jeudi 26 avril 2018

Islamisme et politique 24.04.2018


Tribune des 300 contre l'antisémitisme, tribune des 30 imams : le décryptage de Céline Pina (25.04.2018)
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Tribune des 300 contre l'antisémitisme, tribune des 30 imams : le décryptage de Céline Pina (25.04.2018)
  • Par  Céline Pina 

  • Publié le 25/04/2018 à 13:41
FIGAROVOX/TRIBUNE - Céline Pina réagit suite à la tribune publiée dans Le Monde ce matin par des «imams indignés» ayant affirmé qu'il n'y a pas d'antisémitisme dans l'islam. Selon elle, cette tribune souligne paradoxalement l'embarras des responsables musulmans devant les textes sacrés de leur religion.

Ancienne élue locale, Céline Pina est essayiste et militante. Elle avait dénoncé en 2015 le salon de «la femme musulmane» de Pontoise et a récemment publié Silence Coupable (éd. Kero, 2016). Avec Fatiha Boutjalhat, elle est la fondatrice de Viv(r)e la République, mouvement citoyen laïque et républicain appelant à lutter contre tous les totalitarismes et pour la promotion de l'indispensable universalité de nos valeurs républicaines.

Suite à une tribune signée par 300 personnalités dénonçant la violence d'un nouvel antisémitisme en France, lié au développement de l'islamisme, une trentaine d'imams ont souhaité réagir et se déclarent prêts à se mettre au service de leur pays. Si sur le papier l'initiative est séduisante, à lire le texte de près et à examiner le contexte, on peut ressentir un certain malaise.
Car ce qui fait réagir ces trente hommes, c'est moins l'explosion de l'antisémitisme, que le fait que cette tribune des 300 ose rappeler la haine du juif inscrite dans certains versets du Coran et ose dire qu'il faudrait déjà accepter de se confronter à cette réalité pour espérer changer les choses.
Je comprends que pour un croyant, il soit difficile d'admettre qu'un texte, fut-il sacré, ne détient pas une vérité immanente et absolue. Ainsi, quand on parle du terrorisme islamiste, qui justifie ses massacres au nom de la religion et du Coran, on entend le traditionnel: «cela n'a rien à voir avec l'Islam». Mais on peut retrouver ces mêmes réactions quand on parle du goulag et des dictatures qui ont fleuri à l'Est avec certains membres du PC: «pas le vrai communisme», ou des ravages de l'Inquisition avec certains catholiques convaincus: «un détournement du message chrétien». Il est normal que l'on veuille défendre ce que l'on aime, y compris au détriment du réel, mais le meilleur moyen de changer la donne est rarement de s'aveugler sur les réalités, toujours de les regarder en face pour mieux les combattre.
Force est de constater que ce n'est pas le traditionnel antisémitisme lié à l'extrême droite et à un certain catholicisme qui renaît.
C'est ce que ce texte se refuse à faire. Écrit en réaction à la tribune des 300, le premier enjeu qu'il évacue est pourtant au cœur de cette tribune, c'est celui de l'antisémitisme. En mélangeant terrorisme et antisémitisme, il ignore volontairement la question du «pourquoi» de ce nouvel antisémitisme. En effet, le terrorisme met tout le monde sur un pied d'égalité et permet d'éliminer ce que pointe la tribune: quand 1% de la population française est victime de la moitié des actes racistes, le hasard n'est pas en cause. Il s'agit clairement d'un ciblage. Quand le profil des agresseurs s'homogénéise aussi, le doute n'est plus permis. Persécuter les juifs, c'est affirmer une forme de puissance et de domination. Cela devient identitaire sur certains territoires à travers la mythification du conflit israélo-palestinien. C'est d'ailleurs au sein des manifestations pro-palestiniennes que des «Morts aux juifs» ont été lancés en plein cœur de Paris. Comme dans le même temps, sur l'ensemble de la population française, la communauté juive ne cesse de renforcer sa bonne image, force est de constater que ce n'est pas le traditionnel antisémitisme lié à l'extrême droite et à un certain catholicisme qui renaît, mais bel et bien un nouvel antisémitisme, qui ajoute l'alibi antisioniste aux poncifs archaïques.
Cette existence d'un fort antisémitisme culturel arabo-musulman n'est pas une légende, il est mesuré dans les dernières études comme celle d'Anne Muxel et Olivier Galland par exemple et dénoncé par des sociologues comme Smaïn Lâacher. Mais ce fond de sauce est épaissi par la propagande d'un Islam politique et par l'intégrisme wahhabite: l'explosion de ce nouvel antisémitisme en France n'est pas le fruit du hasard mais le résultat d'un travail religieux et politique sur le terrain, d'un conditionnement à la haine.
Or, ici, mélanger terrorisme et antisémitisme permet non seulement de ne pas regarder en face ses propres responsabilités, en rappelant que la sécurité est l'affaire de tous, mais c'est aussi une manière habile de se victimiser et de se faire absoudre, quand bien même les réseaux de mosquées sont une des bases de la conquête idéologique des islamistes. Cela n'est jamais dit. À lire le texte des imams, on ne se radicalise que sur internet. C'est faux. C'est ainsi que la référence au terrorisme vise, dans ce cadre, à évacuer la question de la provenance de ce nouvel antisémitisme et du terreau religieux et politique dans lequel il pousse. Un terreau que les frères musulmans entretiennent avec une main particulièrement verte. Quand le premier effet de la réponse de ces 30 imams à la tribune des 300 est d'évacuer la question du nouvel antisémitisme, on peut dire que cela fonctionne!
L'objet de ce texte est moins de se positionner sur la question de l'antisémitisme que de protéger le texte coranique.
D'autres phrases peuvent faire bondir: revenant sur les violences qui ont frappé notre pays, ces imams écrivent: «tout silence de notre part serait désormais complice et donc coupable, même s'il ne s'agissait jusqu'à présent que d'un mutisme de sidération». Depuis 2012? Admettons. Après tout en 2012, tout le monde n'avait pas compris. Mais depuis 2015? Cela fait un temps de sidération particulièrement long tout de même. Là-dessus, plaidons la maladresse. Peu importe le temps dévolu à la prise de conscience, il faut savoir faire grâce du passé et n'avoir des exigences que pour l'avenir quand on veut se rassembler. Mais là plusieurs choses entrent en dissonance.
On sent très vite que l'objet de ce texte est moins de se positionner sur la question de l'antisémitisme, très vite effacée, que de protéger le texte coranique. L'idée selon laquelle il y aurait dans le texte même du Coran des appels au meurtre des juifs est niée. Cela serait «d'une violence inouïe» et laisserait entendre que «l'Islam est génétiquement opposé à l'Occident» et que «le musulman ne peut être pacifiste que s'il s'éloigne de la religion». Commençons par remettre un peu de raison là-dedans. Ce qui est d'une violence inouïe, ce sont les meurtres antisémites commis contre des enfants et un enseignant à l'école Ozar Atorah, ceux d'Ilan Halimi, de Sarah Halimi et dernièrement de Mireille Knoll, ce sont les massacres que nous affrontons depuis 2015, c'est le fait que certaines villes en région parisienne voient les Français de confession juive obligés de fuir parce qu'ils sont persécutés (au point que l'on a baptisé ce phénomène l'Alya intérieure), c'est l'impossibilité de scolariser les enfants juifs à l'école de la République sur certains territoires. Là, il se passe en effet des faits d'une violence inouïe.
En revanche, dans la réaction de ces imams, on retrouve ce refus absolu d'accepter la critique et l'interpellation sur le contenu d'un texte. Au point qu'ils en arrivent à écrire des mensonges: la tribune des 300 ne dit jamais que l'islam serait génétiquement opposé à l'Occident ou qu'un bon musulman est quelqu'un qui renierait sa religion, il demande que le contenu du texte sacré puisse être débattu. Car sans débat sur le texte, personne ne peut évoluer dans son rapport au texte.
Si les chrétiens ont changé leur rapport au texte et à leur livre sacré, c'est parce que des débats ont eu lieu. Pour lutter contre l'antisémitisme en son sein, l'Église s'est mobilisée et a pris position clairement. L'argument du contexte ou de la recontextualisation brandi par ces imams pour clore toute discussion avant même de l'entamer n'est pas loin de la foutaise. Le Coran, comme tout texte sacré, n'est pas lu que par des théologiens, beaucoup vont y chercher la justification de leur violence. Comprendre le contexte n'est pas à la portée du premier venu... D'autant que ledit texte, s'il est conçu comme incréé, efface tout contexte. La parole de Dieu est la vérité, pas celle du moment, une vérité immanente, une part d'éternité. Alors même et surtout si à la fin le texte n'est pas changé, il n'y a qu'en acceptant la discussion sur ce point que ces imams montreront réellement que le Coran n'est pas incréé et changeront de fait le rapport au texte. Or leur réaction épidermique montre un refus viscéral de laisser même la question être posée.
À tout prendre, je préfère la simplicité du commandement de l'ancien testament « tu ne tueras point » ou simplement l'idée philosophique qu'une société repose sur l'interdiction du meurtre.
Enfin, il y a au cœur de ce texte écrit par des imams quelque chose qui interroge et inquiète. Le cœur du texte, c'est cette phrase du prophète de l'Islam: «le musulman qui porte atteinte à la vie d'une personne innocente vivant en paix avec les musulmans ne sentira jamais le goût du paradis». Pour ne pas être légitime à assassiner, il faut donc «être innocent» et «vivre en paix avec les musulmans». Déjà la définition de l'innocence ouvre un vaste champ d'interprétation. Est-on une personne innocente si on est une femme libre et indépendante par exemple? Est-on encore innocent si on change de religion ou si on devient athée? La question peut légitimement se poser. Ensuite la périphrase indique que seule l'attitude envers d'autres musulmans est prise en compte. Et les autres croyants ou les non-croyants ne compteraient-ils pas? Et quelle est la définition de «vivre en paix?». Notre choix politique de l'égalité femmes/hommes ne serait pas une provocation qui met à mal cette paix? Et que dire quand des intellectuels se font traiter de blasphémateurs parce qu'ils s'indignent de la recrudescence des actes et des meurtres antisémites? Il arrive souvent, quand les questions posées sont simples, que l'ajout de précisions desserve le propos et restreigne la portée du texte, voire jette la suspicion sur les intentions réelles poursuivies. À tout prendre, je préfère la simplicité du commandement de l'ancien testament «tu ne tueras point»ou simplement l'idée philosophique qu'une société repose sur l'interdiction du meurtre.
Et quand en conclusion, ce qui est proposé est de plus s'appuyer sur la religion pour mieux lutter contre ses dérives, on reste sans voix. Contre l'Islam politique et le fanatisme, on nous propose plus de religion. À se demander si cette injonction n'équivaut pas à vouloir éteindre un feu en jetant du bois mort dedans... Mais après tout, ces hommes sont des imams, de leur point de vue, cela obéit à une certaine logique et leur proposition n'est pas forcément insincère. Mais pour notre nation, il vaudrait mieux que la reconquête des territoires perdus se fasse par la réaffirmation de l'égalité et de la liberté républicaine, plutôt qu'être confiée à un réseau de mosquées dont on peut douter des véritables objectifs. Rappelons-nous que les frères musulmans sont les premiers à avoir investi le marché juteux de la déradicalisation, mais plutôt dans une perspective de réislamisation qui ne disait pas son nom. Rappelons-nous l'expérience Dounia Bouzar, qui en appelait à une déradicalisation basée sur la religion. On se souvient surtout du coût démentiel de ses actions, mais pas de ses résultats: et pour cause...
Enfin, on ne sait guère qui sont ces imams signataires, certains noms comme Iqioussen suscitent la défiance, Tareq Oubrou est lui-même très controversé et parmi les mosquées citées, toutes ne sont pas des modèles à suivre. D'autres aspects du phénomène sont moins rassurants: les réactions outrées des autorités musulmanes de type CFCM, dirigé aujourd'hui par un proche d'Erdogan, le président islamiste de Turquie. Un Erdogan qui a créé une antenne de son parti en France et mis en place des candidats aux dernières élections législatives sur notre territoire, réclamant explicitement la charria entre autres. Dans le fond, la seule chose qui les fait réagir de façon claire et explicite est seulement l'évocation du Coran. Le sang versé et les violences constatées sont mieux supportés. Cela nuit à la crédibilité de l'ensemble.
La tentative de victimisation comme la volonté affirmée, derrière la mise à disposition affichée de ces 30 imams, de susciter le rejet de la tribune des 300, nuit de la même manière à l'adhésion que recherchent ces imams. Il est évident que nous devons lutter ensemble pour affronter la menace islamiste qui démantèle notre société, mais pas avec des dirigeants de mosquées dont la plupart appartiennent au réseau des frères musulmans. Un détail qui n'en est pas un.
Ce texte me rappelle un autre texte, la «déclaration d'intention relative aux droits et obligations des fidèles du culte musulman». Elle fut signée en 2000 par toutes les organisations musulmanes, mais seulement après qu'a été retirée toute mention du droit à changer de religion. Ce qui portait un sacré coup à la liberté de conscience, tout en étant présenté comme la preuve de l'acceptation des lois de la République. Depuis les choses n'ont guère changé: il y a bien trop d'ambiguïté aujourd'hui dans le texte de ces imams et bien trop d'opportunisme dans sa sortie pour que l'on puisse juger cette réponse appropriée, compte tenu de la violence de l'antisémitisme dénoncé. «Encore un effort, Messieurs les imams».
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Céline Pina


