Caroline
Galactéros: «Pourquoi la France ne doit pas s'associer aux frappes en Syrie»
(10.04.2018)
Le dangereux
face-à-face entre Turcs et Occidentaux dans le nord de la Syrie (09.04.2018)
Syrie :
«Tiens-toi prête, Russie, les missiles arrivent», prévient Trump (11.04.2018)
Syrie : Assad
et ses alliés face à la riposte occidentale (10.04.2018)
Syrie : le
régime met ses hommes en état d'alerte (11.04.2018)
En attendant
une intervention en Syrie, les Rafale en piste à Saint-Dizier (11.04.2018)
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(11.04.2018)
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a longuement préparé son discours sur la religion (10.04.2018)
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catholiques satisfaits mais «prudents» après le discours de Macron (10.04.2018)
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Le numérique
bouleverse l'énergie (10.04.2018)
Caroline Galactéros: «Pourquoi la France ne doit pas
s'associer aux frappes en Syrie» (10.04.2018)
FIGAROVOX/TRIBUNE - Alors que la
France s'apprête vraisemblablement à frapper la Syrie, en représailles aux
attaques chimiques supposées, Caroline Galactéros plaide pour un sursaut
d'indépendance nationale. Selon elle, la France ne doit pas s'aventurer dans
une nouvelle coalition.
Docteur en science politique
et colonel au sein de la réserve opérationnelle des Armées, Caroline Galactéros
est présidente du think tank Geopragma. Auteur du blog Bouger Les Lignes, elle
a notamment publié Guerre, Technologie et société (éd. Nuvis,
2014).
La messe semble dite et une
atmosphère de veillée d'armes plane sur Paris, tandis que le jeune prince
d'Arabie Saoudite quitte la capitale et que notre président est en étroit
dialogue avec son homologue américain. La France pourrait, en coordination avec
Washington, frapper de manière imminente les forces du régime syrien en
représailles d'une nouvelle attaque chimique imputée de manière «très probable»
mais en amont de toute enquête, aux forces de l'abominable tyran Assad soutenu
par les non moins affreux régimes russe et iranien.
» LIRE AUSSI - Syrie:
le régime met ses hommes en état d'alerte
Il faudrait agir vite, se montrer
ferme, intraitable, juste! Il s'agirait là d'un «devoir moral»! On a bien
entendu et lu. Le discours moralisateur sur la sauvegarde des civils innocents,
pourtant inaudible après sept ans de guerre et de déstabilisation de la Syrie,
est toujours le même. C'est là le comble du cynisme en relations
internationales, que nous pratiquons pourtant sans états d'âme depuis des
décennies. Pendant ce temps, la guerre silencieuse du Yémen continue. Ces
civils-là n'existent pas, ne comptent pas.
Mais certaines images de guerre
et de civils otages d'une sauvagerie généralisée irritent plus que d'autres nos
consciences lasses d'Européens déshabitués de la violence et gonflés d'une
prétention à connaître, dire et faire le Bien. Soit.
Mais agir contre qui? Qui faut-il
punir? Le régime de «l'animal Assad», comme l'a appelé Trump? L'Iran? La
Russie? Vraiment? Et si ce trio noir que l'on désigne exclusivement depuis des
mois à la vindicte populaire internationale n'était qu'un leurre, proposé à
notre indignation sélective pour ne pas réfléchir à nos propres incohérences?
Quel serait l'intérêt de la
Russie de laisser perpétrer une telle attaque ?
Personne ne se demande pourquoi
cette nouvelle attaque chimique arrive maintenant, au moment même où la Ghouta
orientale repasse sous contrôle gouvernemental syrien et parachève sa
reconquête territoriale, face à des groupuscules rebelles rivaux globalement en
déroute et plus que jamais prêts à se vendre au plus offrant pour survivre et
espérer compter? Personne ne s'autorise à douter un instant, quand le ministre
russe des affaires étrangères rapporte que les observateurs du Croissant rouge
syrien envoyés sur place n'ont rien vu ressemblant à une attaque? Serguei
Lavrov ment-il carrément au Conseil de Sécurité des Nations unies ou bien
faut-il penser que Moscou ne contrôle pas tout ce qui se fait au plan militaire
sur le théâtre? Ou que des éléments de l'armée syrienne elle-même agiraient en
électrons libres ou auraient été «retournés»? À qui profite le crime? C'est
cette vieille question, mais toujours pertinente, qui paraît désormais
indécente.
Quel serait pourtant l'intérêt de
la Russie de laisser perpétrer une telle attaque, alors que, ne nous en
déplaise, bien davantage que notre «Coalition internationale», elle cherche la
paix, l'organise pragmatiquement, et est la seule depuis sept ans à engranger
quelques résultats qui évidemment contreviennent à nos intérêts et à ceux de
nos alliés régionaux?
On semble aussi avoir totalement
oublié une donnée fondamentale du conflit: les malheureux civils de la Ghouta,
comme ceux des ultimes portions du territoire syrien encore aux mains des
«rebelles» djihadistes ou de Daech, sont des boucliers humains, peut-être même,
en l'espèce, sacrifiés par ces mêmes apprentis démocrates suppôts d'al-Qaïda et
consorts pour entraîner l'Occident dans une guerre ouverte avec Moscou et
Téhéran.
Car si l'on quitte le microscope
pour la longue-vue, il est permis de décrire à partir de cette dernière
séquence syrienne un contexte stratégique global infiniment préoccupant pour
l'Europe, et singulièrement pour la France, qui risque de prendre les
avant-postes d'une guerre qui n'est pas la sienne, dont elle fera les frais et
qui neutralisera durablement l'ambition présidentielle affirmée de prendre le
leadership politique et moral de l'Union européenne. Nos amis allemands ou
italiens sont d'ailleurs moins cynico-idéalistes, mais plus prosaïques que
nous. Ils avancent prudemment, vont et viennent entre Beyrouth et Damas pour
pousser leurs pions en cette phase douloureuse et recueilleront les fruits de
notre marginalisation radicale quand la reconstruction syrienne arrivera.
La guerre en Syrie a été gagnée
militairement par l'armée gouvernementale. Militairement, mais pas
politiquement.
La ficelle est si grosse et la
pelote si bien déroulée depuis des mois qu'on ne la voit plus en effet. On
punit la Russie. On la punit d'être la Russie, déjà, et d'avoir réussi son
retour sur la scène mondiale. On la punit de vouloir la paix en Syrie et de
chercher à la mettre en musique politiquement à Astana ou à Sotchi. On la punit
d'avoir sauvé Damas et son régime diabolisé du dépècement qu'on leur promettait
et qui s'est fracassé sur la résilience populaire et gouvernementale syrienne
et a déjoué partiellement au moins la confessionnalisation des affrontements
politiques et sociaux que l'Occident encourage, sans en comprendre le danger
insigne pour ses propres sociétés, et notamment en Europe.
La guerre en Syrie a été gagnée
militairement par l'armée gouvernementale. Militairement, mais pas
politiquement. Cette victoire sur le terrain au prix d'une guerre brutale
(comme toutes les guerres, même celles menées depuis les airs et qui n'ont de
chirurgicales que le nom), nous est proprement insupportable car cela nous
force à faire la paix, ce que nul ne veut mis à part… Moscou. Ah, Moscou!
L'impudent Vladimir Poutine trop bien réélu qui nous nargue avec sa coupe du
monde, où des millions de gens vont découvrir un visage de la Russie qui ne les
terrifiera pas.
Et puis derrière Moscou, on vise
évidemment Téhéran, dont Israël, en pleine idylle officielle avec le centre
mondial du salafisme - l'Arabie saoudite - qui a toutefois opportunément décidé
de faire peau neuve, ne peut tolérer l'émergence régionale, tant le niveau
sociétal, culturel, technologique et commercial de ce pays lui fait de l'ombre
bien au-delà de la seule crainte d'un (dés)équilibre stratégique modifié par sa
nucléarisation ultime.
» LIRE AUSSI - Derrière
l'enfer syrien, la victoire de la realpolitik
Bref, nous sommes en train de
tomber dans un vaste piège qui se joue sur plusieurs fronts, et de nous ruer,
en croyant ainsi exister, sur le premier os qu'on nous jette. De ce point de
vue, l'affaire Skripal pourrait bien n'avoir été que le hors-d'œuvre de la
séquence actuelle. Elle a posé le premier étage d'une repolarisation politique
et sécuritaire de l'Europe autour de Londres, et surtout sous la bannière de
l'OTAN. Car c'est là l'ultime manœuvre: remettre au garde-à-vous les Européens
qui, depuis l'arrivée de Donald Trump et le Brexit, s'étaient pris à rêver
d'une autonomie européenne en matière de politique et de défense… Péril suprême
pour le leadership américain sur le Vieux Continent, heureusement contrebalancé
par les rodomontades de quelques nouveaux européens qui refusent leur arasement
identitaire et mettent à mal tout projet d'affranchissement sécuritaire
collectif. Le Secrétaire américain à la défense, le général Mattis, a
d'ailleurs été très clair: les Européens doivent en effet consacrer 2 % de leur
PIB à la défense, mais pour acheter des armes américaines et demeurer dans
l'orbite otanienne évidemment, l'Alliance constituant le cadre naturel et
nécessaire de la défense de l'Europe. Fermez le ban!
Nous sommes en train de tomber
dans un vaste piège qui se joue sur plusieurs fronts.
Nous sommes donc en train d'être
clairement repris en main par l'OTAN, mais on ne s'en rend pas compte car on
nous vend la nécessité d'une solidarité sans failles, donc manichéenne, face à
une «offensive russe» pour diviser l'Europe (comme si nous n'étions pas assez
grands pour nous diviser nous-mêmes) et dominer le Levant. C'était probablement
l'objet de l'affaire Skripal comme de la présente montée au front sur la Syrie.
La volte-face aujourd'hui même d'Angela Merkel sur le projet Northstream-2 ne
fait qu'amplifier cette polarisation. Moscou est poussé à se crisper donc à
s'isoler par tous les moyens. Par les sanctions, par les vrais faux
empoisonnements d'espions en plein Londres et jusqu'à cette décision allemande
qui ne peut que durcir la position russe en Syrie et assurer la montée des
tensions, le Kremlin n'ayant plus d'autre alternative que de jouer le tracé
Qatari qui passe par la Syrie… Redoutable manœuvre anglo-américaine donc, à
laquelle Paris et Berlin semblent ne voir que du feu.
Il faut donc s'y résoudre:
l'Amérique d'Obama a vécu. Celle de Trump et de ceux - néoconservateurs de
toutes obédiences - qui l'environnent très fermement désormais, a radicalement
changé de posture. Certes le président américain annonce son souhait de quitter
la Syrie, mais il avoue pouvoir changer d'avis si l'Arabie saoudite payait le
coût de cette présence! On ne peut être plus clair et c'était aussi tout le
sens de son premier voyage à Riyad au printemps dernier: réassurer l'allié du
Quincy (dont le Pacte éponyme était rendu caduc par la nouvelle indépendance
énergétique américaine) contre 400 milliards de dollars de contrats pour
l'économie américaine. Et puis, tandis qu'il déclare au grand dam de ses
généraux et pour tromper son monde qu'il veut partir, il se consolide une vaste
zone d'influence américaine à l'est de l'Euphrate avec les FDS arabo-kurdes.
Washington, dans le vaste
mouvement de repolarisation du monde, entend en tout état de cause demeurer le
môle principal d'arrimage d'un Occident qui doute face à une Chine qui
structure à son rythme et via un affrontement de basse intensité mais tous
azimuts, un véritable «contre-monde». L'Amérique, fébrile, joue son va-tout
pour renverser la vapeur d'un ordre international qu'elle ne contrôle plus mais
qu'elle veut encore dominer coûte que coûte. Elle veut l'affrontement pour
réinstaller sa préséance face à Moscou, Téhéran et Pékin, cible ultime de
l'intimidation. C'est là pourtant un combat profondément à contresens de
l'évolution du monde. Affligés du syndrome postmoderne de la vue basse et celui
de l'hybris technologique, nous oublions que la vie est longue.
Au-delà, cette affaire, comme
d'innombrables autres, met en évidence une évolution dangereuse: la
substitution à la réalité non d'une image déformée, mais carrément d'une autre
réalité et le retour de la tentation de la guerre préventive préemptive, qui
évite d'enquêter. La question est vraiment très grave pour l'essence même de la
politique internationale. Préfère-t-on l'image au réel, les fake news à
l'analyse, le sensationnalisme à la rigueur?
Alors que voulons-nous? Ce sera
bientôt clair: si nous voulons sauver la Syrie, il nous faut surtout ne pas
nous joindre à une coalition qui agira hors de tout mandat de l'ONU et qui
portera le poids d'une guerre dont le peuple syrien est la dernière roue du
carrosse et sera la victime immédiate. La grande question est donc: mais que
vient faire Paris dans cette galère? On se trompe comme souvent d'ennemi,
d'allié, de posture, de tout en somme. Et si l'on essayait l'audace, le courage
et la singularité? Notre siège au Conseil de Sécurité, que guigne l'Allemagne
de plus en plus ouvertement, en serait relégitimé. Nous posons-nous seulement
la question de notre intérêt national (qui ne se réduit pas à des contrats d'armement)
et des raisons pour lesquelles on nous sert ainsi l'injonction d'un alignement
sur le thème du Bien contre le Mal et de la guerre préventive?
Dans ce nouveau grand jeu, la
France a encore l'opportunité inespérée de compter plus que son poids démographique
ou même économique ne le lui permet.
La France est désormais, en Syrie
comme ailleurs, au pied du mur. Elle a l'occasion inespérée de faire valoir une
approche prudente et rigoureuse, une voix pour la paix, une singularité. Nous
avons déjà une influence au plus bas dans la région. Si nous voulons compter de
nouveau, nous devons regarder la réalité dans les yeux et admettre que «nous
avons eu tout faux» depuis 2011. Il n'est jamais trop tard et notre président
peut encore choisir de compter véritablement au regard de l'Histoire et dans le
cœur des peuples
Une guerre contre l'Iran et la
Russie n'est pas la nôtre. Elle ne correspond nullement aux intérêts
stratégiques français, ni à ceux de l'Europe. Nous avons déjà si naïvement
collé aux Britanniques qui veulent quitter l'Union, sans preuve et par
principe, dans l'affaire Skripal. Pourquoi cette fuite en avant?
Dans ce nouveau grand jeu, la
France a encore l'opportunité inespérée de compter plus que son poids
démographique ou même économique ne le lui permet, en affirmant une singularité
et une cohérence. Plus que jamais le réalisme, aux antipodes du cynisme, doit
être le bouclier et la lance de notre nouvelle posture internationale. Il nous
rapproche non d'une justice abstraite mais de l'équité et de la clairvoyance.
La France n'a pas le droit et aucun intérêt à être malhonnête dans son
interprétation des faits. Elle a tout à gagner à la lucidité et elle doit
d'urgence montrer au monde comme aux peuples et pouvoirs du Moyen-Orient qu'on
ne l'égare ni ne la soumet si facilement.
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Le dangereux face-à-face entre Turcs et Occidentaux dans le
nord de la Syrie (09.04.2018)
REPORTAGE - Les forces kurdes,
combattants de Daech de la première heure, sont aujourd'hui contraintes de
défendre leur position contre les attaques turques et redoutent un départ de la
coalition américano-française.
Envoyé spécial à Dadat et
Manbij
Les Français restent invisibles
mais les Américains se montrent ostensiblement. Dans la campagne verdoyante au
nord de Manbij, grosse ville syrienne à une trentaine de kilomètres à l'ouest
de l'Euphrate, un grand drapeau étoilé flotte sur une colline plantée
d'oliviers au-dessus du village de Dadat. Au pied du drapeau, une douzaine de
gros véhicules blindés américains sont garés devant un fortin fait de gabions
pliants, sorte de grands paniers cubiques remplis de terre et empilés de façon
à former des remparts.
L'installation de la petite unité
américaine sur cette crête au nord de la Syrie date de quelques jours à peine.
Devant la position, d'autres gabions attendent d'être déployés pour compléter
la fortification. Même si les soldats refusent de parler à des étrangers, leur
présence n'a rien de secret. Tout au contraire: leur détachement est placé là
pour être parfaitement visible et dissuader toute attaque.
«Les Forces spéciales françaises
ne se montrent pas, mais elles sont là aussi, nous leur avons aménagé des
positions aux alentours», assure le commandant Kendal, un officier kurde du
comité militaire de Manbij, chargé de la liaison avec les forces occidentales.
«Nous nous sommes battus ensemble contre Daech, aujourd'hui nous avons encore
besoin de nos alliés de la coalition.»
» LIRE AUSSI - Paris renforce son soutien aux Kurdes de Syrie
Trois ans après leur déploiement
dans le nord de la Syrie pour appuyer les milices kurdes syriennes contre
l'État islamique, les forces de la coalition internationale viennent de se voir
confier une nouvelle mission au profit des Kurdes syriens. Mais cette fois,
l'adversaire n'est plus Daech. La menace vient d'une force régulière, qui plus
est elle aussi membre de l'Otan et nominalement alliée de la coalition: l'armée turque.
«Vous voyez une position turque
là-bas, sur la crête», indique Mahmoud Anah par l'embrasure d'un poste
d'observation renforcé de sacs de sable. Ce jeune soldat à peine sorti de
l'adolescence combat dans les rangs des Forces démocratiques syriennes (FDS),
la formation qui englobe les milices kurdes de protection populaire (YPG) et
leurs alliés arabes locaux, déployés sur le front de Manbij. Mahmoud montre du
doigt un sommet de colline où la terre a été fraîchement retournée. Avec une
dizaine d'autres soldats guère plus âgés que lui, Mahmoud occupe un poste
avancé au-dessus de Dadat, à environ un kilomètre devant la position
américaine. Ils remplissent une mission de «sonnette». En cas d'attaque, ces
soldats serviront à prévenir les lignes de défense principales du début de
l'offensive, sans grandes chances de la ralentir plus de quelques minutes.
«Je suis heureux que les
Américains soient là sinon on pourrait être attaqués (par les Turcs) à tout
moment»
Mahmoud, combattant kurde
«À côté des Turcs, vous avez une
position de l'Armée syrienne libre», poursuit Mahmoud Anah, le bras tendu.
Complication supplémentaire, l'armée turque est accompagnée elle aussi d'alliés
syriens: sous le nom d'Armée syrienne libre, celui pris par les insurgés
syriens contre le régime de Bachar el-Assad au début de leur soulèvement, ces
supplétifs arabes, recrutés largement dans les rangs de groupes djihadistes,
appuient et accompagnent l'opération «Rameau d'Olivier», lancée par l'armée
turque le 20 janvier dernier, mettant ostensiblement à sac les maisons
kurdes conquises.
«Depuis la chute du canton d'Afrine, le mois dernier,
beaucoup de renforts turcs sont arrivés, certains hier encore», dit Mahmoud.
«Je suis heureux que les Américains soient là», dit-il, «sinon on pourrait être
attaqués à tout moment». Après s'être emparée du canton d'Afrine et l'avoir
livré au pillage de leurs alliés arabes, l'armée turque menace à présent Manbij.
Cette ville, reprise en 2016 à l'État islamique par les FDS, est la position la
plus avancée des Kurdes syriens à l'ouest du fleuve Euphrate. Le président turc
Erdogan, qui considère comme intolérable l'existence le long de sa frontière
d'une entité kurde syrienne apparentée au PKK, le parti séparatiste kurde de
Turquie, a désigné Manbij comme le prochain objectif pour ses troupes.
Cette menace représente un
casse-tête diplomatique et militaire supplémentaire pour la coalition
internationale rassemblée par Washington contre l'État islamique. D'abord parce
que l'opération d'Afrine a déjà fait échouer l'offensive finale contre Daech
dans le sud de la Syrie, les combattants kurdes ayant suspendu leurs opérations
pour se redéployer face à cette nouvelle menace. Mais ensuite et surtout parce
qu'elle oblige Washington, et Paris, à choisir entre deux mauvaises options:
soit les Occidentaux cèdent aux pressions d'Erdogan et abandonnent en rase
campagne leurs alliés kurdes après qu'ils ont payé le prix du sang pour
reconquérir le territoire syrien de Daech, perdant ainsi ce qui leur reste de
crédibilité dans la région ; soit ils placent un rideau de troupes en
travers du chemin d'un allié de l'Otan au comportement de plus en plus
erratique, et qui dispose d'un pouvoir de nuisance considérable, au risque de
voir la situation déraper à tout moment.
«Jusqu'à présent les chefs
américains nous ont confirmé qu'ils resteraient et riposteraient en cas
d'attaque, notamment aérienne, de la part de la Turquie»
Abou Adel, le chef du conseil
militaire de Manbij
Les déclarations de Donald Trump,
qui a récemment annoncé vouloir retirer au plus vite ses troupes de Syrie, ont
pour l'instant été contredites par le déploiement des forces américaines devant
les positions turques. Mais ce face-à-face entre plusieurs membres de l'Otan
sur l'Euphrate reste potentiellement dangereux. «Il y a de grands risques que
les Turcs attaquent», dit Abou Adel, le chef du conseil militaire de Manbij.
«Mais aussi longtemps que la
coalition sera présente, je pense qu'ils hésiteront. Jusqu'à présent les chefs
américains nous ont confirmé qu'ils resteraient et riposteraient en cas
d'attaque, notamment aérienne, de la part de la Turquie. Manbij est notre
ville, nous l'avons libérée de l'État islamique, nous allons la conserver»,
dit-il. «Nous n'avons pas attaqué la Turquie ou la Russie, nous sommes ici chez
nous.»
Le commandant Abou Adel déplore
aussi la suspension des opérations contre Daech. «L'État islamique est loin
d'être vaincu», ajoute-t-il. «Ses combattants sont encore là et bien actifs
dans la région de Deir Ezzor. Ces derniers jours, ils se sont emparés de puits
de pétrole appartenant au régime syrien. Mais nous ne pouvons rien faire, nous
avons été obligés de ramener nos combattants vers Manbij: nous n'allons pas continuer
à combattre l'État islamique pendant que nos villes et nos familles sont
attaquées par la Turquie.»
