samedi 21 avril 2018

Islamisme et politique 19.04.2018


Macron : «Je travaille avec Donald Trump car nous sommes au service de nos pays» (20.04.2018)
«No-go zones» : Anne Hidalgo porte plainte contre Fox News (20.01.2015)
Général Soubelet : «Il faut agir et reprendre l'initiative sur notre propre sol» (20.04.2018)
L'idéologie droit-de-l'hommiste, un obstacle à la lutte contre le terrorisme ? (29.03.2018)
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les agents secrets (20.04.2018)
L'Inquisition médiévale, au-delà de la légende noire (19.04.2018)

Allemagne : plongée au cœur de l'étrange festival néonazi d'Ostritz (20.04.2018)
Immigration en Europe : le cri d'alarme de Douglas Murray, le Zemmour britannique (20.04.2018)
Douglas Murray : «Le rejet de l'immigration a été la raison principale du Brexit» (22.06.2017)
Nicolas Baverez : «Au Royaume-Uni, les ravages du populisme» (11.06.2017)
Pierre Rehov : un autre regard sur Gaza (20.04.2018)
«Syrie : de la guerre civile à la guerre régionale ?» (19.04.2018)
Un imam salafiste expulsé vers l'Algérie (20.04.2018)
Cambriolages : les «voleurs dans la loi» géorgiens sévissent en France (20.04.2018)
Israël bloque le transfert des Palestiniens blessés à Gaza (20.04.2018)
Daniel Kretinsky : «J'ai un grand respect pour Elle et Marianne» (20.04.2018)
Hubert Reeves: «Je pense qu'il y a beaucoup d'autres civilisations dans l'Univers» (20.04.2018)
Natacha Polony : «La vraie révolution sera paysanne» (20.04.2018)

Macron : «Je travaille avec Donald Trump car nous sommes au service de nos pays» (20.04.2018)

  • Mis à jour le 21/04/2018 à 09:48 

  • Publié le 20/04/2018 à 11:45
LE SCAN POLITIQUE - Le chef de l'État a accordé vendredi un entretien à la chaîne américaine conservatrice Fox News. La séquence, diffusée dimanche, doit lancer sa visite d'État aux États-Unis, où il s'envolera lundi soir.
Il veut continuer de casser les codes. À quelques jours de sa vite d'État outre-Atlantique, Emmanuel Macron a accordé une interview à la chaîne conservatrice Fox News. L'entretien, qui a été enregistré ce vendredi à l'Élysée, sera diffusé dimanche sur les télévisions américaines. «Il y a une volonté de s'adresser à tous les capteurs de la société américaine. En l'occurrence ce sera principalement l'électorat de Donald Trump», décrypte un conseiller auprès du Figaro.
Dans cette interview dont des extraits ont déjà été publiés, Emmanuel Macron confie «ne jamais se demander» si le président Trump achèvera son mandat. «Je travaille avec lui car nous sommes tous les deux au service de nos pays», justifie, en anglais, le chef de l'Etat français.
Au cours de cet entretien, Macron refuse de commenter certaines controverses entourant Trump, notamment l'enquête sur l'ingérence russe dans l'élection de 2016 qui pèse sur la présidence du milliardaire. «Ce n'est pas à moi de juger ou, d'une certaine façon, d'expliquer à votre peuple ce que devrait être votre président», affirme Macron.
«Une première interview avait été accordée en septembre dernier à CNN International, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, et une autre à CBS en décembre, en marge du One Planet Summit. Il faut un peu de rotation», indique l'entourage de Macron, sans ignorer que le choix de cette chaîne controversée pourrait faire couler beaucoup d'encre... Surtout depuis l'épisode des «no-go zones», qui avait poussé Anne Hidalgo à porter plainte.
Ce qu'attend Macron de sa visite aux États-Unis
Le président français entame ce lundi une visite d'État de trois jours. Une première pour un dirigeant étranger sous l'ère Trump. Isabelle Lasserre, spécialiste Diplomatie au Figaro, détaille les priorités de Paris pour cette visite.
Macron va s'exprimer en anglais devant le Congrès
Emmanuel Macron, qui doit s'envoler lundi soir, va passer trois jours aux États-Unis. Il sera le premier président à effectuer une visite d'État outre-Atlantique depuis l'élection de Donald Trump. Accompagné de son épouse, la première dame Brigitte Macron, le chef de l'État devrait offrir à son homologue américain un jeune plant de chêne symbolisant la force des relations entre les deux pays, selon Fox News.
Le chef de l'État français entamera son voyage par un dîner privé avec le couple présidentiel américain à Mount Vernon, la demeure historique de George Washington.
Mardi matin, le locataire de l'Élysée s'entretiendra à la Maison-Blanche avec son homologue, avant de se rendre au département d'État pour un déjeuner avec le vice-président Mike Pence. Là, il assistera à une cérémonie militaire au cimetière d'Arlington, avant un dîner d'État à la Maison-Blanche. Mercredi, enfin, il s'exprimera en anglais devant le Congrès, pendant une trentaine de minutes, pour y évoquer les «valeurs» et la démocratie. L'après-midi, il discutera avec des étudiants à l'Université George Washington, puis il repartira à Paris où se tient le jeudi une conférence internationale contre le financement du terrorisme.

«No-go zones» : Anne Hidalgo porte plainte contre Fox News (20.01.2015)

  • Mis à jour le 20/01/2015 à 19:06

  • Publié le 20/01/2015 à 18:55
LE SCAN POLITIQUE - La mairie de Paris va poursuivre en justice la chaîne de télévision américaine, qui a décrit certains quartiers de la capitale comme interdits aux non-musulmans.
Les excuses de Fox News n'auront rien changéAnne Hidalgo a annoncé mardi à CNN son intention de porter plainte contre la chaîne de télévision américaine. «Quand vous êtes insulté, quand vous avez une image et bien vous avez à aller devant la justice pour faire corriger ces mots. L'image et l'honneur de Paris ont connu un préjudice», a-t-elle expliqué. À l'occasion des attentats qui ont frappé la France, Fox News a en effet décrit certains quartiers de Paris comme des «no-go zones» (ou zones de non-droit) interdites aux non-musulmans, et où al-Qaida s'affiche sur les T-shirts des passants.
Une fable qui a provoqué un tollé chez les internautes français, poussant la chaîne à s'excuser timidement, assurant tout de même que les quartiers incriminés, dans le nord et l'est parisien, sont exposés à une très forte délinquance. «C'est tout aussi inexact. Tous ces propos sont erronés. Il y a un fort préjudice pour les Parisiens», estime l'entourage de la maire PS de Paris, contacté par Le Scan. «Je ne peux pas accepter que l'on parle comme ça de ma ville. C'est la bêtise qui s'exprime», avait déjà réagi un peu plus tôt Anne Hidalgo auprès de RTL.
La mairie ne sait pas encore si la plainte sera déposée dans une juridiction française, américaine, «ou dans les deux».
«La réalité est loin des caricatures»
En attendant, Anne Hidalgo s'est amusée à faire visiter le XIXe arrondissement de la capitale, décrit comme une «no-go zone», à son homologue new-yorkais, Bill de Blasio. L'Américain, qui était mardi à Paris pour rendre hommage aux victimes des attentats, a rencontré des acteurs associatifs et des éducateurs du quartier.
Interrogé par RTL, le maire de New-York a pris ses distances avec Fox News : «Nous sommes nombreux aux États-Unis à connaître les inexactitudes de cette chaîne de télévision. Il n'est pas juste de dire qu'une partie de Paris est une zone de non-droit. La réalité est très loin des caricatures».
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Général Soubelet : «Il faut agir et reprendre l'initiative sur notre propre sol» (20.04.2018)
  • Par  Bertrand Soubelet 

  • Publié le 20/04/2018 à 19:23
FIGAROVOX/TRIBUNE - Bertrand Soubelet appelle à un sursaut national dans la lutte contre le terrorisme intérieur. Selon lui, la restauration de l'ordre républicain et de la sécurité doit passer par des moyens adaptés à l'ampleur de l'urgence.

Général de corps d'armée, ex-numéro trois de la gendarmerie nationale, Bertrand Soubelet est l'auteur deTout ce qu'il ne faut pas dire (Plon), ouvrage sans concessions sur la situation de la France, et Sans autorité, quelle liberté? (éd. de l'Observatoire).

Les séquences se suivent et ne se ressemblent pas. Après le drame de Trèbes vient l'engagement discutable de la France en Syrie. La France agit avec célérité à l'extérieur, mais quid de l'intérieur?
Le comportement héroïque du colonel Beltrame a indéniablement sonné le glas du déni et de l'indifférence.
Pour ceux qui veulent bien ouvrir les yeux il a mis en évidence nos propres contradictions et les insuffisances de la réponse de l'État aux menaces de dislocation de la société française.
Nous avons franchi un palier. Dont acte. Et maintenant? Irons-nous plus loin dans la résolution de nos difficultés intérieures qui sont prioritaires pour la majorité des Français?
Il faut agir, non pas de manière désordonnée et animés par un sentiment issu d'une vision médiatique déformante, mais avec méthode et il est temps que le gouvernement indique la sienne et la mette en œuvre.
J'ai lutté toute ma vie contre la criminalité dont le terrorisme est une forme paroxystique. Cette expérience permet d'avoir une vision assez claire des enjeux, des processus et des erreurs à ne pas commettre.
La plus grave serait de basculer dans la haine de l'Autre vers laquelle certains responsables politiques nous amènent insidieusement. Elle se ressent déjà tous les jours avec des réactions dans la rue, dans les magasins et sur les réseaux sociaux. Une haine aveugle, irrationnelle qui ignore le discernement et qui s'exprime de plus en plus ouvertement.
Or, pour que le combat soit efficace et victorieux il est nécessaire de garder sa lucidité. Lucidité ne veut pas dire faiblesse, déni ou naïveté mais plutôt détermination et courage.
Il faut agir et reprendre l'initiative.
Cela ne veut pas dire que nous devons tout attendre de l'État. Nous sommes en «guerre» et chacun doit se mobiliser.
La première bataille à mener est celle des esprits. Elle se résume en trois phrases:
- Une lutte contre nous-même afin de sortir définitivement d'une certaine torpeur fataliste ;
- Un combat contre l'indifférence choisie au nom de la tranquillité et du confort personnel ;
- Une offensive contre la résignation, le laisser-faire et la bien-pensance, qui gouvernent la France.
La gravité de la situation intérieure doit inciter chaque Français à réagir individuellement au quotidien face à l'inacceptable. Ne détournons pas les yeux quand une agression ou un événement se produit. Réagissons de manière citoyenne. Résistons. Sans haine mais avec détermination.
Il ne s'agit pas d'exposer sa vie au quotidien mais tout simplement de réagir ne serait-ce que par la parole.
Nous devons gagner cette bataille des esprits.
Mais il faut également que l'État tienne toute sa place et mène sans relâche le combat contre toutes les formes de délinquance. Car le terrorisme islamiste est indissociable de la délinquance.
Les moyens à employer sont des moyens militaires.
C'est la guerre contre toutes les formes d'atteintes à l'autorité de l'État et le rétablissement de l'ordre républicain sur tout le territoire sans exception.
La lutte contre l'islamisme radical est une partie importante de ce combat global.
Le gouvernement a le devoir de se doter des moyens de l'action pour conduire cette guerre. La police de sécurité du quotidien n'y suffira pas.
L'objectif est de sécuriser notre territoire et de mettre fin à des situations et des organisations qui, s'appuyant sur des trafics favorisent parfois l'émergence du terrorisme.
Ce sont donc des termes militaires qu'il faut employer.
Il s'agit de neutraliser l'ennemi et pour parvenir à ce résultat concevoir une manœuvre d'ensemble fondée sur la connaissance du terrain et le renseignement dans la profondeur.
Dès lors avec une concentration des moyens il faudra traiter successivement un certain nombre de zones et d'objectifs en fonction des priorités.
Pour mettre cela en œuvre un travail préparatoire sera nécessaire. Il permettra de définir la méthode, le tempo et les conditions juridiques de l'action.
Avant tout, donnons-nous les moyens juridiques d'agir.
Nous sommes sortis, à juste titre, de l'état d'urgence puisque les dispositions de droit commun ont évolué. Mais pas suffisamment pour donner tous les moyens, sur un territoire donné, de traiter les questions de sécurité nationale dans des délais raccourcis. Or ni l'état d'urgence ni l'état de siège ne correspondent juridiquement et politiquement à la situation que notre pays connaît.
Il est capital de faire coïncider nos règles juridiques à l'état de notre société sans se faire intoxiquer en permanence par des lobbies droits-de-l'hommistes et des juristes déconnectés de la vraie vie qui veulent nous imposer des normes contraires aux intérêts du peuple français.
Guillaume Bigot, dans sa tribune dans Figarovox le 29 mars dernier, a fait le point sur cette question.
Il est donc nécessaire d'instituer un nouveau régime juridique particulier, limité dans l'espace et dans le temps, pour permettre le déploiement et la mise en œuvre de moyens adéquats. Placées sous l'autorité directe du gouvernement avec la prééminence d'un chef opérationnel désigné, des forces seraient déployées sur le territoire considéré et bénéficieraient notamment d'une équipe de magistrats pour renforcer temporairement la juridiction du lieu.
Il s'agirait d'un «état de contrôle renforcé» qui pourrait être déclenché dans des situations de deux natures différentes. Dans les zones urbaines connaissant des difficultés de sécurité publique et dans d'autres zones du type ZAD dans lesquelles l'ordre public ne peut plus être assuré dans des conditions normales. Notre-Dame-des-Landes en est la parfaite illustration.
Dès le fondement juridique institué il appartiendra au gouvernement de déployer temporairement des moyens sur certaines zones déclarées par décret en «état de contrôle renforcé» afin de les traiter en profondeur en concertation avec les élus et les autorités locales.
Cette force modulable d'environ 800 à 1000 personnes serait composée de gendarmes, de policiers, de militaires, de magistrats, d'éducateurs, de psychologues notamment.
Il faut appliquer une peine extrêmement lourde pour des individus agissant ou se réclamant d'une puissance ou d'une organisation étrangère à caractère terroriste.
Une telle volonté de traiter le mal en profondeur n'est pas une option ; c'est une nécessité pour notre pays. C'est avec pragmatisme et une méthode rigoureuse que nous éviterons le pire qui se prépare dans certaines parties de notre territoire. Reculer l'échéance augmentera très significativement les violences potentielles à venir.
Une deuxième mesure serait efficace pour traiter spécifiquement les islamistes radicaux en mettant fin aux querelles juridiques: c'est la transposition dans le titre 2 du chapitre IV des dispositions de l'article 411-4 du Code pénal. Avec une nécessaire adaptation, cela permettrait d'appliquer une peine extrêmement lourde de 20 ou 30 ans de réclusion pour des individus agissant ou se réclamant d'une puissance ou d'une organisation étrangère à caractère terroriste dans le cadre de la préparation ou de l'exécution d'une action criminelle. C'est l'intelligence avec l'ennemi dans un cadre terroriste.
Il serait également de bonne politique d'introduire dans la notion d'apologie du terrorisme un délit punissant la détention et l'action de brandir publiquement des drapeaux et emblèmes représentant des organisations terroristes.
Ces propositions relèvent du bon sens et du pragmatisme. Il ne fait aucun doute que s'élèveront des voix pour dire que cela n'est pas possible ou pas opportun. Ce sont les voix de ceux qui nous ont menés dans la situation actuelle.
Or personne ne se soucie des millions de Français qui vivent dans des parties du territoire où la loi républicaine ne s'applique plus depuis bien longtemps. Eux ont compris, puisqu'ils supportent au quotidien une forme larvée de totalitarisme. Eux sont déjà en résistance et contemplent, atterrés, la dégradation de la situation et l'impuissance de l'État.
C'est leur voix et celle de tous les Français qui ont décidé de résister que le gouvernement doit entendre.
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L'idéologie droit-de-l'hommiste, un obstacle à la lutte contre le terrorisme ? (29.03.2018)

  • Publié le 29/03/2018 à 18:38
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Guillaume Bigot juge que la lutte contre le terrorisme est ralentie, sur le plan judiciaire, par le»droit-de-l'hommisme» des juridictions supra-nationales ainsi que de certains magistrats.