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Financement du terrorisme : le Qatar veut durcir le contrôle des organisations charitables (26.04.2018)

  • Publié le 26/04/2018 à 15:37
INTERVIEW - Dans un entretien au Figaro, à l'occasion de la conférence internationale contre le financement du terrorisme qui se tient à Paris, le ministre des Finances, Ali Shareef al Emadi, annonce que les ONG caritatives devront désormais travailler en étroite collaboration avec l'État du Qatar.
LE FIGARO - Que répondez-vous aux accusations selon lesquelles le Qatar est trop laxiste dans la lutte contre le financement du terrorisme?
ALI SHAREEF AL EMADI - Ces accusations sont apparues à l'occasion du blocus que nous ont imposé nos voisins en juin 2017. Elles font partie du travail de sape de ces pays qui œuvrent contre nous, en publiant des fausses informations sur des sites pour montrer à la communauté internationale que le Qatar finance et soutient le terrorisme, ce qui est faux. Le Qatar a toujours été au côté de la communauté internationale dans le combat contre le terrorisme. Nous avons adopté dans leur intégralité les résolutions de l'ONU appelant au combat contre le terrorisme. Nous avons pris récemment d'autres mesures, notre secteur financier a adopté le système OFAQ. Nous avons également signé des lettres d'intention avec les États-Unis en juillet dernier et la France en décembre à l'occasion de la visite d'Emmanuel Macron à Doha. Ces accords nous permettent d'échanger des renseignements avec nos partenaires mais aussi de procéder à des transferts de connaissance en matière de cybersécurité notamment. Ces échanges sont importants, au moment où le Moyen-Orient est confronté à de nombreux problèmes, en Syrie ou en Irak notamment. La coalition internationale contre Daech ne peut pas travailler seule, elle doit collaborer avec les pays de la région. Le Qatar va continuer d'œuvrer en ce sens.
- Qu'allez-vous proposer à la conférence contre le financement du terrorisme à laquelle vous participez à Paris?
C'est une plateforme très importante pour trouver les moyens de combattre ces financements, issus de notre région, mais aussi au-delà. Le Qatar exposera ce qu'il a fait. Les organisations terroristes s'adaptent pour se financer. Ensemble, nous devons trouver les mécanismes pour contrer les financiers du terrorisme, et pour cela nous devons partager et échanger sur les méthodes nouvelles auxquels les terroristes recourent pour se financer.
- Votre pays a récemment mis sur une «liste noire» une personne que les Américains accusent depuis des années de financer des organisations terroristes comme Al Qaida. Il s'agit de cheikh Abdelrahmane bin Omer al-Nouaymi. Quelle est la signification de ce durcissement?
Depuis le début de cette affaire, les avoirs de cheikh al-Nouaimy et d'autres ont été gelés. Nous les avons traduits devant la justice. La liste que nous avons publiée, nous la partageons avec nos partenaires. Nous allons être très rigoureux. D'autre part, le Qatar a amendé certaines lois qui offrent une plus grande flexibilité au gouvernement pour traquer toute activité suspecte.
- Est-ce que ce durcissement va s'appliquer aux organisations charitables qui sont, pour certaines, accusées de financer le terrorisme?
À l'égard des ONG, comme Qatar Charity, qui est une association privée, mais aussi d'autres, le Qatar a également pris des mesures supplémentaires, pour remédier aux défis que posent ces organisations charitables. Beaucoup de leurs projets bénéficient à des pays étrangers. Je vous donne un exemple: telle organisation construit une mosquée dans tel pays d'Afrique ou d'ailleurs. Mais vous devez savoir que le Qatar n'a rien à voir avec l'imam qui dit les prêches dans cette mosquée, ni avec ceux qui dans d'autres mosquées financées par des ONG qatariennes peuvent prononcer des sermons radicaux. Ce qui n'empêche pas de nombreuses personnes de critiquer le Qatar. Nous avons adopté une approche différente. Nous allons désormais travailler avec les gouvernements des pays concernés par l'aide de ces ONG. Nous allons travailler en lien direct, de gouvernement à gouvernement, pour être sûr du contenu des projets d'aide. Si une organisation charitable qatarienne finance un projet en Afrique par exemple, nous demanderons aux autorités du pays concerné dans quelle zone veulent-elles qu'on intervienne, et à travers quels canaux pourrons-nous agir? Et cela pour minimiser les risques. Désormais, chaque organisation charitable au Qatar devra passer par le Croissant rouge qui appartient à l'État qatarien, et via le ministère des Affaires étrangères. Nous voulons combler les failles qui pouvaient exister dans ce type de transactions.
- Ce n'était pas le cas avant?
Ce n'était pas exactement comme cela effectivement. Encore une fois, ces nouvelles mesures font partie de nos efforts permanents d'adaptation contre le terrorisme et son financement.
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Haro sur les argentiers de la terreur (25.04.2018)
Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 26/04/2018 à 16h37 | Publié le 25/04/2018 à 19h37
Soixante-dix pays sont réunis à Paris pour assécher les ressources de Daech et d'al-Qaida. Un défi immense.
Lorsque Emmanuel Macron s'est rendu en visite officielle au Qatar en décembre, il a insisté auprès de ses hôtes sur un point précis du protocole: pouvoir assister au côté de l'émir cheikh Tamim à l'intégralité de la réunion entre experts des deux pays sur le financement du terrorisme.
Cette question avait déjà dominé certains discours du candidat à l'élection présidentielle, qui n'avait pas manqué d'égratigner, à ce sujet, le Qatar et l'Arabie saoudite, soupçonnés de laxisme.
Une fois élu, le chef de l'État annonça, fin août, devant les ambassadeurs, la tenue d'une conférence internationale dédiée à cette problématique. «No money for terror» (pas d'argent pour le terrorisme) est le titre de la réunion, qui a commencé mercredi et se poursuivra ce jeudi dans les locaux de l'Organisation de coopération et de développement économique à Paris. Deux jours de réunions à huis clos autour de 80 ministres et 500 experts venus de plus de 70 pays, dont de nombreux chefs des services de renseignements.
Comment contrôler des flux d'argents cachés, privés mais pas uniquement, qui alimentent les caisses des organisations terroristes et d'autres d'apparence moins dangereuse. Le défi est immense.
«Au Sahel, par exemple, les terroristes n'hésitent pas à se lier avec les trafiquants»
Un expert
Daech a été en grande partie vaincu militairement dans ses bastions irako-syriens. Mais «de 2014 à 2016, explique-t-on à l'Élysée, l'organisation terroriste a accumulé un énorme trésor de guerre, de l'ordre de 1 milliard de dollars par an. Il a depuis circulé, au moins en partie, il est vraisemblablement quelque part, ajoute-t-on dans l'entourage du chef de l'État. Ces groupes sont très doués pour utiliser les techniques les plus sophistiquées pour faire circuler les flux financiers, ils savent se jouer des frontières».
Sociétés écrans
Daech aujourd'hui, al-Qaida hier ont investi dans des entreprises, des fermes, des commerces et des biens immobiliers qu'ils gèrent via des relais. Les organisations terroristes utilisent les bureaux de change, des aigrefins ont établi des sociétés écrans, d'autres intermédiaires ont revendu des objets d'art. Et puis il y a les taxes prélevées sur la population ou le trafic de stupéfiants auquel s'adonne la branche égyptienne de l'État islamique dans l'immensité du désert du Sinaï. Et enfin, plus prosaïquement, les bonnes vieilles valises d'argent qui passent d'une main à une autre, pendant le pèlerinage sacré qui rassemble chaque année des millions de musulmans à La Mecque, en Arabie saoudite. Sans oublier les agences de voyages suspectes.
«Ce qui frappe, raconte un expert, c'est le pragmatisme et l'opportunisme de ces groupes pour se financer. Notre travail doit se faire au cas par cas, région par région, car les terroristes s'adaptent. Au Sahel, par exemple, ils n'hésitent pas à se lier avec les trafiquants.»
Pendant longtemps, certains États, telle l'Arabie saoudite, ont acheté la paix sociale en laissant les activités islamiques se financer. Reprendre les choses en main est un exercice délicat
Pendant longtemps, nos alliés du Golfe ont montré de sérieux signes de défaillance en matière de contrôle de financement du terrorisme. «On partait d'assez loin», confirme avec sobriété un maître espion, mais «aujourd'hui, nous ne doutons aucunement de la bonne volonté» du Qatar et de l'Arabie saoudite en la matière, ajoute-t-il.
Il faut dire que les États-Unis, alliés privilégiés des pétromonarchies, ont exercé, bien avant Emmanuel Macron, de fortes pressions sur Doha, Riyad ou Koweït. Le Qatar a longtemps été «le plus mauvais élève», selon les rapports du département d'État américain, qui pointait en les nommant des «individus» et «des entités» qui finançaient des organisations terroristes, notamment al-Qaida et sa branche syrienne. «Le Qatar a fait des efforts», confiait récemment au Figaro Seth Unger, responsable au département du Trésor américain, de passage à Paris.
Juste avant la visite de l'émir Tamim début avril à Donald Trump, Doha a finalement placé sur sa «liste noire» l'une des figures emblématiques du financement prétendument privé du terrorisme, cheikh Abdurhamane Ben Omer al-Nouaimy. Un an auparavant, le vieux cheikh à l'épaisse barbe poivre et sel n'hésitait pas devant le journaliste occidental à dire tout le bien qu'il pensait de la branche syrienne d'al-Qaida «composée en majorité de Syriens qui luttent contre le dictateur Bachar el-Assad». Est-ce à dire qu'ici ou ailleurs les gouvernants sont décidés, une fois pour toutes, à ne plus laisser une fraction - fût-elle infime - de leur population financer des groupes terroristes ou des ONG qui répandent un islam radical en Afrique, et jusqu'en Europe?
Un exercice délicat
Pendant longtemps, certains États, telle l'Arabie saoudite, ont acheté la paix sociale en laissant les activités islamiques se financer. Reprendre les choses en main est un exercice délicat. Faire le tri entre une juste aumône - en l'occurrence la zakat, l'un des cinq piliers de l'islam - et un versement douteux n'est pas aisé. C'est pourtant à une telle reprise en main que s'est engagé le jeune prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman. En vue de la conférence de Paris, les services de renseignements d'Arabie comme du Qatar ont fourni à leurs homologues français des listes d'ONG suspectes. En dépit de ces engagements, beaucoup de travail reste à faire, notamment tant que les pays occidentaux n'auront pas obtenu la levée de l'anonymat sur les transactions financières. C'est une de leurs vieilles requêtes. «On va essayer d'aller plus loin en ce sens», espère l'un des cadres de la conférence.
Pendant deux jours, ses participants vont confronter leurs expériences pour tenter de parvenir à un ensemble de «bonnes pratiques» qui pourraient par la suite être globalisées par exemple au niveau des Nations unies, précise l'Élysée. Bref, aucun engagement contraignant ne sera pris lors de ce rendez-vous contre l'argent sale du terrorisme. Mais «une mobilisation politique internationale» contre un fléau qui affecte l'ensemble du monde ou presque.

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Grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient
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Ce que propose Jean-Louis Borloo pour les banlieues (26.04.2018)

  • Mis à jour le 26/04/2018 à 15:50 

  • Publié le 26/04/2018 à 13:24
L'ancien ministre a rendu jeudi matin à Édouard Philippe son ambitieux plan de bataille destiné à «faire revenir la République» dans les quartiers face au «repli identitaire et communautaire». Il propose la création d'un fonds de 5 milliards d'euros.

