lundi 2 avril 2018

Islamisme et politique 27.03.2018


Alexandre del Valle : «L'islamiquement correct fait le jeu des terroristes»
Bloc-notes : Islamisme, réveil d’une résistance française (29.03.2018)
Saint-Ouen : rassemblement pour Nabila égorgée par son conjoint (27.03.2018)
La mère d'une victime de Merah avait été menacée par Lakdim (27.03.2018)
Mayotte: le renvoi d'immigrants illégaux vers les Comores possible (27.03.2018)
Italie: un navire d'ONG saisi par la justice (27.03.2018)

Meurtre d'une octogénaire à Paris : les deux suspects mis en examen (25.03.2018)
Meurtre de Mireille Knoll: une «marche blanche» ce mercredi (27.03.2018)
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Alexandre del Valle : «L'islamiquement correct fait le jeu des terroristes»

  • Mis à jour le 26/03/2018 à 10:04 

  • Publié le 23/03/2018 à 19:38
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Alexandre del Valle a publié jeudi un volumineux essai, dans lequel il décrit la «stratégie d'intimidation» des islamistes pour soumettre l'Occident. Le lendemain, une nouvelle attaque terroriste ensanglantait la France. Il revient longuement sur ses thèses dans un entretien au FigaroVox.


Géopolitologue, docteur en histoire contemporaine, consultant et essayiste, Alexandre del Valle est professeur de géopolitique et de relations internationales. Il vient de publier La Stratégie de l'intimidation, du terrorisme jihadiste à l'islamiquement correct(éd. L'Artilleur, mars 2018).

FIGAROVOX.- À Trèbes, dans l'Aude, un homme a tiré sur des CRS avant d'abattre plusieurs civils dans un supermarché. Dans votre livre, vous insistez sur la dimension idéologique de tels actes?
Alexandre DEL VALLE.- Oui, et cela ne fait aucun doute pour tous les spécialistes du terrorisme: ce serait une erreur fondamentale d'analyse que de réduire le terrorisme au profil psychiatrique de ses petits soldats. Car en dernier ressort, ceux-ci sont mus par une idéologie très puissante, capable de pousser un homme à sacrifier sa propre vie pour le suprématisme islamiste. Les théoriciens de cette idéologie ne sont ni des individus isolés ni des déséquilibrés, mais des intellectuels dont le rayonnement à travers le monde est immense.
Le cri des jihadistes, que, selon certains éléments, Redouane Lakdim aurait également poussé vendredi matin, est «Allah akbar», Dieu est le plus grand. Ce cri nous fait remonter toute l'histoire des conquêtes musulmanes, et jusqu'au prophète Mahomet lui-même! Il rappelle la continuité historique et civilisationnelle entre le jihadisme et l'islam.
Vous décrivez dans votre livre une «stratégie de l'intimidation», celle d'un islamisme conquérant dont le terrorisme n'est que la branche armée, tandis que la crainte qu'il inspire est perpétuée par un discours «islamiquement correct». Que recouvre cette expression?
En effet, la violence physique des jihadistes produit une sidération et une intimidation qui profite en fait grandement aux tenants de l'islamisme plus «institutionnel». Ceux-ci prétendent que «le jihadisme n'a rien à voir avec l'islam» alors qu'ils s'abreuvent aux mêmes sources totalitaires. D'où le sous-titre de l'essai: «du terrorisme jihadiste à l'islamiquement correct», deux formes d'intimidation complémentaires. Cette expression, que j'ai utilisée la première fois dans un article du Figaro Magazine en 1999 en même temps que celle de «totalitarisme islamiste», montre que plus l'on tue au nom de l'islam, et plus les Occidentaux combattent l'islamophobie en affirmant que le «vrai islam» est pacifique. Paradoxalement, donc, l'islamiquement correct n'est pas qu'une déclinaison de la xénophilie, la version islamique du «politiquement correct», mais le résultat d'une intimidation physique et psychologique qui pousse à céder devant ceux qui sont prêts à mourir pour leur cause fanatique.
L'islamiquement correct est le résultat d'une intimidation physique et psychologique qui pousse à céder devant le fanatisme.
L'islamiquement correct est donc devenu l'épicentre de la culture de l'excuse, le fruit le plus mûr du «complexe occidental». Pareille capitulation des Occidentaux face à la stratégie de conquête des pôles islamistes néo-conquérants est d'autant plus perverse qu'elle est présentée comme un gage d'antiracisme. Pour le dire autrement, l'islamiquement correct des «coupeurs de langue» (ceux qui font taire les soi-disant «islamophobes» qui osent critiquer l'islam et l'islamisme) est renforcé par la crainte suscitée par les «coupeurs de tête» (les jihadistes, qui rappellent de façon fort persuasive à quel point il est dangereux de critiquer l'islam). En mêlant ainsi les questions d'immigration, de crise des réfugiés ou de «racisme» avec celle du totalitarisme islamiste, en assimilant la critique de l'islam à la haine envers les musulmans, les islamistes institutionnels et leurs alliés d'extrême-gauche sont parvenus à faire passer toute critique de l'islam et toute dénonciation de l'islamisme pour un racisme envers les immigrés musulmans et la civilisation musulmane.
Vous assimilez le terrorisme à une «guerre psychologique»: quel en est l'objectif?
Toute guerre a un objectif, et celui de l'islamisme mondial est de faire régner partout l'ordre de la charia, de reconquérir tous les pays qui furent jadis musulmans (Balkans, Espagne, Sicile, Portugal, Inde, Israël, etc.), qu'il veut réunir à terme dans un califat, afin d'islamiser la planète entière. Mais, sachant que de nombreux pays sont militairement plus forts qu'eux, les islamistes doivent désarmer d'abord l'Occident grâce à l'interdiction de toute critique de l'islam sous couvert de lutte contre l'islamophobie. Pour éliminer les obstacles sur leurs chemins de conquête subversive, les pôles de l'islamisme mondial distillent l'idée selon laquelle toute critique de l'islam serait une attaque contre les musulmans. Cette «paranoïsation» des musulmans via l'idée que les «sociétés mécréantes» les persécuteraient prépare la sécession possible d'une grande partie des communautés musulmanes de nos pays, que les jihadistes comme les «islamistes modérés» incitent à se «désassimiler».
De ce fait, il est stupide de réduire la menace islamiste au seul terrorisme jihadiste, qui n'est que l'avant-garde, la face émergée de l'iceberg. L'objectif de conquête du monde et de l'Occident est en effet poursuivi tout autant par l'islam institutionnel mondial et occidental, majoritairement fondamentaliste. La différence entre les deux n'est pas de nature mais de degré. Le but commun est d'instaurer le règne universel de la charia.
Selon vous, ces institutions que vous nommez les «pôles subversifs» de l'idéologie islamiste dans le monde prônent par conséquent une doctrine proche de celle des jihadistes?
Oui, la doctrine est la même, elle découle des textes sacrés de l'islam: le Coran incréé, où les sourates guerrières de Médine priment sur celles plus spirituelles de La Mecque, puis les Hadîths (propos complémentaires rapportés et attribués à Mahomet), et la Sira, la vie de Mahomet qui regorge de conflits et d'actes jihadistes. Dans l'islam, rappelons qu'il n'y a pas réellement de théologie, comme dans le christianisme: il y a une orthodoxie, qui opère une fusion totale entre le spirituel et le temporel, et une orthopraxie qui en découle et qui valorise la conquête, la ruse de guerre et le combat sacré. L'islam (soumission) se distingue d'ailleurs de la foi (iman), car islam signifie la soumission à un ordre plus politique que religieux. De ce fait, lorsque nos dirigeants refusent d'interdire les Frères musulmans, les salafistes «modérés», le Tabligh indo-pakistanais, ou l'islam turc du Millî Görüs, sous prétexte que ceux-ci n'exercent pas d'action terroriste sur notre sol, ils n'ont rien compris à l'islam, car ils n'ont pas affaire qu'à des prosélytes religieux, mais à des adeptes d'un ordre juridico-politique fondé sur la vision totalitaire de la charia et qui est qui plus est conquérant et opposé à l'ordre démocratico-occidental judéo-chrétien.
L'Université d'Al-Azhar, la plus prestigieuse du monde sunnite, n'a jamais excommunié les jihadistes.
Dans les universités islamiques sunnites officielles, le religieux et le socio-temporel sont toujours enseignés ensemble. Ces pôles de l'islamisme mondial conquérants sont par ordre d'influence dans nos sociétés et dans le monde: les Frères musulmans, qui dirigent de nombreuses mosquées aux États-Unis, en France, en Allemagne, en Italie… Ensuite, il y a le salafisme wahhabite, produit et entretenu par l'Arabie Saoudite, qui tient les lieux saints de l'islam et les grandes organisations panislamistes mondiales (la Ligue islamique mondiale, l'OCI, ISESCO, l'Assemblée mondiale des mosquées, etc.). Le pôle saoudien produit une orthodoxie islamique totalitaire qui a contaminé une grande partie du monde musulman depuis des décennies, y compris nos «banlieues de l'islam». On peut aussi mentionner le Tabligh et la Jamaà Islamiya indo-pakistanaises, très présents en Grande Bretagne ou en Amérique mais aussi chez nous, sans oublier le Millî Görüs turc et autres confréries néo-ottomanes très actives au sein de la diaspora en Europe et qui ont contribué à l'essor de l'AKP d'Erdogan en Turquie. Et l'Université d'Al-Azhar, la plus prestigieuse du monde sunnite, qui n'a jamais excommunié les jihadistes, alors qu'elle a déclaré «apostats» nombre de libéraux.
J'ajoute que ce système théocratique conquérant, sous couvert de prosélytisme et de liberté religieuse, repose sur une vision foncièrement irrédentiste, puisque tout territoire qui appartenait dans le passé au Califat (Espagne, Balkans, Inde, Andalous, Sicile, etc.) est censé retourner à l'islam.
L'emploi de l'expression «aslam taslam» («soumets-toi et tu seras épargné») par les jihadistes est pour vous la preuve d'une continuité entre le terrorisme d'aujourd'hui, et la longue histoire d'expansion de l'islam par l'appel à la soumission…
Absolument. À l'Institut du monde arabe, qui représente pourtant un islam assez modéré, on montre régulièrement une vidéo sur la vie du prophète des musulmans et sur les premières expansions islamiques du VIIe siècle, dans laquelle on voit Mahomet envoyer des cavaliers d'Allah aux quatre coins du monde pour aller déclarer aux rois byzantin ou perse: «aslam taslam!», «soumets-toi et tu auras la paix».
Les textes des grands jurisconsultes de l'islam, ceux de Bukhari, Muslim, Nawawi, etc. sont enseignés en Europe dans la plupart des centres islamiques officiels ayant pignon sur rue, alors qu'ils consacrent des chapitres entiers au jihad guerrier offensif, au prélèvement des butins, à la prise des otages mécréants, à l'esclavage, aux châtiments corporels, à l'infériorité des non-musulmans et des femmes et aux peines de mort pour l'apostasie et le blasphème. Quand on prend conscience du lien entre le jihadisme et les sources doctrinales légales de la violence sacrée, on comprend que l'on ne peut pas déradicaliser un jihadiste si facilement. De ce fait, j'affirme qu'un Mohammed Merah ou des égorgeurs de Daech n'ont pas besoin de s'appuyer sur les textes «hérétiques» pour commettre leurs crimes: ils n'ont qu'à écouter les sermons et lire les ouvrages (en vente à la FNAC) de Youssef al-Qardawi par exemple, qui appelle à tuer les homosexuels, les apostats et ceux qui blasphèment.
Vous dites également que l'islamisme repose sur un mythe, celui d'un âge d'or de l'islam qui aurait généré une dette de l'Occident à l'égard de la science et de la culture arabo-musulmanes. Sur quoi repose-t-il selon vous?
Sur deux vecteurs. Le premier est une haine de soi civilisationnelle entretenue par l'Occident lui-même, et notamment un rejet de l'héritage Grecs byzantins. Pour ne pas être redevable envers l'empire byzantin, l'Europe occidentale a créé le «mythe de l'islam éclairé», de la supériorité philosophique, scientifique et morale d'un Orient islamique qui nous aurait apporté le zéro, Aristote et Platon et sans qui nous ne serions encore que des barbares obscurantistes.
Le second vecteur, qui poursuit le premier, est la détestation de l'apport judéo-chrétien par l'Occident moderne consumériste et multiculturaliste. En termes clairs, cette haine de soi, ce «complexe occidental» conduit à exagérer par contraste l'influence culturelle et philosophique du monde musulman envers lequel en réalité l'Occident n'est pas redevable scientifiquement puisque la quasi-totalité des savants et traducteurs qui ont transcrit en arabe les œuvres grecques, perses et indiennes étaient ni arabes ni musulmans mais majoritairement chrétiens d'Orient araméophones, byzantins, perses, juifs et espagnols.
Pour ne pas être redevable envers l'empire byzantin, l'Europe occidentale a créé le « mythe de l'islam éclairé ».
Ce mythe donne une légitimité morale à l'impérialisme islamiste et à son irrédentisme agressif. Il est le motif central des revendications jihadistes: il faut «venger l'offense de la Reconquista» et «reprendre possession» d'une ex-colonie européenne islamique. Le génie de l'islamisme est d'avoir su capter les mérites de nombreuses cultures passées: les coupoles ont en réalité été inventées par les Perses, l'irrigation par les Romains, le zéro par les Indiens, Aristote a été traduit par les chrétiens grâce à des manuscrits empruntés à Byzance, etc.
Vous fustigez la réaction des Occidentaux après chaque attentat, qui se contentent d'allumer des bougies. Pourtant, il y a aussi des plans de prévention de la radicalisation: cela ne vous semble pas suffisant?
Ce que l'on n'a pas compris en Occident, c'est que lorsque l'on tue au nom de l'islam, les pôles institutionnels de l'islamisme testent nos réactions. J'ai visité et pris en photo les nombreux lieux de commémorations post-attentats édifiés comme des autels par la mairie très gauchiste (Podemos) de Barcelone: il n'y a pas eu de photo des victimes occidentales sur les lieux de commémoration, aucune croix chrétienne, aucune apologie de ce que nous sommes, de l'Espagne ou de notre identité, mais une omniprésence d'écrits en arabe, de pancartes où il était écrit que l'islam c'est la paix, l'islam est innocent... Le lendemain des attentats, la mairie de Barcelone fit augmenter les dotations accordées aux organismes de lutte contre l'islamophobie! Nos professions de foi post-attentats et nos bougies entourées de slogans exposées après des carnages sur fond de «lutte contre l'islamophobie» sont perçues par les pôles de l'islamisme institutionnel comme des extraordinaires messages de faiblesse. Ce recours permanent à l'autoflagellation et à la culpabilisation est la preuve, pour les islamistes, que nous sommes une proie facile.
Pour revenir à la déradicalisation, je pense que celle-ci est quasiment impossible avec des vrais radicalisés qui pris le «goût du sang». La prévention de la radicalisation est en revanche la seule chose que l'on puisse effectivement faire, car les personnes déjà touchées par la contagion du discours islamiste et qui l'ont mis en pratique n'en reviennent jamais ou très rarement, d'autant que les ex-jihadistes «revenants» ont le droit de mentir d'une façon illimitée dans le cadre de la «ruse de guerre jihadiste», que l'on retrouve dans des textes de la jurisprudence islamique.
Est-ce à dire qu'il n'existe pas d'islam modéré en France?
En France, l'islam modéré, celui de la mosquée de Paris ou de l'imam Chalghoumi, existe mais il est en perte de vitesse et minoritaire au niveau des lieux de cultes et de la production de discours et d'identité. L'État français et les Européens en général ont beaucoup trop cédé durant des décennies, notamment en laissant les Frères musulmans et à présent le pôle turc (néo-ottoman) contrôler le Conseil français du culte musulman (CFCM). Il est urgent par exemple de n'accorder la gestion du marché du halal de sacrifice des bêtes qu'à des pôles vraiment modérés de l'islam, car on oublie trop souvent que les milliards du halal permettent à des mouvances comme les Frères de s'auto-financer, en plus des dons des fidèles.
Depuis la mise en garde de Karl Popper contre les totalitarismes du XXe siècle, dans «the open society and its enemies», vous jugez que nos démocraties n'ont toujours pas tiré les leçons de l'histoire?
Non, les pires erreurs se répètent. Comme jadis face aux totalitarismes rouges et bruns qui annoncèrent sans complexe leurs objectifs de conquêtes, nos démocraties ouvrent leurs portes à l'ennemi islamiste. Karl Popper ne s'est pas trompé. J'irai même plus loin. Cet auto-sabordage civilisationnel fait que nos sociétés ne définissent plus leurs intérêts que de façon marchande, économique, de sorte que l'Arabie saoudite, la Turquie ou le Qatar producteurs d'islamisme radical institutionnel ou jihadiste, qui devraient être définis comme des ennemis dès lors qu'ils incitent les musulmans chez nous à se «désassimiler», sont vus comme des amis ou des alliés puisqu'ils le sont d'un point de vue économique ou stratégique face au bloc russo-orthodoxe désigné comme ennemi principal par l'OTAN.
La contre-attaque consiste en premier lieu à ne pas donner systématiquement raison à l'ennemi.
Et la haine envers la civilisation occidentale, distillée par les idéologues révolutionnaires rouges alliés des prédicateurs verts, crée un terreau favorable au processus de radicalisation jihadiste. Certains États européens ont toutefois commencé à mettre en place des mécanismes de défense: les Autrichiens, avant que l'extrême-droite n'arrive au pouvoir, ont en effet interdit dès fin 2015 le financement des lieux de culte et des centres gérés par des pôles islamistes étrangers. Et pour autant que je sache, Erdogan ne leur a pas fait la guerre! Cela montre que nous pouvons encore être maîtres de notre destin, et surtout que nos dirigeants n'ont aucune excuse pour laisser proliférer une telle menace géo-civilisationnelle.
Quels seraient justement, selon vous, les ressorts de la «contre-attaque» idéologique et psychologique que vous appelez de vos vœux?
La contre-attaque consiste en premier lieu à ne pas donner systématiquement raison à l'ennemi. Lorsque les islamistes utilisent le chiffon rouge de «l'islamophobie» pour justifier en «représailles» les meurtres de Charlie Hebdo, nous ne devons pas nous reconnaître coupables des blasphèmes qu'ils nous reprochent ou lancer des campagnes de lutte contre l'islamophobie. Dire «je suis Charlie» ne sert à rien si l'on continue ensuite à criminaliser la critique de l'islam!
Il faut ensuite lutter contre les théories conspirationnistes, comme celles sur le 11 septembre. Ces théories accréditent l'idée que l'Occident étant «l'Empire du mal, la seule force de résistance face à ce monstre ne peut être que la lutte terroriste.
Il faut enfin que l'Occident se réconcilie avec lui-même. Dans ses travaux, le thérapeute américain William Schutz a montré que plus une entité véhicule une image positive d'elle-même, et plus elle suscite l'adhésion de l'autre: l'Europe doit méditer ceci si elle veut proposer un modèle concurrent de celui de l'islamisme! Les hussards noirs de la IIIe République le savaient très bien, puisque même s'ils étaient profondément anticléricaux, ils enseignaient aux élèves la fierté de l'héritage civilisationnel européen et y compris de la monarchie chrétienne.
Il faut enfin redonner à la justice les moyens de lutter efficacement contre ceux qui propagent les discours qui conduisent les terroristes à passer à l'acte. Il n'y a pas de raison que les citoyens musulmans ne fassent pas de bons Français et de bons républicains, c'est déjà le cas de 46 % si l'on en croit l'étude de l'Institut Montaigne. Reste les 54 % restants, qui sont soit très conservateurs, soit carrément séparatistes et donc en rupture. Avec une politique de «patriotisme assimilateur» fondée sur une exaltation de la fierté nationale, nous aurions pu éviter ce gâchis. Il est clair que tant que nos institutions, et nos écoles en particulier, n'auront plus d'autorité, nous ne pourrons que favoriser le chemin vers la radicalisation islamiste.
Enfin, l'histoire des conquêtes islamiques montre que c'est toujours la dissension interne et la faiblesse des dirigeants qui ont permis à l'islamisme conquérant de prospérer: nous devrions réfléchir aux conséquences funestes de la nouvelle guerre froide entre l'Occident et la Russie.
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Bloc-notes : Islamisme, réveil d’une résistance française (29.03.2018)
Par Ivan Rioufol le 29 mars 2018 19h00 | Réagir
Les plus dangereux sont ceux qui roupillent. Dans la guerre que l’islam suprémaciste a déclarée à la nation, trop d’élites dorment encore au lieu de combattre l’ennemi intérieur. La préservation du vivre-ensemble est leur excuse la plus cynique. Le "délai de décence" est également régulièrement rappelé à ceux qui, après chaque horreur djihadiste, exigent des actes plutôt que des résiliences. Résultat de cette politique de l’oreiller : en France, le nazislamisme progresse sans résistance. Cette idéologie s’appuie aussi bien sur un prosélytisme subtil que sur l’enrôlement de voyous des cités. L’un d’eux, le délinquant franco-marocain Radouane Lakdim, 25 ans, a égorgé le colonel Arnaud Beltrame, 44 ans. L’officier de gendarmerie s’était proposé comme otage à la place de la caissière du Super U de Trèbes (Aude). Au nom d’Allah, le tueur avait préalablement assassiné Jean Mazières, Christian Medvès, Hervé Sosna. En octobre, à Marseille, Laura et Mauranne avaient été d’autres proies d’un autre barbare.
La judéophobie s’ajoute aux fruits vénéneux que le Coran peut produire. Les chrétiens et les musulmans mécréants sont également les cibles de sourates qui ordonnent de tuer pour terroriser et imposer la charia. Lundi, le caractère antisémite a été retenu par le parquet de Paris dans l’assassinat de Mireille Knoll,85 ans. Cette rescapée du Vél’ d’Hiv’ a reçu onze coups de couteau, dans son HLM du XIe arrondissement. Son bourreau criait "Allah Akbar". "Les Juifs ne sont pas en sécurité en France", a dénoncé Malek Boutih, ancien président de SOS Racisme.Cependant, ce mouvement a sa part dans la culpabilisation des Français à faire respecter leurs modes de vie. Son "Touche pas à mon pote", encore brandi jeudi soir à Paris lors de la marche blanche contre l’antisémitisme, a contribué à la victimisation des immigrés, mais aussi des djihadistes. La culture de l’excuse, qui est celle d’Emmanuel Macron, est l’héritière de cet humanisme dévoyé.
Les "assoupis ", ainsi nommés mercredi par le chef de l’État lors de l’hommage national au "héros français", sont au pouvoir. (La suite ici)
Je participerai, ce vendredi, à L'heure des pros sur CNews (9h-10h30), puis au Club Pujadas sur LCI (18h10-19h50)

Saint-Ouen : rassemblement pour Nabila égorgée par son conjoint (27.03.2018)
Le Parisien - 2018-03-27
Saint-Ouen, vendredi 9 mars. Une jeune femme de 23 ans a été tuée par son mari.
Comme après chaque meurtre conjugal, Ernestine Ronai, responsable de l'observatoire des violences envers les femmes en Seine-Saint-Denis, sera présente avec d'autres associations ce mardi à 18 heures devant la mairie de Saint-Ouen pour le rassemblement en mémoire de Nabila, 23 ans, tuée par son conjoint. L'Observatoire a choisi de désigner ces meurtres par le terme de féminicide et de marquer chaque drame par une marche ou un rassemblement. « Nous voulons faire savoir que ces femmes ont été tuées. Elles ne doivent pas partir sans qu'un hommage leur soit rendu », rappelle Ernestine Ronai.
Dans le contexte national de débat sur la violence faites aux femmes, la démarche des associations de Seine-Saint-Denis revêt toute son acuité. « Nous n'en avons pas fini de penser la dangerosité des hommes violents », estime la responsable de l'observatoire.
Pour Nabila, c'était le 9 mars dernier, dans un appartement de la rue des Rosiers. Son mari, âgé de 22 ans, l'avait égorgée avec un couteau de boucher. Le meurtre s'était déroulé sous les yeux de leur bébé de six mois. Conseillé par sa famille chez laquelle il s'était réfugié, l'auteur présumé s'était rendu à la police. Depuis il a été mis en examen pour meurtre sur concubin et placé en détention provisoire. Mais il persiste à nier les faits.
La jeune mère de famille était originaire de Belgique. Après avoir vécu dans sa belle-famille en Seine-et-Marne, elle avait emménagé avec son mari dans ce petit studio de la rue de Rosiers, à Saint-Ouen. La jeune femme menait une existence très discrète et sortait très peu. A tel point qu'aucun des voisins rencontrés n'a pu la décrire.
Le bébé placé dans une famille d'accueil
Après le meurtre de Nabila, l'observatoire des violences envers les femmes avait immédiatement enclenché le protocole de prise en charge des enfants témoins d'un drame conjugal. L'observatoire de Seine-Saint-Denis a été le premier en France à mettre en place cette procédure en concertation avec la justice. Car il considère que les enfants sont des victimes à part entière et ils nécessitent d'être mis à l'abri.
Une ordonnance de placement provisoire a été prise par le procureur de la République de Bobigny. « Le bébé n'était pas encore sevré et ne voulait plus se nourrir. Il a pu être hospitalisé. Il est maintenant plus apaisé », explique Ernestine Ronai, responsable de l'observatoire des violences envers les femmes. L'enfant a ensuite été placé dans une famille d'accueil en attendant que les services spécialisés conduisent une évaluation auprès de sa famille biologique.

