Albert Londres en 1923
Le 27 mai 2016, le ministère
des Affaires étrangères français publiait ce communiqué de presse, [1] qui laisse à penser que la
caméra des lauréats 2016 du prix Albert Londres a épargné « la plaie »
syrienne du Quai d’Orsay : « Le prix Albert Londres est décerné
cette année à (…) Sophie Nivelle Cardinale et Étienne Huver, pour le reportage
audiovisuel “Disparus : la guerre invisible de Syrie” (…) [Cette
récompense a été remise] à la Résidence de France à Londres en présence
de notre ambassadrice, Sylvie Bermann. Nous adressons nos plus vives
félicitations aux lauréats de ce prix. » Le même jour, le site
de Télérama publiait une interview de l’un des auteurs de ce
documentaire, titrée « Grâce à ses crimes invisibles, Bachar
al-Assad parvient à garder une façade de respectabilité ». [2] Afin d’introduire cet entretien, la
journaliste de ce magazine a écrit avec une objectivité toute relative que
« [l]eur enquête exceptionnelle (…) jette un coup de projecteur cru sur
les 200 000 “disparus” du régime de Bachar al-Assad. Des hommes, des femmes,
des enfants même, détenus arbitrairement durant des mois, voire des années,
dans les geôles de la sanglante dictature syrienne ».
Le but de cet article n’est pas
de remettre en cause les compétences et le courage de ces journalistes, de même
que la qualité de leur enquête ou la véracité des crimes qui sont imputés au
gouvernement el-Assad dans leur documentaire. [3] J’ai
beaucoup d’estime pour les reporters de guerre, dont certains sont des amis, et
j’ai donc du respect pour ces deux journalistes, Sophie Nivelle-Cardinale et Étienne Huver. Néanmoins, il est peu probable que le Quai
d’Orsay aurait adressé « ses plus vives félicitations aux lauréats de
ce prix » si ces derniers avaient enquêté sur le soutien clandestin
des services spéciaux français en faveur du Front al-Nosra, la branche
d’al-Qaïda en Syrie, dont l’ancien ministre des Affaires étrangères Laurent
Fabius avait souligné le « bon boulot sur le terrain » en
décembre 2012, reprenant un argument des alliés pétromonarchiques de l’État
français. [4] Cette
organisation terroriste incluait alors les combattants de Daech, puisque cette
milice s’est séparée du Front al-Nosra en avril 2013. [5]
La
France n’étant pas la seule puissance impliquée dans cette politique profonde,
je doute que les politiciens occidentaux présents à cette cérémonie se seraient
enthousiasmés si ces journalistes avaient choisi mon principal sujet
d’investigation depuis 2014. Je fais ici référence au soutien clandestin, illégal
et massif des services secrets occidentaux en faveur des innombrables [6]milices jihadistes qui tentent de
renverser le gouvernement el-Assad depuis 2011, cette guerre secrète étant
principalement coordonnée par la CIA depuis la Turquie et la Jordanie. [7] À défaut d’un tel documentaire, et
vu la discrétion des médias sur ce sujet, expliquons pourquoi les « crimes
invisibles » des États occidentaux en Syrie leur permettent de
garder, eux aussi, « une façade de respectabilité » qui se
lézarde dangereusement depuis l’été dernier.
En effet, le général Michael
Flynn, l’ancien directeur du Renseignement militaire du Pentagone (DIA), a
reconnu sur Al-Jazeera en juillet 2015 que les puissances occidentales et leurs
alliés proche-orientaux avaient soutenu des réseaux jihadistes en Syrie. Poussé
dans ses retranchements par le journaliste Mehdi Hasan, il affirma que
l’administration Obama avait pris la « décision délibérée »
d’appuyer cette stratégie, malgré les mises en garde lancées dès 2012 par la
DIA sur la possible émergence d’un « État Islamique » à cheval
entre l’Irak et la Syrie. [8] En
France, seul le grand reporter Régis Le Sommier évoqua les révélations
fracassantes du général Flynn dans le magazine Paris Match, dont il
est le directeur adjoint. Dans un important article sur l’autoproclamé
« État Islamique », [9] il
avait souligné que « l’ancien patron du renseignement militaire Michael
Flynn affirm[a], sur la chaîne Al-Jazira, que la Maison-Blanche [avait] pris le
risque d’armer les rebelles alors qu’elle savait qu’en leur sein pouvaient
émerger des groupes comme Daech. Autrement dit, loin d’être un monstre sorti
des mystères de l’Orient, Daech serait la créature de l’Amérique, un scénario
comparable à celui de la naissance d’Al-Qaïda en Afghanistan dans les années
1980 ».
Le mois précédant ces
déclarations de Michael Flynn, le député Claude Goasguen accusa le gouvernement
français de soutenir al-Qaïda contre le gouvernement el-Assad sur La
Chaîne Parlementaire, [10] confirmant
les propos d’autres députés de l’opposition, dont l’ancien juge antiterroriste
Alain Marsaud. [11] En
décembre 2015, j’ai interrogé ce dernier sur cette politique clandestine de
l’État français, qui a été confirmée par un nombre croissant de sources bien
informées – dont un ancien haut fonctionnaire du Quai d’Orsay [12] et un ex-directeur du Renseignement
à la DGSE. [13] Connu
pour son franc-parler, le député Alain Marsaud m’avait répondu qu’il n’est
« pas sérieusement contesté qu’à un moment ou un autre l’État français
a facilité les actions d’al-Nosra qui, je vous le rappelle, est une filiale
d’al-Qaïda [en Syrie]. J’ai eu l’occasion de montrer à l’Assemblée Nationale
des photos de combattants d’al-Nosra en possession de fusils d’assaut français.
Il n’y avait bien évidemment aucune volonté du gouvernement français de voir
mis en évidence une telle collaboration avec un groupe terroriste. Ainsi fut
rejetée toute idée d’enquête parlementaire. » [14]
À Londres, le Guardian révéla
en juin 2015 qu’un homme jugé pour avoir combattu aux côtés d’al-Qaïda en
Syrie, c’est-à-dire le Front al-Nosra, avait vu ses poursuites judiciaires
abandonnées. Motif invoqué : la Justice britannique souhaitait ne pas
mettre les services spéciaux de Sa Majesté dans l’embarras, puisqu’ils étaient
accusés par la défense d’avoir soutenu ce même réseau jihadiste contre le
gouvernement el-Assad. [15] D’après
ce prestigieux journal, « [l]es poursuites judiciaires contre un
citoyen suédois accusé d’activités terroristes en Syrie ont été abandonnées à
Old Bailey [, la Haute Cour criminelle,] du fait que les agences britanniques
de renseignement et de sécurité auraient été profondément embarrassées si le
procès avait continué, révèle le Guardian. Les avocats de l’accusé
ont démontré que les services spéciaux britanniques soutenaient les mêmes
groupes d’opposition que leur client, et qu’ils avaient pris part à une
opération clandestine de fourniture d’armes et d’aide non-létale à ces factions
(…) [L’accusé] avait combattu au sein du Front al-Nosra, un “groupe interdit
qui est considéré comme étant al-Qaïda en Syrie”. Il avait été photographié se
tenant au-dessus de plusieurs cadavres avec son doigt pointé vers le ciel”. » Alors
que la capitale britannique vient d’accueillir la cérémonie du prix Albert
Londres, une éventuelle récompense aux auteurs d’un documentaire exposant cette
politique clandestine aurait été pour le moins « shocking »…
Les politiciens britanniques se seraient probablement rués vers leurs berlines
en claquant la porte de la Résidence de France, suivis par leurs homologues
d’outre-Manche et d’outre-Atlantique. Puis quelques faiseurs d’opinion
influents auraient lancé une campagne virulente dénonçant la remise d’un prix
Albert Londres à des journalistes « complotistes ». Il n’en demeure
pas moins que la « guerre invisible » des puissances occidentales en
Syrie est une réalité avérée.