Membre des Orwelliens, chroniqueur sur France Libre TV et sur BFMbusiness, Guillaume Bigot est essayiste. Il a notamment coécrit avec Stéphane Berthomet Le Jour où la France Tremblera, Terrorisme islamique: les vrais risques pour l'Heaxgone (Ramsay, 2006).

FIGAROVOX.- Après les attentats de Carcassonne et de Trèbes, l'islamisme armé est de retour. Comment analysez-vous la réaction des autorités?
Guillaume BIGOT.- Une réaction pavlovienne de la classe politique et des pseudo-experts consiste à s'indigner de ce que les djihadistes qui passent à l'acte sont déjà connus. Une telle indignation relève d'un pur contre-sens.
Si les auteurs d'attaques sont fichés, c'est que le renseignement est efficace et non l'inverse. Le système de remontée et de classement d'informations est déjà perfectionné: on classe les individus de 1 à 16, en fonction de leur dangerosité, les proches peuvent être fichés et on fait tout pour éviter l'engorgement de la base. Ce système ne cesse de s'améliorer. Ainsi lorsque Yassin Sahli, par exemple, l'islamiste qui avait égorgé son patron à Saint-Quentin-Fallavier, dans la banlieue de Lyon, était sorti des fiches S (il avait été fiché une première fois en 2006), un nouveau fichier dit FSPRT (Fichier de signalement pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste) a été créé afin d'y verser les noms retirés du fichier principal. Nous gardons une avance indispensable sur l'ennemi. Contrairement à certaines allégations, les forces de l'ordre sont très bien renseignées de l'intérieur par nos compatriotes musulmans, fort heureusement d'ailleurs.
Si les auteurs d'attaques sont fichés, c'est que le renseignement est efficace.
Ce formidable travail de l'ombre réalisé par des informateurs de confession musulmane, par des fonctionnaires infiltrés et par les services permet d'éviter l'essentiel des actes qui, sans cela, ensanglanteraient la France. Chaque année, depuis 2015, ce sont entre 15 et 20 tentatives d'attentats qui sont en moyenne déjouées. Certaines de ces attaques auraient été dévastatrices.
Donc, les attentats qui surviennent doivent être considérés comme inévitables? Si l'on vous suit, tout ce qui peut l'être serait donc entrepris pour protéger nos compatriotes?
Loin s'en faut. Mais en critiquant le renseignement on se trompe de cible.
Par ailleurs, on a beau redécouvrir la menace à chaque attentat, il faudra bien un jour admettre qu'éradiquer le djihadisme en France sera l'affaire d'une guerre de trente ans. L'islamisme est enraciné, avec un risque de séparatisme à la clé comme nous l'écrivions dès 2005, avec Stéphane Berthomet. Le risque zéro relève donc de l'illusion. Le reconnaître ne revient cependant pas à dire que l'on se protège aussi efficacement qu'on le devrait.
Les services travaillent aussi bien qu'ils le peuvent, mais nous sommes confrontés à trois obstacles.
Le premier est de taille si j'ose dire: le phénomène revêt des proportions telles qu'il ne peut plus être appréhendé à l'aune des moyens actuellement mis en œuvre.
20 000 islamistes radicalisés dans le fichier «S» dont 7 000 très dangereux... pour moins de 8 000 fonctionnaires chargés de circonscrire la menace qu'ils représentent (4 300 de la DGSI, 2 500 fonctionnaires du Service central du renseignement territorial, plus des enquêteurs de la SDAT et des gendarmes de la sous-direction de l'anticipation opérationnelle).
Surveiller une seule cible, 24h/24, même en ayant intensément recours à l'intelligence artificielle, mobilise toute une équipe agents. Il faut donc recruter et former.
Le second obstacle qui nous empêche de lutter plus efficacement contre le terrorisme islamique, ce sont les magistrats eux-mêmes qui le dressent. À côté de juges d'élite telles que Jean-Louis Bruguière, Gilbert Thiel ou Marc Trévidic et d'autres encore moins médiatisés mais tout aussi remarquables, certains magistrats restent très imprégnés de ce que Jean-Pierre Le Goff appelle le gauchisme culturel. La magistrature a souvent les yeux de Chimène pour les caïds des cités qui forment la base du recrutement des futurs terroristes. Pourquoi? Un substrat de préjugés se mêle et explique cette coupable indulgence: culture de l'excuse, culte de la repentance néocoloniale, admiration pour un islamisme anticapitaliste. On n'est parfois pas très loin de la France rance et vichyste des porteurs de valise de Ramadan qui font semblant de ne pas entendre les délinquants de banlieues aduler Radouane Lakdim.
Le troisième obstacle est donc idéologique. Ce qui paralyse les dirigeants français, c'est ce qu'il est convenu d'appeler le droit de l'hommisme. Ce dernier n'a rien à voir avec la défense concrète des droits de l'homme, ni même avec un attachement sincère aux valeurs qui forment le socle de notre pacte social. Le droit-de-l'hommisme est un culte des formes juridiques, sacralisées et placées au-dessus de la souveraineté populaire. L'apologie des droits de l'individu considérés comme l'alpha et l'oméga des valeurs morales cadenasse juridiquement la volonté de la majorité et fait le jeu de nos ennemis qui s'abritent derrière des procédures.
Les dirigeants sont paralysés par le «droit-de-l'hommisme».
En quoi ce que vous appelez le droit-de-l'hommisme empêche-t-il de lutter contre l'islamisme radical?
L'expulsion des étrangers fichés S, l'éloignement des Français radicalisés ou le rétablissement des frontières forment trois mesures-clé qui feraient reculer l'ennemi. Mais en l'état actuel du droit, qui inclut les traités et l'interprétation du bloc de constitutionnalité par le Conseil d'État, par le Conseil Constitutionnel, par la Cour de Cassation et par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, de telles mesures sont inenvisageables. On serait tenté de répondre: mais alors que l'on change le droit! À ce stade, les choses se corsent car notre système juridique installe ces juridictions suprêmes et ces traités au-dessus de la loi, c'est-à-dire de l'expression de la volonté générale. Il faudrait agir par référendum pour défaire ce que le peuple a fait sous la forme de traités ratifiés ou d'articles de la constitution autorisant des recours devant la Cour constitutionnelle par exemple.
La main de l'État est donc paralysée par deux facteurs: un facteur dur, juridique, la règle de droit (expulser un étranger, c'est s'exposer à un recours que l'on anticipe comme perdu d'avance) et un facteur mou, symbolique et culturel (les résidus de l'idéologie soixante-huitarde qui placent l'État de droit au-dessus de la démocratie). L'anticipation de la règle de droit et cette mentalité qui considère comme sacrilège de vouloir la changer se combinent pour forger cet état d'esprit capitulard face à l'islamisme. Nous sommes face à des gouvernants qui croient faire leur devoir en résistant au populisme, c'est-à-dire à la demande d'une majorité de l'opinion qui attend des mesures énergiques pour neutraliser les apôtres de la guerre sainte.
Le gouvernement se trompe dans sa communication à l'égard des attentats?
La communication officielle verse dans le contre-sens absolu et fait le jeu de l'ennemi. Cette communication se décline suivant trois axes: premièrement, chercher à édulcorer les actes (mais à l'ère des réseaux sociaux, les informations finissent par sortir et c'est alors l'empire de la théorie du complot). On a vu ce mécanisme à l'œuvre: ce fut le cas avec certaines attaques à la voiture bélier ou avec l'égorgement du colonel Beltrame.
Le deuxième axe de communication consiste à dédouaner préventivement l'Islam. C'est le grand mantra du «pasdamalgame». Il s'agit de parler à la place des musulmans pour les désolidariser à leur place d'avec l'islamisme. Nos compatriotes musulmans n'en demandent pas tant! Et puis un tel empressement à affirmer que les attentats islamistes n'ont rien à voir avec la religion mahométane est un peu louche. Les Français savent faire la différence entre leurs compatriotes d'origine musulmane qui veulent qu'on leur fiche la paix avec cette religion qu'ils ne pratiquent ni ne revendiquent, des concitoyens qui ont une pratique paisible de leur culte compatible avec les valeurs de la République. L'opinion ne confond pas ces deux catégories avec des islamistes provocateurs et vindicatifs qui placent la charia au-dessus des lois françaises ni avec les djihadistes assassins. Mais les Français, y compris de confession musulmane, sont exaspérés par ce qu'ils considèrent comme une manifestation de malaise de la part des autorités.
Le troisième axe de communication, c'est de viser l'effet compassionnel. C'est la séquence «émotion». Les officiels se rendent sur place. On sort alors les bougies, on observe une minute de silence et on verse une larme.
Or, ces trois réflexes sont totalement inappropriés.
Le gouvernement devrait convoquer des caméras et mettre en scène l'expulsion de 300 imams salafistes.
L'Islam, pas seulement le djihadisme mais toute la culture arabo-musulmane, est traversé par un culte de la virilité et de l'esprit chevaleresque. Montrer sa force, c'est gagner le respect. Passer pour une victime, c'est attiser la haine et le mépris.
La fameuse taqîya, l'art de la dissimulation tactique prôné par le Coran consiste à tenir compte du rapport de forces pour s'adapter à un environnement non musulman. En nous montrant intraitables sur le respect de la laïcité, nous n'allons nullement encourager la révolte ou nourrir le sentiment d'injustice. Au contraire: nous obtiendrons que l'Islam s'adapte à la France et non l'inverse.
Ainsi, le gouvernement devrait, au contraire, convoquer des caméras et mettre en scène l'expulsion de 300 imams salafistes. Il aura alors gagné sur tous les tableaux: sa cote de popularité bondira, les gamins qui hurlent de joie après des attentats ou certains sympathisants du djihad rentreront la tête dans leurs épaules.
La rédaction vous conseille


Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les agents secrets (20.04.2018)

  • Publié le 20/04/2018 à 19:36
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Hugues Moutouh est un fin connaisseur du milieu du renseignement et de la sécurité extérieure. Dans son Dictionnaire du renseignement, il livre un regard clair et lucide sur le vrai quotidien de James Bond, apportant un éclairage nouveau sur de nombreux enjeux sécuritaires actuels.


Hugues Moutouh est préfet et ancien conseiller à la présidence de la République et auprès du ministre de l'Intérieur, spécialiste des questions de sécurité. Il vient de diriger avec Jérôme Poirot la publication du Dictionnaire du renseignement (Perrin, 2018).

