qui résonnait plutôt comme une promesse de ne pas
recommencer.
Une opération pour rien, disent
certains experts: à force de la réduire à quelques cibles pour épargner des
civils, éviter les zones contrôlées par les Russes, sans même toucher
l'infrastructure militaire syrienne, elle a écorné la crédibilité des
Occidentaux bien plus que le régime de Damas. Et même si Assad s'abstient
dorénavant d'utiliser l'arme chimique, cette riposte précautionneuse paraît lui
accorder un blanc-seing pour continuer à massacrer librement son peuple, pourvu
que ce soit avec des armes traditionnelles.
Ces objections ne sont pas indifférentes,
mais elles en appellent d'autres à leur tour. On ne peut considérer l'usage des
armes chimiques comme un simple pas de plus sur l'échelle de l'horreur. Non
seulement parce que cette manière de faire mourir est d'une atrocité indicible
et qu'elle viole les conventions internationales, mais parce qu'elle ouvre la
voie à des pratiques de tuerie de masse autrement dévastatrices. Douma
résistait au régime syrien malgré des bombardements massifs ininterrompus.
C'est alors qu'Assad a décidé de lancer l'attaque chimique. Quelques heures
plus tard, les rebelles ont capitulé.
Les frappes alliées auraient pu,
certes, cibler plus durement l'appareil militaire syrien, mais rien ne dit
qu'elles ne servent pas l'objectif prioritaire de cette opération: dissuader le
dictateur de Damas d'employer à l'avenir l'arme chimique. Les
sites détruits ne l'empêcheront pas d'en fabriquer, mais c'est
leur utilisation qu'il faut commencer par faire cesser. Et il est bien trop tôt
pour mesurer le pouvoir de dissuasion des Occidentaux.
«La dernière chose que
souhaite le gouvernement russe aujourd'hui est un embrasement israélo-iranien
en Syrie»
Ran Halévi
La Russie non plus ne sort pas
indemne de cette épreuve. Ses avertissements sur les représailles
apocalyptiques qu'entraînerait l'intervention alliée n'ont troublé personne. Et
ses dénégations sur les attaques chimiques à Douma ne sont pas plus potables
que son annonce d'avoir intercepté la plupart des missiles tirés sur les sites
syriens. De fait, les frappes ont sérieusement endommagé, sous le regard des
Russes, le potentiel d'armements chimiques de leur client. C'est leur propre
pouvoir de dissuasion qui vient d'être atteint.
Le Kremlin connaît assez son
infériorité dans le domaine conventionnel pour risquer un conflit frontal avec
les Occidentaux. Mais il tient à sa propre ligne rouge: pas de changement de
régime à Damas. Pour fortifier le gouvernement syrien, Moscou envisage de lui
vendre des missiles antiaériens S-300, voire S-400, qui rendraient autrement
difficiles les opérations israéliennes en Syrie. C'est ici que l'affaire des
armes chimiques touche à la situation de quasi-guerre qui met désormais aux
prises l'État hébreu et les milices dirigées par les gardiens de la révolution
iraniens.
La présence en Syrie de ces
quelque 20.000 hommes n'a apparemment d'autre dessein que d'y établir un
avant-poste pour cibler le territoire israélien. Leur projet d'y construire une
base aérienne et des ateliers de fabrication de missiles de haute précision est
considéré à Jérusalem comme un casus belli. Ces installations ont été
bombardées par Tsahal en février puis la semaine dernière, faisant pour la
première fois plusieurs victimes parmi les gardiens de la révolution. Jérusalem
est résolue de ne pas répéter l'erreur d'avoir laissé le Hezbollah réunir au
Liban une panoplie de missiles qui couvrent aujourd'hui la totalité du
territoire israélien.
» LIRE AUSSI - Ran
Halévi: «L'Iran et Israël sont décidés à un bras de fer que seule la Russie
pourra arbitrer»
Pour l'heure, le régime iranien
se trouve empêtré dans ses propres problèmes: chute de la monnaie,
contestations populaires, incertitude quant à la décision prochaine du
président américain sur l'accord nucléaire. Autant de raisons de ne pas
s'aventurer dans un conflit armé avec Tsahal pour maintenir sa présence en
Syrie, très impopulaire en Iran. Seulement, les gardiens de la révolution ne
sont pas travaillés par les mêmes contraintes dans la guerre larvée qui les
oppose à Israël.
La dernière chose que souhaite le
gouvernement russe aujourd'hui est un embrasement israélo-iranien en Syrie.
Mais son ascendant politique et militaire suffit-il à l'empêcher? Rien n'est
moins sûr.