LE SCAN POLITIQUE - L'ancien ministre a rendu jeudi matin à Édouard Philippe son ambitieux plan de bataille destiné à «faire revenir la République» dans les quartiers face au «repli identitaire et communautaire». Il propose la création d'un fonds de 5 milliards d'euros.
Jeudi matin, Jean-Louis Borloo a remis à Édouard Philippe son plan de bataille pour les 1500 quartiers de la politique de la ville en France, des quartiers populaires en difficulté répartis sur l'ensemble du territoire et dans lesquels vivent quelque 6 millions d'habitants. L'ancien ministre de la Ville, missionné par Emmanuel Macron à l'automne dernier, a travaillé pendant plusieurs mois avec des centaines d'élus et de responsables associatifs pour établir le rapport constitué de «19 programmes robustes, structurants, innovants» qui devront être mis en mouvement «en même temps». Selon Jean-Louis Borloo, les programmes de ce plan «de réconciliation nationale» provoqueront «un effet blast, une spirale positive et une dynamique extrêmement puissante». La menace étant celle d'un «nouvel apartheid», le développement des «incompréhensions» et des «frustrations» qui «si nous n'y prenons pas garde entraîneront replis communautaires, identitaires, xénophobes».
● Un fonds doté de «5 milliards d'euros»
Le 14 novembre à Tourcoing (Nord), Emmanuel Macron avait promis le «retour de l'État» dans ces quartiers. Pour ce faire, le rapport Borloo propose la création d'un fonds doté de «5 milliards d'euros» abondé notamment par «la cession des participations de l'État en 2018» (10 milliards annoncés), qui ne créerait «pas de dépenses budgétaires nouvelles pour l'État».
● Relancer l'ANRU
Les 19 programmes recouvrent l'ensemble des besoins de ces quartiers. De «la qualité urbaine pour tous» placée en tête, jusqu'à la mise en place d'une «Cour d'équité territoriale» en passant par une «académie des leaders» ou aux plans pour lutter conter «l'illettrisme ou illectronisme». Pas question pour le rapport de tourner autour des difficultés sans les nommer précisément. Sur la rénovation urbaine par exemple, première des priorités, le constat est clair: «depuis 4 ans, la rénovation urbaine est à l'arrêt, l'ambition originelle s'est perdue. La bureaucratie a progressivement pris le pas sur la dynamique de projets. Le lien de confiance a été rompu.» Le rapport propose une «relance» de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), fondée par Borloo en 2003 et dont le travail s'est «enrayé», victime d'une «dérive bureaucratique». Le rapport propose de créer un nouvel outil de grande envergure: «une fondation appartenant à la Nation, regroupant les collectivités territoriales, les financeurs, les partenaires sociaux et les bailleurs». Au moins, il propose de «modifier complètement la gouvernance de l'ANRU, qui doit être pilotée par les financeurs, les agglomérations et les bailleurs concernés».
● «Tripler la préscolarisation à 2 ans en REP+»
Dans les premiers programmes décrits, le rapport Borloo évoque la nécessité d'investir dans la petite enfance et la scolarisation. Dans ces quartiers, les places actuelles en crèche «ne couvrent que 22% des besoins». Et «40% des QPV ne disposent pas d'une crèche». Le rapport préconise donc la création de «30.000 places supplémentaires» via «un fonds d'égalité territoriale doté de 300 millions d'euros» créé au sein de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Le rapport préconise aussi de «tripler la préscolarisation à 2 ans en REP+», (Réseau d'éducation prioritaire) d'ici à 2020, et de «doubler le taux d'encadrement de 8000 classes de maternelle» de ces REP+. Sans compter la mise en place d'un «club petit déj» gratuit dans les écoles et collèges des REP et REP+ le matin, en plus de «rendre gratuite la cantine le midi». Autre ambition: «reconstruire ou rénover les 300 écoles les plus vétustes dans les 5 ans, dans les quartiers sans mixité» avec un «fonds d'investissement éducatif dans les quartiers» de 1 milliard d'euros. Mais aussi d'accorder une enveloppe de 100.000 euros par an à chaque principal pour «gérer les urgences sociales».
● Création d'une «cour d'équité territoriale»
Plus loin, après de nombreux programmes dédiés à la culture, à la lutte contre les discriminations, à la santé, au sport ou aux associations, le rapport Borloo propose de créer «dans la constitution ou dans une loi organique» une «nouvelle juridiction administrative spécialisée»: «la cour d'équité territoriale». Elle serait «chargée de vérifier la mise en œuvre des moyens de rééquilibrage des politiques publiques» dans ces quartiers. «Présidée par le premier président de la Cour des comptes et composée de magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d'État, elle pourra être saisie par toute personne morale ou groupe de personnes s'estimant discriminé sur une base territoriale». Cette cour «pourra condamner tout gestionnaire public ayant failli à l'obligation de moyens qui s'impose à lui pour contribuer à l'équité territoriale des citoyens au regard du service public, ou fait obstruction à sa mise en œuvre».
● Sécurité: un fonds exceptionnel de 100 millions d'euros
En matière de sécurité enfin, le 13e des programmes présentés, mais «première demande des citoyens» selon le rapport, il est indiqué qu'un fonds «exceptionnel de sécurité doté de 100 millions d'euros sera affecté aux 60 villes les plus en difficultés». Parmi de nombreuses mesures financières, le rapport propose «le déploiement de 500 “correspondants de nuit” supplémentaires sur des postes d'adultes-relais», en lien avec la police municipale. Face à une justice embolisée, le rapport juge la création «indispensable» de «2000 postes de magistrats, procureurs et fonctionnaires».
● À la recherche d'«chef d'état-major» pour piloter le programme
Les programmes «peuvent démarrer tout de suite», et sont «parfaitement réalisables, très rapidement», assure le rapport, à condition que chacun «soit piloté en tant que tel et par une ou deux personnalités reconnues». À condition, encore, que «chacune des institutions soit réellement et publiquement en responsabilité avec un chef de file», mais aussi que soit mis en place «un chef d'état-major» avec «l'autorité suffisante donnée par le président de la République», doté d'une «équipe de très haut niveau» pour «impulser, coordonner et adapter l'ensemble du plan».
Chaque année, «l'évaluation des indicateurs pour chaque action» devra être «rendue publique», sans parler d'un rapport annuel «devant le Parlement, sur l'avancée des programmes et l'état de la cohésion nationale». Enfin, un «comité de suivi présidé et constitué de personnalités d'envergure nationale» devra assurer «le suivi de la mise en œuvre des programmes», mais aussi «alerter des difficultés de mise en œuvre en temps réel» et remettre «un rapport annuel au président de la République».


Retour sur 40 ans de «plans banlieues» (26.04.2018)

  • Mis à jour le 26/04/2018 à 14:14 

  • Publié le 28/04/2014 à 11:05
CHRONOLOGIE - Depuis les années 1970, les plans banlieues se succèdent pour tenter de désenclaver les «quartiers sensibles». Et n'y parviennent pas.
2014: le plan Vallaud-Belkacem
La ministre de la Ville, Najat Vallaud-Belkacem, n'annonce pas de nouveaux crédits, mais l'orientation «vers les zones sensibles» de 600 millions d'euros issus du programme d'investissement d'avenir (PIA). En cinq ans, elle se fixe pour objectif de réduire de moitié l'écart de niveau d'emploi entre les «zones urbaines sensibles (ZUS) et le reste du territoire».
2013: le plan Ayrault
Un dispositif «d'emplois francs» incite les entreprises à employer des jeunes de quartiers défavorisés, même s'ils ne sont pas diplômés. Le gouvernement espère ainsi la création de 2000 «emplois francs». Une entreprise qui signe un CDI reçoit une subvention de 5000 euros.
2008: plan «espoir banlieue»
Doté d'une enveloppe d'environ un milliard d'euros, il vise à combattre le chômage chez les jeunes de moins de 26 ans de 215 quartiers difficiles. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il est défendu par la secrétaire d'État en charge de la Politique de la ville, Fadela Amara. En Île-de-France, 220 millions d'euros sont affectés à l'amélioration des transports.
1999 et 2001: les deux plans Jospin
Le premier ministre Lionel Jospin présente en 1999 son plan «de rénovation urbaine et de solidarité» qui vise à éviter la création de ghettos et l'abandon des périphéries. L'État va débourser 20 milliards de francs étalés sur six ans. En 2001, Lionel Jospin présente un second plan de 5,4 milliards d'euros sur cinq ans pour les quartiers difficiles. Les grands ensembles vétustes sont détruits; on rénove les routes et les trains pour améliorer la desserte des quartiers. 15,24 millions d'euros sont destinés à créer des espaces verts, des équipements sportifs ou des jeux.
1996: le «plan Marshall» pour la ville
En 1996, le président de la République, Jacques Chirac, dénonce «la fracture sociale» et annonce un «plan Marshall» pour les banlieues qui devient «le pacte de relance pour la ville». Il définit des «zones franches urbaines» (ZFU) où les entreprises sont exonérées d'impôts si elles embauchent sur place, des «zones de redynamisation urbaine» (ZRU) et des «zones urbaines sensibles» (ZUS).
1991: la mixité sociale des logements
Désormais, les villes de plus de 200.000 habitants doivent construire obligatoirement 20% de logements sociaux dans leur quartier. Neuf ans plus tard, en 2000, la loi de solidarité et renouvellement urbains (SRU) vise à taxer les communes qui n'appliquent pas ces 20% de logements sociaux.
1983: le plan «Banlieue 89»
Sous la direction des architectes Roland Castro et Michel Cantal-Dupart, le plan «Banlieue 89» réaménage les banlieues au nom du «droit à l'esthétisme pour tous».
1981: la création des ZEP
De violents incidents éclatent à l'été 1981 dans le quartier des Minguettes à Vénissieux dans le Rhône. Les zones d'éducation prioritaires (ZEP) sont créées par une circulaire en décembre de la même année par le ministre de l'Éducation nationale de François Mitterrand, Alain Savary. Les missions locales sont créées en mars 1982, pour aider les 16-25 ans sortis du système scolaire sans qualification. En juillet 1982, la première «Opération Prévention Été» offre des vacances aux jeunes pour les éloigner de leurs quartiers afin d'y maintenir le calme.
1977: premier «plan banlieue»
Le premier plan de réhabilitation des cités HLM, baptisé «Habitat et vie sociale», est lancé par le ministre du Logement Jacques Barrot sous Valéry Giscard d'Estaing. Pendant quatre ans, 53 banlieues sont réhabilitées par une amélioration du cadre architectural, du confort des logements et par le développement d'une vie sociale dans les quartiers.
1973: fin de la construction des tours HLM
La circulaire «Ni tours ni barres» met fin à la construction des grands ensembles HLM. Elles sont «peu conformes aux volontés des habitants», justifie le ministre de l'Équipement de Georges Pompidou, Olivier Guichard. La mesure vise également à éviter la ségrégation sociale par l'habitat, selon son auteur.
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416 donateurs de l'EI identifiés en France (26.04.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 26/04/2018 à 13:35 

  • Publié le 26/04/2018 à 13:15
Les autorités françaises ont identifié un total de 416 donateurs ayant participé au financement du groupe État islamique (EI), a indiqué jeudi le procureur de Paris, s'alarmant d'un "micro-financement" du terrorisme, par des sommes "modiques" mais nombreuses.
Alors que se tient à Paris une conférence sur le financement du terrorisme international, François Molins a révélé sur Franceinfo qu'un travail de "coordination avec les services de renseignement financier" avait permis d'identifier en France ces 416 donateurs ces deux dernières années. "Ce qui est beaucoup", a-t-il commenté.
Ses services ont également repéré "320 collecteurs, essentiellement basés en Turquie et au Liban, grâce auxquels les jihadistes qui se trouvaient en Syrie ou en Irak pouvaient recevoir des fonds", a ajouté le magistrat.
Les failles du système de mandat cash qui permet de transférer très rapidement de l'argent à un tiers, ont aussi été utilisées pour financer les jihadistes partis combattre en zone irako-syrienne. Soupçonnée d'avoir manqué de vigilance en la matière, la Banque Postale est visée depuis septembre par une enquête préliminaire du parquet de Paris.

