L’ancien diplomate britannique devenu lanceur d’alerte Craig Murray, dont nous avons présenté ici l’analyse sur la tentative d’homicide perpétrée à Salisbury contre l’ancien agent russe Skripal et sa fille, continue, sur son blog, à poser les questions qui fâchent.
Hier, Murray a demandé à la police anglaise d’enquêter sur l’implication d’Orbis Business Intelligence, c’est-à-dire l’entreprise de l’ancien agent du MI6 Christopher Steele connu pour avoir fabriqué de toutes pièces le dossier ayant servi de base aux accusations de collusion avec la Russie contre le Président américain.
Aujourd’hui, il persiste et signe en démasquant les manœuvres du gouvernement anglais engagé dans une course contre la montre pour tordre le bras des experts pour valider le mensonge qu’il veut promouvoir.
En France, on s’étonne du silence d’Arrêt sur Images, de Conspiracy Watch et de Mediapart...
D’un type développé par des menteurs
Par Craig MURRAY, ancien ambassadeur britannique
J’ai maintenant reçu la confirmation d’une source bien placée au FCO (Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth – NdT) que les scientifiques du laboratoire d’analyse scientifique de Porton Down (Armée anglaise) ne sont pas en mesure d’identifier l’agent neurotoxique comme étant de fabrication russe, et éprouvent du ressentiment à l’égard des pressions exercées sur eux pour le faire.
Porton Down n’a approuvé la formulation « d’un type développé par la Russie » qu’après une réunion plutôt difficile pour aboutir à ce compromis.
Les Russes auraient fait des recherches, dans le cadre du programme « Novichok », sur une génération d’agents neurotoxiques qui pourraient être fabriqués à partir de produits disponibles dans le commerce, tels que les insecticides et les engrais. Dans ce sens, cette substance est un « novichok ». C’est un produit du même type. Tout comme je suis en train de taper sur un ordinateur portable d’un type développé par les États-Unis, mais fabriqué en Chine.
Chose évidente depuis plusieurs jours pour toute personne ayant une expérience du Pouvoir. Le gouvernement n’a jamais dit que l’agent neurotoxique a été fabriqué en Russie, ou qu’il ne pouvait être fabriqué qu’en Russie. La formulation exacte « d’un type développé par la Russie » a été utilisée par Theresa May devant le Parlement, par le Royaume-Uni au Conseil de sécurité de l’ONU, et par Boris Johnson à la BBC hier et, surtout, « d’un type développé par la Russie » est l’expression précise utilisée dans le communiqué commun publié hier par le Royaume-Uni, les États-Unis, la France et l’Allemagne :
Cette utilisation d’un agent neurotoxique de qualité militaire, d’un type développé par la Russie, constitue la première utilisation offensive d’un agent neurotoxique en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
Lorsque le même phrasé extrêmement prudent est systématiquement employé, vous savez que c’est le résultat d’un compromis très délicat au sommet du Pouvoir.
Ma source du FCO, comme moi, se souvient des pressions extrêmes exercées sur le personnel du FCO et d’autres fonctionnaires pour qu’ils signent le dossier sur les Armes de Destruction Massive irakiennes, dont certaines pressions que j’ai racontées dans mes mémoires Murder in Samarkand.
Elle a fait la comparaison avec ce qui se passe actuellement, en particulier à Porton Down, sans que je ne l’y incite.
De mon côté, j’ai écrit au bureau des médias de l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) pour leur demander de confirmer qu’il n’y a jamais eu de preuves matérielles de l’existence de Novichoks russes, et le programme d’inspection et de destruction des armes chimiques russes a été achevé l’année dernière.
Connaissiez-vous ces faits intéressants ?
Les inspecteurs de l’OIAC ont eu pleinement accès à toutes les installations d’armes chimiques russes connues depuis plus d’une décennie - y compris celles identifiées par le lanceur d’alerte Novichok présumé Mirzayanov - et l’an dernier, les inspecteurs de l’OIAC ont achevé la destruction des 40 000 dernières tonnes d’armes chimiques russes.
En revanche, le programme de destruction des stocks d’armes chimiques des États-Unis a encore cinq ans à courir.
Israël dispose de stocks importants d’armes chimiques, mais a toujours refusé de les déclarer à l’OIAC. Israël n’adhère pas à la Convention sur les armes chimiques et n’est pas membre de l’OIAC. Israël a signé en 1993 mais a refusé de ratifier car cela signifierait l’inspection et la destruction de ses armes chimiques. Israël a sans doute autant de capacités techniques que n’importe quel Etat pour synthétiser les Novichoks.
Jusqu’à cette semaine, la croyance quasi universelle parmi les experts en armes chimiques, et la position officielle de l’OIAC, était que les Novichoks étaient tout au plus un programme de recherche théorique que les Russes n’avaient jamais réussi à synthétiser et à fabriquer. C’est pourquoi ils ne figurent pas sur la liste des armes chimiques interdites de l’OIAC.
Porton Down n’est toujours pas sûr que ce sont les Russes qui ont apparemment synthétisé un Novichok. D’où l’expression « d’un type développé par la Russie ». Notez bien : développée, pas fabriquée, produite ou manufacturée.
Il s’agit d’une propagande soigneusement formulée. D’un type développé par des menteurs.
MISE A JOUR :
Cet article a incité un autre ancien collègue à prendre contact. La bonne nouvelle, c’est que le FCO a persuadé Boris Johnson (le ministre britannique des Affaires étrangères) qu’il devait laisser l’OIAC analyser un échantillon. Mais pas tout de suite. On s’attend à ce que le comité d’enquête soit présidé par un délégué chinois. Le plan Boris est d’obtenir que l’OIAC adhère également à la formule « d’un type développé par la Russie », et la diplomatie est aux manœuvres en ce moment même à Pékin.
Je suppose qu’il n’y a aucun chance que la BBC fasse son travail de journalisme sur ce sujet ?
Craig Murray
ancien ambassadeur et haut fonctionnaire britannique
ancien ambassadeur et haut fonctionnaire britannique
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