En octobre 2015, la parlementaire
américaine Tulsi Gabbard dénonça sur CNN la guerre secrète « illégale
et contre-productive » menée par la CIA en Syrie, dont elle est bien
informée puisqu’elle siège à la Commission des Forces armées de la Chambre des
Représentants. [16] Scandalisée
par le fait que les États-Unis soutenaient leurs ennemis jihadistes, elle
révéla que ces opérations visaient à renverser le gouvernement el-Assad en
armant al-Qaïda dans ce conflit. Quelques jours plus tard, elle déposa une
proposition de loi au Congrès pour stopper cette politique. [17] Dans un communiqué de presse
détaillant cette initiative, elle expliqua que « les États-Unis sont en
train de mener deux guerre en Syrie. La première est la guerre contre Daech et
d’autres extrémistes islamistes, que le Congrès a autorisée après les attentats
du 11-Septembre. La deuxième est la guerre illégale [de la CIA et de ses
alliés] pour renverser le gouvernement syrien d’el-Assad. Cette guerre
[secrète] pour renverser el-Assad est contreproductive car, en réalité, elle
aide Daech et d’autres milices extrémistes à remplir leur objectif de
faire tomber le gouvernement syrien d’el-Assad et de prendre le contrôle de
toute la Syrie – ce qui aura comme conséquence d’amplifier la souffrance humaine
dans cette région, d’exacerber la crise des réfugiés, et de
déstabiliser le monde entier. En outre, cette guerre pour renverser
el-Assad est illégale puisque le Congrès ne l’a jamais autorisée. » [18]
Malheureusement, personne n’a
daigné parler des initiatives courageuses de cette parlementaire dans les
médias francophones. En réalité, il existe un point commun entre les
différentes révélations de ces hauts responsables occidentaux : leur
faible écho médiatique, malgré leur exceptionnelle gravité. [19] En effet, rappelons que le réseau
al-Qaïda est accusé d’avoir planifié et exécuté l’opération du 11-Septembre et
d’autres attentats meurtriers contre des civils occidentaux, en plus d’être la
nébuleuse d’où provient le « monstre » Daech – [20] dont un haut gradé de l’armée
française avait attribué la paternité aux États-Unis. S’exprimant le 17
décembre 2014 devant la Commission sénatoriale des Affaires étrangères, de la
Défense et des Forces armées, le général (2S) Vincent Desportes avait
déclaré : « Quel est le docteur Frankenstein qui a créé ce monstre
? Affirmons-le clairement, parce que cela a des conséquences : ce sont les
États-Unis. Par intérêt politique à court terme, d’autres acteurs – dont
certains s’affichent en amis de l’Occident – d’autres acteurs donc, par
complaisance ou par volonté délibérée, ont contribué à cette construction et à
son renforcement. Mais les premiers responsables sont les États-Unis. » [21]
Jusqu’à présent, les puissances
de l’OTAN ont affirmé qu’elles appuyaient des « rebelles modérés » en
Syrie, évoquant le plus souvent une aide « non-létale ». [22] Or, ces dernières révélations induisent
une réalité bien plus dérangeante, outre le fait que soutenir des groupes armés
à l’étranger est illégal au regard de la Charte des Nations Unies. [23] Hélas, mis à part quelques
journalistes respectables, tels que Gareth Porter et Nafeez Mosaddeq
Ahmed, [24] personne
n’a enquêté sérieusement sur l’implication massive, illégale et clandestine de
la CIA dans la déstabilisation de la Syrie – cette politique secrète ayant
mobilisé différents services spéciaux moyen-orientaux et occidentaux. [25] Selon le Washington Post,
la CIA a mené depuis 2013 contre le régime el-Assad « l’une de ses plus
grandes opérations clandestines », dont le financement annuel avoisine
le milliard de dollars. [26] D’après
ce journal, cette intervention confidentielle s’inscrit dans un « plus
vaste effort de plusieurs milliards de dollars impliquant l’Arabie saoudite, le
Qatar et la Turquie », les trois États généralement accusés de
soutenir les factions extrémistes en Syrie. [27] Et
selon certaines sources autorisées, cette guerre secrète aurait démarré non pas
en 2013 mais en janvier 2012, les armements livrés par la CIA et ses alliés
ayant équipé « presque exclusivement » des groupes jihadistes,
si l’on en croit les déclarations indignées du parlementaire britannique Lord
Ashdown en juillet 2013. [28]
Contrairement à ce qui a été
affirmé pendant plusieurs années aux opinions publiques occidentales, les
ingérences de leurs États en Syrie ne se sont pas limitées à un soutien
restreint et non-létal en faveur de « rebelles modérés ». En réalité,
ces gouvernements ont mené une guerre secrète de grande ampleur, qui avait pour
objectif de renverser le gouvernement syrien à défaut d’intervenir
directement. [29] En
janvier 2016, le New York Times a révélé que l’Arabie saoudite
en avait été « de loin » le principal financeur, [30] citant le rôle majeur du prince
Bandar ben Sultan dans ces opérations de soutien aux groupes jihadistes durant
son mandat à la tête des services spéciaux saoudiens, entre juillet 2012 et
avril 2014. [31] Or,
la relation du prince Bandar avec la CIA [32] et
la famille Bush [33] est
notoirement fusionnelle, et le New York Times a récemment
souligné le rôle majeur de l’Arabie saoudite dans le financement des
principales opérations clandestines de l’Agence depuis le milieu des années
1970. [34] Par
conséquent, on peut légitimement se demander si les responsables des services
extérieurs saoudiens et américains n’auraient pas créé une forme d’« État
profond supranational » informel et incontrôlé depuis plusieurs décennies
– comme l’a théorisé Peter Dale Scott dans son dernier livre, L’État profond américain. [35] Dans
tous les cas, en tant que principal financeur de la guerre secrète de la CIA
contre le gouvernement el-Assad, la royauté saoudienne a joué un rôle
décisif [36] dans
la montée en puissance des milices jihadistes que le Pentagone et ses alliés
combattent aujourd’hui, notamment dans le nord de la Syrie. [37]
Au vu de ces éléments troublants,
et sachant que ces opérations clandestines en Syrie ont été peu ou mal
analysées dans les médias du bloc OTAN/CCG, plusieurs questions dérangeantes se
posent. Quelle a été l’implication réelle des services secrets occidentaux et
de leurs alliés en Syrie depuis le début de ce conflit ? Pourquoi nos
partenaires turcs et pétromonarchiques sont-ils décrits comme les seuls
soutiens étatiques d’al-Qaïda et de Daech dans cette guerre ? [38] Si l’on suit cette logique
orwellienne, pourquoi des hauts responsables politiques ou militaires
occidentaux ont-ils dénoncé l’appui de réseaux jihadistes par les services
spéciaux de leurs pays, comme nous venons de le démontrer ? Voici une
potentielle réponse : sur le théâtre de guerre syrien et depuis les pays
limitrophes, les services occidentaux ont coordonné un vaste ensemble
d’opérations clandestines, le haut niveau de secret qui en résulte permettant
aux gouvernements concernés de nier leur implication profonde dans la montée en
puissance des réseaux jihadistes en Syrie. Au mois de janvier 2016, ces
derniers regroupaient environ 80 000 combattants dans ce pays, selon les
chiffres communiqués au Sénat par un haut gradé de l’état-major des armées
françaises. [39]Et
selon les estimations données en octobre 2015 par le spécialiste de la Syrie
Joshua Landis, « entre 60 et 80 % des armes que les États-Unis ont
introduites [dans ce pays] sont allées à al-Qaïda et les groupes qui lui sont
affiliés ». [40]
D’après Dominique Champtiaux,
l’ancien numéro 2 de la DGSE, « l’action clandestine est au cœur de
l’État régalien qu’elle place paradoxalement dans l’illégalité, induisant donc
d’importants risques politiques. Entre diplomatie officielle et intervention
militaire ouverte, elle vise des objectifs de sécurité nationale selon des
modalités pratiques qui permettent de masquer l’identité réelle du
commanditaire, préservant ainsi sa liberté de décision. » [41] Cet homme fait implicitement
référence à la notion de raison d’État, [42] qui
implique qu’un gouvernement puisse sortir de la légalité et s’affranchir de la
morale pour satisfaire des intérêts nationaux. Or, cet objectif fondé sur des
impératifs de realpolitik n’est pas systématiquement atteint,
bien au contraire. Selon Alain Juillet, un autre ancien cadre de la DGSE,
« on a ignoré la réalité [sur la question syrienne]… À l’époque des
conflits en Irak et des quatre journalistes otages en Syrie, nous avions de
bonnes relations, non officielles avec les services syriens. Ces relations nous
ont toujours servi. Brutalement, on coupe les ponts. C’est une absurdité
totale. À côté de ça, on va se faire manipuler en aidant des gens,
prétendument rebelles, alors qu’en réalité il s’agissait d’équipes d’Al-Qaïda
poussées par des pays du Golfe. » [43] Lorsque
le grand reporter de Paris Match lui demande si, « [p]our
résumer [son argumentaire,] on en arrive à avoir des décisions politiques qui
vont contre les intérêts de notre pays », Monsieur Juillet lui répond
par l’affirmative. Nous pouvons déduire de ses propos que, pour renverser le
gouvernement el-Assad, nos services spéciaux ont été chargés par l’État
français de soutenir nos ennemis extrémistes. Non revendiquée du fait de la
raison d’État, cette politique ouvertement dénoncée par plusieurs députés
français [44] est
contraire à nos intérêts supérieurs et à notre sécurité nationale, mais pas aux
objectifs énergétiques de nos « alliés » du Golfe et de
Turquie, [45] ni
à la stratégie américaine de diversification des approvisionnements gaziers de
l’Europe en défaveur de la Russie et de l’Iran. [46] Si
l’on adhère à cette lecture géostratégique de la guerre en Syrie, ce conflit est
avant tout une « guerre des gazoducs » opposant Washington et
le Kremlin, [47] ce
qui a conduit les États-Unis, la France et leurs alliés à soutenir
clandestinement al-Qaïda pour renverser Bachar el-Assad.
Ce constat est gravissime, et je
doute qu’un éventuel reportage [48] exposant
ces politiques profondes soit un jour récompensé du prix Albert Londres. Les
lauréats de cette année ont réalisé un documentaire édifiant, que je vous recommande vivement.
Néanmoins, cet important travail est utilisé par le Quai d’Orsay pour justifier
sa diplomatie agressive à l’égard du gouvernement syrien, qui se traduit
notamment par une enquête du Parquet pour « crimes contre
l’humanité ». [49]D’aucuns
pourraient alors m’objecter que le gouvernement el-Assad s’est rendu coupable
d’exactions à grande échelle, ce qui est indéniable. Mais au vu du bilan
désastreux de la « guerre contre le terrorisme » – qui a impliqué
la torture de masse [50] et
engendré au moins 1,3 millions de morts entre l’Irak et l’AfPak –, [51] pourrions-nous imaginer que la
Justice française lance des poursuites contre George W. Bush et son
cabinet ? La réponse est bien évidemment négative.
Et comme l’a dénoncé une
journaliste de TV5 Monde en 2014, « [t]rois ans après le retrait des
troupes américaines, le dernier rapport de Human Rights Watch tire la sonnette
d’alarme sur la situation des prisonnières en Irak. Des milliers de femmes sont
détenues illégalement, battues, violées, voire exécutées, par les forces de
sécurité. Une pratique devenue un instrument de pression sur la population par
un gouvernement jugé de plus en plus autoritaire. » [52] Or, ces traitements inhumains qui
sont massivement infligés par l’État irakien à sa propre population, et qui ne
visent pas seulement les femmes, ne dissuadent point l’État français
d’entretenir des relations diplomatiques, militaires et économiques avec
Bagdad. [53] Et
il faudrait écrire un autre article pour lister l’ensemble des dictatures
répressives que soutient le gouvernement français pour des motifs de realpolitik.
Par conséquent, aussi condamnables soient les crimes du gouvernement el-Assad,
il est indispensable de renouer le contact avec celui-ci, ne serait-ce que pour
combattre Daech avec une plus grande efficacité. Il est également impératif
d’exposer la guerre secrète des États occidentaux en Syrie, afin que
l’opinion publique prenne enfin conscience de la dangerosité de
ces politiques clandestines. Néanmoins, en l’absence d’enquêtes
approfondies sur ce sujet épineux, l’État français et ses alliés pourront « garder
une façade de respectabilité » grâce aux « crimes invisibles »
dont ils se sont rendus coupables en Syrie.
Notes
[1].
« Royaume-Uni – Remise du prix Albert Londres 2016 (27 mai 2016) »,
Diplomatie.gouv.fr, 27 mai 2016.
[2].
Emmanuelle Skyvington, « “Grâce à ses crimes invisibles, Bachar al-Assad parvient à
garder une façade de respectabilité” », Telerama.fr, 27 mai 2016.
[3].
Depuis le début du conflit, les forces loyalistes de Bachar el-Assad ont commis
des exactions massives contre la population civile. D’un point de vue
légal et moral, ces actes sont logiquement répréhensibles. Néanmoins, ils
le sont tout autant que les politiques étrangères occidentales ayant généré
plusieurs millions de morts et de blessés rien qu’en Irak, en Afghanistan et au
Pakistan depuis un quart de siècle. À ce sujet, voir Nafeez Mosaddeq Ahmed,
« Les
victimes ignorées des guerres de l’Occident : 4 millions de morts en
Afghanistan, au Pakistan et en Irak depuis 1990 », VoltaireNet.org, 11
avril 2015. Allons plus loin dans ce raisonnement. Selon l’intellectuel Andre
Vltchek, « “[d]epuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le
colonialisme et le néocolonialisme occidentaux ont causé la mort de 50 à 55
millions de personnes” (…). À celles-ci, “mortes en conséquence
directe de guerres déclenchées par l’Occident, de coups d’État militaires
pro-occidentaux et d’autres conflits du même acabit”, s’ajoutent “des centaines
de millions de victimes indirectes qui ont péri de la misère, en
silence”. » (Nic Ulmi, « Noam Chomsky raconte “l’Occident terroriste” »,
LeTemps.ch, 12 juin 2015 [accentuation ajoutée]). Il me semblerait utile
que les détracteurs les plus intransigeants de Bachar el-Assad – qui s’émeuvent
à juste titre des exactions commises par le régime syrien –, en prennent
conscience et fassent preuve de la même indignation à l’égard des politiques
étrangères occidentales décrites dans cette note.
[4].
En janvier 2015, à la suite de ces attentats contre Charlie
Hebdo, j’avais écrit dans un élan de rage et de tristesse que « notre
actuel ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a ouvertement soutenu
en décembre 2012 le Front al-Nosra – c’est-à-dire la branche “syrienne”
d’al-Qaïda. [À cette époque, cette organisation incluait Daech, ces deux factions
s’étant séparées en avril 2013.] (…) Selon les informations du journal Le Monde, “la
décision des États-Unis de placer Jabhat Al-Nosra, un groupe djihadiste
combattant aux côtés des rebelles, sur leur liste des organisations
terroristes, a été vivement critiquée par des soutiens de l’opposition [en
Syrie]. M. Fabius a ainsi estimé, mercredi, que “tous les Arabes étaient vent
debout” contre la position américaine, “parce que, sur le terrain, ils
font un bon boulot”. “C’était très net, et le président de la Coalition était
aussi sur cette ligne”, a ajouté le ministre. »
[5].
