Tribune des
300 contre l'antisémitisme, tribune des 30 imams : le décryptage de Céline Pina
(25.04.2018)
Financement du
terrorisme : le Qatar veut durcir le contrôle des organisations charitables
(26.04.2018)
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argentiers de la terreur (25.04.2018)
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Jean-Louis Borloo pour les banlieues (26.04.2018)
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(25.04.2018)
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Tribune
des 300 contre l'antisémitisme, tribune des 30 imams : le décryptage de Céline
Pina (25.04.2018)
- Par Céline
Pina
- Publié le
25/04/2018 à 13:41
FIGAROVOX/TRIBUNE - Céline Pina réagit suite à la tribune
publiée dans Le Monde ce matin par des «imams indignés» ayant affirmé qu'il n'y
a pas d'antisémitisme dans l'islam. Selon elle, cette tribune souligne
paradoxalement l'embarras des responsables musulmans devant les textes sacrés
de leur religion.
Ancienne élue locale, Céline Pina est essayiste et
militante. Elle avait dénoncé en 2015 le salon de «la femme musulmane» de
Pontoise et a récemment publié Silence
Coupable (éd. Kero, 2016). Avec Fatiha Boutjalhat, elle est la
fondatrice de Viv(r)e la République, mouvement citoyen laïque et républicain
appelant à lutter contre tous les totalitarismes et pour la promotion de
l'indispensable universalité de nos valeurs républicaines.
Suite à une tribune signée par 300 personnalités dénonçant
la violence d'un nouvel antisémitisme en France, lié au développement de
l'islamisme, une trentaine d'imams ont souhaité réagir et se déclarent prêts à
se mettre au service de leur pays. Si sur le papier l'initiative est
séduisante, à lire le texte de près et à examiner le contexte, on peut ressentir
un certain malaise.
Car ce qui fait réagir ces trente hommes, c'est moins
l'explosion de l'antisémitisme, que le fait que cette tribune des 300 ose
rappeler la haine du juif inscrite dans certains versets du Coran et ose dire
qu'il faudrait déjà accepter de se confronter à cette réalité pour espérer
changer les choses.
Je comprends que pour un croyant, il soit difficile
d'admettre qu'un texte, fut-il sacré, ne détient pas une vérité immanente et
absolue. Ainsi, quand on parle du terrorisme islamiste, qui justifie ses
massacres au nom de la religion et du Coran, on entend le traditionnel: «cela
n'a rien à voir avec l'Islam». Mais on peut retrouver ces mêmes réactions quand
on parle du goulag et des dictatures qui ont fleuri à l'Est avec certains
membres du PC: «pas le vrai communisme», ou des ravages de l'Inquisition avec
certains catholiques convaincus: «un détournement du message chrétien». Il est
normal que l'on veuille défendre ce que l'on aime, y compris au détriment du
réel, mais le meilleur moyen de changer la donne est rarement de s'aveugler sur
les réalités, toujours de les regarder en face pour mieux les combattre.
Force est de constater que ce n'est pas le traditionnel
antisémitisme lié à l'extrême droite et à un certain catholicisme qui renaît.
C'est ce que ce texte se refuse à faire. Écrit en réaction à
la tribune des 300, le premier enjeu qu'il évacue est pourtant au cœur de cette
tribune, c'est celui de l'antisémitisme. En mélangeant terrorisme et
antisémitisme, il ignore volontairement la question du «pourquoi» de ce nouvel
antisémitisme. En effet, le terrorisme met tout le monde sur un pied d'égalité
et permet d'éliminer ce que pointe la tribune: quand 1% de la population
française est victime de la moitié des actes racistes, le hasard n'est pas en
cause. Il s'agit clairement d'un ciblage. Quand le profil des agresseurs
s'homogénéise aussi, le doute n'est plus permis. Persécuter les juifs, c'est
affirmer une forme de puissance et de domination. Cela devient identitaire sur
certains territoires à travers la mythification du conflit israélo-palestinien.
C'est d'ailleurs au sein des manifestations pro-palestiniennes que des «Morts
aux juifs» ont été lancés en plein cœur de Paris. Comme dans le même temps, sur
l'ensemble de la population française, la communauté juive ne cesse de
renforcer sa bonne image, force est de constater que ce n'est pas le
traditionnel antisémitisme lié à l'extrême droite et à un certain catholicisme
qui renaît, mais bel et bien un nouvel antisémitisme, qui ajoute l'alibi antisioniste
aux poncifs archaïques.
Cette existence d'un fort antisémitisme culturel
arabo-musulman n'est pas une légende, il est mesuré dans les dernières études
comme celle d'Anne Muxel et Olivier Galland par exemple et dénoncé par des
sociologues comme Smaïn Lâacher. Mais ce fond de sauce est épaissi par la
propagande d'un Islam politique et par l'intégrisme wahhabite: l'explosion de
ce nouvel antisémitisme en France n'est pas le fruit du hasard mais le résultat
d'un travail religieux et politique sur le terrain, d'un conditionnement à la
haine.
Or, ici, mélanger terrorisme et antisémitisme permet non
seulement de ne pas regarder en face ses propres responsabilités, en rappelant
que la sécurité est l'affaire de tous, mais c'est aussi une manière habile de
se victimiser et de se faire absoudre, quand bien même les réseaux de mosquées
sont une des bases de la conquête idéologique des islamistes. Cela n'est jamais
dit. À lire le texte des imams, on ne se radicalise que sur internet. C'est
faux. C'est ainsi que la référence au terrorisme vise, dans ce cadre, à évacuer
la question de la provenance de ce nouvel antisémitisme et du terreau religieux
et politique dans lequel il pousse. Un terreau que les frères musulmans
entretiennent avec une main particulièrement verte. Quand le premier effet de
la réponse de ces 30 imams à la tribune des 300 est d'évacuer la question du
nouvel antisémitisme, on peut dire que cela fonctionne!
L'objet de ce texte est moins de se positionner sur la
question de l'antisémitisme que de protéger le texte coranique.
D'autres phrases peuvent faire bondir: revenant sur les
violences qui ont frappé notre pays, ces imams écrivent: «tout silence
de notre part serait désormais complice et donc coupable, même s'il ne
s'agissait jusqu'à présent que d'un mutisme de sidération». Depuis 2012?
Admettons. Après tout en 2012, tout le monde n'avait pas compris. Mais depuis
2015? Cela fait un temps de sidération particulièrement long tout de même.
Là-dessus, plaidons la maladresse. Peu importe le temps dévolu à la prise de
conscience, il faut savoir faire grâce du passé et n'avoir des exigences que
pour l'avenir quand on veut se rassembler. Mais là plusieurs choses entrent en
dissonance.
On sent très vite que l'objet de ce texte est moins de se
positionner sur la question de l'antisémitisme, très vite effacée, que de
protéger le texte coranique. L'idée selon laquelle il y aurait dans le texte
même du Coran des appels au meurtre des juifs est niée. Cela serait «d'une
violence inouïe» et laisserait entendre que «l'Islam est
génétiquement opposé à l'Occident» et que «le musulman ne peut
être pacifiste que s'il s'éloigne de la religion». Commençons par remettre
un peu de raison là-dedans. Ce qui est d'une violence inouïe, ce sont les
meurtres antisémites commis contre des enfants et un enseignant à l'école Ozar
Atorah, ceux d'Ilan Halimi, de Sarah Halimi et dernièrement de Mireille Knoll,
ce sont les massacres que nous affrontons depuis 2015, c'est le fait que
certaines villes en région parisienne voient les Français de confession juive
obligés de fuir parce qu'ils sont persécutés (au point que l'on a baptisé ce
phénomène l'Alya intérieure), c'est l'impossibilité de scolariser les enfants
juifs à l'école de la République sur certains territoires. Là, il se passe en effet
des faits d'une violence inouïe.
En revanche, dans la réaction de ces imams, on retrouve ce
refus absolu d'accepter la critique et l'interpellation sur le contenu d'un
texte. Au point qu'ils en arrivent à écrire des mensonges: la tribune des 300
ne dit jamais que l'islam serait génétiquement opposé à l'Occident ou qu'un bon
musulman est quelqu'un qui renierait sa religion, il demande que le contenu du
texte sacré puisse être débattu. Car sans débat sur le texte, personne ne peut
évoluer dans son rapport au texte.
Si les chrétiens ont changé leur rapport au texte et à leur
livre sacré, c'est parce que des débats ont eu lieu. Pour lutter contre
l'antisémitisme en son sein, l'Église s'est mobilisée et a pris position
clairement. L'argument du contexte ou de la recontextualisation brandi par ces
imams pour clore toute discussion avant même de l'entamer n'est pas loin de la
foutaise. Le Coran, comme tout texte sacré, n'est pas lu que par des
théologiens, beaucoup vont y chercher la justification de leur violence.
Comprendre le contexte n'est pas à la portée du premier venu... D'autant que
ledit texte, s'il est conçu comme incréé, efface tout contexte. La parole de
Dieu est la vérité, pas celle du moment, une vérité immanente, une part
d'éternité. Alors même et surtout si à la fin le texte n'est pas changé, il n'y
a qu'en acceptant la discussion sur ce point que ces imams montreront
réellement que le Coran n'est pas incréé et changeront de fait le rapport au
texte. Or leur réaction épidermique montre un refus viscéral de laisser même la
question être posée.
À tout prendre, je préfère la simplicité du commandement
de l'ancien testament « tu ne tueras point » ou simplement l'idée philosophique
qu'une société repose sur l'interdiction du meurtre.
Enfin, il y a au cœur de ce texte écrit par des imams
quelque chose qui interroge et inquiète. Le cœur du texte, c'est cette phrase
du prophète de l'Islam: «le musulman qui porte atteinte à la vie d'une
personne innocente vivant en paix avec les musulmans ne sentira jamais le goût
du paradis». Pour ne pas être légitime à assassiner, il faut
donc «être innocent» et «vivre en paix avec les
musulmans». Déjà la définition de l'innocence ouvre un vaste champ
d'interprétation. Est-on une personne innocente si on est une femme libre et
indépendante par exemple? Est-on encore innocent si on change de religion ou si
on devient athée? La question peut légitimement se poser. Ensuite la périphrase
indique que seule l'attitude envers d'autres musulmans est prise en compte. Et
les autres croyants ou les non-croyants ne compteraient-ils pas? Et quelle est
la définition de «vivre en paix?». Notre choix politique de l'égalité
femmes/hommes ne serait pas une provocation qui met à mal cette paix? Et que
dire quand des intellectuels se font traiter de blasphémateurs parce qu'ils
s'indignent de la recrudescence des actes et des meurtres antisémites? Il
arrive souvent, quand les questions posées sont simples, que l'ajout de
précisions desserve le propos et restreigne la portée du texte, voire jette la
suspicion sur les intentions réelles poursuivies. À tout prendre, je préfère la
simplicité du commandement de l'ancien testament «tu ne tueras point»ou
simplement l'idée philosophique qu'une société repose sur l'interdiction du
meurtre.
Et quand en conclusion, ce qui est proposé est de plus
s'appuyer sur la religion pour mieux lutter contre ses dérives, on reste sans
voix. Contre l'Islam politique et le fanatisme, on nous propose plus de
religion. À se demander si cette injonction n'équivaut pas à vouloir éteindre
un feu en jetant du bois mort dedans... Mais après tout, ces hommes sont des
imams, de leur point de vue, cela obéit à une certaine logique et leur
proposition n'est pas forcément insincère. Mais pour notre nation, il vaudrait
mieux que la reconquête des territoires perdus se fasse par la réaffirmation de
l'égalité et de la liberté républicaine, plutôt qu'être confiée à un réseau de
mosquées dont on peut douter des véritables objectifs. Rappelons-nous que les
frères musulmans sont les premiers à avoir investi le marché juteux de la
déradicalisation, mais plutôt dans une perspective de réislamisation qui ne
disait pas son nom. Rappelons-nous l'expérience Dounia Bouzar, qui en appelait
à une déradicalisation basée sur la religion. On se souvient surtout du coût
démentiel de ses actions, mais pas de ses résultats: et pour cause...
Enfin, on ne sait guère qui sont ces imams signataires,
certains noms comme Iqioussen suscitent la défiance, Tareq Oubrou est lui-même
très controversé et parmi les mosquées citées, toutes ne sont pas des modèles à
suivre. D'autres aspects du phénomène sont moins rassurants: les réactions
outrées des autorités musulmanes de type CFCM, dirigé aujourd'hui par un proche
d'Erdogan, le président islamiste de Turquie. Un Erdogan qui a créé une antenne
de son parti en France et mis en place des candidats aux dernières élections
législatives sur notre territoire, réclamant explicitement la charria entre
autres. Dans le fond, la seule chose qui les fait réagir de façon claire et
explicite est seulement l'évocation du Coran. Le sang versé et les violences
constatées sont mieux supportés. Cela nuit à la crédibilité de l'ensemble.
