vendredi 9 mars 2018

Islamisme et politique 06.03.2018


Syrie : l'étau se resserre sur la Ghouta (07.03.2018)
Violences faites aux femmes : l'onde de choc (07.03.2018)
En Île-de-France, une brigade patrouille pour traquer les «frotteurs» dans les transports (07.03.2018)
Les trois mesures phares de la future loi contre les violences faites aux femmes (07.03.2018)
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Faut-il démanteler Google et Facebook ? (07.03.2018)
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Agir enfin contre les pratiques de concurrence déloyale de Google (07.03.2018)
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À Los Angeles, le combat d'un homme pour les sans-abri (07.03.2018)
Syrie : l'envoi de renforts kurdes à Afrine complique la donne
Italie : Berlusconi prêt à aider Salvini à former un gouvernement (07.03.2018)
Rémy Rioux : «Au Sahel, le pilier développement a été sous-calibré» (07.03.2018)
Le Sri Lanka déstabilisé par les extrémistes bouddhistes (07.03.2018)
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La cité perdue des pharaons noirs (06.03.2018)
Pourquoi la France est toujours la championne des dépenses publiques… et risque de le rester (07.03.2018)
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«Fake news» : «Les réseaux sociaux ne se soucient pas de ce que nous partageons» (08.03.2018)
Sur Twitter, les «fake news» voyagent plus vite que les vraies informations (08.03.2018)
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Syrie : le régime accentue son emprise sur la Ghouta, privée d'aide humanitaire (08.03.2018)
Par Le figaro.fr et AFP agencePublié le 08/03/2018 à 15h59
Malgré une trêve de 30 jours décrétée fin février par l'ONU, le régime de Bachar el-Assad a poursuivi son offensive lui permettant de reconquérir la moitié de l'enclave rebelle en proie à une grave crise humanitaire. Au total, plus de 900 civils auraient été tués dans des bombardements.
Le régime syrien a accentué son emprise sur le fief rebelle dans la Ghouta orientale, cible depuis trois semaines d'un déluge de feu d'une rare violence, les autorités empêchant ce jeudi l'entrée d'un convoi d'aides vital pour une population en proie à une grave crise humanitaire. Appuyé par l'indéfectible allié russe, le pouvoir de Bachar el-Assad a reconquis plus de la moitié de l'enclave rebelle, après avoir lancé le 18 février une offensive de grande ampleur qui, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), a tué plus de 900 civils dans ce dernier bastion insurgé aux portes de la capitale.
Les forces du régime poursuivent sans répit leur offensive terrestre et leur pilonnage meurtrier, malgré les appels d'une communauté internationale impuissante face au bain de sang. Selon l'Observatoire, le régime cherche à scinder l'enclave pour affaiblir les deux forces principales du fief rebelle, Jaich al-Islam, au Nord, et Faylaq al-Rahmane, au Sud. Des combats entre rebelles et forces du régime se déroulent au cœur même de l'enclave, en périphérie de Douma mais aussi des localités de Hammouriyé et Jisrine, plus au sud, cibles de raids aériens, d'après la même source. Un responsable militaire a indiqué à des journalistes que les autorités syriennes ont mis en place un nouveau couloir humanitaire, reliant la périphérie de la capitale au sud de l'enclave, pour permettre la sortie des civils.


La livraison d'aide humanitaire ajournée

Un bombardement à la Ghouta, ce jeudi. - Crédits photo : AMMAR SULEIMAN/AFP
Les quelque 400.000 habitants de l'enclave, assiégés depuis 2013, subissent au quotidien pénuries de nourriture et de médicaments, et vivent désormais terrés dans les sous-sols pour échapper au déluge de feu. Des aides médicales et de la nourriture devaient y être distribuées ce jeudi mais l'ONU et des ONG ont annoncé que la livraison avait été ajournée. La situation «sur le terrain (...) ne nous permet pas de mener l'opération» à bien, a indiqué Ingy Sedky, une porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). «Aujourd'hui, l'ONU et ses partenaires n'ont pas pu retourner à Douma (...) car le mouvement du convoi n'a pas été autorisé par les autorités syriennes pour des raisons de sécurité», a indiqué Jens Laerke, porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), à Genève.
Fin février, le Conseil de sécurité avait adopté une résolution réclamant un cessez-le-feu de trente jours dans toute la Syrie, ravagée depuis 2011 par une guerre qui a fait plus de 340.000 morts. Par la suite, la Russie a décrété une «pause humanitaire» quotidienne de cinq heures dans l'enclave rebelle mais, mercredi, les bombardements ont encore tué 91 civils, selon l'OSDH.
De nouvelles allégations d'attaques chimiques
«En raison d'une attaque au gaz de chlore (...), des patients souffrent de difficultés respiratoires sévères»
Société médicale syro-américaine
Par ailleurs, au moins 60 personnes ont souffert mercredi soir de difficultés respiratoires à Saqba et Hammouriyé après des frappes aériennes, a indiqué l'OSDH. Des cas de suffocation similaires ont déjà été rapportés à deux reprises ces derniers jours, selon l'Observatoire. «En raison d'une attaque au gaz de chlore (...), des patients souffrent de difficultés respiratoires sévères», a indiqué la Société médicale syro-américaine (SAMS), une ONG qui soutient des centres médicaux en Syrie. À Hammouriyé, un correspondant de l'AFP a pu voir des dizaines de personnes, femmes et enfants, quitter des sous-sols et s'installer sur un toit dans l'espoir de pouvoir mieux respirer.
Les parents ont déshabillé les enfants qui toussaient sans cesse pour les laver à grande eau, et tenter d'éliminer une possible présence de gaz toxique sur leur corps. «Je vais suffoquer», hurlaient deux enfants, alors que des secouristes les portaient pour les emmener se faire soigner. Le régime, qui a plusieurs fois démenti utiliser des armes chimiques, a été dénoncé ces dernières semaines à la suite d'attaques présumées au gaz de chlore. Ces accusations, «irréalistes» selon Bachar el-Assad, ont provoqué un tollé sur la scène internationale, Washington et Paris brandissant la menace de frappes en Syrie.
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Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, quitte le Parti socialiste (08.03.2018)

Par Pierre Lepelletier
Mis à jour le 08/03/2018 à 13h37 | Publié le 08/03/2018 à 08h20
LE SCAN POLITIQUE/VIDÉO - Sur CNews jeudi, le ministre des Affaires étrangères a expliqué «prendre acte» de la décision du PS, qui l'avait exclu «de fait» après son entrée dans le gouvernement d'Emmanuel Macron.
Membre du gouvernement d'Emmanuel Macron et, en même temps, membre du Parti socialiste? Impossible avait répondu le coordinateur national du PS Rachid Temal. Le chef par intérim du parti a toujours affirmé que les socialistes qui avaient rejoint Emmanuel Macron s'étaient exclus «de fait». Pourtant, le ministre des Affaires étrangères a longtemps laissé planer l'ambiguïté, continuant à se revendiquer du PS. Jean-Yves Le Drian a finalement levé le voile jeudi sur CNews en annonçant qu'il «prenait acte» de la décision et qu'il quittait le Parti socialiste.
De la «fierté» mais aussi de la «déception»
«Je me retire du Parti socialiste, avec beaucoup d'émotion après 44 ans, beaucoup de fierté parce que j'ai participé à des combats sous François Mitterand, sous Lionel Jospin, sous François Hollande avec qui j'ai toujours une forte amitié mais je me retire aussi avec déception», a souligné Jean-Yves Le Drian.
Le ministre des Affaires étrangères regrette notamment que le PS se range, selon lui, «dans une opposition sectaire et puérile» plutôt que dans une démarche constructive avec la majorité. «J'estime aujourd'hui que la manière d'avancer vers l'Europe, la manière de transformer notre pays, c'est auprès d'Emmanuel Macron qu'il faut le faire. Je regrette que le Parti socialiste se replie sur des convictions à mon sens dépassées», a-t-il déploré. Jean-Yves Le Drian refuse en revanche de rejoindre La République en marche, préférant simplement se revendiquer «de la majorité présidentielle.»
La prise de position de Jean-Yves Le Drian intervient une journée après un article de Mediapart, épinglant le ministre. Il est soupçonné d'avoir obtenu un passe-droit pour inscrire ses deux petits-enfants au lycée français de Barcelone. Le proviseur de l'établissement comme le ministre ont démenti.
«Ça a dû lui faire mal»
Une décision «cohérente» saluée par les socialistes, à commencer par Stéphane Le Foll. «On ne peut pas être au gouvernement, soutenu par une majorité, et être dans un parti d'opposition. Ça ne pouvait pas continuer, à un moment soit il faut quitter le gouvernement, soit quitter le Parti socialiste. C'était une clarification qui était extrêmement nécessaire», a déclaré jeudi sur Public Sénat son ancien collègue ministre sous François Hollande, aujourd'hui candidat au poste de Premier secrétaire du PS. «Jean-Yves Le Drian a une longue histoire avec le Parti socialiste: ça a dû lui faire mal mais je pense qu'il a fait ce choix il y a déjà quelques temps, en soutenant Emmanuel Macron», a avancé de son côté le commissaire européen et socialiste Pierre Moscovici sur BFM TV.
«Il n'est plus membre du PS depuis son entrée au gouvernement»
Rachid Temal, coordinateur national du Parti socialiste
Le coordinateur national du Parti socialiste Rachid Temal, le premier à avoir annoncé que Jean-Yves Le Drian ne faisait plus partie du PS, s'est quant à lui montré plus sévère. «Certains s'intéressent - au lendemain du débat réussi - à celles et ceux qui ont quitté le PS pour rejoindre une autre formation politique ou le gouvernement d'Édouard Philippe. Moi je m'intéresse aux militants et élus qui sont au Parti socialiste au nom de nos valeurs et préparent l'avenir», a-t-il commenté sur sa page Facebook. «Il n'est plus membre du PS depuis son entrée au gouvernement», a-t-il d'ailleurs souligné auprès du Figaro.
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Empilement des dettes : se souvenir de la crise grecque (08.03.2018)

Par Charles Wyplosz
Mis à jour le 08/03/2018 à 09h47 | Publié le 08/03/2018 à 09h44
FIGAROVOX/TRIBUNE - Bruno Le Maire a dit son opposition à tout effacement de la dette de pays en crise. Il a tort, selon l'économiste Charles Wyplosz, qui explique comment il vaudrait mieux décourager les prêteurs légers ou cyniques.

- Crédits photo : Clairefond
Tirant les leçons de la crise précédente, les pays membres de la zone euro envisagent de créer un Fonds monétaire européen. Un aspect crucial, mais technique, de ce projet pose un problème à la France. Il s'agit, en préalable à tout prêt à un pays en crise, d'exiger qu'une partie de sa dette existante soit purement et simplement annulée. Bruno Le Maire a indiqué qu'il y était opposé, et pourtant c'est une idée très saine, contrairement aux apparences. Ce qu'il a présenté comme une ligne rouge est une bien mauvaise idée qui rappelle des mauvais souvenirs.
Lorsque la Grèce s'est retrouvée en crise au début de 2010, la question d'un effacement partiel de sa dette publique s'est posée. Emmenés par le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, les pays de la zone euro ont tracé la même ligne rouge que Bruno Le Maire aujourd'hui. Or c'est cette posture qui a conduit à la catastrophe en Grèce, à la contagion vers d'autres pays et au risque d'éclatement de la zone euro. À l'époque, un effacement de la dette grecque aurait affecté, entre autres,les banques allemandes et françaises, déjà secouées par la crise financière. L'argument officiel était que l'on ne pouvait pas prendre le risque d'une nouvelle crise bancaire. Peut-être, mais il s'agissait avant tout de protéger les banques. Une grande part de l'argent public prêté aux Grecs a été consacrée à rembourser des banques privées. Il faudra maintenant aux Grecs deuxou trois générations pour rembourser les généreux prêts qu'on les a obligés d'accepter.
En 2010, la dette publique grecque représentait 130 % du PIB. C'était déraisonnable, comme l'histoire l'a prouvé, mais à qui la faute? Aux gouvernements grecs successifs qui ont dépensé sans compter, bien sûr, mais pas seulement. Il faut être deux pour un prêt. Le prêteur se doit de mesurer les risques qu'il prend, car un prêt est toujours risqué. Ceux qui ont prêté à la Grèce dans les années qui ont précédé 2010 ont soit choisi d'ignorer les risques qu'ils prenaient, soit imaginé que la Grèce serait «sauvée» par l'argent des contribuables des autres pays de la zone euro. Ignorer les risques est une bien mauvaise idée. Compter sur les contribuables est éminemment cynique.
Une des leçons de la crise grecque est qu'il ne faut plus se retrouver dans cette situation. La réforme du Pacte de stabilité et de croissance vise à accentuer la pression sur les gouvernements pour qu'ils tiennent leurs budgets. Même si cette réforme a peu de chances de réussir, l'objectif est primordial et il faudra persévérer. La réflexion sur cette question est en cours.
«Officiellement, les dettes publiques sont considérées comme sans risque, donc sans exigence de précaution. Or c'est une fiction».
Pour autant, il est tout aussi important de décourager les prêteurs irréfléchis ou cyniques, pour leur propre intérêt et pour celui des contribuables européens. Plusieurs possibilités existent. La première est la réglementation bancaire. Les banques doivent constituer un matelas en proportion des risques qu'elles prennent, ce qui les amène à modérer la prise de risque et permet d'espérer qu'elles seront mieux équipées pour faire face au prochain coup dur. Mais, officiellement, les dettes publiques sont considérées comme sans risque, donc sans exigence de précaution. Or c'est une fiction. Les dettes publiques de l'Italie et du Portugal s'élèvent aujourd'hui à quelque 130 % de leurs PIB, plus que la Grèce en 2010! Mais aucun gouvernement ne veut ouvrir cette boîte de Pandore. On maintient donc la fiction que les dettes publiques n'entrent pas dans la catégorie des dettes à risque.
La deuxième possibilité pour décourager les prêteurs légers ou cyniques est de leur envoyer un message clair: il n'y aura plus d'aide publique aux pays de la zone euroen difficulté. Le Traité de Maastricht a institué cette règle, mais elle a volé en éclat lorsque des prêts ont été accordés à la Grèce, puis aux autres pays en crise, sur la base d'une obscure clause du traité. Les discussions en cours sur la création d'un Fonds monétaire européen, destiné à renflouer les pays de la zone euro en cas de besoin montrent que cette clause du traité reste caduque et que les gouvernements n'ont aucune intention d'adopter cette option. Le message adressé au marché est donc funeste: prêtez, prêtez, chères banques, le contribuable vous aidera.
La troisième possibilité est d'associer les aides à un effacement partiel de la dette. C'est ici que la ligne rouge de Bruno Le Maire intervient. La proposition qu'il rejette rendrait obligatoire que toute aide collective à un pays en crise soit accompagnée par un effacement partiel de sa dette publique. Comme les dettes publiques sont largement détenues par des institutions financières, ceci permettrait de protéger les contribuables, désormais engagés, mais aussi de limiter les coûts qu'ils auraient à subir.
«Il est désormais plus facile d'effacer les dettes publiques.»
De plus, la dette du pays en crise serait moins élevée au sortir de l'épisode, contrairement à la Grèce dont la dette atteint 180 % du PIB aujourd'hui, ce qui signifie qu'elle est loin d'être sortie d'affaire après dix ans d'intense austérité (et malgré, finalement, une remise de dette bâclée de l'ordre de 50 % du PIB en 2012). Enfin, et surtout, cela enverrait un message plus sain aux prêteurs, désormais avertis qu'ils devraient mettre la main au portefeuille.
Il est désormais plus facile d'effacer les dettes publiques. En 2012, dans le cadre du traité qui a établi le Mécanisme européen de stabilité (qui aide les pays en crise), il a été décidé que les dettes publiques de plus d'un an émises par les pays de la zone euro à partir du 1er janvier 2013 doivent inclure une clause dite d'action collective.
Cette clause vise à empêcher qu'une minorité de détenteurs de dette ne bloquent un accord d'effacement avec le gouvernement en question. Le principe auquel s'attaque Bruno Le Maire est donc implicitement acquis, sinon à quoi pourrait bien servir la clause d'action collective? Les raisons de ce raidissement sont bien mystérieuses. A-t-il peur que la France soit, un jour, obligée à effacer sa dette? Si c'est le cas, la solution est de ne plus faire de déficits.
Si le gouvernement français réussit à faire échouer l'accord en cours d'élaboration, l'on n'aura pas progressé. Les contribuables européens des pays en crise devront supporter toujours plus de dettes publiques et leurs homologues des pays prêteurs seront toujours obligés de garantir ces prêts pour voler au secours des banques privées. La morale de l'affaire est claire: contribuables de tous les pays, unissez-vous!
* Professeur d'économie internationale à l'Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) à Genève, Charles Wyplosz est directeur du Centre international d'études monétaireset bancaires.

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Le Sri Lanka déstabilisé par les extrémistes bouddhistes (07.03.2018)

Par Emmanuel Derville
Mis à jour le 07/03/2018 à 18h23 | Publié le 07/03/2018 à 18h17
INFOGRAPHIE - Le gouvernement a décrété l'état d'urgence pour contenir les violences contre les minorités religieuses, en particulier musulmanes.
À New Delhi
Le Sri Lanka a connu mercredi une nouvelle journée de tensions alors que des émeutes secouent les districts de Kandy et d'Ampara, au centre et à l'est de l'île, depuis fin février. Mercredi, des commerces ont été brûlés à Kandy, poussant les autorités à bloquer partiellement l'accès aux réseaux sociaux, et ce alors que l'état d'urgence a été décrété pour dix jours dans tout le pays. Les violences ont fait au moins un mort pour l'instant.

D'après la version livrée par le premier ministre Ranil Wickremesinghe devant le Parlement mardi, tout a commencé le 22 février. Un chauffeur de l'ethnie cinghalaise est agressé par quatre musulmans lors d'un incident de la circulation à Kandy. Blessée, la victime est transportée à l'hôpital où elle succombe à ses blessures le 3 mars. Le lendemain soir, deux commerces tenus par des musulmans sont incendiés à Kandy. Le 5 mars, les attaques prennent de l'ampleur. Des boutiques ainsi que des mosquées sont prises pour cible. Un jeune musulman de 27 ans périt dans l'incendie de sa maison à Digana. Des moines cinghalais de confession bouddhiste participent aux émeutes, mobilisant leurs partisans grâce aux réseaux sociaux, sans que la police ne les interpelle.
Moines radicalisés
Ces événements sont les derniers d'une série d'attaques qui se multiplient depuis 2012 contre les minorités religieuses, en particulier musulmanes. La plupart du temps, ces agressions sont encouragées par les bouddhistes radicaux du Bodu Bala Sena (BBS). Si les bouddhistes de l'ethnie cinghalaise sont majoritaires au Sri Lanka, représentant 70 % de la population, le BBS martèle que la croissance démographique des musulmans menacerait leur statut social. Il reproche aux minorités religieuses de multiplier les conversions, dont il prône la pénalisation, réclame l'interdiction de l'abattage halal, des manifestations religieuses musulmanes et chrétiennes, ainsi que l'abolition du droit privé musulman.
L'an dernier, le BBS a trouvé un nouveau cheval de bataille avec l'arrivée des Rohingyas, de confession musulmane, ayant fui la répression de l'armée birmane. Le chef du BBS, Gnanasara Thero, avait affirmé en mai 2017 lors d'une conférence de presse que ces réfugiés étaient venus envahir le Sri Lanka.
Le premier ministre s'est dit décidé à contenir les violences: «le gouvernement condamne les actes violents et racistes. L'état d'urgence a été proclamé et nous n'hésiterons pas à prendre d'autres mesures si nécessaire», a-t-il déclaré. Mais pour Alan Keenan, chercheur à l'International Crisis Group, le chef du gouvernement a peu de marges de manœuvre. «Les moines bouddhistes jouissent d'un statut social très particulier et les interpeller serait perçu comme un manque de respect envers le clergé.» Autre problème: l'ancien président Mahinda Rajapakse, opposant au premier ministre, ne cache pas ses sympathies pour les extrémistes. Or Rajapakse garde de nombreux soutiens dans les forces de sécurité et certains observateurs pensent que l'armée et la police, qui lui seraient fidèles, laissent faire les émeutiers.

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Armes chimiques : Paris menace Damas de «riposte» (08.03.2018)

Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 08/03/2018 à 19h23 | Publié le 08/03/2018 à 18h52
VIDÉO - Dans la Ghouta, des ONG accusent le régime d'avoir frappé au chlore les rebelles, mais les preuves manquent encore.
Jean-Yves Le Drian a promis jeudi une «riposte française» en cas d'utilisation avérée d'armes chimiques dans le conflit syrien. Cette nouvelle menace française intervient deux jours après la publication d'un rapport par la commission d'enquête de l'ONU sur les crimes de guerre, accusant Damas d'avoir eu recours à des armes chimiques, notamment dans la Ghouta orientale, la dernière enclave rebelle autour de la capitale, bombardée depuis près de trois semaines.
«Il y a aujourd'hui des faisceaux de convergence, des faisceaux d'indications qui laissent à penser que l'arme chimique peut être utilisée ou a déjà été utilisée», a déclaré le ministre des Affaires étrangères sur CNews. Jean-Yves Le Drian a toutefois reconnu que «nous n'av(i)ons pas les preuves» d'une telle utilisation d'armes chimiques par le régime syrien contre les rebelles assiégés dans la Ghouta, où 900  civils ont péri en trois semaines et où un convoi humanitaire n'a pu venir secourir jeudi la population dans le besoin.
La «ligne rouge» française
Citant des médecins sur place, une ONG internationale, l'Union des organisateurs de secours et soins médicaux, affirme qu'une attaque au chlore s'est produite vers 21 heures mercredi dans les villes de Saqba et Hamouria. D'après les secouristes des Casques blancs, une cinquantaine de personnes ont été affectées. Elles souffraient de difficultés respiratoires après des frappes aériennes. Des accusations jugées «irréalistes» par Damas. Ces dernières semaines, le régime a été, à plusieurs reprises, montré du doigt pour des attaques présumées au chlore. «Si d'aventure l'usage d'armes chimiques était constaté, vérifié, attribué, et que l'usage de l'arme chimique (….) faisait des morts, alors la riposte française serait au rendez-vous», a détaillé Jean-Yves Le Drian.
Mais les spécialistes s'accordent à reconnaître que l'établissement de telles preuves est un exercice très délicat. Bref, alors que les rebelles syriens reculent dans la Ghouta - que les pro-Assad sont parvenus à couper en deux et à reconquérir à plus de 50 % en quelques jours -, Jean-Yves Le Drian rappelle la «ligne rouge» française, établie par Emmanuel Macron, peu après son élection à la présidence de la République. Mais, à l'Élysée, on soulignait en début de semaine que «ce n'(était) pas une action militaire que la France (menait) en Syrie».
«Il n'y a pas de changement dans nos priorités en Syrie, la priorité numéro un reste la lutte antiterroriste», confiait un proche du chef de l'État, tout en rappelant que, si des preuves de l'utilisation d'armes chimiques par Damas étaient établies, Paris prendrait ses responsabilités. La riposte serait aussi américaine, a précisé Jean-Yves Le Drian. Ce qui laisse supposer une coopération dans des frappes contre des sites - connus - de stockages d'armes chimiques par Damas.
En 2013, François Hollande avait voulu «punir» par des bombardements Bachar el-Assad, déjà accusé d'avoir utilisé des armes chimiques dans la Ghouta (plus de 1000 morts). Mais, au dernier moment, Barack Obama avait renoncé à recourir à la force contre le régime syrien.

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Immigration illégale : la Californie se rebelle contre Washington (08.03.2018)
Par Armelle Vincent
Mis à jour le 08/03/2018 à 19h55 | Publié le 08/03/2018 à 19h48
Cet «État sanctuaire» se mobilise après que le ministère de la Justice a porté plainte contre des lois protégeant les clandestins.
La guerre larvée opposant l'Administration de Donald Trump à la Californieest entrée mardi dans une nouvelle phase, juridique cette fois, et pourrait bien se terminer devant la Cour suprême. L'objet de la dispute, qui n'est pas nouvelle mais vient d'atteindre un paroxysme, est l'immigration illégale et le statut d'«État sanctuaire» de la Californie, déclaré en octobre par son gouverneur démocrate Jerry Brown. Le président américain désire tenir sa promesse électorale d'expulser le plus grand nombre de clandestins possibles.
«La Californie utilise tous les pouvoirs qu'elle a - et parfois qu'elle n'a pas - pour contrecarrer l'application de la loi fédérale, vous pouvez être sûrs que je vais utiliser tous mes pouvoirs pour l'arrêter.»
Jeff Sessions, ministre américain de la Justice
De leur côté, les leaders californiens ont juré de les protéger grâce à trois lois récentes considérées comme radicales par l'Administration Trump. La première, AB 450, interdit aux entreprises non seulement de partager sciemment des renseignements concernant leurs employés avec des agents de l'immigration, mais les contraint de plus à les alerter en cas d'inspection par les autorités fédérales. La deuxième, AB 103, impose des inspections des centres de détention fédéraux de clandestins, réputés iniques. La dernière, SB 54, interdit aux forces de l'ordre locales d'informer les mêmes autorités fédérales lorsque des clandestins potentiellement sujets à l'expulsion sont sur le point d'être libérés de prison.
Un événement a fini d'attiser le ressentiment de Washington contre la Californie rebelle: fin février, Libby Schaaf, la mairesse d'Oakland - une banlieue de San Francisco - a envoyé un e-mail aux résidents de sa ville pour les prévenir que la police de l'immigration préparait une rafle anticlandestins. Piqué au vif par une telle insolence, le ministère de la Justice vient de contre-attaquer en déposant une plainte contre l'État doré. Jeff Sessions l'accuse de «faire obstruction à la capacité des États-Unis d'appliquer les lois votées au Congrès ou d'agir selon la Constitution. La Californie utilise tous les pouvoirs qu'elle a - et parfois qu'elle n'a pas - pour contrecarrer l'application de la loi fédérale, vous pouvez être sûrs que je vais utiliser tous mes pouvoirs pour l'arrêter». «Refuser d'appréhender et de déporter les clandestins, en particulier les éléments criminels, va en effet à l'encontre de toutes les lois sur l'immigration (…) et privilégie un système de frontières ouvertes. L'ouverture des frontières est une idée extrémiste, irrationnelle que nous ne pouvons pas accepter», a-t-il affirmé mercredi lors d'un discours devant des responsables des forces de l'ordre à Sacramento, la capitale de l'État, tandis que des centaines de manifestants étaient venus contester sa présence.
Donald Trump voudrait forcer les forces de l'ordre de l'État à coopérer avec l'ICE, chargée des expulsions. Il accuse la Californie de protéger les clandestins criminels et de mettre ainsi ses citoyens en danger.
La riposte des leaders californiens ne s'est pas fait attendre. Le gouverneur Jerry Brown a qualifié la plainte d'un «coup de pub» doublé d'une «déclaration de guerre». «Dans une période de tourmente politique sans précédent, Jeff Sessions est arrivé en Californie pour diviser et polariser l'Amérique. Regardons les choses en face, la Maison-Blanche est en état de siège. De toute évidence, Jeff Sessions a un mal fou à se comporter en ministre de la Justice normal. Il se trouve pris au piège du trumpisme et vient de commencer un règne de la terreur», a ajouté le leader démocrate.
Donald Trump voudrait forcer les forces de l'ordre de l'État à coopérer avec l'Immigration and Customs Enforcement (ICE), chargée des expulsions. Il accuse la Californie de protéger les clandestins criminels et de mettre ainsi ses citoyens en danger. Les leaders du «Golden State» rétorquent qu'au contraire, si les clandestins venaient à craindre les dénonciations de la police, ils cesseraient de signaler les activités criminelles de leurs quartiers par peur d'être arrêtés et priveraient ainsi la police de témoignages cruciaux pour ses enquêtes.
Loin de paraître intimidés par les provocations du président, qui a menacé de faire sortir tous les agents fédéraux de Californie pour lui donner une leçon et la plonger ainsi dans le crime sans bouclier, les responsables politiques californiens ont durci leur position. Le président du Sénat Kevin de Leon, un fils d'immigrés, accuse Jeff Sessions d'avoir une idéologie basée sur le «suprémacisme et le nationalisme blancs». Quant au ministre californien de la Justice, Xavier Becerra, lui aussi fils d'immigrés, il a déclaré que «notre tâche, c'est la sécurité de la population, pas les expulsions».
Le bras de fer s'annonce d'autant plus féroce que défier l'Administration Trump est presque devenu un devoir en Californie: les habitants se veulent l'antithèse de ce qu'il représente, que ce soit en matière d'immigration, de lutte contre le réchauffement climatique ou de légalisation du cannabis. Un quart environ des 11 millions de clandestins vivent dans cet État le plus peuplé d'Amérique. Leur sort sera défendu par l'ex-ministre de la Justice de Barack Obama, Eric Holder, que la Californie a embauché.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 09/03/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Laszlo Trocsanyi : «La Hongrie entend défendre ses frontières» (08.03.2018)