La mère d'une victime de Merah avait été menacée par Lakdim (27.03.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 27/03/2018 à 22:26 

  • Publié le 27/03/2018 à 20:43
"Continue comme ça et tu verras !": Latifa Ibn Ziaten, la mère d'une des victimes du djihadiste Mohamed Merah, qui milite pour la laïcité, avait été menacée il y a près de deux ans par Radouane Lakdim, auteur des récentes attaques dans le sud de la France.
Le visage de Mme Ibn Ziaten est connu dans les médias français car elle organise régulièrement des conférences pour promouvoir le dialogue avec les jeunes des quartiers en difficulté et éviter leur radicalisation. Son fils Imad Ibn Ziaten fut la première victime de Mohamed Merah, qui a tué en mars 2012 sept personnes, dont trois enfants juifs, dans le sud-ouest de la France.
Elle a raconté aujourd'hui à l'AFP comment Radouane Lakdim, qui a abattu quatre personnes au nom du groupe Etat islamique (EI) vendredi, l'avait interpellée au cours d'un passage à Carcassonne. "Il est sorti du café, il est venu en vitesse, il m'a appelée par mon prénom et par mon nom, il a mis sa capuche et il m'a dit +pourquoi vous mentez ? Pourquoi vous dites que vous portez le foulard en signe de deuil ?+" "J'ai dit: +je mens pas, je n'ai pas peur, je porte ce foulard depuis que j'ai perdu mon fils+. Et il m'a dit : +continue comme ça, ma mère, et tu verras+".
"Il m'a fait peur sur le coup, il m'a mis la main sur le dos, je pouvais rien faire", a ajouté Mme Ibn Ziaten. "Il m'aurait tué, ça c'est sûr", s'il n'y avait pas eu du monde autour, pense-t-elle. "Pour lui, "je suis une mauvaise musulmane parce que je m'habille à l'occidentale".
LIRE AUSSI :

Mayotte: le renvoi d'immigrants illégaux vers les Comores possible (27.03.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 27/03/2018 à 19:46 

  • Publié le 27/03/2018 à 19:43
Le ministre français de l'Intérieur, Gérard Collomb, a affirmé aujourd'hui que son homologue comorien avait rouvert "la possibilité de renvoyer un certain nombre" d'immigrants illégaux de Mayotte vers les Comores, au moment où les tensions sont vives entre Paris et Moroni sur la question migratoire.
"J'ai pris contact avec mon collègue, ministre de l'Intérieur des Comores qui avait cessé d'accueillir tout retour. Il vient de rouvrir la possibilité de pouvoir renvoyer un certain nombre d'illégaux", a déclaré Collomb devant le Sénat. "C'est déjà un premier pas dont je me félicite", a ajouté le ministre de l'Intérieur. Selon l'entourage de Collomb, le ministre comorien, Mohammed Daoudou, "a publié un arrêté pour faciliter le retour des Comoriens en situation irrégulière souhaitant revenir aux Comores". Un transfert a eu lieu hier (lundi), a-t-on précisé. Le gouvernement comorien n'a pas officiellement confirmé ces informations.
Les tensions sont vives actuellement entre Paris et Moroni sur la question de Mayotte: cette île française de l'océan Indien est agitée depuis un mois par un mouvement social qui dénonce l'insécurité et l'immigration clandestine venue des Comores. Les autorités ont multiplié dernièrement les expulsions de Comoriens sans papiers. Moroni a riposté mercredi dernier en refusant de laisser rentrer sur son territoire ses citoyens refoulés. Mais elles ont promis vendredi un renforcement des mesures de sécurité sur l'île d'Anjouan, principal point de départ des immigrants clandestins vers Mayotte, notamment pour "traquer" les passeurs.
Hier, l'ambassadeur des Comores en France a été convoqué au ministère des Affaires étrangères. Il "a été rappelé" à M. Mohamed Soulaimana "la grave préoccupation quant aux conséquences pour Mayotte des mesures notifiées la semaine dernière par les autorités comoriennes", a indiqué le ministère des Affaires étrangères. "Nous réitérons fermement notre demande de levée immédiate de ces mesures qui empêchent le retour de ressortissants comoriens entrés irrégulièrement à Mayotte", a déclaré la porte-parole du ministère, Agnès von der Mühll.
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Italie: un navire d'ONG saisi par la justice (27.03.2018)
  • Par  Le Figaro 

  • Mis à jour le 27/03/2018 à 22:27 

  • Publié le 27/03/2018 à 20:32
Un juge italien a confirmé aujourd'hui le placement sous séquestre du navire d'une ONG espagnole soupçonnée d'aide à l'immigration clandestine, tout en limitant les poursuites possibles, a-t-on appris auprès de l'avocate de l'ONG. Après une opération de sauvetage au cours de laquelle les secouristes de Proactiva Open Arms ont refusé de confier aux gardes-côtes libyens des migrants secourus au large de la Libye, trois responsables de l'ONG risquent des poursuites et son bateau, l'Open Arms, est bloqué au port sicilien de Pozzallo.
Saisi par l'ONG, un juge a maintenu le placement sous séquestre du navire mais n'a gardé comme chef possible de poursuite que l'aide à l'immigration clandestine, rayant celui d'association de malfaiteurs. Cette décision a pour effet de retirer l'enquête au parquet général de Catane, dont le procureur Carmelo Zuccaro avait multiplié les déclarations fracassantes contre les ONG l'an dernier, pour la ramener au parquet local de Raguse. L'opération de sauvetage controversée a eu lieu le 15 mars, lorsque les gardes-côtes italiens ont signalé à l'Open Arms deux embarcations en détresse à 73 milles nautiques au large de la Libye, avant de préciser que Tripoli prenait la coordination des opérations.
L'Open Arms a commencé à secourir les migrants puis a refusé de les transférer à une vedette libyenne arrivée plus tard. La justice italienne estime que les migrants auraient dû débarquer à Malte, le port le plus proche, et reproche à l'Open Arms d'avoir tout fait pour les conduire en Italie, ce à quoi l'ONG répond que Malte n'accepte que les urgences médicales. La décision du juge révèle aussi que c'est un navire de la marine italienne, présent à Tripoli, qui a prévenu les gardes-côtes libyens de la présence des embarcations en détresse. Pour le député radical Riccardo Magi, cette participation active de la marine italienne aux opérations des gardes-côtes libyens constitue un refoulement illégal dans la mesure où une partie des migrants sur les canots - 40% en moyenne - ont droit au statut de réfugié ou à la protection humanitaire.
En 2012, la Cour européenne des droits de l'Homme avait condamné l'Italie pour avoir renvoyé des migrants en Libye en 2009, avant même que leur situation dans le pays ne vire au cauchemar après la chute de Mouammar Kadhafi. En Espagne, le blocage de l'Open Arms a suscité un mouvement de soutien autour du slogan : "Sauver des vies n'est pas un crime". Des centaines de personnes ont manifesté samedi, une pétition sur le site internet Change.org a recueilli plus de 258.000 signatures et l'ONG a reçu l'appui des acteurs Penelope Cruz et Javier Bardem.
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Meurtre d'une octogénaire à Paris : les deux suspects mis en examen (25.03.2018)

  • Mis à jour le 27/03/2018 à 17:48 
  • Publié le 25/03/2018 à 22:35
Paris : un suspect placé en garde à vue après la mort d'une octogénaire juive
Un suspect a été interpellé dans la nuit de dimanche à lundi, après la découverte du corps d'une octogénaire de confession juive, poignardée dans son appartement partiellement incendié dans le onzième arrondissement de Paris.
VIDÉO - Les deux hommes ont été mis en examen mardi pour «homicide volontaire» à caractère antisémite, quatre jours après le meurtre d'une femme de confession juive dans son appartement parisien.
Ce mardi matin, les deux suspects arrêtés pendant le week-end pour le meurtre d'une octogénaire ont été mis en examen pour «homicide volontaire à raison de l'appartenance vraie ou supposée de la victime à une religion et sur personne vulnérable». Ils ont également été placés en détention provisoire. Lundi en fin d'après-midi, le parquet de Paris avait indiqué retenir le caractère antisémite. Dans la soirée, les deux suspects avaient été déférés devant un juge d'instruction
Le corps de Mireille Knoll, 85 ans, a été retrouvé lardé de coups de couteau et en partie brûlé, vendredi peu avant 19h00 dans son appartement incendié du XIe arrondissement où elle vivait seule. Les pompiers ont été alertés par une voisine après le début de l'incendie. Cette mort a suscité une vive émotion au sein de la communauté juive à laquelle appartenait la victime.
Mobile encore inconnu
Les policiers se sont rapidement orientés vers la piste criminelle, après la découverte de plusieurs départs de feu dans l'appartement, puis de traces de coups de couteau sur le corps de la victime, selon une source proche du dossier. Sa dépouille a été retrouvée sur son lit par les pompiers quelques minutes après leur entrée dans son appartement, situé au deuxième étage d'un immeuble qui en compte dix. L'incendie, d'ampleur moyenne, a été maîtrisé en une quarantaine de minutes, selon la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP).
À la police, un membre de la famille de Mireille Knoll a dit soupçonner un voisin qui avait l'habitude de venir la voir et était passé dans l'appartement dans la journée. C'est cet homme, né en 1989, qui a été placé samedi en garde à vue. «Apparemment, ma mère le connaissait très bien et le considérait comme un fils», a déclaré à l'AFP le fils de la victime.
«Nous sommes vraiment tous sous le choc. Je ne comprends pas comment on peut tuer une femme qui n'a pas d'argent, et vit dans un HLM», a ajouté le fils de la victime. Cette affaire suscite l'émotion au sein de la communauté juive française, déjà mobilisée ces derniers mois après le meurtre de Sarah Halimi, une juive orthodoxe de 65 ans tuée à Paris par son voisin en avril 2017. Après des mois de bras de fer judiciaire, le caractère antisémite du meurtre a finalement été retenu début mars par la juge d'instruction.
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Meurtre de Mireille Knoll: une «marche blanche» ce mercredi (27.03.2018)

  • Mis à jour le 28/03/2018 à 09:30 
  • Publié le 27/03/2018 à 19:52
Malek Boutih : «Les juifs ne sont pas en sécurité en France»
Malek Boutih, ancien député PS et ex-Président de SOS Racisme a exprimé sur France Inter son inquiétude après l'assassinat de Mireille Knoll, une octogénaire juive à Paris.
VIDÉO - L'ensemble des courants politiques devrait être représenté lors de l'hommage rendu à cette femme juive de 85 ans, ce mercredi à 18h30, à Paris. «Ni Jean-Luc Mélenchon et les insoumis ni Marine Le Pen et le FN ne seront les bienvenus», a toutefois déclaré le président du Conseil représentatif des institutions juives de France.
Le meurtre, vendredi à Paris, de Mireille Knoll, une femme juive de 85 ans qui avait échappé à la rafle du Vél d'Hiv', a ému et indigné l'opinion publique et la classe politique. Alors que deux suspects ont été mis en examen pour homicide volontaire en raison «de l'appartenance vraie ou supposée de la victime à une religion» et «vol aggravé», plusieurs élus et dirigeants politiques ont annoncé leur participation à la «marche blanche» qui lui est dédiée ce mercredi. Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), co-organisateur de la marche, n'a cependant pas souhaité la venue des responsables du Front national ni du leader des Insoumis et ses troupes.
Le FN mis à l'écart
Le président du Sénat (LR) Gérard Larcher participera à cette marche, qui doit démarrer à 18h30 place de la Nation à Paris jusqu'au domicile de Mireille Knoll, dans le XIe arrondissement. Le président de LR, Laurent Wauquiez, sera également présent «pour dénoncer ce crime odieux et la banalisation du nouvel antisémitisme», invitant «ceux qui partagent les valeurs des Républicains» à le rejoindre, selon un tweet.
La maire de Paris, Anne Hidalgo (PS), et la présidente du conseil régional d'Ile-de-France, Valérie Pécresse (LR), viendront aussi, ainsi que le président de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, l'ancien ministre de l'Intérieur Matthias Fekl, ou encore le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent. Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, participera à un rassemblement similaire à Toulouse. Le délégué général de La République en marche (LaREM), Christophe Castaner, a appelé les adhérents du mouvement présidentiel à participer à la marche.
«Le Front national n'est pas souhaité.
Francis Kalifat, président du Crif.
En revanche, la présidente du FN, Marine Le Pen, n'y sera pas. «Le Crif refuse que nous venions sinon je serais bien évidemment allée à cette marche blanche avec d'autres députés FN», a déclaré à l'AFP Marine Le Pen. «Le Front national n'est pas souhaité» à cette marche a en effet déclaré à l'AFP le président du Crif, Francis Kalifat. Dans un communiqué publié dans la soirée, le FN, «nonobstant le message discriminatoire incompréhensible du Crif», «appelle ses adhérents et ses sympathisants à se joindre à la marche blanche organisée en hommage à Mme Mireille Knoll». Le député FN Louis Aliot, membre du bureau exécutif du FN, a estimé dans un tweet que le Crif «s'opposait d'une manière sectaire aux vrais ennemis de l'islamisme plutôt qu'à l'islamisme lui-même».
Francis Kalifat : «Les symboles de cette haine des juifs dans notre pays ne peuvent pas être présents»
Le président du CRIF ne souhaite pas la venue de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon à la marche blanche qu'il organise en hommage à Mireille Knoll.
Jean-Luc Mélenchon, qui avait prévu de venir, n'échappe pas à la polémique. Dans un premier temps, le patron du Crif a estimé que le chef de file de la France insoumise pourrait se rendre à la manifestation, et se mettre «où il veut dans le cortège», tout en relevant une «contradiction» entre sa présence et son soutien au «boycott d'Israël BDS» qui exprimerait, selon le responsable communautaire, «une haine de l'Etat d'Israël et des juifs». Mais dans la soirée, Francis Kalifat a durci sa position en déclarant le leader des Insoumis et ses troupes persona non grata: «Soyons clairs, ni Jean Luc Mélenchon et les insoumis ni Marine Le Pen et le FN seront les bienvenus demain», a-t-il écrit dans un tweet.
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Au lendemain d'un vendredi meurtrier à Gaza, l'armée israélienne sur la défensive (31.03.2018)
Par Cyrille Louis
Mis à jour le 31/03/2018 à 20h34 | Publié le 31/03/2018 à 15h16
L'ONU et l'UE ont réclamé une enquête «indépendante et transparente» sur les évènements de vendredi au cours desquels au moins 16 Palestiniens ont été tués et plus de 700 autres blessées par balles par Tsahal.
De notre correspondant à Jérusalem
Le bilan est lourd. Au lendemain des vastes rassemblements organisés dans la bande de Gaza à l'occasion de la Journée de la terre, on dénombre au moins seize Palestiniens tués par balles. Selon le ministère de la Santé de la bande de Gaza, 1400 personnes ont été blessés, dont plus de la moitié par des tirs à balles réelles.
Le secrétaire-général des Nations unies, Antonio Gutteres, a réclamé une enquête «indépendante et transparente» sur ces évènements. «Il y a une crainte que la situation puisse se détériorer dans les prochains jours», a mis en garde un haut responsable de l'organisation en marge d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité. L'Union européenne a également demandé qu'une «enquête indépendante et transparente» soit menée. Les dirigeants palestiniens, tout comme la Turquie, ont dénoncé «un usage disproportionné de la force». Les autorités égyptiennes ont condamné «les violences contre des civils désarmés qui participaient à une marche pacifique».
Le premier ministre israélien, lui, a félicité ses soldats, expliquant «qu'Israël agit fermement et avec détermination pour protéger sa souveraineté et la sécurité de ses citoyens»,.
Une fois le fracas interrompu et la poussière retombée, les participants à cette «grande marche du retour» ont mis en ligne les vidéos tournées vendredi avec leur téléphone. L'une d'elles, filmée à l'est de Beit Lahya, a aussitôt inondé les réseaux sociaux. On y voit un jeune homme vêtu d'un jeans et d'un pull noir qui court, un pneu à la main, pour tenter d'échapper aux balles des tireurs d'élite israéliens. Une détonation claque, puis une seconde et le garçon tombe à terre. D'après ses amis, dont le témoignage a été confirmé par les secouristes palestiniens, Abdel Fattah Abdel Nabi est mort sur le coup. À en juger par ce document, l'homme âgé de 18 ans ne présentait aucun risque immédiat pour les militaires qui l'ont abattu.
L'armée israélienne, gênée par la diffusion d'images au contenu troublant, a appelé samedi à les considérer avec prudence. «Ces documents diffusés par le Hamas sont sortis de leur contexte et nous ne savons rien du lieu ni du moment où elles ont été tournées», a insisté le lieutenant-colonel de réserve Peter Lerner, ancien porte-parole militaire, qui a été rappelé spécialement pour l'occasion. Réfutant toute perte de contrôle sur les évènements, l'armée a résumé sur Twitter: «Hier nous avons vu 30.000 personnes. Nous étions préparés et avions mobilisé des renforts. Tout s'est déroulé de façon précise, mesurée et nous savons où chaque balle a atterri». Le porte-parole s'est toutefois refusé à dévoiler le nombre de projectiles tirés durant la journée.
«Tirer sur des manifestants qui ne portent pas d'armes est illégal»
L'ONG israélienne B'Tselem
Calé sur la grille de lecture adoptée plusieurs jours avant le rassemblement, Peter Lerner affirme que «le Hamas a encouragé des milliers de Palestiniens à se diriger vers la clôture de façon coordonnée pour l'endommager ou jeter des pierres et des cocktails Molotov sur nos forces». L'armée, rappelle-t-il, avait clairement indiqué qu'elle n'hésiterait pas à ouvrir le feu contre ceux qui s'approcheraient trop. L'État hébreu considère, en vertu de l'accord de cessez-le-feu négocié à la fin de l'été 2014, qu'il est dans son droit en faisant respecter par la force une «zone tampon» de 300 mètres le long de la clôture. Le porte-parole militaire a diffusé vendredi soir plusieurs vidéos sur lesquelles on voit des Palestiniens jeter des pierres, brûler des pneus ou tenter de franchir la clôture. Deux hommes auraient aussi ouvert le feu en direction des soldats avant d'être abattus.
Les Palestiniens soulignent pour leur part que les organisateurs avaient appelé à un rassemblement pacifique et que la grande majorité des participants sont restés à plusieurs centaines de mètres de la clôture. Tout au long de l'après-midi, des groupes de jeunes hommes s'en sont certes approchés - certains pour planter un drapeau, d'autres pour lancer des projectiles vers la clôture. Le Hamas a précisé samedi que cinq des seize tués étaient affiliés à sa branche militaire. «Mais tirer sur des manifestants qui ne portent pas d'armes est illégal, dénonce l'ONG israélienne B'Tselem, et tout ordre donné à cette fin l'est également.»

Samedi à Hébron, des heurts ont éclaté entre jeunes palestiniens et forces armées israéliennes. - Crédits photo : HAZEM BADER/AFP
Samedi, des milliers de Palestiniens ont participé aux obsèques des manifestants tués la veille. Seuls quelques centaines de manifestants sont retournés samedi après-midi sur plusieurs zones près de la frontière avec Israël pour poursuivre le mouvement de protestation appelé «la marche du retour». Cette marche, organisée par des activistes indépendants avec le soutien du Hamas, doit se poursuivre pendant six semaines et culminera le 15 mai lors de rassemblements commémorant la «catastrophe» («Nakba») subie par les Palestiniens lors de la création de l'État d'Israël en 1948.
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Radicalisation: 20 étrangers expulsés en 2017 (31.03.2018)
Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 31/03/2018 à 12h34 | Publié le 31/03/2018 à 12h20
Vingt étrangers radicalisés en situation régulière ont été expulsés du territoire français en 2017, a affirmé Gérard Collomb à Ouest-France dans un entretien paru aujourd'hui. Un chiffre "jamais atteint auparavant", selon le ministre de l'Intérieur.
Gérard Collomb était interrogé sur les expulsions d'étrangers radicalisés, à nouveau réclamées par la droite et l'extrême droite après les attentats jihadistes qui ont fait quatre morts dans l'Aude le 23 mars. "Déjà le cas !", a-t-il aussi répondu sur Twitter samedi, qualifiant le chiffre de 20 expulsions de "record", sans donner plus de détails notamment sur la nationalité des expulsés.
Dans son entretien à Ouest-France, le ministre de l'Intérieur a aussi estimé que les attaques à Trèbes et Carcassonne étaient "difficilement prévisible(s)". Leur auteur, Radouane Lakdim, était inscrit au FSPRT (Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste) depuis novembre 2015 mais les investigations n'avaient montré "aucun signe laissant présager un passage à l'acte". La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) lui avait envoyé en mars une lettre de convocation pour un entretien d'évaluation : "elle souhaitait s'assurer qu'il ne présentait plus de signe de radicalisation avant que son dossier ne soit éventuellement mis en veille", a indiqué le ministre.
Face aux critiques de l'opposition qui demandent des mesures plus sévères à l'encontre des individus fichés, Gérard Collomb a par ailleurs estimé que "mettre en prison les 26.000 fichés S, ou ceux qu'on jugerait dangereux" était "impossible".