La tentative de victimisation comme la volonté affirmée,
derrière la mise à disposition affichée de ces 30 imams, de susciter le rejet
de la tribune des 300, nuit de la même manière à l'adhésion que recherchent ces
imams. Il est évident que nous devons lutter ensemble pour affronter la menace
islamiste qui démantèle notre société, mais pas avec des dirigeants de mosquées
dont la plupart appartiennent au réseau des frères musulmans. Un détail qui
n'en est pas un.
Ce texte me rappelle un autre texte, la «déclaration
d'intention relative aux droits et obligations des fidèles du culte musulman».
Elle fut signée en 2000 par toutes les organisations musulmanes, mais seulement
après qu'a été retirée toute mention du droit à changer de religion. Ce qui
portait un sacré coup à la liberté de conscience, tout en étant présenté comme
la preuve de l'acceptation des lois de la République. Depuis les choses n'ont
guère changé: il y a bien trop d'ambiguïté aujourd'hui dans le texte de ces
imams et bien trop d'opportunisme dans sa sortie pour que l'on puisse juger
cette réponse appropriée, compte tenu de la violence de l'antisémitisme
dénoncé. «Encore un effort, Messieurs les imams».
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Financement
du terrorisme : le Qatar veut durcir le contrôle des organisations charitables
(26.04.2018)
- Publié le
26/04/2018 à 15:37
INTERVIEW - Dans un entretien au Figaro, à
l'occasion de la conférence internationale contre le financement du terrorisme
qui se tient à Paris, le ministre des Finances, Ali Shareef al Emadi, annonce
que les ONG caritatives devront désormais travailler en étroite collaboration
avec l'État du Qatar.
LE FIGARO - Que répondez-vous aux accusations selon
lesquelles le Qatar est trop laxiste dans la lutte contre le financement du
terrorisme?
ALI SHAREEF AL EMADI - Ces accusations sont
apparues à l'occasion du blocus
que nous ont imposé nos voisins en juin 2017. Elles font partie du
travail de sape de ces pays qui œuvrent contre nous, en publiant des fausses
informations sur des sites pour montrer à la communauté internationale que le
Qatar finance et soutient le terrorisme, ce qui est faux. Le Qatar a toujours
été au côté de la communauté internationale dans le combat contre le
terrorisme. Nous avons adopté dans leur intégralité les résolutions de l'ONU
appelant au combat contre le terrorisme. Nous avons pris récemment d'autres
mesures, notre secteur financier a adopté le système OFAQ. Nous avons également
signé des lettres d'intention avec les États-Unis en juillet dernier et la
France en décembre à
l'occasion de la visite d'Emmanuel Macron à Doha. Ces accords nous
permettent d'échanger des renseignements avec nos partenaires mais aussi de
procéder à des transferts de connaissance en matière de cybersécurité
notamment. Ces échanges sont importants, au moment où le Moyen-Orient est
confronté à de nombreux problèmes, en Syrie ou en Irak notamment. La coalition
internationale contre Daech ne peut pas travailler seule, elle doit collaborer
avec les pays de la région. Le Qatar va continuer d'œuvrer en ce sens.
» LIRE AUSSI - Le
Qatar face au défi de son isolement dans le Golfe
- Qu'allez-vous proposer à la conférence contre le
financement du terrorisme à laquelle vous participez à Paris?
C'est une plateforme très importante pour trouver les moyens
de combattre ces financements, issus de notre région, mais aussi au-delà. Le
Qatar exposera ce qu'il a fait. Les organisations terroristes s'adaptent pour
se financer. Ensemble, nous devons trouver les mécanismes pour contrer les
financiers du terrorisme, et pour cela nous devons partager et échanger sur les
méthodes nouvelles auxquels les terroristes recourent pour se financer.
- Votre pays a récemment mis sur une «liste noire» une
personne que les Américains accusent depuis des années de financer des
organisations terroristes comme Al Qaida. Il s'agit de cheikh Abdelrahmane bin
Omer al-Nouaymi. Quelle est la signification de ce durcissement?
Depuis le début de cette affaire, les avoirs de cheikh
al-Nouaimy et d'autres ont été gelés. Nous les avons traduits devant la
justice. La liste que nous avons publiée, nous la partageons avec nos
partenaires. Nous allons être très rigoureux. D'autre part, le Qatar a amendé
certaines lois qui offrent une plus grande flexibilité au gouvernement pour
traquer toute activité suspecte.
- Est-ce que ce durcissement va s'appliquer aux
organisations charitables qui sont, pour certaines, accusées de financer le
terrorisme?
À l'égard des ONG, comme Qatar Charity, qui est une
association privée, mais aussi d'autres, le Qatar a également pris des mesures
supplémentaires, pour remédier aux défis que posent ces organisations
charitables. Beaucoup de leurs projets bénéficient à des pays étrangers. Je
vous donne un exemple: telle organisation construit une mosquée dans tel pays
d'Afrique ou d'ailleurs. Mais vous devez savoir que le Qatar n'a rien à voir
avec l'imam qui dit les prêches dans cette mosquée, ni avec ceux qui dans
d'autres mosquées financées par des ONG qatariennes peuvent prononcer des
sermons radicaux. Ce qui n'empêche pas de nombreuses personnes de critiquer le
Qatar. Nous avons adopté une approche différente. Nous allons désormais
travailler avec les gouvernements des pays concernés par l'aide de ces ONG.
Nous allons travailler en lien direct, de gouvernement à gouvernement, pour
être sûr du contenu des projets d'aide. Si une organisation charitable
qatarienne finance un projet en Afrique par exemple, nous demanderons aux
autorités du pays concerné dans quelle zone veulent-elles qu'on intervienne, et
à travers quels canaux pourrons-nous agir? Et cela pour minimiser les risques.
Désormais, chaque organisation charitable au Qatar devra passer par le
Croissant rouge qui appartient à l'État qatarien, et via le ministère des
Affaires étrangères. Nous voulons combler les failles qui pouvaient exister
dans ce type de transactions.
- Ce n'était pas le cas avant?
Ce n'était pas exactement comme cela effectivement. Encore
une fois, ces nouvelles mesures font partie de nos efforts permanents
d'adaptation contre le terrorisme et son financement.
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Haro sur
les argentiers de la terreur (25.04.2018)
Soixante-dix pays sont réunis à Paris pour assécher les
ressources de Daech et d'al-Qaida. Un défi immense.
Lorsque Emmanuel Macron s'est rendu en
visite officielle au Qatar en décembre, il a insisté auprès de ses
hôtes sur un point précis du protocole: pouvoir assister au côté de l'émir
cheikh Tamim à l'intégralité de la réunion entre experts des deux pays sur le
financement du terrorisme.
Cette question avait déjà dominé certains discours du
candidat à l'élection présidentielle, qui n'avait pas manqué d'égratigner, à ce
sujet, le Qatar et l'Arabie saoudite, soupçonnés de laxisme.
Une fois élu, le chef de l'État annonça, fin août, devant
les ambassadeurs, la tenue d'une conférence internationale dédiée à cette problématique.
«No money for terror» (pas d'argent pour le terrorisme) est le titre de la
réunion, qui a commencé mercredi et se poursuivra ce jeudi dans les locaux de
l'Organisation de coopération et de développement économique à Paris. Deux
jours de réunions à huis clos autour de 80 ministres et 500 experts venus de
plus de 70 pays, dont de nombreux chefs des services de renseignements.
Comment contrôler des flux d'argents cachés, privés mais pas
uniquement, qui alimentent les caisses des organisations terroristes et
d'autres d'apparence moins dangereuse. Le défi est immense.
«Au Sahel, par exemple, les terroristes n'hésitent pas à
se lier avec les trafiquants»
Un expert
Daech a été en
grande partie vaincu militairement dans ses bastions irako-syriens.
Mais «de 2014 à 2016, explique-t-on à l'Élysée, l'organisation
terroriste a accumulé un énorme trésor de guerre, de l'ordre de 1 milliard
de dollars par an. Il a depuis circulé, au moins en partie, il est
vraisemblablement quelque part, ajoute-t-on dans l'entourage du chef de l'État.
Ces groupes sont très doués pour utiliser les techniques les plus sophistiquées
pour faire circuler les flux financiers, ils savent se jouer des frontières».
Sociétés écrans
Daech aujourd'hui, al-Qaida hier ont investi dans des
entreprises, des fermes, des commerces et des biens immobiliers qu'ils gèrent
via des relais. Les organisations terroristes utilisent les bureaux de change,
des aigrefins ont établi des sociétés écrans, d'autres intermédiaires ont
revendu des objets d'art. Et puis il y a les taxes prélevées sur la population
ou le trafic de stupéfiants auquel s'adonne la branche égyptienne de l'État
islamique dans l'immensité du désert du Sinaï. Et enfin, plus prosaïquement,
les bonnes vieilles valises d'argent qui passent d'une main à une autre,
pendant le pèlerinage sacré qui rassemble chaque année des millions de musulmans
à La Mecque, en Arabie saoudite. Sans oublier les agences de voyages
suspectes.
«Ce qui frappe, raconte un expert, c'est le pragmatisme et
l'opportunisme de ces groupes pour se financer. Notre travail doit se faire au
cas par cas, région par région, car les terroristes s'adaptent. Au Sahel, par
exemple, ils n'hésitent pas à se lier avec les trafiquants.»
Pendant longtemps, certains États, telle l'Arabie
saoudite, ont acheté la paix sociale en laissant les activités islamiques se
financer. Reprendre les choses en main est un exercice délicat
Pendant longtemps, nos alliés du Golfe ont montré de sérieux
signes de défaillance en matière de contrôle de financement du terrorisme. «On
partait d'assez loin», confirme avec sobriété un maître espion, mais «aujourd'hui,
nous ne doutons aucunement de la bonne volonté» du Qatar et de l'Arabie
saoudite en la matière, ajoute-t-il.
Il faut dire que les États-Unis, alliés privilégiés des
pétromonarchies, ont exercé, bien avant Emmanuel Macron, de fortes pressions
sur Doha, Riyad ou Koweït. Le Qatar a longtemps été «le plus mauvais élève»,
selon les rapports du département d'État américain, qui pointait en les nommant
des «individus» et «des entités» qui finançaient des organisations terroristes,
notamment al-Qaida et sa branche syrienne. «Le Qatar a fait des efforts»,
confiait récemment au Figaro Seth Unger, responsable au
département du Trésor américain, de passage à Paris.
Juste avant la visite de l'émir Tamim début avril à Donald
Trump, Doha a finalement placé sur sa «liste noire» l'une des figures
emblématiques du financement prétendument privé du terrorisme, cheikh
Abdurhamane Ben Omer al-Nouaimy. Un an auparavant, le vieux cheikh à l'épaisse
barbe poivre et sel n'hésitait pas devant le journaliste occidental à dire tout
le bien qu'il pensait de la branche syrienne d'al-Qaida «composée en majorité
de Syriens qui luttent contre le dictateur Bachar el-Assad». Est-ce à dire
qu'ici ou ailleurs les gouvernants sont décidés, une fois pour toutes, à ne
plus laisser une fraction - fût-elle infime - de leur population financer des
groupes terroristes ou des ONG qui répandent un islam radical en Afrique, et
jusqu'en Europe?
Un exercice délicat
Pendant longtemps, certains États, telle l'Arabie saoudite,
ont acheté la paix sociale en laissant les activités islamiques se financer.
Reprendre les choses en main est un exercice délicat. Faire le tri entre une
juste aumône - en l'occurrence la zakat, l'un des cinq piliers de l'islam - et
un versement douteux n'est pas aisé. C'est pourtant à une telle reprise en main
que s'est engagé le
jeune prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman. En vue de la
conférence de Paris, les services de renseignements d'Arabie comme du Qatar ont
fourni à leurs homologues français des listes d'ONG suspectes. En dépit de ces
engagements, beaucoup de travail reste à faire, notamment tant que les pays
occidentaux n'auront pas obtenu la levée de l'anonymat sur les transactions
financières. C'est une de leurs vieilles requêtes. «On va essayer d'aller plus
loin en ce sens», espère l'un des cadres de la conférence.
Pendant deux jours, ses participants vont confronter leurs
expériences pour tenter de parvenir à un ensemble de «bonnes pratiques» qui
pourraient par la suite être globalisées par exemple au niveau des Nations
unies, précise l'Élysée. Bref, aucun engagement contraignant ne sera pris lors
de ce rendez-vous contre l'argent sale du terrorisme. Mais «une mobilisation
politique internationale» contre un fléau qui affecte l'ensemble du monde ou
presque.
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- Mis
à jour le 26/04/2018 à 15:50
- Publié le
26/04/2018 à 13:24
L'ancien ministre a rendu jeudi matin à Édouard Philippe son
ambitieux plan de bataille destiné à «faire revenir la République» dans les
quartiers face au «repli identitaire et communautaire». Il propose la création
d'un fonds de 5 milliards d'euros.