Par Laure Mandeville
Mis à jour le 08/03/2018 à 19h47 | Publié le 08/03/2018 à 18h48
INTERVIEW - Immigration, multiculturalisme... Le ministre de la Justice hongrois, qui fut ambassadeur à Bruxelles et à Paris, évoque ces sujets sensibles en Europe centrale.
Le ministre hongrois de la Justice, Laszlo Trocsanyi, vient de passer plusieurs jours à Paris pour y défendre la position de la Hongrie, alors que le premier ministre Viktor Orban a engagé un bras de fer avec Bruxelles sur la question de l'immigration. Il a rencontré Le Figaro.
LE FIGARO. - La Hongrie est accusée de dériver vers une démocratie autoritaire, qui porte atteinte à l'indépendance de la justice et de la presse notamment. Que répondez-vous à ces critiques?
Laszlo TROCSANYI. - Je m'inscris en faux contre ces accusations et je ne dis pas cela à la légère, étant moi-même professeur de droit constitutionnel et grand connaisseur du système européen de contre-pouvoirs et notamment de celui de la France. J'ai d'ailleurs profité de ma visite pour parfaire mes connaissances sur la question de la nomination des juges administratifs français et des garanties d'indépendance de la justice. Le pouvoir exécutif n'a aucune influence sur l'activité de la justice en Hongrie. Nous avons adopté une loi nouvelle sur le contentieux administratif et élargi la compétence des juges. C'est certes le président qui nomme les juges, mais il n'y a pas de contreseing du premier ministre, et c'est le Conseil de la magistrature, exclusivement constitué de juges, qui propose les candidats.
C'est vrai qu'en 2011 il y a eu des bagarres autour du pouvoir judiciaire quand le gouvernement a voulu mettre à la retraite les juges dès l'âge de 65 ans, pour qu'ils tombent sous le même régime que les autres professions. La Cour de justice européenne a alors décidé que notre décision violait les traités et nous avons corrigé notre copie, acceptant que les juges demeurent jusqu'à 70 ans. Le dossier est clos depuis huit ans! Mais on continue de parler d'atteintes à l'indépendance de la justice, sans fondement! La réalité, c'est qu'une bataille se joue autour de la Hongrie pour d'autres raisons. Nous recevons des mauvaises notes parce que nous avons un point de vue différent sur la question de la migration et de la défense des frontières.
Que voulez-vous dire?
Depuis la vague de réfugiés de 2015, on fait le procès à la Hongrie d'avoir voulu contrôler sa frontière, qui est aussi la frontière extérieure de l'UE. Ce qui est en débat, c'est l'idée de la «société ouverte», ce modèle politique qui prône le multiculturalisme et les frontières ouvertes et met la défense de l'individu au-dessus de tout le reste. Nous sommes attachés aux libertés individuelles, mais nous pensons que d'autres éléments doivent peser: l'intérêt général, l'ordre public, la souveraineté nationale, l'identité culturelle. Nous avons en Europe centrale une vision différente de celle d'Europe occidentale, due à notre histoire. Nous n'avons pas connu le phénomène des colonies ni eu l'expérience d'une immigration de masse.
«Pour nous, les racines chrétiennes sont importantes, or nous voyons aujourd'hui qu'à cause du multiculturalisme, l'Europe veut cacher sous le tapis ses racines, au prétexte que cela peut léser certains.»
Laszlo Trocsanyi
Est-ce l'islam qui fait peur à la Hongrie?
Le multiculturalisme en Europe centrale suscite une vraie réticence, d'autant que nous observons que cela ne marche pas si bien que ça en Europe occidentale. Cela ne veut pas dire que nous sommes contre la solidarité. Nous avons accueilli énormément d'Ukrainiens depuis l'annexion de la Crimée et énormément de réfugiés des Balkans. Mais nous voulons contrôler notre frontière et ne comprenons pas que cela ne soit pas compris. C'est notre obligation dans le cadre de Schengen. Nous voyons aussi que d'autres pays, comme l'Espagne, ont construit des clôtures et que cela a été accepté. Alors pourquoi certains murs seraient-ils bons et d'autres mauvais? Pour nous, la question de la migration est clé, car elle touche à la composition de la population du pays, et donc du type de société dans lequel nous allons vivre, pas seulement aujourd'hui mais dans vingt ans. Est-il possible de forcer les États à accueillir des populations étrangères s'ils ne le veulent pas? C'est tout le débat que nous avons avec Bruxelles. Pour nous, ce sujet touche à la souveraineté nationale et à l'identité constitutionnelle de notre pays. Cela nous amène à votre question sur l'islam. Nous avons du respect pour cette grande religion, pas d'hostilité. Mais la question se pose de savoir comment le christianisme et l'islam peuvent vivre ensemble. Nous avons certaines craintes et, pour nous, les racines chrétiennes sont importantes, or nous voyons aujourd'hui qu'à cause du multiculturalisme, l'Europe veut cacher sous le tapis ses racines, au prétexte que cela peut léser certains. Mais comme le disait notre ancien premier ministre Jozsef Antall, il ne faut pas oublier qu'en Europe, même les athées sont chrétiens, car c'est notre culture. Il faut la préserver.
La Hongrie a néanmoins signé les conventions de Genève sur le droit d'asile.
Bien sûr, il y a les conventions de Genève. Mais les règles de droit d'asile sont une compétence partagée entre les États et l'UE. Va-t-on priver les États de cette compétence? Nous voyons se développer à Bruxelles une tendance au fédéralisme, qui donne de plus en plus de pouvoir aux institutions européennes sur ce sujet et porte atteinte à la souveraineté nationale. Regardez les déclarations du premier ministre belge, qui a affirmé que l'on doit décider, avec une majorité qualifiée, de forcer les États à accepter les quotas de migrants.
L'UE peut-elle vous forcer la main sur les quotas? Certains appellent à couper les fonds régionaux qui ont fait votre prospérité.
Théoriquement, en effet, on pourrait court-circuiter le Conseil des chefs d'État et forcer la main des pays d'Europe centrale, au niveau du Conseil des ministres de l'intérieur. Mais est-ce sage? Vouloir nous punir sur la question des fonds structurels serait inapproprié car ces fonds sont destinés à pallier les différences entre régions et n'ont rien à voir avec la question migratoire.
Mais l'UE pense que l'Europe centrale, après avoir bénéficié du principe de solidarité, pourrait l'endosser à son tour…
Il y a un clivage entre les quatre pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie, NDLR)et les autres sur la migration. Aujourd'hui, les pays d'Europe occidentale et les institutions européennes veulent appliquer un système basé sur la solidarité. Mais nous mettons en avant le principe de sécurité. L'Europe doit être une enceinte de négociation et de compromis. Nous pensons qu'il est indispensable de créer des centres de transit à l'extérieur de l'UE, afin de ne pas avoir à gérer les migrants qui se retrouvent déboutés du droit d'asile mais sont très difficilement expulsables, comme on le voit aujourd'hui en Allemagne. Dans quelle Europe voulons-nous vivre? Une Europe fédérale ou une Europe forte avec des États forts? L'Europe de «la société ouverte», c'est l'Europe forte avec des États faibles. Nous n'en voulons pas.
«La Hongrie et les pays de Visegrád ont une approche concrète de l'immigration et ont toujours été prêts à discuter avec tous leurs partenaires européens dans le plus grand respect.»
Laszlo Trocsanyi
Les pays de Visegrad sont-ils aujourd'hui totalement isolés ou sentez-vous un changement dans l'approche de l'Europe occidentale, vu le débat qui s'y développe sur la question des frontières et des résultats mitigés du multiculturalisme ?
Nous voyons bien qu'il y a débat à l'ouest de l'Europe entre les gouvernants et les peuples. Est-il possible de faire une politique contre l'avis des citoyens? C'est une grande question, qui ne se pose pas seulement chez nous. Regardez l'Allemagne, dont l'équilibre politique est remis en question à cause de la politique migratoire de Merkel. Peut-être, à cause de cette réalité, percevons-nous un changement d'approche récent, notamment en France. L'actuel gouvernement a une vraie volonté d'écouter ce que nous avons à dire. Le président Macron envisage d'ailleurs de venir bientôt en Hongrie même si la date n'est pas fixée.
Quelle est votre réaction au résultat des élections italiennes? La nouvelle donne en Italie va-t-elle vous fournir des alliés?
Il est indéniable que les questions relatives à l'immigration ont été au cœur de la campagne électorale en Italie, et que le gouvernement qui va émerger prendra cet élément en considération. La Hongrie et les pays de Visegrád ont une approche concrète de l'immigration et ont toujours été prêts à discuter avec tous leurs partenaires européens dans le plus grand respect. Mais le possible changement de la position italienne est clairement de nature à rapprocher les points de vue de notre groupe et ceux de l'Italie.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 09/03/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Armes chimiques : Paris menace Damas de «riposte» (08.03.2018)

Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 08/03/2018 à 19h23 | Publié le 08/03/2018 à 18h52
VIDÉO - Dans la Ghouta, des ONG accusent le régime d'avoir frappé au chlore les rebelles, mais les preuves manquent encore.
Jean-Yves Le Drian a promis jeudi une «riposte française» en cas d'utilisation avérée d'armes chimiques dans le conflit syrien. Cette nouvelle menace française intervient deux jours après la publication d'un rapport par la commission d'enquête de l'ONU sur les crimes de guerre, accusant Damas d'avoir eu recours à des armes chimiques, notamment dans la Ghouta orientale, la dernière enclave rebelle autour de la capitale, bombardée depuis près de trois semaines.
«Il y a aujourd'hui des faisceaux de convergence, des faisceaux d'indications qui laissent à penser que l'arme chimique peut être utilisée ou a déjà été utilisée», a déclaré le ministre des Affaires étrangères sur CNews. Jean-Yves Le Drian a toutefois reconnu que «nous n'av(i)ons pas les preuves» d'une telle utilisation d'armes chimiques par le régime syrien contre les rebelles assiégés dans la Ghouta, où 900  civils ont péri en trois semaines et où un convoi humanitaire n'a pu venir secourir jeudi la population dans le besoin.
La «ligne rouge» française
Citant des médecins sur place, une ONG internationale, l'Union des organisateurs de secours et soins médicaux, affirme qu'une attaque au chlore s'est produite vers 21 heures mercredi dans les villes de Saqba et Hamouria. D'après les secouristes des Casques blancs, une cinquantaine de personnes ont été affectées. Elles souffraient de difficultés respiratoires après des frappes aériennes. Des accusations jugées «irréalistes» par Damas. Ces dernières semaines, le régime a été, à plusieurs reprises, montré du doigt pour des attaques présumées au chlore. «Si d'aventure l'usage d'armes chimiques était constaté, vérifié, attribué, et que l'usage de l'arme chimique (….) faisait des morts, alors la riposte française serait au rendez-vous», a détaillé Jean-Yves Le Drian.
Mais les spécialistes s'accordent à reconnaître que l'établissement de telles preuves est un exercice très délicat. Bref, alors que les rebelles syriens reculent dans la Ghouta - que les pro-Assad sont parvenus à couper en deux et à reconquérir à plus de 50 % en quelques jours -, Jean-Yves Le Drian rappelle la «ligne rouge» française, établie par Emmanuel Macron, peu après son élection à la présidence de la République. Mais, à l'Élysée, on soulignait en début de semaine que «ce n'(était) pas une action militaire que la France (menait) en Syrie».
«Il n'y a pas de changement dans nos priorités en Syrie, la priorité numéro un reste la lutte antiterroriste», confiait un proche du chef de l'État, tout en rappelant que, si des preuves de l'utilisation d'armes chimiques par Damas étaient établies, Paris prendrait ses responsabilités. La riposte serait aussi américaine, a précisé Jean-Yves Le Drian. Ce qui laisse supposer une coopération dans des frappes contre des sites - connus - de stockages d'armes chimiques par Damas.
En 2013, François Hollande avait voulu «punir» par des bombardements Bachar el-Assad, déjà accusé d'avoir utilisé des armes chimiques dans la Ghouta (plus de 1000 morts). Mais, au dernier moment, Barack Obama avait renoncé à recourir à la force contre le régime syrien.

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L'Ulster otage du Brexit (09.03.2018)

Par Jean-Marc Gonin
Publié le 09/03/2018 à 07h00
Les négociations sur le Brexit font craindre, outre-Manche, le rétablissement d'une frontière entre l'Eire et l'Irlande du Nord.
La frontière extérieure de l'Union européenne passera-t-elle demain au milieu de la mer d'Irlande entre les deux îles britanniques? Au cœur des âpres négociations sur le Brexit, le gouvernement de Theresa May et la Commission européenne achoppent notamment sur le futur statut de l'Ulster. En théorie, l'Irlande du Nord, qui appartient au Royaume-Uni, devrait rompre les amarres avec l'UE en mars 2019 dans les mêmes termes que la Grande-Bretagne. Pourtant, Michel Barnier, qui mène les négociations du divorce au nom de l'UE, a expliqué que l'Irlande tout entière, Eire et province de l'Ulster associées, constituerait demain une seule et même «aire réglementaire commune». Donc, ipso facto, l'Irlande du Nord demeurerait dans l'Union européenne tandis que le reste du Royaume-Uni lui tournerait le dos.
L'audace du négociateur en chef européen a provoqué une réponse cinglante du Premier ministre britannique: pas question de toucher à «l'intégrité constitutionnelle du Royaume-Uni», a tempêté Theresa May. Et vendredi 2 mars, lors d'un long discours consacré aux perspectives de l'après-Brexit, elle est revenue sur le sujet. «En tant que Premier ministre de l'ensemble du Royaume-Uni, a-t-elle déclaré, je ne veux pas que notre départ de l'Union européenne remette en cause les progrès historiques obtenus en Irlande du Nord ; et je n'autoriserai rien non plus qui puisse porter atteinte à notre précieuse Union.» Tout le dilemme du gouvernement britannique se trouve dans cette phrase.
30.000 personnes passent quotidiennement de l'Eire à l'Ulster
Dans l'accord du Vendredi saint signé en avril 1998, qui mit fin à trente ans d'attentats et d'assassinats causant près de 3500 morts en Ulster et en Grande-Bretagne, la question de la frontière avec la République d'Irlande avait été réglée en l'ouvrant et en laissant une libre circulation totale. Depuis lors, quelque 30.000 personnes, salariés et étudiants, passent quotidiennement d'un pays à l'autre - surtout dans le sens Eire-Ulster car le salaire moyen est plus élevé au nord qu'au sud.
«Au sud comme au nord, on sait que les deux économies ont beaucoup à perdre d'un Brexit mal négocié»
Tout rétablissement des contrôles à la frontière aurait donc un double effet négatif. Politiquement, il pourrait rouvrir la plaie nord-irlandaise et le conflit entre les protestants unionistes attachés à la Grande-Bretagne - et partenaires dans la majorité de Theresa May - et les catholiques du Sinn Fein partisans d'une unification irlandaise. Economiquement, il mettrait en difficulté des dizaines de milliers de travailleurs frontaliers, dont de nombreux enseignants, et causerait un grave problème aux sociétés et aux écoles qui les emploient. La branche nord-irlandaise du FSB, la fédération des petites entreprises, a déjà exprimé publiquement ses inquiétudes sur un éventuel «durcissement» de la frontière.
De son côté, Michel Barnier s'est défendu d'avoir voulu provoquer Londres. Pour lui, sa proposition n'était que la conséquence des discussions de décembre dernier, où la partie britannique avait souligné son intention de ne pas rétablir une frontière en bonne et due forme. Malicieux, le négociateur européen s'est étonné que Londres n'ait toujours pas formulé de solution viable, hormis quelques suggestions purement technologiques, du type portiques électroniques, tout à fait insuffisantes pour fonder un règlement définitif.
Cet épineux dossier est scruté de près par une troisième partie: la République d'Irlande. A Dublin, on s'inquiète des prises de position souvent contradictoires des leaders conservateurs britanniques. Boris Johnson, ministre des Affaires étrangères, n'a-t-il pas prédit la semaine dernière une frontière «dure» entre les deux Irlandes avec des contrôles renforcés? Theresa May a rectifié en parlant d'une frontière «soft». Mais la cacophonie demeure. Et, au sud comme au nord, on sait que les deux économies ont beaucoup à perdre d'un Brexit mal négocié.
Journaliste
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Radioscopie de l'affaire Halimi (09.03.2018)

Par Judith Waintraub
Publié le 09/03/2018 à 07h45
Dans son livre L'Affaire Sarah Halimi, Noémie Halioua enquête sur les «défaillances» qui ont abouti au meurtre de Sarah Halimi et expliquent ce long mutisme sur son caractère antisémite.
Près d'un an: c'est le temps qu'il aura fallu à la justice pour reconnaître le caractère antisémite du meurtre de Sarah Halimi, cette Française juive de 67 ans torturée aux cris d'«Allah akbar!» dans son appartement parisien de Belleville, puis défenestrée, dans la nuit du 3 au 4 avril 2017. Près d'un an de bataille pour la famille de la victime. La juge d'instruction Anne Ihuellou, qui avait mis son bourreau Kobili Traoré en examen le 10 juillet pour meurtre, n'a retenu l'antisémitisme de ce Franco-Malien de 28 ans comme circonstance aggravante que la semaine dernière. Dès juillet, lors de la commémoration des 75 ans de la rafle du Vél' d'Hiv, Emmanuel Macron avait pourtant demandé à la justice de faire «toute la clarté» sur ce meurtre, «malgré les dénégations du meurtrier». Au risque de se voir reprocher d'enfreindre la séparation des pouvoirs.
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- Crédits photo : _ISA
Dans L'Affaire Sarah Halimi, Noémie Halioua, responsable des pages «Culture» du magazine Actualité juive, enquête sur les «nombreuses défaillances» qui ont abouti au meurtre de Sarah Halimi et expliquent ce long mutisme sur son caractère antisémite.
Sur les pas de William Attal, le frère de la victime, elle nous emmène d'abord dans cette HLM du XIe arrondissement de Paris où Sarah Halimi vivait depuis une trentaine d'années. C'est peu dire que les locataires, immigrés du Maghreb ou d'Afrique noire en majorité, n'accueillent pas le tandem à bras ouverts. Personne, sauf épisodiquement ses voisins de palier, ne fréquentait cette Juive orthodoxe portant jupe longue et perruque. Un monde sépare ce côté du boulevard de Belleville de La Bellevilloise, où la gauche branchée aime célébrer la «diversité».
Dans l'immeuble de Sarah Halimi, une seule femme accepte de raconter à la journaliste, sous couvert d'anonymat, «l'islamisation de la population maghrébine de Belleville qui s'est intensifiée, surtout chez les jeunes».
Kobili Traoré est l'archétype de ce phénomène. Après avoir quitté l'école en troisième, il vivote grâce au RSA et au deal. Incarcéré quatre fois, il compte quatre condamnations pour vol, six pour violences - dont une pour avoir brûlé un individu afin de le détrousser -, huit pour usage ou trafic de stupéfiants, deux pour outrage, un pour port d'armes… La liste n'est pas exhaustive.
«Le soir du meurtre, la connotation islamiste ne laissait aucun doute, ni pour les témoins ni pour les policiers présents» 
Noémie Halioua
Noémie Halioua a reconstitué son emploi du temps le jour du meurtre. Il s'est rendu deux fois à la mosquée Omar, rue Morand, qu'un témoin qualifie de «fabrique de tueurs». Puis il a «zoné» dans le quartier avec ses copains et est rentré se coucher. Une journée habituelle, sauf que lorsqu'il se réveille, vers 3 h 30 du matin, il va chez la famille Diarra, dont l'appartement permet l'accès à celui de Sarah Halimi. C'est un membre de la famille Diarra qui va alerter la police, un peu plus tard, en entendant les vociférations et les appels à l'aide chez la voisine. Pourquoi, alors que trois agents de la BAC sont arrivés sur place à 4 h 25 du matin, Traoré n'a-t-il été interpellé qu'à 5 h 35, après avoir défenestré sa victime? Pour le savoir, Me Gilles-William Goldnadel, avocat de la sœur de Sarah Halimi, a déposé plainte pour «non-assistance à personne en danger». Les parties civiles ont demandé une reconstitution, refusée par la juge en raison de l'état mental du prévenu. Noémie Halioua dénonce une «inertie policière» et explique ce refus par le souci de dissimuler «le grave dysfonctionnement des forces de l'ordre ce soir-là».
C'est en faisant appel de cette décision que le parquet et les parties civiles ont enfin obtenu la
reconnaissance du caractère antisémite du crime. La juge a préféré anticiper une possible «évocation» - c'est le terme juridique - du fond du dossier par la cour d'appel. Mais que de temps perdu! «Le soir du meurtre, affirme Noémie Halioua, la connotation islamiste ne laissait aucun doute, ni pour les témoins ni pour les policiers présents.»
La responsabilté des médias
Police, justice, mais aussi médias: L'Affaire Sarah Halimi pointe les responsabilités de tous ses acteurs, chacun à leur niveau. La «vulgate journalistique» qui qualifie de «déséquilibrés» des islamistes pourtant revendiqués, les journaux qui ont choisi de «différer la publication de l'information pour “ne pas faire le jeu de Marine Le Pen”», parce que Sarah Halimi a été tuée en pleine campagne présidentielle, ont joué eux aussi un rôle dans ce drame.
L'Affaire Sarah Halimi, de Noémie Halioua, Cerf, 140 p., 16 €. En librairie le 16 mars.
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Tariq Ramadan visé par une troisième plainte pour «viols» (07.03.2018)

Par Le figaro.fr
Mis à jour le 07/03/2018 à 21h26 | Publié le 07/03/2018 à 21h07
Une femme a déposé plainte, ce mercredi, auprès du parquet de Paris, contre l'islamologue. Elle affirme avoir subi des actes sexuels violents et dégradants lors d'une dizaine de rendez-vous entre février 2013 et juin 2014.
Une troisième femme a porté plainte pour viols, ce mercredi à Paris, contre Tariq Ramadan. L'islamologue suisse controversé est déjà inculpé et incarcéré depuis un mois pour des faits similaires. Cette Française d'une quarantaine d'années - qui souhaite garder l'anonymat - affirme avoir été sous l'emprise du théologien et avoir subi de multiples viols entre 2013 et 2014 en France, à Bruxelles et à Londres, selon une source proche du dossier citant la plainte.
Cette femme musulmane, qui a choisi le pseudonyme «Marie», affirme avoir subi des actes sexuels particulièrement violents et dégradants lors d'une dizaine de rendez-vous entre février 2013 et juin 2014, le plus souvent dans des hôtels en marge des conférences à succès de l'islamologue de 55 ans. Sur cette période, «Marie tentait en vain d'échapper à l'emprise de M. Ramadan qui ne cessait de la menacer», selon la source proche du dossier.
La radio Europe 1 précise, de son côté, que la plaignante avait confié à Tariq Ramadan «son passé d'escort girl» et avoir fait «partie des femmes rémunérées pour avoir eu des relations sexuelles avec Dominique Strauss-Kahn», ancien ministre français et directeur général du FMI, au coeur de plusieurs scandales sexuels qui lui ont coûté sa carrière politique. Des éléments dont l'intellectuel se serait servi pour la menacer, affirme la radio qui a consulté des SMS reçus par la plaignante et que cette dernière attribue à Tariq Ramadan.
Vif émoi dans une partie des rangs musulmans
Le théologien a été inculpé le 2 février pour viols, dont l'un sur personne vulnérable, après les plaintes de deux femmes, fin octobre, qui ont débouché sur une enquête confiée à trois juges d'instruction. Tariq Ramadan, qui conteste ces accusations, a été écroué en banlieue parisienne, la justice craignant une possible fuite, des pressions sur les plaignantes ou une réitération des faits.
La détention de ce petit-fils du fondateur de la confrérie islamiste des Frères musulmans a suscité un vif émoi dans une partie des rangs musulmans, certains dénonçant un «deux poids, deux mesures», voire un «complot» contre une des rares figures médiatiques de l'islam européen.
Tariq Ramadan avait invoqué son état de santé pour contester cette détention, qui a été confirmé par la cour d'appel de Paris fin février sur la base d'une première expertise médicale. Cette dernière avait remis en question les deux maladies, une sclérose en plaques et une neuropathie, dont le théologien dit souffrir, jugeant leur diagnostic «incertain». Une expertise médicale complète a été ordonnée par les juges et doit être rendu d'ici la fin mars.
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Syrie : l'étau se resserre sur la Ghouta (07.03.2018)

Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 07/03/2018 à 18h50 | Publié le 07/03/2018 à 18h31
INFOGRAPHIE - Damas déploie 700 renforts autour des principaux bastions des rebelles qui devraient être bientôt encerclés.
Inexorablement, quitte à recourir à un déluge de feu, les forces pro-Assad se rapprochent de leur objectif: isoler chacun des groupes rebelles à l'intérieur de leur fief de la Ghouta, dernière enclave contrôlée par les insurgés dans la banlieue de Damas.
Mercredi, alors que des loyalistes progressaient vers Douma, la plus grande ville de la Ghouta, d'autres forces ont lancé l'assaut contre deux localités tenues par les insurgés à Mesraba et Beit Sawa, dans la partie ouest de l'enclave. Une enclave reprise en quelques jours à 40 % par l'armée syrienne et ses alliés, où les bombardements se poursuivent en dépit d'une trêve quotidienne de cinq heures, décrétée par la Russie, principal soutien de Damas dans cette offensive lancée le 18 février qui a coûté la vie à plus de 800 civils.
«L'aviation russe a accru sa présence dans l'espace aérien»
L'Organisation syrienne des droits de l'homme
La veille au soir, 700 hommes étaient venus en renfort d'Alep, des miliciens syro-palestiniens pour la plupart, issus du groupe Liwa al-Qods, armés par Moscou. Des renforts aussitôt déployés sur les fronts d'al-Rihane, dans le nord-est de la Ghouta, et de Harasta, dans l'ouest. En même temps que l'étau se resserre sur les rebelles, «l'aviation russe a accru sa présence dans l'espace aérien», a constaté l'Organisation syrienne des droits de l'homme. Mercredi, trois civils, dont un enfant, ont été tués dans des frappes aériennes sur Jisrine, vers laquelle convergent des pro-Assad.
Capturer Mesraba permettrait à Damas de séparer en deux la Ghouta, et surtout d'isoler Douma, où se concentre la majorité des 400.000 civils de l'enclave. Mais au-delà, explique un expert militaire occidental, «Damas cherche à découper la Ghouta en trois blocs autour de Douma, de Harasta et d'Arbine, qui sont le siège des trois principaux groupes rebelles». Il s'agit de l'Armée de l'islam à Douma (10.000 salafistes), d'Ahrar al-Cham à Harasta (2000 islamistes) et de Faylaq al-Rahmane (8000 Frères musulmans) à Arbine et Zamalka. D'ici quelques jours, les QG de chacun de ces groupes pourraient être isolés les uns des autres.

Après avoir conquis des villages et des hameaux dans la campagne alentour, les pro-Assad ne sont plus qu'à 2 kilomètres de Douma. Leur avancée, plus rapide que prévu, a été facilitée par le fait que les factions rebelles ne coopéraient pas entre elles - s'affrontaient même parfois - chaque groupe ayant voulu se tailler un repaire dans cette région périphérique de Damas, la citadelle des Assad.
Selon l'expert militaire, «leur ligne de défense que ces groupes avaient patiemment édifiée, à partir d'un vaste réseau de tunnels et de bunkers construits souvent par des prisonniers alaouites prorégime, a été défoncée par un déluge de feu sur ces souterrains qui conduisaient jusqu'aux anciens quartiers rebelles de Barzeh et Qaboun dans la proche banlieue de Damas, quartiers de tous les trafics, où les insurgés ont finalement accepté sous la contrainte la réconciliation imposée par le régime».
Ni les Iraniens ni le Hezbollah libanais ne participent activement aux combats, pour des raisons qui tiennent à une volonté russe de garder la main
Dans la Ghouta, c'est une guerre essentiellement syro-russe, menée par le général Suhail al-Hassan, proche de Moscou, à la tête de plusieurs dizaines de milliers d'hommes des Forces de défense nationale. Ni les Iraniens, autres soutiens de Damas, ni le Hezbollah libanais, ne participent activement aux combats, pour des raisons qui tiennent à une volonté russe de garder la main.
Moscou dit avoir proposé aux rebelles un sauf-conduit pour quitter l'enclave avec leurs familles et leurs armes. Mais les insurgés refusent, jurant de défendre leur bastion, et affirment qu'aucune négociation n'est en cours avec la Russie pour sortir de la Ghouta.
«Ils assiégeront Douma, Harasta et Arbine, puis les Russes négocieront avec les rebelles via leurs parrains turc, qatarien et saoudien comme lors du siège d'Alep-est fin 2016»
Un expert militaire occidental
Le 24 février, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté à l'unanimité une résolution réclamant un cessez-le-feu de 30 jours «sur l'ensemble du territoire syrien». Mais ni Damas ni Moscou n'ont suspendu leurs attaques, arguant que l'offensive sur la Ghouta est nécessaire pour stopper les bombardements rebelles sur la capitale. «Les insurgés et leurs parrains occidentaux veulent empêcher une victoire militaire de la Russie avant l'élection présidentielle du 18 mars à Moscou», relève un diplomate onusien qui suit le dossier.
Pour échapper au déluge de feu, les habitants vivent terrés dans des sous-sols. Ils cherchent à se rassembler dans les centres urbains, comme Douma, Arbine, Saqba, sachant que l'armée syrienne et ses alliés ne devraient pas prendre le risque d'y pénétrer. «Ils assiégeront Douma, Harasta et Arbine, puis les Russes négocieront avec les rebelles via leurs parrains turc, qatarien et saoudien comme lors du siège d'Alep-est fin 2016», pronostique l'expert militaire. Mais à la différence d'Alep-Est, qui ne comptait plus beaucoup de civils à la fin des frappes, la Ghouta en abrite encore près de 400.000.

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Violences faites aux femmes : l'onde de choc (07.03.2018)
Par Agnès Leclair
Mis à jour le 07/03/2018 à 20h33 | Publié le 07/03/2018 à 20h24
Cinq mois après l'affaire Weinstein et le lancement du mouvement #MeToo, la Journée des droits des femmes prend un sens particulier. Au-delà de l'indignation, reste à faire reculer contrètement ce fléau.
Une journée des droits des femmes pas comme les autres. Cinq mois après l'affaire Weinstein et la libération mondiale de la parole des femmes portée par les réseaux sociaux, la question des violences sexuelles n'a jamais eu autant d'écho que ce 8 mars 2018. Quelles suites donner à cette vague de dénonciation sans précédent des violences faites aux femmes? Passer du témoignage à l'action, c'est aujourd'hui le principal enjeu pour les associations qui militent pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Comme pour le gouvernement, qui en a fait sa grande cause du quinquennat. En attendant la présentation du projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, le 21 mars, Marlène Schiappa, la remuante secrétaire d'État à l'Égalité femmes-hommes, défend aujourd'hui une cinquantaine de mesures allant de la nomination d'un «référent égalité» dans chaque établissement scolaire à la rentrée 2019 au développement d'une plateforme de géolocalisation des centres d'hébergement à destination des professionnels pour les femmes victimes.
Dans le milieu du cinéma, une centaine de personnalités ont appelé à l'instauration de quotas dans le financement des projets pour lutter contre le sexisme, dans une tribune parue dans Le Monde . Mais, pour l'instant, l'effet concret du phénomène du mouvement #MeToo et #Balancetonporc se mesure avant tout dans l'envol du nombre de plaintes pour viols et agressions sexuelles (+ 31,5 % au quatrième trimestre 2017 par rapport à l'année précédente selon les dernières statistiques du ministère de l'Intérieur). Cette tendance va-t-elle se poursuivre, alors qu'elle apparaît en partie liée à la révélation de faits anciens? Fin février, François Molins, procureur de la République de Paris, a indiqué au Parisien que l'augmentation des affaires de harcèlement et d'agression sexuelle à l'automne était en train de retomber. «Sur les mois de janvier et février, nous restons sur la même dynamique qu'en fin d'année dernière en zone gendarmerie, souligne cependant le lieutenant-colonel Karine Lejeune, porte-parole de la gendarmerie nationale. Nous constatons toujours une forte présence des plaintes pour violences sexuelles et conjugales.»
Par ailleurs, cette vague ne semble pas avoir touché l'ensemble du territoire avec la même force. «Dans notre commissariat, il n'y a pas eu d'évolution importante du nombre de plaintes, rapporte Fabienne Azalbert, chef du commissariat de l'agglomération de Sarcelles. Il y a encore beaucoup de victimes qui n'osent pas faire cette démarche en raison de pressions familiales, des traditions. Sur nos territoires, nous n'arrivons pas encore à toucher toutes les communautés.» Et le psychologue et l'assistante sociale attachés depuis cinq ans au commissariat pour accueillir les victimes d'arpenter les maisons de quartier, les collèges et les associations de femmes étrangères «pour détecter le plus de cas possible ou amener à une prise de conscience».
«Avant, nous recevions environ 3 nouvelles saisines par semaine contre 5 à 10 par jour ces derniers mois»
Une juriste de l'AVFT
Chez les associations d'aide aux victimes, les standards ont en tout cas explosé. Le mois dernier, face à un afflux d'appels devenus impossible à gérer pour ses cinq juristes, l'AVFT, seule association spécialisée dans la lutte contre le harcèlement sexuel au travail, s'est vu contrainte de fermer son accueil téléphonique. «Avant, nous recevions environ 3 nouvelles saisines par semaine contre 5 à 10 par jour ces derniers mois», décrit une de ses juristes, Clémence Joz. Sans augmentation de subventions, l'AVFT vient donc de lancer une campagne sur GoFundMe afin de renforcer son équipe et d'agrandir ses locaux. «Il n'y a pas un avant et après affaire Weinstein dans le traitement des plaintes. Cela demande de mieux former policiers et magistrats», tacle Clémence Joz.
Même tendance chez la plateforme Viols femmes information qui espère des moyens financiers supplémentaires du gouvernement. Pour les soutenir, la Fondation des femmes vient de lancer une campagne d'appel aux dons sous le slogan «Maintenant on agit». Objectif: récolter 1 million d'euros d'ici à mai. «Il y a eu une prise de conscience. Maintenant, il faut des résultats concrets en justice, faire enfin bouger le chiffre de 1 à 2 % des viols qui aboutissent à une condamnation des auteurs en cour d'assises. Pour ce, les femmes ont besoin d'être accompagnées, épaulées. C'est de cette manière que l'on peut mettre fin à l'impunité, que les comportements changeront vraiment», plaide sa présidente, Anne-Cécile Mailfert. Côté Chancellerie, on remarque que «si le contexte médiatique a pu avoir un impact sur les dépôts de plainte, les parquets ne sont pas encore en mesure d'en constater les effets». La hausse ne serait pas «homogène sur le territoire et ne concerne pas toutes les infractions de nature sexuelle». Il est probable que les parquets ressentiront les effets de cette augmentation dans le courant du premier semestre 2018.

