vendredi 15 décembre 2017

Islamisme et politique 11.12.2017

Explosion à New York : trois blessés dans «une tentative d'attentat terroriste» (11.12.2017)
Policiers tués à Magnanville: un homme en garde à vue (11.12.2017)
Après 35 ans d'interdiction, des cinémas vont ouvrir en Arabie saoudite (11.12.2017)
Istanbul : les assassins présumés de la tuerie du Reina devant la justice (11.12.2017)
Poutine annonce le retrait d'une «partie significative» des forces russes en Syrie (11.12.2017)
La Russie est-elle le nouveau maître du monde arabe ? (10.12.2017)
Jérusalem : «Les Américains ont perdu toute légitimité dans leur rôle de médiateur» (10.12.2017)


Explosion à New York : trois blessés dans «une tentative d'attentat terroriste» (11.12.2017)
Par Le figaro.fr et AFP agenceMis à jour le 11/12/2017 à 18h31 | Publié le 11/12/2017 à 14h41
VIDÉO - À l'heure de pointe, une explosion a eu lieu près de la gare routière de Manhattan, blessant trois personnes en plus du suspect. Ce dernier, un homme de 27 ans qui portait sur son corps «un engin explosif rudimentaire», a été arrêté.
Un homme a déclenché une bombe artisanale dans un tunnel de correspondance près de Times Square ce lundi matin, faisant trois blessés, nouvel attentat à New York après une attaque au camion-bélier fin octobre. «C'est une tentative d'attentat terroriste», a déclaré à la presse le maire de New York, Bill de Blasio. L'explosion est survenue à l'heure de pointe, à 7h20 (13h20 en France), dans un tunnel reliant les grands noeuds de transport que sont Times Square et la gare routière de Port Authority, près de la 42e rue et de la 8e Avenue.
L'explosion a été déclenchée par un homme de 27 ans, identifié comme Akayed Ullah, du quartier de Brooklyn, qui portait attaché au corps avec des bandes Velcro «un engin explosif rudimentaire», qui aurait explosé prématurément, a précisé le chef de la police, James O'Neill. Le suspect a été arrêté, avec des «blessures et des brûlures au corps», et a été hospitalisé, a-t-il ajouté. Trois personnes qui se trouvaient à proximité immédiate ont également été blessées, même si «aucune n'est en danger de mort», selon les pompiers new-yorkais. Plusieurs médias américains ont indiqué qu'il était originaire du Bangladesh, d'où il serait arrivé il y a sept ans.
La gare routière a été rapidement évacuée, le quartier bouclé, et plusieurs lignes de métro qui passent par le secteur ont été immédiatement arrêtées ou ne marquaient plus l'arrêt. Une grande partie du trafic avait cependant été rétabli peu avant 10 heures (16 heures à Paris). L'évacuation s'est faite sans panique, dans le calme, selon des journalistes de l'AFP sur place. L'incident a été enregistré par les caméras de surveillance du tunnel, a indiqué James O'Neill.
Une ville encore marquée par le terrorisme
L'incident intervient à l'approche de la période de Noël, particulièrement sensible dans la ville la plus peuplée des États-Unis. New York est considérée comme une cible privilégiée des mouvements terroristes et fait l'objet d'une surveillance particulièrement étroite. La ville a été le théâtre de plusieurs incidents terroristes ou tentatives d'attentats ces dernières années, le plus souvent des «loups solitaires» se réclamant du djihadisme islamiste. De nombreux touristes visitent New York pendant les fêtes d'années qui culminent avec le grand rassemblement de Times Square, le 31 décembre, auquel assistent chaque année près d'un million de personnes pour marquer le passage à la nouvelle année.
Le 31 octobre dernier, une attaque au camion bélier avait fait huit morts et douze blessés à Manhattan. Sayfullo Saipov, un Ouzbek de 29 ans, avait remonté avec un pick-up de location une piste cyclable le long de l'Hudson, à la pointe sud de Manhattan, fauchant les passants qui se trouvaient sur son chemin avant de percuter un bus scolaire. Le suspect, qui avait prêté allégeance à l'EI, a été immédiatement arrêté et emprisonné. Cet attentat était le premier attentat mortel survenu à New York depuis les attentats du 11-Septembre.