LE SCAN POLITIQUE - L'ancien ministre a rendu jeudi matin
à Édouard Philippe son ambitieux plan de bataille destiné à «faire revenir la
République» dans les quartiers face au «repli identitaire et communautaire». Il
propose la création d'un fonds de 5 milliards d'euros.
Jeudi matin, Jean-Louis Borloo a remis à Édouard Philippe
son plan de bataille pour les 1500 quartiers de la politique de la ville en
France, des quartiers populaires en difficulté répartis sur l'ensemble du
territoire et dans lesquels vivent quelque 6 millions d'habitants. L'ancien
ministre de la Ville, missionné
par Emmanuel Macron à l'automne dernier, a travaillé pendant plusieurs mois
avec des centaines d'élus et de responsables associatifs pour établir le
rapport constitué de «19 programmes robustes, structurants, innovants» qui
devront être mis en mouvement «en même temps». Selon Jean-Louis Borloo, les
programmes de ce plan «de réconciliation nationale» provoqueront «un effet
blast, une spirale positive et une dynamique extrêmement puissante». La menace
étant celle d'un «nouvel apartheid», le développement des «incompréhensions» et
des «frustrations» qui «si nous n'y prenons pas garde entraîneront replis
communautaires, identitaires, xénophobes».
● Un fonds doté de «5 milliards d'euros»
Le 14 novembre à Tourcoing (Nord), Emmanuel
Macron avait promis le «retour de l'État» dans ces quartiers. Pour ce
faire, le rapport Borloo propose la création d'un fonds doté de «5 milliards
d'euros» abondé notamment par «la cession des participations de l'État en 2018»
(10 milliards annoncés), qui ne créerait «pas de dépenses budgétaires nouvelles
pour l'État».
● Relancer l'ANRU
Les 19 programmes recouvrent l'ensemble des besoins de ces
quartiers. De «la qualité urbaine pour tous» placée en tête, jusqu'à la mise en
place d'une «Cour d'équité territoriale» en passant par une «académie des
leaders» ou aux plans pour lutter conter «l'illettrisme ou illectronisme». Pas
question pour le rapport de tourner autour des difficultés sans les nommer
précisément. Sur la rénovation urbaine par exemple, première des priorités, le
constat est clair: «depuis 4 ans, la rénovation urbaine est à l'arrêt,
l'ambition originelle s'est perdue. La bureaucratie a progressivement pris le
pas sur la dynamique de projets. Le lien de confiance a été rompu.» Le rapport
propose une «relance» de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU),
fondée par Borloo en 2003 et dont le travail s'est «enrayé», victime d'une
«dérive bureaucratique». Le rapport propose de créer un nouvel outil de grande
envergure: «une fondation appartenant à la Nation, regroupant les collectivités
territoriales, les financeurs, les partenaires sociaux et les bailleurs». Au
moins, il propose de «modifier complètement la gouvernance de l'ANRU, qui doit
être pilotée par les financeurs, les agglomérations et les bailleurs
concernés».
● «Tripler la préscolarisation à 2 ans en REP+»
Dans les premiers programmes décrits, le rapport Borloo
évoque la nécessité d'investir dans la petite enfance et la scolarisation. Dans
ces quartiers, les places actuelles en crèche «ne couvrent que 22% des besoins».
Et «40% des QPV ne disposent pas d'une crèche». Le rapport préconise donc la
création de «30.000 places supplémentaires» via «un fonds d'égalité
territoriale doté de 300 millions d'euros» créé au sein de la Caisse nationale
des allocations familiales (CNAF). Le rapport préconise aussi de «tripler la
préscolarisation à 2 ans en REP+», (Réseau d'éducation prioritaire) d'ici à
2020, et de «doubler le taux d'encadrement de 8000 classes de maternelle» de
ces REP+. Sans compter la mise en place d'un «club petit déj» gratuit dans les
écoles et collèges des REP et REP+ le matin, en plus de «rendre gratuite la
cantine le midi». Autre ambition: «reconstruire ou rénover les 300 écoles les
plus vétustes dans les 5 ans, dans les quartiers sans mixité» avec un «fonds
d'investissement éducatif dans les quartiers» de 1 milliard d'euros. Mais aussi
d'accorder une enveloppe de 100.000 euros par an à chaque principal pour «gérer
les urgences sociales».
● Création d'une «cour d'équité territoriale»
Plus loin, après de nombreux programmes dédiés à la culture,
à la lutte contre les discriminations, à la santé, au sport ou aux
associations, le rapport Borloo propose de créer «dans la constitution ou dans
une loi organique» une «nouvelle juridiction administrative spécialisée»: «la
cour d'équité territoriale». Elle serait «chargée de vérifier la mise en œuvre
des moyens de rééquilibrage des politiques publiques» dans ces quartiers.
«Présidée par le premier président de la Cour des comptes et composée de
magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d'État, elle pourra être saisie
par toute personne morale ou groupe de personnes s'estimant discriminé sur une
base territoriale». Cette cour «pourra condamner tout gestionnaire public ayant
failli à l'obligation de moyens qui s'impose à lui pour contribuer à l'équité
territoriale des citoyens au regard du service public, ou fait obstruction à sa
mise en œuvre».
● Sécurité: un fonds exceptionnel de 100 millions
d'euros
En matière de sécurité enfin, le 13e des programmes
présentés, mais «première demande des citoyens» selon le rapport, il est
indiqué qu'un fonds «exceptionnel de sécurité doté de 100 millions d'euros sera
affecté aux 60 villes les plus en difficultés». Parmi de nombreuses mesures
financières, le rapport propose «le déploiement de 500 “correspondants de nuit”
supplémentaires sur des postes d'adultes-relais», en lien avec la police
municipale. Face à une justice embolisée, le rapport juge la création «indispensable»
de «2000 postes de magistrats, procureurs et fonctionnaires».
● À la recherche d'«chef d'état-major» pour piloter
le programme
Les programmes «peuvent démarrer tout de suite», et sont
«parfaitement réalisables, très rapidement», assure le rapport, à condition que
chacun «soit piloté en tant que tel et par une ou deux personnalités
reconnues». À condition, encore, que «chacune des institutions soit réellement
et publiquement en responsabilité avec un chef de file», mais aussi que soit
mis en place «un chef d'état-major» avec «l'autorité suffisante donnée par le
président de la République», doté d'une «équipe de très haut niveau» pour
«impulser, coordonner et adapter l'ensemble du plan».
Chaque année, «l'évaluation des indicateurs pour chaque
action» devra être «rendue publique», sans parler d'un rapport annuel «devant le
Parlement, sur l'avancée des programmes et l'état de la cohésion nationale».
Enfin, un «comité de suivi présidé et constitué de personnalités d'envergure
nationale» devra assurer «le suivi de la mise en œuvre des programmes», mais
aussi «alerter des difficultés de mise en œuvre en temps réel» et remettre «un
rapport annuel au président de la République».
Retour
sur 40 ans de «plans banlieues» (26.04.2018)
- Mis
à jour le 26/04/2018 à 14:14
- Publié le
28/04/2014 à 11:05
CHRONOLOGIE - Depuis les années 1970, les plans banlieues
se succèdent pour tenter de désenclaver les «quartiers sensibles». Et n'y
parviennent pas.
2014: le plan Vallaud-Belkacem
La ministre de la Ville, Najat Vallaud-Belkacem, n'annonce
pas de nouveaux crédits, mais
l'orientation «vers les zones sensibles» de 600 millions d'euros issus du
programme d'investissement d'avenir (PIA). En cinq ans, elle se fixe
pour objectif de réduire de moitié l'écart de niveau d'emploi entre les «zones
urbaines sensibles (ZUS) et le reste du territoire».
2013: le plan Ayrault
Un dispositif «d'emplois francs» incite les entreprises à
employer des jeunes de quartiers défavorisés, même s'ils ne sont pas diplômés.
Le gouvernement espère ainsi la création de 2000 «emplois francs». Une
entreprise qui signe un CDI reçoit une subvention de 5000 euros.
2008: plan «espoir banlieue»
Doté d'une enveloppe d'environ un milliard d'euros, il vise
à combattre le chômage chez les jeunes de moins de 26 ans de 215 quartiers
difficiles. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il est défendu par la
secrétaire d'État en charge de la Politique de la ville, Fadela Amara. En
Île-de-France, 220 millions d'euros sont affectés à l'amélioration des
transports.
1999 et 2001: les deux plans Jospin
Le premier ministre Lionel Jospin présente en 1999 son plan
«de rénovation urbaine et de solidarité» qui vise à éviter la création de
ghettos et l'abandon des périphéries. L'État va débourser 20 milliards de
francs étalés sur six ans. En 2001, Lionel Jospin présente un second plan de
5,4 milliards d'euros sur cinq ans pour les quartiers difficiles. Les grands
ensembles vétustes sont détruits; on rénove les routes et les trains pour
améliorer la desserte des quartiers. 15,24 millions d'euros sont destinés à
créer des espaces verts, des équipements sportifs ou des jeux.
1996: le «plan Marshall» pour la ville
En 1996, le président de la République, Jacques Chirac,
dénonce «la fracture sociale» et annonce un «plan Marshall» pour les banlieues
qui devient «le pacte de relance pour la ville». Il définit des «zones franches
urbaines» (ZFU) où les entreprises sont exonérées d'impôts si elles embauchent
sur place, des «zones de redynamisation urbaine» (ZRU) et des «zones urbaines
sensibles» (ZUS).
1991: la mixité sociale des logements
Désormais, les villes de plus de 200.000 habitants doivent
construire obligatoirement 20% de logements sociaux dans leur quartier. Neuf
ans plus tard, en 2000, la loi de solidarité et renouvellement urbains (SRU)
vise à taxer les communes qui n'appliquent pas ces 20% de logements sociaux.
1983: le plan «Banlieue 89»
Sous la direction des architectes Roland Castro et Michel
Cantal-Dupart, le plan «Banlieue 89» réaménage les banlieues au nom du «droit à
l'esthétisme pour tous».
1981: la création des ZEP
De violents incidents éclatent à l'été 1981 dans le quartier
des Minguettes à Vénissieux dans le Rhône. Les zones d'éducation prioritaires
(ZEP) sont créées par une circulaire en décembre de la même année par le
ministre de l'Éducation nationale de François Mitterrand, Alain Savary. Les
missions locales sont créées en mars 1982, pour aider les 16-25 ans sortis du
système scolaire sans qualification. En juillet 1982, la première «Opération
Prévention Été» offre des vacances aux jeunes pour les éloigner de leurs
quartiers afin d'y maintenir le calme.
1977: premier «plan banlieue»
Le premier plan de réhabilitation des cités HLM, baptisé
«Habitat et vie sociale», est lancé par le ministre du Logement Jacques Barrot
sous Valéry Giscard d'Estaing. Pendant quatre ans, 53 banlieues sont réhabilitées
par une amélioration du cadre architectural, du confort des logements et par le
développement d'une vie sociale dans les quartiers.
1973: fin de la construction des tours HLM
La circulaire «Ni tours ni barres» met fin à la construction
des grands ensembles HLM. Elles sont «peu conformes aux volontés des
habitants», justifie le ministre de l'Équipement de Georges Pompidou, Olivier
Guichard. La mesure vise également à éviter la ségrégation sociale par
l'habitat, selon son auteur.
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la ville: quel numéro?
416
donateurs de l'EI identifiés en France (26.04.2018)
- Par Le
Figaro.fr avec AFP
- Mis
à jour le 26/04/2018 à 13:35
- Publié le
26/04/2018 à 13:15
Les autorités françaises ont identifié un total de 416
donateurs ayant participé au financement du groupe État islamique (EI), a
indiqué jeudi le procureur de Paris, s'alarmant d'un
"micro-financement" du terrorisme, par des sommes "modiques"
mais nombreuses.
Alors que se tient à Paris une conférence sur le financement
du terrorisme international, François Molins a révélé sur Franceinfo qu'un
travail de "coordination avec les services de renseignement
financier" avait permis d'identifier en France ces 416 donateurs ces deux
dernières années. "Ce qui est beaucoup", a-t-il commenté.
Ses services ont également repéré "320 collecteurs,
essentiellement basés en Turquie et au Liban, grâce auxquels les jihadistes qui
se trouvaient en Syrie ou en Irak pouvaient recevoir des fonds", a ajouté
le magistrat.
Les failles du système de mandat cash qui permet de
transférer très rapidement de l'argent à un tiers, ont aussi été utilisées pour
financer les jihadistes partis combattre en zone irako-syrienne. Soupçonnée
d'avoir manqué de vigilance en la matière, la Banque Postale est visée depuis
septembre par une enquête préliminaire du parquet de Paris.