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En Île-de-France, une brigade patrouille pour traquer les «frotteurs» dans les transports (07.03.2018)
Par Stéphane Kovacs
Mis à jour le 07/03/2018 à 20h24 | Publié le 07/03/2018 à 18h46
REPORTAGE - Quatre-vingts policiers se mêlent chaque jour aux voyageurs et parcourent les lignes du métro parisien dans le but d'appréhender ces hommes qui profitent de la forte affluence pour agresser sexuellement des passagères.
C'est un soir d'hiver ordinaire. Il est un peu plus de 17 heures et sur la ligne 5 du métro parisien, qui file vers le nord, les wagons sont bondés. Un trentenaire, casquette noire enfoncée jusqu'aux yeux, se colle derrière une fillette d'une douzaine d'années. Accroché, comme elle, à la barre centrale, il se laisse balancer, le bassin en avant, au gré des mouvements de freinage et d'accélération. Un «frotteur»? Pas évident, pour les policiers, de surprendre ces hommes qui profitent de la forte affluence pour agresser sexuellement des passagères. Et pourtant, dans le métro, des «prédateurs», il y en a…
Selon deux enquêtes récentes, en Île-de-France, 43 % des faits de violences graves contre les femmes ont lieu dans les transports, et, en France, 87 % des voyageuses déclarent y avoir déjà été victimes de harcèlement sexuel. Pour «libérer la parole des femmes», sensibiliser les témoins, généralement passifs, et punir les auteurs, une campagne d'information et un numéro d'alerte unique pour tous les transports en commun d'Île-de-France ont été lancés ce lundi.
31 interpellations en 2017
Quatre-vingts policiers travaillent à la brigade de lutte contre les atteintes à la sécurité des transports (Blast). Tous les jours, par groupes de deux ou trois, en civil, ils se mêlent aux voyageurs et parcourent les lignes en tous sens. À la recherche du flagrant délit. «La principale problématique, jusqu'à il y a peu, c'était les vols à la tire, détaille le commandant Nicolas Monrepos, chef du service de sécurisation à la brigade des réseaux franciliens. Désormais, on voit pas mal de vols avec violences. Quant aux frotteurs, ils représentent 1 % de l'activité de la Blast: 31 interpellations en 2017, un chiffre stable.»
«On passe la journée à observer les gens, leur regard, les mains, le tour de la ceinture, à surveiller les comportements incohérents. Dès qu'on en trouve un bizarre, on va le filocher»
Maxime, un des policiers du Blast
Sur le quai, on peut déjà détecter les agresseurs potentiels: «Ils se positionnent en retrait, dos au mur, pour mieux repérer leur victime, décrypte Maxime, l'un des policiers. Ils peuvent laisser passer deux ou trois rames, pour soudain rentrer, ressortir, monter dans le wagon suivant… puis faire demi-tour et prendre le métro en sens inverse. Ces hommes vont rester debout, là où il y a le plus de monde, le regard dirigé vers le bas. On passe la journée à observer les gens, leur regard, les mains, le tour de la ceinture, à surveiller les comportements incohérents. Dès qu'on en trouve un bizarre, on va le filocher (le suivre, NDLR). Avant, ces prédateurs ne se doutaient pas que des policiers pouvaient être sur eux ; aujourd'hui, ils savent.»
Leurs profils? «Tous âges - 12 à 86 ans -, tous milieux socioprofessionnels, toutes nationalités.» Costumes cravates comme joggings, mais «souvent les poches décousues, pour se caresser». Ils sont concentrés sur le nord du réseau RATP, les lignes 2, 4 et 13. «Elles traversent les secteurs les plus criminogènes de Paris et sont empruntées par pas mal de touristes, commente Fabien, coéquipier de Maxime. Même s'il y a eu des Européens et aussi un Chinois, depuis plus de dix ans que je fais ce métier, les auteurs que j'ai interpellés sont pour une très très grosse majorité d'origine maghrébine.» Quant aux victimes, ce sont des ados comme des retraitées. Et des hommes aussi, de plus en plus.
Retour sur la ligne 5, à la station République, où le «frotteur» présumé se tient toujours derrière la fillette. Fabien tire le signal d'alarme. Le suspect descend immédiatement, discrètement suivi par Maxime. «Le monsieur derrière toi… tu as senti quelque chose?», demande Fabien à la jeune fille. Mais elle n'a rien remarqué ; inutile de la perturber davantage. Entre-temps, l'homme à la casquette «est déjà sur une autre victime», dans une autre rame, prévient Maxime par SMS. Sauf que cette jeune femme non plus ne s'est aperçue de rien… «On n'interpelle pas sans l'accord de la victime, soulignent les policiers. Certaines ne veulent pas porter plainte: pas le temps, honte, peur de recroiser cet homme un jour… Alors on essaie de les convaincre: la prochaine fois, l'auteur s'en prendra peut-être à une gamine… Tandis qu'une plainte nous permet de prendre son ADN, et il sera fiché.»
«On n'interpelle pas sans l'accord de la victime. Certaines ne veulent pas porter plainte: pas le temps, honte, peur de recroiser cet homme un jour…»
Les policiers de la Blast
La filature est finalement abandonnée: le suspect a rencontré un ami. Mais soudain, dans le wagon bondé, une voix d'homme s'élève. «Eh oh, qu'est-ce qui vous prend?, s'énerve un passager. Vous avez fini de me toucher, là?» Dans le reflet de la vitre, Fabien a tout vu: un sexagénaire, la main sur la braguette d'un jeune homme. «Par fierté», lui non plus ne déposera pas plainte. «Ce que je ne veux pas, c'est qu'il me tripote!, lâche-t-il. J'ai réglé mon cas tout seul.» Quant à l'auteur, il plonge le nez sous son écharpe et disparaît sans demander son reste.
Numéros d'alerte
«Il faut en terminer avec ce tabou!», s'exclame la commissaire Amandine Matricon-Charlot, à la tête de la Sûreté régionale des transports (SRT). «Des femmes pensent, à tort, qu'il n'y aura pas de suites, poursuit-elle. Pour beaucoup, ce n'est qu'une incivilité. Or c'est bien une agression sexuelle! La moins violente, peut-être, mais parfois la plus traumatisante: fréquemment, quand il y a eu éjaculation, la victime déménage, change ses habitudes. Quant aux auteurs, souvent ils récidivent ; il est donc essentiel qu'ils sachent qu'ils risquent 5 ans de prison et 75.000 euros d'amende.»
«C'est bien une agression sexuelle ! La moins violente, peut-être, mais parfois la plus traumatisante: fréquemment, quand il y a eu éjaculation, la victime déménage, change ses habitudes»
La commissaire Amandine Matricon-Charlot, à la tête de la Sûreté régionale des transports
C'est au commissariat de la rue de l'Évangile, dans le XVIIIe arrondissement, que l'on conduit les victimes. Elles y sont accueillies par les enquêteurs spécialisés du groupe des infractions à caractère sexuel (GICS), créé en 2015. L'an dernier, le GICS a travaillé sur 218 plaintes d'agressions sexuelles - dans toute l'Île-de-France -, 128 auteurs ont été placés en garde à vue et 41 ont écopé de peines de prison. «Voilà qui montre que ce n'est pas vain de porter plainte!, insiste la commissaire. Et s'il n'y a pas de policier dans les parages, on peut toujours appuyer sur le bouton d'alarme, dans les wagons ou sur les quais. Les images de vidéosurveillance de la RATP sont conservées 72 heures.» Des numéros d'alerte - 3117 par téléphone, 31177 par SMS et l'application 3117 - permettent désormais de géolocaliser la victime et de déclencher une intervention des agents, 24 heures sur 24.

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Les trois mesures phares de la future loi contre les violences faites aux femmes (07.03.2018)

Par Agnès Leclair
Mis à jour le 07/03/2018 à 20h50 | Publié le 07/03/2018 à 20h04
Le 21 mars sera présenté en Conseil des ministres le texte porté par Marlène Schiappa, qui a déjà suscité plusieurs polémiques.
Les annonces sur le futur projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles n'ont pas cessé de faire l'actualité depuis l'affaire Weinstein. Ce texte, porté par la secrétaire d'État en charge de l'Égalité femmes-hommes et par la ministre de la Justice, dont les contours se sont précisés au fil des semaines, a déjà suscité plusieurs polémiques. Il doit désormais être présenté en Conseil des ministres, le 21 mars.
• Pénaliser le harcèlement de rue
Une amende pour «outrage sexiste» dans l'espace public en 2018? Ce principe défendu dès le mois de mai dernier par Marlène Schiappa a bien été retenu par le gouvernement. Fin février, un rapport parlementaire préconisait la mise en place d'une amende de 4e classe, soit de 90 à 750 euros, pour pénaliser les gestes déplacés, sifflements et remarques obscènes visant les femmes dans l'espace public. L'infraction d'outrage sexiste devra être constatée «en flagrance» par les agents de la police de sécurité du quotidien (PSQ). Magistrats et syndicats de policiers ont pourtant averti de la difficulté à caractériser les faits et critiqué la création d'une «infraction incantatoire».
• Fixer un âge du consentement sexuel
Après le tollé provoqué par deux affaires de relations sexuelles entre une enfant de 11 ans et un adulte, où la qualification de «viol» n'avait pas été retenue dans un premier temps, le gouvernement a annoncé son intention de légiférer sur une présomption de non-consentement à l'acte sexuel en deçà d'un certain âge. 13 ans ou 15 ans? Le choix de ce seuil a suscité de nombreux désaccords. Le 5 mars, le gouvernement a tranché pour l'âge de 15 ans. Un choix soutenu par les associations de lutte contre les violences faites aux enfants. A contrario, la ministre de la Justice et le procureur de la République de Paris avaient indiqué qu'ils auraient préféré fixer ce seuil à 13 ans.
• Allonger les délais de prescription pour les viols sur mineurs
La prescription concernant les viols sur mineurs, fixée à 20 ans après la majorité, devrait être portée à 30 ans. La victime pourrait donc porter plainte jusqu'à l'âge de 48 ans. Une préconisation qui figurait déjà dans le rapport de la présentatrice Flavie Flament et du magistrat Jacques Calmettes, remis en avril dernier à l'ex-ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol.

Collomb lance un tchat dédié
Par Jean-Marc Leclerc
«La révolution numérique» pour «libérer la parole». Gérard Collomb y croit dur comme fer. Il vient d'annoncer le lancement imminent au sein du ministère de l'Intérieur d'une «plateforme de signalement des violences sexuelles». D'emblée, il précise: «Il ne s'agira pas d'un portail Internet de dépôt de plainte.» Dans son esprit, cet outil prendra la forme d'un «tchat» - une messagerie instantanée ou forum de discussion - qui permettra aux victimes d'entrer en relation avec des professionnels spécialement formés. Leur mission: informer le public sur les démarches à suivre et, le cas échéant, bénéficier d'un rendez-vous dans un commissariat ou une gendarmerie. Une variante en somme de la fameuse «brigade numérique» lancée récemment pour renforcer le lien entre la maréchaussée et la population.
La démarche prônée par l'hôte de Beauvau se veut globale. En amont, il veut impliquer le réseau des 3 000 policiers et gendarmes qui interviennent en établissement scolaire pour mettre en garde les jeunes contre le harcèlement et les agressions sexuelles, mais aussi les alerter sur le «cyberharcèlement» qui, selon lui, se développe dangereusement.
Gérard Collomb ajoute, concernant les victimes dont l'état nécessite un déplacement aux urgences: «Nous devons être capables de prendre systématiquement leur plainte dès l'hôpital pour leur éviter des déplacements supplémentaires.» Enfin, il désire un cadre plus «adapté» pour les plaignants dans les commissariats et les gendarmeries. Avec «des horaires dédiés, des lieux dédiés, des personnels formés, un lien plus étroit avec les associations d'aide aux victimes.» Bref, un accueil «sur mesure».

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Éric Zemmour: «Leçons israéliennes» (07.03.2018)
Par Eric Zemmour
Publié le 07/03/2018 à 17h45
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Un essai iconoclaste, critique et critiquable sur la création de l'État d'Israël. La thèse que défend Philippe Simonnot fera réagir. À juger sur pièces.
Israël est un de ces sujets qui rendent fou. Follement énamouré ou follement haineux. Israël est soit cette nation admirable qui a fait pousser des oranges dans le désert, soit ce peuple de criminels qui a colonisé une terre en persécutant et en chassant ses habitants légitimes. Israël est un de ces sujets qui rendent manichéen, où l'Histoire est prise en otage par les passions, où la raison est sans cesse dévoyée par l'émotion, où les esprits les plus subtils et les plus iconoclastes s'abîment dans la moraline et le compassionnel.
Dans son Siècle Balfour, Philippe Simonnot montre que cette loi d'airain touche les meilleurs: remontant l'histoire du sionisme par sa source, à partir de la fameuse lettre de 1917 du ministre anglais lord Balfour se prononçant en faveur d'un «foyer national juif», il ose les analyses les plus transgressives, mais ne peut s'empêcher de verser dans le martyrologue convenu (en France surtout) au sujet des Palestiniens.

- Crédits photo : PG de Roux
Le manichéisme de Simonnot est simple et efficace: la création de l'État d'Israël a été une catastrophe pour le monde, et surtout pour les Juifs. Il a l'audace et l'intelligence de faire servir son argumentaire par les Juifs eux-mêmes. C'est le meilleur de son livre. Des Juifs de la fin du XIXe siècle qui combattirent avec véhémence les revendications des premiers sionistes, héritiers de Théodor Herzl, ce journaliste autrichien traumatisé par l'affaire Dreyfus. Des Juifs dont les écrits scandaliseraient leurs descendants d'aujourd'hui.
Des Juifs qui étaient à l'époque largement majoritaires. En tout cas, dans les riches et puissants pays occidentaux. Le sionisme est en vérité un mouvement nationaliste de Juifs polonais et russes qui vivaient dans des villages où, souvent majoritaires, ils imposaient à tous leurs us et coutumes ; et qui n'ont eu de cesse que de recréer «un ghetto géant pour tous les Juifs du monde». C'est ce que leur lançaient leurs contradicteurs qui avaient, dès la fin du XIXe siècle, tout compris: soit, leur disaient-ils, vous devrez chasser les populations qui vivent déjà sur la «terre promise», et vous leur ferez subir les exactions que les Juifs subissent ; soit vous leur donnerez les mêmes droits qu'aux Juifs, et vous serez de nouveau une minorité au sein d'un nouvel État. Les plus fins avertissaient que ce nationalisme juif déstabiliserait les communautés juives dans le monde arabe, et même en Europe, réveillant les accusations de «double allégeance», voire de «trahison».
Paradoxalement, les sionistes trouveront leurs meilleurs alliés parmi ces dirigeants chrétiens, souvent protestants, comme l'Anglais Balfour, ou l'Américain Wilson, qui, élevés depuis leur enfance avec la Bible comme livre de chevet, seront flattés de permettre le retour du «peuple élu» sur sa «terre promise». Ou qui, à l'instar des dirigeants français d'après-guerre, régleront grâce à leurs alliés sionistes leurs comptes de grande puissance.
«La déclaration Balfour n'est pas un succès du lobby juif mais un échec. C'est la déclaration Balfour qui a fait du sionisme un authentique mouvement politique du fait que la plus grande puissance politique de l'époque validait son projet.
Philippe Simonnot
Simonnot en tire une conclusion étonnante: «La déclaration Balfour n'est pas un succès du lobby juif mais un échec. C'est la déclaration Balfour qui a fait du sionisme un authentique mouvement politique du fait que la plus grande puissance politique de l'époque validait son projet.»
Conclusion qui choquera les sionistes et les antisémites. Cette prétendue alliance objective entre les deux ennemis est l'autre fil rouge de cette histoire. Le sionisme veut arracher le Juif à sa condition de minorité errante. Lui donner une terre et des racines. Le «régénérer» par le travail et la guerre. C'est un nationalisme imité des nationalismes ethnocentristes de la fin du XIXe siècle, imprégnés d'antisémitisme, car le Juif incarnait la modernité urbaine, du banquier ou de l'intellectuel, cosmopolite et apatride. Cette paradoxale alliance objective sera théorisée dès l'origine par Théodor Herzl: «Les antisémites deviendront nos plus sûrs amis, les pays antisémites, nos alliés.» C'était le monde de 1900. Avant les guerres industrielles et l'ébranlement tragique du XXe siècle. Avant l'accession de Hitler au pouvoir, les lois mortifères de Nuremberg, la Seconde Guerre mondiale, la Shoah…
En 1947, l'État d'Israël devient une réalité politique. Avec lui apparaît aussi la cause palestinienne. Notre auteur s'offusque de la formule célèbre qui a longtemps résumé le bréviaire des dirigeants sionistes: «Une terre sans peuple pour un peuple sans terre.»
Simonnot plaque une sensibilité moderne sur des gens qui, justement, veulent s'arracher à la modernité pour fonder un État et une nation
Simonnot fait semblant de ne pas comprendre la distinction entre une population et un peuple. En 1947, les habitants musulmans de la Palestine ne sont pas un peuple, car ils n'ont pas une conscience de peuple.
Simonnot s'émeut avec raison des exactions et des massacres commis par les Israéliens, et les accuse de «nettoyage ethnique». Mais il reconnaît que ce concept est anachronique, et qu'à l'époque les transferts de populations - Allemands expulsés d'Europe centrale ou échanges entre musulmans et hindous, lors de la naissance du Pakistan - étaient monnaie courante.
En fait, il plaque une sensibilité moderne sur des gens qui, justement, veulent s'arracher à la modernité pour fonder un État et une nation, et qui regardent comment les autres - les Américains avec la conquête de l'Ouest, les Allemands avec les guerres de Bismarck - ont fait dans un passé plus ou moins lointain. Le sionisme a été une école d'initiation pour des Juifs qui n'avaient pas eu d'État depuis deux mille ans ; initiation aux exigences de la realpolitik, fort loin des illusions souvent chimériques de leurs penseurs les plus progressistes et de leurs réflexes de minorité. Rude école, dont les cours ne sont pas terminés.
Le siècle Balfour. 1917-2017, de Philippe Simonnot. Éditions Pierre Guillaume de Roux, 193 pages, 24,50 euros.

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Faut-il démanteler Google et Facebook ? (07.03.2018)

Par Bertille Bayart
Publié le 07/03/2018 à 19h07
ANALYSE - Il faut évaluer la capacité intrinsèque de ces nouveaux géants à anéantir la compétition, à tuer le match de la concurrence.
Les plus belles réussites du capitalisme moderne, les fameux «Gafa» (Google, Apple, Facebook et Amazon), sont-elles en passe de devenir son pire ennemi? Ces entreprises sont-elles devenues les créatures monstrueuses, car monopolistiques, d'une économie de marché atteinte du syndrome de Frankenstein? La question est sur la table. Et un peu plus, en France, depuis que mardi l'Autorité de la concurrence a fait le constat de la «position écrasante» de Google et Facebook sur le marché de la publicité en ligne.
À eux quatre, les Gafa pèsent 3000 milliards de dollars en Bourse. Leurs profits agrégés dépassent 100 milliards. Leur stock de cash approche 500 milliards… La puissance de ces entreprises n'est plus à démontrer. Leur qualité de monopole, qui justifierait une action publique de régulation, voire de démantèlement, est en revanche débattue.
Les précédents historiques existent pour justifier le débat. Au début du XXe siècle, l'Amérique de Theodore Roosevelt a découpé la compagnie pétrolière Standard Oil en 34 entreprises. Au début des années 1980, c'est l'Administration Reagan qui a éparpillé AT&T en sept opérateurs de télécoms. Aujourd'hui, Google et Facebook surtout affichent des parts de marché considérables. Le moteur Google est utilisé pour 94 % des recherches sur mobile aux États-Unis. En France, Google et Facebook détiennent 90 % du marché de la publicité en ligne.
Ces chiffres ne sont pas en eux-mêmes répréhensibles. Ils résultent de formidables succès d'entreprises. Mais ils fournissent un beau casse-tête aux autorités de la concurrence.
Ces chiffres ne sont pas en eux-mêmes répréhensibles. Ils résultent de formidables succès d'entreprises. Mais ils fournissent un beau casse-tête aux autorités de la concurrence, dont la grille de lecture traditionnelle - l'effet des positions de marché sur les prix - est rendue inopérante par des modèles économiques fondés sur la gratuité.
Aux États-Unis et en Europe, la réflexion évolue donc pour tester la puissance de ces béhémoths modernes à l'aune d'autres critères. L'effet sur le consommateur ne peut se résumer à celui sur les prix. Le droit de la concurrence parle d'ailleurs de la protection de son bien-être.
Surtout, il faut évaluer la capacité intrinsèque de ces nouveaux géants à anéantir la compétition, à tuer le match de la concurrence. Dans l'économie numérique, les effets de taille et les effets de réseau sont démultipliés par rapport à l'économie traditionnelle, et vont encore augmenter de façon exponentielle avec l'explosion de la valeur des données accumulées. «Winner takes all», dit-on dans la Silicon Valley… À cela s'ajoute enfin la force de frappe financière, qui permet l'acquisition, parfois hors de prix, de jeunes sociétés. D'où le questionnement, paradoxal, de l'effet de la puissance des Gafa sur l'innovation.
Ces facteurs font-ils des Gafa des leaders inexpugnables? Il faut se méfier de l'apparence inéluctable de leur croissance. Après tout, l'économie d'Internet est jonchée des cadavres de monopoles éphémères, comme Yahoo!, AOL, ou MySpace.
Les voix qui s'élèvent pour demander que les Gafa soient bridées émanent de plusieurs écoles.
Les voix qui s'élèvent pour demander que les Gafa soient bridées émanent de plusieurs écoles. Aux États-Unis, des universitaires ont donné naissance à un «new Brandeis movement» du nom de Louis Brandeis, juge à la Cour suprême dans les années 1920 et 1930. Pour ceux-là, les autorités de la concurrence doivent s'extraire de la doctrine de l'école de Chicago des années 1970 et 1980, fondée sur la seule analyse des bénéfices pour les consommateurs. Les libéraux se font aussi entendre, dont le très influent magazine The Economist qui qualifie les Gafa de «sorciers («wizards») du high-tech».
Les gendarmes de la concurrence avancent à pas comptés. Aux États-Unis, la FTC (Federal Trade Commission) n'a pas fait son aggiornamento. En Europe, la commissaire Margrethe Vestager est beaucoup plus volontariste, et a dégainé plusieurs procédures.
Partout, le sous-jacent politique du débat est déterminant, ce qui a toujours le cas en matière de concurrence. La Standard Oil a été démantelée au nom de la liberté d'entreprendre, mais aussi pour préserver l'organisation de la société d'une trop forte concentration des pouvoirs. Les craintes actuelles de voir émerger des superpuissances économiques supranationales et hors d'atteinte de l'action publique font écho à ces débats, vieux comme la démocratie. Les inquiétudes sur la protection des données, le respect de la vie privée, la diffusion des fausses informations, l'apatridie fiscale s'ajoutent à la controverse, au risque de la brouiller. Carl Shapiro, professeur à Berkeley, mettait en garde son auditoire à l'automne dernier: «il ne faut pas attendre de la politique de la concurrence qu'elle résolve tous les problèmes plus larges, politiques et sociaux» de nos sociétés modernes. Le politique aussi aura son rôle à jouer.

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Luc Ferry: «Le spinozisme, sagesse ou folie ?» (07.03.2018)

Par Luc Ferry
Publié le 07/03/2018 à 17h20
CHRONIQUE - La notion de responsabilité est toujours liée à celle du libre-arbitre, qui nous rend comptable de nos actes. En découlent selon le philosophe de nombreux sentiments négatifs qui nous gâchent la vie. Faut-il pour autant s'en affranchir ?
«Dans la nature, il n'existe rien de contingent, car tout est déterminé par la nécessité.» Ainsi parlait Spinoza, dans l'Éthique. Croire au libre-arbitre relèverait donc selon lui du «délire», en quoi il n'y aurait ni bien, ni mal moral, ni blâmes ni louanges à décerner, ni culpabilité, ni hontes, ni remords à avoir. La notion de responsabilité suppose en effet celle de libre-arbitre, comme le montre assez la façon dont on recherche encore aujourd'hui dans nos tribunaux les circonstances dites «atténuantes». Ainsi, le fou ne sera pas tenu pour responsable parce qu'on lui dénie la capacité de choisir librement entre des possibles. Mais pourquoi en irait-il autrement de l'homme dit «normal»?
La notion de responsabilité est toujours liée à l'idée, folle et «délirante» selon Spinoza, qu'on «aurait pu faire autrement», qu'on avait le choix, en quoi on serait comptable de ses actes. De nombreux sentiments sont liés à cette illusion: la honte, la culpabilité, les remords, mais aussi l'indignation ou la colère. Spinoza les appelle des «passions tristes», car elles nous gâchent la vie. La sagesse consisterait donc selon lui à se placer «autant qu'il est possible» (sic!) du point de vue de Dieu, c'est-à-dire d'un point de vue où les notions de libre-arbitre et de responsabilité auraient disparu au profit de la conscience de la nécessité, comme l'explique de manière limpide André Comte-Sponville dans l'article du Dictionnaire de philosophie morale (aux PUF) qu'il consacre à Spinoza: «On ne juge que ce qu'on ne comprend pas. Qui condamnerait moralement une éclipse ou un tremblement de terre? Et pourquoi faudrait-il condamner davantage un meurtre ou une guerre? Parce que les hommes sont responsables? Disons plutôt qu'ils en sont causes, mais eux-mêmes déterminés par d'autres causes, qui le sont à leur tour par d'autres, et ainsi à l'infini. Il n'y a rien de contingent dans la nature (Éthique, I, 29), ni donc rien de libre dans la volonté (Éthique, I, 32). Les hommes ne se croient libres de vouloir que parce qu'ils ignorent les causes de leurs volitions. La croyance au libre-arbitre n'est qu'une illusion et c'est pourquoi toute morale, si l'on entend par là ce qui autorise à blâmer ou à louer absolument un être humain, est illusoire aussi.» Comme l'écrit Deleuze dans le même sens, «il suffit de ne pas comprendre pour moraliser», la réciproque étant tout aussi vraie: il suffit de comprendre pour cesser de juger.
Le sage selon Spinoza serait donc celui qui, comprenant qu'il n'y a aucune alternative au réel, cesserait de juger moralement
Le sage selon Spinoza serait donc celui qui, comprenant qu'il n'y a aucune alternative au réel, cesserait de juger moralement. Saisir les causes d'un événement que l'ignorant croit «immoral» et qui suscite en lui de l'indignation parce qu'il s'imagine qu'on aurait pu l'empêcher, cerner, par exemple, les causes du nazisme, c'est le déclarer nécessaire, donc, si l'on se place du point de vue, non de tel ou tel groupe humain persécuté, mais au regard du cours global de l'histoire, c'est le déclarer inévitable et, comme tel, moralement neutre, l'intelligence de la nécessité nous conduisant à suspendre tout jugement moral.
Cet exemple, je le précise, n'a rien de fictif: il fut au cœur de la querelle qui opposa dans les années quatre-vingt les plus grands historiens allemands, les libéraux accusant leurs collègues déterministes de justifier le nazisme à force d'en exhiber les causes. Le sage devrait donc se débarrasser d'un même mouvement du libre-arbitre, de la morale et des passions tristes, comme y insistent encore ces lignes de Spinoza: «L'amour, la haine, la colère, l'envie, l'orgueil, la pitié et les autres mouvements de l'âme sont à considérer, non comme des vices, mais comme des propriétés de la nature humaine, des manières d'être qui lui appartiennent comme le chaud et le froid, la tempête, le tonnerre et tous les météores appartiennent à la nature de l'air. Quels que soient les désagréments que puissent avoir pour nous ces intempéries, elles sont nécessaires car elles ont des causes déterminées.»
Ayant quelque peine à me mettre à la place d'un Dieu omniscient, n'ayant donc jamais pu me persuader que les mauvaises actions des hommes s'apparentaient à des intempéries, ni un assassinat à une mauvaise pluie, les «passions tristes» me paraissent inhérentes à la condition humaine. Vouloir s'en affranchir n'est pas à mes yeux sagesse, mais pure folie, c'est nier notre essence même, en quoi la prétendue sagesse de Spinoza me semble délirante et ce qu'il tient pour du délire être au contraire un premier pas vers la conscience de soi et la lucidité. CQFD!

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Agir enfin contre les pratiques de concurrence déloyale de Google (07.03.2018)

Par Leonidas Kalogeropoulos
Publié le 07/03/2018 à 17h48
TRIBUNE - Le président du cabinet Médiation & Arguments*, Léonidas Kalogeropoulos, estime que le géant du numérique piétine les fondements du droit de propriété.
Malgré une récente amende record pour abus de position dominante, Google poursuit sans contrainte  sa politique visant à offrir directement aux utilisateurs d'Internet des contenus qui appartiennent à autrui, sans se soucier de l'accord ou de la rétribution des propriétaires de ces contenus. Partout ailleurs dans le monde physique, s'approprier les biens d'un concurrent afin de les offrir gratuitement à ses propres clients s'apparente à du vol. Il n'y a aucune raison pour qu'un tel comportement soit qualifié différemment dans le monde numérique.
Les initiatives de Google consistant à copier ses rivaux ne datent pas d'hier. Par exemple, dans le secteur des comparateurs de prix, Google a copié les modèles économiques des sociétés leaders pour développer son propre service de comparaison de prix appelé Froogle. Quand Froogle peinait à décoller, Google a rebaptisé son service Google Shopping et l'a simplement placé en tête des résultats de recherche des utilisateurs, tout en reléguant les services concurrents en bas de page ; en quelques mois, ces derniers ont été décimés et le service de Google est devenu le nouveau numéro un mondial.
«Compte tenu de la stratégie de Google (...), l'Europe n'a rien d'autre à lui opposer que des années de procédures»
Cette pratique flagrante de concurrence déloyale a été instruite durant sept ans par la Commission européenne. Finalement, et sous le leadership de Margrethe Vestager, la Commission européenne a infligé une amende de 2,3 milliards d'euros à Google et a demandé la mise en place de remèdes pour corriger ces pratiques déloyales. Outre le fait qu'aucune victime n'a à ce jour bénéficié de la moindre réparation des préjudices dévastateurs qui ont été subis, Google a mis en place un prétendu «remède» qui continue à lui permettre d'être en première position dans 99 % des requêtes. De surcroît, et sans surprise, Google a fait appel de la décision de la Commission européenne devant la Cour de justice européenne.
Compte tenu de la stratégie de Google consistant à envoyer des milliers de téraoctets d'argumentaires pour asseoir sa stratégie de défense, l'Europe n'a rien d'autre à lui opposer que des années de procédures, pendant lesquelles ses pratiques déloyales continuent de dévaster des marchés entiers, les uns après les autres. Comme, du point de vue de Google, tout va bien, pourquoi donc s'arrêter en si bon chemin?
Ainsi, concernant les photos en ligne, Google offre gratuitement sous Google Images des photos aux utilisateurs, téléchargeables en un seul clic. Malgré la signature d'un récent partenariat avec la plus grande banque d'images mondiale, une large majorité des photos indexées sont puisées sur des sites des agences photos, des photographes ou éditeurs, ainsi que sur les sites de leurs clients sans tatouage numérique. Ceux qui aspiraient à commercialiser ces images sur Internet voient ainsi leur audience confisquée. Certains prétendent que cette gratuité serait bonne pour le consommateur. Si cet argument était valable, pourquoi ne pas ouvrir une caisse Google dans les supermarchés qui distribuerait toutes les marchandises gratuitement… pour «le bien du consommateur»? C'est pourtant bien ce que subissent désormais les producteurs de photo, qui voient leurs images utilisées allégrement sur Internet sans aucune forme de compensation ou de mécanisme d'autorisation.
Autre exemple, celui des marques d'établissements touristiques. Depuis longtemps, Google vend à Booking.com et à Expedia.com les noms des hôtels et restaurants qui ne parviennent plus à apparaître avec leurs propres sites dans les résultats de recherches des internautes. C'est Google qui encaisse les milliards de revenus de ces ventes, pas ceux qui détiennent les marques vendues. Comment appelle-t-on le fait de commercialiser les biens d'autrui sans son consentement?
«(Google) capte (les utilisateurs) et leur offre directement des contenus produits par d'autres, les dépossédant de tous leurs droits»
Que dire du fait que Google fournit aux utilisateurs des condensés d'articles de presse (les «snippets») qui résument l'essentiel des informations contenues dans ces articles et qu'il devient donc inutile de consulter sur le site de l'éditeur? Par exemple, plutôt que de diriger un utilisateur vers les sites des éditeurs de presse pour comprendre comment fonctionnent les aides personnalisées au logement (APL), Google va vous livrer l'essentiel de l'analyse réalisée par les meilleurs experts, enrichie des «questions fréquemment posées» permettant d'obtenir des détails supplémentaires… toujours sans se rendre sur les sites qui contiennent les informations utilisées… et qui ont rémunéré les experts en question.
540 milliards de dollats de capitalisation boursière
Google garde ainsi les internautes chez lui, et ne joue plus le rôle d'intermédiaire pour diriger les utilisateurs vers toute la richesse des sites accessibles sur Internet. Il les capte et leur offre directement des contenus produits par d'autres, les dépossédant de tous leurs droits, notamment de leurs droits d'auteur. Grâce à Google Home, Google sera même en mesure de lire n'importe quelle réponse à une requête d'un utilisateur à voix haute dans son salon. Des réponses que Google ne se sera jamais donné la peine de produire, mais qu'il aura trouvées ailleurs et sait très bien valoriser! Ces pratiques destructives de tous les fondements du droit de propriété ont permis à Google de peser à New York plus de 540 milliards de dollars de capitalisation boursière…
En effet, grâce à toutes ces informations qui sont «offertes gratuitement», Google capte le temps de présence des internautes sur ses sites, d'une durée qui s'allonge d'autant plus qu'on n'a plus besoin de se rendre sur les sites produisant l'information. Cela a permis à Google, avec Facebook, de capter près de 80 % de la valeur publicitaire des annonceurs sur Internet (et 90 % sur le mobile), soit 2,7 milliards d'euros en 2017. Leur part prise dans la croissance de la publicité digitale était de 92 % en 2017, c'est-à-dire qu'ils captent à eux deux, sans partage, toute la croissance du seul segment publicitaire qui progresse.
Les pratiques exposées ci-dessus doivent être regardées sous le prisme de l'abus de position dominante conduisant à une concurrence déloyale. Elles doivent pouvoir être interrompues en quelques semaines par la Commission européenne en la dotant du pouvoir de prononcer des mesures conservatoires permettant de prohiber sans attendre de telles pratiques.
* Délégué Général de l'Open Internet Project (OIP), association européenne créée en 2014 pour combattre les abus de position dominante sur le marché numérique européen. Elle compte au nombre des plaignants dans les dossiers «shopping» et «Android».

