À la fin d’une conversation qui roulait sur la « construction européenne », l’ancien ministre des Affaires étrangères du général De Gaulle, qui savait tout sur tout le monde, laissa tomber d’un air entendu : « Philippe, il vous suffira de tirer sur le fil du Mensonge et tout viendra… »
Des décennies plus tard, en y consacrant un temps discret et beaucoup d’ardeur, bénéficiant par ailleurs de complicités au plus haut niveau des arcanes de l’Europe, Philippe de Villiers décide de tirer sur le fil.
Alors tout est venu.
Il a mené ses recherches jusqu’au bout du monde, à Stanford, à Berlin, à Moscou et partout où pouvaient se trouver des documents confidentiels récemment déclassifiés. Et les archives ont parlé. Elles ont livré des secrets dérangeants.
L’envers de l’Europe est apparu. Ce n’est pas du tout ce qu’on nous avait dit.
De ce travail d’enquête, Philippe de Villiers a fait un livre de révélations sur le grand Mensonge. Il a résolu de publier les preuves. Elles sont accablantes. Tout y passe : les Mémoires apocryphes, les dollars, la CIA, les agents, le passé qu’on efface, les allégeances qu’on dissimule, les hautes trahisons.
Le récit est parfois glaçant. Mené au rythme d’une enquête haletante, il se lit comme un polar. On n’en ressort pas indemne. C’est la fin d’un mythe : ils travaillaient pour d’autres et savaient ce qu’ils faisaient, ils voulaient une Europe sans corps, sans tête et sans racines. Elle est sous nos yeux.
Philippe de Villiers, Le Mystère Clovis (2018)
« Philippe de Villiers n’a pas le droit de falsifier
l’histoire de l’UE au nom d’une idéologie »
Source : Le Monde, 27-03-2019
Le dernier ouvrage de l’ex-député, europhobe convaincu, sur
les origines de la construction européenne est « un tissu de faux-semblants
propre aux théories du complot », dénonce, dans une tribune au « Monde », un
collectif d’universitaires européens spécialistes d’histoire contemporaine.
Ancien ministre, ancien président du Mouvement pour la France
(MPF) et fondateur du Puy-du-Fou, Philippe de Villiers publie, à deux mois des
élections européennes, qui doivent avoir lieu les 25 et 26 mai, J’ai
tiré sur le fil du mensonge et tout est venu (Fayard, 416 p., 23
euros), dans lequel il revient sur les origines de la construction européenne.
Selon lui, les pères fondateurs de l’Union, dont Jean Monnet, auraient conspiré
contre les peuples du Vieux Continent, avec l’aide de plusieurs institutions et
fondations américaines, comme la Fondation Ford. Il accuse également Robert
Schuman d’avoir travaillé sous les ordres du maréchal Pétain pendant la seconde
guerre mondiale. Retiré de la vie politique, cet europhobe convaincu dit «
chercher la vérité » et se donne pour mission de « débusquer les mensonges ».
D’éminents historiens européens réagissent aux propos du pamphlétaire,
démontant une à une ses insinuations.
Tribune. Philippe de Villiers a bien choisi son moment – l’approche
des élections européennes – pour présenter son nouveau livre, J’ai tiré
sur le fil du mensonge et tout est venu (Fayard), dans lequel il
aligne les attaques approximatives et tendancieuses contre trois bâtisseurs de
l’Europe : Jean Monnet, Robert Schuman et Walter Hallstein. Il annonce des
révélations fracassantes sur leurs « turpitudes » et prétend,
pour justifier ses dires, s’appuyer sur des archives nouvelles, alors qu’elles
sont bien connues des professionnels. Le polémiste a l’art de transformer
certaines vérités, développées depuis longtemps par des ouvrages scientifiques,
en contre-vérités utiles à sa démonstration idéologique. Dans le contexte
actuel de foisonnement des « fake news », des historiens de
plusieurs pays européens, spécialistes de l’Europe, ont jugé utile d’examiner
de près certains des propos de M. de Villiers.
Les projets d’unification de l’Europe sont en réalité très
anciens. Il est même possible de remonter à celui de Georges de Podiebrad, roi
de Bohême, au XVesiècle. Plus récemment, en 1929-1930, Aristide
Briand proposait un « plan d’union fédérale européenne ». Pourtant,
Philippe de Villiers, afin de mieux diaboliser cette idée d’intégration du
continent, se plaît à l’attribuer aux nazis et, pour la France, à Vichy et à
son « école des cadres », située à Uriage (Isère). On
y a en effet parlé de l’unité européenne. Sûrement pas comme le maréchal Pétain
l’aurait souhaité, puisque des membres de cette école, dont Pierre Dunoyer de
Segonzac, son fondateur, ont organisé des maquis, et que Laval a fermé cette
institution en 1943. Ecrire que Monnet est inspiré par Vichy, sous prétexte que
d’anciens maréchalistes, ayant rompu avec Pétain, ont partagé ses idées sur
l’Europe – avec d’ailleurs un grand nombre de résistants – est typique de la
méthode insidieuse de Philippe de Villiers.
Détruire les réputations
De fait, n’en déplaise à celui-ci, l’idée de […] Philippe de Villiers a tout à fait le droit de ne pas aimer
la construction de l’Europe, mais pas celui d’en falsifier l’histoire au nom
d’une idéologie. Il a « tiré sur le fil » de ce qu’il a appelé
le mensonge européen, et c’est un tissu de faux-semblants qui « est
venu », sous forme d’un pamphlet biaisé n’ayant rien à voir avec la
science historique qui, elle, cherche à comprendre, à éclairer, et non à développer
des théories du complot, hélas, si à la mode aujourd’hui.
Liste des premiers signataires : Laurence Badel,
Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne ; Charles Barthel, Archives
nationales du Luxembourg ; Françoise Berger, Sciences Po Grenoble
; Marie-Thérèse Bitsch, Université de Strasbourg ; Gérard
Bossuat, Université de Cergy-Pontoise ; Bernard Bruneteau,
Université Rennes 1 ; Eric Bussière, Sorbonne-Université ; David
Burigana, Université de Padoue ; Michel Catala, Université de
Nantes ; Vincent Dujardin, Université catholique de Louvain ; Elena
Calandri, Université de Padoue ; Mauve Carbonell, Université
d’Aix-Marseille ; Frédéric Clavert, Université du Luxembourg
; Robert Frank, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne ; Alessandro
Giacone, Université Grenoble-Alpes ; Jean-Michel Guieu,
Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne ; Jean-Noël Jeanneney, Sciences
Po, Paris ; Stanislas Jeannesson, Université de Nantes
; Hartmut Kaelble, Université Humboldt de Berlin ; Sylvain
Kahn, Sciences Po, Paris ; Wolfram Kaiser, Université de
Portsmouth ; Brigitte Leucht, Université de Portsmouth ; Valentine
Lomellini, Université de Padoue ; Wilfried Loth, Université de
Duisburg-Essen ; N. Piers Ludlow, London School of Economics
; Christine Manigand, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 ; Antoine
Marès, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne ; Lorenzo Mechi,
Université de Padoue ; Guia Migani, Université de Tours ; Philippe
Mioche, Université d’Aix-Marseille ; Emmanuel Mourlon-Druol,
Université de Glasgow ; Eric Roussel, membre de l’Institut ; Claire
Sanderson, Université de Reims ; Sylvain Schirmann, Université
de Strasbourg ; Klaus Schwabe, Université d’Aix-la-Chapelle ; Katja
Seidel, Université de Westminster ; Frédéric Turpin, Université
de Savoie ; Antonio Varsori, Université de Padoue ; Laurent
Warlouzet, Université du Littoral Côte d’Opale ; Christian Wenkel,
Université d’Artois ; Andreas Wilkens, Université de Lorraine.
Liste intégrale des signataires ici
La réponse de Philippe de Villiers aux historiens
« Un collectif d’universitaires a publié dans Le
Monde daté du 28 mars une tribune en riposte à mon dernier livre, J’ai
tiré sur le fil du mensonge et tout est venu. Il le qualifie de «
complotiste », tout en expliquant que les pièces inédites que je publie
seraient bien connues, et m’attaque pour des propos que je n’ai pas tenus. Ce
faisant, il reprend la ligne de la note officielle que vient de diffuser la
Commission européenne contre mon livre. Où est donc passé le professeur libre
d’esprit et de plume ? Où se cache-t-il, parmi les titulaires des 500 chaires
Jean Monnet, 1 500 séminaires et autres modules subventionnés, celui dont les
travaux ne reflètent pas la position de Bruxelles ? Sans soutien
institutionnel, une idéologie ne tient pas. J’affirme, moi, que les crises
multiples, la montée d’un climat insurrectionnel et la désunion européenne
d’aujourd’hui sont le résultat d’un déni historique.
On m’invente d’abord des propos. Je n’ai ainsi jamais écrit
que la construction européenne serait d’inspiration nazie. Je dis que le choix
de faire l’Europe par l’intégration plutôt que par la coopération était celui
exigé par le département d’Etat américain. Il fut porté avec conviction par
trois personnalités – Monnet, Schuman et Hallstein – qui avaient pour points
communs de haïr De Gaulle, de vouloir une Europe postnationale et atlantiste et
de s’être diversement compromis avant 1945.
De même, je n’ai jamais dit que Hallstein avait eu sa carte
au parti nazi. J’affirme en revanche qu’il a bien volontairement et précocement
adhéré à la Ligue nazie des enseignants et à la Fédération des juristes nazis.
Il a collaboré avec le ministre Hans Frank à la nazification juridique, au
rapprochement avec le droit fasciste et aux bases d’un Reich européen. Enfin,
et contrairement à la plupart de ses collègues, il fut choisi comme officier
instructeur en national-socialisme, sorte de commissaire politique dans la
Wehrmacht. Où sont-ils, les indignés ? Pourquoi a-t-il été sélectionné pour
être « rééduqué » à Fort Gettyen 1945, être nommé recteur à Francfort en 1946,
négocier les traités puis présider la Commission ?
Les cosignataires expliquent ensuite que mon livre n’apporte,
à leurs yeux, rien de nouveau. Pour ma part, j’ignorais que certains articles
des traités de Paris et de Rome avaient été rédigés à l’ambassade des
Etats-Unis à Paris. J’ignorais que le choix des présidents de la Communauté
européenne du charbon et de l’acier (CECA), d’Euratom et de la Communauté
économique européenne (CEE) était validé à Washington. J’ignorais que c’est une
agence américaine qui servit de modèle à la Haute Autorité devenue la
Commission, ou que la méthode Monnet des « petits pas » avait été inventée par
l’école fonctionnaliste américaine.
J’ignorais qu’un autre récit des origines de l’intégration
européenne se nichait dans une vingtaine de boîtes d’archives conservées en
Californie, dans le Missouri et en Suisse. J’ignorais que la Fondation Ford
faisait autre chose que de la philanthropie et qu’il existât un American
Committee for United Europe ouvertement dirigé par les patrons de la CIA,
finançant diverses opérations en Europe jusqu’en 1960. J’ignorais que les
Mémoires de Monnet n’étaient pas de Monnet et résultaient d’une commande
d’outre-Atlantique.
J’ignorais que M. Schuman, contrairement à de très nombreux
Lorrains, dont ceux de ma propre famille, s’était toujours trompé de camp, en
1914 comme en 1940. J’ignorais que Jean Monnet avait été d’abord un banquier
d’affaires, sauvé de plusieurs faillites par ses amis de Wall Street, ou qu’il
s’était marié à Moscou au moment des purges staliniennes. J’ignorais qu’il
avait tenté d’empêcher l’appel du 18 juin à la BBC et recommandé, dans une note
au conseiller de Roosevelt, en 1943, de « détruire De Gaulle ».
J’ignorais que deux de ses collaborateurs avaient trouvé la panoplie sémantique
de la supranationalité à Uriage, sous Vichy. J’ignorais décidément tout ce
qu’une historiographie officielle avait oublié de nous dire.
Enfin, on me dit que le contexte de la guerre froide
justifierait tout. Non, la lutte anticommuniste n’impliquait nullement de se
soumettre à une puissance étrangère, quelle qu’elle fût. De Gaulle était
anticommuniste et œuvra toute sa vie pour une Europe européenne, et non pas
américaine, selon la devise « amis, alliés et non alignés ». Pourquoi Monnet et
Schuman recevaient-ils, eux, des versements américains tenus secrets si la
cause était noble ? Pourquoi y a-t-il eu des contreparties, des rapports
d’activité ?
Il s’agissait d’effacer toute trace de souveraineté en
Europe, pour en faire un pur marché ouvert à la surproduction américaine, non
plus gouverné mais administré par une Commission supranationale. Les tentatives
de création d’une Europe européenne furent torpillées, du plan Fouchet, en
1962, à la Confédération européenne de Mitterrand, en 1991. Objectif atteint :
l’Europe est un nain politique, économique et stratégique, une simple escale
vers Globalia.
Personne jusqu’ici ne m’a contredit sur le fond. Ce n’est pas
le rêve européen qui aurait mal tourné, mais un vice constitutif qui déploie
ses effets. Oui, entre la nation et l’empire, le choix de la nation eût été
plus sage. Entre l’équilibre et l’hégémonie, il faut préférer l’équilibre. Ce
n’était pas le cas de ces pères fondateurs qui façonnèrent l’Europe selon leur
conception saint-simonienne, mercantiliste et globaliste. Le mythe d’une «
Europe européenne » soi-disant bâtie contre le retour du Mal, que l’on a vendu
à chaque génération depuis soixante ans pour saborder les frontières et les
souverainetés, relève, lui, du conspirationnisme.
Je comprends que beaucoup voient l’idéal et la certitude de
toute une vie universitaire ou militante s’effriter devant les faits et
documents que je publie. Ce livre ferme un cycle d’enseignement idéologique. Il
est la réponse aux gardiens d’un temple qui se fissure de toutes parts. A ce
Moloch sans corps, sans âme, sans racines et sans postérité, j’oppose l’urgence
de l’Europe véritable, celle des nations et de la civilisation européennes.
L’Europe véritable exige la vérité. »
Philippe de Villiers est ancien président du Mouvement pour la France.
Source : Le Monde, 27-03-2019
Quelques commentaires éclairants (sur le site les crises)
Fritz // 18.05.2019 à 08h22
Tiens, ce « collectif d’universitaires européens » me donne envie de voter le 26 mai pour la liste Villiers.
Zut, il n’y en a pas.
Tant qu’ils y sont, ils auraient dû incriminer le défunt Jacques Baumel, résistant dès 1940 : dans ses mémoires (Résister, Albin Michel, 1999), il définissait Jean Monnet comme un « agent américain ». Encore un théoricien-du-complot, je suppose.
Michel Le Rouméliote // 18.05.2019 à 08h59
C’est quand même rigolo que Bernard Bruneteau soit signataire de cette pétition. C’est vrai qu’en conclusion de son excellent livre, Les Collabos de l’Europe nouvelle, il qualifie l’Union européenne de “débonnaire”, alors qu’il DÉMONTRE la filiation intellectuelle des “pères” de l’Europe, Monnet, Schuman et consorts, depuis le pacifisme briandiste jusqu’à la collaboration, avec une très fine analyse de gens comme Marcel Déat par exemple, et le ralliement d’authentiques résistants, comme Henri Frenay.
Son livre, que je ne cesse de recommander, n’infirme nullement les propos de Philippe de Villiers. Au contraire !
astap66 // 18.05.2019 à 09h15
Annie Lacroix-Riz a répondu à cette tribune (à 3 m3 30).
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