Outre les Turcs au nord et l'État
islamique au sud-est, les FDS de Manbij font aussi face au régime syrien de
Bachar el-Assad vers l'ouest. «On n'a pas eu d'accrochages avec eux», dit Abou
Adel. «On ne les aime pas plus que ça, mais nous n'avons pas de contentieux
majeur pour le moment sur ce front.»
«Erdogan se comporte plus
comme un chef de milice que comme un chef d'État»
Dans les rues de Manbij, l'atmosphère
est presque normale. Des soldats américains s'arrêtent même pour acheter des
kebabs. Mais les habitants se disent inquiets. «À Afrine, la Turquie a montré
son véritable visage», dit Cheikh Farouk el-Machi, le coprésident du Comité
civil de Manbij, l'organe de gouvernement placé à la tête de la ville. «Ils se
prétendent des libérateurs, mais ils se comportent comme une force
d'occupation. Ils défient et menacent tout le monde, et Erdogan se comporte
plus comme un chef de milice que comme un chef d'État.»
Dans le bureau de l'«Organisation
de l'aide aux familles des martyrs», qui prend en charge les conjoints et
enfants des combattants des FDS tombés au feu, l'inquiétude est la même. «On
compte beaucoup sur la présence des forces de la coalition», dit Kifal, une
jeune veuve dont le mari a été tué en 2016 pendant les combats pour reprendre
Manbij à l'État islamique, «mais on n'est pas tranquilles quand on entend les
responsables occidentaux changer d'avis d'une semaine à l'autre».
D'autant que le front n'est pas
calme. Sur la route d'Alep, où une grosse base américaine est installée au pied
d'une gigantesque antenne de communication, le commandant Kendal indique sur
une tablette les positions des forces turques. «La pression a augmenté beaucoup
depuis la chute d'Afrine», dit-il. «Il y a des incidents presque tout le temps.
Ce sont des tirs de mitrailleuse lourde, ou parfois de mortier ; la nuit,
ils tirent des obus éclairants. On soupçonne les soldats turcs de se déployer
en première ligne. Sans la présence des forces de la coalition, ils auraient
déjà attaqué.»
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Syrie : «Tiens-toi prête, Russie, les missiles arrivent»,
prévient Trump (11.04.2018)
Par Le
figaro.fr, AFP
agence et agence ReutersMis à jour le 11/04/2018 à 15h44 | Publié
le 11/04/2018 à 14h24
VIDÉO - Dans un tweet matinal, le
président américain a averti mercredi la Russie de frappes imminentes contre la
Syrie, ajoutant que les relations entre les deux pays étaient «pires
aujourd'hui qu'elles ne l'ont jamais été, y compris pendant la Guerre froide».
«Tiens-toi prête, Russie, car ils
arrivent, beaux, nouveaux et ‘intelligents!' Vous ne devriez pas vous associer
à un Animal qui Tue avec du Gaz, qui tue son peuple et aime cela». Le président
américain Donald Trump a ainsi menacé directement la Russie - alliée de Bachar
el-Assad - sur son compte Twitter en lui annonçant que les missiles en
direction de la Syrie arrivaient.
Il a renchéri dans un second
tweet en affirmant que les relations avec la Russie étaient pires que durant la
Guerre froide. «Notre relation avec la Russie est pire aujourd'hui qu'elle ne
l'a jamais été, y compris pendant la Guerre froide. Il n'y a pas de raison à cela.
La Russie a besoin qu'on l'aide sur son économie, ce qui devrait être très
facile à faire, et nous avons besoin que toutes les nations travaillent
ensemble. Arrêtons la course aux armements?», a tweeté le président Trump.
Cette nouvelle menace de Trump laisse
présager une attaque imminente des États-Unis sur la Syrie, en réaction à
l'attaque chimique présumée du régime syrien à Douma. Donald Trump avait déjà promis lundi qu'il prendrait «une décision majeure
dans les prochaines 24 à 48 heures» concernant la réponse à
adopter concernant la dernière attaque chimique en Syrie.
Moscou insinue que Washington
veut «effacer les traces de provocations»
Mardi soir au Conseil de sécurité
de l'ONU réuni en urgence, Moscou a posé son veto à la résolution américaine prévoyant
de créer un mécanisme d'enquête sur le recours aux armes chimiques. «En cas de
frappe américaine(...), les missiles seront abattus et même les sources d'où
proviennent ces missiles seront prises pour cibles», avait déclaré le même jour
l'ambassadeur russe au Liban, Alexander Zassipkine, interrogé sur la chaîne de
télévision du Hezbollah Al Manar.
«Les missiles intelligents
doivent voler en direction des terroristes et non pas en direction du
gouvernement légitime, qui lutte depuis plusieurs années contre le terrorisme
international sur son territoire», a réagi ce mercredi sur Facebook la
porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova. «L'idée serait-elle
d'effacer rapidement les traces de provocations par des frappes de missiles
intelligents, et les inspecteurs n'auront plus rien à trouver en termes de
preuves», s'est interrogée la porte-parole.
La Syrie n'a pas tardé à réagir,
accusant les États-Unis de soutenir le terrorisme. Elle a qualifié ces menaces
comme une «escalade dangereuse» , selon l'agence officielle Sana.
La rédaction vous
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Les États-Unis et la France ont
promis de répondre fermement à l'attaque chimique du 7 avril à Douma.
Cinq ans plus tard, le même trio
est confronté au même défi. Les États-Unis et la France, suivis d'une
Grande-Bretagne présente mais plus discrète, ont promis de répondre fermement à
une attaque chimique qui a fait quarante-huit morts, dont de
nombreux enfants, le 7 avril à Douma, dans la Ghouta orientale, le
dernier bastion rebelle près de Damas, pilonné par les forces du régime et
leurs alliés. Le 31 août 2013, les projets de riposte militaire
étaient tombés à l'eau, noyés dans l'abandon britannique puis la volte-face
américaine décidée au dernier moment par Barack Obama alors que les avions
français étaient prêts à décoller. Les Français en avaient conçu de l'amertume
et un fort ressentiment vis-à-vis de l'Administration américaine d'alors.
Depuis, la ligne rouge sur les
armes chimiques a de nouveau été franchie, notamment samedi à Douma. À tel
point que la réaction militaire paraît cette fois inéluctable. Français et
Américains n'ont aucun doute sur la nature chimique et neurotoxique de
l'attaque ni sur son origine. Washington promet des «décisions majeures». L'Élysée évoque une «riposte».
Emmanuel Macron et Donald Trump,
qui s'entendent bien, se sont parlé deux fois au téléphone depuis l'attaque.
Ils espèrent une «réaction ferme de la communauté internationale». Paris a
aussi montré du doigt la Russie. «Quelle est la responsabilité de la Russie?
Pas un avion syrien ne décolle sans que les Russes en soient informés…», a
interrogé Nathalie Loiseau, la ministre des Affaires européennes. Le premier
ministre Édouard Philippe a dit la même chose, affirmant que «les alliés du
régime ont une responsabilité particulière dans ce massacre».
Si les présidents français et
américain s'abstenaient une nouvelle fois de faire respecter la ligne rouge
chimique, ils perdraient leur crédibilité, déjà largement entamée en Syrie
Si les présidents français et
américain s'abstenaient une nouvelle fois de faire respecter la ligne rouge
chimique, ils perdraient leur crédibilité, déjà largement entamée en Syrie. Ils
encourageraient indirectement la prolifération des armes chimiques sur la
planète. Ils donneraient un feu vert à l'impunité des auteurs de crimes de
guerre. D'ailleurs, même Damas semblait s'attendre à des frappes aériennes
imminentes. Le régime a placé ses forces «en état d'alerte» dans les aéroports
et les bases militaires.
Une défection de Donald Trump,
qui a annoncé la semaine dernière son intention de retirer les troupes américaines de Syrie,
et dont l'imprévisibilité est une manière de gouverner, remettrait-elle en
question la détermination d'Emmanuel Macron? Contrairement à François Hollande,
qui avait misé sur le soutien des États-Unis, sans imaginer qu'il puisse en
être autrement et qui n'avait jamais prévu d'agir seul, Emmanuel Macron a déjà
évoqué cette option.
Il a promis que la France ferait
respecter sa ligne rouge chimique, même si elle devait pour cela frapper par
elle-même. À l'époque, certains officiers généraux avaient été dubitatifs
devant un tel projet qui pouvait leur sembler périlleux. Mais la proposition a
été rappelée récemment par le chef d'état-major français. Invité d'Europe 1, le
général François Lecointre a confirmé le mois dernier que la France, en cas de
besoin, serait capable de frapper «en autonomie» en Syrie.
La Russie, qui maîtrise
l'espace aérien syrien et dénonce les projets de frappes militaires, sera tout
sauf un allié pour les avions américains, français ou peut-être britanniques
Reste à savoir quelles seront les
cibles de la réaction militaire. En avril 2017, la frappe politique de Donald Trump, qui
voulait sans doute surtout effacer «l'erreur» de Barack Obama en Syrie et qui
s'était limitée à viser une base militaire, n'avait servi à rien. Elle n'a en
tout cas pas empêché le régime de commettre de nouvelles attaques chimiques. Si
les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne se souviennent des conséquences
malheureuses de leur abstention en août 2013, pour leur réputation dans le
monde mais aussi sur Daech, qui s'est senti pousser des ailes, ils sont aussi
conscients des dangers d'escalade.
Car la situation a beaucoup
changé, sur le terrain syrien, depuis août 2013. En 2015, les
interventions militaires de la Russie et de l'Iran ont permis au régime de
Bachar el-Assad de reprendre le dessus sur l'opposition. La Russie, qui
maîtrise l'espace aérien syrien et dénonce les projets de frappes militaires,
sera tout sauf un allié pour les avions américains, français ou peut-être
britanniques.
Moscou a donné un avant-goût de
son humeur mardi en opposant son veto au projet de résolution présenté par les
Américains au Conseil de sécurité de l'ONU mardi soir. L'Iran et la Turquie
seront aussi de la partie. Le Moyen-Orient est une poudrière, où s'affrontent
des acteurs déterminés et parfois dangereux. Mais comme le dit un diplomate:
«En Irak, on a bombardé et envahi le pays et ce fut la catastrophe. En Libye,
on a bombardé mais pas envahi et ce fut quand même la catastrophe. En Syrie, on
n'a pas bombardé et pas envahi et c'est la catastrophe quand même»…
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Syrie : le régime met ses hommes en état d'alerte
(11.04.2018)
VIDÉO - Dans l'anticipation de
frappes américaines ou françaises, l'armée syrienne a commencé à évacuer les
plus importantes de ses bases aériennes, transférant sur les bases russes son
armement le plus sophistiqué et renforçant sa coopération avec la Russie et
l'Iran.
Alors que la pression militaire
monte contre la Syrie, Bachar el-Assad a placé ses forces armées «en état
d'alerte» pour les trois jours à venir dans les aéroports et les bases
militaires du pays, croit savoir l'Observatoire syrien des droits de l'homme
(OSDH), basé à Londres. «Lundi, les Syriens avaient commencé de vider les plus importantes
de leurs bases aériennes», confirme un expert au Moyen-Orient. La base de
Doumair, dans la région du Qalamoun, près de Damas - de là où ont décollé les
avions qui ont bombardé l'ex-fief rebelle de la Ghouta orientale ces dernières
semaines - a été l'une des premières à être évacuée. De la même manière, les
principaux quartiers généraux de l'armée auraient été vidés. Sur pratiquement
toutes les bases aériennes syriennes, des soldats russes étaient présents
jusqu'à maintenant aux côtés des Syriens, voire parfois des Iraniens.
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Selon une source onusienne, des
avions militaires syriens ont également été transférés vers la base russe de
Hmemim, près de Lattaquié, sur la côte méditerranéenne, dans le fief des Assad.
Les bases russes de Hmeimim et de Tartous seront, selon toute vraisemblance,
épargnées par d'éventuelles frappes américaines et françaises, comme
l'a assuré Emmanuel Macron mardi soir. «Les Syriens ont cherché à
mettre à l'abri leurs armes sophistiquées», précise l'expert.
L'Iran possède environ 2000
conseillers militaires auprès de Bachar el-Assad. Ils constituent des cibles
pour Israël, mais aussi pour les États-Unis de Donald Trump
Ces derniers jours, à mesure que
la menace d'une frappe américaine voire française se faisait pressante, Russes,
Iraniens et Syriens ont renforcé leur coopération. Selon nos informations,
Qassem Souleimani, le patron de la force iranienne Al-Qods, le bras armé de
Téhéran hors de ses frontières, était en Syrie. Téhéran possède environ 2000
conseillers militaires auprès de Bachar el-Assad. Ils constituent des cibles
pour Israël, mais aussi pour les États-Unis de Donald Trump, décidés à «rogner
les ailes» de Téhéran hors de ses frontières.
Outre la gestion du contingent
iranien, la présence récente de Qassem Souleimani en Syrie pourrait suggérer la
préparation d'une riposte à des frappes occidentales. «Ils ont les moyens de
viser des soldats américains encore présents en Irak et en Syrie, même si cela
s'avère plus difficile», prévient l'expert.
La semaine dernière, un soldat
américain et un Britannique sont morts lorsque leur convoi a sauté sur un engin
explosif improvisé posé (IED) au sud de Manbij, ville du nord où sont déployés
plusieurs centaines de militaires américains. L'attaque à l'IED était fréquente
contre le contingent américain en Irak dans les années 2005-2010.
Avant même cette dernière crise,
les Russes ont renforcé le déploiement de leur système de défense antiaérienne,
notamment les missiles antimissiles S300 et S400. «Ces dispositifs doivent
assurer la sûreté des zones considérées comme les plus sensibles, leurs bases
d'abord, mais aussi les points critiques du régime syrien», décrypte un expert
militaire français. Mais, ajoute-t-il, «si
la décision était prise de frapper, Français et Américains parviendraient
à contourner ces contre-mesures, comme les Israéliens ont réussi à le faire
dans la nuit de dimanche à lundi quand ils ont frappé la base aérienne de T4
près de Homs, mais l'effet sera limité et cela devrait être one shot».
Bachar el-Assad ou son palais
pourraient-ils être une cible? Emmanuel Macron semble l'exclure. «Je ne sais
pas où il est, affirme un fin connaisseur du régime syrien au Liban, mais il
n'est certainement plus au Palais du peuple, sur le mont Qassioun en surplomb
de Damas». L'enceinte est gardée par la IVe Division, postée autour du palais.
Maher, le frère de Bachar el-Assad, est le chef d'état-major de cette unité
d'élite historiquement en charge de la citadelle damascène.
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Saint-Dizier (11.04.2018)
VIDÉO - Des plans d'opérations
ont été présentés à Emmanuel Macron par les chefs militaires dans l'éventualité
où la France s'associerait à des frappes contre Bachar al-Assad.
Certaines hypothèses se
dégageaient mardi pour esquisser le scénario plausible d'une ou de plusieurs
frappes de rétorsion menées par la France contre Bachar al-Assad. Selon
l'usage, des plans d'opérations, détaillant les effets à obtenir, ont été
présentés au président de la République par les chefs militaires.
«Nous avons la capacité
autonome de procéder à ces frappes et à leur identification si besoin était»
Emmanuel Macron
Pour les spécialistes de l'arme
aérienne, si le feu vert politique devait être donné à un raid, celui-ci
devrait partir de métropole, selon toute vraisemblance de la base de
Saint-Dizier (Haute-Marne), et non de bases françaises avancées au
Proche-Orient, comme celle de Jordanie ou des Émirats arabes unis. Ces pays ne
souhaitent pas être impliqués dans une action à aussi forte visibilité contre
leur voisin syrien. C'est de cette même base de Saint-Dizier que devaient
décoller, en août 2013, les avions du raid, finalement avorté, décidé par
François Hollande après l'utilisation, déjà, d'armes chimiques par l'armée
syrienne. Trois ravitaillements seraient nécessaires aux Rafale *,
emportant sous leurs ailes deux missiles de croisière Scalp (de plusieurs
centaines de kilomètres de portée), avant d'atteindre le territoire syrien.
Les moyens de la Marine nationale
pourraient aussi être mis à contribution. La frégate multimissions Aquitaine a
été signalée il y a quelques jours en Méditerranée orientale. Ce navire, un des
plus modernes de la flotte tricolore, est doté du missile de croisière naval
(MdCN), jamais utilisé encore en opérations. Il peut délivrer une première frappe
rapide et massive, à plus de 1000 kilomètres, éventuellement en
coordination avec des missiles aéroportés.
La France mènerait-elle cette
frappe seule ou avec ses alliés, américains en l'occurrence?«Nous avons
la capacité autonome de procéder à ces frappes et à leur identification si
besoin était», déclarait Emmanuel Macron, le 12 mars dernier. La séquence
politico-diplomatique actuelle plaide pour des frappes engagées hors coalition,
soit en «national», soit en «binational» avec les Américains.
Échange de renseignements
Dans ce dernier cas, le plus
probable, il pourrait s'agir soit de missions communes, soit de missions
coordonnées dans le temps et l'espace, Américains et Français se répartissant
des cibles et se mettant d'accord pour les frapper chacun de son côté, au
moment convenu. Pour le général de corps aérien Jean-Patrick Gaviard (en
«deuxième section», c'est-à-dire ayant quitté le service actif), une telle
opération exigerait une étroite synchronisation avec les Américains, notamment
au niveau des centres de commandement et de contrôle (C2) qui conduisent la
manœuvre. Si les opérations aériennes menées quotidiennement en Irak et en
Syrie sont coordonnées depuis la base d'al-Udeid, au Qatar, les frappes de
rétorsion seraient, elles, gérées au plus haut niveau, au téléphone entre
Emmanuel Macron et Donald Trump.
Dans cette phase cruciale,
l'échange de renseignements et la déconfliction aérienne (gestion du trafic)
seraient plus que jamais nécessaires entre alliés.L'US Air Force pourrait déployer des chasseurs F-22 en
protection des raids de même que des avions brouilleurs, comme ce fut le cas
naguère au Kosovo. De telles frappes comportent des risques. «Les avions devront
se rapprocher des cibles dans un environnement soumis à un fort déni d'accès»,
explique un officier de l'armée de l'air. Les Russes disposent en Syrie de
moyens de défense sol-air très sophistiqués, avec les missiles S-400 notamment.
En janvier dernier, un avion F-16 israélien avait été abattu par la défense
antiaérienne syrienne.
Une coordination, même minimale,
peut-elle être mise en place avec les militaires russes, ceux-ci étant
préalablement prévenus avant les frappes? La présence russe en Syrie est un
facteur ultrasensible. Selon une bonne source militaire, les objectifs auraient
été choisis en tenant compte du fait que les forces russes ne stationnent pas à
proximité.
* Le Rafale est fabriqué
par le groupe Dassault auquel appartient Le Figaro.
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Irak, Libye, Syrie : près de trente ans d'interventions
occidentales au Moyen-Orient (11.04.2018)
Par Alexis
Feertchak et Service
InfographieMis à jour le 11/04/2018 à 15h55 | Publié le 11/04/2018 à
15h01
FOCUS - L'éventualité de frappes
américaines et françaises contre le gouvernement syrien, accusé d'être à
l'origine d'attaques chimiques, s'inscrit dans la longue histoire des
opérations militaires au Moyen-Orient, dont le bilan, souvent contrasté, fait
l'objet de critiques récurrentes.
Des frappes américaines et françaises sont envisagées contre le
gouvernement syrien alors que les pays occidentaux accusent le pouvoir de Bachar el-Assad
d'avoir commis une attaque chimique contre la ville de Douma, dans
la Ghouta orientale, l'une des dernières poches près de Damas aux mains de
la rébellion islamiste.
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Une telle opération extérieure, menée depuis les airs ou depuis
la mer, s'inscrirait dans une longue histoire de l'interventionnisme
occidental au Moyen-Orient. Irak en 1990 puis en 2003, Libye en 2011, Syrie
aujourd'hui... Ces interventions, réalisées avec ou sans un mandat de l'ONU, à
l'intérieur ou hors de l'OTAN, sont soumises, particulièrement depuis la Guerre
d'Irak, à de fortes critiques. Au fil des ans, elles ont d'ailleurs vu leur
format se réduire: les frappes continuent, mais les combats au sol sont de
moins en moins le fait des puissances occidentales elles-mêmes, remplacées sur
le terrain par des forces locales, à l'image de la coalition anti-Daech.
● 1991: la guerre du
Golfe sanctionne l'invasion du Koweït par l'Irak
Des troupes de la coalition
pendant la guerre du Golfe. - Crédits photo : PHC D. W. Holmes/Film
En août 1990, l'Irak envahit le
Koweït, sur fond de différend pétrolier entre les deux États producteurs.
Saddam Hussein, contrairement à ce qu'il espérait, ne peut compter sur le
soutien de l'URSS, proche de l'implosion. Le conseil de sécurité de l'ONU vote
un embargo commercial, financier et militaire contre l'Irak, puis un blocus,
avant d'autoriser une opération militaire.
Une coalition anti-irakienne,
commandée par les États-Unis, composée d'une trentaine de pays, dont la France,
et basée en Arabie Saoudite, mène victorieusement l'opération «Tempête du
désert» du 17 janvier au 28 février 1991. Le conflit prend fin après que Saddam
Hussein a accepté les conditions de paix imposées par l'ONU, notamment la
destruction des armements chimiques et biologiques, ainsi que des missiles à
moyenne et longue portée de son régime. La guerre du Golfe a été meurtrière:
plusieurs dizaines de milliers de morts parmi les combattants irakiens, 240 du
côté de la coalition. Les pertes civiles pourraient dépasser les 100.000 morts.