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Anne-Sophie Letac : «Jeunesse tentée par les régimes autoritaires: le cri de Mounk» (07.03.2018)

Par Anne-Sophie Le Tac
Mis à jour le 07/03/2018 à 11h15 | Publié le 07/03/2018 à 11h14
TRIBUNE - Un passionnant ouvrage d'un chercheur à Harvard démontre le peu d'attrait des jeunes pour la démocratie libérale, s'alarme l'agrégée d'histoire*.
On se figurait le jeune comme un être à part, assez inoffensif, une espèce en voie de lente disparition, choyée par ses parents et dotée de mœurs étranges, comme pianoter sur son écran de smartphone avec les pouces, parler seul dans la rue, consulter Yelp avant toute décision importante - le choix d'un restaurant de burgers par exemple -, prendre des bains bouillants et débordants tout en acclamant la COP21, manger des graines germées ou sillonner la planète grâce à son école de commerce pour réaliser des projets humanitaires. Mais si l'on en croit le politologue Yascha Mounk, le péril jeune serait plus grand. Dans son livre The People vs. Democracy, le chercheur de Harvard montre, à partir de nombreuses données, que le jeune, en particulier éduqué et diplômé, tend à se détourner dangereusement de la démocratie.
Si les deux tiers des Américains nés dans les années 1930 et 1940 se disent profondément attachés à la démocratie, seul un tiers des millennials partage cette conviction
Selon Mounk, si les deux tiers des Américains nés dans les années 1930 et 1940 se disent profondément attachés à la démocratie, seul un tiers des millennials - la génération née après les années 1980 - partage cette conviction. Certes, la confiance dans la démocratie a reflué partout et dans tous les groupes d'âge. Le populisme, la proportion de citoyens prêts à soutenir un leader fort et affranchi du jeu institutionnel et parlementaire a progressé dans tous les pays avancés, notamment en Europe. Mais dans un renversement historique frappant, ce sont les jeunes qui sont les plus perméables à la «democracy fatigue», alors qu'à la génération précédente, c'étaient eux qui portaient le flambeau des valeurs démocratiques. Les 16-35 ans sont gagnés par une insidieuse apathie politique, une indifférence au vote qui creuse le fossé avec leurs aînés, et n'est pas compensée par des formes d'engagement protestataire comme Nuit debout ou Podemos, peu suivis si on les compare avec les révoltes des années 1970.
On pourrait penser que la génération post-guerre froide défend mollement la démocratie libérale car elle n'a jamais connu d'attaques en règle contre celle-ci. Mais cette hypothèse est infirmée par le soutien croissant des millennials soit à des alternatives autoritaires, soit à des gouvernements d'experts laissant l'avis du peuple de côté, et, surtout pour les plus éduqués d'entre eux, à des dirigeants qui leur ressemblent, fussent-ils éloignés du peuple. La jeunesse de nombre de dirigeants, de Trudeau à Kurz en passant par Macron ou Tsipras, est un indice de cette exigence en miroir. Le goût des enfants de bobos pour La France insoumise est un autre symptôme qui témoigne de l'affranchissement des jeunes élites à l'égard de la démocratie libérale. Il est de bon ton de juger la haine des médias «juste et nécessaire» (Mélenchon), de crier au complot, et d'adopter un discours brutal et décomplexé qui se targue d'être «disruptif». L'AfD, le FN engrangent les voix de nombreux millennials. En Italie, les jeunes ont voté pour Luigi Di Maio (31 ans) du M5S, qui représente une forme inédite de radicalité. Dans un contexte d'ascension sociale entravée, de crainte de l'avenir, d'identité malmenée par le spectre de la question migratoire, de cacophonie des réseaux sociaux répercutant peurs, haine et délation, se développe un illibéralisme assumé. Mais Mounk souligne un point particulier: la tentation de l'alternative non démocratique est plus forte chez les jeunes aisés, libéraux, adaptés à la mondialisation et capables d'en tirer profit, ce qui constitue une menace sérieuse au regard du pouvoir qu'ils peuvent espérer exercer dans l'avenir.
Sans l'énerver, il faut d'urgence donner au jeune l'arme principale, une instruction en histoire qui lui fait singulièrement défaut
Rien de nouveau pourtant: dans les bouillonnantes années 1930, les mouvements non conformistes qui recherchaient une alternative à des démocraties bloquées s'appuyaient sur un conflit générationnel. Sans parler du fascisme qui exaltait sport, vitesse et jeunesse, ni de Hitler qui voulait une jeunesse «brutale, impérieuse, impavide et cruelle», ou de l'élite des jeunes juristes allemands se précipitant dans la SS, on se souviendra qu'en France, les Jeunes Turcs du Parti radical, les néo-socialistes de la SFIO, ou les groupes de réflexion comme X-Crise voulaient secouer la vie politique, renouveler les partis, rétablir un exécutif fort, mettre en place un gouvernement d'experts.
Le jeune a donc toujours été encombrant, surtout lorsqu'il réfléchit. S'en débarrasser est inenvisageable. Non seulement il est plus fort que nous physiquement, mais il finance encore pour un temps nos futures retraites. L'alternative est délicate: sans l'énerver, il faut d'urgence lui donner l'arme principale, une instruction en histoire qui lui fait singulièrement défaut. Il faut aussi lui offrir l'occasion d'agir en politique, en déverrouillant le système des partis classiques et en facilitant l'engagement citoyen, et lui donner des raisons d'espérer, en luttant contre la corruption. Faute de quoi, le cri de Mounk, poussé par un jeune homme éduqué (il est né en 1982), risque fort de n'avoir pour écho que le bruit sourd et pierreux de l'éboulement des démocraties libérales.
* Ancienne élève de l'École normale supérieure et professeur de géopolitique en classes préparatoires au lycée Lavoisier à Paris.

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En Égypte, des travaux pharaoniques pour bâtir une nouvelle capitale (07.03.2018)
Par Jenna Le Bras
Publié le 07/03/2018 à 18h36
REPORTAGE - Une ville nouvelle se construit à une cinquantaine de kilomètres du Caire. Présentée comme un nouveau Brasilia mais avec le style Dubaï, elle devrait désengorger un Caire surpeuplé. Crise oblige, cette future capitale qui essuie déjà de vives critiques a bien du mal à voir le jour.
Au Caire

Il faut s'extraire d'un Caire embouteillé, filer vers l'est et emprunter la route de Suez. Sur 45 km, une ligne bétonnée deux fois six voies défile à perte de vue ; de chaque côté, des monticules de sable caillouteux que des gros engins de constructions remuent. Soudain, se dresse comme un mirage un immense compound aux murs d'enceintes blancs.
De l'avis enthousiaste de la presse locale et des autorités égyptiennes, il incarne l'Égypte du futur. Lancée en grande pompe lors de la conférence de Charm el-Cheikh de 2015 sur le développement économique du pays, la nouvelle capitale voulue par le président Abdel Fatah al-Sissi est l'illustration du «city branding» compétitif qui a cours sur la scène internationale: il faut construire plus, plus vite et plus novateur pour prouver sa puissance et attirer les nouveaux investisseurs.
Sur le papier, c'est une «smart city» de 700 km², sept fois plus grande que Paris, avec un million de nouveaux logements, un aéroport, un stade, plus de 600 infrastructures de santé, autant d'écoles, 1 250 mosquées et églises, un parc deux fois plus grand que Central Park et un Disneyland, pour un budget initial de 43 milliards d'euros. Une ville écoresponsable et ultramoderne qui doit à terme accueillir six millions d'habitants et ainsi désengorger un Caire asphyxié par ses 20 millions de riverains, mais aussi créer plus d'un million et demi d'emplois permanents. Dans les hauts cercles du pouvoir, cette ville est vantée comme le nouveau Brasilia, un hub technologique, ultrasécurisé qui attirera rapidement les entreprises et les touristes du monde entier, à l'image de Dubaï. L'occasion aussi pour al-Sissi d'asseoir sa légitimité en promettant des emplois et une rentrée de devises étrangères qui fait tant défaut au pays depuis la désertion du tourisme en 2011.
Énormes retards
Pourtant, trois ans après la pose des fondations, rien de tout ça ne semble être réellement en préparation. «Rien ne paraît correspondre à ce qui a été promu il y a 3 ans», note Roman Stadnicki, spécialiste en géographie urbaine. Une première grande structure de béton est bel et bien sortie de terre, mais le mastodonte dans lequel on met les pieds n'était même pas prévu sur les plans initiaux.
Les travaux entrepris pour construire la nouvelle capitale de l'Egypte sont loin d'être terminés. - Crédits photo : Xinhua/Newscom/ABACA
Dans le lobby vide d'un hôtel de luxe, Rafic Kairalah, directeur général du groupe al-Masah qui gère l'établissement, est impatient de montrer la maquette du site: «nous avons un l'hôtel qui fait 85.000 m², avec 360 unités, dont 10 suites royales. Il y a une piscine, quatre restaurants, 60 appartements, une lagune, deux spas, 15 villas présidentielles, six cinémas…» L'énumération est si longue qu'elle donne le vertige. «Ce projet a été réalisé en 15 mois. Ça y est, nous sommes opérationnels», insiste-t-il.
Le site qui fait office de complexe témoin est impressionnant. Embarqué dans une voiturette de golf, le directeur poursuit son état des lieux interminable: l'héliport présidentiel, la plage et ses vagues artificielles, un restaurant fusion… Il y a aussi la grande salle de conférence avec son dôme céleste de 48 mètres «considéré comme la plus grande coupole en Afrique et au Moyen-Orient. Dans cette salle, nous pouvons recevoir 54 présidents pour les sommets de la Ligue arabe.»

La grande salle de conférence avec son dôme de 48 mètres est l'un des rares bâtiments sortis de terre. - Crédits photo : Amr Dalsh/REUTERS
Aux côtés de l'équipe qui gère le site, le président de Schneider Electric Egypte Walid Sheta ne gâche pas son plaisir. Implantée en Égypte depuis de nombreuses années, l'entreprise a opté pour une démarche de conseil technique: «nous avons choisi l'investissement de nos équipes dans le projet comme si c'était le nôtre, comme si nous étions déjà attributaires de contrats, parce que nous croyons à la nouvelle capitale.»
Une démarche payante. «Ils sont les rois de la ville là-bas», commente sous couvert d'anonymat un diplomate français. Schneider Electric, spécialisé dans les produits de gestion d'électricité, s'est vu attribuer un premier contrat colossal. Si l'entreprise refuse de donner le montant de son chiffre d'affaires dans le pays, elle assure qu'elle «était, jusqu'à il y a peu, le 3e pays dans la région MO-Afrique. Avec ce que je vois là, on pourrait prendre la première place des pays de la région».
Promoteurs frileux
Mais encore faut-il que ce beau projet se réalise tel qu'annoncé, et surtout trouve des financements. Lors de son lancement, le développement de la nouvelle ville devait être en partie pris en charge par Capital City Partners, un consortium privé dirigé par Mohammed Alabbar, président d'Emaar Properties. Un protocole d'entente a bien été signé mais, depuis, Emaar semble s'être discrètement retiré. Contacté, son chef commercial Nabil Amasha assure ne pas pouvoir s'exprimer. Les autres gros investisseurs censés lui succéder: China State Construction Engineering Corporation (CSCEC) et China Fortune Land Development Company, ne sont pas beaucoup plus bavards alors que la signature effective d'un contrat se fait toujours attendre.
Seul le conseiller économique de l'ambassade de Chine se laisse aller à la confidence: «CSCEC est dans la phase finale de négociations pour un contrat de 3 milliards de dollars pour la construction d'un centre d'affaires mais les détails sont toujours en phase finale de discussion. C'est le seul projet que nous avons négocié jusqu'à maintenant», assure Han Bing. Le blocage serait en partie dû à un procédé de financement qui ne convient pas aux potentiels investisseurs. «Les autorités essayent de convaincre les développeurs qu'ils doivent aussi être les investisseurs. Ça signifie qu'ils leur demandent de financer eux-mêmes les projets. Ça ne fait aucun sens», explique Yahia Shawkat, urbaniste spécialisé en cartographie.
«C'est une politique nationale depuis les années 1970 : celle de bâtir des cités dans le désert pour rediriger le boom de la population loin du Nil mais cette politique est un total échec»
Yahia Shawkat, urbaniste
Face au refus des banques égyptiennes de fournir des fonds, les promoteurs sont devenus frileux, forçant l'Égypte à entamer à ses frais la phase initiale dans l'espoir d'attirer plus tard les investisseurs. En mai 2016, la société de la Capitale administrative pour le développement urbain (Acud) a donc été créée pour gérer le développement du site: une société détenue à 51 % par l'armée et à 49 % par le ministère du Logement.
Al-Sissi est-il en train de tomber, comme ses prédécesseurs, dans le piège du grand projet fiasco? «C'est une politique nationale depuis les années 1970: celle de bâtir des cités dans le désert pour rediriger le boom de la population loin du Nil mais cette politique est un total échec. Les villes restent vides et aucune d'entre elles n'a atteint son objectif de remplissage», met en garde Yahia Shawkat. Les trente-deux villes nouvelles sorties de terre ces trente dernières années n'abritent pas plus de 2 % de la population totale du pays. Imaginées par Sadate ou Moubarak avant al-Sissi, elles sont pour la plupart devenues de simples villes de garnison. «On est toujours dans une surenchère qui se répète et ne remporte pas le succès escompté», note Roman Stadnikci, alors que, dans le même temps, onze autres villes de ce type sont aussi en construction à travers le pays.

«Ceux qui achètent ne pensent pas à l'appartement, ils vont probablement le revendre avant même de l'avoir vu ou vont le laisser vide pendant 15 à 20 ans», estime Youssef Tarek, un agent immobilier commissionné sur la nouvelle capitale. - Crédits photo : Amr Dalsh/REUTERS
Des appartements coquilles vides
Pourtant, sur la route périphérique du Caire, des panneaux publicitaires poussent partout, annonçant «sold out» des dizaines de compounds de luxe dans la ville à venir. «Ça se vend comme des petits pains. On met en vente, en trois jours c'est fini», explique Youssef Tarek, agent immobilier, commissionné sur la nouvelle capitale. «L'immobilier est une valeur refuge. Ceux qui achètent ne pensent pas à l'appartement, ils vont probablement le revendre avant même de l'avoir vu ou vont le laisser vide pendant 15 à 20 ans», assure-t-il, précisant que les tournées d'attribution dépassent rarement les 600 appartements pour donner l'illusion d'une forte demande. Une technique marketing bien connue des promoteurs.
Safia Izaz a succombé à l'une de ces publicités et a acheté dès l'officialisation du projet: «Je l'ai fait sur un coup de tête, explique-t-elle, je voulais placer mon argent rapidement mais la vérité, c'est que depuis que je l'ai acheté, je regrette et je n'arrive pas à le revendre.» A-t-elle l'intention d'aller vivre là-bas? «Absolument pas, dit-elle, vivre dans un tel endroit est inenvisageable.» «La question qu'il faut se poser c'est: y a-t-il une bulle? Comment peut-il y avoir assez de demandes pour tout ça?», s'interroge l'économiste et urbaniste David Sims, auteur de Egypt's Desert Dreams: Development or Disaster?.
Car c'est là - aussi - que le bât blesse: qui d'autre que l'Égyptien fortuné en recherche de placements pour se payer un appartement dont le mètre carré se vend entre 12.000 et 18.000 EGP? «Le président de l'Acud affirme qu'il y aura une gamme de logements adaptés à toutes les classes sociales et que seulement 35 % seront haut de gamme. Il assure qu'avec un salaire de 8000 EGP, il sera possible de s'offrir un appartement modeste, comme si ces niveaux de revenus étaient communs en Égypte et ne concernait pas seulement 10 % de la population!», précise David Sims dans la version actualisée de son livre à paraître. «Oubliez les chiffres. Ils ne sont pas importants et pas fixes. Nous avons un rêve, et nous le bâtissons maintenant», ironise-t-il en citant Khalid al-Husseini, porte-parole de l'Acud.

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À Los Angeles, le combat d'un homme pour les sans-abri (07.03.2018)

Par Armelle Vincent
Mis à jour le 07/03/2018 à 17h52 | Publié le 07/03/2018 à 17h43
Un jeune catholique est en grève de la faim pour alerter les autorités sur le sort du quartier le plus pauvre de la cité des Anges.
À Los Angeles
Depuis le 14 février, Kaleb Havens, 30 ans, fait une grève de la faim, enchaîné par la taille à la barrière d'un ancien bâtiment de l'Armée du salut reconverti en entrepôt au cœur de Skid Row, le quartier le plus miséreux de Los Angeles. Il a donné la clé de l'épaisse chaîne au conseiller municipal du district, José Huizar, et se trouve désormais prisonnier de la vieille chaise longue autour de laquelle s'entassent livres, sacs en plastique, bouteilles d'eau de coco et d'électrolytes, couvertures, à côté d'un panneau solaire portable qui lui permet de charger son téléphone. Bien qu'il ait entamé sa grève de la faim déjà mince, Kaleb compte tenir le coup pendant la durée du carême, soit 46  jours. Il fait partie de l'organisation Travailleurs catholiques, qui n'est pas affiliée à l'Église mais dont les membres vivent en harmonie avec «la parole et les actes du Christ».
Aussi le jeune diplômé ès lettres loge-t-il en temps normal dans un abri pour SDF qu'il administre avec d'autres membres de l'organisation charitable. Son salaire est de 25 dollars par semaine. Kaleb a travaillé dans le milieu du cinéma comme scénariste, mais sa foi lui a dicté non seulement de venir en aide aux plus démunis, mais de s'immerger dans leurs difficiles existences. «Autrement, comment suis-je censé connaître leurs luttes?», lance-t-il. Ses parents s'inquiètent un peu de sa ferveur et lui envoient plusieurs SMS par jour pour prendre des nouvelles. De bons samaritains lui rendent visite, comme cette infirmière qui passe régulièrement pour mesurer ses signes vitaux. Son voisin Brian est un jeune SDF noir dont la tente est plantée sur la 5e rue depuis plusieurs années. Bien qu'il parvienne régulièrement à décrocher des petits boulots, il ne gagne pas suffisamment pour louer ne serait-ce qu'une chambre.
«Brian travaille très dur, ses deux parents étaient toxicos. Lui ne consomme aucune drogue. Il essaie de s'en sortir par tous les moyens et pourtant, il n'arrive pas à s'extirper de Skid Row» 
Kaleb Havens
Les loyers ne cessent de s'enflammer à Los Angeles. Au cours des six dernières années, selon une étude menée par un professeur de l'Université de Californie à Los Angeles, ils ont crû de 67 % tandis que les salaires n'ont eux augmenté que de 23 %. «Brian travaille très dur, ses deux parents étaient toxicos. Lui ne consomme aucune drogue. Il essaie de s'en sortir par tous les moyens et pourtant, il n'arrive pas à s'extirper de Skid Row», explique Kaleb.
Contrairement à une idée reçue, les résidents de Skid Row ne sont pas tous drogués, malades mentaux, handicapés, en chômage de longue durée. Dans de nombreux cas, des revers de fortune imprévus - perte d'emploi, maladie, ou augmentation de loyer - les ont précipités dans la rue. 57.000 personnes sont actuellement sans abri dans le comté de Los Angeles. Un sur dix atterrit à Skid Row, «le plus grand camp de réfugiés permanents du pays», comme l'appelle Kaleb.
L'objectif du jeune catholique est de faire sortir de leur léthargie les autorités ainsi que le reste de la population et de les alerter sur le sort misérable de ce quartier dangereusement insalubre. Celui-ci s'étend sur plusieurs blocs au sud de Downtown, à la frontière du district des joailliers et à quelques encablures de la cathédrale postmoderne Our Lady Queens of Angels, dont la construction a coûté 189 millions de dollars - une somme qui aurait pu servir à loger et nourrir tous les SDF de l'immense mégalopole.
Le diocèse de Los Angeles ne soutient pas Kaleb Havens. Il est jusqu'à présent resté silencieux sur son action et a ignoré une demande d'interview
Depuis plusieurs décennies, Skid Row joue le rôle de cour des Miracles. Bloc après bloc, rue après rue, des centaines de tentes, bâches, cartons, caddies de supermarchés débordant d'effets personnels, cageots, se succèdent sur les trottoirs au milieu de détritus et d'ordures. Tant et si bien que le quartier est souvent comparé aux bidonvilles de Calcutta. «Le maire, Eric Garcetti, n'a fait installer que huit toilettes portatives. On en réclamait 300. Comment voulez-vous que les gens ne défèquent pas directement sur la chaussée?,s'insurge Kaleb Havens. Au temps où il y avait encore 30 toilettes dans le parc de la rue San Julian, les employés municipaux recueillaient 230 litres d'excréments par jour et par toilette. Comme elles servaient apparemment aussi parfois de maisons de passe, la municipalité a décidé de les enlever. Toute cette matière fécale est maintenant déversée directement dans la rue. Et on s'étonne ensuite qu'il y ait une épidémie d'hépatite virale!»
Depuis qu'en 2013, Eric Garcetti a remplacé Antonio Villaraigosa à la mairie, le problème n'a fait qu'empirer: le nombre de SDF a augmenté de 49 %. À tel point qu'aux dernières élections, 76 % des électeurs ont adopté la mesure HHH qui, grâce à une hausse de leurs impôts, devrait financer la construction de mille appartements à loyers modérés à hauteur de 1,2 milliard de dollars. Près de cinq ans plus tard, rien n'est encore fait. Les terrains inoccupés ne sont pas nombreux. Et dans les municipalités où ils existent, les habitants se battent pour empêcher l'implantation d'une population démunie.
Le diocèse de Los Angeles ne soutient pas Kaleb Havens. Il est jusqu'à présent resté silencieux sur son action et a ignoré une demande d'interview. Quant au conseiller municipal José Huizar, il a fait installer six compteurs rouges (qui ressemblent à des compteurs de stationnement) destinés à recevoir des donations pour les SDF. On ignore encore le montant des sommes recueillies. Mais on peut être certain qu'elles ne résoudront pas le problème.

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Syrie : l'envoi de renforts kurdes à Afrine complique la donne
Les forces turques viennent de faire feu sur une position tenue par les Kurdes à Jandairis, autour d'Afrine.
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Par Delphine Minoui
Mis à jour le 07/03/2018 à 20h38 | Publié le 07/03/2018 à 19h10
Cette «guerre dans la guerre» syrienne exacerbe les tensions entre Ankara et Washington, principal parrain des combattants kurdes des YPG.
Correspondante à Istanbul
La bataille d'Afrine a encore pris un nouveau tournant, ce mardi, avec l'envoi sur place d'un contingent de milices kurdes jusqu'ici mobilisées sur le front anti-Daech dans l'est de la Syrie. Affirmant vouloir venir en aide aux Unités de protection du peuple (YPG) qui bataillent contre l'armée turque dans cette enclave du Nord-Ouest syrien, les Forces démocratiques syriennes (FDS) - majoritairement composées de combattants kurdes - ont décidé d'y acheminer 1700 hommes en armes.
«Nos parents à Afrine constituent une priorité et leur protection est plus importante que les décisions prises par la coalition internationale», a déclaré Abou Omar al-Idlebi, un responsable militaire des FDS dans la ville de Raqqa. Dès lundi, le Pentagone avait indiqué que le départ d'une partie des combattants kurdes vers Afrine, pour renforcer les positions kurdes, avait provoqué une «pause opérationnelle» contre l'EI.
La riposte turque ne s'est pas fait attendre. «Indéniablement, nous attendons des États-Unis qu'ils interviennent et empêchent le transfert […] à Afrine des forces des YPG qui sont sous leur contrôle», a réagi ce mercredi le porte-parole de la présidence turque Ibrahim Kalin. Déterminée à empêcher la formation d'un «corridor» reliant Afrine aux cantons de Kobané et Qamichli, eux aussi sous contrôle des forces kurdes, Ankara mène depuis le 20 février une guerre ouverte contre les forces YPG.
Baptisée «Rameau d'olivier», cette opération est la deuxième intervention terrestre turque sur le territoire voisin depuis le début de la guerre syrienne. En août 2016, l'armée turque - appuyée par les rebelles syriens - avait déjà lancé dans le nord de la Syrie une autre offensive, «Bouclier de l'Euphrate», visant à chasser les djihadistes de Daech - et à prévenir, par la même occasion, la jonction des enclaves kurdes. Cette fois-ci, la volonté de «nettoyer» le Nord syrien de la présence de «terroristes» kurdes - terme officiellement utilisé par les autorités pour désigner cette branche syrienne du PKK - est affichée sans ombrage. À ce jour, Ankara affirme avoir «neutralisé 2960 terroristes» et repris 40 % du canton d'Afrine.

Un enjeu national
Si la bataille s'avère lente et compliquée - les combattants kurdes ayant creusé de nombreuses galeries - la Turquie veut la remporter à tout prix. Ou, du moins, en sortir la tête haute. L'enjeu est national: le président Erdogan entend capitaliser sur le succès de l'opération à l'approche du scrutin de 2019. Il est également régional: la Turquie, engagée dans les négociations sur l'avenir de la Syrie, espère peser de tout son poids sur l'échiquier régional. Quitte à jouer les provocations: ce mardi encore, les Turcs ont rappelé que leur objectif n'était pas seulement Afrine, mais la ville de Manbij, à 150 kilomètres plus à l'est, afin de casser la continuité territoriale du Kurdistan en Syrie.
Mais cette «guerre dans la guerre» syrienne est risquée. Elle a exacerbé les tensions entre Ankara et Washington, un des principaux parrains des YPG dans la lutte contre l'EI en Syrie. «Nous attendons la reprise des armes (fournies par les États-Unis) des YPG», a insisté Hami Aksoy, porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, à la veille de «groupes de travail», prévus ces 8 et 9 mars à Washington, pour régler les différends entre les deux pays.
L'opération «Rameau d'olivier» constitue également une diversion par rapport à la priorité du combat contre les djihadistes en Syrie. La décision des FDS de redéployer des forces sur Afrine risque, selon les experts, de dégarnir le front de Deir Ezzor où sont localisées les poches de résistance des combattants de l'EI. La coalition pourrait en sortir fragilisée: la précision des raids aériens anti-EI dépend en grande partie des informations fournies sur le terrain par les renseignements kurdes.
«Ankara est passée d'un soutien aveugle à l'opposition anti-Assad à la volonté de préserver ses intérêts et d'empêcher l'expansion de la branche syrienne du PKK»
Un observateur
Pour l'heure, la Turquie assume pleinement ses choix. Sept ans après le début de la révolution syrienne, ses priorités affichées ont changé. «Ankara est passée d'un soutien aveugle à l'opposition anti-Assad à la volonté de préserver ses intérêts et d'empêcher l'expansion de la branche syrienne du PKK», commente un observateur.
Pays d'accueil de plus de 3 millions de réfugiés syriens, elle cherche aussi à s'alléger de ce poids en promouvant, côté syrien, la mise en place d'une «zone sécurisée» longeant sa frontière. L'annonce, mardi, de la construction d'un camp au nord-ouest va dans ce sens. Destiné à accueillir les déplacés d'Afrine, ce nouveau village de tentes (d'une capacité d'accueil de 170.000 personnes) pourrait, à terme, ouvrir ses portes aux Syriens de Turquie.

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Italie : Berlusconi prêt à aider Salvini à former un gouvernement (07.03.2018)
Par Richard Heuzé
Mis à jour le 07/03/2018 à 18h48 | Publié le 07/03/2018 à 18h19
L'ancien président du Conseil est sorti de son silence mercredi après le score décevant de son parti, Forza Italia, aux législatives.
Rome
Silvio Berlusconi était resté silencieux après le choc électoral de dimanche. Il a repris l'initiative mercredi pour réaffirmer dans une longue interview au Corriere della sera qu'il demeure le seul garant de sa coalition et des engagements électoraux pris pour conquérir le pouvoir. Il affirme qu'il soutiendra «fidèlement»Matteo Salvini et se dit «convaincu» que son allié de la Ligue pourra former un gouvernement. Mais il laisse échapper une certaine déception sur les résultats électoraux de Forza Italia.
Si la coalition de droite a recueilli douze millions de suffrages, la Ligue s'en attribue cinq millions et réalise un score de 17,4 %, loin devant son propre parti, qui n'obtient que 14 %, et 4,3 % pour leur troisième allié, Frères d'Italie (extrême droite) de Giorgia Meloni. Au total, sa coalition comptera 263 sièges à la Chambre des députés et 140 au Sénat, mais il manquera 38 députés et 18 sénateurs pour atteindre la majorité absolue.
Trahi par ses propres instituts de sondage
Silvio Berlusconi avait mené une campagne électorale intense avec la certitude de devancer la Ligue. Le 22 février, il déclarait encore: «Matteo Salvini a une forte envie de jouer les vedettes. Mais ne vous en faites pas. Dans les derniers sondages, la Ligue est quatre points derrière nous. Celui qui formera le prochain gouvernement sera désigné par le parti qui aura obtenu le plus de voix au sein de la coalition.» Il était tellement sûr de lui qu'il avait même proposé comme caution européenne l'actuel président du Parlement européen, Antonio Tajani, un fidèle parmi les fidèles. Pour une fois, Silvio Berlusconi, pourtant bien informé en science électorale, a été trahi par ses propres instituts de sondage.
«Nous changerons de manière drastique les politiques suivies par les gouvernements de gauche depuis cinq ans»
Silvio Berlusconi
L'Italie, poursuit-il, a besoin «au plus tôt» d'un gouvernement qui «ne peut que venir de la coalition ayant remporté les élections»: «Tout vaut mieux qu'une impasse prolongée ou des solutions mal bricolées.» Un gouvernement de droite, affirme-t-il encore, appliquera à la lettre le programme électoral convenu: «Diminution drastique des impôts (Salvini veut imposer une «flat tax» à 15 %, lui propose 23 %, NDLR). Contrôle rigoureux de l'immigration. Priorité à la sécurité des citoyens. Soutien aux catégories sociales défavorisées. Nous changerons de manière drastique les politiques suivies par les gouvernements de gauche depuis cinq ans», dit-il. Il ne répond pas aux critiques exprimées en Europe devant un glissement de la coalition vers l'extrême droite. Ces derniers jours, Antonio Tajani avait minimisé ce risque en présentant Matteo Salvini et Giorgia Meloni «non pas comme des europhobes, mais comme des eurocritiques».
L'ancien président du Conseil exclut tout accord avec le Parti démocrate, mais l'appelle à «retrouver rapidement une identité et un rôle. Nous avons besoin d'un parti de gauche moderne et démocratique».Enfin, il attribue l'échec électoral de son parti au fait qu'il a été «empêché» de se présenter personnellement, ayant été déclaré «inéligible» pour fraude fiscale par les tribunaux. Et appelle Forza Italia à se ressaisir pour préparer les européennes de 2019: «Nous prendrons notre revanche», assure-t-il.

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Rémy Rioux : «Au Sahel, le pilier développement a été sous-calibré» (07.03.2018)

Par Florentin Collomp
Mis à jour le 07/03/2018 à 18h57 | Publié le 07/03/2018 à 18h22
INTERVIEW - Mercredi, le directeur général de l'Agence française de développement était à Londres pour renforcer la coopération franco-britannique dans la zone sahélienne.
Rémy Rioux, 48 ans, est, depuis juin 2016, directeur général de l'Agence française de développement (AFD), dotée d'un budget de 11 milliards d'euros de financements. Celle-ci a lancé 500 projets d'aide à la région du Sahel, en coopération avec plusieurs pays européens.
LE FIGARO. - Le récent attentat de Ouagadougou visant la France, qui a fait 8 morts et plus de 80 blessés, ne montre-t-il pas l'échec des interventions militaires et humanitaires dans la région?
Rémy RIOUX. - C'était une réaction à des opérations militaires qui avaient durement frappé les terroristes dans les jours précédents. Je suis persuadé, comme le président de la République l'a dit à plusieurs reprises, que la réponse passe à la fois par la diplomatie, la défense et le développement. Le pilier développement, sous-calibré jusqu'à présent, est devenu une priorité. Nous sommes dans une phase de montée en puissance.
En quoi consiste l'intervention humanitaire occidentale au Sahel?
L'alliance Sahel, lancée en juillet 2017 par Emmanuel Macron et Angela Merkel, réunit la France, l'Allemagne et l'Union européenne - l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni en particulier - avec la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et nos partenaires africains du G5 Sahel. C'est un engagement pour le développement aussi fort que celui dans la sécurité. Il prévoit 6 milliards d'euros d'investissements dans 500  projets.
«Nous n'intervenons pas dans le monde pour des raisons de sécurité seulement. Nous voulons contribuer à construire un futur pour ces populations»
Rémy Rioux
Quelles sont les priorités?
Nous visons un impact immédiat sur les populations. Dans des secteurs précis comme l'éducation, la création d'emplois, l'accès à l'énergie. Nous travaillons aussi sur le développement agricole.
L'articulation entre défense et développement ne peut-elle se révéler contre-productive?
Il faut trouver la bonne distance. Les enjeux de développement se situent dans les zones en crise, mais aussi dans les capitales, où il faut éviter les phénomènes de radicalisation. Nous n'intervenons pas dans le monde pour des raisons de sécurité seulement. Nous voulons contribuer à construire un futur pour ces populations.
«Les migrations sont d'abord intra-africaines, d'où la nécessité d'une vision régionale»
Cette action peut-elle se traduire par un impact sur les flux migratoires?
Il ne faut pas imaginer de corrélations trop mécaniques. On constate sur le terrain que, quand les gens ont plus de revenus, ils ont plus de choix, dont celui de migrer, que n'ont pas les plus pauvres. Fondamentalement, les gens n'ont pas envie de partir de chez eux. Nous voulons leur offrir davantage de choix, pour qu'ils ne soient pas acculés à la migration. Quand ils le font, les Sahéliens ont plutôt tendance à partir vers le sud, la Côte d'Ivoire, par exemple, et jusqu'en Angola ou en Afrique du Sud, plutôt que de prendre cette route très dangereuse de la Méditerranée vers l'Europe. Les migrations sont d'abord intra-africaines, d'où la nécessité d'une vision régionale.
Qu'apporte l'implication de la Grande-Bretagne?
Les Britanniques sont assez peu présents dans la zone sahélienne. Mais l'AFD met déjà en œuvre des projets pour le compte de leur gouvernement au Kenya, au Congo ou en Indonésie. Ils souhaitent rejoindre l'alliance Sahel. Sur le fond, cela témoigne de leur intention de rester partie prenante d'un effort commun coordonné par les Européens, en dépit du Brexit. Ce n'est pas une surprise. Le Royaume-Uni a montré la voie depuis plusieurs années, sous les gouvernements successifs de Tony Blair, Gordon Brown, David Cameron et Theresa May, en consacrant 0,7 % de son PIB à l'aide au développement international, avec un très fort consensus bipartisan.
Emmanuel Macron et le gouvernement français ont tracé une trajectoire pour faire passer notre aide au développement de 0,38 % à 0,55 % du PIB d'ici à 2022. Cela conforte un mouvement en Europe, impulsé par la France et l'Allemagne. En Grande-Bretagne, où il est actuellement un peu remis en question, je dis aux Britanniques qu'ils ont en France des partenaires fiables pour poursuivre une action concrète, même en dehors de l'Union européenne.
Le scandale d'abus sexuels chez le géant de l'humanitaire britannique Oxfam remet-il en cause le principe de l'aide au développement?
Des choses inacceptables se sont passées, qui interpellent tous les acteurs du développement. Nous sommes en train de renforcer nos procédures. Personne ne peut dire qu'il est à l'abri de tels faits, même si, pour l'heure, nous n'avons pas connaissance de cas comparables en France. Le Royaume-Uni est à l'épicentre de cette crise. Plus la cause est noble, plus on doit être irréprochable. En France, le soutien public à la politique de développement est plutôt en croissance. Le président de la République prend ces engagements forts parce qu'ils ont une grande importance politique. L'aide au développement est un outil positif essentiel dans la mondialisation.