Des avocats vont porter plainte contre la détention de femmes et enfants français en Irak (26.04.2018)

  • Publié le 26/04/2018 à 16:12
Ils estiment que les droits et la sécurité des ressortissants français ne sont pas assurés dans les prisons irakiennes et les camps administrés par les Kurdes. D'après eux, la France doit sortir de son «cafouillage» actuel.
«L'État français doit prendre ses responsabilités.» C'est en somme, le message qu'a voulu faire passer un collectif d'avocats français ce jeudi, concernant la situation des femmes et enfants français détenus sur le sol irakien. Lors d'une conférence de presse, William Bourdon, Marie Dosé et Camille Lucotte ont annoncé leur volonté de déposer plainte contre X pour abstention volontaire de mettre fin à une privation illégale de liberté. Une première plainte déposée en janvier dernier mais visant uniquement le sors des Français dans la zone kurde n'avait pas abouti.
«C'est la chronique d'une tragédie annoncée», a lancé William Bourdon devant les journalistes. Lui et ses collègues représentent des femmes françaises et leurs enfants qui ont rejoint la zone irako-syrienne, alors occupée par Daech, et ont depuis été arrêtés par les autorités irakiennes ou kurdes. Ils sont en charge de plusieurs dossiers, notamment celui de Djamilia Boutouatou, condamnée récemment à la perpétuité pour crime terroriste par Bagdad, mais aussi Mélina Boughedir, déjà condamnée à sept mois de prison pour entrée illégale en Irak et jugée le 2 mai pour terrorisme et dont ils demandent actuellement le report. D'après eux, les personnes vouées à des procès expéditifs de ce genre ne sont pas des cas isolés. Ils avancent, avec précaution, une estimation d'une soixantaine de femmes françaises détenues dans des prisons irakiennes ou des camps administrés par les Kurdes.
La ligne stricte de la France
D'après eux, ces dernières et leurs enfants sont emprisonnés de façon «arbitraire et déshumanisante». Ils critiquent l'inaction de l'État français pour les faire sortir de détention mais également pour leur permettre d'avoir accès à un procès équitable, dans le respect du droit et de la présomption d'innocence.
Depuis plusieurs mois, l'État français s'en tient à une ligne stricte: il ne commente pas les décisions de justice d'un pays souverain et n'interviendra qu'en cas de peine de mort. Mais pour Me Dosé, cette posture ne tient pas pour les femmes retenues dans les camps kurdes situés en Irak, puisqu'ils sont dirigés par une entité non reconnue. «Un tel sujet aurait mérité un peu moins de cafouillage», regrette-t-elle. Elle précise également que «les Kurdes ont fait comprendre qu'ils avaient autre chose à faire que de juger ces Français» et que ces derniers risquent donc de se retrouver entre les mains de Daech «ou ce qu'il en reste». Interrogé par l'AFP, le représentant du Kurdistan syrien en France, Khaled Issa, se montre beaucoup moins catégorique. «Notre position reste la même, celle d'instruire et traiter ces dossiers tout en maintenant la coopération avec les autorités françaises», assure-t-il. L'avocate précise par ailleurs qu'elle a récemment tenté de faire rapatrier des enfants en bas âge en France, sans leurs mères, en vain.
«Elles sont une mine d'informations»
Pour William Bourdon, la France ne peut de toute façon pas se prévaloir d'«assumer les enfants, sans assumer leurs mères.» D'après lui, Paris a tout intérêt à les rapatrier sur le sol français car «elles sont une mine d'informations»: «Les juges français antiterroristes doivent être comptables de leur mission», abonde-t-il.
Afin de «mutualiser les forces», ils montent actuellement un collectif d'avocats en charge de ces dossiers et vont déposer dans ces prochains jours une plainte contre X avec constitution de partie civile pour abstention volontaire de mettre fin à une privation illégale de liberté, en respect de l'article 432-5 du code pénal. Mais ils envisagent également d'avoir recours à des institutions internationales comme l'ONU. Ils rappellent aussi que certains pays comme l'Indonésie et l'Algérie auraient fait les démarches pour rapatrier leurs ressortissantes.
Une source diplomatique avait récemment précisé au Figaro que les ressortissants français condamnés en Irak pourraient «demander aux autorités irakiennes et françaises leurs transfèrements pour exécuter leurs peines en France une fois que l'ensemble des voies de recours auront été épuisées et que la condamnation sera devenue définitive.»
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Islamisation, délinquance, trafics : ce qui se passe vraiment dans les banlieues (23.03.2018)

Par Manon Quérouil-Bruneel
Mis à jour le 23/03/2018 à 08h13 | Publié le 23/03/2018 à 06h30
EXCLUSIF - Pendant un an, Manon Quérouil-Bruneel, grand reporter, est allée à la rencontre des habitants d'une cité de Seine-Saint-Denis. Religion, drogue, prostitution, petits trafics et grand banditisme : son livre choc, La Part du ghetto, raconte le quotidien méconnu d'une France en marge de la République. Récit de son enquête et extraits exclusifs.
«Il suffit de passer le pont, c'est tout de suite l'aventure!» chantait Brassens. Ça marche aussi avec le périphérique. A moins d'une dizaine de kilomètres de la capitale se trouve un autre monde, à la fois proche et lointain. Avec ses codes, ses règles et ses valeurs. Pendant un an, j'ai tenté d'en comprendre le fonctionnement en m'immergeant dans une cité de Seine-Saint-Denis. Pour pousser des portes qui me seraient restées closes, je me suis appuyée sur l'un de ses habitants, Malek Dehoune, que je connais depuis une dizaine d'années. Ensemble, nous avons eu envie de raconter cette vie de l'autre côté du périph, loin des clichés. Grâce à sa solide réputation dans la cité, la méfiance qu'inspirent généralement les journalistes s'est progressivement estompée. Au fil des mois, j'ai obtenu les confidences de dealers, de mères de famille, de prostituées, de retraités, de grands voyous, de commerçants, de musulmans laïcs et de salafistes. Je les ai écoutés en m'appliquant à ne jamais les juger.
Ces tranches de vie racontent un quotidien très éloigné de celui que peignait La Haine - film culte sur le malaise des banlieues françaises et de cette deuxième génération d'immigrés, née en France dans les années 1970, qui a grandi la rage au ventre en ne se trouvant nulle part à sa place. En plongeant dans la cité, je pensais naïvement côtoyer leurs dignes héritiers. Mais vingt ans après, les choses ont bien changé. Les jeunes ne brûlent plus de voitures, ils font du fric sans esclandre, conscients que les émeutes nuisent au business. Pragmatiques, avant tout. «On est des bourgeois, pas des révolutionnaires, comme le résume l'un d'entre eux, surnommé «Chocolat», en référence au shit qu'il vend. On sait qu'on fait pas longtemps dans ce métier. On mène une vie normale, comme un type qui travaille dans un bureau, quoi.»

Le trafic de cannabis reste un grand classique en cité. - Crédits photo : Veronique de Viguerie
En l'occurrence, plutôt comme un patron d'une petite PME. A 22 ans, «Chocolat» est le gérant de ce qu'on appelle un «terrain», c'est-à-dire un territoire de deal, qui se vend et s'achète comme un bien immobilier: entre 100.000 et 2 millions d'euros - selon la taille et la localisation. Mais ce n'est pas qu'une question d'argent: un terrain se mérite et se gagne aussi à la réputation. Quand les «anciens» décident qu'ils n'ont plus l'âge de dealer au pied des tours, ils choisissent avec soin ceux à qui ils passent la main. «Choco» a été désigné à 19 ans. Son terrain se trouve à côté de celui de football, dans le parc pelé au cœur de la cité. Avant midi, il est généralement désert. Les «petits», comme les surnomment les «anciens», vivent la nuit et se lèvent tard. Sur son terrain, «Chocolat» écoule en moyenne 350 grammes de cannabis par jour. Un emplacement «moyen», comparé à d'autres, comme celui de Bagnolet, qui débite un kilo par jour. Mais il lui permet de gagner «un smic tous les deux jours», et de s'offrir les services d'un vendeur et de deux «choufs» - des guetteurs chargés de donner l'alerte en cas de descente policière. «Chocolat» se contente de passer quelques heures, pour vérifier que tout va bien et verser les salaires de ses employés, payés 50 euros par jour. Le reste du temps, il s'occupe de l'approvisionnement, la clé d'un business prospère.
«Nous, on vend pas la mort. Le shit, c'est naturel. Ça sort de la terre, comme un légume. »
«Chocolat», dealer de shit
Le shit, c'est comme le cours de l'or: le prix au kilo peut varier de plus ou moins 1000 euros sur un an. Comme un trader, un bon trafiquant doit anticiper les variations, avoir du stock en réserve et être placé au plus proche de la source, pour avoir le meilleur tarif possible et dégager un maximum de bénéfices. La pièce d'un kilo de cannabis «se touche» autour de 1200 euros au Maroc ; elle passe à 2300 euros en Espagne et peut être revendue jusqu'à 3500 euros en France. Entre chaque pays, il y a des intermédiaires, des «apporteurs d'affaires», qui se rémunèrent au pourcentage en fonction du volume de la transaction. J'ai découvert avec surprise que, dans ce monde de truands, la marchandise s'achète presque toujours à crédit. Une chaîne de crédits, même, qui court du Maroc jusqu'au 93 et qui débouche sur des règlements de comptes sanglants, quand la drogue est saisie et que l'acheteur se retrouve dans l'incapacité de rembourser. Ou qu'il décide finalement de ne pas payer et de disparaître dans la nature… Pour se prémunir de ce genre de déconvenues, de plus en plus fréquentes selon mes interlocuteurs dans la cité, les fournisseurs exigent de leurs clients d'être recommandés par des amis communs ou de fournir l'adresse de leurs parents afin d'avoir un moyen de pression. C'est également pour cette raison qu'ils préfèrent vendre au propriétaire d'un terrain: comme dans un commerce, il y a toujours du cash en circulation.
Dans la cité où j'ai mené mon immersion, il n'y a pas de terrain de cocaïne ou d'héroïne. «Pas notre culture, explique «Chocolat». Nous, on vend pas la mort. Le shit, c'est naturel. Ça sort de la terre, comme un légume.» Ceux qui se lancent dans la blanche le font loin du quartier, à bord d'une «coke-mobile» qui livre les clients à domicile. Il arrive que le véhicule en question fasse également VTC.

La cité est un monde d'hommes. Les aînés font respecter leur loi et veillent sur la tranquillité des habitants comme une police de proximité parallèle. - Crédits photo : Veronique de Viguerie
La double casquette chauffeur Uber/dealer de coke fonctionne bien, les courses offrant une bonne couverture aux livraisons. Il y a quelques années, un jeune a tenté d'enfreindre cette loi tacite, qui proscrit la vente de drogue dure dans l'enceinte de la cité. Il a ouvert un terrain de crack au pied des tours. Le parc s'est retrouvé envahi de zombies, qui se shootaient au milieu des enfants. Les policiers ont multiplié les descentes, mais ce sont finalement les «anciens» qui l'ont délogé. Ce sont eux qui se chargent de maintenir l'ordre et de veiller à la tranquillité des habitants, comme une police de quartier parallèle.
C'est parce qu'ils se sentent investis de cette même mission de protection que les jeunes livrent aujourd'hui une guerre sans merci à ceux qu'ils appellent les «Lampédouz» - les clandestins maghrébins arrivés en masse ces dernières années dans la foulée des printemps arabes. Alors que les guerres entre bandes rivales sont devenues plus rares, se réglant le plus souvent par les réseaux sociaux, la nouvelle violence qui agite régulièrement la cité est celle qui oppose ces jeunes issus de l'immigration aux nouveaux arrivants: souvent des hommes seuls, qui dorment dans des squats à l'ombre des barres HLM ou s'entassent dans des appartements insalubres loués par des marchands de sommeil. Ils vivotent en travaillant au black sur des chantiers, en vendant des cigarettes à la sauvette, en arrachant des sacs et des portables, aussi. Les vols commis dans la cité déclenchent systématiquement des représailles, à coups de batte de baseball et de barre de fer. Les jeunes débarquent alors en bande et tabassent tous les migrants qui se trouvent sur leur passage. Les comportements «inappropriés» sont également sévèrement sanctionnés. Un jour, un «Lampédouz» aviné s'est déshabillé dans la rue. Il s'est retrouvé à l'hôpital, le crâne fracassé par la bouteille qu'il venait d'écluser…
Cette violence à l'encontre de nouveaux immigrés ne choque pas les habitants «historiques» du quartier. Ils considèrent que cette vague de clandestins a accéléré leur descente dans les abîmes de la ghettoïsation. Malek le résume ainsi: «On est déjà tous en galère, on peut pas accueillir toute la misère du monde.»
«On est déjà tous en galère, on peut pas accueillir toute la misère du monde.»
Malek, habitant du quartier

