Église, migration, laïcité, islam :
notre interview du philosophe Rémi Brague (08.04.2018)
Awwad Alawwad : «Notre plan culturel
pour l'Arabie saoudite est une thérapie de choc» (09.04.2018)
Renaud Girard : «Syrie, trois plaies
toujours ouvertes» (09.04.2018)
La police peut-elle déloger les
bloqueurs des universités ? (09.04.2018)
Laurent Wauquiez : «L'archipel du
djihad» (09.04.2018)
Marche en mémoire de Mireille Knoll :
les raisons de la position du Crif (09.04.2018)
Pernaut, Bourdin, Plenel : que signifie
l'offensive médiatique de Macron ? (09.04.2018)
«Les projets de Macron pour l'Europe à
l'épreuve des faits» (08.04.2018)
Des civilisations oubliées peuplaient
l'Amazonie au Moyen-Âge (09.04.2018)
Intelligence artificielle :
SenseTime lève 600 millions de dollars (09.04.2018)
NDDL : au premier jour de l'évacuation,
les récalcitrants ont été mis en défaite (09.04.2018)
Tout ce que Facebook sait de moi (et de
vous) (09.04.2018)
Attaque de
Magnanville : une policière et ses enfants arrêtés (09.04.2018)
À Münster, la police passe au crible le
passé du conducteur qui a foncé sur la foule (07.04.2018)
Un front commun Trump-Macron après
l'attaque chimique en Syrie (09.04.2018)
Le dangereux face-à-face entre Turcs et
Occidentaux dans le nord de la Syrie (09.04.2018)
Bolton, un faucon à la droite de Trump
(09.04.2018)
NDDL : au premier jour de
l'évacuation, les récalcitrants ont été mis en défaite (09.04.2018)
Emmanuel Macron consacré parmi les
jeunes leaders mondiaux à Davos (16.03.2016)
Les Pays-Bas suppriment le référendum (10.04.2018)
Conférences,
tri sélectif et soirées techno : bienvenue dans la ZAD de Tolbiac (09.04.2018)
Enquête ouverte après la découverte de
cocktails molotov à Tolbiac (09.04.2018)
Münster : des lettres témoigneraient des
idées suicidaires du conducteur (07.04.2018)
Hongrie : la victoire d'Orban marque une
vision de l'UE frontalement opposée à celle de Macron (09.04.2018)
La stratégie du pouvoir hongrois pour
museler les médias (08.04.2018)
La Hongrie sacre le souverainiste Orban
(09.04.2018)
Le prince héritier saoudien a un faible
pour l’immobilier des Yvelines (09.04.2018)
Commerce mondial : la Chine
est-elle déloyale ? (09.04.2018)
Moscou accuse Israël d'avoir frappé une
base de l'armée de l'air syrienne (09.04.2018)
«Les projets de Macron pour l'Europe à
l'épreuve des faits» (08.04.2018)
Quelle est la nouvelle géopolitique des
porte-avions ? (09.04.2018)
Syrie: suspicion de bombardement à
l'arme chimique à Douma (08.04.2018)
Église,
migration, laïcité, islam : notre interview du philosophe Rémi Brague
(08.04.2018)
ENTRETIEN - Le philosophe et historien des
religions souligne les origines chrétiennes de la laïcité et la spécificité de
l'islam, qui «est un système juridique qui se présente comme d'origine divine
et où tout, en conséquence, n'est pas négociable».
Lundi soir, le président de la République devrait s'exprimer
au Collège des Bernardins devant des représentants de l'Église catholique. Le
philosophe et historien des religions Rémi Brague rappelle le rôle central que
le catholicisme a joué en France et analyse le déclin social et politique de ce
que le Concordat de 1802 appelait «la religion de la majorité du peuple
français». Il précise la distinction des ordres entre la politique et la vie
spirituelle et critique, notamment sur l'accueil des migrants, tout discours
moral des «gens qui sont à l'abri» vis-à-vis de ceux qui sont «en première
ligne». Frappé par le «raz de marée de l'affectif» qui accompagne les
États généraux de la bioéthique, il en appelle à la raison humaine, à
la réflexion éthique et anthropologique plus qu'à des principes religieux.
LE FIGARO. - Le président de la République devrait
s'exprimer au Collège des Bernardins lundi soir devant les représentants de
l'Église de France. Les catholiques sont-ils devenus une minorité comme les
autres?
Rémi BRAGUE. -Les
catholiques pratiquants sont en effet, les enquêtes le disent, une
minorité qui va s'amenuisant. Mais il y a minorité et minorité. Certains l'ont
toujours été, comme les juifs et en France les protestants. Ils ont donc
développé les talents qui leur permettent de négocier leur place au soleil. En
revanche, le catholicisme a longtemps été «la religion de la majorité du peuple
français», comme le disait le Concordat de 1802. Cela laisse des habitudes,
peut-être de la nostalgie. Mais, faute d'entraînement, cela rend maladroit là
où il s'agit de se faire entendre.
Ensuite, cette
minorité de convaincus forme une petite barque. Mais elle flotte
encore sur une vaste mer de tièdes qui vont encore à l'église pour leur
enterrement, leur mariage ou le baptême de leurs enfants.
«Être en minorité a un désavantage : quand on fait partie
des meubles, les autres s'imaginent qu'ils vous connaissent bien»
Être en minorité a un désavantage: quand on fait partie des
meubles, les autres s'imaginent qu'ils vous connaissent bien. Or, le temps
n'est plus où le très anticlérical «petit père» Combes avait fait ses thèses
sur saint Bernard et sur saint Thomas d'Aquin. Ce que certains antichrétiens
disent ou écrivent aujourd'hui sur le christianisme témoigne d'une ignorance
arrogante et tranquille de l'histoire qui effraye.
Il faut encore distinguer trois choses: être en minorité,
état de fait mesurable ; se sentir minoritaire, impression plus ou moins
justifiée ; et vouloir se constituer en minorité. Cette dernière attitude
produit souvent un repli orgueilleux en des communautés de «purs» toujours
prêts à excommunier ceux qui leur paraîtront trop compromis avec le «siècle».
Ce sont là des comportements pervers et suicidaires. Jean Duchesne les a bien
dénoncés dans Le Catholicisme minoritaire? (2016).
La question des migrants pourrait être abordée, en
quoi l'Église est-elle légitime pour s'exprimer sur ce thème? Comment
distinguer ce qui tient de la charité personnelle et du réalisme politique?
Elle ne tire la légitimité, sur ce thème comme sur tous les
autres, que de sa très longue expérience en matière de relation au prochain. Et
surtout, elle a reçu du Christ des paroles inouïes sur l'amour dû à celui-ci
qui n'est pas le membre du même club, mais tout être humain, dans lequel il
faut voir le Christ lui-même.
Ne confondons pas les ordres: la charité personnelle ne fait
pas une politique. La charité personnelle, l'adjectif le dit, concerne
les personnes: celles qui la pratiquent, seules ou en associations, et celles
qui en sont l'objet. La politique, elle, suppose par définition qu'un dirigeant
incite à une certaine attitude, parfois par la contrainte des lois, voire de la
police, tout un groupe qui n'en a pas toujours envie. Les dirigeants doivent
penser aux efforts qu'ils demandent à ceux qu'ils dirigent. Cela devient
franchement vil quand des gens qui sont à l'abri font la morale à ceux qui sont
en première ligne.
La voix de l'Église se fait entendre sur le sort des
migrants mais très rarement sur «l'insécurité culturelle» que peuvent ressentir
les populations d'accueil. Pourquoi?
Il est difficile de donner des chiffres précis qui
permettraient de comparer un discours perçu comme bavard à un silence relatif.
Il faut tenir compte aussi de la façon dont les médias choisissent de
répercuter certains discours et d'en étouffer d'autres.
Par ailleurs, le sort des migrants est un fait spectaculaire,
que les médias portent à notre connaissance à travers des images frappantes,
d'ailleurs souvent sélectives, voire parfois truquées. Vous parlez de
l'insécurité culturelle, reprenant la formule lancée par
Christophe Guilluy et dont Laurent Bouvet a fait le titre d'un livre. Cette
impression de «ne plus être chez soi» est un malaise diffus, qui la plupart du
temps reste muet. Elle mène les gens à déménager plutôt qu'à manifester. Or, il
est très facile de dire ce qu'il faut faire quand quelqu'un se noie: lui jeter
une bouée, etc. Mais que dire devant quelqu'un qui change de quartier? Lui
faire la morale serait assez ignoble, surtout quand on habite une banlieue
huppée.
Cette rencontre aura lieu alors que se déroulent les
États généraux de la bioéthique. La PMA pour toutes ou la GPA
posent-elles des questions religieuses ou simplement éthiques ou
anthropologiques?
Il faudrait commencer par appeler ces pratiques par leur
nom, au lieu de les cacher sous des sigles. La plus réussie de ces
échappatoires est le nom altruiste donné à la location d'utérus, donc la
transformation en marchandises du corps humain, celui de la mère, celui de
l'enfant, sans compter le sperme de celui qui ne sera jamais père.
Ensuite, ces questions ne relèvent en principe que de la
seule réflexion éthique et anthropologique. Pour la mener, on n'a pas besoin de
faire intervenir des principes religieux.
«Comme philosophe, je suis atterré par le raz de marée de
l'affectif»
D'autant moins qu'ils sont trop souvent présentés comme des
interdits et non comme une vision de l'homme. Ceci dit, je constate qu'il est
difficile de raisonner froidement sur ces questions. Comme philosophe, je suis
atterré par le raz de marée de l'affectif. Regardez le rapport du Comité
national d'éthique: dix pages d'arguments purement rationnels contre la PMA aux
couples lesbiens, et en conclusion: il faut l'accepter, à cause de l'égalité,
notion totalement vague…
Mais nous sommes devant un paradoxe intéressant: les
arguments rationnels, relevant de la morale tout court, sans adjectif, ne sont
plus guère émis aujourd'hui que par des esprits religieux. Ceux-ci se réclament
de la «loi naturelle», terme juste au fond, mais maladroit, parce qu'il n'est
plus compris par la grande majorité de nos contemporains, qui la confondent
soit avec les lois de la nature physique, soit avec la loi de la jungle. Il
s'agit en fait de la loi de la raison, celle qui garde la distance nécessaire à
une analyse des phénomènes. Par exemple, on sait très bien que pour se
structurer un enfant a besoin d'un père et d'une mère qui l'élèvent à deux.
Respecter ce besoin permet la continuation de l'humanité, comprise comme espèce
humaine, mais aussi comme vertu.
Entre poussée islamiste, crise de la modernité, défense
d'une culture chrétienne, diriez-vous que notre société est traversée par un
tourment religieux?
Le dire est enfoncer des portes ouvertes. Ou plutôt, cela le
serait si la nature religieuse du tourment dont vous parlez était claire. L'islam
n'est qu'en partie ce que nous appellerions une religion. Il comporte des
pratiques que nous classerions comme religieuses, comme la prière, le jeûne, le
pèlerinage. Mais aussi des règles qui, pour nous, relèveraient du droit des
successions ou du droit pénal, ou de simples coutumes, comme les interdits
alimentaires, les règles vestimentaires, etc. La culture chrétienne,
dites-vous? Mais si le christianisme n'est qu'une culture parmi d'autres,
pourquoi lui accorder tant d'importance?
Le catholicisme en France est-il encore une culture
commune ou est-il une affaire privée?
Les anthropologues décrivent avec précision et souvent avec
talent la façon dont des mentalités, comme on dit, survivent longtemps après
leur disparition des écrans radars de la conscience. Il est clair que la France
a été marquée par la religion catholique en profondeur pendant près de quinze
siècles. Le nier, c'est nier l'évidence. Ceci dit, la culture en question est
ou non appropriée par les personnes concrètes, en un acte de foi nécessairement
privé. Mais une fois ratifiée par une personne, elle produira nécessairement
des effets sur le domaine public.
Jérôme Fourquet a publié un livre décrivant la
«droitisation» des catholiques…
Je n'ai pas lu ce livre et ne puis donc que vous donner
quelques impressions subjectives. Ce qu'est la droite, ce qu'est la gauche,
voilà qui est très clair, n'est-ce pas? Je dirais quant à moi: l'homme de
gauche, c'est celui qui s'imagine qu'il existe une droite - et non, par
exemple, la réalité du monde… ; l'homme de droite, c'est celui qui pense
que la gauche a raison de l'imaginer. Il se change donc en une caricature en
miroir de l'homme de gauche, se bricole une idéologie, s'organise en parti,
définit une ligne, etc.
«Une bonne partie de la gauche a abandonné la question
sociale qui en avait fait la force et la légitimité aux deux derniers siècles.
Elle préfère le ‘sociétal'»
Le fait massif est plutôt que les catholiques de droite
n'ont plus grand monde en face d'eux. Ceux qui se disent à gauche y ont passé
l'arme… Qui reste-t-il d'honorable parmi les «cathos de gauche»? Jacques
Julliard, à coup sûr. Mais à part lui? Les malheureux, ils ont avalé tant de
couleuvres! Il y en a eu qui sont restés aveugles à la réalité des pays
gouvernés par les partis communistes, qui n'ont vu ni qui les «porteurs de
valises» mettaient au pouvoir en Algérie, ni ce que faisaient les Lider Maximo
et autres, etc. Ceci dit, je crains qu'un «à droite, toute» des
catholiques ne leur fasse avaler à leur tour bien d'autres couleuvres.
De plus, tout porte à croire qu'une bonne partie de la
gauche a abandonné la question sociale qui en avait fait la force et la
légitimité aux deux derniers siècles. Elle préfère le «sociétal», ce qui veut
dire en gros soigner les bobos des bobos.
N'oublions pas non plus les jeunes qui se placent à un
niveau tel que le clivage gauche-droite perd sa pertinence. C'est le cas là où
il s'agit, par exemple, non pas de dégoiser contre ceci ou cela, mais d'adopter
dans son style de vie propre un comportement respectueux de l'environnement des
générations dont nous avons hérité, de celles à qui nous devons transmettre, du
corps (et surtout du corps féminin), du prochain, etc.
Vous avez signé l'appel
des intellectuels contre le séparatisme islamiste. Comment articuler
la laïcité, l'héritage culturel chrétien et la présence de millions de Français
musulmans?
Sur la religion, Rémi Brague, flammarion, 256 pages,
19 euros. - Crédits photo : Flammarion
Ce séparatisme est un fait social aux causes multiples, dans
lequel la faute est des deux côtés. Pour le dépasser, on aura besoin des deux
côtés.
La laïcité est un mot ambigu pour lequel on peut
parfaitement revendiquer une filiation chrétienne. S'il signifie la neutralité
de l'État en matière de religion, les historiens nous rappelleront que ce fut
une demande des premiers chrétiens contre l'Empire romain qui les a persécutés
jusqu'à Constantin, puis des papes contre les empereurs. Si en revanche, on
entend par là un laïcisme militant, soucieux d'en finir avec les religions, je
lui souhaite bien du plaisir…
Il faut distinguer les gens que nous appelons ou qui
s'appellent eux-mêmes musulmans, qu'ils soient français ou non, et l'islam. Les
premiers ne se réduisent pas au second et les appeler «musulmans» - plutôt que
par leur origine, leur métier, leur résidence, etc. -, c'est déjà les
plaquer sur leur identité religieuse. C'est faire au niveau théorique ce que
Frères musulmans et salafistes, d'accord sur ce point, veulent faire dans la
pratique. L'islam, lui, derrière toutes ses variétés, est un système juridique
qui se présente comme d'origine divine et où tout, en conséquence, n'est pas
négociable.
Awwad
Alawwad : «Notre plan culturel pour l'Arabie saoudite est une thérapie de choc»
(09.04.2018)
INTERVIEW - De passage à Paris, le ministre saoudien de la
Culture insiste sur les ambitions de son pays dans le cinéma.
Ministre de la Culture et de l'Information auprès du prince
héritier Mohammed Ben Salman, Dr Awwad Alawwad est chargé de mettre en
place un immense plan pour la culture en Arabie Saoudite. Il s'inscrit dans le
plan Vision 2030, décrit comme une «thérapie de choc» pour l'économie et la
société saoudiennes. Et démarre par l'ouverture
de 350 cinémas dans le pays, divertissement jusque-là interdit.
LE FIGARO. - Vous vous rendez au Festival de Cannes
pour la première fois… Quel est votre objectif?
70 % des Saoudiens ont moins de 35 ans, ils ont soif de
divertissements et de changements. Il faut répondre à leurs attentes et à leurs
espoirs
Awwad ALAWWAD. - J'y serai, ainsi que l'Autorité
générale de la culture. C'est une grande première. L'Arabie saoudite a proposé
deux longs-métrages à la compétition. Et nous diffuserons neuf courts-métrages
saoudiens. Ils raconteront une histoire méconnue, mais qu'il faut maintenant
partager. Cette présence est la partie visible d'un plan considérable de
développement du cinéma.
Vous ouvrez une première salle de cinéma, à Riyad, le
18 janvier. Qu'allez-vous montrer?
Black Panther, un film de super-héros, réalisé par
Ryan Coogler. Mais, à terme, nous allons ouvrir 350 cinémas, soit
l'équivalent de 2 500 écrans. Nous sommes à l'aube d'une déferlante
cinématographique qui va aussi encourager une production nationale.
Y aura-t-il des interdits?
Notre pays est le gardien des deux grands sites majeurs de
l'Islam, et il n'est pas envisageable de montrer tout et n'importe quoi sur
grand écran. Nous visons un public familial, et des films dits «blockbusters».
Comme tous les pays, nous avons notre propre système d'avertissement au public,
que nous mettrons en œuvre. Mais la question n'est pas là. Aujourd'hui, il n'y
a même pas un écran de cinéma à Riyad, la capitale! Ces films sont attendus par
la jeunesse. 70 % des Saoudiens ont moins de 35 ans, ils ont soif de
divertissements et de changements. Il faut répondre à leurs attentes et à leurs
espoirs.
Vous prévoyez l'ouverture, d'ici à 2030, de 440
institutions culturelles. Avez-vous les collections et les compétences pour cela?
Ce plan pour la culture est une thérapie de choc, d'un
équivalent de 2,7 milliards de dollars. Mais nous allons monter
progressivement en puissance. Nous sommes la terre de naissance de l'Islam et
un grand musée d'art islamique est bien sûr envisagé. D'autres seront consacrés
aux beaux-arts ou à l'art contemporain. Je viens de signer un accord de
coopération avec Françoise Nyssen, ministre de la Culture française, l'Opéra de
Paris, la Femis et l'Institut national de l'audiovisuel (INA). L'Opéra de Paris
va assurer une mission d'audit de nos installations musicales, en vue de la
création d'un orchestre philharmonique. La Femis va former nos jeunes aspirants
cinéastes. Quant à l'INA, il apportera son expertise sur des contenus
audiovisuels. J'ai été ambassadeur en Allemagne pendant plusieurs années, et je
connais l'Europe. Il n'y a pas mieux que le patrimoine et le savoir-faire
français.
«Nous sommes un pays comme les autres, qui mélange des
réformateurs et des conservateurs. Notre but est d'avancer avec volontarisme,
tout en respectant l'ensemble des composantes du pays»
Dr Awwad Alawwad, ministre de la Culture et de
l'Information
On ne compte plus les foires d'art contemporain ou les
musées dans votre région. Ne craigniez-vous pas qu'Abu Dhabi,
Sharjah ou Doha vous fassent de l'ombre?
La compétition est un moteur sain. Nous avons des atouts, y
compris naturels et patrimoniaux. L'Arabie saoudite abrite de nombreux lieux et
territoires inexplorés, vierges, merveilleux et empreints d'histoire, dont le
site al-Ula, premier site classé au patrimoine
mondial de l'Unesco, en 2008. L'Arabie saoudite possède en tout quatre
sites classés au patrimoine mondial. Je crois que nous avons les clés de notre
destin.
Êtes-vous sûr que les Saoudiens soient tous
favorables à une ouverture?
Nous sommes un pays comme les autres, qui mélange des
réformateurs et des conservateurs. Notre but est d'avancer avec volontarisme,
tout en respectant l'ensemble des composantes du pays.
Quand allez-vous ouvrir le pays aux touristes
étrangers?
Plus de 10 millions de pèlerins se rendent chaque année
sur le
sanctuaire de La Mecque et à la mosquée de Médine. Le
tourisme international, quant à lui, est encore limité, et uniquement possible
en voyages organisés. Donnez-nous le temps de construire des infrastructures et
de mettre en place une stratégie de développement touristique durable et
respectueuse de l'environnement. Nous ne sommes qu'au début d'un long
processus. Cela prendra du temps. Dans cinq ans, une fois que cela sera fait,
nous accorderons des visas aux touristes individuels.
Quelle place sera accordée aux femmes dans votre plan sur
la culture?
Le prince héritier veut changer le royaume. Il affirme que
les hommes et les femmes sont égaux. On ne peut pas bouger en laissant derrière
nous la moitié de la population. Le conseil d'administration de l'autorité
générale de la Culture vient de nommer trois personnalités: Mona Khazindar, qui
dirigeait auparavant l'Institut du monde arabe à Paris, Maisa al-Subaih, dramaturge
et metteur en scène, et Haifa Mansour, première réalisatrice en Arabie
saoudite. N'est-ce pas un signe fort que nous compterons sur elles?
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
10/04/2018.
La rédaction vous conseille :
- Après
35 ans d'interdiction, des cinémas vont ouvrir en Arabie saoudite
- Arabie
Saoudite: les femmes obtiennent le droit de conduire
Renaud
Girard : «Syrie, trois plaies toujours ouvertes» (09.04.2018)
CHRONIQUE - Le territoire syrien est devenu le grand champ
de bataille des idéologies, des religions et des États puissants du
Moyen-Orient.
Les différents conflits armés que subissent les populations
de Syrie se poursuivent, en dépit de l'attention que leur portent les
organisations internationales, politiques ou humanitaires. En ce début d'avril
2018, le territoire syrien souffre de trois plaies ouvertes.
Le 9 avril à l'aube, la base aérienne de Tayfur, située
entre Homs et Palmyre, subissait des frappesde missiles, très probablement
tiréspar l'armée israélienne. Cet aérodrome militaire est utilisé par les
gardiensde la révolution iraniens et
leurs amisdu Hezbollah libanais. Tsahal redoute que des forces d'un axe
chiite dirigé depuis Téhéran s'installent le long du massif du Golan, qu'elle
occupe depuis sa victoire dans la guerre des Six-Jours de 1967. Entre 1982 et
2011, Israël s'est très bien arrangé du régime baasisteà Damas, garant de
stabilité intérieureet aux frontières. Depuis 2012, la guerre civile en Syrie a
favorisé l'éclosion sur son territoire de deux nouvelles menaces islamistes
pour le nord de l'État hébreu: la chiite manipulée par l'Iran,et la sunnite de
l'État islamique etd'Al-Qaïda. Israël garde un mauvais souvenir de la guerre de
33 jours qu'elle livra, à sa frontière nord, au Hezbollah durant l'été 2006.
Malgré des destructions considérables infligéesà la population libanaise,
Tsahal n'avait pas réussi à anéantir la milice du Parti de Dieu. Elle avait
même renforcé le poids politique du Hezbollah, consacréà Beyrouth dans son rôle
de «partide la résistance». Au cas où Trump déchirerait l'accord nucléaire du
14 juillet 2015 avec Téhéran, où les Iraniens décideraient de
reprendreleur course à la bombe atomique, et où le premier ministre israélien
envisagerait une frappe de leurs installations d'enrichissement d'uranium,le
Hezbollah (et ses dizaines de milliers de missiles prêts à s'abattre sur la
Galilée) jouerait un rôle dissuasif crucial.
Les civils sont les premiers affectés. Plus de 100 .000
auraient été tués, près de 10 millions déplacés
Deuxième plaie ouverte en Syrie: l'antique oasis de la
Ghouta orientale, à 10 kilomètres à l'est de Damas, qui vient de passer de
la rébellion au régime, après un deal d'évacuation des derniers combattants.
Samedi 7 avril 2018 parviennent en Occident des images de civils suffoquant, après
ce qui ressemble à une attaque chimique. Sont-ce les baasistes du
régimequi ont fait le coup, prenant le risque irrationnel d'agiter à nouveauun
chiffon rouge devant l'exécutif américain, ou s'agit-il d'une provocation des
rebelles islamistes - lesquels ont, par le passé, également usé de gaz
moutarde? Nousne disposons pas pour le momentde source indépendante de
vérification.
Troisième plaie: l'exode des populations kurdes
d'Afrine(nord-ouest de la Syrie) se poursuit, après la prise de la ville par
l'armée turque, appuyée par les milices rebelles sunnites islamistes, protégées
parle président Frère musulman Erdogan.
Le territoire syrien est devenu le grand champ de bataille
des idéologies, des religions et des États puissants du Moyen-Orient. Les
forces combattantes en présence sont plus d'une dizaine: l'armée syrienne
baasiste, les déserteurs de l'Armée syrienne libre, l'État islamique,Al-Qaïda,
le Hezbollah libanais, les pasdarans iraniens, les forces spéciales américaines,
les Forces démocratiques syriennes (principalement kurdes), l'armée de l'air
israélienne, l'armée turque, l'armée russe. L'ancien premier ministre du Qatar
a déclaré que plus d'une centaine de milliards de dollars venus du Golfe
avaient financé les groupes rebelles islamistes. Les civils sont les premiers
affectés. Plus de 100 .000 auraient été tués, près de 10 millions
déplacés. Le Pape a parlé d'«extermination».
En 1885, Jules Ferry vantait la « mission civilisatrice
de la colonisation ». Force est de constater qu'aujourd'hui les Occidentaux ne
savent plus faire
Pourquoi les Occidentaux n'ont-ils pas arrêté ce carnage,
commencé, à l'été 2011, par la répression dansle sang de manifestations
pacifiques issues des printemps arabes,et continué par l'entrée en jeu,aux
côtés des rebelles, des forces islamistes soutenues par la Turquieet les
pétromonarchies du Golfe?
Les Occidentaux ont diabolisé le régime de Bachar, sans pour
autant aller jusqu'à le remplacer par la force. Car ils étaient traumatisés par
deux expériences ratées de «regime change», en Afghanistan et en Irak. Dans les
deux pays, ils ont, par la force de leurs armes et en dépensant des centaines
de milliards de dollars, créé de nouvelles institutions et procédéà des
élections. Mais la greffe de la démocratie à l'occidentale n'y a jamais pris.
C'est le sectarisme qui a gagné.
En 1885, Jules Ferry vantait la «mission civilisatrice de la
colonisation». Force est de constater qu'aujourd'hui les Occidentaux ne savent
plus faire. Sans une main de fer, nul ne peut gouverner en terre d'islam,
religion du sabre plutôt que du pardon. Si, en pénétrant à Bagdad en 2003, les
Américains avaient pendu haut et court, sur des grues, une douzaine de pillards
pris au hasard, la population irakienne les aurait pris au sérieux. S'ils
avaient choisi un gouverneur capable de parler arabe à la télévision, et s'ils
avaient associé l'armée irakienne à la rénovation proposée du pays, cela aurait
peut-être marché. Mais n'est pas Lyautey qui veut.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'Occident a décidé de
laisser les peuples musulmans s'administrer eux-mêmes. Il lui est désormais
très difficile de revenir sur ce tournant stratégique.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
10/04/2018.