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Le Sri Lanka déstabilisé par les extrémistes bouddhistes (07.03.2018)
Par Emmanuel Derville
Mis à jour le 07/03/2018 à 18h23 | Publié le 07/03/2018 à 18h17
INFOGRAPHIE - Le gouvernement a décrété l'état d'urgence pour contenir les violences contre les minorités religieuses, en particulier musulmanes.
À New Delhi
Le Sri Lanka a connu mercredi une nouvelle journée de tensions alors que des émeutes secouent les districts de Kandy et d'Ampara, au centre et à l'est de l'île, depuis fin février. Mercredi, des commerces ont été brûlés à Kandy, poussant les autorités à bloquer partiellement l'accès aux réseaux sociaux, et ce alors que l'état d'urgence a été décrété pour dix jours dans tout le pays. Les violences ont fait au moins un mort pour l'instant.

D'après la version livrée par le premier ministre Ranil Wickremesinghe devant le Parlement mardi, tout a commencé le 22 février. Un chauffeur de l'ethnie cinghalaise est agressé par quatre musulmans lors d'un incident de la circulation à Kandy. Blessée, la victime est transportée à l'hôpital où elle succombe à ses blessures le 3 mars. Le lendemain soir, deux commerces tenus par des musulmans sont incendiés à Kandy. Le 5 mars, les attaques prennent de l'ampleur. Des boutiques ainsi que des mosquées sont prises pour cible. Un jeune musulman de 27 ans périt dans l'incendie de sa maison à Digana. Des moines cinghalais de confession bouddhiste participent aux émeutes, mobilisant leurs partisans grâce aux réseaux sociaux, sans que la police ne les interpelle.
Moines radicalisés
Ces événements sont les derniers d'une série d'attaques qui se multiplient depuis 2012 contre les minorités religieuses, en particulier musulmanes. La plupart du temps, ces agressions sont encouragées par les bouddhistes radicaux du Bodu Bala Sena (BBS). Si les bouddhistes de l'ethnie cinghalaise sont majoritaires au Sri Lanka, représentant 70 % de la population, le BBS martèle que la croissance démographique des musulmans menacerait leur statut social. Il reproche aux minorités religieuses de multiplier les conversions, dont il prône la pénalisation, réclame l'interdiction de l'abattage halal, des manifestations religieuses musulmanes et chrétiennes, ainsi que l'abolition du droit privé musulman.
L'an dernier, le BBS a trouvé un nouveau cheval de bataille avec l'arrivée des Rohingyas, de confession musulmane, ayant fui la répression de l'armée birmane. Le chef du BBS, Gnanasara Thero, avait affirmé en mai 2017 lors d'une conférence de presse que ces réfugiés étaient venus envahir le Sri Lanka.
Le premier ministre s'est dit décidé à contenir les violences: «le gouvernement condamne les actes violents et racistes. L'état d'urgence a été proclamé et nous n'hésiterons pas à prendre d'autres mesures si nécessaire», a-t-il déclaré. Mais pour Alan Keenan, chercheur à l'International Crisis Group, le chef du gouvernement a peu de marges de manœuvre. «Les moines bouddhistes jouissent d'un statut social très particulier et les interpeller serait perçu comme un manque de respect envers le clergé.» Autre problème: l'ancien président Mahinda Rajapakse, opposant au premier ministre, ne cache pas ses sympathies pour les extrémistes. Or Rajapakse garde de nombreux soutiens dans les forces de sécurité et certains observateurs pensent que l'armée et la police, qui lui seraient fidèles, laissent faire les émeutiers.

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Mineurs étrangers : l'État va ajuster son aide (07.03.2018)
Par Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 07/03/2018 à 21h17 | Publié le 07/03/2018 à 19h54
Matignon doit trancher lundi entre plusieurs hypothèses pour soutenir financièrement les départements dont les dépenses d'aide sociale à l'enfance ont explosé avec les récentes vagues migratoires.
La question des «mineurs non accompagnés» (MNA) va-t-elle trouver sa solution? Le premier ministre a entre les mains, depuis la mi-février, un rapport d'une cinquantaine de pages censé lui fournir des pistes de sortie de crise, alors que la France a dû accueillir plus de 50.000 de ces jeunes étrangers l'an dernier. Or tous ne sont pas mineurs, tant s'en faut.
Édouard Philippe a lui-même commandé ce travail aux Inspections générales de l'administration (IGA), des affaires sociales (IGAS), de la justice (IGJ) mais aussi à l'Assemblée des départements de France (ADF). Sa lettre de mission, cosignée par le président de l'ADF, Dominique Bussereau, indique: «Selon les estimations portées à notre connaissance, une majorité des personnes demandant à accéder au dispositif des MNA sont en réalité majeures».
Le 12 mars prochain, l'hôte de Matignon doit donc trancher parmi divers scénarios qui lui sont proposés. Il s'agit bien de conjurer l'enfer budgétaire dans lequel les récentes vagues migratoires ont plongé les Conseils départementaux, seuls responsables de l'aide sociale à l'enfance.
«Les départements ont pris en charge 25.000 mineurs l'an dernier, la seule facture 2017 s'élève donc à 1,25 milliard d'euros!»
Pierre Monzani, directeur général de l'ADF
L'État ne finance, pour l'heure, que la phase d'évaluation du mineur étranger: 250 euros par jour dans la limite de cinq jours, soit 1250 euros de participation pour un coût total estimé à 50.000 euros par jeune et par an. «Les départements ont pris en charge 25.000 mineurs l'an dernier, la seule facture 2017 s'élève donc à 1,25 milliard d'euros!», résume le préfet Pierre Monzani, directeur général de l'ADF.
Comment en sortir? Première hypothèse: l'État prend tout à sa charge. «Cette affaire n'est-elle pas la conséquence directe de la politique migratoire d'essence régalienne?», interroge-t-on chez Bussereau. Les promesses faites par Emmanuel Macron, en juillet dernier, à une délégation de l'ADF ont nourri, c'est vrai, certains espoirs, «mais il ne faut pas trop rêver», pronostique un président de département.
Autre hypothèse: un panachage, qui pourrait avoir la faveur du gouvernement. Les départements seraient aidés dans la phase d'évaluation du jeune durant vingt jours et non plus seulement cinq jours, pour coller aux délais réels. Et l'État prendrait en plus 30 % du coût de l'aide sociale à l'enfance pour ces mineurs, comme cela fut imaginé sous Valls puis Cazeneuve.
Quelle que soit l'hypothèse retenue, le projet de loi de finances 2018 est déjà bouclé et accordera une participation étatique globale limitée à 132 millions d'euros pour les mineurs étrangers isolés
Dans cette hypothèse, l'apport financier de l'État interviendrait au-delà d'un «seuil raisonnable» fixé à 13.000 mineurs mis à l'abri. Concrètement, sur 25.000 mineurs pris en compte dans les départements, l'État ne financerait que les 12.000 mineurs considérés comme en surnombre.
Matignon retiendra-t-il la base de 50.000 euros par an et par enfant, calculée par les départements? Rien n'est moins sûr. Le montant journalier estimé pourrait être revu à la baisse, autour de 40.000 euros. «Et pourtant, le coût réel est bien de 50.000 euros», rappelle-t-on à l'ADF.
Quelle que soit l'hypothèse retenue, le projet de loi de finances 2018 est déjà bouclé et accordera une participation étatique globale limitée à 132 millions d'euros pour les mineurs étrangers isolés. «En gros, l'État ne finance, à ce jour, que 10 % du coût réel de la politique migratoire concernant les mineurs», confie un patron de département.
La bataille financière ne fait que commencer. À l'ADF, la vigilance est de mise. L'assemblée présidée par Dominique Bussereau aimerait obtenir des garanties au cas où le flux migratoire viendrait encore à s'accentuer. «Il faudra, dit-on dans son entourage, que l'État ait prévu quelle sera sa participation si, demain, 75.000 à 100.000 jeunes étrangers se présentent au guichet de l'aide sociale à l'enfance en un an.» Une hypothèse qui est loin d'être farfelue.

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La cité perdue des pharaons noirs (06.03.2018)

Par Vincent Bordenave
Mis à jour le 07/03/2018 à 11h35 | Publié le 06/03/2018 à 18h22
EN IMAGES - Une équipe d'archéologues pilotée par des Français a mis au jour la plus grande collection de pièces en langue méroïtique, la plus ancienne langue d'Afrique noire, dans une nécropole au Soudan.
Relancées en 2009, les fouilles du site archéologique de Sedeinga, au Soudan, ne cessent de révéler de nouveaux secrets sur le Royaume de Koush, une civilisation qui a occupé le Nil moyen entre le VIIIe siècle avant J.-C. et le IVe siècle après J.-C., et dont la langue, le méroïtique, reste encore aujourd'hui mystérieuse. Ses habitants ont régné sur l'actuel Soudan pendant plus de 1000 ans, contrôlant les voies d'accès entre l'Égypte, la mer Rouge et le reste de l'Afrique. Leur culture est un mélange étonnant de traditions africaines et de culture égyptienne pharaonique. Ce sont en quelque sorte les pharaons noirs d'Afrique.
Fin 2017, une équipe internationale d'archéologues, pilotée par des chercheurs du CNRS, a notamment mis au jour de nouvelles stèles et tombes dans cette vaste nécropole de Sedeinga, qui abrite aujourd'hui la plus grande collection de textes rédigés en méroïtique, la langue la plus ancienne d'Afrique noire. «La nécropole de Sedeinga s'étend sur plus de 25 hectares et abrite les vestiges d'au moins quatre-vingts pyramides de briques et de plus d'une centaine de tombes», explique Claude Rilly, chercheur au CNRS et directeur de la mission. «Les stèles misent au jour en novembre et décembre derniers datent pour leur majorité du IIe siècle après J.-C., soit le début du déclin de la société méroïtique.»
Une société méconnue
Le Royaume de Koush ne bénéficie pas de la même notoriété que ses voisins égyptiens. «Pourtant, on peut parler de deux versants d'une même civilisation pharaonique», explique Claude Rilly. Pendant longtemps, les recherches y ont été négligées. Les chercheurs ne disposent pour l'heure que de 2000 textes, ce qui donne aux découvertes de Sedeinga une importance toute particulière. D'autant plus que si on arrive parfaitement à déchiffrer les écritures, on ne parvient pas encore à comprendre correctement la langue. «Lire une langue, ce n'est pas forcément la même chose que la comprendre», explique Claude Rilly. «Les textes retrouvés sont écrits en caractères démotiques. Un alphabet en quelque sorte dérivé des hiéroglyphes et présent sur la pierre de Rosette. C'est une sorte de langage sténo.»
Les deux peuples sont très liés. Le royaume de Koush est devenu autonome à la suite de l'éclatement du Nouvel Empire égyptien au VIIIe siècle avant J.-C., après plus de huit siècles de domination. «Les deux civilisations sont restées tellement proches qu'à plusieurs reprises les Méroïtes ont tenté d'envahir l'Égypte», raconte le chercheur. De cette longue période de domination, les Méroïtes ont gardé (entre autres) une partie de la mythologie égyptienne. Des représentations de la déesse égyptienne de l'ordre, de l'équité et de la paie, Maât, ont par exemple été mis au jour sur le site. Il s'agit de la première représentation connue de cette déesse avec des traits africains. «La moitié de leurs dieux était en quelque sorte “piquée” aux Égyptiens», explique Claude Rilly.
«Dans la société méroïtique, ce sont les femmes qui incarnent le prestige et qui en transmettent l'héritage. (...) Elles occupent une place centrale et peuvent même être pharaons!»
Claude Rilly, chercheur au CNRS et directeur de la mission
La ville de Sedeinga était une grosse ville provinciale. «C'était une ville très riche. Il y a quelques années, nous avons retrouvé la dépouille d'un enfant avec un collier de perles millefiori (très colorées, avec des dessins de fleurs, NDLR), comme je n'en avais jamais vu jusque-là!», explique Claude Rilly. Le site est sur la piste des 40 jours, un lieu stratégique qui est encore aujourd'hui utilisé par les caravanes de dromadaires. La ville devait largement bénéficier des revenus liés au commerce. «À l'époque, c'était sûrement des ânes, mais on peut tout à fait imaginer que ce chemin était déjà largement emprunté», rajoute le directeur de la mission.
Autre signe de l'importance de cette cité, plusieurs stèles de femmes importantes, proches de notables de grandes cités, ont été inhumées ici. Les archéologues ont découvert une stèle au nom de la Dame Maliwarasea, sœur de deux grands prêtres d'Amon (plus haut rang sacerdotal) et dont l'un des fils a exercé la fonction de gouverneur d'une grande cité en bordure du Nil. Une sépulture a été retrouvée portant le nom d'Adatalabe, une haute dame issue d'une illustre lignée qui comprend un prince royal, membre de la famille régnante de Méroé (la capitale du royaume après le IVe siècle avant J.-C.). «Ces deux stèles ne sont pas des cas isolés», détaille Claude Rilly. «Dans la société méroïtique, ce sont en effet les femmes qui incarnent le prestige et qui en transmettent l'héritage. La lignée est matrilinéaire. Les femmes y occupent une place centrale et peuvent même être pharaons!»
«Cette région est une porte d'entrée pour appréhender l'histoire antique de l'Afrique noire. Car si les sources sont rares pour les Méroïtes, elles sont encore plus rares plus au sud», ajoute le chercheur. Les constructions en briques bâties sur du sable se conservent très bien, alors qu'il est très difficile de retrouver des vestiges dans des zones tropicales. Dernier élément primordial, la proximité des Méroïtes avec les Grecs et les Romains nous permet de bénéficier de (rares) sources extérieures, ce qui n'est pas le cas pour les autres civilisations noires africaines de l'époque. «Mais notre niveau de connaissance reste encore très parcellaire», regrette Claude Rilly. «C'est pourquoi les découvertes du site sont incroyables!»
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Pourquoi la France est toujours la championne des dépenses publiques… et risque de le rester (07.03.2018)

Par Guillaume Guichard
Mis à jour le 07/03/2018 à 20h46 | Publié le 07/03/2018 à 20h18
INFO LE FIGARO - François Écalle, spécialiste des finances publiques, a analysé les finances de l'État pour comprendre les raisons de ce record et l'écart affiché par rapport à ses voisins européens.

François Écalle, spécialiste des finances publiques. - Crédits photo : Thomas Padilla//MAXPPP
La France est, on le sait, la championne de la zone euro en matière de finances publiques. Si les dépenses de l'État, de la Sécurité sociale et des collectivités locales représentent plus de la moitié de la richesse nationale, soit 56,4 % du PIB en 2016, les raisons précises de ce record hexagonal sont moins souvent mises en avant. Dans une note inédite que publie Le Figaro, le spécialiste des finances publiques, François Écalle, a analysé les données d'Eurostat pour trouver dans quels domaines la sphère publique française est plus dispendieuse que la plupart de ses voisins européens.
Ce magistrat de la Cour des comptes en disponibilité, qui a créé le très instructif site Fipeco, relève que l'écart entre les dépenses publiques françaises et la moyenne de la zone euro s'est creusé, en dix ans, de plus de 2 points de PIB, passant de 6,5 à 8,8 points de PIB entre 2006 et 2016. Un delta loin d'être anodin car un point de PIB vaut un peu plus de 20 milliards d'euros. «Le coût des politiques publiques a plus augmenté en France que dans la zone euro», résume ainsi François Écalle.
«Des choses courageuses ont été faites par la nouvelle majorité, comme la baisse drastique du nombre de contrats aidés. Mais les efforts ne sont - à ce jour - pas à la hauteur des enjeux»
François Écalle, spécialiste des finances publiques
La principale raison? Le modèle social français. Son coût, déjà très supérieur à la moyenne de la zone euro en 2006, a continué à s'envoler en raison de la crise plus vite qu'ailleurs. Il atteint 31,5 % du PIB en 2016, contre 26,7 % chez nos voisins. En cause, des mesures d'économies insuffisantes en matière de retraite. Malgré la réforme des régimes spéciaux de 2008, celle du régime général de 2010, puis celle - la première prise sous un gouvernement socialiste - de 2014, les dépenses de pension ont progressé plus rapidement en France que dans le reste de la zone euro (+2 points, contre +1,5 point de PIB). Les partenaires européens ont en effet été plus loin dans leurs réformes, l'Espagne ayant par exemple décidé en 2011 de repousser à terme l'âge légal de départ à la retraite de 65 à 67 ans.
«Tandis que peu d'efforts ont porté sur la sécurité sociale, beaucoup a été fait en revanche dans la sphère de l'État», analyse François Écalle. Cela se traduit dans les «services généraux», domaine un peu fourre-tout pour lequel la France est passée de 0,2 point sous la moyenne de la zone euro, à 6,1 % du PIB. Un mérite somme toute relatif: la France s'endette en effet à des taux d'intérêt inférieurs à ceux de l'Italie ou de l'Espagne…

Efforts insuffisants
Pour le reste des frais généraux, «la maison France est plutôt bien tenue», estime tout de même le magistrat financier. La révision générale des politiques publiques (RGPP) sous Nicolas Sarkozy et les quelques économies réalisées sous François Hollande ont porté leurs fruits. Certains ministères, comme à Bercy ou aux Transports, ont vu ainsi leurs effectifs fondre. Au-delà, la France continue de dépenser plus que ses partenaires dans d'autres domaines de l'action publique, notamment le logement et l'éducation sans que ces crédits importants débouchent pour autant sur de meilleurs résultats que dans les pays voisins.
Les mesures d'économies votées à l'automne et celles qui doivent être présentées au printemps changeront-elles la donne? «Des choses courageuses ont été faites, comme la baisse drastique du nombre de contrats aidés, analyse François Écalle. Mais les efforts ne sont - à ce jour - pas à la hauteur des enjeux.» L'exécutif ambitionne de diminuer la part des dépenses publiques dans le PIB d'ici 2022, à 51,6 % du PIB (avec crédits d'impôts). Louable, mais insuffisant pour combler l'écart actuel séparant la France de la moyenne de la zone euro.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 08/03/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Fiscalité, budget de l'État, finances locales
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Olivier Delacroix : «Bernard de La Villardière tient parfois des propos dangereux» (07.03.2018)

  • Mis à jour le 07/03/2018 à 15:04 
  • Publié le 07/03/2018 à 15:04
Olivier Delacroix : «La banlieue se méfie des médias»
INTERVIEW / VIDÉO – Le confident du service public signe un documentaire intitulé Le parcours des combattantes ce mercredi soir sur France 5. Invité du Buzz TV, il évoque le retour de son magazine Dans les yeux d’Olivier sur France 2.
INTERVIEW / VIDÉO - Le présentateur signe un documentaire intitulé Le parcours des combattantes ce mercredi soir sur France 5. Invité du Buzz TV, il se livre sans détour sur le numéro de Dossier Tabou consacré à l’islam sur M6.
Dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes qui se tient cette semaine, Olivier Delacroix a choisi de braquer ses caméras sur quatre mamans au parcours extraordinaire. Dans le documentaire Le parcours des combattantes diffusé ce mercredi soir sur France 5, le confident préféré du service public donne la parole à Sylvie, Nadia, Tishou et Laetitia, quatre femmes qui ont grandi en Seine-Saint-Denis. Promises à un avenir incertain dans des quartiers repliés sur eux-mêmes, elles ont décidé de se battre pour accéder à la vie qu’elles mènent aujourd’hui. À travers ces témoignages édifiants, Olivier Delacroix propose une vision optimiste de la banlieue.
Invité du Buzz TV (voir vidéo ci-dessus), le présentateur du magazine Dans les yeux d’Olivier s’est exprimé sans langue de bois sur Bernard de La Villardière. Ce dernier avait présenté en septembre 2016 un numéro de Dossier Tabou sur M6 dans lequel il s’intéressait à l’islam dans les quartiers. Une enquête qui, selon Olivier Delacroix, créé des tensions au sein de la population. «Les propos de Bernard de La Villardière sont parfois dangereux. Il ne faut pas voir derrière chaque femme voilée l’épouse d’un terroriste. […] Comme il y a de plus en plus de musulmans en France, il faut trouver des solutions pour vivre ensemble. En faisant Dossier Tabou, on déconstruit la société, on lui fait du mal et c’est de l’info à deux balles», estime-t-il. Après la Seine-Saint-Denis, Olivier Delacroix se focalisera sur les quartiers Nord de Marseille dans le cadre d’un numéro inédit de son magazine Dans les yeux d’Olivier sur France 2.

Quand la révolte des peuples occidentaux menace l'Europe de Bruxelles… (09.03.2018)
Par Eric Zemmour
Publié le 09/03/2018 à 08h00
CHRONIQUE - Pour Eric Zemmour, les électeurs des pays européens donnent tout le temps tort aux formations politiques immigrationnistes.
On se souvient de la boutade de Bill Clinton, à peine élu président des États-Unis, en 1992, lancée à George Bush, qui se croyait assuré de sa réélection, après sa campagne victorieuse en Irak: «L'économie, idiot!» On pourrait aujourd'hui parodier la boutade clintonienne: «L'immigration, idiot!»
En Italie après l'Allemagne, en Autriche après le Brexit: à chaque fois,l'immigration s'impose comme le thème majeur des élections. À chaque fois, elle déboulonne les sortants et offre la victoire aux formations les plus déterminées à la combattre. Merkel puis Renzi sont les grandes victimes, l'AFD puis la Ligue, les grands vainqueurs.
«En Italie comme ailleurs, l'immigration s'impose chaque fois comme le thème majeur des élections»
Nos médias expliquaient il y a peu que la coupure se situait entre l'est et l'ouest de l'Europe, entre des sociétés encore archaïques qui n'avaient pas de longue tradition démocratique, celles de l'Est, et les nôtres, vieilles démocraties admirables, sociétés multiculturelles détachées de leurs racines chrétiennes, États de droit impeccables.
Tout cela n'était qu'un mythe. Les élections en Europe de l'Ouest prouvent que les peuples occidentaux sont d'accord avec les dirigeants de l'Est. L'alliance est à portée de main. Ceux qui se lamentaient sur la coupure du continent peuvent se consoler. Mais la réconciliation se fera sur le dos des élites occidentales. Et sur leurs fameuses «valeurs» érigées en principes fondateurs de l'Union.
C'est là le nœud gordien de ce drame historique. La vague migratoire inouïe que nous subissons n'est pas un effet secondaire de l'Union européenne. Elle est la quintessence de son idéologie - on pourrait dire de sa philosophie qui, hantée par le souvenir hitlérien, considère qu'une nation ne repose plus sur un peuple ni sur une terre, mais sur des valeurs ; que les frontières sont des barrières inutiles et même nuisibles au commerce ; que les hommes sont interchangeables, simples producteurs et consommateurs sans passé, racines ni identité ; que les États n'ont le droit ni de repousser les étrangers qui viennent sur leur sol, ni de les discriminer en conservant des privilèges (sociaux) à leurs nationaux, ni même de les assimiler à la culture dominante de leur nation.
La rebellion des peuples
C'est ce qu'à Bruxelles on appelle avec emphase les sociétés ouvertes et l'état de droit. On dit communément que l'Europe a laissé l'Italie seule face à la vague migratoire qui déferle sur ses côtes. C'est pire que cela. L'Europe, par la jurisprudence de ses juges, a obligé l'Italie à accueillir tous ceux qui voulaient l'envahir, à sauver toutes les embarcations, à la plus grande joie des passeurs, et lui a pratiquement interdit de les renvoyer chez eux.
Cette révolte des peuples occidentaux, au cœur des pays fondateurs de l'Union, menace l'Europe comme jamais. À Bruxelles, on doit désormais choisir: défendre les fameuses «valeurs» ou subir les coups de bélier des peuples. C'est une question de vie ou de mort. Pour l'Europe, mais aussi pour les nations qui la composent. Lamartine disait: «Toutes les fois qu'une théorie est en contradiction avec le salut d'une société, c'est que cette théorie est fausse ; car la société est la vérité suprême.»
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Journaliste, chroniqueur
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Ivan Rioufol : «S'ouvre le procès de l'Union européenne…» (08.03.2018)

Par Ivan Rioufol
Publié le 08/03/2018 à 21h33
CHRONIQUE - La victoire en Italie des souverainistes et des antisystème sanctionne l'obstination de l'Union européenne à ne pas entendre les désirs des peuples.
C'est non. Une majorité d'Italiens, pays cofondateur de l'Union européenne (UE), ne veut plus de cette machine à déraciner les peuples. La victoire, dimanche, des souverainistes et des antisystème (plus de 50 % des suffrages) donne un message clair: les intimidations des moralistes ont vécu. Exit, le prêchi-prêcha de l'UE sur le vivre-ensemble, la non-discrimination, l'accueil des «migrants». Exit, les anathèmes des mondialistes contre les racistes, les xénophobes, les extrémistes ; bref, contre ceux qui ne pensent pas correctement. Après les Anglais, Polonais, Hongrois, Autrichiens, etc., les Italiens ont rappelé que l'immigration massive était vécue comme une menace. Ils ne veulent plus de cette agression, aggravée par la déstabilisation de la Libye: ce pays a jeté à la mer des milliers de clandestins, parfois soutenus par des réseaux islamistes. Le procès de l'UE, qui s'est construite sur l'ouverture des frontières, est ouvert.
Les immigrationnistes auraient tort de se rassurer en regardant l'Allemagne. Certes, Angela Merkel a sauvé sa place, grâce à l'accord de coalition renouvelé après six mois de poussives tractations. Mais la folle décision de la chancelière, responsable de l'entrée de plus d'un million de musulmans en 2015, a installé une inquiétude ; elle explique son affaiblissement. Une même angoisse existentielle relie l'ouest à l'est de l'Europe. L'AfD (Alternative pour l'Allemagne), qui alerte sur l'invasion africaine et arabe, est devenue le premier parti d'opposition. «Nous sommes un parti libéral conservateur», assure Alice Weidel, présidente du groupe au Bundestag. En septembre, à la Sorbonne, Emmanuel Macron s'en était pris aux «souverainistes de repli» et à leurs «passions tristes». Depuis dimanche, il se retrouve isolé dans son projet de «refondation» de l'UE. Même son clone italien, l'ex-chef du gouvernement Matteo Renzi, a été remercié.
«La dynamique qui traverse l'Europe, mais aussi les États-Unis, est identitaire. Le clivage est entre les mondialistes et les souverainistes, les déracinés et les indigènes, les ”in“ et les ”out“»
S'il y a un «dégagisme», il menace l'UE et ses porte-voix, parmi lesquels Macron prédomine. La chute de Renzi, qui a quitté lundi la direction du Parti démocrate après sa raclée aux législatives (18,7 % des voix), a valeur d'avertissement: enfant chéri de l'EU et de ses valeurs d'humanitarisme et d'universalisme, Renzi s'est heurté à l'incompréhension de ses compatriotes, également touchés par le chômage. Le même sort attend-il Macron? Le chef de l'État s'est persuadé que la question économique et sociale restait le moteur de l'histoire. Or cette analyse parcellaire est fausse. La dynamique qui traverse l'Europe, mais aussi les États-Unis, est identitaire. Le clivage est entre les mondialistes et les souverainistes, les déracinés et les indigènes, les «in» et les «out».
Il suffit d'écouter les représentants de l'UE dénoncer le «populisme», refrain repris par le chœur médiatique, pour mesurer le mal dont souffre cette Europe mal pensée et mal dirigée: elle ne veut entendre le peuple qu'à la condition qu'il file doux. Est «populiste» celui qui s'oppose à l'idéologie bruxelloise, à ses lubies postnationales et multiculturelles. Les caricatures et les injures qui pleuvent sur ceux qui protestent sont des procédés de régimes agonisants, incapables de susciter l'adhésion des gens. Il est probable que les attaques des eurocrates en sursis et de leurs suiveurs vont se faire encore plus violentes. Des commentateurs ne craignent pas d'annoncer, ici et là en Europe, le retour du néonazisme ou du néofascisme. En réalité, les peuples insultés ne sont coupables de rien, sinon de vouloir reprendre leur destin en main. Serait-il devenu dangereux de se dire attaché à sa nation, à sa culture, à ses frontières? L'UE en est convaincue…
Convergence avec la Ligue arabe
Il serait temps de s'alarmer des compromissions de l'UE avec ce monde islamique qui la manipule. La politique pro-arabe, généralisée par l'Union après 1973 sous la pression de la crise pétrolière, explique le choix de s'ouvrir à la civilisation musulmane pour s'attirer ses faveurs. Or celle-ci vient grossir les contre-sociétés au cœur des nations ouvertes. Quand Matteo Salvini, le leader de la Ligue qui revendique la direction du gouvernement italien, déclare: «Je suis un ami et un frère d'Israël», celui qui est présenté par les médias comme un extrémiste de droite invite à regarder de près la politique extérieure de l'UE: son parti pris anti-israélien a fait dire à Federica Mogherini, parlant au nom de l'UE le 27 février, que l'Europe avait avec la Ligue arabe «une convergence complète d'objectifs» sur la relance du processus de paix. La décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël a été critiquée. Cette soumission s'ajoute à celles déjà actées dans le cadre du «Dialogue euro-arabe». Mais ces concessions ont conduit à rendre l'islam politique intouchable. Le loup est présenté comme un agneau.
«Les peuples insultés ne sont coupables de rien, sinon de vouloir reprendre leur destin en main»
C'est sous l'influence de la Coopération euro-arabe, depuis longtemps dénoncée par l'essayiste Bat Ye'or, que des pays d'Europe se sont pliés aux exigences islamiques. Comme le rappelle Pierre Rehov (FigaroVox), la Suède a pris la tête de cette capitulation: elle voit par exemple une «incitation à la haine» dans l'utilisation du terme «terrorisme islamique». Le journaliste allemand Michael Stürzenberger a été condamné à six mois de prison et 100 heures de travaux d'intérêt général par le tribunal de Munich pour avoir publié sur sa page Facebook une photo du grand mufti al-Husseini en compagnie d'Hitler ; le journaliste a été déclaré coupable «d'incitation à la haine envers l'islam». En France, Marine Le Pen vient d'être mise en examen pour avoir diffusé sur Twitter des photos d'exactions de l'État islamique. L'assassinat de Sarah Halimi, défenestrée en avril 2017 à Paris par un musulman hurlant «Allah akbar», a été occulté avant que la justice n'accepte de reconnaître, onze mois après, l'évidence de l'acte antisémite…
Ne pas stigmatiser
Mercredi, au dîner du Conseil représentatif des institutions juives (Crif), le chef de l'État a répété que le choix de Jérusalem comme capitale était «une véritable erreur de Trump». S'il a évidemment dénoncé l'antisémitisme en France, il l'a présenté comme une «résurgence», se gardant de parler de l'antisémitisme musulman. Surtout, ne pas stigmatiser l'islam ou le Coran. Les consignes de l'UE ont été bien comprises.
En fait, c'est l'utopie d'un monde sans frontière qui rencontre son échec. À la claque italienne s'ajoute celle de Trump, qui menace de relancer le protectionnisme économique. Un autre monde se profile. L'EU va devoir s'y plier.

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Législatives en Italie : la défaite de Bruxelles (06.03.2018)

Par Paul Sugy
Publié le 06/03/2018 à 11h12
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Christophe Bouillaud voit dans les élections italiennes de dimanche la confirmation d'un mouvement général de rejet, par les périphéries européennes, des mesures d'austérité budgétaire et de la politique migratoire de Bruxelles. Avec Matteo Renzi, c'est aussi toute la social-démocratie qui est mise en échec.

Ancien élève de l'École normale supérieure, Christophe Bouillaud est professeur agrégé de science politique à l'Institut d'études politiques de Grenoble depuis 1999 et agrégé de sciences sociales. Il est spécialiste de la politique italienne.

FIGAROVOX.- À l'heure qu'il est, on ne sait pas encore quel camp sera véritablement le vainqueur des élections en Italie. Mais on connaît au moins le nom des perdants: Matteo Renzi, et avec lui l'Union européenne et la social-démocratie…
Christophe BOUILLAUD.- Oui, vous avez entièrement raison là-dessus: le Parti démocrate a largement perdu l'élection, et avec lui tous les petits partis centristes, incapables de dépasser à eux tous la barre des 5 %. Et c'est clair et net: l'électorat italien a refusé l'Union européenne, et la politique économique qu'elle a imposée à Matteo Renzi. Celui-ci a échoué, alors même que la relance économique qu'il avait promise commençait à poindre ; le hic, c'est que la faiblesse de la politique de redistribution a empêché tout l'électorat du Sud du pays de profiter des retombées de ce regain.
L'électorat italien a refusé l'Union européenne, et la politique économique qu'elle a imposée à Matteo Renzi
En outre, Matteo Renzi connaît là un échec personnel, qui vient sanctionner sa manière de gouverner: il a tenté d'imposer au parti démocrate un leadership plutôt de droite, à la façon de Berlusconi: il a fait cavalier seul. Cela n'a pas plu aux petits chefs du parti, qui sont partis dans leur coin pour fonder un autre organe politique dont le nom était justement «Libres et égaux», et ce n'est pas un hasard! C'est une référence évidemment à la Constitution italienne, mais également un désaveu du modèle de gouvernance imposé par Renzi. Il a manqué aux démocrates un jeu collectif, car Matteo Renzi s'est comporté comme un prince entouré de courtisans, à mille lieues du modèle traditionnel des socio-démocrates en Europe, et aussi de tous les partis de l'arc constitutionnel de la Ière République (1946-1992) dont est issu l'actuel Parti démocrate. Or ces partis (communistes, démocrates-chrétiens, socialistes, etc.) avaient toujours refusé de se donner des chefs autocratiques à cause de la mémoire du fascisme contre lequel ils avaient tous lutté de 1922 à 1945.
La ressemblance entre Matteo Renzi et Emmanuel Macron est assez frappante de ce point de vue: même ligne politique, et même propension à vouloir s'imposer comme l'unique leader de leur courant… La chute de l'un est-elle un mauvais signal pour l'autre?
La différence tout de même, c'est qu'Emmanuel Macron est à la tête d'un parti qu'il a lui-même créé et dont pour le moment aucune dissidence crédible ne peut émerger! En revanche, là où la chute de Matteo Renzi est un mauvais signal pour Emmanuel Macron, c'est du point de vue économique: les Italiens ont exprimé un rejet massif des politiques d'austérité, et ont censuré les partis qui n'avaient que ce modèle à leur vendre. Si Emmanuel Macron persiste lui-même dans cette voie, à savoir d'imposer l'austérité, il y a fort à parier qu'il finisse par connaître de sérieux revers électoraux. Idem pour la libéralisation du marché du travail, dont les résultats en Italie ont été médiocres et qui a fortement accentué le mécontentement des électeurs.
Quels sont les points majeurs de désaccord entre le peuple italien et la politique de Bruxelles?
J'en vois principalement deux, et un troisième plus anecdotique. Mais tout d'abord, c'est une fois de plus l'austérité qui a été massivement rejetée par les Italiens. Ils se sont prononcés contre une politique conduite en fonction des critères de Maastricht, c'est-à-dire le plafonnement à 3 % du déficit budgétaire annuel, qui ont conduit Matteo Renzi à mener une politique très stricte avec un faible nombre d'investissements publics. Les électeurs italiens, eux, souhaitent des investissements publics plus nombreux et de plus grande envergure, tout en augmentant la redistribution des revenus, et en limitant si possible la fiscalité. Il y a donc un vrai conflit entre la politique économique de rigueur budgétaire qu'exige Bruxelles, et qui a été conduite dans le pays depuis l'arrivée au pouvoir de Mario Monti en 2011, et leurs attentes. D'ailleurs, les grands journaux italiens, pourtant favorables à l'Union européenne, n'ont pas manqué de relever l'incompatibilité entre les promesses électorales de tous les partis importants et même du Parti démocrate de Matteo Renzi lui-même, et les normes dictées par l'UE.
Le fonctionnement actuel de l'Union européenne est largement défavorable aux pays méditerranéens comme l'Italie ou la Grèce.
Il y a ensuite la question migratoire, seconde raison du désaveu massif de l'Union européenne par les Italiens. Ceux-ci ont l'impression, et à juste titre, d'avoir été laissés seuls face à l'immigration. En effet, le maintien en vigueur du règlement de Dublin qui détermine les responsabilités des Etats-membres en matière de demandes d'asile permet aux pays limitrophes de l'Italie de fermer leurs frontières, et les clandestins qui arrivent sur les côtes italiennes doivent faire leur demande d'asile en Italie. En somme, le fonctionnement actuel de l'Union européenne est largement défavorable aux pays méditerranéens comme l'Italie ou la Grèce. Et les Italiens en veulent d'autant plus à la France, mais aussi au Royaume-Uni, qu'ils leur reprochent d'avoir déstabilisé la Lybie et ensuite la Syrie, précipitant ainsi une crise migratoire dont ils refusent aujourd'hui d'assumer les conséquences, pour des raisons de politique intérieure.
Enfin, bien des Italiens sont déçus pour ne pas dire plus de voir que la corruption des grands partis européistes est toujours d'actualité, et n'a jamais été condamnée par les autorités européennes. Bruxelles perd là une part de sa légitimité, car l'Europe devait améliorer la gouvernance italienne et moderniser la vie politique. Cette promesse-là aussi, l'Union européenne n'a pas su la tenir: la politique italienne est toujours aussi navrante qu'auparavant. Je ne crois pas par exemple que l'accueil fait par Jean-Claude Juncker en tant que Président de la Commission à un Silvio Berlusconi, pourtant définitivement condamné, ait été une bonne chose pour l'image de l'Europe en Italie.
Ces élections confirment-elles que les eurosceptiques sont en train s'imposer de part et d'autre de l'Europe?
Il est indéniable en effet qu'il y a actuellement une forte poussée de l'euroscepticisme dans l'Union. Celui-ci provient des périphéries, aux marges de pays qui ont délaissé une partie de leurs territoires: le Sud de l'Italie, le Nord de l'Angleterre, l'Est de l'Allemagne et de la Pologne… Ces territoires sont ceux qui ont été touchés de plein fouet par les vagues d'austérité partout en Europe. En réalité, pour unifier une zone économique tout en conservant un équilibre entre les territoires, il aurait davantage fallu faire des transferts de richesses depuis les centres de ce nouvel espace économique vers les territoires marginaux. Et cela, l'Union européenne le sait au moins depuis les années 1980, au cours desquelles elle a mis en place des politiques de cohésion en faveur de l'Espagne et du Portugal. Mais l'insuffisance de ces transferts fait qu'aujourd'hui, en Italie comme ailleurs, les eurosceptiques ont le vent en poupe et n'ont jamais été si proches du pouvoir… quand ils ne l'ont pas déjà conquis.
Justement, le Mouvement 5 Étoiles est devenu le premier parti du pays, en arrivant en tête des élections avec 32 % des voix. Le Front national avait connu une percée similaire en 2014, arrivant en tête des élections européennes. Pourtant, cela ne lui a pas suffi pour prendre l'Élysée… le M5S a-t-il malgré tout ses chances pour arriver au gouvernement?
Je crois qu'il existe des différences significatives entre le M5S et le Front national. D'abord, les élections d'hier en Italie étaient des élections législatives, et la très forte poussée du Mouvement 5 Étoiles est bien plus significative que le succès électoral du Front national aux européennes, car le M5S s'implante ici durablement au cœur de la vie politique du pays, au cœur des deux Chambres du Parlement, comme il le fait déjà depuis son premier triomphe électoral de 2013. Cet usage des outils du parlementarisme et de la vie politique ordinaire a été d'autant plus facile qu'il n'est pas ostracisé comme peut l'être le FN. Le M5S a parfois fait des happenings dans l'enceinte parlementaire, mais il a aussi travaillé ses dossiers. Malgré la défection d'une partie de ses députés et sénateurs élus en 2013, il a donc pu jouer pleinement son rôle d'opposition tout au long de la législature, et de fait, il a tenu le choc et ne s'est pas ridiculisé, ce qui n'allait pas de soi pour un parti de jeunes amateurs, ignares en vie parlementaire. Cette normalisation explique sans doute qu'il se soit donc maintenu électoralement, et qu'il ait même largement confirmé ses bons résultats dans le Sud du pays. Il est aujourd'hui en Italie la seule forme d'alternative «anti-système» de création récente qui existe encore: par un phénomène darwinien, tous les autres mouvements qui ont essayé de se placer sur ce créneau ont périclité. Ainsi, le M5S qui représentait-il y a peu un quart des électeurs, obtient maintenant un tiers des voix. Cela va renforcer encore sa présence au Parlement, où, même s'il était relégué dans l'opposition, il pourra s'exercer encore plus à une vie parlementaire approfondie, mener un travail d'opposition plus sérieux que celui du FN qui n'a pas eu de groupe à l'Assemblée depuis 1986-88. Tout se passe en effet comme si le M5S n'avait cessé de se professionnaliser depuis cinq ans, tandis que dans le même temps, le FN n'a pas réussi à sortir de son amateurisme.
Le seul moment où il faudra vraiment une majorité claire au Parlement, ce sera en novembre au moment du vote du budget.
Pour le reste, l'issue politique en terme gouvernemental de ces élections est aujourd'hui très incertaine et nul ne peut se risquer à des pronostics. Ce qui est certain, c'est que le M5S va revendiquer son droit à former un gouvernement, et, s'il n'y parvient pas, il en rejettera la faute sur les autres partis, ce qui peut lui valoir des scores encore meilleurs aux prochaines élections éventuellement organisées dans quelques mois. S'il arrive au gouvernement, il voudra prendre des mesures dont certaines sont peut-être moins radicales que ce que les commentateurs politiques laissent parfois entendre: dans des domaines comme l'écologie par exemple, le M5S est somme toute assez consensuel. Par contre, il faut bien se rendre compte que ni la Ligue de Matteo Salvini, ni le M5S n'iront gouverner l'Italie sans imposer une forme de rupture nette avec toute la période commencée avec l'arrivée en novembre 2011 aux affaires de Mario Monti. Celle-ci apparaît d'ailleurs avec le recul comme le moment clé de l'Italie contemporaine, avec l'échec économique qu'elle a induit aux yeux d'une majorité d'Italiens, et aussi avec la perte de légitimité de l'idée même de «gouvernement technique». C'est d'ailleurs ce qui rend la situation politique compliquée: personne ne veut du retour d'un «technicien» à la tête du gouvernement italien, alors que, depuis les années 1990, ce fut la solution classique de décantation en cas de blocage parlementaire.
À présent, je crois que rien ne presse vraiment, car le gouvernement Gentiloni peut très bien se maintenir encore un moment pour expédier les affaires courantes: à vrai dire, le seul moment où il faudra vraiment qu'une majorité claire se constitue dans les deux chambres du Parlement, ce sera en novembre au moment du vote du budget. C'est donc la date butoir, et d'ici là, il y a tout le temps pour mener les négociations… et même pour revoter une nouvelle fois ce printemps ou au début de l'été, ce qui serait un autre coup de tonnerre dans le contexte italien.
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François d'Orcival: «L'instinct maternel face à la théorie du genre» (09.03.2018)

Par François d'Orcival
Publié le 09/03/2018 à 08h45
CHRONIQUE - Même en situation de détresse sociale, les femmes restent des femmes, c'est-à-dire des mères.
Le vent sibérien a cessé de souffler depuis huit jours, alors on n'en parle plus. Mais les SDF ne se sont pas évanouis, ni les plans d'hébergement d'urgence. Un détail devrait retenir l'attention: le comportement des femmes dénombrées dans la catégorie des mal-logés. Pourquoi? Parce qu'il ne ressemble en rien à celui des hommes. Il y a là une réalité que les débats sur la théorie du genre et l'égalité homme-femme occultent par réflexe idéologique: même en situation de détresse sociale, les femmes restent des femmes, c'est-à-dire des mères.
Sous le vocable SDF sont confondues deux populations: les «sans-domicile» et les «sans-abri». En examinant le rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre ou les notes de l'Insee, il est facile d'obtenir des données chiffrées sur le sujet. Selon les enquêtes les plus récentes, 143.000 personnes, françaises et étrangères, hommes et femmes, adultes et enfants, sont classées «sans domicile», ce qui ne veut pas dire «à la rue», mais hébergées par des services d'urgence, des centres d'accueil, des logements provisoires, etc. Certaines ont un emploi, même fragile, d'autres vivent du RSA, d'autres encore sont sans ressources. Dans ce nombre figurent quelque 30.000 enfants et de plus en plus de migrants demandeurs d'asile, ce qui a fait augmenter cette population de 50 % en dix ans.
Le «sans-abri» est un phénomène masculin
Les «sans-abri», quant à eux, forment un groupe distinct de quelque 6000 personnes ; ce sont ceux que les équipes du Samu social repèrent dans la rue, le métro, les squats, les toits de fortune. Or, si les femmes représentent près de 40 % des «sans-domicile», elles ne sont plus que 5 % des «sans-abri». Le «sans-abri» est un phénomène masculin.
Ce qui signifie que les femmes cherchent une protection, en particulier pour les enfants, et la sécurité. Souvent victimes de violences et de ruptures conjugales, elles réclament un abri apaisant. Et de l'hygiène. C'est pourquoi elles n'hésitent pas à appeler le 115 (l'appel d'urgence sociale) de même qu'elles recherchent un emploi, quel qu'il soit, parce qu'elles ont en tête de retrouver de la stabilité. N'en déplaise aux théoriciens du genre: l'instinct maternel existe bien, et avec lui le besoin d'un retour à la famille, même après sa destruction.
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Jean-Christian Petitfils : «La vertu de l'histoire de France est de montrer que notre pays a connu pire» (09.03.2018)
Par Jean Sévillia
Publié le 09/03/2018 à 09h15
INTERVIEW - Passionné d'histoire des idées politiques et auteur de biographies de référence des rois de France du Grand Siècle, Jean-Christian Petitfils publie une volumineuse synthèse de l'histoire de France. Près de 1200 pages pour raconter 1200 années du passé français : un livre qui s'inscrit sans fard dans la tradition du «roman national».
Il a publié plus de trente livres d'histoire et de science politique. Une œuvre colossale que ce multidiplômé (sciences politiques, droit public, histoire-géographie) a longtemps poursuivie en parallèle à une carrière privée dans le secteur bancaire. Fait rare, la qualité de ses travaux, fondés sur d'authentiques recherches dans les archives, a conduit Jean-Christian Petitfils, qui était au départ un historien du dimanche, à jouir de la même légitimité qu'un professeur d'université. D'abord auteur de monographies d'histoire des idées (La Droite en FranceLe GaullismeLes Socialismes utopiques), il s'est ensuite orienté vers l'étude de l'Ancien Régime avec, notamment, une série de biographies des rois Bourbons (Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Louis XVI) qui l'ont rendu célèbre. Sortant de sa spécialité, il a également publié une biographie de Jésus qui a été un best-seller et qui a suscité de nombreux débats dans les milieux chrétiens. Avec son Histoire de la France , Jean-Christian Petitfils réalise un projet dont il rêvait depuis dix ans.
Votre Histoire de la France est peu ou prou votre trentième livre. Etait-ce un projet ancien que vous avez longtemps mûri?
Jean-Christian Petitfils. - Il arrive un moment où l'historien, après avoir écrit un certain nombre d'ouvrages, est tenté par ce genre de synthèse qui permet de suivre les vastes mouvements de l'histoire à travers les siècles. Mais, pour cela, il est nécessaire de prendre de la hauteur et de mûrir le projet. J'ai commencé à songer à écrire une histoire de France après la parution en 2008 de mon Louis XIII, qui était ma troisième biographie d'un grand roi après Louis XIV et Louis XVI, mais je n'ai commencé à prendre la plume qu'à l'été de 2014, ayant fini d'écrire mon livre sur Louis XV. Cette Histoire de la Francereprésente par conséquent trois ans et demi de travail.
Vous revendiquez la formule de «roman national». Mais peut-on faire de l'histoire scientifique en recourant à ce terme de «roman»?
On peut certes se contenter de faire une histoire scientifique et universitaire de la France, mais on ne saisit pas, avec cette approche, ce qu'est l'âme de la France. Car l'histoire de notre pays, c'est aussi la beauté de ses paysages, de ses villages, de ses églises, de ses cathédrales, «notre dame la France» ou «la Madone aux fresques des murs», comme disait de Gaulle. Sans trahir la vérité et les acquis de la recherche, une bonne histoire joue également sur la corde de l'imaginaire. Il importe d'allier, en quelque sorte, le souffle de Michelet et la science de l'école des Annales. Sans emboucher les trompettes d'un patriotisme cocardier, il n'y a rien de honteux à demander à l'histoire de transmettre un amour vrai, profond et sincère du pays. Pour aimer la France, disait la philosophe Simone Veil, il faut sentir qu'elle a un passé.
«Sans emboucher les trompettes d'un patriotisme cocardier, il n'y a rien de honteux à demander à l'histoire de transmettre un amour vrai, profond et sincère du pays»
L'Histoire mondiale de la France publiée l'an dernier sous la direction de Patrick Boucheron se flatte au contraire de tourner le dos au roman national. Pourquoi cette déconsidération du récit historique et, concomitamment, du cadre national chez beaucoup d'historiens?
C'est un phénomène complexe où plusieurs éléments se conjuguent. Le sentiment de déclin de la France après la Seconde Guerre mondiale. Les séquelles de la guerre d'Algérie qui ont légué à toute une génération un sentiment de culpabilité né de l'histoire de la colonisation. La construction européenne qui a fait croire que les Etats-nations pouvaient être dépassés. Les crispations politiques plus récentes liées à la quasi disparition du gaullisme comme force politique et, de l'autre côté, de la gauche patriote. L'accaparement du thème de l'identité nationale par l'extrême droite et parfois la droite qui, par contrecoup, a provoqué le rejet d'une histoire nationale qui faisait autrefois consensus. Et enfin l'affirmation d'un contre-modèle pernicieux fondé sur le multiculturalisme et le communautarisme, qui réduisent notre héritage à un vague vivre-ensemble qui est en réalité le contraire de notre histoire.
Pierre Nora lançait récemment cet avertissement dans les colonnes duFigaro Magazine: «La dictature de la mémoire menace l'Histoire.» Partagez-vous ce jugement?
Oui. L'instrumentalisation du devoir de mémoire par la morale veut réduire notre destin à un affrontement manichéen des forces du Bien et du Mal, et faire de l'histoire un champ de repentance permanent, dans le registre convenu de l'indignation, de la compassion et du dolorisme. Je n'ignore rien des pages noires de notre passé, mais on ne peut pas prendre en permanence le point de vue des victimes pour récrire toute l'histoire.
Il y a dix ans, la France s'était divisée à l'occasion d'un grand débat sur l'identité nationale. Quels sont, selon vous, les grands traits de l'identité nationale française?
«N'en déplaise à certains, il existe une identité nationale française, qui est une identité ouverte, et qui, mis à part quelques périodes sombres, a nourri le génie de notre pays.»
N'en déplaise à certains, il existe une identité nationale française, qui est une identité ouverte, et qui, mis à part quelques périodes sombres, a nourri le génie de notre pays. Dans mon livre, j'ai essayé de montrer que la France s'est bâtie sur quelques piliers fondateurs. J'en dénombre cinq, même s'il serait possible d'en énumérer davantage. Premièrement, un Etat-nation souverain et centralisé, dont la langue française est un facteur structurant, même s'il est apparu relativement tard puisque la France du peuple a longtemps parlé des langues régionales et des patois. Deuxièmement, un Etat de justice au service du bien commun. Ce caractère n'est pas donné à tous les pays puisque l'Angleterre ou les Etats-Unis se sont plutôt construits sur le thème des libertés de l'individu. Au fil du temps, ce pilier de la justice a évolué vers la notion de justice sociale. Troisièmement, un Etat laïque aux racines chrétiennes. La laïcité, dans cette perspective, n'est pas seulement la laïcité de 1905, c'est aussi le combat qui a été mené par les rois de France pour éviter au pouvoir sacerdotal d'envahir le pouvoir politique. Quatrième pilier, un Etat marqué par des valeurs universelles. Ce trait est fondamental: la France n'est pas un petit pays marginal sur la scène mondiale, c'est un grand pays marqué et porté par des valeurs à vocation universelle. Hier la chrétienté, quand la France était considérée comme la fille aînée de l'Eglise ; aujourd'hui les droits de l'homme, en dépit des dérives qui peuvent résulter d'un certain droit-de-l'hommisme. Demain, peut-être, ce sera l'écologie planétaire où, là aussi, la France peut prendre la tête d'une cause mondiale. En bref, la France a toujours porté un idéal même si, ne soyons pas hypocrites, l'exaltation de la nation se profile vite derrière ces valeurs universelles. Cinquième pilier, enfin, un Etat multiethnique mais assimilateur. La France n'est pas une ethnie, bien sûr, mais la nation s'est forgée à partir de provinces dont les cultures étaient extrêmement diverses, puis, à l'époque moderne, en assimilant des individus venus d'un peu partout. Mais ces cinq piliers, aujourd'hui, se lézardent.
Toute histoire a un début. Pourquoi faites-vous commencer votre Histoire de la France en 841?
Le samedi 25 juin 841 a lieu dans le pays d'Auxerre une bataille fratricide qui oppose les petits-fils de Charlemagne. Une stèle érigée en 1860 par Napoléon III commémore l'événement: «La victoire de Charles le Chauve sépara la France de l'empire d'Occident et fonda l'indépendance de la nationalité française.» Pour moi, c'est le point de départ, prélude au traité de Verdun qui, en 843, attribue à Charles le Chauve la Francie occidentale, soit une grande part de la France actuelle. La France ne naît pas avec Vercingétorix ni avec Clovis, mais du partage de l'Empire carolingien et de la volonté des derniers carolingiens et des premiers capétiens d'édifier un royaume chrétien. Ce nouveau royaume s'est édifié, évidemment, en inscrivant dans son corpus mémoriel des figures du passé, Clovis, Pépin le Bref ou Charlemagne. Quant au sentiment national, il n'apparaît que beaucoup plus tard. Un de ses premiers repères est la bataille de Bouvines, en 1214, mais encore cela ne concerne-t-il que la France du Nord.
Vous êtes spécialiste de l'Ancien Régime. Mais y a-t-il d'autres périodes de notre histoire qui vous passionnent?
Avant d'aborder et d'approfondir l'étude du Grand Siècle, je m'étais intéressé à la bataille des idées politiques, de la Révolution à nos jours, dans le sillage de François Furet, René Rémond, Raoul Girardet, Jean Touchard, et j'avais écrit plusieurs ouvrages de synthèse sur la droite, l'extrême droite, le gaullisme, les socialismes utopiques. Dans mon Histoire de la France, j'ai pu intégrer les réflexions que j'ai tirées de cette étude.
Pouvez-vous citer trois moments glorieux de l'histoire de France? Et trois pages sombres?
«Il ne faut pas faire de la nation un absolu. La France est une communauté naturelle nécessaire et bienfaisante, mais pas une idole.»
Trois? Dans les deux cas, on pourrait en citer bien davantage. Pour l'aspect glorieux, mais je dirais plutôt harmonieux, je retiendrai le beau XIIIe siècle, la France de Saint Louis: c'est la période de construction des cathédrales, une époque de foi profonde, sereine, et le règne d'un roi splendide, Louis IX. Ensuite la période Louis XIV: le zénith de la puissance et du rayonnement culturel et artistique de la France, même s'il y eut des aspects négatifs comme la révocation de l'édit de Nantes ou la traite négrière. Et troisième choix, à l'époque moderne, la brève présidence de Georges Pompidou, qui représente la volonté d'allier la grandeur de la France, sa transformation en grande nation industrielle et le bonheur des Français.
Quant aux pages sombres, je citerai les périodes où la légitimité du pouvoir central a traversé une crise. L'époque du traité de Troyes, en 1420, quand la France est occupée, dépecée, et livrée à l'autorité anglaise. Ensuite la période de la huitième guerre de Religion, quand le pays est abandonné aux luttes de factions, chaque camp, dans cette guerre civile, ayant ses extrêmes qui cherchent des appuis à l'étranger. Troisième exemple, à l'époque moderne, l'histoire tragique du régime de Vichy, où les rares éléments initiaux de souveraineté laissés par l'armistice sont engloutis par la collaboration, le jeu trouble de Laval et de Darlan, la coopération d'une partie de la police et de l'administration dans la déportation des Juifs, les exactions criminelles de la Milice. Mais ces trois pages sombres ne peuvent faire oublier une quatrième: la Terreur de 1793-1794, ce régime totalitaire contredisant non seulement le message des droits de l'homme de 1789, mais toute la tradition française d'équilibre des pouvoirs, car la monarchie classique a connu une forme d'équilibre des pouvoirs.
Si toute histoire a un début, elle a aussi une fin: la France peut-elle mourir? Quelles sont vos raisons d'inquiétude sur son avenir? A contrario, quels sont vos motifs d'avoir foi en l'avenir du pays?
La France peut mourir et, à l'échelle des temps cosmiques, c'est même une certitude. C'est pourquoi il ne faut pas faire de la nation un absolu. La France est une communauté naturelle nécessaire et bienfaisante, mais pas une idole. A l'évidence, ses piliers fondateurs, aujourd'hui, sont attaqués, érodés. Là encore, les facteurs négatifs sont nombreux et divers. Evoquons la dérive des institutions de la Ve République, notamment avec le quinquennat. Les excès de la construction européenne qui, n'ayant pas voulu s'arrêter à une Europe des nations, a accouché d'un système bancal faisant coexister un mécanisme fédéraliste et une logique d'accords entre Etats, compromis insatisfaisant qui conduit une large partie des opinions publiques, dans les grands pays fondateurs de l'Union, à rejeter l'Europe. Citons encore les excès de la décentralisation, et je ne parle pas seulement de la Corse. La montée de l'islamisme radical. La perte de maîtrise de nos frontières. L'échec relatif de l'assimilation, dès lors qu'une part grandissante de la jeunesse d'origine immigrée refuse de se reconnaître comme française, ce qui devient très préoccupant. Et la division profonde entre la France des élites et la France périphérique. J'ajouterai en dernier une crise que nul n'évoque: notre recul démographique.
Ce tableau négatif est à compenser par la liste des atouts dela France. Notre pays est la sixième puissance économique du monde. Il possède un siège au Conseil de sécurité des Nations unies, et demeure une puissance nucléaire majeure. La France dispose d'ingénieurs de très haut niveau, de laboratoires de pointe, d'une recherche scientifique excellente, d'un système de santé envié. Notre pays possède un rayonnement considérable dans le monde. Quand surviennent des attentats à Paris, toute la planète entre en ébullition. Notre pays est encore la première destination touristique au monde.
Il suffirait de peu de choses pour modifier la donne: supprimer les 35 heures, encourager la création de grandes PME exportatrices, rétablir l'école dans sa mission fondamentale de transmission des savoirs. Et, pour les Français, changer de mentalité en renonçant à la sinistrose… La vertu de l'histoire de France, c'est de permettre de comprendre que, malgré la gravité de la crise actuelle, notre pays a connu pire.
Histoire de la France. Le vrai roman national, de Jean-Christian Petitfils. Fayard, 1 152 p., 29 €.
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Une fabrique de «fake news» aux portes de l'Europe (08.03.2018)
Par Marc Cherki
Publié le 08/03/2018 à 20h20
La ville de Veles, en Macédoine, abrite une véritable industrie des fausses nouvelles, où certains sites ressemblant comme deux gouttes d'eau à des sites d'actualité permettent à des éditeurs de gagner jusqu'à 2 500 dollars par jour.
La petite ville de Veles, en Macédoine, est tristement célèbre aux États-Unis. C'est une fabrique de «fake news», de fausses informations diffusées par des sites Internet qui ont capté une audience très importante, initialement grâce à des comptes Facebook et Twitter de personnes imaginaires, créés sans doute dans la même ville de l'ex-Yougoslavie. Quelques mois avant l'élection de Donald Trump aux États-Unis en novembre 2016, le site américain BuzzFeedet celui du quotidien britannique The Guardian ont révélé que cette ville hébergeait une centaine de sites Internet pro-Trump.
Sur le site bidon politicspaper.com, aujourd'hui heureusement disparu, on pouvait à l'époque lire «Bill Clinton a admis être un meurtrier» ou «Michelle Obama trompait son mari avec Eric Holder», l'ancien procureur général des États-Unis. Il s'agissait, bien sûr, de fausses nouvelles.
David Remnick, journaliste au New Yorker, raconte que pendant la dernière campagne, Barack Obama et son directeur politique, David Simas, «ont discuté presque de manière obsessionnelle d'un article de BuzzFeed qui décrivait une ruée vers l'or numérique dans la ville de Veles, quand un groupe de jeunes gens de la ville avait publié plus d'une centaine de sites pro-Trump, avec des centaines de milliers de “followers” sur Facebook. Les sites avaient des noms comme WorldPoliticus.com ou TrumpVision365.com, et la plupart des informations étaient sensationnelles, recyclées de sites alternatifs d'extrême droite». D'autres rumeurs fantaisistes, comme «le pape François soutient Trump», y étaient aussi annoncées.
«Le nouvel écosystème des médias veut dire que tout est vrai et rien n'est vrai», ajoute le grand hebdomadaire américain, en citant l'analyse de Barack Obama sur les réseaux sociaux. En apparence, les pages conspirationnistes ressemblent à s'y méprendre aux vraies pages Facebook ou à de véritables sites Internet. Car le mécanisme de la rémunération, notamment à travers Google AdSense, en quelque sorte la régie publicitaire du premier site de recherches sur Internet, dépend du nombre de visites. Plus il y a d'internautes qui s'y connectent, en particulier américains, plus la rémunération publicitaire reversée par Google augmente. D'où l'intérêt de propager des rumeurs pour attirer le chaland.
Des cours payants
Et à Veles, il s'agit d'une véritable industrie, a montré également une enquête de CNN. Car non seulement les faux sites ont permis à certains de leurs éditeurs de gagner jusqu'à 2500 dollars par jour, mais des cours payants sont organisés pour enseigner les techniques pour créer les profils de personnages imaginaires. L'un des professeurs de ces méthodes, Mirko Ceselkoski, a expliqué à CNN qu'il y a une large communauté de jeunes gens qui n'ont rien à faire, et qu'il leur promet une rémunération mensuelle d'un millier d'euros. Et ce dernier d'estimer avoir au moins une centaine de ses élèves qui ont construit de faux sites d'informations sur la politique américaine, depuis Veles.
Face à ces mécanismes pervers, Google et Facebook ont mis en place des solutions techniques pour débusquer les faux sites et les comptes imaginaires, en recoupant les informations. Mais les techniques évoluent dans les deux sens. Les experts en Macédoine espèrent contourner les contrôles pour poursuivre leur commerce, lucratif, de la rumeur.
De la même manière, il est légitime de se demander si la coopération de Twitter à la substantielle analyse scientifique publiée dans Science n'est pas un moyen pour le réseau social de tenter de se dédouaner?

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«Fake news» : «Les réseaux sociaux ne se soucient pas de ce que nous partageons» (08.03.2018)
Par Cyrille Vanlerberghe
Mis à jour le 08/03/2018 à 20h33 | Publié le 08/03/2018 à 20h00
INTERVIEW - Benjamin Sonntag, cofondateur de la Quadrature du Net, fait le point sur le phénomène des « fake news ».
LE FIGARO. - Une grande étude du MIT vient de montrer que les informations fausses se propagent plus vite que les vraies sur Twitter. Est-ce une surprise?
Benjamin SONNTAG. - Pas vraiment. Et je pense que c'est vrai depuis longtemps, et pas seulement sur Twitter. On m'a appris, quand j'étais enfant, qu'il fallait beaucoup plus d'énergie pour corriger une idée fausse que pour en propager une vraie. Et ce n'est pas surprenant puisque les réseaux sociaux, comme Twitter ou Facebook, sont conçus pour capter notre attention, pour, au final, nous exposer de la publicité, sans se soucier que nous partagions des idées fausses ou vraies.
La désinformation n'est pas nouvelle. Pourquoi le problème prend-il autant d'ampleur sur Internet?

Benjamin Sonntag.- Crédits photo : collection personnelle
Ce qui change, c'est que la propagation peut se faire de manière beaucoup plus rapide qu'avant. Avec Gutenberg, il a fallu apprendre à lire, car tout le monde pouvait enfin lire des livres. Maintenant, avec Internet, tout le monde peut écrire. La liberté d'expression est enfin accessible à tous. Mais comment fait-on en société quand tout le monde peut écrire, et peut aussi écrire n'importe quoi? Il faut donc qu'on apprenne à se méfier, et à développer un sens critique.
Le projet de loi du gouvernement contre les «fake news» sera-t-il efficace?
On ne va pas corriger les «fake news» avec des nouvelles lois. La loi de 1881 sur la liberté de la presse contient déjà un délit de fausses nouvelles, qui pourrait parfaitement s'appliquer sur Internet et sur les réseaux sociaux. La justice pourrait faire appliquer cette loi sur Twitter et Facebook, mais, malheureusement, je pense qu'elle n'en a ni le temps ni les moyens.