Ceux que les habitants de la cité appellent les «Lampédouz» les clandestins maghrébins arrivés en masse dans la foulée des printemps arabes survivent dans des squats insalubres au pied des tours. - Crédits photo : Veronique de Viguerie
Dans la cité, tout le monde est unanime: le quartier a beaucoup changé ces dernières années. En mal. Il ne brûle plus, mais il se consume à petit feu. Les voyants sont au rouge, mais le reste du pays s'obstine à regarder ailleurs - d'autant plus facilement que les scènes de guérilla urbaine sont devenues plus rares au JT. Un sentiment d'abandon prédomine, particulièrement au sein de la première génération arrivée dans les années 1970. Omar, le père de Malek débarqué d'Algérie pour travailler comme couvreur à l'âge de 19 ans, se souvient avec nostalgie de la mixité d'antan, «des boulangeries traditionnelles, des boucheries chevalines, des filles en minijupe dans les rues». Il m'explique que, à l'époque, personne ne se souciait de manger halal ou de porter le voile. «On était là pour bosser dur. Moi, mon identité, c'était pas Français ou Algérien, c'était ouvrier.» Omar voulait s'intégrer avant tout. Il a toujours refusé de parler arabe ou kabyle à ses fils, mangeait des rillettes au petit déjeuner, a fait la guerre à sa femme qui s'accrochait à sa djellaba quand il l'emmenait à la plage. «Je lui ai dit: soit tu mets un maillot comme tout le monde, soit tu te casses. La religion, c'est privé, ça s'affiche pas.»
Et puis, il y a eu un tournant dans les années 1990. Le mythe du bon immigré a fait long feu. La religion est progressivement devenue un étendard, une cuirasse identitaire qui a fait voler en éclats le «vivre-ensemble» auquel beaucoup sont pourtant attachés. Dans le salon de coiffure où je me suis souvent rendue pour prendre la température du quartier, les conversations tournent beaucoup autour de ce repli communautaire. «La dernière fois, raconte l'un des clients, j'ai livré un barbu. Le type, il enferme sa femme à clé. Mais rentre au bled, frère! On est où, là? Sarko, il avait raison: si t'es pas content, casse-toi. Le quartier est perdu, ce n'est plus la France, ici. Forcément que les Blancs, ils sont partis. Qui veut vivre avec des burqas, des gosses qui dealent en bas de l'immeuble et des clandos qui volent des sacs? Les bobos peuvent bien hurler, c'est pas eux qui vivent dans ce merdier!»

Le communautarisme s'est renforcé depuis les années 1990. Dans le quartier, beaucoup regrettent cependant le repli sur soi et dénoncent un abandon des services publics. - Crédits photo : Veronique de Viguerie
Les burqas et les kamis, qui n'existaient pas il y a une vingtaine d'années, ont essaimé dans la cité. Manger «halal» est devenu une préoccupation pour la nouvelle génération, qui revendique de vivre «plus près de Dieu que ses aînés». Plutôt qu'un mariage à la mairie, les jeunes préfèrent désormais sceller leur union devant l'imam, selon la tradition musulmane.
Autre manifestation de la religion devenue une ressource culturelle: le succès de la médecine prophétique, qui consiste à soigner les maux qui résistent à la médecine traditionnelle par des méthodes inspirées du temps du Prophète, comme la «hijama» (un traitement à base de saignées) ou la «roqya» (une séance de désenvoûtement par le Coran). La «omra», le «petit pèlerinage» à La Mecque effectué hors saison, rencontre également un franc succès dans les quartiers, notamment parmi les jeunes. D'abord pour d'évidentes raisons financières, puisque le voyage, organisé par des tour-opérateurs, est accessible à partir de 900 euros, contre 4000 minimum en période officielle de hadj. Mais cet engouement pour la omra est également révélateur d'une certaine mentalité, de cette génération du «tout, tout de suite». «Avant, explique Abdel, on attendait des années pour pouvoir se payer le hadj. C'est un pilier de l'islam qui se mérite. Après, tu es censé avoir un comportement exemplaire à vie. Ne plus dealer, ne plus tiser (boire de l'alcool, Ndlr). La omra, c'est moins engageant. Souvent, elle est même financée avec l'argent de la drogue. L'hypocrisie va jusque-là.»
Dans une même tour, des prostituées et des salafistes

On joue beaucoup en cité. La pauvreté pousse à tenter sa chance. Ici, une partie de poker clandestine organisée dans un appartement vide. - Crédits photo : Veronique de Viguerie
Je l'ai souvent constaté au cours de mon immersion: la vie en cité pousse ses habitants à une certaine forme de schizophrénie. Il y a d'un côté le poids du regard des autres, l'injonction tacite à se conformer aux attentes de la communauté. Et de l'autre, l'envie de vivre sa vie comme on l'entend. Un assemblage compliqué, qui donne parfois naissance à de surprenants phénomènes de société. Comme le boom de la prostitution parmi les jeunes filles de banlieue, dans un environnement où on les enjoint pourtant plus qu'ailleurs à la «décence». Des «wannabe Zahia», la Pretty Woman des cités, qui voient dans l'escorting un moyen rapide de s'affranchir du ghetto, de s'offrir un joli sac ou de partir en vacances. Karima, l'une des jeunes femmes que j'ai rencontrées, dans le secteur depuis quelques années déjà, le résume ainsi: «Tout commence quand tu découvres que tu peux monnayer un rapport.»
De leur côté, les garçons ont vite flairé le bon filon, proposant leurs services contre la moitié des gains. Il s'agit souvent d'anciens dealers reconvertis dans le proxénétisme - moins risqué et parfois plus lucratif que le stup -, qui se chargent de mettre en ligne une annonce sur des sites spécialisés, louent un appartement pour recevoir les clients et assurent la sécurité des filles. L'un d'entre eux, Ryan, m'a confié gagner jusqu'à «1500 euros les bons jours», en faisant travailler trois filles qui enchaînent une dizaine de clients chacune…
Au cours de mon reportage au long cours, j'ai rencontré dans une même tour d'immeuble des prostituées et des convertis au salafisme ; des jeunes femmes qui gagnent plus d'argent que leur père, mais doivent faire un halal pour avoir le droit de quitter le domicile familial ; des jeunes qui partent s'encanailler à Pattaya et font des selfies à La Mecque le mois suivant. La cité est un monde d'équilibristes, où se cache derrière chaque paradoxe apparent une ambition cohérente: parvenir, coûte que coûte, à arracher sa part du ghetto.

Une cité de Seine-Saint-Denis. - Crédits photo : Veronique de Viguerie

EXTRAITS
«L'arnaque des open»

- Crédits photo : _CYR
Il y a quelques années, l'aristocratie de la voyouterie, c'était le braquage. Sauf qu'il y a de moins en moins de liquide dans les banques. L'avenir, c'est le virtuel. Avec le darknet (le cryptage sur internet où l'anonymat est garanti, ndlr), le piratage de carte Bleue est devenu un jeu d'enfant, tout comme l'usurpation d'identité ou la création de faux comptes bancaires. Elias s'est livré à une étude de marché attentive de la délinquance financière: «Si je t'explique tout, t'as mal à la tête», plaisante-t-il un soir, alors que nous sommes installés à notre table habituelle du café. Il vient de sortir de cours, sa sacoche sous le bras: «En fait, j'exploite les failles du système. Et il y en a plein.»
Sa spécialité, ce sont les «open», les ouvertures de comptes avec des cartes d'identité volées, puis «flashées»: «Pour 1000 euros, y a des types qui te mettent la gueule de qui tu veux dessus. Moi, je choisis un petit qui présente bien, qui a un casier vierge et qui va travailler la conseillère à la banque avec un beau dossier tout bidon. En dix jours, t'as un compte. Et la beauté du truc, c'est que, avec une même identité, tu peux ouvrir dix comptes dans dix banques différentes. Ensuite, il n'y a plus qu'à enfoncer (endosser, ndlr) des chèques. Soit j'achète tout un carnet sous le manteau, soit j'en fais laver un.» Laver, c'est-à-dire effacer le nom du bénéficiaire d'origine pour le remplacer.
Un travail d'orfèvre, le boulot des «Zaïrois», comme les appelle Madoff - «De vrais magiciens! Si je savais comment ils font, je serais millionnaire!» Elias commence par enfoncer un «petit chèque, genre 1500 euros. Dès qu'il passe, j'en enfonce un max, tous les deux jours, jusqu'à ce que ça bloque.» Bon, le système a ses limites, me dit-il. Il y a de la déperdition, des comptes qui ne sortent pas, des chèques qui ne passent pas. «C'est parfois beaucoup de boulot pour rien.» Le mieux, c'est encore d'enfoncer des chèques lavés d'un gros montant sur un compte existant. Le propriétaire (du compte, ndlr) prend 30 % de la somme, par conséquent, m'assure Elias, il se moque d'être convoqué par sa banque pour rembourser la somme encaissée. «Le gars se barre au bled pendant cinq ans, le temps que dure l'interdiction à la Banque de France. Puis il revient, ouvre un nouveau compte, et recommence. C'est ballot, hein?»
Faire profil bas
Alice a une trentaine d'années, deux enfants en bas âge, et crée des bijoux fantaisie qu'elle vend en ligne. Avant, avec son compagnon, ils vivaient dans le XIe arrondissement. En 2011, ils décident d'acheter. Avec leurs petits salaires d'autoentrepreneurs, ils se tournent logiquement vers la proche banlieue et font l'acquisition d'un 90 mètres carrés à 375.000 euros, dans ce quartier qu'on annonce comme un futur Brooklyn dès qu'une fromagerie, preuve irréfutable de gentrification, ouvre miraculeusement de l'autre côté du pont…
«Le jour de l'emménagement, me raconte Alice, on est allés à la boulangerie en bas de chez nous. J'ai demandé un jambon-beurre, le mec m'a regardée comme si j'étais une extraterrestre.» […] Elle a, aussi, dû se plier à l'injonction tacite d'un vestiaire «spécial 93». «Dès que je mettais une jupe, je me faisais emmerder. On me demandait: “C'est combien?”, “Tu me fais un petit truc?” J'ai rangé jupe, rouge à lèvres, et décolleté. Oui, ça fait chier de se conformer à un ordre moral. Mais c'est le prix de la tranquillité.» […]
Cette année, le ramadan s'est bien passé. «Les premières fois, on ne dormait pas. Les gens étaient dehors toute la nuit, ils jouaient aux cartes dans la rue, se bastonnaient, faisaient des roues arrière sur des quads… On passait notre temps à appeler les flics» - qui ne venaient pas. «De façon générale, remarque Alice, la présence policière ici, c'est service minimum. On se demande même si ce n'est pas fait exprès. Ils laissent le trafic proliférer, comme ça le réseau est identifié et contenu, et ne s'étend pas de l'autre côté du pont [où le quartier est en cours de réfection]. La municipalité a mis un spot devant l'école, il a tenu quinze jours. La plupart des rues du quartier sont plongées dans le noir. Dès que la nuit tombe, les mecs peuvent faire leur petit business tranquille.»
A un moment, avec son mari, ils ont failli plier bagage. Abdiquer. «Je ne peux pas me mettre seule à une terrasse de café. Il y a peu de parcs, peu de commerces. A la sortie du métro, il faut se cramponner à son sac à cause des vols à l'arraché.» […] En attendant, Alice s'est fait une raison. Au fil des ans, elle a arrêté d'écrire au maire pour faire remplacer les éclairages publics, ou demander l'installation de brumisateurs pour que les gosses arrêtent de s'arroser avec les extincteurs en été. Elle fait un détour pour éviter les coins où ça trafique - les «no-go zones» - et ne se balade jamais dans le quartier. Elle va d'un point A à un point B, se fait la plus discrète possible. «La règle est simple, me dit-elle: c'est nous, les étrangers ici.» L'entraide et la solidarité, ce sentiment d'appartenir à une grande famille que décrivent les habitants historiques de la cité, semblent hors de sa portée.
Norane revendique son appartenance à une double culture. Elle prie, porte des talons hauts, et s'est mariée religieusement pour faire plaisir à ses parents. - Crédits photo : Veronique de Viguerie
Islamisation
Quelque chose a ripé au sein de cette génération bercée dans le giron français, qu'on espérait laïque, comme un dédommagement ou une reconnaissance envers la République qui avait accueilli leurs parents, mais qui s'est révélée plus pratiquante que la précédente.
Selon Abdel, les premières secousses remontent au milieu des années 1990, avec ce qu'on appelle dans les banlieues, non sans humour, la BAC - «la Brigade anti-sheitan» (diable, ndlr). Des tablighis, des prédicateurs fondamentalistes, ont commencé à tourner dans le quartier pour porter la bonne parole auprès des jeunes: «Ils venaient nous faire chier pendant qu'on jouait au foot aux heures de la prière pour nous envoyer à la mosquée, me raconte Abdel. Ensuite, la BAC a été remplacée par les salafistes et les Frères muz'. Rien de nouveau: juste, aujourd'hui, ils ont un public.»
Selon lui, le jilbab (voile long qui couvre l'intégralité du corps mais pas le visage), la barbe longue, le kamis, ce n'est pas de la conviction, mais de l'ostentation. Un bras d'honneur à la société française. A la fois un étendard et une cuirasse identitaire. «Aujourd'hui, les jeunes ne savent même pas écrire leur prénom en arabe, ils ne connaissent aucun verset du Coran, mais se disent musulmans plutôt que Français. Ils vont à la mosquée à la salat de 14 heures pour se montrer, mais tu peux y aller: à celle de 5 heures du matin, y a personne. Ils font des mariages halal pour niquer dans la religion mais dealent leur saloperie sans se poser de questions. C'est des petits cons qui n'ont jamais écouté Brassens, qui ne connaissent que Booba et Scarface. Ils veulent aller à La Mecque parce que ça fait bien, et que ça rachète une virginité au passage. Hop, un petit selfie devant la pierre sacrée, et retour à leur vie d'embrouilles.»
Prostitution de banlieue