● 2003: la guerre d'Irak
mène à la chute de Saddam Hussein
Deux après les attentats
terroristes de 2001, l'Irak est de nouveau l'objet d'une offensive occidentale,
mais les États-Unis, et quelques-uns de leurs alliés, dont le Royaume-Uni,
interviennent cette fois-ci sans mandat de l'ONU, après le veto imposé par la France au conseil de sécurité.
George W. Bush et son administration, dominée par le courant néoconservateur,
condamnent les agissements d'un «axe du mal», composé de l'Iran, de l'Irak, de
la Corée du Nord, qu'ils accusent de soutenir le terrorisme international et de
posséder des armes de destruction massive. Or, l'Irak de Saddam Hussein n'avait
pas de liens avec al-Qaida et ne possédait pas de telles armes, depuis leur
destruction sous l'égide de l'ONU après la guerre du Golfe.
En une vingtaine de jours
d'offensive, le régime irakien tombe. Une autorité provisoire administre le
pays jusqu'au vote d'une nouvelle constitution irakienne en 2005. Saddam
Hussein est exécuté en 2006. «Considérées comme des forces d'occupation, les
troupes engagées doivent faire face aux divers mouvements de résistance. Le pays sombre dans la guerre civile», écrit
Christophe Péry dans l'Encyclopædia Universalis. L'offensive américaine aura
pour conséquence la mise en place d'un gouvernement chiite, proche de l'Iran,
et la mise au ban de la communauté sunnite, gagnée par l'islamisme. Ces
tensions favoriseront l'émergence de Daech, notamment après le départ des forces américaines en 2011. En
plus d'être vécue dans les pays du monde arabe mais également en Europe comme
le symbole d'un impérialisme, la guerre d'Irak, qui a coûté la vie à plus de
3000 soldats américains, est rapidement devenue impopulaire aux États-Unis
même.
● 2011: intervention en
Libye qui mène à la chute de Mouammar Kadhafi
Un Mirage -2000 lors de
l'intervention en Libye. - Crédits photo : Anonymous/ASSOCIATED PRESS
À partir de mars 2011, dans le
contexte des «printemps arabes», une guerre civile oppose en Libye
les forces fidèles à Mouammar Kadhafi, qui dirige le pays depuis 1969, et
la rébellion, que les pays occidentaux soutiennent. La résolution 1973 du
conseil de sécurité de l'ONU instaure une zone d'exclusion aérienne et permet
de «prendre toutes les mesures jugées nécessaires pour protéger les populations
civiles».
Conduite dans le cadre de l'OTAN,
l'intervention des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni aboutit à la
chute du régime de Kadhafi et à la mort du dictateur. De nombreux observateurs défavorables aux interventions
dites humanitaires l'ont critiquée, car celle-ci aurait dépassé le cadre fixé
par la résolution onusienne qui était, non pas d'obtenir la chute
du régime de Kadhafi, mais de protéger les populations civiles. Cet argument a
été notamment défendu par deux membres permanents du conseil de sécurité de
l'ONU, la Chine et la Russie. Le pays continue d'être le lieu d'une guerre
civile, qui a permis à l'État islamique de s'implanter.
● Depuis 2014, une
coalition internationale contre Daech
Après l'expansion territoriale rapide de l'État islamique à l'été
2014, une coalition internationale dominée par les États-Unis a été
formée par plusieurs puissances occidentales et arabes. Tandis que les
premières assurent l'essentiel des frappes aériennes, ce sont des forces
locales qui interviennent au sol. En Irak, ce sont l'Armée irakienne, des
milices chiites parrainées par l'Iran et les peshmergas du Kurdistan irakien
qui mènent l'essentiel des combats. En Syrie, ce sont les Forces démocratiques
syriennes, dominées par les combattants kurdes, qui luttent contre Daech, en
concurrence avec l'Armée syrienne soutenue quant à elle par la Russie et
l'Iran. Le 10 juillet, Daech perd sa capitale irakienne, Mossoul, puis, le 17
octobre, sa capitale syrienne, Raqqa.
● 2017: frappes
américaines contre le régime syrien
Des missiles Tomahawk sont tirés
sur une base syrienne en 2017. - Crédits photo : Reuters
Dès le début de la guerre civile
en Syrie, les puissances occidentales soutiennent la rébellion opposée au
gouvernement syrien de Bachar el-Assad. Néanmoins, elles n'interviennent pas,
celui-ci étant soutenu par la Russie et l'Iran. En 2012, le président américain Barack Obama établit une «ligne
rouge»: si Damas utilise l'arme chimique, les États-Unis
interviendront. Mais après l'attaque chimique de la Ghouta à l'été 2013, les Américains préfèrent opter pour un accord diplomatique
avec la Russie, qui intervient quant à elle en septembre 2015 pour
soutenir Damas.
Le 4 avril 2017, une attaque chimique au gaz sarin est perpétrée à Khan
Cheikhoun. Quarante-huit heures plus tard, le nouveau président
américain Donald Trump, qui accuse Damas, ordonne les premières frappes contre
le gouvernement syrien, mais cette intervention ne change pas le cours de la
guerre, alors que le gouvernement syrien prend l'avantage face aux rebelles. La
nouvelle attaque de la Ghouta, perpétrée cette semaine, pourrait entraîner
de nouvelles frappes américaines, auxquelles la France pourrait
cette fois-ci s'associer.
Guerre en Syrie : chlore, sarin, des agents suffocants ou
neurotoxiques (10.04.2018)
VIDÉO - Les symptômes des
victimes des armes chimiques diffèrent selon le choix et la dose d'agent
neurotoxique utilisé. Les récentes attaques présumées commises à Douma, dans la
Ghouta orientale, font l'objet d'un nouveau vote mardi soir à l'ONU.
En voyant sur les réseaux sociaux
les vidéos des victimes respirant difficilement à Douma en Syrie, s'impose
aussitôt le spectre d'une attaque
chimique par un agent suffocant comme le chlore. Hypothèse
désormais remise en question par la découverte «dans des caves, des
appartements, de gens comme foudroyés par la mort», selon des contacts sur
place du Pr Raphaël Pitti, professeur agrégé de médecin d'urgence, responsable
d'une ONG (Union des organisations de secours et soins médicaux).
«Le chlore commence par irriter
les muqueuses (les yeux, la gorge)», explique au Figaro le Dr
Patrick Hertgen, vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers
de France, «puis il détruit les alvéoles pulmonaires qui se remplissent de
liquide, ce qui explique que la victime suffoque et cherche de l'air.»
«Les morts couchés les uns sur
les autres»
«Les neurotoxiques bloquent la
transmission nerveuse au niveau des synapses, ils vont à la fois provoquer des
paralysies des muscles, un myosis, une hypersécrétion bronchique et une hypersalivation»
Dr Patrick Hertgen,
vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France
«Le chlore ne foudroie pas, même
à haute concentration», a expliqué le Pr Pitti. «Là, les morts sont
couchés les uns sur les autres, donc quelque chose d'autre a été utilisé»: du
sarin ou un «autre produit caustique par inhalation». Selon lui, du sarin ou un
autre agent neurotoxique pourrait avoir été ajouté pour «camoufler son
utilisation» derrière le chlore, ou «accroître la létalité du chlore».
En Syrie, le sarin a déjà été
utilisé contre des civils, notamment dans la ville de Khan Cheikhoun, le
4 avril 2017, comme l'a confirmé l'analyse scientifique menée par les
services français.
«Les neurotoxiques bloquent la
transmission nerveuse au niveau des synapses, explique le Dr Hertgen, ils vont
à la fois provoquer des paralysies des muscles, un myosis (pupille rétractée),
une hypersécrétion bronchique et une hypersalivation». La victime peut sombrer
dans le coma, présenter des convulsions, une détresse respiratoire et décéder
rapidement. Il existe un antidote (anticholinergique) mais il doit être
administré rapidement pour espérer enrayer la tempête neurochimique qui
déstabilise l'organisme. L'apparition d'un myosis est un signe précoce et
sensible de l'intoxication.
Il est généralement impossible
de quantifier la dose d'agent neurotoxique à laquelle une victime a été exposée
et les symptômes (ou décès) sont souvent les seules données disponibles pour la
supposer
«Le sarin entraîne un
rétrécissement des pupilles mais ce n'est pas un produit qui brûle la peau»,
remarque le Pr Pitti qui s'est fait envoyer des photos et des vidéos des yeux
des victimes. «Sur les images, le caustique utilisé, chlore ou autre produit à
haute concentration, a entraîné une brûlure des cornées, ajoute-t-il. De ce
fait, on ne peut pas faire le diagnostic de myosis qui signe éventuellement
l'utilisation du sarin», souligne-t-il.
De plus, il est généralement
impossible de quantifier la dose d'agent neurotoxique à laquelle une victime a
été exposée et les symptômes (ou décès) sont souvent les seules données
disponibles pour la supposer. Lors d'une forte exposition, la victime s'agite,
et présente, outre les symptômes déjà décrits, des maux de tête, des vertiges,
des nausées, des mouvements désordonnés, des convulsions, diarrhées et
vomissements. Une mort terrifiante.
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Syrie: le dispositif militaire des États-Unis et de leurs
alliés (10.04.2018)
Après l'attaque chimique présumée
qui aurait fait des dizaines de morts samedi dans la ville de Douma, dernier
bastion rebelle aux portes de Damas, dans la Ghouta, voici le dispositif
militaire qui pourrait être utilisé par les États-Unis et leurs alliés en cas
de représailles contre le régime du président syrien Bachar el Assad .
États-Unis
Quand le président Donald Trump a
donné l'ordre l'an dernier de frapper le régime syrien après une attaque
meurtrière au gaz sarin contre la ville rebelle de Khan Cheikhoun, l'US Navy a lancé 59 missiles de croisière Tomahawk depuis
les destroyers USS Porter et USS Ross qui croisaient en Méditerranée. Les
Tomahawks utilisés l'an dernier ont frappé des avions, des abris, des stocks de
carburant et de munition, des systèmes antimissile et des radars de la base
aérienne de Chayrat, contrôlée par le régime syrien.
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Cette année, le Porter et
le Ross sont en mission dans l'Atlantique Nord, beaucoup trop
loin de la côte syrienne. Mais l'USS Donald Cook, un destroyer de la
classe Arleigh Burke, a quitté lundi le port chypriote de Larnaca, où il
faisait escale, et se trouve dans une zone d'où il peut facilement frapper la
Syrie. En outre, l'USS New York croise en Méditerranée, mais il est
peu probable que ce navire de transport amphibie soit directement impliqué dans
une frappe de ce genre.
Huit sous-marins de l'US Navy
sont en outre déployés actuellement dans le monde. Leur emplacement est tenu
secret mais si l'un d'eux se trouve actuellement en Méditerranée, il pourrait
être utilisé pour lancer des missiles. L'US Navy n'a actuellement aucun
porte-avions en Méditerranée, mais le groupe aéronaval de l'USS Harry S.
Truman doit quitter mercredi le port de Norfolk, en Virginie, dans le
cadre d'un déploiement prévu de longue date. Si le Pentagone voulait utiliser
des drones, il dispose d'un réseau étendu dans la région, où les États-Unis
dirigent la coalition internationale contre le groupe État islamique (EI), en
Irak et Syrie, depuis 2014.
France
La France annoncera «dans les
prochains jours» sa réponse à l'attaque chimique présumée en Syrie et, si elle
décide de frappes, celles-ci viseront les «capacités chimiques» du régime et en
aucun cas ses «alliés» russe et iranien, a déclaré mardi le président français
Emmanuel Macron.
Parmi les scénarios possibles
côté français figure l'envoi d'avions Rafale armés de missiles de croisière
Scalp. La portée de ces missiles, supérieure à 250 kilomètres, permet des
frappes sans que les avions n'aient à survoler la Syrie, dont le ciel est
protégé par les défenses antiaériennes russes. Les appareils pourraient
décoller de Jordanie ou des Émirats arabes unis, pays qui accueillent chacun
une base française.
Mais Paris pourrait aussi décider
de faire décoller ses avions Rafale de son territoire national, et organiser
deux ou trois ravitaillements en vol pour leur faire rejoindre la zone. Une
option qui a le mérite de la discrétion, souligne une source militaire. «En
métropole, personne ne voit ce qu'on prépare».
C'est l'option qu'avait choisie
le président François Hollande en août 2013, après des attaques chimiques dans
la Ghouta qui avaient fait plus de 1.400 morts. Mais Barack Obama avait
finalement renoncé à lancer une opération en Syrie, forçant Paris à se raviser
alors que plusieurs Rafale armés se tenaient prêts à décoller de la base de
Saint-Dizier (est).
Autre possibilité: lancer des
frappes depuis une frégate multimissions (FREMM) équipée de missiles de
croisière navals (MdCN), dont la portée de plusieurs centaines de kilomètres
permet de viser en profondeur des objectifs stratégiques, en restant dans les
eaux internationales. Actuellement, la FREMM Aquitaine croise en Méditerranée
orientale, dans le cadre de l'opération Chammal au Levant.
Royaume-Uni
Comme la France et les
États-Unis, le Royaume-Uni s'est largement implanté militairement au
Proche-Orient dans le cadre de la coalition antijihadiste: au 13 février 2018,
les militaires britanniques avaient mené 1.700 frappes aériennes contre l'État
islamique en Irak et Syrie. La Royal Air Force dispose d'une base aérienne
importante à Chypre, celle d'Akrotiki d'où ont été menés de nombreux raids
contre l'EI en Syrie.
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cède Naf Naf au chinois La Chapelle
La Bible a disparu des principaux sites de vente en ligne
chinois (11.04.2018)
Le texte sacré n'est plus
disponible depuis le début du mois sur Internet, alors que les autorités
chinoises resserrent leur contrôle sur les religions.
Correspondant à Pékin
Deux mois après la mise en œuvre
par Pékin de nouvelles réglementations visant à encadrer plus strictement les
religions, la Bible a été retirée des principaux sites chinois de vente sur
Internet. Depuis quelques jours, on n'obtient aucun résultat en recherchant le
texte sacré sur JD.com, Taobao ou Amazon Chine. «C'est fin mars ou début avril
que les liens vers la Bible ont disparu», explique un libraire en ligne, qui
vend des livres sur la plateforme Taobao, très populaire en Chine. Le texte
sacré restait toutefois disponible en langue anglaise (en version électronique)
sur plusieurs sites. Il est également possible d'acquérir des livres d'analyse
ou des bandes dessinées liés à cet ouvrage.
Les autorités n'ont pas fait de
commentaires spécifiques sur le sujet. Mais elles ont exigé que JD.com, le
deuxième site d'e-commerce du pays, retire de ses rayons toutes les
«publications illégales», a rapporté début avril la presse chinoise. Plusieurs
observateurs voient dans ce mouvement une confirmation de la volonté du
gouvernement de limiter l'influence du christianisme en Chine. Selon eux, le
régime fait preuve d'une grande paranoïa face à cette communauté qui, sous
l'essor du protestantisme, pourrait dépasser les 90 millions de croyants d'ici
quelques années - soit le nombre actuel des membres du Parti communiste Chinois
(PCC) - , d'après certaines estimations.
Un rapprochement historique
entre Pékin et le Vatican en cours de discussion
Parmi les grandes religions
présentes en Chine - comme le bouddhisme, le taoïsme et l'islam -, le
christianisme est la seule dont le texte sacré ne peut être légalement vendu en
librairie. La Bible ne possède en effet pas de numéro de publication, condition
sine qua non pour être commercialisée. Elle est cependant diffusée directement
par les églises. Et jusqu'à récemment, elle était accessible via des
plateformes en ligne mettant en relation vendeurs et acteurs. Un canal informel
qui a probablement fini par inquiéter le gouvernement. L'achat sur Internet
d'autres textes sacrés, comme le Coran ou le Tao Te Ching, référence du
taoïsme, reste en revanche possible actuellement.
L'interdiction de vendre la
Bible en ligne pourrait être annonciatrice d'un nouveau tour de vis.
Ce durcissement intervient alors
qu'un rapprochement historique entre Pékin et le Vatican est en cours de
discussion. Les négociations portent principalement sur la délicate question de
la nomination des évêques. Les 10 à 12 millions de catholiques chinois sont
divisés entre une église étatique, supervisée par le Parti communiste ; et une
autre, non reconnue officiellement par Pékin, qui est restée fidèle au pape. La
perspective d'un rapprochement préoccupe de nombreux catholiques «clandestins»,
qui craignent de passer sous la coupe du PCC.
L'interdiction de vendre la Bible
en ligne pourrait être annonciatrice d'un nouveau tour de vis, alors qu'une
réorganisation gouvernementale récente devrait, en outre, permettre au Parti
d'accroître encore son emprise sur les religions. Autre preuve de la méfiance
que suscitent les chrétiens, un haut responsable de l'Église «patriotique»
s'est opposé dernièrement à la possibilité que le Pape puisse nommer librement
des évêques. «La Constitution chinoise stipule clairement que les communautés
et les affaires religieuses ne peuvent être contrôlées depuis l'étranger»,
a-t-il martelé.
Parallèlement, les autorités ont
approuvé récemment la destruction de «deux ou trois» croix qui surmontaient des
églises chrétiennes dans la province centrale du Henan, selon la presse d'État,
qui affirme qu'elles avaient été construites de manière «illégale». Dans le
Zhejiang, plus d'un millier de croix surmontant des églises, essentiellement
protestantes, ont été décrochées ces dernières années par le gouvernement
local, qui les jugeait trop voyantes.
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L’évacuation des occupants de Tolbiac n’est pas à l’ordre du
jour (11.04.2018)
Par Paul de Coustin • Louis Heidsieck •
Publié le 11/04/2018 à 10:28 • Mis à jour le 11/04/2018 à 13:21
Le président de l’université
Paris I s’est finalement résolu à envoyer les forces de l’ordre à Tolbiac.Crédits
photo: CHRISTOPHE SIMON/AFP
Alors que le président de
l’université Paris I a sollicité lundi une évacuation des occupants par les
forces de l’ordre, le préfet de police de Paris estime que la demande
d’intervention n’est plus d’actualité.
Les forces de l’ordre
n’interviendront pas dans l’immédiat pour évacuer les occupants du centre
universitaire de Tolbiac. Le président de l’université Paris I
Panthéon-Sorbonne avait sollicité, lundi, une intervention policière auprès du
préfet de police de Paris. Dans un communiqué envoyé à l’ensemble de la
communauté universitaire, Georges Haddad explique qu’il a pris la décision de
faire intervenir les forces de l’ordre pour faire évacuer le centre de Tolbiac,
occupé par des dizaines de militants depuis deux semaines.
La préfecture de police explique
avoir bien reçu une demande d’intervention de la part de Georges Haddad, le
lundi 9 avril, après la multiplication d’incidents sur le centre occupé de
Tolbiac. Dans une lettre, le président de Paris I écrit que «suite à la
découverte de cocktails Molotov au sein du centre Pierre Mendès-France et aux
violences qui se sont produites dans la nuit du 6 au 7 avril, la sécurité du
centre n’est plus assurée». «Il n’y avait pas été donné suite», indique le
communiqué qui précise qu’ «aucune nouvelle demande n’a été adressé, depuis, à
la préfecture de Police».
Multiplication des incidents à
Tolbiac
Les débordements s’enchaînent en
effet depuis plusieurs jours sur le site de Tolbiac. Vendredi dernier, des
affrontements ont eu lieu sur le centre entre les occupants et une bande de jeunes casqués, qui ont
lancé des projectiles et des fumigènes contre les personnes qui occupaient le
site. Dimanche, des cocktails molotov, engins explosifs artisanaux, ont été
retrouvés sur place par un agent de sécurité. Lundi, c’est le député
La République en marche (LREM) du XIIIe arrondissement, Buon Tan, qui s’est fait agresser à Tolbiac alors qu’il tentait
de dialoguer avec les occupants. Hier soir, un agent de sécurité sur
place a été blessé à l’oeil.
Les occupants appellent à la
résistance
Sur place, un journaliste
du Figaro constate ce mercredi matin que les occupants se
préparaient à un assaut, en se barricadant dans l’enceinte. Un des occupants a
fait une annonce au mégaphone: «Nous, occupants et occupantes, appelons au
soutien massif de Tolbiac pour défendre nos camarades face à la décision de
Georges Haddad de faire intervenir les CRS.»
Sur Twitter, les leaders de «La
Commune Libre de Tolbiac», comme ils se surnomment, appellent à venir sur place
pour défendre leur occupation, et accusent le directeur du centre, Florian
Michel, de violences sur une étudiante.
APPEL À VENIR À TOLBIAC
ÉVACUATION IMMINENTE
De son côté, le syndicat étudiant
UNI, marqué à droite, se félicite que «la présidence de l’université a enfin
décidé de saisir le préfet et le gouvernement pour recourir aux forces de
l’ordre». Depuis le 5 avril dernier, le syndicat mène une bataille juridique pour faire «libérer Tolbiac et
rétablir la sécurité», en déposant plusieurs recours devant le Tribunal
Administratif de Paris afin d’obliger l’université à faire appel aux forces de
l’ordre.
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Blocage des universités : Macron dénonce des «manipulations
politiques» (11.04.2018)
Par Le Figaro Etudiant • AFP agence • Publié
le 11/04/2018 à 14:34 • Mis à jour le 11/04/2018 à 15:21
Des étudiants manifestent devant
la Sorbonne, dans le Ve arrondissement de Paris. Crédits photo: ALAIN
JOCARD/AFP
Emmanuel Macron a dénoncé
mercredi des «manipulations politiques extérieures à l’université» qui
provoquent des violences dans plusieurs facs, des mouvements qui sont le fait
«de groupes radicaux d’ultra-gauche», selon le porte-parole LREM, Gabriel
Attal.
Emmanuel Macron a dénoncé
mercredi des «manipulations politiques extérieures à l’université» qui
provoquent des violences dans plusieurs facs, , a déclaré son porte-parole Benjamin
Griveaux. Le chef de l’Etat a fustigé «des mobilisations violentes qui
cherchent la convergence des luttes» et sont «loin des sujets liés à
l’enseignement supérieur et à la réforme» engagée par le gouvernement.