La rédaction vous conseille :
- Depuis
Alep, comment Bachar el-Assad a reconquis une grande partie de la Syrie
- Amos
Yadlin: «Pour la sécurité d'Israël, l'Iran ne doit pas s'enraciner en
Syrie»
- Grâce
à la Syrie, le Hezbollah est devenu une armée régionale
- Renaud
Girard: après Daech, comment sauver le Moyen-Orient?
La police
peut-elle déloger les bloqueurs des universités ? (09.04.2018)
Par Jean-Marc De Jaeger •
Publié le 09/04/2018 à 12:10 • Mis à jour le 09/04/2018 à 12:35
L’université Paris 8, à Saint-Denis, fait partie de la
dizaine d’établissements bloqués. Crédits photo: LUDOVIC MARIN/AFP
INTERVIEW - Maître Valérie Piau, avocate en droit de
l’éducation, rappelle que les forces de l’ordre ne peuvent entrer dans une
université que sur décision de son président et du préfet.
Rennes 2, Jean-Jaurès à Toulouse, Tolbiac à Paris... Ce lundi, une dizaine d’universités sont encore bloquées par des
étudiants opposés à la sélection à l’université. Mais ont-ils le droit
d’occuper des amphithéâtres et d’empêcher d’autres étudiants de se rendre en
cours ou en examen? Les forces de l’ordre peuvent-elles entrer dans les
établissements? Maître
Valérie Piau, avocate experte en droit de l’éducation et auteur du «Guide
Piau: les droits des élèves et des parents d’élèves», nous rappelle les règles
de droit.
«Les forces de l’ordre peuvent intervenir dans les
universités mais seulement à la demande du président d’université et avec
l’accord du préfet»Maître Piau, avocate spécialisée dans le droit de
l’éducation
» LIRE AUSSI - REPORTAGE
- Conférences, tri sélectif et soirées techno: bienvenue dans la ZAD de
Tolbiac.
Le Figaro Étudiant - Les étudiants ont-ils le droit de
bloquer leur université et de faire grève?
Valérie Piau - Le terme de grève étant propre
aux travailleurs et au droit du travail, il ne s’applique pas aux étudiants.
Ceci dit, les étudiants peuvent décider de ne plus aller en cours. Ils peuvent
«occuper» une salle ou un amphithéâtre de leur université dans le but d’y
débattre, comme le précise l’article 811-1 du Code de l’éducation: les étudiants
«disposent de la liberté d’information et d’expression à l’égard des problèmes
politiques, économiques, sociaux et culturels. Ils exercent cette liberté à
titre individuel et collectif, dans des conditions qui ne portent pas atteinte
aux activités d’enseignement et de recherche et qui ne troublent pas l’ordre
public». Autrement dit, les étudiants n’ont pas le droit d’empêcher d’autres
étudiants de se rendre en cours ou en examen. Ce qui constitue une «entrave à la liberté
d’aller et venir dans un lieu public»
Valérie Piau est avocate en droit de l’éducation.
Que risquent les étudiants bloqueurs?
Les étudiants bénéficiaires d’une bourse sur critères
sociaux sont soumis à une obligation d’assiduité. En s’absentant des cours, le Crous
peut supprimer leur bourse voire demander le remboursement des certaines
mensualités. Les bénéficiaires d’une bourse au mérite, qui se sont engagés à
être assidus aux cours, peuvent aussi se voir retirer leur aide. Le manque
d’assiduité peut en effet se traduire par une mauvaise note aux examens voire à
un redoublement. À noter que les présidents d’université peuvent suspendre
cette obligation d’assiduité lors des blocages pour ne pas pénaliser les
boursiers. En cas d’agression ou de dégradation, l’agresseur peut faire l’objet
d’une sanction disciplinaire et peut, en plus, être poursuivi au pénal.
La police peut-elle intervenir dans les universités pour
déloger les bloqueurs?
Les forces de l’ordre peuvent intervenir dans les bâtiments
des universités mais seulement à la demande du président d’université. Ils ne
peuvent pas entrer dans l’enceinte de l’université sur un simple appel
d’étudiant. Le président doit être avisé au préalable. Celui-ci «est
responsable du maintien de l’ordre et peut faire appel à la force publique dans
des conditions fixées par décret en Conseil d’État», comme l’indique l’article 712-2 du Code de l’éducation. Il doit au
préalable demander l’autorisation du préfet. En cas de refus, le président
sollicite le juge administratif des référés. En revanche, la loi interdit aux
milices privées (agents de sécurité, groupes d’étudiants, etc.) d’intervenir. À
Montpellier, le doyen de la faculté de droit avait demandé l’intervention de la
police, qui avait été refusée par le préfet. Des personnes cagoulées sont alors
venues chasser les bloqueurs avec violence. Le professeur a été accusé de
complicité d’intrusion et violences en récidive» - en raison d’une condamnation
datant de 2013. Et le doyen lui, a été accusé de «complicité d’intrusion».
«Un président d’université peut fermer l’établissement
pour une durée maximale de 30 jours si le risque de troubles est trop
important».Maître Valérie Piau, avocate en droit de l’éducation
L’intervention de la police doit avoir un but préventif.
Elle devient illégale dès lors que le trouble à l’ordre public a disparu, mais
elle peut mettre fin à un trouble déjà réalisé. L’université est responsable si
l’inaction du président cause un dommage. Le recteur et/ou le ministre peut se
substituer au président en cas d’inaction de sa part. En outre, le président
d’université peut fermer l’établissement pour une durée maximale de 30 jours
s’il estime que la sécurité des personnels et étudiants n’est pas assurée. Le cas de la faculté de droit de Montpellier est une
bonne illustration: l’irruption d’un groupe d’hommes cagoulés lors d’une
assemblée générale entraîne la fermeture de la faculté puis sa réouverture dix
jours plus tard sous le contrôle des forces de l’ordre.
La rédaction vous conseille
- Que
faire en cas de harcèlement scolaire?
- Recalés
au bac, ils se retrouvent sans lycée le jour de la rentrée
- Universités:
les étudiants otages des «bloqueurs»
- Conseils Cinq techniques infaillibles pour
réussir en licence de droit
- Classement Les universités françaises
Laurent
Wauquiez : «L'archipel du djihad» (09.04.2018)
TRIBUNE - Le terrorisme islamiste se nourrit de la complaisance
d'une partie de nos élites et de la culpabilisation des Français, argumente le
président des Républicains.
À chaque attentat qui frappe notre pays, nous assistons à un
étrange malaise, une démission de l'intelligence, une singulière difficulté à
voir et nommer ce que nous avons sous les yeux. Les réflexes «pas d'amalgame»
et «rien à voir» tiennent lieu de pensée dominante.
Certaines belles âmes pratiquent le déni, jusqu'à disculper
l'islamisme du terrorisme. Le philosophe Alain Badiou écrit ainsi: «C'est un
fantasme, cette histoire d'islamisme radical.» Le sociologue Raphaël Liogier
propose quant à lui d'«utiliser les milieux salafistes dans la lutte contre les
djihadistes au lieu de les poursuivre». Le politologue Olivier Roy voit
dans le terrorisme une «révolte générationnelle», niant au passage toute
«radicalisation de l'islam». Le sociologue Geoffroy de Lagasnerie ne masque pas
son intention: «Excuser, c'est un beau programme de gauche.» Contre ceux
décidés à «être antifascistes sans être antitotalitaires», on serait tenté de
s'en remettre à ce constat mordant de George Orwell: «Vous devez être de
l'intelligentsia pour écrire des choses pareilles ; nul homme ordinaire ne
saurait être aussi stupide.»
Au-delà de quelques aveuglements individuels, nous sommes
renvoyés à une tentation profonde ayant traversé l'histoire de France, celle de
la démission des élites. Ce
que Michel Houellebecq a dépeint par le mot de soumission. Nous
avons déjà connu cette trahison des clercs lorsque les élites du second Empire
n'ont pas voulu voir ce qui se tramait de l'autre côté du Rhin. C'est encore
celle qui a conduit dans l'entre-deux-guerres à l'étrange défaite, parfaitement
analysée par Marc Bloch. Et c'est celle de certains intellectuels persévérant
dans l'illusion à la publication de L'Archipel du Goulag d'Alexandre Soljenitsyne.
Le risque est que cette lâcheté donne le signal d'une société prête à
capituler.
Pourquoi est-il si difficile au président de la
République de reconnaître que c'est l'islam radical, et non les religions en
général, qui pose aujourd'hui problème à la France ?
Car, à ce déni intellectuel, s'ajoute un déni politique qui
paraît régner jusqu'au sommet de l'État. Emmanuel Macron ne cesse de repousser
son discours tant de fois annoncé sur la laïcité. Il y a pire: devant les
représentants des cultes, le 21 décembre dernier, c'est à «la
radicalisation de la laïcité» qu'il s'en est pris, sans même prononcer le mot
islamisme. Pourquoi est-il si difficile au président de la République de
reconnaître que c'est l'islam radical, et non les religions en général, qui
pose aujourd'hui problème à la France?
Comme ministre, Emmanuel Macron avait déjà fait porter à la
France «une part de responsabilité» dans le terrorisme. Le 27 mars
dernier, il a déclaré que c'est faute d'une«école
de la bienveillance et de l'épanouissement» que les «pulsions de
mort finissent par fasciner quelques-uns». Propos terrifiants d'aveuglement.
Non, le terrorisme ne s'explique pas par un déficit de bienveillance à l'école
ou une hausse du taux de chômage. Emmanuel Macron a l'air d'évoquer les tueries
de masse dans les universités américaines, alors que c'est bien le fanatisme
religieux qui nous a coûté le Bataclan, la promenade des Anglais, la résurgence
de l'antisémitisme ou la
mort héroïque d'Arnaud Beltrame. Comparé à Manuel Valls et malgré les
timides avancées de l'hommage des Invalides, le 28 mars, Emmanuel Macron
apparaît en recul dans la lucidité du diagnostic comme dans la fermeté du
discours.
Sa vision repose sur une série de négations. Elle refuse de
comprendre que nous avons affaire à un intégrisme religieux. Elle s'épargne
toute réflexion sur les liens intimes entre le terrorisme et cet intégrisme qui
altère une partie de l'islam et tente de le mettre sous sa coupe. Elle délaisse
ainsi ceux des musulmans qui combattent l'islamisme. Elle semble également se
nourrir de cette idéologie de la repentance qui accuse l'Occident de tous les
maux et voit dans les islamistes des victimes par nature. C'est ainsi que
l'humanisme européen démissionne face à l'intégrisme islamiste.
Il y a derrière le terrorisme un archipel du djihad.
Notre aveuglement le laisse croître dans l'ombre.
Réduisant le terrorisme à quelques cas isolés relevant de la
psychiatrie, la vision du président de la République ne voit pas que ce terrorisme
est la partie émergée d'un iceberg massif. Elle met un voile sur le
communautarisme, ce terreau du terrorisme irréductible aux seuls facteurs
socio-économiques. Car la guerre que nous avons à mener n'est pas seulement une
guerre contre le terrorisme ; c'est aussi une guerre contre le
communautarisme. Nous avons laissé des quartiers se séparer de la République en
cessant de faire vivre nos valeurs, en abandonnant le modèle d'assimilation, en
jetant le patriotisme à la poubelle de l'Histoire. Comme le signalait une
récente tribune collective jugée «stigmatisante» par
le porte-parole du gouvernement, certains territoires de la République
sont entrés en sécession, faisant fi de l'autorité de l'école, de nos lois et
de notre mode de vie. Emmanuel Macron ne veut pas voir que le terrorisme est le
symptôme avancé de l'installation du communautarisme au cœur de notre société.
Il y a derrière le terrorisme un archipel du djihad. Notre aveuglement le
laisse croître dans l'ombre.
Nous ne pouvons plus abriter notre impuissance derrière
un cadre juridique gravé dans le marbre.
Nous ne pouvons plus abriter notre impuissance derrière un
cadre juridique gravé dans le marbre. Regardons en face cette dérive traduite
par une série de jurisprudences qui désarment la capacité de la République à se
défendre. C'est notre droit que nous devons adapter à la lutte contre
l'islamisme, et non l'inverse. Nous devons aussi combattre la jonction entre le
terrorisme et la délinquance, l'hybridation entre l'islamisme et le banditisme.
Cela nous oblige également à réduire une immigration que nous ne parvenons plus
à intégrer. Ce combat est fondateur, car il est un combat contre nos
aveuglements, nos soumissions, nos capitulations. Nous ne pourrons vaincre le
terrorisme islamiste qu'en nous réarmant, qu'en nous réappropriant notre identité
commune et en la transmettant à nouveau.
Face à cette addition d'aveuglements et de démissions, nous
avons de légitimes raisons de nous inquiéter ou nous désespérer. Mais
n'oublions jamais, à la suite de Simone Weil, que la France peut retrouver «au
fond de son malheur une inspiration conforme à son génie». Il est temps de se
le dire à nouveau.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
10/04/2018.
La rédaction vous conseille :
- L'appel
des 100 intellectuels contre le «séparatisme islamiste»
- Laurent
Bouvet: «Il faut distinguer la question de la laïcité et celle de
l'insécurité culturelle»
- Alain
Finkielkraut: «Islamisme, le règne du déni touche peut-être à sa fin»
Marche en
mémoire de Mireille Knoll : les raisons de la position du Crif (09.04.2018)
EXCLUSIF - Dans une tribune au Figaro ,
le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif)
répond aux critiques qui lui furent adressées, après avoir déclaré que Marine
Le Pen et Jean-Luc Mélenchon «ne seraient pas les bienvenus» à la marche
blanche pour Mireille Knoll.
Le terrorisme islamiste et l'antisémitisme qui tue ont à
nouveau frappé la France le 23 mars. Ce jour-là, parmi les victimes, deux
visages de la France: celui d'un héros donnant sa vie pour sauver une otage,
Arnaud Beltrame, et celui d'une vieille dame juive de 85 ans poignardée puis
brûlée dans son appartement, Mireille Knoll. Dès l'annonce du meurtre de
Mireille Knoll, le Conseil représentatif des institutions juives de France
(Crif) a appelé à une marche blanche le 28 mars, devenue à l'annonce par
le parquet du caractère antisémite de cet assassinat, une marche contre
l'antisémitisme.
Le souvenir d'une femme assassinée doit être digne et
solennel
Certains ont, à cette occasion, reproché au Crif d'avoir
«brisé l'unité nationale» en indiquant que les dirigeants du Front national et
de La France insoumise «ne seraient pas les bienvenus» à cette manifestation.
Dans ce tumulte, j'ai distingué les vociférations des ennemis habituels des
Français juifs, de l'émotion sincère d'amis, gênés par notre démarche.
J'ai entendu les critiques de ces amis. Je souhaite ici les
examiner et expliquer les raisons de nos positions.
Le souvenir d'une femme assassinée doit être digne et
solennel. Je condamne d'abord donc, sans réserve et avec force, les huées qui
ont accueilli Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Le Crif n'a rien à voir avec
la minorité de manifestants qui a brisé le recueillement du reste du cortège et
encore moins avec la prétendue Ligue de défense juive, qui au-delà de ces
troubles attaque publiquement le Crif et ses dirigeants depuis près de vingt
ans.
Je craignais précisément ces débordements ; c'est aussi
une des raisons pour lesquelles j'ai indiqué que les dirigeants du Front
national et de La France insoumise ne seraient pas les bienvenus. Ces
incidents, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon les anticipaient eux aussi, mais
cela ne les a pas dissuadés de venir. Au contraire, eux, les intolérants, ont
ainsi pu prendre la pose en victimes de l'intolérance. La ficelle est grosse,
mais en ces temps de confusion et d'emballement, les ficelles les plus grosses
marchent, hélas, plutôt bien.
La lutte contre l'antisémitisme exige un travail de
mobilisation républicaine et de clarification politique
Certains ont accusé le Crif de briser l'unité nationale que
requiert le combat contre l'antisémitisme en privant le pays de la
photo-souvenir d'un temps collectif d'indignation. À ceux-là, je veux dire ma
méfiance face une unité qui n'aurait été que de façade. La lutte contre
l'antisémitisme exige certes une capacité d'indignation collective face à
l'ignominie. Mais elle exige surtout un travail de mobilisation républicaine et
de clarification politique. C'est précisément au nom de cette nécessité de
clarification que les participations de La France insoumise et du Front
national, nous ont paru, pour des raisons différentes, illégitimes et
contre-productives.
Concernant tout d'abord le Front national, je dois dire mon
inquiétude face aux critiques faisant fi, subitement, de plus de quarante ans
de «cordon sanitaire» face à l'extrême droite. Depuis quand existerait-il en
effet une tradition républicaine consistant à réunir, en tête de cortège et
derrière une même banderole, des ministres et des élus de droite et de gauche
en compagnie de Le Pen? A-t-on déjà vu pareille photo? Pourquoi est-ce à
l'occasion d'une manifestation contre l'antisémitisme que l'on invoque
précisément une nouvelle règle visant à inclure et donc à légitimer les
dirigeants d'un parti fondé par des nostalgiques de Vichy? Les organisateurs de
la manifestation historique du 11 janvier 2015 se sont épargné - à
raison! - un tel «protocole» et une telle «unité», eux qui n'avaient pas invité
Marine Le Pen. Mais peut-être certains souhaitaient-ils voir Le Pen
acclamée et Mélenchon hué dans une manifestation organisée à l'initiative du
Crif et contribuer ainsi à faire sauter le verrou moral pesant sur le Front
national. Je demande face au Front national une chose simple: que les
républicains de gauche comme de droite restent unis et continuent à résister à
«l'offensive de dédiabolisation» de Marine Le Pen.
La lutte contre l'antisémitisme n'est pas un combat à la
carte
Certains ont compris que Marine Le Pen n'ait pas sa
place mais se sont offusqués que La France insoumise ne soit pas la bienvenue.
À ceux-là, j'aurais beaucoup à dire sur les complaisances de l'extrême gauche
avec l'antisémitisme mais aussi avec l'islamisme. Que dire en effet du soutien
apporté, par exemple, par la députée Danièle Obono à Houria Bouteldja du Parti
des Indigènes de la République, lorsqu'on lui présente les propos antisémites
récurrents de cette dernière? Que signifient les propos de Jean-Luc Mélenchon,
lorsqu'il reprend dans son récit de la marche du 28 mars le refrain bien
connu de l'accusation de double allégeance? Jean-Luc Mélenchon est trop cultivé
pour ignorer le poids symbolique de telles déclarations. Pourquoi La France
insoumise a-t-elle tant de mal ne serait-ce qu'à énoncer le danger posé en
France par le développement de l'islamisme? Enfin, comment expliquer - si ce
n'est peut-être par clientélisme électoral? - l'aveuglement de La France
insoumise face à la part inextricable d'antisémitisme présente dans les
rhétoriques antisionistes? Soyons précis: la critique du gouvernement israélien
peut être légitime, comme pour tout autre gouvernement, mais que signifie la
haine absolue d'Israël lorsque cette haine ne vise que ce seul État dans le
monde? Que dire enfin des propos de Jean-Luc Mélenchon en juillet 2014
félicitant les manifestants pro-palestiniens pour avoir su «se tenir dignes et
incarner mieux que personne les valeurs fondatrices de la République française»
alors que des groupes sortaient de ces cortèges à Paris ou Sarcelles pour
attaquer des synagogues? Ce sont l'ensemble de ces ambiguïtés qu'une
mobilisation sincère contre l'antisémitisme doit appeler à clarifier.
La lutte contre l'antisémitisme n'est pas un combat à la
carte. Si les dirigeants de ces partis veulent vraiment participer à l'unité de
la nation contre l'antisémitisme, alors qu'ils fassent le ménage chez eux et
qu'ils lèvent toute ambiguïté sur leurs amitiés et leurs complaisances avec de
véritables antisémites. Qu'ils dénoncent publiquement toutes les formes de
l'antisémitisme, y compris l'antisionisme qualifié de «forme réinventée de
l'antisémitisme» par le président de la République lui-même, mais aussi tout
rejet de l'autre.
Voilà énoncées les conditions d'un rassemblement sincère et
sans arrière-pensées, pour extirper ensemble ce cancer qui gangrène notre
société et qui rend la vie des Français juifs de plus en plus difficile, il en
va de la France, et de la République. Le Crif est prêt à relever le défi.
La rédaction vous conseille :
- Ivan
Rioufol: «Face à l'islamisme, le réveil d'une résistance française»
- «Marche
blanche» pour Mireille Knoll: les trois fautes du Crif
Pernaut,
Bourdin, Plenel : que signifie l'offensive médiatique de Macron ? (09.04.2018)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Emmanuel Macron sera l'invité du 13h
de TF1 jeudi, et de BFMTV et Mediapart dimanche soir. David Desgouilles y voit
un coup de communication destiné à chasser sur les terres de Laurent Wauquiez,
au cœur de la «France périphérique» et des classes populaires.
David Desgouilles est membre de la rédaction de Causeur.
Il a notamment publié Dérapage (éd.
du Rocher, 2017).
Lors de ses vœux à la presse, le président avait annoncé
vouloir instaurer une «saine distance» à l'égard des journalistes, loin de la
«connivence» et des «habitudes prises». Est-il en train de redevenir l'ami des
journalistes?
Je ne pense pas que ces deux rendez-vous remettent en cause
cette «saine distance», qui annonçait surtout la fin des «off» avec un ou
plusieurs journalistes, ces fameux tête-à-tête dont François Hollande raffolait
jusqu'à la caricature, ce qui avait donné le fameux livre de Gérard Davet et
Fabrice Lhomme. Emmanuel Macron demeure dans une parole rare et exclusivement
publique avec les journalistes. Ce sont désormais ses conseillers qui se
livrent aux fameux «off». Lui choisit son calendrier avec la presse et souhaite
montrer que c'est lui qui le choisit.
Quelle stratégie recherche-t-il en donnant deux
interviews télévisées en un laps de temps aussi court?
Il souhaite, semble-t-il, reprendre la main dans un moment
décisif de son quinquennat. Après être remonté dans les études d'opinion à
l'automne, il subit à nouveau une baisse, corrélée à celle de son premier
ministre depuis le mois de janvier. La mise en œuvre de ses mesures fiscales
(hausse de la CSG, taxes sur les carburants) et d'autres décisions comme celle
de la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires n'y est certainement pas
pour rien. Ce qui apparaît également, c'est que le différentiel entre les
cadres et les catégories populaires est devenu très important dans sa
popularité. Plus de 60 % d'opinions favorables pour les premiers, moins de 30 %
chez les secondes. Emmanuel Macron apparaît de plus en plus comme le Président
des métropoles connectées à la mondialisation, celle des «winners», pour
employer son franglais malheureusement habituel.
Emmanuel Macron va tenter d'aller sur le terrain de
l'adversaire, et notamment celui de Laurent Wauquiez.
De plus, sont apparus différents conflits sociaux (SNCF,
universités, éboueurs etc…) qui, à des degrés divers, secouent le gouvernement
comme il ne l'a jamais été. On évoque le risque de convergence des luttes avec
le spectre d'un nouveau Mai 68.
Cette double-interview répond à ces préoccupations. Emmanuel
Macron va tenter d'aller sur le terrain de l'adversaire, et notamment celui de
Laurent Wauquiez, qu'il craint plus qu'on ne le croit. À mon sens, il va tenter
d'apparaître comme l'homme de l'Ordre républicain lors de ces deux rendez-vous
et parler à des auditoires sensibles à la thématique de l'Ordre, comme pour
conjurer le fameux Mai 68 qu'on lui promet. Pour résumer, il veut faire un
«Baden Baden» préventif.
» LIRE AUSSI - Communication:
Emmanuel Macron ou le coup d'éclat permanent
Auprès de Jean-Pierre Pernaut, dans un JT qui sera tourné
en direct d'un petit village de l'Orne, le président s'adresse à un public
rural… en somme, à des gens qui n'ont pas voté pour lui?
En effet, il s'adressera jeudi à une France périphérique,
mais plutôt âgée. Cette France âgée a moins voté pour lui que pour François
Fillon au premier tour, certes, mais elle a néanmoins voté pour lui au second
tour. Et c'est cette France-là qui a la CSG en travers de la gorge. C'est aussi
la France qui continue de se rendre la plus nombreuse aux urnes dans les
élections intermédiaires et qui est la plus favorable à l'Europe. Il va tenter
de la convaincre d'être derrière lui contre les «extrémismes», ceux qui
empêchent les travailleurs de travailler et les étudiants d'étudier. C'est
cette France qu'il veut tenter de convaincre que «L'Ordre, c'est lui». À cet
égard, il n'est sûrement pas un hasard que l'évacuation de
Notre-Dame-Des-Landes précède de peu ces deux rendez-vous médiatiques.
Le choix de Jean-Jacques Bourdin et d'Edwy Plenel a de
quoi surprendre. Certains taxent le premier de «populisme», d'autres
soupçonnent le second de connivence avec les islamistes. Pourquoi les avoir
choisis?
Parce qu'il apparaîtra d'autant plus comme l'homme au-dessus
de la mêlée. Il devrait se montrer beaucoup plus offensif lors de ce
rendez-vous de dimanche qu'à celui de jeudi. Le choix de deux interlocuteurs
connus pour être des intervieweurs-bagarreurs constitue en soi un message. Là
aussi, il voudra apparaître comme l'homme de l'ordre face à un Bourdin qui va
parler de la galère des usagers et un Plenel qui voudra insister sur les luttes
sociales. On devrait le voir davantage - volontairement - en symbiose avec le
premier qu'avec le second, d'autant qu'il y aura davantage de téléspectateurs
devant BFM - et notamment les actifs de la France périphérique, absents devant
leur poste à 13h le jeudi - que devant Mediapart. Tout le défi sera de rester
l'homme du «en même temps», tout en affirmant cette volonté d'apparaître comme
le garant de l'ordre républicain. Peut-être en profitera-t-il pour désigner clairement
l'ennemi islamiste, ce qu'il a fait dans son discours d'hommage au colonel
Beltrame mais qu'il n'a pas encore fait dans une émission de télévision. La
présence d'Edwy Plenel lui donne en effet cette occasion.
La rédaction vous conseille :
- Islamisme,
Charlie Hebdo: Edwy Plenel, le procureur au banc des accusés
- Ramadan,
Plenel, Charlie Hebdo: la polémique en quatre actes
- «Pour
l'instant, Laurent Wauquiez ne voit qu'un seul aspect de la question
identitaire»
- Emmanuel
Macron, le dynamiteur
«Les
projets de Macron pour l'Europe à l'épreuve des faits» (08.04.2018)
ANALYSE - Brexit, migrants, ultradroite... le président
français désire fortement une Europe protectrice mais se retrouve confronté à
de nombreux imprévus, estime Olivier Bot, rédacteur en chef à La
Tribune de Genève, partenaire du Figaro au sein de
l'alliance Lena.