La rédaction vous
conseille :
- Le
chemin étroit de la diplomatie en Syrie
- Syrie:
qu'est-ce que le mystérieux Centre chimique frappé par les alliés?
- Un
bilan coûts-avantages du bombardement français en Syrie
- Moscou
protège Assad face à des frappes américaines
- Syrie:
six années d'impuissance face aux armes chimiques
Un imam salafiste expulsé vers l'Algérie (20.04.2018)
El Hadi Doudi était dans le
collimateur des services de renseignement depuis de longues années. -
Crédits photo : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT/AFP
El Hadi Doudi prônait le djihad
armé dans une mosquée de Marseille. À l'issue d'une longue procédure, il a dû
quitter la France.
Le suspense aura duré jusqu'à la
dernière minute. El
Hadi Doudi, imam salafiste de Marseille, a été expulsé vendredi
vers son pays, l'Algérie, après quatre mois de procédures et une longue enquête
préalable.
Mardi, il s'était vu notifier son
arrêté d'expulsion et avait été placé en centre de rétention administrative.
Son avocat, Me Nadil Boudi, avait toutefois déposé un recours devant la
Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en expliquant que son client
risquait de subir des tortures et autres «traitements inhumains ou dégradants»
en Algérie. La CEDH avait suspendu la procédure et donné un délai de
72 heures à Paris pour «rassembler les informations complémentaires
nécessaires à une prise de décision éclairée». Jeudi, la CEDH avait donné son
feu vert «à la lumière des informations fournies par les parties».
Cette expulsion vient conclure
une longue procédure conduite par le ministère de l'Intérieur avec, au premier
rang, la préfecture de police de Marseille. Le 11 décembre, la préfecture avait
pris un arrêté de fermeture pour six mois de la mosquée As-Sounna, où officiait
EL Hadi Doudi. Située boulevard National, non loin du centre et à un jet de
pierre d'un collège public, la mosquée, l'une des plus vastes de la ville,
accueillait plusieurs centaines de fidèles. Contestée devant la justice
administrative, cette fermeture temporaire avait été entérinée par le Conseil
d'État le 31 janvier.
Âgé de 63 ans, ce proche
du Front islamique du salut, arrivé en France en 1981, était devenu au fil des
années une référence du salafisme local repéré pour son radicalisme
À l'appui de sa demande, la
préfecture de police avait produit une note des services de renseignement de
plus de quarante pages. Plus d'une vingtaine de prêches et de textes en ligne,
entre 2013 et 2017, y étaient signalés. Avec, pêle-mêle, un soutien au djihad
armé, à l'exécution des apostats et des adultères, à la destruction des
mécréants et des juifs «impurs, frères des singes et des porcs» sans oublier
une incitation à adopter une attitude provocante pour semer la panique dans la
population, en hurlant par exemple Allah Akbar en pleine rue. Au vu de ces
accusations, El Hadi Doudi était logiquement visé par une demande d'expulsion.
Le 8 mars, une commission
composée de magistrats marseillais donnait son feu vert en soulignant notamment
que «l'analyse de l'idéologie propagée par M. Doudi […] démontre que
l'autre est nié dans sa singularité et son humanité», l'autre en question étant
«identifié uniquement par rapport à son sexe et à son appartenance ou non à une
race, une religion, une catégorie de personnes, ce qui est attentatoire aux
principes fondamentaux de la République». La défense avait contesté des propos
tronqués ou mal traduits et l'imam avait indiqué qu'il était prêt à abandonner
ses activités. En vain.
Doudi était de toute façon dans
le collimateur des services de renseignement depuis de longues années. Âgé de
63 ans, ce proche du Front islamique du salut, arrivé en France en 1981,
était devenu au fil des années une référence du salafisme local repéré pour son
radicalisme. Depuis le 1er janvier 2017, plus d'une vingtaine d'islamistes
étrangers en situation régulière ont, comme lui, été expulsés. Et d'autres
devraient suivre.
La rédaction vous
conseille :
- L'imam
salafiste de Marseille en passe d'être expulsé
- À
Marseille, cet imam radical qui faisait des adeptes dans toute la région
- Un
sulfureux imam salafiste à Marseille
Cambriolages : les «voleurs dans la loi» géorgiens sévissent
en France (20.04.2018)
Les quinze personnes
interpellées sont soupçonnées de 150 cambriolages en Normandie. -
Crédits photo : 133211673/AA+W - stock.adobe.com
Spécialisés dans le cambriolage,
ces délinquants ont été chassés de leur pays par une législation sévère. Un
réseau vient d'être démantelé en Normandie.