» LIRE AUSSI : Financement
du terrorisme: Lafarge aurait renseigné l'État français sur ses versements
Des
avocats vont porter plainte contre la détention de femmes et enfants français
en Irak (26.04.2018)
- Par Esther Paolini
- Publié le
26/04/2018 à 16:12
Ils estiment que les droits et la sécurité des
ressortissants français ne sont pas assurés dans les prisons irakiennes et les
camps administrés par les Kurdes. D'après eux, la France doit sortir de son
«cafouillage» actuel.
«L'État français doit prendre ses responsabilités.» C'est en
somme, le message qu'a voulu faire passer un collectif d'avocats français ce
jeudi, concernant la situation des femmes et enfants français détenus sur le
sol irakien. Lors d'une conférence de presse, William Bourdon, Marie Dosé et
Camille Lucotte ont annoncé leur volonté de déposer plainte contre X pour
abstention volontaire de mettre fin à une privation illégale de liberté. Une
première plainte déposée en janvier dernier mais visant uniquement le sors des
Français dans la zone kurde n'avait pas abouti.
» LIRE AUSSI - Une
plainte visant l'État déposée par des familles de djihadistes emprisonnées par
les Kurdes de Syrie
«C'est la chronique d'une tragédie annoncée», a lancé
William Bourdon devant les journalistes. Lui et ses collègues représentent des
femmes françaises et leurs enfants qui ont rejoint la zone irako-syrienne,
alors occupée par Daech, et ont depuis été arrêtés par les autorités irakiennes
ou kurdes. Ils sont en charge de plusieurs dossiers, notamment celui de Djamilia
Boutouatou, condamnée récemment à la perpétuité pour crime terroriste par
Bagdad, mais aussi Mélina
Boughedir, déjà condamnée à sept mois de prison pour entrée illégale en
Irak et jugée le 2 mai pour terrorisme et dont ils demandent actuellement le
report. D'après eux, les personnes vouées à des procès expéditifs de ce genre
ne sont pas des cas isolés. Ils avancent, avec précaution, une estimation d'une
soixantaine de femmes françaises détenues dans des prisons irakiennes ou des
camps administrés par les Kurdes.
» LIRE AUSSI - Française
condamnée en Irak: les avocats vont faire appel
La ligne stricte de la France
D'après eux, ces dernières et leurs enfants sont emprisonnés
de façon «arbitraire et déshumanisante». Ils critiquent l'inaction de l'État
français pour les faire sortir de détention mais également pour leur permettre
d'avoir accès à un procès équitable, dans le respect du droit et de la
présomption d'innocence.
Depuis plusieurs mois, l'État français s'en tient à une
ligne stricte: il ne commente pas les décisions de justice d'un pays souverain
et n'interviendra
qu'en cas de peine de mort. Mais pour Me Dosé, cette posture ne tient pas
pour les femmes retenues dans les camps kurdes situés en Irak, puisqu'ils sont
dirigés par une entité non reconnue. «Un tel sujet aurait mérité un peu moins
de cafouillage», regrette-t-elle. Elle précise également que «les Kurdes ont
fait comprendre qu'ils avaient autre chose à faire que de juger ces Français»
et que ces derniers risquent donc de se retrouver entre les mains de Daech «ou
ce qu'il en reste». Interrogé par l'AFP, le représentant du Kurdistan syrien en
France, Khaled Issa, se montre beaucoup moins catégorique. «Notre position
reste la même, celle d'instruire et traiter ces dossiers tout en maintenant la
coopération avec les autorités françaises», assure-t-il. L'avocate précise par
ailleurs qu'elle a récemment tenté de faire rapatrier des enfants en bas âge en
France, sans leurs mères, en vain.
«Elles sont une mine d'informations»
Pour William Bourdon, la France ne peut de toute façon pas
se prévaloir d'«assumer les enfants, sans assumer leurs mères.» D'après lui,
Paris a tout intérêt à les rapatrier sur le sol français car «elles sont une
mine d'informations»: «Les juges français antiterroristes doivent être
comptables de leur mission», abonde-t-il.
Afin de «mutualiser les forces», ils montent actuellement un
collectif d'avocats en charge de ces dossiers et vont déposer dans ces
prochains jours une plainte contre X avec constitution de partie civile pour
abstention volontaire de mettre fin à une privation illégale de liberté, en
respect de l'article 432-5 du code pénal. Mais ils envisagent
également d'avoir recours à des institutions internationales comme l'ONU. Ils
rappellent aussi que certains pays comme l'Indonésie et l'Algérie auraient fait
les démarches pour rapatrier leurs ressortissantes.
Une source diplomatique avait récemment précisé au Figaro
que les ressortissants français condamnés en Irak pourraient «demander aux
autorités irakiennes et françaises leurs transfèrements pour exécuter leurs
peines en France une fois que l'ensemble des voies de recours auront été
épuisées et que la condamnation sera devenue définitive.»
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français
Islamisation,
délinquance, trafics : ce qui se passe vraiment dans les banlieues (23.03.2018)
EXCLUSIF - Pendant un an, Manon Quérouil-Bruneel, grand
reporter, est allée à la rencontre des habitants d'une cité de
Seine-Saint-Denis. Religion, drogue, prostitution, petits trafics et grand
banditisme : son livre choc, La Part du ghetto, raconte le
quotidien méconnu d'une France en marge de la République. Récit de son enquête
et extraits exclusifs.
«Il suffit de passer le pont, c'est tout de suite
l'aventure!» chantait Brassens. Ça marche aussi avec le périphérique. A moins d'une
dizaine de kilomètres de la capitale se trouve un autre monde, à la fois proche
et lointain. Avec ses codes, ses règles et ses valeurs. Pendant un an, j'ai
tenté d'en comprendre le fonctionnement en m'immergeant dans une cité de
Seine-Saint-Denis. Pour pousser des portes qui me seraient restées closes, je
me suis appuyée sur l'un de ses habitants, Malek Dehoune, que je connais depuis
une dizaine d'années. Ensemble, nous avons eu envie de raconter cette vie de
l'autre côté du périph, loin des clichés. Grâce à sa solide réputation dans la
cité, la méfiance qu'inspirent généralement les journalistes s'est
progressivement estompée. Au fil des mois, j'ai obtenu les confidences de
dealers, de mères de famille, de prostituées, de retraités, de grands voyous, de
commerçants, de musulmans laïcs et de salafistes. Je les ai écoutés en
m'appliquant à ne jamais les juger.
Ces tranches de vie racontent un quotidien très éloigné de
celui que peignait La Haine - film culte sur le malaise des
banlieues françaises et de cette deuxième génération d'immigrés, née en France
dans les années 1970, qui a grandi la rage au ventre en ne se trouvant nulle
part à sa place. En plongeant dans la cité, je pensais naïvement côtoyer leurs
dignes héritiers. Mais vingt ans après, les choses ont bien changé. Les jeunes
ne brûlent plus de voitures, ils font du fric sans esclandre, conscients que
les émeutes nuisent au business. Pragmatiques, avant tout. «On est des
bourgeois, pas des révolutionnaires, comme le résume l'un d'entre eux, surnommé
«Chocolat», en référence au shit qu'il vend. On sait qu'on fait pas longtemps
dans ce métier. On mène une vie normale, comme un type qui travaille dans un
bureau, quoi.»
Le trafic de cannabis reste un grand classique en
cité. - Crédits photo : Veronique de Viguerie
En l'occurrence, plutôt comme un patron d'une petite PME. A
22 ans, «Chocolat» est le gérant de ce qu'on appelle un «terrain»,
c'est-à-dire un territoire de deal, qui se vend et s'achète comme un bien
immobilier: entre 100.000 et 2 millions d'euros - selon la taille et la
localisation. Mais ce n'est pas qu'une question d'argent: un terrain se mérite
et se gagne aussi à la réputation. Quand les «anciens» décident qu'ils n'ont
plus l'âge de dealer au pied des tours, ils choisissent avec soin ceux à qui
ils passent la main. «Choco» a été désigné à 19 ans. Son terrain se trouve
à côté de celui de football, dans le parc pelé au cœur de la cité. Avant midi,
il est généralement désert. Les «petits», comme les surnomment les «anciens»,
vivent la nuit et se lèvent tard. Sur son terrain, «Chocolat» écoule en moyenne
350 grammes de cannabis par jour. Un emplacement «moyen», comparé à
d'autres, comme celui de Bagnolet, qui débite un kilo par jour. Mais il lui
permet de gagner «un smic tous les deux jours», et de s'offrir les services
d'un vendeur et de deux «choufs» - des guetteurs chargés de donner l'alerte en
cas de descente policière. «Chocolat» se contente de passer quelques heures,
pour vérifier que tout va bien et verser les salaires de ses employés, payés
50 euros par jour. Le reste du temps, il s'occupe de l'approvisionnement,
la clé d'un business prospère.
«Nous, on vend pas la mort. Le shit, c'est naturel. Ça
sort de la terre, comme un légume. »
«Chocolat», dealer de shit
Le shit, c'est comme le cours de l'or: le prix au kilo peut
varier de plus ou moins 1000 euros sur un an. Comme un trader, un bon
trafiquant doit anticiper les variations, avoir du stock en réserve et être
placé au plus proche de la source, pour avoir le meilleur tarif possible et dégager
un maximum de bénéfices. La pièce d'un kilo de cannabis «se touche» autour de
1200 euros au Maroc ; elle passe à 2300 euros en Espagne et peut
être revendue jusqu'à 3500 euros en France. Entre chaque pays, il y a des
intermédiaires, des «apporteurs d'affaires», qui se rémunèrent au pourcentage
en fonction du volume de la transaction. J'ai découvert avec surprise que, dans
ce monde de truands, la marchandise s'achète presque toujours à crédit. Une
chaîne de crédits, même, qui court du Maroc jusqu'au 93 et qui débouche sur des
règlements de comptes sanglants, quand la drogue est saisie et que l'acheteur
se retrouve dans l'incapacité de rembourser. Ou qu'il décide finalement de ne
pas payer et de disparaître dans la nature… Pour se prémunir de ce genre de
déconvenues, de plus en plus fréquentes selon mes interlocuteurs dans la cité,
les fournisseurs exigent de leurs clients d'être recommandés par des amis
communs ou de fournir l'adresse de leurs parents afin d'avoir un moyen de
pression. C'est également pour cette raison qu'ils préfèrent vendre au
propriétaire d'un terrain: comme dans un commerce, il y a toujours du cash en
circulation.
Dans la cité où j'ai mené mon immersion, il n'y a pas de
terrain de cocaïne ou d'héroïne. «Pas notre culture, explique «Chocolat». Nous,
on vend pas la mort. Le shit, c'est naturel. Ça sort de la terre, comme un
légume.» Ceux qui se lancent dans la blanche le font loin du quartier, à bord
d'une «coke-mobile» qui livre les clients à domicile. Il arrive que le véhicule
en question fasse également VTC.
La cité est un monde d'hommes. Les aînés font respecter leur
loi et veillent sur la tranquillité des habitants comme une police de proximité
parallèle. - Crédits photo : Veronique de Viguerie
La double casquette chauffeur Uber/dealer de coke fonctionne
bien, les courses offrant une bonne couverture aux livraisons. Il y a quelques
années, un jeune a tenté d'enfreindre cette loi tacite, qui proscrit la vente
de drogue dure dans l'enceinte de la cité. Il a ouvert un terrain de crack au
pied des tours. Le parc s'est retrouvé envahi de zombies, qui se shootaient au
milieu des enfants. Les policiers ont multiplié les descentes, mais ce sont
finalement les «anciens» qui l'ont délogé. Ce sont eux qui se chargent de
maintenir l'ordre et de veiller à la tranquillité des habitants, comme une
police de quartier parallèle.
C'est parce qu'ils se sentent investis de cette même mission
de protection que les jeunes livrent aujourd'hui une guerre sans merci à ceux
qu'ils appellent les «Lampédouz» - les clandestins maghrébins arrivés en masse
ces dernières années dans la foulée des printemps arabes. Alors que les guerres
entre bandes rivales sont devenues plus rares, se réglant le plus souvent par
les réseaux sociaux, la nouvelle violence qui agite régulièrement la cité est
celle qui oppose ces jeunes issus de l'immigration aux nouveaux arrivants:
souvent des hommes seuls, qui dorment dans des squats à l'ombre des barres HLM
ou s'entassent dans des appartements insalubres loués par des marchands de sommeil.
Ils vivotent en travaillant au black sur des chantiers, en vendant des
cigarettes à la sauvette, en arrachant des sacs et des portables, aussi. Les
vols commis dans la cité déclenchent systématiquement des représailles, à coups
de batte de baseball et de barre de fer. Les jeunes débarquent alors en bande
et tabassent tous les migrants qui se trouvent sur leur passage. Les
comportements «inappropriés» sont également sévèrement sanctionnés. Un jour, un
«Lampédouz» aviné s'est déshabillé dans la rue. Il s'est retrouvé à l'hôpital,
le crâne fracassé par la bouteille qu'il venait d'écluser…
Cette violence à l'encontre de nouveaux immigrés ne choque
pas les habitants «historiques» du quartier. Ils considèrent que cette vague de
clandestins a accéléré leur descente dans les abîmes de la ghettoïsation. Malek
le résume ainsi: «On est déjà tous en galère, on peut pas accueillir toute la
misère du monde.»
«On est déjà tous en galère, on peut pas accueillir toute
la misère du monde.»
Malek, habitant du quartier
Ceux que les habitants de la cité appellent les «Lampédouz»
les clandestins maghrébins arrivés en masse dans la foulée des printemps arabes
survivent dans des squats insalubres au pied des tours. - Crédits photo :
Veronique de Viguerie
Dans la cité, tout le monde est unanime: le quartier a
beaucoup changé ces dernières années. En mal. Il ne brûle plus, mais il se
consume à petit feu. Les voyants sont au rouge, mais le reste du pays s'obstine
à regarder ailleurs - d'autant plus facilement que les scènes de guérilla
urbaine sont devenues plus rares au JT. Un sentiment d'abandon prédomine,
particulièrement au sein de la première génération arrivée dans les années
1970. Omar, le père de Malek débarqué d'Algérie pour travailler comme couvreur
à l'âge de 19 ans, se souvient avec nostalgie de la mixité d'antan, «des
boulangeries traditionnelles, des boucheries chevalines, des filles en minijupe
dans les rues». Il m'explique que, à l'époque, personne ne se souciait de
manger halal ou de porter le voile. «On était là pour bosser dur. Moi, mon
identité, c'était pas Français ou Algérien, c'était ouvrier.» Omar voulait
s'intégrer avant tout. Il a toujours refusé de parler arabe ou kabyle à ses
fils, mangeait des rillettes au petit déjeuner, a fait la guerre à sa femme qui
s'accrochait à sa djellaba quand il l'emmenait à la plage. «Je lui ai dit: soit
tu mets un maillot comme tout le monde, soit tu te casses. La religion, c'est
privé, ça s'affiche pas.»
Et puis, il y a eu un tournant dans les années 1990. Le
mythe du bon immigré a fait long feu. La religion est progressivement devenue
un étendard, une cuirasse identitaire qui a fait voler en éclats le
«vivre-ensemble» auquel beaucoup sont pourtant attachés. Dans le salon de
coiffure où je me suis souvent rendue pour prendre la température du quartier,
les conversations tournent beaucoup autour de ce repli communautaire. «La
dernière fois, raconte l'un des clients, j'ai livré un barbu. Le type, il
enferme sa femme à clé. Mais rentre au bled, frère! On est où, là? Sarko, il
avait raison: si t'es pas content, casse-toi. Le quartier est perdu, ce n'est
plus la France, ici. Forcément que les Blancs, ils sont partis. Qui veut vivre
avec des burqas, des gosses qui dealent en bas de l'immeuble et des clandos qui
volent des sacs? Les bobos peuvent bien hurler, c'est pas eux qui vivent dans
ce merdier!»
Le communautarisme s'est renforcé depuis les années 1990.
Dans le quartier, beaucoup regrettent cependant le repli sur soi et dénoncent
un abandon des services publics. - Crédits photo : Veronique de Viguerie
Les burqas et les kamis, qui n'existaient pas il y a une
vingtaine d'années, ont essaimé dans la cité. Manger «halal» est devenu une
préoccupation pour la nouvelle génération, qui revendique de vivre «plus près
de Dieu que ses aînés». Plutôt qu'un mariage à la mairie, les jeunes préfèrent
désormais sceller leur union devant l'imam, selon la tradition musulmane.
Autre manifestation de la religion devenue une ressource
culturelle: le succès de la médecine prophétique, qui consiste à soigner les
maux qui résistent à la médecine traditionnelle par des méthodes inspirées du
temps du Prophète, comme la «hijama» (un traitement à base de saignées) ou la
«roqya» (une séance de désenvoûtement par le Coran). La «omra», le «petit
pèlerinage» à La Mecque effectué hors saison, rencontre également un franc
succès dans les quartiers, notamment parmi les jeunes. D'abord pour d'évidentes
raisons financières, puisque le voyage, organisé par des tour-opérateurs, est
accessible à partir de 900 euros, contre 4000 minimum en période
officielle de hadj. Mais cet engouement pour la omra est également révélateur
d'une certaine mentalité, de cette génération du «tout, tout de suite». «Avant,
explique Abdel, on attendait des années pour pouvoir se payer le hadj. C'est un
pilier de l'islam qui se mérite. Après, tu es censé avoir un comportement
exemplaire à vie. Ne plus dealer, ne plus tiser (boire de l'alcool, Ndlr). La
omra, c'est moins engageant. Souvent, elle est même financée avec l'argent de
la drogue. L'hypocrisie va jusque-là.»
Dans une même tour, des prostituées et des salafistes
On joue beaucoup en cité. La pauvreté pousse à tenter sa
chance. Ici, une partie de poker clandestine organisée dans un appartement
vide. - Crédits photo : Veronique de Viguerie
Je l'ai souvent constaté au cours de mon immersion: la vie
en cité pousse ses habitants à une certaine forme de schizophrénie. Il y a d'un
côté le poids du regard des autres, l'injonction tacite à se conformer aux
attentes de la communauté. Et de l'autre, l'envie de vivre sa vie comme on
l'entend. Un assemblage compliqué, qui donne parfois naissance à de surprenants
phénomènes de société. Comme le boom de la prostitution parmi les jeunes filles
de banlieue, dans un environnement où on les enjoint pourtant plus qu'ailleurs
à la «décence». Des «wannabe Zahia», la Pretty Woman des cités, qui voient dans
l'escorting un moyen rapide de s'affranchir du ghetto, de s'offrir un joli sac
ou de partir en vacances. Karima, l'une des jeunes femmes que j'ai rencontrées,
dans le secteur depuis quelques années déjà, le résume ainsi: «Tout commence
quand tu découvres que tu peux monnayer un rapport.»
De leur côté, les garçons ont vite flairé le bon filon,
proposant leurs services contre la moitié des gains. Il s'agit souvent d'anciens
dealers reconvertis dans le proxénétisme - moins risqué et parfois plus
lucratif que le stup -, qui se chargent de mettre en ligne une annonce sur
des sites spécialisés, louent un appartement pour recevoir les clients et
assurent la sécurité des filles. L'un d'entre eux, Ryan, m'a confié gagner
jusqu'à «1500 euros les bons jours», en faisant travailler trois filles
qui enchaînent une dizaine de clients chacune…
Au cours de mon reportage au long cours, j'ai rencontré dans
une même tour d'immeuble des prostituées et des convertis au salafisme ;
des jeunes femmes qui gagnent plus d'argent que leur père, mais doivent faire
un halal pour avoir le droit de quitter le domicile familial ; des jeunes
qui partent s'encanailler à Pattaya et font des selfies à La Mecque le
mois suivant. La cité est un monde d'équilibristes, où se cache derrière chaque
paradoxe apparent une ambition cohérente: parvenir, coûte que coûte, à arracher
sa part du ghetto.
Une cité de Seine-Saint-Denis. - Crédits photo :
Veronique de Viguerie
EXTRAITS
«L'arnaque des open»
- Crédits photo : _CYR
Il y a quelques années, l'aristocratie de la voyouterie,
c'était le braquage. Sauf qu'il y a de moins en moins de liquide dans les
banques. L'avenir, c'est le virtuel. Avec le darknet (le cryptage sur internet
où l'anonymat est garanti, ndlr), le piratage de carte Bleue est devenu un jeu
d'enfant, tout comme l'usurpation d'identité ou la création de faux comptes
bancaires. Elias s'est livré à une étude de marché attentive de la délinquance
financière: «Si je t'explique tout, t'as mal à la tête», plaisante-t-il un
soir, alors que nous sommes installés à notre table habituelle du café. Il
vient de sortir de cours, sa sacoche sous le bras: «En fait, j'exploite les
failles du système. Et il y en a plein.»
Sa spécialité, ce sont les «open», les ouvertures de comptes
avec des cartes d'identité volées, puis «flashées»: «Pour 1000 euros, y a des
types qui te mettent la gueule de qui tu veux dessus. Moi, je choisis un petit
qui présente bien, qui a un casier vierge et qui va travailler la conseillère à
la banque avec un beau dossier tout bidon. En dix jours, t'as un compte. Et la
beauté du truc, c'est que, avec une même identité, tu peux ouvrir dix comptes
dans dix banques différentes. Ensuite, il n'y a plus qu'à enfoncer (endosser,
ndlr) des chèques. Soit j'achète tout un carnet sous le manteau, soit j'en fais
laver un.» Laver, c'est-à-dire effacer le nom du bénéficiaire d'origine pour le
remplacer.
Un travail d'orfèvre, le boulot des «Zaïrois», comme les
appelle Madoff - «De vrais magiciens! Si je savais comment ils font, je serais
millionnaire!» Elias commence par enfoncer un «petit chèque, genre 1500 euros.
Dès qu'il passe, j'en enfonce un max, tous les deux jours, jusqu'à ce que ça
bloque.» Bon, le système a ses limites, me dit-il. Il y a de la déperdition,
des comptes qui ne sortent pas, des chèques qui ne passent pas. «C'est parfois
beaucoup de boulot pour rien.» Le mieux, c'est encore d'enfoncer des chèques
lavés d'un gros montant sur un compte existant. Le propriétaire (du compte,
ndlr) prend 30 % de la somme, par conséquent, m'assure Elias, il se moque
d'être convoqué par sa banque pour rembourser la somme encaissée. «Le gars se
barre au bled pendant cinq ans, le temps que dure l'interdiction à la Banque de
France. Puis il revient, ouvre un nouveau compte, et recommence. C'est ballot,
hein?»
Faire profil bas
Alice a une trentaine d'années, deux enfants en bas âge, et
crée des bijoux fantaisie qu'elle vend en ligne. Avant, avec son compagnon, ils
vivaient dans le XIe arrondissement. En 2011, ils décident d'acheter. Avec
leurs petits salaires d'autoentrepreneurs, ils se tournent logiquement vers la
proche banlieue et font l'acquisition d'un 90 mètres carrés à 375.000 euros,
dans ce quartier qu'on annonce comme un futur Brooklyn dès qu'une fromagerie,
preuve irréfutable de gentrification, ouvre miraculeusement de l'autre côté du
pont…
«Le jour de l'emménagement, me raconte Alice, on est allés à
la boulangerie en bas de chez nous. J'ai demandé un jambon-beurre, le mec m'a
regardée comme si j'étais une extraterrestre.» […] Elle a, aussi, dû se plier à
l'injonction tacite d'un vestiaire «spécial 93». «Dès que je mettais une jupe,
je me faisais emmerder. On me demandait: “C'est combien?”, “Tu me fais un petit
truc?” J'ai rangé jupe, rouge à lèvres, et décolleté. Oui, ça fait chier de se
conformer à un ordre moral. Mais c'est le prix de la tranquillité.» […]
Cette année, le ramadan s'est bien passé. «Les premières
fois, on ne dormait pas. Les gens étaient dehors toute la nuit, ils jouaient
aux cartes dans la rue, se bastonnaient, faisaient des roues arrière sur des
quads… On passait notre temps à appeler les flics» - qui ne venaient pas. «De
façon générale, remarque Alice, la présence policière ici, c'est service minimum.
On se demande même si ce n'est pas fait exprès. Ils laissent le trafic
proliférer, comme ça le réseau est identifié et contenu, et ne s'étend pas de
l'autre côté du pont [où le quartier est en cours de réfection]. La
municipalité a mis un spot devant l'école, il a tenu quinze jours. La plupart
des rues du quartier sont plongées dans le noir. Dès que la nuit tombe, les
mecs peuvent faire leur petit business tranquille.»
A un moment, avec son mari, ils ont failli plier bagage.
Abdiquer. «Je ne peux pas me mettre seule à une terrasse de café. Il y a peu de
parcs, peu de commerces. A la sortie du métro, il faut se cramponner à son sac
à cause des vols à l'arraché.» […] En attendant, Alice s'est fait une raison.
Au fil des ans, elle a arrêté d'écrire au maire pour faire remplacer les
éclairages publics, ou demander l'installation de brumisateurs pour que les
gosses arrêtent de s'arroser avec les extincteurs en été. Elle fait un détour
pour éviter les coins où ça trafique - les «no-go zones» - et ne se balade jamais
dans le quartier. Elle va d'un point A à un point B, se fait la plus discrète
possible. «La règle est simple, me dit-elle: c'est nous, les étrangers ici.»
L'entraide et la solidarité, ce sentiment d'appartenir à une grande famille que
décrivent les habitants historiques de la cité, semblent hors de sa portée.
Norane revendique son appartenance à une double culture.
Elle prie, porte des talons hauts, et s'est mariée religieusement pour faire
plaisir à ses parents. - Crédits photo : Veronique de Viguerie
Islamisation
Quelque chose a ripé au sein de cette génération bercée dans
le giron français, qu'on espérait laïque, comme un dédommagement ou une
reconnaissance envers la République qui avait accueilli leurs parents, mais qui
s'est révélée plus pratiquante que la précédente.
Selon Abdel, les premières secousses remontent au milieu des
années 1990, avec ce qu'on appelle dans les banlieues, non sans humour, la BAC
- «la Brigade anti-sheitan» (diable, ndlr). Des tablighis, des prédicateurs
fondamentalistes, ont commencé à tourner dans le quartier pour porter la bonne
parole auprès des jeunes: «Ils venaient nous faire chier pendant qu'on jouait
au foot aux heures de la prière pour nous envoyer à la mosquée, me raconte
Abdel. Ensuite, la BAC a été remplacée par les salafistes et les Frères muz'.
Rien de nouveau: juste, aujourd'hui, ils ont un public.»
Selon lui, le jilbab (voile long qui couvre l'intégralité du
corps mais pas le visage), la barbe longue, le kamis, ce n'est pas de la
conviction, mais de l'ostentation. Un bras d'honneur à la société française. A
la fois un étendard et une cuirasse identitaire. «Aujourd'hui, les jeunes ne
savent même pas écrire leur prénom en arabe, ils ne connaissent aucun verset du
Coran, mais se disent musulmans plutôt que Français. Ils vont à la mosquée à la
salat de 14 heures pour se montrer, mais tu peux y aller: à celle de 5 heures
du matin, y a personne. Ils font des mariages halal pour niquer dans la
religion mais dealent leur saloperie sans se poser de questions. C'est des petits
cons qui n'ont jamais écouté Brassens, qui ne connaissent que Booba et
Scarface. Ils veulent aller à La Mecque parce que ça fait bien, et que ça
rachète une virginité au passage. Hop, un petit selfie devant la pierre sacrée,
et retour à leur vie d'embrouilles.»
Prostitution de banlieue
Depuis deux ans, la prostitution explose en banlieue. Karima
loue ses services sur des sites spécialisés et gagne jusqu'à 8 000 € les
bons mois. - Crédits photo : Veronique de Viguerie
Avec le temps, Karima s'est forgé la conviction selon
laquelle il n'y aurait au pied des barres que deux chemins de vie possibles: se
marier ou se prostituer. Elle a commencé par la première option. Il fallait se
«faire valider», comme elle dit. Marcher dans les rangs, faire ce que sa famille
et sa «culture» lui commandaient. A 18 ans, elle se marie donc avec son premier
amour. Mais l'homme se révèle violent. La validation est une seconde prison.
«Dans notre communauté, refuser de se faire sucer par une meuf, c'est une
preuve de respect. Lui parler comme à une merde, par contre, ça pose pas de
problème. C'est le grand n'importe quoi. Le mien, il voulait que je me teigne
en blonde et que je foute le voile dessus. C'est ça, le paradoxe des mecs de
banlieue. Ils sont “matrixés”. Ils veulent à la fois une chienne et une fille
bien.» Je lui dis que, en y réfléchissant, c'est une variante orientale de la
maman et de la putain: un fantasme masculin universel, qui dépasse largement le
périphérique. Elle m'objecte que si, dans la culture occidentale, c'est
idéalement la même femme qui est censée endosser ce double rôle en alternance,
pour les Arabes, il faut en réalité au moins deux femmes. Une pour chaque
fonction: une fille «respectable», avec laquelle ils entretiennent une relation
sérieuse et qu'ils finissent en général par épouser, et une ou plusieurs filles
«inavouables», denrées à la fois périssables et interchangeables, dont ils
montrent les photos dénudées aux copains en gloussant.
Karima a divorcé deux ans après s'être mariée, sans parvenir
à rompre complètement le lien. Habituée, finalement, à ce type de relation
qu'elle a intégré comme la norme. «Matrixée», elle aussi. De ces
réconciliations épisodiques est né il y a quatre ans un fils, qu'elle élève
seule, comme elle peut, aménageant ses rendez-vous clients en fonction des
horaires d'école et des vacances scolaires. Le gosse est un garde-fou, qui la
préserve de l'abattage et l'oblige à travailler avec méthode. Karima a mis son
annonce sur deux sites - Wannonce et Allo-escorte - et paie 400 euros tous les
mois pour qu'elle reste bien référencée. Elle reçoit plus de 150 appels par
jour sur ses trois téléphones - un pour chaque site, plus un perso. «La
Maghrébine avec des formes, c'est à la mode, y a une mouvance depuis Zahia.»
Ça marche tellement bien qu'elle monnaie ses prestations
dans toute la France. «En été, je fais des tournées sur la Côte d'Azur. Je
modifie ma localisation sur mon profil, je me pose trois jours à l'hôtel, et ça
défile. Mais j'ai des limites. Faut que ça reste humain. Trois clients maxi par
jour, à 300 euros de l'heure. Ça écrème. Plus t'es chère, plus t'as des clients
classe.» Ses préférés, ce sont les «babtous», des «petits Blancs» traders, dans
l'immobilier ou dans le cinéma. Depuis qu'elle a commencé, Karima gagne environ
4000 euros par mois «en étant feignante», 8000 quand elle s'«arrache». Plus la
CAF.
La Part du ghetto, de Manon Quérouil-Bruneel et Malek
Dehoune, Fayard, 218 p., 17 € .
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Manon Quérouil-Bruneel
L'État
impuissant face aux finances de l'islam de France (25.04.2018)
S'il en a le pouvoir juridique, il n'a pas les moyens
humains de contrôler l'argent circulant dans les lieux de culte.
Officiellement, en
France, le financement de l'islam est très encadré, à l'image d'un
jardin à la française. Officieusement, c'est une forêt vierge. Son véritable
écosystème est sous-terrain. Donc incontrôlable et… incontrôlé. Il existe
pourtant deux lois-cadres pour gérer les lieux de culte: 1901 pour les
associations culturelles, 1905
pour les associations cultuelles.
Mais, en pratique, sauf scandale, l'État, s'il en a le
pouvoir juridique, n'a pas les moyens humains de contrôler. Il existe 13.000
associations en moyenne par département! Sans compter qu'une association
cultuelle 1905 qui récolte moins de 153.000 euros de dons par an n'a
aucune obligation de déposer ses comptes en préfecture… De plus, rien n'empêche
un citoyen de fonder un lieu de culte sans avoir recours à ces deux types
d'associations. Il suffit d'utiliser une dérogation à la loi de 1905. Elle fut
tolérée en 1907 à la demande des catholiques de l'époque qui refusaient la
nouvelle législation. Cette dérogation peut profiter aujourd'hui à de petites
salles de prière, et à des prédicateurs quasiment privés. Elle reconnaît en
effet le droit d'ouvrir un lieu de culte «à titre individuel». Et n'exige aucun
contrôle financier. Dernière possibilité: une personne physique a toujours le
droit d'être propriétaire d'une salle ouverte au public qu'il peut dédier au
culte.
«L'argent du terrorisme échappe aux mosquées, il est
plutôt issu du système D : petits commerces et trafics de toutes sortes. C'est
incontrôlable»
Didier Leschi, auteur de «Misère (s) de l'islam de France»
Une absence de gestion globale
Autre difficulté majeure pour l'État, le fonctionnement
financier des mosquées lors de leur construction et une fois en activité. Il
est rarissime que la construction d'une mosquée soit financée par une source
unique. En général, les fidèles mettent d'abord la main à la poche. Ils peuvent
être accompagnés par une collectivité locale (bail emphytéotique ou subvention
culturelle). Le tout étant complété, selon l'ampleur du projet, par des
institutions étrangères, comme le Fonds Hassan II, la Ligue islamique mondiale,
ou encore par un État étranger, car les mosquées sont souvent édifiées par des
musulmans d'une même origine, marocaine, algérienne, turque.
Mais une fois inaugurée, c'est souvent le règne de l'argent
liquide: par le biais des quêtes, très importantes lors du ramadan, ou à
l'occasion du pèlerinage à La Mecque qui génère d'importants flux. «Le
problème du culte musulman n'est pas l'absence d'argent, observe Didier Leschi,
auteur de Misère(s) de l'islam de France (Cerf), mais
l'absence de gestion globale et de mise en commun des fonds. Quant à l'argent
du terrorisme, il échappe aux mosquées, il est plutôt issu du système D: petits
commerces et trafics de toutes sortes. C'est incontrôlable.»
Un expert de ce dossier assure toutefois: «Le président de
la République sait que le Conseil français du culte musulman a torpillé - par
conflit d'intérêts - le
projet Cazeneuve de créer une association cultuelle nationale pour
gérer l'argent de l'islam. Il prépare donc une nouvelle proposition. Le
contexte n'a jamais été aussi favorable. Quant à la volonté politique de régler
ce problème, elle n'a jamais été aussi forte.»
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Rédacteur en chef,
chargé des religions
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Coma
imaginaire de Tolbiac : quand l'extrême-gauche s'invente des fantômes
(25.04.2018)
- Par Adrien
Dubrasquet
- Publié le
25/04/2018 à 11:35
FIGAROVOX/TRIBUNE - A Tolbiac, le témoin qui avait
affirmé qu'un étudiant se trouvait dans le coma suite à des violences
policières avoue désormais avoir menti. Pour Adrien Dubrasquet,
l'extrême-gauche hantée par les spectres du passé ne lutte plus que sur le mode
de la parodie.
Adrien Dubrasquet est ancien élève de l'École Normale
Supérieure.
Les Français croient toujours aux fantômes. Bien sûr, ils ne
sont qu'une minorité (13 % selon une étude de la SOFRES en 2000), mais une
minorité extrêmement agissante, qui n'hésite pas à occuper les universités ou à
soutenir les zadistes, et qui a fait l'objet de l'attention soutenue des médias
ces derniers temps.
Les militants d'extrême-gauche qui ont fait la une raffolent
en effet des histoires de fantômes. À chaque réforme, à chaque projet
ambitieux, ils se plaisent à voir resurgir le spectre de la Révolution, de la
Résistance, de Mai 68 ou des manifestations contre la loi Devaquet en 1986.
Mais tout cela relève du pur fantasme: nul roi guillotiné en place de Grève,
mais un pantin à l'effigie du Président de la République pendu dans la cour de
Tolbiac ; nul acte de bravoure héroïque face aux SS, mais une volonté farouche
de traquer la moindre violence des CRS pour aller ensuite porter plainte au
commissariat contre «l'État policier» (sic). L'alliance entre les étudiants et
le mouvement ouvrier qui fit trembler le pouvoir en place et permit l'obtention
d'avancées sociales en 1968 est bel et bien révolue: seuls quelques centres universitaires
ont été bloqués pendant que défilaient dans une relative indifférence les
cheminots. On a atteint cette fois-ci le stade ultime de cette capacité
d'illusion, avec l'invention de cet étudiant plongé dans le coma à la suite de
l'évacuation, ce blessé fantôme, entre la vie et la mort, triste (et
heureusement imaginaire) héritier de Malik Oussekine et de Rémi Fraisse.
On a atteint le stade ultime de l'illusion avec
l'invention d‘un étudiant plongé dans le coma à la suite de l'évacuation.
Ces militants radicaux hantent des lieux symboliques. Bien
qu'ils aient obtenu gain de cause, les zadistes de Notre-Dame-Des-Landes
continuent d'occuper les lieux. Les étudiants révoltés se sont empressés de
convertir leur université occupée en une «commune libre». Depuis quelques
années néanmoins se fait jour une évolution majeure. Les occupations auparavant
se faisaient dans un esprit démocratique: seul un ou deux amphithéâtres étaient
bloqués, mais l'université demeurait ouverte car il fallait convaincre le plus
grand nombre du bien-fondé de la manifestation. Désormais, ces mouvements
continuent de revêtir les atours de la démocratie (on multiplie les AG, les
recours au vote, etc.) mais n'ont plus rien de substantiellement démocratique:
ici on vote en AG l'exclusion de l'UNI (syndicat étudiant classé à droite) des
futures AG ou on organise des AG «non-mixtes» visant à exclure de potentiels
participants selon des critères de race, d'orientation sexuelle ou de genre ;
là on mène les débats dans un néo-langage incompréhensible, mixte d'écriture
inclusive et de vocabulaire sociologisant tiré des gender studies,
totalement incompatible avec l'usage d'une grammaire commune que suppose la vie
dans une société démocratique. Ce sont des pratiques démocratiques fantoches.
Faute de pouvoir convaincre le plus grand nombre de la justesse de sa cause,
faute de chercher à occuper une place dans le débat d'idées, on investit un
lieu et on trace un périmètre sacré, une enceinte au-delà de laquelle on a tort
et en deçà raison. Le combat idéologique devient un combat topologique.
Le combat idéologique devient un combat topologique.
Comme dans les histoires de fantômes, les morts reviennent
hanter les vivants, et le passé le présent. Ces militants de la gauche radicale
sont en proie à leurs propres démons. Ils tentent de concilier tant bien que
mal la perspective révolutionnaire avec l'idéologie des droits de l'homme, leur
antilibéralisme économique avec leur libéralisme culturel, leur passion pour
l'égalité avec leur idéologie multiculturaliste. Le spectre du marxisme plane
toujours au-dessus de leurs têtes: à la recherche d'un nouveau damné de la
terre, ils sont à l'affût de la moindre victime potentielle de la société. En
ressort une pensée ectoplasmique. D'une part, parce qu'elle est totalement
informe et incohérente: on ne peut pas avoir une lecture exclusivement raciale
de la société, vouloir à tout prix défendre les «racisés» (entendre les
personnes de couleur) contre un prétendu racisme structurel, et nier la
possibilité même de l'existence d'un racisme anti-blanc. Et d'autre part parce
que, tel un fantôme qui est une manifestation du passé dans le temps présent,
cette gauche radicale ne pense le présent qu'à l'aune du passé: elle inscrit
son action dans une logique de réparation et d'indemnisation du poids de
l'histoire. Bien qu'elle se revendique extrêmement, voire exclusivement
progressiste, elle porte un discours foncièrement conservateur, hanté par les
fantômes du passé. «Le mort saisit le vif», pour reprendre Pierre
Bourdieu. En s'engageant dans des logiques de discrimination positive, en
accordant une place démesurée au sentiment postcolonial, en confondant
allègrement les diverses temporalités et paradigmes politiques, cette gauche
s'interdit de penser la transformation globale de la société. Terreau
idéologique de ces militants d'extrême gauche, la pensée dite antiraciste
devient elle-même une pensée raciste et devient aveugle aux propres conditions
de sa production.
Bien sûr, ces étudiants nourris de passions identitaires ne
sont pas les seuls à pourchasser des fantômes. Les récents événements ont
montré que les responsables de la France insoumise souhaitaient nouer des liens
avec les étudiants qui occupaient les universités. On a vu Alexis Corbière ou
Éric Coquerel tendre la main aux révoltés de Tolbiac. Jean-Luc Mélenchon a fait
part de son désir de voir les étudiants prendre le relai de la contestation.
Les responsables de la France insoumise ont eu l'illusion de croire que ce
mouvement étudiant, pourtant cantonné à quelques centres universitaires,
pouvait faire tache d'huile, et que l'échec de la révolution par la rue lors
des manifestations contre la loi Travail pourrait être effacé par celui de la
révolution par les campus dans le cadre de l'opposition à la réforme universitaire.
En soi, cette erreur d'appréciation traduit le désarroi idéologique qui règne
parmi les forces de la gauche radicale depuis l'élection présidentielle: les
responsables de la France insoumise ne savent pas s'ils doivent investir un
discours laïque ou multiculturel, renouer avec un discours de classe ou opter
pour un discours inspiré de la convergence des luttes.
Terreau idéologique de ces militants d'extrême gauche, la
pensée dite antiraciste devient elle-même une pensée raciste.
Journalistes et responsables éditoriaux ne sont pas en
reste. Eux aussi se sont lancés dans une chasse aux fantômes effrénée que la
perspective du cinquantenaire de Mai 68 n'est pas venue ralentir. Comme les
militants d'extrême gauche, une partie des journalistes nourrit quelques
illusions: les uns rêvent d'être les Woodward et Bernstein de demain qui
dénonceront un nouveau scandale du Watergate ; les autres l'Albert Londres ou
le Vassilli Grossman contemporain qui assurera la couverture d'un conflit
majeur. Aussi ont-ils tendance à oublier leur métier initial (informer) et à se
laisser aller au sensationnalisme. Cela explique la promptitude d'une certaine
presse à relayer avec force la fausse information d'un étudiant plongé dans le
coma, ou à accorder une place démesurée au regard de l'ampleur du mouvement aux
occupants des centres universitaires, ou à faire preuve d'une complaisance
douteuse avec leurs discours ouvertement racistes et antidémocratiques. Don
Quichotte et Emma Bovary n'ont pas à rougir de leurs descendants.
Sans doute tout cela peut-il être assimilé à un rite de
passage. Les mythes sont tenaces. Pour devenir un véritable adulte engagé (à
gauche, cela va sans dire), il faut avoir bloqué son lycée ou son université et
éprouvé le frisson devant le cordon de CRS. Les plus valeureux pourront se
vanter d'avoir senti l'odeur des bombes lacrymogènes ou d'avoir connu la
«gardav». Il faut avoir été révolutionnaire ou résistant, mais sans risque
aucun. De même, pour devenir un véritable journaliste (engagé, cela va sans dire),
il faut s'être mis sur la trace d'un mensonge d'État, avoir dénoncé un abus de
pouvoir ou s'être essayé au journalisme de guerre. Mais là encore, à moins
d'une heure de Paris et loin des bombes.
Tout cela ne prêterait pas à conséquence si celles-ci n'étaient
pas aussi inquiétantes. Dorénavant, une partie de la jeunesse militante qui se
définit comme étant de gauche adhère pleinement aux discours identitaires et
antidémocratiques et s'en fait le promoteur dans les moindres manifestations.
C'est une autre génération militante qui émerge depuis quelques années et
succède à ses aînés ont fondé SOS Racisme. Ces nouveaux militants sont mus par
une pensée qui se nourrit exclusivement de fantasmes: ne leur tient lieu de
discours politique qu'une succession de propositions identitaires. La
construction identitaire d'un individu n'est plus liée à un projet
d'émancipation sociale collective mais constitue une fin en soi, la politique
identitaire devient l'idéologie d'une époque sans idéologie. L'âge identitaire
est celui où l'idéologie est un fantôme et l'identité un fantasme. Il est temps
d'exorciser tout cela.
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Paris et
Berlin s'allient dans l'aviation de combat (25.04.2018)
- Publié le
25/04/2018 à 20:35
Sous l'impulsion des Etats, Dassault Aviation et Airbus
scellent un partenariat afin de donner un successeur aux Rafale et Eurofighter.
Historique. Sous l'impulsion politique d'Emmanuel Macron et
d'Angela Merkel, la coopération franco-allemande dans la défense est relancée
avec la mise en route du plus emblématique des programmes militaires: un avion
de combat de nouvelle génération, dont la mise en service est envisagée à
horizon 2040. Son développement sera confié à Airbus et Dassault Aviation*,
éternels concurrents dans l'aviation de combat, mais désormais alliés.
Le premier jalon est posé, ce jeudi 26 avril, par Florence
Parly, ministre des Armées, et son homologue allemande, dans le cadre -
hautement symbolique - du salon aéronautique (ILA) de Berlin dont la France est
l'invitée d'honneur. Les deux chefs d'état-major des armées signent un document
détaillant les besoins communs en matière de Système de combat aérien du futur
(SCAF). Il s'agit d'un préalable à la définition des spécifications des composantes
du SCAF, un système high-tech connecté et complexe qui intégrera des drones
évoluant en essaim, des avions de combat, un centre de commandement et
d'observation aéroporté, des missiles de croisière, des satellites de télécoms
sécurisés et des relais au sol.
Objectif de livraison en 2040
Ce document est «engageant et structurant», souligne le
ministère des Armées à Paris. Après la phase de discussions avec les
industriels, l'objectif est de signer un premier contrat d'études d'ici à fin
2018-début 2019 puis de leur confier le développement d'un démonstrateur à
horizon 2025. Enfin, une fois les technologies «dérisquées», les États visent
la signature d'un «contrat de développement et de production, avec un objectif
de livraison en 2040». Le budget global du SCAF n'a pas été précisé. Grâce aux
synergies attendues, il sera bien «moins coûteux que le F35 américain et ses
300 milliards de dollars de dépenses», assure un
observateur.
observateur.
Moins de dix mois après la réunion du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité (le
13 juillet 2017) marqué par la volonté de réaliser un système aérien de combat
commun, Paris et Berlin entrent dans le vif du sujet. Dans l'intervalle, les
directions générales de l'armement, les armées et les industriels ont travaillé
«plutôt en mode Nautilus que porte-avions», selon l'expression de l'hôtel de
Brienne.
Un avion commun aux deux armées
De leurs côtés, les industriels se sont déclarés, mercredi
25 avril, prêts à travailler ensemble. Airbus et Dassault Aviation ont «décidé
d'unir leurs forces pour assurer le développement et la production d'un avion
européen de nouvelle génération» qui «complétera puis remplacera» l'avion de combat français Rafale, construit par Dassault
Aviation et les Eurofighter, produits par Airbus, BAE et Leonardo.
Dans ce contexte, Dassault Aviation se présente comme le leader légitime
et naturel du futur avion de combat, en raison de son expérience et son
savoir-faire éprouvés depuis des décennies. Paris et Berlin qui valideront les
propositions des industriels sont sur la même longueur d'onde: il ne faut pas
tomber dans les errements coûteux du passé. L'avion, commun aux deux armées,
n'aura pas dix versions mais des spécificités. Ainsi, la version française sera
capable d'apponter sur le porte-avions Charles-de-Gaulle. L'avion devra aussi
être capable d'emporter la dissuasion française et celle, américaine, de
l'Otan. De son côté, Airbus a déjà été choisi pour piloter le programme de
futur drone de surveillance européen, baptisé Eurodrone, dont une maquette est
dévoilée au salon de Berlin.
«C'est un accord et un moment historique pour l'industrie
européenne»
Dirk Hoke, directeur général d'Airbus Defence
Le SCAF «constitue un signal fort en Europe et pour
l'Europe», a souligné Éric Trappier. «C'est un accord et un moment historique
pour l'industrie» européenne, a ajouté Dirk Hoke, directeur général d'Airbus
Defence, un grand pas en avant pour développer les compétences en Europe et
assurer la souveraineté européenne.» Face aux États-Unis et à l'Asie, ce projet
franco-allemand, une fois consolidé, est ouvert à d'autres pays européens, en
particulier le Royaume-Uni avec lequel la France a mené ces dernières années
des études sur un drone de combat.
Avec le SCAF, Paris et Berlin ouvrent la voie à la
convergence des forces autour d'un unique avion européen contre trois appareils
aujourd'hui, avec le Rafale, l'Eurofighter et le Gripen suédois. Le SCAF offre
aussi un nouvel argument à ceux qui prônent la préférence européenne et se
désolent de voir de nombreux pays de l'Union acheter le F 35 américain.
Dans quelques semaines, Airbus et Dassault Aviation
présenteront aux États le projet industriel (répartition de la charge de
travail, des essais et de l'assemblage). Ils sont d'accord sur un point: il
faut un leader, il faut du pragmatisme, il faut de l'efficacité. Pas question,
martèle Tom Enders, le président exécutif d'Airbus, de revivre «le cauchemar de
l'A 400M», ou encore du «NH 90» qui a davantage de versions que de
clients! «L'objectif est de faire dans les spécifications, dans les temps et
dans les budgets», résume-t-on en France.
*Le groupe Dassault est propriétaire du Figaro.
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Attaque
terroriste : comment les supermarchés organisent leur protection
(24.04.2018)
ENQUÊTE - Depuis le drame de Trèbes, les professionnels
étudient les réponses à apporter en cas de nouvel attentat.
La tuerie du Super U de Trèbes, dans l'Aude, le
23 mars dernier, aiguillonne la réflexion des professionnels de la
sûreté en France. Les grandes surfaces sont-elles suffisamment armées pour
faire face à cette menace qui n'est pas nouvelle? Le 9 janvier 2015,
déjà, l'attaque islamiste contre l'Hyper Cacher de la porte de
Vincennes, à Paris, avait causé la mort de quatre innocents et fait
cinq blessés.
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Au fil des événements, les meilleurs experts réunis au sein
du Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE) tentent d'affiner les
stratégies, mais «il n'y a pas de recette miracle», assure Jo Querry, figure de
l'Antigang et ancien patron de l'Unité de coordination de la lutte
antiterroriste (Uclat). Selon lui, «force est de constater que chaque attaque a
sa propre logique. Des personnes ont été tuées pour avoir tenté de quitter les
lieux pris pour cibles, d'autres ont été piégées sur place. Il n'y a pas de
règle générale et absolue. Ce sont les circonstances qui commandent.»
Un équilibre à trouver
Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, le
gouvernement avait lancé une campagne de sensibilisation pour mieux préparer
les citoyens à ce type d'attentats. Une fiche sur la meilleure manière de
«réagir en cas d'attaque terroriste» donnait pour instruction de «s'échapper,
se cacher (si possible) et d'alerter» les autorités. Les opérateurs privés ont
parallèlement déployé des moyens importants pour sécuriser leurs commerces, les
salles de spectacles, les stades. «Jamais la demande de sécurité n'a été aussi
forte dans le secteur», assure le criminologue Alain Bauer. Elle pullule même,
tant l'ingénierie en matière de sûreté des installations accueillant du public
s'est développée ces dernières années. «Avec une multiplicité d'intervenants,
plus ou moins inspirés ou qualifiés, d'ailleurs», reconnaît-on place Beauvau.
Un haut responsable à la direction générale de la police
nationale l'assure: «Si, dans le milieu aérien, les contraintes de la sûreté
renforcée ont fini par être acceptées, elles restent délicates à intégrer dans
le secteur de la distribution, par exemple: les grandes surfaces redoutent
qu'un contrôle trop tatillon ne dissuade la clientèle de venir faire ses
courses. L'équilibre n'est pas simple à trouver.»
» LIRE AUSSI - Dans les stades et les centres commerciaux, les vigiles
imposent leur loi aux policiers
Un préfet très au fait des questions de sécurité le dit,
pour sa part: «Vous pouvez mettre autant de vigiles que vous voulez à fouiller
les sacs à l'entrée d'un magasin, si une poignée de fanatiques armés de
kalachnikovs entre à force ouverte dans une galerie commerciale, rien ne pourra
la stopper dans les premières minutes les plus meurtrières.» Selon lui, «même
des agents armés, anciens militaires ou ex-policiers, comme à Disneyland Paris,
n'auraient que peu de chance face à la puissance de feu des armes de guerre.»
L'armement des privés est exceptionnel en France et ceux qui y ont accès
cultivent plutôt la discrétion. Ainsi le service de la sécurité portuaire du
port du Havre qui emploie 134 agents assermentés.
«Les enseignes ont lourdement investi dans la lutte
contre le vol, les dispositifs électroniques, mais finalement assez peu dans la
sûreté humaine»
Alain Bauer, criminologue
Concernant les établissements commerciaux accueillant un
large public, le Pr Bauer l'affirme: «Les enseignes ont lourdement investi
dans la lutte contre le vol, les dispositifs électroniques, mais finalement
assez peu dans la sûreté humaine.» Il faut repenser, selon lui, le concept de
sûreté dans les magasins, ne pas se contenter d'appuyer sur le bouton police en
attendant la cavalerie. Car les temps d'intervention, même raccourcis à
20 minutes en principe, après le redéploiement des unités spécialisées
sous Bernard Cazeneuve en 2016, sont toujours trop longs.
«Des réponses qualitatives sont proposées, mais comme elles
sont plus chères, elles sont souvent retoquées», confie un expert de l'Union
des entreprises de sécurité privée (USP). Concrètement, puisque les récentes
affaires ont montré que les victimes d'attaques terroristes pouvaient se
réfugier dans les chambres froides des magasins, des propositions sont
formulées pour mieux sécuriser ces zones de repli, à l'instar des panic
rooms installées dans certains logements luxueux.
Appel à des acteurs privés
Les procédures d'évacuation des personnels pourraient aussi
être revues, avec création de sorties de secours. «Au Bataclan, les issues étaient d'un seul côté, ce
qui a contribué à augmenter le nombre de victimes contraintes de traverser la
pièce pour fuir», rappelle un connaisseur du dossier. La circulation du public
au sein des magasins pourrait aussi être repensée. Bien souvent, elle est
principalement dictée par le souci d'inscrire le client dans un parcours
d'achat qui le canalise sans échappatoire possible.
Ancien patron du Raid nouvellement député LaREM de
Seine-et-Marne, Jean-Michel Fauvergue s'est vu confier, le 5 février
dernier, par Gérard Collomb, avec sa collègue de la Drôme, Alice Thourot, une
mission sur le «continuum de sécurité». Objectif: donner plus de place aux
acteurs privés dans le cadre de partenariats avec les forces de l'ordre. «Nous
sommes à l'aube d'une nouvelle ère pour la sécurité globale», assure le
ministre de l'Intérieur.
«En Espagne, les privés sont placés sous l'autorité d'une
sous-direction de la police nationale», rappelle le commissaire Fauvergue. Son
rapport, qui sortira d'ici à la mi-juillet, ira forcément vers un rôle accru de
la sécurité privée, sous le contrôle renforcé des services de l'État qui ne
peuvent plus tout traiter à eux seuls. Le contexte terroriste en France a
sérieusement fait bouger les lignes.
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NDDL : la
facture sécuritaire dépasse déjà les 5 millions d'euros (25.04.2018)
EXCLUSIF - Cette somme a été calculée a minima, en retenant
les fourchettes basses. Le Figaro détaille les différents
postes de dépenses, des indemnités de déplacement à la casse de matériel.
Plus de cinq millions d'euros! Ce sera la facture de
l'expulsion des zadistes de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) à la fin
de la semaine. Le seul coût sécuritaire, calculé a minima. Le Figaro a
en effet retenu les fourchettes basses et l'affaire
de la ZAD n'est pas terminée.
Depuis le 9 avril, 20 à 25 escadrons de gendarmes
mobiles (65 hommes par escadron) sont entrés en scène. Il faut y ajouter
les renforts dans la région de 2 à 6 compagnies de CRS (75 hommes par
unité). Le plus important dispositif déployé sur plusieurs semaines depuis les
émeutes de 2005. L'opération coûte plus de 15.000 euros par jour et par
unité.
Premier poste budgétaire: les indemnités de déplacement.
L'indemnité journalière d'absence temporaire (Ijat) atteint 40 euros par
homme et par jour. Multipliez cela par le nombre d'unités envoyées et par 20
jours de présence, à la fin de cette semaine, ce seul poste dépassera le
million et demi d'euros! Il y a même des «surprimes» pour les CRS.
Deuxième poste: l'hôtellerie. Vu le nombre de forces
dépêchées, la majorité des gendarmes ne dort pas en caserne mais à l'hôtel,
comme les CRS. À plus de 3000 euros par jour et par unité. Total de ce
deuxième poste: encore 1,5 million d'euros. Il faut aussi loger les
états-majors de coordination (GTG, GOMO), sans parler du directeur général de
la gendarmerie nationale et de son aréopage d'officiers.
Ce n'est pas tout. La nourriture, le carburant, les péages
entrent en ligne de compte et alourdissent la facture globale de déplacement
d'un troisième tiers. Soit encore 1,5 million d'euros. Et c'est un minimum,
car, pour l'occasion, la maréchaussée a sorti toute sa panoplie: deux
hélicoptères (à 1500 euros, voire 2000 euros l'heure de vol), des drones,
des blindés. «Les 2 millions d'euros sont largement dépassés sur ce
poste», assure un officier.
Il a fallu, en outre, louer des engins à des entreprises
pour démolir en partie la ZAD (déconstruction loin d'être achevée). Certains
matériels de ces privés ont même été détruits par des soutiens des zadistes
lors d'opérations commando: des dépanneuses et deux chargeuses
industrielles. La facture de ce vandalisme dépasse le demi-million d'euros.
Plus de 300.000 euros de grenades lacrymo déjà tirées
Et les munitions? Plus de 10.000 grenades tirées par
les gendarmes en même pas trois semaines! À 30 euros pièce
la lacrymogène de base, 40 euros la lacrymo à effet sonore et
50 euros l'unité pour une grenade de «désencerclement», le coût dépasse
ici les 300.000 euros. Sans compter ce que les CRS eux-mêmes ont utilisé.
Dommages physiques
Par ailleurs, tout chef d'unité qui se respecte n'oubliera
pas de mentionner la «casse de matériel», les boucliers, les casques, les
tenues abîmés et même les engins endommagés. Les 500.000 euros de munitions et
de dommages seront vite dépassés. Sans compter le coût induit par les dommages
physiques subis par les hommes sur le terrain. La gendarmerie a évoqué environ
70 blessés depuis le début de l'opération.
Au total, une facture à plus de 5 millions d'euros.
Bien sûr, elle n'inclut pas les soldes et traitements. Il était inévitable, de
toute façon, que ces professionnels du maintien et du rétablissement de l'ordre
soient employés loin de leur base, tant on les sollicite en tout point de
l'Hexagone, mais aussi outre-mer. Les gendarmes mobiles et CRS passent en
moyenne 220 jours par an sur le terrain.
Mais quand ils sont massés aussi longtemps sur
1650 hectares dont beaucoup de Français n'ont que faire, surtout après
l'abandon du projet d'aéroport, ils manquent ailleurs. Dans les banlieues où le
feu couve, mais aussi aux frontières. Des
identitaires ont même prétendu faire le travail à leur place dans les
Hautes-Alpes dimanche dernier.
Fallait-il faire durer cette «der des ders» à
Notre-Dame-des-Landes?
À VOIR AUSSI - Notre-Dame-des-Landes: les explulsions
vues de l'intérieur de la ZAD
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
26/04/2018. Accédez
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Évasion
manquée de la princesse Latifa : l'affaire rebondit au Luxembourg (25.04.2018)
Un Français, complice de la tentative de fuite de son pays
de la princesse Latifa, fille de l'émir de Dubaï, a été arrêté. L'organisateur
de l'expédition, Hervé Jaubert, contredit la version de l'affaire fournie par
les autorités émiraties.
L'évasion de la princesse Latifa Al Maktoum n'a pas encore
livré tous ses secrets. C'est encore - après l'ex-agent secret Hervé Jaubert -
un Français qui est mêlé à cette affaire rocambolesque. Christian Elombo, âgé
de 40 ans, est professeur de fitness et d'art martiaux. Il a été arrêté à Oman
au début du mois de mars à la demande des Émirats arabes unis peu de temps après
que sheikha Latifa s'est échappée. Il est accusé d'avoir transporté la
princesse hors des frontières des Émirats afin de l'aider à s'enfuir. Mais Oman
a choisi de rejeter la demande d'extradition émanant de Dubaï et Christian
Elombo a été libéré et autorisé à rentrer chez lui. Le 5 avril, il a pu ainsi
rejoindre le Luxembourg où il a été, à nouveau, interpellé pour kidnapping via
un mandat d'arrêt international délivré par Interpol.
La justice luxembourgeoise a précisé que les Émirats arabes
unis disposaient d'un délai maximum de 45 jours à compter de son arrestation
pour déposer une demande d'extradition par voie diplomatique. Dubaï devra
fournir des preuves tangibles pour étayer sa requête. Les documents devront
être rédigés en allemand ou en français, avec une description détaillée des
faits. La chambre du conseil de la cour d'appel donnera ensuite un avis motivé
au ministre de la Justice luxembourgeoise, Félix Braz. Ce dernier est le seul
décideur de l'extradition.
Maltraitance
Christian Elombo se serait porté au secours de la princesse
Latifa pour mettre fin à ses souffrances et à sa détresse morale. «Chris est un
bon garçon, il est fier d'être français et de servir son pays. Il ne regarde
jamais le poids, l'âge, le handicap, la couleur ou la nationalité et aime tout
le monde, en regardant toujours ce qui est bon chez les gens et en essayant de
voir les bonnes choses dans chaque situation», a expliqué sa famille dans un
communiqué diffusé par l'ONG Deteined in Dubaï qui soutient la princesse
émiratie.
Cheikha Latifa, une des filles de l'émir de Dubaï, cheikh
Mohammed ben Rashid Al-Maktoum, était apparue dans une vidéo
sur YouTube en mars pour annoncer son «évasion» de son pays où
elle dit avoir été maltraitée par son père et les autorités locales. Elle se
plaignait d'avoir été séquestrée et d'avoir subi divers abus. Un document
tourné avant l'arraisonnement du yacht à bord duquel elle avait pris la fuite
en compagnie d'une amie finlandaise et de l'ex-agent secret français et homme
d'affaires Hervé Jaubert a été mis en ligne après l'échec de son échappée. Le
bateau avait été pris d'assaut le 4 mars au large des côtes indiennes par des
commandos armés.
La princesse «va bien»
Selon une source proche du gouvernement de Dubaï, citée le
17 avril par l'AFP, le
sort de la princesse serait une «affaire privée» qui a été
«exploitée» par une «bande d'escrocs» et par le Qatar, grand rival des Émirats
dans le Golfe. La princesse a été «ramenée» auprès de sa famille et «va bien»
poursuivait cette source rompant le silence des autorités locales autour d'une
affaire qui embarrasse la famille de l'émir.
Une version évidemment contestée par Hervé Jaubert, le
maître d'œuvre de la tentative d'évasion. Selon lui, les dernières déclarations
anonymes du gouvernement emirati sont contraires à la vérité. «La vidéo de la
princesse Latifa reste une preuve de son évasion de plein gré», affirme-t-il au Figaro.
Il revient également sur le sort réservé à Latifa. Pour lui, «la seule façon de
vérifier si la princesse est heureuse parmi les siens est de lui permettre de
faire une déclaration télévisée depuis un pays libre et sans contrainte». Il
ajoute: «Je sais pour connaître Latifa que si elle était libre elle
communiquerait avec Tina (son amie finlandaise, NDLR) et moi, or ce n'est pas
le cas».
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