« Le
Qatar : “valet des Américains” ou “club Med des terroristes” ? »,
entretien avec Fabrice Balanche, Challenge.fr, 15 janvier 2015 :
« [L]e Qatar a financé le Front Al-Nosra (ou Nosra) jusqu’à la scission
intervenue en avril 2013. L’organisation, rattachée à Al-Qaïda, est pourtant
inscrite sur la liste terroriste des États-Unis depuis le 20 novembre 2012 et
la déclaration d’Hillary Clinton. Après la scission en avril 2013 – autrement
dit la séparation entre Nosra dirigé par le syrien Al-Joulani et l’État
islamique (EI) conduit par l’irakien al-Baghdadi – le Qatar a choisi de
soutenir l’EI contrairement à l’Arabie Saoudite qui continue de financer
Nosra. Néanmoins, la réalité est bien plus complexe encore. Si
l’EI est une organisation soudée et structurée, les groupes de Nosra, bien
qu’ils prêtent tous allégeance, semblent bien plus autonomes. Ainsi, le Qatar
peut être également amené à financer un groupe de combattants se revendiquant
de Nosra pour un intérêt particulier. De même, il existe différents clans en
Arabie Saoudite, qui est loin d’être un royaume monolithique. Ces familles
soutiennent aussi bien Nosra que l’EI » (accentuation ajoutée).
[6].
Maxime Chaix, « Opération
“Timber Sycamore” : la guerre secrète de la CIA en Syrie est
principalement financée par les Saoud », MaximeChaix.info, 24 janvier
2016 : « [Michael Flynn] expliqué à
un journal russe que le gouvernement des États-Unis avait
soutenu jusqu’à présent “une telle diversité de factions [anti-Assad qu’] il
est impossible de comprendre qui est qui, et qui travaille avec qui. La
composition de l’opposition armée syrienne, de plus en plus complexe, a rendu
toute identification considérablement plus difficile. Pour cette raison, (…) du
point de vue des intérêts américains, nous devons (…) prendre du recul et
soumettre notre stratégie à un examen critique. À cause de la
possibilité, très réelle, que nous soutenions des forces liées à État islamique
(…), en même temps que d’autres forces anti-Assad en Syrie.” Selon le
général Flynn, lorsqu’il dirigeait la DIA au Pentagone, cette agence
recensait “autour de 1 200 groupes belligérants [en Syrie].” De
ce fait, le général Flynn pense “vraiment que personne, y compris la Russie,
n’a une compréhension claire de ce à quoi nous avons affaire là-bas, mais sur
le plan tactique, c’est vraiment très important de le comprendre. Une vision
unilatérale de la situation en Syrie et en Irak serait une erreur” ».
[7]. Ibidem : « En août
[2015], j’ai étudié les révélations du général Michael Flynn sur Al-Jazeera, en
soulignant qu’elles n’avaient pas été relayées par les médias français. (…)
Pour contextualiser cette interview, j’avais reproduit un argument clé de Nafeez
Mosaddeq Ahmed, selon lequel “la CIA a été directement impliquée dans la
gestion de ces réseaux d’approvisionnement rebelles. (…) [D]es responsables
américains du renseignement militaire [ont] supervis[é] la fourniture
d’armes et l’aide des États du Golfe et de la Turquie [aux rebelles en Syrie],
à partir des mêmes centres de commandement opérationnel dans le Sud de la
Turquie et en Jordanie, qui continuent d’être coordonnés conjointement par les
services de renseignement occidentaux et arabes. » Bien que Nafeez Ahmed
soit un spécialiste mondialement reconnu, un ami m’a fait remarquer que cet
argument était insuffisamment documenté. Or, dans un article plus récent, le
Dr. Ahmed a cité Charles Lister, un expert de la prestigieuse Brookings
Institution. En mai dernier, cet analyste confirma que les États-Unis dirigent
des opérations de guérilla depuis deux centres de commandement multinationaux
en Turquie et en Jordanie. Et d’après cette source crédible [et hostile à
Bachar el-Assad], à partir du printemps 2015, les services spéciaux
états-uniens ont appuyé directement des forces islamistes [, bien que le New
York Times eut révélé en mars 2013que les
approvisionnements en armes pour soutenir les rebelles en Syrie avaient été
lancés par la CIA et ses alliés en janvier 2012] : “En
public, la ligne officielle consiste à dire que la stratégie de l’Arabie
saoudite, du Qatar et de la Turquie ne finance pas directement le Front
al-Nosra, bien que cette coalition géopolitique ait conscience que ce groupe
bénéficiera du soutien apporté à des factions islamistes rebelles. En privé, de
nombreux commandants de la rébellion en charge de l’opération (…) menée à Idleb
[au printemps 2015] ont déclaré à Charles Lister, [un expert de la] Brookings
Institution, ‘que la salle d’opérations dirigée par les États-Unis au
sud de la Turquie, qui coordonne les approvisionnements d’aide létale et
non-létale à des groupes d’opposition sélectionnés [par la CIA], a servi à
faciliter [l’]engagement [des islamistes] dans cette opération à partir de
début avril [2015]. Ces dernières semaines, ce centre de commandement, ainsi
qu’un autre en Jordanie, qui couvre le Sud de la Syrie, semblent avoir
considérablement intensifié leur aide et leurs transferts de renseignements à
des groupes jugés non extrémistes [par la CIA]’. En d’autres termes,
la branche officielle d’al-Qaïda en Syrie, et une autre milice étroitement liée
à [cette nébuleuse terroriste], faisaient partie des factions ‘modérées’ et
‘triées sur le volet’ qui ont reçu des armes et du soutien de la part d’États
du Golfe et de la Turquie, sous la supervision de personnel des renseignements
militaires états-uniens sur le terrain.” (…) Nafeez Ahmed et Charles Lister
désignent en fait l’Armée de la Conquête, une coalition de groupes jihadistes
créée et soutenue par le Qatar, l’Arabie saoudite et la Turquie au premier
trimestre 2015. Cette milice allie le Front al-Nosra et le groupe Ahrar
al-Sham, une force rebelle salafiste fréquemment décrite comme “modérée”.
Précédemment, nous avons souligné que cette coalition extrémiste recevait,
essentiellement par l’entremise de l’Arabie saoudite, des missiles TOW de
fabrication états-unienne – dans le cadre d’un programme clandestin de la CIA.
Il semblerait donc que ces livraisons d’armes aient été coordonnées depuis ces
“salles d’opérations” en Turquie et en Jordanie. »
[8].
Maxime Chaix, « La
bannière étoilée derrière le drapeau noir », MaximeChaix.info, 20 août
2015 (article initialement publié sur DeDefensa.org) :
« En mai dernier, en se basant sur des documents rendus publics grâce à
Judicial Watch, Nafeez Ahmed révéla que le Renseignement militaire du Pentagone
(DIA) avait prédit en 2012 l’émergence d’un “État Islamique” à cheval entre
l’Irak et la Syrie, accusant l’administration Obama – et plus généralement
“l’Occident, les États du golfe Persique et la Turquie” –, d’avoir encouragé la
montée en puissance de Daech. Il s’avère que ses analyses, qui lui avaient
valu de nombreuses critiques, viennent d’être corroborées par l’ancien
directeur de la DIA lui-même. »
[10]. Maxime Chaix, « Selon le député Claude
Goasguen, “la France soutient al-Qaïda en Syrie” », MaximeChaix.info,
1er juillet 2015.
[12]. Pascal Airault, « Laurent Bigot : “La France n’a plus de politique
étrangère” », interview de l’ancien diplomate Laurent Bigot,
LOpinion.fr, 4 janvier 2016 : « La grande erreur de notre diplomatie
est d’avoir désigné des bons et des méchants et de ne discuter qu’avec ceux que
l’on considère comme les bons. Le principe même de la diplomatie est de parler
avec tout le monde, ce qui ne signifie pas, bien entendu, soutenir tout le
monde. Bachar el-Assad est un tyran, mais ce n’est pas une raison pour soutenir
le Front al-Nosra, équipé de missiles français notamment. Notre réponse à la
barbarie, c’est soutenir une autre barbarie ? »
[13]. Régis Le Sommier, « Alain Juillet : “Un service de renseignement doit être neutre” »,
interview de l’ancien directeur du Renseignement de la DGSE Alain
Juillet, Paris Match, 5 mai 2016 : « Sur la question
syrienne, on a ignoré la réalité… À l’époque des conflits en Irak et des quatre
journalistes otages en Syrie, nous avions de bonnes relations, non officielles
avec les services syriens. Ces relations nous ont toujours servi. Brutalement,
on coupe les ponts. C’est une absurdité totale. À côté de ça, on va se faire
manipuler en aidant des gens, prétendument rebelles, alors qu’en réalité il
s’agissait d’équipes d’Al-Qaïda poussées par des pays du Golfe. »
[14]. Maxime Chaix, « EXCLUSIF : L’État
français “a facilité les actions d’al-Nosra”, la majorité refuse toute enquête
(Alain Marsaud) », MaximeChaix.info, 16 décembre 2015.
[15]. Richard Norton-Taylor, « Terror trial
collapses after fears of deep embarrassment to security services », TheGuardian.co.uk, 1er juin
2015.
[16]. Maxime Chaix : « Sur CNN, une
parlementaire US confirme que la CIA soutient al-Qaïda pour renverser Bachar
el-Assad », MaximeChaix.info, 6 novembre 2015.
[17]. Maxime Chaix « Tulsi Gabbard et sa proposition de loi
contre la guerre secrète de la CIA en Syrie », MaximeChaix.info, 2
avril 2016.
[19]. Ibidem : « Ainsi, la
représentante Tulsi Gabbard confirme ce que j’ai tenté de démontrer dans mon
étude récente, soit le fait que la CIA et ses alliés soutiennent directement
al-Qaïda en Syrie. En tant qu’élue siégeant à la Commission des Forces armées
de la Chambre de Représentants, il s’agit bel et bien d’une confirmation
officielle, et non de spéculations. Ce fait est alarmant mais, si l’on en croit
Google Actualités, aucun média français n’a repris cette information. J’avais
déjà souligné ce silence médiatique assourdissant lorsque deux députés français
avaient affirmé, à des occasions différentes, que la France soutient al-Qaïda
en Syrie. Même chose après les révélations fracassantes du général Michael
Flynn sur Al-Jazeera concernant les politiques profondes multinationales des
États-Unis contre le régime el-Assad. »
[20]. Margaux Schmit, « Daech – Syrie – Irak – Kurdistan irakien »,
Diploweb.com, 3 janvier 2016 : « À l’été 2011, Al-Qaïda en Irak (AQI)
décide de s’infiltrer et s’arme face à la répression brutale du régime. Son
leader, le sunnite irakien Abou Bakr al-Baghdadi y renvoie discrètement un de
ses chefs d’opération, Abou Mohammad al-Joulani. Revenu en 2011 dans sa terre
natale, al-Joulani y crée un groupe qui se livre à de spectaculaires
attentats-suicides, puis devient un véritable mouvement de guérilla et se fait
connaître sous le nom de Jabhat al-Nosra (JaN), le “Front pour la victoire des
gens du Sham”. En avril 2013, Al-Baghdadi annonce officiellement que JaN
est une création d’AQI. Mais al-Joulani veut être autonome en Syrie et demande
l’arbitrage de la direction centrale d’Al-Qaïda, basée au Pakistan. Celle-ci
tranche en sa faveur. AQI décide alors de se tailler un fief propre en Syrie et
se rebaptise Al-Qaïda en Irak et au Levant (AQIL) – qui devient l’État
islamique en Irak et au Levant (EIIL ou Daech) en juin 2014, pour désormais
affronter des factions de l’opposition armée syrienne, dont JaN. »
[21]. « Débat en séance publique sur la prolongation de l’opération
Chammal en Irak – Audition du Général de division (r) Vincent Desportes,
professeur associé à Sciences Po Paris », Senat.fr, 17 décembre 2014.
[22]. Je recommande vivement aux lecteurs
anglophones l’analyse suivante de Joel Veldkamp, un étudiant du Centre des
Études sur le Moyen-Orient de l’Université de Chicago. Résumant l’un de ses
travaux universitaires, son article expose la succession de mensonges
politiques et de déformations médiatiques sur l’engagement soi-disant
« limité » des États-Unis en Syrie. Il montre comment la
communication trompeuse de l’administration Obama a dissimulé, depuis 2012, des
politiques profondes de guerre secrète dans ce pays. Enfin, je tiens à préciser
que cet article a été publié sur le site de Joshua Landis, un professeur de
l’Université d’Oklahoma qui est considéré comme l’un des meilleurs experts
américains de la Syrie. Joel
Veldkamp, « How to
Understand Those 60 Trainees », JoshuaLandis.com, 14 août 2015.
[23]. Caroline Fleuriot, « Droit
d’ingérence, où en est-on ? », LeMonde-Diplomatique.fr, septembre 2008
: « Venir en aide aux populations en détresse sans le consentement de l’État
est une idée ancienne. Déjà Hugo Grotius, en 1625 dans De jure belli ac pacis,
évoquait une telle possibilité. Mais l’article 2, paragraphe 7, de la Charte de
l’Organisation des Nations unies (ONU) pose le principe de non-ingérence dans
les affaires intérieures d’un État comme principe pacificateur des relations
internationales. »
[24]. Gareth Porter, « Les médias des États-Unis ont caché le rôle d’al-Qaïda en
Syrie, par Gareth Porter », traduction d’un article de
ConsortiumNews.com, Les-Crises.fr, 23 mars 2013 ; Nafeez Mosaddeq Ahmed,
« L’État
islamique, cancer du capitalisme moderne », MiddleEastEye.net, 27 mars
2015.
[25]. Pour ma définition des « différents
services spéciaux moyen-orientaux et occidentaux », voir la note 5 dans l’article
« La guerre secrète
multinationale de la CIA en Syrie et le chaos islamiste »,
MaximeChaix.info, 4 novembre 2015.
[26]. Greg Miller et Karen DeYoung,
« Secret CIA
effort in Syria faces large funding cut », WashingtonPost.com, 12 juin 2015. Remarque
importante : dans l’immense majorité des récits sur l’intervention de la
CIA en Syrie, l’action de l’Agence est décrite comme « inefficace »
et d’ampleur limitée (Voir par exemple Ben Hubbard, « Warily, Jordan Assists Rebels in Syrian War »,
NYTimes.com, 10 avril 2014). Or, l’importance de cet article du Washington
Post réside dans le fait que, contrairement à ce qui était unanimement
affirmé dans la presse, cet engagement de la CIA en Syrie n’est pas
« limité » mais massif, et qu’il entre dans le cadre « d’un plus
vaste effort de plusieurs milliards de dollars impliquant l’Arabie saoudite, le
Qatar et la Turquie » – c’est-à-dire les trois États notoirement connus
pour soutenir les factions extrémistes en Syrie (cf. la note suivante).
[27]. Ibidem (accentuation ajoutée). Sur la création
et le soutien, par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, d’une coalition
de groupes islamistes comprenant al-Qaïda comme l’une de ses principales
forces, voir notamment Luc Mathieu, « Syrie : l’Armée de la conquête sur le chemin de Damas »,
Liberation.fr, 14 mai 2015 ; « General Dempsey aknowledges U.S. Arab allies funding ISIS »,
CSPAN.org, 20 septembre 2014 : « Sénateur Lindsey Graham :
“Connaissez-vous un allié arabe de premier plan qui embrasse la cause de l’EIIL
[, c’est-à-dire Daech] ?” Général Martin Dempsey : “Je sais que des
alliés arabes de premier plan les financent…” » ; Éric Leser, « Sans la Turquie, Daech n’existerait pas », Slate.fr, 2
août 2015 ; « Le Qatar : “valet des Américains” ou “club Med des terroristes”
? », entretien avec Fabrice Balanche, Challenge.fr, 15 janvier
2015 : « [L]e Qatar a financé le Front Al-Nosra (ou Nosra) jusqu’à la
scission intervenue en avril 2013. L’organisation, rattachée à Al-Qaïda, est
pourtant inscrite sur la liste terroriste des États-Unis depuis le 20 novembre
2012 et la déclaration d’Hillary Clinton. Après la scission en avril 2013 –
autrement dit la séparation entre Nosra dirigé par le syrien Al-Joulani et
l’État islamique (EI) conduit par l’irakien al-Baghdadi – le Qatar a choisi de
soutenir l’EI contrairement à l’Arabie Saoudite qui continue de financer Nosra.
Néanmoins, la réalité est bien plus complexe encore. Si l’EI est une
organisation soudée et structurée, les groupes de Nosra, bien qu’ils prêtent
tous allégeance, semblent bien plus autonomes. Ainsi, le Qatar peut être
également amené à financer un groupe de combattants se revendiquant de Nosra
pour un intérêt particulier. De même, il existe différents clans en Arabie
Saoudite, qui est loin d’être un royaume monolithique. Ces familles
soutiennent aussi bien Nosra que l’EI » ; etc.
[28]. Robert Winnett, « Syria: 3,500 tons of weapons already sent to rebels, says Lord
Ashdown », Telegraph.co.uk, 1er juillet 2013. Cet
article rapporte les propos alarmants du parlementaire britannique Lord
Ashdown : « “[Les rebelles en Syrie] n’ont pas besoin d’armes. Il n’a
pas été démenti que 3 500 tonnes d’armes avaient été livrées depuis la Croatie
avec l’aide de la CIA. Financés par les Qataris, financés par les Saoudiens,
[ces armements] sont allés presque exclusivement vers les
groupes les plus extrémistes”, déclara l’ancien haut représentant international
en Bosnie lors d’un débat [parlementaire] » (accentuation ajoutée).
[29]. Selon Vox.com et d’autres sources,
l’« ordre secret » d’armer les rebelles a été approuvé en avril 2013,
mais l’approvisionnement en armes et les entraînements se seraient concrétisés
en septembre 2013, après qu’Obama eut repoussé l’intervention militaire directe
en Syrie (Max Fisher et Johnny Harris, « Syria’s war: a 5-minute
history », Vox.com, 14 octobre 2015). En septembre 2013, le Washington
Post avait rapporté que les États-Unis commençaient à armer
les rebelles, sans évoquer l’« ordre secret » d’Obama rapporté
par Vox.com (Ernesto Londoño et Greg Miller, « CIA begins weapons delivery
to Syrian rebels », WashingtonPost.com, 11 septembre 2013). En réalité, la
CIA et le MI6 ont clandestinement armé les rebelles en Syrie depuis au moins
janvier 2012, mais essentiellement via la logistique et les financements du
Qatar, de la Turquie et de l’Arabie saoudite (Adam Johnson, « Down the
Memory Hole: NYT Erases CIA’s Efforts to Overthrow Syria’s Government »,
FAIR.org, 20 septembre 2015).
[30]. Maxime Chaix, « Opération “Timber
Sycamore” : la guerre secrète de la CIA en Syrie est principalement
financée par les Saoud », MaximeChaix.info, 24 janvier
2016 : « Grâce au New York Times, nous savons à
présent que l’Arabie saoudite a été, “de loin”, le principal soutien
étatique de cette guerre secrète – notamment à travers l’achat massif
et la livraison, par les services spéciaux saoudiens [et leurs alliés],
de missiles antichars TOW de marque Raytheon à des groupes
affiliés à al-Qaïda, dont l’Armée de la Conquête. »
[31]. Ibidem :
« Dans l’article du Times, le prince Bandar est présenté comme
le principal architecte de cette politique de soutien à la rébellion en Syrie.
En effet, ce journal confirme que “[l]es efforts saoudiens furent dirigés par
le flamboyant prince Bandar ben Sultan, qui était alors le chef des services
secrets [du royaume, et] qui demanda aux espions saoudiens d’acheter des
milliers [de mitrailleuses] AK-47 et des millions de munitions en Europe de
l’Est pour les rebelles [en Syrie]. La CIA a facilité certains de ces achats
d’armements pour les Saoudiens, dont un vaste deal avec la Croatie en 2012.
Durant l’été de cette même année, ces opérations semblaient hors de contrôle à
la frontière entre la Turquie et la Syrie, les nations du Golfe transmettant de
l’argent et des armes à des factions rebelles – y compris à des groupes dont
les hauts responsables états-uniens craignaient qu’ils soient liés à des
organisations extrémistes comme al-Qaïda.” » Malgré ces
« craintes » à Washington, cette guerre secrète de la CIA et de ses
alliés s’est poursuivie et s’est intensifiée à partir de l’automne 2013 (voir
la note 26).
[32]. Voir Joseph Fitsanakis, « Analysis:
Bandar’s return affirms hawkish turn in Saudi foreign policy »,
IntelNews.org, 26 juillet 2012 : « Bandar “veut voir l’Arabie
saoudite gonfler ses muscles, en particulier si les Américains sont avec lui
[au Moyen-Orient]”, selon [un spécialiste du Woodrow Wilson Center nommé]
Ottaway. Et il y a des chances qu’ils le seront, au vu des contacts
étroits du prince Bandar au sein de la communauté du Renseignement états-unien.
Le commentateur saoudien Jamal Khashoggi a déclaré que le style de Bandar est “plutôt agressif,
aux antipodes de celui des diplomates saoudiens, qui sont habituellement
prudents ; et il sera libre de faire ce qu’il estime nécessaire”, en
particulier dans le cas de la Syrie (…) La rumeur veut que,
durant le premier mandat de George W. Bush, George Tenet – qui était alors
directeur de la CIA –, se serait saoulé dans la grandiose maison de Bandar à
Washington. Il serait alors tombé tout habillé dans la piscine, avant d’être
secouru par l’un des serviteurs de Bandar. Si cette histoire est vraie, elle
indique un degré d’intimité plutôt dérangeant dans la relation du
prince avec l’establishment de politique étrangère des États-Unis, sur lequel
l’Arabie saoudite va sans aucun doute s’appuyer dans les prochaines
années » (accentuation ajoutée).