Avec
le Brexit, le projet européen devait reprendre des couleurs. En se
mettant hors jeu, les Britanniques offraient une chance à l'Union: lever les
obstacles que ce partenaire frileux mettait à chaque tentative d'avancée
fédéraliste. Or les Européens les plus convaincus se rendent compte que cela ne
suffira pas. Parmi les 27, les réticences sont de plus en plus nombreuses , les
avis divergent et les contentieux se multiplient. Dernier épisode en date: le
renvoi de diplomates russes acté par certains, refusé par d'autres.
Dans un peu plus d'un an, les élections européennes vont
changer la physionomie du Parlement de Strasbourg. Le président français veut
se saisir de cette opportunité pour mettre sur la table ses propositions,
présentées dans
son discours de la Sorbonne. Il lui faut faire entrer 150 eurodéputés
de La République en marche et convaincre d'autres élus européens de constituer
une majorité europhile avec lui. Le mantra d'Emmanuel Macron: faire que
l'Europe soit protectrice de ses citoyens, face à la menace extérieure, dans le
contrôle aux frontières et au plan social. Forte de sa capacité à projeter des
forces militaires sur un théâtre extérieur, la France souhaite qu'une doctrine
de défense et un budget communs soient effectifs en 2020. Mais quand Paris
cible le Sahel, foyer de menace islamiste, l'Europe de l'Est s'inquiète de son
voisin russe. Et en matière de défense, le Royaume-Uni reste le seul partenaire
fiable, malgré le Brexit. Car l'armée britannique est la seule capable de
former une force européenne crédible aux côtés des militaires français.
L'écroulement quasi général de la social-démocratie
L'absence de politique commune en matière de migrants a
aussi laissé des traces. Alors qu'Italie et Grèce ont jusqu'ici dû gérer seules
l'accueil et la gestion des dossiers des arrivants, elles ne peuvent plus
aujourd'hui faire face. Le président français souhaite la création d'un office
européen de l'asile et d'une police européenne des frontières, afin
d'harmoniser les procédures. Mais le mal est fait. Les dernières campagnes
électorales en Europe se sont focalisées sur ce thème, habilement
instrumentalisé par les populistes, en Autriche comme en Italie.
Sur cette question, des pays comme la Hongrie ou la
République tchèque, très hostiles à l'arrivée de migrants sur leur territoire,
ne sont pas prêts à céder quoi que ce soit de leur souveraineté et du contrôle
de leurs frontières. Macron n'a avec eux aucune marge de discussion. De plus,
la victoire des populistes aux législatives en Italie brise l'alliance de Paris
avec Rome et Berlin sur une gestion raisonnée des réfugiés et un accueil
partagé en quotas par les pays membres.
«L'entrée en force de l'ultradroite antieuropéenne de
l'AfD au Bundestag aura pour conséquence de freiner une intégration plus
poussée, pourtant souhaitée par Berlin et Paris»
Cette
élection italienne, après celle de l'Autriche, a également fait reculer
l'ambition de gouvernance économique de la zone euro. Pays-Bas mais aussi
Allemagne, partenaire historique de la France, sont de plus en plus réticents à
l'établissement d'un budget propre aux pays qui ont adopté l'euro et qui
grossirait la note des dépenses communes. La montée des souverainistes rend par
ailleurs la nomination d'un ministre des Finances de la zone euro bien
hypothétique. Car à Berlin, la mutualisation de la dette demeure une ligne
rouge à ne pas franchir. Pas question de payer pour ces pays du Sud, que les
Allemands appellent avec ironie «le Club Med». Au chapitre social, c'est la
droite conservatrice qui bloque. Elle est majoritaire depuis l'écroulement
quasi général de la social-démocratie en Europe et constitue jusqu'ici le
principal groupe du Parlement européen. Or, elle voit d'un mauvais œil la
généralisation d'une taxe sur les transactions financières, en vigueur en
France, ou l'établissement d'une fourchette de taux d'impôt sur les entreprises,
sans parler de la fixation de standards sociaux et d'un salaire minimum adapté
à la réalitéde chaque pays. Les pays dont la santé économique dépend d'une
politique de dumping social, comme l'Irlande,ne feront ainsi aucun geste pour
une harmonisation à l'échelle de l'Union.
L'entrée en force de l'ultradroite antieuropéenne de l'AfD
au Bundestag aura également pour conséquence de freiner une intégration plus
poussée, pourtant souhaitée par Berlin et Paris. Il n'y a guère que sur le
développement des start-up du numérique, la protection des données ou la
généralisation du programme Erasmus pour les étudiants qu'un consensus semble
possible.
Pour le reste, dans un environnement de plus en plus
eurosceptique, il faudra beaucoup plus que sa force de conviction à Macron.
La rédaction vous conseille :
Des
civilisations oubliées peuplaient l'Amazonie au Moyen-Âge (09.04.2018)
Les archéologues ont mis au jour un réseau de villages
s'étendant sur 400.000 km² qui traversait le continent sud-américain d'est en
ouest, entre le XIIIe et le XVe siècle.
Imaginez des édifices de plusieurs dizaines de mètre de haut
reliés les uns aux autres par des routes, au milieu de la forêt la plus grande
et la plus dense au monde. Le tout s'étendant sur une zone tellement large et
connectée qu'on estime qu'entre 500.000 et 1 million de personnes devaient y
vivre entre 1250 et 1500. Un site incroyablement riche mais dont il ne reste
quasiment plus rien aujourd'hui. Dans un article rédigé sous la direction de
José Iriarte (université d'Exeter) et publié
dans Nature
Communication le 27 mars dernier, des chercheurs de
l'université d'Exeter (Grande-Bretagne) et de l'université fédérale de Para
(Brésil), apportent toutefois la preuve de l'existence d'un réseau de villages
sur une zone de 400.000 km² dans le sud de l'Amazonie.
» LIRE AUSSI - L'énigme
des «crânes allongés» du Pérou résolue
«Il faut bien comprendre que c'est très dur de retrouver des
traces archéologiques dans cette zone,» explique Doyle
McKey, spécialiste des populations tropicales au Centre d'Ecologie Fonctionnelle
et Evolutive de Montpellier. «La plupart des constructions étaient
en bois. Dans un climat aussi humique que celui de l'Amazonie, ce type de
matériaux ne résiste pas au temps qui passe.»
Pendant longtemps, on a même supposé que cette zone hostile
devait être désertée. Les tribus nomades se seraient contentées de vivre autour
de la forêt. «On a longtemps fait preuve de mauvaise foi», explique Stéphen
Rostain, directeur de recherche au laboratoire Archéologie des Amériques du
CNRS à la Sorbonne. «L'Amazonie est une zone qui bouillonne par
son ethnodiversité. On a tendance à l'occulter, mais c'est un territoire aussi
large que l'Europe et la diversité devait y être au moins aussi grande. Il n'y
a probablement pas une civilisation amazonienne, mais des civilisations
amazoniennes!»
Il existerait 1 300 géoglyphes et villages sur toute la
zone
Pour lever ces secrets, les archéologues comptent
principalement sur les géoglyphes, ces grandes et mystérieuses traces aux sols,
seuls vestiges des constructions passées. Il y a une dizaine d'années, la
déforestation avait permis aux images satellites de révéler de premières traces
à l'ouest dans la région de l'Acre.
D'autres géoglyphes ont été découverts à l'est dans le Haut Xingu, un peu
plus tard. «La grande force de ce papier, c'est de confirmer la principale
hypothèse résultant de ces deux découvertes», raconte Doyle McKey. «A savoir,
que la côte est et la côte ouest ont été reliées entre elles par un réseau
d'habitations, de sites commémoratifs et de routes.»
En se basant sur des images satellites, les équipes du
professeur José Iriarteils ont créé un modèle informatique permettant de
trouver automatiquement des sites similaires à ceux où des géoglyphes avaient
déjà été découverts. D'après
ce modèle, il existerait 1300 géoglyphes et villages dans une bande de près de
400.000 km² de l'Amazonie du Sud. «Cette méthode ne donne pas de
certitude à 100%, mais cela permet d'avoir une idée globale de l'état des
constructions», explique Doyle McKey. Seul un tiers d'entre eux ont été
mis au jour jusqu'à présent. Plusieurs expéditions ont été organisées pour se
rendre sur les sites en question. Sur l'un d'entre eux, les chercheurs ont
découvert des céramiques ainsi que du charbon indiquant qu'un village se
trouvait à cet endroit au XVe siècle.
«Prés de 95% des populations ont été dissoutes.»
Un géoglyphe découvert par les chercheurs. - Crédits
photo : Exeter University
Hélas, il est encore impossible de savoir précisément
quelles étaient ces civilisations qui avaient réussi à dompter la forêt
amazonienne. «C'est malheureusement très rare de trouver des ossements»,
explique Doyle McKey. «Et contrairement à ce que nous avons pu faire en Europe,
on manque de données génétiques pour identifier les populations qui pourraient
prétendre être les héritiers de ces civilisations.» «Près de 95% des
populations vivant avant l'arrivée des Occidentaux ont été dissoutes», rajoute
Stéphen Rostain. «Ce qui nous reste aujourd'hui ce sont les fantômes des
splendeurs passées.»
Les connaissances, certes encore lacunaires, permettent tout
de même de dresser un premier portrait de ces Amazoniens. Si la zone étudiée
pourrait avoir abrité 1 million de personnes, on estime à 7 millions le nombre
de personnes qui ont peuplé l'ensemble de l'Amazonie à cette époque. «On sait
qu'ils échangeaient énormément entre eux», continue Stéphen Rostain. «Il y
avait une sorte de répartition. Certains peuples étaient spécialisés dans la
céramique et la fournissaient aux autres. On sait aussi que le curare (un
poison, NDLR) faisait l'objet d'une fête annuelle et était utilisé comme
monnaie d'échange.» À l'ouest ont même été retrouvées des traces de palissades,
témoignant de sites fortifiés. «Ces populations ne se faisaient pas la guerre
comme nous la concevons, mais par un système d'alliance et d'interdépendance,
elles se sont livrées des batailles intermittentes», rajoute le chercheur.
La plupart des traces laissées sont invisibles à nos yeux, pourtant
c'est une transformation profonde de la nature qu'ont réalisée les Amazoniens.
Ce qui explique pourquoi les sols et les végétations portent encore en eux les
témoignages de ces peuples disparus.
La rédaction vous conseille :
- À
la recherche des cités perdues
- Ciro
Guerra: "Les indigènes commencent leur journée en racontant leurs
rêves"
- Une
civilisation inconnue révélée en Amazonie
- Au
Brésil, une tribu inconnue sort de son isolement
Intelligence
artificielle : SenseTime lève 600 millions de dollars (09.04.2018)
Cette opération record fait de cette start-up chinoise la
plus valorisée au monde dans ce domaine.
Reconnaître un visage en une milliseconde, même sur une
image de mauvaise qualité ou au milieu d'une foule filmée par une caméra de
surveillance, et lui associer avec la même célérité une identité enregistrée
dans un fichier centralisé. Ou comparer quasiment sans erreur le visage d'un
client avec la photo associée à un compte de paiement pour valider une
transaction. C'est le type de prouesse que réalise SenseTime. Cette start-up
chinoise, spécialiste du deep learning et de la reconnaissance faciale, a
levé 600 millions de dollars (487 millions euros),
principalement auprès du géant de l'Internet chinois Alibaba Group, du fonds
singapourien Temasek et du groupe de distribution d'électronique grand public
Suning. Ce nouveau tour de table valorise la société entre 3 et
4,5 milliards de dollars (entre 2,4 et 3,6 milliards d'euros), un
record pour une société dans ce secteur. En juillet dernier, SenseTime avait
déjà levé 410 millions de dollars (332 millions d'euros).
Profitable depuis l'an dernier, elle revendique une
croissance moyenne de ses revenus de 400 % par an
Fondée en 2014 par Xiao'ou Tang, un ancien doctorant de
Massachusetts Institute of Technology, et par Li Xu, la start-up a connu depuis
un essor fulgurant. Sa technologie d'analyse visuelle est utilisée aussi bien
par des autorités chinoises pour des systèmes de surveillance que par des
groupes de distribution ou des banques pour des paiements ou des retraits par
reconnaissance faciale ainsi que par de grands acteurs des télécoms comme
Huawei et Xiaomi. Profitable depuis l'an dernier, elle revendique une
croissance moyenne de ses revenus de 400 % par an.
Grandes ambitions
Outre le perfectionnement de sa technologie et
l'augmentation de sa puissance de calcul, «ce financement élargit nos moyens
pour proposer davantage d'applications industrielles»,explique son directeur
général, Li Xu, dans un communiqué. SenseTime compte se développer dans la
voiture autonome, la réalité augmentée ou la santé.
SenseTime veut augmenter d'un tiers le nombre de ses
employés pour atteindre les 2000 personnes d'ici la fin de l'année
Elle doit aussi financer le coût grandissant des
recrutements de talents, l'un des nerfs de la guerre dans ce domaine. Elle veut
augmenter d'un tiers le nombre de ses employés pour atteindre les 2000
personnes d'ici la fin de l'année.
La
Chine se donne les moyens de ses grandes ambitions dans l'intelligence
artificielle: devenir leader mondial et créer une industrie d'une
valeur de 150 milliards de dollars pour son économie d'ici à 2030. Pékin a
ainsi annoncé des investissements de 20 milliards d'euros jusqu'en 2020, à
destination des universités, des incubateurs et des start-up. Selon un rapport
de CB insight, sur les 15,2 milliards de dollars (12,3 milliards
d'euros) investis à l'échelle mondiale dans des start-up spécialisées en
intelligence artificielle en 2017, la moitié est allée directement vers la Chine
contre 38 % aux États-Unis. Dans la reconnaissance faciale, la Chine a un
avantage de taille: sa réglementation est nettement moins contraignante qu'aux
États-Unis et en Europe et ses bases de données sont gigantesques.
La rédaction vous conseille :
- Intelligence
artificielle: la Chine attire plus d'investissements que les États-Unis
- Elon
Musk, l'homme qui invente le futur
Journaliste Rédactrice en chef du Figaro.fr
Ses derniers articles
- Intelligence
artificielle : SenseTime lève 600 millions de dollars
- Flashbreak
lève un million d'euros pour développer sa chaîne mobile
- Pourquoi
BlackBerry attaque Facebook en justice
NDDL :
au premier jour de l'évacuation, les récalcitrants ont été mis en défaite
(09.04.2018)
REPORTAGE - Entre une action policière efficace et un
soutien affaibli en faveur des 300 occupants sans titre, la ZAD n'était plus,
ce lundi, cette citadelle imprenable qui avait résisté, en 2012, au millier de
gendarmes engagés.
Envoyée spéciale à Notre-Dame-des-Landes
Dès 4 heures du matin ce lundi, sur la ZAD de
Notre-Dame-des-Landes, le face-à-face a duré des heures. Plongés dans le noir
et dispersés dans un champ gorgé d'eau, zadistes et forces de l'ordre se sont affrontés. Les
premiers ont lancé des projectiles en blessant un gendarme, les autres ont
répliqué en tirant des grenades lacrymogènes.
Près de trois mois après l'abandon du projet d'aéroport,
l'État a ainsi lancé une vaste opération d'expulsions visant près de 100 des
300 zadistes sur place. Dans la nuit de dimanche à lundi, les 2500 gendarmes
mobilisés avaient commencé à préparer leur intervention. Devant intervenir sur
les squats situés aux abords de la RD281, cette «route des chicanes» longtemps occupée par les
zadistes, ils en avaient bloqué les accès. Démarrant leur progression
vers 3 heures du matin, les forces de l'ordre se sont avancées avec précaution.
«Certains barrages étaient en flammes et des bouteilles de gaz ont été
retrouvées», a indiqué un peu plus tard, non loin du théâtre des opérations, le
responsable de la gendarmerie, Richard Lieurey.
Maîtrise rapide de la situation
Néanmoins, les forces de l'ordre ont assez rapidement
maîtrisé la situation. Ayant tenu à distance militants et journalistes, ils ont
procédé à diverses expulsions, en délimitant à chaque fois un périmètre précis
d'intervention. En présence des services sociaux, de déménageurs et
d'huissiers, ils ont ainsi anéanti une dizaine de squats dès la fin de matinée.
«Cela prend du temps, car on relève les identités et il y a des formalités à
accomplir», souligne la gendarmerie. L'intérieur de ces premiers lieux détruits
abritait six personnes auxquelles des solutions de relogement ont été
proposées. Toutes ont refusé. «Mais à chaque fois, il n'y a eu ni violence ni
résistance», ajoute un observateur avec satisfaction. Organisée au cordeau,
l'opération a, pour l'heure, porté ses fruits. «Contrairement à 2012, les
militaires ne se sont pas dispersés et ont agi secteur par secteur. Ils ont
réussi leur coup», admet même un zadiste.
Entre une action policière efficace et un soutien affaibli
en faveur de ces 300 occupants sans titre, la ZAD n'était plus, ce lundi, cette
citadelle imprenable qui avait su résister, en 2012, au millier de gendarmes
engagés dans l'opération «César 44». Malgré l'appel réitéré des zadistes pour
demander des renforts, les nouveaux arrivants, cette fois, n'étaient guère
nombreux. Au cœur de la nuit, et au tout début du bras de fer avec les forces
de l'ordre, ils étaient au mieux plusieurs centaines à tenir tête au dispositif
des gendarmes sur la partie sud-est de la ZAD. Malgré les yeux rougis, les
visages crispés par les jets réguliers de gaz lacrymogène, ils ont défendu leur
position en lançant quelques paroles provocatrices et quelques projectiles. Le
seul moment fort de la résistance. Après quoi la dispersion s'est vite étoilée
vers divers lieux de la ZAD.
En bottes maculées de boue, les visages dissimulés sous des
foulards - et sans arme artisanale qu'on leur prêtait pourtant avoir -, cette
armée de militants de tous âges a ensuite rejoint des tentes ou des habitations
menacées d'expulsion. Mais un air de défaite accompagnait leur marche. «On est
bien moins nombreux qu'en 2012. C'est la faute à l'aéroport qui a été
abandonné», lâche un zadiste dépité. Ce projet auquel le gouvernement a renoncé
ne cimente plus, en effet, la lutte qui a changé de nature. Les zadistes, qui
défendent sur ce territoire un modèle de société alternatif, et qui refusent de
s'inscrire dans la légalité, ne font plus recette.
Appel à la mobilisation
Au cours d'une conférence de presse donnée par ces derniers,
lundi matin, tous étaient abattus. L'opération d'expulsion qui devait être
ciblée a pris des airs, selon eux, d'évacuation généralisée. «C'est une action
d'ampleur qui est menée et on annonce la destruction de 40 lieux de vie sur
97», se désespère l'un d'eux en lançant une fois de plus un appel à la
mobilisation, tout en répétant que c'est comme un seul homme que la ZAD
défendra tous ses occupants.
«On a fait le choix digne d'être solidaire entre nous car on
porte un projet commun», ajoute-t-il en reconnaissant qu'un coup dur a été
porté à la ZAD. À ses côtés, se tenait une représentante de l'Acipa, l'une des
associations historiques, rassemblant les agriculteurs du coin, qui a toujours
lutté avec les zadistes. Mais, depuis l'abandon de l'aéroport, le soutien n'est
plus aussi solide. «Cela dépend des gens», dit cette représentante. Sous le
coup de l'émotion, et à constater la dislocation de la ZAD, certains se sont
pris dans les bras.
«Plus ça va aller, plus ça va être compliqué»
Mais le pire pour les zadistes n'était pas encore arrivé. En
début d'après-midi, les forces de l'ordre ont porté atteinte «à une structure
emblématique» en encerclant le lieu des Cent Noms et en le détruisant en
partie. «Cet endroit est un modèle, porteur d'un projet de vie agricole
parfaitement abouti, avec des gens modérés qui auraient pu accepter un cadre
légal pour continuer leur action», se désole Marcel Thébaud, l'un des
agriculteurs expulsé qui devrait récupérer ses terres.
En larmes, certains soutiens aux zadistes ont alors crié à
la trahison. «La préfète avait parlé d'expulsion ciblée de radicaux. Et on s'en
prend à des habitants qui n'ont pas ce profil», lâche l'un d'eux. «Nous avions fait une démarche pour nous inscrire auprès de
la Mutuelle sociale agricole. Et cela n'a pas été pris en compte»,
dénonce l'une des habitantes des Cent Noms qui, à la hâte, a pu mettre à l'abri
les brebis. Quant aux autres habitants qui s'étaient perchés sur les toits, ils
ont été délogés un à un par les forces de l'ordre. Puis les pelleteuses ont
fait leur apparition. La destruction des lieux - une grange et diverses maisons
- était semble-t-il une affaire d'heure. Même si les gendarmes reprennent, ce
mardi à 6 heures, leurs opérations, ils ont, semble-t-il, gagné le début de la
partie. La préfète, elle, reste prudente: «Plus ça va aller, plus ça va être
compliqué, craint-elle. On a fait le plus simple».
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
10/04/2018.
La rédaction vous conseille :
- NDDL:
les Insoumis dénoncent une «mise en scène» «politicienne» en plein conflit
social
- Evacuation
de Notre-Dame-des-Landes: une bonne méthode?
- NDDL:
«Sur la ZAD, près de cent hectares posent aujourd'hui problème»
- Le
casse-tête de l'après-Notre-Dame-des-Landes
journaliste
Ses derniers articles
- NDDL :
au premier jour de l'évacuation, les récalcitrants ont été mis en défaite
- Notre-Dame-des-Landes
à l'heure de l'évacuation
- Notre-Dame-des-Landes
: les occupants radicaux visés
Tout ce
que Facebook sait de moi (et de vous) (09.04.2018)
ENQUÊTE - Dans la foulée de l'affaire Cambridge Analytica,
notre journaliste a téléchargé son archive de données collectées depuis son
inscription, afin de comprendre ce que Facebook sait vraiment de nous. Une
expérience vertigineuse.
Qui je suis. Qu'est-ce que j'ai fait. Quand et avec qui.
Facebook sait à peu près tout de moi, depuis que j'ai consenti à m'inscrire sur
son réseau social il y a dix ans. Qu'importe le fait qu'à l'époque, je n'étais
même pas en âge de signer quoi que ce soit. Qu'importe aussi qu'entre-temps,
l'entreprise ait grandi au point de considérablement repenser sa
conception de la vie privée. Sur Facebook, une fois qu'on a signé,
c'est pour la vie: les données y sont dans certains cas conservées pour une
durée illimitée, que l'on soit inscrit sur son réseau social ou pas.
L'entreprise se réserve aussi le droit de changer de politique de
confidentialité sans forcément nous informer, puisqu'après tout, ces longs
textes barbants, personne
ne les lit.
La taille totale des politiques d'utilisation de Facebook
atteint la taille record de 187880 caractères, soit l'équivalent de 48 pages
Personne, sauf des avocats, des passionnés de vie privée et
... moi. Dans la foulée de l'affaire Cambridge Analytica, qui a plongé
Facebook dans la tourmente, j'ai voulu comprendre à quel point une
entreprise pouvait prétendre me cerner, me pousser à voter pour quelqu'un ou
acheter quelque chose à partir de mes simples données. Comment en était-on
arrivé à ce que 87
millions de personnes se fassent manipuler en toute impunité par
un obscur cabinet de conseil anglais - et sans doute quelques États au passage.
Pourquoi certains amis n'avaient pas l'air de trouver cela particulièrement
grave et pourquoi d'autres se demandaient ce que faisait la police, le
régulateur, Mark Zuckerberg ou l'État.
Il est difficile de saisir ce que Facebook sait de quelqu'un
en lisant seulement des listes très abstraites de données établies par des
juristes ou des lanceurs d'alerte. Dans des proportions raisonnables, je
livrerai donc une partie de mes traces numériques pour permettre à chacun de mesurer
l'indiscrétion de ces services Web que nous utilisons tous les jours. J'ai
aussi élaboré des critères pour distinguer les bonnes pratiques des mauvaises,
et je tâcherai de mettre à jour ce travail régulièrement pour répondre à son
objectif: aider à comprendre et à reprendre le contrôle de ses données en
ligne.
Alors que Mark
Zuckerberg se prépare pour sa convocation devant le Congrès américain,
c'est donc avec Facebook que ce feuilleton au cœur de l'intime commence, qui se
poursuivra avec d'autres services Web très gourmands en données... parce qu'il
est urgent de comprendre de quoi leur modèle est fait et comment rester maître
de ses propres données. Si vous voulez directement passer à cette partie de
reprise en main de vos paramètres de confidentialité, une fiche mémo avec les
liens et explications pratiques est disponible à la fin de cet article. Bonne
lecture!
Sur Facebook, un giga de moi
Le journalisme requiert parfois de se confronter à la plus
stricte réalité des faits: j'ai passé beaucoup trop de temps sur Facebook. J'ai
cliqué sur une publicité pour regarder le catalogue du Printemps sur mon temps
de travail. Posté des blagues que je trouve aujourd'hui particulièrement
douteuses. Prétendu assister à des événements auxquels je n'ai en fait jamais
mis un pied. Tout cela, je le sais non pas à cause d'une mémoire
eidétique mais simplement parce que j'ai téléchargé mes archives
Facebook, pesant pas moins d'un gigaoctet. Facebook permet cette option à
chacun dans la partie
paramètres (voir tutoriel ci-dessous). Même si j'avais
préalablement lu les conditions d'utilisations, qui tentent de préciser en 48
pages quelles données sont collectées, j'y ai retrouvé des traces que je
pensais à tout jamais effacées.
La liste des amis supprimés m'a par exemple rappelé la date
précise des ruptures numériques les plus marquantes de mon existence. Le moment
où j'ai organisé une tombola d'anniversaire. La mort d'un ami. Le changement de
mot de passe urgent depuis la Corse. Dans plusieurs fichiers mal rangés,
presque tout est consigné jusqu'à l'absurde. Les photos, les likes, les dates,
les lieux ou les appareils depuis lesquels je me suis connectée. Alors que la
mémoire veille à faire oublier ou refouler certains souvenirs douloureux,
Facebook recueille même quels stickers j'ai utilisé sur son application
Messenger. Et n'hésite pas à partager cette base de données quasi clinique avec
toutes ses autres sociétés, selon des conditions que l'entreprise n'a pas jugé utile
de détailler. Les plus connues s'appellent Instagram ou WhatsApp et ont chacune
plusieurs centaines de millions d'utilisateurs. Facebook Payments Inc, Atlas,
Onavo, Moves, Oculus, WhatsApp Inc., Masquerade, CrowdTangle sont moins
connues, tout comme les laboratoires de recherche de Facebook et surtout, ses
services marketing.