À Tbilissi
Leurs tombes se veulent de vraies
œuvres d'art. Les kanonieri kourdebi, en géorgien, ce que l'on peut
traduire par «voleurs dans la loi», sont des bandits hérités de l'époque
soviétique qui mettent un point d'honneur à ce que leurs sépultures soient des
hymnes à leur gloire. Kitsch à souhait, mais faites du plus beau marbre, où
leurs proches ont fait graver leur portrait en pied, éventuellement avec la
Mercedes en arrière-plan. Autour de celles-ci, dans les cimetières de Tbilissi
ou de Koutaïssi, capitales «historiques» du crime de la Géorgie, flotte une atmosphère
de respect autant que de gêne.
«Cette criminalité spécifique
au monde soviétique, qui s'est épanouie dans les goulags, est devenue un
phénomène majoritairement caucasien à partir des années 1950-1960»
Vakhtang Kekochvili, sociologue
C'est que, depuis une quinzaine
d'années, l'image des «kourdebi» est mise à mal en Géorgie. Dès son arrivée au
pouvoir, après la «révolution des roses» de la fin 2003, le président Mikheïl
Saakachvili a entrepris de les «casser». «Cette criminalité spécifique au monde
soviétique, qui s'est épanouie dans les goulags pendant la première moitié du
XXe siècle, est devenue un phénomène majoritairement caucasien à partir
des années 1950-1960», explique le sociologue Vakhtang Kekochvili.
» LIRE AUSSI - Le
nouveau visage des gangs itinérants
En 2005, le Parlement a adopté
une loi très dure permettant d'emprisonner pour sept ans quiconque reconnaît
seulement être un «voleur dans la loi», sans même être reconnu coupable d'un
délit ou d'un crime. En effet, selon leur code d'honneur, lorsqu'on demande à
ces «voleurs» s'ils appartiennent à cette sorte de confrérie, ils ne peuvent
mentir. En quelques mois, les «kourdebi» ont tous été placés derrière les
barreaux ou ont quitté la Géorgie. «Cette loi a finalement surtout déplacé le
problème hors du pays», constate Bruno Balduc, attaché de sécurité intérieure à
l'ambassade de France en Géorgie. Résultat: le monde du crime géorgien s'est
exporté en Europe de l'Ouest, en Espagne, Italie, Grèce, France…
Dans l'Hexagone, les délinquants
géorgiens se contentent surtout, pour l'heure, de cambriolages. Cette
semaine, un
réseau qui sévissait en Normandie a été démantelé, grâce à
l'intervention de près de 300 gendarmes. Quinze personnes de nationalité géorgienne,
soupçonnées d'être les auteurs d'au moins 150 visites de domiciles, ont été
interpellées, dont beaucoup sont des «voleurs dans la loi». La Géorgie arrive
désormais en 12e position des pays les plus représentés dans les prisons
françaises. Environ
300 ressortissants y sont incarcérés. «Ce n'est pas si important,
numériquement, mais, comme ils pratiquent le cambriolage, cela démultiplie le
sentiment d'insécurité chez nos compatriotes», observe Bruno Balduc.
«Petits groupes de 4 ou 5»
En réalité, une petite partie des
bandits géorgiens opérant en France sont des «kanonieri kourdebi». «Ils
fonctionnent souvent en petits groupes, de quatre ou cinq, avec un “voleur dans
la loi” à leur tête. Mais beaucoup fonctionnent aussi sans liens avec les
“voleurs dans la loi”», témoigne un Géorgien connaissant bien leur mode de
fonctionnement. La situation inquiète les autorités géorgiennes qui ont créé
des postes d'attachés de police dans une douzaine d'ambassades, dont un à
Paris, et ont adopté ce 19 avril un durcissement de la loi de 2005.
La rédaction vous
conseille :
- La
Géorgie durcit le ton contre les «bandits d'honneur»
- L'incroyable
razzia des gangs itinérants sur les pots catalytiques
- Paris:
un réseau de l'ex-URSS démantelé
Israël bloque le transfert des Palestiniens blessés à Gaza
(20.04.2018)
Un manifestant palestinien blessé
est évacué, vendredi 13 avril, près de la clôture entre la bande de Gaza et
Israël. - Crédits photo : MAHMUD HAMS/AFP
Des manifestants blessés par
balle à la « marche du retour » n'ont pas été autorisés à se rendre
en Cisjordanie pour être opérés.