Vaincre la mort par l'amour (30.03.2018)
Par Matthieu Rougé
Publié le 30/03/2018 à 17h58
TRIBUNE - Pour le Père Matthieu Rougé, curé de Saint-Ferdinand des Ternes*, le sacrifice d'Arnaud Beltrame éclaire particulièrement la fête de Pâques.
Étonnante semaine sainte dans notre pays cette année: commencée dans la violence meurtrière d'un nouvel attentat mais éclairée par le sacrifice désintéressé d'un serviteur humble et généreux. Les Rameaux auraient pu se limiter à un moment de nostalgie vaguement superstitieuse: ils ont révélé à nouveau la profondeur du besoin de salut de notre humanité blessée. Pâques aurait pu n'être que la fête des chocolatiers: elle met en lumière, par le témoignage d'un homme qui bouleverse tous nos contemporains, la puissance de l'amour, décidément plus fort, en dépit des apparences, que la haine et la mort. La mort et la résurrection du Christ ne constituent pas un événement du passé, elles dévoilent la vérité du présent.
Retrouver le sens de la foi
C'est cette découverte sans doute qui avait conduit Arnaud Beltrame, comme en ont témoigné ses plus proches, à redémarrer dans la foi à trente ans passés par la première communion, la confirmation et la préparation au sacrement du mariage. Voilà une histoire bel et bien caractéristique de l'époque spirituelle que nous traversons en France aujourd'hui: beaucoup, étourdis ou divertis par le tourbillon contemporain, se désintéressent des questions spirituelles, de nombreux observateurs prétendant faire autorité se moquent des croyants ou les dénigrent. Mais, malgré cela, des hommes et des femmes font le choix résolu de croire vraiment. Leur vie en est transformée et illumine ceux qui les entourent.
Des hommes et des femmes font le choix résolu de croire vraiment. Leur vie en est transformée et illumine ceux qui les entourent
Encore faut-il qu'ils se laissent illuminer. Le père Jacques Hamel, le colonel Beltrame et, d'une manière différente mais analogue,Mireille Knoll : ces vies et ces morts suscitent une émotion unanime et magnifique. Mais sur quoi déboucheront les larmes et les cris d'admiration? N'aurons-nous pas oublié à la Trinité - «mironton, mironton, mirontaine…» -, ou même avant, ce qui nous faisait pleurer à Pâques? La volatilité et la surabondance des informations sont telles qu'elles paraissent nous protéger, si l'on peut dire, de toute remise en cause spirituelle, au point de nous condamner à l'éternel retour du cercle vicieux de la violence et de l'émotion en fait superficielle. «L'homme de ce temps a le cœur dur et la tripe sensible», avertissait Bernanos avec sa lucidité coutumière.
Au caractère désespérant de la violence récurrente semble donc s'ajouter le caractère désespérant de notre incapacité à verser autre chose que des larmes de crocodiles. «Le démon de mon cœur s'appelle: “À quoi bon?”» écrivait aussi Bernanos: à quoi bon lutter contre la violence puisqu'elle aura manifestement toujours le dernier mot? À quoi bon donner sa vie, puisque aucune vie offerte ne peut visiblement juguler l'escalade de la haine et de la mort? L'acte de bravoure et de générosité d'Arnaud Beltrame ne relève-t-il pas d'un sens de l'honneur et du panache en réalité déraisonnable, suranné et finalement vain?
Une vie ne parvient à son accomplissement que lorsqu'elle se donne totalement par amour
On ne peut assumer et éclairer ces questions qu'en prenant au sérieux la profondeur du mystère de la vie. Une vie ne parvient à son accomplissement que lorsqu'elle se donne totalement par amour. Constamment, l'homme contemporain redoute de se perdre en se donnant. Le Christ mort et ressuscité, vainqueur de la mort par l'amour - par l'amour qui va «jusqu'au bout» (Jean 13, 1) -, délivre de cette peur ceux qui le veulent bien et leur ouvre le chemin du bonheur véritable. Car, au-delà de ses effets visibles immédiats, une vie vraiment donnée porte toujours des fruits de joie et de paix, alors qu'une vie superficielle est, par inconscience ou par lâcheté, complice de la violence. La violence engendre la violence, mais la lâcheté la laisse prospérer. L'amour seul, qui n'est pas exclusif d'une fermeté sereine, peut parvenir à désarmer, à désamorcer la violence.
Nous n'avons donc plus le choix ou plutôt nous n'avons qu'un seul choix, comme le disaient déjà les premières pages de la Bible: choisir la vie ou la mort (Deutéronome 30, 19). Ou bien nous choisissons la profondeur de l'amour qui se donne et nous devenons des serviteurs de la vie, ou bien nous nous laissons aller à la violence ou à la facilité, et nous sommes, d'une manière ou d'une autre, acteurs ou complices de la mort. Notre époque n'aime guère les choix radicaux et se méfie des «jusqu'au boutistes». Il n'y a de fait qu'un seul «jusqu'au boutisme» qui vaille: celui de l'amour. À l'«à quoi bon vivre?», à l'«à quoi bon risquer sa vie?», qui taraude, voire désespère, l'homme contemporain, la résurrection du Christ répond par le triomphe toujours possible du «jusqu'au bout» de l'amour. Ce triomphe est un appel. Qui l'entendra?
* Professeur au Collège des Bernardins.

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Natacha Polony : «Le terreau de l'héroïsme et celui de la lâcheté» (30.03.2018)
Par Natacha Polony
Publié le 30/03/2018 à 17h24
CHRONIQUE - Le réarmement moral de notre pays passe par la certitude, de la part des professeurs, que leur rôle n'est pas de «former l'esprit critique» mais d'émanciper par des savoirs universels, qui seuls permettent de penser librement, et de sensibiliser à la beauté, à la grandeur, à la fraternité.
Il est des moments dans l'histoire d'un peuple où les mots sont le premier pas d'une reconquête, où le verbe se fait action. «Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.» Sans doute le président de la République, à l'heure de prononcer l'éloge funèbre du colonel Beltrame, avait-il en tête ces jours où, par le pouvoir des mots, une idée s'est mise à exister, celle de la perpétuation de la France.
Pour la première fois depuis longtemps, les Français ont entendu un chef de l'État sortir des discours compassionnels et lénifiants. Un chef de l'État qui a prévenu les adeptes du néant: ils ont choisi «une mort lâche» et «seront pour longtemps la honte de leur famille, la honte de nombre de leurs coreligionnaires». Ils n'auront pas notre haine, certes, mais ils auront notre mépris. Et l'opprobre de tout un peuple. Mots inutiles? Absolument pas. Car ils signent la fin de la culpabilité malsaine, la fin des excuses psychologiques et sociales dans lesquelles la France s'est tant complu.
Plus encore Emmanuel Macron a su enfin, au nom des Français, parler de celui qui est allé «au bout de sa vérité d'homme, de soldat, de chef». Oui, un de nos dirigeants se souvient ce que signifie être un chef. Et il tente de nous enjoindre à nous inscrire dans ce projet commun qui consiste à affirmer que, «pour ne pas manquer aux autres, il faut ne pas se manquer à soi-même» et que «la France mérite qu'on lui donne le meilleur de soi». Ces mots sont-ils ceux qui allumeront la flamme de la résistance à «l'ennemi insidieux», la résistance, surtout, à notre propre lâcheté qui nous a fait proclamer que le plus urgent était de continuer à «boire des verres en terrasse» et vivre comme avant, pour que les terroristes ne «gagnent pas»?
La question qui se pose à nous est vertigineuse. Nul ne sait s'il saurait faire montre, face au danger, d'un courage physique qui surgit du fond de l'âme et des tripes. Mais le premier entraînement à cette disposition si rare est le courage intellectuel. La capacité à affronter les lâchetés idéologiques de ceux qui, depuis tant d'années, ont pris l'habitude de battre leur coulpe sur le dos de la France et de son peuple pour prouver à tous qu'ils sont des gens bien.
De quoi souffre donc cette France travaillée par des forces centrifuges ? Du rejet de ces récits, de l'éradication de ses héros
Les jours derniers nous ont montré l'aspiration collective à la grandeur. Car, si le courage demeure une des dimensions mystérieuses de notre être, il est un terreau dont il peut se nourrir. Il ne s'agit nullement de s'imaginer que l'on va créer un peuple de héros. Aucune éducation ne le peut. Mais il est des principes éducatifs qui créent des foules de lâches ou d'indifférents, et même d'âmes en déshérence. Un être humain se forge à travers des modèles, et toute société construit les siens grâce à des récits collectifs qui portent les valeurs communes. De quoi souffre donc cette France travaillée par des forces centrifuges? Du rejet de ces récits, de l'éradication de ses héros. Depuis des décennies, la figure du héros est réduite à celle du malheureux mourant dans les tranchées de 14 pour un bout de colline ou la gloriole d'un général. Depuis des décennies, on convainc nos enfants qu'il n'est pas de noblesse à mourir pour sa patrie. C'est une insulte à tous ces héros qui, malgré la peur, malgré l'abjection et le non-sens, sont sortis de la tranchée parce que ne pas le faire, c'était laisser leur terre, leur famille, leurs concitoyens privés de souveraineté, sous le joug d'une puissance étrangère.
Il est des mesures immédiates à prendre pour répondre aux attaques qui nous frappent. Et la première est sans doute d'expulser immédiatement les étrangers radicalisés, pour simplement rappeler que nous n'avons aucune raison d'accueillir ceux qui nous haïssent. Mais il est un travail de fond à mener pour le réarmement moral de notre pays, et il passe par un retour dans nos classes de l'admiration pour le beau, de l'exaltation pour la grandeur. Il passe par la certitude, de la part des professeurs, que leur rôle n'est pas de «former l'esprit critique» - slogan devenu le cache-misère masquant le résultat sur de nombreux élèves: un mélange de scepticisme complotiste et d'obscurantisme crasse - mais d'émanciper par des savoirs universels, qui seuls permettent de penser librement, et de sensibiliser à la beauté, à la grandeur, à la fraternité, à tout ce qui sert notre humanité commune.
Un professeur a raconté comment ses élèves, exaltés par le destin d'Arnaud Beltrame, ont affiché son portrait sur toutes les portes de leur lycée. Dix minutes plus tard, les feuilles avaient été arrachées: affichage sauvage. Ou comment certains se cachent derrière le respect du règlement pour maquiller leur peur d'assumer, face à d'éventuels perturbateurs, les valeurs de la Nation.
Un lieutenant-colonel de gendarmerie grandi dans l'admiration des grandes figures françaises vient de nous rendre notre fierté. Sa victoire, notre victoire, sera que tous les jeunes Français, de quelque origine et de quelque religion qu'ils soient, puissent eux aussi nourrir cette admiration et s'identifier à des êtres dont la grandeur dépasse les appartenances. Encore faut-il que les adultes soient à la hauteur de notre jeunesse, en ne trahissant pas leur devoir de transmettre.
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Publié le 30/03/2018 à 17h42
INTERVIEW - Face à une société hédoniste et sans transcendance, le psychanalyste, chrétien engagé, invite chacun à soigner davantage son « écologie intérieure ».
C'est un psychanalyste-thérapeute hors norme. Biologiste médical, ancien interne des hôpitaux de Paris, diplômé de l'Institut Pasteur, Jean-Guilhem Xerri s'est aussi longtemps et directement engagé auprès des gens de la rue. Cette triple expérience, scientifique, humanitaire et… spirituelle - il avait reçu le prix humanisme chrétien pour son premier livre À quoi sert un chrétien?- le conduit aujourd'hui à ouvrir une nouvelle voie dans le monde de la thérapie psychique et psychologique qui n'est pas fermée à la dimension spirituelle et à la méditation. C'est le sens de l'ouvrage, accessible et substantiel, qu'il vient de publier au Cerf, Prenez soin de votre âme. Petit traité d'écologie intérieure.
LE FIGARO. - Vous posez le diagnostic d'une société de plus en plus assistée par la technique mais souffrant d'un «malaise intérieur»…
Jean-Guilhem XERRI. - L'homme fait violence à sa propre nature! Extérieure, environnementale et intérieure. Il se réduit à ses seuls aspects biologiques et psychologiques, ignorant sa composante spirituelle, son intériorité, ce souffle intérieur qui l'habite. À cela s'ajoute une société hédoniste, consumériste, techniciste et sans transcendance que tous les observateurs dénoncent. Tout cela aliène notre équilibre intérieur. Et nous entretient dans l'illusion que le bonheur est extérieur dans une quête infinie de technologie et de consommation. Or le bonheur réside en notre intérieur. Au malaise intérieur donc, je réponds par l'écologie intérieure! Elle consiste à respecter et à prendre soin de notre vie intérieure.
Pour utiles qu'elles soient - vous êtes psychanalyste-thérapeute -, les thérapies psychologiques pour un «mieux-être» sont limitées?
Mal-être, souffrances psychiques, sexualité triste, dépendance aux écrans, rapport démesuré au travail, perte de sens, solitude… Ces manifestations pointent toutes vers la souffrance de nos âmes. Les psychothérapies et la pharmacologie sont précieuses et indispensables, mais elles ne permettent pas toujours de la «guérir». Et pour cause, souvent ces troubles ont leur origine au plus profond de nous, au-delà de notre biologie et de notre mental. Ils renvoient à des tensions intérieures que les plus grandes traditions spirituelles de l'humanité ont identifiées, explorées et accompagnées. Mais ce soin ne relève pas seulement d'un traitement. Il implique nos modes de vie et les sagesses. Pour traiter de «psy et d'intériorité», il faut donc mobiliser la biologie, la psychologie et la philosophie.
Vous osez utiliser le mot «âme» dans le titre de votre livre. Ce mot est pourtant tabou?
À l'aube du XXIe siècle, une nouvelle conception de l'homme est apparue, celle de l'«homme neuronal», pour reprendre le titre du livre de Jean-Pierre Changeux. Ceux qui définissent notre nouvelle humanité ne sont plus majoritairement des religieux, des philosophes ou des psychanalystes, mais des biologistes, des cognitivistes et des cybernéticiens. Cette vision de l'homme est naturaliste et matérialiste. Il apparaît comme un être strictement biologisé, un organisme vivant comme les autres. À l'extrême, il n'est qu'un corps réduit à son cerveau. L'âme a été évacuée, coupable de ne pas être visible sur un IRM cérébral!
Cette «âme» est-elle une réalité ou une illusion?
Ce que la science dit de l'homme n'est pas faux, mais incomplet. Elle ne pourra jamais saisir son mystère. Écoutons donc les sagesses. Nos contemporains le sentent bien, eux qui se tournent de plus en plus vers les spiritualités, notamment orientales. Toutes les grandes traditions spirituelles reconnaissent cette composante spirituelle à l'homme. Parmi elles, la tradition chrétienne apporte un éclairage particulièrement pertinent et utile.
À ce titre vous avez retrouvé une sagesse perdue, celle des Pères du désert, ces premiers moines chrétiens de l'histoire qui ont diagnostiqué les «huit maladies de l'âme». Leurs remèdes sont au cœur de votre livre. Mais n'est-elle pas trop datée et réservée aux chrétiens?
Clairement, non. Un des intérêts majeurs de l'approche des Pères du désert est qu'elle est fondée sur deux choses: une anthropologie, c'est-à-dire une connaissance fine de l'anatomie et de la physiologie intérieures de l'homme. Et sur quatre siècles d'expérience qui donnent aujourd'hui l'équilibre vécu dans les monastères. Ils nous donnent ainsi le mode d'emploi de notre âme. Leur sagesse ne requiert pas d'abord d'adhésion confessionnelle, mais seulement le désir de chercher des réponses à la question de notre intériorité et de son soin. Les Pères du désert sont des maîtres de sagesse sûrs. Ils ne sont pas des coachs parmi d'autres. Comme d'autres l'ont fait pour les maladies du corps, ils ont élaboré une classification, une démarche de diagnostic et des recommandations thérapeutiques des maladies de l'intériorité. Si les temps ont donc changé, notre nature humaine, elle, n'a pas changé!
En quoi la sagesse de ces ermites et ascètes du IVe siècle peut aider un homme du XXIe siècle?
Notre âme n'a pas changé, mais ce qui la perturbe, oui! Comme il existe des perturbateurs endocriniens qui impactent notre physiologie, il existe des perturbateurs de l'intériorité qui altèrent notre âme. Les Pères du désert nous aident à les repérer: bruit, images, surconsommation, hyperérotisation, survalorisation du narcissisme, dictature de la disponibilité permanente, gavage informationnel. Tout cela conduit à des maladies de l'âme. Les Anciens considéraient que trois d'entre elles revêtent un relief particulier: les avidités - matérielle, alimentaire et sexuelle -, le narcissisme et l'acédie (sorte de dépression spirituelle, NDLR). Aujourd'hui, les symptômes correspondants prennent les visages du matérialisme, du burn-out, des addictions de masse, de l'hyperactivité, du mal-être, de la fatigue intérieure. Les Pères nous apprennent concrètement à retrouver du sens, à être davantage présent à nous-même et à remettre de la lenteur et de la continuité dans nos vies. «Assieds-toi, fais silence et apaise tes pensées», nous prescrit l'un d'eux, Abba Arsène…
L'homme occidental semble tout avoir, mais que lui manque-t-il pour être vraiment heureux?
Nous avons tout, sauf l'essentiel. La condition est de nous simplifier, pour sortir des ruminations, de l'activisme et de la possession. Pour cela, les Anciens nous indiquent le chemin, qui tient en trois réalités: le service, la sobriété et la méditation. Autrement dit se tourner vers les autres, s'alléger et renouer le contact avec ce qui nous habite.
Le bonheur, la paix intérieure… des leurres?
La paix est plus que l'absence de guerre, le bonheur est plus que le plaisir. Ils appellent un changement de mode de vie, qui nous oriente toujours davantage vers l'essence de l'humain, ce Souffle qui l'habite et le fait vivre. Il est aussi vital que fragile. Prenons-en soin!
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 31/03/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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«Le destin religieux de la France n'est pas indifférent à celui de l'Église universelle» (30.03.2018)
Par Eugénie Bastié
Mis à jour le 30/03/2018 à 19h50 | Publié le 30/03/2018 à 19h48
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Dans son passionnant ouvrage Comment notre monde a cessé d'être chrétien , Guillaume Cuchet, spécialiste d'histoire religieuse, détaille les causes et l'ampleur de la déchristianisation en France.
LE FIGARO. - Le titre de votre livre est Comment notre monde a cessé d'être chrétien. De quel «monde» parlez-vous? Après tout, on pourrait facilement vous objecter que le christianisme progresse à l'échelle mondiale…
Guillaume CUCHET. - En effet. Mon objet est le catholicisme français, ce qui ne préjuge pas de ce qui se passe ailleurs, même s'il ne faut pas oublier qu'au XIXe siècle la France était la première puissance catholique en termes démographiques et que les trois quarts des missionnaires catholiques dans le monde étaient français. Le destin religieux de la France n'est donc pas indifférent à celui de l'Église universelle. Je ne crois pas à la thèse d'Emmanuel Todd de la «crise terminale du catholicisme français» lequel, pour un malade à l'agonie, me paraît au contraire assez en forme. Simplement (mais c'est décisif) le catholicisme a changé de format de façon spectaculaire et, pour partie, de sociologie. Le titre du livre attire l'attention sur le fait qu'en devenant minoritaire et en passant sous une certaine barre statistique, ses effets sociaux et culturels ne sont plus du tout les mêmes.
«Au XIXe siècle la France était la première puissance catholique en termes démographiques et les trois quarts des missionnaires catholiques dans le monde étaient français»
Guillaume Cuchet
De quand date ce grand effondrement? Pouvez-vous en décrire l'ampleur?
La déchristianisation est une vieille histoire en France qui remonte au moins à la Révolution. À l'intérieur de ce processus de longue durée, qui n'a été ni linéaire ni univoque (il y a eu des phases de reprise religieuse limitées, la dernière en date dans les années 1930-1960), une rupture de pente s'est produite au milieu des années 1960, d'une importance comparable à celle de la Révolution. Dans les vingt ans qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, l'Église de France s'est lancée dans des opérations de comptage des pratiquants massives destinées à éclairer sa pastorale et à favoriser la reconquête chrétienne du pays. Au seuil des années 1960, elle avait conclu à la stabilité globale des taux dans la longue durée, moyennant une pente légèrement déclive, un peu déprimante certes parce qu'on n'arrivait pas à redresser les courbes, mais qui préservait a priori de toute mauvaise surprise. Or, au moment même où s'imposaient ces conclusions, vers 1965-1966, les courbes se sont mises à plonger. Pour illustrer le phénomène, je citerais simplement deux séries de chiffres. En 1965, 94 % de la génération était baptisée dans les trois mois après la naissance contre 30 à 35 % aujourd'hui dans les sept ans ; 25 % des adultes allaient à la messe tous les dimanches (moyennant des contrastes locaux très importants) contre moins de 2 % aujourd'hui.
Vous dites que Vatican II a été le «déclencheur» de l'effondrement de la pratique. Pourquoi?
Je suis reparti des constats faits à l'époque par le chanoine Boulard qui était le grand spécialiste de ces questions dans l'Église. Les courbes plongent brutalement autour de 1965, l'Église perdant du quart au tiers des pratiquants du début des années 1960 (des jeunes surtout) en deux ans. Il faut bien qu'il y ait eu un événement derrière une telle rupture et on ne voit pas bien quel autre que le concile pourrait avoir joué ce rôle-là. Mai 1968 a amplifié une vague qu'il n'a pas créée. On a eu longtemps du mal à en convenir dans l'Église parce qu'on avait peur, ce faisant, d'apporter de l'eau au moulin des adversaires du concile qui ont depuis longtemps planté leur drapeau noir sur cette fâcheuse «coïncidence». Ma thèse est que le concile a non pas provoqué la rupture au sens où elle aurait pu ne pas avoir lieu sans lui, puisqu'elle a eu lieu dans les pays protestants et qu'elle procède de causes socioculturelles plus larges, mais qu'il l'a déclenchée tout en lui donnant une intensité particulière.
Toute la question - mais combien complexe - est de savoir ce qui dans le concile (dans ses textes, leur interprétation, la manière dont ils ont été appliqués, ses effets indirects) a pu jouer un tel rôle. La réforme liturgique, adoptée dès décembre 1963, a un peu obsédé la discussion. Elle a masqué à mon avis un changement plus décisif intervenu dans le sens même de la pratique: la sortie brutale de la culture de la pratique obligatoire sous peine de péché grave longtemps très insistante en catholicisme.
Dans la «carte Boulard» présentant une photographie de la France chrétienne, avant l'effondrement, on voit des disparités géographiques très importantes. À quoi sont-elles dues?
La première édition de la Carte religieuse de la France rurale date de 1947. C'est un des documents les plus fascinants de l'histoire de France. Elle montre à la fois l'ampleur des contrastes religieux régionaux (sans équivalent ailleurs en Europe) et une géographie d'ensemble de la France chrétienne très singulière. Un même dimanche des années 1950, la pratique pouvait varier de 100 % dans un bourg du nord de la Vendée à 0 % dans le Limousin. En quelques kilomètres on pouvait changer de monde religieux.
«En 1965, 25 % des adultes allaient à la messe tous les dimanches contre moins de 2 % aujourd'hui»
Guillaume Cuchet
La France chrétienne recouvrait tout l'Ouest, le Nord, l'Est lorrain, alsacien, vosgien, le Jura, le Nord des Alpes, tout le rebord Sud-Est du Massif central (de la Haute-Loire au Tarn ou à l'Aveyron), le Pays basque et le Béarn. Inversement, une «diagonale du vide» courait des Ardennes au Sud-Ouest en passant par tout le Bassin parisien et l'Ouest du Massif central, avec des prolongements dans la vallée du Rhône, le Languedoc, la Provence. Cette carte est née pendant la Révolution française. Les pays qui ont accepté la politique religieuse de la Révolution sont généralement devenus les «mauvais» pays religieux des XIXe et XXe siècles, et vice versa.
Cette carte est-elle toujours d'actualité?
Elle n'a pas totalement disparu mais elle n'existe plus vraiment comme carte de la pratique et des croyances, plutôt comme carte culturelle et anthropologique. Par exemple dans la carte des dons du sang en France, ce qui n'est pas tout à fait anodin symboliquement.
Tout un discours dans l'Église au moment de ce tournant a été de dire que la qualité finirait par l'emporter sur la quantité, et que c'en était fini d'un christianisme «sociologique». Quels ont été les effets de ce discours?
On doit cette expression de catholicisme «sociologique» à Gabriel Le Bras, qui a fondé la sociologie religieuse dans les années 1930. Le fait que le catholicisme, censé procéder de convictions intimes, avait une sociologie et une géographie particulières stables dans la longue durée, montrait l'importance des facteurs collectifs dans le maintien ou la perte de la foi. Le Bras n'était pas très optimiste sur la teneur en christianisme «réel» du catholicisme de nombre de ses contemporains. Le décrochage des courbes dans les années 1960 a souvent été interprété comme le résultat d'une sorte d'opération vérité au terme de laquelle ne seraient plus restés dans l'Église que les fidèles vraiment convaincus. Vérité historique ou philosophie de la misère?
«Gabriel le Bras note qu'en France, depuis les lendemains de la Révolution, chaque génération de catholiques a eu plus ou moins le sentiment d'être la première à avoir une foi vraiment personnelle»
Guillaume Cuchet
C'est bien difficile à dire, mais l'historien note qu'en France, depuis les lendemains de la Révolution, chaque génération de catholiques a eu plus ou moins le sentiment d'être la première à avoir une foi vraiment personnelle! En réalité, c'est le concept même de religion «sociologique» qui est problématique. Les catholiques d'aujourd'hui, qu'on ne soupçonnera pas de l'être par pur conformisme social, ne sont-ils pas eux aussi pour la plupart les enfants d'une certaine «sociologie», s'il faut entendre par là les efforts accomplis par leurs parents pour leur transmettre la foi?
L'Église est-elle devenue en France trop élitiste?
Dans les années 1970, il y a eu dans l'Église toute une controverse sur la «religion populaire» perçue par les uns comme une chose positive à préserver et par les autres comme une sorte de poids mort dont il fallait se débarrasser. Quelles qu'en soient les raisons, le fait est que le catholicisme populaire «autochtone» a beaucoup diminué parmi nous.
Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d'être chrétien, Seuil, 288 pages.