[33]. Voir Craig Unger, House of Bush, House of Saud: The Secret Relationship
Between the World’s Two Most Powerful Dynasties (Scribner, New
York, 2004), pp.151-52 : « En 1992, Bill Clinton remporta les
élections présidentielles face [au Président sortant] George H. W. Bush. Bandar
interpréta cette défaite comme la perte d’un proche. Le soir précédant les
élections, il rédigea une lettre à Bush [père] afin de lui décrire ses
sentiments. “Demain, tu gagneras dans tous les cas. Tu es mon ami pour le
restant de ma vie, tu fais partie de ma famille. Si tu gagnes, tu l’auras
mérité, et si tu perds tu seras en bonne compagnie”, écrivit-il, en référence à
Winston Churchill lorsqu’il ne parvint pas à être réélu après avoir gagné la
guerre. Après l’annonce des résultats, Bandar était si abattu qu’il informa le
roi Fahd de sa volonté de démissionner [de son poste d’ambassadeur saoudien à
Washington]. “C’était comme si j’avais perdu un membre de ma famille, comme si
cette personne était morte.” »
[34]. Cette relation étroite entre les hauts
responsables de la CIA et de l’Arabie saoudite a été récemment décrite par
le New York Times en janvier 2016. Pour en lire une
traduction, voir « Pour le financement des rebelles syriens, les États-Unis sont
fortement dépendants de l’argent saoudien [New York Times] »,
Les-Crises.fr, 23 janvier 2016 : « Les racines de la relation sont
profondes. À la fin des années 70, les Saoudiens ont organisé ce que l’on
connaissait comme le “Safari Club”, une coalition de nations incluant le Maroc,
l’Égypte et la France, qui a dirigé des opérations en Afrique à une époque où
le Congrès avait cloué les ailes de la CIA après des années d’abus. (…) Dans les
années 80, les Saoudiens ont aidé à financer les opérations de la CIA en
Angola, où les États-Unis ont soutenu les rebelles contre le gouvernement allié
aux Soviétiques. Bien que les Saoudiens aient été profondément anticommunistes,
la motivation principale de Riyad semblait être de consolider ses liens avec la
CIA. “Ils achetaient de la bonne volonté”, se rappelle un ancien cadre
supérieur du renseignement qui était impliqué dans l’opération. Dans l’épisode
peut-être le plus important, les Saoudiens ont aidé à armer les rebelles
moudjahidines pour chasser les Soviétiques hors d’Afghanistan. Les États-Unis
ont investi des centaines de millions de dollars chaque année dans la mission,
et les Saoudiens s’y sont alignés, au dollar près. »
Pour une analyse approfondie de
cet important article du New York Times, voir Maxime
Chaix, « Opération
“Timber Sycamore” : la guerre secrète de la CIA en Syrie est
principalement financée par les Saoud », MaximeChaix.info, 24 janvier
2016 : « Toujours selon le Times, le chef de station de
la CIA joue un rôle diplomatique plus important que l’ambassadeur des
États-Unis en Arabie saoudite. Ainsi, entre le GID et la CIA, “l’alliance reste
solide, puisqu’elle est renforcée par une liaison entre maîtres-espions.
Ministre de l’Intérieur saoudien, le prince Mohammed ben Nayef a succédé au
prince Bandar dans l’approvisionnement en armes des rebelles [en Syrie]. Il
connait l’actuel directeur de la CIA John O. Brennan depuis l’époque où ce
dernier était le chef de station de l’Agence à Riyad dans les années 1990.
D’anciens collègues ont déclaré que ces deux hommes étaient restés proches (…)
Le poste occupé autrefois par M. Brennan à Riyad est, bien plus que celui de
l’ambassadeur US, le véritable lien entre le pouvoir états-unien et le royaume
[des Saoud]. D’anciens diplomates se souviennent que les discussions
les plus importantes ont été systématiquement menées via le chef de station de
la CIA [dans la capitale saoudienne]” » (accentuation ajoutée).
[35]. Peter Dale Scott, L’État profond américain : la finance, le pétrole et la
guerre perpétuelle (Éditions Demi-Lune, Plogastel-Saint-Germain,
2015), p.158 : « Dans les années 1970, d’importants officiers actifs
ou retraités de la CIA (…) étaient mécontents des réductions budgétaires menées
sous le Président Carter par Stansfield Turner, le directeur de l’Agence. En
réponse, ils organisèrent un réseau alternatif que l’on appelle le Safari Club.
Supervisé par les directeurs des services secrets français, égyptiens,
saoudiens, marocains et iraniens (alors sujets du Shah), le Safari Club aurait
été secondé à Washington par un “réseau privé de renseignement”, selon Joseph
Trento. Ce réseau regroupait alors des officiers de l’Agence tels que Theodore
Shackley et Thomas Clines, qui avaient été marginalisés ou renvoyés par le
directeur de la CIA Stansfield Turner. Comme le prince Turki ben Fayçal
l’expliquera plus tard, l’objectif du Safari Club n’était pas seulement
l’échange de renseignements, mais également la conduite d’opérations
clandestines que la CIA ne pouvait plus mener directement en raison du scandale
du Watergate et des réformes qui s’ensuivirent » (accentuation
ajoutée).
Voir ibidem p.159 : « [I]l est compréhensible
que George Tenet, le directeur de la CIA sous George W. Bush, ait suivi le
précédent de [William] Casey [, le directeur de l’Agence sous Reagan,] en
rencontrant une fois par mois environ le prince Bandar, l’ambassadeur d’Arabie
saoudite aux États-Unis – mais sans révéler le contenu de leurs
discussions aux officiers de la CIA chargés des questions saoudiennes »
(accentuation ajoutée).
[36]. Concernant le jeu trouble du prince Bandar
et de la CIA en Syrie, voir Maxime Chaix, « La guerre secrète
multinationale de la CIA en Syrie et le chaos islamiste »,
MaximeChaix.info, 4 novembre 2015 : « Jusqu’à ce qu’il soit poussé
vers la sortie en avril 2014, le Guardian souligna que “Bandar
avait dirigé les efforts saoudiens visant à mieux coordonner les livraisons
d’armes aux rebelles combattant el-Assad en Syrie. Néanmoins, il a été critiqué
pour avoir soutenu des groupes islamistes extrémistes, risquant ainsi le même
“retour de bâton” que celui des combattants saoudiens d’Oussama ben Laden
rentrant au pays après le jihad contre les Soviétiques en Afghanistan dans les
années 1980 – une guerre sainte qui avait été autorisée officiellement. (…) En
2014, un parlementaire états-unien avait déclaré sous couvert d’anonymat que la
CIA était “bien consciente que de nombreuses armes fournies [par l’Agence]
avaient terminé dans de mauvaises mains.” En octobre 2015, l’éminent
expert de la Syrie Joshua Landis affirma qu’“entre 60 et 80 % des armes que les
États-Unis ont introduites [dans ce pays] sont allées à al-Qaïda et les groupes
qui lui sont affiliés” ».
[38]. Nafeez Mosaddeq Ahmed, « Ennemis perpétuels : comment les États-Unis soutiennent Daech
en le combattant », MiddleEastEye.net, 17 juillet
2015 : « [L]a revendication de Joe Biden [selon laquelle] “nous
ne pouvions pas convaincre nos collègues [turcs, qataris et saoudiens] de
cesser [d’]approvisionner” [les islamistes] dissimule le fait que la CIA a été
directement impliquée dans la gestion de ces réseaux d’approvisionnement
rebelles » ; « General Dempsey aknowledges U.S. Arab allies funding ISIS »,
CSPAN.org, 20 septembre 2014 : « Sénateur Lindsey Graham :
“Connaissez-vous un allié arabe de premier plan qui embrasse la cause de l’EIIL
[, c’est-à-dire de Daech] ?” Général Martin Dempsey : “Je sais que
des alliés arabes de premier plan les financent…” Sénateur Graham : “Oui,
mais est-ce qu’ils en embrassent la cause ? Ils (…) ont financé [Daech]
car l’Armée Syrienne Libre ne pouvait pas combattre Assad, ils essayaient de
battre Assad, et je pense qu’ils ont réalisé à quel point ces méthodes étaient
folles. » Sans surprise, le sénateur Graham n’a pas dit un mot sur
l’implication de la CIA et de ses partenaires occidentaux dans cette stratégie
de la Turquie, de l’Arabie saoudite et du Qatar.
[39]. Jean-Dominique Merchet, « L’opposition modérée en Syrie ? 20 000 hommes,
indique le général Didier Castres », LOpinion.fr, 26 janvier
2016 : « “Il existe en Syrie une constellation de combattants très
divers de l’ordre de 100 000 personnes, dont la France estime que 80 000
d’entre eux appartiennent soit à des groupes terroristes désignés comme tels
par les Nations unies, soit à des groupes salafistes extrémistes” indique le
général Castres. Faites le calcul : 100 000 – 80 000 = 20 000 opposants qui ne
sont ni “terroristes”, [ni] “salafistes extrémistes” ».
[40]. Ken Dilanian (The Associated Press),
« Officials: CIA-backed Syrian rebels under Russian blitz »,
MilitaryTimes.com, 10 octobre 2015.
[41]. Dominique Champtiaux, « Les opérations
spéciales et les actions clandestines », Hestia.Hypothèses.org, 17
septembre 2014.
[42]. Selon l’encyclopédie Universalis,
la raison d’État est une « [n]otion ancienne de la tradition politique des Occidentaux. Le terme se trouve déjà
chez Cicéron (consul en ~ 63), ratio reipublicae.
D’autres expressions ou maximes, souvent empruntées au droit romain (utilité
publique, raison de l’Empire, nécessité n’a pas de loi), furent les conducteurs
du concept chez les juristes du Moyen Âge, dont les analyses raffinées ont
préparé des théories plus modernes, inséparables du nom de Machiavel depuis
le XVIe siècle. En son sens actuel, hérité de l’expérience
des États libéraux du XVIIIe au XXe siècle
(système baptisé “État de droit” par la philosophie allemande), la raison
d’État englobe les diverses espèces d’illégalités commises au nom des États
souverains et contre lesquelles il n’existe aucune protection, sauf à contester
ces pratiques par des moyens non juridiques. La liste des cas politiques ainsi
soustraits aux règles de droit par ailleurs reconnues comme contraignantes ne
peut être établie, chaque État s’érigeant en maître absolu pour décider d’user
ou non d’une prérogative aussi dangereuse pour les libertés, cependant
restreinte par les usages et la pression des opinions publiques. La raison
d’État justifie les parodies de justice ; elle couvre encore, ici et là dans le monde,
la pratique de la torture, théoriquement abolie partout (Déclaration
universelle des droits de l’homme, proclamée par l’Organisation des Nations
unies en 1948, art. 5) ; elle fonde l’argumentation des États
lorsqu’ils estiment inopportun de porter tel différend particulier devant les
juridictions internationales, dont ils admettent pourtant la compétence. Il
subsiste donc une large zone politique, extensible selon les intérêts en cause
et les circonstances, dans laquelle les États se comportent d’après le modèle
absolutiste, en dépit de l’idéologie proclamant le respect du droit. »
[43]. Régis Le Sommier, « Alain Juillet : “Un service de renseignement doit être neutre” »,
interview de l’ancien directeur du Renseignement de la DGSE Alain
Juillet, Paris Match, 5 mai 2016.
[44]. Maxime Chaix, « Selon le député Claude
Goasguen, “la France soutient al-Qaïda en Syrie” », MaximeChaix.info,
1er juillet 2015.
[45]. Nafeez Mosaddeq Ahmed, « La guerre des gazoducs américano-russe en Syrie pourrait
déstabiliser Poutine », MiddleEastEye.net, 4 novembre 2015 :
« L’intervention russe en Syrie est la carte géopolitique maîtresse de
Vladimir Poutine, permettant de faire avorter la défaite imminente du régime du
président syrien Bachar al-Assad sous le poids de multiples forces rebelles
soutenues par l’Occident. Son objectif a été expliqué en octobre dans Foreign
Affairs, l’éminente revue du Council on Foreign Relations de Washington.
“La plupart des belligérants étrangers dans la guerre en Syrie sont des pays
exportateurs de gaz qui ont des intérêts dans l’un des deux projets de gazoducs
concurrents cherchant à traverser le territoire syrien pour acheminer vers
l’Europe soit du gaz qatari, soit du gaz iranien”, a écrit le professeur Mitchell Orenstein, du Centre
Davis d’études russes et eurasiennes de l’université Harvard. Dans un reportage pour The Guardian daté
de 2013, j’avais évoqué des projets de gazoducs concurrents. Deux ans plus
tard, Foreign Affairs finit par se mettre à la page. Comme l’a
expliqué Orenstein, “en 2009, le Qatar a proposé de construire un gazoduc
pour envoyer son gaz au nord-ouest en passant par l’Arabie saoudite, la
Jordanie et la Syrie, jusqu’en Turquie (…) Toutefois, le président syrien
Bachar al-Assad a refusé de signer le projet ; la Russie, qui ne voulait
pas voir sa position dans les marchés européens du gaz être compromise, a
exercé une forte pression sur Assad dans cette optique.” »
[46]. Ibidem :
« En juillet [2011], un accord de 10 milliards de dollars
portant sur un gazoduc Iran-Irak-Syrie a ensuite été annoncé et un accord préliminaire a été dûment signé.
Fin 2011, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et Israël apportaient
une aide secrète aux factions rebelles en Syrie dans le but de provoquer l’“effondrement” du
régime d’Assad “de l’intérieur”. “Les États-Unis (…) soutiennent le gazoduc
qatari comme un moyen de contrebalancer l’Iran et de diversifier
l’approvisionnement en gaz européen afin de le rendre moins tributaire de la
Russie”, a expliqué Orenstein dans Foreign Affairs. La Russie a agi
rapidement pour soutenir les parties afin qu’elles signent un protocole
d’entente en juillet 2012. Fin 2013, la Russie avait signé un accord
sur le gaz offshore avec la Syrie afin d’explorer la Méditerranée orientale,
dont les ressources en gaz naturel récupérable sont estimées au total à environ
3,45 milliers de milliards de m3. Cette démarche a été jugée
“inutile” par les États-Unis, qui ont travaillé avec Israël, l’Égypte, la Turquie, Chypre et
le Liban pour développer une architecture régionale d’exportation de gaz sous
domination israélienne capable d’acheminer le gaz de la Méditerranée orientale
vers l’Europe. “Les découvertes de gaz naturel en Méditerranée orientale (…)
ont le potentiel de porter atteinte à la position dominante de la Russie dans
la fourniture de gaz naturel en Europe occidentale”, a écrit Simon Henderson, directeur du Gulf and Energy
Policy Program du Washington Institute. »
[48]. À ma connaissance, le seul documentaire
français qui ne s’est pas uniquement concentré sur la dénonciation des crimes
du gouvernement el-Assad fut diffusé sur France 2 en février 2016 dans
l’émission Un Œil sur la planète. Pour le visionner en intégralité,
voir Maxime Chaix, « “Syrie, le grand aveuglement” : une
émission exceptionnelle sur France 2 », MaximeChaix.info, 20
février 2016. Néanmoins, comme je l’ai précisé dans cet article publié à la
suite de sa diffusion, « je vous recommande ma dernière analyse approfondie sur ce
conflit, dont l’extrait suivant compense ce que j’ai perçu comme la seule
carence de cette émission – c’est-à-dire l’absence de référence au rôle majeur
de la CIA [et de ses alliés] dans la guerre secrète contre le
régime el-Assad ».
[49]. Xavier Thomann, « Juger Bachar al-Assad pour crimes contre l’humanité ? Un jour,
peut-être », 1er juin 2016.
[50]. Grégoire Fleuriot, « Les
Américains ont organisé un vaste réseau de torture en Irak »,
Slate.fr, 7 mars 2013. « Irak: 30.000 prisonniers détenus sans procès, certains
torturés, selon Amnesty », LeParisien.fr, 1 » septembre 2013.
[51]. Marc de Miramon, « La “guerre mondiale contre le terrorisme” a tué au moins 1,3
million de civils », LHumanite.fr, 24 avril 2015 ; article cité par
Romain Jeanticou, « 1,3 million de civils seraient morts dans la “guerre contre le
terrorisme” », ITele.fr, 27 avril 2015.
[52]. Semiramis Ide, « Tortures et viols, le quotidien de prisonnières en Irak »,
TV5Monde.com, 13 mars 2014.
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