FIGAROVOX.- Le métier d'agent secret fascine le grand public depuis toujours. Mais la réalité est-elle aussi spectaculaire que dans James Bond?
Hugues MOUTOUH.- Clairement non! L'univers de Ian Fleming, revu par des réalisateurs de talent, nous enchante, mais c'est une pure fiction. Le métier d'agent secret est en réalité beaucoup moins romantique et exotique que dans les romans ou films d'espionnage. Je dirai qu'il y a plus de réflexion et d'expertise que de cascades! Depuis quelques années, la dimension technologique est devenue prégnante, comme on s'en est aperçu avec les révélations de l'affaire Snowden. Cela étant, la collecte de renseignements continue toujours de se faire sur le terrain par des agents qui prennent souvent des risques importants.
Se rapproche-t-elle davantage de la série de Canal +,Le bureau des légendes, avec Mathieu Kassovitz, inspirée par la DGSE?
Personnellement, Le Bureau des légendes est, avec Homeland, la série d'espionnage que je préfère !
La série créée par Éric Rochant est une excellente fiction et le succès qu'elle a rencontré depuis sa première sortie, en 2015, est largement mérité. Sans aucun doute elle se rapproche de la réalité, même si elle a tendance à forcer certains traits et condenser sur quelques journées des événements exceptionnels qui s'étendent sur de nombreuses années, voire des vies entières d'agent de renseignement. Comme son titre l'indique, elle met l'accent sur la vie particulière d'agents infiltrés à l'étranger, chargés de collecter des renseignements sensibles. L'intérêt de cette série est de faire découvrir à nos concitoyens que notre pays possède aussi, à l'instar des États-Unis ou du Royaume-uni, un service de renseignement extérieur qui compte sur la scène internationale et qui est à même de protéger nos intérêts. Personnellement, Le Bureau des légendes est, avec Homeland, la série d'espionnage que je préfère!
Ce dictionnaire est-il, en quelque sorte, une entreprise de démystification? En quoi le métier d'espion consiste-t-il réellement aujourd'hui?
L'idée de ce Dictionnaire répondait à une lacune: l'inexistence en France d'un grand ouvrage de référence sur le renseignement. Le lecteur français avait à sa disposition des essais, des témoignages vécus plus ou moins romancés, mais pas de livre exhaustif sérieux. Avec Jérôme Poirot, qui a co-dirigé avec moi cet important ouvrage de 829 pages, nous voulions réunir une équipe de professionnels du sujet et offrir à nos lecteurs une «vue de l'intérieur»: le renseignement par les hommes du renseignement, en quelque sorte. On trouve des entrées très diverses, certaines légères et distrayantes, faisant la part belle aux grandes affaires de l'espionnage mondial, d'autres beaucoup plus techniques, s'adressant à un public déjà averti.
Le monde de l'espionnage a-t-il été profondément bouleversé par la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide?
La grande époque de l'espionnage et du contre-espionnage est effectivement celle de la guerre froide ou «couverte» (par opposition à celle de «guerre ouverte»), pour reprendre une expression du Cardinal de Richelieu. Toutes les grandes affaires, les plus retentissantes et médiatisées du moins, prennent place dans ce contexte d'affrontement idéologique sans concession entre l'Est et l'Ouest. La plus incroyable, à mon avis, est celle dite des Cinq de Cambridge. Des années 30 aux années 60, cinq membres de l'élite britannique, dont le célèbre Kim Philby, travaillèrent pour le compte de Moscou tout en occupant des fonctions stratégiques dans la diplomatie britannique et les services de Sa Majesté! Il y a également les incroyables tentatives d'assassinat répétées de Fidel Castro par la CIA, par des procédés aussi loufoques qu'inefficaces (cigares explosifs, poison, etc.). Derrière ces anecdotes qui nous font sourire, il faut se souvenir que cette guerre froide n'avait rien d'une «drôle de guerre». Elle a fait de nombreuses victimes. Depuis la chute du mur, la donne a changé». On pourrait croire que les pays s'espionnent moins, parce qu'on n'en entend pas parler. C'est bien évidemment faux. Les services du monde entier continuent de se surveiller les uns les autres. On se renseigne sur l'action des gouvernements alliés ou ennemis, on cherche à anticiper leurs décisions quand elles sont de nature à affecter les intérêts nationaux, on suit pas à pas les nouveautés technologiques produites ailleurs, etc. Les révélations de l'affaire Snowden montrent même qu'il faut parfois savoir se protéger de ses alliés! La maxime de De Gaulle, empruntée à Lord Palmerston, est plus que jamais d'actualité: les États n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts.
On pourrait croire que les pays s'espionnent moins, parce qu'on n'en entend pas parler. C'est bien évidemment faux.
Depuis le 11 septembre, diriez-vous que la menace prioritaire pour les États est la menace du terrorisme islamiste?
Il est sûr que depuis le 11 septembre, la menace prioritaire est le terrorisme international. L'activité la plus importante et budgétivore des services intérieur comme extérieur n'est plus le contre-espionnage, mais le contre-terrorisme. L'islamisme constitue pour nos démocraties occidentales l'ennemi absolu. Or, au-delà des actions militaires sur les théâtres extérieurs (comme au Mali par exemple), la lutte contre le terrorisme se déroule dans l'ombre: il faut anticiper et connaître les intentions de ceux qui comptent passer à l'acte et nous frapper. Le problème est de plus en plus complexe avec l'apparition de ce que j'ai nommé dans les pages de votre journal l'Uber-terrorisme: ce terrorisme low-cost qui est le fait de n'importe qui ou presque. Le suivi des filières djihadistes professionnelles était beaucoup plus simple à assurer que ce terrorisme de nature endogène que nous connaissons aujourd'hui.
Comment expliquez-vous que beaucoup de fichés S échappent aux services de renseignements et passent à l'acte? S'agit-il d'un manque de moyens humains? Faut-il davantage blâmer la justice et l'administration que les services de renseignements?
90 % des terroristes qui sont passés à l'action ces dernières années étaient déjà connus des services. Cela démontre, contrairement à ce que l'on entend trop souvent, que nous n'avions pas de problème de détection en France. Les signaux faibles sont déjà bien pris en compte. Cela ne suffit manifestement pas. Pour résumer, je dirais que le problème est double. Il y a d'une part un problème quasi philosophique: quels sacrifices est-on prêt à faire en termes de liberté, pour assurer notre sécurité collective? Si on décide de donner, pour un moment du moins, la priorité à la sécurité sur la liberté, on ne doit pas hésiter à durcir notre droit, par exemple en assumant de prendre des mesures attentatoires à la vie privée et à la liberté individuelle des personnes que l'on soupçonne de constituer un danger sérieux. C'est dans ce cadre-là que l'on débat de l'opportunité ou non d'interner administrativement pendant une certaine durée les personnes à la dangerosité avérée, mais qui ne sont pas encore passées à l'action violente. Sur de simples soupçons, peut-on attenter à la liberté d'aller et venir d'un individu? Le débat est compliqué. Je rappelle seulement que les pères fondateurs de la République ont eu beaucoup moins de scrupules que nous pour endiguer la menace du terrorisme anarchiste à la fin du XIXe siècle. Je pense, pour ma part, que des solutions raisonnables existent, à l'instar de celles qui sont prévues pour les hospitalisations contraintes. Notre démocratie n'est pas condamnée à être éternellement faible.
Ne laissons pas en héritage à nos enfants un contexte de quasi-guerre civile.
Le deuxième problème général que j'entrevois est celui des mesures plus générales à prendre pour éviter d'avoir à gérer pendant les cinquante prochaines années la même situation. Si nous voulons éviter à la prochaine génération d'avoir à se battre pour sa sécurité, prenons les devants! Ne laissons pas en héritage à nos enfants un contexte de quasi-guerre civile. Ce n'est procéder à aucun amalgame idéologique douteux que d'affirmer que le terrorisme actuel trouve sa source dans la délinquance et le sentiment de frustration ou de désespérance de jeunes issus de l'immigration. Le terrorisme sonne le glas de notre modèle d'intégration. On ne le dit pas assez. Pourquoi ces jeunes nous haïssent-ils autant? Pourquoi rejettent-ils l'Occident qui les accueille? Pourquoi ont-ils le nihilisme comme projet? Ces questions doivent trouver des réponses. Il faut laisser les penseurs penser et les hommes politiques agir! À court terme, la première réponse est de revenir à une politique de bon sens concernant l'immigration. Partons de l'idée simple que la France a besoin de peu d'immigrés, bien formés et en mesure de s'intégrer culturellement. Gérer le flux devient une urgente nécessité puisqu'il est déjà trop tard pour s'occuper du stock.
Mis à part le terrorisme, quelles sont les autres menaces?
En dehors de la lutte contre le terrorisme, nos services doivent bien sûr protéger les intérêts de notre pays. Cette affirmation est à la fois d'une simplicité évidente, mais elle est loin d'aller de soi dans un univers fortement marqué par l'idéologie post-moderniste. Pour une bonne part de la classe dirigeante européenne, nous sommes entrés depuis la fin de la guerre froide dans une autre ère. Il n'y a plus d'ennemis, que des concurrents. À force de répéter que la guerre, la souveraineté, la nation sont des vestiges du passé, on en est venu à croire que le XXIe siècle serait celui de la paix perpétuelle annoncé par Kant. Défendre et promouvoir les intérêts nationaux suppose qu'il y ait bien une nation avec des frontières. Un «eux» et un «nous». On en revient encore et toujours à De Gaulle: la France n'a pas d'amis. Elle doit d'abord penser à défendre ses intérêts. Les services de renseignement sont le bras armé de l'État pour assurer, en temps de paix, la continuité de ses institutions, préserver ses valeurs et s'assurer que ses ressortissants comme les générations futures pourront perpétuer leur mode d'existence. Toutes les prises de position sur la scène internationale de nos dirigeants doivent être jugées à l'aune de cet exigeant critère. La défense de la Liberté et de l'Humanité sont de belles causes, mais elles ne doivent pas se faire au détriment des intérêts des Français vivants et à naître.
L'enjeu majeur du futur est-il d'éviter une guerre cybernétique? Celle-ci est-elle déjà déclarée?
La guerre cyber est effectivement déjà déclarée, dans la mesure où un peu partout dans le monde des attaques informatiques ont lieu. On peut lancer des missiles sur le web aussi puissants et destructeurs qu'au dehors. Les Israéliens ont réussi la prouesse de paralyser, via un virus électronique particulièrement agressif, les sites d'enrichissement d'uranium iraniens pendant des années. Les Russes comme les Américains pratiquent cette nouvelle guerre de l'ombre pour déstabiliser les puissances concurrentes. Nous ne devons pas rester en marge de l'histoire. Nous avons les compétences pour participer à cette évolution inéluctable et n'avoir pas une guerre de retard. Nous devons investir pour nous défendre. Il y a une dissuasion cyber, comme il y a une politique de dissuasion nucléaire, même si des différences existent bien entendu entre ces deux univers. Le cyber n'est pas un nouveau terrain de guerre qui viendrait s'ajouter à la terre, l'air et l'eau. Il les englobe tous. C'est carrément un nouveau paradigme. Nos services l'ont parfaitement compris, comme le ministère de la Défense. Il faut investir vite et beaucoup pour ne pas se retrouver à la traîne des grandes puissances. Un nouveau programme à la hauteur de celui mis en place à l'après-guerre pour le nucléaire militaire français doit être institué. Pourquoi ne pas créer un commissariat doté des moyens adéquats, à l'image du CEA (commissariat à l'énergie atomique)? Ce serait la manifestation d'une forte volonté politique et un appel à la mobilisation nationale!
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L'Inquisition médiévale, au-delà de la légende noire (19.04.2018)

  • Mis à jour le 20/04/2018 à 15:34

  • Publié le 19/04/2018 à 19:40
HISTOIRE - Le 20 avril 1233 le pape Grégoire IX établit l'Inquisition en France. Dans l'imaginaire collectif, ce tribunal ecclésiastique du Moyen Âge est associé à un temps de violence, d'infâmes tortures, d'immenses bûchers, de fanatisme… Retour sur quelques idées reçues.
Falsification de l'histoire au XIXe siècle. Il y a 785 ans le pape Grégoire IX introduit dans le royaume de France l'Inquisition pontificale. Il s'agit d'un tribunal ecclésiastique confié aux ordres mendiants (les dominicains et les franciscains) pour lutter contre l'hérésie en Europe. Ainsi le 20 avril 1233, le pape charge les frères prêcheurs (les dominicains) de lutter contre l'hérésie dans le Languedoc.
Mais qu'en est-il de l'action de cette institution en France? Répression aveugle ou action modérée? Signe d'obscurantisme? Décryptage en quatre idées reçues.
Idée reçue n°1: l'Inquisition médiévale est le signe d'un temps d'intolérance et de fanatisme
Ce tribunal pontifical médiéval est institué par la papauté pour protéger l'orthodoxie catholique: il est créé pour lutter contre les dissidences religieuses. En contestant l'organisation de l'Église romaine et certains de ses dogmes elles menacent son unité. Ces membres sont considérés comme des hérétiques. Aussi l'objectif du tribunal est avant tout de sauver les âmes égarées, de les ramener dans le giron de l'Église romaine.
À l'origine dans l'esprit de la papauté il s'agit davantage d'un outil de persuasion que de répression, ce que certains juges oublieront. L'Inquisition est créée pour préserver la chrétienté et ne juge que les chrétiens. Les tribunaux inquisitoriaux sont introduits en 1233 dans le royaume de France pour lutter contre les Cathares, installés dans le Midi de la France. Les inquisiteurs, nommés par le pape, s'appuient dans leur mission sur les pouvoirs laïcs.
En replaçant cette organisation ecclésiastique, dans le contexte culturel et historique du Moyen Âge, on ne peut parler de fanatisme ou d'intolérance.
Idée reçue n°2: Les juges inquisitoriaux rendent une justice arbitraire
L'Inquisition est souvent présentée comme une justice arbitraire et archaïque, alors qu'elle apparaît plutôt moderne: elle met en place une procédure d'enquête. Le but est de ramener la personne suspectée d'hérésie dans le droit chemin, de permettre la conversion. Ainsi l'instruction est méthodique, elle ne peut débuter que sur la base de témoignages vérifiés. Il faut des preuves concrètes et des témoignages probants avant de pouvoir faire procéder à l'arrestation d'une personne par les pouvoirs civils. La justice s'appuie sur l'aveu -s'il est obtenu par la torture, il doit être réitéré «sans aucune pression de force ou de contrainte», hors de la chambre de torture pour être recevable. Le faux témoignage est par ailleurs poursuivi et condamné.
L'historien Didier Le Fur précise dans son livre sur l'Inquisition que la sentence du tribunal est prise sur l'avis du conseil -qui comprend des membres du clergé régulier ou séculier et des laïcs désignés expressément et chacun fait serment de donner les bons conseils. On ne communique pas forcément le nom du prévenu. Enfin Il faut soulever que l'Inquisition ne condamne pas systématiquement les personnes suspectées. Il ne s'agit pas d'une justice aveugle, comme peut l'être la justice seigneuriale, souvent arbitraire et expéditive.
Idée reçue n°3: l'Inquisition est un tribunal qui envoie des milliers de personnes au bûcher
La légende noire de l'Inquisition, présentant les inquisiteurs comme des juges cruels, responsables d'immenses bûchers est un héritage de la littérature et de l'iconographie du XIXe siècle. Or les recherches récentes ont permis de réévaluer largement à la baisse le nombre d'occis. Ainsi selon les chiffres des sentences de Bernard Gui, inquisiteur à Toulouse pendant 15 ans, de 1308 à 1323, sur 633 sentences, seules 40 personnes sont remises au bras séculier, donc au bûcher (l'Inquisition qui ne peut en théorie pratiquer la peine de mort envoie le condamné à la justice laïque). Dès la fin du XIIIe siècle le bûcher est de plus en plus exceptionnel; il est aussi le signe de l'échec de l'Église, incapable de ramener les âmes perdues.

Il est certain qu'au cours de son histoire l'Inquisition a pu se montrer féroce, mais il faut aussi mentionner que les abus de certains juges sont aussi punis. Ainsi Robert le Bougre -ancien hérétique converti- inquisiteur en Champagne qui envoie des dizaines de condamnés au bûcher (bûcher du Mont-Aimé) est suspendu temporairement en 1233. Lorsqu'il reprend sa mission, ses excès sont tels qu'il est révoqué et condamné à la prison à perpétuité en 1247. Mais ces dérives ne sont pas une généralité: les tribunaux inquisitoriaux sont davantage modérés dans leurs sentences que les tribunaux laïcs. Et la grande majorité des peines consiste en un temps d'emprisonnement.
Les images de violences proviennent surtout de l'amalgame qui est fait avec l'Inquisition espagnole -fondée en Espagne, en 1479, par les rois catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon. Indépendante de Rome, elle est un temps sous l'autorité du tristement célèbre grand inquisiteur Thomas de Torquemada. Elle est instaurée pour sévir contre toutes les déviances, c'est-à-dire contre tous ceux qui ne sont pas catholiques. Il s'agit d'un phénomène politico-religieux. Abolie une première fois en 1808, elle l'est définitivement en 1834.
Idée reçue n°4: l'Inquisition en France est une organisation pontificale puissante pendant des siècles

L'Inquisition médiévale dans le royaume de France perd de son importance avec le déclin des hérésies cathare et vaudoise à la fin du XIVe siècle. Ainsi un siècle après sa création elle est affaiblie notamment par la royauté qui souhaite affermir son autorité et conteste celle de l'Église. Aussi dans certaines affaires -comme celle des Templiers avec Philippe le Bel- il est difficile de définir la frontière entre le domaine politique et religieux.
La perte de l'influence du tribunal pontifical est flagrante au moment de la réforme protestante puisque ce n'est pas lui qui est au premier plan dans la lutte. En effet, les protestants sont considérés comme une menace pour la paix dans le royaume, par leur rébellion. Ce sont des criminels qui désobéissent au roi et dépendent donc de la justice laïque. Alors qu'en tant qu'hérétiques ils devraient relever du tribunal ecclésiastique, mais seuls les cas d'hérésie simple sont jugés par lui.
L'inquisition reprend une certaine importance à la fin du XVIe siècle lorsqu'elle s'engage dans la chasse aux sorcières (magiciens, devins, sorciers). Les tribunaux inquisitoriaux disparaissent du royaume de France à la fin du XVIIe siècle.
Pour aller plus loinL'Inquisition enquête historique France, XIIIe-XVe siècle de Didier Le Fur, Taillandier, 2012, 183p.
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Allemagne : plongée au cœur de l'étrange festival néonazi d'Ostritz (20.04.2018)