Vingt
blessures mortelles le vendredi 30 mars, neuf la semaine suivante: de
façon logique, les comptes rendus de la «marche du retour» se sont d'abord
focalisés sur le nombre de Palestiniens tués à la lisière de la bande de Gaza.
Mais une autre statistique illustre, de façon au moins aussi frappante,
l'ampleur de la répression israélienne. Selon le ministère palestinien de la
Santé, 1539 manifestants ont été blessés par balle au cours des trois
premières journées de rassemblement. Les chirurgiens de l'ONG Médecins sans
frontières évoquent des blessures «dévastatrices», «d'une sévérité
inhabituelle» et associées à «des orifices de sortie de balles qui peuvent
avoir la taille d'un poing». «Chez la moitié des 500 victimes de tirs que nous
avons prises en charge, précise Marie-Élisabeth Ingres, chef de mission dans
les Territoires palestiniens, la balle a littéralement détruit les tissus après
avoir pulvérisé les os.»
» LIRE AUSSI - Gaza:
face aux snipers israéliens, les Palestiniens utilisent des cerfs-volants
piégés
Certains de ces blessés
conserveront des séquelles à vie. Mohammed al-Ajouri, 16 ans, est l'un d'entre
eux. Couché sur un lit au beau milieu du salon familial, il dissimule sous un
drap bleu pâle le moignon de sa jambe droite et débite son histoire d'une voix
faible. Son père, qui ne le lâche pas d'un œil, veut croire que «ça va mieux»,
mais la mine du garçon n'en convainc guère. Le 30 mars, il était environ
11 heures du matin lorsque celui-ci a été blessé au-dessous du genou par
un tir israélien. Il était venu manifester avec des amis sur le «camp du
retour» de Jabaliya, au nord de l'enclave. Au moment de l'impact, Mohammed
assure qu'il se trouvait à 300 mètres de la clôture avec Israël.
Impossible de vérifier ces propos. Évacué vers l'hôpital Shifa, il a été opéré
en urgence, mais les médecins ont jugé son état suffisamment grave pour
réclamer son transfert vers un établissement mieux équipé de Cisjordanie. Le
9 avril, confrontés au refus des autorités israéliennes, ils ont dû se
résoudre à l'amputer pour éviter que la gangrène ne se propage.
Un usage excessif de la force
«Israël est un État souverain,
justifie le porte-parole de l'unité militaire qui administre les Territoires
palestiniens (Cogat), et a donc le droit de choisir qui est autorisé à entrer
sur son sol. Or il a été décidé que toute demande de traitement médical
concernant un terroriste ou un émeutier qui a pris part à des événements
violents serait refusée.» L'ONG palestinienne al-Mizan, alertée par la famille
de Mohammed al-Ajouri, répond que le jeune homme ne demandait qu'à transiter
par Israël pour se rendre en Cisjordanie. Elle a depuis saisi la Cour suprême,
qui s'est prononcée le 16 avril. Trop tard pour sauver la jambe de
Mohammed. Mais les hauts magistrats, jugeant qu'il ne représentait aucune
menace sécuritaire, ont ordonné le transfert d'un autre blessé par balle,
Youssef al-Kronz, qui venait d'être amputé d'une jambe et risquait de perdre la
deuxième. «Si une telle décision avait été prise plus rapidement, se désole
Issam Younis, directeur d'al-Mizan, la mutilation de ces deux hommes aurait pu
être évitée.»
« Israël est un État souverain
et a donc le droit de choisir qui est autorisé à entrer sur son sol»
Le porte-parole de l'unité
militaire qui administre les Territoires palestiniens
L'ONU, tout comme la France et
l'UE, a déploré un usage excessif de la force après les lourds bilans du 30
mars et du 6 avril. La majorité des manifestants étaient rassemblés dans
le calme et se tenaient à bonne distance de la frontière avec l'État hébreu.
D'autres, moins nombreux mais brûlant d'en découdre, se sont approchés de la
clôture et ont jeté des pierres et des cocktails Molotov en direction des
soldats. Selon l'armée, deux d'entre eux ont ouvert le feu et plusieurs groupes
ont tenté d'endommager la barrière ainsi que de la franchir. Les généraux
israéliens, redoutant que les habitants de Gaza ne cherchent à s'infiltrer en
nombre, avaient prévenu qu'ils n'hésiteraient pas à tirer à balles réelles pour
les en empêcher.
Treize amputations
Dans la cour de l'hôpital
européen de Khan Younès, Ahmed al-Baba retient son souffle. Le jeune homme ne
sait pas encore que son père, Rached, blessé
le matin du 30 marsalors qu'il venait récupérer un autre de ses fils
sur le «camp du retour» de Rafah, est sur le point d'obtenir le feu vert
d'Israël pour être soigné en Cisjordanie. Terrassé par un accident vasculaire
cérébral consécutif à son hémorragie, l'homme est depuis lors dans le coma.
«Nous avons réussi à le stabiliser mais n'avons pas les moyens d'améliorer son
état», glissait samedi dernier le neurologue Hatem Aafana, inquiet pour la
survie de son patient. Jeudi 19 avril, celui-ci a été autorisé à se rendre en
Cisjordanie. Mais il est trop tôt pour savoir si les médecins parviendront à le
sauver.
» LIRE AUSSI - À
Gaza, la contestation s'enracine devant la frontière
À l'étage de l'hôpital Shifa, les
patients blessés lors des trois premières «marches du retour» s'entassent à
huit par chambre. Dès qu'un visiteur se penche à leur chevet, ils exhibent avec
fierté les photos de leurs lésions enregistrées sur un smartphone. Les plaies
sont énormes, les chairs explosées. «Ces munitions causent de multiples
fractures à l'os et déchirent les nerfs ainsi que les ligaments», décrit Ayman
Sahbani, chef du service des urgences. Selon le ministère de la Santé,
13 blessés ont été amputés des membres inférieurs depuis le début de la
«marche du retour» et plusieurs dizaines d'autres attendent un hypothétique
transfert en Cisjordanie.
La rédaction vous
conseille :
- À
Gaza, la contestation s'enracine devant la frontière
- Gaza
dans la spirale de la violence
- À
Gaza, le virage tactique du Hamas
Daniel Kretinsky : «J'ai un grand respect pour Elle et Marianne»
(20.04.2018)
Daniel Kretinsky, patron de la
holding Czech Media Invest, premier groupe de presse écrite en République
tchèque. - Crédits photo : Rudolf WICHERT/LAIF-REA/Rudolf WICHERT/LAIF-REA
EXCLUSIF - Inconnu en France,
l'homme d'affaires tchèque, à la tête du plus important groupe de médias de son
pays, explique au Figaro pourquoi il investit dans la presse
française.
Le nouvel homme fort de la presse
magazine vient de l'Est. Inconnu du monde des médias français il y a encore
quelques jours, le tchèque Daniel Kretinsky vient de se faire un nom en
rachetant coup sur coup Elle , les
autres magazines du groupe Lagardère (à l'exception de Paris-Match et
du JDD) ainsi que l'hebdomadaire Marianne .
«Je suis francophone et francophile», explique-t-il au Figaro. Ce
jeune quadragénaire, cinquième fortune de République tchèque, a fait une partie
de ses études à l'université de droit de Dijon.
Juriste de formation, Daniel
Kretinsky a bâti en une quinzaine d'années le premier groupe énergétique
d'Europe centrale, EPH (4,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires en
2016), qui opère aussi en Allemagne, Italie et au Royaume-Uni. Le milliardaire
est entré dans le secteur des médias en 2014 en rachetant au suisse Ringier,
avec l'homme d'affaires Patrick Tkac, le groupe de presse écrite Czech News Center.
«C'était pour moi une décision citoyenne», souligne-t-il. «La vague de
populisme et de nationalisme que connaît l'Europe est en partie la conséquence
de l'affaiblissement économique des médias traditionnels. La presse subit par
ailleurs la concurrence des Gafa, alors que des contenus trompeurs aux sources
troubles fleurissent sur Internet et sèment le doute chez les citoyens»,
poursuit l'homme d'affaires. «J'ai un important patrimoine personnel et j'ai
voulu l'investir dans la presse tchèque afin de lui assurer un avenir face à
ces défis. J'y ai découvert une industrie passionnante.»
«Ne pas abîmer ces marques»
«Nous sommes là pour aider au
développement de ces titres et leur permettre d'envisager sereinement l'avenir»
Daniel Kretinsky
Son
holding Czech Media Invest est aujourd'hui le premier groupe de
presse écrite du pays, avec trois quotidiens et une vingtaine de magazines.
Elle pèse 122 millions d'euros de chiffre d'affaires, pour un résultat
d'exploitation de 15 millions d'euros. Le rachat des radios privées du
groupe Lagardère opérant en Europe centrale pour 77 millions d'euros va permettre
de renforcer localement ce pôle médias.
