Entretien avec le sénateur
belge qui fonde son propre parti
Par Sophie Flamand - 19
mars 2019
Alain Destexhe.
©Hannah Assouline
Le sénateur belge Alain
Destexhe a quitté le Mouvement réformateur (MR, centre belge) et créé son
propre parti, « Liste Destexhe ». D’aucuns le voyaient rejoindre
l’une des nombreuses micro formations qui émaillent la droite de la droite
francophone. Très peu pour lui. Il y a, pense-t-il, un espace politique à
remplir entre le MR et la droite extrême.
Sophie Flamand. Vous dites
vouloir être le pendant francophone de l’Alliance néo-flamande (NV-A) ?
Oui, contrairement aux
discours à l’emporte-pièce de certains, je suis pragmatique, comme l’est la
NV-A. Les slogans genre « Tous pourris ! » ne mènent nulle part.
Mais la NV-A propose un réel programme et je les rejoins sur les domaines de
l’immigration, du nucléaire et de l’économie. Par contre, contrairement à eux,
je ne suis ni séparatiste, ni nationaliste. Je rêve encore de la Belgique de
Papa, celle des années 70, où nous étions 10 millions de Belges. Bien sûr,
c’est de la nostalgie et de l’utopie. Mais je rejoins souvent ceux qui pensent
que c’était mieux avant.
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Vous avez été longtemps
membre du MR, malgré vos divergences. Quelle est la goutte qui a fait
déborder le vase ?
J’étais déjà très agacé par
diverses prises de positions du MR. La sortie du nucléaire en 2025, par
exemple, qui est une utopie présentée par des « experts » porteurs
d’idéologie. Sous le masque de l’expert, on trouve souvent le militant peu
respectueux du débat contradictoire et de la démocratie qui s’oppose à la
volonté des élus et donc au principe de démocratie. Mais aussi l’adhésion de
principe du MR à une résolution qui ouvre la voie de la
« restitution » d’œuvres congolaises du Musée de Tervuren ou sa
décision de signer la « Loi Climat » concoctée par Ecolo et approuvée
par toutes les formations politiques francophones, y compris l’extrême gauche
PTB. Tout comme les trois plus grands partis flamands, le MR aurait dû s’y
opposer. Je ne reconnaissais plus mon parti. Je le reconnais moins encore
lorsqu’il ne s’oppose pas à la proposition de loi orwellienne d’une ministre
bruxelloise qui veut « piéger » les propriétaires immobiliers qui se
montreraient un peu trop récalcitrants pour louer leur bien à des étrangers.
Mais le point de départ fut
sans aucun doute le soutien au pacte de Marrakech par le Premier ministre
Charles Michel (MR). Le divorce était consommé. Il faut à la Belgique
francophone un parti de droite qui ait un programme clair et qui ne louvoie pas
entre l’écologisme et l’immigrationisme au gré des sondages.
Le MR ne vous semble plus
libéral. On pense par exemple à l’impôt sur les revenus boursiers que ce
gouvernement a fait passer au taux record de 30%.
Je ne m’intéresse pas
particulièrement au système boursier, mais fondamentalement, le MR n’est plus
libéral. Les dépenses publiques belges totalisent 53% du PIB, ce qui nous fait
figurer dans le top 3 mondial. Par comparaison, elles représentent 44% en
Allemagne et aux Pays-Bas et 49% en Suède. Engrangeons-nous pour autant de
meilleurs résultats ? Pas du tout ! Qu’il s’agisse de nos routes ou
de notre enseignement, nous payons très cher des services publics peu
performants. A l’exception de quelques postes primordiaux, tels la santé, la
justice, les pensions ou encore la police et l’armée, toutes les
administrations doivent baisser leurs dépenses afin de parvenir sous le seuil
de 50% du PIB. Il faut aussi réduire de moitié le nombre d’élus, de
parlementaires et d’intercommunales.
Quant aux dépenses sociales,
elles se chiffrent à 30% du PIB. Mais personne n’a une vision claire de qui en
sont les bénéficiaires. La situation actuelle est une superposition de
« droits », au logement, à des aides diverses, aux allocations, à des
réductions de tarifs… De nouveaux « droits » se créent sans cesse
sans que l’on ne puisse déterminer quelle est la philosophie qui sous-tend
cette solidarité. De plus, chaque commune est dotée d’un Centre public d’Aide
sociale (CPAS) qui distribue toutes sortes d’aides. Ce sont eux qui distribuent
les « revenus d’intégration ». Mais à qui sont-ils distribués ?
C’est très flou, cela dépend des élus locaux, qui peuvent les attribuer selon
leur idéologie ou par choix électoraliste. Ainsi, à Bruxelles, 90% de ces
revenus d’intégration sont attribués à des personnes d’origine étrangère, et
c’est 70% pour l’ensemble de la Belgique !
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Un autre bon exemple est le
GRAPA. Il s’agit d’une allocation aux personnes âgées. Par le biais du
regroupement familial, une personne d’origine étrangère pouvait faire venir ses
ascendants, qui bénéficiaient du GRAPA sans jamais avoir cotisé un cent dans le
système de sécurité sociale, alors que des Belges, ayant travaillé et cotisé
toute leur vie, se retrouvent avec une pension de retraite inférieure. A un moment,
le système est « tombé sur sa tête ». Les aides sociales, financées
par la classe moyenne, créent et entretiennent un système d’assistanat, et sont
devenues une machine électorale clientéliste pour le Parti socialiste. Il
conviendrait d’établir un cadastre de ces aides qui se multiplient et de
déterminer quelle est la part qui provient réellement des cotisations sociales
et que le parlement puisse décider lors d’un départ public, des montants qui
sont financés, non par des cotisations mais par l’impôt. Il faudrait passer
d’une logique de « droits », à une logique politique.
Quand on lit votre
programme, il semble qu’il n’y ait pas que dans le domaine social que vous
dénonciez la superposition de droits et de lois.
En effet ! Il y a
d’innombrables couches politiques et administratives en Belgique. Ca devient
une vraie lasagne, dont le coût de fonctionnement est exorbitant. Pourquoi ne
pas re-fédéraliser des compétences telles que le sport de haut niveau ou le
Commerce extérieur au lieu d’éparpiller les compétences et les
coûts ?
On vous sent aussi assez
énervé quant à l’enseignement. Pourquoi ?
L’enseignement en Belgique
francophone est un désastre ! Il n’y a qu’à voir nos piteux résultats aux
concours PISA de l’OCDE. Or, notre enseignement est l’un des plus coûteux de la
planète. Ce n’est donc pas le moins du monde une question de moyens. Je plaide
pour une autonomie beaucoup plus grande des écoles. Elles doivent être libres
d’engager qui elles veulent, de gérer leur budget et d’appliquer la pédagogie qui
leur semble la plus adaptée à leurs élèves. Je dis « halte ! »
au pédagogisme qui a envahi les programmes. Il faut revenir à une transmission
des savoirs, et donc les programmes scolaires ne devraient porter que sur les
matières à acquérir. On est loin du compte ! Quelle est à présent
l’utilité de l’Inspection scolaire ? Vérifier que les profs ont bien
respecter la méthodologie en vigueur. Mais ce qui est réellement important, ce
sont les résultats. L’Inspection devrait plutôt vérifier que les élèves ont progressé
selon les facultés de chacun et photographier cette évolution. Ce serait plus
productif que l’actuel nivellement par le bas. L’égalitarisme est à ce point
devenu LA référence qu’elle nuit à l’intérêt général et aux performances des
élèves.
Vous pointez également la
fameuse « transition énergétique ». A vous lire, il semblerait qu’il
s’agisse d’une fumisterie.
Il y a en tout cas une
hystérie autour du climat. On croirait qu’il n’y a pas de sujets plus
importants, alors que nous sommes confrontés à de grands défis dans le domaine
du chômage, de la mobilité, de l’enseignement, des migrations ! La
Belgique, qui ne totalise que 0,3% des émissions de CO2, ne peut pas se passer
du nucléaire et le MR voudrait fermer les centrales en 2025 ! C’est
absurde et irresponsable. Le nucléaire couvre 50% de nos dépenses énergétiques.
Par quoi allons-nous le remplacer ? Par des centrales à gaz ? Le taux
de CO2 augmenterait nettement et en outre cela alourdirait drastiquement la
facture d’électricité des ménages, alors que nous sommes déjà l’un des pays les
plus chers dans ce domaine.
Revenons au Pacte de
Marrakech qui a contribué à provoquer votre rupture d’avec le MR. En quoi vous
déplaît-il ?
Le Pacte de Marrakech risque
d’être utilisé par des juges et des ONG pour contraindre le gouvernement à
mener une politique contraire à la volonté de la majorité de la population. La
Belgique est bien plus touchée par l’immigration que ses voisins. Cela se
traduit par une augmentation de la population qui mine la cohésion sociale. Un
islam, souvent de plus en plus virulent et revendicateur, s’installe sous nos
cieux et s’oppose à l’intégration des personnes étrangères. En outre, cette
immigration se révèle très coûteuse pour le contribuable mais il n’y a aucune
volonté politique de mener une enquête sérieuse et détaillée sur ce sujet.
Et que proposez-vous ?
Il faut freiner
l’immigration en restreignant le regroupement familial. Nous devons nous
limiter strictement à ce qui est exigé par les directives européennes et,
idéalement, revoir ces directives. Mais surtout, il faut traiter les demandes
d’asiles hors du territoire belge, via les ambassades ou les pays limitrophes.
Quand un migrant a posé le pied sur le sol européen, il est très difficile de
l’expulser. Bien sûr, il existe les fameux « Ordres de Quitter le
Territoire », mais en pratique, ces ordres sont rarement exécutés. Il
s’agit d’êtres humains, parfois avec une famille ; on ne peut pas les
expulser n’importe comment. Et très souvent, les pays d’origine ne veulent pas
les reprendre. Les ONG font systématiquement opposition et aucun pays européen
ne parvient réellement à les expulser. C’est pourquoi il faut empêcher l’entrée
sur le sol européen de tous ceux qui n’ont pas le droit d’y être.
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