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Jean-François Colosimo : «Il y a pire que la mort et c'est la mort spirituelle» (30.03.2018)
Par Jean-Christophe Buisson
Publié le 30/03/2018 à 08h00
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Historien des idées et des religions, directeur de l'Institut Saint-Serge, Jean-François Colosimo s'interroge avec courage dans son essai, Aveuglements, sur la responsabilité des Lumières dans le nihilisme contemporain, dont l'islamisme djihadiste est, à sa manière, une manifestation. Et insiste sur l'impossibilité de séparer et d'opposer fondamentalement le politique et le religieux.
C'est un des livres majeurs pour comprendre notre époque. Aveuglements. Religions, guerres, civilisations (Editions du Cerf) fait partie de ces essais essentiels qui nous éclairent brillamment sur le monde comme il ne va plus. Nourri de références philosophiques, plongeant dans les méandres douloureux de l'Histoire et de la géopolitique, mais ancré dans l'actualité, il bouscule idées reçues, clichés, erreurs et fantasmes sur la prétendue nécessaire sécularisation de nos sociétés et l'usage de la laïcité comme arme absolue face aux intolérances religieuses. Etablit une filiation troublante mais convaincante entre révolutionnaires français, nihilistes russes et islamistes contemporains, tous adeptes de la Terreur. Démontre que «le relativisme libéral continue à sa façon, atomisée, le caporalisme totalitaire». Balaie le principe selon lequel toutes les religions se valent. Explique comment «l'utopie de la paix perpétuelle mène à l'enfer de la guerre perpétuelle». Et en appelle à une démarche authentiquement spirituelle pour retrouver la (vraie) lumière et effacer notre myopie volontaire sur les maux qui rongent la France.
«Robespierre, Lénine, Hitler sont des inventeurs de religions conscients et acharnés.»
«Aveuglements», tel est le titre de votre livre: de quelle cécité souffririons-nous?
Chaque jour ou presque, en ouvrant le journal, la radio ou la télévision, nous apprenons que quelqu'un, quelque part, vient de tuer au nom de Dieu. Au loin, en Irak, au Sahel ou en Birmanie. Chez nous, au Stade de France, à Nice ou dans l'Aude. Chaque fois, cette nouvelle nous laisse sidérés. Que reste-t-il des Lumières? De leurs promesses? Où sont passés la marche du progrès, le triomphe de la raison, l'émancipation de l'humanité? La religion ne devait-elle pas finir? Et, avec elle, les archaïsmes, les obscurantismes, les fanatismes? Nous restons les yeux écarquillés. C'est que le soleil moderne a tourné à l'astre calciné. Il n'éclaire plus rien. Il est en fait responsable de l'éclipse du sens qui nous plonge dans le noir.
Comment expliquez-vous alors ce que les sociologues et les politologues appellent le «retour du religieux»?
En montrant que le religieux n'a pas eu à revenir parce qu'il n'est jamais parti. Dans le mythe antique, Prométhée dérobe à Zeus le feu sacré. Dans la légende moderne, il le fabrique. C'est le temps de l'homme-dieu. Robespierre, Lénine, Hitler sont des inventeurs de religions conscients et acharnés. Ils expulsent le christianisme pour le remplacer par des cultes scientistes qu'ils conçoivent comme rationnels: l'Etre suprême, le matérialisme historique, la surhumanité biologique. Ils improvisent des credo, des clergés, des communions. Leur détournement symbolique aboutit à la mort industrielle: la guillotine, le goulag, Auschwitz. Pourquoi? Parce que, quand on veut faire descendre de force le Ciel sur la Terre, la régénération des masses n'attend pas. Elle requiert l'extermination des «dégénérés». Les religions politiques ont été infiniment plus meurtrières que les religions historiques.
Cette dimension religieuse, perceptible dans les totalitarismes, s'applique-t-elle aussi bien à nos sociétés profondément sécularisées?
Ce que l'on nomme la sécularisation, c'est précisément comment la modernité a divinisé le fait social. D'abord par le haut, en transférant les attributs de Dieu à l'Etat. Devenu à son tour souverain, l'Etat se fait transcendant, omnipotent, omniscient. Il s'arroge le monopole de la loi et de la violence. Il ordonne le sacré, commande le sacrifice. La IIIe République se dote d'un baptême, d'un catéchisme, d'un panthéon et survit à l'hécatombe abyssale de la Grande Guerre par le culte des morts tombés pour la Patrie. Au même moment, les soviets
«Plus les structures de foi traditionnelles reculent, plus les communautés de croyance anarchiques fleurissent.»
embaument Lénine pour l'éternité. L'aspiration démocratique vient compliquer ce schéma. Dans les sociétés postmodernes d'opinion et d'abondance comme la nôtre, un deuxième transfert s'opère. Cette fois, par le bas. L'individu souverain supplante l'Etat souverain. Tyran auto-couronné, il érige sa subjectivité en droit divin. Il exerce absolument son arbitraire. Son consumérisme sans limite se révèle comme la face cachée de son égalitarisme sans frein. Résultat? Plus les structures de foi traditionnelles reculent, plus les communautés de croyance anarchiques fleurissent. Le marketing s'étend à la mystique et la spiritualité a ses supermarchés. On rit de la messe dominicale, mais on lit l'horoscope quotidien. Le relativisme libéral continue à sa façon, atomisée, le caporalisme totalitaire. Ce sont les deux faces d'un même nihilisme.
Vous semblez dire que, au fond, le politique ne fait que singer le religieux, qu'il n'en est que la forme dégradée…
Non. Mais c'est un de nos aveuglements que d'opposer le religieux et le politique comme deux sphères exclusives. Ils ne cessent en fait de se réfléchir l'un et l'autre, selon un effet de miroir. A Rome, religio désigne le culte de l'empereur, les rites prescrits dans les temples homologués, les dévotions familiales de rigueur dans le cadre du foyer. Le mot s'applique au lien objectif qui soude une communauté humaine en un tout consistant et cohérent. Il renvoie aux représentations invisibles qui la font s'unir, se dépasser et se transmettre. Le croire personnel et intime, que recouvre le terme superstitio, est annexe et indifférent dès lors qu'il ne contrarie pas l'ordre public. Cette religion civique dont a rêvé Rousseau, le Nouveau Monde en a fait une réalité.Aux Etats-Unis, Dieu figure sur le dollar, le président jure sur la Bible, le Capitole est un sanctuaire parlementaire et Thanksgiving, un offertoire populaire. Avec, pour conséquence, que la mobilisationde la jeunesse au service de guerres lointaines et idéaliséesbat son plein. Tout un appareil politico-religieux dont l'Union européenne est incapable et qui explique pourquoi elle est sans frontières, sans diplomatie et sans armée.
Assisterait-on, dès lors, à la victoire posthume de Carl Schmitt et de son célèbre concept de «théologie politique»?
Posant faussement au défenseur du catholicisme mais véritablement tenté par le nazisme, Schmitt théorise, dans l'entre-deux-guerres, la dictature de la décision, de l'urgence et de l'exception. Autrement dit, la primauté de la force. Il ne met pas moins au jour trois phénomènes modernes qui sont fondamentaux. D'abord, que le politiquerepose toujours plus sur la logique de l'ami et de l'ennemi. Ensuite, que les idées politiques prétendumentneuves ne sont jamais que de vieux axiomes théologiques laïcisés. Enfin, que l'enrôlement des civils et des populations dans la guerre provoque en retour l'apparition du partisan en armes, qu'il se veuille réactionnaire ou révolutionnaire. La faute de Schmitt, c'est de naturaliser ce constat, d'en retirer une doctrine et de la légitimer. Ce judéophobe viscéral sera, ainsi que je le montre, l'inspirateur des terroristes rouges et bruns des années 1970 en Allemagne ou en Italie qui influenceront le développement du djihadisme au Proche-Orient. Significativement, Carlos s'est converti au sunnisme militant en prison.
Dans votre livre, vous établissez une parenté directe entre les nihilistes russes du XIXe siècle et les djihadistes du XXIe siècle. Pensez-vous que l'islamisme ne soit que le faux nez contemporain d'une «philosophie» plus ancienne?
Mais les nihilistes russes du XIXe siècle se revendiquent eux-mêmes des terroristes français du XVIIIe siècle! Si l'on veut établir une généalogie complète, il faut remonter à Saint-Just avant de redescendre vers Netchaïev et Ben Laden. Le «populicide» de Vendée, pour reprendrele mot créé par le progressiste qu'était Gracchus Babeuf, représente le premier projet d'une purification systématique du corps social où le simple fait d'exister vaut culpabilité, condamnation et exécution. Réactivant ce principe, la Terreur en actes va causer en Russie, entre 1895 et 1917,pas moins de 23 000 attentats se soldant par plusieurs dizaines de milliers de morts avec une tendance croissante au recrutement en milieu criminel, à l'incitation au geste spontané et à la liquidation de gens ordinaires. Les confessions de ces tueurs suicidaires pourraient servir de bande-son aux massacres de mars 2012 à Toulouse, de janvier et novembre 2015 à Paris. Les djihadistes sont aussi, ne nous en déplaise, les enfants adultérins de 1793 et 1917.
«C'est encore un aveuglement typiquement contemporain que d'invoquer une prétendue résurgence du Moyen Age, forcément ténébreux et barbare, pour expliquer l'avènement de Daech»
Cette double filiation n'est-elle pas quelque peu exagérée? Les Lumières dont se réclamait la Révolution ne sont-elles pas justement la meilleure arme à opposer aux intolérances religieuses, notamment islamiques?
A moins de comprendre et d'assumer que l'inverse est vrai, on rate l'essentiel. A commencer par la capacité de riposter. C'est encore un aveuglement typiquement contemporain que d'invoquer une prétendue résurgence du Moyen Age, forcément ténébreux et barbare, pour expliquer l'avènement de Daech. Ce trompe-l'œil découle de la propagande antireligieuse des encyclopédistes. Mais, quoi qu'il en ait été de l'Inquisition ou de la Saint-Barthélemy, à l'évidence injustifiables, on ne saurait ignorer que la chasse aux sorcières qui a ravagé l'Europe aux Temps modernes a été menée non pas par les Eglises mais par les Etats, non pas au nom de l'Evangile, mais de la Raison. Avec un bilan sans précédent en nombre et en intensité: de 60.000 à 100.000 suppliciés sur moins d'un siècle, entre 1560 et 1650. On manifeste la même hémiplégie intellectuelle lorsqu'on demande aux musulmans de construire un islam des Lumières, modernisé et réformé. Ils y ont pensé et ils y ont travaillé sans relâche depuis la fin du XVIIIe siècle et ce à quoi ils ont abouti est très précisément l'islamisme.
L'historien des idées et des cultures que vous êtes estime-t-il que, de ce point de vue, toutes les religions se valent?
«L'utopie de la paix perpétuelle mène sans surprise à l'enfer de la guerre perpétuelle.»
Tous les dieux ne sont pas égaux, loin s'en faut. C'est là un mirage de plus, favorisé par l'ignorance générale quant au fait religieux. Si n'importe quelle croyance est à même de secréter sa propre forme de fondamentalisme, l'islam présente une porosité singulière à l'islamisme. Une des raisons en est que la foi coranique se constitue originellement comme un monothéisme politique strict, total, achevé, se voulant universel tandis que l'Oumma se forge dans le conflit dès ses débuts, puis connaît la division immédiatement après la mort de Mahomet. D'où cette ambivalence que pointent les études de l'Institut Pew: aujourd'hui, les musulmans se montrent les plus coercitifs pour les minoritaires lorsqu'ils sont majoritaires et les plus contestataires envers les majoritaires lorsqu'ils sont minoritaires. Le monde musulman n'a pas besoin de plus de politique, mais de plus de théologie.
Au cours de vos divers essais, vous avez commenté la «théodémocratie américaine», la «théodicée russe» ou encore la «théosophie iranienne» pour rendre compte des mutations géopolitiques. Quelle radiographie planétaire en retirez-vous?
Nous assistons à un conflit mondialisé entre deux fondamentalismes prosélytes de création moderne et à prétention globale, l'islamisme sunnite et l'évangélisme américain. On ne saurait les confondre. Mais, en décrétant lutter pour le Bien, la Liberté, l'Humanité au cours d'expéditions intitulées «Justice illimitée» ou «Détermination absolue», les Etats-Unis maximalisent la guerre, diabolisent l'adversaire et confortent la conception apocalyptique qui l'anime. Au «zéro mort» du Pentagone répond ainsi le «tous morts» du califat. C'est une voie sans issue. L'utopie de la paix perpétuelle mène sans surprise à l'enfer de la guerre perpétuelle. La Russie orthodoxe et l'Iran chiite, certes peu aimables, représentent des leviers pour sortir de l'impasse. Que Paris les ait longuement ignorés pour s'aligner sur Washington a eu pour prix notre impuissance. Or, la France ne peut se résigner à une telle marginalisation, contraire à sa vocation.
La fin de l'Histoire est-elle pour demain?

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L'heure, la Bible y insiste, est inconnue. Il en va différemment de l'effacement de l'Europe, toujours possible comme il arriva un jour à Athènes. Mais vers quelle espérance se tourner? La ministre de la Défense n'a guère été avisée de saluer le «sacrifice suprême» du lieutenant-colonel Beltrame sans le qualifier: Arnaud Beltrame n'a pas seulement accompli son devoir de gendarme au point d'en perdre sa vie terrestre, il a plus essentiellement témoigné de sa foi de chrétien en la vie éternelle jusqu'à la gagner. Il a démenti le martyre mensonger par son martyre authentique. Face au nazisme, la poétesse Catherine Pozzi notait déjà qu'affronter le mal radical requiert moins des héros que des saints. Il y a pire que la mort et c'est la mort spirituelle. Sans retour à l'eschatologie, nous disparaîtrons, engloutis sous nos myopies volontaires. Et jamais nous ne verrons que la nuit épaisse du vendredi saint ne fait que préparer à la radiance matinale de Pâques.
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La Turquie froissée par la proposition française de médiation avec les Kurdes (30.03.2018)
Par Delphine Minoui
Mis à jour le 30/03/2018 à 20h11 | Publié le 30/03/2018 à 19h22
Ankara, qui craint la formation d'une entité autonome à sa frontière, dénonce une aide à des «terroristes».
La réaction turque ne s'est pas fait attendre. «Qui êtes-vous pour parler de médiation entre la Turquie et une organisation terroriste?», a lancé, vendredi, Recep Tayyip Erdogan à son homologue français. Répondant à l'offre d'une médiation française en vue d'un dialogue entre Ankara et les FDS (Forces démocratiques syriennes), le président turc s'est dit «extrêmement peiné» par la position «totalement erronée» de Paris.
«Qu'ils ne s'avisent pas de nous demander de l'aide quand la France sera pleine de terroristes fuyant la Syrie et l'Irak après avoir été encouragés par la politique française»
Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie
Si la coalition internationale soutient traditionnellement ce groupe de combattants arabo-kurdes, auquel elle s'est alliée dans la lutte contre Daech sur le territoire syrien, Ankara a toujours exprimé son hostilité face aux FDS, qu'elle considère comme une simple façade des YPG. Aux yeux des autorités turques, les milices kurdes YPG ne sont ni plus ni moins qu'une extension du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, classé comme organisation terroriste. Craignant la formation, à leur frontière, d'une entité kurde autonome, elles lancèrent en janvier l'opération «Rameau d'olivier» qui mena à l'expulsion, le 19 mars, de ces forces de l'enclave syrienne d'Afrine. Revigoré par cette victoire, le président turc s'empressa alors d'annoncer vouloir mettre le cap sur Manbij, plus à l'ouest. Une déclaration qui ne manqua pas d'inquiéter les Américains, présents sur le terrain, mais aussi la France, soucieuse de trouver une solution à cette guerre dans la guerre syrienne.
Mais l'entremise de Paris suscite des grincements de dents. «Au lieu de prendre des mesures susceptibles d'être interprétées comme conférant une légitimité à des organisations terroristes, les pays que nous considérons comme amis et alliés doivent prendre fermement position contre le terrorisme dans toutes ses formes. Les noms divers et variés ne sauraient cacher la vraie identité d'une organisation terroriste», a déclaré Ibrahim Kalin, le porte-parole de la présidence turque. «Ceux qui aident les terroristes et qui les reçoivent dans leurs palais réaliseront tôt ou tard leurs erreurs. Ils risquent d'être confrontés aux mêmes problèmes que nous avons connus. Qu'ils ne s'avisent pas de nous demander de l'aide quand la France sera pleine de terroristes fuyant la Syrie et l'Irak après avoir été encouragés par la politique française», a également prévenu le président Erdogan.
«France, retrouve ta place! Tu ne connais rien à la Syrie!» 
Ankara, dont les relations avec la France s'étaient récemment réchauffées, a aussi fermement réagi à l'envoi de soldats français à Manbij: un projet annoncé la veille par Asiya Abdellah, une des représentantes kurdes reçue à Paris - et que l'Élysée s'est empressé de démentir. «Ceux qui coopèrent avec des groupes terroristes contre la Turquie (…) et attaquent la Turquie avec eux, recevront le même traitement que nous infligeons à ces groupes terroristes et seront des cibles pour la Turquie», a prévenu vendredi le vice premier ministre et porte-parole du gouvernement turc, Bekir Bozdag. «Nous espérons que la France ne prendra pas une telle mesure irrationnelle», a-t-il ajouté.
Lors d'un échange téléphonique avec Jean-Yves Le Drian, son homologue français, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a pour sa part signifié son «trouble» face à l'accueil d'une délégation des FDS à l'Élysée. «L'accueil d'une organisation terroriste au plus haut niveau est une indication de la politique de deux poids deux mesures de la France dans sa lutte contre le terrorisme», a-t-il déclaré selon le quotidien Hurriyet, en rappelant que l'YPG et le PKK sont une même et unique organisation «responsable de la mort d'environ 40.000 personnes en Turquie».
L'initiative française a également été fermement condamnée par le parti turc d'opposition CHP. «France, retrouve ta place! Tu ne connais rien à la Syrie!», a déclaré son représentant parlementaire, Engin Altay. Avant d'ajouter: «Nous appelons la France à revoir sa décision».

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Le soutien mesuré de Paris aux Kurdes (30.03.2018)

Par Isabelle Lasserre
Publié le 30/03/2018 à 20h05
La France ne prévoit pas de nouvelle opération militaire dans le Nord syrien en dehors de la coalition anti-EI.
Il s'agit en fait d'un faux revirement. Un revirement dont les Kurdes ont tellement rêvé qu'ils en ont sans doute fait leur réalité après avoir rencontré Emmanuel Macron jeudi. En recevant sous les dorures du Palais de l'Élysée des responsables militaires kurdes et des personnalités des Forces démocratiques syriennes (FDS), au moment où leurs positions sont menacées par l'offensive militaire turque qui veut les déloger du nord de la Syrie, le président français a adressé à ces alliés de la coalition internationale un message politique fort.
Les Occidentaux, qui se sont appuyés sur les FDS et notamment sur leur avant-garde kurde YPG (Unités de protection du peuple) pour lutter contre Daech, sont accusés d'avoir abandonné leurs précieux alliés locaux. Ils ont été le fer de lance de la communauté internationale contre l'État islamique, notamment à Raqqa, où ils ont largement contribué à la défaite des djihadistes. Mais depuis plus de deux mois, ils ploient sous les bombardements de la Turquie, qui les considèrent comme une excroissance de l'organisation «terroriste» PKK contre laquelle Ankara combat au sud-est du pays.
Les Kurdes, selon une source proche du dossier, auraient manifesté un «enthousiasme excessif» et fait «l'amalgame» entre deux messages présidentiels
Devant la délégation arabo-kurde, Emmanuel Macron a fait part de la disponibilité française à «faciliter» le dialogue entre Ankara et les FDS. Mais il n'a jamais affirmé, assure l'Élysée, comme l'ont prétendu jeudi soir des représentants kurdes, que la France allait envoyer des troupes à Manbij, dans le nord de la Syrie, où la Turquie menace de lancer sa prochaine attaque. Les Kurdes, selon une source proche du dossier, auraient manifesté un «enthousiasme excessif» et fait «l'amalgame» entre deux messages présidentiels, le premier réitérant l'engagement de la France à poursuivre sa mission dans le cadre de la coalition et le second affirmant qu'il serait «inacceptable» que les militaires turcs, qui ont déjà expulsé d'Afrine les Unités de protection du peuple, poursuivent leur opération militaire à Manbij et au-delà.
L'engagement militaire français en Syrie ne changera pas. Sauf à la marge. Quelques éléments des forces spéciales françaises sur le terrain pourraient être repositionnés. Et la lutte contre Daech «réexaminée», concède l'Élysée. La présidence s'inquiète en effet d'une «résurgence» de l'organisation terroriste qui, dans certaines régions de Syrie, fait mine de relever la tête. «La lutte contre Daech n'est pas terminée. C'est pour cette raison que nous avons besoin de la pleine mobilisation des Kurdes sur le terrain.» La France et les États-Unis considèrent que l'offensive d'Ankara contre la milice kurde affaiblit par ricochet la lutte contre le groupe État islamique.
«La Turquie est un partenaire important dont nous avons besoin pour trouver une solution politique à la Syrie. Le but n'est pas de rompre les liens»
Une source à l'Élysée
Mais l'action militaire française n'ira pas plus loin. «Il n'y aura pas de nouvelle opération en dehors de la communauté internationale», précise une source à l'Élysée. Déjà en froid avec la Russie, Paris peut difficilement se permettre une rupture avec la Turquie, considérée comme un poids lourd de l'Otan et dont l'implication directe en Syrie en fait un partenaire obligé pour une future solution politique, l'objectif de la diplomatie française. Enfin la Turquie, outre qu'elle a la main sur l'un des robinets de migrants à destination de l'Europe, contrôle aussi en partie le retour des djihadistes chassés de Syrie sur le Vieux Continent. «La Turquie est un partenaire important dont nous avons besoin pour trouver une solution politique à la Syrie. Le but n'est pas de rompre les liens», affirme une source à l'Élysée.
Et s'il fallait un argument supplémentaire à la retenue militaire française en Syrie, le retrait annoncé par Donald Trump, qui promet que les Américains vont partir de Syrie «très vite», maintenant que la victoire contre Daech est proclamée, le fournit.
Mais cette posture ne clarifie pas la position ambiguë, inconfortable et pas toujours assumée de la France, qui en Syrie reste tiraillée, comme d'ailleurs ses alliés occidentaux, entre ses intérêts de sécurité qui dépendent de la Turquie et les valeurs, comme l'honneur, qui la pousserait à soutenir les Kurdes.
Depuis jeudi soir, la colère des responsables turcs n'est pas retombée, même après la mise au point de l'Élysée. La proposition de médiation française avec les Forces démocratiques syriennes et Ankara a été rejetée par le pouvoir turc. Recep Tayyip Erdogan a vivement réagi vendredi, accusant Emmanuel Macron de faire des déclarations qui le «dépassent». Il a jugé l'approche de la France sur le sujet «totalement erronée».

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Grand reporter au service étranger du Figaro
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Égypte : la nouvelle guerre du Sinaï contre Daech (29.03.2018)

Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 29/03/2018 à 20h15 | Publié le 29/03/2018 à 19h46
GRAND REPORTAGE - L'armée a lancé une vaste offensive contre les djihadistes. Mais ceux-ci jouissent de complicités locales.
Tous les 500 mètres, des tourelles de guet, équipées de radars, émergent d'une mer de sable. «Aucun terroriste ne doit s'infiltrer dans le Sinaï par le canal de Suez», assure le général Khaled Azazi, sur l'esquif qui fait la navette entre les deux rives. Il arrive au nord de la nouvelle ville d'Ismaïlia, dans le centre du Sinaï. Sur l'autre berge, Ismaïlia «l'historique», avec ses vieilles maisons aux toits coloniaux bâties pour les ingénieurs français qui construisirent la voie d'eau en 1869. En face, une immensité désertique hérissée de dunes: le territoire des Bédouins, dispersés dans le Sinaï, cette presqu'île de 70.000 km2 - un huitième du territoire français - où l'armée traque les djihadistes. Une tâche titanesque. «Les terroristes se cachent dans des grottes», explique un journaliste égyptien, qui s'y rend avec la troupe.
Le 9 février, le président Abdel Fattah al-Sissi a lancé l'offensive «Sinaï 2018», une opération militaire qui succède à d'autres opérations qui n'avaient pu venir à bout des combattants de la branche locale de l'État islamique, Wilayat Sinaï, forte d'à peine plus d'un millier d'hommes. Mais cette fois, la guerre est totale. «C'est une question de vie ou de mort», jure le député Abdelrahim Ali, qui offre de l'argent aux mères des martyrs tombés au combat. «Si l'armée échoue, ce sera un désastre, car les terroristes arriveront jusqu'au Caire», renchérit Ali Friji, chef d'une tribu de Nakhel, dans le centre du Sinaï.
Une armada de 42.000 hommes
Déclenchée après l'attentat qui tua, fin novembre, 324 fidèles en prière dans une mosquée de Bir al-Abed, dans le Nord, «Sinaï 2018» mobilise une armada de 42.000 hommes déployés au sein de 88 bataillons. Une guerre sans témoin. La péninsule a été décrétée zone militaire fermée. Aucun journaliste étranger ne peut théoriquement y pénétrer. «C'est le black-out total», regrette un diplomate au Caire.
L'armée a changé de tactique. «Elle menait avant de petites attaques, explique le cheikh Friji. Maintenant, elle frappe des maisons, elle attaque des grottes, l'armée de l'air est engagée, mais aussi la marine et les forces spéciales.» La tête du cheikh est réclamée par Daech. Sa tribu, les Massaïd, renseigne l'armée sur les djihadistes. «Quand je rentre du Caire à Nakhel, je suis incognito», avoue le chef tribal dans sa tenue traditionnelle. «Les islamistes ont déjà tué, dit-il, cinq députés, 30 responsables tribaux et 200 civils qu'ils accusaient de collaborer avec l'État.»
«Si l'armée échoue, ce sera un désastre,car les terroristes arriveront jusqu'au Caire»
Ali Friji, chef d'une tribu de Nakhel
Sa région est encore relativement épargnée par les violences. La zone des combats se situe plus au nord, le long d'une bande côtière entre les villes de Rafah, frontalière de la bande de Gaza, Cheikh Zuweid, el-Arish, et dernièrement Bir al-Abed. Ali Friji a deux filles à el-Arish, mais il ne peut plus leur rendre visite. Les routes sont coupées. La «troisième armée», qui multiplie les barrages, a fermé les entrées et les sorties à partir d'al-Hasna dans le centre du Sinaï, à l'arrière de Bir al-Abed. Objectif du blocus: isoler les terroristes, les empêcher de circuler entre les villes. Des avions de chasse F-16 survolent l'étendue désertique et pilonnent des positions djihadistes. «Ils bombardent beaucoup, constate un expatrié, des pick-up, des Toyota». Le bilan des raids fournit par le porte-parole de l'armée se veut impressionnant. «Nous avons neutralisé 812 cibles par des frappes aériennes hors de zones habitées: des dépôts de munitions, des centres de commandement ou des rassemblements de terroristes», affirme le colonel Tamer el-Refaï, dans une rare interview à la presse étrangère. «157 terroristes» ont été tués, «trois centres médias» détruits, ainsi que six tunnels, reliant Rafah à la bande de Gaza.
Actions de guérilla
L'armée et la police ratissent et arrêtent massivement. En 50 jours, 3200 personnes ont été appréhendées, mais 1400 relâchées après interrogatoire. Parmi les individus arrêtés - comme parmi les tués - figurent des étrangers, révèle le colonel al-Refaï. Des Palestiniens, venus de la bande de Gaza, mais aussi d'autres nationalités. «On ne peut pas encore révéler leurs origines», ajoute le porte-parole de l'armée. Paris, qui a dépêché Bernard Emié, le patron des renseignements extérieurs, cherche à savoir si certains de ses ressortissants ont migré de Raqqa et Mossoul vers le Sinaï.
Les djihadistes ne contrôlent pas de territoires, mais ils multiplient les actions de guérilla. Face à eux, l'armée a un besoin vital de renseignements. C'est là où la traque a longtemps péché. Si les Bédouins du Sud-Sinaï collaborent avec l'armée, au nord, leur loyauté est mouvante. «Des tribus, comme les Tarabin ou les Zamaloot sont patriotiques, estime le journaliste qui les fréquente. Mais d'autres ont peur des représailles, et puis, il y a les agents doubles», qui s'allient tantôt avec Daech, tantôt avec l'armée. «Depuis longtemps, le Nord-Sinaï a été laissé à l'abandon par les autorités, analyse le diplomate. Les Égyptiens ont laissé monter un djihadisme local - des jeunes sans espoir qui ont basculé dans la violence - et puis des gens sont venus de l'extérieur, notamment de Gaza via les tunnels, et d'autres de Libye.»
«Les Égyptiens ont laissé monter un djihadisme local et puis des gens sont venus de l'extérieur, notamment de Gaza via les tunnels»
Un diplomate
Les djihadistes locaux se cachent parmi la population des villes. «À el-Arish, affirme le Dr Salah Salam, joint au téléphone, on ne les a pas vus depuis un certain temps dans les rues.» Selon lui, leur dernière attaque d'envergure remonte à l'été dernier quand ils ont braqué une banque dans l'artère principale de l'ancienne station balnéaire, s'emparant d'un important butin. Les combattants étrangers, eux, se fondent plutôt dans le désert. Ils creusent de nombreux tunnels pour se cacher, stocker de la nourriture et des charges explosives. «On a retrouvé de petites usines de fabrication d'engins explosifs improvisés», confie le colonel Refaï.
L'armée a neutralisé 648 de ces bombes à effet dirigé (IED) que les djihadistes placent le long des routes, surtout entre le sud d'el-Arish et Bir al-Abed, où des cellules, très actives, ont tué dans leurs embuscades de nombreux policiers. Mais ce qui est nouveau, c'est la découverte de C4, un explosif militaire. La dernière vidéo de Wilayat Sinaï, diffusée la semaine dernière, en fait largement état. En revanche, elle ne demande pas aux djihadistes en errance dans la zone irako-syrienne de venir dans le Sinaï.
L'appui très discret donné par Israël
Pour déclencher leurs engins de mort, les djihadistes utilisent des cartes SIM distribuées par les opérateurs israéliens, selon la revue spécialisée Globes. Avantage: rendre leur détection plus difficile par l'armée égyptienne. Ce qui sous-entend un approvisionnement, via la bande de Gaza, dirigée par les islamistes du Hamas. Pourtant, les relations entre le Hamas et la branche de Daech dans le Sinaï se sont dégradées. «Ses leaders ne peuvent plus se réfugier via des tunnels dans la bande de Gaza», note le chercheur Oded Berkowicz, le Hamas, qui négocie avec l'Égypte, a durci son contrôle.»
L'Égypte espère en finir avec ses ennemis d'ici au 25 avril, date anniversaire de la restitution du Sinaï par Israël en 1982. Un vœu probablement pieux. Comme les précédentes offensives, «Sinaï 2018» piétinerait. D'où l'appui très discret donné par Israël. Et depuis longtemps. En février, le New York Timesrévélait que Tsahal avait mené ces dernières années plus d'une centaine de frappes aériennes au moyen de drones et d'hélicoptères contre Daech dans le Sinaï, avec l'accord de l'Égypte, qui dément une telle coopération.
«Au début de l'offensive, on a souffert de pénuries alimentaires et d'un manque d'essence, mais maintenant cela va mieux»
Dr Salam d'el-Arish
Le 19 décembre, un mois seulement après le choc de l'attentat de Bir al-Abed, le pouvoir égyptien faillit même être décapité. Cachés dans le désert à 5 km de l'aéroport d'el-Arish, des djihadistes ont détruit au missile Kornet l'hélicoptère dans lequel les ministres de l'Intérieur et de la Défense devaient monter. «Cela s'est joué à quelques dizaines de secondes près», se souvient un militaire étranger. L'attaque fit deux morts, dont l'aide de camp du ministre de la Défense, déjà dans l'hélicoptère, alors que les deux ministres s'en approchaient. Les assaillants bénéficiaient d'agents dans l'enceinte de l'aéroport. D'où venait le missile? «D'un stock de l'armée égyptienne volé pendant les troubles de la révolution de 2011, ou alors de Libye, ou bien du Hamas quand ils avaient des relations de travail», selon Oded Berkowicz. Immédiatement après, l'armée imposa une zone tampon sur un périmètre de 5 km autour de l'aéroport d'el-Arish. «Des fermes ont été évacuées, selon le Dr Salah Salam. Des gens ont été déplacés, mais on comprend, dit-il, les impératifs de sécurité».
C'est loin d'être le cas de tout le monde. Fin 2014, l'armée rasa une bande de terre de 5 km de profondeur, le long des 12 km de la bande de Gaza. Quelque 800 maisons furent détruites. Des milliers d'habitants se sont retrouvés sans logis, ce qui en fait des recrues faciles pour les djihadistes. C'est l'autre faille de la guerre. Un point ultrasensible pour les autorités qui rappellent que 900 millions de livres (45 millions d'euros) ont été distribués pour compenser les destructions. Des compensations largement insuffisantes. Les réseaux sociaux relaient des messages d'habitants du Sinaï en colère.
Une aide encore insuffisante
D'autant que le blocus de l'armée a des répercussions humanitaires. «Au début de l'offensive, relate le Dr Salam d'el-Arish, on a souffert de pénuries alimentaires et d'un manque d'essence, mais maintenant cela va mieux, l'armée distribue de la nourriture et alimente les stations-essence.» Une aide là encore insuffisante. Or la victoire contre Daech ne pourra se faire sur le dos de la population. «J'ai proposé à l'armée que les tribus puissent porter des armes contre Daech, rappelle le chef tribal Ali Friji. L'armée nous a répondu qu'elle avait seulement besoin qu'on l'informe sur les planques des djihadistes et lorsqu'on voit un jeune se radicaliser.»
Le pouvoir redoute que ses armes se retournent contre lui dans une zone où la contrebande, le trafic de drogue notamment, a toujours fleuri. L'armée a mis la main sur des dizaines de milliers de pilules de stupéfiants détenues par Daech et détruit quelque 155 «fermes» où les djihadistes cultivent le bango, le cannabis local. L'argent ainsi généré leur permet de recruter des jeunes désœuvrés, ou des déçus du régime.

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Avec les catholiques chinois qui refusent de se soumettre au Parti communiste (30.03.2018)

Par Cyrille Pluyette
Publié le 30/03/2018 à 18h47
ENQUÊTE - Alors qu'un rapprochement entre Pékin et le Vatican semble se profiler, les catholiques clandestins de ce fief des chrétiens de Chine sont partagés entre inquiétude et résignation. Leurs évêques pourraient être contraints de se soumettre à l'autorité du Parti communiste Chinois. Et les catholiques de se plier à la prière « officielle ».

C'est une grotte traversée par un ruisseau, à laquelle on accède par un étroit passage obligeant à avancer accroupi. À l'intérieur, des fidèles, agenouillés devant un petit autel surmonté d'un crucifix, de bougies et de roses, chantent une prière en dialecte local. Originaire de la région, M. Zhang, 74 ans, effectue chaque année avec sa femme, ses enfants et ses petits-enfants le pèlerinage à Lankou, dans le Fujian, dans le sud-est de la Chine. C'est dans ce village que s'était réfugié l'un des premiers martyrs de l'Église catholique en Chine: l'évêque Bai - de son vrai nom Pedro Sanz y Jordá. Il fut exécuté en 1747 par un empereur de la dynastie Qing, avec quatre missionnaires espagnols. La marche part d'une église ancienne empruntant des éléments d'architecture chinoise, puis serpente à travers la nature en suivant un chemin de croix, dont les stèles ont été recouvertes par des blocs de béton.
Cela fait près de quatre siècles, depuis que des frères dominicains ont débarqué sur les côtes vallonnées du Mindong, à l'est du Fujian. Les catholiques sont solidement ancrés dans cette région de cultivateurs et de pêcheurs. «Malgré des périodes d'extrêmes tensions avec le pouvoir chinois - entrecoupées de moments d'accalmies -, ils ont tenu bon, en s'adaptant au contexte local», explique Eugenio Menegon, professeur d'histoire à l'université de Boston. Certaines époques furent particulièrement douloureuses. Les missionnaires ont été bannis sous les Qing, pendant plus de cent ans, jusqu'à ce que les Occidentaux imposent leur retour au XIXe siècle, après les guerres de l'opium. La communauté religieuse fut ensuite persécutée sous Mao Tsé-toung, en particulier pendant la Révolution culturelle. «Quand j'étais enfant, toutes les églises étaient en ruine. On devait prier en secret à la maison», se souvient M. Zhang.
Des «sacrifices» pour mettre fin à sept décennies de divisions
Sur les quelque 80.000 catholiques que compte le Mindong, l'immense majorité appartient, comme lui, à l'église «clandestine», qui reconnaît l'autorité du Pape. Ils n'ont jamais rejoint l'Église étatique, supervisée par le Parti communiste chinois (PCC) depuis sa création en 1957. Mais aujourd'hui, cette population rurale, qui a souvent été l'enjeu de querelles se jouant très loin d'eux, entre Pékin et l'Europe, se retrouve au cœur d'un nouveau débat déchirant. Un rapprochement se profile en effet entre le Vatican et Pékin, qui n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1951. Dans l'accord en cours de négociation, le Pape aurait son mot à dire concernant les nominations d'évêques - une concession de la part du régime chinois, très méfiant envers les religions sous influence étrangère. Il pourrait peut-être aussi disposer d'un droit de veto, dont les contours restent flous. En échange, Rome reconnaîtrait sept évêques «patriotiques» qui avaient été nommés sans l'aval du Saint-Siège (certains ont été excommuniés). Preuve de sa détermination, le Vatican a demandé à deux évêques «clandestins» de céder leur place à leurs homologues «officiels». Dans ce schéma, Mgr Guo Xijin, en charge du diocèse du Mindong, se placerait sous l'autorité de Mgr Zhan Silu, membre du Parlement chinois.
À Hongkong, le cardinal Joseph Zen, adversaire de longue date de ce projet, a accusé le Vatican de «vendre» les catholiques chinois, restés «loyaux» envers le Pape pendant des décennies malgré les souffrances que leur a infligées le régime. Sa position n'est pas isolée. «Beaucoup de catholiques clandestins sont inquiets: en particulier le clergé et les croyants les plus éduqués», insiste Ren Yanli, chercheur à l'Académie des sciences sociales de Chine, à Pékin. Le cardinal Pietro Parolin, le numéro deux du Vatican, a reconnu que certains devraient faire des «sacrifices» pour mettre fin à sept décennies de divisions entre les deux Églises, qui comptent de 10 à 12 millions de fidèles, à peu près répartis à parts égales. Cette réconciliation est d'autant plus cruciale pour Rome que le nombre de catholiques recule en Chine, alors que d'autres religions sont en plein essor.
Prêtres et évêques sous surveillance
En ce dimanche soir de fin février, ce n'est pas Mgr Guo qui célèbre la messe, à Luojiang, dans la cathédrale de style néogothique, décorée de carreaux blancs et surmontée de deux grandes croix. Sur le parvis, beaucoup de paroissiens ne sont pas au courant des négociations. Mais la perspective de devoir passer sous la coupe de l'Église étatique en préoccupe plusieurs, dans les ruelles du village, dont de nombreuses portes sont ornées de croix. «Si c'était le cas, la plupart des croyants ne seraient pas d'accord. Tout le monde aime Mgr Guo, qui a toujours refusé d'appartenir à l'église officielle», réagit Luo Yong, très alarmé à l'idée que son Église puisse «être contrôlée par le PCC». «Je n'irai plus à la messe si elle devient patriotique. Dans les années 1980, un évêque officiel a essayé de venir ici et nous l'avons chassé!», s'emporte la patronne d'un petit restaurant, fière, comme beaucoup, d'appartenir à une famille catholique «authentique» depuis de nombreuses générations. Mais «si le Vatican et Pékin établissent des relations et que le Pape nous envoie un évêque patriotique en disant qu'il faut l'écouter, alors on n'aura pas le choix», conclut M. Chen, qui s'est joint à la conversation. Une formule qui revient souvent dans la bouche des habitants.
«Nous avons très peur que l'authenticité de la foi soit abîmée si on passe sous l'autorité du Parti.»
Une nonne de 38 ans
Même si elle n'est pas reconnue par Pékin, cette communauté n'est cependant pas obligée de vivre cachée. Les dizaines d'églises du Mindong sont en effet très visibles, tout comme l'imposant évêché de Luojiang, où habite Mgr Guo. Et les gens sont libres de se rendre à la messe. Mais les religieux vivent mal les restrictions dont ils font l'objet. Plusieurs prêtres et évêques «clandestins» sont étroitement surveillés par le gouvernement. Signe, selon certains observateurs, que Pékin n'a guère l'intention de laisser de marges de manœuvre au Vatican, Mgr Guo, a été arrêté pendant 24 heures par les autorités chinoises peu avant ce week-end de Pâques. Le prélat, qui avait déjà été détenu une vingtaine de jours l'an dernier à la même époque, aurait refusé de servir la messe avec l'évêque officiel, avance un média spécialisé. Les cours de catéchisme pour les enfants et les adolescents, théoriquement interdits, doivent par ailleurs être donnés «discrètement», en ne réunissant pas trop de monde. Et il est compliqué pour les nonnes et les prêtres de suivre des études de théologie à l'étranger. «Nous avons très peur que l'authenticité de la foi soit abîmée si on passe sous l'autorité du Parti», confie une nonne de 38 ans, qui craint également que la «liberté d'expression» ne disparaisse. L'inquiétude des religieux peut se comprendre: le régime chinois a mis en œuvre début février de nouvelles réglementations visant à encadrer plus strictement la liberté de culte. Et une réorganisation gouvernementale récente devrait, en outre, permettre au PCC d'accroître encore son emprise sur les religions.
Aujourd'hui, «les paroissiens clandestins boycottent généralement les évêques étatiques», résume Ren Yanli. Mais il serait «trop simpliste de décrire les catholiques du Mindong comme deux groupes statiques en compétition», estime de son côté Michel Chambon, doctorant en anthropologie à l'université de Boston, pour qui, par endroits, les antagonismes tendent à se réduire avec le développement économique. Depuis les années 1990, beaucoup de croyants «clandestins» de la région se sont installés dans de grandes villes comme Shenzhen, Guangzhou ou Shanghaï pour y démarrer une affaire. «Plusieurs sont devenus des entrepreneurs établis qui, bien que fidèles à leur Église, se montrent très patriotes et ne sont pas dans une opposition frontale avec la structure officielle», poursuit ce chercheur, qui précise que la plupart des évêques nommés par Pékin ces dernières années ont également été reconnus par Rome. Une partie des ouailles ne se sentiraient d'ailleurs pas concernée par les débats actuels. «À quelle église appartient l'évêque, ce n'est pas vraiment mon problème… Je veux juste pouvoir aller à la messe», indique ainsi une jeune femme de Luojiang.
Blessures encore ouvertes
Pour d'autres, notamment les plus anciens, les blessures du passé ne se sont pas refermées. Non loin de Luojiang, dans le village de Shangwan, deux visiteuses sont venues se recueillir près de la tombe du martyr Miao Zishan. Comme de nombreux prêtres chinois, il vécut un calvaire sous Mao. Emprisonné dans des conditions terribles en 1955, il fut ensuite envoyé dans un camp de travail, où il tomba gravement malade, avant de mourir dans son village natal. Après avoir récité des prières, les pèlerines s'allongent quelques instants dans un lit situé près de l'autel, accomplissant un rituel censé guérir les maladies. Aux yeux des prêtres restés dévoués au Pape, ce lieu revêt une signification beaucoup plus symbolique. La perspective d'un accord fait frémir l'un d'eux, formé en secret dans les années 1980, et emprisonné une dizaine de jours en 2002. Encore aujourd'hui, il ne peut pas sortir du pays, et ses mouvements sont observés. Il ne compte toutefois pas se rebeller. «Si le Pape nous demande d'obéir, nous le ferons», se résigne-t-il. Ce sera «bien sûr un sacrifice», admet cet ecclésiastique de 60 ans, mais dans cette région, «le catholicisme a toujours été une histoire de sacrifices».

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Un contrôle des douanes françaises dans une commune italienne ulcère l'Italie (31.03.2018)
Par Lefigaro.fr avec AFP
Mis à jour le 31/03/2018 à 18h52 | Publié le 31/03/2018 à 18h48
La France a dû expliquer samedi que la présence de douaniers français à l'intérieur d'un local de la gare d'une commune alpine frontalière en Italie était parfaitement légale, répondant à une avalanche de propos outrés de la classe politique italienne. Dans une ambiance frôlant le couac diplomatique, le ministère italien des Affaires étrangères a convoqué samedi en fin d'après-midi l'ambassadeur de France à Rome, Christian Masset, pour demander des explications claires.
Auparavant, l'ONG Rainbow4Africa -qui occupe depuis décembre ce même local de la gare pour accueillir des migrants en transit vers la France- s'était plainte de "l'irruption" vendredi soir de douaniers français souhaitant qu'un Nigérian y effectue un test urinaire. Très rapidement soutenue par des responsables politiques locaux puis nationaux, indignés d'une possible ingérence française sur le territoire italien.
Les explications de la France
Dans un communiqué relayé par l'ambassade de France à Rome après la convocation de l'ambassadeur, le gouvernement français a finalement fourni des explications.
Vendredi soir, une équipe de la brigade ferroviaire des douanes françaises de Modane était en contrôle sur le TGV Paris-Milan, indique le communiqué signé du ministre français de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, chargé des douanes.
"Ces agents en uniforme et identifiés comme douaniers français ont suspecté un voyageur, de nationalité nigériane et résident italien, de transport in corpore de stupéfiants. En application de l'article 60bis du code des douanes, les agents ont demandé à la personne si elle consentait à un test urinaire de détection de stupéfiants, ce qu'elle a accepté par écrit à 19h15", stipule le communiqué.
"Afin de réaliser ce contrôle dans des conditions de respect de la personne, les agents ont attendu l'arrivée du train pour utiliser le local attenant à la gare de Bardonnechia, mis à la disposition de la douane française en application des accords du bureau à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) de 1990", note le gouvernement français.
"Ce local étant depuis quelques mois également mis à la disposition d'une association d'aide aux migrants, les agents ont sollicité la possibilité d'accéder aux sanitaires, ce qui leur a été accordé. Le contrôle s'est finalement révélé négatif", ajoute encore le communiqué.

Tibéhirine : les expertises fragilisent la version d'Alger (29.03.2018)

Par Christophe Cornevin
Mis à jour le 29/03/2018 à 22h03 | Publié le 29/03/2018 à 19h31
Un rapport d'expertises conforte l'hypothèse selon laquelle les sept moines assassinés en 1996 ont été décapités post mortem.
Vingt-deux ans après les faits, la thèse officielle des autorités algériennes pour expliquer l'assassinat des moines de Tibéhirine se trouve ébranlée par les conclusions d'un épais rapport d'expertises. Versé il y a quelques jours au dossier instruit par les juges Nathalie Poux et Jean-Marc Héribaut, ce document de 185 pages explore plusieurs des zones d'ombre entourant les circonstances de la mort des religieux français de l'ordre de Cîteaux. Enlevés dans leur monastère dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, leurs crânes avaient été retrouvés sur le bord d'une route de montagne, deux mois après leur disparition. Des crimes qu'Alger a toujours imputés officiellement au Groupe islamiste armé (GIA).
«Cette découverte conforte la manière précipitée avec laquelle les Algériens ont placé les corps sous scellés»
Me Patrick Baudouin, avocat des familles
Premier constat, l'expertise génétique de crânes et leur confrontation avec l'ADN de parents révèlent que six des sept religieux ont été intervertis au moment d'être placés dans les cercueils. Seule la dépouille du frère Luc, médecin, a été retrouvée dans la sépulture à son nom. «Cette découverte conforte la manière précipitée avec laquelle les Algériens ont placé les corps sous scellés, déplore Me Patrick Baudouin, avocat des familles. Pour n'importe quel assassinat, on prend en général la peine de pratiquer une autopsie avant de mettre la victime en bière.»
Par ailleurs, les analyses entomologiques ont permis, grâce à l'observation d'insectes dans la tête des moines, d'établir que «le décès serait antérieur de plusieurs jours à la découverte des têtes». «Cet intervalle post mortem est supérieur à neuf jours», assure au Figaro Me Baudouin, ce qui pourrait remettre en cause l'authenticité du communiqué attribué au GIA puisque le texte faisait remonter les assassinats au 21 mai 1996 et que les macabres découvertes datent du 30 mai. Constatant l'état de décomposition des têtes, les experts militent en faveur d'une mort plus ancienne. Ils vont même jusqu'à conclure que «l'hypothèse d'un décès survenu entre le 25 et le 27 avril reste plausible».
Aucune particule métallique
Cette piste avaliserait les confidences de Karim Moulaï, ancien agent du département du renseignement et de la sécurité (DRS) algérienne, exilé en Écosse depuis qu'il a soutenu que les sept moines avaient été exécutés à la fin avril 1996 par les services secrets de son pays. Confortant une «hypothèse à 80 %», émise par le juge Trévidic au lendemain d'un premier rapport remis dès juillet 2015, le document certifie, comme l'a relaté jeudi France Inter, que les lésions, constatées au «micro-scanner» et au «stereo-miscroscope» sur chacune des têtes des sept moines, plaident «en faveur d'une décapitation post mortem». Ce qui serait de nature à donner corps, sans preuve irréfutable, à la piste d'une mise en scène d'une exécution islamiste.
«Les autorités algériennes en savent beaucoup plus que la version officielle consistant à répéter avec constance que le GIA est à l'origine de ces crimes barbares»
Me Patrick Baudouin, avocat des familles
En outre, les experts n'ont retrouvé dans les crânes aucune particule métallique, c'est-à-dire aucune trace de balles, comme aurait pu le suggérer l'hypothèse d'une bavure de l'armée algérienne lors d'une opération de ratissage. Si les conclusions «botaniques» et «géologiques» sont à prendre avec précaution en raison du peu de matière résiduelle retrouvée sur les crânes, les experts privilégient la piste selon laquelle les corps auraient été ensevelis, puis exhumés avant d'être découvert. «Cette hypothèse d'une première inhumation, avant la découverte des têtes, reste cependant la plus vraisemblable» puisque, assure le rapport, «l'absence de lésions identifiables de grignotage par des prédateurs permet d'exclure que les têtes des moines soient restées à l'air libre entre la date de sa mort et le 30 mai 1996».
Loin de lever encore toutes les zones d'ombre, ce document est une avancée pour les familles. «Une étape importante a été franchie et des éléments essentiels ont été fournis à l'instruction», se félicite Me Patrick Baudouin, persuadé que «les autorités algériennes en savent beaucoup plus que la version officielle consistant à répéter avec constance que le GIA est à l'origine de ces crimes barbares». Outre l'organisation de nouvelles auditions, la partie civile attend maintenant le retour de la traduction d'une vingtaine d'interrogatoires menés par un juge algérien dans le cadre d'une commission rogatoire internationale délivrée en décembre 2011.

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Une école brûlée dans les Yvelines (02.04.2018)

Par Le Figaro.fr
Mis à jour le 02/04/2018 à 09h53 | Publié le 02/04/2018 à 09h45
Une école maternelle de Chanteloup-les-Vignes dans les Yvelines a été incendiée samedi soir, nous apprend Le Parisien. Selon le journal, un ou plusieurs individus ont fracturé les portes de l'établissement avant d'y mettre le feu. Plusieurs salles sont ravagées, dont le dortoir. 
Dans le journal, Catherine Arenou, la maire (LR) de la ville, estime que la totalité de l’école est « inutilisable » et ce « pour plusieurs semaines, voire même plusieurs mois puisqu’il faut vérifier l’état même de la structure ».
Sur Twitter, cette dernière a exprimé sa colère : "quand on vous dit que l’éducation est une priorité pour nos quartiers, qu’un enfant sans école, c’est un enfant sans repères, qu’à chaque fois qu’un voyou détruit, nous sommes tous salis, écoutez-nous."
Pour l'heure, les 80 élèves de l'école devraient être rapatriés dans un centre de loisirs à compter de demain mardi. Le commissariat de Conflans est chargé de l’enquête.

Le pape François baptise un jeune clandestin devenu un héros en arrêtant un braqueur (01.04.2018)
Par Figaro Société
Mis à jour le 01/04/2018 à 20h01 | Publié le 01/04/2018 à 18h26
John Ogah, un migrant de 31 ans, originaire du Nigeria, s'est illustré le 26 septembre dernier en Italie, où il a désarmé un voleur armé d'un couperet et l'a immobilisé jusqu'à l'arrivée de la police.
Conformément à la tradition, de nombreux baptêmes ont lieu lors de la veillée pascale. Samedi, veille de Pâques, le pape François a ainsi procédé à huit baptêmes d'adultes en la basilique Saint-Pierre du Vatican. Parmi eux, John Ogah, un migrant de 31 ans, originaire du Nigeria, ex-sans-papiers devenu un héros en arrêtant un braqueur.
Le 26 septembre dernier, alors que le jeune homme était en train de mendier devant un supermarché Carrefour, piazza delle Conifere à Rome, un Italien de 37 ans, qui venait de commettre un vol à main armée dans le magasin avec un couperet à viande, est soudainement sorti, se retrouvant face à lui, avec son arme et environ 400 euros. D'un geste instinctif, le clandestin nigérian a non seulement désarmé le voleur mais l'a aussi retenu jusqu'à l'arrivée de la police. John Ogah s'est ensuite éclipsé, craignant d'être lui-même interpellé puisqu'il vivait illégalement sur le sol italien, selon la presse italienne. «J'ai fait quelque chose de bien, pourquoi donc fuir?, s'est-il dit, selon le récit qu'il a livré au journal La Repubblica. Et puis je me suis dit: “Je ne suis pas en règles, c'est mieux si je m'en vais.”» John Ogah craignait également que des proches de l'agresseur le retrouvent et s'en prennent à lui.
John Ogah craignait également que des proches de l'agresseur le retrouvent et s'en prennent à lui.
«Avoir une vie digne»
La police a pu retrouver le héros discret à l'aide des vidéos des caméras de surveillance. «Si le Pape ou le président de la République faisaient quelque chose pour moi, je serais l'homme le plus heureux du monde, confiait-il en octobre 2017, dans l'interview à La Repubblica. Cela ne m'intéresse pas d'être un héros, je voudrais seulement pouvoir être en règles, travailler et avoir une vie digne en Italie.» Le jeune homme a été exaucé puisque son acte de courage lui a permis d'obtenir le droit de rester, légalement, en Italie. Il travaille désormais comme gestionnaire de stock dans une association caritative. Samedi, lors du baptême au Vatican, il avait pour parrain un des policiers qui l'a aidé à obtenir son titre de séjour, le capitaine des carabiniers, Nunzio Carbone.
Les autres personnes baptisées par le pape François lors de la veillée pascale sont originaires d'Albanie, des États-Unis, d'Italie et du Pérou.

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Nicolas Baverez : «Ne désespérons pas de la démocratie !» (01.04.2018)
Par Nicolas Baverez
Publié le 01/04/2018 à 18h58
CHRONIQUE - Loin des illusions entretenues autour de la fin de l'histoire, les menaces stratégiques sont de retour.
La démocratie est confrontée à sa crise la plus grave depuis les années 1930. Loin des illusions entretenues autour de la fin de l'histoire, les menaces stratégiques sont de retour. Pour autant, le premier péril reste la décomposition intérieure des nations libres, prises sous le feu croisé de l'individualisme, de la corruption de l'information et de la contagion de la violence.
La France n'est pas épargnée qui accumule les fractures sociales, statutaires, générationnelles et territoriales et demeure impuissante devant la salafisation d'une partie de la population comme devant la résurgence de l'antisémitisme, que confirme l'ignoble assassinat de Mireille Knoll.
Après l'effondrement de l'économie de bulles, nous assistons au krach de la démocratie sous le choc du populisme: Brexit et élection de Donald Trump ; percée de l'extrême droite en Allemagne et en Autriche ; sécessionnisme catalan ; alliance à très haut risque du M5S et de la Lega en Italie ; conversion des pays du groupe de Visegrad à la démocratie illibérale. Le populisme prend sa source dans la déstabilisation des classes moyennes du fait de la mondialisation et de la révolution numérique, dans la polarisation des individus et des territoires, dans le repli identitaire face aux vagues migratoires, dans la prise de conscience des menaces intérieures et extérieures sur la sécurité, dans la révolte contre la trahison des élites et l'impuissance des dirigeants.
Pour autant, nous ne devons pas désespérer de la démocratie, ce qui constituerait la meilleure manière d'assurer la victoire de ses ennemis.
L'islam politique se réduit à une culture de la pauvreté, de l'oppression et de la mort, à l'opposé d'un projet de civilisation.
Les succès momentanés du djihadisme et des démocratures ne peuvent masquer leurs impasses à long terme. L'islam politique se réduit à une culture de la pauvreté, de l'oppression et de la mort, à l'opposé d'un projet de civilisation. La théocratie iranienne a utilisé les errements des États-Unis pour constituer un empire chiite mais bute sur les coûts de sa surexpansion militaire qui sont de moins en moins acceptés par sa population. La stratégie de la Chine de contester le leadership économique et technologique des États-Unis est incompatible avec le refus de l'Étatde droit et des libertés qui fait du rêve collectif chinois un cauchemar individuel. L'impérialisme de la Russie est promis à l'échec par son suicide démographique, par la stagnation de son économie qui ne représente que le quinzième de celle des États-Unis, par une corruption endémique, par son enlisement dans la guerre sans fin de Syrie. Sous prétexte de réorientation vers la Russie, le monde arabe ou l'Afrique, la Turquie ne va ni vers l'est ni vers l'ouest mais vers un trou noir.
Compétitivité économique, cohésion sociale, vitalité démocratique et renforcement de la sécurité
La démocratie n'a donc pas encore perdu. Mais elle ne dispose d'aucune garantie de vaincre, comme ce fut le cas au XXe siècle. Émergent huit priorités, dont l'Europe du Nord, qui allie compétitivité économique, cohésion sociale, vitalité démocratique et renforcement de la sécurité, montre qu'elles n'ont rien d'utopique.
Faire la vérité sur la situation et sur les erreurs politiques et intellectuelles accumulées depuis l'effondrement de l'Union soviétique. Investir massivement dans l'éducation et la formation tout au long de la vie. Évoluer vers un modèle de croissance durable et inclusive. Saisir les chances de la révolution numérique tout en gérant ses risques en réintégrant ses acteurs dans l'État de droit, dans la fiscalité, la régulation et l'éthique. Restaurer la souveraineté, ce qui passe par la réhabilitation des fonctions régaliennes de l'État. Rénover la démocratie en améliorant sa transparence et la participation des citoyens grâce aux technologies digitales. Repenser l'Europe sous le signe de la protection de ses citoyens, de la souveraineté et de la sécurité. Réaffirmer la communauté de valeur et de destin des nations libres au-delà de la divergence ponctuelle de leurs intérêts.
La violence ne peut être annihilée seulement par la force. Le combat décisif se livre dans la tête et le cœur des citoyens qui doivent retrouver la confiance dans la liberté et la volonté de la défendre. Ce qui suppose d'opposer des émotions positives aux passions mortifères. Marc Bloch, dans L'Étrange Défaite, rappelait qu'«il y a deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération». Aujourd'hui, de même, ceux qui demeurent insensibles devantle sacrifice du colonel Beltrame se condamnent à rester étrangers à l'histoire de France comme au long et rude combat des hommes pour conquérir leur dignité et leur liberté. Tant qu'il restera des citoyens et des serviteurs de l'État de la trempe d'Arnaud Beltrame, la démocratie ne sera pas défaite et le déclin de l'Occident ne sera pas fatal.

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Nicolas Baverez

«Le destin religieux de la France n'est pas indifférent à celui de l'Église universelle» (30.03.2018)

Par Eugénie Bastié
Mis à jour le 30/03/2018 à 19h50 | Publié le 30/03/2018 à 19h48
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Dans son passionnant ouvrage Comment notre monde a cessé d'être chrétien , Guillaume Cuchet, spécialiste d'histoire religieuse, détaille les causes et l'ampleur de la déchristianisation en France.
LE FIGARO. - Le titre de votre livre est Comment notre monde a cessé d'être chrétien. De quel «monde» parlez-vous? Après tout, on pourrait facilement vous objecter que le christianisme progresse à l'échelle mondiale…
Guillaume CUCHET. - En effet. Mon objet est le catholicisme français, ce qui ne préjuge pas de ce qui se passe ailleurs, même s'il ne faut pas oublier qu'au XIXe siècle la France était la première puissance catholique en termes démographiques et que les trois quarts des missionnaires catholiques dans le monde étaient français. Le destin religieux de la France n'est donc pas indifférent à celui de l'Église universelle. Je ne crois pas à la thèse d'Emmanuel Todd de la «crise terminale du catholicisme français» lequel, pour un malade à l'agonie, me paraît au contraire assez en forme. Simplement (mais c'est décisif) le catholicisme a changé de format de façon spectaculaire et, pour partie, de sociologie. Le titre du livre attire l'attention sur le fait qu'en devenant minoritaire et en passant sous une certaine barre statistique, ses effets sociaux et culturels ne sont plus du tout les mêmes.
«Au XIXe siècle la France était la première puissance catholique en termes démographiques et les trois quarts des missionnaires catholiques dans le monde étaient français»
Guillaume Cuchet
De quand date ce grand effondrement? Pouvez-vous en décrire l'ampleur?
La déchristianisation est une vieille histoire en France qui remonte au moins à la Révolution. À l'intérieur de ce processus de longue durée, qui n'a été ni linéaire ni univoque (il y a eu des phases de reprise religieuse limitées, la dernière en date dans les années 1930-1960), une rupture de pente s'est produite au milieu des années 1960, d'une importance comparable à celle de la Révolution. Dans les vingt ans qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, l'Église de France s'est lancée dans des opérations de comptage des pratiquants massives destinées à éclairer sa pastorale et à favoriser la reconquête chrétienne du pays. Au seuil des années 1960, elle avait conclu à la stabilité globale des taux dans la longue durée, moyennant une pente légèrement déclive, un peu déprimante certes parce qu'on n'arrivait pas à redresser les courbes, mais qui préservait a priori de toute mauvaise surprise. Or, au moment même où s'imposaient ces conclusions, vers 1965-1966, les courbes se sont mises à plonger. Pour illustrer le phénomène, je citerais simplement deux séries de chiffres. En 1965, 94 % de la génération était baptisée dans les trois mois après la naissance contre 30 à 35 % aujourd'hui dans les sept ans ; 25 % des adultes allaient à la messe tous les dimanches (moyennant des contrastes locaux très importants) contre moins de 2 % aujourd'hui.
Vous dites que Vatican II a été le «déclencheur» de l'effondrement de la pratique. Pourquoi?
Je suis reparti des constats faits à l'époque par le chanoine Boulard qui était le grand spécialiste de ces questions dans l'Église. Les courbes plongent brutalement autour de 1965, l'Église perdant du quart au tiers des pratiquants du début des années 1960 (des jeunes surtout) en deux ans. Il faut bien qu'il y ait eu un événement derrière une telle rupture et on ne voit pas bien quel autre que le concile pourrait avoir joué ce rôle-là. Mai 1968 a amplifié une vague qu'il n'a pas créée. On a eu longtemps du mal à en convenir dans l'Église parce qu'on avait peur, ce faisant, d'apporter de l'eau au moulin des adversaires du concile qui ont depuis longtemps planté leur drapeau noir sur cette fâcheuse «coïncidence». Ma thèse est que le concile a non pas provoqué la rupture au sens où elle aurait pu ne pas avoir lieu sans lui, puisqu'elle a eu lieu dans les pays protestants et qu'elle procède de causes socioculturelles plus larges, mais qu'il l'a déclenchée tout en lui donnant une intensité particulière.
Toute la question - mais combien complexe - est de savoir ce qui dans le concile (dans ses textes, leur interprétation, la manière dont ils ont été appliqués, ses effets indirects) a pu jouer un tel rôle. La réforme liturgique, adoptée dès décembre 1963, a un peu obsédé la discussion. Elle a masqué à mon avis un changement plus décisif intervenu dans le sens même de la pratique: la sortie brutale de la culture de la pratique obligatoire sous peine de péché grave longtemps très insistante en catholicisme.
Dans la «carte Boulard» présentant une photographie de la France chrétienne, avant l'effondrement, on voit des disparités géographiques très importantes. À quoi sont-elles dues?
La première édition de la Carte religieuse de la France rurale date de 1947. C'est un des documents les plus fascinants de l'histoire de France. Elle montre à la fois l'ampleur des contrastes religieux régionaux (sans équivalent ailleurs en Europe) et une géographie d'ensemble de la France chrétienne très singulière. Un même dimanche des années 1950, la pratique pouvait varier de 100 % dans un bourg du nord de la Vendée à 0 % dans le Limousin. En quelques kilomètres on pouvait changer de monde religieux.
«En 1965, 25 % des adultes allaient à la messe tous les dimanches contre moins de 2 % aujourd'hui»
Guillaume Cuchet
La France chrétienne recouvrait tout l'Ouest, le Nord, l'Est lorrain, alsacien, vosgien, le Jura, le Nord des Alpes, tout le rebord Sud-Est du Massif central (de la Haute-Loire au Tarn ou à l'Aveyron), le Pays basque et le Béarn. Inversement, une «diagonale du vide» courait des Ardennes au Sud-Ouest en passant par tout le Bassin parisien et l'Ouest du Massif central, avec des prolongements dans la vallée du Rhône, le Languedoc, la Provence. Cette carte est née pendant la Révolution française. Les pays qui ont accepté la politique religieuse de la Révolution sont généralement devenus les «mauvais» pays religieux des XIXe et XXe siècles, et vice versa.
Cette carte est-elle toujours d'actualité?
Elle n'a pas totalement disparu mais elle n'existe plus vraiment comme carte de la pratique et des croyances, plutôt comme carte culturelle et anthropologique. Par exemple dans la carte des dons du sang en France, ce qui n'est pas tout à fait anodin symboliquement.
Tout un discours dans l'Église au moment de ce tournant a été de dire que la qualité finirait par l'emporter sur la quantité, et que c'en était fini d'un christianisme «sociologique». Quels ont été les effets de ce discours?
On doit cette expression de catholicisme «sociologique» à Gabriel Le Bras, qui a fondé la sociologie religieuse dans les années 1930. Le fait que le catholicisme, censé procéder de convictions intimes, avait une sociologie et une géographie particulières stables dans la longue durée, montrait l'importance des facteurs collectifs dans le maintien ou la perte de la foi. Le Bras n'était pas très optimiste sur la teneur en christianisme «réel» du catholicisme de nombre de ses contemporains. Le décrochage des courbes dans les années 1960 a souvent été interprété comme le résultat d'une sorte d'opération vérité au terme de laquelle ne seraient plus restés dans l'Église que les fidèles vraiment convaincus. Vérité historique ou philosophie de la misère?
«Gabriel le Bras note qu'en France, depuis les lendemains de la Révolution, chaque génération de catholiques a eu plus ou moins le sentiment d'être la première à avoir une foi vraiment personnelle»
Guillaume Cuchet
C'est bien difficile à dire, mais l'historien note qu'en France, depuis les lendemains de la Révolution, chaque génération de catholiques a eu plus ou moins le sentiment d'être la première à avoir une foi vraiment personnelle! En réalité, c'est le concept même de religion «sociologique» qui est problématique. Les catholiques d'aujourd'hui, qu'on ne soupçonnera pas de l'être par pur conformisme social, ne sont-ils pas eux aussi pour la plupart les enfants d'une certaine «sociologie», s'il faut entendre par là les efforts accomplis par leurs parents pour leur transmettre la foi?
L'Église est-elle devenue en France trop élitiste?
Dans les années 1970, il y a eu dans l'Église toute une controverse sur la «religion populaire» perçue par les uns comme une chose positive à préserver et par les autres comme une sorte de poids mort dont il fallait se débarrasser. Quelles qu'en soient les raisons, le fait est que le catholicisme populaire «autochtone» a beaucoup diminué parmi nous.
Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d'être chrétien, Seuil, 288 pages.

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Un calme trompeur règne à Gaza après un vendredi meurtrier (01.04.2018)

Par Marc Henry
Mis à jour le 02/04/2018 à 10h43 | Publié le 01/04/2018 à 18h37
Après la mort de 17 manifestants tués par des tirs israéliens, un nouveau cycle de violences est prévisible.
Légitime défense ou carnage délibéré? L'affrontement entre Israël et le Hamas s'est déplacé dimanche sur le front médiatique. Sur le terrain, un calme précaire a en revanche prévalu après la plus sanglante journée qu'ait connue la bande de Gaza depuis quatre ans avec 17 Palestiniens tués et des centaines de blessés par balles vendredi lors de la Grande Marche organisée à la frontière pour exiger le «droit au retour» des réfugiés palestiniens dans ce qui est devenu Israël. Ce lourd bilan était prévisible.
L'armée israélienne avait ostensiblement déployé pas moins d'une centaine de tireurs d'élite le long de la frontière, ainsi que des très importants renforts en hommes, en chars, en drones spécialement équipés pour répandre des gaz lacrymogènes sur les manifestants se rapprochant du no man's land interdit d'accès. Les islamistes palestiniens du Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza avaient assuré que le défilé serait «pacifique». Mais sans surprise, cet engagement n'a pas été tenu.
Chacun joue désormais au petit jeu du «ce n'est pas moi qui ai commencé». Seule certitude: les affrontements de vendredi ont de fortes chances de ne constituer qu'un premier round. Le Hamas compte maintenir au maximum la pression pendant un mois et demi jusqu'au 15 mai. Cette date a une double valeur symbolique. Elle marque la commémoration de la Naqba, la catastrophe en arabe, autrement dit la création de l'État d'Israël en 1948 et le départ volontaire ou forcé de leur foyer de centaines de milliers de Palestiniens devenus des réfugiés. Mais c'est aussi à la mi-mai que doit avoir lieu le transfert de l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem annoncée par Donald Trump, qui a provoqué la fureur des Palestiniens.
Deux raisons pour exprimer une colère également attisée par les conséquences catastrophiques du sévère blocus imposé par Israël depuis une décennie aux deux millions de Gazaouis isolés également du reste du monde par la fermeture quasiment permanente de la frontière avec l'Égypte. Bref, tous les éléments d'un cocktail explosif sont réunis pour déclencher une nouvelle vague de violence susceptible de dépasser en intensité celle du week-end.
Chacun des protagonistes se prépare à cette échéance. Du côté israélien, les dirigeants ont accordé un satisfecit aux soldats qui ont ouvert le feu contre les «terroristes qui tentaient de s'attaquer à la souveraineté israélienne». Benyamin Nétanyahou, le premier ministre a adressé un «bravo» enthousiaste à ses troupes. Le ministre de la Défense Avigdor Lieberman a rejeté catégoriquement la création d'une commission d'enquête réclamée par le Meretz un petit parti d'opposition de gauche. Le porte-parole de l'armée est lui aussi monté au créneau en publiant une liste de 10 Palestiniens tués présentés comme des membres de la branche militaire du Hamas ou des activistes du Djihad islamique, un groupe encore plus radical.
Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, a lancé un énième appel au secours à la communauté internationale.
Objectif: prouver que les dizaines de milliers manifestants de vendredi n'étaient pas de simples civils «innocents» mais bien des militants encadrés par des «terroristes». Selon Avigdor Lieberman, «90 % des manifestants étaient membres du Hamas». L'armée a également diffusé une vidéo de deux Palestiniens armés s'approchant de la frontière qui sont ensuite tués par des tirs de chars. «Il n'y a pas d'images de femmes, d'enfants touchés. Nos tirs étaient très précis et il n'y a pas eu d'assassinat ciblé», a assuré un porte-parole de l'armée. Plusieurs organisations israéliennes de défense des droits de l'homme israéliennes ont contesté cette version en laissant entendre que les soldats avaient eu la gâchette trop facile.
Les Palestiniens ont eux aussi engagé la guerre des images avec une vidéo où l'on voit un jeune Palestinien tué d'une balle dans le dos alors qu'il s'éloigne en courant de la zone proche de la frontière. Un document dont l'authenticité est tout aussi difficile à apprécier que celui de l'armée israélienne. Seule certitude: le Hamas a admis que cinq des tués faisaient partie de sa branche militaire.
De son côté, Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, qui gouverne une partie de la Cisjordanie, n'a pas pu faire autrement que d'exprimer sa solidarité avec les victimes de la manifestation organisée par le Hamas, le frère ennemi du Fatah, son parti. Il a décrété une journée de deuil national et une grève générale samedi en Cisjordanie et à Jérusalem qui n'a été que partiellement suivie tout en lançant un énième appel au secours à la communauté internationale. Le Hamas n'est pas non plus parvenu pour le moment malgré de multiples appels au soulèvement à enflammer ces deux secteurs.

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À l'ONU, Israël rejette une demande d'enquête (01.04.2018)
Par Maurin Picard
Mis à jour le 02/04/2018 à 10h44 | Publié le 01/04/2018 à 19h16
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait réclamé vendredi soir l'ouverture d'une investigation, se disant «ému» par la gravité des événements.
New York
Israël a rejeté dimanche l'appel des Nations unies à l'établissement d'une enquête indépendante sur l'usage par l'armée israélienne de balles réelles, après les violences survenues dans la bande de Gaza, tandis que les États-Unis faisaient avorter une initiative en ce sens au Conseil de sécurité, à New York. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait réclamé vendredi soir l'ouverture d'une telle investigation, se disant «ému» par la gravité des événements. «Toutes les parties impliquées doivent s'abstenir d'agir de quelque manière qui entraîne de nouvelles victimes et en particulier de toute mesure qui mette en danger des civils», a précisé son porte-parole Farhan Haq.
La réponse du gouvernement israélien est tombée, cinglante. «Les soldats israéliens ont fait ce qui était nécessaire. Je pense que tous nos soldats méritent une médaille», a rétorqué à Guterres dimanche le ministre de la Défense Avigdor Lieberman. «Pour ce qui est d'une commission d'enquête, il n'y en aura pas.»
Blocage des États-Unis
Samedi soir, le Conseil de sécurité de l'ONU s'était réuni en urgence pour évoquer la situation à Gaza, à l'initiative du Koweït. Se déclarant «inquiète», la France avertissait du risque d'escalade «réel», «un seuil (ayant) été franchi dans la violence», selon les termes du coordinateur politique de la représentation française à l'ONU, Antoine Michon. «Il est urgent de reprendre rapidement les négociations en vue de mettre en œuvre la solution à deux États», a déclaré celui-ci devant le Conseil de sécurité, relayant les vœux d'Antonio Guterres. Paris appelle Israël «au discernement et à la retenue», ainsi que les manifestants à «s'abstenir de tout débordement».
Se déclarant «profondément attristés» par les vies humaines perdues, les États-Unis ont néanmoins bloqué l'adoption d'une déclaration finale du Conseil de sécurité, tandis que le représentant israélien Danny Danon s'insurgeait contre l'initiative koweïtienne lancée le premier soir de la Pâque juive et jugée «contraire à l'esprit des Nations unies», les diplomates israéliens ne pouvant déroger à leurs obligations religieuses. S'agissant de la demande d'enquête, Danon s'est dit «choqué d'entendre une telle hypocrisie», ajoutant que les délégations recevraient «des informations sur les terroristes» qui ont pris part aux troubles. «La situation risque de se détériorer dans les prochains jours», a confié sombrement un responsable de l'ONU, en marge de la réunion de samedi.
De son côté, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a qualifié dimanche le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, de «terroriste», prolongeant une joute verbale entamée vendredi.
Recep Tayyip Erdogan est revenu à la charge dimanche pendant un discours devant ses partisans: «Nous ne sommes pas frappés de la honte des envahisseurs, Nétanyahou. Vous êtes un envahisseur et vous êtes présent sur ces terres en tant qu'envahisseur. En même temps, vous êtes un terroriste.»

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Éthiopie : un premier ministre pour sortir de la crise (01.04.2018)
Par Tanguy Berthemet
Mis à jour le 01/04/2018 à 19h38 | Publié le 01/04/2018 à 18h10
INFOGRAPHIE - Abiy Ahmed est issu de l'ethnie oromo, un groupe qui proteste depuis des années contre sa marginalisation.
Abiy Ahmed sera lundi premier ministre de l'Éthiopie. Ce jeune homme de 42 ans a été choisi la semaine dernière comme nouveau leader par le Conseil de l'EPRDF (le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens), le tout-puissant parti au pouvoir. Il lui reste certes à être élu par le Parlement mais ce vote ressemble à une formalité, l'EPRDF y disposant de la totalité des 524 sièges. La surprise de cette désignation tient moins à son âge qu'à son origine oromo. Ce groupe ethnique, le plus grand du pays avec environ 34 % de la population, s'estime, non sans raison, marginalisé par les Tigréens (6 %) qui concentrent entre leurs mains presque tous les pouvoirs. Il ne fait guère de doute que l'élection d'Abiy Ahmed vise à donner des gages à la population, en particulier aux Oromos, qui depuis des semaines intensifient les protestations. Jamais en vingt-sept ans de pouvoir, l'EPRDF, une coalition de quatre partis, n'avait propulsé un membre du groupe dominant au pouvoir. «Il y a une évidente volonté d'apaisement», affirme Awol Allo, un analyste politique éthiopien.

La tâche qui attend Abiy Ahmed est colossale, comme tout dans ce pays de plus de 100 millions d'habitants en pleine croissance économique. Il lui faudra d'abord mettre un terme aux manifestations qui bloquent régulièrement Addis-Abeba. Ce mouvement de contestation est né en 2015 dans les régions oromos, lassées de leur pauvreté et des méthodes ultra-autoritaires de l'EPRDF. Les protestations n'ont fait depuis que s'amplifier, s'étendant à d'autres communautés, à commencer par les Amharas. À eux deux ces groupes forment presque 60 % de la population. Une répression s'est abattue, faisant officiellement 940 morts, un chiffre très sous-estimé selon plusieurs ONG. Sans vrais effets. La grogne persiste. Elle a entraîné la démission surprise le 15 février du premier ministre Hailemariam Desalegn et l'instauration d'un nouvel état d'urgence.
La priorité pour Abiy Ahmed est de mettre un terme au régime d'exception qui crispe la situation et plombe l'économie. Les autorités soufflent sur ce point le chaud et le froid. Si, après le départ du premier ministre, elles ont semblé faire des concessions, elles ont depuis repris la méthode brutale. Plusieurs prisonniers emblématiques, comme le journaliste Eskinder Nega et l'homme politique Andualem Arage, qui avaient été libérés en mars après plus de six années de prison, ont été réincarcérés la semaine dernière. Et, plus de 1 100 personnes ont été arrêtées depuis l'instauration de l'état d'urgence selon les médias officiels.
La capacité à faire libérer ces opposants montrera pour beaucoup la marge de manœuvre dont dispose réellement le nouvel élu. Les conditions de son accès au pouvoir restent mystérieuses. Il a été désigné par les 180 membres du Conseil de l'EPRDF au cours d'un processus très opaque, une habitude dans ce mouvement qui n'a jamais oublié ses vieux réflexes de guérilla clandestine et marxiste. Le temps qu'a pris cette désignation montre que ce ne fut pas simple. L'analyste éthiopien Hallelujah Lulie, cité par l'AFP, souligne ainsi que l'on ignore quelles promesses il a pu faire aux autres membres de la coalition. Chef depuis peu de l'Organisation démocratique du peuple oromo (Opdo), l'une des branches de l'EPRDF, Abiy Ahmed a forcément dû s'engager sur certains points auprès du TPLF, l'omnipotente organisation tigréenne.
«Quand vous voyez les changements qui ont eu lieu au sein de l'Opdo, il y a toutes les raisons de penser qu'il poussera l'agenda réformateur de son parti.» 
Roland Marchal, chercheur à Sciences Po
«Ce n'est pas un simple jeu de chaises musicales mais ce n'est pas beaucoup plus», pense Roland Marchal, chercheur à Sciences Po. Pour Awol Allo, les chances qu'il engage des réformes sont pourtant grandes. «Quand vous voyez les changements qui ont eu lieu au sein de l'Opdo, il y a toutes les raisons de penser qu'il poussera l'agenda réformateur de son parti», dit-il. Une allusion a la liberté de ton de l'Opdo qui, après avoir longtemps été comme une simple marionnette des Tigréens, s'est crédibilisée en se rapprochant ces dernières années des manifestants et de leurs revendications.
«L'élection d'Abiy est significative pour plusieurs raisons. Premièrement, c'est la seule chose qui pouvait empêcher la dissolution de l'EPRDF. Ensuite, il est le seul qui soit à peu près acceptable en région oromo», a tranché, sur Twitter l'activiste oromo Mohammed Ademo, d'un optimisme mesuré.
Cette prudence vient sans doute du parcours d'Abiy Ahmed qui est loin d'être celui d'un révolutionnaire. Ancien ministre des Sciences et de la Technologie, il est un représentant du sérail. Il est certes né en Oromia, dans une famille mi-chrétienne mi-musulmane, mais il est vite entré dans l'armée où il a fait carrière jusqu'au grade de lieutenant-colonel. Il a ensuite rejoint les services de sécurité où il a cofondé puis dirigé l'Information Network and Security Agency, qui a largement contribué à exercer un contrôle ferme sur Internet et les réseaux sociaux. «Il va devoir satisfaire les demandes politiques des Éthiopiens qui souhaitent un débat pluriel. C'est complexe, mais pas infaisable. Mais au niveau social, il sera plus délicat de répondre aux exigences car ça demande de réviser des fonctionnements, d'engager notamment une réforme agraire», explique Roland Marchal.

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Un djihadiste malien livré à la justice internationale (01.04.2018)

Par Tanguy Berthemet
Mis à jour le 01/04/2018 à 19h32 | Publié le 01/04/2018 à 18h16
Le commissaire al-Hassan était à la tête de la police des mœurs de Tombouctou lors de l'occupation islamiste de la ville.
Le commissaire de Tombouctou devra rendre compte de ses actes devant la justice internationale. Al-Hassan, un djihadiste malien a été remis samedi à la Cour pénale internationale (CPI) qui l'accuse notamment de viols et crimes contre l'humanité. Al-Hassan, 40 ans, de son nom complet al-Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud, est une figure de l'occupation islamiste de la ville, entre 2012 et 2013. Il était très proche de Mohammed Moussa, l'un des chefs d'Ansar Dine, un groupe touareg lié à al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Le commissaire avait en charge la police des mœurs qui imposait de manière tatillonne la charia, la loi islamique. Les habitants se souviennent des patrouilles de sa voiture, un 4 × 4 noir, et de la peur qu'inspirait sa police, dans ses locaux, une ancienne banque de la ville reconvertie.
De nombreuses femmes ont été arrêtées pour avoir «enfreint» la loi islamique, un prétexte selon l'accusation, pour des abus sexuels. «Il aurait participé à la politique de mariages forcés (…), qui ont donné lieu à des viols répétés et à la réduction de femmes et de jeunes filles à l'état d'esclaves sexuelles», a indiqué la CPI dans un communiqué. Il aurait aussi pris une part active dans la destruction systématique des mausolées de saints dans la cité du désert. Pour avoir arasé ces sanctuaires vieux de plusieurs siècles, un premier djihadiste, Ahmad al-Faqi al-Mahdi, a été jugé devant la CPI. En 2016, il a été condamné à neuf ans de prison. Al-Hassan pour sa part devrait comparaître pour la première fois à La Haye le 4 avril.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 02/04/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Royaume-Uni : le parti travailliste accusé de complaisance face à l'antisémitisme (01.04.2018)

Par Amandine Alexandre
Mis à jour le 01/04/2018 à 22h31 | Publié le 01/04/2018 à 19h23
Le parti dirigé par Jeremy Corbyn a perdu le soutien de l'un de ses grands donateurs.
L'interview donnée mercredi par Jeremy Corbyn au Jewish News, un média juif du Royaume-Uni, n'a pas permis d'éteindre l'incendie. La communauté juive britannique n'est toujours pas convaincue de la détermination du leader travailliste à combattre l'antisémitisme dans les rangs de son parti. Un des plus gros donateurs du Labour a en effet annoncé hier qu'il mettait fin à son adhésion au Parti travailliste. Sir David Garrard, qui a fait don de 1,5 million de livres sterling (environ 1,14 million d'euros) au Parti travailliste depuis 2003, a déclaré à The Observerqu'il ne se sentait «plus aucune affinité ni aucun lien» avec le Labour.
Cette décision intervient au terme d'une semaine extrêmement tumultueuse pour le premier parti d'opposition de Grande-Bretagne, accusé de faire preuve de complaisance face à l'antisémitisme. Lundi dernier, une manifestation organisée par une organisation juive, le Board of Deputies of British Jews, a rassemblé plusieurs centaines de personnes devant le Parlement de Westminster. Les organisateurs du mouvement de protestation reprochent à Jeremy Corbyn de se trouver régulièrement «du côté des antisémites».
Depuis son élection à la tête du Labour en septembre 2015, le député socialiste a été accusé à plusieurs reprises de ne pas avoir réagi avec suffisamment de fermeté aux propos antisémites tenus par certains travaillistes.
Jeremy Corbyn directement mis en cause
L'attitude adoptée par le Labour à l'égard de l'ancien maire de Londres, Ken Livingstone, par exemple, est très contestée, notamment par les membres du mouvement travailliste juif. Ken Livingstone, qui avait déclaré en 2016 que Hitler «soutenait le sionisme avant de devenir fou et de finir par tuer six millions de Juifs», a été suspendu pendant deux ans. Ses critiques souhaitent qu'ils soient exclus du Labour à titre définitif.
Jeremy Corbyn a également été directement mis en cause pour le soutien qu'il a exprimé à des individus et à des organisations antisémites. Le 23 mars dernier, Corbyn s'est excusé pour un commentaire publié en 2012 sur Facebook. Il avait apporté son soutien à un graffeur dont la fresque, qui comportait des symboles clairement antisémites, était sur le point d'être effacée.
Jeudi dernier, John McDonnell, le bras droit du leader travailliste, s'est engagé à ce que l'antisémitisme soit éradiqué des rangs du Labour. Selon le responsable des questions économiques au sein du cabinet fantôme, la démission mercredi dernier de Christine Shawcroft prouve la détermination du parti à s'attaquer au problème. Cette responsable travailliste avait demandé la réhabilitation d'un candidat aux élections locales du 3 mai alors que celui-ci avait tenu des propos négationnistes.
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Journaliste
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Jeremy Corbyn ou le désespérant succès de l'islamo-gauchisme (12.06.2017)

Par Gilles William Goldnadel
Publié le 12/06/2017 à 10h31
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Malgré les attentats en Grande-Bretagne, la question du terrorisme islamique ne fut pas au cœur des débats lors des législatives britanniques. Dans sa chronique, Gilles-William Goldnadel critique la position sur l'islam de Jeremy Corbyn, leader du parti de l'opposition.

Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est président de l'association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.

Interdiction d'aborder la question matricielle des responsabilités intellectuelles, médiatiques et politiques du terrorisme islamique désormais quotidien qui ensanglante l'Europe.
Il est des jours où l'on voudrait tellement s'être trompé. Des jours où ses appréhensions obsessives se trouvent confirmées au-delà de toute désespérance.
Ce lundi noir du résultat des élections anglaises sera sur ce point à marquer d'une pierre tombale.
Qu'ai-je constamment écrit ces dernières semaines à propos du regard strabique imposé sur le terrorisme islamique?
Qu'il existait des territoires occultés de l'information dominante.
Qu'un surmoi névrotique empêchait de regarder en face la réalité de l'islam radical et les questions migratoires et associées.
Qu'une idéologie de dilection pour l'altérité s'employait à privilégier dans le débat électoral, par souci de diversion, le primat aseptisé de l'économie au détriment des questions sociétales infectées. Tout porteur de ces discours étant traité par des journalistes-infirmiers diplômés comme une manière de pestiféré, avec force bruissement de crécelles alentour pour la prophylaxie.
C'est donc dans ce cadre idéologique largement inconscient que les élections anglaises doivent être observées de manière objectivement critique et, pour l'auteur engagé de ces lignes, assez désespéré.
Voilà un pays qui aura connu en l'espace d'un mois à Manchester puis dans sa capitale Londres, deux attentats terroristes sanglants dramatiquement retentissants ayant pour auteurs des musulmans radicaux issus de tant de l'immigration que de la migration.
Le dernier attentat sur le London Bridge s'étant déroulé à quelques heures de la consultation nationale, l'idéologie précitée ne put éviter, qu'au rebours des élections françaises, le débat sur la question du terrorisme islamique soit abordé de front . L'émotion encore vive empêchant l'occultation, la durée de vie émotionnelle d'un attentat mortel ne dépassant pas la semaine.
Et à quoi ce débat obligatoire se borna-t-il? En dehors d'une imprécation salutaire par la première britannique contre «la tolérance excessive pour l'idéologie malfaisante de l'islamisme radical» qui contrastait avec la vacuité abyssale du discours du premier français (ma précédente chronique: «N'ayons pas peur de nommer l'islam radical»): A un débat sécuritaire, nécessaire mais aseptisé sur l'insuffisance des moyens policiers.
Autrement dit, interdiction d'aborder la question matricielle des responsabilités intellectuelles, médiatiques et politiques du terrorisme islamique désormais quotidien qui ensanglante l'Europe.
S'il en avait été autrement le focus aurait été naturellement pointé sur la personnalité très particulière du leader de l'opposition travailliste Jérémy Corbyn.
Un article publié par le Monde du 16 septembre 2015 aurait été épousseté: «Monsieur Corbyn est un militant pro- palestinien depuis des décennies, très actif en tant que parlementaire. Il a présidé d'autre part le Collectif «Stop the War» qui a organisé de grandes manifestations contre les guerres en Afghanistan et en Irak. Attaqué en juillet pour avoir utilisé le mot «ami» en accueillant des délégations du Hamas et du Hezbollah lors d'une rencontre parlementaire, il a répondu qu'il s'agissait d'une expression «collective» et de «langage diplomatique»… Après l'avoir nié, Corbyn a aussi admis avoir rencontré à Londres en 2009 Dyab Abou Jajah, ancien combattant du Hezbollah et leader en Belgique d'un mouvement islamiste, la Ligue Arabe Européenne, qui a organisé à Anvers en 2002 des manifestations communautaires qui ont tourné à l'émeute après l'assassinat d'un enseignant d'origine marocaine.»
«… En août ce militant a qualifié Monsieur Corbyn «d'ami» sur son compte Twitter. Il a affirmé avoir rencontré Monsieur Corbyn et avoir collaboré avec lui.» «Monsieur Corbyn a aussi a aussi été mis en cause par le journal juif britannique Jewish Chronicle pour avoir assisté à des réunions du groupe «Deir Yassine Remembered» fondé par le négationniste Paul Eisen… Le responsable travailliste a reconnu avoir assisté à «deux ou trois événements voici quelques années».… Le meilleur pour la fin: «En juillet, Monsieur Corbyn avait tenté en vain d'intervenir auprès de la banque HSBC qui venait de clôturer d'autorité le compte de la mosquée de Finsbury Park. Une enquête de la BBC a établi que cette décision était prise afin d'éviter les foudres de l'administration du fait de l'inscription du lieu de culte sur un fichier de vigilance bancaire sous la rubrique «terrorisme» en raison de ses activités antérieures à 2005. L'interdiction bancaire est aussi liée, selon la BBC, à la présence au conseil d'administration de la mosquée de Mohammed Sawalah, une figure des Frères Musulmans soupçonnée d'être un ancien commandant du Hamas à Gaza. Alors que Sawalah occupe cette position depuis la réouverture de la mosquée en 2005, le retrait de HSBC semble consécutif à la décision de David Cameron, en 2014, de commander un rapport sur les liens entre les Frères Musulmans et le terrorisme» «Enfin, Corbyn a effectivement participé à Londres, le 12 février 2006, à une manifestation contre les caricatures de Mahomet… À propos des attentats de Paris, le député a diffusé à la chambre des Communes une motion qui ne faisait pas allusion à l'attaque meurtrière contre le supermarché kasher mais exprimé sa sympathie à l'égard des victimes de l'attentat contre Charlie Hebdo.»
À la lecture accablante de ce qui précède, qui pourrait soutenir de bonne foi, que dans le cadre d'un débat rationnel et honnête, le positionnement radicalement pro- islamiste du leader de l'opposition n'aurait pas dû être placé au centre même du débat électoral portant sur ce terrorisme islamique qui venait de frapper doublement?
Qui oserait soutenir que ce passé récent de Corbyn qui en fait une sorte de caricature d'islamo-gauchiste pur et dur, pour ne pas écrire de compagnon de route des islamistes radicaux , a été porté à la connaissance du public français au moment même où il s'imposait?
Diversion suprême, telle une cerise sur le gâteau de l'occultation, alors que la première ministre britannique tente de former un gouvernement, le focus est désormais placé sur son alliance forcément contre nature avec un parti irlandais unioniste pro-life et anti mariage gay, plutôt que sur l'alternative obscénité de voir un parti travailliste au pouvoir dirigé par le gauchiste radical précité.
Car exactement pour les mêmes raisons qui font que, pour protéger toute une classe médiatique et intellectuelle, le procès du communisme n'a pas été instruit il y a 30 ans, la question de la responsabilité de l'islamo-gauchisme ne sera pas posée.
Interdiction de s'interroger sur la bienveillante compréhension du gauchisme à l'égard de la violence terroriste.
Interdiction donc de s'interroger sur les responsabilités d'une pensée réflexe plutôt que construite qui aura aboli pendant des décennies toute pensée critique sur les crimes de l'islamisme et son rapport aux femmes, aux juifs, aux chrétiens, aux homosexuels et à la démocratie.
Interdiction de s'interroger sur la bienveillante compréhension du gauchisme à l'égard de la violence terroriste.
Interdiction de ne considérer autrement que comme irénique et bienfaisante l'immigration islamique aussi massive qu'irrésistible. Interdiction de s'interroger sur les ratés manifestes de l'intégration sinon sous les angles obtus d'une discrimination économique et raciale aiguë.
Et c'est sous l'empire de cette interdiction, qu'en Grande-Bretagne, Jeremy Corbyn remporta un succès plutôt que d'être décrété d'accusation. Et qu'en France, la question du terrorisme islamique n'a pas été posée durant le combat électoral et qu'aujourd'hui son vainqueur s'interdit même de le nommer .
Mais, les véritables raisons de la puissance de l'occultation - diversion sont sans doute moins intellectuelles et culturelles qu'épidermiques et tripales.
Au demeurant, l'article du Monde que j'ai cité était avant tout rédigé pour faire le procès de Caroline Fourest coupable «de s'être laissée emporter par ses arguments» à trop méchamment diaboliser le dirigeant travailliste dont il convenait malgré tout de relativiser les excès.
Le journal vespéral se faisant moins pondéré lorsqu'il pèse chaque jour les fautes de la droite nationale.
On veut bien jeter aux chiens un président qui veut murer son territoire devant l'islam, mais pas question de mettre à la question quelqu'un qui voudrait lui ouvrir ses portes et fenêtres.
Monsieur Corbyn n'aura pas été mis sur la sellette, parce que dans ce monde esthétique qui gouverne les cœurs , il ne fait pas l'objet d'une particulière détestation. Au fond, quelqu'un qui est bon envers l'islam même radical ne peut pas être tout à fait mauvais. On veut bien jeter aux chiens ou à l'asile un président peroxydé qui veut murer son territoire devant l'islam, mais pas question de mettre à la question quelqu'un qui voudrait lui ouvrir ses portes et fenêtres.
La question idéologique de nos temps névrotiques et sanglants ne relève ni des idées ni de la logique, mais du cœur et du sang.
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Gilles William Goldnadel

Violences à Gaza : la gauche condamne Israël, l'exécutif reste silencieux (01.04.2018)

Par Jim Jarrassé
Publié le 01/04/2018 à 16h42
LE SCAN POLITIQUE - La France insoumise et le PS ont critiqué l'usage de la force par l'armée israélienne qui a tué 16 Palestiniens et blessé plus de 1400 personnes dans la bande de Gaza vendredi.
Il s'agit des affrontements les plus meurtriers depuis la guerre de 2014. Vendredi, l'armée israélienne a ouvert le feu sur des Palestiniens qui s'étaient approchés à quelques centaines de mètres de la barrière séparant l'Etat hébreu de la bande de Gaza. Le bilan est très lourd: 16 Palestiniens ont été tués et plus de 1400 blessés, dont 758 par des tirs à balles réelles.
Au niveau international, les réactions ont été nombreuses. Les Etats-Unis se sont dits «profondément attristés par les pertes humaines à Gaza», exigeant «des mesures pour faire diminuer les tensions», tout en bloquant un projet de déclaration de l'ONU appelant «toutes les parties à la retenue». Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, ainsi que la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini, ont réclamé une «enquête indépendante» sur l'usage par Israël de munitions réelles.
Le Quai d'Orsay n'a pas réagi pour le moment, tout comme l'Elysée. Mais à gauche de l'échiquier politique, les condamnations sont nombreuses. Le leader des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, a été l'un des premiers à réagir. «La violence et la cruauté sans borne du gouvernement d'Israël allument volontairement un incendie sans limite. Les casques bleus doivent être déployés», a exigé le député des Bouches-du-Rhône. Ses collègues du groupe LFI à l'Assemblée ont multiplié les condamnations, participant à des rassemblements pro-palestiniens, à l'instar d'Adrien Quatennens à Lille.
Valls réplique à Faure
Le nouveau premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a lui aussi condamné l'action d'Israël. «Au moment où Israël fête Pessah (la pâque juive, ndlr) commémoration du passage de la mer rouge par le peuple juif sortant de l'esclavage, terrible effet de sens quand Tsahal tire sur la marche des Gazaouis. Chaque mort renforce les stratégies du pire», a-t-il écrit sur Twitter, appelant la France à «peser de toute son influence».
L'ancien premier ministre Manuel Valls, qui a multiplié depuis la fin de son passage à Matignon les signes d'amitié vis-à-vis d'Israël, lui a fermement répondu. «Ce genre de commentaire pseudo-religieux serait-il possible sur tout autre conflit? Non. Qui rappelle que le premier ministre de l'Autorité Palestinienne a subi un attentat à Gaza probablement commandité par le Hamas?Un peu de recul et de maîtrise du dossier s'imposent», a-t-il écrit sur Twitter.
La députée PS Valérie Rabault s'est quant à elle étonnée du «silence de la France» sur le sujet.
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Au congrès de l'ex-UOIF, affluence au stand «Free Tariq Ramadan» (01.04.2018)

Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 01/04/2018 à 22h38 | Publié le 01/04/2018 à 19h30
Alors qu'il est en prison, le prédicateur continue d'attirer les foules, qui achètent ses livres et signent sa pétition de soutien.
Un stand attire l'œil dès l'entrée du 35e rassemblement des Musulmans de France (nouveau nom de l'Union des organisations islamiques de France, UOIF), au Parc des expositions du Bourget, en Seine-Saint-Denis. Valorisé par sa position centrale dans le grand hall d'accueil, le stand «Free Tariq Ramadan» («libérer Tariq Ramadan») abonde en activité et en fréquentation. Ce prédicateur musulman, jusque-là superstar de ce rendez-vous annuel qui se tient toujours pendant le week-end des fêtes de Pâques, avec quelque 170.000 visiteurs, est sous les verrous. Il est accusé par trois femmes d'agressions sexuelles. Aussi de faire signer, en cette absence remarquable, une pétition à son effigie qui sera adressée au président de la République et à la ministre de la Justice pour que la présomption d'innocence soit respectée, affirme un tract. On affirme ici que «ses droits fondamentaux sont bafoués» et qu'il vit une «incarcération sans jugement, sans fondement et dans un état de santé alarmant».
Avec son épouse, Jamel, la quarantaine, en jean, baskets et doudoune tendance, vient de signer la pétition. «Je demande que soit respectée la présomption d'innocence et qu'il ne soit pas déjà jugé coupable par un tribunal médiatique qui va de la gauche à la droite, martèle-t-il. Je n'attends pas cela d'un pays comme la France. L'affaire a perturbé la communauté, mais cela nous met en colère de voir qu'un musulman soit traité de cette manière dans ce pays.»
«Nous assistons à un lynchage médiatique. Or nous croyons à une justice indépendante en France, dont nous sommes fiers.»
Amar Lasfar, président des Musulmans de France
Le président des Musulmans de France, Amar Lasfar, est sur la même ligne: «Nous assistons à un lynchage médiatique, s'agace-t-il. Or nous croyons à une justice indépendante en France, dont nous sommes fiers. Nous demandons donc un procès équitable et que l'on prenne en compte sa santé. Nous prions Dieu pour qu'il soit libéré et qu'il soit blanchi. Même s'il était condamné, la pensée de Tariq Ramadan restera. Personne ne peut remettre en cause ce qu'il a enseigné. D'ailleurs, ses livres se vendent comme des petits pains sur son stand.»
Dans le contexte des attentats, Amar Lasfar a tenu à revenir, devant la presse, sur la lutte contre la radicalisation. «Si vous avez une recette, donnez-la nous, nous l'appliquerons à la lettre, lance-t-il. Mais notre travail porte surtout sur la prévention. Nous avons beaucoup œuvré pour créer des écoles, assurer la promotion sociale des musulmans pour qu'ils ne tombent pas dans la délinquance. Nous travaillons également à la citoyenneté: un bon musulman doit être un bon citoyen. Pour nous, le respect de la loi est un devoir religieux! Nous sommes pour la laïcité. La loi de séparation de 1905 nous va très bien. Voilà la meilleure façon de s'immuniser contre l'islamisme.»
Quant à l'idée d'«interdire» le salafisme, il répond: «Il ne suffit pas de l'interdire. Ces 15 ou 20 terroristes se disent musulmans, mais moi, je n'ai pas le pouvoir de les excommunier. D'ailleurs, ces mouvements, le salafisme et l'islamisme, ils sont en perte de vitesse. L'islam, en tant que tel, n'est pas responsable de tout ce qui s'est passé. Nous, musulmans, nous avons notre part de responsabilité, mais l'État également, l'école de la République aussi. Il ne faut pas tout nous demander.»

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Rédacteur en chef,
chargé des religions
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L'OCDE presse la Tunisie d'accélérer les réformes (01.04.2018)

Par Anne Cheyvialle
Mis à jour le 01/04/2018 à 22h46 | Publié le 01/04/2018 à 17h33
Le pays redresse la tête mais doit encore lever des obstacles à l'investissement étranger, préalable aux créations d'emplois.
La Tunisie est au milieu du gué. Sept ans après les printemps arabes, un long processus de transition démocratique qui sera marqué début mai par les premières élections municipales depuis la révolution, le défi est de doper l'économie. «Le pays a connu un contexte très difficile, rappelle Isabelle Joumard de l'OCDE, qui vient de publier une première étude sur le pays. Il fallait réaliser la transition politique avant la transition économique.» Le rapport de l'organisation internationale souligne le «saut démocratique significatif», mesuré par l'indicateur de la Banque mondiale, sur la liberté d'expression et la capacité des citoyens à participer à la vie politique. Autre indicateur de progrès, la représentation des femmes à l'Assemblée est plus élevée que dans la majorité des pays de l'OCDE et des pays émergents.
«L'export tunisien est plus intégré dans les chaînes de valeur mondiales, comparable au Portugal, sur des secteurs à plus forte valeur ajoutée et plus intensifs en compétences.»
Isabelle Joumard (OCDE)
Sur le front économique, la croissance a connu une accélération l'an dernier - hausse du PIB de 2 % contre 1 % en 2016 - soutenue par de bonnes récoltes, une conjoncture internationale favorable, en particulier en Europe, son principal client et une reprise du tourisme, secteur clé sinistré après les attentats de 2015. Le recul du risque sécuritaire a permis le retour des touristes (hausse de 27 % l'an dernier). L'embellie reste toutefois nettement insuffisante pour permettre un développement inclusif de la société même si le taux de pauvreté a reculé ces dernières années. Le PIB par habitant a décliné depuis 2010 et le chômage atteint 15,4 % et plus de 30 % chez les jeunes.L'organisation internationale plaide pour une accélération des réformes, en priorité sur l'investissement, «précurseur des créations d'emplois, surtout dans le secteur formel», insiste Isabelle Joumard. L'investissement des entreprises a marqué le pas ces dernières années, en raison de l'insécurité et des freins structurels, l'étude met en avant «la prolifération des réglementations et des autorisations et l'inefficacité des services logistiques».
Disparités régionales
Le gouvernement a lancé depuis plus d'un an un plan d'investissement et de développement, dont l'objectif chiffré est de doper le PIB de 4 % par an. «Tunisie 2020» vise à simplifier les procédures et libéraliser les marchés, notamment pour les investissements étrangers. Là encore, en dépit d'avancées, beaucoup de restrictions subsistent. L'OCDE souligne la dichotomie entre le marché national rigide et l'activité moins réglementée destinée aux marchés étrangers, exemptée de droits de douane. «L'export tunisien est plus intégré dans les chaînes de valeur mondiales, comparable au Portugal, sur des secteurs à plus forte valeur ajoutée et plus intensifs en compétences», complète Isabelle Joumard, mentionnant l'électrique et la mécanique qui ont supplanté le textile. Le secteur «offshore» (ces sociétés qui réexportent des biens transformés sur place) est de fait beaucoup plus dynamique: le nombre d'entreprises a été multiplié par plus de 13 fois en vingt ans contre deux fois pour les autres sociétés. En 2015, ces entreprises ont contribué à plus de 34 % de l'emploi salarié formel et 78 % des exportations hors énergie. Ce grand écart marque aussi d'importantes disparités régionales, entre les régions côtières plus dynamiques, à l'image du port d'exportation de Gabès, et l'intérieur du pays plus déshérité.
«Il faut promouvoir le développement régional et mettre l'accent sur l'éducation, surtout l'enseignement secondaire et supérieur qui n'est pas adapté aux besoins du marché», ajoute l'économiste. L'OCDE pointe la persistance de risques liés aux tensions sociales et l'insécurité. Autre fragilité mise en avant: le dérapage des finances publiques, qui nécessite l'instauration d'un plafond des dépenses. Le rapport table sur une accélération du PIB à 3 % en 2018 et 3,5 % l'an prochain. La Tunisie, en mixant gestion saine et réformes, a les moyens d'enclencher un cercle vertueux de croissance et d'emplois.

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L'Allemagne débat autour d'un «revenu solidaire de base» (30.03.2018)

Par Nicolas Barotte
Mis à jour le 30/03/2018 à 20h51 | Publié le 30/03/2018 à 18h06
Les pistes avancées pour soutenir 150.000 chômeurs de longue durée divisent la classe politique, surtout le SPD.
De notre correspondant à Berlin
La prospérité allemande ne bénéficie pas à tous. De l'autre côté du Rhin, près de 6 millions de personnes, adultes ou mineurs, au chômage, en formation ou dans des minijobs, perçoivent le minimum social «Hartz IV». Le mot fait frémir. Il est devenu synonyme de précarité, de pauvreté ou d'impasse. C'est l'un des défis du nouveau gouvernement et notamment la lutte contre le chômage de longue durée, qui touche 850.000 personnes.
Pour les sortir de l'inactivité, le maire de Berlin, Michael Müller, a relancé cette semaine l'idée d'un «revenu solidaire de base». Celui-ci serait versé aux chômeurs de longue durée en contrepartie d'un emploi d'utilité publique au niveau communal. D'un montant de 1200 euros, il remplacerait les allocations sociales Hartz IV (416 euros par mois pour une personne seule).
«C'est une chance pour le SPD de montrer qu'il existe une alternative aux réformes Hartz IV»
Le maire de Berlin, Michael Müller
Ce que Michael Müller propose, c'est un premier pas vers la refonte du système d'assurance-chômage allemand créé par le SPD au début des années 2000 et de «tourner la page» des réformes Hartz, stigmate politique dont le SPD voudrait se défaire. «C'est une chance pour le SPD de montrer qu'il existe une alternative aux réformes Hartz IV», a-t-il insisté dans une tribune publiée cette semaine dans le Tagesspiegel. Le ministre SPD des Affaires sociales, Hubertus Heil, y a répondu favorablement en jugeant «nécessaire» la réflexion. Le SPD voudrait ainsi marquer ses différences avec la CDU. Au début du mois, un ministre conservateur, Jens Spahn, avait suscité la polémique en estimant que les personnes touchant le minimum social n'étaient «pas pauvres».
Les syndicats ont salué un pas «dans la bonne direction»: «Il vaut mieux financer le travail que le chômage», a estimé le leader du DGB Rainer Hoffmann. De son côté, le patronat a dénoncé «l'erreur» d'emplois subventionnés sans réalité économique.
Marché du travail social
Mais la critique la plus définitive est venue des rangs même du SPD. Le ministre des Finances SPD Olaf Scholz, président par intérim du parti, a prévenu qu'il n'était «pas question» de remettre en cause le système Hartz IV et «son principe»: «aider et exiger». Olaf Scholz a été l'un des artisans de la mise en œuvre de l'Agenda 2010.
Avec son idée, le maire de Berlin n'a toutefois pas tout perdu. Il a ouvert la discussion sur la création d'un «marché du travail social». Le projet figure en ces termes dans le contrat de coalition signé entre la CDU/CSU et le SPD. Celui-ci concernerait environ 150.000 chômeurs de longue durée en situation particulièrement difficile. Ils seraient embauchés au salaire minimum par les communes pour des travaux simples. Un budget d'un milliard d'euros par an est prévu.
En jouant sur la confusion des termes, Michael Müller a aussi tenté peut-être de se réapproprier l'idée du «revenu de base universel», délivré à tous et sans conditions. L'idée est expérimentée depuis quatre ans à Berlin par une association, Mein Grundeinkommen: grâce à des dons, elle finance pendant un an un revenu minimum de 1000 euros pour des personnes tirées au sort. 159 Berlinois en ont déjà profité ou vont le percevoir.

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L'expérience de revenu universel en Finlande ne sera pas prolongée (30.03.2018)
Par Slim Allagui
Mis à jour le 30/03/2018 à 20h47 | Publié le 30/03/2018 à 18h57
REPORTAGE - Depuis un an, 2000 chômeurs, tirés au sort, touchent d'une allocation sans condition. Les bénéficiaires estiment ce système plus compatible avec la reprise d'une activité. Le gouvernement n'est pas convaincu.
Jurva (Finlande)
Juha Järvinen, père de famille finlandais de 39 ans, se dit «toujours super heureux de recevoir un revenu de base sans conditions depuis plus d'un an», un ballon d'oxygène salutaire après des années de galère, de chômage, qui lui a permis de se «remettre à flot».
Il est l'un des deux mille chômeurs tirés au sort dans toute la Finlande, âgés de 25 à 58 ans, qui bénéficient depuis janvier 2017, pendant deux ans, d'un montant net de 560 euros par mois, correspondant aux minima sociaux, dans ce pays où le chômage est de 8,4% et où le revenu net moyen dépasse les 2200 euros par personne selon l'OCDE.
Cette expérience de revenu universel, la première réalisée à l'échelle nationale en Europe, est destinée à «promouvoir l'emploi et à motiver les chômeurs pour être plus entreprenants» selon le premier ministre centriste Juha Sipilä, un de ses ardents défenseurs.
«Je peux accepter maintenant des petits travaux et autant que je veux sans craindre de perdre mes allocations comme par le passé lorsque j'étais au chômage»
Tuomas Muraja, écrivain bénéficiaire du revenu universel
Dans son village de Jurva, à 400 km au nord-ouest d'Helsinki, Juha Järvinen raconte comment, sept ans après la faillite de sa société fabricant des cadres de fenêtres décoratifs, il était «au bout du rouleau». Pour ce vidéaste et sculpteur, il n'était plus possible d'emprunter à la banque pour démarrer une nouvelle affaire. Ce père de six enfants, plutôt que de tenter l'aventure à la capitale, préférait rester dans sa région afin de recréer une entreprise. Le revenu universel était «en quelque sorte la manne providentielle, même si c'est un petit montant, raconte-t-il. J'ai utilisé ces 560 euros pour acheter à manger et le travail de ma femme, Mari, a arrondi le budget du ménage. J'ai pu ainsi enregistrer ma nouvelle entreprise - une fabrique de tambours chamaniques traditionnels - et ce que j'ai gagné (environ 1000 euros par mois) a servi à investir dans de nouveaux appareils. Mon affaire prospère et je suis sûr qu'à la fin de cette année je serai debout sur mes deux pieds».
À Helsinki, Tuomas Muraja, écrivain, se félicite, lui aussi, de «cette expérience positive». «Elle me donne plus de temps pour me concentrer à écrire et à promouvoir mes livres. Certes le montant du revenu universel ne me permet pas de vivre. Mais je peux accepter maintenant des petits travaux et autant que je veux sans craindre de perdre mes allocations comme par le passé lorsque j'étais au chômage».
«Les témoignages de certains participants montrent que ce système les encourage à travailler, à trouver des emplois à temps partiel et à créer leur propre entreprise, et c'est le but que nous recherchons», constate la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Pirkko Mattila. Mais elle estime qu'il est encore trop tôt pour tirer les conclusions de cette expérience de deux ans.
Le patronat estime impossible la généralisation de ce programme au coût exorbitant de 10 à 15 milliards d'euros pour un pays de 5,5 millions d'habitants
Architecte de ce projet à Kela, la sécurité sociale finlandaise, le professeur Olli Kanga estime qu'«une période de deux ans n'est pas très longue pour constater des changements dans les comportements et mesurer l'impact du revenu garanti sur l'emploi». Mais le gouvernement de centre-droit, qui a alloué 20 millions d'euros à ce projet en 2017-2018, n'envisage pas sa poursuite à la fin de l'année. Tout comme le patronat qui estime impossible la généralisation de ce programme au coût exorbitant de 10 à 15 milliards d'euros par an pour un pays de 5,5 millions d'habitants.
Dans son atelier de tambours, Juha Järvinen est «triste d'apprendre la fin de cette expérience du revenu universel, «un bon coup de pouce pour réaliser un nouveau départ». Selon lui, «le gouvernement et le Parlement ont fait volte-face dans la politique de l'emploi, abandonnant la carotte pour le bâton». En effet, en décembre dernier l'Eduskunta, le Parlement monocaméral, a donné son feu vert à un projet de loi accentuant le contrôle des demandeurs d'emploi qui devront désormais avoir travaillé au moins 18 heures ou suivi une formation de 5 jours au cours des trois derniers mois, au risque de voir leurs indemnités diminuer de 4,65% par mois. Selon le journal Aamulehti, le gouvernement s'attend à engranger des économies de 53 millions d'euros par an grâce à ces contrôles plus stricts.
À mi-chemin, l'expérience finlandaise, si limitée soit-elle, a néanmoins le mérite d'être pionnière en testant à l'échelle nationale, pour la première fois en Europe, une idée née dans les courants de pensées du XVIIIe siècle et qui fait toujours débat.
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Trois alternatives à Facebook (01.04.2018)

Par Didier Sanz
Mis à jour le 01/04/2018 à 22h52 | Publié le 01/04/2018 à 18h20
Face au plus populaire des réseaux sociaux, d'autres services en ligne tentent de rivaliser en se montrant moins intrusifs et moins laxistes.
Difficile de l'ignorer: Facebook a plutôt mauvaise presse, ces derniers temps. Accusé d'avoir laissé échapper les données personnelles de ses membres au profit du cabinet d'études Cambridge Analytica, le réseau social est la proie de nombreuses critiques. Jugeant que le système allait trop loin, des membres éminents de Facebook et même d'anciens dirigeants de l'entreprise appellent à quitter le navire, tandis que le mot-clé #DeleteFacebook se répand sur les réseaux sociaux. Des personnalités, comme le milliardaire Elon Musk, ont décidé d'effacer toutes les pages concernant leurs activités. De son côté, l'investisseur Jason Calacanis, estimant que «Facebook est une force destructrice pour notre société», a proposé d'injecter 100.000 dollars dans le projet qui proposera la meilleure alternative à Facebook.
 «Facebook est une force destructrice pour notre société.» 
L'investisseur Jason Calacanis
En attendant, quelles solutions s'offrent alors aux candidats au départ? N'espérez pas trouver de meilleures pratiques sur les réseaux sociaux concurrents, comme Twitter, Instagram, Snapchat, WhatsApp ou LinkedIn. Deux d'entre eux appartiennent d'ailleurs à Facebook. Et puis, leurs conditions d'utilisation ne sont pas forcément plus respectueuses de vos données personnelles. La plupart analysent votre navigation et exploitent vos informations pour «personnaliser» leurs services et afficher des publicités ciblées. Certains s'approprient tous les droits sur vos publications et d'autres récupèrent les coordonnées de vos contacts. Le site «Terms of Service Didn't Read» (tosdr.org) décrit clairement les pratiques des principaux sites communautaires d'Internet. En fait, il existe des services qui permettraient de garder le contrôle des données personnelles, d'être moins ciblé par la publicité et, parfois, de découvrir des options inédites. Leur seul problème est leur manque de notoriété et leur faible nombre d'utilisateurs. Difficile de rivaliser avec les 2 milliards de membres de Facebook. Cependant, les récents déboires de leur grand concurrent pourraient créer un appel d'air et les rendre plus populaires.

- Crédits photo : Droits Reservés
Diaspora (1): la liberté décentralisée
Créé en 2010 par des étudiants américains, ce réseau social bénévole se présente comme une alternative «open source» à Facebook. Il repose sur trois principes: la décentralisation (au lieu d'être stockées sur un site unique, les données sont réparties sur des serveurs indépendants), la liberté (le code logiciel est accessible à tous, la publicité est bannie du réseau et les membres n'ont pas besoin de fournir leur identité réelle) et le respect de la vie privée (chaque membre garde le contrôle de ses données, de ses publications et de qui peut les consulter). Comme sur Facebook, il est possible de publier des messages, accompagnés de photos, de vidéos ou d'autres types de fichiers, de partager et de commenter des contenus, de rejoindre un cercle d'amis, de définir un profil public et privé, de suivre d'autres personnes et de filtrer les publications au moyen de «hashtags». Pour faciliter la transition, le réseau propose de créer des liens avec un compte Facebook. En pratique, il faudra se familiariser avec un mode de fonctionnement original. Il faut notamment s'inscrire à un serveur (appelé «pod») en fonction de ses centres d'intérêt, vérifier qu'il permet de communiquer par messagerie instantanée et inviter (ou trouver) des amis. Encore en développement, Diaspora ne compte qu'environ un million de membres actifs mais connaît une bonne progression depuis quelques mois.

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Friendica (2): en petit comité
Autre service issu du monde du logiciel libre, ce réseau social géré par des volontaires partage avec Diaspora des ressources techniques et la même philosophie de serveurs décentralisés. Il faudra donc choisir un groupe en fonction de ses intérêts… et de la langue, l'allemand et l'anglais étant les plus répandus. L'interface de Friendica rappelle un peu celle des premiers comptes Facebook. Lui aussi permet de publier des articles et des photos, de communiquer en direct avec d'autres membres et de commenter les publications de ses amis. En prime, on peut personnaliser l'aspect de sa page personnelle, créer plusieurs profils, choisir ceux qui peuvent être consultés et qui peuvent les consulter. Une option donne également accès à un compte Facebook ou Twitter. Là encore, il faudra convaincre les amis de rejoindre le réseau, qui ne compte qu'une dizaine de milliers de membres.

- Crédits photo : Droits Reservés
Ello (3): un espace de créativité
Lancé en 2014, ce réseau s'est présenté comme la seule alternative crédible à Facebook avec ses pages sans publicité, la promesse de respecter la vie privée et de ne pas revendre les données personnelles. En pratique, il s'inspire de la formule de Facebook: on peut publier des textes et des photos, suivre d'autres utilisateurs et commenter leurs messages, consulter des publications liées à ses centres d'intérêt. Le service filtre les informations des amis et les sujets plus généraux, qualifiés de «bruit». Pourtant, son fonctionnement un peu complexe et l'absence de certaines fonctions, comme la messagerie instantanée, ont refroidi la vague d'enthousiasme qui a accompagné son lancement. Aujourd'hui, le réseau compterait moins de 500 000 utilisateurs par mois et s'est davantage orienté vers une communauté de «créateurs» des univers de la mode, du design et de la photo.

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