Policiers tués à Magnanville: un homme en garde à vue (11.12.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 11/12/2017 à 16h32 | Publié le 11/12/2017 à 14h53
Un proche du djihadiste Larossi Abballa, qui a tué le 13 juin 2016 un policier et sa compagne à leur domicile de Magnanville (Yvelines), a été placé en garde à vue aujourd'hui, son ADN ayant été retrouvé au domicile du couple.
Cet "homme de 24 ans au profil radicalisé et dont l'empreinte génétique a été retrouvée sur l'ordinateur de la famille" avait déjà été placé en garde à vue en avril, selon une des sources proches de l'enquête, qui confirmait une information du Parisien. Interpellé lundi matin aux Mureaux (Yvelines), il pourrait être présenté au juge d'instruction dans l'après-midi, a précisé une de ces sources.
L'homme, qui n'est pas fiché S, "faisait partie du cercle restreint de Larossi Abballa", selon une autre source. Aballa avait été tué sur place par la police. Il s'agit du frère d'un autre proche d'Abballa, déjà mis en examen dans cette enquête et soupçonné d'avoir pu apporter un soutien logistique au tueur du policier Jean-Baptiste Salvaing et de sa compagne Jessica Schneider.
L'homme interpellé lundi matin est déjà poursuivi dans l'enquête sur le commando de femmes soupçonné d'avoir préparé un attentat à la voiture piégée en septembre 2016 près de la cathédrale Notre-Dame, à Paris, trois mois après les assassinats de Magnanville. Mis en examen pour "non-dénonciation d'un crime terroriste", il avait été libéré en janvier après plus de quatre mois de détention provisoire.
Des liens entre le double assassinat de Magnanville et cet attentat avorté à Paris ont été mis en lumière par les enquêteurs: Rachid Kassim, considéré comme l'un des propagandistes francophones les plus dangereux du groupe Etat islamique (EI), était en contact avec Abballa et le commando de femmes via la messagerie cryptée Telegram. Il est suspecté d'avoir inspiré les deux attaques depuis la zone irako-syrienne où il s'était réfugié.
Kassim a vraisemblablement été tué courant février dans un bombardement de la coalition contre l'EI près de Mossoul, en Irak, selon des sources américaines et françaises.

Après 35 ans d'interdiction, des cinémas vont ouvrir en Arabie saoudite (11.12.2017)
Publié le 11/12/2017 à 13h12
Le royaume wahhabite a annoncé ce lundi qu'il allait autoriser l'ouverture de salles de cinéma dans le pays en début d'année 2018. Les premières salles devraient ouvrir leurs portes au mois de mars, et d'ici 2030 l'Arabie saoudite devrait compter plus de 300 cinémas.
Quelques semaines après avoir autorisé les femmes à conduire, la très conservatrice Arabie saoudite prépare une deuxième révolution: dès le début de l'année 2018, des salles de cinéma vont être ouvertes dans le royaume.
Depuis plus de 35 ans, une interdiction visant ces lieux de divertissement était en vigueur dans le pays . Elle vient d'être levée, a annoncé lundi le ministère de la Culture. Les cinémas avaient été interdits dans les années 1980 sous la pression des religieux alors que la société saoudienne s'orientait vers une application restrictive de l'islam refusant le divertissement et la réunion d'hommes et de femmes dans un même lieu public. Les autorités vont délivrer dès à présent les permis d'exploitation, selon la même source.
«C'est un moment clé dans le développement de l'économie culturelle dans le pays», a déclaré le ministre de la Culture Awad al-Awad dans le communiqué. «Ouvrir des cinémas va agir comme un catalyseur sur la croissance économique et la diversification», a-t-il ajouté.
Dans le cadre d'un ambitieux plan de réformes économiques et sociales soutenu par le prince héritier Mohammed ben Salmane, le gouvernement tente de promouvoir des formes de divertissement --concerts, spectacles, cinémas- dans le royaume malgré l'opposition des milieux ultraconservateurs.
30.000 emplois d'ici 2030
Les premières salles devraient ouvrir leurs portes au mois de mars, et d'ici 2030 l'Arabie saoudite devrait compter plus de 300 cinémas avec quelque 2000 écrans, précise un communiqué du gouvernement.
Selon les estimations officielles, l'industrie cinématographique devrait apporter environ 90 milliards de rials (24 milliards de dollars) à l'économie saoudienne et créer 30.000 emplois d'ici 2030. Une commission présidée par Alawwad précisera le détail des agréments et des règlements pour les exploitants de salles et pour la diffusion des oeuvres dans les prochaines semaines.
Contrairement à ses prédécesseurs, «MBS» entend miser sur la jeunesse et les femmes - 70% des Saoudiens ont moins de 30 ans - et mettre au pas les traditions ultraconservatrices du royaume. Un royaume qui, pendant des décennies, n'avait rien à offrir à ses jeunes: pas de concerts ni de salles de cinéma, très peu de divertissements d'aucune sorte, pas de restaurants mixtes, etc.
Mais ces changements ne plaisent pas à tout le monde. En janvier, le mufti d'Arabie saoudite s'était insurgé contre la possible ouverture de salles de cinéma, affirmant qu'elles seraient sources de «dépravation» car elles favorisent la mixité.
Même si les salles étaient interdites, le cinéma saoudien commence à être reconnu internationalement. La comédie romantique Barakah Meets Barakah de Mahmoud Sabbagh a ainsi été projetée à la Berlinale tandis que Wadjda de Haifaa Al-Mansour a été en 2013 le premier film du royaume à participer aux Oscars du meilleur film étranger.
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Istanbul : les assassins présumés de la tuerie du Reina devant la justice (11.12.2017)
Par Delphine Minoui
Mis à jour le 11/12/2017 à 11h34 | Publié le 11/12/2017 à 07h32
Près d'un an après la tuerie sanglante du Nouvel an qui avait coûté la vie à 39 personnes, 56 personnes sont jugées lors d'une session d'assises qui doit durer cinq jours. Parmi elles, le tueur présumé, un Ouzbek de 34 ans, Abdulkadir Masharipov.
De notre correspondante à Istanbul
Près d'un an après la tuerie sanglante du club Reina, le procès des auteurs présumés s'ouvre ce lundi en Turquie. Une audience placée sous haute surveillance: c'est dans l'enceinte ultraprotégée de la prison de Silivri, à 70 kilomètres d'Istanbul, qu'elle se déroule. Au total, pas moins de 56 personnes seront jugées, lors d'une session d'assises qui devrait durer cinq jours. Parmi elles, le tueur présumé, un Ouzbek de 34 ans, Abdulkadir Masharipov. Dans la nuit du 31 décembre 2016 au 1er janvier 2017, l'assaillant avait fait irruption dans cette boîte de nuit très prisée, située au bord du Bosphore, avant de tirer sur la foule dans l'objectif évident de tuer un maximum de personnes. Ce soir-là, quelque 600 personnes du monde entier y célébraient le réveillon: 39 d'entre elles y ont trouvé la mort, et 79 autres ont été blessées, dont deux Français touchés par balles.
L'attaque, la première à avoir été revendiquée par l'organisation de l'État islamique, avait créé beaucoup d'émoi, d'autant plus que l'homme était parvenu à s'échapper vivant du carnage. Au terme d'une traque infernale, Masharipov avait finalement été repéré chez un ami, puis arrêté le 16 janvier. Il a, depuis, reconnu les faits, expliquant avoir voulu «supprimer les infidèles et les chiens».
Parmi les personnes jugées ce lundi figurent également un Franco-turc de 22 ans, Abdurrauf Sert, présenté par la justice turque comme le co-organisateur de l'attentat, et une Franco-Sénégalaise, mariée religieusement avec Masharipov. De nombreux ressortissants d'autres pays sont également pointés du doigt par la justice turque: 12 Chinois, essentiellement Ouïgours, 11 Turcs, 10 Ouzbeks, 2 Kirghizes, 2 Tadjiks, 2 Russes, 2 Égyptiens, 1 Somalien.
Selon les premiers éléments de l'enquête, et après l'analyse d'une carte mémoire retrouvée dans une tablette informatique, Daech aurait guidé l'assassin à distance depuis son fief syrien, via la messagerie cryptée Telegram. À l'origine, la cible originelle visée était la grande place Taksim, dans la partie européenne de la ville. Mais l'important dispositif sécuritaire mis en place la nuit du nouvel An avait dissuadé le terroriste de passer à l'acte. Il s'était alors rabattu sur un objectif plus éloigné, le fameux club Reina.
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Poutine annonce le retrait d'une «partie significative» des forces russes en Syrie (11.12.2017)


Par Pierre Avril
Mis à jour le 11/12/2017 à 15h59 | Publié le 11/12/2017 à 12h44
Le président russe a fait une escale, lundi, sur la base de Hmeimim en Syrie, où il a revendiqué la victoire complète sur l'État islamique.
De notre correspondant à Moscou
Vladimir Poutine a fait une escale surprise, lundi après-midi sur la base militaire russe de Hmeimim en Syrie où il a été reçu par Bachar el-Assad et le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou. L'occasion pour le président russe de revendiquer une victoire complète sur l'État islamique et d'ordonner le début du retrait du contingent russe du pays. «En deux bonnes années, les forces armées de Russie et de Syrie ont écrasé le groupe terroriste le plus combatif au niveau international, et j'ai pris la décision suivante: une partie significative du contingent militaire rentre à la maison», a déclaré le chef du Kremlin en félicitant ses troupes: «Vous êtes victorieux et vous rentrez chez vous… La mère patrie vous attend, mes amis. Bon voyage, je suis reconnaissant pour votre mission», a-t-il ajouté. Le retrait devrait s'effectuer au cours des trente jours qui viennent, a précisé le chef adjoint du Comité de la Défense au Conseil de la Fédération, Frantz Klintsevitch.
L'escale syrienne de Vladimir Poutine intervient quelques jours après l'annonce du chef de l'État de briguer un quatrième mandat aux élections présidentielles de mars 2018, et au moment où une vague patriotique se lève dans le pays. «Les victimes et les pertes n'interrompront pas notre combat contre le terrorisme. Ce n'est pas le caractère de notre peuple. Au contraire, la mémoire nous donnera une force supplémentaire pour éradiquer ce mal absolu, le terrorisme international, quelle que soit la manière dont il s'accoutre».
Dans la foulée de son escale syrienne, le chef du Kremlin s'est envolé pour l'Égypte où il a rencontré le président Sissi. Il était également attendu en Turquie pour sa septième visite de l'année. Une rencontre avec son homologue Recepp Tayip Erdogan était annoncée, et ceci dans le cadre des négociations de paix engagées depuis près d'un an. «La Syrie est conservée comme un État souverain et indépendant» s'est félicité Vladimir Poutine, s'exprimant devant Bachar el-Assad qui a exprimé ses remerciements à son hôte. «Les pilotes sont tout le temps dans les airs. Merci à eux», a dit le président syrien qui avait déjà effectué une autre visite surprise à Sotchi il y a deux semaines.
Moscou n'a pas apprécié une récente déclaration du ministre français de la Défense Jean-Yves le Drian, qui reprochait à la Russie de s'attribuer la victoire sur l'État islamique. Pour sa part, le président français Emmanuel Macron a annoncé que les opérations militaires contre Daech continueraient jusqu'à la mi-février, s'inscrivant ainsi en faux contre le Kremlin qui pour sa part, avait déclaré la Syrie, «totalement libérée» de Daech.
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La Russie est-elle le nouveau maître du monde arabe ? (10.12.2017)
Par Pierre Avril et Service InfographieMis à jour le 11/12/2017 à 13h52 | Publié le 10/12/2017 à 18h28
ENQUÊTE - Revenue au Moyen-Orient en 2015, par son intervention militaire en Syrie, Moscou n'a depuis cessé d'y accroître son influence.
Correspondant à Moscou
Le printemps arabe, commencé en 2011, les manifestations anti-Poutine, puis la révolution en Ukraine ont renforcé au Kremlin l'impression d'être une citadelle assiégée. En intervenant en Syrie, la Russie a vu l'opportunité d'inverser le mouvement et de reprendre l'initiative.
• Moscou peut-il s'appuyer sur son passé soviétique?
Qui se souvient du FLD, le Front de libération du Dhofar? Personne si ce groupe armé marxiste des années 60 n'avait eu comme parrain l'URSS. L'Union soviétique ne fut jamais en reste pour soutenir, au nom de la cause anti-impérialiste, les mouvements nationalistes et révolutionnaires arabes. Le FLD, qui tenta sans succès de renverser les monarchies du Golfe, survécut une dizaine d'années avant de tomber dans les oubliettes de l'histoire.
En recevant le monarque saoudien Salman, en octobre dernier, Vladimir Poutine a rappelé que l'URSS fut le premier État à reconnaître le royaume en 1926
Mais, au moment où la Russie s'impose comme le faiseur de paix en Syrie, c'est toute l'empreinte soviétique au Moyen-Orient qui revient en mémoire. En recevant le monarque saoudien Salman, les 5 et 7 octobre dernier à Moscou, Vladimir Poutine a rappelé que l'URSS fut le premier État à reconnaître le royaume en 1926. Celle-ci s'imposa dans la région après 1952, à la faveur de l'arrivée au pouvoir en Égypte du clan Nasser, qui renversa la monarchie de l'époque soutenue par les Britanniques. Le début d'une coopération militaire fructueuse, qui ne s'est jamais étiolée.
L'Algérie aussi reçut des armes soviétiques durant la guerre d'indépendance. Moscou peut enfin se prévaloir d'une victoire idéologique grâce au Yémen du Sud. De 1967 à 1990, ce dernier fut le seul régime 100% marxiste du monde arabe, qui exista jusqu'à la réunification - provisoire - du pays.
À cette même époque, le régime soviétique s'écroula et avec lui son empreinte moyen-orientale. «Notre influence fut réduite à zéro. La Russie n'avait plus les ressources financières pour conduire sa propre politique dans une région qui avait perdu tout intérêt pour Moscou», rappelle Kirill Semionov, du Conseil russe des affaires internationales.
• La guerre en Syrie signe-t-elle le grand retour de la Russie?
Dans une tribune publiée sur le site du club Valdaï, un think-tank russo-occidental proche du Kremlin, l'analyste égyptienne Nouhran El-Cheikh n'hésite pas à qualifier l'épisode syrien de «miracle poutinien du Moyen-Orient». En réalité, c'est un complexe enchaînement d'événements surgis lors des printemps arabes qui a propulsé Moscou sur cette scène.
En 2011, après le renversement de Moubarak au Caire, la Russie s'est sentie trahie par Londres et Paris, qui avaient obtenu d'elle sa neutralité au moment d'engager une opération aérienne en Libye. Or celle-ci aboutit, au mépris des résolutions de l'ONU, à la chute de Kadhafi, longtemps allié et partenaire économique de Moscou. Quelques mois plus tard, lorsque Assad fut menacé à son tour, le Kremlin accusa, non pas la rue syrienne, mais de soi-disant sponsors occidentaux. L'argument de la menace islamiste, notamment incarnée par les rebelles du Caucase russe partis au djihad, ne fut utilisé que plus tard par le pouvoir russe.
«Tout ce qui s'est passé n'est que le reflet des événements ukrainiens»
Kirill Semionov, du Conseil russe des affaires internationales
Facteur aggravant, les événements arabes coïncidèrent avec les mouvements de rue anti-Poutine de l'hiver 2011-2012 puis, deux ans plus tard, avec la révolution ukrainienne pro-européenne qui renversa le pouvoir prorusse. Le Kremlin y vit l'expression d'une même logique, ainsi résumée, en 2014, par le secrétaire général adjoint du Conseil de sécurité, Mikhaïl Popov: «Avec les événements du printemps arabe, le conflit militaire en Syrie et la situation en Ukraine, de nouvelles menaces militaires pèsent sur la Russie.»
L'intervention militaire russe en septembre 2015 en Syrie - où elle possédait une petite base navale, à Tartous - constitua la réponse la plus visible à ce nouveau défi sécuritaire. Moscou pensa même un temps utiliser le levier militaire syrien pour amener les Occidentaux à lever leurs sanctions prises après l'intervention dans le Donbass. Sans succès. Ainsi, pour Kirill Semionov, «tout ce qui s'est passé n'est que le reflet des événements ukrainiens», l'expert soulignant le caractère fortuit de cette nouvelle domination russe.
• La Russie est-elle devenue incontournable?
Dans cette crise, «elle est la seule véritable puissance qui entretient des contacts avec tout le monde et peut prétendre jouer les intermédiaires entre tous les acteurs en présence», constate Marina Belenkaya, une spécialiste russe du monde arabe. Parfaite illustration de l'étendue de sa médiation, Moscou coopère étroitement avec l'Iran pour parvenir à un cessez-le-feu et à une solution politique en Syrie, alors que plus grand monde - de l'Arabie saoudite aux États-Unis - ne collabore avec Téhéran.
«Les pays du Moyen-Orient respectent la force, c'est pourquoi ils éprouvent du respect à notre égard»
Vladimir Issaev, spécialiste arabisant à l'Institut des pays d'Asie et d'Afrique
Parallèlement, Vladimir Poutine reçoit en grande pompe au Kremlin le monarque saoudien Salman Ben Abdelaziz, engagé dans une guerre avec le régime chiite au Yémen. Ainsi, il accepte de bonne grâce de jouer le rôle de contrepoids à l'influence iranienne grandissante dans la région. Riyad et Moscou se sont étroitement coordonnés pour tenter d'unifier la délégation représentant l'opposition syrienne aux négociations de Genève.
Sans s'immiscer directement dans leur conflit, Moscou se rapproche du Qatar, avec qui l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont rompu les relations diplomatiques, et pousse les deux frères ennemis du golfe Persique au dialogue. En septembre, la Russie a signé avec le royaume qatarien un accord de défense.
À l'origine, tous ces pays sponsors des rebelles syriens avaient très mal accueilli l'annonce de l'intervention aérienne russe aux côtés d'Assad. Aujourd'hui, du fait de ses succès militaires, Moscou est devenu un interlocuteur obligé duquel ils s'accommodent. La Turquie, farouche opposant de Damas, coopère étroitement avec la Russie au sein de la troïka formée avec l'Iran pour consolider le cessez-le-feu. Vladimir Poutine a rencontré à six reprises son homologue, Recip Tayep Erdogan. Vladimir Issaev, spécialiste arabisant à l'Institut des pays d'Asie et d'Afrique, avance une simple explication à la domination russe: «Les pays du Moyen-Orient respectent la force, c'est pourquoi ils éprouvent du respect à notre égard»…
• Après la guerre du pétrole, la coopération?
Féroces concurrentes sur le marché énergétique, la Russie et les monarchies pétrolières - en premier lieu l'Arabie saoudite - vivent depuis un an une lune de miel économique. Ébranlés par la chute des prix du brut, Riyad et Moscou avaient conclu un accord de gel de leur production entraînant dans leur sillage tous les pays producteurs, alors même que la Russie n'est pas membre de l'Opep. Baptisé Opep Plus, cet accord inédit a permis aux pays signataires de gonfler leurs réserves budgétaires et il vient d'être prolongé jusqu'à la fin de 2018. Il constitue un élément prépondérant de l'influence russe au Moyen-Orient.
«Autant les liens ­politiques peuvent facilement se défaire, autant ce sera plus difficile avec les liens économiques»
Vladimir Issaev
«Les prix du pétrole sont plus forts que l'idéologie», confirme l'arabisante Mariana Belenkaya. Longtemps concentrée sur l'Europe et sur l'Asie, principalement par le biais de Gazprom, la diplomatie pétrolière du Kremlin se déploie désormais au Moyen-Orient, avec l'aide cette fois du géant public Rosneft, dirigé par un très proche de Poutine, Igor Setchine.
En septembre 2016, le Qatar, premier producteur mondial de gaz liquéfié, est entré au capital du pétrolier russe pour environ 2,5 milliards d'euros avant de rendre la majorité de sa participation aux Chinois. En novembre, Rosneft a annoncé avoir versé une avance de 1,3 milliard de dollars aux autorités du Kurdistan iranien, afin de prospecter ces territoires riches en hydrocarbures. Cette initiative a mis Bagdad en fureur.
La Russie cherche ainsi à affermir ses relations commerciales avec tous les acteurs de la région, en particulier dans le domaine militaire. «Autant les liens politiques peuvent facilement se défaire, autant ce sera plus difficile avec les liens économiques», se félicite Vladimir Issaev. À quand l'achat d'armes russes par l'Arabie saoudite, un marché aujourd'hui verrouillé par Washington?
• La Russie est-elle solidement implantée?
Entré quasiment par effraction au Moyen-Orient à la faveur de la crise syrienne, Moscou pourrait perdre de son influence dans la région, une fois la paix conclue: cette hypothèse fait aujourd'hui débat dans les cercles russes arabisants. Les experts soulignent la fragilité de la position russe, un pays vu du côté arabe comme un pion facile à manipuler au nom d'équilibres géopolitiques globaux.
Les arrière-pensées sont évidentes dans le cas de la Turquie, dont l'amitié avec la Russie ne durera que le temps de sa brouille avec les États-Unis et l'Union européenne
Son poids paraît anecdotique dans la guerre d'influence confessionnelle que se livrent Riyad et Téhéran dans la région. L'expansionnisme chiite iranien, que soutient implicitement militairement la Russie en Syrie, constitue une source d'inquiétude à Moscou. De même, «les relations russo-saoudiennes peuvent retomber dès demain au point zéro», met en garde Grigori Kossatch, professeur à la chaire d'Orient moderne de l'Université des sciences humaines de Russie.
Le second perturbateur réside à Washington. En discutant avec Moscou d'un projet d'exploitation commune de bases aériennes, l'Égypte cherche d'abord à contenir l'influence de son allié américain. Ces arrière-pensées sont évidentes dans le cas de la Turquie, dont l'amitié avec la Russie ne durera que le temps de sa brouille avec les États-Unis et l'Union européenne. En décidant de reconnaître Jérusalem comme capitale de l'État d'Israël, Donald Trump a permis la constitution totalement contre nature d'une coalition russo-européenne, justement hostile à ce projet.
Le fait est d'autant plus remarquable que depuis la vague d'émigration juive russe massive dans l'État hébreu à la fin des années 80, Moscou et Tel-Aviv ont toujours formé un tandem très solide, même si la diplomatie russe n'a jamais pesé sur le conflit israélo-palestinien. Dans cette région en bouleversement permanent, Vladimir Poutine ne peut se prévaloir d'une vision stratégique: le rôle de tacticien, certains disent d'opportuniste, suffit à ses ambitions.

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Jérusalem : «Les Américains ont perdu toute légitimité dans leur rôle de médiateur» (10.12.2017)
Par Cyrille Louis
Mis à jour le 10/12/2017 à 22h06 | Publié le 10/12/2017 à 18h14
INTERVIEW - Majdi Khaldi,  le conseiller diplomatique du président palestinien Mahmoud Abbas, commente pour Le Figaro la décision de Donald Trump sur le statut de Jérusalem.
LE FIGARO. - La reconnaissance de la souveraineté israélienne sur Jérusalem par Donald Trump signe-t-elle, à vos yeux, le mort du processus de paix?
Majdi KHALDI. - Par cette décision, les Américains se sont disqualifiés et ont perdu toute légitimité à jouer un rôle de médiateur dans le processus de paix entre Palestiniens et Israéliens. Mais cette situation crée, de notre point de vue, une grande opportunité pour établir de nouveaux mécanismes internationaux. Ceux-ci devront intégrer l'Europe ainsi que des forces comme la Russie, la Chine et d'autres pays. Il y a un précédent, puisque la France a déjà organisé en 2015 une conférence à laquelle près de 70 pays ont participé. Ce n'est donc pas la fin de la solution des deux États, même si celle-ci est fragilisée par la réalité d'apartheid et de colonisation qu'impose Israël. De notre côté, nous restons déterminés à être reconnus comme État membre de plein droit aux Nations unies.
Le vice-président Mike Pence prévoit d'effectuer une visite dans la région du 17 au 19 décembre, et des rumeurs prêtent à Donald Trump le projet de convier Mahmoud Abbas pour un entretien à la Maison-Blanche. Quelle sera sa réponse?
«Il y a beaucoup de colère dans nos rues comme parmi nos dirigeants, qui se sentent trahis et ont perdu confiance. Pour cette raison, il n'y aura pas de rencontre entre Mahmoud Abbas et Mike Pence»
La période actuelle n'est pas propice à l'échange de visites entre Palestiniens et Américains. Il y a beaucoup de colère dans nos rues comme parmi nos dirigeants, qui se sentent trahis et ont perdu confiance. Pour cette raison, il n'y aura pas de rencontre entre Mahmoud Abbas et Mike Pence. J'ajoute que, de notre point de vue, il n'y aura pas de visite officielle du vice-président américain en Palestine.
Ne craignez-vous pas que la détérioration du lien avec l'Administration Trump ne débouche sur une remise en cause des subventions américaines à l'Autorité palestinienne?
Le Congrès américain vient de voter une loi, le Taylor Force Act, qui crée des restrictions additionnelles aux programmes d'aide qui nous sont octroyés par les États-Unis. D'une façon plus générale, l'assistance américaine est réduite à son niveau minimal depuis plus de cinq ans. Notre budget et notre économie, qui a sa propre dynamique, ne dépendent donc pas des États-Unis. Je ne dis pas que l'assistance étrangère n'est pas importante, mais nous n'accepterons pas qu'elle soit subordonnée à des conditions politiques qui vont contre nos aspirations.
Les réactions des grands pays arabes à la déclaration de Donald Trump ont été pour le moins discrètes. Vous sentez-vous trahis?
«Les ministres des Affaires étrangères arabes ont tenu samedi une réunion extraordinaire en réponse à l'annonce américaine afin de réaffirmer leur soutien à notre cause»
Non. Les ministres des Affaires étrangères arabes ont tenu samedi une réunion extraordinaire en réponse à l'annonce américaine afin de réaffirmer leur soutien à notre cause. Ces dernières années, après ce qu'on a appelé le printemps arabe, de nombreux pays n'ont certes pas été en mesure d'apporter beaucoup d'aide à la Palestine en raison de leurs problèmes internes. Mais tous restent déterminés à défendre le statut de Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine, ainsi que l'aspiration de notre peuple à la liberté.
Est-il exact que le prince saoudien Mohammed Ben Salman a fermement pressé Mahmoud Abbas d'accepter le plan de paix préparé par l'Administration Trump lors de sa récente visite à Riyad?
Non, il s'agit de comptes rendus mensongers. La position classique de l'Arabie saoudite, y compris durant cette rencontre, est de continuer à soutenir la Palestine. J'observe d'ailleurs qu'elle fournit un appui continu à notre budget et notre économie.
Le Fatah et le Hamas ont annoncé leur intention d'accélérer le processus de réconciliation afin que l'Autorité palestinienne reprenne le plein contrôle de la bande de Gaza. Êtes-vous prêts à lever les sanctions adoptées au printemps dernier pour faire pression sur le Hamas?
Nous sommes plus déterminés que jamais à unifier notre peuple et notre terre, et le gouvernement fait tout son possible pour reprendre pied dans la bande de Gaza. Mais il est pour cela indispensable qu'il contrôle pleinement ses ministères, ses points de passage et ses services de sécurité. Tant qu'on ne pourra pas collecter des taxes et faire respecter l'État de droit dans la bande de Gaza, nous ne serons pas en mesure de suspendre ces mesures.
Qu'attendez-vous de la France?
La France est un grand pays, qui a beaucoup aidé la Palestine à construire ses institutions et à développer son économie. Après la conférence de 2015, nous comprenons que le président Macron est déterminé à jouer un rôle majeur dans le processus de paix. Dans cette perspective, nous appelons la France à reconnaître l'État de Palestine. Cette démarche constituerait une importante contribution au processus de paix, ainsi qu'à la sécurité de la région.

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