Depuis deux ans, la prostitution explose en banlieue. Karima loue ses services sur des sites spécialisés et gagne jusqu'à 8 000 € les bons mois. - Crédits photo : Veronique de Viguerie
Avec le temps, Karima s'est forgé la conviction selon laquelle il n'y aurait au pied des barres que deux chemins de vie possibles: se marier ou se prostituer. Elle a commencé par la première option. Il fallait se «faire valider», comme elle dit. Marcher dans les rangs, faire ce que sa famille et sa «culture» lui commandaient. A 18 ans, elle se marie donc avec son premier amour. Mais l'homme se révèle violent. La validation est une seconde prison. «Dans notre communauté, refuser de se faire sucer par une meuf, c'est une preuve de respect. Lui parler comme à une merde, par contre, ça pose pas de problème. C'est le grand n'importe quoi. Le mien, il voulait que je me teigne en blonde et que je foute le voile dessus. C'est ça, le paradoxe des mecs de banlieue. Ils sont “matrixés”. Ils veulent à la fois une chienne et une fille bien.» Je lui dis que, en y réfléchissant, c'est une variante orientale de la maman et de la putain: un fantasme masculin universel, qui dépasse largement le périphérique. Elle m'objecte que si, dans la culture occidentale, c'est idéalement la même femme qui est censée endosser ce double rôle en alternance, pour les Arabes, il faut en réalité au moins deux femmes. Une pour chaque fonction: une fille «respectable», avec laquelle ils entretiennent une relation sérieuse et qu'ils finissent en général par épouser, et une ou plusieurs filles «inavouables», denrées à la fois périssables et interchangeables, dont ils montrent les photos dénudées aux copains en gloussant.
Karima a divorcé deux ans après s'être mariée, sans parvenir à rompre complètement le lien. Habituée, finalement, à ce type de relation qu'elle a intégré comme la norme. «Matrixée», elle aussi. De ces réconciliations épisodiques est né il y a quatre ans un fils, qu'elle élève seule, comme elle peut, aménageant ses rendez-vous clients en fonction des horaires d'école et des vacances scolaires. Le gosse est un garde-fou, qui la préserve de l'abattage et l'oblige à travailler avec méthode. Karima a mis son annonce sur deux sites - Wannonce et Allo-escorte - et paie 400 euros tous les mois pour qu'elle reste bien référencée. Elle reçoit plus de 150 appels par jour sur ses trois téléphones - un pour chaque site, plus un perso. «La Maghrébine avec des formes, c'est à la mode, y a une mouvance depuis Zahia.»
Ça marche tellement bien qu'elle monnaie ses prestations dans toute la France. «En été, je fais des tournées sur la Côte d'Azur. Je modifie ma localisation sur mon profil, je me pose trois jours à l'hôtel, et ça défile. Mais j'ai des limites. Faut que ça reste humain. Trois clients maxi par jour, à 300 euros de l'heure. Ça écrème. Plus t'es chère, plus t'as des clients classe.» Ses préférés, ce sont les «babtous», des «petits Blancs» traders, dans l'immobilier ou dans le cinéma. Depuis qu'elle a commencé, Karima gagne environ 4000 euros par mois «en étant feignante», 8000 quand elle s'«arrache». Plus la CAF.
La Part du ghetto, de Manon Quérouil-Bruneel et Malek Dehoune, Fayard, 218 p., 17 € .
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Manon Quérouil-Bruneel


L'État impuissant face aux finances de l'islam de France (25.04.2018)
Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 25/04/2018 à 20h23 | Publié le 25/04/2018 à 19h22
S'il en a le pouvoir juridique, il n'a pas les moyens humains de contrôler l'argent circulant dans les lieux de culte.
Officiellement, en France, le financement de l'islam est très encadré, à l'image d'un jardin à la française. Officieusement, c'est une forêt vierge. Son véritable écosystème est sous-terrain. Donc incontrôlable et… incontrôlé. Il existe pourtant deux lois-cadres pour gérer les lieux de culte: 1901 pour les associations culturelles, 1905 pour les associations cultuelles.
Mais, en pratique, sauf scandale, l'État, s'il en a le pouvoir juridique, n'a pas les moyens humains de contrôler. Il existe 13.000 associations en moyenne par département! Sans compter qu'une association cultuelle 1905 qui récolte moins de 153.000 euros de dons par an n'a aucune obligation de déposer ses comptes en préfecture… De plus, rien n'empêche un citoyen de fonder un lieu de culte sans avoir recours à ces deux types d'associations. Il suffit d'utiliser une dérogation à la loi de 1905. Elle fut tolérée en 1907 à la demande des catholiques de l'époque qui refusaient la nouvelle législation. Cette dérogation peut profiter aujourd'hui à de petites salles de prière, et à des prédicateurs quasiment privés. Elle reconnaît en effet le droit d'ouvrir un lieu de culte «à titre individuel». Et n'exige aucun contrôle financier. Dernière possibilité: une personne physique a toujours le droit d'être propriétaire d'une salle ouverte au public qu'il peut dédier au culte.
«L'argent du terrorisme échappe aux mosquées, il est plutôt issu du système D : petits commerces et trafics de toutes sortes. C'est incontrôlable»
Didier Leschi, auteur de «Misère (s) de l'islam de France»
Une absence de gestion globale
Autre difficulté majeure pour l'État, le fonctionnement financier des mosquées lors de leur construction et une fois en activité. Il est rarissime que la construction d'une mosquée soit financée par une source unique. En général, les fidèles mettent d'abord la main à la poche. Ils peuvent être accompagnés par une collectivité locale (bail emphytéotique ou subvention culturelle). Le tout étant complété, selon l'ampleur du projet, par des institutions étrangères, comme le Fonds Hassan II, la Ligue islamique mondiale, ou encore par un État étranger, car les mosquées sont souvent édifiées par des musulmans d'une même origine, marocaine, algérienne, turque.
Mais une fois inaugurée, c'est souvent le règne de l'argent liquide: par le biais des quêtes, très importantes lors du ramadan, ou à l'occasion du pèlerinage à La Mecque qui génère d'importants flux. «Le problème du culte musulman n'est pas l'absence d'argent, observe Didier Leschi, auteur de Misère(s) de l'islam de France (Cerf), mais l'absence de gestion globale et de mise en commun des fonds. Quant à l'argent du terrorisme, il échappe aux mosquées, il est plutôt issu du système D: petits commerces et trafics de toutes sortes. C'est incontrôlable.»
Un expert de ce dossier assure toutefois: «Le président de la République sait que le Conseil français du culte musulman a torpillé - par conflit d'intérêts - le projet Cazeneuve de créer une association cultuelle nationale pour gérer l'argent de l'islam. Il prépare donc une nouvelle proposition. Le contexte n'a jamais été aussi favorable. Quant à la volonté politique de régler ce problème, elle n'a jamais été aussi forte.»

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Rédacteur en chef,
chargé des religions
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Coma imaginaire de Tolbiac : quand l'extrême-gauche s'invente des fantômes (25.04.2018)
  • Par  Adrien Dubrasquet 

  • Publié le 25/04/2018 à 11:35
FIGAROVOX/TRIBUNE - A Tolbiac, le témoin qui avait affirmé qu'un étudiant se trouvait dans le coma suite à des violences policières avoue désormais avoir menti. Pour Adrien Dubrasquet, l'extrême-gauche hantée par les spectres du passé ne lutte plus que sur le mode de la parodie.

Adrien Dubrasquet est ancien élève de l'École Normale Supérieure.