» LIRE AUSSI: Clap
de fin pour l'empire de presse Lagardère
Mais pourquoi investir en France
alors que le marché y est compliqué pour les magazines? «J'ai une position
économique suffisamment confortable pour me permettre de faire des choix qui ne
soient pas motivés par l'appât du gain», sourit-il. Évoquant des «liens
affectifs forts avec la France», Daniel Kretinsky avance aussi une nouvelle
aura internationale pour son groupe médias ainsi qu'un partage d'expérience qui
pourra être bénéfique pour ses journaux tchèques. Quant au choix des titres,
«il s'agit pour Marianne d'un choix avant tout “citoyen”, bien
que je ne sois pas français, afin de venir en aide à ce titre. En ce qui
concerne les magazines de Lagardère, je suis optimiste pour trouver un modèle
économique solide. Il faut notamment permettre à Elle d'être plus
présent sur le digital», souligne-t-il.
«Nous ne regardons pas
d'autres dossiers, mais je ne peux rien exclure pour le futur, que ce soit en
France ou en Europe. Mais notre priorité est la France»
Daniel Kretinsky
Daniel Kretinsky tient à rassurer
les salariés. «J'ai un grand respect pour ces magazines et pour le travail de
leurs équipes. Ce n'est pas dans notre intérêt d'abîmer ces marques. Cet
héritage sera traité avec prudence et respect», explique-t-il. «Nous sommes là
pour aider au développement de ces titres et leur permettre d'envisager
sereinement l'avenir.» L'homme d'affaires affirme qu'il investira dans ces
magazines et que la rédaction de Marianne pourrait même être
renforcée. Chez les titres de Lagardère, la question de l'emploi est en cours
de discussion. Les titres cédés comptent 700 salariés. Ces derniers ont été
inquiets de trouver le nom de leur futur propriétaire dans les Panama Papers.
«Quant à ma citation dans les
Panama Papers, il s'agit d'un catamaran basé aux Caraïbes que j'ai
racheté et qui était immatriculé au Panama. Je n'ai jamais caché que j'en étais
propriétaire», explique-t-il.
L'homme d'affaires a-t-il
d'autres acquisitions en tête? «Nous ne regardons pas d'autres dossiers, mais
je ne peux rien exclure pour le futur, que ce soit en France ou en Europe. Mais
notre priorité est la France.»
La rédaction vous
conseille :
- Lagardère
vend ses radios en Europe de l'Est
- La
presse carbure à l'abonnement numérique
- Alliance
en vue dans les magazines en France
- Le
magazine féminin Glamour repart de zéro
Hubert Reeves: «Je pense qu'il y a beaucoup d'autres
civilisations dans l'Univers» (20.04.2018)
Hubert Reeves a passé une grande
partie de sa vie à observer les étoiles. - Crédits photo : ©Olivier
Roller/Divergence
INTERVIEW - Science et foi,
apparition de la vie sur terre, exoplanètes... L'éminent astrophysicien livre
ses réflexions sur des questions universelles.
A 85 ans, et avec une
brillante carrière passée à observer les étoiles, Hubert Reeves redescend sur
terre pour pousser un cri d'alarme. Selon l'éminent astrophysicien, nous sommes
en train de vivre un anéantissement biologique. «La disparition des vers de
terre est aussi importante que la fonte des glaces», explique l'auteur, en
octobre 2017, d'une bande dessinée sur la biodiversité destinée à
sensibiliser la jeunesse. Il occupe également une place importante
dans La Terre vue du cœur, un documentaire plaidoyer pour la
sauvegarde de la planète sorti au Québec le 13 avril dernier.
On vous sait mélomane. Une
musique favorite pour regarder les étoiles?
Du Bach, du Beethoven ou du
Mozart. Mais, surtout, les quatuors de Schubert!
Un programme télé préféré?
J'aime beaucoup les concerts
filmés, justement. Parfois, c'est même mieux qu'en vrai car on voit les
musiciens de près.
Un film de science-fiction
préféré?
Je ne suis pas trop un amateur de
science-fiction. Je trouve que les réalisateurs manquent d'imagination. La
réalité en a beaucoup plus que les êtres humains! Ce qui est un problème pour
l'avenir, d'ailleurs…
Vous n'en regardez jamais?
Parfois. Ceux qu'on me dit
d'aller voir pour ensuite me demander mon avis dessus. Comme pour Interstellar ,
de Christopher Nolan. Son script a été entièrement écrit avec des
astrophysiciens…
Verdict?
Je n'y suis pas allé. J'avais
peur de m'ennuyer.
Votre livre de chevet en ce
moment?
The End of Science, de John Horgan. C'est un livre
critique de notre situation face à nos problèmes. Il évoque notamment la grande
question de l'apparition de la vie sur Terre: comment est-on passé d'un océan
inerte à des petites bestioles qui vivaient? C'est le problème fondamental - et
on ne sait même pas si l'intelligence humaine sera un jour en mesure de le
résoudre.
Un personnage historique avec
qui vous aimeriez dîner?
Winston
Churchill. Il représente pour moi le courage et la volonté de continuer
à se battre - même dans les pires situations. Mon père me disait toujours:
«C'est quand ça va mal que l'on montre ce que l'on vaut.»
Si vous étiez omniscient, quel
phénomène physique ou chimique aimeriez-vous observer?
Visiter une exoplanète où il y
aurait de la vie. On en a découvert près d'un millier, aujourd'hui. Car c'est
l'autre grande question: sommes-nous seuls dans l'Univers? Y a-t-il d'autres
civilisations quelque part? Personnellement, je pense que oui, qu'il y en a
beaucoup.
Doit-on choisir entre la
science et la foi?
«Contentez-vous de nous dire
comment aller au ciel, mais laissez-nous le soin de dire comment il va»
Galilée
Absolument pas. Ce sont deux
domaines totalement différents. La science dit comment ça marche. La
philosophie ou la religion, elles, disent ce que ça vaut. La science dit
comment construire une bombe atomique, mais pas si c'est une bonne idée de s'en
servir.
Quelle est votre citation
préférée?
«Contentez-vous de nous dire
comment aller au ciel, mais laissez-nous le soin de dire comment il va», de
Galilée. Elle est importante car on voit beaucoup de débats sur l'idée que «la
science prouve que Dieu n'existe pas». Alors que la science n'a rien à dire sur
le sujet. Il n'y a pas de réponse universelle là-dessus: chacun doit avoir la
sienne. On peut être un bon chrétien ou un bon musulman et être un bon
scientifique.
De quoi a peur un
astrophysicien?
En ce qui me concerne, de la
mort.
Votre plus grande fierté?
Quand des gens me disent qu'après
avoir lu un de mes livres, ils se sont sentis plus intelligents.
La rédaction vous
conseille :
- Frédéric
Beigbeder: «La mort n'est qu'un problème technique à régler»
- Comment
l'homme marchera sur Mars
Natacha Polony : «La vraie révolution sera paysanne»
(20.04.2018)
La polyculture et la permaculture
sont des solutions parmi d'autres face à l'agriculture chimique qui menace
aujourd'hui nos sols. - Crédits photo : François BOUCHON/Le Figaro
CHRONIQUE - L'opposition entre
l'utopie des zadistes et le cynisme des agro-industriels est dépassée. Face à
la bétonisation grandissante et aux puissants lobbys, la France doit favoriser
une agriculture responsable avant qu'il ne soit trop tard. L'avenir des
Français en dépend.
Deux
heures et demie de joute entre le président de la République et les deux
journalistes vedettes qui prétendaient renouveler le genre. Deux
heures et demie de postures et de mise en scène de l'indépendance
journalistique. Pour quel résultat? Derrière une passe d'armes intéressante
contraignant le président à reconnaître que les Pays-Bas ont toutes les
caractéristiques d'un paradis fiscal sans que personne en Europe ne trouve à y
redire, des
pans entiers du réel, de la vie des Français, des enjeux du pays ont
disparu. L'industrie, l'agriculture, l'environnement, l'éducation? Ces
considérations sont visiblement moins nobles que la défense des zadistes de
Notre-Dame des Landes. Dommage.
Raisonnable, vraiment, un
système qui épuise les terres ? Responsable, une agriculture qui a fait
disparaître 80 % des insectes ?
Une fois de plus, on laissera
croire aux Français qu'il n'y aurait de choix qu'entre de gentils utopistes -
libertaires mais pas au point de refuser un RSA payé par ceux qui travaillent
et respectent la propriété, et surtout farouchement solidaires d'anarchistes
nettement moins gentils - et les «gens raisonnables» qui ont intérêt à
perpétuer l'existant. Raisonnable, vraiment, un système qui épuise les terres?
Responsable, une agriculture qui a fait disparaître 80 % des insectes?
Responsable, une économie qui perfuse des paysans exsangues aux subventions
publiques pour pouvoir importer du lait néo-zélandais dans des porte-conteneurs
adeptes du dégazage en haute mer?
Les jeunes gens qui prétendent
réinventer l'agriculture à Notre-Dame des Landes sont certes coupables de
s'être installés sans autorisation sur des terres appartenant à l'État, et de
refuser jusqu'à présent la régularisation de leur situation à travers un formulaire
pourtant largement simplifié par rapport à l'enfer administratif que constitue
la vie d'un agriculteur classique, mais ils posent des questions qui surgissent
ailleurs dans notre société, chez des gens beaucoup plus respectueux des lois.
Des questions qui vont s'imposer à nous dans les années à venir. Ce sont celles
que posent par exemple le courant de la
revue chrétienne d'«écologie intégrale» Limite ,
ou celui, socialiste et décroissant, de la revueLe Comptoir: comment
pouvons-nous reconstruire une autonomie des individus par rapport à une société
consumériste qui industrialise les processus pour mieux nous aliéner, nous
enchaîner à ses productions?
Comment pouvons-nous
reconstruire une autonomie des individus par rapport à une société consumériste
qui industrialise les processus pour mieux nous aliéner, nous enchaîner à ses
productions ?
La France a perdu en surface de
terres agricoles, depuis 2006, l'équivalent du département de Seine-et-Marne,
bétonné pour des pavillons, des hypermarchés et des parkings. Ce qui reste de
terres s'épuise sous l'effet d'intrants chimiques qui provoquent l'érosion. La
situation est si préoccupante, à l'échelle du monde, que la FAO, pourtant
fondée pour préparer la «révolution verte» de la deuxième moitié du
XXe siècle, à coups de pesticides et de pompage des nappes phréatiques,
annonce désormais qu'il va falloir changer de modèle. Et c'est un renversement
majeur du vieil argument selon lequel «le bio, c'est gentil, mais ça ne suffira
pas à nourrir la planète». En fait, nous dit désormais la FAO, c'est justement
parce qu'on se dirige vers 10 milliards d'habitants qu'il sera impossible
de continuer à détruire les ressources avec une agriculture chimique dont la
première conséquence est une chute inquiétante des rendements.
La nouvelle agriculture existe
pourtant. Elle n'a pas attendu les zadistes. C'est ce qu'explique à longueur de
livres Frédéric Denhez, auteur de Cessons de ruiner notre sol!(Flammarion,
2014), Le Bio au risque de se perdre (Buchet-Chastel, 2018)…
Il n'y a rien à «inventer» en matière d'agriculture, il y a tout à redécouvrir:
les haies, la permaculture, l'entretien des sols selon les règles de
l'agronomie, la polyculture qui permet de fertiliser les sols avec le fumier
des animaux que l'on élève, le redécoupage des parcelles pour qu'elles
n'excèdent pas «la distance que peut parcourir une coccinelle pour aller
chercher un puceron»: une leçon tirée de ce que fut la révolution agraire du
XVIIIe et, plus encore, tout le contraire du remembrement, dont Edgar Pisani, à
la fin de sa vie, disait qu'il avait été une effroyable erreur.
Il y a tout à redécouvrir :
les haies, la permaculture, l'entretien des sols selon les règles de
l'agronomie, la polyculture qui permet de fertiliser les sols avec le fumier
des animaux que l'on élève
Une
loi est en cours de discussion: très modestement, elle entend découpler
la vente et le conseil en matière de pesticides et veut permettre aux paysans
de fixer les prix. La plupart auront du mal tant il est difficile de calculer
le coût des intrants chimiques et la part des subventions, mais ce sont de
premiers pas vers l'indépendance. En attendant que d'éventuels amendements ne
viennent remettre dans le jeu les lobbys qui font depuis cinquante ans la
politique agricole et que les traités de libre-échange ne viennent ruiner ceux
qui veulent vivre de leur travail.
Il serait stupide de ne retenir
de Notre-Dame des Landes que les petits fascistes d'extrême gauche qui hurlent
à la fin de l'État et des frontières en cassant du CRS, quand les premiers
opposants à cet aéroport furent des citoyens lambda qui s'inquiétaient de la
destruction continue d'espaces naturels. Ils ont été débordés, faute d'avoir
été entendus. Mais si nous voulons que la France puisse encore nourrir ses
habitants dans cinquante ans, il est temps de refuser l'affrontement
caricatural des agro-industriels et des utopistes. Les vrais réalistes, les
vrais pragmatiques sont ceux qui savent que les sols, quand ils seront morts,
ne se remplaceront pas.
La rédaction vous
conseille :
- Natacha
Polony: «L'industrie agricole dont rêve Jupiter»
- Natacha
Polony: «Avec le Ceta, la filière agricole française envoyée à l'abattoir»
- Salon
de l'agriculture: «Je suis un paysan, pas un exploitant!»
- Industriels
et distributeurs financent les conversions à l'agriculture bio
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire