mercredi 11 juillet 2018

Islamisme et politique 06.07.2018


Antiterrorisme : les «visites domiciliaires», un outil sous-utilisé (08.07.2018)
En Egypte, une touriste affirmant avoir été victime de harcèlement sexuel, écope de 8 ans de prison (08.07.2018)
Migrants : le Conseil constitutionnel en guerre contre la souveraineté populaire
Goldnadel : «L'antiracisme idéologique est devenu le principal fabricant de racisme» (09.07.2018)
Goldnadel : «En parlant du mâle blanc, Macron acte inconsciemment le scénario de la partition» (28.05.2018)
Bock-Côté : «Le politiquement correct se radicalise au rythme où la société diversitaire se décompose» (29.06.2018)
Stephen Smith : «Au sud du Sahara, 40 % de la population a moins de… 15 ans» (06.02.2018)
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Ouvriers blancs, Millennials, boubours et créatifs: ces classes qui redéfinissent les clivages politiques en Occident (06.07.2018)
Marine Le Pen : « Libérer l'Europe de l'Union européenne » (06.07.2018)
Marcel Gauchet : «La masculinité est passée de l'évidence à une mise en doute systématique» (05.07.2018)
Face à Emmanuel Macron, une seule alternative : le conservatisme ! (06.07.2018)
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«Avec les réseaux sociaux, chacun est devenu le surveillant de l'autre» (06.07.2018)
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Migrants : ce qu'on vous cache (06.07.2018)
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Salvini : “Soros veut remplir l’Europe de migrants parce qu’il aime les esclaves” (09.07.2018)
“Salvini a fait plus pour l’Italie que tous les gouvernements précédents” (05.07.2018)
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Immigration clandestine : la Seine-Saint-Denis débordée (04.07.2018)

Antiterrorisme : les «visites domiciliaires», un outil sous-utilisé (08.07.2018)

Par Jean Chichizola
Mis à jour le 08/07/2018 à 22h46 | Publié le 08/07/2018 à 19h26
Depuis la fin de l'état d'urgence, elles étaient censées être un levier actif de la lutte contre le terrorisme. Huit sont effectuées par mois.
«En cas de doute, il faudrait pouvoir vérifier la dangerosité d'individus en procédant à des visites domiciliaires administratives [qui ont succédé aux perquisitions administratives de l'état d'urgence] de façon plus rapide et plus simple qu'actuellement.» En mars dernier, un policier tirait en ces termes les premières leçons des attentats de Carcassonne et de Trèbesperpétré par un islamiste connu mais qui était parvenu à dissimuler ses préparatifs. Aux yeux de ce spécialiste, un recours plus facile aux mesures de police administrative, sans être la panacée, était nécessaire.
Sous couvert de l'anonymat, de hauts fonctionnaires confient que ce chiffre leur semble nettement insuffisant, regrettant qu'on se prive d'un instrument utile à la lutte antiterroriste
En mai, après l'attentat dans le quartier parisien de l'Opéra, perpétré par un individu connu étant passé brutalement à l'acte, il avait été de nouveau question des «visites domiciliaires». L'une d'elles avait d'ailleurs permis, la veille de l'attaque à l'Opéra, la mise en cause d'un ressortissant égyptien soupçonné de préparer un attentat, avait annoncé le ministère de l'Intérieur. Lequel soulignait même «une montée en puissance» de ce dispositif, créé par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) du 30 octobre 2017, texte qui a pris le relais de l'état d'urgence décrété après les attentats du 13 novembre 2015.
Mais à en juger par les chiffres, cette «montée en puissance» est plutôt relative. Du 1er novembre 2017 au 29 juin 2018, 31 visites domiciliaires ont été effectuées (dont 11 en Île-de-France ou encore 3 dans l'Hérault et 3 dans le Bas-Rhin). Soit, selon le ministère de l'Intérieur, 6 jusqu'à la mi-mars, 12 entre la mi-mars et la mi-mai et 13 entre la mi-mai et la fin juin. En huit mois donc, en des temps de menace terroriste permanente, la «montée en puissance» est ainsi passée d'un rythme d'environ une visite par mois à huit ou neuf par mois… Sous couvert de l'anonymat, de hauts fonctionnaires confient que ce chiffre leur semble nettement insuffisant, regrettant qu'on se prive d'un instrument utile à la lutte antiterroriste. Particulièrement quand on traque des individus qui sont souvent «sous les radars» des services de renseignements.
73 perquisitions en trois mois, 31 visites en huit
«Il faut agir avant et pas après les attaques, sous le coup de l'émotion»
Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes et rapporteur d'application de la loi SILT
Lors de l'adoption de la SILT, une vive polémique avait opposé le gouvernement aux parlementaires LR. Ces derniers avaient dénoncé l'abandon de l'état d'urgence et des perquisitions administratives, soulignant que 4.600 avaient été effectuées entre novembre 2015 et novembre 2017 (permettant l'ouverture de 30 informations judiciaires). Le gouvernement et la majorité LaREM avaient rétorqué que l'essentiel avait été effectué dans les premiers mois de l'état d'urgence, ce qui est exact.
Mais l'on peut toutefois observer qu'au cours des trois derniers mois de l'état d'urgence, d'août à octobre 2017, 73 perquisitions administratives avaient été effectuées. La comparaison est interpellante: 73 perquisitions en trois mois contre 31 visites en huit mois. Et même si on tient compte de la «montée en puissance» récente invoquée par la Place Beauvau, le constat ne change pas fondamentalement: la moyenne de 24 à 25 perquisitions administratives par mois, d'août à novembre 2017, est passée à 8 ou 9 visites domiciliaires par mois depuis la mi-mai 2018.
La lourdeur du nouveau dispositif peut expliquer cette décroissance: alors que les perquisitions administratives étaient décidées par les préfets pour «lever un doute», les visites domiciliaires sont autorisées par le juge des libertés et de la détention après avoir constaté que la demande répond à plus d'une dizaine de dispositions cumulatives. En clair, on est passé d'une «levée de doute» à une démarche «préjudiciaire», avec un faisceau d'éléments suspects en amont. Ce qui complique et ralentit la procédure. De quoi continuer à alimenter les critiques de l'opposition, comme celles d'Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes et rapporteur d'application de la loi SILT. Tout en soulignant que le «risque zéro n'existe pas», il note qu'en matière de terrorisme, «il faut agir avant et pas après les attaques, sous le coup de l'émotion». Et de regretter qu'on se soit «privé d'un instrument de police administrative utile à la détection de menaces terroristes de plus en plus diffuses».
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En Egypte, une touriste affirmant avoir été victime de harcèlement sexuel, écope de 8 ans de prison (08.07.2018)
La rédaction avec AFP | Le 08 juillet 2018
Une Libanaise a été condamnée samedi à huit ans de prison en Egypte pour «atteinte» au peuple égyptien.
Une Libanaise a été condamnée samedi à huit ans de prison en Égypte pour «atteinte» au peuple égyptien, après la diffusion d'une vidéo dans laquelle elle affirmait avoir été victime de harcèlement sexuel, selon une source judiciaire.
Cette touriste, Mona al-Mazbouh, a été arrêtée fin mai à l'aéroport du Caire alors qu'elle s'apprêtait à quitter le pays.
Des Indiennes témoignent sur le harcèlement sexuel
Des Indiennes témoignent sur le harcèlement sexuel
Attouchements, exhibitionnisme, regards salaces, injures sexuelles, cinq Indiennes racontent la première fois où elles ont été victimes de harcèlement sexuel.
Mme Mazbouh avait diffusé une vidéo sur Facebook, largement partagée, dans laquelle elle affirmait avoir été victime de harcèlement sexuel dans la rue et accusait les Egyptiens de vol et d'arnaque.
Ces accusations ont ulcéré des citoyens égyptiens dont certains ont appelé à son arrestation et déposé plainte.
Cette femme a alors diffusé une autre vidéo affirmant que son intention n'était pas d'insulter les Egyptiens et que, dans son précédent enregistrement, elle ne mettait pas en cause «tout le peuple égyptien».
Samedi matin, un tribunal du Caire l'a condamnée à 11 ans de prison avant de modifier son verdict à 8 ans une heure plus tard, a indiqué la source judiciaire.
Elle a été reconnue coupable d'avoir «porté atteinte au peuple égyptien».
Le parquet l'avait accusée notamment de «propagation de fausses rumeurs et d'atteinte aux religions».
L'avocat de Mme Mazbouh a fait appel et une audience se tiendra le 29 juillet, selon un responsable au parquet.
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Migrants : le Conseil constitutionnel en guerre contre la souveraineté populaire
  • Par  Figaro Vox 

  • Mis à jour le 07/07/2018 à 17:23 

  • Publié le 07/07/2018 à 17:22
FIGAROVOX/TRIBUNE - Le Club Jean Bodin, un groupe de juristes constitutionnalistes, revient sur la décision du Conseil constitutionnel rendue vendredi de «dépénaliser l'aide désintéressée aux migrants».
Selon la formule utilisée par les médias, la décision rendue vendredi dernier par le Conseil constitutionnel (2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018) «dépénalise l'aide désintéressée aux migrants».
Si on comprend bien cette décision, presque aussi hermétique que prétorienne, la seule chose que le législateur puisse désormais incriminer sans violer le principe constitutionnel de fraternité, en matière d'aide humanitaire (autrement dit, si on comprend toujours bien, désintéressées) aux étrangers en situation irrégulière, c'est l'aide à l'entrée stricto sensu, c'est-à-dire celle qui aboutit «nécessairement» à la traversée de la frontière, car elle ferait alors naître une situation illicite («12. (…) l'aide apportée à l'étranger pour sa circulation n'a pas nécessairement pour conséquence, à la différence de celle apportée à son entrée, de faire naître une situation illicite»).
Le législateur ne saurait donc incriminer le transport en voiture (s'il est effectué à titre désintéressé) d'étrangers venant de traverser irrégulièrement la frontière, afin de les acheminer vers des villes de l'intérieur de la France. Or une telle forme d'intervention, même si ses motifs sont purement philosophiques ou politiques, est au moins autant une aide à l'immigration irrégulière qu'une aide aux migrants en situation irrégulière.
Elle fait en effet obstacle de facto à l'interception, par la police des frontières, des personnes qui viennent d'entrer clandestinement et à leur éloignement. Même si l'action des militants ne se réalise pas sur la frontière elle-même ou à ses abords immédiats, elle contribue activement (fût-ce au nom de la fraternité universelle) à l'immigration clandestine et favorise (en les prolongeant et en les rentabilisant) les filières mafieuses (à l'instar des navires des ONG qui acheminent vers la rive européenne de la Méditerranée les migrants recueillis dans les eaux libyennes à bord d'embarcations de fortune sur lesquelles les ont entassés des passeurs qui savent pouvoir compter sur les navires des ONG pour assurer le sauvetage et la traversée).
Lorsque se trouvent en balance des principes constitutionnels conflictuels, la démarche du Conseil constitutionnel est essentielle. Elle est non moins délicate. Le Conseil constitutionnel doit être un garde-fou contre les dérapages du législateur, mais il doit aussi respecter le principe de souveraineté nationale.
Il y a encore peu, la démarche du Conseil constitutionnel était, en pareil cas, non de se substituer au représentant élu de la Nation, mais de rechercher si celui-ci avait sacrifié une exigence constitutionnelle (ici la dignité, la liberté de porter assistance dans un but humanitaire, la protection des êtres humains) à une autre exigence constitutionnelle (ici l'ordre public, mais aussi la souveraineté, qui est le surplomb du contrôle des flux migratoires). Le Conseil constitutionnel censurait (ou émettait de «strictes réserves d'interprétation») si et seulement si la loi poussait trop loin le curseur dans un sens.
En la matière, le Conseil aurait regardé comme légitime la distinction cardinale, retenue jusqu'ici par le législateur, entre les aides à la personne de l'immigré irrégulier (le nourrir, le soigner, lui donner un toit, l'accompagner dans ses démarches) et les aides contribuant à l'entrée et au séjour irréguliers. Hier comme aujourd'hui, le Conseil constitutionnel n'aurait pas hésité à censurer l'incrimination d'aides aux migrants irréguliers consistant à les nourrir, à les soigner, à les héberger ou à les conseiller. En revanche, s'agissant des aides concourant à l'accroissement des entrées irrégulières ou faisant obstacle à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, le Conseil constitutionnel aurait laissé au législateur une large marge d'appréciation pour arbitrer entre humanité et souveraineté.
La grandeur de la notion de fraternité est précisément de ne pas être une notion juridique. C'est la rabaisser que de lui donner une telle portée.
Le 6 juillet 2018, c'est un tout autre juge constitutionnel qui a censuré le législateur. C'est le Conseil constitutionnel lui-même qui pousse à fond le curseur dans un sens donné.
Et dans quel sens! Celui d'un concept n'ayant pas reçu à ce jour valeur normative (la fraternité) et au rebours de la notion de souveraineté nationale, clé de voûte de la République, source de notre droit constitutionnel, et que la décision omet symptomatiquement de mentionner. En donnant pour la première fois une portée normative, et considérable, au troisième élément de la devise républicaine, le Conseil constitutionnel tombe dans le travers majeur des cours constitutionnelles et supranationales: forger à leur guise une Constitution bis à partir de notions très générales, n'ayant aucune vocation initiale à produire d'effets juridiques.
Les principes de dignité, de liberté, de protection de la personne suffisaient pourtant à l'exercice de conciliation auquel il se trouvait confronté. La grandeur de la notion de fraternité est précisément de ne pas être une notion juridique. C'est la rabaisser que de lui donner une telle portée. Au sens juridique, la fraternité ne doit être ni une obligation, ni une habilitation, ni une créance. Elle est une vertu inspirante. Contrairement aux deux autres éléments de la devise républicaine, elle n'est d'ailleurs pas déclinée dans nos textes fondamentaux.
Mais la rue de Montpensier a cherché visiblement à faire un coup d'éclat.
De surcroît, le Conseil constitutionnel abroge les mots «au séjour irrégulier» au premier alinéa de l'article L 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (article qui énonce les immunités pénales pour l'aide au séjour irrégulier), rendant la lecture de l'article ainsi amputé incompréhensible. Mais le Conseil entend par là marquer a contrario que les aides à l'entrée et à la circulation, si elles sont désintéressées et ne provoquent pas nécessairement un franchissement de frontière, ne peuvent être exclues de l'immunité («13. Dès lors, en réprimant toute aide apportée à la circulation de l'étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l'accessoire de l'aide au séjour de l'étranger et si elle est motivée par un but humanitaire, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. Par conséquent, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs à l'encontre de ces dispositions, les mots «au séjour irrégulier» figurant au premier alinéa de l'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être déclarés contraires à la Constitution»).
Comme si cela ne suffisait pas, le juge constitutionnel s'empare de la plume du législateur au moyen d'une de ces «réserves d'interprétation constructives» dont l'abus conduit à la réécriture de la loi. Cette réserve conduit en l'espèce à supprimer les sanctions pénales pour toute aide désintéressée à l'entrée et au séjour, quelle qu'en soit la nature, à la seule exception (peut-on supposer) de celles qui aboutiraient nécessairement au franchissement de la frontière («14. (…) Toutefois, ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître le principe de fraternité, être interprétées autrement que comme s'appliquant en outre à tout autre acte d'aide apportée dans un but humanitaire»). La liste des aides désintéressées n'étant plus limitée, elle inclut notamment l'aide à la circulation.
Cette décision va évidemment ravir le microcosme qui constitue le «public» rapproché du Conseil constitutionnel (doctrine constitutionnaliste, avocats droits-de-l'hommistes, médias, associations militantes). Elle révèle cependant un Conseil constitutionnel qui ne sait plus gérer avec tact et circonspection, avec conviction mais sans angélisme, les tensions croissantes entre démocratie représentative et démocratie des droits, entre souveraineté nationale et idéaux humanitaires, entre idéologie des élites et sentiment populaire. Sans doute trop intellectuellement, sociologiquement et politiquement exposé au microcosme droits-de-l'hommiste, le Conseil exacerbe au contraire ces tensions en prenant un parti maximaliste: contre la démocratie représentative, contre la souveraineté nationale, contre le sentiment populaire, ancien et constant, qui aspire à la maîtrise effective des flux migratoires. A quoi jouent les sages?
Après un quart de siècle de retenue, le Conseil constitutionnel renoue avec l'intempérance de la décision de 1993 sur le droit d'asile, décision qu'il avait fallu surmonter par rien de moins qu'une révision constitutionnelle. Il n'est guère étonnant, dans ces conditions, que l'on reparle à l'été 2018 de lit de justice. La révision constitutionnelle en offre l'occasion. Pour assurer la prééminence de la souveraineté populaire sur les outrances de juges devenus démiurges, la Constitution pourrait disposer qu' «Une disposition législative déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, ou ayant fait l'objet de réserves d'interprétation par ce dernier, ou jugée contraire à un traité par une juridiction française ou européenne statuant en dernier recours, est maintenue en vigueur si, dans les six mois suivant cette décision ou ce jugement, elle est confirmée par une loi adoptée dans les mêmes termes par la majorité des députés et la majorité des sénateurs.»
FOCUS - Que signifie l’expression « Délit de solidarité » ?
C’est l’un des sujets sensibles du projet de loi asile-immigration. Jean-Marc Leclerc, rédacteur en chef adjoint au service Société du Figaro, nous explique ce que signifie l'expression « délit de solidarité ».
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Goldnadel : «L'antiracisme idéologique est devenu le principal fabricant de racisme» (09.07.2018)
Par Etienne Campion et Gilles William GoldnadelMis à jour le 09/07/2018 à 18h23 | Publié le 09/07/2018 à 15h38
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Gilles-William Goldnadel décrypte la question de la «race» en France. Selon lui la lutte antiraciste et la mise en avant des thématiques raciales par une certaine partie de l'extrême-gauche révèlent d'évidentes contradictions.

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Il est président de l'association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.

LE FIGAROVOX.- On a récemment assisté à la suppression du mot «race» dans la Constitution, pourtant il est de plus en plus question de «race» dans le discours ambiant, qui tend à se racialiser. Comment expliquez-vous cela?
Gilles-William GOLDNADEL.- Le paradoxe que vous observez vous-même est au cœur de la question névrotique qui déprime et agite le monde occidental depuis un demi-siècle et risque de le perdre. L'horreur nazie a discrédité la notion de «race» et promu l'antiracisme comme valeur suprême. Le drame que nous vivons est qu'un antiracisme idéologique de pacotille a perverti la lutte sincère et nécessaire contre le racisme et que son prétendu antinazisme est devenu fou. Comme vous l'avez remarqué, en même temps que l'antiracisme de bazar à proscrit le mot «race», il est littéralement obsédé par la différence raciale, voit du racisme partout, surtout là où il n'existe pas, et refuse de l'apercevoir là où cela dérange sa hiérarchisation victimaire des races qui a tourné au racisme. J'en ai conclu depuis longtemps que l'antiracisme idéologique, largement dominé par l'extrême gauche et l'islamo-gauchisme, est devenu le principal fabricant de racisme.
Pour entrer concrètement dans ce cadre névrotique, on prétend que la race n'existe pas alors qu'elle obsède pathologiquement doublement en victimisant systématiquement ce qui n'est pas occidental ou, pour le dire plus crûment, blanc et inversement en culpabilisant ce dernier. Ceci me conduit à vous résumer la doctrine centrale qui fonde mon explication de la névrose occidentale telle que je l'ai théorisée notamment dans mes Réflexions sur la question blanche.
L'antiracisme idéologique, largement dominé par l'extrême gauche et l'islamo-gauchisme, est devenu le principal fabricant de racisme.
Hitler était un mâle blanc. Dominant revendiqué. Hétérosexuel assumé. Il est dans l'esprit conscient comme inconscient des hommes et femmes occidentaux, l'homme qui a commis le pire crime de tous les temps modernes. Il est, en compagnie de ses contemporains semblables, l'homme de l'holocauste. De l'enfer sur terre. Celui qui apporte l'existence la plus convaincante de Satan. Il est l'Antéchrist. J'affirme à ce stade qu'il en a résulté dans l'inconscient collectif contemporain une répudiation massive de l'homme blanc. Le prix nécessaire de la rédemption. Un discrédit massif assumé. Détestation massive ignorée. À la hauteur du crédit illimité dont il disposait. D'un excès, l'autre. L'homme occidental supérieur et méprisant est devenu en l'espace d'un génocide et d'une génération élevée dans son culte un être moralement inférieur intimement méprisé. J'ai résumé cette révolution mentale: la dilection pour l'Autre. J'ai baptisé «xénophilie» l'exact revers de la médaille xénophobe. Pour la première fois dans l'histoire occidentale, l'Autre n'était plus moralement inférieur. D'un excès, l'autre, il était forcément supérieur et sa civilisation avec lui, face à une civilisation morbide et mortifère. Pour cause de camps de la mort, la barbarie venait de changer de camp. Il en a donc résulté une névrose identitaire collective. Le fils ne pouvait plus s'identifier au père et à ses lois. L'enfant contemporain du père blanc biologique déconsidéré se veut, donc se vit, inconsciemment de couleur neutre. Il ne se déteste donc pas, contrairement aux clichés sur la haine de soi. Il déteste ou plutôt méprise, mésestime le blanc d'à côté. Son voisin. Son cousin franchouillard. Le fils du collaborateur pétainiste d'hier élevé à l'eau de Vichy. Pour celui qui comme moi croit à la signification des mots, le mot beauf vaut son pesant de pinard et de sauciflard. Le beauf méprisé et raillé n'est pas mon frère. Ce n'est qu'un faux frère. Il n'est que le frère de ma femme ou de sa sœur. Son sang de blanc vulgaire, sexiste et raciste ne coule pas dans mes veines. Mon sang à moi n'est pas blanc. Il est transparent, arc-en-ciel, multicolore, en cours de transfusion universelle. Il est noble, il est bleu, il est pur parce que précisément promis au métissage obligatoire. La rédemption passe par la disparition du mauvais sang trop blanc.
De l'idéologie honteuse du tout aryen, un sentiment collectif inconscient et honteux de vouloir devenir rien du tout s'est mis en place progressivement.
De l'idéologie honteuse du tout aryen, un sentiment collectif inconscient et honteux (refoulé dirait Freud) de vouloir devenir rien du tout s'est mis en place progressivement et a donné lieu au développement d'une idéologie de déstructuration punitive systématique, quasi génocidaire, de l'homme hétérosexuel blanc, dans son histoire, sa géographie, et jusqu'à son sexe à émasculer.
Ce discours mettant au cœur la race était il y a encore peu aux marges des lieux de pouvoir, soutenu uniquement par des groupes comme le Parti des Indigènes de la République. Il a aujourd'hui atteint le gouvernement (Macron lui-même parle de «mâle blanc»): comment cela a-t-il été possible?
On est effectivement dans quelque chose de consternant et tragique. On est passé d'une phase de victimisation à une phase de culpabilisation explicite avec exclusion raciale façon Alabama. C'est ainsi que par exemple les camps racisés et interdits aux blancs organisés par le PIR ou tolérés par l'UNEF n'entraînent pas de véritable condamnation politique ou médiatique qui devrait normalement entraîner une disqualification sociale.
Il convient d'autre part d'observer que l'antiracisme idéologique de pacotille aura réalisé un exploit: alors que le blanc avait perdu la conscience de lui-même à la suite des horreurs du racisme nazi, le voici qui, par l'exclusion et le rejet qu'il subit à présent, retrouve une conscience sartrienne de son être. Je n'y vois aucun progrès, mais une sorte de nécessité existentielle.
Vous citez la réflexion négative de Macron sur le «mâle blanc». Elle est effectivement consternante. C'est la première fois dans l'histoire des institutions républicaines qu'une référence négative officielle sur la race est prononcée, qui plus est au plus haut sommet de l'État. Cela tourne même à présent à la manie institutionnelle, puisque la ministre de la Culture marche sur ses pas. Je me perds en conjectures pour expliquer une telle attitude. Influence américaine? Du Nouveau Monde au Monde Nouveau et d'Obama jusqu'à Trudeau? J'ai d'abord pensé qu'il s'agissait d'une posture électorale dont je doute de l'efficacité, je penche à présent sur une imposture intellectuelle dont je suis sûr de la nocivité.
Vous allez défendre l'OLRA (Organisations de Lutte contre le Racisme Anti- blanc) dans sa plainte contre Françoise Nyssen pour ses propos sur les «hommes blancs». Pouvez-vous nous expliquer cette démarche?
Voilà une ministre de la Culture assez unanimement considérée comme décevante et qui est manifestement contente de faire l'intéressante sur le dos de «l'homme blanc». Elle s'exprimait dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel public. Elle commence par expliquer doctement que la France est réactionnaire et qu'il convient donc que l'audiovisuel soit progressiste. Il s'agit d'ores et déjà d'un propos ahurissant qui, si nous vivions dans un cadre réellement démocratique, aurait dû déclencher une levée de boucliers. Les mêmes progressistes de notre service public rien moins que pluraliste nous expliquent par exemple que l'information en Pologne ou en Hongrie est en danger… Puis notre ministre s'adresse à Delphine Ernotte (présidente de France Télévisions qui avait, on s'en souvient, estimé qu'il y avait trop de mâles blancs à la télévision et que cela allait changer), et lui dit avec un sourire connivent, Delphine tu te souviens de «l'homme blanc»… «tu n'es pas seule»...
L'aversion contre le mâle blanc est la zone noire et interdite de tout ce qui meurtrit la France.
Bref, pour notre ministre déficiente, l'expression du courage politique c'est de faire en sorte qu'il y ait moins de blancs à la télévision nationale. Il se trouve que je ne l'accepte pas, car je sais qu'en creux, l'aversion contre le mâle blanc est la zone noire et interdite de tout ce qui meurtrit la France: de la politique migratoire irrationnelle à la défense des frontières nationales en passant par le rapport conflictuel entre les sexes. La question raciale est devenue obsessionnelle: cette semaine encore le quotidien Libération, par l'intermédiaire de sa rubrique Checknews, fait le compte des blancs à l'intérieur de sa rédaction. Après avoir commencé par dire qu'il n'aime pas beaucoup compter les gens au regard de leur origine, il finit par montrer en exemple le Bondy Blog qui constitua pourtant la catastrophe médiatique la plus raciste de ces derniers temps avec un Mehdi Meklat en admirateur d'Adolf Hitler. Je pose la simple question: si un responsable politique avait prétendu qu'il y a trop de noirs à la télévision, quelle aurait été la réaction collective? Par principe intangible, je n'accepte pas qu'il en soit autrement, s'agissant des blancs. J'ajoute qu'il n'y a qu'en notre Occident de mauvaise conscience qu'on se pose ce type de problème: ni en Chine, ni dans les pays arabes, ni en Afrique. Je n'accepte pas, par principe, cette situation consubstantiellement racialiste et raciste.
Le racisme anti-blanc est devenu un sport national pratiqué aussi bien dans les quartiers de manière violente que dans les salons par les mondains un peu niais.
Ne craignez-vous pas vous-même d'entrer sur le terrain du discours racialiste en luttant contre les discriminations faites à une couleur de peau en particulier, on compte en l'occurrence celle des blancs?
Vous avez raison, c'est un problème, et c'est précisément toute l'ambiguïté du combat antiraciste, même le plus légitime. Je n'y vais donc pas de gaieté de cœur d'autant plus, qu'au regard de la liberté d'expression, il ne me plaît pas non plus de réclamer des comptes en matière de mots. Raison pourquoi j'ai toujours procédé de manière homéopathique, en ne voulant tailler des croupières qu'aux personnes connues et lorsque j'estimais qu'il n'y avait pas d'autres solutions. Je crois vraiment que le racisme anti-blanc est devenu un sport national pratiqué aussi bien dans les quartiers de manière violente que dans les salons par les mondains un peu niais. Il faut y mettre un coup d'arrêt. Vous devez bien vous douter que je ne veux pas enfermer Madame Nyssen dans un cachot mais je crois à l'effet de catharsis d'un procès. Je ne pratiquais pas autrement lorsque dans les années 80 j'ai fait condamner Libération et Serge July pour un papier antisémite. Ma cible d'alors était l'antisémitisme d'extrême gauche et je peux vous dire que ma démarche judiciaire a été considérée dans les mêmes salons comme particulièrement de mauvais goût, voire suspecte: On ne pouvait pas être antisémite puisqu'on était à gauche. Le postulat était indiscutable. Il provoquerait aujourd'hui le fou rire.
Vous regrettez qu'il ait été très peu question de l'engagement pour Israël dans l'hommage à Simone Veil et Claude Lanzmann… Pourquoi?
À un premier niveau, je le regrette comme défenseur d'Israël comme de la vérité historique. Il se trouve que Simone Veil était viscéralement attachée à l'État juif et ne manquait jamais l'occasion de le rappeler, et que Claude Lanzmann a réalisé deux films exceptionnels, «Pourquoi Israël?» et «Tsahal» qui sont deux chefs-d'œuvre essentiels dans sa cinématographie. Je me permets d'ajouter assez immodestement que je ne peux m'empêcher de m'identifier à eux dans cet amour commun et indéfectible qu'ils avaient pour la France et Israël.
Mais il y a un second niveau, plus enfoui, qui explique ce non-dit qui m'afflige et qui rejoint notre sujet principal: être le défenseur d'un État-nation occidental aux prises avec un monde oriental dont la mise en question est considérée névrotiquement comme raciste n'est pas de nature à glorifier le défunt à célébrer. Mieux vaut donc faire silence.
Quand l'antinazisme devenu fou devient le principal ennemi du pays des victimes du nazisme… Vertige nauséeux au cœur de la névrose occidentale anti occidentale…
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Goldnadel : «En parlant du mâle blanc, Macron acte inconsciemment le scénario de la partition» (28.05.2018)
Par Gilles William Goldnadel
Publié le 28/05/2018 à 12h45
FIGAROVOX/TRIBUNE - Gilles-William Goldnadel revient sur l'expression polémique du chef de l'État, à qui il reproche d'accréditer les thèses des Indigènes de la République. Sous couvert d'antiracisme, ces propos renforcent selon lui un racisme anti-blanc.

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Il est président de l'association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.

Beaucoup d'encre, beaucoup de salive auront été dépensées pour commenter le commentaire présidentiel présidant à sa philosophie sur les banlieues françaises: «deux mâles blancs ne vivant pas dans les banlieues se remettent un rapport sur les banlieues: ça ne marche plus comme ça».
Mais l'essentiel n'a peut-être été dit, car il relève de l'indicible.
Certains ont dit qu'il s'agissait d'une nouvelle bourde présidentielle. Et ils n'ont pas eu tort.
Étrange au demeurant, la propension de cet homme intelligent et sympathique à ne pas savoir, de temps à autre, maîtriser son propos. Celui-ci, et nous verrons pourquoi, est à classer dans la même catégorie que sa sortie sur la colonisation française qui serait un crime contre l'humanité.
Certes, un esprit retors pourrait être conduit à penser que ce boniment serait de nature, pour pas cher, à consoler ceux qui espéraient que l'État à nouveau, écoutant M. Borloo, tenterait d'acheter vainement la paix sociale - et apparemment raciale - à-coup de milliards à nouveau déversés en pure perte, mais dans cette hypothèse, le prix que devront payer à terme pour cette gaffe le gaffeur et son pays aura été sous-estimé.
On glissera sur le fait que c'est tout de même un mâle blanc qui a commandé un rapport à un autre mâle blanc, ce qui aurait été consubstantiellement insusceptible de marcher. Comprenne donc qui pourra les raisons de la commande.
Car la gaffe présidentielle habite à tous les étages.
Au rez-de-chaussée, d'abord. Car ce n'est pas Mme Michu, gardienne d'immeuble, qui a prononcé la phrase querellée, c'est le président, gardien de cette Constitution de la République Française qui interdit toute distinction de droits au regard de l'origine, de l'ethnie ou de la couleur de peau.
On aurait envie de dire au successeur de François Hollande : « un président ne devrait pas dire ça ».
C'est bien pour cela qu'au premier sous-sol, la sortie du gardien relève de la faute, en ce qu'elle revient en creux a déclarer que les blancs n'ont plus vraiment leur mot à dire dans les quartiers racisés. C'est exactement la conception des Indigènes de la République, dirigés par la raciste anti-blanc Houria Bouteldja. C'est celle aussi du très controversé «conseiller» Yassine Belattar, qui avait animé un dîner de gala du CCIF et qui, lors d'une récente émission de télévision, évoquait les djihadistes français avec cette indulgence avec laquelle on a coutume de traiter des enfants bêtisiers.
Considérer désormais que certains, dans certains quartiers des territoires de la République française, pour des questions ethniques, sont plus qualifiés que d'autres pour gérer les affaires, revient donc à accréditer le risque de partition territoriale que François Hollande, la nuit tombée, évoquait auprès de deux journalistes d'un journal vespéral. Le prédécesseur de M. Macron associait cette crainte au caractère massif et irrésistible de l'immigration étrangère. On aurait donc envie de dire à son successeur: «un président ne devrait pas dire ça».
Mais c'est incontestablement à la cave, dans les bas-fonds de l'inconscient présidentiel, que sa sortie est aussi remarquable qu'indicible. Bien sûr, l'auteur de la formule controversée est un enfant du siècle. Bien sûr, il fréquente dans la journée une population qui se croit ancrée dans la modernité et autorisée aux formules les plus décontractées en certaines circonstances. Comme cette conseillère branchée en communication qui, pour évoquer la mort de Simone Veil, écrivait: «yes, la meuf est dead». Peut-être la même personne eût été plus obséquieuse pour un autre décès.
Mais l'essentiel est ailleurs. Il est, d'abord, dans l'évocation expresse de la différence chromatique. J'évoque souvent ce paradoxe pervers qui fait qu'il n'y a pas plus obsédé par la différence raciale qu'un antiraciste dévot qui interdit par ailleurs d'évoquer la race tout en en parlant sans cesse de manière compulsive.
Mais il y a une condition expresse à cette évocation sans complexe du blanc: en parler négativement.
Il ne serait pas arrivé au cerveau du président d'évoquer la couleur d'un Français blanc pour le complimenter, par exemple, pour un exploit sportif. Mais pour dénier à deux hommes blancs la compétence à statuer sur les banlieues, la chose était possible sans commettre une transgression médiatiquement, intellectuellement et politiquement insupportable. On comparera avec le scandale médiatique provoqué par une femme politique de moindre envergure, non sous les ors de l'Élysée mais dans une émission de télévision, lorsque celle-ci reprit la sortie du général De Gaulle sur les racines blanches et chrétiennes du peuple français.
De même, pour se persuader de ce que le surmoi présidentiel rejoint l'idéologie médiatique sélective, on remarquera que la trivialité insolente de l'expression «mâle blanc» ne choque pas l'inconscient collectif.
Le mâle blanc, quand on en parle, on en parle toujours en mal.
En revanche, je n'envie pas le sort du malheureux responsable politique qui aurait l'idée obscène d'évoquer «deux femelles noires» pour critiquer la remise d'un rapport de Laura Flessel à Christiane Taubira…
Et puisque je déambule toujours dans les bas-fonds de l'inconscient, j'en arrive à me demander si ce mâle blanc à envisager forcément négativement ne serait pas désormais dans l'esprit torturé et honteux d'un enfant blanc du siècle une sorte de vilain bouton un peu gras à évider entre ses deux doigts.
Car le mâle blanc, quand on en parle, on en parle toujours en mal.
Toujours coupable, jamais victime.
Quand on le voit, quand on l'imagine en blanc, quand on le montre, c'est ce flic qui enfonce une matraque dans le séant d'un noir, ce ne sont pas deux policiers qui se font lyncher à la Saint-Sylvestre à Champigny-sur-Marne par des racailles.
Le mâle blanc, c'est aussi, dans l'inconscient médiatique, le macho. C'est lui la bête noire des nouvelles féministes et pas l'Autre. Et tant pis pour les femmes de Cologne ou les petites anglaises violées de Telford par des mâles pakistanais.
Sous le mâle blanc, le racisme inconscient anti-blanc ou anti-occidental.
Mais attention, sous la bourde présidentielle, sous l'irresponsabilité politique du premier de nos responsables, pourrait couver les cendres d'un retour de flamme.
J'ai souvent dessiné dans ces colonnes une chauve-souris présidentielle, croyant rusé d'exhiber en même temps les ailes d'un oiseau migratoire de gauche et les dents d'un rongeur financier de droite.
Mais il pourrait très bien mécontenter définitivement et les uns et les autres.
Un pseudo-antiracisme fou inconsciemment anti-blanc aura réussi le triste exploit, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe, de redonner une conscience blanche à ceux qui avaient pourtant mille fois raison de l'avoir oubliée pour ne penser qu'à une seule humanité.
Attention à ces exaspérés qui se sentent expurgés de leur propre nation par ceux qui ont l'obsession de la race et du racisme.
Et si le macronisme n'était pas le dernier des anachronismes?
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Bock-Côté : «Le politiquement correct se radicalise au rythme où la société diversitaire se décompose» (29.06.2018)

Par Alexandre Devecchio
Mis à jour le 09/07/2018 à 11h22 | Publié le 29/06/2018 à 19h31
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Dans une charge contre le multiculturalisme et le politiquement correct, le sociologue québécois puise dans l'actualité récente des exemples éloquents : suppression du mot «race» de la Constitution, passages piétons aux couleurs de la gay pride à Paris... Un entretien sans concession.


- Crédits photo : Cerf
Mathieu Bock-Côté est sociologue et chargé de cours à HEC Montréal. Il a publié Le Multiculturalisme comme religion politique (Éditions du Cerf, 2016).

FIGAROVOX.- Sur fond de moralisation de la question migratoire et de radicalisation féministe, les députés ont voté en commission le retrait du terme «race» de l'article 1er de la Constitution et y ont également introduit l'interdiction de «distinction de sexe». Que cela vous inspire-t-il?
Mathieu BOCK-CÔTÉ.- Cela faisait un bon moment que la proposition d'un retrait du terme «race» de la Constitution traînait dans le paysage politique. On rappelle avec raison que François Hollande en avait fait la promesse lors de l'élection présidentielle de 2012. Le raisonnement est le suivant: si les races n'existent pas, comme on le dit aujourd'hui, pourquoi les mentionner? Ils y voient l'aboutissement constitutionnel d'un antiracisme authentique. Pourquoi pas?
Mais il y a néanmoins un paradoxe étonnant sur lequel on doit se pencher: c'est au moment où on veut bannir le mot race que la question raciale resurgit au cœur de la vie politique, à travers l'action des groupuscules identitaires d'extrême-gauche, dont les Indigènes de la République sont emblématiques. La mouvance indigéniste entend achever la décolonisation en dénationalisant la France, ce qui implique à la fois sa soumission et sa conversion à un multiculturalisme qui veut non seulement réintroduire la race dans le débat public, mais qui veut en faire la catégorie fondatrice de la citoyenneté et de la représentation. Elle pousse à une racialisation des appartenances qui accule ensuite au séparatisme racial revendiqué, comme on le voit avec la multiplication des «rencontres non-mixtes pour personnes racisées» dans le milieu universitaire, pour emprunter les termes de la novlangue diversitaire. En fait, si on se penche un peu sur les textes de référence de cette mouvance, on constate qu'elle cultive un racisme antiblanc décomplexé. S'il y a une tentation raciste en France, elle vient de là. La mouvance indigéniste excite le repli communautariste et cherche à fissurer le noyau intime de la nation. Mais cela ne semble pas troubler exagérément les grands médias, qui accueillent les représentants de cette mouvance à la manière de grands démocrates. La haine raciale est officiellement proscrite, sauf lorsqu'elle vise ceux qu'on nous invite à appeler les «Blancs» parce qu'il s'agirait simplement d'une critique des «dominants» par les «racisés». La mauvaise conscience occidentale a de l'avenir.
Qu'on me permette un mot sur cette sociologie racialiste qui s'impose de plus en plus dans l'université. Faut-il mettre le Français, l'Allemand, l'Écossais, l'Anglais, le Russe, le Letton, le Québécois et le Néerlandais dans la même catégorie parce qu'ils sont «Blancs»? Faut-il faire de même avec le Malien, l'Haïtien, le Kenyan et l'Afro-Américain parce qu'ils sont «Noirs»? Cette racialisation débile des appartenances est incroyablement régressive: elle pousse à l'abolition de l'histoire et de la culture pour naturaliser les groupes humains en grandes catégories zoologiques. Mais puisque cette proposition vient de la gauche, ou du moins, d'une certaine frange de la gauche radicale, on l'accueille favorablement, ou du moins, sans trop la condamner.
Alors devant cela, je me demande quel est le sens de ce vote des députés, qui me semblent incroyablement détachés du réel politique, auquel ils devraient pourtant porter attention. Que pensent les députés qui se sont ralliés à cet amendement de cette effrayante racialisation des appartenances?
Ce progressisme langagier peut-il vraiment réduire ou corriger les injustices et les inégalités?
Allons-y d'une évidence: le langage évolue, et d'une époque à une autre, il y a une forme de tri naturel qui n'est rien d'autre qu'un mouvement de civilisation des mœurs. Dans notre monde, on ne dit plus nègre, on ne dit plus rital, on ne dit plus youpin, et globalement, c'est très bien. L'histoire de la politesse nous rappelle que ce qui peut se dire ou ne pas se dire d'une époque à l'autre varie et on peut se réjouir que certaines insultes hier prisées méritent aujourd'hui à ceux qui les emploient une très mauvaise réputation. Il arrive aussi que ce souci de «politesse» bascule dans l'euphémisation du réel, lorsque le sourd devient le malentendant ou l'aveugle, le non-voyant. On ne sait pas trop ce qu'on gagne à parler ainsi, sinon à déréaliser le langage et à l'enfermer dans un univers autoréférentiel.
Le politiquement correct est un dispositif inhibiteur installé au cœur de l'espace public qui a pour fonction de refouler dans ses marges ceux qui affichent leur dissidence.
Mais ce n'est plus de cela dont il s'agit ici dans cette orwellisation du langage qui caractérise aujourd'hui la langue médiatique. Souvent, il s'agit de masquer le réel, tout simplement, comme c'est le cas avec la référence obsédante au vivre-ensemble, au moment même où la société se décompose et s'effiloche. Il peut aussi inverser le sens du réel. Il faudrait se souvenir de Jacqui Smith, l'ancienne ministre de l'intérieur britannique, qui en 2008, avait affirmé qu'il fallait parler non plus d'attentats islamistes, mais anti-islamiques, parce qu'ils seraient contraires à la vocation naturellement pacifique de l'islam. De la même manière, quand un homme comme Jacques Toubon joue avec les chiffres et les définitions pour laisser croire que l'immigration massive n'a pas eu lieu en France depuis 40 ans, comme on l'a vu récemment, il s'engage dans un travail de falsification de la réalité qui pousse le commun des mortels à croire que les autorités cherchent moins aujourd'hui à agir sur le réel qu'à le dissimuler. Cette idéologisation du langage devrait nous pousser à relire Milosz et Koestler, qui ont consacré des pages lumineuses à l'aveuglement idéologique.
La guerre culturelle, qui s'est substituée à la lutte des classes, est d'abord une bataille pour déterminer la signification de notre univers symbolique et pour transformer les codes et repères qui constituent le monde commun. On veut déterminer les paramètres de la perception commune et décider quels phénomènes sociaux ou aura le droit de voir ou non. Comment se représente-t-on la société? Comment a-t-on le droit de la représenter? En fait, le politiquement correct est un dispositif inhibiteur installé au cœur de l'espace public qui a pour fonction de refouler dans ses marges ceux qui affichent leur dissidence avec l'orthodoxie diversitaire. Et le politiquement correct se radicalise au rythme où la société diversitaire se décompose, comme s'il fallait à tout prix empêcher qu'on en tienne compte. De ce point de vue, le multiculturalisme est un régime idéocratique et autoritaire.
Je vous donne un exemple: on parle beaucoup, depuis quelques années, d'une «libération de la parole xénophobe» et il est bien vu de s'en inquiéter. Il y aurait même une montée de l'intolérance en Europe, et la démocratie serait mise en péril par la tentation du repli identitaire - on connaît ce lexique. Mais on peut voir les choses autrement: depuis une quarantaine d'années, on a assisté à la criminalisation progressive du sentiment national, au point où même la forme la plus bénigne de patriotisme a été assimilée à une inquiétante dérive nationaliste. À travers cela, c'est le besoin d'enracinement qu'on a moralement disqualifié. Il n'est plus légitime, pour un peuple, de vouloir assurer sa continuité historique ou de défendre ses frontières devant l'immigration massive sans qu'on présente de telles aspirations comme autant de symptômes de la progression de l'extrême-droite dans la vie publique.
Alors s'agit-il vraiment d'une libération de la parole xénophobe, ou du simple éclatement d'une digue idéologique et médiatique qui censurait le sentiment national? S'agit-il d'un retour du racisme 70 ans après la deuxième guerre mondiale ou d'un refus enfin affirmé de xénophobiser tout ce qui relève de près ou de loin de la nation? À tout le moins, on comprend que toute bataille politique suppose une bataille pour définir la réalité, mais celle-ci n'est pas infiniment malléable et elle finit par regagner ses droits, que nous la regardions en face ou non.
Plus anecdotique, Anne Hidalgo a décidé d'installer de manière permanente des passages piétons LGBT après qu'un passage piéton «arc-en-ciel» a été recouvert d'insultes homophobes. Dans le même temps, l'Assemblée nationale sera pour la première fois pavoisée aux couleurs LGBT. Cette politique en direction des minorités, sous prétexte de lutte contre les discriminations, ne trahit-elle pas finalement l'idéal égalitaire et anti-communautaire républicain?
Je ne suis pas certain que cela soit si anecdotique. Ces insultes contre les homosexuels sont inadmissibles, évidemment, et il est bien qu'on le dise, qu'on le répète, même. Ils relèvent d'une bêtise crasse, abjecte et militante qui devrait avoir honte d'elle-même.
Mais on voit ici comment le politiquement correct récupère ces insultes pour les instrumentaliser: on cherche ainsi à faire croire qu'elles seraient symptomatiques d'une renaissance du démon de l'homophobie qui hanterait la France. Il faudrait urgemment se mobiliser contre lui pour le chasser de la cité. Cela correspond à la sociologie diversitaire qui soutient que les sociétés occidentales se définiraient aujourd'hui essentiellement par une structure patriarcale, homophobe, raciste et sexiste qu'il faudrait faire tomber urgemment. Pouvons-nous raison garder? On constate ici que le système médiatique est prêt à récupérer n'importe quel événement pour maintenir en vie ce grand récit de l'hostilité occidentale à la différence.

- Crédits photo : Andres Kudacki/AP
Et cela peut aller plus loin. Si la France suit la pente nord-américaine, c'est au nom de la lutte contre l'homophobie, et demain, contre la transphobie, qu'on voudra de nouveau la convertir à la théorie du genre ou qu'on militera pour la reconnaissance d'un troisième sexe normalisé dans les formulaires administratifs, et cela, pour en finir avec la représentation binaire de la différence sexuelle. Et comme on doit s'y attendre, à ce moment, ceux qui ne participeront pas aux applaudissements obligatoires seront rangés dans le camp des réactionnaires. Cela devrait nous amener à réfléchir à la «lutte contre les discriminations», à laquelle en appellent tous les politiques, sans prendre la peine de réfléchir au cadre théorique dans lequel elle s'inscrit et qui la justifie. La moindre différence est désormais pensée comme une discrimination illégitime à combattre.
Autre chose. Il faudrait se questionner sur ce qui, dans le logiciel médiatique, permet de transformer un fait divers en fait politique. Ces insultes sont comprises comme un événement politique exigeant une réponse politique. Mais quelle est la matrice idéologique qui transforme les faits divers en faits politiques, et comment fonctionne-t-elle? Pourquoi, par exemple, le scandale de Telford est-il traité comme un fait divers n'ayant aucune signification particulière? Pourquoi avons-nous parlé avec tant de pudeur des agressions sexuelles à grande échelle de Cologne? Pourquoi la hausse de l'insécurité causée par l'immigration massive est-elle tue, ou même niée, au point même où ceux qui en font mention passent pour des agitateurs racistes et des prêcheurs de haine?
En fait, tout ce qui remet en question la grandeur de la société diversitaire est abordé avec une gêne extrême: on craint que si l'information se rend au peuple, ce dernier n'en tire des conclusions indésirables. Alors on ira même jusqu'à criminaliser les porteurs de mauvaises nouvelles, comme on le voit avec les procès idéologiques à répétition, qu'ont subi bien des intellectuels et journalistes français ces dernières années.
De manière plus large, est-on en train d'assister en France à un nouveau tournant politiquement correct? Régis Debray a-t-il raison de parler d'américanisation de l'Europe?
Je ne suis pas particulièrement porté à l'anti-américanisme mais je constate qu'il est aujourd'hui nécessaire de critiquer une nouvelle forme d'impérialisme idéologique qui vient d'Amérique et qui pousse chaque nation à la déculturation. Ce n'est pas être anti-américain que de ne pas vouloir devenir américain et de ne pas vouloir plaquer sur la France des catégories historiques et sociologiques qui n'ont rien à voir avec elle. Pour parler du politiquement correct, on pourrait peut-être même parler, pour s'inscrire dans l'histoire culturelle américaine, d'une forme de puritanisme idéologique, qui consiste à vouloir purger une société de toutes ses aspérités culturelles et symboliques, pour les rendre conformes au dogme diversitaire. Il faut refouler les mauvais sentiments que nous inspire la postmodernité et envoyer sans cesse à ses contemporains des signes ostentatoires de vertu, pour emprunter la formule de Vincent Trémolet de Villers. On le fera en dénonçant rituellement, et sur une base quotidienne, s'il le faut, les phobies qui polluent notre monde, quitte à en inventer des nouvelles, comme la grossophobie! Ceux qui prendront la peine de s'intéresser à ce que devient aujourd'hui l'université américaine et aux types de controverses qui l'animent seront sincèrement horrifiés.
Le politiquement correct a pour vocation d'étouffer la part du vieux monde encore vivante en lui pour lui permettre d'enfin renaître après son passage dans la matrice diversitaire.
Mais on peut aussi voir dans l'idéologie diversitaire qui a fait du politiquement correct son régime de censure médiatique une poursuite de la tentation totalitaire qui hante la modernité et qui se présente aujourd'hui sous un nouveau visage. De nouveau, on rêve à un monde réconcilié, réunifié et absolument transparent à lui-même. Un monde sans identités, mais aussi sans carnivores, sans fumeurs, sans buveurs, sans dragueurs, sans aventuriers et sans relations particulières, c'est-à-dire un monde sans amitié, absolument programmé, lisse, amidonné - un monde qui aurait fait mourir d'ennui un Joseph Kessel et qui donnerait des envies d'exil à un Sylvain Tesson. Nous recommençons à rêver de l'homme nouveau, mais il s'agit cette fois de l'homme sans préjugés, délivré de ses appartenances, de sa culture, de ses désirs et du vieux monde auquel il était encore lié. Le politiquement correct a pour vocation d'étouffer la part du vieux monde encore vivante en lui pour lui permettre d'enfin renaître après son passage dans la matrice diversitaire, purifié et prêt à embrasser une nouvelle figure de l'humanité, délivrée de cette préhistoire morbide qu'aura été l'histoire de l'Occident. Car pour que l'humanité nouvelle advienne, on doit d'abord en finir avec l'Occident en général et l'Europe en particulier. Si on ne comprend pas cela, on ne comprend fondamentalement rien au progressisme d'aujourd'hui.
Ce politiquement correct a été embrassé depuis longtemps en Amérique du Nord. Quand est-il né exactement? Comment a-t-il imposé son hégémonie culturelle?
En un mot, il naît sur les campus américains, à partir de la fin des années 1960, et se développe jusqu'aux années 1980, où il commence à s'institutionnaliser dans l'université, avant de devenir médiatiquement hégémonique avec les années 2000. C'est le fruit des Radical Sixties et d'un croisement bien particulier entre le néomarxisme et les formes les plus toxiques de la contre-culture. Très schématiquement, il repose sur une critique radicale de la civilisation occidentale, accusée d'avoir construit une figure aliénante de l'homme, qu'il faudrait déconstruire en s'appuyant sur les différentes minorités qui auraient subi son hégémonie. Il faut dès lors attaquer ou censurer ce qui était encore hier la norme majoritaire de nos civilisations, et valoriser ce qui était marginalisé ou laissé de côté. Sur le plan philosophique, le politiquement correct repose sur une inversion radicale du système normatif de notre civilisation, qui doit désormais neutraliser et déconstruire son noyau existentiel, pour se définir désormais à partir de ceux et celles qu'elle aurait historiquement exclu, qui sont désormais investis d'une charge rédemptrice quasi-religieuse.

- Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro
Concrètement, le politiquement correct repose aujourd'hui sur une culture de la surveillance généralisée: tout ce qui entre en contradiction avec l'orthodoxie diversitaire est dénoncé et monté en scandale par des groupuscules à la psychologie milicienne qui se comportent comme des professionnels de l'indignation - et il s'agit d'une profession rentable. Pas une semaine ne se passe sans qu'on ne dénonce telle ou telle rémanence du vieux monde et sans qu'on nous répète que nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour accoucher de la société diversitaire idéale. Le politiquement correct carbure aux scandales, de temps en temps réels, la plupart du temps artificiels, qu'il sait mettre en scène pour garder la société vigilante contre l'éternel retour du monde d'hier, même sous la forme apparemment neutralisée de la nostalgie. Jamais il ne baisse la garde, jamais il ne veut la baisser. Souvent, il devient ridicule, comme on l'a vu avec la controverse de l'écriture inclusive, et alors, il feint de s'arrêter, mais c'est pour reprendre sa croisade dès que le cycle de l'actualité a repris son cours. De ce point de vue, toute critique du politiquement correct implique une critique du fonctionnement du système médiatique et une explicitation de ses biais inavoués.
N'a-t-il pas été ébranlé par l'élection de Donald Trump? La gauche intellectuelle américaine a-t-elle entamé un début d'auto-critique sur ce sujet?
Au contraire. La gauche intellectuelle américaine se radicalise. Elle ne doute plus d'elle-même. Devant Trump, qui incarne de manière caricaturale et convenons-en, souvent détestable tout ce qu'elle exècre, elle est ivre de vertu et fait valoir encore plus sa splendeur morale. Jamais elle n'a moins douté que maintenant. Avec un grand esprit de sérieux, elle se demande doctement si l'Amérique ne bascule pas vers le fascisme. On devrait être capable de critiquer la présidence souvent inquiétante de Trump sans verser dans une telle outrance - mais la gauche idéologique est-elle capable de s'imaginer un adversaire qui ne soit pas un ennemi du genre humain? Sa tentation, à laquelle toujours elle cède, c'est la croisade morale pour chasser de la cité ceux qui ne souscrivent pas à ses dogmes. Elle ne croit pas au pluralisme politique: elle distingue entre l'avant-garde, qu'il faut célébrer, et dans laquelle elle se reconnaît, et l'arrière-garde, assimilée au bois-mort de l'humanité, dont il ne faut pas s'encombrer et qui est de toute façon condamnée par le sens de l'histoire. Au fond d'elle-même, elle croit à la vertu politique de l'ostracisme. Ce qui la menace, toutefois, c'est qu'une part de plus en plus importante de la population se fiche désormais des campagnes de salissage médiatique. Plus encore: plus les médias désignent à la vindicte publique un homme ou une idée, plus cette frange de la population s'y identifie. La société se polarise comme jamais.
Cette idéologie étrangère à la culture européenne, en particulier française, peut-elle s'imposer durablement sur le vieux continent? Ne risque-t-elle pas de nourrir, comme aux États-Unis, une réaction «populiste»?
Plus le discours dominant fonctionnera au déni de réel et plus il diabolisera ceux qui cherchent à en rappeler l'existence.
On sous-estime le poids de la révolte contre le politiquement correct dans ce qu'on appelle la poussée populiste contemporaine. Le commun des mortels s'exaspère avec raison contre le contrôle tatillon du langage, contre le culte immodéré des minorités quelles qu'elles soient, contre les délires idéologiques comme l'écriture inclusive, contre un certain féminisme radical qui n'en finit plus d'en appeler à la charge contre le patriarcat alors que nos sociétés n'ont jamais été aussi égalitaires, contre la mouvance trans et queer qui veut déconstruire les fondements même de la différence sexuelle, et ainsi de suite. Le commun des mortels sent qu'on veut transformer radicalement sa culture et naturellement, il se braque. Il y a des limites à faire semblant de rien devant un tel matraquage idéologique. Nos sociétés, avec raison, sont prêtes à s'ouvrir à une pluralité de modes de vie, c'est la grandeur des sociétés libérales, mais n'ont pas particulièrement envie d'être transformées en un grand camp de rééducation idéologique à ciel ouvert avec des sermonneurs sur toutes les tribunes qui les accusent d'être arriérées. Permettez-moi aussi une petite réflexion sur le «populisme». Le «populisme» est un gros mot, très rarement définit, dont on fait usage pour disqualifier moralement et politiquement ceux qui affichent leur dissidence avec l'orthodoxie diversitaire. On s'alarme de sa montée sans jamais nous dire exactement de quoi il s'agit. Et on peut croire que la dénonciation désormais rituelle du populisme dans les médias contribue à cette exaspération populaire, qui pousse aux révoltes électorales comme l'élection de Trump, le Brexit ou l'élection italienne.
Alain Finkielkraut insiste sur la nécessité de refuser «le politiquement correct» sans pour autant verser dans «le politiquement abject». Dans un contexte de crise de l'Occident, cet équilibre va-t-il devenir de plus en plus précaire? Comment le préserver malgré tout?
Je partage le même souci qu'Alain Finkielkraut. Le politiquement correct comme le politiquement abject sont les deux faces d'une même médaille et ils s'expriment souvent d'une manière absolument détestable sur les médias sociaux. Mais je vous avouerai mon pessimisme: je crois de moins en moins en l'avenir de la courtoisie démocratique, nécessaire à la conversation civique, même si je la crois absolument nécessaire. Pour que la politique soit civilisée, ou du moins, pour qu'on contienne sa charge polémique, elle doit s'inscrire dans un monde commun, qui transcende nos désaccords les plus profonds. Ce cadre, c'était la nation. Quand elle se décompose, c'est une psychologie de guerre civile qui remonte à la surface. Je ne suis pas certain que nous puissions contenir, du moins pour un temps, la radicalisation de la rhétorique politique. Sur internet, je l'ai dit, plusieurs se complaisent dans la fange. La vie publique devrait exiger une certaine décence. Elle suppose aussi une pluralité légitime de points de vue: aucun camp ne devrait réclamer pour lui le monopole du vrai, du bien et du juste.
Mais je suis convaincu d'une chose: plus le discours dominant fonctionnera au déni de réel et plus il diabolisera ceux qui cherchent à en rappeler l'existence, plus il poussera à la révolte de grandes couches de la population et dégagera un boulevard pour des entrepreneurs politiques qui sauront canaliser cette exaspération. En fait, cette recomposition est déjà commencée. Reste à voir quel visage elle prendra.
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Stephen Smith par Fabien Clairefond. - Crédits photo : Fabien Clairefond
LE FIGARO. - Votre livre fait état de l'extraordinaire vitalité démographique de l'Afrique. Quelles sont les proportions de ce dynamisme?
Stephen SMITH. - Historiquement, l'Afrique est sous-peuplée. Cinquante fois grande comme la France, elle ne comptait qu'environ 150 millions d'habitants dans les années 1930. Mais c'est alors que la donne démographique a basculé grâce aux progrès de l'hygiène, de la médecine tropicale et de la politique coloniale dite «de mise en valeur». Le développement a été une invention coloniale, la nouvelle «mission civilisatrice» pour justifier la domination de populations «différentes» et, bien sûr, pour en tirer avantage. Aujourd'hui, l'Afrique compte 1,3 milliard d'habitants. Elle en comptera 2,5 milliards en 2050, quand sa population aura été multipliée par 17  - par rapport à 1,7 pour la population française. Si la France suivait la courbe de l'Afrique, elle compterait en 2050 non pas 70 millions mais 700 millions d'habitants, une moitié de la Chine actuelle. L'Europe, dans son ensemble, était deux fois plus peuplée que l'Afrique dans les années 1930. Dans une génération, en 2050, ses 450 millions d'habitants auront 2,5 milliards de voisins africains. Statistiquement, pour un Européen proche de la cinquantaine, il y aura trois Africains de moins de trente ans.
Justement, vous insistez beaucoup sur la «jeunesse» de l'Afrique. Pourquoi?
Parce qu'elle est capitale dans un continent où le «principe de séniorité», c'est-à-dire la prime de pouvoir et de prestige traditionnellement accordée aux aînés, surtout aux hommes, reste la ligne de fracture qui prive d'égalité les jeunes et, en particulier, les jeunes femmes. Or, aujourd'hui, au sud du Sahara, entre 40 et 45 % de la population a moins de… 15 ans! Sur une planète qui «grisonne», y compris en Asie et en Amérique latine, c'est l'exception mondiale. La jeunesse de l'Afrique est sans précédent historique. Tous les quinze ans, la moitié de la population subsaharienne se renouvelle. L'Afrique «ancestrale» est broyée par l'engrenage des générations qui «tournent» rapidement. Ses normes et ses valeurs ne sont plus transmises, faute de mentors. Les jeunes se «débrouillent», ils se réinventent.
Pour vous, c'est là le moteur du «grand départ» à tous les niveaux…
Oui, parce que, depuis un peu plus d'un siècle, les jeunes quittent en masse les villages, ils s'installent dans des villes puis des mégapoles - comme Lagos, au Nigeria, avec plus de 20 millions d'habitants - qui sont aux deux tiers des bidonvilles. La prochaine vasque de cette fontaine migratoire sera l'extérieur du continent, principalement l'Europe. Et, comme l'Europe à la fin de sa transition démographique entre 1850 et la Première Guerre mondiale, quand 60 millions d'Européens sur 300 millions sont partis vivre ailleurs, notamment en Amérique, les jeunes Africains vont tenter de bâtir une meilleure vie ailleurs.

- Crédits photo : Couverture du livre de Stephen Smith, Grasset
À cela, trois préalables: d'abord, un minimum de prospérité chez eux, qui leur permet de réunir les moyens nécessaires pour un voyage cher et, souvent, clandestin - ce qui implique que «l'Afrique émergente» se mette en route bien plus que «l'Afrique de la misère» et que, dans un premier temps, l'aide au développement accélère la noria migratoire ; ensuite, des communautés d'immigrés déjà installées en Europe, qui facilitent l'installation des nouveaux venus ; enfin, un écart toujours important entre les revenus ici et là-bas. Ce qui est le cas, puisque sa croissance démographique incontrôlée «noie» les progrès que l'Afrique accomplit. En 1960, un peu plus de la moitié des Africains vivait sous le seuil de la pauvreté ; maintenant, c'est un peu moins de la moitié mais sur un nombre deux fois plus important…
Y a-t-il une différence entre la démographie du Maghreb et celle de l'Afrique subsaharienne?
Le Maghreb est en train d'achever sa transition démographique et, si les conditions politiques sont réunies, empruntera une trajectoire semblable à celle du Mexique. Entre 1975 et 2010, des Mexicains ont quitté massivement leur pays pour les États-Unis, où les Mexicains-Américains représentent aujourd'hui 10 pour cent de la population. Mais, depuis dix ans, le solde migratoire s'est inversé - ce que Trump ignore pour brandir la menace d'une «invasion», qui n'aura pas lieu, et ramasser le vote des populations blanches pauvres que la globalisation a privées de leur «prime impériale». Leur maison, leur voiture et le consumérisme ne leur sont plus garantis du seul fait d'être nés américains. En Europe, aussi, les inégalités à l'intérieur explosent alors que le fossé entre «pays riches» et «pays pauvres» se réduit en fait.
Vous décrivez la vitalité religieuse de l'Afrique subsaharienne. Quel christianisme domine? Quel islam s'impose?
En France, où le protestantisme «born again» était marginal, on a tardé à prendre conscience de la révolution pentecôtiste, qui a transformé l'Afrique subsaharienne depuis les années 1980. Régis Debray a attiré l'attention sur le «néoprotestantisme à l'américaine», qui est entré dans les cités françaises du fait de l'immigration. Je parlerais plutôt de «l'Évangile de la prospérité», qui triomphe dans les anciennes marges du monde. En Afrique, il bat en brèche les traditions. Les «frères et sœurs dans la foi» servent de nouveaux réseaux de solidarité aux hommes et, surtout, aux femmes qui cherchent à s'affranchir des contraintes familiales et, plus largement, coutumières. Il s'agit surtout de jeunes, on vient de le voir. De son côté, l'islam, qui diversifie également son offre, leur propose une armature morale contre la «dépravation occidentale», la corruption sous toutes ses formes. L'avenir du christianisme, plus que de l'islam, se joue au sud du Sahara. L'Afrique subsaharienne, qui représente aujourd'hui 16 % des musulmans et 25 % des chrétiens dans le monde, en comptera en 2050, respectivement, 27 et 42 %.
Vous rappelez le rapport des Nations unies qui, au début du XXIe siècle, préconisait une immigration importante et régulière en Europe jusqu'en 2060 pour pallier le déclin démographique. Est-il toujours d'actualité?
C'était une scénarisation utile même si, depuis, le discours d'extrême droite a installé un malaise par rapport à une migration dite «de remplacement». À mes yeux, l'idée de faire appel à 86 millions d'étrangers pour rajeunir l'Europe (ce que recommandait le rapport des Nations unies, NDLR) souffre de deux défauts. D'abord, elle ignore la dynamique migratoire propre à l'Afrique, le début de «décollage» du continent qui pourrait déclencher des départs plus massifs encore. Ensuite, pour ce qui est des besoins en «bras et cerveaux» de l'Europe vieillissante, elle fait l'impasse sur les gains en longévité qui pourraient stabiliser la population active, et donc les systèmes de sécurité sociale, d'autant que la robotisation va encore contracter le marché du travail. Depuis 1900, une vie occidentale statistique est passée de 47 à 78 ans. Il n'y a aucune raison pour que ces trente ans supplémentaires soient entièrement «privatisés» sous forme de retraite aux frais des jeunes cotisants. Mais sur le plan électoral, c'est un message qui passe mal.
Selon vous, cette «ruée vers l'Europe» peut suivre cinq scénarios. Lesquels?
Sommairement, ça va de «l'Eurafrique heureuse» - une sorte de miracle de la Pentecôte où toutes les langues étrangères se mêleraient dans une communion universelle - à la dérive politico-mafieuse, soit la traite des migrants, ce qui provoquerait une réaction populiste au profit de l'extrême droite. L'Europe-forteresse derrière un rempart d'argent, déjà en construction en Turquie, en Libye et dans les États sahéliens censés fixer les dunes humaines en échange de subventions, ne serait en fait pas si différente d'un retour du «réflexe colonial», directement interventionniste dans les pays d'origine.
Enfin, une combinatoire de toutes ces mauvaises solutions, pour «tenir» sous prétexte de pragmatisme «sans excès», n'est pas non plus à exclure. Mais le défi est énorme. À mon avis, il ne peut être relevé que par une Europe qui ne serait ni bornée ni borgne. Les bornés sont obsédés par la frontière qu'ils voient en barrière baissée, sans comprendre que c'est un espace de négociation du passage, surtout entre voisins dont le sort est lié. Les borgnes ressemblent au Cyclope de la légende, ils se prennent pour des géants moraux mais ne voient rien, ni l'Ulysse qui se joue d'eux ni les conséquences dramatiques - les tensions, les malheurs - qui résultent de leur manque de vigilance. Il me semble que la lucidité gagne du terrain, notamment en France depuis le recul du Front national. Mais il y a toujours une Europe qui a peur de perdre son «âme» et une autre qui veut à tout prix prouver qu'elle en a une.

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Bruno Tertrais : «Le véritable aimant de l'immigration, c'est l'existence d'une diaspora» (05.07.2018)
Par Marie-Laetitia Bonavita
Mis à jour le 06/07/2018 à 11h08 | Publié le 05/07/2018 à 17h32
INTERVIEW - Pour le spécialiste de géopolitique, les élites européennes ont été incapables de trouver le bon langage sur un sujet longtemps perçu comme trop sensible.
L e directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique vient de publier, pour l'Institut Montaigne, une étude intitulée «Le Défi démographique: mythes et réalités». Une façon d'analyser également les «mythes et les réalités» du défi migratoire pour l'Europe. Bruno Tertrais est aussi l'auteur de La Revanche de l'histoire. Comment le passé change le monde (Odile Jacob, 2017).
LE FIGARO. - L'accord signé la semaine dernière par les 28 pays européens sur la question de la migration repose notamment sur la création de centres de regroupement de réfugiés, en Afrique du Nord et en Europe. Les candidats ne sont pas légion… Cet accord est-il viable?
Bruno TERTRAIS. - Certes, le texte de cet accord est imparfait et provisoire. Mais il faut se féliciter que l'Europe n'ait pas explosé et que les pays membres n'aient pas rompu le dialogue. Il est dommage que cette idée de regroupements, pas très originale au demeurant, n'ait pas été discutée dès 2015, avant le déferlement en Europe de la vague populiste. D'autant plus qu'il était sans doute possible de négocier avec les pays des Balkans l'implantation de tels centres, l'Union étant en position de force vis-à-vis des pays non membres. Quant aux pays d'Afrique du Nord, ils vont bien devoir eux-mêmes se préparer à un accroissement des flux migratoires en provenance du Sud…
S'en remettre en 2016 à la Turquie pour la rétention des migrants n'était-il pas risqué?
On peut se demander si cet accord était justifié, compte tenu du début de la décrue du flot des réfugiés avant sa signature. Surtout, se positionner dans le chantage permanent face à un Erdogan de plus en plus autoritaire est difficilement acceptable. Sur ce point comme sur celui de l'accueil en 2015 de 1 million de réfugiés sur son territoire, l'Allemagne, de par son poids, n'aurait pas dû prendre sans concertation une décision aussi lourde.
73 % des Européens ne font pas confiance à l'UE pour réguler l'immigration, selon un récent sondage Odoxa Dentsu Consulting. Peut-on parler d'un aveuglement des élites?
Cela fait plus de trente ans que la question de l'immigration est présente dans le débat public. Il y a eu dans les années 1980 la figure de l'immigré arabe, puis, dans les années 2000, celle du travailleur polonais qui a pesé dans les référendums de 2005 sur le projet de Constitution européenne et de 2016 sur le Brexit. Aujourd'hui, c'est le réfugié musulman. Je parlerai d'incapacité des élites européennes à trouver le bon langage sur un sujet longtemps perçu comme trop sensible. En France, ce thème a été pris en otage par l'opposition entre le FN et les partis de gouvernement. C'est aussi un sujet sur lequel on oscille facilement entre angélisme et catastrophisme.
«La grande pauvreté est un obstacle à l'immigration. Dès lors que l'on dispose d'un revenu minimum et que l'on a accès à des images positives de l'Occident, les tentations migratoires ne peuvent que croître»
Croyez-vous, comme Stephen Smith, auteur du livre La Ruée vers l'Europe, que notre vieux continent est condamné à s'«africaniser»?
Saluons cet ouvrage pour son traitement dépassionné du sujet. Mais son titre me semble inutilement effrayant. Le doublement de la population africaine à l'horizon 2050 conduira à une hausse des flux migratoires, notamment vers l'Europe. Mais sachons raison garder. Aujourd'hui, l'immigration des Africains hors du continent est minoritaire, au maximum 1 million par an, soit moins de 0,1 % de la population. Les populations préfèrent émigrer dans les régions d'Afrique à forte croissance, au sud et à l'ouest.
Vous combattez les idées fausses qui circulent sur l'immigration. Première d'entre elles, le développement est un remède à l'immigration …
La grande pauvreté est un obstacle à l'immigration. Dès lors que l'on dispose d'un revenu minimum et que l'on a accès à des images positives de l'Occident, les tentations migratoires ne peuvent que croître. Cela ne veut pas dire qu'il faille cesser toute aide au développement: l'éducation des filles, par exemple, c'est la clé de tout. La deuxième facilité de raisonnement revient à dire que l'immigration résoudra le problème du vieillissement des forces de travail en Europe. C'est oublier que les immigrants seront in fine eux-mêmes bénéficiaires de la santé, de l'éducation… et des retraites.
Troisième idée contestable: les aides sociales sont le principal déterminant de l'immigration en créant un «appel d'air». Pourquoi, alors, ceux de la jungle de Calais n'attendent-ils que de partir pour le Royaume-Uni, moins généreux en la matière? Le véritable aimant de l'immigration, c'est l'existence d'une diaspora du pays d'origine, surtout lorsqu'elle est géographiquement concentrée.
Y a-t-il des motifs d'optimisme en matière de démographie?
Bien sûr. Certes, il y a l'exception du Sahel, véritable «bombe démographique» porteuse d'instabilité politique, ce qui conduit d'ailleurs à penser que la présence de la France dans cette région sera durable. Mais l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient ont largement entamé leur transition. Certains pays européens tels que la France conservent un dynamisme propre. L'ouest de l'Europe est en meilleure posture que sa partie orientale, qui subit, comme en Bulgarie, un véritable effondrement. À la fin du siècle, la population mondiale pourrait être stabilisée à 11 milliards d'hommes, avec un taux de fécondité de deux enfants par femme. Ce nouvel «optimum» reviendrait à l'achèvement de la transition démographique planétaire. Un gage de pacification sociétale et internationale.
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Ouvriers blancs, Millennials, boubours et créatifs: ces classes qui redéfinissent les clivages politiques en Occident (06.07.2018)

  • Publié le 06/07/2018 à 15:40
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - De l'élection de Trump aux États-Unis à la présidentielle française, en passant par le Brexit et la progression de l'AFD en Allemagne, une nouvelle lutte des classes est à l'œuvre dans les démocraties libérales. Thibault Muzergues la décrypte dans un livre passionnant.

Thibault Muzergues est directeur du programme Europe pour l'International Republican Institute. Il publie «La

Quadrature des classes» aux éditions Le Bord de l'eau.

LE FIGARO.- Dans votre livre «la quadrature des classes», vous démontrez que les anciens clivages politiques ont été remplacés en Occident par une nouvelle lutte des classes. Est-ce le retour d'une analyse marxiste qu'on croyait disparue?
Thibault MUZERGUES.- Absolument pas, même si j'avoue jouer sur l'ambiguïté en utilisant ce mot «classe», idéologiquement très chargé. Je constate simplement que partout en Occident, on retrouve les mêmes quatre classes sociales (ou catégories socio-professionnelles, si vous préférez) au centre des nouveaux paradigmes politiques. Ces quatre segments de nos populations redéfinissent le débat public - ses thèmes, ses codes, mais surtout ses clivages, dont l'émergence est à l'origine des grands bouleversements électoraux que nous avons vécus depuis 2016, de l'élection de Donald Trump à celle d'Emmanuel Macron, en passant par les succès de Sebastian Kurz en Autriche ou du Mouvement Cinq Étoiles en Italie. Mais comme il s'agit de quatre pôles politiques distincts (et souvent de taille assez comparable comme en France) et qu'il faut bien une majorité pour gouverner, la donne
La crise financière de 2008 va mettre un terme au rêve d'une grande classe moyenne englobant toute la société
entre ces quatre classes n'est pas une lutte prédéterminée, mais bien un jeu de coopération/opposition, beaucoup plus complexe que la lutte des classes proposée par Karl Marx - en d'autres termes, là où la doctrine marxiste va voir un antagonisme inévitable entre deux classes où chacun occupe une position prédéterminée, mon approche se veut existentialiste: il s'agit de définir des groupes dont la composition et la stratégie d'alliance n'est pas déterminée à l'avance.
De quand date le tournant?
Il est double: la crise financière de 2008 va mettre un terme au rêve d'une grande classe moyenne englobant toute la société, avec des catégories sociales (la classe créative) qui vont clairement prendre leur essor là où d'autres (la classe ouvrière blanche et les millennials, pour différentes raisons) vont décrocher. Ensuite, la crise migratoire de 2015 va cristalliser les oppositions culturelles en faisant naître des peurs et des fantasmes dans chaque catégorie de la population. En particulier, la classe moyenne provinciale, déjà ébranlée par le discours très pro-diversité des élites urbaines, va se crisper sur cette question, et ainsi permettre l'émergence d'un clivage bien plus clair, dans lequel la question migratoire devient un élément particulièrement déchirant pour les sociétés occidentales.
Il existe selon vous 4 grandes classes: la classe créative, la classe moyenne provinciale conservatrice (les «boubours» ou «bourgeois bourrins») , la nouvelle minorité blanche ouvrière et les «millennials». Comment s'est manifesté ce nouveau clivage lors de la dernière présidentielle en France?
La présidentielle de 2017 est vraiment intéressante parce qu'on y retrouve quatre candidats qui ont choisi (consciemment ou non) de se poser comme champions d'une des quatre classes, avec comme résultat un quasi-monopole du débat - à eux quatre, ils totalisent quasiment 85% des voix, laissant aux 7 autres candidats 15% restant, autrement dire des miettes. Du côté d'Emmanuel Macron, on retrouve la classe créative - c'est la «start-up nation» de son début de campagne, urbaine et ultra-intégrée dans la mondialisation, qui soutient l'ouverture et un libéralisme économique et social, avec une tendance très marquée à la promotion de la diversité et une vision du travail très flexible qui déteint sur sa vision du monde. La classe moyenne provinciale,
Du côté d'Emmanuel Macron, on retrouve la classe créative c'est la « start-up nation » de son début de campagne, urbaine et ultra-intégrée dans la mondialisation, qui soutient l'ouverture et un libéralisme économique et social
très proche de la classe créative sur le plan économique, s'inscrit complètement en faux sur les questions sociales: parce que sa vie est faite de routines, de trajets en voiture et de séparation stricte entre le monde du travail et la sphère familiale, elle ne comprend pas les aspirations à la diversité des créatifs et s'oppose donc vigoureusement à leurs tentatives de limiter la circulation automobile, ou encore sur leurs mesures sociales pro-diversité (mariage pour tous, accueil des réfugiés, etc.). C'est la France qui a voté François Fillon au premier tour en 2017, et celle qui s'est en majorité ralliée à Emmanuel Macron au deuxième tour, assurant son élection (là où elle avait basculé vers Donald Trump durant la présidentielle américaine). Il faut ensuite ajouter les deux grands perdants de l'après-2008: la classe ouvrière blanche a fait les frais de la désindustrialisation de l'Occident et de sa mise en concurrence avec l'étranger (que ce soit par le biais de l'immigration ou celui de l'ouverture des frontières) - elle aspire à un retour aux années 60 avec fermeture des frontières, réouverture des usines et retour de l'État-providence. Elle forme le cœur électoral du FN dans le nord-est de la France. Enfin, il y a les millennials. Déjà beaucoup plus portés sur les schémas collaboratifs que leurs aînés du fait de leur expérience sur les réseaux sociaux, leurs difficultés à s'insérer sur le marché du travail se transforme en rébellion ouverte contre le système, d'où leur soutien à Jean-Luc Mélenchon à la dernière présidentielle.
Aucune de ces classes n'est majoritaire en occident. Quels types d'alliances ont été mises en œuvre entre elles? Peut-on considérer qu'aujourd'hui Emmanuel Macron gouverne selon une alliance entre classe créative et classe moyenne provinciale conservatrice? Dans le cas du gouvernement populiste italien, quel type d'alliance prévaut?
Emmanuel Macron a effectivement pu faire la jonction entre la classe créative et la classe moyenne provinciale - en partie dès le premier tour et quasi totalement au deuxième, ce qui lui a assuré la victoire. Mais ce n'est bien sûr pas la seule combinaison possible - dans le cas de Donald Trump, on voit le candidat partir d'une base classe ouvrière blanche pendant la primaire pour gagner la classe moyenne provinciale durant sa confrontation avec Hillary Clinton, tandis que dans celui du séparatisme catalan (ou de la coalition nationaliste en Corse), on retrouve une coalition improbable millenials-classe moyenne. Généralement, cette dernière est la clé du débat, même en Italie, où nous avons assisté à une coalition postélectorale entre un Matteo Salvini qui a su s'attirer la sympathie de la classe ouvrière blanche du Nord du pays et le Mouvement Cinq Etoiles dont le cœur électoral est situé chez les Millenials (et dans le Sud). Ce qu'on ne voit pas dans cet accord, c'est qu'électoralement, Salvini est en train de siphonner une grande partie du vote de la classe moyenne provinciale (généralement porté vers Forza Italia), ce qui fait de la Ligue du chaos des derniers mois.
Macron a effectivement pu faire la jonction entre la classe créative et la classe moyenne provinciale en partie dès le premier tour et quasi totalement au deuxième, ce qui lui a assuré la victoire.
Attardons-nous sur la classe des millennials (génération née entre les années 1980 et l'an 2000). Quels sont les ressorts qui nourrissent la radicalité politique de cette génération?
Ce qui caractérise cette classe, c'est d'abord le niveau d'éducation. Les millennials ont fait des études supérieures (au moins trois ans) et ont donc été très influencés par le discours de leurs professeurs, souvent plutôt portés à gauche, et qui leur ont fait miroiter un avenir radieux et un succès fulgurant lors de leur entrée dans le monde du travail. Or, non seulement nos jeunes diplômés ont dû s'adapter à une réalité beaucoup plus nuancée qui les a amené à détester les «bullshit jobs» avec lesquels ils doivent commencer leur carrière professionnelle, mais leur entrée dans le monde du travail a eu lieu dans les années qui ont suivi la crise, avec des emplois peu nombreux et bien moins payés qu'auparavant. Même si leur rapport à la propriété privée (du fait des réseaux sociaux et de l'économie collaborative) est bien moins marqué que les générations précédentes, la rébellion de ces jeunes ne peut pas se résumer à l'image d'Epinal de la crise marxiste de la jeunesse - d'abord parce que les millennials, bien que collectivistes, ne font aucune confiance à l'Etat pour répartir les richesses, et ensuite parce que leur rébellion ouverte est le fruit de leur expérience personnelle - s'ils sont «insoumis», c'est parce que non seulement le système actuel ne fonctionne pas pour eux. Pour une génération élevée dans le culte du moi
En 2018, nos quatre classes sont encore bien présentes, en particulier les classes rebelles qui sont le terreau électoral des populistes et plus la situation économique est tendue, plus les classes rebelles ont la cote.
(un vrai paradoxe au vu de leur collectivisme), c'est l'insulte suprême qui les fait basculer d'abord dans un mouvement de contestation (les Indignados en Espagne, Occupy Wall Street aux USA et Nuit Debout en France), puis dans un mouvement politique, que ce soit Podemos ou Jean-Luc Mélenchon.
La victoire d'Emmanuel Macron a donné l'illusion d'un reflux éphémère des populismes. Quel avenir pour cette lutte des classes? Sous quelles conditions peut-elle se résorber?
Une élection ne règle rien, dans la mesure où le phénomène est sociologique, et global. En 2018, nos quatre classes sont encore bien présentes, en particulier les classes rebelles qui sont le terreau électoral des populistes - et plus la situation économique (ou migratoire) est tendue, plus les classes rebelles ont la cote. Tant que millennials et/ou classe ouvrière blanche se sentiront exclus du système ou estimeront que celui-ci ne marche pas pour eux, alors on ne pourra pas se sortir du problème de la quadrature des classes. A court-terme, cela veut dire qu'il faut jouer avec cette nouvelle donne: se poser comme le porte-voix d'une des classes avant de tenter de rallier une autre à sa coalition électorale (en incluant généralement la classe moyenne provinciale). A plus long-terme, se pose la réinsertion sociale des classes rebelles, puisqu'elles ne s'insurgent que parce qu'elles ont l'impression d'être en marge de nos sociétés globalisées. De même que la poussée du communisme a pu être enrayée en occident par l'intégration de la classe ouvrière dans la classe moyenne, tout le défi des politiques publiques aujourd'hui consiste à réintégrer une de ces classes dans le mainstream. Sinon, la victoire des forces anti-système n'est qu'une question de temps.


Marine Le Pen : « Libérer l'Europe de l'Union européenne » (06.07.2018)
Par Charles Sapin
Mis à jour le 06/07/2018 à 21h23 | Publié le 06/07/2018 à 20h42
Pour la présidente du Rassemblement National, le président sera « l'unique responsable de l'aggravation de l'immigration clandestine dans notre pays ».
LE FIGARO. - Emmanuel Macron prononcera lundi son discours devant le Congrès.Plusieurs députés ont annoncé vouloir le boycotter. Quelle est votre position?
Marine LE PEN. - Quand on est la représentation nationale et qu'on veut combattre une politique que l'on considère comme particulièrement néfaste pour le pays, il faut participer au fonctionnement de la démocratie. On peut très bien nourrir des critiques sur l'organisation de ce congrès, sur cette forme d'américanisation de la vie publique. Il n'en demeure pas moins que le rôle des députés est d'être présent. Sur la forme, je ne trouve pas anormal que le président s'exprime. Encore faut-il qu'il ait quelque chose à dire. Or je crains que M. Macron nous dessine pour la énième fois les contours de l'ancien monde, auquel toutes les nations sont en train de tourner le dos et dont il est le dernier représentant.
Quel bilan tirez-vous de cette première année à l'Assemblée nationale?
Bien que traités comme des sous-députés, nous n'avons pas failli. Nous avons réussi à porter la voix des nationaux au sein de l'Hémicycle et y faire émerger une vision diamétralement opposée à celle d'Emmanuel Macron. Paradoxalement, les interventions dont je suis la plus fière sont celles sur Mayotte. Ce territoire, c'est l'inefficacité du gouvernement à la loupe. C'est la bérézina, c'est le chaos. Comme dit notre collègue LR Mansour Kamardine, «Mayotte, c'est un Aquarius par semaine». 12 000 arrivés ces quatre derniers mois. Il faut regarder de très près ce territoire français car il est notre futur.
Le premier volet d'une révision constitutionnelle de taille sera pourtant discuté dès mardi à l'Assemblée…
C'est un texte supplémentaire, annoncé avec tambours et trompettes, qui est en réalité d'un vide sidéral. Cette réforme se définit par ce qui n'y figure pas: pas de référendum d'initiative populaire, pas de refus du communautarisme, pas d'article réaffirmant la supériorité de la Constitution sur les accords supranationaux, pas de priorité nationale… La seule chose qui y figure est la réduction des pouvoirs de l'opposition au Parlement. Ce qui correspond assez bien à la façon dont Emmanuel Macron veut gouverner.
«La réduction du nombre de parlementaire est une forme de désertification politique de la France très inquiétante»
Marine Le Pen
Le projet de réforme des institutions porté par l'exécutif prévoit pourtant l'instauration d'une dose de proportionnelle comme la réduction du nombre de parlementaires, deux mesures qui figuraient dans votre programme présidentiel…
Je portais alors une vision équilibrée. Je considérais qu'on pouvait réduire le nombre de députés parce qu'on mettait en place une proportionnelle intégrale. Or, le choix qui est fait de réduire le nombre de députés avec une dose de proportionnelle dérisoire - 15% sur 400 députés est une aumône - va avoir une conséquence très lourde: l'effondrement du nombre de représentants de la ruralité. C'est une forme de désertification politique de la France très inquiétante. Il faut réinstaurer une proportionnelle intégrale aux élections législatives. Nous défendrons également lors des futurs débats sur nos institutions une autre mesure issue de mon projet présidentiel, le septennat non renouvelable
Que vous inspire le report du plan pauvreté annoncé par le gouvernement?
Ce report est à l'image de la politique d'Emmanuel Macron: profondément injuste. Personne ne peut s'en réjouir, même pas le petit nombre qui a profité des cadeaux fiscaux et autres largesses de M. Macron. On ne peut pas être heureux tout seul. Personne ne peut se réjouir qu'on passe ainsi au laminoir les classes populaires et les classes moyennes. Nous assistons à un appauvrissement organisé des Français. Si on fait le calcul depuis le début du quinquennat, on s'attaque aux retraités, aux étudiants, aux handicapés avec les règles sur les HLM et bientôt aux veuves avec les pensions de réversion. A quand les orphelins? La France est fondée sur des valeurs auxquelles nous sommes attachés. De surcroît avec sa volonté de financiariser l'économie, Emmanuel Macron décourage les Français de se constituer un patrimoine dans l'idée de le transmettre, pour les pousser à spéculer. On retire la fourmi de son piédestal pour lui préférer la cigale. C'est à contre courant des valeurs françaises.
C'est un effet domino de la montée en puissance électorale de l'AFD. Sans être au pouvoir, le parti impose par sa puissance électorale le gouvernement à appliquer une partie de son programme. C'est un phénomène que nous avons déjà connu avec le Front national. C'est un grand succès, qui a pour conséquence d'esseuler un peu plus Emmanuel Macron en Europe. Si l'Italie ferme ses frontières, l'Autriche ferme ses frontières, l'Allemagne renforce ses frontières, d'après vous, où vont aller les migrants? En France. Le chef de l'Etat, qui n'aura pas fermé les frontières, sera l'unique responsable de l'aggravation de l'immigration clandestine dans notre pays. Là encore Emmanuel Macron est à contre courant de l'histoire.
«Je ressens plutôt une grande victoire idéologique qui se transformera tôt ou tard en victoire politique.»
Marine Le Pen
Vous parlez régulièrement des victoires de l'AFD en Allemagne, de la Ligue en Italie ou du FPÖ en Autriche. N'avez-vous pas un sentiment d'échec en comparaison de vos partenaires européens?
Notre mode de scrutin n'est pas le même que le leur. J'ai fait 35% au second tour de l'élection présidentielle. La Ligue a fait 17% aux dernières élections législatives, et ils gouvernent. Nos amis autrichiens sont également au pouvoir, après avoir recueilli 26% des suffrages en 2017. Je ne me sens pas en situation d'échec, bien au contraire. Je ressens plutôt une grande victoire idéologique qui se transformera tôt ou tard en victoire politique. Cela met un peu plus de temps en France car le système institutionnel y est totalement verrouillé. Mais cette victoire arrivera. Je n'ai aucune inquiétude à ce sujet. Ce qui importe aujourd'hui, ce sont les élections européennes où, nous pouvons libérer l'Europe de l'Union européenne. Les libérateurs de l'Europe, c'est nous: c'est Salvini, c'est Strache, c'est Marine Le Pen. Nous allons assister à une révolution démocratique, les temps que nous vivons sont des temps historiques. C'est enthousiasmant.
Vous promettiez une grande liste de rassemblement pour les européennes. Vos partenaires tardent pourtant à se faire connaître tandis que Nicolas Dupont-Aignan a repoussé votre main tendue.
Je peux vous annoncer que la liste Rassemblement national aux prochaines européennes sera bien une liste de rassemblement. Laissez-nous la maîtrise de notre calendrier. Quant à Nicolas Dupont Aignan, je lis ses interviews et ai le sentiment qu'il a le souhait de partir seul. J'en comprends mal les raisons mais, après tout, il est libre de sa décision et peut encore en changer. Sinon, nous nous retrouverons au parlement européen, du moins c'est ce que je lui souhaite, puisque nous sommes tous les deux sur la même ligne politique.
Avez-vous fait le choix d'une tête de liste?
Je suis encore en réflexion. Mais c'est un choix qui a somme toute peu de conséquences. Notre ligne politique est claire, et sera la même quelle que soit la personnalité choisie. Ce qui n'est pas exactement le cas pour Les Républicains. Est-ce qu'ils resteront dans l'eurobéatitude avec un Jean Leonetti ou un Damien Abad à leur tête, ou feront-ils le choix d'une franche rupture. C'est en cela que ces élections européennes seront compliquées pour les vieux partis. Traversés par des visions différentes jusqu'à présent, ils sont désormais contraints de clarifier leurs positions. Sauf que cette clarification leur sera mortelle.

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Marcel Gauchet : «La masculinité est passée de l'évidence à une mise en doute systématique» (05.07.2018)

Par Eugénie Bastié
Mis à jour le 05/07/2018 à 21h17 | Publié le 05/07/2018 à 19h13
GRAND ENTRETIEN - L'historien et sociologue analyse la «nouvelle immaturité masculine» qui résulte de l'avènement d'une société égalitaire où la différence des sexes est brouillée et où la domination masculine n'existe plus.
La revue Le Débatconsacre son numéro 200 au «masculin en révolution». L'occasion d'interroger l'historien et sociologue sur les enjeux contemporains du féminisme, à l'heure de la révolution #MeToo. Pour Marcel Gauchet, la domination masculine n'existe plus, et les inégalités qui subsistent encore ne sont que le reliquat d'un héritage historique qui a perdu ses bases. Il analyse la «nouvelle immaturité masculine» qui résulte de l'avènement de cette société égalitaire où la différence des sexes est brouillée. La montée de l'autorité maternelle et la féminisation des métiers de la transmission ont pour revers un alignement de la sexualité sur les critères masculins, dont la pornographie est l'expression extrême. Face à ces nouveaux défis, il nous faut réinventer le commerce entre les sexes.
LE FIGARO. - Pourquoi avoir consacré un dossier de la revue Le Débat sur «le masculin en révolution»?
Marcel GAUCHET. -On ne peut être indifférent au changement anthropologique en train de se jouer sous nos yeux: la nouvelle place des hommes, dans un monde où la séparation des sexes ne fonctionne plus. L'attention publique se concentre très normalement sur la montée en puissance des femmes à tous les niveaux ou sur les inégalités persistantes dont elles sont victimes. Mais comment cette «révolution du féminin» pourrait-elle ne pas affecter l'autre sexe? La mutation n'est pas moindre de ce côté-là. La masculinité est passée d'un système d'évidences à une mise en doute systématique. La division de l'humanité en deux sexes était quelque chose qui allait de soi, c'est devenu une question qui travaille la société de manière généralisée, dès lors qu'il n'y a plus de destin déterminé par le sexe. Que devient la spécificité masculine dans ce contexte?
Cette redéfinition obligée amène avec elle une série de nouveaux problèmes sociologiques et psychologiques qui touchent la sexualité, la vie de couple, le rapport à la paternité. Le plus en relief est sans doute l'effondrement scolaire des jeunes garçons et leur désinvestissement des études.
«Il y a une nouvelle culture de l'immaturité masculine. L'horizon masculin par excellence, pour les jeunes, était celui de la responsabilisation adulte, via la prise en charge d'une famille. Cette perspective s'est évaporée»
Marcel Gauchet
Qu'est-ce que cette «immaturité masculine» que vous évoquez?
Il y a en effet une nouvelle culture de l'immaturité masculine. L'horizon masculin par excellence, pour les jeunes, était celui de la responsabilisation adulte, via la prise en charge d'une famille. Cette perspective s'est évaporée. Du coup, le sens même de la jeunesse, les conditions de l'entrée dans la vie et de la préparation à une carrière professionnelle, s'est profondément transformé pour les jeunes garçons. La sexualité s'est complètement dissociée de la procréation. Pour les femmes, la conquête des rôles classiquement masculins est un horizon naturel, mais pour les hommes, auxquels ils s'imposaient de manière très contraignante, ils ont largement perdu leur signification. Dans cette espèce de suspens qu'est devenue la jeunesse longue, il s'est formé un mode de vie inédit, avec ses codes propres et ses micromilieux. L'un des plus curieux est le petit univers de la technologie numérique, presque exclusivement masculin. Mais cet entre-soi n'a plus rien à voir avec la virilité classique.
Vous écrivez un article sur «la fin de la domination masculine». N'est-ce pas contre-intuitif à l'heure de #MeeToo et de la dénonciation d'un harcèlement sexuel encore massif?
Je crois qu'on a affaire à ce phénomène bien répertorié qu'on peut appeler l'«effet Tocqueville»: c'est au moment où l'inégalité s'affaiblit qu'on proteste contre elle. Tocqueville montre bien, à propos de la Révolution française, que la distance entre les ordres sociaux est devenue insupportable au moment où elle était en train de se réduire. C'est la même chose entre les sexes. Il reste des inégalités importantes, qui songerait à le nier? Mais elles sont le reliquat d'un héritage historique, qui a perdu ses bases, ce qui les rend inacceptables. Ce qui faisait l'âme de la domination masculine, à savoir l'articulation des sexes sous le signe de leur complémentarité et de la prééminence d'un sexe sur l'autre, est mort et bien mort. Ce qui subsiste par inertie sociologique des traces de ce phénomène archimillénaire apparaît d'autant plus intolérable. On peut situer la rupture dans les années 1970, avec la grande vague d'individualisation qui a achevé d'abolir le principe de hiérarchie dans l'ensemble de la vie sociale, et en particulier dans le dernier bastion où cette hiérarchie conservait un sens, qui était la famille.
«Ce qui faisait l'âme de la domination masculine, à savoir l'articulation des sexes sous le signe de leur complémentarité et de la prééminence d'un sexe sur l'autre, est mort et bien mort»
MArcel Gauchet
Dans votre article, vous faites un lien entre le mouvement de désenchantement du monde et la fin de la domination masculine. Quel est leur lien?
La domination masculine était en effet partie prenante de l'organisation religieuse des sociétés. La fonction sociale des religions était de produire cette dimension constitutive des sociétés qu'est leur perpétuation dans le temps au-delà du renouvellement incessant de leurs membres, qui naissent et meurent. À partir du moment où le fondement de l'ordre collectif est posé comme surnaturel et immuable, l'obéissance aux règles qui en découlent assure cette permanence du cadre culturel, indépendamment de la vie et de la mort des acteurs. Mais elle ne suffit évidemment pas! Encore faut-il qu'il y ait des acteurs. La production de la durée collective suppose pour commencer la reproduction biologique. Or ce sont les femmes qui font les enfants, même si les hommes y sont pour quelque chose. C'est là que se joue leur assujettissement, sous la forme d'une appropriation sociale de cette puissance de fécondité et de sa subordination à la reproduction culturelle, réservée aux hommes.
Ce qui a permis l'émancipation féminine, dans l'autre sens, c'est l'invention d'une autre manière pour les sociétés d'assurer leur continuité dans le temps, qui est un aspect essentiel de la sortie de la religion. La procréation a cessé d'être une affaire publique, si j'ose dire, pour se voir remise à la liberté privée des personnes. Avec pour effet la chute du taux de natalité. Ce n'est pas un hasard si l'Europe, où la sortie de la religion a sa pointe avancée, a un problème de reproduction de sa population. Il va falloir, là aussi, vouloir en conscience ce que nous pensions, à tort, aller de soi.
Dans ce cadre, #MeToo est-il la queue de la comète de la révolution sexuelle ou bien une nouvelle révolution?
C'est une petite révolution qui ne fait que répercuter, prolonger et mener vers son terme la grande révolution. Tout ce qui perdure de poches de résistance, du fait de conditions favorables, je pense en particulier à la vie professionnelle avec ses rapports hiérarchiques au sens fonctionnel du terme, est voué à disparaître. Rien ne peut résister au mouvement engagé.
L'égalité parfaite entre les sexesest-elle donc un horizon possible?
Entendons-nous sur ce qu'il faut mettre sous la notion d'«égalité parfaite». Si l'on parle d'une parfaite symétrie ou indistinction des comportements, je ne crois pas qu'elle soit au programme. La question civilisationnelle qui est devant nous est plutôt celle de la renégociation du contrat entre les sexes, sur la base de ce qui subsistera de différences au milieu de l'égalité. Nous sommes à cet égard dans un moment de creux historique. Il reste à inventer une culture égalitaire respectueuse de la différence entre hommes et femmes, avec ses codes et ses règles de civilité, quelque chose d'inédit dans l'histoire. C'est le genre de chose qui ne se fait pas en un jour par décret. Il y faut un travail des sociétés, dont il me semble, cela dit, qu'il est déjà à l'œuvre.
Vous parlez de «discordance des sexes»… La cohabitation entre hommes et femmes est-elle aujourd'hui plus difficile?
Elle n'est pas plus difficile en soi, mais elle est beaucoup plus exigeante. Il n'y a plus de règle du jeu bien établie. Place à la négociation. Nous nous reposions jusqu'à il y a peu dans une fiction fondamentale, celle de l'harmonie déterminée par la nature instructrice. Les deux sexes étaient supposés faits pour s'entendre, puisque la vie le voulait ainsi. Ajoutez-y une solide hiérarchie des places et des rôles, et officiellement il n'y avait pas de problème. Quand on a affaire à des personnes égales, que seules leurs affinités électives rapprochent, la relation est moins simple. Il ne va plus de soi que les attentes des hommes et celles des femmes soient concordantes. Les deux sexes vont devoir apprendre à se connaître pour de bon.
«Il y a une féminisation des métiers de la transmission et de l'autorité. Mais il y a aussi une sexualisation de la vie sociale typiquement masculine. L'ambiance collective est placée sous le signe d'une sexualité obsessionnelle dont l'esprit masculin ne fait pas de doute»
Marcel Gauchet
Vous évoquez aussi la «montée de l'autorité maternelle»…
Le modèle patriarcal de l'autorité s'est évaporé. Il avait pour propriété de se réclamer de la règle générale impersonnelle, en refoulant la dimension individuelle, affective, subjective. Aujourd'hui, pour que l'autorité soit efficace, elle doit être empathique, prendre en compte la singularité des personnes tout en étant l'exercice d'une responsabilité. Ce dont l'autorité maternelle offre le modèle. Elle fusionne idéalement l'empathie affective et la prise en charge de l'intérêt supérieur des personnes. Elle réunit deux choses que l'autorité paternelle dissociait.
Peut-on dès lors parler d'une «féminisationde la société»?
Non. Il y a une féminisation des métiers de la transmission et de l'autorité. Mais il y a aussi une sexualisation de la vie sociale typiquement masculine. L'ambiance collective est placée sous le signe d'une sexualité obsessionnelle dont l'esprit masculin ne fait pas de doute. La pornographie en est l'expression extrême, mais elle imbibe la culture hédoniste ambiante sous des formes soft, à commencer par la sphère publicitaire. Comme s'il s'était produit une inversion: les femmes étaient du côté de l'intime, du privé, affectif, sentimental, et les hommes du côté des rôles sérieux. Aujourd'hui, les choses sérieuses, la culture, le sens du collectif, tendent à passer du côté des femmes tandis que les hommes tendent à basculer vers le désir et le plaisir sous tous leurs aspects, le sexe, le sport, le jeu, mais aussi plus largement la performance, la compétition, la concurrence. La recomposition n'en est qu'à ses débuts, mais elle est d'ores et déjà impressionnante.

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Face à Emmanuel Macron, une seule alternative : le conservatisme ! (06.07.2018)
  • Par  Frédéric Saint Clair 

  • Publié le 06/07/2018 à 18:41
FIGAROVOX/TRIBUNE - Selon Frédéric Saint-Clair, face à Emmanuel Macron, l'opposition doit renouer avec la tradition politique conservatrice. Une tradition qui connaît un regain d'intérêt aujourd'hui.

Frédéric Saint Clair est analyste en stratégie et en communication politique. Ancien chargé de mission auprès du Premier Ministre Dominique de Villepin, il vient de publier La Droite face à l'islam (Salvator, 2018).

Le temps passe, et Les Républicains s'effacent... Pris en étau entre le centre droit macronien et la droite national-souverainiste, Laurent Wauquiez et sa garde rapprochée taclent sans relâche la politique présidentielle sans pourtant réussir à convaincre. Si la critique porte, et emporte l'assentiment des français, l'espoir ne renaît pas. Critiquer efficacement ne signifie pas gouverner efficacement. Il manque quelque chose à la droite française.
Les français ont aujourd'hui compris que le nouveau monde d'Emmanuel Macron était une invention de la sphère médiatique. Ce nouveau monde n'existe pas. Cependant la dernière campagne présidentielle a bousculé un certain nombre de codes, rebattu un certain nombre de cartes, des codes politiciens essentiellement, des cartes partisanes principalement. Si, pour le quotidien des Français, cette nouveauté ne change pas grand-chose, les hommes politiques auraient en revanche tort de l'ignorer. La surface de la sphère idéologique dans laquelle ils évoluent a muté. Il ne nous semble pas que LR ait pris la mesure de cette mutation… La droite continue de raisonner avec le logiciel 1.0 du XXème siècle: droite, gauche, extrême-droite, extrême gauche, centre, gaullisme, socialisme, gaullisme social... Dès lors, elle se retrouve à la fois morcelée et coincée entre un centre droit et une extrême droite tous les deux massifs: impossible d'exister.
Certains se sont pris à imaginer qu'il fallait casser les barrières. Récupérer les futurs déçus du macronisme en conservant une aile modérée au sein de LR et en autorisant les alliances avec LREM. D'autres ont envisagé d'aller chercher les électeurs tentés par le RN en décloisonnant droite et extrême droite, en assumant un discours autoritaire et identitaire, voire populiste, en acceptant des alliances avec l'extrême droite.
Qu'est-ce donc qui a fait la différence pour François Fillon ? Une seule chose : son conservatisme.
Stratégie aveugle. Aveugle car passéiste. Aveugle car déconnectée des enjeux réels de la France et, plus largement, de l'Europe, voire de l'Occident. Toutes ces alliances ne serviront à rien, pas plus que le soi-disant appel d'Angers qui n'est qu'une alliance déguisée. LR doit en réalité disparaître, afin de renaître sous une forme adaptée aux codes adoptés par Emmanuel Macron. Trump, Poutine, Kurz en Autriche, Orban en Hongrie ou Salvini en Italie jouent dans la même cour. Ils ont tous pris le même virage, ils ont adopté les mêmes codes. Pas Laurent Wauquiez. Plus largement, pas Les Républicains. Pourquoi? Principalement parce qu'ils n'ont pas suffisamment interrogé les raisons de l'envolée de François Fillon lors des primaires de la droite. Son libéralisme économique était, peu ou prou, à l'image de celui des autres candidats. Son autorité en matière sécuritaire dépassait celle d'un Juppé, mais n'égalait pas celle d'un Sarkozy, ou d'un Copé. Qu'est-ce donc qui a fait la différence? Une seule chose: son conservatisme. Un conservatisme dont François Fillon lui-même n'a d'ailleurs pas pris l'entière mesure.
Emmanuel Macron est un progressiste. Il transforme pour transformer. Il est économiciste, c'est-à-dire qu'il est prêt à liquider l'héritage de la France si cela lui permet de gagner deux points de PIB. Il a vendu sans sourciller la garantie d'autonomie énergétique de la France. Il ouvre le rail à la concurrence, ouvrirait tous les secteurs s'il en avait la possibilité. Il est multiculturaliste et internationaliste. Il refuse de laisser accoster l'Aquarius sur les côtes françaises, de manière à afficher de la fermeté, mais s'est dit prêt à accueillir une partie de ses occupants. L'absence de discours sur l'islam d'Emmanuel Macron est la marque de son aveuglement face à l'influence métapolitique grandissante d'un islam culturel parti à la conquête de l'Occident. La seule opposition envisageable au progressisme, à l'économisme, au multiculturalisme et à l'internationalisme du pouvoir exécutif macronien tient en un mot: conservatisme.
La seule opposition envisageable au progressisme, à l'économisme, au multiculturalisme et à l'internationalisme du pouvoir exécutif macronien tient en un mot : conservatisme.
Le conservatisme est aujourd'hui très présent dans la sphère intellectuelle. Hérité de la tradition britannique, il est en train de prendre forme en France. En revanche, ce conservatisme n'est absolument pas incarné politiquement. Le grand besoin de la France d'aujourd'hui est de voir la naissance d'un grand parti conservateur, qui viendrait effacer les anciens clivages et les anciennes lignes de fracture dont l'électorat est lassé, et qui viendrait marquer à la fois une opposition nette au parti progressiste actuellement au pouvoir et une alternative de gouvernement: préserver la France. La protéger. La renforcer. La dynamiser. La rappeler à ses racines. La ressourcer.
La France a besoin de conservatisme politique. Sur un plan culturel tout d'abord, pour maintenir, voire réhabiliter, ses traditions. Ensuite, pour rétablir la notion d'ordre, dont les excès d'autorité affichés aujourd'hui sont dépourvus, alors que c'est bien d'un ordre stable et respecté par la nation, élite et peuple confondus, dont le pays a besoin. Enfin, pour que le progrès et les réformes soient soumis à un impératif de pondération et de réflexion préalables. Contrairement au réactionnaire, le conservateur n'est pas opposé au progrès, mais il l'envisage avec précaution, de manière à s'assurer que les changements opérés ne dégraderont pas la situation au lieu de l'améliorer. Le conservatisme est, à ce titre, un pragmatisme. Peut-être le seul. Le conservatisme est un des rares courants de pensée, avec le libéralisme, à pouvoir constituer une politique. La France s'en est privée pendant des décennies. La fragmentation continue et la dispersion auxquelles la droite est soumise à l'heure actuelle devraient inciter les dirigeants de LR à envisager sérieusement cette alternative. En auront-ils cependant les moyens, et l'audace?
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Frédéric Saint Clair

Agression d'un couple de policiers : les deux suspects arrêtés restent mutiques (07.07.2018)

  • Mis à jour le 08/07/2018 à 11:30 

  • Publié le 07/07/2018 à 11:06
L'agression d'un couple de policiers en dehors de leur service à Othis en Seine-et-Marne mercredi soir avait déclenché une vague d'indignation dans la classe politique.
Le deuxième homme soupçonné de l'agression d'un couple de policiers en dehors de leur service mercredi soir à Othis en Seine-et-Marne a été placé en garde à vue samedi, a annoncé le parquet de Meaux à l'AFP. Recherché, cet homme de 24 ans a été placé en garde à vue à 00h50. Il est le frère cadet d'un premier suspect âgé de 27 ans qui avait été interpellé vendredi.
Les deux frères, agresseurs présumés du couple, ont choisi de garder le silence, a rapporté la procureure de Meaux, Dominique Laurens, samedi soir ajoutant qu'ils seraient présentés au parquet dimanche.
Après la révélation de l'affaire jeudi en fin de journée, le président de la République avait rapidement condamné cette agression. «Pas de mots assez durs pour l'ignominie et la lâcheté des deux voyous qui ont agressé (...) un couple de policiers en dehors de leur service sous les yeux de leur petite fille. Ils seront retrouvés et punis», avait affirmé Emmanuel Macron sur Twitter.
Pas de mots assez durs pour l’ignominie et la lâcheté des deux voyous qui ont agressé hier soir à Othis un couple de policiers en dehors de leur service sous les yeux de leur petite fille. Ils seront retrouvés et punis. Tout mon soutien pour ces policiers et leur famille.
Mercredi vers 21h00, le couple de policiers - une brigadière de 35 ans en poste à Aulnay-sous-Bois et son compagnon, 31 ans, également policier en Seine-Saint-Denis - sortent de chez des amis à Othis chez qui ils viennent de dîner à leur retour de vacances, selon une source syndicale. Alors qu'ils installent leur fille de 3 ans dans la voiture, deux hommes à bord d'un véhicule les interpellent et commencent à injurier la jeune femme, a relaté à l'AFP une source policière. «Ils les ont croisés par hasard et ils ont reconnu la policière qui les avait contrôlés à Aulnay-sous-Bois», selon cette même source.
Les agresseurs descendent alors de voiture et donnent un coup de poing au visage de la jeune femme, qui a le bras en attelle depuis un accident du travail. Ils s'attaquent ensuite à son compagnon, qui, tombé au sol, reçoit plusieurs coups de pied. La policière s'est vu prescrire quatre jours d'interruption totale de travail, son compagnon quinze.
Les deux hommes ont été reconnus par la femme, a ajouté la source policière. L'un, connu notamment pour des faits de détention de stupéfiants, avait été contrôlé par la brigadière quelques semaines plus tôt, selon une source proche de l'enquête.
La classe politique s'est élevée contre l'agression du couple. Plusieurs responsables multipliant les déclarations («Un acte terrifiant et révoltant» menés par des «barbares», pour Eric Ciotti, député LR ou «Épouvantable et abominable», pour Benoît Hamon, fondateur du mouvement Générations).
L'enquête, ouverte pour violences aggravées sur personnes dépositaires de l'autorité publique, a été confiée à la police judiciaire de Meaux.

«Avec les réseaux sociaux, chacun est devenu le surveillant de l'autre» (06.07.2018)

  • Mis à jour le 06/07/2018 à 19:04 

  • Publié le 06/07/2018 à 12:07
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Laurent Gayard a étudié en profondeur l'univers d'Internet : celui des réseaux sociaux, des GAFAM, du darknet... Voyage dans ce monde troublant.
Laurent Gayard est enseignant, est chroniqueur à la Revue des Deux Mondes, à la Revue Phébé, au Magazine Causeur et à la Revue Conflits. Il publie le mois dernier Darknet, GAFA, Bitcoin - L'anonymat est un choix (Slaktine et Cie, 2018).


FIGAROVOX.- Vous décrivez dans votre livre l'omnipotence d'Internet dans le monde contemporain et l'accroissement démesuré de la masse de données stockées en ligne (44 zettabytes en 2020, soit l'équivalent de plusieurs milliers de millions d'années de visionnage vidéo quand les seuls utilisateurs de Facebook s'échangent plus de trente millions de messages et regardent près de trois millions de vidéos par seconde...). Est-il possible aujourd'hui de faire le choix de l'anonymat sur Internet, comme le titre de votre livre le suggère, ou bien est-ce devenu un pur fantasme?
Laurent GAYARD.- Il serait envisageable de retrouver l'anonymat complet en allant s'isoler dans une ferme au fin fond de l'Ardèche, sans compte en banque ni connexion Internet. Mais le réseau conserverait encore beaucoup de traces de votre vie numérique passée. Cela paraît donc très difficile de conserver l'anonymat complet... tout en gardant un semblant de vie sociale. Disons qu'il est possible d'utiliser des outils permettant de laisser un minimum de traces et de métadonnées sur Internet. Il existe par exemple des moteurs de recherche garantissant la confidentialité de la navigation Internet comme Qwant, qu'Emmanuel Macron n'avait pas craint de baptiser le «Google français», sauf qu'il est encore beaucoup moins performant que Google. De manière générale, les moteurs de recherche dits «alternatifs», comme DuckDuckGo, Qwant ou IxQuick ont bien du mal à faire face à la concurrence de l'algorithme de Google. DuckDuckGo a annoncé en 2017 avoir dépassé les dix milliards de requêtes. Google en affiche plus de cinq milliards... par jour. Concernant les échanges par email, il faut noter le succès des plateformes comme ProtonMail ou du célèbre Telegram. On peut aussi utiliser un VPN (Virtual Private Network - Réseau Privé Virtuel) ou un outil comme Tor qui masque votre adresse électronique et votre localisation géographique, mais l'anonymat complet reste très théorique et illusoire.
Vous reprenez la formule du «panoptisme numérique» pour renvoyer au modèle de prison panoptique pensé par Jeremy Bentham (The Panopticon, 1780) dans laquelle la position centrale du gardien lui permet d'observer l'intérieur de toutes les cellules en même temps. À l'heure où, chaque jour, 60 millions de photos sont mises en lignes sur Instagram et plusieurs milliards de personnes publient sur Facebook, sommes-nous devenus les gardiens de prison de notre entourage?
Au lieu de nous libérer, les réseaux sociaux nous ont enfermés dans une prison de verre virtuelle où chacun observe tout le monde.
J'aurais tendance à répondre par l'affirmative. La formule du «panoptisme horizontal» a été reprise par le sociologue Simon Borel («Le panoptisme horizontal ou le panoptique inversé», 2016). Il avance la thèse selon laquelle les réseaux sociaux instaurent un «panoptisme horizontal» qui permet à chacun de surveiller tout le monde à tout instant. D'où l'idée d'un «panoptisme numérique»: au lieu de nous libérer comme il était usage de le penser aux débuts d'Internet, les réseaux sociaux nous ont enfermés dans une prison de verre virtuelle où chacun observe tout le monde et où notre vie privée semble nous appartenir de moins en moins. Chacun est devenu le surveillant de l'autre, en vertu de l'interconnexion que permettent les réseaux sociaux. En vertu, aussi, de la demande de reconnaissance et de visibilité qui caractérise une partie des utilisateurs des réseaux sociaux, ce qui les amène eux-mêmes à faire étalage de leur vie privée pour maintenir une connexion constante avec les autres utilisateurs. Les utilisateurs de ces réseaux sont plus prudents de nos jours mais la simple interconnexion professionnelle nous enserre dans une multiplicité de liens qui garantit une connexion permanente comparable à une forme d'addiction. Reed Hastings, le PDG de Netflix, faisait en 2016 une observation qui s'applique parfaitement aux réseaux sociaux en remarquant que le principal concurrent de son entreprise était... le sommeil.
À ce titre, on pense au phénomène de servitude volontaire: par cette logique de demande de reconnaissance narcissique que vous décrivez, il semble que certains dévoilent de plein gré leur vie privée et deviennent eux-mêmes les proies des GAFA et d'un système qui a besoin d'en connaître un maximum sur nous…
Ce phénomène de servitude volontaire existe en effet. Les utilisateurs des réseaux comme Facebook étaient plus ignorants de cet aspect des choses quand le réseau s'est lancé en 2005 et popularisé au tournant des années 2010. Les gens sont devenus un peu plus conscients du problème avec les derniers scandales ayant explosé, avec la captation des données personnelles et avec l'assujettissement numérique que cela induit. Ces réseaux sont utilisés à des fins privées mais aussi professionnelles et il y a une conscience beaucoup plus nette qu'elle ne l'était auparavant de la captation des données qui existe.
Les gens savent qu'ils contribuent à ce que leur vie privée soit monétisées mais ils s'y font. Il est légitime de parler de servitude volontaire.
Néanmoins les gens continuent malgré tout de souscrire à ce processus: ils savent qu'ils contribuent à ce que leurs données de navigation et même leur vie privée soient monétisées et aussi menacées mais ils s'y font. Je pense ainsi qu'il est légitime de parler de servitude volontaire. L'essor des réseaux sociaux a modifié la notion et la perception collective de vie privée et de vie publique. On la conçoit aujourd'hui différemment de la manière dont on la concevait il y a encore quinze ans. Ce rapport est complètement bouleversé par notre dépendance au numérique et à la connectivité. Chaque année, les rapports diligentés par Mary Meeker présentent un très bon état des lieux de notre rapport au numérique. L'étude de 2013 établissait que le consommateur moyen consulte son téléphone 150 fois au cours d'une même journée. Le rapport de 2017 jugeait qu'en moyenne un utilisateur adulte consacrait 5,6 heures par jour à un outil connecté, ordinateur ou téléphone mobile, une dépendance qui entraîne même quelques pathologies nouvelles comme celle de la «vibration fantôme», relevée par des chercheurs de l'université d'Austin, au Texas, c'est-à-dire la sensation, plus ou moins chronique, que notre téléphone vibre pour nous indiquer des messages alors que ce n'est pas le cas.
Pensez-vous alors que les grands groupes (GAFA) ont conscience de ce bouleversement qu'induit la nouvelle séparation entre sphère privée et sphère publique liée aux réseaux sociaux et qu'ils s'en servent dans leur intérêt?
Oui! On utilise parfois le qualificatif de «pétrole de la donnée» pour faire référence à la manne financière de plus en plus grande que représente la collecte des informations personnelles. Ce marché est en pleine expansion, sa valeur économique augmente de 15 à 20 pourcents par an (ce marché pèse près de trente milliards de dollars de nos jours et il devrait en représenter près de soixante-dix en 2021 selon une étude récente), donc la vente des données personnelles liées aux partenaires commerciaux des sociétés telles que Google et Facebook augmente sans cesse. Ces données sont également utilisées pour permettre à Facebook et Google d'améliorer leurs algorithmes en affinant leur connaissance des profils d'utilisateurs. Je donnais l'exemple de Qwant, mais si Google reste encore plus performant que Qwant c'est justement parce qu'il utilise la captation des données personnelles pour s'améliorer et améliorer les résultats de recherche proposés. Dans le même temps, les données et métadonnées (temps de connexion, origine, durée de consultation et objet de la recherche...) sont revendues, aussi bien par les GAFA que par les entreprises qui développent des applications pour téléphone mobile par exemple.
Google est devenu une forme de grand confesseur mondial : tout le monde se confie quotidiennement à lui, ce qui enrichit le marché des informations personnelles.
C'est un marché énorme, qui place des sociétés comme Google dans une situation de domination économique totale. Phénomène qui n'est absolument pas remis en cause et s'accroît avec le consentement de la population mondiale, car Google est devenu une forme de grand confesseur mondial: tout le monde se confie quotidiennement à lui et lui adresse ses «prières», sous forme de requêtes, ce qui enrichit le marché des informations personnelles. L'emprise de Google sur le quotidien d'une partie de la population mondiale est devenue tellement importante qu'un collectif a créé une très parodique «Église de Google» démontrant en neuf points que nous avons fait de Google une divinité. Notre servitude volontaire provient aussi du fait que nous sommes incapables de comprendre les interfaces que nous utilisons. À ce titre, les fameux «Millennials» ne s'en sortent pas vraiment mieux que leurs aînés. Cette génération n'est pas spécialement mieux lotie que les précédentes. Se servir intuitivement des outils informatiques ne garantit pas que vous les maîtrisiez. Et toutes ces interfaces développées par Apple ou Microsoft sont certes très intuitives, mais aussi extrêmement intrusives. Elles orientent les choix des utilisateurs en fonction des intérêts commerciaux des entreprises qui les ont développées et elles influent même sur leurs opinions et leurs comportements de consommation.
Il s'agit donc d'un marché dont, comme vous le dites en exergue de votre livre, nous sommes les produits («Si Internet est gratuit, c'est que c'est vous le produit.»). N'est-ce pas là la caractéristique principale de la période que nous vivons actuellement?
Nous sommes en effet devenus des produits: l'utilisateur de Google ou Facebook fait figure de «produit test» pour ces sociétés. Les métadonnées fournies vont être revendues à d'autres partenaires commerciaux qui les utiliseront pour produire des publicités ciblées, mais les choses peuvent aller bien plus
Nous sommes devenus des produits : l'utilisateur de Google ou Facebook fait figure de « produit test » pour ces sociétés.
loin. Par exemple, le récent scandale de Cambridge Analytica a fait oublier que la firme de Mark Zuckerberg avait déjà fait l'objet d'une réprobation générale quand le journal britannique The Guardian avait révélé en 2014 l'étude comportementale menée par les équipes de Facebook en 2012, visant à étudier la manière dont les modifications apportées au fil d'actualité pouvaient faire changer l'état émotionnel des utilisateurs. En réalité, Facebook a mené régulièrement ce type d'études à différentes échelles et définit des «utilisateurs cibles» utilisés à leur tour pour tester des produits commerciaux ou en faire la promotion auprès de leurs «amis», quand ce ne sont pas des «bots» (des comptes gérés par des «logiciels intelligents») qui le font.
Vous proposez des solutions alternatives pour contrebalancer l'essor des GAFA, leur «prison dorée numérique» et leur «despotisme doux», notamment par une appropriation citoyenne du darknet, puisque vous parlez d'un «darknet pour tous», mais aussi par l'usage de la blockchain et du bitcoin. Pouvez-vous nous en dire plus?
Commençons par distinguer ces différents termes. Les «darknets» sont des réseaux parallèles, ou superposés, au web (à la toile), c'est-à-dire à l'Internet que nous utilisons tous les jours. On peut citer les exemples des réseaux Tor, le plus connu, de Freenet ou d'I2P. Ces «réseaux cachés» garantissent, par le chiffrement (le cryptage) des échanges, l'anonymat des utilisateurs aussi bien que des propriétaires de sites hébergés sur ces réseaux. Cela incite évidemment les activités illégales à se développer sur ces réseaux mais on peut remarquer aussi que nombre d'activités tout à fait légales, et que l'on retrouve sur le web classique, se retrouvent aussi sur les darknets: blogs, sites commerciaux, supports vidéo, audios, forums...Nombre d'utilisateurs de ces services estiment tout simplement que l'anonymat garanti sur ces réseaux leur redonne accès à un internet «non-surveillé», échappant à l'omniprésence de la publicité et plus respectueux de la confidentialité de la navigation. Évidemment, ces réseaux ne sont pas aussi intuitifs que les outils utilisés chaque jour par des milliards d'utilisateurs et leur fréquentation est encore très modeste. Tor, le réseau «darknet» le plus populaire, revendique trois millions d'utilisateurs quotidiens, une goutte d'eau dans l'océan des trois milliards cinq cents millions d'utilisateurs quotidiens d'Internet. Le journaliste anglais Jamie Bartlett, auteur en 2014 de Darknet, inside the digital underworld, estime même que ces «réseaux cachés» ont un véritable avenir commercial, en dehors des activités illégales ou des forums de hackeurs, en raison de l'inquiétude croissante du grand public vis-à-vis de la question de la préservation de l'anonymat.
Il faudra peut-être attendre encore 5 ou 10 ans pour voir paraître les premières applications abordables pour contrebalancer le système des GAFA.
La «blockchain», quant à elle, est un livre de compte virtuel qui enregistre les différentes transactions réalisées avec des cryptomonnaies telles que le bitcoin. Ce livre de compte fonctionne grâce à un réseau d'utilisateurs qui alloue une partie de la capacité de calcul de leur machine pour permettre à l'ensemble du système de fonctionner. Pour expliquer les choses simplement, il s'agit d'un système de calcul distribué qui permet, dans le cas des cryptomonnaies comme le Bitcoin, de réaliser des transactions sans l'intervention d'une tierce-institution, c'est-à-dire sans banque. Mais le système de la blockchain est applicable à un grand nombre d'autres domaines, allant de l'édition à la gestion des données personnelles. C‘est un réseau numérique pensé par et pour les utilisateurs, qui permet d'envisager de développer des applications offrant aux utilisateurs la capacité d'enregistrer et de relayer eux-mêmes les données qu'ils produisent. Le principe de la blockchain a été développé par Satoshi Nakamoto (l'inventeur du bitcoin) et il est au cœur du système du bitcoin. Il est très difficile, en revanche, de savoir quand les différentes applications de la chaîne de blocs pourront vraiment se démocratiser. Il faudra peut-être attendre encore 5 ou 10 ans pour voir paraître les premières applications liées à cet outil pouvant être abordables pour contrebalancer le système des GAFA (je renvoie d'ailleurs aussi à l'ouvrage d'Adli Takkal Bataille, Bitcoin, la monnaie acéphale, sur ce sujet). Le bitcoin est l'exemple le plus célèbre de monnaie sans État qui permette l'utilisation d'un système de transaction de pair à pair. Il y a, par ailleurs, des milliers de cryptomonnaies et un roulement continu de nouvelles cryptomonnaies qui apparaissent et disparaissent. Certaines sont complètement anonymes, comme Monero, ce n'est pas le cas du bitcoin qui ne garantit pas l'anonymat. Il propose plutôt une forme d'alternative aux transactions financières classiques. Certaines bourses ont déjà fait savoir qu'elles acceptaient les contrats en Bitcoin, notamment celle de Chicago.
Internet renvoyait une certaine image de liberté et d'insouciance à ses débuts, notamment dans les années 2000, tandis qu'aujourd'hui cet esprit semble dépassé. Allons-nous vers un usage d'Internet de plus en plus contrôlé et néfaste?
Il y a une nette différence entre l'Internet encore un peu utopique des débuts et celui qui est utilisé aujourd'hui par les deux tiers de la planète. On ne peut nier les situations de monopoles et de concentration capitalistiques qui affectent aujourd'hui l'économie numérique mais au-delà de cela c'est notre rapport à l'outil numérique qui est en question. Dans les années 90 et jusqu'au début des années 2000, la «fièvre Internet» montante pouvait se comparer à la fièvre du bitcoin qui a marqué l'année 2017 et avait donné lieu à l'éclatement de la bulle Internet au début du XXIe siècle.
Il y a une nette différence entre l'Internet encore un peu utopique des débuts et celui utilisé aujourd'hui par les deux tiers de la planète.
Mais l'utilisation des différents services offerts par le réseau à cette époque donnait encore une impression de chasse au trésor et nécessitait de comprendre les outils que l'on utilisait pour en tirer le meilleur parti. L'essor du téléchargement a forcé l'industrie culturelle à revoir son modèle économique en même temps qu'elle a amené de nombreux utilisateurs d'Internet à mieux connaître et appréhender les technologies qu'ils utilisaient. Cette période a aussi été marquée par l'essor des communautés groupées autour des logiciels libres, défendant une conception ouverte de l'usage et de la consommation des outils informatiques. L'environnement numérique d'aujourd'hui donne l'impression d'un verrouillage et d'un contrôle plus strict, par les autorités gouvernementales, mais surtout par des entreprises que l'on ne présente plus, notamment les fameux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Dans le même temps, une partie des utilisateurs semblent s'en remettre à une utilisation plus confortable, mais aussi plus subtilement encadrée d'Internet. Le prix à payer est la captation et le commerce de leurs données personnelles. La question que l'on peut se poser aujourd'hui consiste à savoir si l'inquiétude plus grande de l'opinion vis-à-vis de la question de la confidentialité et le développement parallèle d'outils d'anonymisation partiels ou très complets (comme le système d'exploitation TAILS), ou encore l'essor des cryptomonnaies ou du principe de la blockchain, peut amener à repenser le modèle de l'économie numérique, comme le téléchargement y avait poussé dans les années 2000. C'est encore un peu tôt pour le dire, bien sûr.
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Valérie Toranian «Aujourd'hui Desproges serait surveillé par le CSA et lynché sur les réseaux sociaux» (06.07.2018)

  • Mis à jour le 06/07/2018 à 20:02 

  • Publié le 06/07/2018 à 19:41
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Valérie Toranian, rédactrice en chef de la Revue des Deux Mondes, aborde les sujets du féminisme et du politiquement correct. Elle s'inquiète d'une mise en danger de l'humour et de la liberté d'expression.

Valérie Toranian est journaliste, ancienne directrice de la rédaction d'ELLE et directrice de la Revue des deux Mondes. Le dernier numéro de la revue est consacré à Pierre Desproges et pose la question: «l'humour est-il mort?». Valérie Toranian a également publié cette année aux éditions Flammarion le roman Une fille bien.


FIGAROVOX.- En couverture du dernier numéro de La Revues des deux mondes, la photo de Pierre Desproges et ce titre: «Femmes, juges, Noirs, étrangers, Dieu, homosexuel … Le rire est-il mort?». Pourquoi cette une? Le politiquement correct est-il de retour?
Valérie Toranian.- L'insolence de Pierre Desproges, sa passion jubilatoire pour les mots, son esprit rabelaisien et voltairien, tellement français, ses calembours, son goût de l'absurde nous manquent. Pourrait-il se permettre aujourd'hui ses réquisitoires politiquement incorrects du Tribunal des flagrants délires sur une radio de service public? Il serait attaqué par des associations, surveillé par le CSA et lynché sur les réseaux sociaux. L'esprit de sérieux envahit tout. On peut être féministe (c'est mon cas) et rire des blagues sur les femmes quand elles sont drôles. Desproges osait tout mais il n'était jamais lourd ou vulgaire. Nous n'avons pas résisté au plaisir de publier soixante-cinq parmi les plaisanteries les plus incorrectes de Desproges, une lecture jouissive! On peut encore rire beaucoup en France et sur de nombreux sujets. Une nouvelle scène existe, pleine de talents.
L'humour est une arme contre la bêtise.
Mais la scène se communautarise. Dans les stand-up, les Noirs peuvent faire sans problème des blagues de Noirs, les Arabes des blagues sur les Arabes, les Juifs sur les Juifs etc. Mais rire de tout et de tous est plus compliqué. L'humour est une arme contre la bêtise. L'humour juif est une parade des Juifs contre l'antisémitisme qui ridiculise les pires clichés antisémites pour désarmer la haine. Le witz anglais est une école de vie: Churchill devait convaincre la chambre des Lords de l'entrée en guerre en faisant vibrer la fibre patriotique mais aussi en amusant la galerie!
Vous ouvrez ce numéro avec un grand entretien du dessinateur Riss qui a repris la direction de Charlie Hebdo après l'attentat. La liberté d'expression a-t-elle régressé depuis la marche du 11 janvier en soutien aux journalistes de l'hebdomadaire satirique?
Riss a repris avec courage le flambeau de Charlie Hebdo après la tuerie islamiste de janvier 2015. Il incarne aujourd'hui quelque chose de très fort, un esprit de résistance, la presse debout. Il nous explique dans cet entretien la complexité de son métier de dessinateur. Aujourd'hui les tribunaux protègent encore la liberté d'expression mais sont de plus en plus confrontés au «droit à la sensibilité», une notion qui oblige à reconnaître l'offense faite à un tiers en fonction de critères totalement subjectifs. Ce sont des pièges habiles et dangereux mis en travers de la liberté d'expression. Au nom des victimes ou de ceux qui se sentent offensés, doit-on se contraindre, s'autocensurer? Après les attentats de Charlie on a découvert qu'une partie importante de la population «n'était pas Charlie». Mais «être Charlie» ne signifie pas adhérer à tout ce qu'écrit ou dessine Charlie, mais se battre pour que Charlie Hebdo ait le droit de s'exprimer. Ce droit régresse, y compris hélas chez les jeunes, qui jugent qu'on n'a pas le droit de rire de tout, que certains sujets sont sacrés, tabous, que «Charlie Hebdo l'a bien cherché». C'est la tentation radicale d'une partie de la jeunesse récemment mise en avant dans une étude du CNRS. C'est inquiétant. Les islamo-gauchistes qui remettent en question la liberté d'expression de Charlie sous prétexte de se mettre du côté des «musulmans» sont des pousse-au-crime dangereux. Ils sont en première ligne dans le débat d'idées. Qui se bat aujourd'hui face à eux? Sommes-nous prêts à défendre ce principe fondamental de la liberté d'expression? C'est la question importante que pose Riss.

Le droit a rire de tout régresse, y compris chez les jeunes chez qui on trouve certains tabous.
Comment expliquez-vous cette régression?
La montée en puissance des droits individuels a sanctuarisé la différence et a détourné de leur sens originel des valeurs qui nous semblaient évidentes. «Liberté, égalité, laïcité»: chacun propose sa définition et détruit ce que la République a patiemment tissé pendant des décennies. Le repli identitaire et communautaire est une réalité. L'islam politique est très influent dans le débat sociétal même si je pense que la majorité des musulmans ne se sentent pas en rupture avec la République et espèrent au contraire qu'elle va les protéger des extrêmes. Mais ceux qui prônent la communautarisation à l'anglo-saxonne ont le vent en poupe actuellement. Le postmodernisme et le libéralisme politique s'en accommodent fort bien. C'est la matrice dont est issu Emmanuel Macron.
En tant que féministe, ne trouvez-vous pas que nombre de ces dernières ont perdu le sens de l'humour?
Tous les idéologues de tous bords ont par définition un sens de l'humour limité. À droite comme à gauche. Chez les féministes comme chez les culs-bénits. Je ne me reconnais pas dans ces extrêmes mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. On a besoin du féminisme.
Priver Tex d'émission va-t-il vraiment faire évoluer la cause des femmes?
Bien sûr que non! Ce qui la fera évoluer c'est d'avoir de plus en plus de femmes chez les humoristes, les créateurs, les réalisatrices, les écrivains, les auteurs de BD etc. Pour que chacune s'exprime et rende compte de l'évolution des mentalités, des univers, de l'humour, des angoisses qui traversent notre époque.
Si être réactionnaire c'est pointer l'effondrement de l'école, la montée du communautarisme et parler du nouvel antisémitisme alors nous sommes beaucoup à être réactionnaires…
Votre dernier roman, publié chez Flammarion, s'intitule Une fille bien. Qu'est-ce qu'une fille bien au XXIe siècle?
Une fille qui essaye de garder le cap! Ce livre raconte l'histoire d'une femme qui retrouve son journal d'enfance. Il est plein d'allusions mystérieuses à ce qui pourrait ressembler à une relation avec un homme plus âge lorsqu'elle avait douze ans. Sauf qu'elle ne s'en souvient plus du tout. Elle soupçonne même ce journal d'être truffé d'histoires imaginaires. Mais peu importe. Tout son entourage s'en mêle. Entre ceux qui veulent faire d'elle une victime et ceux qui projettent sur elle leurs propres fantasmes, la voilà prise dans un tourbillon qu'elle ne maîtrise plus. C'est surtout une comédie pleine de rebondissements cocasses sur les femmes, leurs incohérences, leurs contradictions, leur sens de la fraternité, l'amitié, la solidarité. J'en ai côtoyé beaucoup quand je dirigeais ELLE et j'ai une grande tendresse pour ces personnages féminins perpétuellement tiraillés par l'époque.
Avec le recul, quel bilan tirez-vous du «phénomène» #BalanceTonPorc. Libération de la parole des femmes ou lynchage numérique?
La libération de la parole des femmes est une avancée incontestable. Témoigner contre les comportements inadmissibles qui ont toujours cours est une nécessité. Transformer Twitter en tribunal n'est pas un progrès à mon sens. Mais les réseaux sociaux sont le mode d'expression des nouvelles générations. Et il n'y a pas que du lynchage, loin de là. Ce sont des moments de vie, des situations, des interrogations qu'on partage. C'est de la matière brute contemporaine. C'est aussi un miroir déformant, grossissant. Et un foyer de haines. Attention, les réseaux sociaux ne sont pas le reflet de tous.
Avec Élisabeth Badinter, vous défendez un féminisme universaliste et laïque. Que vous inspire le néoféminisme différentialiste?
Je ne partage pas la vision intersectionnelle, racisée, ethnicisée du féminisme. Je ne pense pas que le féminisme islamique soit fidèle au féminisme, quand celles qui le revendiquent intègrent des codes de «modestie», d'effacement par rapport à l'homme, de non visibilité et d'infériorité. Je ne pense pas qu'une femme musulmane doive se contenter de moins de droits qu'une femme occidentale «parce que c'est sa culture». Je ne pense pas que la liberté des femmes et le féminisme soient des valeurs occidentales et néocoloniales qu'on voudrait imposer aux femmes non-occidentales contre leur gré. Partout dans le monde, des femmes ont des rêves d'égalité et de liberté. Ce sont des valeurs universelles. Le chemin est long et difficile et chacune dans son pays doit se saisir du combat avec ses propres armes, son agenda, ses intuitions. En France, certaines jeunes femmes musulmanes sont prises dans un conflit de loyauté par rapport à leur communauté. Elles ne veulent pas critiquer ouvertement des formes de régression, de pression, parce qu'elles ont l'impression de «trahir». De faire le jeu des racistes. Ce n'est pas facile. La confusion entre racisme et critique de la religion ou de l'islam politique est hélas permanente. Y compris dans les médias. Mais plus nous cloisonnerons les combats, plus nous insisterons sur les différences, plus le féminisme régressera au profit du repli identitaire. Et les femmes seront perdantes au final...
Votre attachement au modèle républicain s'explique-t-il en partie par votre parcours de petite fille d'immigrée?
Bien sûr. Mon nom de famille était imprononçable. Chez ma grand-mère paternelle on mangeait arménien et on ne parlait pas français mais à l'école tout s'effaçait sans qu'il y ait besoin non plus de renoncer à ce qu'on était. Les racines, les cultures, la religion étaient des affaires privées. Chez moi, l'école était vénérée, les professeurs respectés. Mes grands-parents paternels étaient des rescapés du génocide arménien qui ont fui la Turquie. Ils ne voulaient qu'une chose, que leur enfant s'intègre dans son nouveau pays. Je suis française grâce à Victor Hugo, à la langue et la littérature. Je suis européenne grâce à Homère à l'Iliade et l'Odyssée. Cosette et Ulysse étaient mes héros d'enfance. Et mes racines arméniennes sont présentes sans que cela n'interfère avec aucune de mes convictions républicaines. Nous sommes chacun constitué de mille identités.
À vos débuts à la Revue des deux Mondes, certains vous ont accusé de durcir la ligne de cette institution. Certains ont parlé de «tournant réactionnaire». Trois ans après, les chiffres vous donnent raison…
Ça veut dire quoi «réactionnaire»? Les républicains de gauche sont désormais taxés de «réactionnaires». Si être réactionnaire c'est pointer l'effondrement de l'école, la montée du communautarisme et parler du nouvel antisémitisme alors nous sommes beaucoup à être réactionnaires… Ceux qui parlent de tournant réactionnaire sont des grincheux qui s'agacent que la revue ne soit pas politiquement correcte et aborde frontalement des sujets qui font débat. Nous accueillons dans nos colonnes des personnalités très différentes, pour que les points de vue du lecteur s'enrichissent. Le lecteur n'a pas besoin de catéchisme, il est suffisamment intelligent pour se faire sa propre opinion. Depuis trois ans que nous avons adopté cette nouvelle ligne éditoriale la revue a triplé ses ventes. Et avec ce numéro sur Desproges, d'après nos estimations, nous allons probablement les multiplier par cinq! Cela prouve que nous répondons à une attente: les lecteurs sont prêts à payer l'exigence, la qualité, l'ouverture, la réflexion et l'approfondissement sur des problématiques qui les intéressent.
Comment expliquez-vous ce renouveau de l'intérêt du grand public pour le débat d'idées?
L'époque est pleine d'incertitudes, de changements, de révolutions profondes comme celle du numérique qui modifient considérablement l'économie et nos comportements. Le modèle de société que nous connaissions est mis à mal. Mais c'est aussi une époque foisonnante d'idées, de défis à relever, avec des grands penseurs, des philosophes exceptionnels, des voix fortes que l'on peut mettre à contribution. Une aubaine quand on dirige une Revue!

La «marche solidaire» pour les migrants est arrivée à Calais (08.07.2018)
  • Par   Le figaro.fr  AFP, Reuters Agences 
  • Publié le 08/07/2018 à 16:34
Samedi, la marche longue de 1400 kilomètres a pu entrer à Calais. Ce dimanche, une vingtaine de migrants accompagnés de membres associatifs ont tenté de traverser la Manche pour se rendre en Angleterre. Ils ont été arrêtés.
Une vingtaine de migrants à bord d'un car accompagnés par des membres associatifs ont été arrêtés au port de Calais dimanche par la police française au moment d'embarquer pour l'Angleterre sur un car-ferry. Entre 7h00 et 8h00, «24 étrangers qui ne disposaient pas des documents administratifs, donc en situation irrégulière, ont été descendus du bus et ont été amenés au centre administratif de rétention de Coquelles» par la police aux frontières (PAF) pour contrôler leur situation, a indiqué à l'AFP la préfecture. En fin de matinée, quatre d'entre eux, en situation régulière, avaient été libérés.
Les migrants ainsi que les membres associatifs font partie de la «marche solidaire» organisée par les associations l'Auberge des migrants et la Roya citoyenne. Partis de Vintimille deux mois plus tôt, le groupe est arrivé à Calais samedi. Sacs et chaussures de randonnée pour les uns, sandales et lunettes de soleil pour les autres. Le but est de montrer que la «France qui accueille existe». «Cette action repose sur trois piliers. Lutter contre le blocage aux frontières, contre le délit de solidarité et plaider pour un meilleur accueil des migrants», avait détaillé au Figaro François Guennoc, président de l'Auberge des migrants, à la veille du départ.
«C'est l'aboutissement de la marche, mais c'est surtout un élan pour faire valoir le message commun de permettre à toutes les personnes exilées de trouver le moyen de s'intégrer», raconte Vincent, 30 ans, venu des Côtes d'Armor, les pieds couverts de pansements dans ses chaussures abîmées. Parti de Ham (Somme) près de Saint-Quentin, cet intermittent du spectacle est heureux d'avoir pu «modestement, partager leur quotidien, dépasser les barrières et apprendre à se connaître» pendant quinze jours de marche. «La France qui accueille, elle existe», renchérit Brice Benazzouz, bénévole chez Médecins du Monde, fier de la «mixité» du défilé.
«Tout le monde a le droit de vivre où il a envie de vivre»
«Ils font pousser des barbelés, cultivons les tenailles», «Stop Dublin», «Paix», «Pour un accueil digne, merci», «Bienvenue aux migrants», pouvait-on lire sur des banderoles brandies dans le cortège, encadré par la police et qui scandait «no borders, no nations, stop deportation».
La marche longue de 1400 kilomètres a relié la frontière franco-italienne à la ville portuaire de la mer du Nord où vivent officiellement environ 400 migrants dans l'espoir de passer en Grande-Bretagne en montant clandestinement dans des camions. Alors que le gouvernement français a présenté un projet de loi sur l'immigration très contesté, le Conseil constitutionnel français a affirmé vendredi qu'une aide désintéressée au «séjour irrégulier» des étrangers ne saurait être passible de poursuites, consacrant un «principe de fraternité».
Au milieu du cortège qui a longé l'ancienne «Jungle» de Calais, où ont vécu jusqu'à 10.000 migrants, s'est glissé Oumar, Malien de 24 ans, sous le coup d'une procédure d'expulsion vers l'Italie, où il a laissé ses empreintes, selon la procédure du règlement européen dit de Dublin. «C'est injuste», répète-t-il, «tout le monde a le droit de vivre où il a envie de vivre».
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Migrants : ce qu'on vous cache (06.07.2018)

Par Judith Waintraub
Publié le 06/07/2018 à 06h46
ENQUÊTE - En baisse dans l'ensemble de l'Europe, le nombre de demandeurs d'asile continue d'augmenter en France. C'est l'une des réalités, parmi d'autres, que l'opinion ignore. Et pour cause : le discours dominant affirme que la crise migratoire est derrière nous. Le Figaro Magazine fait l'inventaire des vérités passées sous silence parce qu'elles dérangent.
Le flou sur le nombre de clandestins en France est volontairement entretenu
Il a fallu que Gérard Collomb soit poussé dans ses retranchements pour qu'il consente à lâcher que notre pays compte actuellement «autour de 300.000 personnes en situation irrégulière». Le ministre de l'Intérieur a reconnu en présentant sa loi asile et immigrationque le faible taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français créait une situation qui n'était «bonne pour personne», mais il a refusé de donner des chiffres précis. Son cabinet parle d'un taux «qui oscille entre 7 et 10 %». La Cour des comptes, elle, l'avait évalué à 5 % en 2015, avant le pic européen du flux migratoire. Seule certitude aujourd'hui: la France reste une destination attractive pour les migrants qui savent avoir peu de chances d'obtenir le statut de réfugié.
L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui traite les demandes d'asile, constate dans un document interne que sur les cinq premiers mois de 2018, elles sont en hausse de plus de 15 % par rapport à la même période l'année dernière. Les deux premiers pays de provenance des primo-demandeurs d'asile sont l'Afghanistan et l'Albanie. Ce simple fait met en évidence une des failles les plus importantes de notre système de lutte contre l'immigration clandestine: l'absence de distinction entre les pays classés «sûrs» par l'Ofpra, dont l'Albanie fait partie, et les pays non sûrs.
Le maquis des procédures du droit d'asile encourage l'immigration illégale
Les ressortissants des pays sûrs devraient être placés dès leur arrivée sur le territoire national en centre de rétention, afin qu'on vérifie en quelques jours s'ils doivent bien être éloignés, et le faire», estime Éric Ciotti. Le député LR des Alpes-Maritimes a l'intention de déposer à nouveau la proposition de loi sur la maîtrise de l'immigration qu'il avait déjà présentée en décembre dernier. Selon lui, «l'asile est devenu la procédure légale pour l'immigration illégale». Qu'on en juge: le migrant qui arrive en France n'est soumis à aucun délai pour déposer une demande d'asile.
Quand il la dépose (par exemple s'il est arrêté sans papiers), l'Ofpra est censé depuis la loi asile et immigration la traiter en moins de six mois. Si le requérant est débouté, il peut faire un recours devant la Cour nationale du droit d'asile, en demandant une aide juridictionnelle, ce qui va encore allonger le délai. Ce recours est en général suspensif. S'il échoue, une obligation de quitter le territoire français (OQTF) est signifiée au débouté, contre laquelle il peut déposer un nouveau recours. Si le tribunal administratif confirme l'OQTF, le requérant peut encore se tourner vers la Cour administrative d'appel.
En fin de parcours, il peut soumettre une dernière fois son dossier à l'Ofpra, mais aussi demander à se maintenir sur le territoire national pour d'autres motifs, par exemple en se présentant comme «étranger malade». La complexité de nos dispositifs permet aux migrants déboutés du droit d'asile d'espérer atteindre les cinq années fatidiques au bout desquelles la circulaire Valls de 2012 leur assurera une régularisation quasi automatique, au titre de leurs liens familiaux ou de leur travail.
Les déboutés du droit d'asile sont trop nombreux pour des centres de rétention arrivés à saturation
Pour éviter qu'un migrant arrivé au bout de la procédure s'évapore dans la nature, il devrait être placé en centre de rétention administrative. En pratique, l'assignation à résidence, beaucoup moins contraignante, a été systématiquement préférée jusqu'à l'assassinat de deux jeunes femmes à la gare Saint-Charles, à Marseille, le 1er octobre 2017, par un Tunisien débouté du droit d'asile.
La loi asile et immigration vient d'allonger à 90 jours la durée maximale de la rétention, mais les moyens financiers n'ont pas suivi
Le taux d'occupation des centres de rétention, qui était d'un peu plus de 60 % jusqu'en 2016 pour les quelque 1 500 places disponibles, s'approche aujourd'hui des 100 %. La loi asile et immigration vient d'allonger à 90 jours la durée maximale de la rétention (elle est de 18 mois en Allemagne et illimitée en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas!), mais les moyens financiers n'ont pas suivi.
En outre, la loi de 2016 qui a raccourci de cinq jours à 48 heures le délai accordé à la police pour étayer ses dossiers de reconduite est toujours en vigueur. Elle provoque l'annulation par la justice de 20 % des placements en rétention. Pourtant, 40 % des personnes détenues sont effectivement expulsées. Un taux bien supérieur à celui des expulsions de l'ensemble des déboutés du droit d'asile, même s'il reste faible en raison de difficultés techniques et diplomatiques.
Il est quasiment impossible de renvoyer chez eux des déboutés du droit d'asile
L'organisation de l'expulsion est un véritable casse-tête pour les autorités. La simple question du moyen de transport n'est pas anecdotique. Il est devenu pratiquement impossible de renvoyer des déboutés du droit d'asile qui refusent de partir par vols réguliers, des associations promigrants ayant organisé la résistance à ce qu'elles considèrent comme une «déportation».
L'an dernier, un guide pratique pour empêcher le décollage d'avions où se trouveraient des migrants a même été diffusé sur les réseaux sociaux. On y explique comment mobiliser les passagers pour faire pression sur les policiers accompagnateurs et l'équipage. Selon Éric Ciotti, le gouvernement a un programme d'achat d'avions modulables Dash qui peuvent à la fois transporter des personnes et servir de bombardiers d'eau, mais à la suite de retards de livraison, les nouveaux appareils ne devraient arriver que d'ici à deux ou trois ans.
La plupart des pays d'origine refusent de reprendre leurs ressortissants expulsés de France
Pour renvoyer un migrant vers son pays d'origine, encore faut-il qu'il ne se déclare pas apatride et dise de quel pays il est vraiment originaire. Le pays en question doit ensuite accepter de recevoir son ressortissant. Les accords entre les pays sources et l'Union européenne ou ses membres, quand ils existent, sont peu ou pas appliqués.
L'Algérie, la Tunisie ou encore le Maroc sont particulièrement réticents, comme la plupart des pays d'Afrique noire. Y compris la Côte d'Ivoire, auquel nous fournissons pourtant une aide militaire et des subsides importants. L'une des solutions évidentes consisterait à faire de la réadmission des migrants un élément à part entière de notre politique de coopération, mais c'est une arme que les ONG réprouvent et que la diplomatie française répugne à utiliser. Elle préfère négocier, ce qu'elle fait depuis des décennies sans progrès tangibles.
Le coût exact de la politique migratoire pour les finances publiques est tenu secret par l'Etat
La politique migratoire a un coût. L'Allemagne a évalué à 42 milliards d'euros sur deux ans l'accueil d'un million de migrants. La France ne donne pas de chiffre, sinon les 318 millions d'euros votés dans le budget 2018 au titre de la politique d'asile. Jean-Paul Gourévitch, consultant international sur l'Afrique et les migrations, a réalisé en mars un rapport très complet pour Contribuables associés sur les données et enjeux financiers de l'immigration. Il a calculé la différence entre ce que l'immigration coûte et ce qu'elle rapporte à notre pays. En 2016, l'immigration irrégulière a généré un déficit de 3,7 milliards d'euros et l'immigration légale, un déficit de 8,5 milliards d'euros. Toute la différence, c'est que les dépenses engagées pour alphabétiser, former les étrangers en situation régulière et améliorer leur vie sont des investissements.
Les étrangers en situation irrégulière n'ont droit toujours en théorie qu'à l'Aide médicale d'Etat (AME), qui à elle seule coûte aujourd'hui 910 millions d'euros
Les dépenses publiques concernant les demandeurs d'asile en attente de traitement de leur dossier et les déboutés pour l'immigration sont très difficiles à évaluer. La Cour des comptes a chiffré en 2015 le coût moyen d'un demandeur d'asile à 13.724 euros et celui d'un débouté qui repartait à 5528 euros. Les 45.000 déboutés restés en 2017 représentent sur cette base un coût annuel de 368,82 millions d'euros. Par ailleurs, depuis le début de l'année 2017, 4500 personnes ont bénéficié d'une aide au retour, soit 40 % de plus qu'en 2016. Le pécule peut aller jusqu'à 1850 euros, le budget global de ces aides s'élevant à plus de 8 millions d'euros. Cette somme n'est donnée qu'une fois, mais comme le souligne Jean-Paul Gourévitch, il n'existe «aucun suivi véritable des retours aidés». On ne sait pas, en particulier, combien de leurs bénéficiaires reviennent.
Théoriquement, les demandeurs d'asile n'ont droit qu'à une allocation 6,80 euros par jour, plus 7,40 euros si aucun hébergement n'a été proposé. En fait, comme il est évidemment impossible de vivre et a fortiori de se loger avec de telles sommes, les collectivités locales fournissent des aides financières ou matérielles de tous types, titres de transport, vêtements, logements, etc. Les étrangers en situation irrégulière n'ont droit toujours en théorie qu'à l'Aide médicale d'État (AME), qui à elle seule coûte aujourd'hui 910 millions d'euros.
Le système de protection des mineurs est massivement détourné par des adultes
Avec les mineurs non accompagnés (MNA), on change de dimension. En 2016, l'Assemblée des départements de France estimait que leur prise en charge, qui lui incombe pour l'essentiel, lui revenait à 1 milliard d'euros, chaque mineur coûtant à la collectivité environ 50.000 euros par an. Or, un rapport sénatorial sur le sujet publié en juin 2017 évalue à 40 % au mieux la proportion d'individus vraiment mineurs et vraiment isolés dans cette population.
«Au-delà de la question du coût, on met en danger la sécurité des mineurs authentiques en ne vérifiant pas systématiquement les âges», s'inquiète Valérie Boyer, également signataire du contre-plan de la droite sur l'immigration. La loi permet de pratiquer des radios des os pour vérifier qu'un migrant a effectivement moins de 18 ans, mais uniquement s'il est d'accord, et avec une autorisation du juge judiciaire. La députée des Bouches-du-Rhône a tenté de supprimer ces contraintes par amendement à la loi asile et immigration, en vain. Et ce problème-là non plus ne se réglera pas de lui-même, puisque les MNA, qui étaient 13 008 en décembre 2016, sont déjà passés à 18 000 en juin 2017.
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«Dans une logique clanique, les émeutiers s'en prennent aux infrastructures de l'État» (06.07.2018)

Par Eugénie Bastié
Publié le 06/07/2018 à 20h05
GRAND ENTRETIEN - Après l'attaque d'un couple de policiers en Seine-et-Marne et les émeutes de nantes, l'avocat Thibault de Montbrial analyse les rapports tendus entre police et population.
LE FIGARO. - Deux gardiens de la paix ont été roués de coups à Othis (Seine-et-Marne) alors qu'ils sortaient de chez des amis. Que vous inspire cette attaque? Le nombre d'agressions envers les policiers est-il en hausse?
Thibault de MONTBRIAL. -Cette agression est insupportable. Elle s'est déroulée devant les enfants du jeune couple, en dehors des heures de service. Cela témoigne d'une évolution inquiétante: nous savions depuis l'attaque de Magnanville que les terroristes n'hésitaient pas à s'en prendre aux policiers dans leur vie privée, mais désormais cette logique s'étend aux voyous de droit commun, qui considèrent que le policier est un ennemi avec qui ils ont un contentieux personnel.
Avec le Centre de réflexion sur la sécurité intérieure, nous avons recensé au moins quatre incidents similaires depuis deux mois: le 12 mai, à Menton, des policiers qui allaient dîner au restaurant en dehors de leur service ont été pris à partie par une trentaine d'individus. L'un des policiers a eu trente jours d'ITT. Le 22 mai, à Grenoble, plusieurs CRS au repos ont été reconnus, attaqués et roués de coups par une dizaine d'individus. L'un des policiers a eu 45 jours d'ITT. Le 31 mai, à Orléans, deux individus en scooter ont suivi et menacé un policier hors service, qui a dû sortir son arme. Et samedi dernier, à Bugey, une quinzaine d'individus ont roué de coups (31 jours d'ITT) un policier devant chez lui, qui a dû tirer pour se dégager. L'attaque personnelle des policiers se banalise chez les délinquants. Cela touche aussi les gardiens de prison. On a même vu des magistrats menacés de mort.
Un homme de 22 ans a été abattu à Nantes alors qu'il fuyait un contrôle de police, ce qui a donné lieu à plusieurs nuits d'émeute dans les cités. Que dit cette ambiance des rapports entre police et population?
«Des photos de policiers circulent sur les réseaux sociaux, et on a même vu un tag « La justice se fera avec la mort d'un CRS » à Nantes. Tout converge vers l'imminence d'un drame»
Je ne me prononce pas sur le fond de l'affaire, que je ne connais pas. Mais quand on sait que l'individu abattu était un délinquant chevronné, recherché par la police, qui conduisait une voiture signalée comme participant à un trafic, la première chose qui frappe est que le quartier a pourtant solidairement présenté l'individu comme un saint, faisant donc abstraction du profil de l'intéressé pour se camper unanimement dans une position clanique. C'est désormais soit l'adhésion totale, soit le rejet en bloc, «eux» ou «nous», il n'y a plus ni demi-mesure ni lucidité.
Ensuite, lors des émeutes, un policier a été touché au casque par un tir de .22LR. C'est la première fois depuis très longtemps qu'on tire à balles réelles sur des policiers en maintien de l'ordre. C'est extrêmement inquiétant. La police n'est plus perçue comme une autorité représentant la République mais comme une bande rivale contre laquelle tout est permis. Dans les quartiers, il y a plusieurs guets-apens par semaine contre les forces de l'ordre. Des photos de policiers circulent sur les réseaux sociaux, et on a même vu un tag «La justice se fera avec la mort d'un CRS» à Nantes. Tout converge vers l'imminence d'un drame.
Pendant la troisième nuit d'émeute, un lycée et une bibliothèque ont été incendiés. Pourquoi le moindre incident devient-il le prétexte à de telles destructions? Quelle est la logique?
Dans une logique tribale de territoire, les émeutiers s'en prennent aux infrastructures financées par l'État précisément pour sortir ces quartiers de la ghettoïsation. Six ou sept établissements publics ont été brûlés à Nantes, mais un commerce halal a été épargné: on est dans la logique clanique d'un rejet de l'État. Cela montre d'ailleurs les limites de la pacification des banlieues par l'argent, comme le préconisait le rapport Borloo. La solution passe par le rétablissement de l'ordre, en assumant ses conséquences inévitables. Les populations qui vivent dans ces quartiers, qui sont prises en otages par ces comportements claniques, ont tout à gagner au rétablissement de l'autorité républicaine.
La dénonciation de «bavures policières» donne lieu de plus en plus fréquemment à la mise en cause d'un «racisme d'État». Que vous inspire ce discours? Les violences policières envers les jeunes des cités sont-elles selon vous un véritable problème?
«Non, les forces de l'ordre ne sont pas racistes : elles font leur travail dans des conditions rendues chaque jour plus difficiles»
Ce discours est d'abord faux. Non, les forces de l'ordre ne sont pas racistes: elles font leur travail dans des conditions rendues chaque jour plus difficiles par le cumul du péril terroriste, de la logique de partition territoriale et du manque de moyens. Mais ce discours est politique: il est porté par des associations ou des personnalités militantes qui ont pour but d'exacerber les tensions communautaires. S'inspirant notamment des mouvements américains type Black Lives Matter, ces associations promeuvent une racialisation des tensions. On a vu la sœur d'Adama Traoré (jeune homme décédé lors de son interpellation par la police en juillet 2016) appeler dans un discours récent place de la République à envahir le Palais de l'Élysée «comme en Afrique», sans que cela n'émeuve personne. Ce sont des discours antirépublicains, sécessionnistes et racialistes qu'il faut combattre impitoyablement.
L'affaire Théo avait été très médiatisée, alors qu'on s'était rendu compte que la «victime» n'était pas aussi innocente. Que nous a enseigné cette affaire?
L'affaire Théo a été symptomatique d'une hystérisation du débat par les associations communautaires. À Nantes, comme pour l'affaire Théo, la justice a immédiatement réagi et engagé une procédure. Dans un fonctionnement républicain «normal», on en attendrait les résultats avec sang-froid, sans provoquer d'émeute pour réclamer une «justice» qui est précisément à l'œuvre.
Dans l'affaire Théo, les émeutiers n'ont pas cru la justice, qui faisait son travail. Et la visite du président Hollande au chevet de Théo a été une faute politique immense qui a marqué durablement l'esprit des policiers. Le rapport Grosdidier, remis cette semaine au Sénat, montre bien la crise profonde que traversent les forces de l'ordre. Il est plus que temps d'engager une réflexion en profondeur sur les moyens et les stratégies relatifs à la sécurité intérieure pour les années à venir. L'enjeu est vital pour la France.

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Stephen Smith : «La migration de masse n'a pas encore eu lieu» (06.07.2018)

Par Cyril Hofstein
Publié le 06/07/2018 à 06h47
INTERVIEW - Pour le journaliste américain Stephen Smith, la migration africaine qui pèse sur l'Europe constitue le grand défi du XXIe siècle. Selon lui, l'ampleur de la pression migratoire va soumettre notre continent à une épreuve sans précédent, risquant d'entraîner une fracture irrémédiable entre les élites cosmopolites et les peuples attachés à leur identité.


Stephen Smith- Crédits photo : Duke Photography
Journaliste américain francophone, Stephen Smith a dirigé la rubrique «Afrique» de Libération entre 1988 et 2000, puis celle du Monde entre 2000 et 2005. Depuis 2007, il est professeur à l'Université Duke, aux Etats-Unis, où il enseigne les études africaines. Il vient de publier La Ruée vers l'Europe aux Editions Grasset.

FIGARO. - Qui sont les migrants aujourd'hui?
Stephen SMITH. - Sauf exception comme le Soudan du Sudla Somalie ou l'Erythrée, qui sont des pays en conflit ouvert ou de vraies dictatures, l'essentiel des migrants vient paradoxalement des pays qui portent l'espoir de l'Afrique, tels que le Sénégal, le Ghana, la Côte d'Ivoire, le Nigeria ou le Kenya. C'est «l'Afrique émergente» qui migre et non pas l'Afrique de misère ; ceux qui s'en sortent et qui peuvent réunir le pactole de départ, 2 000 à 3 000 euros, soit le revenu annuel par tête d'habitant dans bien des pays subsahariens. Ils partent à la poursuite d'une vie meilleure, pour eux et pour leurs enfants. En revanche, ceux qui sont occupés à joindre les deux bouts au jour le jour n'ont guère le loisir de se familiariser avec la marche du monde, et encore moins les moyens d'y participer. L'Afrique perd ainsi ses forces vives, les jeunes les plus dynamiques, parfois diplômés, qui s'en vont. C'est une perte nette. Même s'ils renvoient de l'argent au pays, ces membres de la classe moyenne sont irremplaçables, aussi pour consolider la démocratie. On ne se développe pas en exportant son élite.
Quelles sont les causes de départ?
À un certain moment, la pression démographique aboutit à une pression migratoire. Depuis un peu moins d'un siècle, l'Afrique a connu la croissance démographique la plus rapide dans l'histoire de l'humanité. Le continent est passé d'environ 150 millions d'habitants dans les années 1930 à 1,3 milliard aujourd'hui et comptera 2,5 milliards d'habitants en 2050, face à 450 millions d'Européens, soit 50 millions de moins qu'aujourd'hui puisque l'Europe vieillit et se dépeuple. L'Afrique, en revanche, ne cesse de se rajeunir: au milieu de ce siècle, un quart de la population mondiale - on prévoit 10 milliards de personnes - sera africaine. Ils seront la jeunesse du monde qui, d'ici là, grisonnera partout ailleurs, y compris en Asie et en Amérique latine. Aujourd'hui déjà, 40 % de la population africaine a moins de… 15 ans! Et, d'ici à 2100, trois personnes sur quatre qui viendront au monde naîtront au sud du Sahara.
Or, tous ces jeunes ne trouvent pas d'opportunités chez eux, notamment des emplois. Ils sont d'abord partis des villages dans des villes, puis dans des grands centres régionaux comme Abidjan, Lagos ou Johannesburg. Cet exode rural et l'urbanisation hyperrapide dans son cortège n'obéissent pas qu'à une logique économique. D'ailleurs, les deux tiers des citadins africains vivent dans des bidonvilles. Mais les jeunes quittent quand même les villages pour s'affranchir de la tutelle des anciens qui les commandent en vertu du «principe de séniorité». Ils cherchent la liberté et l'aventure - d'abord en ville, puis dans les «megacities» comme Lagos, avec plus de 20 millions d'habitants, et, enfin, en Europe. C'est comme les vasques successives d'une grande fontaine migratoire.
Quand «la ruée vers l'Europe» que vous annoncez se produira-t-elle?
Depuis une décennie, environ 200 000 Sub-Sahariens débarquent chaque année en Europe
Quand l'Afrique aura franchi ce premier seuil de prospérité qui rend une migration de masse possible, parce que beaucoup d'Africains ont les moyens de se mettre en route. Ce n'est pas encore le cas, mais le mouvement est amorcé. En gros, depuis une décennie, environ 200 000 Sub-Sahariens débarquent chaque année en Europe. Ils étaient plus nombreux en 2015, l'année record d'un afflux qui venait surtout de la Syrie et de l'Afghanistan - les Africains se sont seulement engouffrés dans la brèche ouverte. C'est pourquoi parler aujourd'hui d'une «crise des réfugiés» revient un peu à un jeu de bonneteau.
Vous constatez un traitement migratoire de plus en plus politisé?
En effet ; chacun, à commencer par les politiques, y met ce qu'il entend et cache son jeu: les uns pour dire qu'il n'y a plus de crise migratoire, puisque l'afflux est retombé à son niveau antérieur à 2015. Mais simplement parce que l'Europe paie la Turquie - à hauteur de 6 milliards d'euros - pour bloquer sur son sol des centaines de milliers de migrants ; de plus, l'Italie a négocié en sous-main avec les seigneurs de guerre en Libye et des accords ont été conclus avec des pays africains pour reprendre leurs citoyens, y compris avec le Soudan d'Omar el-Bachir, lequel est recherché par la justice internationale ; d'autres limitent la «crise migratoire» aux conséquences de l'afflux record de 2015 et à la répartition de ce qu'on appelle les «mouvements secondaires», soit tous les demandeurs d'asile déboutés mais non renvoyés chez eux, qui errent maintenant en Europe à la recherche d'un point de chute ; enfin, les populistes veulent remettre en question, à travers la «crise migratoire», la venue d'étrangers depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C'est là, évidemment, une vue très radicale mais, à force d'avoir nié que les travailleurs immigrés d'hier et les migrants d'aujourd'hui ne deviennent pas sans effort de part et d'autre des concitoyens, leurs thèses ont trouvé une large audience dans de nombreux pays européens.
Tout le monde a droit, au moins, à la vérité des faits. Or, souvent, les faits ne sont pas respectés dans le débat actuel.
Vous dénoncez le misérabilisme et l'angélisme qui pèsent sur la compréhension et la présentation des phénomènes migratoires en Europe.
J'essaie de coller aux faits et de trouver une voie entre l'égoïsme et ses vues étroites d'un côté, et, de l'autre, l'angélisme narcissique et le misérabilisme, qui dépeint l'Afrique - tout un continent - comme «l'enfer» qu'il faut fuir à tout prix. Je comprends très bien le migrant africain qui veut entrer dans ce havre de paix et de prospérité qu'est l'Europe: 7 % de la population mondiale s'y offre la moitié des dépenses pour la sécurité sociale dans le monde! Mais je comprends aussi l'habitant européen qui est pris de vertige à la vitesse des changements autour de lui et qui, sans avoir jamais bougé de son quartier, un jour ne s'y sent plus «chez lui».
L'un comme l'autre a droit, au moins, à la vérité des faits - après, libre à chacun de se forger son opinion. Or, souvent, les faits ne sont pas respectés dans le débat actuel. Quelques exemples: le «codéveloppement» aide l'Afrique à franchir un premier seuil de prospérité, donc il ne «fixe» pas les populations chez elles mais les déracine ; en septembre 2015, la mort du petit Aylan sur les côtes turques a bouleversé et culpabilisé l'Europe, sans qu'on ait précisé que le père du petit garçon kurde avait un emploi stable en Turquie, mais avait décidé de forcer la main à l'Australie, le pays où il voulait s'installer alors que son visa avait été refusé ; enfin, toujours dans l'année record 2015, le risque pour un migrant de périr en Méditerranée était de 0,37 %, un risque quatre fois inférieur à celui que prend une femme en accouchant au Sud-Soudan. Bien entendu, cela ne change rien à la tragédie qu'est chaque perte de vie humaine.
Pour vous, se focaliser sur la Méditerranée fausse le débat?
À mon sens, il est malhonnête de résumer la situation en Méditerranée à une «forteresse Europe» qui transforme la Méditerranée en «cimetière à ciel ouvert», sinon le lieu d'un «génocide silencieux». Les migrants africains prennent un risque calculé, d'ailleurs d'autant plus facilement qu'ils comptent sur le sauvetage en mer par des humanitaires - comme le font les trafiquants, qui les entassent sur des embarcations de plus en plus frêles, quitte à augmenter le risque.
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Allemagne : des manifestations pour soutenir les ONG de migrants (07.07.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 07/07/2018 à 17:47 

  • Publié le 07/07/2018 à 17:23
Des milliers de manifestants ont défilé samedi dans les rues d'Allemagne pour défendre les actions de sauvetage de migrants en mer Méditerranée par les ONG et dénoncer ce qu'ils considèrent comme une Europe forteresse.
A Berlin, le cortège a rassemblé 12.000 personnes, selon les organisateurs mais la police, plus réservée, évoquait «quelques milliers de manifestants», selon la radio publique locale rbb. Comme dans d'autres villes d'Allemagne telles que Munich ou Leipzig, ils ont répondu à l'appel d'organisations d'aides aux migrants, notamment de l'ONG allemande Lifeline, dont le navire humanitaire a récemment cristallisé les tensions européennes sur le dossier des migrants.
Le Lifeline, avec à son bord plus de 230 migrants, s'était vu refuser l'accès aux ports italiens et avait finalement accosté à Malte. Certains manifestants portaient des vêtements orange et des gilets de sauvetage ou arboraient des pancartes: «L'inhumanité n'est pas une opinion politique» et «Les droits de l'Homme ne s'arrêtent pas en Méditerranée».
Ils ont également accusé le ministre allemand de l'Intérieur, Horst Seehofer, partisan d'une ligne dure en matière de migrations, «d'exploiter la détresse des gens en mer» pour servir ses intérêts politiques, tout comme le chancelier autrichien Sebastian Kurz et le ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini. «Ils bafouent les droits de l'Homme, c'est insupportable et répugnant», ont dénoncé les organisateurs de ces manifestations baptisées "Des ponts maritimes".
Depuis le début 2018, plus de 1.400 personnes sont mortes en tentant de traverser la Méditerranée, selon les chiffres de l'OIM, l'agence de l'Onu pour les migrations.

Salvini : “Soros veut remplir l’Europe de migrants parce qu’il aime les esclaves” (09.07.2018)

/ Lundi 9 juillet 2018 à 13:0355

Matteo Salvini. © Andrew Medichini/AP/SIPA
Europe. Le ministre italien de l’intérieur Matteo Salvini s'en prend au milliardaire George Soros.
Le chef de file de la Ligue du Nord ne mâche pas ses mots. Matteo Salvini a accusé Georges Soros, lors d'une interview pour l'émission transalpine In Onda, de vouloir remplir l'Europe et l'Italie de migrants, "parce qu'il aime les esclaves".
Ce n’est pas sa première attaque
Le ministre de l'Intérieur italien accuse celui qui est à la tête d'organismes philanthropiques de financer l'arrivée de migrants en Europe. Notamment via les ONG qui parcourent les côtes de la Libye en bateau pour récupérer les migrants avant les gardes-côtes pour les transporter en Europe.
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Ce n'est pas la première fois que Salvini s'en prend à George Soros. Mais cette fois, par l'intermédiaire d'un communiqué de sa fondation Open Society Foundation, le milliardaire a demandé à ce que le ministre italien « cesse immédiatement les attaques répétées à son encontre », tout en rappelant les investissements réalisés en Italie par sa fondation. « L'Open Society Foundation ne finance pas les opérations de recherches et secours des migrants en mer Méditerranée, bien qu’elle encourage ces efforts humanitaires », a tout de même précisé l’organisation de Georges Soros.

#Salvini: Soros vorrebbe che l'Italia fosse un grande CAMPO PROFUGHI perché a lui piacciono gli schiavi. #inonda

“Salvini a fait plus pour l’Italie que tous les gouvernements précédents” (05.07.2018)
/ Jeudi 5 juillet 2018 à 18:3012
Geert Wilders. Photo © ROBIN VAN LONKHUIJSEN / ANP MAG / ANP / AFP
Interview. A peine arrivé au ministère de l’Intérieur, Matteo Salvini a fait le choix de la fermeté sur le terrain migratoire. Partie de ses alliés européens, le néerlandais Geert Wilders salue les débuts du ministre de la Ligue qu’il appelle son ami. 
Matteo Salvini vient de bousculer l’Union européenne sur la question migratoire. Pensez-vous que c’est une bonne chose ? 
L’Union européenne est le relai des élites cosmopolites. Plus elle est bousculée, mieux c’est. Pour moi, elle est une prison pour les peuples européens. Le parti pour la Liberté est très clair à ce sujet : nous voulons un « Nexit », c’est-à-dire la sortie de l’Union européenne pour les Pays-Bas. Mais en attendant, je soutiens les décisions que Matteo Salvini a prises de stopper les bateaux qui arrivent en Europe. Mais je soutiens également les pays, comme la Hongrie, qui refusent catégoriquement les exigences de répartition de l’Union européenne.

Pensez-vous que ses actions aideront les autres pays à l’avenir ?
En seulement quelques semaines, Matteo a fait plus pour l’Italie que tous les gouvernements précédents. Il a fermé les frontières au tsunami migratoire. Il a mis un terme au chantage exercé par des activistes d’extrême-gauche qui patrouillent dans la Méditerranée et ramènent autant d’immigrants que possible sur nos rivages. Il travaille à détruire le trafic humain des passeurs criminels du nord de l’Afrique. 
Matteo démontre qu’il est possible d’agir, comme le fait Viktor Orban qui est également l’un de mes amis, et un héros. En Hongrie, lui aussi nous montre que l’action est possible. Mais je voudrais toutefois être très clair sur un point : je refuse que les Pays-Bas acceptent un seul des immigrés qui traversent la Méditerranée en bateau ou tout autre refugié qui entre en Italie. Mon parti est opposé à toutes les tentatives de répartition des immigrés voulue par l’Union européenne. Sur ce point précis, je ne suis pas d’accord avec mon ami Matteo Salvini.

Quel est votre premier souvenir de Matteo Salvini ?
Il y a quelques années, j’avais été invité à Turin pour participer à l’élection interne pendant laquelle Matteo Salvini avait succédé à Umberto Bossi en tant que chef de la Ligue du Nord. On m’avait demandé de venir parler. C’est là que je l’ai rencontré pour la première fois et j’ai surtout été impressionné par la manière dont l’évènement était organisé, par l’enthousiasme suscité et par la vague d’optimisme et de foi dans un meilleur futur pour la région de la Padanie, l’Italie et l’Europe. 
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Depuis, je l’ai rencontré à de nombreuses reprises à Bruxelles ou ailleurs. Nous avons également partagé de nombreuses estrades, sur lesquelles nous nous sommes adressés à des foules partout en Europe. Ca a toujours été un plaisir de le revoir. 
Quel genre d’homme politique est-il à vos yeux ? 
Matteo Salvini est un optimiste. Il croit fermement dans les valeurs de notre civilisation occidentales et tient fermement à les défendre. J’ai vraiment vu en lui un combattant acharné de la liberté. Et nous sommes d’accord sur trois points basiques qu’il nous faut faire de toute urgence : stopper l’immigration massive, défendre nos valeurs judéo-chrétiennes contre le relativisme culturel et se battre pour retrouver une souveraineté nationale. Honnêtement, il est une source d’inspiration. Je l’ai toujours quitté avec plus d’énergie encore pour accomplir mon devoir de patriote. 
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Le Vatican se Soumet à l'Islam (2006-2016)
par Giulio Meotti
20 octobre 2016
Traduction du texte original: The Vatican Submits to Islam (2006-2016)
  • [Le pape Benoît XVI] a mis en doute publiquement la capacité d'adaptation (de l'islam) à une société pluraliste ... et il a pris ses distances avec le programme de dialogue inter-religieux des moines franciscains d'Assise. Il a fait sien le point de vue des modérés et conservateurs italiens qui estiment que le dialogue inter-religieux doit avoir pour principe directeur la reciprocità. Il a par exemple trouvé naïf que soit permise à Rome, la construction d'une mosquée financée par des capitaux saoudiens, - la plus grande d'Europe -, alors que les pays musulmans interdisent la construction d'églises et de missions ». — Christopher Caldwell, Financial Times.
  • Dans cette conférence de Ratisbonne, Benoît a fait ce que le monde islamique interdit : discuter librement de la foi. Il a déclaré que Dieu est différent d'Allah.
  • Depuis, les excuses sont devenues la politique officielle du Vatican en direction du monde islamique. François a nié que l'Islam soit violent en soi et affirmé que toutes les religions ont un potentiel de violence, y compris le catholicisme. Auparavant, François a affirmé qu'« une guerre mondiale » était en cours, mais a nié que l'Islam y joue un rôle quelconque.
  • « Il est clair que les musulmans ont un but ultime : la conquête du monde ... Mais il nous est difficile de reconnaître cette réalité et d'y répondre par une défense de la foi chrétienne (...) J'ai entendu plusieurs personnes émettre cette idée islamique : « là où, dans le passé, les armes ont échoué, nous réussirons aujourd'hui avec le taux de natalité et l'immigration ». La population est en train de changer. Si cela continue ainsi, des pays comme l'Italie auront une population qui sera en majorité musulmane (...) Et quelle peut être la plus belle conquête ? Rome ». — Mgr Raymond Burke, un des chefs de l'église catholique américaine.
Le 11 septembre a marqué le début du djihad contre l'Occident, mais le 12 septembre demeurera la plus belle génuflexion culturelle de l'Occident envers l'islam.
Le 12 septembre 2006, le Pape Benoît XVI (Joseph Ratzinger) a atterri en Bavière ou il est né et a commencé d'enseigner la théologie. La conférencequ'il a donné devant la communauté universitaire de Ratisbonne est aujourd'hui considérée comme le discours papal le plus controversé de ce dernier demi-siècle.
En ce dixième anniversaire de la conférence de Ratisbonne, les mondes occidental et islamique auraient dû présenter leurs excuses à Benoit. Mais c'est le contraire qui a eu lieu : le Vatican a présenté ses excuses aux musulmans.
A Ratisbonne, le pape Benoît a énoncé les contradictions internes de l'Islam contemporain, mais a également proposé un terrain de dialogue avec le christianisme et la culture occidentale. Le Pape a parlé des racines juives, grecques et chrétiennes de la foi de l'Europe, expliquant en quoi elles différaient du monothéisme islamique. Le pape a cité l'empereur byzantin, Manuel II Paléologue : « montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau. Tu ne trouveras que des choses mauvaises et inhumaines, comme le droit de défendre par l'épée la foi qu'il prêchait. »
Ce baril de dynamite était adouci d'une citation des sourates de jeunesse de Mahomet : « Il n'y a pas de contrainte en religion ». Une sourate écrite à une époque où « Mahomet était sans pouvoir et menacé » a précisé Benoit.
Le discours du pape Benoît XVI n'a pas surpris. « L'inquiétude du pape envers l'islam n'était pas un secret » a écrit Christopher Caldwell dans le Financial Times.
« Il a mis en doute publiquement la capacité d'adaptation (de l'islam) à une société pluraliste. Il a rétrogradé l'un des principaux conseillers de Jean-Paul II sur le monde islamique et a pris ses distances avec le programme de dialogue inter-religieux des moines franciscains d'Assise. Il a fait sien le point de vue des modérés et conservateurs italiens qui estiment que le principe directeur du dialogue inter-religieux doit être la reciprocità. Autrement dit, il trouvait naïf qu'on permette à Rome, la construction d'une mosquée - financée par des capitaux saoudiens -, la plus grande d'Europe, alors que les pays musulmans interdisent la construction d'églises et de missions ».
Dans sa conférence de Ratisbonne, Benoît a dressé les tréteaux du drame de notre temps et, pour la première fois dans l'histoire de l'Eglise catholique, un pape a parlé de l'Islam sans recourir aux habituelles platitudes. Il a fait ce que le monde islamique s'interdit : discuter librement de la foi. Dieu est différent d'Allah a-t-il dit. Des choses que l'on n'a plus jamais entendues.
La citation de Manuel II Paléologue a fait le tour du monde, secouant la oumma [la communauté musulmane], qui n'a pas manqué de réagir violemment. Bien entendu, la presse internationale a unanimement condamné « l'agression du pape envers l'islam ».
La réaction au discours du pape montre qu'il a eu raison. Des dirigeants musulmans au New York Times, le monde entier a exigé que le Pape présente des excuses et se soumette. Les grands médias ont fait de lui un incendiaire digne du « Choc des civilisations » de Samuel Huntington. Dans les zones sous contrôle de l'Autorité palestinienne, des églises ont brûlé et des chrétiens ont été attaqués. Les Islamistes britanniques ont appelé à « tuer » le pape, mais Benoît les a mis au défi .
En réaction, en Somalie, une religieuse italienne a été abattue. En Irak, Al-Qaïda a décapité et mutilé un prêtre orthodoxe syrien faute d'avoir obtenu que l'Eglise catholique présente ses excuses. La Fraternité musulmane égyptiennea promis au pape des représailles. Un dirigeant pakistanais, Shahid Shamsi, a accusé le Vatican de soutenir « l'entité sioniste ». En Turquie, Salih Kapusuz, numéro deux du parti de celui qui était à l'époque Premier ministre (et qui est aujourd'hui président) Recep Tayyip Erdogan, a comparé le pape Benoît XVI à Hitler et Mussolini. En Iran, le Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a affirmé que les paroles du Pape Benoît prouvaient sa participation à « la conspiration américano-israélienne » et témoignaient de son appartenance à la « conspiration des croisés ».
Le dispositif de sécurité autour de Benoît fut immédiatement renforcé. Deux ans plus tard, le pape fut interdit de parole à La Sapienza, la plus importante université de Rome. Après Ratisbonne, Benoît ne sera plus le même. Islamistes et conciliateurs occidentaux se sont entendu pour lui clouer le bec.
Quelques jours après la conférence, épuisé et effrayé, le pape Benoît a présenté ses excuses. « Je suis profondément désolé des réactions de certains pays concernant quelques passages de mon adresse ... propos jugés offensants pour la sensibilité des musulmans », a déclaré le pape à des pèlerins qui le visitaient dans sa résidence d'été de Castel Gandolfo. La citation « n'exprimait en aucune façon mes pensées personnelles. J'espère que cela apaisera les cœurs ».
Ces propos du Pape ont sans doute eu pour but d'apaiser la violence. Mais depuis, les excuses sont devenues la politique officielle du Vatican en direction du monde islamique.
« Les positions par défaut vis-à-vis de l'islam militant ne vont pas sans rappeler malheureusement les positions par défaut de la diplomatie vaticane vis-à-vis du communisme tout au long des 25 dernières années de la guerre froide », a écrit George Weigel, un éminent spécialiste américain. Dans son nouvel agenda, le Vatican cherche « des accommodements politiques avec les États islamiques et renonce à toute condamnation publique des islamistes et de l'idéologie djihadiste ».
Dix ans après une conférence de Ratisbonne plus pertinente que jamais après les attaques de l'Etat islamique sur le sol européen, un autre pape, François Ier, a multiplié les tentatives de séparer musulmans et violence, tout en évitant systématiquement de mentionner le mot interdit : islam. Sandro Magister, l'un des journalistes italiens les plus compétents sur les questions catholiques, analyse la situation ainsi : « Face à l'offensive de l'islam radical, l'idée de François est que « nous devons apaiser le conflit. Et oublier Ratisbonne ».
Pas un représentant de la diplomatie vaticane aujourd'hui qui n'évite soigneusement toute référence à l'« islam » et aux « musulmans », ni ne dénie qu'un choc de civilisations soit en cours. De retour de la Journée Mondiale de la Jeunesse en Pologne, en août dernier, François a nié que l'islam soit une religion violente en soi. Il a affirmé que toutes les religions, y compris le catholicisme, disposent d'un potentiel de violence. François a certes reconnu l'existence d'une « guerre mondiale », mais a nié que l'islam y joue un rôle quelconque.
En 2006, le pape Benoit XVI (gauche) a déclaré ce qu'aucun pape avant lui n'avait osé dire, à savoir qu'il existe un lien entre violence et islam. Dix ans plus tard, le pape François (droite) n'a jamais osé nommer les responsables des violences anti-chrétiennes et n'a jamais mentionné le mot « islam ». (Image source: Benedict: Flickr/Catholic Church of England | Francis: Wikimedia Commons/korea.net)

En mai, François a expliqué que l'« idée de conquête » était partie intégrante de l'islam religieux, mais il a rapidement ajouté que cela revenait à interpréter le christianisme comme la religion de l'autre joue tendue. « L'islam authentique et la bonne lecture du Coran sont opposés à toute forme de violence », a proclamé le pape en 2013. Un an plus tard, Francois a déclaréque « l'islam est une religion de paix, compatible avec le respect des droits de l' homme et la coexistence pacifique ». Il a affirmé que ce sont les maux de l'économie mondiale, et non l'islam, qui inspirent le terrorisme. Voilà quelques jours, le Pape a ajouté que « les gens qui se disent chrétiens mais ne veulent pas de réfugiés à leur porte sont des hypocrites ».
Le pontificat de François laissera ainsi la marque d'une mise en équivalence morale entre le christianisme et l'islam, équivalence qui dissimule les crimes commis par les musulmans contre d'autres musulmans, contre les chrétiens d'Orient et contre l'Occident.
Mais de courageux cardinaux existent encore qui tiennent un discours de vérité. Raymond Burke, un des leaders du catholicisme américain, est de ceux-là. A l'occasion d'un récent entretien accordé à des médias italiens, il a déclaré :
« Il est clair que les musulmans ont un but ultime : conquérir le monde. L'islam veut imposer la charia, leur loi, au monde et autorise la violence contre les infidèles, notamment chrétiens. Reconnaître cette vérité et élaborer une défense de la foi chrétienne nous est difficile. (...) J'ai entendu plusieurs personnes défendre cette idée islamique : « là où dans le passé, nos armes ont échoué, nous réussirons aujourd'hui avec notre taux de natalité et notre immigration ». La population est en train de changer. Si cela continue, dans bien des pays comme l'Italie, la majorité de la population sera musulmane (...) l'Islam se réalise dans la conquête. Et quelle peut être sa réalisation la plus importante ? Rome ! »
Malheureusement, le premier évêque de Rome, François, parait sourd et aveugle à ces vérités importantes. Benoît XVI a mis cinq jours pour présenter des excuses après sa courageuse conférence. Mais il a ouvert une longue saison d'excuses vaticanes - dix ans - au terrorisme islamique.
La visite de François à l'église de Saint-Étienne-du-Rouvray, où le père Jacques Hamel a été assassiné par des islamistes se fait toujours attendre. Ce meurtre, dix ans après la conférence de Ratisbonne, prouve de la plus tragique manière que Benoît avait raison et François tort.
Giulio Meotti, rédacteur culturel à Il Foglio, est un journaliste et auteur italien.

Immigration clandestine : la Seine-Saint-Denis débordée (04.07.2018)

Par Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 04/07/2018 à 19h14 | Publié le 04/07/2018 à 17h34
Selon un rapport parlementaire, les illégaux pèsent entre 8 % et 20 % de la population dans ce département. Les autorités ne parviennent pas à ajuster leurs politiques publiques. Les élus en appellent à Matignon.
«Le premier ministre va nous recevoir. Il a donné son accord de principe.» Le sénateur LR Philippe Dallier est plein d'espérances. Le 14 juin dernier, cet ancien maire des Pavillons-sous-Bois (22 ans de mandat) avait écrit à Matignon, avec 14 des 17 autres députés et sénateurs - de droite comme de gauche - de Seine-Saint-Denis «pour que l'État assume pleinement ses responsabilités dans ce département sinistré entre tous», selon lui. Ce qu'ils réclament est simple: le gouvernement doit donner une suite au rapport des députés François Cornut-Gentille (LR) et Rodrigue Kokouendo (LaREM) qui dénonce la «République en échec» dans le 93.
Déposé le 31 mai à l'Assemblée, ce document décrit l'incroyable dégradation du climat social, économique, sécuritaire de la Seine-Saint-Denis. Taux de pauvreté: 28 % (le double de la France métropolitaine). Taux de chômage: 12,7 % (trois points au-dessus de la moyenne nationale et quatre points au-dessus de la moyenne d'Île-de-France). Les besoins sont immenses mais «l'État ignore le nombre d'habitants» dans le 93, constate le rapport.
Une réalité sociale sous-estimée

«Le département est un sas d'entrée de la France par l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle qui accueille chaque année 65 millions de passagers, dont 35 en entrée sur le territoire. Sur le flot d'entrants figurent des personnes désireuses de demeurer en France mais ne disposant pas des titres de séjours les y autorisant. S'ils ne figurent pas dans les statistiques officielles, ces hommes, femmes et enfants sont une réalité démographique avec laquelle les pouvoirs publics doivent compter», poursuivent les auteurs. Les «personnes en situation irrégulière seraient entre 150.000, 250.000 voire 400.000», ce qui équivaut à la population d'un département comme l'Ariège (152.000 habitants), le Jura (259.000 habitants), voire les Landes (411.000). Bref, entre 8 % et 20 % de la population.
Pour la seule immigration régulière, le rapport rappelle que, «parmi les 36 communes de France métropolitaine comptant plus de 10.000 habitants et dont plus de 30 % de la population est d'origine étrangère, 15 sont situées en Seine-Saint-Denis». Pour autant, selon ce document, «cette population immigrée n'est majoritaire dans aucune commune. Les maximums sont atteints à La Courneuve et Aubervilliers (43 %). Dans ces deux communes, plus de huit enfants sur dix (de moins de 25 ans) ont au moins un parent immigré (88 % à La Courneuve, 84 % à Aubervilliers).»
«Cette réalité amène assurément à sous-estimer la réalité sociale de la Seine-Saint-Denis eu égard au poids de la population étrangère irrégulière. Or, affronter la réalité dans un cadre d'action publique exige d'être plus précis», assurent les auteurs du rapport. Ils ajoutent même: «Pour identifier des phénomènes urbains de ghettoïsation, pour expliciter des difficultés scolaires, pour lutter contre les discriminations, pour adapter les moyens de la police et de la justice à une population spécifique, se pose alors la question de l'établissement de statistiques dites ethniques.»
Marchands de sommeil et économie parallèle
Ils s'attaquent là à un tabou. Car en France, contrairement aux pays anglo-saxons, les statistiques ethniques sont interdites. Même si chacun s'accorde sur le fait que le communautarisme progresse dans les quartiers. Qu'en pense l'Insee? Il n'est guère épargné. «Les dirigeants de l'Insee ont pris pour un procès en légitimité le seul fait de soulever la question de la validité du recensement de la population, notamment concernant le nombre d'habitants dans les vastes camps roms du département. L'institution se sentant attaquée préfère se murer dans ses habitudes plutôt que de mobiliser ses compétences internes pour répondre aux défis posés», déplorent les deux députés dans leur document parfois écrit au vitriol.
«Ce département est traité selon le droit commun, alors qu'il est totalement hors normes»
Le sénateur Philippe Dallier
Rien n'est occulté. Ils déplorent les «marchands de sommeil» qui pullulent, l'économie parallèle plus prospère plus que jamais. «L'ampleur du trafic dans certains quartiers et les revenus qu'ils génèrent perturbent la vie sociale, écrivent les deux élus, y compris là où de prime abord elle devrait être épargnée: l'école, les associations sportives, le logement, la vie municipale.» Sur place, «des systèmes d'inspiration mafieuse tendent à s'installer et à imposer leur diktat».
Localement, enseignants, médecins, policiers, magistrats sont en sous-nombre. La délinquance mine le quotidien (presque 7 % de hausse des crimes et délits en trois ans), sans parler des incivilités, mais les officiers de police judiciaire y manquent cruellement (9 % des effectifs sont OPJ contre près de 17 % à Paris, 15 % dans les Hauts-de-Seine ou le Val-de-Marne).
 «Turnover» considérable chez les fonctionnaires
Quelle que soit l'administration, le 93 est devenu une«école de formation» pour les agents moins expérimentés, alors qu'il faudrait davantage de seniors, le «turnover» y est considérable… tout comme le taux d'arrêt maladie chez les fonctionnaires. «Ce département est traité selon le droit commun, alors qu'il est totalement hors normes», assure le sénateur Dallier. À l'entendre, «dans d'autres grandes conurbations, il y a des zones en crise bien sûr, mais en Seine-Saint-Denis, c'est tout le département». Les quinze grands élus signataires de la lettre à Édouard Philippe réclament donc «la création d'un comité de suivi interministériel des actions que le gouvernement entend mener pour corriger cette situation devenue insupportable».
Quel plan développer et selon quel calendrier? L'accueil réservé à un autre rapport sur les banlieues, celui de Jean-Louis Borloo, remis le 26 avril dernier, a déjà refroidi quelques ardeurs chez les tenants du «toujours plus». Emmanuel Macron, qui se veut le chantre de l'«égalité réelle», a prévenu: il ne fera pas tourner à vide la machine à subventions. Il promet cependant la «mobilisation générale» pour toutes les banlieues qui souffrent et des évaluations tous les deux mois à compter de ce mois de juillet. L'Élysée n'a pas en tête que le 93. La France entière compte, au bas mot, 200 banlieues déshéritées.
Beaucoup a déjà été fait en Seine-Saint-Denis. Mais sur la base d'un diagnostic qui méritait visiblement une sérieuse mise à jour. «Ce n'est pas faute de l'avoir signalé», assure le sénateur Dallier. Rarement un département aura reçu autant de ministres, de missions parlementaires et de promesses: 2 700 visites officielles en dix ans! Emmanuel Macron lui-même l'avait choisi en 2016 pour faire à Bobigny sa déclaration de candidature à la présidentielle…

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