Intéressée par les chaussettes
Centres d'intérêt incompréhensibles repérés parmi mes 223
thèmes publicitaires - Crédits photo : Elisa Braun
Dans mes archives, je peux observer le travail considérable
que ces services marketing ont fait pour tenter de définir mon profil de
consommatrice autour de «centres d'intérêt» ou «thèmes publicitaires». Il en
existe des centaines de milliers possibles (de Beyoncé à Donald Trump, en
passant par le football ou les macaronis), et chaque compte s'en voit attribuer
au moins six. Il est possible de consulter et régler ici une
partie de ces informations sur nos goûts mais la liste la plus complète se
trouve dans le fichier «ads» de vos archives. Pour Facebook, ces listes sont
très utiles: des marques peuvent lui acheter un emplacement publicitaire qui
apparaîtra auprès de ceux qui sont le plus susceptibles d'être intéressés. Par
exemple, une marque de pizza peut cibler quelqu'un comme moi, apparemment
intéressée par la gastronomie italienne.
Centres d'intérêt plutôt dérangeants sur lesquels on a pu me
cibler. - Crédits photo : Elisa Braun
Dans la liste de mes 223 thèmes publicitaires, je découvre
aussi un portrait de fille modèle: j'aimerais donc l'histoire de l'art, la
langue française, les chats, le Collège de France, la philosophie et les
chaussettes. D'autres me rappellent à la réalité: j'aime surtout les memes (ces
blagues récurrentes sur Internet), la nourriture, les magazines et la bière.
Enfin, une bonne partie me met franchement mal à l'aise: que signifie cet
intérêt pour “colères”? pour Jésus? Comment Facebook croit-il savoir cela de
moi ou l'a-t-il déduit? Est-ce que des entreprises ou des États se sont servis
de ces informations pour me “profiler”? Pire: est-ce que d'autres personnes,
qui ont des intentions bien moins louables que celle de me vendre une voiture,
ont eu accès à ces détails que je n'ai jamais consenti à divulguer ou qui sont
faux?
Cela, bizarrement, Facebook ne me le dit ni dans mes
archives, ni dans ses conditions d'utilisation. Le peu d'explications qu'il
fournit sur son modèle publicitaire a même été qualifié de «vague et trompeur»
par une
équipe de chercheurs de la Northeaster University, du CNRS et du Max Planck
Institute. Dans leur article, ils expliquent que Facebook s'est
par exemple offert les services de data brokers (ou
agrégateurs de données, des acteurs qui chassent les bases de données auprès de
magasins, start-up, chaînes hôtelières et les revendent au plus offrant). Cela
permet par exemple d'associer un numéro de carte bancaire à certains achats, ou
de définir un profil socio-économique. Ensuite, un algorithme se charge de
croiser ces informations et de se livrer à des suppositions pour définir de
nouveaux centres d'intérêt publicitaires. Dans ma liste de thèmes
publicitaires, je repère donc des informations qui n'ont rien à voir avec ce
que je fais sur Facebook. Je me mets même à élaborer des suppositions qui
frôlent la paranoïa: pour mettre «poignet» dans cette liste, Facebook sait-il
que je me le suis foulé il y a trois ans? Et comment connait-il mon salaire?
»LIRE AUSSI: Sur
Facebook, 65% des Français ciblés sur leur orientation sexuelle, politique ou
religieuse
La passoire du Web
Sur Internet, des communautés entières se sont constituées
pour profiter des quantités fourmillantes d'informations qui circulent sur
Facebook. On les appelle les OSINTers (pour “Open Source Intelligence”).
Simples Sherlock Holmes amateurs ou professionnels de l'intelligence économique
(un euphémisme pour parler d'espionnage industriel ou politique), ils se sont
spécialisés dans la recherche d'astuces pour retrouver des informations sur
n'importe qui grâce aux réseaux sociaux. Facebook est l'un de leurs terrains de
jeux favoris, tant l'entreprise s'est progressivement transformée en plus
grosse passoire du Web. Jusqu'à peu, il était très facile de retrouver
quelqu'un sur Facebook à partir d'un simple numéro de téléphone ou son adresse
mail. Même les plus prudents seraient surpris de voir ce qui passe outre leur
vigilance. À l'aide du simple identifiant de profil de Mark Zuckerberg (le
chiffre «4»), il est très simple d'obtenir des informations que lui-même ou ses
services de communication n'ont probablement pas souhaité rendre accessibles à
n'importe qui.
● Voici ainsi des photos où Mark Zuckerberg est
tagué en 2005, mais je pourrais aussi demander les photos prises à
une date précise et ainsi connaître une partie de l'agenda de cet homme très
médiatique.
● Toutes
les photos de Mark Zuckerberg prises dans les locaux de Facebook,
mais je pourrais aussi demander à Facebook de repérer celles prises à proximité
de son domicile.
● Toutes
les publications que Mark Zuckerberg a likées cette année
● Des
photographies plutôt savoureuses des premières années de sieste
post-soirée dans les locaux de Facebook.
De nombreux acteurs ont récupéré des informations, parfois
même de manière industrielle et illégale, à l'aide de faux profils et robots
pour “scraper” les contenus du réseau social et les enregistrer dans d'immenses
registres. D'une manière beaucoup plus légale en revanche, Facebook a permis à
des applications tierces (c'est-à-dire développées hors de sa maison) d'accéder
à une partie des informations de ses utilisateurs. Sa permissivité extensive a
ainsi permis à Cambridge Analytica de voler les informations de 87 millions
d'utilisateurs, auxquels elle proposait un simple test contre rémunération.
Facebook a récemment
avoué que plusieurs entreprises de ce type avaient «volé» des données sur son
réseau.
Mesures de rattrapages
Quand un de vos amis utilise une application de jeu pour
couper des fruits par exemple, il permet à celle-ci de connaître vos opinions
politiques et religieuses- Crédits photo : Facebook
Ces dernières semaines, Mark Zuckerberg a engagé des mesures parfois
cosmétiques, parfois
plus signifiantes pour colmater les fuites. «Nous nous sommes
longtemps concentrés sur les effets positifs de nos outils. Mais nous n'avons
pas réfléchi assez aux abus, et comment les éviter», s'est
excusé le PDG lors d'une conférence de presse. L'exposition de la vie
privée sur Facebook relève pourtant d'un choix politique que Mark Zuckerberg
feint désormais d'ignorer. Son entreprise a consciencieusement permis de
recueillir toutes ces données et de les partager à des acteurs tiers, moyennant
qu'il tire aussi sa part du gâteau. Elle leur a, sans que personne ne l'y
force, permis d'accéder aux opinions politiques et religieuses d'un
utilisateur, mais aussi à celle de ses amis (voir capture ci-contre).Toujours
plus gourmand, Facebook a aussi conclu de son plein droit en 2013 des
partenariats avec les
leaders du marché des data
brokers .
Face au tollé provoqué par l'affaire Cambridge Analytica,
Facebook a fermé
l'accès à ces plateformes. Mais son business model, centré autour du
ciblage, est loin d'être directement menacé par ces partenariats. Les données
qu'il collecte en temps réel peuvent concurrencer celles de ces “brokers”.
L'entreprise n'a d'ailleurs pas souhaité donner de chiffre sur l'impact de
cette mesure de rattrapage. Facebook n'a pas non plus révisé sa politique de
confidentialité, malgré d'apparentes clarifications. Il s'agit en fait
d'exigences portées par le nouveau règlement général sur la protection des
données (RGPD).
Lorsque l'on observe les litiges passés de Facebook en
matière de données personnelles, le profil de l'entreprise atteste en effet
d'une politique peu volontariste en matière de respect de vie privée. Depuis
2011, l'entreprise a payé rien qu'en Europe au moins 114,8 millions d'euros
d'amende aux régulateurs, ce qui en fait le géant du Web à avoir le plus
déboursé -devant Google, qui a payé 45 millions d'euros pour des infractions
liées aux données personnelles. Avant d'en arriver à ces sanctions, les
régulateurs ont procédé à de nombreuses enquêtes, avis publics, décisions de
justice intermédiaires. Auxquelles Facebook n'a pas forcément montré patte
blanche. Le gendarme des données personnelles, la Cnil, a ainsi dû le
mettre en demeure de fournir les preuves qu'il se conformait bien
à la loi française en décembre dernier, faute de nouvelles de sa part. Les
amendes des autorités des données personnelles font l'effet d'une caresse au
géant, qui a engrangé 40
milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2017 et près de 16
milliards de dollars de bénéfice.
Avec le prochain règlement général pour la protection des
données personnelles (RGPD), l'Europe sera en mesure d'appliquer des sanctions
aussi dures que celles de l'antitrust. En cas de manquements constatés, les
entreprises pourront payer jusqu'à 4% de leur chiffre d'affaires mondial et 20
millions d'euros d'amende. Mark Zuckerberg devra alors formuler
bien plus qu'un simple “désolé”.
EN ATTENDANT, QUELQUES GESTES SIMPLES POUR PROTÉGER VOS
DONNÉES:
● Télécharger ses données pour prendre la mesure de
la collecte
Il suffit d'aller ici, dans la page d'accueil
de ses paramètres, et de cliquer sur «télécharger une copie». Elle vous sera
directement envoyée par mail à l'adresse que vous utilisez pour vous connecter.
● Se livrer à l'exercice de l'auto-stalk (se
fouiller soi-même)
Quelques outils comme stalkscan permettent
de retrouver assez facilement toutes les photos sur lesquelles vous êtes
identifié, mais qui n'apparaissent pas forcément sur votre profil. Il est
possible de désactiver l'identification en cliquant sur «option» en bas à
droite d'une photo. Pensez aussi à «déliker» ou supprimer les commentaires associés
à certaines publications. Éventuellement, contactez leurs auteurs pour régler
l'audience des publications (mieux vaut éviter le mode «public»).
● Gérer ses préférences publicitaires
Il suffit d'aller sur la page directement consacrée, ici. Si vous le
souhaitez, vous pouvez supprimer un à un les centres d'intérêt qui vous ont été
attribués ou que vous affichez. La partie la plus importante se situe au niveau
de la rubrique «vos informations»: désactivez tous les boutons permettant à des
annonceurs de vous cibler en fonction de votre situation amoureuse, de votre
employeur, de votre poste ou de votre scolarité. Dans la partie «masquer les
thèmes publicitaires», activez le bouton «définitivement» sur la partie
«alcool».
● Régler ses paramètres
Passez du temps à fouiller les différentes rubriques et
notamment celle
portant sur la confidentialité. Mieux vaut permettre l'accès à votre
adresse mail ou à votre numéro de téléphone à vos seuls amis. Activez
aussi l'examen
des publications avant d'être tagué.
● Supprimer son compte
C'est par ici. En
revanche, attention: la démarche est irrévocable, contrairement à la
désactivation. Votre compte Facebook restera actif pendant 14 jours après votre
demande. En cas de connexion avec vos identifiants durant cet intervalle, le
processus de suppression sera annulé.
La rédaction vous conseille :
- Sous
pression, Facebook tourne le dos aux agrégateurs de données
- Facebook:
le géant du numérique tombe de son piédestal
- Sur
Facebook, 65% des Français ciblés sur leur orientation sexuelle, politique
ou religieuse
Attaque de Magnanville : une policière et ses enfants
arrêtés (09.04.2018)
Ces gardes à vue visent à établir comment le terroriste
Larossi Abballa a choisi ses victimes et trouvé leur adresse.
La fille d'une policière et une jeune femme de ses
relations, islamiste radicale, placées en garde à vue, la policière elle-même
interpellée avec son fils et deux membres de son entourage… Si la prudence
s'impose avant la fin des gardes à vue, le dernier rebondissement de l'enquête
sur l'assassinat de deux policiers à Magnanville (Yvelines), le 13 juin 2016,
est des plus spectaculaire.
Près de deux ans après l'attentat, les policiers continuent
notamment à se demander pourquoi le terroriste Larossi Abballa a ciblé le couple de policiers Jean-Baptiste Salvaing et Jessica
Schneider, tués à l'arme blanche, Jessica Schneider étant assassinée en
présence de leur fils de 3 ans. Jusqu'à présent, ce choix demeurait
énigmatique: de source proche du dossier, on a toujours précisé que rien ne
laissait supposer que le délinquant Abballa avait croisé le chemin du commandant
de police Salvaing dans le cadre d'une procédure policière ou judiciaire.
L'islamiste avait pourtant assurément connaissance de l'adresse du couple et il
a effectué des repérages avant de passer à l'attaque. Abballa a-t-il alors
frappé par hasard ou lui avait-on livré des informations sur ses cibles?
» LIRE AUSSI - Policiers tués à Magnanville: l'enquête en cinq questions
Une fichée S
Le coup de filet opéré lundi par la sous-direction
antiterroriste (Sdat) avec l'aide du Raid vise à tenter d'éclaircir ce mystère.
Dans les six personnes, trois femmes et trois hommes, placées en garde à vue,
on compte une policière de 48 ans, ancienne syndicaliste pour Alliance.
Elle ne serait pas mise en cause directement. Sa fille, âgée de 29 ans,
est également entendue. Enfin une des connaissances de cette dernière,
islamiste radicale fichée S et âgée de 25 ans, a été également placée
en garde à vue après avoir été extraite de sa cellule. Dans un autre dossier,
elle a en effet été mise en examen et écrouée en 2017 pour association de
malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Elle aurait aidé des
islamistes à partir vers la zone syro-irakienne.
Quant aux trois hommes, âgés de 26, 30 et 33 ans, il
s'agit du frère de la fichée S, qui aurait connu Abballa, d'un membre de
l'entourage de la policière et de son fils. Major de police, cette dernière
avait fait l'objet d'une enquête de police interne en 2016 pour avoir hébergé
la connaissance de sa fille fichée S. À noter au passage que les policiers
«de base» n'ont aucun moyen légal de savoir si une personne est visée par une
fiche S, outil confidentiel de renseignement, ce que déplorent d'ailleurs les fonctionnaires en poste dans
les Yvelines. Dans les six personnes visées par les interpellations de
lundi, l'islamiste radicale déjà incarcérée semble être au cœur des
interrogations des enquêteurs. Les interrogatoires permettront peut-être de
savoir si elle a pu glaner des informations précieuses et les mettre à
disposition de ceux qui préparaient l'attaque de Magnanville.
La «galaxie Rachid Kassim»
Car, si la question du choix de la cible se pose toujours,
l'enquête a connu des avancées sur celle des complicités dont aurait bénéficié
Larossi Abballa. On savait déjà qu'il était en contact, via les réseaux
sociaux, avec la «galaxie Rachid Kassim», djihadiste derrière plusieurs attaques en France et qui
aurait trouvé la mort en zone syro-irakienne. Deux de ses contacts,
islamistes radicaux, Charaf Din Aberouz et Saad Rajraji, condamnés avec lui en
2013 dans une filière djihadiste, ont été mis en examen pour un
soutien logistique sans participation directe à l'attentat. Ils ont été remis
en liberté et placés sous contrôle judiciaire.
Le frère de Charaf Din Aberouz, Mohamed Lamine, a été quant
à lui mis en examen en décembre dernier, cette fois pour «complicité
d'assassinats terroristes» et incarcéré. L'intéressé avait été entendu en garde
à vue au printemps 2017 puis remis en liberté sans être poursuivi. Quelques
mois plus tard, les policiers avaient établi un lien entre lui et une trace ADN
retrouvée sur l'ordinateur des policiers utilisé par Larossi Abballa pour
revendiquer son attaque au nom de l'État islamique.
La rédaction vous conseille :
- Magnanville:
«La douleur est vive et ne s'effacera jamais»
- À
Magnanville, cet attentat qui a touché les policiers dans leur chair
- Magnanville:
un an après l'attentat, l'inquiétude des forces de l'ordre des Yvelines
- Attaque,
assaillant, enquête: les faits connus sur le meurtre de deux policiers
À
Münster, la police passe au crible le passé du conducteur qui a foncé sur la
foule (07.04.2018)
VIDÉO - Deux personnes sont décédées et une vingtaine
d'autres ont été blessées samedi dans la ville allemande. Le conducteur,
qui s'est suicidé, souffrait de troubles psychiques et avait déjà tenté de
se donner la mort. Les autorités tentent de cerner les motivations de son acte
alors que la piste de l'attentat a été écartée.
Un véhicule a
foncé samedi après-midi dans la foule à Münster, dans le nord-ouest de
l'Allemagne. Les autorités font état de deux morts et d'une
vingtaine de blessés, dont six entre la vie et la mort. Les faits ont eu lieu
vers 15H30 dans le centre-ville, à une heure très fréquentée où les rues
étaient pleines et les commerces remplis de clients, en cette journée
ensoleillée. Le conducteur, Jens R., âgé d'environ 48 ans, a «foncé sur des
terrasses de café et de restaurant sur une place du centre-ville», a indiqué
une porte-parole de la police.
Dans la foulée, le conducteur du véhicule s'est suicidé avec
une arme à feu «dans son véhicule», ont également rapporté les autorités,
précisant qu'elles ne recherchaient aucun autre suspect. Un «objet suspect»
ressemblant à un explosif a été découvert dans sa camionnette et une équipe de
déminage a été dépêchée sur place. Selon l'hebdomadaire Spiegel, les
policiers ont saisi un fusil d'assaut à son appartement.
L'hypothèse de l'attaque terroriste a été écartée, affirmait
samedi soir le ministre de l'Intérieur de la région du nord-ouest de
l'Allemagne, Herbert Reul. «Rien n'indique pour le moment qu'on ait affaire à
des motivations islamistes», a-t-il dit à la presse. Ce dimanche matin, le
procureur a indiqué que les autorités n'avaient «jusqu'ici aucun élément sur de
possibles motivations pour cet acte, l'enquête explore avec beaucoup
d'intensité toutes les directions».
Des troubles psychologiques
Samedi, plusieurs médias révélaient que le conducteur de
nationalité allemande souffrait de troubles psychologiques. Ce que le ministre
de l'Intérieur de Rhénanie du Nord-Westphalie a confirmé. «Nous savons
maintenant qu'il n'y avait vraisemblablement qu'un seul assaillant, un
Allemand», a ajouté Herbert Reul. L'homme n'avait pas d'antécédent terroriste.
Toujours selon les médias, l'homme connu pour un passé de petit délinquant et
des actes de violences connaissait des difficultés professionnelles. Il avait
fait «il y a peu» une tentative de suicide, selon la chaîne de télévision publique
ZDF. Le conducteur du véhicule-bélier était «un Allemand et non un réfugié
comme on le colporte partout», a encore souligné Herbet Reul.
Selon Hans-Joachim Kuhlisch, chef de la police de Münster,
des perquisitions ont été effectuées cette nuit dans les quatre appartements
que l'homme âgé de 48 ans possédait. Les recherches effectuées jusqu'ici n'ont
pour le moment pas permis de privilégier la piste politique. Selon la chaîne
ZDF, il entretenait des liens avec les milieurs d'extrême droite. Les deux
victimes, de nationalité allemande, sont une femme de 51 ans et un homme de 65
ans.
L'Allemagne, cible des djihadistes
L'incident a réveillé les pires craintes des Allemands. À
deux reprises en 2017, en
février puis en
novembre, deux conducteurs avaient fauché un groupe de personnes avec
leur voiture. Dans les deux cas, la piste terroriste n'avait pas été
privilégiée. Les autorités allemandes restent néanmoins vigilantes en raison de
la menace djihadiste qui pèse sur le pays. L'Allemagne avait été frappée par
un attentat à la voiture bélier en décembre 2016 sur un marché de Noël,
qui avait fait 12 morts et fut revendiqué par l'organisation État islamique
(EI). Son auteur, le Tunisien Anis Amri avait été tué quelques jours plus tard
près de Milan.
Plus récemment, à la fin du mois de juillet 2017, un
demandeur d'asile en passe d'être débouté a tué une personne à coups de couteau
dans un supermarché et en a blessé six autres, un acte motivé selon la justice
par «l'islamisme radical». Et fin octobre, la police allemande a interpellé un
Syrien de 19 ans soupçonné de préparer un «grave attentat» à la bombe. Les
mouvements islamistes potentiellement violents ont connu ces deux dernières
années un essor dans le pays. Les services du renseignement intérieur estiment
à environ 10.000 le nombre d'islamistes radicaux en Allemagne, dont 1600
soupçonnés de pouvoir passer à la violence. Le pays reste une cible pour des
groupes djihadistes, en particulier en raison de son engagement au sein de la
coalition combattant l'EI en Irak et en Syrie et dans celle déployée en
Afghanistan depuis 2001.
La rédaction vous conseille :
- Münster:
Macron présente ses condoléances
- Véhicule-bélier
en Allemagne: la piste de l'attentat écartée pour le moment
- Münster:
après le drame, l'Allemagne résiste à l'emballement
Le compte de la rédaction du Figaro.fr. Sur Twitter : @Le_Figaro
Ses derniers articles
- Le
Racing 92 domine Toulon
- Lucien
Favre (entraîneur de Nice) : «ce n'était pas bon en première mi-temps»
- La
lettre d'adieu de son ex-femme à Jacques Higelin : «On s'était dit à la
vie, à la mort»
Un front
commun Trump-Macron après l'attaque chimique en Syrie (09.04.2018)
INFOGRAPHIE - Après le bombardement chimique présumé qui
aurait fait 48 morts à Douma, la France et les États-Unis ont menacé le régime
de Bachar el-Assad d'une « réponse forte ».
Dans le domaine international, c'est sans doute son premier
vrai test de crédibilité depuis qu'il est arrivé à l'Élysée en mai 2017. Si des
doutes avaient subsisté après les dernières attaques chimiques en Syrie, la
ligne rouge fixée l'an dernier par Emmanuel Macron, puis affinée le mois
dernier par son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a
cette fois été franchie. Selon les organisations humanitaires, le
nouveau massacre chimique de la Douma, le dernier bastion rebelle, dans
la Ghouta orientale, aurait fait 48 morts. Sur les réseaux sociaux, les
photos des enfants en train de suffoquer sont insoutenables. Et le médecin
Raphaël Pitti, responsable d'une ONG française, pense qu'une substance,
peut-être du sarin, aurait été ajoutée au chlore pour amplifier les effets de
l'attaque. En 2017, le chef de l'État avait promis que «toute utilisation
d'armes chimiques» en Syrie donnerait lieu à des «représailles» ainsi qu'à «une
riposte immédiate», même si la France devait, pour faire respecter ces
principes, agir seule. Le 2 mars dernier, le chef de la diplomatie
française a ajouté une clause supplémentaire - la létalité - à cette
ligne rouge trop souvent testée sur le terrain par les forces du régime et leur
principal allié russe.
» LIRE AUSSI - Syrie:
six années d'impuissance face aux armes chimiques
Le problème des lignes rouges, c'est qu'il faut les
respecter quand elles sont franchies. Pour avoir omis de le faire en août 2013,
faisant ainsi capoter des frappes militaires destinées à punir le régime après
le massacre chimique de la Ghouta, auxquelles la France tenait
particulièrement, Barack Obama avait jeté une ombre indélébile sur son bilan de
politique internationale. Aujourd'hui encore, la plupart des responsables
français sont persuadés que le destin de la Syrie aurait pu être différent si
le président américain et le premier ministre britannique n'avaient pas fait
volte-face au dernier moment. «Ce fut une belle occasion manquée», affirme l'un
d'eux. Paris, Londres et Washington: les trois protagonistes de l'été 2013 se
sont parlé plusieurs fois au téléphone depuis l'attaque chimique commise
samedi. Ils se sont prononcés pour une réponse internationale «forte» et
agitent la menace de lancer des frappes militaires. S'il s'abstient de
répondre, Donald Trump sera taxé de faiblesse, alors qu'il doit rencontrer
d'ici à la fin du printemps le dictateur nord-coréen, auquel il aimerait
imposer une sortie de crise dans le dossier nucléaire. Mais, derrière le régime
syrien, c'est aussi le Kremlin qui teste la crédibilité de la ligne rouge
française et défie Donald Trump quelques jours seulement après qu'il ait dit
son intention de retirer les troupes américaines de Syrie. Washington et Paris
reprochent à Moscou, parrain de l'accord de démantèlement des armes chimiques
syriennes en août 2013, de ne pas avoir tenu ses promesses. «Les Russes
s'étaient engagés à détruire l'arsenal chimique du régime. Ils ne l'ont pas
fait», rappelle un responsable français proche du dossier. En laissant les
Syriens dissimuler une partie de leurs stocks, ils ont, poursuit un spécialiste,
«ouvert la boîte de pandore». Il croit savoir que des agents chimiques sont
passés, depuis août 2013, dans les mains des djihadistes de l'État islamique.
Il redoute que les combattants de Daech, une fois de retour en Europe, soient
tentés d'utiliser ce mode opératoire devenu courant en Syrie.
» LIRE AUSSI - La
Syrie accepte le contrôle de son arsenal chimique
Mais la sensibilité française au terrorisme chimique a
d'autres racines: le traumatisme de la guerre de 1914-1918, l'engagement de
Paris dans la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive,
la conférence internationale organisée par la France au début de l'année pour y
mettre fin. «Les Russes ont aidé à lever un dangereux tabou», affirme un
diplomate. Il pointe du doigt l'affaire Skripal à Londres et l'assassinat au
VX, en février 2017, du beau-frère de Kim Jong-un, le dictateur nord-coréen, en
Malaisie.
Pour autant, la décision de faire ou non respecter la ligne
rouge française en Syrie, avec ou sans les Américains, peut encore buter sur
plusieurs obstacles. Le premier est «la grande difficulté», selon une source au
ministère de la Défense, d'opérer «la traçabilité de l'attaque», en raison de
la volatilité de certaines substances chimiques comme le chlore et malgré le
fait que Bachar el-Assad ait été désigné à quatre reprises comme le principal
responsable d'attaques au gaz toxique par des enquêteurs de l'ONU depuis 2014.
L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) a ouvert une
enquête lundi pour essayer d'établir les faits rapidement. Le deuxième est la
résistance opposée par les Russes à toute forme d'action contre le régime
syrien. Alors qu'ils s'apprêtaient hier à porter leur déni au conseil de
sécurité, les responsables russes ont contré les menaces de frappes brandies
par les Américains et par les Français. Sergueï
Lavrov, le chef de la diplomatie russe, a dénoncé une «provocation» des
rebelles. Il prévient qu'il serait «dangereux» de tirer des conclusions sans informations
confirmées. Le troisième tient au fait que la situation des forces en présence
en Syrie s'est complexifiée depuis août 2013, avec l'entrée en scène de
nouveaux acteurs militaires, notamment la Russie, l'Iran et la Turquie.
L'imbrication des forces, mais aussi les dénis d'accès opposés par les forces
russes à leurs adversaires occidentaux dans les zones qu'ils contrôlent avec
leurs avions et leur défense antiaérienne, rendent plus difficile toute
opération qui serait plus ambitieuse qu'une frappe politique, ou diplomatique,
contre le régime syrien. Celle de Donald Trump, en avril 2017, n'avait
d'ailleurs rien changé à la situation en Syrie…
La rédaction vous conseille :
- Attaque
chimique présumée en Syrie: les États-Unis n'excluent pas un recours à la
force
- L'isolationnisme
à géométrie variable de Donald Trump
Le
dangereux face-à-face entre Turcs et Occidentaux dans le nord de la Syrie
(09.04.2018)
REPORTAGE - Les forces kurdes, combattants de Daech de la
première heure, sont aujourd'hui contraintes de défendre leur position contre
les attaques turques et redoutent un départ de la coalition
américano-française.
Envoyé spécial à Dadat et Manbij
Les Français restent invisibles mais les Américains se
montrent ostensiblement. Dans la campagne verdoyante au nord de Manbij, grosse
ville syrienne à une trentaine de kilomètres à l'ouest de l'Euphrate, un grand
drapeau étoilé flotte sur une colline plantée d'oliviers au-dessus du village
de Dadat. Au pied du drapeau, une douzaine de gros véhicules blindés américains
sont garés devant un fortin fait de gabions pliants, sorte de grands paniers
cubiques remplis de terre et empilés de façon à former des remparts.
L'installation de la petite unité américaine sur cette crête
au nord de la Syrie date de quelques jours à peine. Devant la position,
d'autres gabions attendent d'être déployés pour compléter la fortification.
Même si les soldats refusent de parler à des étrangers, leur présence n'a rien
de secret. Tout au contraire: leur détachement est placé là pour être
parfaitement visible et dissuader toute attaque.
«Les Forces spéciales françaises ne se montrent pas, mais
elles sont là aussi, nous leur avons aménagé des positions aux alentours»,
assure le commandant Kendal, un officier kurde du comité militaire de Manbij,
chargé de la liaison avec les forces occidentales. «Nous nous sommes battus
ensemble contre Daech, aujourd'hui nous avons encore besoin de nos alliés de la
coalition.»
» LIRE AUSSI - Paris renforce son soutien aux Kurdes de Syrie
Trois ans après leur déploiement dans le nord de la Syrie
pour appuyer les milices kurdes syriennes contre l'État islamique, les forces
de la coalition internationale viennent de se voir confier une nouvelle mission
au profit des Kurdes syriens. Mais cette fois, l'adversaire n'est plus Daech. La
menace vient d'une force régulière, qui plus est elle aussi membre de l'Otan et
nominalement alliée de la coalition: l'armée turque.
«Vous voyez une position turque là-bas, sur la crête»,
indique Mahmoud Anah par l'embrasure d'un poste d'observation renforcé de sacs
de sable. Ce jeune soldat à peine sorti de l'adolescence combat dans les rangs
des Forces démocratiques syriennes (FDS), la formation qui englobe les milices
kurdes de protection populaire (YPG) et leurs alliés arabes locaux, déployés
sur le front de Manbij. Mahmoud montre du doigt un sommet de colline où la
terre a été fraîchement retournée. Avec une dizaine d'autres soldats guère plus
âgés que lui, Mahmoud occupe un poste avancé au-dessus de Dadat, à environ un
kilomètre devant la position américaine. Ils remplissent une mission de
«sonnette». En cas d'attaque, ces soldats serviront à prévenir les lignes de
défense principales du début de l'offensive, sans grandes chances de la
ralentir plus de quelques minutes.
«Je suis heureux que les Américains soient là sinon on
pourrait être attaqués (par les Turcs) à tout moment»
Mahmoud, combattant kurde
«À côté des Turcs, vous avez une position de l'Armée
syrienne libre», poursuit Mahmoud Anah, le bras tendu. Complication
supplémentaire, l'armée turque est accompagnée elle aussi d'alliés syriens:
sous le nom d'Armée syrienne libre, celui pris par les insurgés syriens contre
le régime de Bachar el-Assad au début de leur soulèvement, ces supplétifs
arabes, recrutés largement dans les rangs de groupes djihadistes, appuient et
accompagnent l'opération «Rameau d'Olivier», lancée par l'armée turque le 20 janvier
dernier, mettant ostensiblement à sac les maisons kurdes conquises.
«Depuis la chute du canton d'Afrine, le mois dernier,
beaucoup de renforts turcs sont arrivés, certains hier encore», dit Mahmoud.
«Je suis heureux que les Américains soient là», dit-il, «sinon on pourrait être
attaqués à tout moment». Après s'être emparée du canton d'Afrine et l'avoir
livré au pillage de leurs alliés arabes, l'armée turque menace à présent
Manbij. Cette ville, reprise en 2016 à l'État islamique par les FDS, est la
position la plus avancée des Kurdes syriens à l'ouest du fleuve Euphrate. Le
président turc Erdogan, qui considère comme intolérable l'existence le long de
sa frontière d'une entité kurde syrienne apparentée au PKK, le parti
séparatiste kurde de Turquie, a désigné Manbij comme le prochain objectif pour
ses troupes.
Cette menace représente un casse-tête diplomatique et
militaire supplémentaire pour la coalition internationale rassemblée par
Washington contre l'État islamique. D'abord parce que l'opération d'Afrine a
déjà fait échouer l'offensive finale contre Daech dans le sud de la Syrie, les
combattants kurdes ayant suspendu leurs opérations pour se redéployer face à
cette nouvelle menace. Mais ensuite et surtout parce qu'elle oblige Washington,
et Paris, à choisir entre deux mauvaises options: soit les Occidentaux cèdent
aux pressions d'Erdogan et abandonnent en rase campagne leurs alliés kurdes
après qu'ils ont payé le prix du sang pour reconquérir le territoire syrien de
Daech, perdant ainsi ce qui leur reste de crédibilité dans la région ;
soit ils placent un rideau de troupes en travers du chemin d'un allié de l'Otan
au comportement de plus en plus erratique, et qui dispose d'un pouvoir de
nuisance considérable, au risque de voir la situation déraper à tout moment.
«Jusqu'à présent les chefs américains nous ont confirmé
qu'ils resteraient et riposteraient en cas d'attaque, notamment aérienne, de la
part de la Turquie»
Abou Adel, le chef du conseil militaire de Manbij
Les déclarations de Donald Trump, qui a récemment annoncé
vouloir retirer au plus vite ses troupes de Syrie, ont pour l'instant été
contredites par le déploiement des forces américaines devant les positions
turques. Mais ce face-à-face entre plusieurs membres de l'Otan sur l'Euphrate
reste potentiellement dangereux. «Il y a de grands risques que les Turcs
attaquent», dit Abou Adel, le chef du conseil militaire de Manbij.
«Mais aussi longtemps que la coalition sera présente, je
pense qu'ils hésiteront. Jusqu'à présent les chefs américains nous ont confirmé
qu'ils resteraient et riposteraient en cas d'attaque, notamment aérienne, de la
part de la Turquie. Manbij est notre ville, nous l'avons libérée de l'État
islamique, nous allons la conserver», dit-il. «Nous n'avons pas attaqué la
Turquie ou la Russie, nous sommes ici chez nous.»
Le commandant Abou Adel déplore aussi la suspension des
opérations contre Daech. «L'État islamique est loin d'être vaincu»,
ajoute-t-il. «Ses combattants sont encore là et bien actifs dans la région de
Deir Ezzor. Ces derniers jours, ils se sont emparés de puits de pétrole
appartenant au régime syrien. Mais nous ne pouvons rien faire, nous avons été
obligés de ramener nos combattants vers Manbij: nous n'allons pas continuer à
combattre l'État islamique pendant que nos villes et nos familles sont
attaquées par la Turquie.»
Outre les Turcs au nord et l'État islamique au sud-est, les
FDS de Manbij font aussi face au régime syrien de Bachar el-Assad vers l'ouest.
«On n'a pas eu d'accrochages avec eux», dit Abou Adel. «On ne les aime pas plus
que ça, mais nous n'avons pas de contentieux majeur pour le moment sur ce
front.»
«Erdogan se comporte plus comme un chef de milice que
comme un chef d'État»
Dans les rues de Manbij, l'atmosphère est presque normale.
Des soldats américains s'arrêtent même pour acheter des kebabs. Mais les
habitants se disent inquiets. «À Afrine, la Turquie a montré son véritable
visage», dit Cheikh Farouk el-Machi, le coprésident du Comité civil de Manbij,
l'organe de gouvernement placé à la tête de la ville. «Ils se prétendent des
libérateurs, mais ils se comportent comme une force d'occupation. Ils défient
et menacent tout le monde, et Erdogan se comporte plus comme un chef de milice
que comme un chef d'État.»
Dans le bureau de l'«Organisation de l'aide aux familles des
martyrs», qui prend en charge les conjoints et enfants des combattants des FDS
tombés au feu, l'inquiétude est la même. «On compte beaucoup sur la présence
des forces de la coalition», dit Kifal, une jeune veuve dont le mari a été tué
en 2016 pendant les combats pour reprendre Manbij à l'État islamique, «mais on
n'est pas tranquilles quand on entend les responsables occidentaux changer
d'avis d'une semaine à l'autre».
D'autant que le front n'est pas calme. Sur la route d'Alep,
où une grosse base américaine est installée au pied d'une gigantesque antenne
de communication, le commandant Kendal indique sur une tablette les positions
des forces turques. «La pression a augmenté beaucoup depuis la chute d'Afrine»,
dit-il. «Il y a des incidents presque tout le temps. Ce sont des tirs de
mitrailleuse lourde, ou parfois de mortier ; la nuit, ils tirent des obus
éclairants. On soupçonne les soldats turcs de se déployer en première ligne.
Sans la présence des forces de la coalition, ils auraient déjà attaqué.»
La rédaction vous conseille :
- Attaque
chimique en Syrie: sous pression, Trump calibre sa réponse
- Israël
accusé d'avoir frappé une base militaire en Syrie
Bolton,
un faucon à la droite de Trump (09.04.2018)
ENQUÊTE - John Bolton a pris lundi ses fonctions de
directeur du Conseil de sécurité nationale - le troisième à occuper ce poste en
quatorze mois. Cet interventionniste affilié aux néoconservateurs ne cache pas
sa défiance à l'égard des règles et des institutions internationales et «croit
passionnément aux guerres préventives».
De notre correspondant à Washington
Le 29 mars dernier, le secrétaire à la Défense, James
Mattis, l'a accueilli sur les marches du Pentagone avec une plaisanterie
aigre-douce: «J'ai entendu dire que vous étiez le diable incarné, je voulais
vous rencontrer.» John Bolton, 69 ans, a souri sous sa grosse moustache
blanche, sans dissimuler son plaisir. Peu d'hommes sont précédés d'une
réputation aussi sulfureuse que lui - patiemment bâtie et totalement assumée.
Au soir du 22 mars, lorsque Donald
Trump a annoncé le choix de son troisième directeur du Conseil de sécurité
nationale (CSN) en quatorze
mois, l'immeuble Eisenhower qui jouxte la Maison-Blanche s'est vidé
sous le choc plus tôt que d'habitude. Au département d'État comme au siège de
l'ONU à New York, ceux qui se souviennent du passage de Bolton ont
ressorti leur armure. L'homme qui remplace depuis lundi le général H.R.
McMaster ne s'est jamais distingué par ses idées modérées ou ses manières
douces. «Son style sera de diriger un CSN impérial, où les ministères devront
mettre en œuvre sans discuter la politique décidée à la Maison-Blanche», prédit
Mark Groombridge, qui fut son assistant au département d'État.
La crise provoquée par la
récente attaque chimique en Syrie va mettre immédiatement à
l'épreuve sa vision du poste. «Bolton a toujours été un provocateur, observe
John Bellinger, ancien du NSC et du département d'État. Mais on peut penser que
certaines actions agressives qu'il préconisait lorsqu'il n'était pas au
gouvernement lui apparaîtront différemment maintenant qu'il est responsable des
conséquences.» Christopher Hill, un diplomate rompu aux négociations avec
la Corée du Nord, souligne qu'il bénéficie d'une «énorme promotion: il
n'a jamais eu ce niveau de responsabilité auparavant», explique-t-il à The
Atlantic. «Il a toujours été une sorte d'électron libre, amusant mais pas
particulièrement décisif. Tout cela change maintenant.»
«C'est un poseur de bombes. Et un drôle de petit enfoiré.
Mais vous avez besoin de lui.»
Roger Ailes, feu le patron de Fox News à Steve Bannon
Ces observateurs méfiants sont exactement le genre de
«bureaucrates» que méprise le nouveau conseiller - un trait qu'il partage avec
le président. Dans ses Mémoires, Capituler n'est pas une option (1),
Bolton dénonce «les carriéristes du département d'État formés à l'accommodement
et au compromis avec les étrangers plutôt qu'à la défense agressive des
intérêts américains.» Ce n'est pas un hasard si Steve Bannon, champion de la
lutte contre «l'État profond», avait recommandé de l'embaucher dès la formation
du gouvernement. Trump résistait, redoutant qu'il soit recalé par le Sénat
comme en 2005 - et apparemment rebuté par sa moustache «ringarde». Mais le poste
de conseiller à la sécurité nationale ne requiert pas l'approbation du Sénat.
«C'est un poseur de bombes, aurait dit à Bannon Roger Ailes,
feu le patron de Fox News (2). Et un drôle de petit enfoiré. Mais vous avez
besoin de lui.» La description renvoie sans doute à son caractère irascible et
batailleur, quoique habile à flatter les puissants. Trump semble avoir été
convaincu par ses fréquentes apparitions sur la chaîne conservatrice, où Bolton
ne s'est jamais montré avare de compliments envers le président. Lors d'une
audience devant le Sénat pour sa confirmation - jamais aboutie - au poste
d'ambassadeur à l'ONU en 2005, Carl Ford, un républicain qui l'avait côtoyé au
département d'État, le décrivait ainsi: «A kiss-up kick-down sort of guy», un
type obséquieux avec ses supérieurs et «qui abuse de son autorité avec les
petites gens.»
Ce fils de pompier de Baltimore a pourtant des origines
modestes. Diplômé de Yale, avocat de formation, il a passé l'essentiel de sa
carrière dans le gouvernement fédéral - servant tous les présidents
républicains depuis Reagan - ou dans les think-tanks conservateurs qui font
office de salle d'attente durant les Administrations démocrates. Comme
sous-secrétaire d'État sous George W. Bush, il a retiré la signature américaine
du Tribunal pénal international et lancé avec succès l'Initiative de sécurité
contre la prolifération (PSI). Comme représentant aux Nations unies - un
«intérim» de dix-sept mois faute de vote du Sénat -, il a mis en pratique sa
philosophie d'une institution qui «pourrait perdre dix étages sans que cela ne
change rien». «Je connais son dédain de l'ONU et je le partage», déclare
l'actuelle titulaire, Nikki Haley.
Des accusations de harcèlement sexuel ont été portées
contre Bolton, un autre point commun avec le président
Surestimant sa notoriété, Bolton avait brièvement envisagé
de s'aventurer dans la course présidentielle en 2016. À la place, il a créé
deux comités d'action politique (PAC) à son nom, qui ont levé 15 millions
de dollars depuis 2013. Il devra les mettre en sommeil, ainsi que sa Fondation
pour la sécurité et la liberté de l'Amérique. Son principal donateur est le
milliardaire Robert Mercer, financier de Bannon, actionnaire de Breitbart News
et de Cambridge Analytica. Bolton fut l'un des premiers clients aux États-Unis
de cette entreprise accusée d'avoir manipulé les données de 87 millions de
comptes Facebook.
Marié deux fois, père d'une fille qui a suivi ses traces à
Yale, John Bolton maintient sa vie privée dans l'ombre. D'après les documents
de son divorce en 1983, sa première épouse avait profité d'une de ses absences
pour fuir le domicile conjugal en emportant les meubles. Des accusations de
harcèlement sexuel ont été portées contre lui, un
autre point commun avec le président. «Si je dis ça à Trump, il va
l'embaucher», avait répliqué Bannon à Ailes qui lui confiait la chose (2). Les
commentateurs politiques se sont étonnés que le président de «l'Amérique
d'abord», dont l'unilatéralisme a parfois été pris pour de l'isolationnisme,
recrute un interventionniste affilié aux néoconservateurs. Proche de l'ancien
vice-président Dick Cheney, Bolton avait poussé à l'invasion de l'Irak et ne
l'a jamais reniée depuis, alors que Trump y voit «une décision catastrophique».
«Il n'y a pas une seule guerre en vue d'un changement de régime, où que ce
soit, que John Bolton n'ait soutenue», dit Jon Soltz, président d'une
association de vétérans de la guerre d'Irak. Fox News l'a adoubé comme «l'homme
le plus radical sur la Corée du Nord». Dans une tribune en février au Wall
Street Journal, il jugeait «parfaitement légitime pour les États-Unis de
répondre au défi nucléaire nord-coréen en frappant les premiers». Après avoir
déclaré que «parler à Kim Jong-un est pire qu'une perte de temps», il s'est
ravisé pour applaudir le sommet accepté par Trump, «qui va l'empêcher de gagner
du temps». En 2003, l'Administration Bush avait dû le retirer de l'équipe de
négociateurs après qu'il eut qualifié Kim Jong-il de noms d'oiseau, Pyongyang
le traitant en retour d'«ordure» et de «sangsue».
«Comme Trump, les dérives totalitaires ou les violations
des droits de l'homme l'indiffèrent tant qu'elles ne menacent pas les
États-Unis»
Kmele Foster
Les dirigeants iraniens le voient aussi, avec raison, comme
un homme voué à leur perte. En janvier, il a réitéré sa condamnation de
l'accord nucléaire comme «un faux pas stratégique majeur» et préconisé que les
États-Unis «mettent fin à la révolution islamique avant son 40e anniversaire»,
en février prochain. En 2015, il conseillait déjà: «Pour stopper la bombe
iranienne, bombardons l'Iran.» Sur sa recommandation, il est probable que Trump
suivra son «instinct» et se retirera de l'accord à la mi-mai.
Bolton maintient qu'il fallait éliminer Saddam Hussein -
comme il l'a suggéré depuis pour Kadhafi, la dynastie des Kim et les ayatollahs
de Téhéran. Ce qu'il dénigre, ce sont les efforts futiles de démocratisation
qui ont suivi: «Il se serait fort bien accommodé de remplacer Saddam par un
autre dictateur à la botte de Washington tout en gardant le pétrole comme le
suggère Trump, assure Kmele Foster, qui l'a côtoyé sur Fox. Comme Trump, les
dérives totalitaires ou les violations des droits de l'homme l'indiffèrent tant
qu'elles ne menacent pas les États-Unis.»
Le monde de John Bolton est divisé en deux camps, les
vassaux et les adversaires. «Les Nations unies n'existent pas, disait-il en
1994. Ce qui existe, c'est une communauté internationale qui peut être
occasionnellement dirigée par la seule véritable puissance mondiale, quand cela
sert nos intérêts.» Son nationalisme, sa croyance en «la paix par la force», sa
défiance des règles et des institutions internationales, sa prédilection pour
les accords bilatéraux et les coalitions de volontaires, tout cela l'aligne
parfaitement sur le président qui déclarait en novembre 2015: «J'adore la
guerre, dans un certain sens.»
«Un faucon parmi les faucons, un radical qui enchante les
conservateurs et donne le frisson aux modérés»
New York Times
Comme pour ce dernier, son «réalisme cynique» divise. «Un
faucon parmi les faucons, un radical qui enchante les conservateurs et donne le
frisson aux modérés», a écrit le New York Timesà propos de
Bolton. Le New Yorker lui a décerné le brevet de «diplomate
américain le plus corrosif du XXIe siècle». «Mon Dieu, s'est exclamé le
sénateur démocrate Chris Murphy. La personne qui sera la première à entrer et
la dernière à sortir du Bureau ovale croit passionnément aux guerres
préventives.»
Sa nomination «est une bonne nouvelle pour les alliés de
l'Amérique et une mauvaise nouvelle pour ses ennemis, le contredit le
républicain Lindsey Graham. Il a une compréhension solide des menaces auxquelles
nous sommes confrontés.» Michael Rubin, son collègue à l'American Enterprise
Institute, estime: «En termes d'organisation, d'intellect, d'équité,
d'engagement et de poursuite des intérêts américains, Bolton pourrait se
révéler le meilleur conseiller à la sécurité nationale en une génération.»
Tout en le jugeant «intelligent, éduqué, doté de principes
et d'expérience», le chroniqueur conservateur George Will estime que sa
nouvelle position fait de lui «le deuxième Américain le plus dangereux» après
le président. Dans une note envoyée à ses clients, l'agence de conseil Eurasia
Group résume ainsi l'arrivée de Bolton: «L'Amérique d'abord, sous stéroïdes».
(1) Surrender
is Not an Option, Threshold Ed., 2007.
(2) Le Feu et la Fureur, de Michael Wolff, Ed.
Robert Laffont, 2018.
La rédaction vous conseille :
- Donald
Trump choisit John Bolton comme conseiller à la sécurité nationale
- Un
turnover sans précédent au sein de l'Administration Trump
NDDL :
au premier jour de l'évacuation, les récalcitrants ont été mis en défaite
(09.04.2018)
REPORTAGE - Entre une action policière efficace et un
soutien affaibli en faveur des 300 occupants sans titre, la ZAD n'était plus,
ce lundi, cette citadelle imprenable qui avait résisté, en 2012, au millier de
gendarmes engagés.
Envoyée spéciale à Notre-Dame-des-Landes
Dès 4 heures du matin ce lundi, sur la ZAD de
Notre-Dame-des-Landes, le face-à-face a duré des heures. Plongés dans le noir
et dispersés dans un champ gorgé d'eau, zadistes et forces de l'ordre se sont affrontés. Les
premiers ont lancé des projectiles en blessant un gendarme, les autres ont
répliqué en tirant des grenades lacrymogènes.
Près de trois mois après l'abandon du projet d'aéroport,
l'État a ainsi lancé une vaste opération d'expulsions visant près de 100 des
300 zadistes sur place. Dans la nuit de dimanche à lundi, les 2500 gendarmes
mobilisés avaient commencé à préparer leur intervention. Devant intervenir sur
les squats situés aux abords de la RD281, cette «route des chicanes» longtemps occupée par les
zadistes, ils en avaient bloqué les accès. Démarrant leur progression
vers 3 heures du matin, les forces de l'ordre se sont avancées avec
précaution. «Certains barrages étaient en flammes et des bouteilles de gaz ont
été retrouvées», a indiqué un peu plus tard, non loin du théâtre des
opérations, le responsable de la gendarmerie, Richard Lieurey.
Maîtrise rapide de la situation
Néanmoins, les forces de l'ordre ont assez rapidement
maîtrisé la situation. Ayant tenu à distance militants et journalistes, ils ont
procédé à diverses expulsions, en délimitant à chaque fois un périmètre précis
d'intervention. En présence des services sociaux, de déménageurs et
d'huissiers, ils ont ainsi anéanti une dizaine de squats dès la fin de matinée.
«Cela prend du temps, car on relève les identités et il y a des formalités à
accomplir», souligne la gendarmerie. L'intérieur de ces premiers lieux détruits
abritait six personnes auxquelles des solutions de relogement ont été
proposées. Toutes ont refusé. «Mais à chaque fois, il n'y a eu ni violence ni
résistance», ajoute un observateur avec satisfaction. Organisée au cordeau,
l'opération a, pour l'heure, porté ses fruits. «Contrairement à 2012, les
militaires ne se sont pas dispersés et ont agi secteur par secteur. Ils ont
réussi leur coup», admet même un zadiste.
Entre une action policière efficace et un soutien affaibli
en faveur de ces 300 occupants sans titre, la ZAD n'était plus, ce lundi, cette
citadelle imprenable qui avait su résister, en 2012, au millier de gendarmes
engagés dans l'opération «César 44». Malgré l'appel réitéré des zadistes pour
demander des renforts, les nouveaux arrivants, cette fois, n'étaient guère
nombreux. Au cœur de la nuit, et au tout début du bras de fer avec les forces
de l'ordre, ils étaient au mieux plusieurs centaines à tenir tête au dispositif
des gendarmes sur la partie sud-est de la ZAD. Malgré les yeux rougis, les
visages crispés par les jets réguliers de gaz lacrymogène, ils ont défendu leur
position en lançant quelques paroles provocatrices et quelques projectiles. Le
seul moment fort de la résistance. Après quoi la dispersion s'est vite étoilée
vers divers lieux de la ZAD.
En bottes maculées de boue, les visages dissimulés sous des
foulards - et sans arme artisanale qu'on leur prêtait pourtant avoir -, cette
armée de militants de tous âges a ensuite rejoint des tentes ou des habitations
menacées d'expulsion. Mais un air de défaite accompagnait leur marche. «On est
bien moins nombreux qu'en 2012. C'est la faute à l'aéroport qui a été
abandonné», lâche un zadiste dépité. Ce projet auquel le gouvernement a renoncé
ne cimente plus, en effet, la lutte qui a changé de nature. Les zadistes, qui
défendent sur ce territoire un modèle de société alternatif, et qui refusent de
s'inscrire dans la légalité, ne font plus recette.
Appel à la mobilisation
Au cours d'une conférence de presse donnée par ces derniers,
lundi matin, tous étaient abattus. L'opération d'expulsion qui devait être
ciblée a pris des airs, selon eux, d'évacuation généralisée. «C'est une action
d'ampleur qui est menée et on annonce la destruction de 40 lieux de vie sur
97», se désespère l'un d'eux en lançant une fois de plus un appel à la
mobilisation, tout en répétant que c'est comme un seul homme que la ZAD
défendra tous ses occupants.
«On a fait le choix digne d'être solidaire entre nous car on
porte un projet commun», ajoute-t-il en reconnaissant qu'un coup dur a été
porté à la ZAD. À ses côtés, se tenait une représentante de l'Acipa, l'une des
associations historiques, rassemblant les agriculteurs du coin, qui a toujours
lutté avec les zadistes. Mais, depuis l'abandon de l'aéroport, le soutien n'est
plus aussi solide. «Cela dépend des gens», dit cette représentante. Sous le
coup de l'émotion, et à constater la dislocation de la ZAD, certains se sont
pris dans les bras.
«Plus ça va aller, plus ça va être compliqué»
Mais le pire pour les zadistes n'était pas encore arrivé. En
début d'après-midi, les forces de l'ordre ont porté atteinte «à une structure
emblématique» en encerclant le lieu des Cent Noms et en le détruisant en
partie. «Cet endroit est un modèle, porteur d'un projet de vie agricole
parfaitement abouti, avec des gens modérés qui auraient pu accepter un cadre
légal pour continuer leur action», se désole Marcel Thébaud, l'un des
agriculteurs expulsé qui devrait récupérer ses terres.
En larmes, certains soutiens aux zadistes ont alors crié à
la trahison. «La préfète avait parlé d'expulsion ciblée de radicaux. Et on s'en
prend à des habitants qui n'ont pas ce profil», lâche l'un d'eux. «Nous avions fait une démarche pour nous inscrire auprès de
la Mutuelle sociale agricole. Et cela n'a pas été pris en compte»,
dénonce l'une des habitantes des Cent Noms qui, à la hâte, a pu mettre à l'abri
les brebis. Quant aux autres habitants qui s'étaient perchés sur les toits, ils
ont été délogés un à un par les forces de l'ordre. Puis les pelleteuses ont
fait leur apparition. La destruction des lieux - une grange et diverses maisons
- était semble-t-il une affaire d'heure. Même si les gendarmes reprennent, ce
mardi à 6 heures, leurs opérations, ils ont, semble-t-il, gagné le début de la
partie. La préfète, elle, reste prudente: «Plus ça va aller, plus ça va être
compliqué, craint-elle. On a fait le plus simple».