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Sur Twitter, les «fake news» voyagent plus vite que les vraies informations (08.03.2018)

Par Marc Cherki
Publié le 08/03/2018 à 20h00
INFOGRAPHIE - Des chercheurs du MIT publient une grande étude sur la propagation de la désinformation sur le réseau social.
Les rumeurs voyagent plus vite et plus loin que des informations exactes et vérifiées sur Twitter. Tel est le principal résultat d'une étude sans précédent, publiée dans la revue Science du 9 mars et réalisée par trois chercheurs du Massachusetts Institute of Technology de Cambridge (MIT, États-Unis), dont deux travaillent au prestigieux Media Lab et un troisième à l'école de management Sloan. Une étude importante dans le contexte des débats sur l'impact des «fake news» sur les résultats des récentes élections, aux États-Unis comme en Europe, et au moment ou le gouvernement français prépare une loi pour tenter d'enrayer le phénomène.
L'étude du MIT porte sur 126.000 histoires diffusées via Twitter de 2006 à 2017. Des sujets dont la véracité a été authentifiée ou infirmée par six organisations de «fact checking», c'est-à-dire qui vérifient si le fait propagé est exact, erroné ou entre les deux (comme Snopes.com ou Factcheck.org). Ces organisations peuvent classer une information comme étant mixte, c'est-à-dire à peu près vraie ou à peu près fausse. C'est notamment le cas si un chiffre diffusé est trop arrondi par rapport à ce qui a été mesuré, tel un taux de chômage dans un pays annoncé à 10 % alors que sa valeur réelle est de 11,9 %.
Première validation scientifique du phénomène
L'étude est à la fois très étendue dans le temps, depuis la naissance du site de «microblogging», et remarquable pour la quantité de données compilées. Les chercheurs ont étudié la propagation en cascade, par partages successifs d'un internaute à l'autre, de 126.000 informations par 3 millions de personnes diffusées plus de 4,5 millions de fois. Fait rarissime, le média social a coopéré avec les chercheurs.
«L'étude est originale. C'est la première validation scientifique d'hypothèses qui pouvaient être faites intuitivement mais que personne n'avait pu vérifier à une telle ampleur», souligne Ioana Manolescu, directrice de recherche de l'Inria au centre de Saclay (Essonne). Et d'ajouter: «Les scientifiques ont obtenu une coopération inédite du réseau social. L'ampleur du “corpus” est considérable. Il leur a été possible d'avoir accès à des données incroyables. Notamment quels tweets ont été diffusés et lus par les utilisateurs du réseau social pendant les 60 jours précédents chaque tweet étudié. Les chercheurs ont donc pu calculer une sorte de distance à la nouveauté d'une information qu'une personne allait renvoyer. C'est-à-dire mesurer si un tweet est nouveau ou pas pour une personne qui renvoie un message», précise la chercheuse, experte du domaine. C'est donc la bonne méthode qui aurait été suivie par les chercheurs.
Lourdes conséquences
Les fausses nouvelles voyagent plus vite, plus loin, vers davantage d'utilisateurs du réseau social et sont propagées un bien plus grand nombre de fois que les informations justes. Ainsi, les chercheurs du MIT ont pu calculer que les fausses informations sont renvoyées 70 % de fois plus souvent que celles qui sont exactes, et cela indépendamment de l'âge et de la qualité de l'émetteur du tweet. Transmettre une rumeur inspire à ses émetteurs une plus grande surprise et un plus grand dégoût qu'un fait avéré.
L'effet est le même pour les «bots», ces robots qui renvoient automatiquement des rumeurs pour tenter d'influencer l'opinion publique lors d'élections. Il y a une multitude d'exemples: notamment sur le supposé «état de démence» de la candidate Hillary Clinton. Par ailleurs, un tweet d'une fausse explosion qui aurait blessé Barack Obama a fait perdre 130 milliards de dollars à la capitalisation boursière de Wall Street.
Les chercheurs notent, bien sûr, que le pic d'usage de Twitter s'est produit au moment des élections américaines de 2012 et de 2016. Et que les fausses rumeurs sont propagées indépendamment du nombre de suiveurs et de l'activité d'un utilisateur du réseau social.

L'éducation, seul rempart
En France, Emmanuel Macron souhaite réglementer la diffusion de rumeurs pendant les périodes électorales. Mais selon l'étude, une telle ambition semble impossible. Une fois encore, la technologie semble dépasser les objectifs de la loi. En 5000 minutes, soit 3,5 jours, une information vraie est rediffusée le long d'une chaîne de 10 à 11 personnes, alors qu'un tweet d'une rumeur est retransmis plus de 20 fois! En deux jours, le mal est fait, la mauvaise rumeur a déjà atteint son but de déstabilisation. Des délais si brefs qu'il sera impossible de réagir à temps pour supprimer les tweets inquiétants. L'éducation serait l'un des meilleurs remparts à ce phénomène.
Toutefois, cette publication doit être considérée avec prudence. «Il peut y avoir un biais. L'étude porte uniquement sur les tweets qui ont fait l'objet d'un “fact checking”. Or les choses évidentes et vraies comme “Trump rencontre Macron à Paris” ne sont pas vérifiées par les grandes organisations de vérification des informations», remarque Ioana Manolescu. Conscients de cette difficulté, les chercheurs ont tenté de confirmer leurs résultats en sélectionnant 169 rumeurs non ciblées par le «fact checking». Mais est-ce que l'algorithme utilisé pour cette opération n'était pas lui-même un peu orienté pour détecter en priorité les rumeurs?
Il reste que Twitter est par essence, comme les autres médias sociaux, une voie de diffusion alternative aux médias traditionnels. N'étant pas réglementés, ils propagent davantage de ragots. Enfin, comme le rappelle la chercheuse de l'Inria, «les éditeurs de réseaux sociaux ont l'habitude de dire qu'ils ne sont pas un média, mais seulement un médium».

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Le Livre des sentences de l'inquisiteur Bernard Gui: la véritable figure de l'Inquisition (08.03.2018)

Par Jacques de Saint Victor
Publié le 08/03/2018 à 10h56
Le livre des sentences du plus célèbre des représentants de l'institution médiévale est réédité. L'occasion de mieux saisir la mentalité d'un homme d'Église qui n'était pas le fou assoiffé de sang véhiculé par l'imagerie populaire.
Qui était vraiment Bernard Gui, le grand inquisiteur mis en scène par Umberto Eco dans Le Nom de la Rose ? Ce personnage n'a nullement été pris au hasard par le grand romancier, spécialiste du bas Moyen Âge. Celui-ci a choisi de donner à la figure de l'inquisiteur dans son roman le nom et les traits du plus célèbre des représentants de la Sainte Inquisition médiévale. Certes, Bernard Gui œuvra surtout dans le sud de la France où cette institution mise en place par le pape Innocent III, l'un des plus grands juristes de son temps, fut particulièrement active contre l'hérésie cathare.
Bernard Gui était né près de Limoges et il se montra particulièrement actif à une époque où les «inquisiteurs de la dépravation hérétique», comme on les appelait, ne rencontraient plus de contestation sérieuse. Les frères franciscains comme Bernard Délicieux avaient remis en cause le pouvoir de la Sainte Inquisition, faisant preuve d'une grande compréhension à l'égard des «chrétiens à problème». Ils avaient dénoncé l'usage de la torture et pu faire triompher un temps l'idée - très moderne - qu'il «n'y a dans ce pays d'autres hérétiques que ceux que les inquisiteurs eux-mêmes font hérétiques».
Bernard Gui cherche avant tout le repentir et, à lire ses sentences très amplement motivées, on découvre qu'il n'a de cesse d'essayer de sauver celui qui s'égare.
Mais cette résistance avait cédé et l'Inquisition dominicaine l'avait emporté. Du reste Bernard Délicieux sera condamné par Bernard Gui, non pour hérésie, mais pour «entrave à l'office d'inquisition». La figure de Gui a incarné l'horreur d'une religion aveugle et il est indéniable que le film de Jean-Jacques Annaudrenforce cette vision maléfique tandis que le roman d'Eco souligne de façon plus juste la complexité du personnage. La publication des sentences de cet inquisiteur le plus célèbre de son temps permet de mieux saisir la mentalité de cet homme d'Église qui n'était pas le fou assoiffé de sang qu'une imagerie populaire, surtout véhiculée au XIXe siècle en se référant plutôt à l'Inquisition espagnole de la Renaissance (qui fut bien plus aveugle), a véhiculé.
L'inquisiteur médiéval cherche à exterminer l'hérésie mais non les fidèles et il tente de ramener avant tout les «brebis égarées» à l'orthodoxie, pesant soigneusement les fautes et les peines. Si d'autres inquisiteurs ont pu abuser de leur pouvoir, souligne Julien Théry dans la préface de cette édition revue et augmentée des sentences qu'il a traduites en français, Gui reste l'un des plus sensés il cherche avant tout le repentir et il n'a de cesse, peut-on voir dans ces sentences très amplement motivées (l'Inquisition marquera un grand progrès dans la procédure judiciaire), d'essayer de sauver celui qui s'égare.
http://i.f1g.fr/media/figaro/300x450/2018/03/08/XVMc4012e28-2084-11e8-a6cc-66af7304141a-300x450.jpg
- Crédits photo : Biblis
Il est rare qu'il suggère à l'autorité civile de prononcer une peine mortelle (l'Inquisition ne condamne pas à mort directement). Seules 6,7% des condamnations prononcées par Bernard Gui conduisent à des peines de mort, ce qui est au final fort peu. Et Gui sait châtier ceux qui instrumentalisent la religion. Plusieurs sentences visent ceux qui ont accusé faussement un parent ou un voisin d'hérésie pour s'en débarrasser. Au passage, ce livre des sentences offre un intéressant panorama des «hérésies» qui existaient alors en Europe, depuis les Cathares jusqu'aux Vaudois en passant par les «manichéens» ou les «béguins». L'ombre qui continue à planer sur cet inquisiteur est propre à toute prétention au monopole de la Vérité, ce qui est un des traits de toute religion, d'où leur menace en politique. Gui le résume dans une de ses sentences contre un faux témoin, Joan de la Salvetat: «Tu as travesti la vérité - laquelle est seule considérée et recherchée en matière de foi.»
● Le livre des sentences de l'inquisiteur Bernard Gui , préface de Julien Théry, CNRS, coll. «Biblis», 304p., 10€.

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Macron au Crif : l'antisémitisme est «le déshonneur de la France» (07.03.2018)

Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 08/03/2018 à 08h17 | Publié le 07/03/2018 à 23h53
VIDÉO - Le chef de l'État est venu hier soir rassurer la communauté juive de France lors du traditionnel dîner annuel du Conseil représentatif des Institutions juives de France.
L'an passé, c'était un Emmanuel Macron, candidat, qui fut reçu avec beaucoup d'égard au dîner du Conseil représentatif des Institutions juives de France, le Crif. Mercredi soir, il y a été chaleureusement accueilli en président de la République, accompagné de son épouse et de nombreux ministres, applaudi par 1 100 personnes, responsables politiques, économiques, culturels et religieux sans oublier une trentaine d'ambassadeurs.
Emmanuel Macron a fait alors part d'une forte détermination pour rassurer la communauté juive qu'il sent «inquiète»
Il s'est dit «ému» en commençant son discours situé dans le contexte européen, Allemagne, Italie, où soufflent des «vents mauvais» et des «passions tristes» qui «existent dans notre pays». Car, a-t-il confessé, «nous avons collectivement cru, à tort, que l'antisémitisme avait définitivement reculé dans notre pays. Et même face à ces crimes, certains ont pendant trop longtemps commis l'erreur, la faute morale même, du déni. Or la réalité est là, elle est incontestable. Nous avons compris avec effroi que l'antisémitisme était toujours vivant».
Le président a alors parlé d'un «échec» devant une telle «résurgence» qu'il ne considère pas «réductible» au seul conflit israélo-palestinien. Cette montée de l'antisémitisme est «plus grave, plus installée» et «tous les Républicains doivent le combattre parce que c'est cela qui a fait chuter la République» et que «jamais la France ne renoncera jamais aux juifs».
Emmanuel Macron a fait alors part d'une forte détermination pour rassurer la communauté juive qu'il sent «inquiète»: «Notre réponse doit être implacable. La France ne serait plus elle-même si nos concitoyens juifs devaient la quitter parce qu'ils ont peur.» Et «jamais nous ne faiblirons, dans la dénonciation de l'antisémitisme et dans la lutte contre ce fléau. Il n'y a là aucun accommodement, aucun interdit de langage, aucune cécité possibles. (…) Il est le déshonneur de la France».
Ajoutant encore : «Je le redis ce soir devant vous, avec toute la force d'un engagement public: il ne saurait y avoir demain ou après-demain le moindre renoncement de l'État, le moindre abandon des familles juives de France». En effet, «la France est fière de compter en son sein des concitoyens de confession juive et ne se résoudra jamais aux torts qui leur sont faits à raison de cette confession. Jamais.»
Parmi les mesures, le président de la République a annoncé que le «recueil des plaintes», notamment pour «mieux caractériser» les actes antisémites, serait amélioré. Pour ce qui est de la montée de l'antisémitisme sur internet, le président Macron a assuré que tout en s'inspirant du modèle allemand, il voulait que ce soit au niveau «européen» qu'une modalité de répression juridique de l'antisémitisme soit décidée et mise en œuvre.
«La sécurité de notre allié israélien est une priorité absolue, qui n'est pas négociable, je le répète ici avec la plus grande fermeté»
Abordant ensuite la question sensible d'Israël, et de Jérusalem, le président Français a insisté - quitte à déplaire à la salle qu'il a prévenue - sur le «dialogue» entre les deux parties, Israël et les Palestiniens, en lien avec les États-Unis mais sans pression unilatérale. Car «la sécurité de notre allié israélien est une priorité absolue, qui n'est pas négociable, je le répète ici avec la plus grande fermeté», notamment face à la problématique de l'Iran.
Évoquant enfin, en sortant de son discours, l'affaire de l'écrivain Céline, Emmanuel Macron n'a pas vu possible «une police morale de l'édition», mais «nous n'avons pas besoin de ces pamphlets» pour connaître cet auteur.
Dans son discours d'accueil, le président du Crif, Francis Kalifat, avait choisi pour cette année de ne rien éluder du tableau sombre de la situation de la communauté juive en France. «Il est grand temps de restaurer l'autorité de l'État partout en France», a-t-il demandé, appelant «une politique de tolérance zéro» et des «sanctions exemplaires et dissuasives» pour contrer «l'antisémitisme du quotidien» qui «prospère dans notre pays». Car «nous sommes pris entre l'antisémitisme traditionnel surreprésenté à l'extrême droite et l'antisémitisme antisioniste surreprésenté à l'extrême gauche». Et «nous sommes coincés entre l'antisémitisme musulman très présent chez les 15 à 25 ans et le statut de cible privilégiée pour les terroristes islamistes».

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Rédacteur en chef,
chargé des religions
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Syrie : le régime accentue son emprise sur la Ghouta, privée d'aide humanitaire (08.03.2018)
Par Le figaro.fr et AFP agencePublié le 08/03/2018 à 15h59
Malgré une trêve de 30 jours décrétée fin février par l'ONU, le régime de Bachar el-Assad a poursuivi son offensive lui permettant de reconquérir la moitié de l'enclave rebelle en proie à une grave crise humanitaire. Au total, plus de 900 civils auraient été tués dans des bombardements.
Le régime syrien a accentué son emprise sur le fief rebelle dans la Ghouta orientale, cible depuis trois semaines d'un déluge de feu d'une rare violence, les autorités empêchant ce jeudi l'entrée d'un convoi d'aides vital pour une population en proie à une grave crise humanitaire. Appuyé par l'indéfectible allié russe, le pouvoir de Bachar el-Assad a reconquis plus de la moitié de l'enclave rebelle, après avoir lancé le 18 février une offensive de grande ampleur qui, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), a tué plus de 900 civils dans ce dernier bastion insurgé aux portes de la capitale.
Les forces du régime poursuivent sans répit leur offensive terrestre et leur pilonnage meurtrier, malgré les appels d'une communauté internationale impuissante face au bain de sang. Selon l'Observatoire, le régime cherche à scinder l'enclave pour affaiblir les deux forces principales du fief rebelle, Jaich al-Islam, au Nord, et Faylaq al-Rahmane, au Sud. Des combats entre rebelles et forces du régime se déroulent au cœur même de l'enclave, en périphérie de Douma mais aussi des localités de Hammouriyé et Jisrine, plus au sud, cibles de raids aériens, d'après la même source. Un responsable militaire a indiqué à des journalistes que les autorités syriennes ont mis en place un nouveau couloir humanitaire, reliant la périphérie de la capitale au sud de l'enclave, pour permettre la sortie des civils.
La livraison d'aide humanitaire ajournée

Un bombardement à la Ghouta, ce jeudi. - Crédits photo : AMMAR SULEIMAN/AFP
Les quelque 400.000 habitants de l'enclave, assiégés depuis 2013, subissent au quotidien pénuries de nourriture et de médicaments, et vivent désormais terrés dans les sous-sols pour échapper au déluge de feu. Des aides médicales et de la nourriture devaient y être distribuées ce jeudi mais l'ONU et des ONG ont annoncé que la livraison avait été ajournée. La situation «sur le terrain (...) ne nous permet pas de mener l'opération» à bien, a indiqué Ingy Sedky, une porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). «Aujourd'hui, l'ONU et ses partenaires n'ont pas pu retourner à Douma (...) car le mouvement du convoi n'a pas été autorisé par les autorités syriennes pour des raisons de sécurité», a indiqué Jens Laerke, porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), à Genève.
Fin février, le Conseil de sécurité avait adopté une résolution réclamant un cessez-le-feu de trente jours dans toute la Syrie, ravagée depuis 2011 par une guerre qui a fait plus de 340.000 morts. Par la suite, la Russie a décrété une «pause humanitaire» quotidienne de cinq heures dans l'enclave rebelle mais, mercredi, les bombardements ont encore tué 91 civils, selon l'OSDH.
De nouvelles allégations d'attaques chimiques
«En raison d'une attaque au gaz de chlore (...), des patients souffrent de difficultés respiratoires sévères»
Société médicale syro-américaine
Par ailleurs, au moins 60 personnes ont souffert mercredi soir de difficultés respiratoires à Saqba et Hammouriyé après des frappes aériennes, a indiqué l'OSDH. Des cas de suffocation similaires ont déjà été rapportés à deux reprises ces derniers jours, selon l'Observatoire. «En raison d'une attaque au gaz de chlore (...), des patients souffrent de difficultés respiratoires sévères», a indiqué la Société médicale syro-américaine (SAMS), une ONG qui soutient des centres médicaux en Syrie. À Hammouriyé, un correspondant de l'AFP a pu voir des dizaines de personnes, femmes et enfants, quitter des sous-sols et s'installer sur un toit dans l'espoir de pouvoir mieux respirer.
Les parents ont déshabillé les enfants qui toussaient sans cesse pour les laver à grande eau, et tenter d'éliminer une possible présence de gaz toxique sur leur corps. «Je vais suffoquer», hurlaient deux enfants, alors que des secouristes les portaient pour les emmener se faire soigner. Le régime, qui a plusieurs fois démenti utiliser des armes chimiques, a été dénoncé ces dernières semaines à la suite d'attaques présumées au gaz de chlore. Ces accusations, «irréalistes» selon Bachar el-Assad, ont provoqué un tollé sur la scène internationale, Washington et Paris brandissant la menace de frappes en Syrie.
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Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, quitte le Parti socialiste (08.03.2018)

Par Pierre Lepelletier
Mis à jour le 08/03/2018 à 13h37 | Publié le 08/03/2018 à 08h20
LE SCAN POLITIQUE/VIDÉO - Sur CNews jeudi, le ministre des Affaires étrangères a expliqué «prendre acte» de la décision du PS, qui l'avait exclu «de fait» après son entrée dans le gouvernement d'Emmanuel Macron.
Membre du gouvernement d'Emmanuel Macron et, en même temps, membre du Parti socialiste? Impossible avait répondu le coordinateur national du PS Rachid Temal. Le chef par intérim du parti a toujours affirmé que les socialistes qui avaient rejoint Emmanuel Macron s'étaient exclus «de fait». Pourtant, le ministre des Affaires étrangères a longtemps laissé planer l'ambiguïté, continuant à se revendiquer du PS. Jean-Yves Le Drian a finalement levé le voile jeudi sur CNews en annonçant qu'il «prenait acte» de la décision et qu'il quittait le Parti socialiste.
De la «fierté» mais aussi de la «déception»
«Je me retire du Parti socialiste, avec beaucoup d'émotion après 44 ans, beaucoup de fierté parce que j'ai participé à des combats sous François Mitterand, sous Lionel Jospin, sous François Hollande avec qui j'ai toujours une forte amitié mais je me retire aussi avec déception», a souligné Jean-Yves Le Drian.
Le ministre des Affaires étrangères regrette notamment que le PS se range, selon lui, «dans une opposition sectaire et puérile» plutôt que dans une démarche constructive avec la majorité. «J'estime aujourd'hui que la manière d'avancer vers l'Europe, la manière de transformer notre pays, c'est auprès d'Emmanuel Macron qu'il faut le faire. Je regrette que le Parti socialiste se replie sur des convictions à mon sens dépassées», a-t-il déploré. Jean-Yves Le Drian refuse en revanche de rejoindre La République en marche, préférant simplement se revendiquer «de la majorité présidentielle.»
La prise de position de Jean-Yves Le Drian intervient une journée après un article de Mediapart, épinglant le ministre. Il est soupçonné d'avoir obtenu un passe-droit pour inscrire ses deux petits-enfants au lycée français de Barcelone. Le proviseur de l'établissement comme le ministre ont démenti.
«Ça a dû lui faire mal»
Une décision «cohérente» saluée par les socialistes, à commencer par Stéphane Le Foll. «On ne peut pas être au gouvernement, soutenu par une majorité, et être dans un parti d'opposition. Ça ne pouvait pas continuer, à un moment soit il faut quitter le gouvernement, soit quitter le Parti socialiste. C'était une clarification qui était extrêmement nécessaire», a déclaré jeudi sur Public Sénat son ancien collègue ministre sous François Hollande, aujourd'hui candidat au poste de Premier secrétaire du PS. «Jean-Yves Le Drian a une longue histoire avec le Parti socialiste: ça a dû lui faire mal mais je pense qu'il a fait ce choix il y a déjà quelques temps, en soutenant Emmanuel Macron», a avancé de son côté le commissaire européen et socialiste Pierre Moscovici sur BFM TV.
«Il n'est plus membre du PS depuis son entrée au gouvernement»
Rachid Temal, coordinateur national du Parti socialiste
Le coordinateur national du Parti socialiste Rachid Temal, le premier à avoir annoncé que Jean-Yves Le Drian ne faisait plus partie du PS, s'est quant à lui montré plus sévère. «Certains s'intéressent - au lendemain du débat réussi - à celles et ceux qui ont quitté le PS pour rejoindre une autre formation politique ou le gouvernement d'Édouard Philippe. Moi je m'intéresse aux militants et élus qui sont au Parti socialiste au nom de nos valeurs et préparent l'avenir», a-t-il commenté sur sa page Facebook. «Il n'est plus membre du PS depuis son entrée au gouvernement», a-t-il d'ailleurs souligné auprès du Figaro.
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Empilement des dettes : se souvenir de la crise grecque (08.03.2018)

Par Charles Wyplosz
Mis à jour le 08/03/2018 à 09h47 | Publié le 08/03/2018 à 09h44
FIGAROVOX/TRIBUNE - Bruno Le Maire a dit son opposition à tout effacement de la dette de pays en crise. Il a tort, selon l'économiste Charles Wyplosz, qui explique comment il vaudrait mieux décourager les prêteurs légers ou cyniques.

- Crédits photo : Clairefond
Tirant les leçons de la crise précédente, les pays membres de la zone euro envisagent de créer un Fonds monétaire européen. Un aspect crucial, mais technique, de ce projet pose un problème à la France. Il s'agit, en préalable à tout prêt à un pays en crise, d'exiger qu'une partie de sa dette existante soit purement et simplement annulée. Bruno Le Maire a indiqué qu'il y était opposé, et pourtant c'est une idée très saine, contrairement aux apparences. Ce qu'il a présenté comme une ligne rouge est une bien mauvaise idée qui rappelle des mauvais souvenirs.
Lorsque la Grèce s'est retrouvée en crise au début de 2010, la question d'un effacement partiel de sa dette publique s'est posée. Emmenés par le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, les pays de la zone euro ont tracé la même ligne rouge que Bruno Le Maire aujourd'hui. Or c'est cette posture qui a conduit à la catastrophe en Grèce, à la contagion vers d'autres pays et au risque d'éclatement de la zone euro. À l'époque, un effacement de la dette grecque aurait affecté, entre autres,les banques allemandes et françaises, déjà secouées par la crise financière. L'argument officiel était que l'on ne pouvait pas prendre le risque d'une nouvelle crise bancaire. Peut-être, mais il s'agissait avant tout de protéger les banques. Une grande part de l'argent public prêté aux Grecs a été consacrée à rembourser des banques privées. Il faudra maintenant aux Grecs deuxou trois générations pour rembourser les généreux prêts qu'on les a obligés d'accepter.
En 2010, la dette publique grecque représentait 130 % du PIB. C'était déraisonnable, comme l'histoire l'a prouvé, mais à qui la faute? Aux gouvernements grecs successifs qui ont dépensé sans compter, bien sûr, mais pas seulement. Il faut être deux pour un prêt. Le prêteur se doit de mesurer les risques qu'il prend, car un prêt est toujours risqué. Ceux qui ont prêté à la Grèce dans les années qui ont précédé 2010 ont soit choisi d'ignorer les risques qu'ils prenaient, soit imaginé que la Grèce serait «sauvée» par l'argent des contribuables des autres pays de la zone euro. Ignorer les risques est une bien mauvaise idée. Compter sur les contribuables est éminemment cynique.
Une des leçons de la crise grecque est qu'il ne faut plus se retrouver dans cette situation. La réforme du Pacte de stabilité et de croissance vise à accentuer la pression sur les gouvernements pour qu'ils tiennent leurs budgets. Même si cette réforme a peu de chances de réussir, l'objectif est primordial et il faudra persévérer. La réflexion sur cette question est en cours.
«Officiellement, les dettes publiques sont considérées comme sans risque, donc sans exigence de précaution. Or c'est une fiction».
Pour autant, il est tout aussi important de décourager les prêteurs irréfléchis ou cyniques, pour leur propre intérêt et pour celui des contribuables européens. Plusieurs possibilités existent. La première est la réglementation bancaire. Les banques doivent constituer un matelas en proportion des risques qu'elles prennent, ce qui les amène à modérer la prise de risque et permet d'espérer qu'elles seront mieux équipées pour faire face au prochain coup dur. Mais, officiellement, les dettes publiques sont considérées comme sans risque, donc sans exigence de précaution. Or c'est une fiction. Les dettes publiques de l'Italie et du Portugal s'élèvent aujourd'hui à quelque 130 % de leurs PIB, plus que la Grèce en 2010! Mais aucun gouvernement ne veut ouvrir cette boîte de Pandore. On maintient donc la fiction que les dettes publiques n'entrent pas dans la catégorie des dettes à risque.
La deuxième possibilité pour décourager les prêteurs légers ou cyniques est de leur envoyer un message clair: il n'y aura plus d'aide publique aux pays de la zone euroen difficulté. Le Traité de Maastricht a institué cette règle, mais elle a volé en éclat lorsque des prêts ont été accordés à la Grèce, puis aux autres pays en crise, sur la base d'une obscure clause du traité. Les discussions en cours sur la création d'un Fonds monétaire européen, destiné à renflouer les pays de la zone euro en cas de besoin montrent que cette clause du traité reste caduque et que les gouvernements n'ont aucune intention d'adopter cette option. Le message adressé au marché est donc funeste: prêtez, prêtez, chères banques, le contribuable vous aidera.
La troisième possibilité est d'associer les aides à un effacement partiel de la dette. C'est ici que la ligne rouge de Bruno Le Maire intervient. La proposition qu'il rejette rendrait obligatoire que toute aide collective à un pays en crise soit accompagnée par un effacement partiel de sa dette publique. Comme les dettes publiques sont largement détenues par des institutions financières, ceci permettrait de protéger les contribuables, désormais engagés, mais aussi de limiter les coûts qu'ils auraient à subir.
«Il est désormais plus facile d'effacer les dettes publiques.»
De plus, la dette du pays en crise serait moins élevée au sortir de l'épisode, contrairement à la Grèce dont la dette atteint 180 % du PIB aujourd'hui, ce qui signifie qu'elle est loin d'être sortie d'affaire après dix ans d'intense austérité (et malgré, finalement, une remise de dette bâclée de l'ordre de 50 % du PIB en 2012). Enfin, et surtout, cela enverrait un message plus sain aux prêteurs, désormais avertis qu'ils devraient mettre la main au portefeuille.
Il est désormais plus facile d'effacer les dettes publiques. En 2012, dans le cadre du traité qui a établi le Mécanisme européen de stabilité (qui aide les pays en crise), il a été décidé que les dettes publiques de plus d'un an émises par les pays de la zone euro à partir du 1er janvier 2013 doivent inclure une clause dite d'action collective.
Cette clause vise à empêcher qu'une minorité de détenteurs de dette ne bloquent un accord d'effacement avec le gouvernement en question. Le principe auquel s'attaque Bruno Le Maire est donc implicitement acquis, sinon à quoi pourrait bien servir la clause d'action collective? Les raisons de ce raidissement sont bien mystérieuses. A-t-il peur que la France soit, un jour, obligée à effacer sa dette? Si c'est le cas, la solution est de ne plus faire de déficits.
Si le gouvernement français réussit à faire échouer l'accord en cours d'élaboration, l'on n'aura pas progressé. Les contribuables européens des pays en crise devront supporter toujours plus de dettes publiques et leurs homologues des pays prêteurs seront toujours obligés de garantir ces prêts pour voler au secours des banques privées. La morale de l'affaire est claire: contribuables de tous les pays, unissez-vous!
* Professeur d'économie internationale à l'Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) à Genève, Charles Wyplosz est directeur du Centre international d'études monétaireset bancaires.

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Le Sri Lanka déstabilisé par les extrémistes bouddhistes (07.03.2018)

Par Emmanuel Derville
Mis à jour le 07/03/2018 à 18h23 | Publié le 07/03/2018 à 18h17
INFOGRAPHIE - Le gouvernement a décrété l'état d'urgence pour contenir les violences contre les minorités religieuses, en particulier musulmanes.
À New Delhi
Le Sri Lanka a connu mercredi une nouvelle journée de tensions alors que des émeutes secouent les districts de Kandy et d'Ampara, au centre et à l'est de l'île, depuis fin février. Mercredi, des commerces ont été brûlés à Kandy, poussant les autorités à bloquer partiellement l'accès aux réseaux sociaux, et ce alors que l'état d'urgence a été décrété pour dix jours dans tout le pays. Les violences ont fait au moins un mort pour l'instant.

D'après la version livrée par le premier ministre Ranil Wickremesinghe devant le Parlement mardi, tout a commencé le 22 février. Un chauffeur de l'ethnie cinghalaise est agressé par quatre musulmans lors d'un incident de la circulation à Kandy. Blessée, la victime est transportée à l'hôpital où elle succombe à ses blessures le 3 mars. Le lendemain soir, deux commerces tenus par des musulmans sont incendiés à Kandy. Le 5 mars, les attaques prennent de l'ampleur. Des boutiques ainsi que des mosquées sont prises pour cible. Un jeune musulman de 27 ans périt dans l'incendie de sa maison à Digana. Des moines cinghalais de confession bouddhiste participent aux émeutes, mobilisant leurs partisans grâce aux réseaux sociaux, sans que la police ne les interpelle.
Moines radicalisés
Ces événements sont les derniers d'une série d'attaques qui se multiplient depuis 2012 contre les minorités religieuses, en particulier musulmanes. La plupart du temps, ces agressions sont encouragées par les bouddhistes radicaux du Bodu Bala Sena (BBS). Si les bouddhistes de l'ethnie cinghalaise sont majoritaires au Sri Lanka, représentant 70 % de la population, le BBS martèle que la croissance démographique des musulmans menacerait leur statut social. Il reproche aux minorités religieuses de multiplier les conversions, dont il prône la pénalisation, réclame l'interdiction de l'abattage halal, des manifestations religieuses musulmanes et chrétiennes, ainsi que l'abolition du droit privé musulman.
L'an dernier, le BBS a trouvé un nouveau cheval de bataille avec l'arrivée des Rohingyas, de confession musulmane, ayant fui la répression de l'armée birmane. Le chef du BBS, Gnanasara Thero, avait affirmé en mai 2017 lors d'une conférence de presse que ces réfugiés étaient venus envahir le Sri Lanka.
Le premier ministre s'est dit décidé à contenir les violences: «le gouvernement condamne les actes violents et racistes. L'état d'urgence a été proclamé et nous n'hésiterons pas à prendre d'autres mesures si nécessaire», a-t-il déclaré. Mais pour Alan Keenan, chercheur à l'International Crisis Group, le chef du gouvernement a peu de marges de manœuvre. «Les moines bouddhistes jouissent d'un statut social très particulier et les interpeller serait perçu comme un manque de respect envers le clergé.» Autre problème: l'ancien président Mahinda Rajapakse, opposant au premier ministre, ne cache pas ses sympathies pour les extrémistes. Or Rajapakse garde de nombreux soutiens dans les forces de sécurité et certains observateurs pensent que l'armée et la police, qui lui seraient fidèles, laissent faire les émeutiers.

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Armes chimiques : Paris menace Damas de «riposte» (08.03.2018)

Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 08/03/2018 à 19h23 | Publié le 08/03/2018 à 18h52
VIDÉO - Dans la Ghouta, des ONG accusent le régime d'avoir frappé au chlore les rebelles, mais les preuves manquent encore.
Jean-Yves Le Drian a promis jeudi une «riposte française» en cas d'utilisation avérée d'armes chimiques dans le conflit syrien. Cette nouvelle menace française intervient deux jours après la publication d'un rapport par la commission d'enquête de l'ONU sur les crimes de guerre, accusant Damas d'avoir eu recours à des armes chimiques, notamment dans la Ghouta orientale, la dernière enclave rebelle autour de la capitale, bombardée depuis près de trois semaines.
«Il y a aujourd'hui des faisceaux de convergence, des faisceaux d'indications qui laissent à penser que l'arme chimique peut être utilisée ou a déjà été utilisée», a déclaré le ministre des Affaires étrangères sur CNews. Jean-Yves Le Drian a toutefois reconnu que «nous n'av(i)ons pas les preuves» d'une telle utilisation d'armes chimiques par le régime syrien contre les rebelles assiégés dans la Ghouta, où 900  civils ont péri en trois semaines et où un convoi humanitaire n'a pu venir secourir jeudi la population dans le besoin.
La «ligne rouge» française
Citant des médecins sur place, une ONG internationale, l'Union des organisateurs de secours et soins médicaux, affirme qu'une attaque au chlore s'est produite vers 21 heures mercredi dans les villes de Saqba et Hamouria. D'après les secouristes des Casques blancs, une cinquantaine de personnes ont été affectées. Elles souffraient de difficultés respiratoires après des frappes aériennes. Des accusations jugées «irréalistes» par Damas. Ces dernières semaines, le régime a été, à plusieurs reprises, montré du doigt pour des attaques présumées au chlore. «Si d'aventure l'usage d'armes chimiques était constaté, vérifié, attribué, et que l'usage de l'arme chimique (….) faisait des morts, alors la riposte française serait au rendez-vous», a détaillé Jean-Yves Le Drian.
Mais les spécialistes s'accordent à reconnaître que l'établissement de telles preuves est un exercice très délicat. Bref, alors que les rebelles syriens reculent dans la Ghouta - que les pro-Assad sont parvenus à couper en deux et à reconquérir à plus de 50 % en quelques jours -, Jean-Yves Le Drian rappelle la «ligne rouge» française, établie par Emmanuel Macron, peu après son élection à la présidence de la République. Mais, à l'Élysée, on soulignait en début de semaine que «ce n'(était) pas une action militaire que la France (menait) en Syrie».
«Il n'y a pas de changement dans nos priorités en Syrie, la priorité numéro un reste la lutte antiterroriste», confiait un proche du chef de l'État, tout en rappelant que, si des preuves de l'utilisation d'armes chimiques par Damas étaient établies, Paris prendrait ses responsabilités. La riposte serait aussi américaine, a précisé Jean-Yves Le Drian. Ce qui laisse supposer une coopération dans des frappes contre des sites - connus - de stockages d'armes chimiques par Damas.
En 2013, François Hollande avait voulu «punir» par des bombardements Bachar el-Assad, déjà accusé d'avoir utilisé des armes chimiques dans la Ghouta (plus de 1000 morts). Mais, au dernier moment, Barack Obama avait renoncé à recourir à la force contre le régime syrien.

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Immigration illégale : la Californie se rebelle contre Washington (08.03.2018)
Par Armelle Vincent
Mis à jour le 08/03/2018 à 19h55 | Publié le 08/03/2018 à 19h48
Cet «État sanctuaire» se mobilise après que le ministère de la Justice a porté plainte contre des lois protégeant les clandestins.
La guerre larvée opposant l'Administration de Donald Trump à la Californieest entrée mardi dans une nouvelle phase, juridique cette fois, et pourrait bien se terminer devant la Cour suprême. L'objet de la dispute, qui n'est pas nouvelle mais vient d'atteindre un paroxysme, est l'immigration illégale et le statut d'«État sanctuaire» de la Californie, déclaré en octobre par son gouverneur démocrate Jerry Brown. Le président américain désire tenir sa promesse électorale d'expulser le plus grand nombre de clandestins possibles.
«La Californie utilise tous les pouvoirs qu'elle a - et parfois qu'elle n'a pas - pour contrecarrer l'application de la loi fédérale, vous pouvez être sûrs que je vais utiliser tous mes pouvoirs pour l'arrêter.»
Jeff Sessions, ministre américain de la Justice
De leur côté, les leaders californiens ont juré de les protéger grâce à trois lois récentes considérées comme radicales par l'Administration Trump. La première, AB 450, interdit aux entreprises non seulement de partager sciemment des renseignements concernant leurs employés avec des agents de l'immigration, mais les contraint de plus à les alerter en cas d'inspection par les autorités fédérales. La deuxième, AB 103, impose des inspections des centres de détention fédéraux de clandestins, réputés iniques. La dernière, SB 54, interdit aux forces de l'ordre locales d'informer les mêmes autorités fédérales lorsque des clandestins potentiellement sujets à l'expulsion sont sur le point d'être libérés de prison.
Un événement a fini d'attiser le ressentiment de Washington contre la Californie rebelle: fin février, Libby Schaaf, la mairesse d'Oakland - une banlieue de San Francisco - a envoyé un e-mail aux résidents de sa ville pour les prévenir que la police de l'immigration préparait une rafle anticlandestins. Piqué au vif par une telle insolence, le ministère de la Justice vient de contre-attaquer en déposant une plainte contre l'État doré. Jeff Sessions l'accuse de «faire obstruction à la capacité des États-Unis d'appliquer les lois votées au Congrès ou d'agir selon la Constitution. La Californie utilise tous les pouvoirs qu'elle a - et parfois qu'elle n'a pas - pour contrecarrer l'application de la loi fédérale, vous pouvez être sûrs que je vais utiliser tous mes pouvoirs pour l'arrêter». «Refuser d'appréhender et de déporter les clandestins, en particulier les éléments criminels, va en effet à l'encontre de toutes les lois sur l'immigration (…) et privilégie un système de frontières ouvertes. L'ouverture des frontières est une idée extrémiste, irrationnelle que nous ne pouvons pas accepter», a-t-il affirmé mercredi lors d'un discours devant des responsables des forces de l'ordre à Sacramento, la capitale de l'État, tandis que des centaines de manifestants étaient venus contester sa présence.
Donald Trump voudrait forcer les forces de l'ordre de l'État à coopérer avec l'ICE, chargée des expulsions. Il accuse la Californie de protéger les clandestins criminels et de mettre ainsi ses citoyens en danger.
La riposte des leaders californiens ne s'est pas fait attendre. Le gouverneur Jerry Brown a qualifié la plainte d'un «coup de pub» doublé d'une «déclaration de guerre». «Dans une période de tourmente politique sans précédent, Jeff Sessions est arrivé en Californie pour diviser et polariser l'Amérique. Regardons les choses en face, la Maison-Blanche est en état de siège. De toute évidence, Jeff Sessions a un mal fou à se comporter en ministre de la Justice normal. Il se trouve pris au piège du trumpisme et vient de commencer un règne de la terreur», a ajouté le leader démocrate.
Donald Trump voudrait forcer les forces de l'ordre de l'État à coopérer avec l'Immigration and Customs Enforcement (ICE), chargée des expulsions. Il accuse la Californie de protéger les clandestins criminels et de mettre ainsi ses citoyens en danger. Les leaders du «Golden State» rétorquent qu'au contraire, si les clandestins venaient à craindre les dénonciations de la police, ils cesseraient de signaler les activités criminelles de leurs quartiers par peur d'être arrêtés et priveraient ainsi la police de témoignages cruciaux pour ses enquêtes.
Loin de paraître intimidés par les provocations du président, qui a menacé de faire sortir tous les agents fédéraux de Californie pour lui donner une leçon et la plonger ainsi dans le crime sans bouclier, les responsables politiques californiens ont durci leur position. Le président du Sénat Kevin de Leon, un fils d'immigrés, accuse Jeff Sessions d'avoir une idéologie basée sur le «suprémacisme et le nationalisme blancs». Quant au ministre californien de la Justice, Xavier Becerra, lui aussi fils d'immigrés, il a déclaré que «notre tâche, c'est la sécurité de la population, pas les expulsions».
Le bras de fer s'annonce d'autant plus féroce que défier l'Administration Trump est presque devenu un devoir en Californie: les habitants se veulent l'antithèse de ce qu'il représente, que ce soit en matière d'immigration, de lutte contre le réchauffement climatique ou de légalisation du cannabis. Un quart environ des 11 millions de clandestins vivent dans cet État le plus peuplé d'Amérique. Leur sort sera défendu par l'ex-ministre de la Justice de Barack Obama, Eric Holder, que la Californie a embauché.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 09/03/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Laszlo Trocsanyi : «La Hongrie entend défendre ses frontières» (08.03.2018)

Par Laure Mandeville
Mis à jour le 08/03/2018 à 19h47 | Publié le 08/03/2018 à 18h48
INTERVIEW - Immigration, multiculturalisme... Le ministre de la Justice hongrois, qui fut ambassadeur à Bruxelles et à Paris, évoque ces sujets sensibles en Europe centrale.
Le ministre hongrois de la Justice, Laszlo Trocsanyi, vient de passer plusieurs jours à Paris pour y défendre la position de la Hongrie, alors que le premier ministre Viktor Orban a engagé un bras de fer avec Bruxelles sur la question de l'immigration. Il a rencontré Le Figaro.
LE FIGARO. - La Hongrie est accusée de dériver vers une démocratie autoritaire, qui porte atteinte à l'indépendance de la justice et de la presse notamment. Que répondez-vous à ces critiques?
Laszlo TROCSANYI. - Je m'inscris en faux contre ces accusations et je ne dis pas cela à la légère, étant moi-même professeur de droit constitutionnel et grand connaisseur du système européen de contre-pouvoirs et notamment de celui de la France. J'ai d'ailleurs profité de ma visite pour parfaire mes connaissances sur la question de la nomination des juges administratifs français et des garanties d'indépendance de la justice. Le pouvoir exécutif n'a aucune influence sur l'activité de la justice en Hongrie. Nous avons adopté une loi nouvelle sur le contentieux administratif et élargi la compétence des juges. C'est certes le président qui nomme les juges, mais il n'y a pas de contreseing du premier ministre, et c'est le Conseil de la magistrature, exclusivement constitué de juges, qui propose les candidats.
C'est vrai qu'en 2011 il y a eu des bagarres autour du pouvoir judiciaire quand le gouvernement a voulu mettre à la retraite les juges dès l'âge de 65 ans, pour qu'ils tombent sous le même régime que les autres professions. La Cour de justice européenne a alors décidé que notre décision violait les traités et nous avons corrigé notre copie, acceptant que les juges demeurent jusqu'à 70 ans. Le dossier est clos depuis huit ans! Mais on continue de parler d'atteintes à l'indépendance de la justice, sans fondement! La réalité, c'est qu'une bataille se joue autour de la Hongrie pour d'autres raisons. Nous recevons des mauvaises notes parce que nous avons un point de vue différent sur la question de la migration et de la défense des frontières.
Que voulez-vous dire?
Depuis la vague de réfugiés de 2015, on fait le procès à la Hongrie d'avoir voulu contrôler sa frontière, qui est aussi la frontière extérieure de l'UE. Ce qui est en débat, c'est l'idée de la «société ouverte», ce modèle politique qui prône le multiculturalisme et les frontières ouvertes et met la défense de l'individu au-dessus de tout le reste. Nous sommes attachés aux libertés individuelles, mais nous pensons que d'autres éléments doivent peser: l'intérêt général, l'ordre public, la souveraineté nationale, l'identité culturelle. Nous avons en Europe centrale une vision différente de celle d'Europe occidentale, due à notre histoire. Nous n'avons pas connu le phénomène des colonies ni eu l'expérience d'une immigration de masse.
«Pour nous, les racines chrétiennes sont importantes, or nous voyons aujourd'hui qu'à cause du multiculturalisme, l'Europe veut cacher sous le tapis ses racines, au prétexte que cela peut léser certains.»
Laszlo Trocsanyi
Est-ce l'islam qui fait peur à la Hongrie?
Le multiculturalisme en Europe centrale suscite une vraie réticence, d'autant que nous observons que cela ne marche pas si bien que ça en Europe occidentale. Cela ne veut pas dire que nous sommes contre la solidarité. Nous avons accueilli énormément d'Ukrainiens depuis l'annexion de la Crimée et énormément de réfugiés des Balkans. Mais nous voulons contrôler notre frontière et ne comprenons pas que cela ne soit pas compris. C'est notre obligation dans le cadre de Schengen. Nous voyons aussi que d'autres pays, comme l'Espagne, ont construit des clôtures et que cela a été accepté. Alors pourquoi certains murs seraient-ils bons et d'autres mauvais? Pour nous, la question de la migration est clé, car elle touche à la composition de la population du pays, et donc du type de société dans lequel nous allons vivre, pas seulement aujourd'hui mais dans vingt ans. Est-il possible de forcer les États à accueillir des populations étrangères s'ils ne le veulent pas? C'est tout le débat que nous avons avec Bruxelles. Pour nous, ce sujet touche à la souveraineté nationale et à l'identité constitutionnelle de notre pays. Cela nous amène à votre question sur l'islam. Nous avons du respect pour cette grande religion, pas d'hostilité. Mais la question se pose de savoir comment le christianisme et l'islam peuvent vivre ensemble. Nous avons certaines craintes et, pour nous, les racines chrétiennes sont importantes, or nous voyons aujourd'hui qu'à cause du multiculturalisme, l'Europe veut cacher sous le tapis ses racines, au prétexte que cela peut léser certains. Mais comme le disait notre ancien premier ministre Jozsef Antall, il ne faut pas oublier qu'en Europe, même les athées sont chrétiens, car c'est notre culture. Il faut la préserver.
La Hongrie a néanmoins signé les conventions de Genève sur le droit d'asile.
Bien sûr, il y a les conventions de Genève. Mais les règles de droit d'asile sont une compétence partagée entre les États et l'UE. Va-t-on priver les États de cette compétence? Nous voyons se développer à Bruxelles une tendance au fédéralisme, qui donne de plus en plus de pouvoir aux institutions européennes sur ce sujet et porte atteinte à la souveraineté nationale. Regardez les déclarations du premier ministre belge, qui a affirmé que l'on doit décider, avec une majorité qualifiée, de forcer les États à accepter les quotas de migrants.
L'UE peut-elle vous forcer la main sur les quotas? Certains appellent à couper les fonds régionaux qui ont fait votre prospérité.
Théoriquement, en effet, on pourrait court-circuiter le Conseil des chefs d'État et forcer la main des pays d'Europe centrale, au niveau du Conseil des ministres de l'intérieur. Mais est-ce sage? Vouloir nous punir sur la question des fonds structurels serait inapproprié car ces fonds sont destinés à pallier les différences entre régions et n'ont rien à voir avec la question migratoire.
Mais l'UE pense que l'Europe centrale, après avoir bénéficié du principe de solidarité, pourrait l'endosser à son tour…
Il y a un clivage entre les quatre pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie, NDLR)et les autres sur la migration. Aujourd'hui, les pays d'Europe occidentale et les institutions européennes veulent appliquer un système basé sur la solidarité. Mais nous mettons en avant le principe de sécurité. L'Europe doit être une enceinte de négociation et de compromis. Nous pensons qu'il est indispensable de créer des centres de transit à l'extérieur de l'UE, afin de ne pas avoir à gérer les migrants qui se retrouvent déboutés du droit d'asile mais sont très difficilement expulsables, comme on le voit aujourd'hui en Allemagne. Dans quelle Europe voulons-nous vivre? Une Europe fédérale ou une Europe forte avec des États forts? L'Europe de «la société ouverte», c'est l'Europe forte avec des États faibles. Nous n'en voulons pas.
«La Hongrie et les pays de Visegrád ont une approche concrète de l'immigration et ont toujours été prêts à discuter avec tous leurs partenaires européens dans le plus grand respect.»
Laszlo Trocsanyi
Les pays de Visegrad sont-ils aujourd'hui totalement isolés ou sentez-vous un changement dans l'approche de l'Europe occidentale, vu le débat qui s'y développe sur la question des frontières et des résultats mitigés du multiculturalisme ?
Nous voyons bien qu'il y a débat à l'ouest de l'Europe entre les gouvernants et les peuples. Est-il possible de faire une politique contre l'avis des citoyens? C'est une grande question, qui ne se pose pas seulement chez nous. Regardez l'Allemagne, dont l'équilibre politique est remis en question à cause de la politique migratoire de Merkel. Peut-être, à cause de cette réalité, percevons-nous un changement d'approche récent, notamment en France. L'actuel gouvernement a une vraie volonté d'écouter ce que nous avons à dire. Le président Macron envisage d'ailleurs de venir bientôt en Hongrie même si la date n'est pas fixée.
Quelle est votre réaction au résultat des élections italiennes? La nouvelle donne en Italie va-t-elle vous fournir des alliés?
Il est indéniable que les questions relatives à l'immigration ont été au cœur de la campagne électorale en Italie, et que le gouvernement qui va émerger prendra cet élément en considération. La Hongrie et les pays de Visegrád ont une approche concrète de l'immigration et ont toujours été prêts à discuter avec tous leurs partenaires européens dans le plus grand respect. Mais le possible changement de la position italienne est clairement de nature à rapprocher les points de vue de notre groupe et ceux de l'Italie.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 09/03/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Armes chimiques : Paris menace Damas de «riposte» (08.03.2018)

Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 08/03/2018 à 19h23 | Publié le 08/03/2018 à 18h52
VIDÉO - Dans la Ghouta, des ONG accusent le régime d'avoir frappé au chlore les rebelles, mais les preuves manquent encore.
Jean-Yves Le Drian a promis jeudi une «riposte française» en cas d'utilisation avérée d'armes chimiques dans le conflit syrien. Cette nouvelle menace française intervient deux jours après la publication d'un rapport par la commission d'enquête de l'ONU sur les crimes de guerre, accusant Damas d'avoir eu recours à des armes chimiques, notamment dans la Ghouta orientale, la dernière enclave rebelle autour de la capitale, bombardée depuis près de trois semaines.
«Il y a aujourd'hui des faisceaux de convergence, des faisceaux d'indications qui laissent à penser que l'arme chimique peut être utilisée ou a déjà été utilisée», a déclaré le ministre des Affaires étrangères sur CNews. Jean-Yves Le Drian a toutefois reconnu que «nous n'av(i)ons pas les preuves» d'une telle utilisation d'armes chimiques par le régime syrien contre les rebelles assiégés dans la Ghouta, où 900  civils ont péri en trois semaines et où un convoi humanitaire n'a pu venir secourir jeudi la population dans le besoin.
La «ligne rouge» française
Citant des médecins sur place, une ONG internationale, l'Union des organisateurs de secours et soins médicaux, affirme qu'une attaque au chlore s'est produite vers 21 heures mercredi dans les villes de Saqba et Hamouria. D'après les secouristes des Casques blancs, une cinquantaine de personnes ont été affectées. Elles souffraient de difficultés respiratoires après des frappes aériennes. Des accusations jugées «irréalistes» par Damas. Ces dernières semaines, le régime a été, à plusieurs reprises, montré du doigt pour des attaques présumées au chlore. «Si d'aventure l'usage d'armes chimiques était constaté, vérifié, attribué, et que l'usage de l'arme chimique (….) faisait des morts, alors la riposte française serait au rendez-vous», a détaillé Jean-Yves Le Drian.
Mais les spécialistes s'accordent à reconnaître que l'établissement de telles preuves est un exercice très délicat. Bref, alors que les rebelles syriens reculent dans la Ghouta - que les pro-Assad sont parvenus à couper en deux et à reconquérir à plus de 50 % en quelques jours -, Jean-Yves Le Drian rappelle la «ligne rouge» française, établie par Emmanuel Macron, peu après son élection à la présidence de la République. Mais, à l'Élysée, on soulignait en début de semaine que «ce n'(était) pas une action militaire que la France (menait) en Syrie».
«Il n'y a pas de changement dans nos priorités en Syrie, la priorité numéro un reste la lutte antiterroriste», confiait un proche du chef de l'État, tout en rappelant que, si des preuves de l'utilisation d'armes chimiques par Damas étaient établies, Paris prendrait ses responsabilités. La riposte serait aussi américaine, a précisé Jean-Yves Le Drian. Ce qui laisse supposer une coopération dans des frappes contre des sites - connus - de stockages d'armes chimiques par Damas.
En 2013, François Hollande avait voulu «punir» par des bombardements Bachar el-Assad, déjà accusé d'avoir utilisé des armes chimiques dans la Ghouta (plus de 1000 morts). Mais, au dernier moment, Barack Obama avait renoncé à recourir à la force contre le régime syrien.

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L'Ulster otage du Brexit (09.03.2018)

Par Jean-Marc Gonin
Publié le 09/03/2018 à 07h00
Les négociations sur le Brexit font craindre, outre-Manche, le rétablissement d'une frontière entre l'Eire et l'Irlande du Nord.
La frontière extérieure de l'Union européenne passera-t-elle demain au milieu de la mer d'Irlande entre les deux îles britanniques? Au cœur des âpres négociations sur le Brexit, le gouvernement de Theresa May et la Commission européenne achoppent notamment sur le futur statut de l'Ulster. En théorie, l'Irlande du Nord, qui appartient au Royaume-Uni, devrait rompre les amarres avec l'UE en mars 2019 dans les mêmes termes que la Grande-Bretagne. Pourtant, Michel Barnier, qui mène les négociations du divorce au nom de l'UE, a expliqué que l'Irlande tout entière, Eire et province de l'Ulster associées, constituerait demain une seule et même «aire réglementaire commune». Donc, ipso facto, l'Irlande du Nord demeurerait dans l'Union européenne tandis que le reste du Royaume-Uni lui tournerait le dos.
L'audace du négociateur en chef européen a provoqué une réponse cinglante du Premier ministre britannique: pas question de toucher à «l'intégrité constitutionnelle du Royaume-Uni», a tempêté Theresa May. Et vendredi 2 mars, lors d'un long discours consacré aux perspectives de l'après-Brexit, elle est revenue sur le sujet. «En tant que Premier ministre de l'ensemble du Royaume-Uni, a-t-elle déclaré, je ne veux pas que notre départ de l'Union européenne remette en cause les progrès historiques obtenus en Irlande du Nord ; et je n'autoriserai rien non plus qui puisse porter atteinte à notre précieuse Union.» Tout le dilemme du gouvernement britannique se trouve dans cette phrase.
30.000 personnes passent quotidiennement de l'Eire à l'Ulster
Dans l'accord du Vendredi saint signé en avril 1998, qui mit fin à trente ans d'attentats et d'assassinats causant près de 3500 morts en Ulster et en Grande-Bretagne, la question de la frontière avec la République d'Irlande avait été réglée en l'ouvrant et en laissant une libre circulation totale. Depuis lors, quelque 30.000 personnes, salariés et étudiants, passent quotidiennement d'un pays à l'autre - surtout dans le sens Eire-Ulster car le salaire moyen est plus élevé au nord qu'au sud.
«Au sud comme au nord, on sait que les deux économies ont beaucoup à perdre d'un Brexit mal négocié»
Tout rétablissement des contrôles à la frontière aurait donc un double effet négatif. Politiquement, il pourrait rouvrir la plaie nord-irlandaise et le conflit entre les protestants unionistes attachés à la Grande-Bretagne - et partenaires dans la majorité de Theresa May - et les catholiques du Sinn Fein partisans d'une unification irlandaise. Economiquement, il mettrait en difficulté des dizaines de milliers de travailleurs frontaliers, dont de nombreux enseignants, et causerait un grave problème aux sociétés et aux écoles qui les emploient. La branche nord-irlandaise du FSB, la fédération des petites entreprises, a déjà exprimé publiquement ses inquiétudes sur un éventuel «durcissement» de la frontière.
De son côté, Michel Barnier s'est défendu d'avoir voulu provoquer Londres. Pour lui, sa proposition n'était que la conséquence des discussions de décembre dernier, où la partie britannique avait souligné son intention de ne pas rétablir une frontière en bonne et due forme. Malicieux, le négociateur européen s'est étonné que Londres n'ait toujours pas formulé de solution viable, hormis quelques suggestions purement technologiques, du type portiques électroniques, tout à fait insuffisantes pour fonder un règlement définitif.
Cet épineux dossier est scruté de près par une troisième partie: la République d'Irlande. A Dublin, on s'inquiète des prises de position souvent contradictoires des leaders conservateurs britanniques. Boris Johnson, ministre des Affaires étrangères, n'a-t-il pas prédit la semaine dernière une frontière «dure» entre les deux Irlandes avec des contrôles renforcés? Theresa May a rectifié en parlant d'une frontière «soft». Mais la cacophonie demeure. Et, au sud comme au nord, on sait que les deux économies ont beaucoup à perdre d'un Brexit mal négocié.
Journaliste
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Radioscopie de l'affaire Halimi (09.03.2018)

Par Judith Waintraub
Publié le 09/03/2018 à 07h45
Dans son livre L'Affaire Sarah Halimi, Noémie Halioua enquête sur les «défaillances» qui ont abouti au meurtre de Sarah Halimi et expliquent ce long mutisme sur son caractère antisémite.
Près d'un an: c'est le temps qu'il aura fallu à la justice pour reconnaître le caractère antisémite du meurtre de Sarah Halimi, cette Française juive de 67 ans torturée aux cris d'«Allah akbar!» dans son appartement parisien de Belleville, puis défenestrée, dans la nuit du 3 au 4 avril 2017. Près d'un an de bataille pour la famille de la victime. La juge d'instruction Anne Ihuellou, qui avait mis son bourreau Kobili Traoré en examen le 10 juillet pour meurtre, n'a retenu l'antisémitisme de ce Franco-Malien de 28 ans comme circonstance aggravante que la semaine dernière. Dès juillet, lors de la commémoration des 75 ans de la rafle du Vél' d'Hiv, Emmanuel Macron avait pourtant demandé à la justice de faire «toute la clarté» sur ce meurtre, «malgré les dénégations du meurtrier». Au risque de se voir reprocher d'enfreindre la séparation des pouvoirs.
http://i.f1g.fr/media/figaro/129x200/2018/03/09/XVM1f61ec36-1e3b-11e8-9832-367a659cf4b5-129x200.jpg
- Crédits photo : _ISA
Dans L'Affaire Sarah Halimi, Noémie Halioua, responsable des pages «Culture» du magazine Actualité juive, enquête sur les «nombreuses défaillances» qui ont abouti au meurtre de Sarah Halimi et expliquent ce long mutisme sur son caractère antisémite.
Sur les pas de William Attal, le frère de la victime, elle nous emmène d'abord dans cette HLM du XIe arrondissement de Paris où Sarah Halimi vivait depuis une trentaine d'années. C'est peu dire que les locataires, immigrés du Maghreb ou d'Afrique noire en majorité, n'accueillent pas le tandem à bras ouverts. Personne, sauf épisodiquement ses voisins de palier, ne fréquentait cette Juive orthodoxe portant jupe longue et perruque. Un monde sépare ce côté du boulevard de Belleville de La Bellevilloise, où la gauche branchée aime célébrer la «diversité».
Dans l'immeuble de Sarah Halimi, une seule femme accepte de raconter à la journaliste, sous couvert d'anonymat, «l'islamisation de la population maghrébine de Belleville qui s'est intensifiée, surtout chez les jeunes».
Kobili Traoré est l'archétype de ce phénomène. Après avoir quitté l'école en troisième, il vivote grâce au RSA et au deal. Incarcéré quatre fois, il compte quatre condamnations pour vol, six pour violences - dont une pour avoir brûlé un individu afin de le détrousser -, huit pour usage ou trafic de stupéfiants, deux pour outrage, un pour port d'armes… La liste n'est pas exhaustive.
«Le soir du meurtre, la connotation islamiste ne laissait aucun doute, ni pour les témoins ni pour les policiers présents» 
Noémie Halioua
Noémie Halioua a reconstitué son emploi du temps le jour du meurtre. Il s'est rendu deux fois à la mosquée Omar, rue Morand, qu'un témoin qualifie de «fabrique de tueurs». Puis il a «zoné» dans le quartier avec ses copains et est rentré se coucher. Une journée habituelle, sauf que lorsqu'il se réveille, vers 3 h 30 du matin, il va chez la famille Diarra, dont l'appartement permet l'accès à celui de Sarah Halimi. C'est un membre de la famille Diarra qui va alerter la police, un peu plus tard, en entendant les vociférations et les appels à l'aide chez la voisine. Pourquoi, alors que trois agents de la BAC sont arrivés sur place à 4 h 25 du matin, Traoré n'a-t-il été interpellé qu'à 5 h 35, après avoir défenestré sa victime? Pour le savoir, Me Gilles-William Goldnadel, avocat de la sœur de Sarah Halimi, a déposé plainte pour «non-assistance à personne en danger». Les parties civiles ont demandé une reconstitution, refusée par la juge en raison de l'état mental du prévenu. Noémie Halioua dénonce une «inertie policière» et explique ce refus par le souci de dissimuler «le grave dysfonctionnement des forces de l'ordre ce soir-là».
C'est en faisant appel de cette décision que le parquet et les parties civiles ont enfin obtenu la
reconnaissance du caractère antisémite du crime. La juge a préféré anticiper une possible «évocation» - c'est le terme juridique - du fond du dossier par la cour d'appel. Mais que de temps perdu! «Le soir du meurtre, affirme Noémie Halioua, la connotation islamiste ne laissait aucun doute, ni pour les témoins ni pour les policiers présents.»
La responsabilté des médias
Police, justice, mais aussi médias: L'Affaire Sarah Halimi pointe les responsabilités de tous ses acteurs, chacun à leur niveau. La «vulgate journalistique» qui qualifie de «déséquilibrés» des islamistes pourtant revendiqués, les journaux qui ont choisi de «différer la publication de l'information pour “ne pas faire le jeu de Marine Le Pen”», parce que Sarah Halimi a été tuée en pleine campagne présidentielle, ont joué eux aussi un rôle dans ce drame.
L'Affaire Sarah Halimi, de Noémie Halioua, Cerf, 140 p., 16 €. En librairie le 16 mars.
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Tariq Ramadan visé par une troisième plainte pour «viols» (07.03.2018)

Par Le figaro.fr
Mis à jour le 07/03/2018 à 21h26 | Publié le 07/03/2018 à 21h07
Une femme a déposé plainte, ce mercredi, auprès du parquet de Paris, contre l'islamologue. Elle affirme avoir subi des actes sexuels violents et dégradants lors d'une dizaine de rendez-vous entre février 2013 et juin 2014.
Une troisième femme a porté plainte pour viols, ce mercredi à Paris, contre Tariq Ramadan. L'islamologue suisse controversé est déjà inculpé et incarcéré depuis un mois pour des faits similaires. Cette Française d'une quarantaine d'années - qui souhaite garder l'anonymat - affirme avoir été sous l'emprise du théologien et avoir subi de multiples viols entre 2013 et 2014 en France, à Bruxelles et à Londres, selon une source proche du dossier citant la plainte.
Cette femme musulmane, qui a choisi le pseudonyme «Marie», affirme avoir subi des actes sexuels particulièrement violents et dégradants lors d'une dizaine de rendez-vous entre février 2013 et juin 2014, le plus souvent dans des hôtels en marge des conférences à succès de l'islamologue de 55 ans. Sur cette période, «Marie tentait en vain d'échapper à l'emprise de M. Ramadan qui ne cessait de la menacer», selon la source proche du dossier.
La radio Europe 1 précise, de son côté, que la plaignante avait confié à Tariq Ramadan «son passé d'escort girl» et avoir fait «partie des femmes rémunérées pour avoir eu des relations sexuelles avec Dominique Strauss-Kahn», ancien ministre français et directeur général du FMI, au coeur de plusieurs scandales sexuels qui lui ont coûté sa carrière politique. Des éléments dont l'intellectuel se serait servi pour la menacer, affirme la radio qui a consulté des SMS reçus par la plaignante et que cette dernière attribue à Tariq Ramadan.
Vif émoi dans une partie des rangs musulmans
Le théologien a été inculpé le 2 février pour viols, dont l'un sur personne vulnérable, après les plaintes de deux femmes, fin octobre, qui ont débouché sur une enquête confiée à trois juges d'instruction. Tariq Ramadan, qui conteste ces accusations, a été écroué en banlieue parisienne, la justice craignant une possible fuite, des pressions sur les plaignantes ou une réitération des faits.
La détention de ce petit-fils du fondateur de la confrérie islamiste des Frères musulmans a suscité un vif émoi dans une partie des rangs musulmans, certains dénonçant un «deux poids, deux mesures», voire un «complot» contre une des rares figures médiatiques de l'islam européen.
Tariq Ramadan avait invoqué son état de santé pour contester cette détention, qui a été confirmé par la cour d'appel de Paris fin février sur la base d'une première expertise médicale. Cette dernière avait remis en question les deux maladies, une sclérose en plaques et une neuropathie, dont le théologien dit souffrir, jugeant leur diagnostic «incertain». Une expertise médicale complète a été ordonnée par les juges et doit être rendu d'ici la fin mars.
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