Le gouvernement entend poursuivre
la réforme engagée pour permettre à chaque étudiant de réussir. Ceux qui
cherchent une hypothétique convergence des luttes ne veulent en réalité qu’une
seule chose, que la transformation à l’oeuvre dans notre pays s’arrête: c’est à
l’opposé des intentions du gouvernement», a-t-il insisté.
«Pas de contestation massive»
«Il n’y a pas de contestation
massive chez les jeunes de cette réforme» seelon Gabriel Attal, porte-parole du
gouvernement et rapporteur de la loi sur l’orientation et la réussite des
étudiants (ORE). «Si une «contestation de fond et majoritaire avait dû se lever
(...), ça ferait un moment qu’on l’aurait vue. Il y a une contestation
politique de groupes radicaux d’ultra-gauche qui ont investi plusieurs
universités», avec 4 d’entre elles «entièrement bloquées sur 73», a-t-il
précisé devant l’Association des journalistes parlementaires (AJP).
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Selon lui, les étudiants
«empêchés d’assister à leurs cours s’évaluent à entre 3 et 5% des étudiants
français», a-t-il poursuivi, récusant «tout parallèle» avec mai 68. S’il a jugé
qu’il faut «être attentif» aux mouvements en cours, ce «marcheur» issu du PS a
martelé qu’«on n’est pas sur un mouvement de masse, un mouvement d’ampleur» et
assuré qu’il était «inadmissible qu’une majorité soit prise en otage par une
minorité», qui veut notamment «planter les partiels» et n’a pas «de mot d’ordre
clair».
«Aucune intervention policière
n’est prévue»
«Toute violence doit être
condamnée et ce qui se passe dans un certain nombre d’universités aujourd’hui
est absolument inadmissible», a poursuivi le porte-parole de LREM, citant
Montpellier, mais aussi Toulouse, «où des dégradations scandaleuses ont été
constatées», et le centre universitaire de Tolbiac, à Paris, où des cocktails
Molotov ont été retrouvés. Mais «aucune intervention policière n’est prévue sur
le site de Tolbiac à l’heure où je vous parle, ni d’ailleurs sur aucun site», a
affirmé l’élu des Hauts-de-Seine.
Le président de l’université
Panthéon-Sorbonne (Paris-1) a annoncé mercredi, dans un message aux étudiants
et au personnel, avoir demandé l’intervention des forces de l’ordre à Tolbiac,
estimant que «la ligne rouge a été franchie» après des violences. La préfecture
de police de Paris a indiqué ne pas avoir «donné suite» à cette demande.
Lundi, les forces de l’ordre étaient intervenues à l’université de
Nanterre (Hauts-de-Seine) pour déloger des occupants.
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Mobilisation étudiante : de plus en plus de campus bloqués
(05.04.2018)
Une quinzaine de campus sont
toujours bloqués ce jeudi. Crédits photo: CHRISTOPHE SIMON/AFP
INFOGRAPHIE - Plusieurs
universités sont toujours partiellement ou complètement bloquées par des
étudiants qui manifestent contre la politique du gouvernement. Retrouvez les
différents campus inaccessibles sur notre carte interactive.
Plusieurs campus universitaires
sont toujours occupés ce mardi, et d’autres sites sont totalement bloqués par
les étudiants qui protestent contre la loi sur les nouvelles modalités d’accès
à l’université. Ces derniers mois, les opposants à la loi de Frédérique Vidal,
Orientation et réussite des étudiants (ORE), peinaient à mobiliser en dénonçant
une «sélection» à l’entrée à la fac. Mais le mouvement a pris une tout autre
vigueur depuis l’expulsion violente d’étudiants et de militants de la fac de
droit de Montpellier, fin mars. Depuis, plusieurs universités ou campus
universitaires sont bloqués dans toute la France. Ce mardi, après l’appelle de
la coordination du mouvement étudiant, d’autres campus sont désormais bloqués,
notamment les campus Saint Charles et René Cassin de l’université Paris 1.
Actuellement, deux universités
sont intégralement bloquées, Montpellier et Toulouse, selon la Conférence des
présidents d’université (CPU), qui soutient la réforme. Paul-Valéry à
Montpellier n’assure plus ses cours et ses étudiants passent leurs examens sur
internet. Une AG de quelque 3.000 étudiants a voté fin mars «un blocus
illimité» jusqu’à «l’abrogation de la loi Vidal». La faculté de droit, située
dans l’autre université montpelliéraine, a rouvert mardi, dans un climat de «tension palpable», selon des étudiants
du comité de mobilisation. «On croise dans les couloirs des personnes qui ont
participé à l’agression», a expliqué l’une d’entre elles.
Des jeunes avaient été violemment
délogés par des personnes cagoulées et armées dans la nuit du 22 au 23 mars. Le
doyen et un professeur de droit ont été suspendus et mis en examen pour
complicité d’intrusion. L’enseignant est aussi mis en examen pour violences
aggravées.
«Une campagne de
désinformation» selon la ministre
À Toulouse, l’université
Jean-Jaurès (sciences humaines) est bloquée depuis plusieurs semaines. Des
sites ont également suspendu leurs cours: à Paris, Tolbiac (Panthéon-Sorbonne,
Paris-I) depuis dix jours, la faculté de lettres de Sorbonne-Université
(Paris-IV) depuis mardi dernier et Saint-Denis (Paris-VIII) depuis mardi
dernier également. «On s’est battu pendant des années pour que la fac reste
accessible à tous», explique Salomé, qui n’entend pas perdre ce droit et fait
partie des étudiants mobilisés à Paris-IV.
Mercredi sur France 2, la ministre Frédérique Vidal a fustigé «une campagne de
désinformation»sur sa loi, disant vouloir privilégier «le dialogue et
l’écoute». «Il y a des amphithéâtres qui peuvent être bloqués, des assemblées
générales qui se tiennent. Tant qu’on est sur le débat, la discussion
argumentée, contre le projet de loi, c’est normal», a-t-elle plaidé. Mais
«quand il y a des violences», cela devient «inacceptable».
Des jets de pierres à Nantes,
des dégradations à Grenoble
Mardi 3 avril, la présidence de
l’université de Nantes «a été prise pour cible» par «un groupe d’environ 200
personnes» qui «ont lancé des pierres sur les façades et vitres des bureaux»
alors que des personnels se trouvaient à l’intérieur, selon la direction. Cette
«volonté de s’en prendre physiquement aux personnes marque un tournant
inadmissible», a-t-elle réagi. «Ouvrir nos bâtiments pour que les gens puissent
s’exprimer, c’est la tradition des universités et il n’est pas question de la
remettre en cause. Mais les présidents d’université sont démunis face à la
violence», souligne Gilles Roussel, président de la CPU.
Un «blocus illimité» d’une partie
du campus de Tertre-Censive (lettres, sciences humaines) de l’université de
Nantes a été voté mardi en AG et les cours ne peuvent pas se tenir dans
plusieurs bâtiments, selon la direction. Ailleurs, le bâtiment de la présidence
de l’Université Grenoble Alpes (UGA) a été occupé mardi jusque dans la nuit, et
des dégradations et des vols ont été constatés, a indiqué son président Patrick
Lévy.
Des campus débloqués à
Poitiers et Dijon
À Limoges, Tours, Nancy, Nice,
Lyon-II et Dijon, des bâtiments ou des sites entiers ont été bloqués (avant un
déblocage dans la journée pour Dijon). À Poitiers, le campus de sciences
humaines a été débloqué après un vote en AG, alors que le bâtiment Lettres et
langues restait fermé. À Bordeaux, le campus de la Victoire est fermé et les
cours transférés dans d’autres bâtiments. Les occupants d’un amphithéâtre
réfléchissent à une coordination avec d’autres mouvements de lutte: postiers,
ouvriers de Ford-Blanquefort, cheminots.
A Toulouse, une étudiante a été
condamnée à 35 heures de Travail d’intérêt général (TIG) pour «outrage à
agent», après avoir chanté la veille «un slogan sur la police» en fin de
manifestation avec les cheminots, a rapporté l’intéressée. Le Nouveau parti
anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot a qualifié son arrestation de
«provocation du gouvernement qui vise à casser le mouvement de la jeunesse
naissant».
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Le FMI met à nouveau en garde contre le protectionnisme
(11.04.2018)
À Hong Kong, Christine Lagarde,
dirigeante du FMI, a fait part de son inquiétude quant à un retour du
protectionnisme alors que la guerre commerciale entre les États-Unis et la
Chine se poursuit. Elle a appelé les gouvernements à agir tant que «la fenêtre
d'opportunité est ouverte».
«Des nuages plus sombres» qui se
profilent au loin. Christine Lagarde a attiré ce mercredi l'attention des
gouvernements sur les menaces qui pèsent sur la croissance économique mondiale,
dans un discours prononcé à l'Université de Hong Kong, à quelques jours des
rencontres de printemps du FMI qui débuteront lundi prochain. «Le tableau
général est actuellement lumineux. Mais nous pouvons voir des nuages plus
sombres pointer à l'horizon», a déclaré la directrice générale du Fonds
monétaire internationale. Dans son viseur, les tensions entre les États-Unis et
ses partenaires commerciaux, en premier lieu la Chine.
» LIRE AUSSI - Commerce
mondial: la Chine est-elle déloyale?
Craignant une escalade dans la
guerre commerciale entre les deux pays, Christine Lagardé a appelé les
gouvernements à «se tenir à l'écart du protectionnisme sous toutes ses formes»
et à agir de manière à soutenir l'économie. «La fenêtre d'opportunité est
ouverte. Il y a désormais une nouvelle urgence parce que les incertitudes se
sont accrues de manière significative», a-t-elle affirmé. «L'histoire nous
montre que restreindre les importations affecte tout le monde, en particulier
les consommateurs pauvres».
Si elle a reconnu que certains
pays avaient des «pratiques déloyales qui doivent être éliminées et qui peuvent
laisser des traces sur les balances commerciales», l'ancienne ministre de
l'Économie française a refusé de considérer le retour de mesures
protectionnistes comme une solution appropriée. «La meilleure façon de
s'attaquer aux déséquilibres macro-économiques n'est pas d'imposer des droits
de douane mais d'avoir recours à des politiques ayant un effet sur l'économie
dans son ensemble comme les outils budgétaires ou les réformes structurelles»,
a-t-elle déclaré.
Face à ces menaces
protectionnistes, la directrice du FMI a dépeint la relative bonne santé de
l'économie mondiale, faisant preuve d'optimisme pour l'avenir. En janvier, les
prévisions de croissance de l'institution avaient été relevées à 3,9% pour 2018
et 2019. Christine Lagarde a par ailleurs souligné que «les économies avancées
devraient s'accroître au-dessus de leur potentiel de croissance moyenne cette
année et l'année prochaine» et que les États-Unis étaient au plein emploi.
Parallèlement, en Asie, les perspectives restent solides, «ce qui est bon pour
tout le monde puisque cette région contribue à près des deux tiers à la
croissance mondiale». Mais selon elle, les politiques menées par certains pays,
en particulier les États-Unis et la Chine, qui soutenaient l'économie, vont
s'estomper et entraîner, à terme, un ralentissement du rythme de la croissance.
La Chine a déposé plainte
auprès de l'OMC contre les États-Unis
Le discours de Christine Lagarde
s'inscrit dans un contexte de regain des tensions entre la Chine et les
États-Unis. Le président américain accuse notamment la Chine de mettre en place
des «pratiques commerciales déloyales», responsables du déficit commercial des
États-Unis. Après avoir imposé début mars des droits de douane de 25% sur les
importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium, l'administration Trump a
dressé une liste provisoire de produits chinois représentant 50 milliards
d'importations susceptibles d'être soumis à leur tour à de nouvelles taxes
américaines. Pékin a rétorqué en annonçant des
représailles dans des proportions identiquesvisant les produits
américains ce qui a poussé le président américain à surenchérir en menaçant de
viser pour 150 milliards de dollars d'importations chinoises.
Mardi, au Forum Boao pour l'Asie,
le président chinois a plaidé pour une
nouvelle «phase d'ouverture» de l'économie chinoise et s'est
engagé à réduire certains droits de douane, en particulier ceux concernant les
importations d'automobiles. Xi Jinping a également fait preuve de fermeté,
déplorant l'impossibilité pour son pays de négocier pour l'instant avec les
États-Unis «dans les conditions actuelles».
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États-Unis.
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Mark Zuckerberg promet un
changement de philosophie chez Facebook
En plein scandale Cambridge
Analytica, le fondateur de Facebook a été auditionné par le Sénat américain, ce
mardi, pendant plusieurs heures. Conscient de l'enjeu, le jeune milliardaire
s'est montré moins offensif que d'ordinaire.
De notre correspondant à
Washington
À Washington depuis plusieurs
jours, Mark Zuckerberg, à défaut d'être détendu, s'efforce de paraître humble
et crédible. Devant la Commission jointe de la justice et de l'énergie et du commerce,
le patron de Facebook s'est affiché mardi en complet gris-bleu et cravate bleu
clair. Grave face à une armée de photographes et de caméras, il a tenté de
faire oublier son T-shirt pâle et sa capuche légendaire.
Pendant de longues heures, 44
sénateurs l'ont bombardé de questions. Assis sur un fauteuil spécialement
rembourré et rehaussé, Mark Zuckerberg a tenu tête. Il a joué les pédagogues,
sans basculer dans l'arrogance, expliquant comment Facebook s'est trompé et
comment le réseau a déjà commencé à corriger ses erreurs, notamment
en matière de protection des données de ses usagers, mais aussi en
matière de lutte contre les «fake
news» et les messages de haine et de violence. Sa prestation
honorable mardi a aidé l'action du réseau social à rebondir de 4, 5%. Mercredi,
un exercice similaire est prévu devant une commission de la Chambre des
représentants.
«Si Facebook ne peut pas résoudre
ses problèmes de protection de données privées, nous allons le faire», a résumé
d'emblée le sénateur démocrate de Floride, Ben Nelson.
«Nous n'avons pas eu une vue
suffisamment large de notre responsabilité et c'était une grosse erreur».
Mark Zuckerberg, conscient de
l'enjeu et moins offensif que d'ordinaire, a saisi la balle au bond, expliquant
que Facebook «traverse une période de vaste changement philosophique».
«Zuck» ne se présente plus comme
le jeune développeur passionné et agressif d'une plateforme devenue
indispensable à plus de deux milliards de terriens. Il veut incarner à Washington
le patron d'une entreprise qui accepte tout d'un coupd'être
«responsable».
Plus question de prétendre que le
réseau n'est responsable que de la technologie de ses plateformes et pas des
contenus qu'elles diffusent. «Il est clair que nous n'en avons pas fait assez
pour éviter que nos outils puissent être utilisés pour faire du mal. Que cela
soit en diffusant des “fake news”, en permettant l'interférence d'étrangers
dans nos élections, en relayant des discours de haine, ou dans notre contrôle
des développeurs et de leur usage de données privées. Nous n'avons pas eu une
vue suffisamment large de notre responsabilité et c'était une grosse erreur»,
admet le milliardaire de 33 ans. Et ce dernier de marteler que d'ici à la fin
de l'année Facebook emploiera «plus de 20.000 personnes à des tâches de
sécurité des données et de surveillance des contenus».
Nouvelles règles
Mark Zuckerberg a aussi tenté de
limiter la portée de réglementations ou sanctions qui pourraient tomber
en réaction
aux affaires qui ont révélé à quel point Facebook découvrait sur
le tard comment son réseau peut être manipulé. Loin de rejeter les velléités de
législation, il a promis par exemple au sénateur Lindsey Graham, républicain de
Caroline du sud, de suggérer quelles nouvelles règles pourraient être imposées
à tous les acteurs de son secteur. «Une loi pourrait être utile pour expliquer
de manière simple et pratique ce que nous avons le droit de faire des données
de nos usagers», ose dire le patron de Facebook. Mais il appelle également le
législateur à encadrer la manière dont les usagers garderont le contrôle de
leurs données. Et comme la nouvelle réglementation européenne en la matière
semble convenir à Facebook, cette General Data Protection Regulation (GDPR)
pourrait-elle donc inspirer le Congrès?
VIDEO: Facebook «travaille»
avec le procureur spécial Mueller
La nouvelle philosophie de
Facebook n'est pas cependant prise avec angélisme par les sénateurs. John
Thune, sénateur républicain du Dakota du sud, ne manque pas de souligner: «les
actions que vous prenez pour vous assurer que les tiers n'obtiendront pas de
données d'utilisateurs à leur insu, bien que nécessaires, serviront en fait à
renforcer la capacité de Facebook à vendre ces données elles-mêmes
exclusivement». Une affirmation qui n'est pas démentie par Mark Zuckerberg.
Les élus américains le savent
très bien, pour l'avoir observé encore ces dernières années dans le domaine de
la réglementation bancaire: les nouvelles normes servent souvent à renforcer la
position dominante des grandes entreprises d'un secteur, car il est plus facile
et relativement moins coûteux pour les grandes firmes que pour les petites de
s'y soumettre.
Tout ce que Facebook sait de moi (et de vous) (09.04.2018)
ENQUÊTE - Dans la foulée de
l'affaire Cambridge Analytica, notre journaliste a téléchargé son archive de
données collectées depuis son inscription, afin de comprendre ce que Facebook
sait vraiment de nous. Une expérience vertigineuse.
Qui je suis. Qu'est-ce que je
fais. Quand et avec qui. Facebook sait à peu près tout de moi, depuis que j'ai
consenti à m'inscrire sur son réseau social il y a dix ans. Qu'importe le fait
qu'à l'époque, je n'étais même pas en âge de signer quoi que ce soit.
Qu'importe aussi qu'entre-temps, l'entreprise ait grandi au point de
considérablement repenser sa
conception de la vie privée. Sur Facebook, une fois qu'on a signé,
c'est pour la vie: les données y sont dans certains cas conservées pour une
durée illimitée, que l'on soit inscrit sur son réseau social ou pas.
L'entreprise se réserve aussi le droit de changer de politique de
confidentialité sans forcément nous informer, puisqu'après tout, ces longs
textes barbants, personne
ne les lit.
La taille totale des
politiques d'utilisation de Facebook atteint la taille record de 187880
caractères, soit l'équivalent de 48 pages
Personne, sauf des avocats, des
passionnés de vie privée et ... moi. Dans la foulée de l'affaire Cambridge
Analytica, qui a plongé
Facebook dans la tourmente, j'ai voulu comprendre à quel point une
entreprise pouvait prétendre me cerner, me pousser à voter pour quelqu'un ou
acheter quelque chose à partir de mes simples données. Comment en était-on
arrivé à ce que 87
millions de personnes se fassent manipuler en toute impunité par
un obscur cabinet de conseil anglais - et sans doute quelques États au passage.
Pourquoi certains amis n'avaient pas l'air de trouver cela particulièrement
grave et pourquoi d'autres se demandaient ce que faisait la police, le
régulateur, Mark Zuckerberg ou l'État.
Il est difficile de saisir ce que
Facebook sait de quelqu'un en lisant seulement des listes très abstraites de
données établies par des juristes ou des lanceurs d'alerte. Dans des
proportions raisonnables, je livrerai donc une partie de mes traces numériques
pour permettre à chacun de mesurer l'indiscrétion de ces services Web que nous
utilisons tous les jours. J'ai aussi élaboré des critères pour distinguer les
bonnes pratiques des mauvaises, et je tâcherai de mettre à jour ce travail
régulièrement pour répondre à son objectif: aider à comprendre et à reprendre
le contrôle de ses données en ligne.
Alors que Mark
Zuckerberg se prépare pour sa convocation devant le Congrès américain,
c'est donc avec Facebook que ce feuilleton au cœur de l'intime commence, qui se
poursuivra avec d'autres services Web très gourmands en données... parce qu'il
est urgent de comprendre de quoi leur modèle est fait et comment rester maître
de ses propres données. Si vous voulez directement passer à cette partie de
reprise en main de vos paramètres de confidentialité, une fiche mémo avec les
liens et explications pratiques est disponible à la fin de cet article. Bonne
lecture!
Sur Facebook, un giga de moi
Le journalisme requiert parfois
de se confronter à la plus stricte réalité des faits: j'ai passé beaucoup trop
de temps sur Facebook. J'ai cliqué sur une publicité pour regarder le catalogue
du Printemps sur mon temps de travail. Posté des blagues que je trouve
aujourd'hui particulièrement douteuses. Prétendu assister à des événements
auxquels je n'ai en fait jamais mis un pied. Tout cela, je le sais non pas à
cause d'une mémoire
eidétique mais simplement parce que j'ai téléchargé mes archives
Facebook, pesant pas moins d'un gigaoctet. Facebook permet cette option à
chacun dans la partie
paramètres (voir tutoriel ci-dessous). Même si j'avais
préalablement lu les conditions d'utilisations, qui tentent de préciser en 48
pages quelles données sont collectées, j'y ai retrouvé des traces que je
pensais à tout jamais effacées.
La liste des amis supprimés m'a
par exemple rappelé la date précise des ruptures numériques les plus marquantes
de mon existence. Le moment où j'ai organisé une tombola d'anniversaire. La
mort d'un ami. Le changement de mot de passe urgent depuis la Corse. Dans
plusieurs fichiers mal rangés, presque tout est consigné jusqu'à l'absurde. Les
photos, les likes, les dates, les lieux ou les appareils depuis lesquels je me
suis connectée. Alors que la mémoire veille à faire oublier ou refouler
certains souvenirs douloureux, Facebook recueille même quels stickers j'ai
utilisé sur son application Messenger. Et n'hésite pas à partager cette base de
données quasi clinique avec toutes ses autres sociétés, selon des conditions
que l'entreprise n'a pas jugé utile de détailler. Les plus connues s'appellent
Instagram ou WhatsApp et ont chacune plusieurs centaines de millions
d'utilisateurs. Facebook Payments Inc, Atlas, Onavo, Moves, Oculus, WhatsApp
Inc., Masquerade, CrowdTangle sont moins connues, tout comme les laboratoires
de recherche de Facebook et surtout, ses services marketing.
Intéressée par les chaussettes
Centres d'intérêt
incompréhensibles repérés parmi mes 223 thèmes publicitaires - Crédits
photo : Elisa Braun
Dans mes archives, je peux
observer le travail considérable que ces services marketing ont fait pour
tenter de définir mon profil de consommatrice autour de «centres d'intérêt» ou
«thèmes publicitaires». Il en existe des centaines de milliers possibles (de
Beyoncé à Donald Trump, en passant par le football ou les macaronis), et chaque
compte s'en voit attribuer au moins six. Il est possible de consulter et
régler iciune
partie de ces informations sur nos goûts mais la liste la plus complète se
trouve dans le fichier «ads» de vos archives. Pour Facebook, ces listes sont
très utiles: des marques peuvent lui acheter un emplacement publicitaire qui
apparaîtra auprès de ceux qui sont le plus susceptibles d'être intéressés. Par
exemple, une marque de pizza peut cibler quelqu'un comme moi, apparemment
intéressée par la gastronomie italienne.
Centres d'intérêt plutôt
dérangeants sur lesquels on a pu me cibler. - Crédits photo : Elisa Braun
Dans la liste de mes 223 thèmes
publicitaires, je découvre aussi un portrait de fille modèle: j'aimerais donc
l'histoire de l'art, la langue française, les chats, le Collège de France, la
philosophie et les chaussettes. D'autres me rappellent à la réalité: j'aime
surtout les memes (ces blagues récurrentes sur Internet), la nourriture, les
magazines et la bière. Enfin, une bonne partie me met franchement mal à l'aise:
que signifie cet intérêt pour “colères”? pour Jésus? Comment Facebook croit-il
savoir cela de moi ou l'a-t-il déduit? Est-ce que des entreprises ou des États
se sont servis de ces informations pour me “profiler”? Pire: est-ce que
d'autres personnes, qui ont des intentions bien moins louables que celle de me
vendre une voiture, ont eu accès à ces détails que je n'ai jamais consenti à
divulguer ou qui sont faux?
Cela, bizarrement, Facebook ne me
le dit ni dans mes archives, ni dans ses conditions d'utilisation. Le peu
d'explications qu'il fournit sur son modèle publicitaire a même été qualifié de
«vague et trompeur» par une
équipe de chercheurs de la Northeaster University, du CNRS et du Max Planck
Institute. Dans leur article, ils expliquent que Facebook s'est
par exemple offert les services de data brokers (ou
agrégateurs de données, des acteurs qui chassent les bases de données auprès de
magasins, start-up, chaînes hôtelières et les revendent au plus offrant). Cela
permet par exemple d'associer un numéro de carte bancaire à certains achats, ou
de définir un profil socio-économique. Ensuite, un algorithme se charge de
croiser ces informations et de se livrer à des suppositions pour définir de
nouveaux centres d'intérêt publicitaires. Dans ma liste de thèmes
publicitaires, je repère donc des informations qui n'ont rien à voir avec ce
que je fais sur Facebook. Je me mets même à élaborer des suppositions qui
frôlent la paranoïa: pour mettre «poignet» dans cette liste, Facebook sait-il
que je me le suis foulé il y a trois ans? Et comment connait-il mon salaire?
»LIRE AUSSI: Sur
Facebook, 65% des Français ciblés sur leur orientation sexuelle, politique ou
religieuse
La passoire du Web
Sur Internet, des communautés
entières se sont constituées pour profiter des quantités fourmillantes
d'informations qui circulent sur Facebook. On les appelle les OSINTers (pour
“Open Source Intelligence”). Simples Sherlock Holmes amateurs ou professionnels
de l'intelligence économique (un euphémisme pour parler d'espionnage industriel
ou politique), ils se sont spécialisés dans la recherche d'astuces pour
retrouver des informations sur n'importe qui grâce aux réseaux sociaux.
Facebook est l'un de leurs terrains de jeux favoris, tant l'entreprise s'est
progressivement transformée en plus grosse passoire du Web. Jusqu'à peu, il
était très facile de retrouver quelqu'un sur Facebook à partir d'un simple
numéro de téléphone ou son adresse mail. Même les plus prudents seraient
surpris de voir ce qui passe outre leur vigilance. À l'aide du simple
identifiant de profil de Mark Zuckerberg (le chiffre «4»), il est très simple
d'obtenir des informations que lui-même ou ses services de communication n'ont
probablement pas souhaité rendre accessibles à n'importe qui.
● Voici ainsi des photos où
Mark Zuckerberg est
tagué en 2005, mais je pourrais aussi demander les photos prises à
une date précise et ainsi connaître une partie de l'agenda de cet homme très
médiatique.
● Toutes
les photos de Mark Zuckerberg prises dans les locaux de Facebook,
mais je pourrais aussi demander à Facebook de repérer celles prises à proximité
de son domicile.
● Toutes
les publications que Mark Zuckerberg a likées cette année
● Des
photographies plutôt savoureuses des premières années de sieste
post-soirée dans les locaux de Facebook.
De nombreux acteurs ont récupéré
des informations, parfois même de manière industrielle et illégale, à l'aide de
faux profils et robots pour “scraper” les contenus du réseau social et les
enregistrer dans d'immenses registres. D'une manière beaucoup plus légale en
revanche, Facebook a permis à des applications tierces (c'est-à-dire
développées hors de sa maison) d'accéder à une partie des informations de ses
utilisateurs. Sa permissivité extensive a ainsi permis à Cambridge Analytica de
voler les informations de 87 millions d'utilisateurs, auxquels elle proposait
un simple test contre rémunération. Facebook a récemment
avoué que plusieurs entreprises de ce type avaient «volé» des données sur son
réseau.
Mesures de rattrapages
Quand un de vos amis utilise une
application de jeu pour couper des fruits par exemple, il permet à celle-ci de
connaître vos opinions politiques et religieuses- Crédits photo : Facebook
Ces dernières semaines, Mark
Zuckerberg a engagé des mesures parfois
cosmétiques, parfois
plus signifiantes pour colmater les fuites. «Nous nous sommes
longtemps concentrés sur les effets positifs de nos outils. Mais nous n'avons
pas réfléchi assez aux abus, et comment les éviter», s'est
excusé le PDG lors d'une conférence de presse. L'exposition de la vie
privée sur Facebook relève pourtant d'un choix politique que Mark Zuckerberg
feint désormais d'ignorer. Son entreprise a consciencieusement permis de
recueillir toutes ces données et de les partager à des acteurs tiers, moyennant
qu'il tire aussi sa part du gâteau. Elle leur a, sans que personne ne l'y
force, permis d'accéder aux opinions politiques et religieuses d'un utilisateur,
mais aussi à celle de ses amis (voir capture ci-contre).Toujours plus gourmand,
Facebook a aussi conclu de son plein droit en 2013 des partenariats avec les
leaders du marché des data
brokers .
Face au tollé provoqué par
l'affaire Cambridge Analytica, Facebook a fermé
l'accès à ces plateformes. Mais son business model, centré autour du
ciblage, est loin d'être directement menacé par ces partenariats. Les données
qu'il collecte en temps réel peuvent concurrencer celles de ces “brokers”. L'entreprise
n'a d'ailleurs pas souhaité donner de chiffre sur l'impact de cette mesure de
rattrapage. Facebook n'a pas non plus révisé sa politique de confidentialité,
malgré d'apparentes clarifications. Il s'agit en fait d'exigences portées par
le nouveau règlement général sur la protection des données (RGPD).
Lorsque l'on observe les litiges
passés de Facebook en matière de données personnelles, le profil de
l'entreprise atteste en effet d'une politique peu volontariste en matière de
respect de vie privée. Depuis 2011, l'entreprise a payé rien qu'en Europe au
moins 114,8 millions d'euros d'amende aux régulateurs, ce qui en fait le géant
du Web à avoir le plus déboursé -devant Google, qui a payé 45 millions d'euros
pour des infractions liées aux données personnelles. Avant d'en arriver à ces
sanctions, les régulateurs ont procédé à de nombreuses enquêtes, avis publics,
décisions de justice intermédiaires. Auxquelles Facebook n'a pas forcément
montré patte blanche. Le gendarme des données personnelles, la Cnil, a ainsi
dû le
mettre en demeure de fournir les preuves qu'il se conformait bien
à la loi française en décembre dernier, faute de nouvelles de sa part. Les
amendes des autorités des données personnelles font l'effet d'une caresse au
géant, qui a engrangé 40
milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2017 et près de 16
milliards de dollars de bénéfice.
Avec le prochain règlement
général pour la protection des données personnelles (RGPD), l'Europe sera en
mesure d'appliquer des sanctions aussi dures que celles de l'antitrust. En cas
de manquements constatés, les entreprises pourront payer jusqu'à 4% de leur
chiffre d'affaires mondial et 20 millions d'euros d'amende. Mark Zuckerberg
devra alors formuler
bien plus qu'un simple “désolé”.
EN ATTENDANT, QUELQUES GESTES
SIMPLES POUR PROTÉGER VOS DONNÉES:
● Télécharger ses données
pour prendre la mesure de la collecte
Il suffit d'aller ici, dans la page d'accueil
de ses paramètres, et de cliquer sur «télécharger une copie». Elle vous sera
directement envoyée par mail à l'adresse que vous utilisez pour vous connecter.
● Se livrer à l'exercice
de l'auto-stalk (se fouiller soi-même)
Quelques outils comme stalkscan permettent de retrouver
assez facilement toutes les photos sur lesquelles vous êtes identifié, mais qui
n'apparaissent pas forcément sur votre profil. Il est possible de désactiver
l'identification en cliquant sur «option» en bas à droite d'une photo. Pensez
aussi à «déliker» ou supprimer les commentaires associés à certaines
publications. Éventuellement, contactez leurs auteurs pour régler l'audience
des publications (mieux vaut éviter le mode «public»).
● Gérer ses préférences
publicitaires
Il suffit d'aller sur la page
directement consacrée, ici. Si vous le
souhaitez, vous pouvez supprimer un à un les centres d'intérêt qui vous ont été
attribués ou que vous affichez. La partie la plus importante se situe au niveau
de la rubrique «vos informations»: désactivez tous les boutons permettant à des
annonceurs de vous cibler en fonction de votre situation amoureuse, de votre
employeur, de votre poste ou de votre scolarité. Dans la partie «masquer les
thèmes publicitaires», activez le bouton «définitivement» sur la partie
«alcool».
● Régler ses
paramètres
Passez du temps à fouiller les
différentes rubriques et notamment celle portant sur la
confidentialité. Mieux vaut permettre l'accès à votre adresse mail ou à
votre numéro de téléphone à vos seuls amis. Activez aussi l'examen des
publications avant d'être tagué.
● Supprimer son compte
C'est par ici. En
revanche, attention: la démarche est irrévocable, contrairement à la
désactivation. Votre compte Facebook restera actif pendant 14 jours après votre
demande. En cas de connexion avec vos identifiants durant cet intervalle, le
processus de suppression sera annulé.
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Un nouveau règlement pour la protection des données
personnelles (11.04.2018)
Dès le mois prochain, les
entreprises européennes, quelle que soit leur taille, devront se conformer au
nouveau RGPD.
À partir du 25 mai, toutes
les entreprises européennes - quelle que soit leur taille - gérant des données
personnelles seront tenues de respecter le RGPD. Derrière ces quatre lettres,
se cachent de nouvelles modalités de protection des données. Explications.
Face au développement des données
de masse - le big data -, l'Union
européenne a décidé de préciser les modalités de protection des données.
Pour limiter le risque de failles d'un pays à l'autre, c'est à l'échelle
européenne que sera déployé le RGPD, sigle français de Règlement général de
protection des données, ou GPDR, équivalent anglais pour General Data
Protection Regulation.
Annoncé en 2012 et adopté en 2016
par le Parlement européen, le RGPD fixera, à partir du 25 mai, un nouveau
cadre juridique pour la collecte, la conservation, le traitement et la
sécurisation des
données personnellescollectées auprès de résidents européens. Il
concerne aussi bien les entreprises européennes que non européennes, même celles
qui n'ont pas d'activité sur Internet, à partir du moment où elles gèrent des
données personnelles.
En France, cette réglementation
vient en remplacement de la loi informatique et libertés de 1978. «Il était
plus que temps d'envisager une réglementation qui tente de trouver un équilibre
entre la nécessité pour les entreprises de collecter des données personnelles
auprès de leurs clients afin de mieux les satisfaire et la préservation des
droits des personnes physiques», commente Samy Benarroch, président d'Arca
Conseil, spécialiste de la gestion du risque client. Concrètement, si les
entreprises peuvent continuer à collecter des données auprès d'usagers, ceux-ci
doivent demeurer maîtres de celles-ci.
● Quel est l'objectif du
RGPD?
«La base est de protéger ces
données, de manière à ce qu'elles ne soient plus monnayées ou utilisées par les
entreprises sans accord ou consentement des personnes»
Denis Skalski, directeur
consulting au sein du cabinet Umanis
L'objectif est de protéger les
données personnelles associées à une personne physique et qui permettraient de
l'identifier ou de la qualifier. Il s'agit des noms, prénoms, adresses ou
numéros de téléphone, mais, dans certains cas, il peut s'agir également
d'adresse IP ou de numéro de plaque d'immatriculation… La liste des salariés
d'une société est également considérée comme un fichier de données
personnelles.
«La base est de protéger ces
données, de manière à ce qu'elles ne soient plus monnayées ou utilisées par les
entreprises sans accord ou consentement des personnes, résume Denis Skalski,
directeur consulting au sein du cabinet Umanis. Il s'agit aussi de
responsabiliser les entreprises: à elles de prendre conscience que ces données
à caractère personnel sont importantes et qu'elles font partie de chaque
citoyen.» À ce titre, les entreprises doivent prendre soin des données en leur
possession. Elles ne doivent pas en utiliser plus que ce qui est prévu dans le
cadre de leur activité.
● Ce qui change pour les
entreprises
Jusqu'à présent, les entreprises
françaises devaient déclarer au préalable tout traitement de données
personnelles mis en œuvre. Cette formalité disparaît avec le RGPD. Sans
déclaration, il y a donc un allégement de charges administratives. En
contrepartie, les entreprises doivent apporter la preuve qu'elles répondent aux
exigences de la nouvelle réglementation.
Selon l'article 30 du RGPD, les
entreprises de plus de 250 salariés tiendront en interne un registre des traitements
de données personnelles, dans lequel elles indiqueront la finalité de chaque
collecte de données. Les plus petites structures peuvent également être
concernées par cette obligation, si elles traitent des données dites
«sensibles», comme des indications sur la santé d'une personne, par exemple.
De même, les efforts en matière
de cybersécurité des données personnelles devront être précisés. Enfin, le
règlement va aussi responsabiliser les sous-traitants, le chef d'entreprise
devant documenter l'ensemble des renseignements diffusés à ses partenaires.
«Les entreprises devront veiller
en permanence à l'intégrité des données et permettre aux consommateurs d'y
accéder plus facilement que ce n'est le cas aujourd'hui», ajoute Samy
Benarroch. Chacun peut désormais avoir accès à ses propres données et a le
droit de les modifier, mais aussi de s'opposer à leur usage pour tel ou tel
traitement, même purement commercial. Aux entreprises, donc, de répondre à
toutes ces exigences, au risque sinon d'être sanctionnées.
«Chacun peut désormais avoir
accès à ses propres données et a le droit de les modifier, mais aussi de
s'opposer à leur usage pour tel ou tel traitement, même purement commercial»
Samy Benarroch, président d'Arca
Conseil, spécialiste de la gestion du risque client
● Des sanctions sont
prévues
Qu'elle soit une TPE, une PME ou
cotée au CAC 40, l'entreprise qui ne respecte pas les fondements du RGPD
risque une amende allant jusqu'à 20 millions d'euros ou 4 % de son
chiffre d'affaires mondial. «Il s'agit d'un mode de sanction significatif,
pouvant entraîner pour de petites entreprises de vrais problèmes de pérennité»,
alerte Denis Skalski.
Toutefois, au 25 mai, la
Commission de l'informatique et des libertés (Cnil) peut encore se montrer
conciliante. «En cas de contrôle, la Cnil sera attentive au processus mis en
place: si l'entreprise a commencé sa démarche d'amélioration, la Cnil pourra se
montrer compréhensive. Mais si la société n'a entrepris aucune action au
25 mai, elle peut s'attendre à de mauvaises surprises», affirme Benoît
Louvet avocat au sein du cabinet Houdart et Associés.
» LIRE AUSSI - Données
personnelles: les entreprises françaises dépenseront 1 milliard d'euros en 2018
● Comment se préparer
Première étape, les entreprises
doivent répertorier tous leurs fichiers contenant des données personnelles. Il
s'agit de réaliser une sorte d'audit pour recenser l'ensemble des traitements
qui en sont faits: les entreprises ont-elles toujours besoin de ces données? Le
consentement des personnes concernées a-t-il été obtenu dans les règles?
«Attention aussi à réaliser une revue des contrats de l'entreprise avec ses
partenaires, pour bien vérifier qu'une mise en conformité n'est pas nécessaire
par l'un d'entre eux», rappelle Samy Benarroch.
Ensuite, la nomination d'un
délégué à la protection des données - Data Protection Officer ou DP -
peut se révéler pertinente. Ce nouveau poste va de pair avec les nouvelles
modalités de protection des données. Le délégué à la protection des données
devra veiller à la mise en œuvre de mesures techniques et organisationnelles
appropriées, pour s'assurer que le traitement est effectué conformément au
RGPD. Sorte d'intermédiaire entre la Cnil et l'entreprise, il doit être en
mesure de notifier sans délai à l'autorité administrative toute violation des
données personnelles.
Enfin, les entreprises peuvent
aussi se rapprocher de la Cnil, qui saura les conseiller dans leur mise en
conformité.
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Céline Tridon
L'appel de Macron aux catholiques fait des vagues
(10.04.2018)
Par Marcelo
Wesfreid, Mathilde
Siraud et Marion
MourgueMis à jour le 10/04/2018 à 22h48 | Publié le 10/04/2018 à 21h07
Le discours du président, lundi
devant les évêques, est très critiqué à gauche et du côté des partisans d'une
stricte laïcité. Les catholiques saluent l'intention mais restent circonspects.
Comme un revival. En
s'exprimant lundi soir devant la Conférence des évêques de France, Emmanuel
Macron a
renoué avec le goût de la transgression. Non seulement aucun chef de
l'État ne s'était retrouvé en situation de parler devant la Conférence des
évêques, mais surtout la ligne qu'il a défendue lundi soir est en rupture avec
celle de ses prédécesseurs. «Monseigneur (Georges Pontier, président de la
Conférence des évêques de France, NDLR), nous avons, vous et moi, bravé les
sceptiques de chaque bord, a-t-il commencé sous les voûtes gothiques de
l'ancien collège cistercien. Si nous l'avons fait, c'est sans doute parce que
nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l'Église et l'État
s'est abîmé, et qu'il vous importe à vous comme à moi de le réparer.»
Évoquant les destins tragiques de
Jeanne d'Arc, du père Hamel ou du colonel Beltrame, le président, par ailleurs
chanoine de Latran, a affirmé que «la France a été fortifiée par l'engagement
des catholiques». Des morts portés «par leur foi en Dieu». Des propos en
«infraction» avec son statut présidentiel? Non, a longuement soutenu Emmanuel
Macron.
Attendu depuis plusieurs mois sur
le sujet, Emmanuel
Macron semble avoir décidé de dévoiler sa vision de la laïcité par touches
successives, plutôt qu'à travers un discours fondateur. Lors des vœux
aux autorités religieuses, le 4 janvier 2018, il avait fustigé le risque
de «radicalisation de la laïcité». Cette fois, devant les évêques, il a exhorté
les catholiques à s'engager dans la vie de la cité, à ne pas renoncer à la
République, à alimenter la nation de sa «sagesse», à participer aux débats bioéthiques.
Des mots qui sonnent doux auprès
de la communauté catholique. Mais qui n'ont pas manqué de déchaîner l'ire des
partisans d'une laïcité plus stricte, comme Manuel Valls. L'ancien premier
ministre s'est inquiété d'une atteinte au principe de 1905 sur son compte
Twitter. «La laïcité, c'est la France, et elle n'a qu'un seul fondement: la loi
de 1905, celle de la séparation des Églises et de l'État. La loi de 1905, toute
la loi, rien que la loi», a-t-il écrit.
«C'était un texte profond,
parfois bien inspiré, dans lequel on voit bien que, s'il n'a pas de dogme, pas
de chapelle, il porte cependant une inquiétude spirituelle»
François Bayrou
Sans tarder, l'entourage
d'Emmanuel Macron s'est employé à atténuer et à banaliser l'effet disruptif de
ces déclarations. Comme à l'époque des sorties les plus provocatrices
d'Emmanuel Macron, avant son élection (35 heures, fonction publique,
déchéance de nationalité, colonisation, ISF, etc.), ses proches ont
cherché à calmer les esprits. «Le président de la République n'a fait que
répéter ce qu'il dit chaque fois qu'il est face à des croyants, insiste le
porte-parole de l'Élysée, Bruno Roger-Petit. Il développe une vision de la
France articulée avec sa conception de la fonction présidentielle sous la
Ve République.» «On ne touche pas à la loi de 1905, renchérit le
porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux. Seulement, il y avait une
chape de plomb, des sujets dont on n'osait plus parler.» François Bayrou,
président du MoDem et catholique pratiquant, défend lui aussi le chef de
l'État: «C'était un texte profond, parfois bien inspiré, dans lequel on voit
bien que, s'il n'a pas de dogme, pas de chapelle, il porte cependant une
inquiétude spirituelle», salue-t-il. «Il faut prendre toute la mesure du
discours, insiste Sacha Houlié, député LaREM. Avec les propos du président de
la République, nous revenons aux fondamentaux du macronisme, en disant que
chacun peut trouver sa place.»
Au-delà de ces soutiens affichés,
il y a aussi des positions plus critiques dans la majorité. «Cela a été plus ou
moins apprécié en fonction des sensibilités de chacun», admet ainsi la députée
de Paris, Anne-Christine Lang, alors que la question de la laïcité divise au
sein de la majorité. «Le procès fait à Macron est injuste, mais j'attends également
un discours fort de sa part sur le socle de valeurs que le pays a en commun»,
souligne la parlementaire LaREM.
«Remettre en cause la
séparation des Églises et de l'État, c'est ouvrir la porte de la politique aux
fondamentalistes de toutes les religions. C'est irresponsable»
Jean-Luc Mélenchon
À gauche, les positions du
président ont déclenché une avalanche de critiques. Lors des questions au
gouvernement, le député Insoumis Bastien Lachaud l'a accusé de vouloir détruire
la loi de 1905. Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, a répondu en citant
Aristide Briand et en rappelant l'engagement du chef de l'État en faveur de
«l'unité de la nation française». Sur Twitter, le leader de La France
insoumise a interpellé le chef de l'État: «Monsieur le président, le lien avec
les Églises n'a pas été abîmé! a lâché Jean-Luc Mélenchon. Il a été rompu en
1905! Remettre en cause la séparation des Églises et de l'État, c'est ouvrir la
porte de la politique aux fondamentalistes de toutes les religions. C'est
irresponsable.»
Le discours d'Emmanuel Macron
révèle en tout cas une nouvelle fois les divisions à droite. Certes, le centre
droit se réjouit de ces prises de position. «Je n'ai rien vu de choquant dans
le discours d'Emmanuel Macron, juge Jean-Christophe Lagarde, président de
l'UDI. La laïcité, ce n'est pas la guerre contre les religions, mais garantir à
chacun son culte et sa croyance.» Même tonalité chez le député de
Seine-et-Marne et cofondateur d'Agir, Franck Riester: «C'est un discours fort
qui permet aux catholiques de se sentir considérés. La laïcité, ce n'est pas
nier les religions.»
Mais, au sein des Républicains,
les réactions sont toutefois plus critiques, balançant entre ceux qui pointent
une «opération de com'» et ceux pour qui Emmanuel Macron n'est pas allé assez
loin. «C'est très bien de rappeler le dialogue nécessaire entre religions et
État. Si la foi relève de l'intime et du privé, le message public des religions
peut, à juste titre, nourrir la réflexion républicaine et citoyenne», explique
Philippe Gosselin, député LR de la Manche. Ce catholique revendiqué dit ne pas
être «dupe des appels du pied aux cathos sur l'Europe et l'immigration. Et
plutôt pas rassuré sur les propos bioéthiques. On sent poindre la supériorité,
qui revient au galop, de Jupiter sur Dieu!» De son côté, le président du groupe
LR à l'Assemblée, Christian Jacob, a fustigé une «récupération grossière».
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Guillaume Tabard : «Réactions pavloviennes et risques
politiques» (10.04.2018)
CONTRE-POINT - Le discours d'Emmanuel
Macron aux représentants de l'Église de France a réveillé les inquiétudes des
défenseurs autoproclamés de la laïcité. Pourtant, le chef de l'État s'est
montré conforme à ses précédentes allocutions à l'attention des communautés
religieuses.
Il y eut le discours du Latran de
Nicolas Sarkozy. Il y a maintenant le discours aux Bernardins d'Emmanuel
Macron. Deux chartes présidentielles et personnelles de la laïcité qui ont en
commun d'avoir déclenché les mêmes réactions indignées des défenseurs autoproclamés
de la laïcité. Ou plutôt d'une conception de la laïcité qui ne voit dans le
fait religieux qu'un danger pour la société.
«Ces cris d'orfraie ne sont
que le prétexte pour refuser une approche consistant à penser que l'État a tout
à gagner d'une reconnaissance de la vitalité et de la fécondité de tous les
courants de pensée qui traversent la société»
À dix ans d'écart, ils sont l'un
et l'autre accusés de s'en prendre à ce qu'ils ne veulent pourtant en rien
toucher: la
loi de séparation de 1905. Mais ces cris d'orfraie ne sont que le
prétexte pour refuser une approche consistant à penser que l'État a tout à
gagner d'une reconnaissance de la vitalité et de la fécondité de tous les
courants de pensée qui traversent la société.
À commencer par cette «sève
catholique» dont a parlé Emmanuel Macron. Les réactions pavloviennes restent
décidément le meilleur antidote à toute pensée, «complexe» ou non. Et révèlent
l'incohérence de ceux qui s'inquiètent de
toute marque d'estime envers l'Église, mais qui, courant les dîners de
rupture de jeûne, se montrent moins sourcilleux envers un islam qui, lui, n'a
pas encore réglé pleinement son rapport à la laïcité.
Le président de la République n'a
pourtant pris personne par surprise. Ce qu'il a dit aux Bernardins est en tout
point conforme à ce qu'il a dit et répété durant sa campagne et depuis son
élection: aux protestants lors du 500e anniversaire de la Réforme, aux
Juifs lors du dîner du Crif ou encore dans ses vœux à l'ensemble des
communautés religieuses, en janvier à l'Élysée. À savoir que la laïcité n'avait
pas pour objet de substituer une «religion d'État» aux autres religions. On
aurait tort de voir dans ce rendez-vous, fixé il y a de nombreuses
semaines, le simple prétexte d'un bruit médiatique destiné à couvrir la
contestation sur la réforme de la SNCF.
«La voie de crête est étroite
pour Emmanuel Macron, pris entre ceux qui ne lui pardonnent pas ses paroles et
ceux qui exigeront des actes, notamment par les sujets éthiques»
Ce qui est sûr, c'est qu'une fois
de plus Emmanuel
Macron réussit, peut-être au-delà de ses prévisions, à se fâcher avec sa
gauche. Celle-ci trouve là une occasion d'unité inespérée, avec la
bénédiction - si l'on ose dire... - du Grand Orient de France sortant
exceptionnellement de sa discrétion médiatique habituelle.
Symétriquement, le chef de l'État
peut-il espérer un «ralliement» des catholiques? «Tu ne les auras jamais avec
toi», l'a prévenu un ancien ministre. De fait, si les catholiques peuvent être
sensibles aux mots du président de la République, prendre au mot son invitation
à s'exprimer et à s'engager, c'est précisément ne pas se contenter de mots. La
voie de crête est étroite pour Emmanuel Macron, pris entre ceux qui ne lui
pardonnent pas ses paroles et ceux qui exigeront des actes, notamment par les
sujets éthiques (PMA, GPA, euthanasie). Des deux côtés, il le sait, il subira
une pression forte. Y compris à l'intérieur de La République en marche.
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DÉCRYPTAGE - Le chef de l'État
est volontairement allé plus loin que tous ses précédesseurs - et aux antipodes
de François Hollande -, assumant une ligne provocatrice sur ce sujet explosif
pour réconcilier la France qui croit et celle qui ne croit pas.
Même Nicolas Sarkozy aux grandes
heures de son discours romain du Latran, avec l'évocation du prêtre et de
l'instituteur, en 2007, n'était pas allé aussi loin. Emmanuel Macron, lui,
franchit allègrement le Rubicon.
Invité, lundi, à la soirée de la
Conférence des évêques de France au collège parisien des Bernardins, il
s'est mué en invitant. En tendant non pas une main mais les deux bras à
ses hôtes catholiques pour leur redonner, si certains l'avaient perdu, le goût
de la République.
Jésus disait aux chrétiens qu'ils
étaient «le sel de la terre». Emmanuel Macron suggère que les «cathos» peuvent
être «le sel» de la République: je suis là, a-t-il dit, «pour vous demander
solennellement de ne pas vous sentir aux marches de la République, mais de
retrouver le goût et le sel du rôle que vous y avez toujours joué». Voilà la
recette: être «intempestifs» partout et dans tous les débats et «s'engager en
politique», a martelé le chef de l'État. Au lendemain de la fête, l'addition
est un peu… salée. Notamment dans les rangs laïques, mais le propos a fait
mouche.
Nicolas Sarkozy, à la basilique
Saint-Jean-de-Latran, à Rome, le 20 décembre 2007. Lors de son discours,
l'ancien président avait tenté de faire bouger les lignes avec son concept de
«laïcité positive». - Crédits photo : ERIC FEFERBERG/AFP
Reste à savoir si ce «coup
d'État» visant à détrôner une laïcité crispée et dogmatique réussira sur le
long terme… Et si cette OPA sur les catholiques prendra sur un corps social
passablement échaudé par les provocations du quinquennat Hollande. On revient
de loin, en effet. Pour la seule décennie passée, les catholiques sont passés
du très chaud au froid glacial. Nicolas Sarkozy avait tenté de faire bouger les
lignes avec son concept de «laïcité positive». Dans un premier temps, il avait
séduit dans les rangs catholiques. Son programme de désarmement de la ligne
Maginot de la laïcité, rendue poreuse, plus souple, moins raide, plus intelligente,
avait plu. Mais il tentait une équation périlleuse. Celle de réconcilier la
République avec les catholiques, et vice versa, tout en donnant l'impression de
lâcher du lest face à l'islam en accordant à cette religion un statut
institutionnel. C'était du moins le reproche adressé par le cardinal Lustiger
au jeune et bouillant ministre de l'Intérieur, futur président, qui mettait sur
pied, en 2013, le Conseil français du culte musulman (CFCM).
Réconcilier les deux France
Ce fut ensuite le tour de François
Hollande. Avant même son élection, il avait programmé le réarmement de la ligne
Maginot avec des sacs de sable et des barbelés pour rendre vraiment
infranchissable tout éventuel commencement d'influence d'une religion - en
l'occurrence l'Église catholique - dans le champ politique. Son idée
visait l'architecture même de cette ligne rouge: introduire dans la
Constitution française elle-même le principe de séparation des Églises et de
l'État, contenu dans la loi de 1905. En somme, consolider au béton armé cette
spécificité française.
Dans le choix très gradué des
projets de discours, Emmanuel Macron a choisi l'option haute, la plus ouverte
aux catholiques
Ce rapide coup d'œil dans le
rétroviseur politique explique l'ampleur de l'émoi suscité par le «discours des
Bernardins». Car c'est ainsi qu'il va s'appeler désormais, s'imposant comme un
discours refondateur, historique et exprimé par le 8e président de la
Ve République. Une république où Emmanuel Macron entend, au seuil du
XXIe siècle, réconcilier les deux France, celle qui croit et celle qui ne
croit pas. Une position provocatrice totalement assumée, du reste, par le chef
de l'État. Dans le choix très gradué des projets de discours, il a choisi
l'option haute, la plus ouverte aux catholiques.
Mais, comme pour ses
prédécesseurs, ce terrain de la laïcité est totalement miné. Un pas à droite,
un pas à gauche, c'est l'explosion à tous les coups. Sans
surprise, elle a été instantanée et s'est bruyamment manifestée
dans le camp retranché laïque pur et dur. Là n'était pourtant pas l'objectif.
C'est le public catholique qui
est visé. Il se réveille heureusement surpris, prêt à jouer le jeu pour
certains, mais extrêmement méfiant. Il n'acceptera pas des évolutions
bioéthiques qui manipuleraient l'homme. Et pas davantage de se laisser enfermer
dans une case «religieuse» prédéfinie par une vision communautariste de la
société.
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DÉCRYPTAGE - Mariage gay, volonté
de « durcir » la loi de 1905… Plus d'une fois, les chrétiens se sont
sentis blessés.
«Nous partageons confusément le
sentiment que le lien entre l'Église et l'État s'est abîmé, et
qu'il nous importe à vous comme à moi de le réparer.» La phrase, puissante, est
la première - passé la formule de politesse introductive - du discours d'Emmanuel Macron aux représentants de l'Église
de France, lundi, au Collège des Bernardins. Le président de la
République s'adresse à toute l'assemblée, présidée par Mgr Georges
Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de
France. Qu'est-ce qui serait donc brisé, détérioré, dégradé dans ce vieux
couple français?
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Sur un plan technique, juridique
et administratif, rien de notable n'est à signaler. Quelques frottements
budgétaires proviennent de l'enseignement catholique mais la machine
tourne rond. Elle est même soigneusement entretenue puisqu'elle passe tous les
ans un contrôle technique. Cet état des lieux administratif se déroule dans le
bureau du premier ministre (Lionel Jospin en fut le créateur en 2002) lors
d'une «instance de dialogue», c'est son nom officiel.
Le premier ministre et les
ministres concernés inventorient alors avec une régularité d'horloge de
cathédrale, en compagnie du président des évêques, de l'archevêque de Paris, du
nonce apostolique, tous les problèmes techniques pour leur trouver des
solutions: gestion des lieux de culte, questions fiscales, aumôneries,
enseignement catholique, visas de missionnaires, accueil des chrétiens
étrangers, etc.
Divorce consommé sous François
Hollande
Sur le plan symbolique et
politique, en revanche, le dossier est chargé. En 2004, il y eut la grande
déception du refus de reconnaître les racines chrétiennes de l'Europe par
Jacques Chirac. Mais sous le quinquennat de François Hollande, le divorce a été
consommé: volonté de constitutionnaliser, donc de «durcir» la loi de 1905, en
2012. Choc de l'adoption du mariage homosexuel, malgré la résistance de la Manif pour tous en 2013. Et très fortes inquiétudes
sur la GPA, la PMA pour toutes, sans parler d'une «euthanasie soft» qui ne
dirait pas son nom.
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À ce malaise s'ajoute le fait que
les catholiques estiment devoir payer une facture dont ils ne sont pas
responsables: celle du durcissement de la laïcité, lié à l'islam et à ses
dérives extrémistes. Elle conduit à mettre toutes les religions dans le même
sac. Impression donc, côté catholique, de ne compter pour rien, de ne plus être
reconnus, d'être méprisés. Ce qui est donc «abîmé», voire «brisé», c'est la
confiance.
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LE SCAN POLITIQUE - Les
prédécesseurs d'Emmanuel Macron ont entretenu toute une gamme de rapports avec
la religion chrétienne, allant de la piété discrète du général de Gaulle au
détachement de François Hollande.
C'est un sujet compliqué à
aborder. Surtout pour un président de la République française, tiraillée entre
ses racines judéo-chrétiennes et les règles imposées par la loi de 1905 sur la
séparation de l'Église et de l'État. En appelant lundi à «réparer» le lien entre ces deux entités,
Emmanuel Macron a déclenché un tollé politique, notamment au sein de la
gauche, structurellement attachée à une laïcité stricte. «C'est bien
parce que je ne suis pas indifférent que je perçois combien le chemin, que
l'État et l'Église partagent depuis si longtemps, est aujourd'hui semé de
malentendus et de défiance réciproques», a déclaré le chef de l'État au Collège
des Bernardins.
L'écrasante majorité de ses
prédécesseurs ont évité, au cours de leur mandat, de politiser la question du
rapport des Français à leur foi catholique. Ou, à tout le moins, de le
théoriser à l'occasion d'un discours officiel. De ce point de vue, Nicolas
Sarkozy est le seul cas réellement comparable à celui d'Emmanuel Macron. Les
autres ont entretenu un rapport plus ou moins distancié avec Dieu.
● La piété discrète du
général de Gaulle
«Je suis un Français libre. Je
crois en Dieu et en ma patrie. Je ne suis l'homme de personne», déclarait-il en 1941. Exception faite de l'Algérie,
territoire qui demeurait français en 1959, l'Italie et la Cité du Vatican ont
été la première destination officielle de Charles de Gaulle après son retour au
pouvoir. Discret dans sa pratique religieuse, l'homme de l'Appel du 18 juin
1940 n'en demeurait pas moins un homme pieu, soucieux d'équilibrer son
attachement à l'Église catholique avec ses fonctions de dirigeant d'une
République séculaire et laïque. S'abstenant généralement de communier en
public, le général de Gaulle s'exprimait peu sur sa foi. Il a néanmoins été
élevé dans un milieu catholique fervent, très influencé par le poète Charles
Péguy. Selon la spécialiste Caroline Pigozzi, le chef de l'État
avait fait installer, à ses frais, une petite chapelle donnant sur la cour
d'honneur de l'Élysée.
● Le «respect mutuel» de
Pompidou
Comme l'a rapporté le journaliste
Marc Tronchot, auteur de l'ouvrage Les présidents face à Dieu , Georges
Pompidou entretenait un rapport beaucoup plus distancié à la religion que son
illustre prédécesseur. «Passionné par les églises, notamment romanes, les lieux
de cultes, les mégalithes, il liait l'art et le sacré, sa démarche chrétienne
est celle d'un esthète», déclarait l'ex-directeur de la rédaction d'Europe 1
au Monde des religions en 2015. Dans les Dernières Nouvelles d'Alsace du 30 janvier
1971, le président décédé en cours de mandat précisait son rôle à l'égard du
christianisme français: «Sans doute le spirituel et le temporel ne doivent
pas être mêlés, et l'Église et l'État ont-ils chacun leur vocation propre, mais
dans un pays de vieille tradition chrétienne et libérale comme le nôtre, il ne
doit y avoir entre ces deux institutions que respect mutuel et considération
réciproque, dès lors que chacune demeure fidèle à elle-même.»
● Giscard, les réformes
avant l'Église
Surnommé le «Kennedy français»
durant sa campagne de 1974, Valéry Giscard d'Estaing est un catholique de
tradition plutôt que de conviction. L'ancien ministre des Finances veut
amplifier le train de réformes sociétales en cours depuis la fin des années
1960. À commencer par la dépénalisation de l'avortement portée par Simone Veil,
violemment combattue par l'Église catholique. Idem pour l'introduction du
divorce par consentement mutuel, votée, comme la loi sur l'IVG, en 1975. Ces
profonds changements ont compliqué les rapports entre Paris et le Saint-Siège, où
Valéry Giscard d'Estaing s'est rendu deux fois en visite officielle au cours du
septennat. Après sa défaite contre François Mitterrand en mai 1981, l'ancien
maire de Chamalières s'est tout de même permis une référence religieuse dans
son ultime allocution télévisée: «Dans ces temps difficiles, (...) je
souhaite que la Providence veille sur la France, pour son bonheur, pour son
bien et pour sa grandeur.»
● Le mysticisme de
Mitterrand
Son affiche de campagne - celle
de 1981 - est restée dans l'histoire. Mais derrière la «force tranquille» de
François Mitterrand se niche une image loin d'être anodine, celle d'un clocher
de village. Le premier président socialiste de la Ve République se méfie de
l'Église en tant qu'institution, mais admire les églises. Il s'est toujours
montré ambigu vis-à-vis de la religion, se définissant comme «agnostique» dans
une interview accordée au Figaro au crépuscule de son règne.
Plutôt habité par une tendance «spiritualiste», voire mystique, François
Mitterrand a nourri sa vaste culture littéraire de références religieuses,
répertoriées par l'hebdomadaire La Vie en 2011. Reste enfin sa fascination
pour la mort, tributaire de son cancer diagnostiqué dès 1981. De quoi inspirer,
dit-on, cette phrase énigmatique, prononcée lors de ses derniers vœux présidentiels: «Je
crois aux forces de l'esprit, et je ne vous quitterai pas.»
● L'humanisme de Chirac
S'il a reçu en grande pompe le
pape Jean-Paul II en France en 1996, Jacques Chirac s'est toujours voulu plus
humaniste que chrétien. Cultivant une réelle curiosité à l'égard des religions
et de leur pouvoir sur l'homme, l'ancien maire de Paris s'est efforcé
d'appliquer sa vision laïque à sa gestion des rapports de l'État avec les
cultes. «Jacques Chirac était effectivement fasciné par les questions
religieuses et conscient des principaux problèmes qui se posaient à l'Église
catholique», se rappelle Bernard Billaud, un ancien collaborateur du président,
dans la revue Réforme.
«Mais il était aussi d'une grande ignorance. N'étant jamais allé à Rome, il ne
savait pas ce qu'était la papauté», ajoute-t-il.
● Sarkozy, ou l'usage
politique de l'Église
Plus qu'aucun autre président de
la République, Nicolas Sarkozy a probablement fait un usage très politique des
racines chrétiennes de la France durant son mandat. Mêlant intérêt réel et
gestes électoralistes, le chef d'État a été épaulé dans sa tâche par son
conseiller Patrick Buisson, catholique identitaire affirmé et convaincu du
besoin de réaffirmer la prééminence de l'Église. Lors du discours du Palais du Latran, prononcé en décembre
2007, Nicolas Sarkozy affirmait que «dans la transmission des valeurs et dans
l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne
pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur». Ces propos ostentatoires lui
ont valu de nombreuses critiques.
● Hollande, l'athéisme
comme seule boussole
«Je n'ai aucune pratique
religieuse. Mais je respecte toutes les confessions. La mienne est de ne pas en
avoir.» Telle fut la réponse de François Hollande à une question sur sa foi,
posée par La
Vie durant la campagne présidentielle de 2012. Durant son
quinquennat, l'ancien patron du Parti socialiste n'aura pas brossé l'Église
dans le sens du poil: la loi Taubira de 2013, censée ouvrir le droit du
mariage aux couples homosexuels, a fait descendre de nombreux groupes catholiques dans les rues. Plus
symboliquement, François Hollande fut le premier président de la Ve République
non marié au moment de son élection. Moins anecdotique, sa décision de
n'inclure aucun religieux au sein du Comité consultatif national d'éthique
(CCNE) lors de son renouvellement en 2013. Un choix que déplore
d'ailleurs le successeur de François Hollande.
● Macron, le
«spiritualiste»
À choisir parmi ses
prédécesseurs, l'actuel chef de l'État semble se rapprocher davantage du modèle
mitterrandien. Baptisé à l'âge de 12 ans avant d'intégrer une école de jésuites
d'Amiens, Emmanuel Macron croit à «une transcendance». C'est, du moins, ce
qu'il déclarait au Journal du Dimancheen septembre 2016, peu après
sa démission du gouvernement Valls. «C'est un agnostique spiritualiste,
confiait un proche à l'hebdomadaire le 12 février dernier. Chez lui, la
question de Dieu est ouverte, au sens où elle n'est pas résolue. Et c'est cette
ouverture qui nourrit sa vision de l'inscription des religions dans la
République.» S‘ajoute à cela sa dénonciation régulière du «laïcisme de combat».
Sa volonté de préserver une distance avec la pratique catholique s'est
illustrée lors des obsèques de Johnny Hallyday. Après s'être saisi furtivement
du goupillon pour bénir le cerceuil du chanteur, Emmanuel Macron s'est vite
ravisé, reposant l'objet liturgique dans son seau.
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Comment Macron a longuement préparé son discours sur la
religion (10.04.2018)
L'allocution prononcée au collège
des Bernardins, lundi soir, a été maintes fois retravaillée par le chef de
l'État. Si chaque mot du discours était soupesé, la publication hors contexte
des punchlines sur son compte Twitter a fait enfler la polémique.
C'est un discours qui fera
date. L'allocution où
le chef de l'État a le plus levé le voile sur sa conception de la religion. La
trame en a été rédigée par Sylvain Fort.
Ce normalien de 46 ans,
spécialiste de littérature allemande, traducteur et critique, fin connaisseur
des opéras de Verdi et de Puccini, travaille
depuis 2017 comme «plume» du
président, dans un bureau au-dessus de celui de son patron. Il a fourni
la première ébauche, après la décision du chef de l'État de participer à la
conférence des évêques de France, il y a un mois.
Dans sa commande, le président a
demandé à son conseiller «discours et mémoire» - c'est son titre officiel - de
développer deux axes. D'un côté, la nécessité de retisser les liens distendus
avec l'Église, ces dernières années, pour cause d'instrumentalisation
électoraliste ou de prise de distance au moment de l'examen à l'Assemblée du
mariage pour tous. De l'autre, le rappel que la neutralité de l'État ne doit
pas empêcher un dialogue plus nourri avec les représentants des cultes, par
exemple pour travailler sur les sujets bioéthiques.
Le texte a été retravaillé
maintes fois par le chef de l'État, qui a achevé l'ultime relecture quelques
minutes avant son départ
La première version du discours
des Bernardins n'est donc pas partie d'une feuille complètement blanche. Le
président avait fixé le cadre.
Cette version s'inscrit dans le
prolongement de deux discours antérieurs, dont elle s'inspire: celui pour les
500 ans de la réforme protestante, prononcé le 22 septembre 2017, et les
vœux aux autorités religieuses, du 4 janvier 2018. Dans le premier de
ces textes, Emmanuel Macron salue «l'œuvre séculaire des protestants pour les
libertés en France». Avant d'asséner: «La laïcité n'est pas une relation d'État
[…] n'est pas la négation des religions.» Dans le second discours, Emmanuel
Macron invite les représentants des cultes à se saisir des débats bioéthiques
et à «participe[r] à la vie de la nation».
Une fois la première trame
achevée, un long travail de maturation a commencé. Le texte a été retravaillé
maintes fois par le chef de l'État, qui a achevé l'ultime relecture quelques
minutes avant son départ pour l'ancien collège cistercien. Une façon de mettre
sa patte jusqu'au bout, d'introduire des références à l'actualité (Arnaud
Beltrame) ou à des idées qui lui sont chères, comme celles de son
mentor Paul Ricœur dont il fut naguère l'assistant.
L'art de la nuance
«Le président aime ciseler le
discours dans sa version finale. Il s'est nourri de ce qu'il est profondément»,
indique le porte-parole de l'Élysée, Bruno Roger-Petit. «Le président a une
forme de foi, pas très claire, qui lui vient semble-t-il de sa grand-mère, de
son enfance, note le producteur de spectacles Jean-Marc Dumontet, qui participa
à l'écriture de plusieurs discours pendant la présidentielle. Il en a gardé un
regard bienveillant sur les religions. Il n'est jamais dans la stigmatisation,
tant que les religions restent dans le cadre de la République.»
Si chaque mot a été soupesé,
chaque passage lissé, le discours des Bernardins a toutefois connu une
répercussion liée en grande partie à son saucissonnage sous forme de tweets sur
le compte du président.
Les quinze pages de discours se sont
muées en phrases de 140 signes, isolées de l'argumentation générale. Un mode de
communication moderne, destiné à toucher un public plus large, qui n'est pas
étranger au déclenchement
immédiat de la polémique. L'art de la nuance ne se satisfait pas de
celui des punchlines.
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séduction» (10.04.2018)
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directeur du département opinion à l'Ifop et auteur de À la droite de
Dieu, le président a semblé préparer le terrain pour mieux faire passer sa
réforme sociétale sur les débats bioéthiques.
LE FIGARO. - Les catholiques
attendent-ils du président de la République qu'il répare «le lien entre
l'Église et l'État»?
Jérôme FOURQUET. - De très
nombreux catholiques étaient, il y a encore quelques années, à l'aise dans leur
relation avec la République. Elle était apaisée. Mais un malaise s'est
progressivement installé chez certains. Lors du débat houleux sur le mariage
pour tous, les catholiques qui étaient opposés à ce projet se sont sentis
humiliés et ont été présentés comme des rétrogrades par le gouvernement de
l'époque. Parallèlement, en réponse à la montée de l'islamisme, l'État a
parfois pu défendre une laïcité de combat, où la religion a été présentée comme
un ennemi.
Des catholiques ont pu alors se
sentir victimes d'un retour de flamme «laïcard», avec des polémiques que l'on
croyait éteintes depuis longtemps comme lors de l'affaire de la croix de Ploërmel. C'est ce
qu'Emmanuel Macron a essayé de réparer lundi soir, en rappelant que «la laïcité
n'a certainement pas pour fonction de nier le spirituel au nom du temporel».
Peut-être que l'allocution présidentielle tant attendue sur la laïcité
était finalement là.
Dans son discours, Emmanuel
Macron a semblé renvoyer dos à dos ses prédécesseurs quant à leurs relations
avec l'Église…
«Si les termes et les
références employés ont pu sonner agréablement à l'oreille des catholiques, ce
discours n'en était pas moins ambivalent»
Jérôme Fourquet
Ses mots étaient, en effet, très
fortement inspirés du regard qu'il porte sur les deux quinquennats précédents.
Ses propos de lundi soir, bien que plus solennels, sont la suite de son
interview donnée à L'Obs, peu avant la présidentielle, où Emmanuel
Macron avait regretté que cette «France-là», celle de la Manif pour tous, ait
été «humiliée». De même, quand il fustige ceux qui font «le lit d'une vision
communautariste» des catholiques pour des raisons électoralistes, on peut voir
une référence au discours très remarqué du Latran de Nicolas Sarkozy.
Voulant rompre avec ces
expériences malheureuses, le président s'est inscrit dans une posture de
reconnaissance vis-à-vis de l'Église et des catholiques, quant à leur action
sociale, qu'il s'agisse des déshérités ou des migrants, ou quant à leur apport
dans notre questionnement spirituel et éthique. Attention cependant, si les
termes et les références employés ont pu sonner agréablement à l'oreille des
catholiques, ce discours n'en était pas moins ambivalent.
Qu'entendez-vous par «discours
ambivalent»?
Le fameux «en même temps»
présidentiel était bien présent. Si Emmanuel Macron a vanté tout ce que
l'Église apporte à la société française, il lui a également rappelé que sa voix
ne pouvait être que «questionnante» et non «injonctive». Alors que les
échéances sur les débats bioéthiques, notamment sur l'ouverture de la PMA à toutes les femmes,
approchent, on peut comprendre entre les lignes qu'Emmanuel Macron a, en son
for intérieur, pris sa décision. Si ce beau discours est suivi prochainement
d'une annonce en ce sens, il pourrait alors laisser un amer souvenir aux
catholiques. Et être, a posteriori, analysé comme une manœuvre de séduction
très adroite afin de mieux faire accepter une réforme sociétale dont une
majorité de catholiques ne peut se satisfaire.
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Les catholiques satisfaits mais «prudents» après le discours
de Macron (10.04.2018)
Si les mots du chef de l'État ont
séduit les représentants religieux, ceux-ci entendent rester vigilants sur ses
actes, à commencer par le contenu de la loi bioéthique.
La
prestation d'Emmanuel Macron, président de la République, au Collège des
Bernardins, le 9 avril 2018, a été plutôt bien accueillie par les
«religions», notamment par les catholiques, même s'ils restent prudents.
Pour sa part, le grand rabbin de
France, Haïm Korsia, y voit un «signal fort lancé au catholicisme comme aux
autres religions», car le président «a rappelé que citoyenneté et croyance ou
spiritualité étaient indissociables de l'être». Ce religieux salue également
l'invitation à participer aux débats, car «les catholiques comme les autres
religions» ont été «trop longtemps écartés ou marginalisés dans leur
réflexion».C'est «l'idée même de la laïcité, qui ne signifie nullement
l'oblitération du spirituel ou du religieux».
François Clavairoly, président de
la Fédération protestante de France, également présent aux Bernardins, lundi
soir, note, sur ce plan, que le président n'a pas éludé «le décalage qui s'est
instauré entre le catholicisme et la République, notamment sur des questions
éthiques». Il l'a même «souligné», assumant «son rôle de rappeler que la
République prend en considération chacune de ses composantes, y compris dans
leurs dimensions spirituelles».
Les évêques ont apprécié « le
discours décomplexé sur l'Église », du président de la République et son appel
« à prendre part au débat public »
Mgr Pontier, président de la
CEF
Ce débat ne sera toutefois jamais
tranquille, assure François Clavairoly: «J'ai beaucoup apprécié la citation de
Paul Ricœur sur le thème du “questionnement” et de la mise “en tension” des
sujets éthiques, pour ce qui concerne la bioéthique, la question de l'accueil
des migrants ou le souci du plus vulnérable.»
Même appréciation côté musulman.
Anouar Kbibech, vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM),
salue une «vision courageuse, ouverte et assumée» de la laïcité. Elle démontre
qu'Emmanuel Macron - «à la différence fondamentale de son prédécesseur,
qui plaçait les religions dans “l'angle mort” de la République -
s'intéresse aux religions pour les entendre, mais également pour les écouter
sur des décisions importantes qui engagent le pays.» À témoin, «son invitation
particulière aux catholiques de dépasser leur rôle de “racines” de la France
pour en devenir la “sève”». Notamment sur «la question de l'accueil des
réfugiés et des lois sur la bioéthique».
Et les catholiques? Vincent
Neymon, secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques (CEF), en
charge de la communication, observe: «Les évêques se félicitent de la tenue et
de la teneur de cette soirée. La laïcité y a été vécue comme nous la
souhaitons.»
Mgr Pontier, président de la
CEF a pu rappeler «la volonté de dialogue», mais aussi «la vigilance sur les
sujets liés à la personne humaine, qu'elle soit à naître, migrante, handicapée,
âgée…». En retour, les évêques ont apprécié «le discours décomplexé sur
l'Église», du président de la République et son appel «à prendre part au débat
public» comme «Église questionnante, intempestive, et non pas une Église
affirmative et clivante». Reste maintenant «à saisir les opportunités de parole
sur les différents sujets qui préoccupent notre société».
«Beaucoup, dans les rangs
catholiques, soupçonnent une habileté de plus, une stratégie de séduction pour
“faire passer la pilule” des nouvelles transgressions éthiques dans quelques
mois»
L'abbé Grosjean
C'est tout le problème pour
Tugdual Derville, délégué général de l'association Alliance Vita: «Toute
l'ambiguïté du brillant discours présidentiel est là: il encourage de façon
inédite l'expression par les catholiques de la pleine défense de l'humanité
éclairée par leur foi, mais, finalement, il leur demande en même temps de
cautionner le relativisme éthique… Ce n'est pas rassurant pour l'avenir de la
PMA, aujourd'hui en débat.»
Observateur aiguisé de la
laïcité, l'abbé
Grosjean tempère: «Beaucoup, dans les rangs catholiques, soupçonnent
une habileté de plus, une stratégie de séduction pour “faire passer la pilule”
des nouvelles transgressions éthiques dans quelques mois… Je crois qu'il serait
injuste de rester prisonnier du soupçon. Les catholiques ne sont pas dupes et
restent prudents. Mais comment ne pourraient-ils pas apprécier que soient
reconnu de façon si forte l'apport de leur engagement dans la vie de notre pays
et dans notre histoire?» Il conclut: «Ce discours engage toutefois le président
et ceux qui gouvernent avec lui: il a créé une attente forte, qui pourrait
laisser la place à une déception d'autant plus forte si les actes ne suivent
pas, en révélant au contraire un relativisme éthique que son texte pourtant
condamnait.»
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Révélations sur la bataille d'Orange, où les barbares firent trembler
Rome (10.04.2018)
Des fouilles archéologiques
menées dans la vallée du Rhône ont permis de retrouver la localisation exacte
d'une des plus grandes défaites de la République romaine, en 105 avant J.-C.
La bataille d'Orange fut l'une
des plus grandes défaites de Rome, mais paradoxalement donna un petit répit à
la République romaine tout en conduisant à la future ascension de César et à la
naissance de l'Empire. Près de 80.000 légionnaires romains et 40.000 «valets»,
«lavandiers» et «auxilia externa» (archers, frondeurs) composés de Gaulois,
Grecs, Ibères, Baléares, Crétois et Numides, furent tués les 8 et
9 octobre 105 avant J.-C. lors de la bataille qui les opposa à des
assaillants «barbares» germano-celtes (Cimbres, Teutons, Ambrons et Tigurins)
venus du nord. Deux armées romaines furent anéanties en quelques heures, ce qui
créa une intense frayeur à Rome. Mais où cette bataille a-t-elle vraiment eu
lieu? Les textes antiques, de Plutarque à Tite-Live, parlent d'un endroit près
d'Arausio (Orange) et à proximité du Rhône.
«Si nous révélons nos travaux
maintenant, c'est que cette région a fait l'objet, depuis des dizaines
d'années, de pilleurs archéologiques très organisés»
Alain Deyber,
historien-archéologue spécialiste de l'histoire militaire antique
Des historiens-archéologues
affirment avoir trouvé le terrain de cette bataille ainsi que l'emplacement
d'au moins un camp militaire romain. Plusieurs milliers de pièces
archéologiques, monnaies, clous de sandales de légionnaires, pierres à fronde,
pointes de flèches, etc. ont déjà été récoltées, aussi bien d'origine
romaine que germano-celtique (épée, fibules arrachées…). Une nouvelle campagne
de fouilles avec des moyens ultramodernes de détection aura lieu cette année.
Des investigations et des
fouilles ont eu lieu depuis 2014 sous l'impulsion d'Alain Deyber,
historien-archéologue spécialiste de l'histoire militaire antique. Ce dernier
est cofondateur avec l'archéologue suisse Thierry Luginbühl du Groupe de
recherche sur la bataille d'Orange. «Si nous révélons nos travaux maintenant,
c'est que cette région a fait l'objet, depuis des dizaines d'années, de
pilleurs archéologiques très organisés», explique-t-il. «Mais maintenant, ces
réseaux sont démantelés, leurs instigateurs mis en examen, le site surveillé
ainsi que les éventuelles filières de vente. Mais il reste encore beaucoup de
choses à découvrir, j'en suis sûr .»
Le Rhône vu depuis Le
Lampourdier. - Crédits photo : Copyright gedeon programmes
C'est sur le site des collines du
Lampourdier, surplombant le Rhône à 7 km au sud d'Orange, qu'a été
localisé un grand camp romain (55 hectares), sans doute celui du commandant en
chef, le consul Mallius Maximus. Le camp de la seconde armée (35 hectares),
commandé par le proconsul Servilius Caepio, pourrait être situé sur la colline
Saint-Eutrope. Son quadrillage a sans doute servi à l'édification ultérieure de
la ville antique d'Orange. Les milliers d'objets déjà découverts sur deux
hectares attestent de la présence d'un camp romain, et également de la violence
des combats (pointes de flèches tordues, morceaux de casque et d'armure
cabossés…), mais aussi d'énigmatiques fosses contenant des ossements d'humains
et d'équidés témoignant de sacrifices pratiqués sans doute dans le cadre d'un
rite de la victoire. Des recherches sous-marines ont aussi été menées dans le
Rhône, où les assaillants auraient jeté les vaincus, leurs armes, leurs
casques, leurs chevaux et même le butin, monnaie et bijoux comme offrande.
Ces «barbares», appelés
germano-celtiques, même s'ils sont plus celtes que germains, ont pris leur
envol en 117 avant J.-C. depuis le Jutland au Danemark, sans doute à cause d'un
événement climatique majeur. Un raz-de-marée en mer Baltique est évoqué. Ils se
lancent vers le sud à la recherche de terres où s'établir, «ramassent» d'autres
groupes en cours de route et iront jusqu'en Espagne. Dès - 113, ils
affrontent les Romains, qu'ils vainquent à Noreia (actuelle Autriche). De même
en - 109 entre Valence et Mâcon, puis en - 107 et en - 105, à
cette bataille d'Arausio. Rome pense sa dernière heure venue et s'attend à une
invasion. Mais les barbares choisissent de délaisser Rome et poursuivent vers
le sud, jusqu'en Espagne.
«Il y a des associations de
matériels militaires, des traces, des pièces, cela ne trompe pas, le doute
n'est pas permis»
Alain Deyber
Maximus et Caepio, qui n'ont pas
été tués à la bataille d'Arausio, ont été sévèrement punis car c'est leur
mésentente qui a provoqué le massacre (le second, proconsul, est issu de la
«noblesse» et pas le consul). Et c'est au consul Marius que l'on confie la
tâche de réorganiser l'armée. Il y imposera de nombreux changements, retournera
en Gaule où trois et quatre ans plus tard, à la bataille d'Aix en - 102 et
à celle de Vercellae en - 101, il vaincra définitivement les germano-celtiques.
Grâce à ces fouilles récentes,
«il y a désormais un consensus international pour reconnaître cet endroit comme
lieu de la bataille», assure Alain Deyber. «Il y a des associations de
matériels militaires, des traces, des pièces, cela ne trompe pas, le doute
n'est pas permis.»
Des archéologues du Danemark,
d'Allemagne, d'Autriche, d'Italie, de Suisse et d'Espagne souhaitent aussi
suivre les travaux du programme de recherche d'Arausio, puisque les combattants
sont originaires ou sont passés par ces pays. «Il faut savoir que cette
aventure germano-celtique n'a pas laissé d'autres traces conséquentes que celle
d'Arausio. Et nous mettons beaucoup d'espoir dans la découverte d'un tertre de
30 mètres de diamètre qui sera examiné cet été. Ce pourrait être la tombe d'un
chef, ce qui serait unique en Europe…»
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Azerbaïdjan : Aliev, un président riche et inoxydable
(11.04.2018)
Ilham Aliev brigue ce mercredi un
quatrième mandat lors d'une élection présidentielle anticipée boycottée par
l'opposition, dont beaucoup de membres ont fui à l'étranger pour échapper à la
répression dans cet État pétrolier du Caucase.
Au pouvoir depuis quinze ans, le
président Ilham Aliev, 56 ans, est en route pour un quatrième mandat. Sa
réélection ne devrait être qu'une formalité dans ce pays au régime autoritaire
présentant un des pires bilans mondiaux en matière de droits de l'homme. Ilham
Aliev est le successeur d'Heydar Aliev, qui régna d'une main de fer sur
l'Azerbaïdjan de 1969 à sa mort en 2003, d'abord comme gouverneur soviétique et
ensuite comme président. Aidé par les richesses pétrolières, le chef de l'État
a perpétué le culte de la personnalité déjà en vigueur sous son père en passant
les obstacles de trois élections contestables.
L'économie repose sur ses
ressources naturelles. Avec des milliards de dollars de manne pétrolière et du
gaz (70% du PIB) qu'il a mis sous sa coupe, Ilham Aliev a su profiter d'une
vive croissance économique. En dix ans, le PIB par habitant est passé de 850 à
7.850 dollars (630 à 5.800 euros) même si les disparités se sont accrues (un
salaire à 363 euros de moyenne en 2011).
Crise due à la chute du prix
du pétrole
De cette puissance financière, la
famille Aliev a tiré une fortune colossale. Un sujet qui est difficile à
aborder ouvertement en Azerbaïdjan, alors que les ONG dénoncent une corruption
(139 sur 176 selon Transparency international) et un népotisme devenu monnaie
courante. Des enquêtes ont trouvé la trace de sociétés offshore, et selon la
journaliste d'investigation, Khadija Ismayilova, les Aliev contrôlent un pan
important des secteurs de la banque, de la construction et des télécoms.
Reste que pour la première fois
au cours du règne de Ilham Aliev, l'élection présidentielle est organisée dans
un climat de crise due à la chute du prix du pétrole. Mais le scrutin est miné
par des «restrictions de la liberté d'expression et de rassemblement», selon
l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) et les conditions
dans lesquelles les rivaux du président ont mené campagne en Azerbaïdjan sont
loin d'être optimum. Les méthodes du raïs d'Azerbaïdjan, à la tête du pays
depuis quinze ans, sont bien connues. À peu près les mêmes qu'utilisait déjà son
père: la répression des opposants muselés ou contraints à l'exil et des fraudes
massives lors des rendez-vous électoraux.
Sur le plan international, Ilham
Aliev devrait continuer sa politique prudente, préservant les ventes de pétrole
à l'Europe et l'alliance avec les États-Unis, tout en évitant d'irriter le
grand voisin russe. Parlant anglais, français et russe, il est diplômé du
prestigieux Institut des relations internationales de Moscou. Sa femme est une
ophtalmologue issue d'une grande famille qui contrôle un vaste empire
financier. En février 2017, Aliev a nommé son épouse, Mehriban Alieva, premier
vice-président, un poste créé sur mesure par référendum, la plaçant ainsi en
première ligne pour prendre le relais s'il venait à disparaître ou s'il souffrait
d'une maladie le rendant incapable de gouverner.
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Modeste moisson de contrats avec Riyad (10.04.2018)
La visite en France du prince
héritier d'Arabie saoudite se solde essentiellement par des lettres
d'intention.
Les liens entre la France et
l'Arabie saoudite sont peut-être forts. Mais, pour l'instant, ils ne se
traduisent pas vraiment en monnaie sonnante et trébuchante. À l'issue du séjour
de trois jours en France du prince héritier du royaume whahabite, Mohammed
Ben Salman, dit MBS, les contrats annoncés se comptent sur les doigts
de la main.
La
rencontre organisée entre équipes ministérielles arabes d'un côté et patrons
français de l'autre, dans l'annexe du ministère des Affaires étrangères
du XVe arrondissement, transformée pour quelques heures en site saoudien où les
consonances anglaises et arabes dominaient, a donné lieu à quelques signatures.
Une petite vingtaine de lettres d'intention ou d'accords commerciaux était en
jeu pour un montant allant jusqu'à 18 milliards de dollars
(14,6 milliards d'euros), a indiqué la chaîne de télévision al-Arabiya TV.
Entre le désert, les afflux
massifs de pèlerins lors des pèlerinages à La Mecque et son immense industrie
pétrochimique, le pays manque d'eau et il doit gérer des quantités de déchets.
Suez est dans la boucle avec deux dossiers. Mais il ne s'agit, à ce stade, que
de lettres d'intention, précise le spécialiste français de ces secteurs. Le
premier projet concerne une coentreprise de traitement des eaux industrielles
avec le groupe pétrolier Aramco. Si Suez n'est pas certain de l'emporter, le
contrat devrait en tout cas tomber dans l'escarcelle d'un groupe français car
Aramco a présélectionné deux candidats: Suez et Veolia, l'autre géant de l'eau
et des déchets.
Coopération culturelle
Suez a, par ailleurs, signé une
lettre d'intention afin d'investir avec le fonds français Five, dans la société
saoudienne Edco, en charge des déchets dangereux dans le port de Jubail, dans
le Golfe. Five, un fonds d'investissement de droit saoudien, créé l'an dernier
par la Caisse des dépôts et la société arabe Kingdom Holding, a pour vocation
d'aider les entreprises françaises à se développer dans les pays du Golfe. Le
projet avec Suez et un autre avec Webedia, qui s'apprête à prendre la majorité
d'un réseau social saoudien, seront les deux premiers investissements du fonds.
Celui-ci devrait atteindre 400 millions de dollars, expliquent ses
responsables.
Du côté des transports, même
si Nabil Ben Mohammed al-Amoudi, ministre des Transports du royaume, a fait le
déplacement, il n'annonce rien à ce stade
Du côté des transports, même si
Nabil Ben Mohammed al-Amoudi, ministre des Transports du royaume, a fait le
déplacement, il n'annonce rien à ce stade. Mais ce voyage dans le seul pays où
le ministre accompagne MBS dans sa tournée internationale est «un succès car il
a rencontré beaucoup d'entreprises». Or, l'Arabie, qui entend devenir une
plateforme de commerce mondiale, a de nombreux projets dans ce domaine. Au-delà
de la réorganisation de la gouvernance du secteur, le royaume est «très avancé
dans sa digitalisation». Il a déjà divisé par près de cinq le nombre de
documents douaniers nécessaires, détaille le ministre. Riyad finalise par
ailleurs «un projet de train à grande vitesse vers les lieux saints, envisage
une voie ferrée reliant la mer Rouge au golfe Persique et étudie la possibilité
de privatiser partiellement les grandes infrastructures comme les ports ou les
aéroports». C'est sans doute sur le plan culturel que les promesses sont les
plus généreuses. Le futur souverain et actuel homme fort du royaume saoudien
souhaite révolutionner ce secteur dans le cadre du plan «Vision 2030» qui
entend diversifier son économie pour atténuer sa dépendance à l'or noir.
Au-delà du grand protocole signé
avec Total, le principal partenariat vise le
développement touristique de la cité antique nabatéenne d'al-Ula. Le
Petra saoudien, classé au patrimoine de l'Unesco, doit être valorisé et aménagé
pour attirer des milliers de visiteurs.
Des accords concernant à la fois
les ressources et le savoir-faire français (énergie renouvelable,
infrastructures d'hôtellerie…) sont en cours sous la houlette de Gérard
Mestrallet, président du conseil d'administration d'Engie, désigné envoyé
spécial d'Emmanuel Macron pour al-Ula.
Macron en Arabie fin 2018
Tout cela peut paraître modeste
comparé aux trois semaines passées aux États-Unis par MBS. Le prince héritier a
rencontré chez l'allié historique de Riyad bon nombre de décideurs économiques
et politiques. La manne française est assez maigre également par rapport aux
annonces faites le 7 mars à Londres. MBS a en effet signé avec Theresa May
des accords pour «développer les investissements réciproques» pour un montant
affiché de plus de 70 milliards d'euros sur les prochaines années.
Emmanuel Macron, qui a davantage discuté de sujets politiques avec son
homologue saoudien, s'est surtout dit soucieux de bâtir une «alliance»
stratégique avec cet acteur clé de la politique régionale. L'Élysée a annoncé
qu'Emmanuel Macron se rendrait en Arabie saoudite «en fin d'année» pour
parapher des contrats.
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Aramco: le projet de mise en Bourse décrypté
Magnanville : une islamiste détenait 2626 noms de policiers
(10.04.2018)
En garde à vue depuis lundi, dans
l'affaire du meurtre de deux policiers en 2016, elle possédait cette liste sur
une clé USB.
Après avoir assassiné deux policiers à Magnanville le
13 juin 2016, Larossi Abballa avait, avant d'être tué, encore appelé
à attaquer des policiers, relayant ainsi les consignes répétées de l'État
islamique. On avait appris peu après que deux autres islamistes de ses amis,
installés également dans les Yvelines, avaient collecté des éléments sur deux
autres fonctionnaires de police des Mureaux. Il apparaissait donc que,
parallèlement à des attaques «au hasard» contre des policiers ou des gendarmes,
la collecte d'informations sur les forces de l'ordre était devenue une priorité
pour les terroristes.
Un constat appuyé de manière
spectaculaire par l'information révélée mardi par Le Pointet
confirmée de source proche de l'enquête. Selon l'hebdomadaire, Mina B., l'islamiste
radicale sortie de sa cellule lundi, et placée en garde à vue dans le cadre de l'enquête sur
l'attentat de Magnanville, était en possession, en 2017, d'une clé USB
avec une liste, sans rapport avec l'affaire de Magnanville, de 2626 policiers
des renseignements généraux (RG) et de la Direction de la surveillance du
territoire (DST). Datant de 2008, le document était contemporain de la fusion
entre une partie des RG et la DST dans une nouvelle Direction centrale du
renseignement intérieur (DCRI), devenue Direction générale de la sécurité
intérieure (DGSI) en 2014.
Découverte fortuite
Comment la jeune femme, âgée
aujourd'hui de 25 ans, a-t-elle pu avoir accès à ce document ancien mais qui
reste sensible car nombre de fonctionnaires sont toujours en poste aujourd'hui?
Un document dont la découverte fut d'ailleurs des plus fortuites. Mina B. avait
attiré l'attention des services antiterroristes et avait été entendue en 2017
pour ses contacts avec des candidats au départ en zone irako-syrienne et pour
l'aide qu'elle leur avait apportée. La jeune femme, fichée S, fut mise en
examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise
terroriste et placée en détention provisoire. La clé USB avait été retrouvée au
cours des perquisitions.
Une procédure incidente avait
alors été ouverte. Les gardes à vue en cours, prolongées mardi soir,
permettront peut-être de comprendre comment Mina B. a pu avoir accès à de
telles informations. Et parallèlement de connaître le rôle qu'elle a pu jouer
dans le «ciblage» du couple de policiers de Magnanville.
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14 interpellations pour l'agression de deux policiers au Nouvel
An (10.04.2018)
Quatorze individus ont été placés
en garde à vue pour violences en réunion sur personnes dépositaires de
l'autorité publique, non-assistance à personne en danger et enregistrement ou
diffusion d'images de violences. Gérard Collomb assure que «tous les auteurs»
de l'agression de 2 policiers au Nouvel An ont été arrêtés.
Les images d'une policière rouée
de coups avaient fait le tour des réseaux sociaux. Au moins 14 personnes ont
été interpellées ce mardi dans l'enquête sur l'agression de deux gardiens de la
paix le soir du Nouvel An à Champigny-sur-Marne (94). Ils ont été arrêtés dans
le Val-de-Marne, les Hauts-de-Seine, les Yvelines, le Val-d'Oise, en
Seine-et-Marne et dans l'Eure puis placés en garde à vue.
Il s'agissait de sa première
affectation. Âgée de 25 ans, la jeune policière était de permanence avec son
capitaine, chef du service de sécurité publique de Chennevières-sur-Marne, la
circonscription voisine de Champigny. Le soir de la Saint Sylvestre, ils sont
appelés dans un quartier à proximité de la zone industrielle pour une soirée
organisée dans un hangar sans l'autorisation de la préfecture ni de la mairie.
Arrivés sur place, les deux policiers tombent sur 300 individus en colère de ne
pas avoir pu entrer dans la soirée. Dès qu'ils sortent de leur véhicule, ils
sont pris à partie, isolés puis violemment agressés.
La vidéo de la policière à terre,
encerclée et rouée de coups de pied est largement diffusée. Frappée au visage,
au ventre et aux jambes, elle se voit attribuer sept jours d'interruption
totale de travail (ITT). Le capitaine, 48 ans, a, lui, le nez fracturé et 10
jours d'ITT.
Vêtements et grenade de
désencerclement retrouvés
Trois mois plus tard, c'est donc
12 hommes et 2 femmes, soupçonnés d'avoir porté des coups ou d'avoir filmé la
scène, qui ont été interpellés. Ils ont été placés en garde à vue pour
violences en réunion sur personnes dépositaires de l'autorité publique,
non-assistance à personne en danger et enregistrement ou diffusion d'images de
violences.
Les perquisitions au domicile des
suspects ont notamment permis de «retrouver les tenues vestimentaires portées
par certains au moment des faits» et une grenade de désencerclement
probablement dérobée lors de l'agression, a détaillé une source proche de
l'enquête à l'AFP. Parmi les interpellés, certains étaient connus des services
de police.
Contacté par Le Figaro,
le secrétaire général adjoint d'Alliance Police Nationale, Frédéric Lagache,
salue le travail effectué par ses collègues: «Il s'agissait d'une affaire
complexe, avec une multiplicité d'auteurs. Mes collègues ont volontairement
pris tout le temps nécessaire afin que l'enquête n'ait pas la moindre faille.»
Il espère que les individus ne seront pas relâchés à l'issue de leur garde à
vue, en cas de mise en examen: «Ce serait inconcevable de les voir libres. Il
faut un mandat de dépôt.»
«On finit toujours par la loi»
L'agression avait immédiatement
suscité l'indignation générale. Le président Emmanuel Macron avait condamné
un «lynchage lâche et criminel», en promettant que les coupables
seraient «retrouvés et punis». L'agression avait également relancé la grogne
des policiers, de nouveau rassemblés dans plusieurs villes de France pour
dénoncer la «haine anti-flics».
Interrogé sur l'affaire ce mardi
sur LCI, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a confirmé que «tous les
auteurs ont été arrêtés ce matin». Il a également déclaré: «La France avait été
émue, les policiers scandalisés. On s'aperçoit que dans notre pays, on finit
toujours par la loi. Cela prend un peu de temps, les enquêtes sont minutieuses
mais les auteurs sont arrêtés et demain ils seront châtiés.»
Dans la nuit de la Saint
Sylvestre, huit policiers et trois militaires avaient été blessés sur tout le
territoire, tandis que 1031 véhicules avaient été incendiés et 510 personnes
arrêtées.
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Total et Aramco investissent 5 milliards dans la
pétrochimie (10.04.2018)
Les deux groupes projettent la
construction d'un complexe de taille mondiale à Jubail, dans l'est de l'Arabie
saoudite.
L'investissement est
considérable. Total et le saoudien Saudi
Aramco ont signé mardi 10 avril un protocole d'accord
en vue de construire un complexe pétrochimique pour un
investissement global d'environ 5 milliards de dollars. Il sera situé à
Jubail, dans l'est de l'Arabie saoudite et à proximité du golfe Persique. Ce
complexe comprendra un vapocraqueur - qui permet de produire, à partir du
pétrole, l'éthylène et le propylène qui peuvent donner naissance aux polymères,
c'est-à-dire aux plastiques - et d'autres unités pétrochimiques «à haute valeur
ajoutée», selon un communiqué de Total. Les études d'ingénierie débuteront au
troisième trimestre 2018. La date de mise en service n'a pas été dévoilée.
L'objectif est d'investir sur un complexe pétrochimique de taille mondiale, qui
devrait produire 1,5 million de tonnes d'éthylène par an. Ce sera le
deuxième plus important dans le monde pour Total, derrière celui de Ras Laffan,
au Qatar.
Total connaît bien Jubail. Le
groupe y exploite une
raffinerie géante dans le cadre d'une coentreprise avec Saudi
Aramco, qui en détient 62,5 %, et le groupe français le solde de
37,5 %. Dans le nouveau projet, le poids de chaque partenaire devrait être
similaire. La raffinerie, avec une production de 440.000 barils par jour, est
tout simplement la plus grande de Total dans le monde.
«Ce projet illustre notre
stratégie qui consiste à maximiser l'intégration de nos grandes plateformes
raffinage-pétrochimie»
Patrick Pouyanné, PDG de Total
Plateforme intégrée
Ces activités dans l'aval de la
production de pétrole - raffinerie d'abord, pétrochimie ensuite - constituent
la seule manière pour une compagnie étrangère d'opérer en Arabie saoudite.
Cette présence est intéressante car la proximité de la matière première et le
faible coût de l'énergie rendent ces activités très rentables. C'est pourquoi
la raffinerie de Jubail, entrée en service en 2014, était stratégique pour
Total. C'est bien son succès qui a permis d'aller plus loin. «Notre
coentreprise est un modèle remarquable de partenariat industriel réussi et nous
souhaitons capitaliser sur ce succès pour soutenir la stratégie de Saudi Aramco
d'augmenter sa capacité dans le secteur chimique d'ici à 2030», a ainsi
souligné Amin Nasser, PDG de Saudi Aramco dans un communiqué.
«Ce projet illustre notre
stratégie qui consiste à maximiser l'intégration de nos grandes plateformes
raffinage-pétrochimie», a expliqué Patrick
Pouyanné, PDG de Total. Le groupe français dispose de 18 raffineries
dans le monde, mais aujourd'hui 6 seulement appartiennent à de telles
plateformes intégrées, en Normandie, en Belgique, aux États-Unis, en Corée du
Sud, au Qatar et, donc, en Arabie saoudite.
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Le numérique bouleverse l'énergie (10.04.2018)
Blockchain, modélisation 3D,
Internet des objets se développent partout.
Toutes les révolutions
industrielles s'accompagnent d'une révolution énergétique. Bien que nourrie à
l'électricité, la révolution actuelle n'échappe pas à la règle. La transition
énergétique combinée au numérique favorise la micro-production énergétique et l'émergence
de nouveaux services. Maîtrise des coûts, autoconsommation, modélisation,
optimisation, juste prévision d'une facture à l'échelle individuelle sont des
enjeux qui peuvent être appréhendés un par un.
• La blockchain favorise les
échanges
Connue au travers des bitcoins,
Ethereum et autres cryptomonnaies, la blockchain a fait son apparition en 2014
dans le secteur de l'énergie avec SolarCoin. Cette cryptomonnaie vient
récompenser les producteurs d'électricité issue du solaire. Ainsi, 1 MW
produit est gratifié d'un SolarCoin. La monnaie ne vaut que quelques dizaines
de centimes. Aussi, elle sert à ce jour essentiellement d'argument marketing
pour qui en détient. D'autres initiatives, celles-ci tournées vers les
affaires, ont vu le jour. Depuis un an à Perth (Australie), une blockchain
permet à des producteurs un échange d'énergie et une rémunération en une
cryptomonnaie baptisée Powerledger. En France, l'entreprise perpignanaise
Sunchain a choisi, elle, de développer une blockchain sans l'adosser à une cryptomonnaie.
«Notre offre met d'abord en avant l'autoconsommation par un système
d'abonnement que nous commercialisons. La technologie est opérationnelle et
validée par Enedis», explique Julien Gil, ingénieur projet de l'entreprise.
Grâce à un appareil connecté à
son compteur électrique, le producteur ne paye que le complément à un
distributeur tiers, comme EDF par exemple. «Dans le cadre d'un programme
d'investissement d'avenir opéré par l'Ademe, nous avons le projet de déployer
cette offre à 1000 logements et 40 bâtiments tertiaires interconnectés d'ici à
fin 2019. Certains sont producteurs, d'autres non», détaille Julien Gil. Ainsi
le producteur pourra distribuer de l'énergie vers une habitation ou un bureau
voisin quand il ne la consomme pas lui-même. Le modèle économique: l'entreprise
catalane se charge de trouver un prix du KW pour que producteur et consommateur
y trouvent leur compte… comme le fait chaque foyer avec les EDF, Engie et
autres Direct Énergie.
• Le potentiel du compteur
connecté Linky
Dix millions de foyers français
sont désormais équipés du compteur Linky, le compteur intelligent d'Enedis. «Ce
n'est pas le compteur qui est intelligent mais la personne qui s'en sert»,
rectifie dans une formule Bernard Lassus, le directeur du programme Linky. Or,
c'est bien le sujet:peu
de foyers utilisent encore ce compteur nouvelle génération à pleine capacité.
Sur 7 millions de foyers en capacité de le faire - les 3 autres millions
doivent attendre que leur compteur ait passé des tests -, seuls 200.000 ont
ouvert un espace ou téléchargé l'application permettant de constater au jour le
jour leur consommation. «L'outil est nouveau, il faut qu'il rentre dans les
mœurs. Nous avons mis au point une sorte de jeu qui permet au foyer de se
donner des challenges en matière d'économie d'énergie. Je l'ai fait sur un
week-end en débranchant les appareils en veille. On observe une baisse de
consommation de l'ordre de 5 à 7 %», assure Bernard Lassus. Alors que les
objets connectés sont nombreux, rares sont ceux qui permettent un pilotage en
interaction avec Linky… Alors que l'analyse des données remontées par les
compteurs affiche la promesse d'une personnalisation plus fine des contrats
d'approvisionnement électrique.
• BIM et l'Internet des objets
L'Internet des objets permettant
d'optimiser sa facture électrique ne saurait se limiter aux seuls foyers. Il
est même un enjeu de taille pour les entreprises. Spécialiste de la gestion
d'énergie, Schneider Electric veut faire de son nouveau site grenoblois une
vitrine de son savoir-faire. Ainsi a-t-il investi 120 millions d'euros
dans la construction de deux bâtiments destinés à accueillir près de la moitié
de ses 5000 collaborateurs dauphinois. Afin d'atteindre un objectif
surperformant la réglementation thermique 2012 de 20 % dans un bâtiment et
40 % dans l'autre, Schneider Electric a utilisé le BIM (building
information modeling), outil de conception d'une maquette 3D réalisée par les
architectes et les maîtres d'œuvre.
En accord avec l'entreprise
générale GA et le bureau d'études Artelia, il a expérimenté un «contrat de
garantie de résultat en préconstruction». Autrement dit, les entreprises des
chantiers se sont engagées auprès de Schneider Electric à ce que les bâtiments
atteignent les niveaux de performance énergétique modélisés dans la maquette
numérique. «Un des avantages de l'utilisation du BIM, c'est qu'il permet
d'intégrer la propriété des matériaux et leur coefficient de résistance
thermique. Il est dès lors, par exemple, possible pour des bureaux d'étude
spécialisés de simuler les flux d'air pour identifier quelles parties du
bâtiment sont susceptibles d'être sujettes à moisissure», explique Emmanuel di
Giacomo, responsable du développement des écosystèmes BIM pour l'éditeur de
logiciel Autodesk, entreprise leader du secteur.
À ces données, Schneider Electric
a notamment ajouté les données météo auxquelles le bâtiment futur promet d'être
soumis. «Les coordonnées GPS sont couplées aux données météo. Cela permet de
simuler la radiation solaire. C'est important car l'un des deux bâtiments est
équipé d'une toiture photovoltaïque. Ainsi nous pouvons prévoir qu'en moyenne
annuelle, ce bâtiment produira plus d'énergie qu'il en consomme», détaille
Olivier Cottet, directeur au programme de recherche sur l'énergie de Schneider
Electric.
Spécialiste des objets connectés,
l'entreprise travaille aujourd'hui avec l'éditeur de logiciel américain au
couplage des données de la maquette 3D avec les réalités d'usage. «Plusieurs
milliers de capteurs se trouvent dans le premier bâtiment que nous avons
investi l'an dernier. Évidemment, sur un chantier rien ne se passe comme prévu.
Aussi pour pouvoir réellement piloter la performance énergétique du bâtiment,
nous devons reporter chaque changement dans la maquette. L'atteinte de nos
objectifs énergétique en dépend», poursuit Olivier Cottet qui imagine la
création d'une blockchain pour céder à des tiers l'énergie produite par son
bâtiment quand elle ne sera pas autoconsommée.
Big Bang Eco, Salle Wagram à Paris, le 10 avril 2018, de 8h30 à 18 heures
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 26/03/2018. Accédez à sa version
PDF en cliquant ici
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conseille :
Je m'appelle Mme Celia Dave. Je vis au Royaume-Uni
RépondreSupprimeret je suis une femme heureuse aujourd'hui? et moi
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