Les Français croient toujours aux fantômes. Bien sûr, ils ne sont qu'une minorité (13 % selon une étude de la SOFRES en 2000), mais une minorité extrêmement agissante, qui n'hésite pas à occuper les universités ou à soutenir les zadistes, et qui a fait l'objet de l'attention soutenue des médias ces derniers temps.
Les militants d'extrême-gauche qui ont fait la une raffolent en effet des histoires de fantômes. À chaque réforme, à chaque projet ambitieux, ils se plaisent à voir resurgir le spectre de la Révolution, de la Résistance, de Mai 68 ou des manifestations contre la loi Devaquet en 1986. Mais tout cela relève du pur fantasme: nul roi guillotiné en place de Grève, mais un pantin à l'effigie du Président de la République pendu dans la cour de Tolbiac ; nul acte de bravoure héroïque face aux SS, mais une volonté farouche de traquer la moindre violence des CRS pour aller ensuite porter plainte au commissariat contre «l'État policier» (sic). L'alliance entre les étudiants et le mouvement ouvrier qui fit trembler le pouvoir en place et permit l'obtention d'avancées sociales en 1968 est bel et bien révolue: seuls quelques centres universitaires ont été bloqués pendant que défilaient dans une relative indifférence les cheminots. On a atteint cette fois-ci le stade ultime de cette capacité d'illusion, avec l'invention de cet étudiant plongé dans le coma à la suite de l'évacuation, ce blessé fantôme, entre la vie et la mort, triste (et heureusement imaginaire) héritier de Malik Oussekine et de Rémi Fraisse.
On a atteint le stade ultime de l'illusion avec l'invention d‘un étudiant plongé dans le coma à la suite de l'évacuation.
Ces militants radicaux hantent des lieux symboliques. Bien qu'ils aient obtenu gain de cause, les zadistes de Notre-Dame-Des-Landes continuent d'occuper les lieux. Les étudiants révoltés se sont empressés de convertir leur université occupée en une «commune libre». Depuis quelques années néanmoins se fait jour une évolution majeure. Les occupations auparavant se faisaient dans un esprit démocratique: seul un ou deux amphithéâtres étaient bloqués, mais l'université demeurait ouverte car il fallait convaincre le plus grand nombre du bien-fondé de la manifestation. Désormais, ces mouvements continuent de revêtir les atours de la démocratie (on multiplie les AG, les recours au vote, etc.) mais n'ont plus rien de substantiellement démocratique: ici on vote en AG l'exclusion de l'UNI (syndicat étudiant classé à droite) des futures AG ou on organise des AG «non-mixtes» visant à exclure de potentiels participants selon des critères de race, d'orientation sexuelle ou de genre ; là on mène les débats dans un néo-langage incompréhensible, mixte d'écriture inclusive et de vocabulaire sociologisant tiré des gender studies, totalement incompatible avec l'usage d'une grammaire commune que suppose la vie dans une société démocratique. Ce sont des pratiques démocratiques fantoches. Faute de pouvoir convaincre le plus grand nombre de la justesse de sa cause, faute de chercher à occuper une place dans le débat d'idées, on investit un lieu et on trace un périmètre sacré, une enceinte au-delà de laquelle on a tort et en deçà raison. Le combat idéologique devient un combat topologique.
Le combat idéologique devient un combat topologique.
Comme dans les histoires de fantômes, les morts reviennent hanter les vivants, et le passé le présent. Ces militants de la gauche radicale sont en proie à leurs propres démons. Ils tentent de concilier tant bien que mal la perspective révolutionnaire avec l'idéologie des droits de l'homme, leur antilibéralisme économique avec leur libéralisme culturel, leur passion pour l'égalité avec leur idéologie multiculturaliste. Le spectre du marxisme plane toujours au-dessus de leurs têtes: à la recherche d'un nouveau damné de la terre, ils sont à l'affût de la moindre victime potentielle de la société. En ressort une pensée ectoplasmique. D'une part, parce qu'elle est totalement informe et incohérente: on ne peut pas avoir une lecture exclusivement raciale de la société, vouloir à tout prix défendre les «racisés» (entendre les personnes de couleur) contre un prétendu racisme structurel, et nier la possibilité même de l'existence d'un racisme anti-blanc. Et d'autre part parce que, tel un fantôme qui est une manifestation du passé dans le temps présent, cette gauche radicale ne pense le présent qu'à l'aune du passé: elle inscrit son action dans une logique de réparation et d'indemnisation du poids de l'histoire. Bien qu'elle se revendique extrêmement, voire exclusivement progressiste, elle porte un discours foncièrement conservateur, hanté par les fantômes du passé. «Le mort saisit le vif», pour reprendre Pierre Bourdieu. En s'engageant dans des logiques de discrimination positive, en accordant une place démesurée au sentiment postcolonial, en confondant allègrement les diverses temporalités et paradigmes politiques, cette gauche s'interdit de penser la transformation globale de la société. Terreau idéologique de ces militants d'extrême gauche, la pensée dite antiraciste devient elle-même une pensée raciste et devient aveugle aux propres conditions de sa production.
Bien sûr, ces étudiants nourris de passions identitaires ne sont pas les seuls à pourchasser des fantômes. Les récents événements ont montré que les responsables de la France insoumise souhaitaient nouer des liens avec les étudiants qui occupaient les universités. On a vu Alexis Corbière ou Éric Coquerel tendre la main aux révoltés de Tolbiac. Jean-Luc Mélenchon a fait part de son désir de voir les étudiants prendre le relai de la contestation. Les responsables de la France insoumise ont eu l'illusion de croire que ce mouvement étudiant, pourtant cantonné à quelques centres universitaires, pouvait faire tache d'huile, et que l'échec de la révolution par la rue lors des manifestations contre la loi Travail pourrait être effacé par celui de la révolution par les campus dans le cadre de l'opposition à la réforme universitaire. En soi, cette erreur d'appréciation traduit le désarroi idéologique qui règne parmi les forces de la gauche radicale depuis l'élection présidentielle: les responsables de la France insoumise ne savent pas s'ils doivent investir un discours laïque ou multiculturel, renouer avec un discours de classe ou opter pour un discours inspiré de la convergence des luttes.
Terreau idéologique de ces militants d'extrême gauche, la pensée dite antiraciste devient elle-même une pensée raciste.
Journalistes et responsables éditoriaux ne sont pas en reste. Eux aussi se sont lancés dans une chasse aux fantômes effrénée que la perspective du cinquantenaire de Mai 68 n'est pas venue ralentir. Comme les militants d'extrême gauche, une partie des journalistes nourrit quelques illusions: les uns rêvent d'être les Woodward et Bernstein de demain qui dénonceront un nouveau scandale du Watergate ; les autres l'Albert Londres ou le Vassilli Grossman contemporain qui assurera la couverture d'un conflit majeur. Aussi ont-ils tendance à oublier leur métier initial (informer) et à se laisser aller au sensationnalisme. Cela explique la promptitude d'une certaine presse à relayer avec force la fausse information d'un étudiant plongé dans le coma, ou à accorder une place démesurée au regard de l'ampleur du mouvement aux occupants des centres universitaires, ou à faire preuve d'une complaisance douteuse avec leurs discours ouvertement racistes et antidémocratiques. Don Quichotte et Emma Bovary n'ont pas à rougir de leurs descendants.
Sans doute tout cela peut-il être assimilé à un rite de passage. Les mythes sont tenaces. Pour devenir un véritable adulte engagé (à gauche, cela va sans dire), il faut avoir bloqué son lycée ou son université et éprouvé le frisson devant le cordon de CRS. Les plus valeureux pourront se vanter d'avoir senti l'odeur des bombes lacrymogènes ou d'avoir connu la «gardav». Il faut avoir été révolutionnaire ou résistant, mais sans risque aucun. De même, pour devenir un véritable journaliste (engagé, cela va sans dire), il faut s'être mis sur la trace d'un mensonge d'État, avoir dénoncé un abus de pouvoir ou s'être essayé au journalisme de guerre. Mais là encore, à moins d'une heure de Paris et loin des bombes.
Tout cela ne prêterait pas à conséquence si celles-ci n'étaient pas aussi inquiétantes. Dorénavant, une partie de la jeunesse militante qui se définit comme étant de gauche adhère pleinement aux discours identitaires et antidémocratiques et s'en fait le promoteur dans les moindres manifestations. C'est une autre génération militante qui émerge depuis quelques années et succède à ses aînés ont fondé SOS Racisme. Ces nouveaux militants sont mus par une pensée qui se nourrit exclusivement de fantasmes: ne leur tient lieu de discours politique qu'une succession de propositions identitaires. La construction identitaire d'un individu n'est plus liée à un projet d'émancipation sociale collective mais constitue une fin en soi, la politique identitaire devient l'idéologie d'une époque sans idéologie. L'âge identitaire est celui où l'idéologie est un fantôme et l'identité un fantasme. Il est temps d'exorciser tout cela.
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Paris et Berlin s'allient dans l'aviation de combat (25.04.2018)

  • Publié le 25/04/2018 à 20:35
Sous l'impulsion des Etats, Dassault Aviation et Airbus scellent un partenariat afin de donner un successeur aux Rafale et Eurofighter.
Historique. Sous l'impulsion politique d'Emmanuel Macron et d'Angela Merkel, la coopération franco-allemande dans la défense est relancée avec la mise en route du plus emblématique des programmes militaires: un avion de combat de nouvelle génération, dont la mise en service est envisagée à horizon 2040. Son développement sera confié à Airbus et Dassault Aviation*, éternels concurrents dans l'aviation de combat, mais désormais alliés.
Le premier jalon est posé, ce jeudi 26 avril, par Florence Parly, ministre des Armées, et son homologue allemande, dans le cadre - hautement symbolique - du salon aéronautique (ILA) de Berlin dont la France est l'invitée d'honneur. Les deux chefs d'état-major des armées signent un document détaillant les besoins communs en matière de Système de combat aérien du futur (SCAF). Il s'agit d'un préalable à la définition des spécifications des composantes du SCAF, un système high-tech connecté et complexe qui intégrera des drones évoluant en essaim, des avions de combat, un centre de commandement et d'observation aéroporté, des missiles de croisière, des satellites de télécoms sécurisés et des relais au sol.
Objectif de livraison en 2040
Ce document est «engageant et structurant», souligne le ministère des Armées à Paris. Après la phase de discussions avec les industriels, l'objectif est de signer un premier contrat d'études d'ici à fin 2018-début 2019 puis de leur confier le développement d'un démonstrateur à horizon 2025. Enfin, une fois les technologies «dérisquées», les États visent la signature d'un «contrat de développement et de production, avec un objectif de livraison en 2040». Le budget global du SCAF n'a pas été précisé. Grâce aux synergies attendues, il sera bien «moins coûteux que le F35 américain et ses 300 milliards de dollars de dépenses», assure un
observateur.
Moins de dix mois après la réunion du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité (le 13 juillet 2017) marqué par la volonté de réaliser un système aérien de combat commun, Paris et Berlin entrent dans le vif du sujet. Dans l'intervalle, les directions générales de l'armement, les armées et les industriels ont travaillé «plutôt en mode Nautilus que porte-avions», selon l'expression de l'hôtel de Brienne.
Un avion commun aux deux armées
De leurs côtés, les industriels se sont déclarés, mercredi 25 avril, prêts à travailler ensemble. Airbus et Dassault Aviation ont «décidé d'unir leurs forces pour assurer le développement et la production d'un avion européen de nouvelle génération» qui «complétera puis remplacera» l'avion de combat français Rafale, construit par Dassault Aviation et les Eurofighter, produits par Airbus, BAE et Leonardo.
Dans ce contexte, Dassault Aviation se présente comme le leader légitime et naturel du futur avion de combat, en raison de son expérience et son savoir-faire éprouvés depuis des décennies. Paris et Berlin qui valideront les propositions des industriels sont sur la même longueur d'onde: il ne faut pas tomber dans les errements coûteux du passé. L'avion, commun aux deux armées, n'aura pas dix versions mais des spécificités. Ainsi, la version française sera capable d'apponter sur le porte-avions Charles-de-Gaulle. L'avion devra aussi être capable d'emporter la dissuasion française et celle, américaine, de l'Otan. De son côté, Airbus a déjà été choisi pour piloter le programme de futur drone de surveillance européen, baptisé Eurodrone, dont une maquette est dévoilée au salon de Berlin.
«C'est un accord et un moment historique pour l'industrie européenne»
Dirk Hoke, directeur général d'Airbus Defence
Le SCAF «constitue un signal fort en Europe et pour l'Europe», a souligné Éric Trappier. «C'est un accord et un moment historique pour l'industrie» européenne, a ajouté Dirk Hoke, directeur général d'Airbus Defence, un grand pas en avant pour développer les compétences en Europe et assurer la souveraineté européenne.» Face aux États-Unis et à l'Asie, ce projet franco-allemand, une fois consolidé, est ouvert à d'autres pays européens, en particulier le Royaume-Uni avec lequel la France a mené ces dernières années des études sur un drone de combat.
Avec le SCAF, Paris et Berlin ouvrent la voie à la convergence des forces autour d'un unique avion européen contre trois appareils aujourd'hui, avec le Rafale, l'Eurofighter et le Gripen suédois. Le SCAF offre aussi un nouvel argument à ceux qui prônent la préférence européenne et se désolent de voir de nombreux pays de l'Union acheter le F 35 américain.
Dans quelques semaines, Airbus et Dassault Aviation présenteront aux États le projet industriel (répartition de la charge de travail, des essais et de l'assemblage). Ils sont d'accord sur un point: il faut un leader, il faut du pragmatisme, il faut de l'efficacité. Pas question, martèle Tom Enders, le président exécutif d'Airbus, de revivre «le cauchemar de l'A 400M», ou encore du «NH 90» qui a davantage de versions que de clients! «L'objectif est de faire dans les spécifications, dans les temps et dans les budgets», résume-t-on en France.
*Le groupe Dassault est propriétaire du Figaro.
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Attaque terroriste : comment les supermarchés organisent leur protection (24.04.2018)
Par Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 25/04/2018 à 10h36 | Publié le 24/04/2018 à 19h35
ENQUÊTE - Depuis le drame de Trèbes, les professionnels étudient les réponses à apporter en cas de nouvel attentat.
La tuerie du Super U de Trèbes, dans l'Aude, le 23 mars dernier, aiguillonne la réflexion des professionnels de la sûreté en France. Les grandes surfaces sont-elles suffisamment armées pour faire face à cette menace qui n'est pas nouvelle? Le 9 janvier 2015, déjà, l'attaque islamiste contre l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes, à Paris, avait causé la mort de quatre innocents et fait cinq blessés.
Au fil des événements, les meilleurs experts réunis au sein du Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE) tentent d'affiner les stratégies, mais «il n'y a pas de recette miracle», assure Jo Querry, figure de l'Antigang et ancien patron de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat). Selon lui, «force est de constater que chaque attaque a sa propre logique. Des personnes ont été tuées pour avoir tenté de quitter les lieux pris pour cibles, d'autres ont été piégées sur place. Il n'y a pas de règle générale et absolue. Ce sont les circonstances qui commandent.»
Un équilibre à trouver
Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, le gouvernement avait lancé une campagne de sensibilisation pour mieux préparer les citoyens à ce type d'attentats. Une fiche sur la meilleure manière de «réagir en cas d'attaque terroriste» donnait pour instruction de «s'échapper, se cacher (si possible) et d'alerter» les autorités. Les opérateurs privés ont parallèlement déployé des moyens importants pour sécuriser leurs commerces, les salles de spectacles, les stades. «Jamais la demande de sécurité n'a été aussi forte dans le secteur», assure le criminologue Alain Bauer. Elle pullule même, tant l'ingénierie en matière de sûreté des installations accueillant du public s'est développée ces dernières années. «Avec une multiplicité d'intervenants, plus ou moins inspirés ou qualifiés, d'ailleurs», reconnaît-on place Beauvau.
Un haut responsable à la direction générale de la police nationale l'assure: «Si, dans le milieu aérien, les contraintes de la sûreté renforcée ont fini par être acceptées, elles restent délicates à intégrer dans le secteur de la distribution, par exemple: les grandes surfaces redoutent qu'un contrôle trop tatillon ne dissuade la clientèle de venir faire ses courses. L'équilibre n'est pas simple à trouver.»
Un préfet très au fait des questions de sécurité le dit, pour sa part: «Vous pouvez mettre autant de vigiles que vous voulez à fouiller les sacs à l'entrée d'un magasin, si une poignée de fanatiques armés de kalachnikovs entre à force ouverte dans une galerie commerciale, rien ne pourra la stopper dans les premières minutes les plus meurtrières.» Selon lui, «même des agents armés, anciens militaires ou ex-policiers, comme à Disneyland Paris, n'auraient que peu de chance face à la puissance de feu des armes de guerre.» L'armement des privés est exceptionnel en France et ceux qui y ont accès cultivent plutôt la discrétion. Ainsi le service de la sécurité portuaire du port du Havre qui emploie 134 agents assermentés.
 «Les enseignes ont lourdement investi dans la lutte contre le vol, les dispositifs électroniques, mais finalement assez peu dans la sûreté humaine»
Alain Bauer, criminologue
Concernant les établissements commerciaux accueillant un large public, le Pr Bauer l'affirme: «Les enseignes ont lourdement investi dans la lutte contre le vol, les dispositifs électroniques, mais finalement assez peu dans la sûreté humaine.» Il faut repenser, selon lui, le concept de sûreté dans les magasins, ne pas se contenter d'appuyer sur le bouton police en attendant la cavalerie. Car les temps d'intervention, même raccourcis à 20 minutes en principe, après le redéploiement des unités spécialisées sous Bernard Cazeneuve en 2016, sont toujours trop longs.
«Des réponses qualitatives sont proposées, mais comme elles sont plus chères, elles sont souvent retoquées», confie un expert de l'Union des entreprises de sécurité privée (USP). Concrètement, puisque les récentes affaires ont montré que les victimes d'attaques terroristes pouvaient se réfugier dans les chambres froides des magasins, des propositions sont formulées pour mieux sécuriser ces zones de repli, à l'instar des panic rooms installées dans certains logements luxueux.
Appel à des acteurs privés
Les procédures d'évacuation des personnels pourraient aussi être revues, avec création de sorties de secours. «Au Bataclan, les issues étaient d'un seul côté, ce qui a contribué à augmenter le nombre de victimes contraintes de traverser la pièce pour fuir», rappelle un connaisseur du dossier. La circulation du public au sein des magasins pourrait aussi être repensée. Bien souvent, elle est principalement dictée par le souci d'inscrire le client dans un parcours d'achat qui le canalise sans échappatoire possible.
Ancien patron du Raid nouvellement député LaREM de Seine-et-Marne, Jean-Michel Fauvergue s'est vu confier, le 5 février dernier, par Gérard Collomb, avec sa collègue de la Drôme, Alice Thourot, une mission sur le «continuum de sécurité». Objectif: donner plus de place aux acteurs privés dans le cadre de partenariats avec les forces de l'ordre. «Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère pour la sécurité globale», assure le ministre de l'Intérieur.
«En Espagne, les privés sont placés sous l'autorité d'une sous-direction de la police nationale», rappelle le commissaire Fauvergue. Son rapport, qui sortira d'ici à la mi-juillet, ira forcément vers un rôle accru de la sécurité privée, sous le contrôle renforcé des services de l'État qui ne peuvent plus tout traiter à eux seuls. Le contexte terroriste en France a sérieusement fait bouger les lignes.

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Rédacteur en chef adjoint (sécurité intérieure, affaires judiciaires, immigration)
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NDDL : la facture sécuritaire dépasse déjà les 5 millions d'euros (25.04.2018)
Par Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 25/04/2018 à 21h24 | Publié le 25/04/2018 à 20h30
EXCLUSIF - Cette somme a été calculée a minima, en retenant les fourchettes basses. Le Figaro détaille les différents postes de dépenses, des indemnités de déplacement à la casse de matériel.
Plus de cinq millions d'euros! Ce sera la facture de l'expulsion des zadistes de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) à la fin de la semaine. Le seul coût sécuritaire, calculé a minima. Le Figaro a en effet retenu les fourchettes basses et l'affaire de la ZAD n'est pas terminée.
Depuis le 9 avril, 20 à 25 escadrons de gendarmes mobiles (65 hommes par escadron) sont entrés en scène. Il faut y ajouter les renforts dans la région de 2 à 6 compagnies de CRS (75 hommes par unité). Le plus important dispositif déployé sur plusieurs semaines depuis les émeutes de 2005. L'opération coûte plus de 15.000 euros par jour et par unité.
Premier poste budgétaire: les indemnités de déplacement. L'indemnité journalière d'absence temporaire (Ijat) atteint 40 euros par homme et par jour. Multipliez cela par le nombre d'unités envoyées et par 20 jours de présence, à la fin de cette semaine, ce seul poste dépassera le million et demi d'euros! Il y a même des «surprimes» pour les CRS.
Deuxième poste: l'hôtellerie. Vu le nombre de forces dépêchées, la majorité des gendarmes ne dort pas en caserne mais à l'hôtel, comme les CRS. À plus de 3000 euros par jour et par unité. Total de ce deuxième poste: encore 1,5 million d'euros. Il faut aussi loger les états-majors de coordination (GTG, GOMO), sans parler du directeur général de la gendarmerie nationale et de son aréopage d'officiers.
Ce n'est pas tout. La nourriture, le carburant, les péages entrent en ligne de compte et alourdissent la facture globale de déplacement d'un troisième tiers. Soit encore 1,5 million d'euros. Et c'est un minimum, car, pour l'occasion, la maréchaussée a sorti toute sa panoplie: deux hélicoptères (à 1500 euros, voire 2000 euros l'heure de vol), des drones, des blindés. «Les 2 millions d'euros sont largement dépassés sur ce poste», assure un officier.
Il a fallu, en outre, louer des engins à des entreprises pour démolir en partie la ZAD (déconstruction loin d'être achevée). Certains matériels de ces privés ont même été détruits par des soutiens des zadistes lors d'opérations commando: des dépanneuses et deux chargeuses industrielles. La facture de ce vandalisme dépasse le demi-million d'euros.
Plus de 300.000 euros de grenades lacrymo déjà tirées
Et les munitions? Plus de 10.000 grenades tirées par les gendarmes en même pas trois semaines! À 30 euros pièce la lacrymogène de base, 40 euros la lacrymo à effet sonore et 50 euros l'unité pour une grenade de «désencerclement», le coût dépasse ici les 300.000 euros. Sans compter ce que les CRS eux-mêmes ont utilisé.
Dommages physiques
Par ailleurs, tout chef d'unité qui se respecte n'oubliera pas de mentionner la «casse de matériel», les boucliers, les casques, les tenues abîmés et même les engins endommagés. Les 500.000 euros de munitions et de dommages seront vite dépassés. Sans compter le coût induit par les dommages physiques subis par les hommes sur le terrain. La gendarmerie a évoqué environ 70 blessés depuis le début de l'opération.
Au total, une facture à plus de 5 millions d'euros. Bien sûr, elle n'inclut pas les soldes et traitements. Il était inévitable, de toute façon, que ces professionnels du maintien et du rétablissement de l'ordre soient employés loin de leur base, tant on les sollicite en tout point de l'Hexagone, mais aussi outre-mer. Les gendarmes mobiles et CRS passent en moyenne 220 jours par an sur le terrain.
Mais quand ils sont massés aussi longtemps sur 1650 hectares dont beaucoup de Français n'ont que faire, surtout après l'abandon du projet d'aéroport, ils manquent ailleurs. Dans les banlieues où le feu couve, mais aussi aux frontières. Des identitaires ont même prétendu faire le travail à leur place dans les Hautes-Alpes dimanche dernier.
Fallait-il faire durer cette «der des ders» à Notre-Dame-des-Landes?
À VOIR AUSSI - Notre-Dame-des-Landes: les explulsions vues de l'intérieur de la ZAD
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 26/04/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Évasion manquée de la princesse Latifa : l'affaire rebondit au Luxembourg (25.04.2018)

Par Amel Charrouf
Mis à jour le 25/04/2018 à 12h54 | Publié le 25/04/2018 à 12h07
Un Français, complice de la tentative de fuite de son pays de la princesse Latifa, fille de l'émir de Dubaï, a été arrêté. L'organisateur de l'expédition, Hervé Jaubert, contredit la version de l'affaire fournie par les autorités émiraties.
L'évasion de la princesse Latifa Al Maktoum n'a pas encore livré tous ses secrets. C'est encore - après l'ex-agent secret Hervé Jaubert - un Français qui est mêlé à cette affaire rocambolesque. Christian Elombo, âgé de 40 ans, est professeur de fitness et d'art martiaux. Il a été arrêté à Oman au début du mois de mars à la demande des Émirats arabes unis peu de temps après que sheikha Latifa s'est échappée. Il est accusé d'avoir transporté la princesse hors des frontières des Émirats afin de l'aider à s'enfuir. Mais Oman a choisi de rejeter la demande d'extradition émanant de Dubaï et Christian Elombo a été libéré et autorisé à rentrer chez lui. Le 5 avril, il a pu ainsi rejoindre le Luxembourg où il a été, à nouveau, interpellé pour kidnapping via un mandat d'arrêt international délivré par Interpol.
La justice luxembourgeoise a précisé que les Émirats arabes unis disposaient d'un délai maximum de 45 jours à compter de son arrestation pour déposer une demande d'extradition par voie diplomatique. Dubaï devra fournir des preuves tangibles pour étayer sa requête. Les documents devront être rédigés en allemand ou en français, avec une description détaillée des faits. La chambre du conseil de la cour d'appel donnera ensuite un avis motivé au ministre de la Justice luxembourgeoise, Félix Braz. Ce dernier est le seul décideur de l'extradition.
Maltraitance
Christian Elombo se serait porté au secours de la princesse Latifa pour mettre fin à ses souffrances et à sa détresse morale. «Chris est un bon garçon, il est fier d'être français et de servir son pays. Il ne regarde jamais le poids, l'âge, le handicap, la couleur ou la nationalité et aime tout le monde, en regardant toujours ce qui est bon chez les gens et en essayant de voir les bonnes choses dans chaque situation», a expliqué sa famille dans un communiqué diffusé par l'ONG Deteined in Dubaï qui soutient la princesse émiratie.
Cheikha Latifa, une des filles de l'émir de Dubaï, cheikh Mohammed ben Rashid Al-Maktoum, était apparue dans une vidéo sur YouTube en mars pour annoncer son «évasion» de son pays où elle dit avoir été maltraitée par son père et les autorités locales. Elle se plaignait d'avoir été séquestrée et d'avoir subi divers abus. Un document tourné avant l'arraisonnement du yacht à bord duquel elle avait pris la fuite en compagnie d'une amie finlandaise et de l'ex-agent secret français et homme d'affaires Hervé Jaubert a été mis en ligne après l'échec de son échappée. Le bateau avait été pris d'assaut le 4 mars au large des côtes indiennes par des commandos armés.
La princesse «va bien»
Selon une source proche du gouvernement de Dubaï, citée le 17 avril par l'AFP, le sort de la princesse serait une «affaire privée» qui a été «exploitée» par une «bande d'escrocs» et par le Qatar, grand rival des Émirats dans le Golfe. La princesse a été «ramenée» auprès de sa famille et «va bien» poursuivait cette source rompant le silence des autorités locales autour d'une affaire qui embarrasse la famille de l'émir.
Une version évidemment contestée par Hervé Jaubert, le maître d'œuvre de la tentative d'évasion. Selon lui, les dernières déclarations anonymes du gouvernement emirati sont contraires à la vérité. «La vidéo de la princesse Latifa reste une preuve de son évasion de plein gré», affirme-t-il au Figaro. Il revient également sur le sort réservé à Latifa. Pour lui, «la seule façon de vérifier si la princesse est heureuse parmi les siens est de lui permettre de faire une déclaration télévisée depuis un pays libre et sans contrainte». Il ajoute: «Je sais pour connaître Latifa que si elle était libre elle communiquerait avec Tina (son amie finlandaise, NDLR) et moi, or ce n'est pas le cas».




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