Par Nicolas Barotte
Mis à jour le 20/04/2018 à 22h16 | Publié le 20/04/2018 à 19h30
REPORTAGE - À l'occasion de l'anniversaire de la naissance d'Adolf Hitler, il rassemble des centaines de sympathisants.
Envoyé spécial à Ostritz
L'hôtel Neisseblick est situé comme son nom l'indique au bord de la rivière Neisse, à quelques mètres de la frontière polonaise, à l'entrée d'Ostritz. Dans ce petit village de Saxe de 2400 habitants, l'endroit, sans cachet, aurait pu rester anonyme. Mais il accueille pour deux jours le festival de rock Schild und Schwert, le bouclier et l'épée, «SS» en résumé. Un millier de sympathisants néonazis est attendu d'Allemagne, de Pologne ou de République tchèque en ce 20 avril, la date de naissance d'Adolf Hitler. Les principaux groupes du genre seront là pour la fête: Kategorie C, aux connexions avec le hooliganisme, ou encore Lunikoff Verschwörung, dont le leader a été condamné dans le passé pour incitation à la haine raciale. Ostritz est devenue un symbole. Pour les autorités allemandes, l'extrême droite la plus dure teste sa capacité de mobilisation.
« Même quand il y a eu les inondations, il n'y a pas eu autant de monde ici »
Une retraitée
«Même quand il y a eu les inondations, il n'y a pas eu autant de monde ici», soupire une retraitée qui s'attarde au bord du chemin en regardant le défilé des policiers, des journalistes et des militants de tout ordre. Plusieurs contre-manifestations sont prévues durant le week-end: d'un côté une «fête de la paix» sur la place principale, de l'autre, sur un champ à la sortie de la ville, un rassemblement «contre l'extrême droite» organisé par les partis politiques de gauche. Plusieurs milliers de personnes sont attendues. «Il n'y a pas une bonne ambiance à Ostritz», confie la dame en pestant contre le désordre à venir ou en montrant du doigt les maisons vides. Le parti populiste AfD a obtenu en Saxe ses meilleurs résultats aux élections de septembre 2017. Avec 28,8%, Ostritz est dans la moyenne basse.
Devant l'Hôtel Neisseblick, des panneaux siglés du parti néonazi NPD, réclamant «des crèches plutôt que des centres pour réfugiés», protègent les participants du festival des regards extérieurs. La manifestation se trouvant sur un terrain privé, elle est quasiment impossible à interdire pour les autorités. Le propriétaire est un sympathisant du NPD.
L'entrée est filtrée. Ceux qui franchissent le seuil refusent généralement de parler «à la presse qui ment», comme ils l'appellent. Mais on croise cependant un Texan couvert de tatouages, les cheveux rasés sur le côté, boitant avec sa prothèse, plus loquace. «Je ne suis pas nazi. Nationaliste, pro-allemand, pro-européen, oui», assume-t-il en dénonçant «l'invasion étrangère». Il fait semblant de ne pas avoir remarqué la date du jour. «Je ne savais pas. Je suis venu voir des amis», se moque l'Américain.
Aspect organisationnel
La presse est autorisée à visiter pendant quelques minutes le terrain où le festival va se dérouler: des stands de bière, un coin restaurant… Plus loin, non loin de la scène, on vend des CD de rock extrême, des livres d'occasion parlant «du IV Reich», de la Russie ou de la faillite de l'Allemagne. Les partis politiques NPD et Die Rechte tiennent aussi leur stand. Quelques sympathisants tournent leur visage pour ne pas apparaître sur d'éventuelles photos. Certains font des doigts d'honneur plus ou moins discrets. Mais la plupart pose fièrement, comme celui-ci l'œil goguenard arborant sur son vêtement l'inscription «La Hit-Lerche» et un dessin d'oiseau, soit littéralement la «hit-alouette». Pour échapper aux interdictions, les néo-nazis jouent sur le fil du rasoir.
«Ces réseaux ont aussi besoin de se retrouver, pour permettre aux militants de participer à des projets»
Le sociologue Jan Raabe, spécialiste des réseaux néonazis
Dans la rue, les forces de l'ordre sont sur les dents. Plusieurs centaines de policiers ont été déployées pour éviter les débordements. Tous ceux qui entrent en ville sont soigneusement fouillés. In extremis, le tribunal a ordonné vendredi une interdiction de consommer de l'alcool lors des manifestations organisées durant le week-end. Le concert est visé. Mais pas la convention de tatouage, prévue samedi, ni l'événement sportif, «le combat des Nibelungen»: une sorte de tournoi de sport de combat. Plusieurs discours politiques sont aussi annoncés, comme celui d'Udo Voigt, le seul député européen du NPD.
«Ce genre de manifestation a plusieurs raisons d'être pour l'extrême droite», explique le sociologue Jan Raabe, spécialiste de la musique néonazie. «Tout d'abord ces réseaux ont besoin de se retrouver entre eux pour s'organiser», dit-il. Les occasions ne sont pas si fréquentes. «Il y a ensuite l'argent», poursuit-il. Avec un ticket d'entrée à 45 euros (195 euros avec accès VIP, boissons et repas compris), l'affaire est rentable. L'enjeu est d'autant plus fort que le ministère de l'Intérieur a décidé la semaine dernière d'exclure le NPD des financements étatiques. En 2017, malgré ses maigres résultats électoraux (0,4% aux élections législatives), le NPD avait perçu 852000 euros de financement.

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Immigration en Europe : le cri d'alarme de Douglas Murray, le Zemmour britannique (20.04.2018)

Par Alexandre Devecchio
Mis à jour le 20/04/2018 à 11h23 | Publié le 20/04/2018 à 07h15
ENTRETIEN EXCLUSIF - Dans son dernier essai, L'Étrange suicide de l'Europe, qui est resté près de vingt semaines dans le top 10 des meilleures ventes du Sunday Times, il décrit les conséquences mortifères de l'immigration incontrôlée dans une Europe en voie de désintégration. À l'occasion de la parution de l'édition française de son best-seller, Douglas Murray nous a accordé un entretien exclusif.
Votre livre L'Etrange suicide de l'Europe a été un énorme succès mondial. Comment l'expliquez-vous?
Selon moi, les gens voient partout les mêmes choses et s'inquiètent des mêmes phénomènes. Pourtant, leurs préoccupations et leurs questions les plus légitimes sont systématiquement réprimées. Mais, chaque fois que quelqu'un expose (en l'étayant de preuves solides) ce qu'un grand nombre de personnes pensent, ses propos finissent toujours par résonner.
Vous avez été surpris par la façon dont les politiques ont reçu votre livre. En aparté, ils n'ont pas hésité à accepter vos conclusions.
Depuis toujours, il y a la réalité et ce qui peut être politiquement exprimable. J'ai parlé avec des fonctionnaires français, comme avec beaucoup d'autres sur tout le continent, et ce sont ceux qui m'ont dit en privé les choses les plus accablantes sur l'immigration, l'intégration et la sécurité. Ils connaissent les problèmes auxquels nous sommes tous confrontés. Pourtant, en public, ils disent autre chose. Pourquoi? Parce que, pour relever le défi auquel nous sommes tous confrontés, il faudra admettre que plusieurs générations de décideurs politiques à travers l'Europe ont commis des erreurs historiques ou ont été totalement incompétentes.
«La plupart des ­Européens souhaitent sans ambiguïté que les migrations de masse s'arrêtent ou diminuent beaucoup.»
Le plus simple, pour les politiques, est toujours de remettre cette question à plus tard, de mettre un terme à la discussion et de persécuter les gens parce qu'ils ont dit la vérité. Mais ce n'est pas une bonne stratégie à long terme. Le statu quo pourra tenir encore un cycle électoral ou deux. Mais pas plus.
Vous avez exprimé des préoccupations au sujet des associations antiracistes. Peut-on parler de dérive de l'antiracisme?
Ce qui m'inquiète, c'est que les «antiracistes» sont le plus souvent des racistes. C'est le même phénomène pour les soi-disant «antifascistes», qui sont presque toujours profondément fascistes. Il y a des moments où l'antifascisme et l'antiracisme sont nécessaires. Mais, ces derniers temps, les groupes qui se qualifient ainsi sont coupables de ce que le philosophe politique Kenneth Minogue a appelé «syndrome de saint George à la retraite». Après avoir tué un dragon, ils errent autour de la terre à la recherche d'autres dragons à tuer, jusqu'à ce qu'ils finissent, délirant, par donner des coups d'épée dans l'air. La plupart des Européens souhaitent sans ambiguïté que les migrations de masse s'arrêtent ou diminuent beaucoup. Pourtant, tous les groupes «antiracistes» disent que ce point de vue est raciste. C'est une erreur historique. Si l'on abuse de mots comme «raciste» et «nazi», la probabilité est très forte que ces mots ne soient plus d'aucune utilité le jour où l'on pourrait en avoir réellement besoin. La question que je pose aux «antiracistes» est celle-ci: un citoyen français ou britannique qui voit son quartier et sa société changer radicalement peut-il ressentir de la tristesse à ce sujet ou exprimer une opposition sans être qualifié de raciste? Si la réponse est «non», alors nous sommes vraiment très mal partis.
Cette dérive a-t-elle abouti au scandale de Telford, ces milliers de viols collectifs commis par des gangs pakistanais?
Telford est seulement le dernier cas. Des gangs de violeurs ont été découverts à Rotherham, Rochdale, dans l'Oxfordshire et plusieurs autres endroits au Royaume-Uni. Ce sont presque toujours des groupes d'hommes pakistanais (rejoints parfois par des Nord-Africains) qui ciblent des jeunes filles blanches vulnérables, souvent mineures, en tout cas extérieures à leur communauté. Mille cinq cents jeunes filles ont été violées dans une seule ville anglaise. Il y a des causes locales, tribales et religieuses spécifiques, liées en partie à la «culture de la honte» pakistanaise. La Grande-Bretagne a gardé le silence à ce sujet pendant des années. Pour une part à cause de cette sorte de politesse lâche qui existe partout, mais qui est particulièrement répandue chez nous. Mais aussi parce que ces horreurs ont toutes les caractéristiques d'un odieux crime raciste, et que personne ne voulait que cela se sache. Une classe entière de fonctionnaires locaux, de policiers et de politiciens a échoué.
«Dans certains quartiers du centre de Paris et de Londres, tout peut sembler fonctionner. Mais, si l'on va juste un peu plus loin, à Saint-Denis ou à Tower Hamlets, c'est objectivement un désastre.»
Jeremy Corbyn, le chef de l'opposition, a parfois été accusé d'être complaisant envers l'islamisme et l'antisémitisme…
Oubliez le mot «parfois» : «toujours» est celui que vous recherchez. Mr Corbyn voudrait nous faire croire que, ayant passé sa vie à patauger dans les égouts, il n'a jamais remarqué la puanteur. Je n'y crois pas. Que l'homme qui a passé sa vie à absoudre les islamistes ait toujours couvert les pires antisémites… ce doit être une pure coïncidence. Non, Mr Corbyn constitue un vrai problème. Le fait que, en 2018, nous ayons un Parti travailliste taraudé par l'antisémitisme devrait être une source de profonde honte nationale.
Selon vous, la montée de l'islamisme est la conséquence de la faillite des politiques migratoires européennes. La majorité des immigrants ne réussissent-ils pas à s'intégrer? C'est ce que tendrait à prouver l'élection de Sadiq Khan comme maire de Londres…
Je suis fier que Londres puisse élire quelqu'un comme Sadiq Khan. Il n'est pas un maire particulièrement compétent, mais il aide à démontrer que la discrimination mise en avant par les communautés musulmanes est un mensonge raconté par de mauvais acteurs. En ce qui concerne l'intégration au sens large, cela dépend de l'endroit où vous regardez. Dans certains quartiers du centre de Paris et de Londres, tout peut sembler fonctionner. Mais, si l'on va juste un peu plus loin, à Saint-Denis ou à Tower Hamlets, c'est objectivement un désastre.
La vague d'attentats qui a frappé l'Angleterre en 2017 n'a-t-elle pas sonné le réveil de la classe politique?
J'ai abandonné cet espoir. Après les attentats du London Bridge, l'année dernière, Theresa May a dit «trop, c'est trop», mais cela ne voulait rien dire. Qu'a-t-elle fait depuis? Ils se contentent tous de vagues dispositifs bureaucratiques pour résoudre un problème bien plus profond. Sur la base de critères purement juridiques, au moins l'un des attaquants du London Bridge n'aurait jamais dû se trouver au Royaume-Uni. Le kamikaze du Manchester Arena n'aurait jamais dû se trouver au Royaume-Uni. Le jeune homme qui a déposé une bombe dans le métro de Londres en septembre dernier n'aurait jamais dû se trouver au Royaume-Uni. On aurait pu penser que ces questions auraient fait partie des sujets à traiter. Mais non. Une autre attaque se produit et les politiciens disent: «Les entreprises de technologie doivent faire plus pour détecter les contenus extrémistes en ligne.» Il s'agit là d'une question importante, à coup sûr, mais cela signifie qu'il y a des aspects du problème terroriste qui peuvent être abordés et des questions beaucoup plus vastes auxquelles il ne faut même pas faire allusion.
«Nous avons glissé vers une conception étrange, où nous supposons que le reste du monde restera le reste du monde, mais où l'Europe deviendra les Nations unies»
Nos sociétés ont toujours eu des problèmes de sécurité. Mais le terrorisme islamiste est un problème importé, et importé sous la responsabilité directe de nos politiciens.
Vous écrivez que l'opinion publique a très bien compris que «ce qui se cache derrière le terrorisme est une menace encore plus grande». Qu'entendez-vous par là?
La question centrale à laquelle nous devons penser est la suivante: à qui s'adresse l'Europe? Est-ce une maison potentielle pour le monde entier? Ou simplement pour celui qui y fait sa vie? Si oui, où est la maison des peuples d'Europe? Nous avons glissé vers une conception étrange, où nous supposons que le reste du monde restera le reste du monde, mais où l'Europe deviendra les Nations unies. Cette manière de penser préside aux décisions de nos responsables, contre les souhaits constamment exprimés par les peuples européens. A long terme, je pense que ce changement total, cette fragmentation, cette ghettoïsation de notre continent constituent une menace existentielle bien plus grande que le terrorisme.
Vous adoptez un ton particulièrement véhément au sujet de la Suède, pourtant souvent citée en exemple. Pourquoi?
Parce que, en dehors de l'Allemagne, aucun pays en Europe n'a accepté autant de migrants ces dernières années que la Suède. Et personne n'a autant de problèmes. Il n'y a rien à faire pour les Suédois. Plus personne n'a une classe politique aussi ridiculement timide, autocensurée et volontairement aveugle. J'ai fait le tour des banlieues et j'ai vu des quartiers désormais envahis par les crimes, les gangs, les viols et les attaques à la grenade. Presque tous les journalistes sont là pour suivre la ligne du parti et régurgiter les mêmes mensonges. Ils semblent penser que leur travail est de maintenir les mauvaises nouvelles le plus loin possible du public. Donc, comme en Allemagne, le public doit apprendre à lire les nouvelles selon un dispositif de décodage interne, comme on le faisait sous le communisme. Ainsi, lorsqu'un viol est signalé, par exemple, si le nom de l'agresseur n'est pas mentionné, tout le monde sait qu'il s'agit d'un migrant.
Plus largement, vous expliquez la mort de l'Europe par une certaine forme de haine de soi…
Nous n'avons pas eu un beau XXe siècle en Europe, et n'importe qui aurait besoin de temps pour s'en remettre. Personnellement, je suis pour une autocritique robuste, mais je descends du bus quand il est conduit par des gens qui veulent s'anéantir. J'aime l'Europe, et je pense que nous sommes - tout bien considéré - très chanceux. Nous avons produit une culture exceptionnelle et des droits que le monde n'a jamais connus. On me demande parfois si je suis patriote. Selon moi, c'est une mauvaise question. Je ne pense pas aux choses en ces termes. Ce que je ressens, c'est de la gratitude. Je suis reconnaissant pour ce dont nous avons hérité et je sens que je dois le conserver et essayer de le transmettre. Pourtant, des gouvernements aux universités et au-delà, nous sommes dirigés par des gens qui ne veulent pas transmettre ce qui est bon, mais le remplacer.
Certains pensent que la renaissance de l'Europe passera nécessairement par un renouveau du christianisme. Mais l'Eglise est très favorable à l'accueil des migrants…
Il est certain que nous ne pourrons pas conserver ce que nous avons en nous querellant sur nos racines. Et prétendre que le christianisme n'est pas au cœur de ce qui fait de nous l'Europe, c'est faire preuve d'une terrible
«Si la classe politique ne répond pas aux préoccupations des peuples, les extrémistes finiront par l'emporter.»
ignorance. Mais vous avez raison - le comportement de l'Eglise (et pas seulement l'Eglise de Rome, mais aussi les Eglises protestantes d'Europe du Nord) pendant toute cette crise a été très problématique. Certains (en particulier les Eglises protestantes) ont globalement remplacé la croyance en Dieu par la croyance en un activisme social d'extrême gauche. Le Pape a une position qui est insoutenable. Pourtant, je comprends pourquoi il le dit. Et peut-être qu'il remplit l'un des rôles de l'Eglise en le disant. Mais il doit être contredit par les responsables politiques et d'autres, qui doivent dire très clairement: «Nous souhaitons sauver le monde entier. Mais le fait est que nous ne pouvons pas. Et, si nous continuons, non seulement nous ne sauverons jamais Mogadiscio, mais nous pourrions commencer à lui ressembler.»
Diriez-vous que les «populismes» vont aggraver la situation ou, au contraire, qu'ils font partie de la solution?
Les courants politiques dominants continueront à souffrir jusqu'à ce qu'ils s'attaquent enfin aux préoccupations légitimes des peuples européens. Si la classe politique ne répond pas aux préoccupations des peuples, les extrémistes finiront par l'emporter. Comment un citoyen européen peut-il exprimer ses inquiétudes quant à la direction que prend sa société? Quelle que soit sa manière, et surtout s'il n'a pas un doctorat, on le traitera de raciste et de xénophobe. Et, s'il vote pour le «mauvais» parti, il sera rejeté comme «populiste». Pourtant, le vrai problème est clair: plusieurs générations de dirigeants politiques ont fondamentalement modifié nos sociétés sans le consentement et même contre le souhait des peuples. N'est-il pas temps de commencer à y faire face et à y remédier plutôt que d'inventer de nouvelles façons d'insulter le peuple?
Que révèle la troisième victoire consécutive d'Orbán?
Beaucoup de gens critiquent Viktor Orbán. Pourtant, la question est très simple: qui avait raison en 2015? Orbán ou Merkel? Cette dernière a été punie par son électorat et a maintenant l'AfD comme principal parti d'opposition. Le refus d'Orbán de souscrire à l'effondrement des frontières européennes et à la suspension de toutes les règles migratoires était, entre autres, le reflet des souhaits de l'immense majorité du peuple hongrois. C'est une arrogance extraordinaire que les politiciens et les commentateurs à travers l'Europe se permettent de réprimander Orbán, lui qui fait la volonté de son peuple. J'ai vu il y a quelques semaines une photo de lui en train de lire l'édition hongroise de mon livre. On m'a dit que cela pourrait dissuader votre Président de lire l'édition française. J'espère que non!
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Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
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Douglas Murray : «Le rejet de l'immigration a été la raison principale du Brexit» (22.06.2017)

Par Eugénie Bastié
Mis à jour le 22/06/2017 à 20h40 | Publié le 22/06/2017 à 19h03
INTERVIEW - Écrivain et journaliste britannique, il publie L'Étrange Mort de l'Europe *, un pamphlet sur l'immigration, actuellement en tête des ventes au Royaume-Uni. Un an après le vote sur la sortie de l'Europe, il revient sur les raisons du « Leave ».
LE FIGARO. - Dans votre dernier ouvrage, intitulé L'Étrange Mort de l'Europe, vous dites que l'immigration massive et débridée provoque le suicide de notre continent. Pensez-vous que le rejet de cette immigration a été la principale cause du vote en faveur du Brexit il y a un an?
Douglas MURRAY. - Absolument. C'était l'une des raisons majeures, sinon la principale, pour laquelle les Britanniques ont voté «Leave». La libre circulation des personnes au sein de l'Europe a beaucoup d'avantages pour les Européens. Mais cette libre circulation, combinée avec la décision d'Angela Merkel (et consorts) d'ouvrir les frontières du Vieux Continent au monde entier, est une idée dangereuse. Je pense qu'il est inconséquent de continuer de s'attacher à des personnes et des organisations qui prennent d'aussi mauvaises décisions: nous sommes largement capables de le faire par nous-mêmes! Alors oui, je pense que le Brexit s'explique par un fort refus de la part des Britanniques de continuer de placer leur avenir, leur politique migratoire et leur sécurité dans les mains de tels irresponsables.
Pensez-vous que fermer les frontières ou quitter l'UE soit la bonne solution pour bloquer l'immigration? N'est-il pas trop tard?
«Le plus urgent est de ralentir massivement ces flux incontrôlables de migrants et de faire de notre mieux pour intégrer ceux qui sont déjà là»
À ce jour, il est déjà très tard. Peut-être trop. Mais si les frontières extérieures de l'Europe sont rétablies et qu'une régulation efficace de l'immigration est mise en place (j'évoque pour cela plusieurs idées dans mon livre), alors nous pourrions faire ce qui doit être fait, et les choses iraient au moins un peu mieux. Le plus urgent est de ralentir massivement ces flux incontrôlables de migrants et de faire de notre mieux pour intégrer ceux qui sont déjà là. Mais ce sera le travail (peut-être déjà voué à l'échec) des générations à venir.
Concernant les frontières, ce qui est arrivé en novembre 2015 à Paris devrait avoir rappelé à tous que la mise en place d'un système efficace de frontières intérieures et extérieures sur notre continent ne constitue pas une paranoïa identitaire mais le point de départ élémentaire pour une politique de sécurité responsable. Seuls des idéologues comme Juncker refusent que notre continent soit autorisé à se défendre lui-même et font de l'existence de frontières une position extrémiste, alors qu'il s'agit de la plus élémentaire base de la politique.
Le Royaume-Uni est une nation insulaire, vous ne faites pas partie de l'espace Schengen et vous continuez cependant à subir de violentes attaques. Les frontières peuvent-elles réellement protéger les populations?
«Si l'on décidait de mettre davantage de barrières aux frontières, on n'aurait peut-être pas besoin d'en ériger autant au cœur de notre capitale, autour des monuments»
Gérer ses frontières pour une île telle que la nôtre est effectivement plus simple, et ne pas rejoindre Schengen était une sage décision. Et pourtant, c'est vrai, nos frontières demeurent poreuses. Quoi qu'il en soit, le rétablissement des frontières ne saurait être l'unique solution. Une politique migratoire raisonnable et une stratégie d'intégration efficace sont tout aussi nécessaires. Mais les frontières ont leur importance. Comme l'a récemment fait remarquer Mark Steyn, chaque pont ou bâtiment important de Londres est désormais protégé par des barrières métalliques infranchissables pour les véhicules. Si l'on décidait de mettre davantage de barrières aux frontières, on n'aurait peut-être pas besoin d'en ériger autant au cœur de notre capitale, autour des monuments.
Vous prophétisez la mort de l'Europe telle que nous l'avons connue jusqu'ici .Avez-vous encore de l'espoir?
Je pense que nous avons mis une sacrée pagaille. Quiconque souhaite entrer en Europe, entre sans conditions. Nous avons essayé de faire du foyer des Européens le foyer du monde entier. C'est une délicate attention pour le monde, mais ça laisse les peuples d'Europe sans repères, dans un territoire qui risque d'être profondément divisé et de devenir dangereux dans les années à venir. L'immigration a bien sûr ses bons côtés, mais en accueillant le monde entier, on accueille aussi les problèmes du monde entier. L'avenir nous dira quelles seront les conséquences de ces choix en matière d'immigration.
En France, après les attaques terroristes, certains intellectuels ont vanté le modèle multiculturaliste et attribué l'échec de l'intégration à la laïcité à la française. On constate cependant l'échec du multiculturalisme au Royaume-Uni. Quelle est alors la bonne solution?
Depuis quelques années, on a pu constater un fascinant échec des «modèles». Certains ont dit durant plusieurs décennies que le «modèle français» était la solution. Ensuite, on a loué le «modèle britannique», mais nous avons subi des émeutes et des attaques. Le «modèle suédois» a eu son heure de gloire, maintenant achevée. Le problème n'est pas dans les légères différences dans les réponses apportées. Le problème, c'est le problème! C'est le simple fait qu'il est inconséquent de faire entrer sans conditions des millions de personnes de cultures très différentes sur notre territoire. Je pense que la France a admirablement et courageusement géré cette période (un élément que je soulève souvent face à des audiences anglophones et pas seulement pour Le Figaro). Il est possible que l'islam soit un morceau que l'Europe ne puisse digérer. Mais alors, c'est l'islam qui est en cause et non l'Europe.
Un an après le Brexit, comment qualifieriez-vous l'atmosphère au Royaume-Uni? Le patriotisme est-il plus fort que jamais ou y a-t-il au contraire une forme de déprime nationale?
Le pays était très divisé juste après le vote, il y avait une forme d'état de choc. Et puis nous nous sommes faits à l'idée. Mais, ensuite, le pari de Theresa May de lancer les négociations du Brexit sans majorité, s'est révélé être un véritable hara-kiri et nous sommes aujourd'hui dans une situation indescriptible. Je pense que la plupart des gens espèrent encore un renversement de situation rapide. Il est probable que nous devenions désormais coutumiers du fait…
Texte traduit par Vianney Passot
*The Strange Death of Europe: Immigration, Identity, Islam, Bloomsbury Continuum, 2017.
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Nicolas Baverez : «Au Royaume-Uni, les ravages du populisme» (11.06.2017)

Nicolas Baverez. - Crédits photo : ERIC GARAULT/Le Figaro Magazine
Vox Monde | Par Nicolas Baverez
Publié le 11/06/2017 à 17h14
CHRONIQUE - Theresa May, en décidant d'organiser par surprise des élections anticipées, a délibérément ignoré les leçons des récents scrutins qui témoignent de la volatilité de l'opinion et de la révolte des citoyens.
Les démagogues font d'autant mieux leurs affaires qu'ils ont jeté leur pays dans la discorde», soulignait Ésope. Mais les populistes eux-mêmes ne sont pas épargnés par les chocs en retour que suscitent leurs promesses irréelles et les passions qu'ils déchaînent. Ainsi, tout comme David Cameron, Theresa May s'est carbonisée en jouant avec le feu. Le premier a déclenché le Brexit en voulant reprendre le contrôle du Parti conservateur. La seconde qui comptait profiter de la faiblesse de l'opposition pour fonder un leadership fort et stable se retrouve avec une légitimité effondrée et une majorité très relative qui dépend des unionistes d'Irlande du Nord.
May sort du scrutin pour ce qu'elle est : un leader faible sans projet ni programme cohérents.
May, en décidant d'organiser par surprise des élections anticipées, a délibérément ignoré les leçons des récents scrutins dans les pays développés qui témoignent de la volatilité de l'opinion et de la révolte des citoyens. Elle s'est trompée de campagne en se concentrant sur le Brexit que les Britanniques considèrent comme acquis et en négligeant les questions liées aux revenus, aux retraites et à la sécurité. Elle a estimé qu'elle avait élection gagnée en refusant de participer au débat télévisé et en limitant les réunions publiques. Elle a développé un populisme anglican et un conservatisme rouge et brun, mêlant l'étatisme, la critique de l'économie de marché et la dénonciation de l'immigration, qui a fait le jeu de l'extrémisme de Jeremy Corbyn. Celui-ci, en dépit d'un programme radical associant renationalisations, envol des dépenses publiques et des impôts, indifférence pour la sécurité et les libertés publiques, a ainsi été plébiscité par jeunes et salariés.
Ces élections sont un banc d'essai du populisme dont elles démontrent les ravages. May sort du scrutin pour ce qu'elle est: un leader faible sans projet ni programme cohérents. Les contradictions du conservatisme rouge apparaissent: choix du grand large tout en restaurant les frontières et en réduisant l'immigration des deux tiers, dumping fiscal et social tout en renforçant l'État-providence, choix d'un Brexit dur tout en s'enfermant dans le déni sur ses conséquences, alignement sur les États-Unis au moment où leur leadership s'effondre, rupture avec l'Europe au moment où elle se relance. La fragilité du leadership de May et de sa majorité relative réduit fortement la possibilité d'un accord sur le Brexit d'ici à 2019.
La violence du retournement est inouïe, témoignant de la puissance dévastatrice des passions politiques.
L'évolution du Royaume-Uni souligne la fragilité des démocraties face au populisme qui constitue la pire des menaces pour la liberté. La violence du retournement est inouïe, témoignant de la puissance dévastatrice des passions politiques. Au début de 2016, le Royaume-Uni connaissait une réussite exceptionnelle. La croissance évoluait entre 2,5 et 2,8 % par an. Le plein-emploi était rétabli. La forte réduction du déficit public laissait envisager le retour à l'équilibre budgétaire pour 2020. La domination écrasante de la City sur la finance européenne allait de pair avec le dynamisme retrouvé de l'industrie, de l'immobilier et du tourisme. Dix-huit mois ont suffi pour annihiler les acquis de 17 années de redressement. La croissance a chuté pour se limiter à 1 % en 2018 contre 1,8 % dans la zone euro et 2 % en Allemagne. L'inflation tend vers 3 % par an, laminant les salaires réels. La dévaluation de plus de 15 % de la livre a stimulé dans un premier temps l'économie mais au prix de l'amputation des patrimoines et des revenus. Les entreprises s'apprêtent à être coupées de leurs marchés et à voir détruites les chaînes de valeur intégrées avec le continent. Capitaux internationaux, talents et cerveaux commencent à se détourner. Le Royaume-Uni se découvre vulnérable face à la terreur djihadiste qui n'a aucun lien avec l'immigration européenne et vis-à-vis de laquelle la coordination des stratégies de sécurité avec celle de l'Europe est impérative.
Dix-huit mois ont suffi pour annihiler les acquis de 17 années de redressement.
Le Royaume-Uni tourne le dos à tout ce qui a permis sa modernisation depuis 1979: économie de marché, concurrence, société ouverte, sur fond de séquelles du krach de 2008, de polarisation sociale et territoriale, de perte de confiance dans les institutions et la classe politique, de haine des élites. L'embardée populiste refait du Royaume-Uni une île que les passions nationalistes et xénophobes coupent de l'Union comme du monde du XXIe siècle. Elle a pour résultat paradoxal de ressouder l'Union européenne et de faire prendre conscience à ses citoyens de l'ampleur des acquis de l'intégration du continent. Face à la faillite politique et morale du monde anglo-saxon, c'est à l'Europe de combattre le fléau populiste et de reprendre le flambeau de la liberté.

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Pierre Rehov : un autre regard sur Gaza (20.04.2018)

- Crédits photo : Pierre Rehov
Vox Monde | Par Pierre Rehov
Publié le 20/04/2018 à 18h40
FIGAROVOX/TRIBUNE - Le reporter Pierre Rehov s'attaque, dans une tribune, à la grille de lecture dominante dans les médias français des événements actuels à Gaza. Selon lui, la réponse d'Israël est proportionnée à la menace terroriste que représentent les agissements du Hamas.

Pierre Rehov est reporter, écrivain et réalisateur de documentaires, dont le dernier, «Unveiling Jérusalem», retrace l'histoire de la ville trois fois sainte.

Les organisations islamistes qui s'attaquent à Israël ont toujours eu le sens du vocabulaire dans leur communication avec l'Occident. Convaincus à juste titre que peu parmi nous sont capables, ou même intéressés, de décrypter leurs discours d'origine révélateur de leurs véritables intentions, ils nous arrosent depuis des décennies de concepts erronés, tout en puisant à la source de notre propre histoire les termes qui nous feront réagir dans le sens qui leur sera favorable. C'est ainsi que sont nés, au fil des ans, des terminologies acceptées par tous, y compris, il faut le dire, en Israël même.
Prenons par exemple le mot «occupation». Le Hamas, organisation terroriste qui règne sur la bande de Gaza depuis qu'Israël a retiré ses troupes et déraciné plus de 10 000 Juifs tout en laissant les infrastructures qui auraient permis aux Gazaouites de développer une véritable économie indépendante, continue à se lamenter du «fait» que l'État Juif occupe des terres appartenant «de toute éternité au Peuple Palestinien». Il s'agit là, évidemment, d'un faux car les droits éventuels des Palestiniens ne sauraient être réalisés en niant ceux des Juifs sur leur terre ancestrale.
Le terme «occupation» étant associé de triste mémoire à l'Histoire européenne, lorsqu'un lecteur, mal informé, se le voit asséner à longueur d'année par les médias les ONG et les politiciens, la première image qui lui vient est évidemment celle de la botte allemande martelant au pas de l'oie le pavé parisien ou bruxellois.
Cette répétition infligée tout autant qu'acceptée d'un terme erroné a pour but d'occulter un fait essentiel, gravé dans l'Histoire: selon la loi internationale, ces territoires dits «occupés» ne sont que «disputés». Car, afin d'occuper une terre, encore eût-il fallu qu'elle appartînt à un pays reconnu au moment de sa conquête. La «Palestine», renommée ainsi par l'Empereur Hadrien en 127 pour humilier les Juifs après leur seconde révolte contre l'empire romain, n'était qu'une région de l'empire Ottoman jusqu'à la défaite des Turcs en 1917. Ce sont les pays Arabes dans leur globalité qui, en rejetant le plan de partition de l'ONU en 1947, ont empêché la naissance d'une «nation palestinienne» dont on ne retrouve aucune trace dans l'histoire jusqu'à sa mise au goût du jour, en 1964, par Nasser et le KGB.
Depuis deux semaines le Hamas et autres organisations terroristes ont repris à leur compte ce qu'ils veulent faire passer pour un soulèvement populaire « pacifiste ».
Lorsqu'à l'issue d'une guerre défensive, Israël a «pris» la Cisjordanie et Gaza en 1967, ces deux territoires avaient déjà été conquis par la Jordanie et l'Égypte. Ce qui nous conduit à remettre en question une autre révision sémantique. Pourquoi des terres qui, pendant des siècles, se sont appelées Judée-Samarie deviendraient-elles, tout à coup, Cisjordanie ou Rive Occidentale, de par la seule volonté du pays qui les a envahies en 1948 avant d'en expulser tous les Juifs dans l'indifférence générale? Serait-ce pour effacer le simple fait que la Judée… est le berceau du judaïsme?
Mais revenons à Gaza.
Depuis deux semaines le Hamas et autres organisations terroristes ont repris à leur compte ce qu'ils veulent faire passer pour un soulèvement populaire «pacifiste». Une fois de plus, le détournement du vocabulaire est habile car ces manifestations à plusieurs couches - l'une pacifique et bon enfant, servant de couverture aux multiples tentatives de destruction de la barrière de séparation entre Gaza et Israël, d'enlèvement de soldats, et d'attentats terroristes heureusement avortés - voudraient promouvoir un «droit au retour» à l'intérieur d'Israël des descendants de descendants de «réfugiés».
J'ai déjà abondamment écrit, y compris dans ces pages, sur cette aberration tragique perpétuée au profit de l'UNWRA, une agence onusienne empêchant, dans sa forme actuelle, l'établissement et le développement des Arabes de Palestine sur leurs terres d'accueil. Je n'y reviendrai que par une phrase. Pourquoi un enfant, né à côté de Ramallah ou à Gaza, de parents nés au même endroit, ou pire encore, né à Brooklyn ou à Stockholm de parents immigrés, serait-il considéré comme «réfugié» - comme c'est le cas dans les statistiques de l'UNRWA - si un enfant Juif né à Tel Aviv, de parents nés à Bagdad, Damas ou Tripoli, et chassés entre 1948 et 1974 n'a jamais bénéficié du même statut?
Mais voici que des bus affrétés par le Hamas et la Jihad Islamique, et décorés de clés géantes et de noms enluminés de villages disparus censés symboliser ce «droit au retour» au sein d'un pays honni, viennent cueillir chaque vendredi devant les mosquées et les écoles de Gaza une population manipulée, prête aux derniers sacrifices afin de répondre à des mots d'ordre cyniques ou désuets.
Voici que des milliers de civils, hommes, femmes, enfants, se massent à proximité des zones tampons établies en bordure de la barrière de sécurité israélienne, dans une ambiance de kermesse destinée à nous faire croire qu'il s'agit là de manifestations au sens démocratique du terme.
Voici, également, que des milliers de pneus sont enflammés, dégageant une fumée noirâtre visible depuis les satellites, dans le but d'aveugler les forces de sécurité israéliennes qui ont pourtant prévenu: aucun franchissement sauvage de la barrière-frontière ne sera toléré. Toute tentative sera stoppée par des tirs à balle réelle - ce qui, n'en déplaise à beaucoup, est absolument légal dans toute buffer zone entre entités ennemies.
À cette annonce, les dirigeants du Hamas ont dû jubiler! Eux qui jouent gagnant-gagnant dans une stratégie impliquant l'utilisation de leurs civils comme boucliers humains, puisqu'il s'agit surtout d'une guerre d'influence, n'en espéraient pas autant. Dès lors ils allaient enfin pouvoir de nouveau compter leurs morts comme autant de victoires médiatiques. Et cela - au grand dam des Israéliens - s'est déroulé exactement comme prévu. Au moment où paraissent ces lignes, Gaza pleure plus de trente morts et les hôpitaux sont débordés par le nombre de blessés - même si les chiffres sont sujets à caution puisque seulement fournis par le Hamas.
En menaçant d'avoir recours à des mesures extrêmes, Israël ne fait que dissuader et empêcher le développement d'un cauchemar humanitaire.
Pour une fois, cependant, le Hamas s'est piégé lui-même, en publiant avec fierté l'identité de la majorité des victimes qui, de toute évidence appartiennent à ses troupes. C'est le cas du journaliste Yasser Mourtaja dont le double rôle de correspondant de presse et d'officier salarié du Hamas a également été dévoilé .
Mais aurait-il été possible pour Israël d'avoir recours à d'autres moyens? L'alignement de snipers parallèlement à l'utilisation de procédés antiémeutes, était-il vraiment indispensable?
Imaginons, un instant, que, dans les semaines à venir, comme annoncé par le dirigeant de l'organisation terroriste, Yahya Sinwar, la «marche du retour» permette à ses militants de détruire les barrières, tandis que des milliers de manifestants, femmes et enfants poussés en première ligne, se ruent à l'intérieur d'Israël, bravant non plus les tirs ciblés des soldats entraînés mais la riposte massive d'un peuple paniqué?
En menaçant d'avoir recours à des mesures extrêmes, et en tenant cet engagement, Israël ne fait que dissuader et empêcher le développement d'un cauchemar humanitaire dont les dirigeants du Hamas, acculés économiquement et politiquement, pourraient se régaler.
Contrairement aux images promues par d'autres abus du vocabulaire, Gaza n'est pas une «prison à ciel ouvert» mais une bande de 360 km² relativement surpeuplée, où vivent également nombre de millionnaires dans des villas fastueuses côtoyant des quartiers miséreux.
Chaque jour, environ 1 500 à 2 500 tonnes d'aide humanitaire et de biens de consommation sont autorisés à passer la frontière par le gouvernement israélien. Plusieurs programmes permettent aux habitants de Gaza de se faire soigner dans les hôpitaux de Tel Aviv et de Haïfa.
Un projet d'île portuaire sécurisée est à l'étude à Jérusalem, et des tonnes de fruits et légumes sont régulièrement achetés aux paysans gazaouis par les réseaux de distribution alimentaires israéliens.
L'Égypte contrôle toute la partie sud et fait souvent montre de beaucoup plus de rigueur qu'Israël pour protéger sa frontière, sachant que le Hamas est issu des Frères Musulmans, organisation interdite par le gouvernement de Abdel Fatah Al Sissi.
Mais Gaza souffre, en effet, et même terriblement!
Gaza souffre du fait que le Hamas détourne la majorité des fonds destinés à sa population pour creuser des tunnels et se construire une armée dont le seul but, ouvertement déclaré dans sa charte, est d'oblitérer Israël et d'exterminer ses habitants.
Gaza souffre des promesses d'aide financière non tenues par les pays Arabes et qui se chiffrent en milliards de dollars.
Gaza souffre de n'avoir que trois heures d'électricité par jour, car les terroristes du Hamas ont envoyé une roquette sur la principale centrale pendant le dernier conflit et l'Autorité Palestinienne, de son côté, refuse de payer les factures correspondant à son alimentation, espérant de la sorte provoquer une crise qui conduira à la perte de pouvoir de son concurrent.
Gaza souffre d'un taux de chômage de plus de 50 %, après que ses habitants, dans l'euphorie du départ des Juifs, aient saccagé et détruit les serres à légumes et les manufactures construites par Israël et donc jugées «impures» selon les théories islamistes qui les ont conduits, ne l'oublions pas non plus, à voter massivement pour le Hamas.
Israël ne peut faire la paix avec une organisation terroriste vouée à sa disparition.
Gaza souffre enfin de ces détournements du vocabulaire, de ces concepts esthétiques manichéens conçus au détriment des êtres, qui empêchent les hommes de conscience de comprendre le cœur du problème et sont forcés de penser qu'Israël est l'unique cause du malheur de ses habitants.
C'est pour cela qu'il faut, une fois de plus, clamer quelques faits incontournables.
Israël ne peut faire la paix avec une organisation terroriste vouée à sa disparition.
Les habitants de Gaza seraient libres de circuler et de se construire un avenir à l'instant même où ils renonceraient à la disparition de leur voisin.
Le Hamas et autres organisations terroristes savent qu'ils peuvent compter sur la sympathie des Nations unies et de nombre d'ONG à prétention humanitaire et ne se privent donc pas d'exploiter la population qu'ils détiennent en otage puisqu'ils savent qu'Israël sera systématiquement condamné à leur place.
J'en veux, pour exemple, une anecdote affligeante.
En septembre 2017, une organisation regroupant des femmes arabes et israéliennes a organisé une marche en Cisjordanie (Judée-Samarie). Aucun parent n'aurait pu être indifférent aux images de ces mères juives et arabes qui avouent leur quête d'un avenir meilleur pour leurs enfants. Durant la marche, aucun pneu brûlé, pas de lancement de pierres ou de cocktails Molotov, aucune tentative d'envahir Israël, aucun propos haineux. Tout le contraire. C'était une authentique manifestation pacifique.
Seulement, le Hamas a immédiatement condamné la marche en déclarant que «la normalisation est une arme israélienne».
L'ONU, de son côté, n'a pas cru bon promouvoir l'initiative. Pourquoi l'aurait-elle fait?
Il est davantage dans sa tradition, et certainement plus politiquement correct de condamner Israël pour ses «excès» en matière défensive tandis que le Moyen Orient, faute d'une vision honnête, bascule progressivement dans un conflit généralisé.
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«Syrie : de la guerre civile à la guerre régionale ?» (19.04.2018)

Par Ran Halévi
Publié le 19/04/2018 à 20h53
FIGAROVOX/OPINION - Ran Halévi, directeur de recherche au CNRS, analyse pour Le Figaro les enjeux de la riposte occidentale en Syrie après l'usage d'armes chimiques par le régime de Damas.
La Syrie est-elle en passe de glisser de la guerre civile à une guerre régionale? Nous venons peut-être d'en vivre les prémices, avec les frappes alliées sur des sites syriens d'armements chimiques et, quelques jours plus tôt, l'attaque israélienne contre des installations iraniennes près de Homs. Les deux opérations n'ont pas de lien direct, mais elles visent le même objectif - brider les agissements dangereux de Damas et de Téhéran - et mettre au défi le pouvoir quasi hégémonique de la Russie en Syrie.
La riposte occidentale au massacre chimique de Douma a suscité de sérieuses réserves qu'on ne saurait méconnaître. Je ne parle pas des prosélytes assermentés de l'inaction, qui empilent d'excellentes raisons de ne rien faire chaque fois qu'un tyranneau viole la loi internationale ou décime des populations civiles en les faisant gazer à l'occasion. Voyez les conséquences onéreuses de notre démission, sous la houlette de M. Obama, après les attaques chimiques en 2013 par le même régime Assad: destruction d'Alep, essor de Daech, emprise de la Russie et de l'Iran sur la Syrie, crise des migrants à nos portes…
«On ne peut considérer l'usage des armes chimiques comme un simple pas de plus sur l'échelle de l'horreur»
Ran Halévi
Je parle des critiques d'ordre politique et stratégique. Elles soulignent d'abord les incohérences de la politique américaine: bombarder la Syrie tout en s'engageant à faire partir de son territoire les maigres troupes américaines n'est pas la meilleure recette pour inhiber le président syrien. Quant à la promesse sonore de M. Trump, après le carnage de Douma, de «faire payer cher» à Assad et à ses bienfaiteurs russes et iraniens, l'image du dictateur syrien vaquant paisiblement à ses besognes au lendemain des raids alliés en dit long. Tout comme la fanfaronnade de Trump sur «mission accomplie», qui résonnait plutôt comme une promesse de ne pas recommencer.
Une opération pour rien, disent certains experts: à force de la réduire à quelques cibles pour épargner des civils, éviter les zones contrôlées par les Russes, sans même toucher l'infrastructure militaire syrienne, elle a écorné la crédibilité des Occidentaux bien plus que le régime de Damas. Et même si Assad s'abstient dorénavant d'utiliser l'arme chimique, cette riposte précautionneuse paraît lui accorder un blanc-seing pour continuer à massacrer librement son peuple, pourvu que ce soit avec des armes traditionnelles.
Ces objections ne sont pas indifférentes, mais elles en appellent d'autres à leur tour. On ne peut considérer l'usage des armes chimiques comme un simple pas de plus sur l'échelle de l'horreur. Non seulement parce que cette manière de faire mourir est d'une atrocité indicible et qu'elle viole les conventions internationales, mais parce qu'elle ouvre la voie à des pratiques de tuerie de masse autrement dévastatrices. Douma résistait au régime syrien malgré des bombardements massifs ininterrompus. C'est alors qu'Assad a décidé de lancer l'attaque chimique. Quelques heures plus tard, les rebelles ont capitulé.
Les frappes alliées auraient pu, certes, cibler plus durement l'appareil militaire syrien, mais rien ne dit qu'elles ne servent pas l'objectif prioritaire de cette opération: dissuader le dictateur de Damas d'employer à l'avenir l'arme chimique. Les sites détruits ne l'empêcheront pas d'en fabriquer, mais c'est leur utilisation qu'il faut commencer par faire cesser. Et il est bien trop tôt pour mesurer le pouvoir de dissuasion des Occidentaux.
«La dernière chose que souhaite le gouvernement russe aujourd'hui est un embrasement israélo-iranien en Syrie»
Ran Halévi
La Russie non plus ne sort pas indemne de cette épreuve. Ses avertissements sur les représailles apocalyptiques qu'entraînerait l'intervention alliée n'ont troublé personne. Et ses dénégations sur les attaques chimiques à Douma ne sont pas plus potables que son annonce d'avoir intercepté la plupart des missiles tirés sur les sites syriens. De fait, les frappes ont sérieusement endommagé, sous le regard des Russes, le potentiel d'armements chimiques de leur client. C'est leur propre pouvoir de dissuasion qui vient d'être atteint.
Le Kremlin connaît assez son infériorité dans le domaine conventionnel pour risquer un conflit frontal avec les Occidentaux. Mais il tient à sa propre ligne rouge: pas de changement de régime à Damas. Pour fortifier le gouvernement syrien, Moscou envisage de lui vendre des missiles antiaériens S-300, voire S-400, qui rendraient autrement difficiles les opérations israéliennes en Syrie. C'est ici que l'affaire des armes chimiques touche à la situation de quasi-guerre qui met désormais aux prises l'État hébreu et les milices dirigées par les gardiens de la révolution iraniens.
La présence en Syrie de ces quelque 20.000 hommes n'a apparemment d'autre dessein que d'y établir un avant-poste pour cibler le territoire israélien. Leur projet d'y construire une base aérienne et des ateliers de fabrication de missiles de haute précision est considéré à Jérusalem comme un casus belli. Ces installations ont été bombardées par Tsahal en février puis la semaine dernière, faisant pour la première fois plusieurs victimes parmi les gardiens de la révolution. Jérusalem est résolue de ne pas répéter l'erreur d'avoir laissé le Hezbollah réunir au Liban une panoplie de missiles qui couvrent aujourd'hui la totalité du territoire israélien.
Pour l'heure, le régime iranien se trouve empêtré dans ses propres problèmes: chute de la monnaie, contestations populaires, incertitude quant à la décision prochaine du président américain sur l'accord nucléaire. Autant de raisons de ne pas s'aventurer dans un conflit armé avec Tsahal pour maintenir sa présence en Syrie, très impopulaire en Iran. Seulement, les gardiens de la révolution ne sont pas travaillés par les mêmes contraintes dans la guerre larvée qui les oppose à Israël.
La dernière chose que souhaite le gouvernement russe aujourd'hui est un embrasement israélo-iranien en Syrie. Mais son ascendant politique et militaire suffit-il à l'empêcher? Rien n'est moins sûr.

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Un imam salafiste expulsé vers l'Algérie (20.04.2018)

El Hadi Doudi était dans le collimateur des services de renseignement depuis de longues années. - Crédits photo : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT/AFP
France | Par Jean Chichizola
Mis à jour le 20/04/2018 à 19h28
El Hadi Doudi prônait le djihad armé dans une mosquée de Marseille. À l'issue d'une longue procédure, il a dû quitter la France.
Le suspense aura duré jusqu'à la dernière minute. El Hadi Doudi, imam salafiste de Marseille, a été expulsé vendredi vers son pays, l'Algérie, après quatre mois de procédures et une longue enquête préalable.
Mardi, il s'était vu notifier son arrêté d'expulsion et avait été placé en centre de rétention administrative. Son avocat, Me Nadil Boudi, avait toutefois déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en expliquant que son client risquait de subir des tortures et autres «traitements inhumains ou dégradants» en Algérie. La CEDH avait suspendu la procédure et donné un délai de 72 heures à Paris pour «rassembler les informations complémentaires nécessaires à une prise de décision éclairée». Jeudi, la CEDH avait donné son feu vert «à la lumière des informations fournies par les parties».
Cette expulsion vient conclure une longue procédure conduite par le ministère de l'Intérieur avec, au premier rang, la préfecture de police de Marseille. Le 11 décembre, la préfecture avait pris un arrêté de fermeture pour six mois de la mosquée As-Sounna, où officiait EL Hadi Doudi. Située boulevard National, non loin du centre et à un jet de pierre d'un collège public, la mosquée, l'une des plus vastes de la ville, accueillait plusieurs centaines de fidèles. Contestée devant la justice administrative, cette fermeture temporaire avait été entérinée par le Conseil d'État le 31 janvier.
Âgé de 63 ans, ce proche du Front islamique du salut, arrivé en France en 1981, était devenu au fil des années une référence du salafisme local repéré pour son radicalisme
À l'appui de sa demande, la préfecture de police avait produit une note des services de renseignement de plus de quarante pages. Plus d'une vingtaine de prêches et de textes en ligne, entre 2013 et 2017, y étaient signalés. Avec, pêle-mêle, un soutien au djihad armé, à l'exécution des apostats et des adultères, à la destruction des mécréants et des juifs «impurs, frères des singes et des porcs» sans oublier une incitation à adopter une attitude provocante pour semer la panique dans la population, en hurlant par exemple Allah Akbar en pleine rue. Au vu de ces accusations, El Hadi Doudi était logiquement visé par une demande d'expulsion.
Le 8 mars, une commission composée de magistrats marseillais donnait son feu vert en soulignant notamment que «l'analyse de l'idéologie propagée par M. Doudi […] démontre que l'autre est nié dans sa singularité et son humanité», l'autre en question étant «identifié uniquement par rapport à son sexe et à son appartenance ou non à une race, une religion, une catégorie de personnes, ce qui est attentatoire aux principes fondamentaux de la République». La défense avait contesté des propos tronqués ou mal traduits et l'imam avait indiqué qu'il était prêt à abandonner ses activités. En vain.
Doudi était de toute façon dans le collimateur des services de renseignement depuis de longues années. Âgé de 63 ans, ce proche du Front islamique du salut, arrivé en France en 1981, était devenu au fil des années une référence du salafisme local repéré pour son radicalisme. Depuis le 1er janvier 2017, plus d'une vingtaine d'islamistes étrangers en situation régulière ont, comme lui, été expulsés. Et d'autres devraient suivre.

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Cambriolages : les «voleurs dans la loi» géorgiens sévissent en France (20.04.2018)

Les quinze personnes interpellées sont soupçonnées de 150 cambriolages en Normandie. - Crédits photo : 133211673/AA+W - stock.adobe.com
France | Par Régis Genté
Mis à jour le 20/04/2018 à 20h01
Spécialisés dans le cambriolage, ces délinquants ont été chassés de leur pays par une législation sévère. Un réseau vient d'être démantelé en Normandie.
À Tbilissi
Leurs tombes se veulent de vraies œuvres d'art. Les kanonieri kourdebi, en géorgien, ce que l'on peut traduire par «voleurs dans la loi», sont des bandits hérités de l'époque soviétique qui mettent un point d'honneur à ce que leurs sépultures soient des hymnes à leur gloire. Kitsch à souhait, mais faites du plus beau marbre, où leurs proches ont fait graver leur portrait en pied, éventuellement avec la Mercedes en arrière-plan. Autour de celles-ci, dans les cimetières de Tbilissi ou de Koutaïssi, capitales «historiques» du crime de la Géorgie, flotte une atmosphère de respect autant que de gêne.
 «Cette criminalité spécifique au monde soviétique, qui s'est épanouie dans les goulags, est devenue un phénomène majoritairement caucasien à partir des années 1950-1960»
Vakhtang Kekochvili, sociologue
C'est que, depuis une quinzaine d'années, l'image des «kourdebi» est mise à mal en Géorgie. Dès son arrivée au pouvoir, après la «révolution des roses» de la fin 2003, le président Mikheïl Saakachvili a entrepris de les «casser». «Cette criminalité spécifique au monde soviétique, qui s'est épanouie dans les goulags pendant la première moitié du XXe siècle, est devenue un phénomène majoritairement caucasien à partir des années 1950-1960», explique le sociologue Vakhtang Kekochvili.
En 2005, le Parlement a adopté une loi très dure permettant d'emprisonner pour sept ans quiconque reconnaît seulement être un «voleur dans la loi», sans même être reconnu coupable d'un délit ou d'un crime. En effet, selon leur code d'honneur, lorsqu'on demande à ces «voleurs» s'ils appartiennent à cette sorte de confrérie, ils ne peuvent mentir. En quelques mois, les «kourdebi» ont tous été placés derrière les barreaux ou ont quitté la Géorgie. «Cette loi a finalement surtout déplacé le problème hors du pays», constate Bruno Balduc, attaché de sécurité intérieure à l'ambassade de France en Géorgie. Résultat: le monde du crime géorgien s'est exporté en Europe de l'Ouest, en Espagne, Italie, Grèce, France…
Dans l'Hexagone, les délinquants géorgiens se contentent surtout, pour l'heure, de cambriolages. Cette semaine, un réseau qui sévissait en Normandie a été démantelé, grâce à l'intervention de près de 300 gendarmes. Quinze personnes de nationalité géorgienne, soupçonnées d'être les auteurs d'au moins 150 visites de domiciles, ont été interpellées, dont beaucoup sont des «voleurs dans la loi». La Géorgie arrive désormais en 12e position des pays les plus représentés dans les prisons françaises. Environ 300 ressortissants y sont incarcérés. «Ce n'est pas si important, numériquement, mais, comme ils pratiquent le cambriolage, cela démultiplie le sentiment d'insécurité chez nos compatriotes», observe Bruno Balduc.
«Petits groupes de 4 ou 5»
En réalité, une petite partie des bandits géorgiens opérant en France sont des «kanonieri kourdebi». «Ils fonctionnent souvent en petits groupes, de quatre ou cinq, avec un “voleur dans la loi” à leur tête. Mais beaucoup fonctionnent aussi sans liens avec les “voleurs dans la loi”», témoigne un Géorgien connaissant bien leur mode de fonctionnement. La situation inquiète les autorités géorgiennes qui ont créé des postes d'attachés de police dans une douzaine d'ambassades, dont un à Paris, et ont adopté ce 19 avril un durcissement de la loi de 2005.

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Israël bloque le transfert des Palestiniens blessés à Gaza (20.04.2018)

Un manifestant palestinien blessé est évacué, vendredi 13 avril, près de la clôture entre la bande de Gaza et Israël. - Crédits photo : MAHMUD HAMS/AFP
International | Par Cyrille Louis
Mis à jour le 20/04/2018 à 19h09
Des manifestants blessés par balle à la « marche du retour » n'ont pas été autorisés à se rendre en Cisjordanie pour être opérés.
Vingt blessures mortelles le vendredi 30 mars, neuf la semaine suivante: de façon logique, les comptes rendus de la «marche du retour» se sont d'abord focalisés sur le nombre de Palestiniens tués à la lisière de la bande de Gaza. Mais une autre statistique illustre, de façon au moins aussi frappante, l'ampleur de la répression israélienne. Selon le ministère palestinien de la Santé, 1539 manifestants ont été blessés par balle au cours des trois premières journées de rassemblement. Les chirurgiens de l'ONG Médecins sans frontières évoquent des blessures «dévastatrices», «d'une sévérité inhabituelle» et associées à «des orifices de sortie de balles qui peuvent avoir la taille d'un poing». «Chez la moitié des 500 victimes de tirs que nous avons prises en charge, précise Marie-Élisabeth Ingres, chef de mission dans les Territoires palestiniens, la balle a littéralement détruit les tissus après avoir pulvérisé les os.»
Certains de ces blessés conserveront des séquelles à vie. Mohammed al-Ajouri, 16 ans, est l'un d'entre eux. Couché sur un lit au beau milieu du salon familial, il dissimule sous un drap bleu pâle le moignon de sa jambe droite et débite son histoire d'une voix faible. Son père, qui ne le lâche pas d'un œil, veut croire que «ça va mieux», mais la mine du garçon n'en convainc guère. Le 30 mars, il était environ 11 heures du matin lorsque celui-ci a été blessé au-dessous du genou par un tir israélien. Il était venu manifester avec des amis sur le «camp du retour» de Jabaliya, au nord de l'enclave. Au moment de l'impact, Mohammed assure qu'il se trouvait à 300 mètres de la clôture avec Israël. Impossible de vérifier ces propos. Évacué vers l'hôpital Shifa, il a été opéré en urgence, mais les médecins ont jugé son état suffisamment grave pour réclamer son transfert vers un établissement mieux équipé de Cisjordanie. Le 9 avril, confrontés au refus des autorités israéliennes, ils ont dû se résoudre à l'amputer pour éviter que la gangrène ne se propage.
Un usage excessif de la force
«Israël est un État souverain, justifie le porte-parole de l'unité militaire qui administre les Territoires palestiniens (Cogat), et a donc le droit de choisir qui est autorisé à entrer sur son sol. Or il a été décidé que toute demande de traitement médical concernant un terroriste ou un émeutier qui a pris part à des événements violents serait refusée.» L'ONG palestinienne al-Mizan, alertée par la famille de Mohammed al-Ajouri, répond que le jeune homme ne demandait qu'à transiter par Israël pour se rendre en Cisjordanie. Elle a depuis saisi la Cour suprême, qui s'est prononcée le 16 avril. Trop tard pour sauver la jambe de Mohammed. Mais les hauts magistrats, jugeant qu'il ne représentait aucune menace sécuritaire, ont ordonné le transfert d'un autre blessé par balle, Youssef al-Kronz, qui venait d'être amputé d'une jambe et risquait de perdre la deuxième. «Si une telle décision avait été prise plus rapidement, se désole Issam Younis, directeur d'al-Mizan, la mutilation de ces deux hommes aurait pu être évitée.»
« Israël est un État souverain et a donc le droit de choisir qui est autorisé à entrer sur son sol»
Le porte-parole de l'unité militaire qui administre les Territoires palestiniens
L'ONU, tout comme la France et l'UE, a déploré un usage excessif de la force après les lourds bilans du 30 mars et du 6 avril. La majorité des manifestants étaient rassemblés dans le calme et se tenaient à bonne distance de la frontière avec l'État hébreu. D'autres, moins nombreux mais brûlant d'en découdre, se sont approchés de la clôture et ont jeté des pierres et des cocktails Molotov en direction des soldats. Selon l'armée, deux d'entre eux ont ouvert le feu et plusieurs groupes ont tenté d'endommager la barrière ainsi que de la franchir. Les généraux israéliens, redoutant que les habitants de Gaza ne cherchent à s'infiltrer en nombre, avaient prévenu qu'ils n'hésiteraient pas à tirer à balles réelles pour les en empêcher.
Treize amputations
Dans la cour de l'hôpital européen de Khan Younès, Ahmed al-Baba retient son souffle. Le jeune homme ne sait pas encore que son père, Rached, blessé le matin du 30 marsalors qu'il venait récupérer un autre de ses fils sur le «camp du retour» de Rafah, est sur le point d'obtenir le feu vert d'Israël pour être soigné en Cisjordanie. Terrassé par un accident vasculaire cérébral consécutif à son hémorragie, l'homme est depuis lors dans le coma. «Nous avons réussi à le stabiliser mais n'avons pas les moyens d'améliorer son état», glissait samedi dernier le neurologue Hatem Aafana, inquiet pour la survie de son patient. Jeudi 19 avril, celui-ci a été autorisé à se rendre en Cisjordanie. Mais il est trop tôt pour savoir si les médecins parviendront à le sauver.
À l'étage de l'hôpital Shifa, les patients blessés lors des trois premières «marches du retour» s'entassent à huit par chambre. Dès qu'un visiteur se penche à leur chevet, ils exhibent avec fierté les photos de leurs lésions enregistrées sur un smartphone. Les plaies sont énormes, les chairs explosées. «Ces munitions causent de multiples fractures à l'os et déchirent les nerfs ainsi que les ligaments», décrit Ayman Sahbani, chef du service des urgences. Selon le ministère de la Santé, 13 blessés ont été amputés des membres inférieurs depuis le début de la «marche du retour» et plusieurs dizaines d'autres attendent un hypothétique transfert en Cisjordanie.

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Daniel Kretinsky : «J'ai un grand respect pour Elle et Marianne» (20.04.2018)
Daniel Kretinsky, patron de la holding Czech Media Invest, premier groupe de presse écrite en République tchèque. - Crédits photo : Rudolf WICHERT/LAIF-REA/Rudolf WICHERT/LAIF-REA
Médias & Publicité | Par Chloé Woitier
Mis à jour le 20/04/2018 à 18h46
EXCLUSIF - Inconnu en France, l'homme d'affaires tchèque, à la tête du plus important groupe de médias de son pays, explique au Figaro pourquoi il investit dans la presse française.
Le nouvel homme fort de la presse magazine vient de l'Est. Inconnu du monde des médias français il y a encore quelques jours, le tchèque Daniel Kretinsky vient de se faire un nom en rachetant coup sur coup Elle , les autres magazines du groupe Lagardère (à l'exception de Paris-Match et du JDD) ainsi que l'hebdomadaire Marianne . «Je suis francophone et francophile», explique-t-il au Figaro. Ce jeune quadragénaire, cinquième fortune de République tchèque, a fait une partie de ses études à l'université de droit de Dijon.
Juriste de formation, Daniel Kretinsky a bâti en une quinzaine d'années le premier groupe énergétique d'Europe centrale, EPH (4,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2016), qui opère aussi en Allemagne, Italie et au Royaume-Uni. Le milliardaire est entré dans le secteur des médias en 2014 en rachetant au suisse Ringier, avec l'homme d'affaires Patrick Tkac, le groupe de presse écrite Czech News Center. «C'était pour moi une décision citoyenne», souligne-t-il. «La vague de populisme et de nationalisme que connaît l'Europe est en partie la conséquence de l'affaiblissement économique des médias traditionnels. La presse subit par ailleurs la concurrence des Gafa, alors que des contenus trompeurs aux sources troubles fleurissent sur Internet et sèment le doute chez les citoyens», poursuit l'homme d'affaires. «J'ai un important patrimoine personnel et j'ai voulu l'investir dans la presse tchèque afin de lui assurer un avenir face à ces défis. J'y ai découvert une industrie passionnante.»
«Ne pas abîmer ces marques»
«Nous sommes là pour aider au développement de ces titres et leur permettre d'envisager sereinement l'avenir»
Daniel Kretinsky
Son holding Czech Media Invest est aujourd'hui le premier groupe de presse écrite du pays, avec trois quotidiens et une vingtaine de magazines. Elle pèse 122 millions d'euros de chiffre d'affaires, pour un résultat d'exploitation de 15 millions d'euros. Le rachat des radios privées du groupe Lagardère opérant en Europe centrale pour 77 millions d'euros va permettre de renforcer localement ce pôle médias.
Mais pourquoi investir en France alors que le marché y est compliqué pour les magazines? «J'ai une position économique suffisamment confortable pour me permettre de faire des choix qui ne soient pas motivés par l'appât du gain», sourit-il. Évoquant des «liens affectifs forts avec la France», Daniel Kretinsky avance aussi une nouvelle aura internationale pour son groupe médias ainsi qu'un partage d'expérience qui pourra être bénéfique pour ses journaux tchèques. Quant au choix des titres, «il s'agit pour Marianne d'un choix avant tout “citoyen”, bien que je ne sois pas français, afin de venir en aide à ce titre. En ce qui concerne les magazines de Lagardère, je suis optimiste pour trouver un modèle économique solide. Il faut notamment permettre à Elle d'être plus présent sur le digital», souligne-t-il.
 «Nous ne regardons pas d'autres dossiers, mais je ne peux rien exclure pour le futur, que ce soit en France ou en Europe. Mais notre priorité est la France»
Daniel Kretinsky
Daniel Kretinsky tient à rassurer les salariés. «J'ai un grand respect pour ces magazines et pour le travail de leurs équipes. Ce n'est pas dans notre intérêt d'abîmer ces marques. Cet héritage sera traité avec prudence et respect», explique-t-il. «Nous sommes là pour aider au développement de ces titres et leur permettre d'envisager sereinement l'avenir.» L'homme d'affaires affirme qu'il investira dans ces magazines et que la rédaction de Marianne pourrait même être renforcée. Chez les titres de Lagardère, la question de l'emploi est en cours de discussion. Les titres cédés comptent 700 salariés. Ces derniers ont été inquiets de trouver le nom de leur futur propriétaire dans les Panama Papers. «Quant à ma citation dans les Panama Papers, il s'agit d'un catamaran basé aux Caraïbes que j'ai racheté et qui était immatriculé au Panama. Je n'ai jamais caché que j'en étais propriétaire», explique-t-il.
L'homme d'affaires a-t-il d'autres acquisitions en tête? «Nous ne regardons pas d'autres dossiers, mais je ne peux rien exclure pour le futur, que ce soit en France ou en Europe. Mais notre priorité est la France.»
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Hubert Reeves: «Je pense qu'il y a beaucoup d'autres civilisations dans l'Univers» (20.04.2018)

Hubert Reeves a passé une grande partie de sa vie à observer les étoiles. - Crédits photo : ©Olivier Roller/Divergence
Sciences & Environnement | Par Vincent Jolly
Mis à jour le 20/04/2018 à 14h50
INTERVIEW - Science et foi, apparition de la vie sur terre, exoplanètes... L'éminent astrophysicien livre ses réflexions sur des questions universelles.
A 85 ans, et avec une brillante carrière passée à observer les étoiles, Hubert Reeves redescend sur terre pour pousser un cri d'alarme. Selon l'éminent astrophysicien, nous sommes en train de vivre un anéantissement biologique. «La disparition des vers de terre est aussi importante que la fonte des glaces», explique l'auteur, en octobre 2017, d'une bande dessinée sur la biodiversité destinée à sensibiliser la jeunesse. Il occupe également une place importante dans La Terre vue du cœur, un documentaire plaidoyer pour la sauvegarde de la planète sorti au Québec le 13 avril dernier.
On vous sait mélomane. Une musique favorite pour regarder les étoiles?
Du Bach, du Beethoven ou du Mozart. Mais, surtout, les quatuors de Schubert!
Un programme télé préféré?
J'aime beaucoup les concerts filmés, justement. Parfois, c'est même mieux qu'en vrai car on voit les musiciens de près.
Un film de science-fiction préféré?
Je ne suis pas trop un amateur de science-fiction. Je trouve que les réalisateurs manquent d'imagination. La réalité en a beaucoup plus que les êtres humains! Ce qui est un problème pour l'avenir, d'ailleurs…
Vous n'en regardez jamais?
Parfois. Ceux qu'on me dit d'aller voir pour ensuite me demander mon avis dessus. Comme pour Interstellar , de Christopher Nolan. Son script a été entièrement écrit avec des astrophysiciens…
Verdict?
Je n'y suis pas allé. J'avais peur de m'ennuyer.
Votre livre de chevet en ce moment?
The End of Science, de John Horgan. C'est un livre critique de notre situation face à nos problèmes. Il évoque notamment la grande question de l'apparition de la vie sur Terre: comment est-on passé d'un océan inerte à des petites bestioles qui vivaient? C'est le problème fondamental - et on ne sait même pas si l'intelligence humaine sera un jour en mesure de le résoudre.
Un personnage historique avec qui vous aimeriez dîner?
Winston Churchill. Il représente pour moi le courage et la volonté de continuer à se battre - même dans les pires situations. Mon père me disait toujours: «C'est quand ça va mal que l'on montre ce que l'on vaut.»
Si vous étiez omniscient, quel phénomène physique ou chimique aimeriez-vous observer?
Visiter une exoplanète où il y aurait de la vie. On en a découvert près d'un millier, aujourd'hui. Car c'est l'autre grande question: sommes-nous seuls dans l'Univers? Y a-t-il d'autres civilisations quelque part? Personnellement, je pense que oui, qu'il y en a beaucoup.
Doit-on choisir entre la science et la foi?
«Contentez-vous de nous dire comment aller au ciel, mais laissez-nous le soin de dire comment il va»
Galilée
Absolument pas. Ce sont deux domaines totalement différents. La science dit comment ça marche. La philosophie ou la religion, elles, disent ce que ça vaut. La science dit comment construire une bombe atomique, mais pas si c'est une bonne idée de s'en servir.
Quelle est votre citation préférée?
«Contentez-vous de nous dire comment aller au ciel, mais laissez-nous le soin de dire comment il va», de Galilée. Elle est importante car on voit beaucoup de débats sur l'idée que «la science prouve que Dieu n'existe pas». Alors que la science n'a rien à dire sur le sujet. Il n'y a pas de réponse universelle là-dessus: chacun doit avoir la sienne. On peut être un bon chrétien ou un bon musulman et être un bon scientifique.
De quoi a peur un astrophysicien?
En ce qui me concerne, de la mort.
Votre plus grande fierté?
Quand des gens me disent qu'après avoir lu un de mes livres, ils se sont sentis plus intelligents.
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Natacha Polony : «La vraie révolution sera paysanne» (20.04.2018)
La polyculture et la permaculture sont des solutions parmi d'autres face à l'agriculture chimique qui menace aujourd'hui nos sols. - Crédits photo : François BOUCHON/Le Figaro
Vox Societe | Par Natacha Polony
Publié le 20/04/2018 à 17h07
CHRONIQUE - L'opposition entre l'utopie des zadistes et le cynisme des agro-industriels est dépassée. Face à la bétonisation grandissante et aux puissants lobbys, la France doit favoriser une agriculture responsable avant qu'il ne soit trop tard. L'avenir des Français en dépend.
Deux heures et demie de joute entre le président de la République et les deux journalistes vedettes qui prétendaient renouveler le genre. Deux heures et demie de postures et de mise en scène de l'indépendance journalistique. Pour quel résultat? Derrière une passe d'armes intéressante contraignant le président à reconnaître que les Pays-Bas ont toutes les caractéristiques d'un paradis fiscal sans que personne en Europe ne trouve à y redire, des pans entiers du réel, de la vie des Français, des enjeux du pays ont disparu. L'industrie, l'agriculture, l'environnement, l'éducation? Ces considérations sont visiblement moins nobles que la défense des zadistes de Notre-Dame des Landes. Dommage.
Raisonnable, vraiment, un système qui épuise les terres ? Responsable, une agriculture qui a fait disparaître 80 % des insectes ?
Une fois de plus, on laissera croire aux Français qu'il n'y aurait de choix qu'entre de gentils utopistes - libertaires mais pas au point de refuser un RSA payé par ceux qui travaillent et respectent la propriété, et surtout farouchement solidaires d'anarchistes nettement moins gentils - et les «gens raisonnables» qui ont intérêt à perpétuer l'existant. Raisonnable, vraiment, un système qui épuise les terres? Responsable, une agriculture qui a fait disparaître 80 % des insectes? Responsable, une économie qui perfuse des paysans exsangues aux subventions publiques pour pouvoir importer du lait néo-zélandais dans des porte-conteneurs adeptes du dégazage en haute mer?
Les jeunes gens qui prétendent réinventer l'agriculture à Notre-Dame des Landes sont certes coupables de s'être installés sans autorisation sur des terres appartenant à l'État, et de refuser jusqu'à présent la régularisation de leur situation à travers un formulaire pourtant largement simplifié par rapport à l'enfer administratif que constitue la vie d'un agriculteur classique, mais ils posent des questions qui surgissent ailleurs dans notre société, chez des gens beaucoup plus respectueux des lois. Des questions qui vont s'imposer à nous dans les années à venir. Ce sont celles que posent par exemple le courant de la revue chrétienne d'«écologie intégrale» Limite , ou celui, socialiste et décroissant, de la revueLe Comptoir: comment pouvons-nous reconstruire une autonomie des individus par rapport à une société consumériste qui industrialise les processus pour mieux nous aliéner, nous enchaîner à ses productions?
Comment pouvons-nous reconstruire une autonomie des individus par rapport à une société consumériste qui industrialise les processus pour mieux nous aliéner, nous enchaîner à ses productions ?
La France a perdu en surface de terres agricoles, depuis 2006, l'équivalent du département de Seine-et-Marne, bétonné pour des pavillons, des hypermarchés et des parkings. Ce qui reste de terres s'épuise sous l'effet d'intrants chimiques qui provoquent l'érosion. La situation est si préoccupante, à l'échelle du monde, que la FAO, pourtant fondée pour préparer la «révolution verte» de la deuxième moitié du XXe siècle, à coups de pesticides et de pompage des nappes phréatiques, annonce désormais qu'il va falloir changer de modèle. Et c'est un renversement majeur du vieil argument selon lequel «le bio, c'est gentil, mais ça ne suffira pas à nourrir la planète». En fait, nous dit désormais la FAO, c'est justement parce qu'on se dirige vers 10 milliards d'habitants qu'il sera impossible de continuer à détruire les ressources avec une agriculture chimique dont la première conséquence est une chute inquiétante des rendements.
La nouvelle agriculture existe pourtant. Elle n'a pas attendu les zadistes. C'est ce qu'explique à longueur de livres Frédéric Denhez, auteur de Cessons de ruiner notre sol!(Flammarion, 2014), Le Bio au risque de se perdre (Buchet-Chastel, 2018)… Il n'y a rien à «inventer» en matière d'agriculture, il y a tout à redécouvrir: les haies, la permaculture, l'entretien des sols selon les règles de l'agronomie, la polyculture qui permet de fertiliser les sols avec le fumier des animaux que l'on élève, le redécoupage des parcelles pour qu'elles n'excèdent pas «la distance que peut parcourir une coccinelle pour aller chercher un puceron»: une leçon tirée de ce que fut la révolution agraire du XVIIIe et, plus encore, tout le contraire du remembrement, dont Edgar Pisani, à la fin de sa vie, disait qu'il avait été une effroyable erreur.
Il y a tout à redécouvrir : les haies, la permaculture, l'entretien des sols selon les règles de l'agronomie, la polyculture qui permet de fertiliser les sols avec le fumier des animaux que l'on élève
Une loi est en cours de discussion: très modestement, elle entend découpler la vente et le conseil en matière de pesticides et veut permettre aux paysans de fixer les prix. La plupart auront du mal tant il est difficile de calculer le coût des intrants chimiques et la part des subventions, mais ce sont de premiers pas vers l'indépendance. En attendant que d'éventuels amendements ne viennent remettre dans le jeu les lobbys qui font depuis cinquante ans la politique agricole et que les traités de libre-échange ne viennent ruiner ceux qui veulent vivre de leur travail.
Il serait stupide de ne retenir de Notre-Dame des Landes que les petits fascistes d'extrême gauche qui hurlent à la fin de l'État et des frontières en cassant du CRS, quand les premiers opposants à cet aéroport furent des citoyens lambda qui s'inquiétaient de la destruction continue d'espaces naturels. Ils ont été débordés, faute d'avoir été entendus. Mais si nous voulons que la France puisse encore nourrir ses habitants dans cinquante ans, il est temps de refuser l'affrontement caricatural des agro-industriels et des utopistes. Les vrais réalistes, les vrais pragmatiques sont ceux qui savent que les sols, quand ils seront morts, ne se remplaceront pas.

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