La rédaction vous conseille :
- NDDL:
les Insoumis dénoncent une «mise en scène» «politicienne» en plein conflit
social
- Evacuation
de Notre-Dame-des-Landes: une bonne méthode?
- NDDL:
«Sur la ZAD, près de cent hectares posent aujourd'hui problème»
- Le
casse-tête de l'après-Notre-Dame-des-Landes
journaliste
Ses derniers articles
- NDDL :
au premier jour de l'évacuation, les récalcitrants ont été mis en défaite
- Notre-Dame-des-Landes
à l'heure de l'évacuation
- Notre-Dame-des-Landes
: les occupants radicaux visés
Emmanuel Macron consacré parmi les jeunes
leaders mondiaux à Davos (16.03.2016)
Le Ministre de l'Économie a été désigné aujourd'hui comme
l'un des 121 «maîtres du monde» de moins de 40 ans, ainsi qu'une Française ,
Maelle Gavet, qui travaille dans le commerce en ligne.
Emmanuel Macron n'en finit pas de faire le buzz. Cette fois
c'est le Forum économique mondial de Davos qui s'empare de sa personne pour le
mettre sur un piédestal en le désignant Young Global Leader (YGL), jeune leader
mondial. Il fait ainsi partie de la promotion 2016 des 121 «hommes et femmes de
moins de 40 ans, scientifiques, chefs de gouvernement, futurs chefs
d'entreprise, activistes sociaux qui façonnent la politique, la société et le
monde qui les entourent».
Le Forum de Davos qui a toujours été fasciné par les
«maîtres du monde», pour employer un langage caricatural compréhensible de
tous, est particulièrement soucieux de pister les jeunes pousses, les espoirs.
Il se targue notamment d'avoir couronné en sont temps parmi les YGL, David
Cameron l'actuel premier ministre britannique.
La promotion 2016 des YGL comporte plus de femmes que
d'hommes, nous est-il dit. Dont une Française, Maelle Gavet, «vice président
exécutif des opérations mondiales à Priceline», un site américain qui aide à
obtenir des tarifs avantageux sur les compagnies aériennes et tous les produits
connexes. Cette diplômée de la Sorbonne et de l'IEP de Paris «est considérée
comme l'une des principales femmes cadres «tech» au monde et a déjà travaillé à
Ozon, le géant du commerce électronique basé à Moscou, connu comme la réponse
de la Russie à Amazon», précise le Forum de Davos.
Maelle Gavet et Emmanuel Macron, nés exactement la même
année (on ne dira pas laquelle par délicatesse) sont les deux seuls français
YGL 2016. Parmi les autres promus on distingue «une femme qui travaille pour
arrêter le trafic illégal d'organes, une autre qui est dans le domaine du
recyclage des déchets radioactifs de l'énergie nucléaire, une troisième qui
fait repousser les os humains endommagés, un leader de la technologie au Kenya,
l'une des femmes élues au parlement de l'Afghanistan, le directeur adjoint de
la Commission nationale du développement et de la réforme de la Chine qui
conduit des travaux pour réduire les émissions de carbone du pays». Une liste à
la Prévert, et totalement cosmopolite.
Si la palette des compétences retenues est très large, les
seuls dénominateurs communs sont le leadership , l'esprit d'innovation , de
changement et d'ouverture au monde. «Les moins de 40 ans à la tête de la
quatrième révolution industrielle», s'enthousiasme le World Economic Forum.
La nomination d'Emmanuel Macron fera à n'en pas douter
l'unanimité. Ses fans verront que ses qualités de modernisme sont reconnues
internationalement. Quant à ceux qu'il irrite, surtout à gauche, ils se
réjouiront de constater que le ministre de l'Économie ressemble décidément à la
caricature qu'ils s'en font. Tout le monde est content.
Journaliste
Ses derniers articles
- La
Mairie de Paris devra-t-elle interdire de fumer dans la rue, comme à
Tokyo ?
- La
révolution numérique conduit-elleà mettre le sacro-saint PIB au
rancart ?
- SOS,
la France a perdu son ministre du Commerce extérieur
Les Pays-Bas
suppriment le référendum (10.04.2018)
PUBLIÉ PAR GAIA - DREUZ LE 10 AVRIL 2018
Les partis de la coalition au pouvoir ont été échaudés.
Ils ne veulent plus traîner le résultat des consultations comme un boulet.
Les députés néerlandais ont adopté par 76 voix contre 69,
jeudi, un projet de loi qui prévoit la suppression du référendum consultatif.
Jusqu’à maintenant, lorsqu’une pétition avait récolté plus de 300 000
signatures, le gouvernement se voyait contraint d’organiser un scrutin. Un
référendum de ce type sur le pouvoir des services de renseignements est prévu
le 21 mars. Ce pourrait bien être le dernier.
Dreuz a besoin de votre soutien financier. Cliquez sur
: Paypal.Dreuz,
et indiquez le montant de votre contribution.
Le texte préparé par la ministre des Affaires intérieures,
Kajsa Ollongren, met en fureur une partie de l’opposition. À commencer par le
nouveau parti d’extrême droite Forum pour la démocratie qui, dans les sondages,
concurrence désormais sérieusement le Parti pour la liberté du sulfureux Geert
Wilders. « Kajsa Ollongren est l’assassin de la démocratie », a lancé le chef
de Forum pour la démocratie, Thierry Baudet.
De 1952 à 2015, seuls deux référendums, dont celui qui a vu
le rejet de la Constitution européenne en 2005, avaient été organisés aux
Pays-Bas. Mais depuis peu, les consultations se multipliaient. En 2016, les
Néerlandais ont dû répondre « oui » ou « non » à l’accord d’association entre
l’Union européenne et l’Ukraine. Et en mars, ils doivent se prononcer sur les
pouvoirs accordés aux services des renseignements néerlandais.
Ne ratez aucun des articles de Dreuz, inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter.
Dans le cas du référendum sur l’Ukraine, le « non » l’avait
emporté. Pendant des mois, le gouvernement néerlandais avait traîné le résultat
comme un boulet, avant de décider de ne pas remettre en cause l’accord entre
Bruxelles et Kiev.
Source : Ouest-france.fr
Conférences, tri sélectif et soirées techno : bienvenue dans
la ZAD de Tolbiac (09.04.2018)
Par Paul de Coustin •
Publié le 09/04/2018 à 12:12 • Mis à jour le 09/04/2018 à 12:40
Malgré le blocage, les occupants de Tolbiac organisent de
nombreux événements au sein du centre.Crédits photo: CHRISTOPHE SIMON/AFP
REPORTAGE - Dans les bâtiments austères du centre de
l’université Paris I, occupé depuis deux semaines, les manifestants développent
une véritable vie en communauté. Ce samedi 7 avril, ils organisaient une soirée
dans les amphithéâtres de Tolbiac.
«Ça fait du bien de vivre en dehors du capitalisme». Une
jeune femme au crâne rasé sur les côtés, qui porte de longues tresses teintes
en rouge, se réjouit du succès de l’occupation du campus de Tolbiac, dans le
XIIIe arrondissement de Paris. Voici deux semaines que des dizaines d’étudiants
et de militants, en majorité d'extrême gauche, occupent ce centre de
l’université Paris I Panthéon-Sorbonne pour manifester contre la politique du
gouvernement et la réforme de l’accès à l’université.
Ce samedi 7 avril, les occupants organisent une «soirée
techno» dans l’amphithéâtre K, une manière de décompresser après l’attaque
subie la veille, quand une bande de jeunes casqués ont lancé des projectiles et
des fumigènes sur le bâtiment, réclamant son évacuation. Six des assaillants ont été interpellés et ont passé
le week-end en garde à vue.
Des «cours d’autodéfense au piolet»
Tous les accès au centre sont fermés, et l’on pénètre sur le
campus par l’arrière du bâtiment, en escaladant une grille à l’aide de cordes.
Plusieurs camions de CRS surveillent les allées et venues des occupants et des
curieux, certainement pour empêcher de nouveaux affrontements. Dans la «fosse»,
la cour extérieure du centre qui donne sur la rue, des dizaines de personnes
sont réunies en petits groupes, autour de bouteilles d’alcool et de choses à
grignoter. Sur la façade grise de la tour centrale du bâtiment, les occupants
ont hissé de grandes lettres peintes en rouge et noir pour former le surnom
emblématique de leur zone à défendre.
En pénétrant dans le bâtiment, une grande banderole «Commune
Libre de Tolbiac» accueille les visiteurs. Le
fameux amphithéâtre N, où ont lieu les assemblées générales,
a été rebaptisé «amphi dodo». Des pancartes à l’entrée prient les passants de
respecter le sommeil des camarades fatigués par leur journée de lutte. Les
curieux qui prennent des photos où des vidéos sont rapidement réprimandées par
les occupants. «Surtout, pas de visages» indiquent-ils.
Sur les murs de l’accueil, on découvre le programme des
différentes conférences organisées par les militants. On pouvait assister
samedi à des débats concernant la «Préparation occupation Paris 3», une
«réunion non-mixte d’auto-support (sans mecs)», ou encore une conférence sur le
thème «Tchétchénie, la souffrance d’un peuple», ainsi qu’un surprenant «cours d’autodéfence
au piolet» (sic).
«Pas de drogues dures»
En deux semaines, les occupants du site ont développé une
véritable vie en communauté. Les tâches ménagères sont réparties sur un grand
en carton, où l’on peut s’inscrire pour la «Team bouffe» ou pour faire le
ménage. Tous les déchets doivent être triés. Dans un couloir, un fil tendu
permet de sécher du linge. Une salle entière s’est transformée en épicerie
solidaire, où chacun peut venir se servir en fruits, légumes, ou se faire une
tartine. Un coin cuisine a également été aménagé, avec plusieurs réchauds sur
lesquels sont posées de grandes casseroles. Au menu samedi soir, du chou.
» LIRE AUSSI - La police peut-elle déloger les bloqueurs des universités?
Quelques règles de vie sont également précisées: «Pas de
bruit entre 12h (minuit, NDLR) et 9h», «on ne fume pas à l’intérieur»,
«Pas de drogues dures». Lors de la «soirée techno», ce
samedi soir, ces règles n’ont pas forcément été respectées. Dans l’amphi K, la
soirée a tardé à décoller. Un jeune homme à crête brune a d’abord eu du mal à
faire démarrer la grosse enceinte, à cause d’un faux contact. Une fois la
musique lancée, avec quelques classiques de rap français, elle est à nouveau
interrompue par un occupant, qui impose «de la musique militante» avant de
lancer l’Internationale sous les rires et les vivats des jeunes présents.
Des cocktails molotov retrouvés sur le campus
Puis, les quantités d’alcool et de cannabis consommé aidant,
l’ambiance prend au sein de la Commune Libre de Tolbiac. Jusque très tard dans
la soirée, des centaines de jeunes aux profils très divers viennent danser au
son de musique techno, de hip-hop américain et de classiques des soirées
dansantes comme «Freed from desire» de Gala, ou «Les Démons de minuit» d’Émile
et Images.
Malgré la détermination des jeunes, l’occupation du campus
est néanmoins menacée. Dimanche, un agent de sécurité a trouvé plusieurs
cocktails molotov sur une terrasse extérieure. Une enquête a été ouverte pour
«détention de substance, produit incendiaire, explosif ou d’éléments destinés à
composer un engin incendiaire ou explosif en vue de préparer une destruction,
dégradation ou atteinte aux personnes». Si la responsabilité des occupants est
avérée dans leur confection, l’évacuation du bâtiment par les forces de l’ordre
pourrait être décidée. Et mettre fin à la «Commune Libre de Tolbiac».
La rédaction vous conseille
- La
fac de Tolbiac vote le «blocage illimité», son président se dit «pris en
tenaille»
- Blocage
des universités: six personnes en garde à vue après des violences à
Tolbiac
- La
«conférence de presse» surréaliste des étudiants bloqueurs de Tolbiac
- Conseils Cinq techniques infaillibles pour
réussir en licence de droit
- Classement Les universités françaises
Enquête
ouverte après la découverte de cocktails molotov à Tolbiac (09.04.2018)
Par Le Figaro Etudiant • AFP agence • Publié
le 09/04/2018 à 09:54 • Mis à jour le 09/04/2018 à 12:51
En fonction des résultats de l’enquête, les occupants de
Tolbiac pourraient se faire déloger. Crédits photo: CHRISTOPHE
SIMON/AFP
Alors que le campus parisien est toujours bloqué et
occupé par plusieurs dizaines de personnes, la découverte de ces engins
explosifs pourrait entraîner l’évacuation des manifestants par les forces de
l’ordre.
Une enquête a été ouverte après la découverte dimanche de 5
cocktails molotov à l’intérieur de la faculté parisienne de Tolbiac, bloquée
depuis près de trois semaines par des opposants aux modalités d’accès à
l’université, a indiqué lundi une source judiciaire. Les engins ont été trouvés
par un responsable de la sécurité du site, sur une terrasse extérieure.
» LIRE AUSSI - La
police peut-elle déloger les bloqueurs des universités?
L’enquête, ouverte par le parquet de Paris et confiée à la
sûreté territoriale devra déterminer qui est à l’origine de la fabrication de
ces engins explosifs, a précisé la source judiciaire, confirmant une information de RMC/BFM TV. Des analyses sont également
en cours pour déterminer la dangerosité des engins. Elle vise des faits de
«détention de substance, produit incendiaire, explosif ou d’éléments destinés à
composer un engin incendiaire ou explosif en vue de préparer une destruction,
dégradation ou atteinte aux personnes», a précisé la source.
Un blocage sous pression
En fonction des résultats de l’enquête, la direction de
l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, qui se refuse pour le moment à toute
intervention armée, pourrait appeler les forces de l’ordre à l’aide et faire
évacuer le bâtiment. Les occupants sont bien déterminés à rester, avec
l’organisation d’une nouvelle assemblée générale ce lundi à 11h et de
nombreuses conférences organisées toute la journée.
Vendredi soir, des échauffourées ont éclaté quand un groupe
de jeunes casqués, armés de battes de baseball, avaient lancé des projectiles
contre les étudiants bloqueurs. Après les rixes, six personnes ont été
interpellées et doivent être présentées lundi matin au parquet de Paris en vue
d’éventuelles poursuites. Cinq d’entre eux sont des étudiants d’autres
universités, le sixième est lycéen, selon une source judiciaire.
La rédaction vous conseille
- Universités:
les étudiants otages des «bloqueurs»
- La
«conférence de presse» surréaliste des étudiants bloqueurs de Tolbiac
- Des
étudiants envahissent «La Dépêche du Midi» et font publier un communiqué
- Conseils Cinq techniques infaillibles pour
réussir en licence de droit
- Classement Les universités françaises
Münster :
des lettres témoigneraient des idées suicidaires du conducteur (07.04.2018)
VIDÉO - L'homme qui a foncé avec une camionnette sur des
clients assis à la terrasse d'un café-restaurant en Allemagne, samedi,
souffrait de problèmes psychologiques, selon la police. La piste de l'attentat
a été écartée.
Des troubles psychologiques et des intentions suicidaires.
C'est la piste privilégiée par les enquêteurs pour expliquer le geste de cet
Allemand qui a foncé samedi après-midi dans la foule à Münster, dans le
nord-ouest de l'Allemagne. Au volant de sa camionette, l'homme âgé de
48 ans a tué deux personnes et en a blessé vingt autres, dont six sont encore
entre la vie et la mort. Les faits ont eu lieu vers 15h30 dans le centre-ville,
à une heure très fréquentée où les rues étaient bondées et les commerces
remplis de clients, en cette journée ensoleillée.
Le conducteur, Jens R., a «foncé sur des terrasses de café
et de restaurant sur une place du centre-ville», a indiqué une porte-parole de
la police. Dans la foulée, il s'est suicidé avec une arme à feu dans son
véhicule. La police a passé de nombreuses heures ensuite à sécuriser sa camionnette,
où des fils de fer suspects étaient visibles, de crainte que s'y trouve un
engin piégé. Au bout du compte, elle n'a trouvé que l'arme du conducteur, un
pistolet d'alarme et une dizaine de très gros feux d'artifice, dont la poudre
peut servir à confectionner un explosif.
Il avait menacé d'attaquer son père à coups de hache
Alors que l'Allemagne
était plongée dans l'effroi et la crainte d'un nouvel attentat, la
piste terroriste a été écartée samedi soir. «Rien n'indique pour le moment
qu'on ait affaire à des motivations islamistes», avait affirmé le ministre de
l'Intérieur de la région du nord-ouest de l'Allemagne, Herbert Reul. Exit la
piste politique. L'homme n'avait pas d'antécédent terroriste. Le conducteur du
véhicule-bélier était «un Allemand et non un réfugié comme on le colporte
partout», avait aussi souligné le ministre.
Après plusieurs heures d'investigations, la police a
finalement avancé la piste médicale et déclaré dimanche soir que le conducteur
souffrait de problèmes psychologiques, confirmant des informations déjà
relayées par la presse. Les enquêteurs se sont intéressés à sa personnalité et
ont découvert qu'il rencontrait de nombreuses difficultés. Jens R. était connu
des services psychiatriques de la ville de Münster, où il avait sa résidence
principale, et avait fait l'objet depuis 2014 de plaintes pour violences ou
menaces venant principalement de sa famille. Selon la chaîne de télévision
n-tv, l'homme a notamment par deux fois menacé des membres de sa famille, dont
son père, de les attaquer à coups de hache.
Des intentions suicidaires dans des lettres
Selon plusieurs médias, cet Allemand avait aussi envoyé fin
mars, et laissé dans un de ses appartements, des lettres de plusieurs pages,
d'où ressortent clairement ses intentions suicidaires. Il accuse dans ces
longues missives ses parents et les médecins de ses difficultés et y reconnaît
aussi ses problèmes psychologiques, en parlant de «troubles du comportement» et
de «phases agressives». Il avait fait «il y a peu» une tentative de suicide,
selon la chaîne de télévision publique ZDF.
Selon Hans-Joachim Kuhlisch, chef de la police de Münster,
des perquisitions ont été effectuées dans la nuit de samedi à dimanche dans les
quatre appartements que l'homme âgé de 48 ans possédait. Les recherches
effectuées jusqu'ici n'ont pour le moment pas permis de privilégier la piste
politique. Selon la chaîne ZDF, il entretenait des liens avec les milieux
d'extrême droite. Les deux victimes, de nationalité allemande, sont une femme
de 51 ans et un homme de 65 ans.
L'Allemagne, cible des djihadistes
Si les motivations exactes du conducteur restent mystérieuses,
l'incident a réveillé les pires craintes des Allemands. À deux reprises en
2017, en
févrierpuis en
novembre, deux conducteurs avaient fauché un groupe de personnes avec
leur voiture. Dans les deux cas, la piste terroriste n'avait pas été
privilégiée. Les autorités allemandes restent néanmoins vigilantes en raison de
la menace djihadiste qui pèse sur le pays. L'Allemagne avait été frappée par
un attentat à la voiture bélier en décembre 2016 sur un marché de Noël,
qui avait fait 12 morts et fut revendiqué par l'organisation État islamique
(EI). Son auteur, le Tunisien Anis Amri avait été tué quelques jours plus tard
près de Milan.
Plus récemment, à la fin du mois de juillet 2017, un
demandeur d'asile en passe d'être débouté a tué une personne à coups de couteau
dans un supermarché et en a blessé six autres, un acte motivé selon la justice
par «l'islamisme radical». Et fin octobre, la police allemande a interpellé un
Syrien de 19 ans soupçonné de préparer un «grave attentat» à la bombe. Les
mouvements islamistes potentiellement violents ont connu ces deux dernières
années un essor dans le pays. Les services du renseignement intérieur estiment
à environ 10.000 le nombre d'islamistes radicaux en Allemagne, dont 1600
soupçonnés de pouvoir passer à la violence. Le pays reste une cible pour des
groupes djihadistes, en particulier en raison de son engagement au sein de la
coalition combattant l'EI en Irak et en Syrie et dans celle déployée en
Afghanistan depuis 2001.
La rédaction vous conseille :
- Münster:
Macron présente ses condoléances
- Véhicule-bélier
en Allemagne: la piste de l'attentat écartée pour le moment
- Münster:
après le drame, l'Allemagne résiste à l'emballement
Le compte de la rédaction du Figaro.fr. Sur Twitter : @Le_Figaro
Ses derniers articles
- Sézane
présente sa nouvelle collection capsule de tenues de cérémonie
- Les
USA sans les soeurs Williams contre la France
- EN
IMAGES - la Suède inaugure une route électrifiée «unique au monde»
Hongrie :
la victoire d'Orban marque une vision de l'UE frontalement opposée à celle de
Macron (09.04.2018)
VIDÉO - Avec les élections législatives remportées haut la
main par le premier ministre hongrois, les courants les plus eurosceptiques de
la droite dure prennent leur revanche sur les succès centristes de 2017.
À Bruxelles
2017 fut la saison des victoires électorales au centre, des
Pays-Bas à la France s'affranchissant de la droite et de la gauche avec
Emmanuel Macron à l'Allemagne neutralisant l'alternance dans une coalition
Merkel IV. L'année 2018 se profile au contraire comme la revanche du souverainisme,
de la droite dure et des extrêmes: la République tchèque, l'Italie et depuis
dimanche la Hongrie de Viktor Orban.
Avec la
victoire retentissante de l'homme fort de Budapest, les deux camps sont
ainsi délimités et leurs chefs de guerre investis à un an des élections
européennes, l'échéance politique qui va convoquer 350 millions d'électeurs aux
urnes et changer les visages à tous les étages du pouvoir à Bruxelles. La
vision du premier ministre Orban s'oppose radicalement à celle du président
Macron. Pourtant, ils ont un vrai point en commun: la volonté de changer la
donne partisane et l'UE tout entière, profitant à la fois des déchirements de
la droite classique et du déclin annoncé d'Angela Merkel, papesse de la
démocratie chrétienne sur le continent.
Les réactions à la victoire du chef du gouvernement
hongrois, dotée d'une super-majorité parlementaire des deux tiers pour un
troisième mandat consécutif de quatre ans, illustrent le clivage. Sans nommer
Viktor Orban, le président français a critiqué, lundi, les dirigeants européens
«qui se nourrissent de l'angoisse» populaire en exploitant le double spectre
d'une immigration massive et d'un pouvoir bruxellois aussi technocratique que
débridé. Ce n'est pas la première fois que l'Élysée cible le régime hongrois,
déjà accusé de pratiquer le dumping fiscal à l'intérieur des frontières de
l'UE, de niveler la protection sociale par le bas et de se gaver de fonds
européens.
Sans surprise, les droites extrêmes et radicales se sont
emparées du résultat hongrois afin de célébrer «un jour noir pour l'UE et une
journée superbe pour l'Europe», selon les mots de Beatrix von Storch, numéro
deux du parti
nationaliste allemand AfD. La Ligue italienne, en marche sur Rome, etl'antimusulman
néerlandais Geert Wilders sont sur la même ligne, en compagnie de
Marine Le Pen, qui voit dans le scrutin hongrois «un nouveau rejet de
l'immigration de masse et de l'inversion des valeurs» nationales.
Vétéran des sommets de l'UE
Il serait pourtant réducteur de ne voir dans la réélection
de Viktor Orban qu'un énième sursaut du nationalisme en Europe ou l'effet
finalement prévisible d'un sentiment d'assiégé typiquement magyar. L'homme est
le vétéran des sommets de l'UE, il fréquente tout le monde. Il s'est juré de
conduire et de rendre le conservatisme européen à ses racines «chrétiennes»
lorsque l'heure de la chancelière allemande aura sonné. Il étend son influence,
voire son autorité à toute l'Europe centrale, de l'Autriche de Sebastian Kurz à
la Pologne de Jaroslaw Kaczynski.
Signe des temps, c'est le Parti populaire européen,
organisation transnationale de la droite à laquelle émargent Angela Merkel,
Jean-Claude Juncker, Silvio Berlusconi ou encore Laurent Wauquiez, qui a le
premier salué le succès d'un camarade de parti: «Félicitations à Viktor #Orban
et au #Fidesz pour leur nette victoire (...). J'ai hâte de continuer à
travailler avec vous pour des solutions communes aux défis européens», écrit
sur son compte twitter Manfred Weber, patron du PPE. Horst Seehofer, ministre
allemand de l'Intérieur et membre lui aussi de la CSU, branche bavaroise et
conservatrice de la démocratie chrétienne, n'est pas en reste.
Entre Paris et Berlin, le dossier Orban pourrait ouvrir un
clivage de plus, quand l'agenda de réformes européennes promises par le
président et par la chancelière donne depuis un an un dangereux sentiment de
surplace. À peine lancé dans la campagne des européennes, Emmanuel Macron
trouve à Budapest le repoussoir de tout ce qui ne marche pas dans l'UE. Au
pouvoir depuis presque aussi longtemps que le patron du Fidesz, Angela Merkel n'a
que rarement trouvé à redire aux dérives hongroises contre l'indépendance de la
presse et l'autonomie de la justice.
En dehors du Parlement de Strasbourg et de la France, rares
sont les acteurs pressés d'en découdre avec la Hongrie. Au contraire du gouvernement
polonais, «Viktor Orban a modifié la Constitution hongroise avec les suffrages
nécessaires, confiait récemment Frans Timmermans, numéro deux
(social-démocrate) de la Commission Juncker. Il est aussi plus malin: il sait
faire marche arrière quand il le faut.» La question est désormais de savoir
s'il en éprouvera encore le besoin, avec les voix de 49 % de Hongrois,
une majorité constitutionnelle toute neuve et la «contre-révolution culturelle»
qu'il promet à l'UE tout entière...
La rédaction vous conseille :
Journaliste
La
stratégie du pouvoir hongrois pour museler les médias (08.04.2018)
REPORTAGE - Les temps sont durs pour le journalisme
indépendant en Hongrie, le contrôle du pouvoir s'étend de plus en plus,
notamment dans les chaînes de télévision et dans les médias locaux.
Envoyée spéciale à Budapest
Mardi dernier, vers 19 h 30, Gabor Horvath, rédacteur
en chef de Népszava, le plus grand journal d'opposition de Hongrie (21.000
exemplaires), proposait le tour du propriétaire - essentiellement une grande
salle encombrée et sans fenêtres d'un immeuble du centre-ville. Quelques
dizaines de journalistes s'activaient devant des écrans d'ordinateur, sous le
portrait au regard bienveillant de François Fejtö, historien hongrois de Paris
aujourd'hui décédé, connu pour sa célèbre Histoire des démocraties populaires.
«Comme vous le voyez, ce ne sont pas des conditions idéales. Les temps sont
durs pour le journalisme indépendant, je n'ai que 45 personnes en tout ici»,
soupirait ce reporter chevronné, passé notamment par Washington.
Pas question d'avoir le moindre correspondant à l'étranger:
trop cher. Gabor Horvath ajoutait toutefois que «ses journalistes restaient
combatifs», ce qui l'aidait à continuer. «Il est tellement important de garder
les contre-pouvoirs vivants face à la vaste entreprise de contrôle des médias
qu'a déployée la machine Orban depuis huit ans. Il y a clairement une volonté
d'étouffer tous ceux qui sont en désaccord avec l'équipe en place», ajoutait
Horvath, journaliste affable et posé, aux cheveux gris argenté. Une volonté
dont il a personnellement fait les frais, raconte-t-il.
«Nous avions sorti une affaire sur le chef de cabinet de
Viktor Orban. Il avait promis de nous poursuivre en justice. Mais en fait, on
nous a tout simplement fermés!»
Jusqu'en 2016, Gabor Horvath est journaliste à Nepszabadsag,
prestigieux quotidien fondé en 1956, qu'il a rejoint en 1988,
avant la révolution démocratique de velours de 1989. Mais le 8 octobre
2016, à 8 h 40 du matin, quelqu'un frappe à la porte de son domicile
pour lui remettre un courrier lui signifiant que son journal a fermé. Tous ses
confrères reçoivent la même lettre. Un choc. «Après que le pouvoir a empêché la
reprise de notre titre par un groupe étranger, au motif qu'il fallait limiter
les prises de participation extérieures, nous étions censés être repris par le
maire du village natal d'Orban, un milliardaire proche du pouvoir, après avoir
été quelques mois aux mains d'un étrange milliardaire autrichien douteux. Mais
nous avons depuis enquêté et nous sommes persuadés que tout avait été planifié
avant entre ce milliardaire et le groupe en question, pour que nous soyons
fermés. Nous avions sorti maintes affaires de corruption, dont l'une impliquant
le président de la Banque nationale, et la manière dont il avait promu sa
maîtresse, un professeur de yoga, à l'un des postes de direction de la banque.
Nous avions aussi sorti une affaire sur le chef de cabinet de Viktor Orban, et
les voyages d'agrément qu'il avait effectués avec les deniers de l'État. Il
avait promis de nous poursuivre en justice. Mais en fait, on nous a tout
simplement fermés!», raconte Horvath.
Les autorités hongroises démentent absolument cette version
de l'histoire, et affirment que le journal était en banqueroute, ce que Horvath
dément, évoquant des difficultés communes à toute la presse. Le pouvoir note
aussi à juste titre que la presse reste d'une grande diversité. Outre Népszava,
il existe en effet un autre journal d'opposition important, Magyar Nemszet,
dont le propriétaire, le milliardaire Lajos Simicska, 11e fortune du pays, est
un ancien proche du premier
ministre Viktor Orban, mais a rompu avec lui. Cet oligarque possède
également une chaîne d'opposition, Hir, à laquelle s'ajoute l'importante chaîne
de télévision, RTL, détenue par les Allemands, qui fait de l'information
indépendante, de même que la radio Klub, et une flopée de sites Internet
antipouvoir.
Gabor Horvath le reconnaît volontiers et note que «si
quelqu'un veut vraiment s'informer de manière indépendante, il le peut». Mais
il remarque aussi que le contrôle du pouvoir s'étend de plus en plus, notamment
dans les chaînes de télévision et dans les médias locaux. Ce mouvement de contrôle
a été supervisé depuis 2010 par un certain Antal Rogan, ministre
du gouvernement Orban, lequel définit la stratégie d'information du pouvoir via
le Bureau de communication nationale. Cette structure discrète, installée sur
les bords du Danube, favorise les médias pro-pouvoir en faisant tourner sur
leurs ondes et dans leurs colonnes des publicités qui se transforment en
millions de dollars, raconte une enquête du journal Politico.
Lavage de cerveau
En échange, les médias «amis», aux mains d'oligarques comme
Lorinc Meszaros ou le producteur de Hollywood Andrew Vajnaa reprennent
aveuglément les campagnes de propagande de l'équipe Orban sur les complots
supposément ourdis par le
magnat George Soros ou le danger migratoire. «Je dirais que
75 % des gens, qui n'ont pas nécessairement l'éducation et ou l'envie
d'aller plus loin, sont soumis au lavage de cerveau des chaînes pro-pouvoir,
qui ne se privent pas de déverser leur discours très caricatural voire
mensonger. Il y a véritablement une simplification outrancière, choquante,
carrément des “fake news” et des campagnes de diabolisation contre des
personnalités d'opposition. Le patron du parti Jobbik, a par exemple été
présenté comme un homosexuel via les médias pro-gouvernementaux, ce qui est
totalement faux», dit Horvath, soulignant que les personnalités d'opposition
n'ont quasiment pas accès à la télévision d'État. Il raconte que ses amis de
l'agence de presse gouvernementale hongroise lui racontent en privé ne plus
pouvoir rendre compte des sujets qui ne cadrent pas avec la propagande. «Ce
n'est pas la Russie, parce qu'on ne tue pas les journalistes et qu'on ne les
menace pas», dit Horvath. Mais il insiste sur la sophistication du verrouillage
à l'œuvre à l'aide des groupes privés. «Une fois qu'ils sont en contrôle, ils
limogent les journalistes et en recrutent de nouveaux à leur main…» Le
rédacteur en chef de Népszava estime que Viktor Orban pourrait finir par
regretter cette situation qui le prive d'un miroir et contribue à son isolement
croissant. «Depuis sa brouille avec l'oligarque Lajos Simicska, forte
personnalité qui lui tenait tête, il n'y a plus grand monde à oser lui donner
une vision alternative de la sienne», conclut-il.
La rédaction vous conseille :
- Viktor
Orban rallie ses troupes pour «la Hongrie d'abord»
- Hongrie:
Viktor Orban, le franc-tireur populiste qui défie l'Europe entière
- En
Hongrie, Orban resserre le contrôle des médias
La
Hongrie sacre le souverainiste Orban (09.04.2018)
Grand vainqueur des législatives, Viktor Orban peut
renforcer son contrôle sur le pays et sa lutte contre l'immigration.
De notre envoyée spéciale à Budapest
C'est une victoire
massive que le premier ministre Viktor Orban, partisan d'une approche
musclée contre l'immigration illégale, a accrochée ce dimanche à son tableau de
chasse politique, remportant haut la main le scrutin législatif de dimanche en
Hongrie, après deux mandats successifs, malgré les espoirs qu'avait nourris
l'opposition d'ébranler son assise à la faveur d'une très forte hausse de la
participation (70 %). Cet ancien champion de la lutte contre le communisme
- venu étudier le libéralisme à Oxford avec une bourse du financier George
Soros, devenu depuis sa bête noire - a opéré une mue spectaculaire depuis
son retour au pouvoir en 2010. Au point de devenir l'architecte
d'une révolution conservatrice nationaliste, qui refuse la «société
ouverte» et «un individualisme libéral» menant, selon lui, à un
multiculturalisme destructeur.
Orban est quasiment assuré d'obtenir 133 sièges sur
199 au Parlement. Cela signifie que le parti gouvernemental et son allié du
KDNP se retrouvent assurés d'avoir la majorité absolue des deux tiers
En rassemblant, selon des résultats encore provisoires, plus
de 49 % du vote sur la liste du parti Fidesz, ainsi que 91 districts
électoraux sur 106 au scrutin de circonscription, Orban est quasiment assuré
d'obtenir 133 sièges sur 199 au Parlement. Cela signifie que le parti
gouvernemental et son allié du KDNP se retrouvent assurés d'avoir la majorité
absolue des deux tiers. Un tel score donne à l'homme fort de la Hongrie la
possibilité de changer la constitution à sa guise. Une victoire nette qui a
surpris sans doute le parti Fidesz lui-même. Avant les résultats, le chef de sa
fraction parlementaire, Gergely Gulyas, avait affirmé que le parti perdrait
selon toute probabilité sa majorité absolue.
La nouvelle vague orange du Fidesz est une
claque pour l'opposition, qui espérait surfer sur l'exaspération de
l'autre moitié du pays, soucieuse de limiter un pouvoir exécutif de plus en
plus envahissant. «Le Parlement est une enceinte d'exécutants, le Conseil des
médias est contrôlé par le Fidesz et le procureur général enterre toutes les
affaires de corruption», dénonçait avant le scrutin le député du Jobbik Marton
Gyöngyosi, résumant les griefs des opposants. Mais ces derniers sont battus
presque partout, à l'exception de Budapest, un résultat qui traduit le fossé
béant qui se creuse entre les capitales et le pays profond en Occident. Divisée
et fragmentée, desservie par une loi électorale modifiée par le pouvoir à son
profit, l'opposition n'a pas réussi à faire front commun.
Fort de sa légitimité renouvelée, Budapest compte
d'ailleurs profiter de ses alliés du pacte de Visegrad et sur l'Autriche pour
pousser ses positions à Bruxelles et changer l'Europe
N'engrangeant que 20 % des suffrages, le parti
d'extrême droite anti-immigration, Jobbik, qui pensait que l'exaspération
suscitée par les scandales de corruption de l'équipe Orban jouerait en sa
faveur, ne réussit pas sa percée, peut être en raison de son virage récent au
centre. Les électeurs ont estimé plus important de soutenir «la clôture sud» et
le «sauvetage de l'Europe chrétienne» que de sanctionner la corruption. «Toutes
les équipes volent», confiaient plusieurs électeurs du Fidesz, blasés.
Taxé d'autoritarisme et d'illibéralisme par les capitales
d'Europe occidentale, le gouvernement Orban réplique que sa vision d'une Europe
des nations en guerre contre les excès du libéralisme ne signifie nullement
qu'il veut s'en prendre à l'État de droit, note l'ambassadeur de Hongrie dans
une tribune adressée au Figaro. Budapest conteste au fond que le désaccord
idéologique qui l'oppose à Bruxelles sur les quotas de réfugiés et la question
de l'avenir de l'Europe (Europe supranationale contre Europe des nations)
puisse être utilisé pour lui faire de mauvais procès sur les libertés. «Nous ne
pensons pas que le droit à migrer soit un droit de l'homme», a résumé Zoltan
Kovacs, porte-parole du gouvernement. Fort de sa légitimité renouvelée,
Budapest compte d'ailleurs profiter de
ses alliés du pacte de Visegrad et sur l'Autriche pour pousser ses
positions à Bruxelles et changer l'Europe.
«Les élections sont libres, et la presse est diverse,
mais il faut reconnaître chez ce gouvernement certains signes d'un acharnement
presque maladif contre ceux qui ne sont pas d'accord avec lui»
Une source diplomatique européenne
Dans une contribution publiée avant le scrutin sur le blog
The Atlanticist, l'analyste américain Jeff Gedmin appelle à ne pas confondre la
question «légitime» de la souveraineté avec le débat sur la démocratie
hongroise. «Orban est dénoncé par les libéraux américains… comme un
eurosceptique menaçant alors que l'idée selon laquelle les nations ont
peut-être cédé trop de droits à Bruxelles devrait pouvoir être traitée comme
une vue raisonnable sur laquelle les citoyens devraient pouvoir être en
désaccord dans une démocratie», écrit-il. Mais Gedmin note aussi que,
contrairement à ce qu'évacuent un peu vite certains conservateurs, persiste une
inquiétude fondée sur l'avenir de l'État de droit en Hongrie, vu la série de
mesures prises par le pouvoir pour affaiblir les contre-pouvoirs et notamment
la presse.
«Je suis d'accord pour penser que Bruxelles a été trop
condescendante avec les Hongrois», commentait Michael Ignatieff, le président
de l'université d'Europe centrale, actuellement mise sur la sellette par le
pouvoir hongrois, en raison de son affiliation avec George Soros. Il se
demandait si Orban laisserait subsister «une pensée pluraliste», vu le ton
hystérique adopté sur la question de la frontière et «l'ennemi Soros». «Les
élections sont libres, et la presse est diverse, mais il faut reconnaître chez
ce gouvernement certains signes d'un acharnement presque maladif contre ceux
qui ne sont pas d'accord avec lui», relevait une source diplomatique
européenne. Ce lundi, Janos Halasz, porte-parole du Fidesz, a d'ailleurs
annoncé qu'une loi visant à donner au gouvernement le pouvoir d'interdire les
ONG «qui soutiennent la migration» et «posent un risque de sécurité nationale»
serait bientôt soumise au Parlement. Une formulation suffisamment vague pour
être alarmante, surtout quand les alliés d'Orban parlent de «liquider la
société civile», note Jeff Gedmin.
La rédaction vous conseille :
- Hongrie:
Viktor Orban, le franc-tireur populiste qui défie l'Europe entière
- La
stratégie du pouvoir hongrois pour museler les médias
- Budapest
à la tête d'une alliance contre les quotas de migrants
- Laszlo
Trocsanyi: «La Hongrie entend défendre ses frontières»
Le prince
héritier saoudien a un faible pour l’immobilier des Yvelines (09.04.2018)
- Par Guillaume
Errard
- Mis
à jour le 09/04/18 à 10:15
EN IMAGES - En visite en France lundi et mardi, Mohammed
ben Salman est connu pour être le propriétaire du château le plus cher du
monde. Mais aussi d’une propriété de chasse dans les Yvelines. La maire nous
raconte.
Savez-vous qui se cache derrière le sigle «MBS»? Mohammed
ben Salman. Ce nom ne vous dit sans doute rien. Ce jeune homme de 32 ans, qui
vient en France lundi et mardi, n’est rien moins que le prince héritier
d’Arabie saoudite. Le futur roi est également connu pour être le propriétaire
du château le plus cher du monde: le fameux «Château Louis XIV» dont
la vente fin 2015 avait beaucoup fait jaser. Et ce n’est que deux ans
plus tard que le grand public a appris que l’heureux propriétaire n’était autre
que le nouvel homme fort de l’Arabie saoudite.
» LIRE AUSSI - Le
prince héritier saoudien, propriétaire du château le plus cher au monde à Louveciennes
Située à Louveciennes, une petite commune des Yvelines (78),
cette bâtisse achevée en 2011 a été vendue pour le montant record de 275
millions d’euros, comme
l’avait rapporté à l’époque le New York Times . Se voulant une
mini-réplique du fabuleux château de Vaux-le-Vicomte (77), elle allie architecture
du XVIIe siècle et technologie moderne, avec des fontaines contrôlables par
iPhone, une salle de cinéma, un aquarium géant... D’une surface habitable de
5000 m², elle promet «les fastes de Versailles sous la révolution high-tech»,
selon le site internet de son promoteur Cogemad. Le constructeur souligne «la
pose de 13.000 éléments de pierres taillées, allant des frises à triglyphes aux
tables sculptées surmontant chacune des baies vitrées composant le château» et
les «pièces du château qui ont changé de destination en cours de chantier».
Une villa sur la Côte d’Azur à vendre
Et ce n’est pas tout: le prince Mohammed, qui prêche
l’austérité dans son pays et s’est lancé dans une lutte anticorruption, ne se
prive pas pour s’offrir d’autres luxueux «plaisirs». Il est aussi le
propriétaire d’une résidence de 250 hectares située à Condé-sur-Vesgre (78),
baptisée le Rouvray, a déclaré la maire au Figaro Immobilier, confirmant une
information du New York Times. La maire n’a toutefois pas eu
connaissance du montant de l’acquisition. «J’ai appris le nom de l’acquéreur
par la presse, raconte Josette Jean. J’ai entendu beaucoup de réflexions
désagréables sur la nationalité de l’acquéreur. Je n’ai pas à juger qui il est.
La seule chose qui m’importe c’est que ma commune vive bien et que les
habitants la mettent en valeur tout en respectant l’architecture.»
La maire raconte qu’«un intendant est venu me voir avec un
architecte pour me demander ce qu’il était possible de faire comme travaux. Il
m’a expliqué qu’ils avaient déposé un permis et qu’ils ont eu un avis favorable
du préfet. Je n’ai aucun problème avec lui. Tout s’est fait dans le plus grand
respect». L’édile explique que «MBS» a l’intention de rénover le manoir de
Rouvray (voir notre photo ci-dessus, une carte postale ancienne), remis à neuf
il y a 60 ans par les anciens propriétaires, la famille Vernes (qui a créé la
Banque Vernes à la fin du XVIIIe siècle, aujourd’hui Banque Palatine). Il est
également question de rénover et agrandir les dépendances qui servent au
personnel et pour accueillir les visiteurs les jours de chasse. «Elles ont plus
de 100 ans et tombent en ruine», précise Josette Jean. Et d’ajouter: «C’était
une propriété de chasse et le nouveau propriétaire m’a assuré qu’elle resterait
une propriété de chasse».
C’est au travers d’une société saoudienne, Eight Investment
Company, dirigée par le gérant de la fondation personnelle du prince héritier
qu’il a pu acquérir cette propriété. Mais aussi un luxueux yacht de 134 mètres
pour 500 millions d’euros ou encore le tableau de Léonard de Vinci «Salvator
mundi (Sauveur du monde) acheté pour la modique somme de 450 millions de
dollars (368 millions d’euros).
Puisque le prince héritier semble être adepte des coups de
force mais aussi des coups de cœur, voici une résidence qui pourrait rentrer
également dans son portefeuille: la villa les Cèdres, l’une des plus
somptueuses villas de la côte d’Azur. Installée à Saint-Jean Cap Ferrat, ce
territoire entre Nice et Monaco si prisé des milliardaires, cette propriété a
tout pour plaire. Son prix? Près de 350 millions d’euros. Pile poile dans les
standards de «MBS».
Avertissement de modération: Nous vous
rappelons que vos commentaires sont soumis à notre charte et qu'il n'est pas
permis de tenir de propos violents, diffamatoires ou discriminatoires. Tous les
commentaires contraires à cette charte seront retirés et leurs auteurs risquent
de voir leur compte clos. Merci d'avance pour votre compréhension .
La rédaction vous conseille :
- Ces
villas ultra-luxueuses pourraient battre les records de vente en 2018
- Arabie
saoudite: les défis de Mohammed ben Salman
Commerce
mondial : la Chine est-elle déloyale ? (09.04.2018)
Par Sébastien Falletti et Service
InfographieMis à jour le 09/04/2018 à 20h01 | Publié le 09/04/2018 à
19h11
INFOGRAPHIE - Pékin protège ses entreprises grâce à des
subventions, des prêts bancaires préférentiels et un labyrinthe de barrières
réglementaires. La riposte de Donald Trump qui impose des droits de douane
n'est pas la stratégie la plus efficace.
Shanghai
Donald Trump persiste et signe. En menaçant Pékin d'une
nouvelle volée de droits de douane visant 100 milliards de dollars
d'importations chinoises, le
président américain attise la guerre commerciale avec la deuxième
économie mondiale. Les yeux rivés sur son électorat, le locataire de la
Maison-Blanche fait preuve d'une constance rare sur ce dossier explosif, semant
l'inquiétude sur les places financières. Alors que l'empire du Milieu agite des
représailles dans le secteur agricole ou aéronautique, ciblant ses bastions
électoraux, Trump affiche sa détermination à mener un bras de fer au long cours
avec la Chine rouge du président Xi Jinping. Durant sa campagne électorale, il
l'avait accusé de «violer» l'Amérique par ses pratiques «déloyales».
Aujourd'hui, la guerre est déclarée, marquant un tournant dans les relations
entre les deux premières puissances mondiales, aux implications majeures pour
les autres économies, l'Europe, le Japon et les pays émergents.
• Un arsenal pour protéger les sociétés
La Chine triche-t-elle comme l'affirme Washington?
L'accusation ne manque pas de piquant alors que les grands groupes américains
tels Apple, Walmart ou Nike ont profité à plein de son décollage spectaculaire
ces trois dernières décennies, en y délocalisant à tour de bras. Mais «Trump a
des arguments», juge un banquier occidental. À Davos, devant les grands
patrons, le secrétaire du Parti communiste Xi endosse habilement l'habit du
champion du «libre-échange» et de la mondialisation ouverte, face à l'Amérique
«protectionniste».
Pourtant l'examen des chiffres et les témoignages des
groupes étrangers installés dans l'empire du Milieu démentent ce conte de fées.
La réalité est redoutable: celle d'un «capitalisme rouge» expansionniste
étroitement piloté par un Parti renaissant. «Aucun pays ne respecte pleinement
les règles, et chacun cherche à soutenir son économie. Mais dans le cas de la
Chine, l'intervention est massive», juge Alicia Garcia Herrero, chef économiste
Asie chez Natixis, basée à Hongkong. Les droits de douane ne sont que le
premier rempart d'une grande muraille protégeant les entreprises locales grâce
à des subventions, des prêts bancaires préférentiels et un labyrinthe de
barrières réglementaires.
Chaque année, le pouvoir central dépense l'équivalent de
4 % du PIB en subvention à ses entreprises, soit près de
450 milliards de dollars d'aides visant à faire naître des champions
mondiaux. À ces chiffres doivent s'ajouter des milliards de subsides délivrés
par les pouvoirs locaux au niveau provincial et municipal. Et sans compter des
crédits préférentiels délivrés par les grandes banques publiques. Une politique
systématique de soutien au service d'une montée en gamme de l'économie,
illustrée par le plan Made in China 2025 qui vise à dépasser les champions
industriels tels l'Allemagne ou le Japon.
Cette stratégie volontariste au service d'un «rêve chinois»
aux accents nationalistes, accompagnant la renaissance historique de la nation
la plus peuplée du globe, a des répercussions planétaires. «La Chine fausse les
règles de concurrence. Le véritable problème est le manque de compétition sur
son marché intérieur qui a des implications au-delà de ses frontières», assure
Garcia Herrero. Ainsi, la Chine produit la moitié de l'acier planétaire, grâce
à ses entreprises d'État gavées de subventions, entraînant des surproductions
qui faussent les prix mondiaux.
Dans l'aluminium, les fabricants chinois ont doublé leur
production entre 2008 et 2015, entraînant une hausse de 85 % des
surcapacités, selon la Commission européenne. Les plaintes de Bruxelles,
Washington, Tokyo sont sans effet sur un régime obsédé par la stabilité sociale
dans des provinces industrielles vivant au crochet de l'État.
• La mauvaise stratégie de Trump
Donald Trump a choisi le commerce comme angle d'attaque,
mais cette approche manque sa cible, jugent les experts. «L'administration a
choisi le mauvais problème et les mauvais outils pour y remédier», juge le
sénateur républicain Pat Toomey, dans une interview au Wall Street
Journal.
Obsédée par les chiffres abyssaux du déficit commercial
américain chiffré à 375 milliards de dollars, la Maison-Blanche fait des
droits de douanes son principal levier, au risque d'un effet boomerang sur les
chaînes de production de ses propres entreprises. Si les tarifs douaniers
chinois sont élevés dans certains secteurs, ils ne représentent que la partie
immergée de l'iceberg. «Le plus gros défi pour les entreprises étrangères en
Chine est les barrières réglementaires non tarifaires», explique Carlo
D'Andrea, vice-président de la Chambre de commerce de l'UE, en Chine (EUCCC).
Ainsi, certains secteurs stratégiques sont interdits aux
groupes étrangers, ou bien ils doivent impérativement passer par des
partenariats avec des groupes locaux limitant leur contrôle à 50 % comme
dans le secteur automobile. Ces partenariats imposent des transferts de
technologie au profit du partenaire locaux. Appâtés par le premier marché
mondial automobile, les constructeurs étrangers ont multiplié les
joint-ventures, mais font désormais face à une concurrence locale de plus en
plus affûtée qui bénéficie de subventions, en particulier dans le domaine de la
voiture électrique.
• Un contrôle de l'État écrasant
Le véritable défi chinois lancé au monde ne réside pas dans
ses tarifs douaniers, mais dans le rôle central que joue l'État dans
l'administration de l'économie. Depuis son entrée à l'OMC en 2001, Pékin aime
se présenter en «économie de marché» dans les forums internationaux, du G20 à
Davos, offrant une image en trompe l'œil, souvent relayée par des dirigeants et
investisseurs occidentaux alléchés par les perspectives commerciales. En
réalité, le poids du secteur public est sans commune mesure avec celui des
États-Unis ou même de l'UE. «La Chine ressemble plutôt au Qatar! C'est une
économie dont l'essentiel est contrôlé par l'État mais avec un impact mondial
sans commune mesure», juge Garcia Herrero.
Ainsi, les entreprises publiques, les fameuses SOEs (State
owned entreprises), représentent 40 % des actifs industriels selon le FMI,
toujours prompt à ménager Pékin. Un chiffre largement sous-estimé, affirme la
Commission, qui a refusé d'accorder le statut d'économie de marché à Pékin. En
réalité, 69 % des actifs chinois cotés en Bourse appartiennent aux
entreprises d'État (SOE) selon les calculs de Natixis! L'économie privée se
réduit donc à moins d'un tiers des actifs, qui plus est dominé par des grands
groupes comme Alibaba, Tencent ou Fosun, dont le succès dépend de ses bonnes
relations avec le Parti.
La mise au pas l'an dernier de Wang Jianlin, le magnat de
l'immobilier fondateur de Wanda, ou le renflouement de l'assureur Anbang
illustrent la faible marge de manœuvre de ces tycoons. Au total, l'État exerce
donc directement ou indirectement un contrôle écrasant sur la deuxième économie
mondiale, assorti d'un contrôle étroit des flux de capitaux.
Et cette tendance se renforce encore sous la houlette de
l'Oncle Xi, qui peut désormais régner à vie, grâce à une réforme opportune de
la Constitution, levant la limite à dix ans de règne. Lors d'un congrès
triomphal du Parti en octobre 2017, le timonier a réaffirmé le rôle
directif du Parti sur l'économie «socialiste de marché», avec pour ambition de
«créer des groupes de classe mondiale» grâce au soutien de l'État.
La promesse d'offrir un rôle «décisif» au marché, proférée
lors d'un plénum en 2013 pour rassurer les investisseurs, est restée lettre
morte. «Plutôt que de renforcer la concurrence dans les secteurs dominés par
les SOEs, les récents développements ont montré l'inverse, visant une
consolidation et une expansion», pointe un rapport éclairant de la Commission
en décembre 2017. Sous pression, Pékin tente de désamorcer les critiques
en ouvrant timidement certains secteurs à la concurrence, comme l'assurance, en
novembre dernier. Un marché périlleux alors que les mauvaises dettes
s'accumulent dans un système financier opaque.
• La crainte d'une riposte coordonnée
Pour contrer Pékin, les mesures de représailles commerciales
semblent obsolètes, si elles ne sont pas coordonnées à l'échelle mondiale. Une
gageure pour une Administration Trump partisane de l'unilatéralisme. Ainsi,
seulement 2,8 % des exportations d'acier chinois partent aux États-Unis,
limitant l'impact des mesures annoncées en fanfare par Washington. «Les mesures
antidumping sont dépassées. La seule réponse efficace à la Chine serait la
politique de concurrence», juge Garcia Herrero. «Les Chinois paniquent à l'idée
que la Commission puisse s'attaquer aux positions dominantes de leurs groupes,
comme elle le fait contre Facebook ou Google», ajoute l'économiste.
La commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, fait
trembler la Silicon Valley grâce au droit européen qui l'autorise à dénoncer
des positions dominantes au-delà des frontières de l'UE, si celles-ci faussent
le marché mondial. Bruxelles pourrait selon ce principe croiser le fer avec
Sinopec ou Huawei, en exigeant des démantèlements à Pékin. Cet art de la guerre
pourrait se révéler bien plus efficace que les menaces tarifaires de Donald
Trump. Mais il exige de l'UE une denrée rare à Bruxelles: une volonté politique
commune de relever le défi chinois.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
10/04/2018. Accédez
à sa version PDF en cliquant ici
La rédaction vous conseille :
- La
«guerre commerciale» gronde entre Washington et Pékin
- Washington/Pékin:
la croissance des États-Unis pourrait perdre 2,5% selon la BCE
- Washington
contre Pékin, chronologie d'une guerre commerciale
- Comment
les États-Unis tentent de faire plier la Chine
- Guerre
de l'acier: sept questions pour comprendre les enjeux du conflit commerci
Moscou
accuse Israël d'avoir frappé une base de l'armée de l'air syrienne (09.04.2018)
Tsahal est resté silencieux, alors que l'État hébreu a mené
de nombreux raids contre des cibles en Syrie ces dernières années.
De notre correspondant à Jérusalem
La mèche a cette fois été vendue par Moscou. Selon un
communiqué du ministère russe de la Défense, deux F-15 israéliens opérant
depuis l'espace aérien libanais ont frappé tôt lundi matin une importante base
de l'armée de l'air syrienne située entre Homs et Palmyre. Cinq des huit
missiles auraient été interceptés par la défense antiaérienne du régime syrien,
mais au moins quatorze personnes ont péri dans ce raid, selon un décompte
établi par l'Observatoire syrien des droits de l'homme. L'agence iranienne Fars
a publié l'identité de quatre officiers de la force Qods, l'unité d'élite des
gardiens de la révolution, qui comptent parmi les victimes.
L'État hébreu, malgré son silence, a d'emblée fait figure de
principal suspect. Les
États-Unis et la France, qui avaient menacé la veille d'engager des
représailles après la nouvelle attaque chimique imputée à Bachar
el-Assad, ont démenti toute implication. Malgré l'indéniable concomitance des
deux événements, rien ne permet d'affirmer que ces frappes sont directement
liées aux fortes présomptions d'utilisation d'armes non conventionnelles dans
la Ghouta orientale. L'armée israélienne, qui a frappé la base T-4 à deux
reprises au
cours des derniers mois, soupçonne certes le régime syrien d'y abriter
un centre de production d'armes chimiques. Mais elle a d'autres raisons de
viser ce site et pourrait bien avoir mis à profit la fenêtre d'opportunité
créée par la tuerie de Douma.
Selon les experts militaires israéliens, la base héberge une
usine où sont fabriqués des missiles de précision. Le 10 février, l'État
hébreu y a par ailleurs détruit un poste de commandement d'où des militaires
iraniens sont accusés d'avoir piloté un drone qui venait d'entrer dans son
espace aérien. L'interception de cet appareil et les frappes qui ont suivi ont
provoqué un rare coup de chaud à la frontière nord d'Israël. Un
F-16 de Tsahal a été abattu par la défense antiaérienne de Bachar el-Assad et
son équipage a été contraint de s'éjecter, ce qui n'était pas arrivé depuis
1982.
Une centaine de frappes conduites depuis janvier 2013
Dimanche, à mesure que le monde découvrait les
images glaçantes des victimes de Douma, plusieurs responsables
israéliens ont appelé à frapper le régime de Damas. «Assad est un ange de la
mort pour des centaines de milliers de Syriens innocents, a déclaré Yoav
Galant, le ministre du Logement et de la Construction, et il ne fait aucun
doute que le monde, sans lui, serait un meilleur endroit.» Le général de
réserve Amos Yadlin, qui dirige l'Institut israélien d'études pour la sécurité
nationale, a pour sa part appelé à «mettre hors d'état de nuire une bonne fois
pour toutes les escadrons d'hélicoptères qui lâchent des barils d'explosifs
contre la population». Cette voix influente, qui commanda jadis les
renseignements militaires, plaide depuis plusieurs années pour une intervention
plus vigoureuse d'Israël au secours des civils syriens.
«Pour Moscou, la position d'arbitre au-dessus de la mêlée
devient de plus en plus inconfortable à mesure que se renforcent les tensions
entre Israël et l'axe Iran-Syrie-Hezbollah»
Ofer Zalzberg, auteur d'un rapport sur l'attitude de l'État
hébreu vis-à-vis du conflit syrien
Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou a jusqu'à présent
calibré avec minutie son engagement militaire en Syrie. Refusant de se laisser
aspirer dans un conflit dont elle entrevoyait le caractère inextricable,
l'armée s'est bornée à faire respecter ce qu'elle appelle des lignes rouges.
Selon un ancien chef de l'aviation militaire, une centaine de frappes ont été
conduites depuis janvier 2013, principalement sur le territoire syrien, afin
d'empêcher le transfert d'armes sophistiquées à la milice libanaise chiite
Hezbollah. Au cours des derniers mois, l'État hébreu a par ailleurs attaqué
plusieurs sites où il soupçonne l'Iran de chercher à créer une implantation
militaire durable. Les frappes ordonnées lundi matin contre la base T-4
s'inscrivent sans doute dans cette logique.
La mise en cause directe d'Israël par Moscou constitue, à
cet égard, un développement nouveau. Les dirigeants russes, qui interviennent
depuis septembre 2015 au secours du régime syrien mais sont en contact étroit
avec l'État hébreu, ont longtemps détourné le regard lorsque celui-ci jugeait
nécessaire d'agir militairement.
«Le fait que la Russie ait cette fois choisi d'appuyer les
accusations du régime syrien, alors qu'Israël voulait maintenir une certaine
ambiguïté sur ses frappes, confirme qu'elle ne pourra pas éternellement éviter
de prendre parti», observe l'analyste Ofer Zalzberg. Auteur d'un récent rapport
sur l'attitude de l'État hébreu vis-à-vis du conflit syrien, il ajoute: «Pour
Moscou, la position d'arbitre au-dessus de la mêlée devient de plus en plus
inconfortable à mesure que se renforcent les tensions entre Israël et l'axe
Iran-Syrie-Hezbollah.»
La rédaction vous conseille :
- Un
front commun Trump-Macron après l'attaque chimique en Syrie
- Révélations
sur une opération secrète de l'armée israélienne
- Raids
israéliens en Syrie: les explications d'Harold Hyman
«Les
projets de Macron pour l'Europe à l'épreuve des faits» (08.04.2018)
ANALYSE - Brexit, migrants, ultradroite... le président
français désire fortement une Europe protectrice mais se retrouve confronté à
de nombreux imprévus, estime Olivier Bot, rédacteur en chef à La
Tribune de Genève, partenaire duFigaro au sein de l'alliance
Lena.
- Crédits photo : Figaro
Avec
le Brexit, le projet européen devait reprendre des couleurs. En se
mettant hors jeu, les Britanniques offraient une chance à l'Union: lever les
obstacles que ce partenaire frileux mettait à chaque tentative d'avancée
fédéraliste. Or les Européens les plus convaincus se rendent compte que cela ne
suffira pas. Parmi les 27, les réticences sont de plus en plus nombreuses , les
avis divergent et les contentieux se multiplient. Dernier épisode en date: le
renvoi de diplomates russes acté par certains, refusé par d'autres.
Dans un peu plus d'un an, les élections européennes vont
changer la physionomie du Parlement de Strasbourg. Le président français veut
se saisir de cette opportunité pour mettre sur la table ses propositions,
présentées dans
son discours de la Sorbonne. Il lui faut faire entrer 150 eurodéputés
de La République en marche et convaincre d'autres élus européens de constituer
une majorité europhile avec lui. Le mantra d'Emmanuel Macron: faire que
l'Europe soit protectrice de ses citoyens, face à la menace extérieure, dans le
contrôle aux frontières et au plan social. Forte de sa capacité à projeter des
forces militaires sur un théâtre extérieur, la France souhaite qu'une doctrine
de défense et un budget communs soient effectifs en 2020. Mais quand Paris
cible le Sahel, foyer de menace islamiste, l'Europe de l'Est s'inquiète de son
voisin russe. Et en matière de défense, le Royaume-Uni reste le seul partenaire
fiable, malgré le Brexit. Car l'armée britannique est la seule capable de
former une force européenne crédible aux côtés des militaires français.
L'écroulement quasi général de la social-démocratie
L'absence de politique commune en matière de migrants a
aussi laissé des traces. Alors qu'Italie et Grèce ont jusqu'ici dû gérer seules
l'accueil et la gestion des dossiers des arrivants, elles ne peuvent plus
aujourd'hui faire face. Le président français souhaite la création d'un office
européen de l'asile et d'une police européenne des frontières, afin d'harmoniser
les procédures. Mais le mal est fait. Les dernières campagnes électorales en
Europe se sont focalisées sur ce thème, habilement instrumentalisé par les
populistes, en Autriche comme en Italie.
Sur cette question, des pays comme la Hongrie ou la
République tchèque, très hostiles à l'arrivée de migrants sur leur territoire,
ne sont pas prêts à céder quoi que ce soit de leur souveraineté et du contrôle
de leurs frontières. Macron n'a avec eux aucune marge de discussion. De plus,
la victoire des populistes aux législatives en Italie brise l'alliance de Paris
avec Rome et Berlin sur une gestion raisonnée des réfugiés et un accueil
partagé en quotas par les pays membres.
«L'entrée en force de l'ultradroite antieuropéenne de
l'AfD au Bundestag aura pour conséquence de freiner une intégration plus
poussée, pourtant souhaitée par Berlin et Paris»
Cette
élection italienne, après celle de l'Autriche, a également fait reculer
l'ambition de gouvernance économique de la zone euro. Pays-Bas mais aussi
Allemagne, partenaire historique de la France, sont de plus en plus réticents à
l'établissement d'un budget propre aux pays qui ont adopté l'euro et qui
grossirait la note des dépenses communes. La montée des souverainistes rend par
ailleurs la nomination d'un ministre des Finances de la zone euro bien
hypothétique. Car à Berlin, la mutualisation de la dette demeure une ligne
rouge à ne pas franchir. Pas question de payer pour ces pays du Sud, que les
Allemands appellent avec ironie «le Club Med». Au chapitre social, c'est la
droite conservatrice qui bloque. Elle est majoritaire depuis l'écroulement
quasi général de la social-démocratie en Europe et constitue jusqu'ici le
principal groupe du Parlement européen. Or, elle voit d'un mauvais œil la
généralisation d'une taxe sur les transactions financières, en vigueur en
France, ou l'établissement d'une fourchette de taux d'impôt sur les
entreprises, sans parler de la fixation de standards sociaux et d'un salaire
minimum adapté à la réalitéde chaque pays. Les pays dont la santé économique
dépend d'une politique de dumping social, comme l'Irlande,ne feront ainsi aucun
geste pour une harmonisation à l'échelle de l'Union.
L'entrée en force de l'ultradroite antieuropéenne de l'AfD
au Bundestag aura également pour conséquence de freiner une intégration plus
poussée, pourtant souhaitée par Berlin et Paris. Il n'y a guère que sur le développement
des start-up du numérique, la protection des données ou la généralisation du
programme Erasmus pour les étudiants qu'un consensus semble possible.
Pour le reste, dans un environnement de plus en plus
eurosceptique, il faudra beaucoup plus que sa force de conviction à Macron.
La rédaction vous conseille :
Quelle
est la nouvelle géopolitique des porte-avions ? (09.04.2018)
INFOGRAPHIES - Les porte-avions effectuent un retour en
force sur les mers et les océans, des espaces stratégiques où les États
projettent plus que jamais leurs ambitions.
1 - Pourquoi les porte-avions sont-ils redevenus à la
mode?
Trop lourds, trop lents, trop chers… et de plus en plus
vulnérables aux armes modernes développées contre eux par certains pays.
L'époque, qui fait de la rapidité une condition du succès et de la sobriété
économique une vertu, n'était a priori pas favorable aux porte-avions. On
assiste pourtant aujourd'hui à leur plus grande envolée depuis la Seconde
Guerre mondiale. «Un temps considéré comme une capacité d'appoint, le
porte-avions redevient un atout majeur des grandes marines», explique
Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l'Institut Thomas More, à l'occasion
d'un séminaire organisé sur la question avec le partenariat du Centre d'études
stratégiques de la marine. Les États-Unis, qui dominent ce marché en l'écrasant
et qui possèdent la seule marine capable de déployer un groupe aéronaval sur
n'importe quel océan du globe, ont inauguré leur onzième bâtiment, le USS
Gerald Ford. Après avoir un temps décroché, la Grande-Bretagne effectue, avec
le Queen Elizabeth et le Prince de Galles, son grand retour dans le club très
fermé des puissances dotées de porte-avions. L'Espagne, l'Italie, l'Australie,
le Japon possèdent aussi des porte-aéronefs. Les pays occidentaux, qui ont en
partie puisé leur force stratégique dans leur capacité à dominer les mers, ne
sont plus les seuls à investir. À l'heure du basculement des rapports de
puissance mondiaux, toutes les marines ambitieuses en sont dotées ou prévoient
de l'être. La Chine, la Russie, l'Inde: les puissances émergentes ou
ré-émergentes misent de plus en plus dans cet outil de projection de puissance.
«Parmi les nouveaux venus, on compte des acteurs violents et d'autres qui ne
respectent pas les relations internationales», s'inquiète l'amiral Coldefy,
directeur de la revue Défense nationale, dans ce même colloque. Depuis
plusieurs années, la mer est redevenue un lieu privilégié des postures de
force, où les États cherchent à s'étendre au-delà de leurs côtes. Pour la
première fois depuis la guerre, un porte-avions américain a fait escale, en
avril 2017, dans le port de Danang au Vietnam. Les groupes navals chinois
et les sous-marins russes s'aventurent désormais jusqu'en Méditerranée, où ils
frôlent les côtes européennes.
2 - À quoi sert un porte-avions au XXIE siècle?
Pour une marine nationale, le porte-avions et son Groupe
aéronaval (GAN) changent la donne. Sa puissance de feu donne une capacité
d'entrer en premier dans un conflit. Sa mobilité permet d'assurer à la fois la
maîtrise de la mer et l'action contre la terre. Le porte-avions offre aussi au
pouvoir politique la capacité d'agir sans dépendre des contraintes
diplomatiques et logistiques. «100 000 tonnes de diplomatie», disait de
lui le diplomate américain Henry Kissinger. «Le porte-avions est un outil de
puissance politique, de suprématie navale et de supériorité aérienne qui assure
à la nation détentrice d'être partie prenante du règlement d'une crise ou d'un
conflit et de disposer des moyens d'imposer sa volonté», résume Jean-Sylvestre
Mongrenier. Des avantages particulièrement prisés au moment où la compétition
stratégique pour la maîtrise des espaces maritimes se durcit et oppose les
«puissances conservatrices», historiques et installées, aux «puissances
perturbatrices», émergentes. La remilitarisation à grande vitesse des océans et
les rivalités qu'elle entraîne menacent parfois de créer des conflits ouverts.
«Nous assistons peut-être au début d'un moment critique dans les relations
internationales, d'une montée aux extrêmes comme disait Clausewitz», analyse
Jean-Thomas Lesueur au séminaire de l'Institut Thomas More. Dans ce nouveau
contexte, le porte-avions et son GAN offrent un avantage certain aux marines
nationales. «Il ne remplace pas le combat à terre mais fournit un socle
géostratégique indépendant», complète l'amiral Coldefy. Il est aussi un gage
d'indépendance. «Dans l'histoire, même vos plus proches alliés ne vous
soutiennent pas toujours en cas de crise», rappelle l'amiral britannique Keith
Blount, faisant référence à la défection de son pays en Syrie, après le
franchissement de la ligne rouge chimique par le régime en août 2013. Le
retrait britannique, entraînant celui des États-Unis, avait contraint la France
à renoncer à son expédition punitive contre Damas.
3 - Les porte-avions chinois représentent-ils une menace?
Depuis plusieurs années, les tensions sont récurrentes en
mer de Chine méridionale, où Pékin et Hanoï se disputent les îles Spratleys et
Paracels. L'immense Chine, dont l'ombre menaçante s'étend sur tous les voisins,
tisse un collier de perles jusqu'à l'océan Indien en installant partout des
avant-postes et des bases opérationnelles. La Chine participe au retour du
combat en mer en coulant un bateau de pêche vietnamien, en commandant des
vedettes blindées, en consacrant des sommes toujours plus importantes au
développement et à la modernisation de sa marine nationale.
Pékin a entamé la construction du troisième des quatre ou
six porte-avions qu'elle ambitionne de fabriquer. Elle dépense aussi des
centaines de millions de dollars pour développer des missiles
anti-porte-avions, destinés à éloigner la marine américaine, qui, depuis le
revirement stratégique vers l'Asie de Barack Obama, se fait de plus en plus
visible. Mais la menace n'est pas uniquement dirigée contre les États-Unis.
Elle concerne tous les pays de la région, et notamment le Japon, la Corée du Sud
et Taïwan. Elle inquiète aussi les pays européens, qui constatent une
augmentation de la présence de la marine chinoise dans ses mers.
4 - Que signifie la montée en puissance de la marine
russe?
De la crise syrienne à l'annexion de la Crimée, la marine
russe est au cœur d'une série d'événements qui l'ont remise à l'honneur, après
la dégringolade qui avait accompagné la chute de l'URSS. Vecteur de puissance
et d'influence, la marine est cajolée par Vladimir Poutine, qui veut redonner à
la Russie, grâce à son armée, son statut d'acteur mondial de premier plan et
prendre sa revanche sur l'Occident, le vainqueur de la guerre froide. La
nouvelle version de la doctrine navale revendique le statut de «grande
puissance maritime». Dans ce projet, l'Amiral Kouznetsov est, avec les
sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, l'un des principaux éléments de
prestige de l'armée.
En Syrie, la
Russie s'est appuyée sur son unique porte-avions pour revenir en force en
Méditerranée orientale et au Levant. Son déploiement en grande
pompe, en 2016, a permis au Kremlin de mettre en scène sa volonté de puissance.
Ajouté aux dénis d'accès organisés par les systèmes anti-aériens russes, il a
aussi lancé un signal aux Occidentaux: Moscou veut avoir son mot à dire sur le
dossier syrien. Peu importe finalement que les performances méditerranéennes du
Kouznetsov aient été décevantes. La marine russe entend bien en tirer les
leçons. Moscou a aussi annoncé son intention de monter en gamme après la
retraite du Kouznetsov. Elle rêve d'un bâtiment qui, avec ses 100.000 tonnes,
rivaliserait avec les porte-avions américains. «La Russie veut se montrer et
veut continuer à avoir son mot à dire en Méditerranée. Mais tout cela aura un
coût, car elle n'a pas les moyens de remplacer le Kouznetsov» commente
Alexandre Sheldon-Duplaix, chercheur au Service historique de la Défense.
5- La France a-t-elle besoin d'un second porte-avions?
Tous les conflits géopolitiques dans lesquels la France a
été impliquée depuis plusieurs années ont démontré
la valeur stratégique du Charles-de-Gaulle.
De l'Afghanistan au golfe Arabo-Persique en passant par la Libye et le Levant,
sa puissance de feu a permis à la France d'accroître son influence dans les
alliances auxquelles elle a participé. Mais depuis le retrait du Foch en 2000,
l'unique porte-avions français ne permet plus à la France d'assurer la
permanence à la mer, en raison des périodes fréquentes et prolongées de
maintenance. Les marins s'en disent persuadés: si le Charles-de-Gaulle devait
ne pas avoir de successeur au moment de sa retraite, à l'horizon 2040, la France
verrait son autonomie politique et stratégique réduite. «Elle serait déclassée
sur les places diplomatiques et militaires. Sa voix ne porterait plus. Les
conséquences se feraient aussi ressentir sur le rôle de l'Europe et des nations
occidentales dans le monde», prévient Jean-Sylvestre Mongrenier.
Pour répondre à la montée en puissance de marines de guerre
qui n'appartiennent pas à la sphère occidentale, les marins militent
aujourd'hui pour que la France se dote d'un second porte-avions. «Nos pays doivent
se réarmer avec des outils adaptés», explique Jean-Thomas Lesueur. Deuxième
puissance maritime mondiale grâce à ses restes d'empire, la France a la
capacité de rayonner sur toutes les mers du globe. Reste à savoir si elle en a
les moyens financiers.
La rédaction vous conseille :
- Amiral
Lebas:«Le Charles-de-Gaulle a rempli sa mission contre Daech»
- Le
porte-avions Charles-de-Gaulle, un atout stratégique majeur
- Un
porte-avions russe au large de la Syrie
- À
bord du Charles de Gaulle à l'assaut de Daech
Grand reporter au service étranger du Figaro
Ses derniers articles
- Syrie
: Assad et ses alliés face à la riposte occidentale
- Un
front commun Trump-Macron après l'attaque chimique en Syrie
- Quelle
est la nouvelle géopolitique des porte-avions ?
Syrie:
suspicion de bombardement à l'arme chimique à Douma (08.04.2018)
Par Le
figaro.fr et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 08/04/2018 à
22h07 | Publié le 08/04/2018 à 11h19
VIDÉO - Selon une ONG médicale, près d'une cinquantaine
personnes ont été tuées et des dizaines d'autres intoxiquées. La presse
officielle syrienne dément alors que l'Union européenne assure que «les indices
pointent vers une nouvelle attaque chimique par le régime». Neuf pays ont
demandé une réunion urgente du Conseil de sécurité de l'ONU ce lundi.
Alors que le régime syrien a repris dimanche matin ces raids
aériens sur la ville de Douma, des secouristes et des rebelles ont accusé les
forces gouvernementales d'avoir eu recours, samedi, à des armes chimiques
contre un hôpital de cette dernière poche rebelle de la Ghouta orientale, près
de Damas. «Le régime d'Assad et ses alliés continuent à commettre leurs
crimes», a déclaré Hamza Birqdar, porte-parole militaire du groupe Djaïch al
Islam, l'un des deux principaux groupes rebelles de l'enclave, interrogé par la
chaîne de la télévision Al Hadath.
» LIRE AUSSI - Syrie:
six années d'impuissance face aux armes chimiques
Dans un communiqué commun, l'ONG Médicale SAMS (Syrian
American Medical Society) et les Casques Blancs - ces secouristes qui opèrent
en zones rebelles en Syrie - ont fait état de 48 morts. Ils ont en outre
rapporté que «plus de 500 cas, en majorité des femmes et des enfants»,
présentent «les symptômes d'une exposition à un agent chimique». Les patients
souffrent de «difficultés respiratoires, de «brûlures de la cornée», «une
mousse excessive» s'échappe de leur bouche et ils dégageaient «une odeur
semblable à celle du chlore», selon le texte cité par l'AFP.
L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a fait
état d'environ 70 cas de suffocation parmi les civils pris au piège de
sous-sols ou de pièces faiblement ventilées, et ne pouvant s'échapper pour
trouver de l'air après les raids. Selon l'OSDH, onze personnes, dont quatre
enfants, ont péri dans ces conditions sans toutefois se prononcer sur l'emploi
ou non d'armes chimiques.
- Crédits photo : Gildas des Roseaux / Le Figaro
La presse officielle syrienne a démenti l'attaque chimique
et accusé les insurgés de diffuser des fausses informations pour tenter de
ralentir la progression des forces gouvernementales. Les forces du régime, dont
plusieurs frappes ont tué 70 civils vendredi, tentent de faire plier ce dernier
groupe rebelle de la Ghouta orientale. Selon des sources locales, les rebelles
auraient accepté, après négociations, de quitter Douma et de libérer leurs
prisonniers. Selon la télévision publique syrienne, les combattants de Djaïch
al Islam devraient partir dans les 48 heures pour Djarablous, au nord du pays.
La Russie et l'Iran démentent, les Etats-Unis menacent
Ce dimanche, la Russie a emboîté le pas aux dénégations du
régime syrien qui a qualifié les condamnations de cette attaque chimique
présumée de «rengaine ennuyeuse». «Nous sommes prêts, une fois que Douma sera
libérée, à envoyer immédiatement des spécialistes russes en défense nucléaire,
chimique et biologique pour recueillir les données qui confirmeront que ces
assertions sont montées de toutes pièces», a déclaré le général Youri
Evtouchenko, chef du centre russe pour la réconciliation des parties en conflit
en Syrie, selon des propos rapportés par les agences russes. Même position de
l'Iran, qui va jusqu'à évoquer un «complot» contre le régime syrien.
L'Union européenne a, pour sa part, estimé que «les indices
pointent vers une nouvelle attaque chimique par le régime» syrien. «Nous
appelons les alliés du régime, la Russie et l'Iran, à user de leur influence
pour empêcher une nouvelle attaque», a indiqué dans un communiqué le Service
européen pour l'action extérieure.
Un peu plus tôt, les États-Unis ont également fustigé cette
possible attaque chimique et estimé que la Russie porterait une part de
responsabilité si cette information était confirmée. Dans un tweet, Donal Trump
a dénoncé «une attaque chimique insensée» pour laquelle la Syrie «devra payer
le prix fort». La porte-parole du Département d'État, Heather Nauert a, quant à
elle, pointé du doigt la responsabilité de la Russie: «La Russie, avec son
soutien sans faille au régime, porte la responsabilité finale de ces attaques
brutales», a ajouté la porte-parole américaine.
» LIRE AUSSI - Derrière
l'enfer syrien, la victoire de la realpolitik
La Turquie a également condamné avec vigueur cette «attaque
aux armes chimiques» ajoutant qu'elle soupçonnait «fortement» le régime syrien
d'en être responsable. «Des nouvelles terribles nous parviennent de la Syrie
avec des dizaines de victimes, dont beaucoup de femmes et d'enfants (...) tant
de personnes frappées par les effets des substances chimiques contenues dans
les bombes», a pour sa part déclaré le pape François devant des milliers de
fidèles rassemblés place Saint-Pierre.
Le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le
Drian, a fait part de son «indignation devant les images et informations
transmises par plusieurs organisations disposant de témoins présents sur
place». Sous l'impulsion de la France, neuf pays ont demandé une réunion
urgente du Conseil de sécurité de l'ONU, qui doit avoir lieu à 17h30 lundi
(heure française). La Russie a demandé en parallèle une autre réunion qui se
tiendra à 21 heures. Contrairement à la première, elle n'a pas pour objet
spécifique la Syrie et parle de «menaces sur la paix dans le monde», selon des
sources diplomatiques.
VIDEO - Syrie: suspicion de bombardement à l'arme
chimique à Douma
La rédaction vous conseille :
- Syrie:
la France et les États-Unis réclament à Moscou de mettre fin «au bain de
sang»
- Syrie:
Assad déterminé à poursuivre l'offensive dans la Ghouta
- Syrie:
Poutine ordonne une «trêve humanitaire» quotidienne à partir de mardi
- Syrie:
pour l'ONU, la Ghouta est devenue «l'enfer sur Terre»
- Syrie:
une attaque chimique fait des dizaines de morts
- Guerre
en Syrie: qui sont les responsables de la tragédie?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire