jeudi 5 avril 2018

Islamisme et politique 02.04.2018


Libye : offensive contre l'Etat islamique (02.04.2018)
Gaza: des milliers de manifestants (02.04.2018)
Plus de meurtres à Londres qu'à New York (02.04.2018)
Pantin: elle chute du 8e étage avec sa fille et tue un passant (02.04.2018)
Israël suspend l'accord sur les migrants (02.04.2018)
Mohammed ben Salmane: "Les Israéliens ont droit à leur propre terre" (02.04.2018)

Ajaccio: 3 hommes mis en examen après l'agression de gendarmes (03.04.2018)
Plainte pour viol : "On m'a répondu que je voulais me rendre intéressante" (03.04.2018)
Critiqué par Tim Cook, Mark Zuckerberg s'en prend à Apple (03.04.2018)
Une mesure antiterroriste de Bercy vire au casse-tête pour les PME (02.04.2018)
Retour du foot au stade de Raqqa, ancien site d'exécutions de Daech (03.04.2018)
Comment l'Union européenne envisage la lutte contre les fake news (03.04.2018)
Israël: Nétanyahou annule l'accord sur les migrants africains (03.04.2018)
Jacques Julliard : «Arnaud Beltrame, le prophète désarmé» (02.04.2018)
Jacques Julliard : « Qu'est-ce que l'islamo-gauchisme ? » (26.08.2016)
«Israël a droit à un territoire»: nouveau geste saoudien envers l'État hébreu (03.04.2018)
Georges Bensoussan, le procès d’un innocent ? (3 avril 2018)
«Je pensais être rebelle en rejetant le sacré, mais je ne faisais qu'obéir au conformisme ambiant» (30.03.2018)
Trump ne veut plus d'accord protégeant les «dreamers» (01.04.2018)
Imbroglio diplomatique entre Paris et Rome après un couac à la frontière (01.04.2018)
Iñigo Errejón : «La plus grande réforme qui soit est celle de l'ordre» (30.03.2018)
Le Sahara a grandi de 10 % en un siècle (02.04.2018)
Alain Finkielkraut : «Islamisme, le règne du déni touche peut-être à sa fin» (03.04.2018)
Pékin ferme les écoles à sa population « bas de gamme » (01.04.2018)
Syrie : le régime en passe de reprendre toute la Ghouta orientale (02.04.2018)
Abdel Fattah al-Sissi, président d'une Egypte résignée (02.04.2018)
Une école brûlée dans les Yvelines (02.04.2018)
Afrique du Sud : mort de Winnie Mandela, l'ex-épouse aussi engagée que controversée (02.04.2018)
Fermiers blancs sud-africains: Canberra fait marche arrière, Pretoria se réjouit (02.04.2018)
Afrique du Sud : le massacre oublié des fermiers blancs (03.03.2017)
Dans les stades et les centres commerciaux, les vigiles imposent leur loi aux policiers (02.04.2018)
Gaza: des milliers de manifestants (02.04.2018)

Libye : offensive contre l'Etat islamique (02.04.2018)
  • Par  Lefigaro.fr avec Reuters 

  • Mis à jour le 02/04/2018 à 19:31 

  • Publié le 02/04/2018 à 19:29
Le gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale a lancé lundi une offensive militaire contre les derniers bastions tenus par le groupe Etat islamique (EI) en Libye. Les forces soutenant le gouvernement d'accord national (GNA), appuyées par l'aviation américaine, ont repris fin 2016 la ville de Syrte qui était tombée aux mains des djihadistes.
Des responsables libyens font état d'une présence de l'EI dans plusieurs camps dans le désert libyen ainsi que d'agents dormants dans différentes villes de l'ouest de la Libye. "A l'aube, aujourd'hui, lundi, une opération militaire baptisée Tempête de la Patrie a été lancée avec pour but de chasser les derniers éléments de l'organisation terroriste de Daech", a déclaré Mohamed al-Sallak, porte-parole de Faïez Seradj, premier ministre du GNA.
Cette opération a été menée par les forces de l'antiterrorisme dans une zone située à 60 km à l'est de Misrata et englobant les faubourgs des localités de Bani Walid, Tarhouna, Msallata, Al-Khoms et Zliten.

Gaza: des milliers de manifestants (02.04.2018)
  • Par  Lefigaro.fr avec Reuters 

  • Mis à jour le 02/04/2018 à 18:52 

  • Publié le 02/04/2018 à 18:42
Plusieurs milliers de Palestiniens ont poursuivi lundi, dans des camps de tentes le long de la limite entre la bande de Gaza et Israël, leur mouvement en faveur du droit au retour des réfugiés et de leurs descendants vers ce qui est aujourd'hui l'Etat d'Israël, et ce bien que 17 manifestants aient été tués par l'armée israélienne depuis le début de cette action.
Le nombre de manifestants était nettement moins important lundi qu'à l'apogée des rassemblements durant le week-end. Nombre de participants présents lundi sont restés à distance, par crainte des militaires israéliens qui ont pris position de l'autre côté de la clôture.
Quelques éléments, essentiellement des jeunes, se sont néanmoins aventurés à quelques dizaines de mètres de la clôture frontalière, lançant des pierres contre les soldats israéliens, qui ont riposté par des tirs de balles réelles ou en caoutchouc, mais aussi en lançant des grenades lacrymogènes.
Le mouvement de protestation palestinien doit s'étaler sur six semaines, avec l'érection de villages de tentes en cinq emplacements le long de la frontière. Lancé vendredi dernier, le mouvement prendra fin le 15 mai, à l'occasion du 70e anniversaire de ce que les Palestiniens appellent la "Nakba", ou "catastrophe", marquant le déplacement de centaines de milliers de Palestiniens lors de la création de l'Etat d'Israël en 1948.

Plus de meurtres à Londres qu'à New York (02.04.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 02/04/2018 à 22:11 

  • Publié le 02/04/2018 à 21:08
Le nombre de meurtres commis à Londres a dépassé pour la première fois celui enregistré à New York, en février et en mars, en raison de l'augmentation des attaques au couteau dans la capitale britannique, selon le Sunday Times.
Quinze personnes ont été tuées à Londres en février, contre 14 à New York, deux villes de taille similaire, selon les chiffres de la police. En mars, 22 meurtres ont été commis à Londres, soit un de plus qu'à New York.
Mais en comparant les deux villes depuis le début de l'année, New York arrive en tête.
Selon la police londonienne, sur les 46 meurtres commis dans la capitale britannique depuis le début de l'année, 31 sont attribuables à des agressions à l'arme blanche contre laquelle la ville tente de lutter.
Elle a dit avoir dénombré huit meurtres en janvier, 15 en février, 22 en mars et un depuis début avril.
En 2017, 134 personnes ont été tuées à Londres - en incluant les victimes d'attentats -, dont 80 poignardées.
Le nombre d'homicides a cru de 40% dans la capitale britannique au cours des trois dernières années. A New York, il a chuté de 87% depuis 1990.
Entre avril 2016 et mars 2017, la police a dénombré près de 12.100 agressions au couteau dans la ville, qui ont fait plus de 4.400 blessés. Des statistiques au plus haut depuis cinq ans.
Dans la plupart des cas, les agressions ne sont pas liées à la criminalité organisée mais à des individus isolés, qui portent une arme pour se sentir en sécurité ou se donner une allure. Le phénomène touche particulièrement les mineurs, de plus en plus nombreux à porter un couteau.
Dans The Times, la cheffe de la Metropolitan Police, Cressida Dick, avait accusé samedi les médias sociaux de normaliser la violence auprès des jeunes.

Pantin: elle chute du 8e étage avec sa fille et tue un passant (02.04.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 02/04/2018 à 22:21 

  • Publié le 02/04/2018 à 21:54
Un passant est décédé dimanche à Pantin, en Seine-Saint-Denis, après avoir été blessé par la chute encore inexpliquée du 8e étage d'une femme et de sa fille de deux ans, a appris l'AFP lundi de sources concordantes.
Le pronostic vital de la femme et de l'enfant, les deux grièvement blessées, restait engagé lundi, a précisé une source proche de l'enquête.
Les circonstances de leur chute, dimanche peu avant 17 heures à la lisière entre Pantin et Aubervilliers, demeurent "inconnues pour l'heure", a-t-elle ajouté.
Une source policière a rapporté que la femme s'est "jetée dans le vide d'une fenêtre de son appartement (...) entraînant sa fille de deux ans dans sa chute".
Un homme qui marchait dans la rue en contrebas a alors été "percuté" par la femme, selon cette source.
Souffrant de graves blessures au thorax et à la hanche, il a été transporté à l'hôpital où il est décédé trois heures plus tard.
Une enquête visant à déterminer les causes de sa mort a été confiée à la sûreté territoriale, a indiqué le parquet de Bobigny.

Israël suspend l'accord sur les migrants (02.04.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec agences 

  • Mis à jour le 02/04/2018 à 22:34 

  • Publié le 02/04/2018 à 22:07
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a annoncé lundi soir suspendre l'application de l'accord conclu avec l'ONU pour la réinstallation de migrants africains vivant en Israël dans des pays occidentaux tel qu'il avait été présenté plus tôt dans la journée.
"J'ai décidé de suspendre l'application de cet accord et d'en repenser les termes", a écrit Benjamin Netanyahou sur sa page Facebook, affirmant avoir été attentif aux critiques contre cet accord qui devait voir 16.250 migrants africains rejoindre des pays occidentaux.
Selon les termes de l'accord, entre 16.000 et 37.000 ressortissants africains entrés en Israël illégalement devaient être relocalisés dans des pays occidentaux tandis que d'autres seraient autorisés à rester sur le sol hébreu.
Le sort de quelque 37.000 réfugiés africains a déchiré la société israélienne, les nationalistes faisant pression sur le gouvernement pour réclamer leur expulsion tandis que d'autres estimaient qu'une telle mesure contredisait le principe même de la fondation d'Israël en tant que foyer pour les juifs fuyant les persécutions.
En février, les autorités avaient commencé à notifier environ 20.000 migrants de sexe masculin, en grande majorité originaires du Soudan et d'Érythrée, qu'ils avaient deux mois pour quitter le pays sous peine d'être jetés en prison. Elles leurs offraient 3.500 dollars et un billet d'avion pour gagner un pays africain jugé "sûr". Selon les médias israéliens, il s'agissait du Rwanda.

Mohammed ben Salmane: "Les Israéliens ont droit à leur propre terre" (02.04.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec Reuters 

  • Mis à jour le 02/04/2018 à 22:19 

  • Publié le 02/04/2018 à 22:17
Le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, a estimé lundi qu'Israël avait le droit de vivre en paix sur son territoire, une nouvelle affirmation publique des relations entre le royaume saoudien et l'Etat hébreu.
Mohammed ben Salmane était interrogé pour savoir s'il estimait qu'Israël avait le droit de disposer d'un Etat au moins en partie sur les terres dont il revendique la propriété historique.
"Je pense que les Palestiniens et les Israéliens ont droit à leur propre terre. Mais nous devons obtenir un accord de paix pour garantir la stabilité de chacun et entretenir des relations normales", explique le prince héritier dans le magazine américain The Atlantic.
L'Arabie saoudite, qui abrite plusieurs lieux saints de l'Islam, ne reconnaît pas Israël. Sa ligne diplomatique est depuis de nombreuses années de demander le retrait des forces israéliennes des territoires occupés depuis 1967, que les Palestiniens revendiquent pour leur Etat.
"Nous avons des inquiétudes religieuses concernant la mosquée sacrée à Jérusalem et concernant le droit des Palestiniens. Nous n'avons d'objection contre aucun autre peuple", ajoute-t-il.
L'accroissement des tensions entre l'Iran et l'Arabie saoudite ont alimenté les spéculations sur un possible rapprochement entre les Saoudiens et les Israéliens qui considèrent les uns et les autres les Iraniens comme une menace immédiate.
Le mois dernier, Riyad a ouvert pour la première fois son espace commercial aérien à des vols israéliens, une décision qui a demandé deux années de négociations.

Ajaccio: 3 hommes mis en examen après l'agression de gendarmes (03.04.2018)
  • Par  Le Figaro.fr 

  • Mis à jour le 03/04/2018 à 08:08 

  • Publié le 03/04/2018 à 08:00
Trois hommes, inconnus des services de police ont été mis en examen pour «violence en réunion sur militaire de la gendarmerie en raison de leur fonction et de leur appartenance à une nation», a rapporté France Bleu RCFM, hier soir. Un quatrième homme âgé de 24 ans a déjà été mis en examen et écroué samedi soir.
Trois gendarmes avaient été roués de coups cette nuit par une dizaine d’agresseurs en plein centre-ville d’Ajaccio, en Corse-du-Sud à l’issue d’une altercation à la sortie d'un bar.
LIRE AUSSI: 

Pakistan: l'EI revendique l'attaque d'une famille chrétienne (03.04.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec Reuters 

  • Mis à jour le 03/04/2018 à 09:07 

  • Publié le 03/04/2018 à 09:05
L'organisation Etat islamique a revendiqué aujourd'hui le meurtre de quatre membres d'une famille chrétienne commis lundi dans le sud-ouest du Pakistan. Un communiqué affirme que des membres du groupe djihadiste ont ouvert le feu sur un groupe de chrétiens à Quetta, tuant quatre d'entre eux. Selon les autorités, la famille ciblée circulait à bord d'un pousse-pousse lorsque des hommes armés juchés sur une moto ont ouvert le feu en leur direction.
Cette attaque a été commise au lendemain de la célébration de Pâques par la communauté chrétienne qui représente près de 2% des 208 millions d'habitants recensés au Pakistan. Les minorités religieuses sont fréquemment ciblées par les extrémistes sunnites qui visent le plus souvent des chrétiens et des chiites. En décembre, deux kamikazes se sont ainsi fait exploser une semaine avant Noël dans une église du sud-ouest du Pakistan, tuant une dizaine de fidèles et en blessant près de 60. L'EI avait revendiqué l'attaque.

Plainte pour viol : "On m'a répondu que je voulais me rendre intéressante" (03.04.2018)
Par Baptiste Erondel | Le 03 avril 2018
Plus de 500. C'est le nombre de témoignages de victimes qu'ont recueillis le collectif «Le groupe F» et le Tumblr «Paye ta police» après avoir lancé un appel à témoin, pour illustrer la mauvaise prise en charge des violences sexuelles par les forces de l'ordre.
Refus de plainte, banalisation des faits ou culpabilisation de la victime... Les femmes qui se rendent dans les commissariats et gendarmeries pour des violences restent mal prises en charge, selon des témoignages recueillis par un mouvement féministe, et publiés ce mardi 3 avril.
Lancé le 12 mars par le Groupe F, nouveau mouvement de Caroline de Haas, et la page «Paye ta police» du réseau social Tumblr, l'appel à témoins a suscité en dix jours plus de 500 témoignages, selon ses initiateurs, qui voient dans la police et la gendarmerie «le maillon indispensable pour en finir avec les violences sexistes et sexuelles». Dans la foulée du mouvement Me Too et des nombreux déclarations de victimes sur le Web, et partant du constat que «porter plainte, ce n'était pas si facile que ça», le collectif entend changer la donne avec cette initiative.
Après les avoir «relus, synthétisés, placés sur une carte», il ressort que dans neuf cas sur dix, les témoignages de faits plus ou moins récents (70% datent de moins de cinq ans) font état d'une mauvaise prise en charge. «Le fait le plus fréquent étant le refus de prendre une plainte ou le découragement de la victime à porter plainte.» Viennent ensuite «la remise en question de l'importance des faits» et «la culpabilisation des victimes», selon l'enquête.
"Pensez à vos enfants"
Le policier lui a répondu que ce n'était pas un viol car elle avait invité l'agresseur chez elle
Une proche de victime, l'ayant accompagnée au commissariat, et dont le témoignage a été recueilli par le Groupe F
Parmi les témoignages reçus, celui d'une femme voulant porter plainte pour violences conjugales en 2016 et à qui il a été répondu : «Ce n'est pas grand-chose, pensez à vos enfants». Ou encore celui d'une jeune femme venue déposer plainte pour viol, en 2016. «Le policier lui a répondu que ce n'était pas un viol car elle avait invité l'agresseur chez elle», raconte son amie qui l'accompagnait. Une des jeunes victimes, abusée en 2008 à l'âge de 13 ans, a témoigné d'une situation qui en dit long. «On m'a répondu que je voulais me rendre intéressante et on m'a demandé la couleur du canapé sur lequel mon agression a eu lieu, parce que, je cite, "si c'est vrai, tu as eu le temps de regarder le décor de la salle."»
«Ces comportements, nombreux, ont pour conséquence de décourager les victimes, parfois d'ajouter à la maltraitance déjà subie. Ces dysfonctionnements les découragent d'aller porter plainte et envoient un message d'impunité aux agresseurs», estiment les auteurs de l'enquête, ajoutant «avoir reçu des témoignages montrant qu'une bonne prise en charge, bienveillante, sans jugement, est possible».
Depuis plusieurs années, des dispositifs ont été mis en place pour améliorer la prise en charge des femmes par les forces de l'ordre. Une sensibilisation renouvelée après l'affaire Weinstein qui a libéré la parole des femmes victimes d'abus. Selon les statistiques du ministère de l'Intérieur, les plaintes pour viols et agressions sexuelles ont augmenté respectivement 12% et 10% en 2017 par rapport à 2016.
Le Groupe F, nouveau mouvement de Caroline de Haas
La féministe Caroline de Haas, cofondatrice de l'association Osez le féminisme, en 2009, a annoncé le 29 mars la création du groupe F, un mouvement qu'elle définit comme la «première agence non gouvernementale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles». Le groupe est d'ailleurs en plein recrutement et s'associe à cette enquête pour faire valoir son action qui tient en un seul mot d'ordre : l'action.
«Nous recrutons des agentes et des agents partout en France et leur confions une mission chaque jour pour faire reculer toutes les violences», peut-on lire sur le site internet du Groupe F, déterminé à changer les mentalités.

Critiqué par Tim Cook, Mark Zuckerberg s'en prend à Apple (03.04.2018)

  • Mis à jour le 03/04/2018 à 12:35 

  • Publié le 03/04/2018 à 12:08
Le PDG de Facebook estime que son entreprise a «à cœur» les intérêts de ses utilisateurs, et accuse en filigrane Apple d'être une entreprise réservée aux riches.
Mark Zuckerberg est un peu sorti de sa réserve habituelle. Le PDG de Facebook a répondu aux critiques de Tim Cook sur son entreprise et son modèle économique, dans une interview accordée dimanche au site américain Vox. Le PDG d'Apple avait notamment reproché au réseau social son utilisation des publicités ciblées, reprenant en substance l'adage populaire «si un service est gratuit, c'est l'utilisateur qui est le produit».
«Je trouve cette critique, le fait qu'on se soucierait moins de nos utilisateurs parce qu'ils ne paient pas notre service, très désinvolte et fausse», a expliqué Mark Zuckerberg. «La réalité, c'est que lorsqu'on construit un service pour connecter le monde entier, beaucoup de personnes ne pourront pas se le payer. Et donc, pour beaucoup de média, la publicité est le seul modèle rationnel qui permet de donner accès à un service au plus grand nombre.»
«Nous voulons construire un service qui n'est pas seulement utilisé par les riches»
Depuis deux semaines, Facebook se débat avec les conséquences de l'affaire Cambridge Analytica, un scandale autour du recueil des données en ligne et de leur exploitation par des sociétés tierces. Interrogé à ce sujet à plusieurs reprises, Tim Cook avait estimé qu'il ne serait «jamais retrouvé» dans la situation de Mark Zuckerberg. «Nous pourrions nous faire beaucoup d'argent si nous monétisions nos clients, s'ils étaient notre produit. Mais nous avons choisi une autre voie», avait expliqué le PDG d'Apple, lors d'une interview accordée à la chaîne télévisée MSNBC et au site Recode.
Des propos rejetés en bloc par Mark Zuckerberg. Dans son interview à Vox, il s'en est pris, à son tour, au modèle économique du fabricant de l'iPhone. «Il faut dépasser ce syndrome de Stockholm et ne pas laisser des entreprises, qui font beaucoup d'efforts pour vous faire dépenser beaucoup d'argent, vous convaincre qu'elles s'occupent mieux de vous que les autres. C'est ridicule», a estimé le PDG de Facebook. «Si l'on veut construire un service qui n'est pas seulement utilisé par les riches, il faut le rendre abordable.»
Malgré tout, de nombreuses personnes et autorités partagent la méfiance de Tim Cook. Facebook est convoqué auprès de plusieurs instances dans le monde pour s'expliquer sur l'affaire Cambridge Analytica, en Europe et aux États-Unis. Pour calmer les inquiétudes, le réseau social a annoncé la semaine dernière des nouveaux outils pour mieux contrôler ses paramètres de confidentialité. Néanmoins, ces derniers étaient déjà prévus de longue date par Facebook, afin de se mettre en conformité avec le règlement européen de protection des données, qui entrera en vigueur le 25 mai.
La rédaction vous conseille

Une mesure antiterroriste de Bercy vire au casse-tête pour les PME (02.04.2018)
Par Corinne Caillaud
Mis à jour le 03/04/2018 à 11h09 | Publié le 02/04/2018 à 17h36
La loi Sapin 2 de 2016 impose aux sociétés non cotées de déclarer leur «bénéficiaire effectif» avant le 1er avril. Or très peu le savaient…
Afin de lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme, mais aussi l'évasion fiscale, une disposition de la loi Sapin 2 de décembre 2016 obligeait tout dirigeant de société française non cotée - et ce quelle que soit sa forme (SARL, SCI familiale, etc.) - à enregistrer avant le 1er avril, au greffe de son tribunal de commerce, l'identité de la ou les personnes physiques détenant plus de 25 % du capital ou des droits de vote, ou exerçant un pouvoir de contrôle sur celle-ci. Or beaucoup de patrons concernés ont découvert cette nouvelle formalité il y a seulement quelques jours et n'ont pas pu se mettre en conformité.
Pour certains dirigeants, cette mesure - à laquelle la grande majorité d'entre eux adhère - vire au casse-tête onéreux. Outre les frais de déclaration au registre des bénéficiaires effectifs (RBE) qui varient de 24,80 à 54,42 euros par société selon sa date de création - sans compter les 48,49 euros en cas de modification ultérieure -, une amende de 7500 euros assortie d'une peine de six mois de prison est encourue pour les responsables qui ont oublié de le faire. Les administrations, les autorités judiciaires, douanières, et bancaires auront accès au registre des bénéficiaires effectifs fermé au public. Toute personne privée qui voudra le consulter devra avoir obtenu une décision de justice en ce sens.
«C'est rare qu'on ait une obligation nouvelle qui concerne autant de sociétés à la fois avec une sanction pénale pour ne pas avoir rempli un imprimé.»
Alain Couret, avocat associé au sein du cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats
Des conditions qui ont poussé François Asselin à écrire, la semaine dernière, à Bruno Le Maire. Le président de la CPME réclame au ministre de l'Économie «une mesure exceptionnelle de mansuétude jusqu'à la fin de l'année» - soit une grande souplesse dans l'appréciation des retards de déclaration - et la suppression de la sanction pénale, «manifestement disproportionnée», prévue dans la loi Sapin 2. «C'est rare qu'on ait une obligation nouvelle qui concerne autant de sociétés à la fois avec une sanction pénale pour ne pas avoir rempli un imprimé», confirme Alain Couret, avocat associé au sein du cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats.
Et ce d'autant que la loi a prévu des garde-fous pour empêcher les dissimulations d'identité derrière des sociétés écran. «Le commissaire aux comptes a l'obligation de vérifier que la déclaration a bien été faite, qu'elle ne comporte pas d'irrégularités et devra signaler toute anomalie au procureur de la République», précise encore Delphine Robin, juriste au sein du cabinet de formalités en ligne Clic Formalités.
Le texte a en effet de nombreuses limites juridiques et va sans aucun doute donner lieu à des contentieux importants.
Si l'intention est bonne, sa traduction l'est beaucoup moins. Le diable se nichant dans les détails, le texte a en effet de nombreuses limites juridiques et va sans aucun doute donner lieu à des contentieux importants. Ainsi en situation d'usufruit et de nue-propriété, la détermination du bénéficiaire effectif n'est pas claire. Pour certains, il s'agit du nu-propriétaire, pour d'autres de l'usufruitier qui aurait gardé des droits sur la société, voire des deux. Dans le cas d'un couple marié sous le régime de la communauté et dont l'un des deux est associé, l'autre époux pourrait tout à faire être considéré comme un bénéficiaire effectif, et ce au motif qu'ils partagent un bien commun.
«C'est un dispositif qui soulève des questions sans fin, toutes plus compliquées les unes que les autres», déplore ainsi Bruno Dondero, professeur de droit de la Sorbonne en charge de la doctrine juridique au sein du cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats, et coauteur, avec Alain Couret, d'un ouvrage sur le sujet, à paraître en avril. Conscient du problème, Bercy met la dernière main à la rédaction d'un décret qui définira précisément la notion de bénéficiaire effectif afin de régler les situations plus complexes.

La rédaction vous conseille :

Retour du foot au stade de Raqqa, ancien site d'exécutions de Daech (03.04.2018)
  • Par Gilles Festor
  • Mis à jour le 03/04/2018 à 16:53
  • Publié le 03/04/2018 à 16:51
LE SCAN SPORT - Le football a enfin repris ses droits au stade municipal de Raqqa, capitale de Daech et enceinte qui a longtemps servi de lieu d'exécution.
Ex-capitale de Daech reprise en octobre 2017 par les Forces démocratiques syriennes, la ville de Raqqa retrouve petit à petit ses habitudes d'avant le siège de l'Etat Islamique. Correspondant de Radio France à Beyrouth, Omar Ouahmane a publié sur son compte Twitter une vidéo qui témoigne de la renaissance du sport dans cette cité du nord du pays et notamment de son stade.
Au cours de cette séquence d'un peu plus de deux minutes, on aperçoit deux équipes disputer une rencontre devant des tribunes vides, détruites, et sur un terrain en très mauvais état, mais le ballon rond a bel et bien repris le pouvoir dans cette enceinte au passé très sombre. L'EI avait fait de ce stade un lieu de tortures et d'exécutions. «Les habitants de Raqqa l'avaient surnommé le stade noir, Daech s'en servait de centre de torture et d'exécution. Le stade municipal de l'ancienne capitale des jihadistes a accueilli le premier match de football depuis des années», souligne le reporter qui a pu assister à cet événement.
«Quand je suis entré dans le stade, j'étais terrifié, je tremblais : tout est revenu dans ma tête.»
Selon Omar Ouahmane, une centaine de personnes ont pris place dans les tribunes avec, parmi elles, un groupe de jeunes filles assises juste au-dessus des sous-sols, utilisés comme prisons par Daech entre 2014 et 2017. Le journaliste a pu récolter le témoignage d'Ahmed, ancien prisonnier: «Quand je suis entré dans le stade, j'étais terrifié, je tremblais: tout est revenu dans ma tête. On arrivait ici les yeux bandés...J'y suis resté cinq jours, avant d'être transféré à la prison de Takba, où j'ai passé quatre mois.»

Comment l'Union européenne envisage la lutte contre les fake news (03.04.2018)
  • Par  David Alandete 

  • Publié le 03/04/2018 à 11:14

FIGAROVOX/TRIBUNE - Dans le quotidien espagnol El País, David Alandete suggère quelques mesures qui pourraient être adoptées par l'Union européenne pour lutter contre la propagation de fausses informations. Celles-ci sont, selon lui, autant de moyens propres à déstabiliser le fonctionnement des institutions européennes.

Par David Alandete, rédacteur en chef à El País.


L'Europe semble peu inquiète devant l'éventualité, pourtant bien réelle, de se retrouver dans un an avec un Parlement anti-européen. Jusqu'à présent, le fait que des eurosceptiques tels que Nigel Farage ou Marine Le Pen occupent des sièges au Parlement européen était presque anecdotique. Mais pour les élections de mai 2019, les populistes de gauche comme de droite, sous l'égide de la Russie, sont à même de former un bloc qui pourrait entraîner cinq ans de chaos à Bruxelles. De son côté, Moscou a entrevu les vastes opportunités qu'un tel chaos pourrait représenter. Son dispositif technologique d'ingérence a contribué à déstabiliser, entre autres, le Royaume-Uni du Brexit, l'Italie de la Ligue du Nord et l'Espagne de la crise indépendantiste catalane. La récente victoire de Vladimir Poutine lui a été essentielle pour démontrer que les choses ne vont finalement pas si mal en Russie, compte tenu de la situation en Europe et aux États-Unis.
En dépit des activités patentes de désinformation menées par la Russie sur tout le continent russe, la Commission européenne est peu encline à légiférer pour protéger l'exercice, jusqu'à présent si sacré, des élections libres. Et rien, absolument rien, ne semble indiquer que le Kremlin laissera échapper une telle opportunité de semer le chaos à Bruxelles. Il s'agirait alors de la plus grande victoire de Vladimir Poutine sur les valeurs occidentales.
Le problème, qui ne porte pas seulement sur la diffusion de fausses informations, se révèle bien plus large et complexe. En effet, les révélations hostiles et les manipulations ne datent pas d'hier. Il s'agit d'un problème de taille. De nos jours, les fake news circulent en quantités industrielles grâce à des technologies qui permettent à la fois de manipuler les algorithmes des réseaux sociaux et de duper les citoyens en leur présentant une réalité alternative nourrie de problèmes exacerbés nécessitant des mesures radicales. Les médias russes ont dépeint une Italie et une Allemagne débordées par les actes de délinquance des populations réfugiées, un Royaume-Uni dévoré sans relâche par Bruxelles et une Espagne répressive ayant ignoré la volonté unanime du peuple catalan.
Toutes ces inventions ont été recueillies par des médias tels que RT ou Sputnik, financés par le Kremlin, et par le biais de méthodes journalistiques douteuses d'un point de vue éthique. Par la suite, leurs messages ont été déployés à travers la mise en œuvre d'interaction entre des centaines de milliers de comptes inactifs sur les réseaux sociaux, activés au gré du Kremlin lors de chaque campagne. La Russie exploite le fait que les téléphones mobiles ont désormais remplacé massivement les médias tels que les journaux, la radio ou la télévision en tant que moyens d'informations des Européens. Sur internet, les médias russes rivalisent librement et à armes égales avec les journaux les plus respectés habitués à vérifier les faits et à rendre des comptes.
Les principaux réseaux sociaux et plateformes sur Internet doivent, au même titre que les médias traditionnels, être responsables des contenus qui y sont publiés.
Pour le moment, Mariya Gabriel, commissaire européenne pour l'Économie et la Société numériques, est la seule à avoir pris des mesures sur ce sujet. Elle a mandaté un groupe d'experts indépendants chargé de formuler une série de recommandations d'ici la fin du mois. La commissaire elle-même a souligné la nécessité d'une transparence accrue des algorithmes sur les plateformes technologiques, sans toutefois que cela porte atteinte aux droits de propriété intellectuelle de ces plateformes. Mais elle manque actuellement de soutiens, externes et au sein de la Commission, pour ratifier des mesures contraignantes allant au-delà des recommandations et programmes éducatifs.
De quelles mesures s'agit-il? Il est clair que la désinformation, particulièrement néfaste, n'est pas nécessairement illégale. Il s'agit d'un sujet complexe au regard duquel la liberté d'opinion et d'expression doit nécessairement être préservée. Mais il est indispensable de garantir une transparence accrue. Quelques idées peuvent être suggérées: premièrement, les moyens d'agitation utilisés par le Kremlin doivent être identifiés comme tels, de la même manière qu'ils le sont aux États-Unis. Deuxièmement, les plateformes doivent savoir si elles sont manipulées afin que les fausses informations qu'elles diffusent deviennent virales, et le signaler aux autorités politiques. Troisièmement, ces entreprises doivent adopter des pratiques moins opaques et doivent faciliter un meilleur accès aux interfaces de programmation de leurs applications, afin de nous aider à identifier les manipulations mal intentionnées. Enfin, les principaux réseaux sociaux et plateformes sur Internet doivent, au même titre que les médias traditionnels, être responsables des contenus qui y sont publiés.
La Commission européenne a prouvé qu'elle était capable de prendre des mesures dans ce domaine. Le 25 mai 2018, le nouveau Règlement sur la protection des données adopté en 2015 entrera en vigueur et restreindra significativement la nature des informations que les réseaux sociaux et autres plateformes en lignes peuvent stocker. Si la Commission, le Conseil et le Parlement européen sont parvenus à se mettre d'accord sur les nouvelles règles de protection de la vie privée en faveur des entreprises technologiques, pourquoi ne pas faire de même pour empêcher qu'elles ne soient utilisées dans le but de porter directement atteinte aux piliers de la démocratie dans son propre berceau?
La rédaction vous conseille

Israël: Nétanyahou annule l'accord sur les migrants africains (03.04.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 03/04/2018 à 13:00 

  • Publié le 03/04/2018 à 12:09
Le premier ministre Benjamin Nétanyahou a annoncé ce matin l'annulation de l'accord avec l'ONU qui prévoyait la régularisation de milliers de migrants africains en Israël et la réinstallation d'un nombre similaire dans des pays occidentaux. "Après avoir entendu de nombreuses remarques sur cet accord, j'ai examiné les avantages et les inconvénients et décidé d'annuler cet accord", a affirmé M. Nétanyahou selon un communiqué de son bureau. Il a suspendu hier soir l'application de cet accord, quelques heures seulement après son annonce.
Dans la soirée d'hier, Benjamin Nétanyahou a publié un message sur sa page Facebook, pour annoncer la suspension de l'accord. "Je suis à votre écoute, tout particulièrement celle des habitants de Tel Aviv Sud", y expliquait-il, annonçant son intention de rencontrer aujourd'hui les autorités locales. "En attendant, je vais suspendre la mise en oeuvre de l'accord, et après ma rencontre avec les autorités, je le présenterai pour un examen plus approfondi", ajoutait-il. L'annulation a finalement été annoncée lors de cette rencontre, selon le communiqué.
Conclu avec le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), cet accord avait vocation à se substituer à un programme d'expulsions ayant fait l'objet d'une vive controverse et qui a été annulé. Il prévoyait la réinstallation de plus de 16.000 Soudanais et Erythréens vivant en Israël dans des pays occidentaux. En échange, l'Etat hébreu s'engageait à donner un titre de séjour à un nombre équivalent devant rester sur son territoire. La mise en oeuvre de l'accord devait s'étaler sur cinq ans.
Benjamin Nétanyahou a été critiqué de tous bords, dans un premier temps à droite (son propre camp), lorsqu'il a annoncé hier l'annulation du programme initial d'expulsions et son remplacement par l'accord avec le HCR. Puis, à gauche, quand il a fait volte-face en soirée, en suspendant ce nouvel accord. "Malgré les restrictions juridiques et difficultés croissantes, nous allons continuer avec détermination à tout mettre en oeuvre pour sortir les clandestins du pays", a clamé aujourd'hui M. Nétanyahou, selon le communiqué de son bureau. La décision du premier ministre a été considérée comme une tentative d'apaiser sa base électorale et de conserver ses soutiens dans un moment d'incertitude politique.
D'après les autorités israéliennes, 42.000 migrants africains vivent actuellement en Israël. Les femmes et les enfants n'étaient pas menacés par le plan initial d'expulsions. Ces migrants sont arrivés majoritairement après 2007, à partir du Sinaï. La frontière à l'époque poreuse avec l'Egypte a depuis été rendue quasiment hermétique. Ils se sont installés en nombre dans des quartiers pauvres de Tel-Aviv, la grande ville côtière d'Israël. 
En février, les autorités avaient commencé informer 20.000 migrants de sexe masculin (en majorité Soudanais et Erythréens), qu'ils avaient deux mois pour quitter le pays sous peine d'être jetés en prison. Elles leurs offraient 3.500 dollars et un billet d'avion pour gagner un pays africain jugé "sûr". Selon les médias israéliens, il s'agissait du Rwanda. Les organisations de défense des droits de l'homme ont protesté contre cette décision. Elles ont saisi la Cour suprême israélienne, qui a ordonné il y a deux semaines le gel des expulsions.
Le gouvernement israélien a fait construire ces dernières années une clôture tout le long de sa frontière avec l'Egypte, par laquelle environ 64.000 Africains sont arrivés en Israël depuis 2005. Un périple dangereux, notamment pendant la traversée du Sinaï égyptien où nombre de migrants ont été maltraités voire tués par les passeurs.

Jacques Julliard : «Arnaud Beltrame, le prophète désarmé» (02.04.2018)
Par Jacques Julliard
Mis à jour le 03/04/2018 à 11h09 | Publié le 02/04/2018 à 18h29
CHRONIQUE - L'historien et essayiste rend hommage à l'héroïsme du colonel Beltrame. Il analyse ensuite la nouvelle forme de l'antisémitisme en France, antisémitisme musulman, qui nécessite, pour être combattu, une mobilisation des musulmans eux-mêmes.
Le geste sublime, en dehors de toutes les séries, du colonel Beltrame, se substituant à une otage aux mains d'un tueur abominable, a donné lieu à un torrent de commentaires. J'ai hésité plusieurs jours, je l'avoue, à y ajouter le mien. Car il me semblait que la première attitude qui s'imposait face à un héroïsme exceptionnel, devait être le recueillement et la méditation. Et puis, il faut bien, à la fin, que le métier reprenne le dessus: aujourd'hui un événement se confond avec l'annonce qui en est faite.
Arnaud Beltrame, le prophète désarmé
Le premier réflexe, donc, autant que l'horreur qui nous gagne régulièrement face au terrorisme aveugle et imbécile, c'est la sidération devant quelque chose d'inhabituel, de quasi incongru. Un acte terroriste, c'est toujours un coup de pistolet au milieu du concert, comme eût dit Stendhal. Mais qu'un militaire de haut rang se propose en otage pour sauver la vie d'un semblable, et c'est toutes nos habitudes mentales qui se trouvent chamboulées. L'héroïsme n'est plus dans nos cadres de pensée. Le ruissellement de la publicité sur notre quotidien signifie la domination absolue du principe de plaisir et une incitation permanente au chacun pour soi.
Mais il y a autre chose. Le geste du colonel Beltrame ne relève pas seulement de l'héroïsme, c'est-à-dire de la forme suprême du courage. Il en faut aussi pour monter à l'assaut. Rien ne dit d'ailleurs que la solution qu'il a adoptée était techniquement la meilleure. On ne le saura jamais.
Son geste donc lui appartient en propre et porte sa marque personnelle. Venant d'un spirituel, il a valeur spirituelle. Venant d'un chrétien, il a valeur christique.
Son geste donc lui appartient en propre et porte sa marque personnelle. Venant d'un spirituel, il a valeur spirituelle. Venant d'un chrétien, il a valeur christique. Donner sa vie est en effet la forme supérieure de la charité: pour les chrétiens, Jésus est justement celui qui a sacrifié sa vie pour sauver l'humanité, car le geste sauveur est celui qui change la nature même de celui pour lequel il a été consenti.
Aurait-il fallu escamoter, au nom d'une conception pointilleuse
de la laïcité, qui aurait mieux trouvé à s'employer dans un autre contexte, les convictions spirituelles d'Arnaud Beltrame, à la fois membre
de la Grande Loge maçonnique et chrétien convaincu? C'eût été parfaitement absurde et même injurieux pour sa mémoire. La laïcité n'est pas l'absence de convictions. Au-delà de son seuil minimal, fondé sur une morale provisoire de la tolérance, elle est un pari sur la convergence de toutes les opinions fondées sur l'universel, au sein de l'humanisme républicain.
C'est du reste en républicain et en patriote que Jean-Luc Mélenchon a souligné la convergence de la foi et de l'éthique militaire chez ce «héros de la condition humaine». On pense irrésistiblement au mot d'Anatole France célébrant dans la mémoire d'Émile Zola, l'auteur de  J'accuse, «un moment de la conscience humaine».
Quand on parle fort, il se trouve toujours quelqu'un pour entendre le message, et le message d'Arnaud Beltrame est l'un des plus forts qui aient été envoyés depuis longtemps à notre chère et vieille nation.
Mais laissons cela, qui devrait aller de soi. Dans une admirable oraison funèbre, le président Macron a su placer le geste d'Arnaud Beltrame et la «transcendance qui le portait» sous le signe de la résistance patriotique, invoquant les grands noms de cette Résistance, de Jeanne d'Arc à Jean Moulin et au général de Gaulle. Il y avait déjà parmi eux, et personne n'a jamais été gêné que cela fût souligné, ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n'y croyaient pas. Le geste prophétique du colonel Beltrame implique au-delà des affrontements naturels de la politique, une foi commune dans les valeurs de la République. Ce patriotisme républicain n'a jamais nui à la radicalité des points de vue, comme en témoigne le programme du Conseil national de la Résistance.
Certes, il serait bien optimiste d'attendre de l'émotion ressentie par la nation à l'occasion du sacrifice d'Arnaud Beltrame, le sursaut que la mobilisation de quatre millions de Français n'a pas obtenu durablement à la suite des crimes de Charlie Hebdo et de l'hypermarché casher de Vincennes. Mais qui sait? Quand on parle fort, il se trouve toujours quelqu'un pour entendre le message, et le message d'Arnaud Beltrame est l'un des plus forts qui aient été envoyés depuis longtemps à notre chère et vieille nation.
Mireille Knoll: le martyre
Arnaud Beltrame serait mort pour rien si nous ne parvenions pas à extirper le nouvel antisémitisme, le plus virulent, qui est en train de défigurer la France. Certes, en termes statistiques, le nombre d'actes antisémites était l'année dernière en baisse, mais ces chiffres regroupant des actes de nature et de gravité très différentes, ne signifient pas grand-chose car les juifs qui constituent moins de 1 % de la population française demeurent les victimes du tiers des actes racistes enregistrés sur le territoire.
Il y a là un déni de réalité qui sera demain le déshonneur de notre époque aux yeux des générations futures. Que la France, le pays de l'émancipation des juifs sous la Révolution, se mette à ressembler à l'Allemagne des années 1930 me remplit de honte et de rage. Quand on pense à la longue séquence qui va du martyre d'Ilan Halimi, ignoblement torturé des jours entiers par le «gang des barbares» (2006), en passant par les meurtres abjects de Mohamed Merah (2012) tuant à bout portant des enfants qu'il tenait par les cheveux, l'attentat (9 janvier 2015) de l'hypermarché casher de la porte de Vincennes, l'assassinat de Sarah Halimi (4 avril 2017) que la justice française fut longue, bien longue, bien trop longue, à reconnaître comme crime raciste, jusqu'au meurtre il y a quelques jours, dans les mêmes conditions d'ignominie de Mireille Knoll, on s'interroge.
Selon un sondage de 2017, 60 % des Français, tout en étant conscients de la source antisémite des départs de nos compatriotes juifs vers Israël ou le Canada, se déclarent indifférents.
Selon un sondage de 2017, 60 % des Français, tout en étant conscients de la source antisémite des départs de nos compatriotes juifs vers Israël ou le Canada, se déclarent indifférents. Et la gauche, la belle gauche, la gauche divine, que j'ai longtemps considérée comme le bastion de la résistance à l'antisémitisme, où était- elle pendant tout ce temps-là? Absente, comme pendant une grande partie de l'affaire Dreyfus…
Assez de ces mensonges par omission qui escamotent les crimes antisémites d'aujourd'hui de peur de déclencher les crimes islamophobes de demain! Dans son éloge du colonel Beltrame, le président de la République a dénoncé «l'islamisme souterrain». Il n'y a pas que dans les réseaux sociaux qu'il circule: il progresse aussi dans les consciences, et plus encore peut-être dans l'inconscient!
DansL'Espoir, Malraux fait dire à l'un de ses personnages que les communistes sont devenus «des curés», parce qu'ils pratiquent le double langage et la restriction de conscience. Je me demande si ce n'est pas tout l'islamo-gauchisme intellectuel qui est aujourd'hui peuplé de ces «curés-là».
Il y a quatre antisémitismes en France.
Le premier, c'est l'antisémitisme d'État sous l'Ancien Régime. Plus d'un roi de France a spolié les juifs, pour leur faire «rendre gorge». Il en est resté aujourd'hui encore, à l'état de trace, à l'extrême droite, l'idée que les juifs ne sont pas tout à fait des Français à part entière. Il y a ensuite l'antisémitisme catholique qui voyait dans les juifs les meurtriers du Christ, l'un des leurs. Celui-là, Dieu merci, a disparu. Il y a même désormais un philosémitisme et un vétéro-testamentisme de l'Église de France. Il y a encore l'antisémitisme populaire, si vivant dès le XIXe siècle, qui assimile les juifs à la banque, au capitalisme, à la richesse.
Celui-là a diffusé dans le quatrième antisémitisme, l'antisémitisme musulman, qui assure que tout juif a de l'argent. Il n'y aurait pas lieu d'accoler l'épithète de musulman au nouvel antisémitisme si les auteurs des crimes évoqués plus haut ne les accompagnaient de «Allah Akbar!» répétés ; si l'enseignement de la Shoah n'était devenu impossible dans de nombreuses classes à dominante musulmane ; si dans maintes banlieues où les musulmans sont nombreux, les juifs n'étaient pas en train de partir sur la pointe des pieds parce qu'ils sont montrés du doigt, stigmatisés, houspillés, poursuivis, persécutés.
C'est l'Église catholique qui a eu raison de l'antisémitisme chrétien. Sans l'aide des musulmans eux-mêmes, on ne pourra extirper le nouveau fléau. Mais aussi longtemps que l'«islamisme souterrain» dominera l'inconscient en imposant la peur et la loi du milieu, cet antisémitisme persistera. Il serait temps que l'on regarde cette vérité en face.
Contre les communautarismes
La mort héroïque du colonel Arnaud Beltrame et le martyre de Mireille Knoll comportent une leçon commune,
qui domine toutes les autres: la France doit renouer avec les valeurs universelles qui fondent l'humanisme républicain.
J'avoue n'avoir toujours pas très bien compris en quoi consistait l'anti-humanisme théorique de la génération structuraliste des Lévi-Strauss, Foucault, Derrida. La volonté de dénoncer les impostures d'un humanisme passe-partout qui s'accompagnait de grands crimes, à commencer par ceux du colonialisme, se conjuguait avec une réflexion inachevée sur la notion de nature humaine. Mais lorsque Jean-Marie Domenach, alors directeur de la revue Esprit interrogea Michel Foucault, avec lequel il avait fondé le GIP (groupe d'information sur les prisons), sur les raisons qui fondaient la militance humanitaire de cet anti-humaniste, la réponse de celui-ci fut embarrassée et très incomplète.
Nous sommes bien obligés d'admettre que chez les meilleurs et les plus généreux, l'anti-humanisme théorique s'accompagnait d'un véritable humanisme pratique.
Je ne veux tirer qu'une conclusion d'un débat philosophique qui n'est pas ici mon affaire: ne laissons dire à personne que les valeurs universelles de l'humanisme, sous prétexte qu'elles ont été définies et (parfois) portées par l'Occident ne sont en réalité que les valeurs particulières de cet Occident.
C'est pourtant ce qui est au tréfonds de toutes les théories communautaristes qui ont cours aujourd'hui, qu'elles concernent les races, les civilisations, voire les sexes. Là aussi il nous faut résister et affirmer calmement, fermement, que les progrès de l'humanité, et plus encore la réconciliation de l'humanité avec elle-même supposent des valeurs communes à tous les hommes, à toutes les sociétés, et surtout qu'il faut politiquement privilégier parmi eux et parmi elles ce qui les unit plutôt que ce qui les distingue: le communautarisme, voilà l'ennemi!
Jacques Julilard est éditorialiste de l'hebdomadaire Marianne 
La rédaction vous conseille :


Jacques Julliard : « Qu'est-ce que l'islamo-gauchisme ? » (26.08.2016)

Par Jacques Julliard
Publié le 26/08/2016 à 19h44
FIGAROVOX/ARCHIVES - La gauche se divise sur le Burkini. L'historien Jacques Julliard dans ses carnets du Figaro avait livré une puissante réflexion sur l'islam et la gauche. Elle peut être éclairante dans le débat actuel.

Historien des gauches, éditorialiste à Marianne, Jacques Julliard est l'une des grandes figures de la vie intellectuelle en France.

Il y a un problème de l'islamo-gauchisme. Pourquoi et comment une poignée d'intellectuels d'extrême gauche, peu nombreux mais très influents dans les médias et dans la mouvance des droits de l'homme, ont-ils imposé une véritable sanctuarisation de l'islam dans l'espace politique français? Oui, pourquoi ces intellectuels, pour la plupart agnostiques et libertaires, se sont-ils brusquement pris de passion pour la religion la plus fermée, la plus identitaire, et, dans sa version islamiste, la plus guerrière et la plus violente à la surface du globe? Pourquoi cette étrange intimidation, parée des plumes de la morale? Pourquoi ne peut-on plus parler de l'islam qu'en présence de son avocat?
Le résultat est stupéfiant, aberrant. On vient en effet d'assister, en l'espace de deux ou trois ans, à la plus incroyable inversion de presque tous les signes distinctifs de la gauche, ceux dans lesquels traditionnellement elle se reconnaît et on la reconnaît.
Longtemps, la laïcité fut pour la gauche le marqueur par excellence pour s'opposer à la droite.
Au premier rang d'entre eux, la laïcité. Longtemps, elle fut pour elle le marqueur par excellence pour s'opposer à la droite.
Or voici que brusquement, elle est devenue suspecte à une partie de l'extrême gauche intellectuelle, qui a repris sans vergogne à son compte les errances de Nicolas Sarkozy sur la prétendue «laïcité ouverte». Car la laïcité de papa, dès lors qu'elle s'applique à l'islam, et non plus au seul catholicisme, apparaît soudain intolérante, voire réactionnaire. Pis que cela, elle charrierait avec elle de vagues relents de revanche catholique! Depuis que l'Église s'y est ralliée, elle serait devenue infréquentable!
Or la République à son tour est devenue suspecte. N'a-t-elle pas une connotation presque identitaire, «souchienne» disent les plus exaltés, pour ne pas dire raciste? N'est-elle pas le dernier rempart de l'universalisme occidental contre l'affirmation bruyante de toutes les minorités? N'est-elle pas fondée sur ce qui rapproche les hommes plutôt que sur ce qui les distingue? Un crime majeur aux yeux des communautaristes.
la République à son tour est devenue suspecte.
Il ne reste plus qu'à faire entrer le dernier suspect: c'est le peuple lui-même! N'est-ce pas Frédéric Lordon, un des porte-parole des Nuits debout (2 000 participants) qui attribue à son mouvement le mérite d'avoir «lavé» la place de la République de ses passions tristes, la commémoration officielle, la panique (un million de personnes)? Tout est dit, tout est enfin avoué.La récusation du peuple par les bobos, qu'ils soient modérés, façon Terra Nova, ou extrémistes, façon islamo-gauchiste, est un fait politique de grande importance, propre à transformer, selon le mot lumineux de Léon Blum, un parti de classe en parti de déclassés.
Il y a quelque chose d'insolite dans le néocléricalisme musulman qui s'est emparé d'une frange de l'intelligentsia. Parce que l'islam est le parti des pauvres, comme ils le prétendent? Je ne crois pas un instant à ce changement de prolétariat. Du reste, allez donc voir en Arabie saoudite si l'islam est la religion des pauvres. Je constate plutôt que l'islamo-gauchisme est né du jour où l'islamisme est devenu le vecteur du terrorisme aveugle et de l'égorgement.
Il ne reste plus qu'à faire entrer le dernier suspect : c'est le peuple lui-même !
Pourquoi cette conversion? Parce que l'intelligentsia est devenue, depuis le début du XXe siècle, le vrai parti de la violence. Si elle préfère la Révolution à la réforme, ce n'est pas en dépit mais à cause de la violence. Sartre déplorait que la Révolution française n'ait pas assez guillotiné. Et si je devais établir la liste des intellectuels français qui ont adhéré au XXe siècle, les uns à la violence fasciste, les autres à la violence communiste, cette page n'y suffirait pas. Je préfère citer les noms des quelques-uns qui ont toujours témoigné pour la démocratie et sauvé l'honneur de la profession: Camus, Mauriac, Aron. Il doit y en avoir quelques autres. Je laisse le soin aux psychologues et aux psychanalystes de rechercher, dans je ne sais quel réflexe de compensation, une explication de cette attirance des hommes de plume et de parole pour le sang, en un mot de leur préférence pour la violence.
L'autre explication, je l'ai déjà suggéré, c'est ce qu'il faut bien appeler la haine du christianisme. Il est singulier de voir ces âmes sensibles s'angoisser des progrès de la prétendue «islamophobie», qui n'a jamais fait un mort, hormis les guerres que se font les musulmans entre eux, quand les persécutions dont sont victimes par milliers les chrétiens à travers le monde ne leur arrachent pas un soupir. Singulier que le geste prophétique du pape François, ramenant symboliquement de Lesbos trois familles de migrants musulmans, ne leur ait pas tiré un seul applaudissement. Ils ont abandonné la laïcité, mais ils ont conservé l'anticléricalisme. Pis, l'antichristianisme.
Quant à moi, qui continue de croire plus que jamais à la République, au peuple, à la laïcité, au Sermon sur la montagne, je ne laisserai jamais dire que cette gauche-là représente la gauche.
La rédaction vous conseille :
Jacques Julliard

«Israël a droit à un territoire»: nouveau geste saoudien envers l'État hébreu (03.04.2018)

  • Mis à jour le 03/04/2018 à 14:40 

  • Publié le 03/04/2018 à 12:44
Aux États-Unis, le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman a déclaré que «les Israéliens avaient droit à leur propre terre». Mais pourra-t-il aller plus loin sur un sujet aussi sensible?
C'est une déclaration qui intervient après de nombreux gestes d'ouverture adressés par l'Arabie envers son ancien ennemi israélien. «Je pense que les Palestiniens et les Israéliens ont droit à leur propre terre», a déclaré dans un entretien publié lundi par la revue américaine The Atlantic , le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman (MBS), actuellement en tournée aux États-Unis.
Mais pour aller plus loin dans ce concubinage de moins en moins secret entre Riyad et Tel Aviv, le jeune prince a pris soin de préciser que «nous devons obtenir un accord de paix pour garantir la stabilité de chacun et entretenir des relations normales». MBS sous-entend qu'il ne pourra y avoir de relations diplomatiques entre l'Arabie et Israël, tant que le conflit israélo-palestinien ne sera pas résolu, et que les Palestiniens ne disposeront pas d'un État. Mais de quel État parle-t-on, dans l'esprit du jeune leader saoudien? Alors que Donald Trump prépare un «plan de paix» entre Israéliens et Palestiniens bien loin de répondre aux aspirations nationales des Palestiniens, fondées sur les résolutions 242 et 338 de l'ONU, MBS - qui entretient d'excellentes relations avec Jared Kushner, le gendre de Trump - pourrait au contraire, selon plusieurs indiscrétions, avaliser ces idées américaines.
«Il y a beaucoup d'intérêts que nous partageons avec Israël, explique MBS, et, s'il y a la paix, il y aura beaucoup d'intérêts entre Israël et les pays du Conseil de coopération du Golfe», c'est-à-dire l'Arabie, les Émirats arabes unis, le Koweït, Qatar, Oman et Bahreïn.
Trump, un allié de taille pour Tel Aviv et Riyad contre la menace iranienne
Au premier rang de ces intérêts communs figure la menace iranienne, partagée par l'Arabie et Israël. Pour Tel Aviv et Riyad, le renforcement de l'influence iranienne au Moyen-Orient doit être, à tout prix, contrée. Les deux pays ont trouvé en Donald Trump un allié de taille dans ce combat. Pour Tel Aviv, c'est d'abord le renforcement de son ennemi chiite libanais, le Hezbollah, présent désormais dans le sud de la Syrie, qu'il faut impérativement freiner. Pour l'Arabie, plus que le départ d'Assad du pouvoir à Damas, c'est le maintien d'un axe Téhéran-Damas, qui lui est insupportable. MBS l'a clairement dit dans une autre de ses interviews données aux médias américains: «Bachar va rester au pouvoir, mais j'espère qu'il ne va pas être une marionnette entre les mains des Iraniens», a-t-il affirmé au magazine Time.
Depuis deux ans déjà, les signes de décrispation se sont multipliés entre Saoudiens et Israéliens. Un ex-officiel saoudien a rencontré à plusieurs reprises le prince Turki al-Faysal, ex-patron des renseignements saoudiens. Le mois dernier, l'Arabie saoudite a ouvert pour la première fois son espace commercial aérien à des vols israéliens, une décision qui a pris deux années de négociations. Le rapprochement va très vraisemblablement jusqu'à des échanges entre responsables des renseignements israéliens et saoudiens, voire plus, selon certaines sources sécuritaires françaises.
« Nous avons des inquiétudes religieuses concernant la mosquée sacrée à Jérusalem. »
MBS à The Atlantic
Mais à Riyad, où l'on n'ignore pas qu'Israël voudrait aller encore plus vite dans ce rapprochement - à la fois pour contrer l'Iran et pour affaiblir les Palestiniens - le sujet est sensible. À preuve: ce mardi, le roi Salman lui-même a réaffirmé «la position habituelle du royaume à l'égard de la question palestinienne et les droits légitimes du peuple palestinien à disposer d'un État indépendant avec Jérusalem comme capitale», selon un communiqué de l'agence officielle SPA. Une fraction importante de la population saoudienne, adepte d'une version ultrarigoriste de l'islam, voit d'un mauvais œil cette nouvelle amitié avec Israël. D'autant que la question de Jérusalem attise les tensions. «Nous avons des inquiétudes religieuses concernant la mosquée sacrée à Jérusalem», a ajouté le prince héritier dans son entretien à The Atlantic. Le transfert de l'ambassade américaine à Jérusalem, ajouté au projet de l'équipe Trump de faire, semble-t-il, du faubourg de Abou Dis la «capitale» d'un futur État palestinien dont la naissance reste virtuelle, alimentent les réticences saoudiennes.
En 2002, déjà, le roi saoudien Abdallah avait proposé, au nom des pays arabes, son plan de paix à Israël qui reposait sur l'édification d'un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale, en échange de la reconnaissance et de la normalisation de l'État hébreu par tous les pays arabes. Un plan rejeté par Ariel Sharon, le premier ministre israélien de l'époque.
La rédaction vous conseille

Georges Bensoussan, le procès d’un innocent ? (3 avril 2018)
L'historien de la Shoah à nouveau mis devant les tribunaux par les apôtres de l'islamophobie
Par Jacques Tarnero  - 3 avril 2018
Georges Bensoussan, 2016. ©DRFP/Leemage

Accusé d’incitation à la haine par les apôtres de l’islamophobie pour avoir cité de mémoire, dans le contexte particulier d’un débat, les propos du sociologue Smaïn Laacher évoquant la dimension culturelle de l’antisémitisme « dans les familles arabes », l’historien de la Shoah Georges Bensoussan, a été relaxé il y a un an. Jeudi 29 mars avait lieu son procès en appel.

L’absurde disputait au droit la tenue du procès en appel de Georges Bensoussan, jeudi 29 mars. Un procès est affaire de symbole, de codes culturels, de rituels, tout comme le droit s’inspire de la culture qui l’a construit. Quand la cour entre dans la salle d’audience tout le monde se lève.
Faites entrer la femme voilée
Être le témoin de la présentation d’une vidéo apportée par une femme voilée à la présidence du tribunal, comme témoignage à charge contre Georges Bensoussan, avait quelque chose de totalement surréaliste. Comment la présidente a-t-elle pu ne pas exiger de cette personne de se présenter tête nue devant la cour ? La farce, la mauvaise foi, le dévoiement des mots ont révélé en creux comment le droit peut être détourné, dévoyé. Feindre d’utiliser les armes de la justice pour détruire le vrai, feindre de respecter les règles de la démocratie pour imposer un ordre totalitaire, tel était l’enjeu fondamental du procès en appel de Georges Bensoussan.
Il faut être particulièrement aveugle pour ne pas le voir. Ce que veulent les parties civiles c’est le faire condamner, c’est pouvoir afficher à leur tableau de chasse ce superbe trophée : l’historien du Mémorial de la Shoah ne serait qu’un raciste anti-musulman et anti-arabe qui se dissimulerait à l’ombre de ses travaux portant sur les crimes nazis commis contre les Juifs. Cette stratégie de djihad judiciaire mise au point par le Comité contre l’islamophobie en France (CCIF) sait utiliser les moyens du droit qui régissent une société démocratique, elle sait se faire passer pour victime et accabler celui qui la dévoile pour le désigner comme agresseur.
Demande de requalification pour « injure raciale »
Comment l’Etat peut-il se prêter à cette sinistre mascarade ? Comment ces signalements pour provocation à la haine ont-ils pu être déclarés recevables par le Ministère public au lieu d’être éconduits ? Comment cette procédure d’appel peut-elle se tenir avec la participation du parquet aux côtés des parties civiles ? L’avocat général a reconnu qu’elle n’avait rien trouvé dans les mots de Georges Bensoussan qui puisse accréditer l’idée d’une incitation à la haine raciale. Mais les pitbulls de l’islamisme ne lâchent pas aussi aisément leur proie. Une astuce juridique a permis, donc, en dernière minute,  aux parties civiles de demander la requalification comme « injure raciale » des mots de Georges Bensoussan. Cette nouvelle disposition permettrait aux parties civiles un réajustement stratégique quand elles ont été déboutées de leur plainte initiale.
L’absurde serait triomphant dans cette farce judiciaire si jamais le tribunal retenait cet argument. Que de temps perdu, d’énergie gaspillée, de salaires dépensés, de moyens mobilisés cet après-midi de mars. Vingt-quatre heures après avoir honoré la mémoire de victimes de l’islamisme, voilà que l’Etat consentirait au renversement des rôles !
Ce n’était pas à Georges Bensoussan d’être assis dans le box des accusés mais à ceux qui l’accusent d’y figurer. Avant Georges Bensoussan, il y a déjà eu Robert Redeker, Pascal Bruckner, Charlie Hebdo, Mohamed Louizi et d’autres. Ces actions en justice font partie de la panoplie des moyens déployés par les islamistes pour culpabiliser et réduire au silence, après avoir semé la terreur. Comment peut-on ne pas reconnaître ces ennemis alors que dans le même temps c’est leur idéologie qui inspire les jouisseurs de mort ? Si un jour un historien se penche sur les raisons de cette étrange défaite des années 2000, il devra regarder les archives de ce procès.

«Je pensais être rebelle en rejetant le sacré, mais je ne faisais qu'obéir au conformisme ambiant» (30.03.2018)

  • Mis à jour le 30/03/2018 à 18:48 

  • Publié le 30/03/2018 à 18:45

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Alors qu'il a été élevé loin de la foi chrétienne, Julien Leclercq a fait un jour la rencontre de Dieu. Il raconte, dans Catholique débutant, le récit de sa conversion, en même temps qu'il livre un aperçu des doutes et des motifs d'espérance qu'éprouvent les catholiques de son temps.

Julien Leclercq est directeur de la rédaction de la revue numérique Le Nouveau Cénacle. Il raconte sa conversion tardive dans son dernier livre, Catholique débutant (éd. Tallandier, février 2018).

FIGAROVOX.- Vous vous êtes convertis au catholicisme à l'âge de trente ans. Comment expliquez-vous cette conversion tardive, alors que jusque-là vous étiez fier de ne jamais mettre les pieds à l'Église?
J'ai effectivement été fier de ne pas entrer dans une église, y compris lorsque j'étais invité pour une communion ou pour un mariage. Je restais à la porte et j'attendais que tout le monde sorte. Mais Jésus m'a attendu, et moi je l'ai entendu. Tout simplement. Il s'agit d'une histoire d'amour, et cela ne prévient pas. Lorsque j'ai demandé le baptême à l'aube de mes trente ans, mes proches étaient surpris, voire déconcertés, mais ils ont compris que ma conversion était le fruit d'un long cheminement spirituel, affectif et intellectuel. Face au Christ, j'ai rendu les armes. Face à Lui, tout m'a semblé évident.
Adolescent, vous avez même été jusqu'à cracher sur le Christ. Pourquoi cette violence à l'égard de la religion?
Parce que j'étais avant tout le produit d'une époque et - bien plus encore - celui d'une génération. À la télévision comme à l'école, nous avons appris que la religion était synonyme d'obscurantisme. De rétrécissement de la pensée. De fanatisme. J'ai malgré moi véhiculé ces préjugés et mon tempérament volontiers provocateur a fait le reste… Je pensais être rebelle en rejetant le sacré, alors que je ne faisais qu'obéir au conformisme ambiant. Je pensais répondre à une violence par une autre violence, jusqu'à la prise de conscience. J'ai ensuite compris qu'il s'agissait d'une peur de l'amour. J'ai eu peur d'aimer le Christ. Son amour est si gratuit, si grand, que je ne me sentais pas capable de l'aimer en retour.
Est-ce l'épreuve du deuil qui vous a conduit à Dieu?
J'ai cru en Dieu avant l'épreuve du deuil, mais le calvaire vécu par ma grand-mère a précipité ma décision de recevoir le baptême. Elle était la seule catholique pratiquante de la famille. Une femme de rien qui a travaillé dans les champs alors qu'elle n'était qu'une enfant, qui a connu l'exode durant la guerre puis la perte de son mari à l'issue d'une terrible agonie alors qu'il n'avait même pas cinquante ans. Et pourtant, elle a toujours cru en Dieu, même si ses petits enfants s'en moquaient. Aller la voir dans son EHPAD pendant deux ans m'a ouvert les yeux sur la réalité vivante de la foi chrétienne: elle a aimé jusqu'au bout. Jusqu'à son dernier souffle. Après ses funérailles, la décision était prise: je voulais marcher à ses côtés et suivre les pas du Christ.
Vous expliquez que vos parents ne vous ont pas donné une éducation chrétienne. Diriez-vous cependant que d'une certaine manière, ils étaient chrétiens sans le savoir?
Mon frère et moi avons reçu un amour si grand, si beau, qu'il ne peut trouver son origine qu'en Dieu.
Mes parents n'ont pas, en effet, choisi de nous donner une «éducation catholique». Pourtant, mon frère et moi avons reçu un amour si grand, si beau, qu'il ne peut trouver son origine qu'en Dieu. Mes parents vivent d'une certaine manière et sans le savoir l'amour évangélique. J'en prends conscience jour après jour. La droiture, l'honnêteté, le courage de mon père viennent de Dieu. Je vais même vous confier ceci: aujourd'hui, sa mère est atteinte par la maladie d'Alzheimer. Elle est dans le même EHPAD que ma grand-mère maternelle… Le cauchemar recommence. Mais mon père tient bon. Il ne le dit pas, mais je sais qu'il trouve sa force en Dieu. Je vais même plus loin: sur les huit enfants de ma grand-mère, seuls mon père et ses deux petites sœurs paient chaque mois la facture de l'EHPAD. Ils sont également les trois seuls à venir la voir quotidiennement. Cet amour, courageux, sincère, fort, où peut-il trouver sa source ultime, sinon en Dieu car l'Esprit souffle où il veut? Par son exemple, mon père est bien plus chrétien que je ne saurais l'être, même s'il ne m'a pas inscrit au catéchisme.
Vous dites que la France a des racines chrétiennes. On pourrait aussi évoquer nos racines grecques et romaines… La déchristianisation et la laïcisation de la France vous inquiète-t-elle?
Je revendique aussi bien nos racines grecques que romaines! L'immense Pierre Grimal distinguait deux héritages majeurs: le logos grec et l'anima romaine. La raison et l'esprit qui nous viennent d'Athènes et l'âme qui nous vient de Rome. La philosophie de Platon et les valeurs morales prônées par Cicéron. Le christianisme a su fondre ce double héritage dans sa conception de la vie et de la mort et encore bien plus que cela, il a permis à la société de tirer le meilleur d'elle-même: le souci du plus faible, l'égalité entre la femme et l'homme à travers le sacrement du mariage ou même l'attention que nous portons aux plus âgés. Les conséquences de la déchristianisation sont multiples et parmi elles je relève surtout le manque d'attention aux plus pauvres. Le chômage, la précarisation des jeunes et la paupérisation des retraités sont des conséquences notables de la déchristianisation de nos sociétés. Nous ne savons plus prendre soin de l'autre et lui accorder la dignité qu'il mérite durant toutes les étapes de la vie.
Concernant la laïcisation, nous marchons sur des braises. La laïcité est en quelque sorte promue par le Christ lorsqu'il nous invite à «rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu». Mais la laïcité n'implique pas la négation du fait religieux que nous vivons dans nos sociétés, et là se situe l'écueil majeur de notre temps. La distinction du temporel et du spirituel est heureuse, mais l'un ne doit pas ignorer l'autre. Le sacré et le politique doivent demeurer en tension. Nous devons garder à l'esprit que quelque chose de plus grand nous dépasse, que ce soit en politique ou sur le plan spirituel, comme le sacrifice du colonel Beltrame nous l'a montré. À nous d'agir en fonction de cela.
Le sacré et le politique doivent demeurer en tension.
Vous avez reçu le baptême quelques jours après les attentats de janvier 2015. Vous vous en défendez, mais votre conception du catholicisme n'est-elle pas également tout culturelle et identitaire?
Je me suis converti avant tout par amour du Christ. Je ne suis pas devenu catholique par détestation de l'islam car la haine est - par principe - étrangère à Jésus. Durant ma conversion, je n'ai obéi à aucun impératif idéologique. J'ai des réserves à l'encontre de la «dimension» identitaire du catholicisme étant donné que ce dernier est, étymologiquement, «universel». Le message du Christ s'adresse à toutes les nations. Je maintiens cependant que les racines de la France sont catholiques, car l'Église a en partie construit notre pays (tant historiquement que géographiquement: chaque village s'est bâti autour de son église). Cet héritage chrétien nous oblige. Non pas à mettre des crèches dans les mairies pour signifier au musulman qui vient refaire ses papiers qu'il n'est pas le bienvenu, mais plutôt à nous affirmer comme des chrétiens au sein d'une nation façonnée par le christianisme et prête à accueillir une diversité de pensées et de croyances. La nuance est subtile, mais les musulmans radicaux d'aujourd'hui profitent de ce vide spirituel afin de prospérer. Et la nature a horreur du vide! Réapprenons à nous définir à travers la grandeur des Évangiles.
Vous expliquez qu'au collège, vous avez été insulté parce que vous étiez le seul blanc de votre classe. «Même si je ne voulais pas entrer dans une église, j'étais, malgré tout, le catholique», écrivez-vous. Cela a-t-il compté, même inconsciemment, dans votre itinéraire?
Cela a en effet été perturbant. Je pensais être athée et, malgré tout, j'étais assimilé à une culture chrétienne que je rejetais! Le Christ sème plusieurs graines dans nos vies, et, avec du recul, ce renvoi à ma chrétienté «culturelle» était peut-être un signe avant-coureur. Dans plusieurs quartiers de France, il en est de même pour les enfants juifs qui - même sans croire - sont assignés à résidence en raison de leur «religion supposée». Inconsciemment, je vous l'accorde, cela peut compter dans un itinéraire car cela implique cette question redoutable: qui suis-je et, surtout, de quelle culture suis-je l'héritier? Je rends finalement grâce à ceux qui m'enfermaient dans la caricature du «petit blanc catho» que je récusais. Cela m'a permis de prendre ma Croix quinze ans après pour grandir et m'épanouir avec Jésus.
«Lorsqu'une religion devient folklorique, le danger guette», écrivez-vous. L'islam culturel, fondé sur des interdits alimentaires, est-il devenu un étendard et une manière de rejeter la culture française?
Lorsqu'une religion se ferme avec ses interdits et que ses fidèles se regroupent derrière un étendard, il y a, en effet, un risque. Les frontières entre la fermeture et le sectarisme sont poreuses… Tous les croyants méritent respect et considération, mais lorsqu'un fidèle se retranche derrière ses lois pour attaquer les autres, il y a péril en la demeure. Malheureusement, plusieurs sourates coraniques justifient ce retranchement. J'ai été collégien dans un établissement à majorité musulmane, j'ai bien vu que l'islam était le refuge privilégié pour ces jeunes à qui la France ne promettait rien - tant au niveau spirituel que politique. Alors oui, dans plusieurs quartiers, l'islam est un moyen d'affirmation identitaire pour rejeter la culture française et affirmer sa différence.
Vous avez des convictions politiques assez engagées. Celles-ci n'entrent-elles pas parfois en contradiction avec vos convictions religieuses? Malgré votre «histoire d'amour avec le pape», vous arrive-t-il d'être agacé par ses positions, sur l'immigration ou l'islam notamment?
Je crois, comme Paul Rigueur, en « l'homme capable » du bien, ce qui est une philosophie on ne peut plus chrétienne.
Cette question m'invite à poursuivre ma réponse précédente: catholique, je ne peux pas condamner autrui et encore moins lui jeter l'anathème. Si je considère qu'un musulman se retranche dans une culture qui est aux antipodes de la mienne, je ne peux me résoudre à l'enfermer dans un paradigme. J'ai lu le Coran - deux fois - et comme je le reconnais dans mon livre, plusieurs passages m'ont horrifié. Mais, comme le dit souvent le pape François, derrière un catholique, un musulman, un bouddhiste ou un athée, j'essaie de voir un homme avant tout. Je crois, comme Paul Rigueur, en «l'homme capable» du bien, ce qui est une philosophie on ne peut plus chrétienne. Lorsque le pape François a condamné à la fois les violences au nom de l'islam et au nom du catholicisme à la suite du massacre du père Hamel, j'ai été décontenancé. Pourquoi le nier? Mais il a appelé à la paix. Soyons plus grands que ces lâches. Si nous condamnons une partie de l'islam en raison de ses appels à la violence, nous ne pouvons regretter que le pape récuse toute logique de représailles.
Vous expliquez que «la précarité amoureuse que nous connaissons actuellement est aussi la conséquence de la déchristianisation». Ne peut-on pas aimer sans être chrétien?
J'ai découvert le Christ en même temps que débutait ma première véritable histoire d'amour… Tout est-il lié? Je ne peux pas juger les différentes histoires, mais je peux affirmer qu'un chrétien aime différemment. Il est tout à fait possible d'aimer sans être chrétien, mais je précise simplement qu'un chrétien n'aime ni plus, ni moins, mais différemment. Parce que l'amour chrétien se vit toujours et fondamentalement dans l'amour du Christ, qu'il sait qu'il vit, même très imparfaitement, de cet amour infini de Dieu. Je ne peux aussi m'empêcher de penser que la religion chrétienne est devenue taboue dans nos sociétés parce que l'amour - souvent réduit à l'hédonisme - est lui-même devenu un non-dit. Les hommes - par nostalgie d'un patriarcat «viriliste» aboli - n'osent plus dire «je t'aime». Les femmes, à cause d'un certain féminisme réducteur, ne savent plus le dire non plus. Alors par conséquent, lorsque Jésus nous demande de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés… nous avons toutes les peines du monde à le comprendre.
Pour finir, diriez-vous que votre parcours est singulier où atteste-il d'un retour du catholicisme au sein d'une nouvelle génération?
Il y a environ 5 000 baptêmes pour les adultes en France chaque année. Je n'ai donc pas la prétention de déclarer que mon parcours est singulier. Le christianisme est très vivant dans ma génération, même s'il est minoritaire: je suis conscient du fait qu'autour de moi, la religion catholique n'est même plus un sujet d'interrogation! Ma génération, celle des années 80, a intégré ce que le philosophe Jean-François Lyotard nommait «la fin des grands récits» à savoir la fin de l'espoir socialiste avec la Chute du Mur de Berlin et aussi la déchristianisation… Mais plutôt que de céder au défaitisme, je m'accroche à l'espérance. Dieu pourvoit toujours au lendemain, et il n'y a aucune raison pour que le christianisme - si vivant en Afrique ou en Asie - ne se réveille pas dans notre Europe assoupie… à condition que nous nous détachions de nos veaux d'or que sont le culte de l'argent, la prison mégalomaniaque des réseaux sociaux ainsi que le consumérisme à tous crins.
La rédaction vous conseille

Trump ne veut plus d'accord protégeant les «dreamers» (01.04.2018)

  • Publié le 01/04/2018 à 19:13
Le président américain a annoncé dimanche sur les réseaux sociaux qu'il n'y aurait pas de légalisation pour ces jeunes immigrés arrivés aux États-Unis alors qu'ils étaient enfants.
Donald Trump a affirmé dimanche qu'il n'y aurait pas de loi légalisant le statut des «dreamers», ces immigrés arrivés illégalement aux États-Unis alors qu'ils étaient enfants, faute d'accord sur le financement de la construction d'un mur à la frontière avec le Mexique.
Après avoir souhaité de «Joyeuses Pâques» sur Twitter, le président américain a poursuivi: «Les agents patrouillant à la frontière ne peuvent pas faire leur travail à cause de lois libérales (démocrates) ridicules (...) Des ‘caravanes' arrivent. Les républicains doivent utiliser l'option nucléaire pour adopter des lois plus dures MAINTENANT. PLUS D'ACCORD SUR LE DACA!»
Le programme DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals) avait été mis en place par Barack Obama en 2012 pour éviter l'expulsion des jeunes migrants devenus adultes et leur permettre d'obtenir un permis de travail.
Donald Trump l'a dénoncé l'an dernier et a depuis utilisé sa prorogation sous forme de loi comme monnaie d'échange avec les démocrates au Congrès pour obtenir le financement d'un mur à la frontière mexicaine, une de ses grandes promesses de campagne. Sans succès jusqu'à présent.
Le président américain, qui passe le week-end pascal à Mar-a-Lago, en Floride, s'en est aussi pris dimanche au Mexique, dont il a estimé qu'il «ne fait RIEN» pour arrêter les flux migratoires.
Il a menacé de déchirer l'accord de libre-échange qui lie les États-Unis au Mexique et au Canada (Aléna), actuellement en cours de renégociation, si Mexico persiste à refuser de financer la construction du mur frontalier.
La rédaction vous conseille

Imbroglio diplomatique entre Paris et Rome après un couac à la frontière (01.04.2018)

  • Publié le 01/04/2018 à 22:43
L'irruption de policiers des douanes françaises armés dans un local alloué à une ONG d'aide aux migrants, à Bardonecchia, petite ville frontalière italienne, suscite un vif émoi de l'autre côté des Alpes.
L'Italie continuait dimanche à tirer à boulets rouges sur la France, après l'entrée jugée «inacceptable» de douaniers français armés dans un local alloué à une ONG d'aide aux migrants, dans une petite ville frontalière alpine italienne. «Les Français violent les frontières», a titré dimanche le quotidien La Stampa. «Migrants: l'Italie bloque la France», s'est réjoui Il Messagero.
Un écho aux réactions enflammées samedi de la plupart des ténors politiques d'un pays sans gouvernement, marqué par un ressentiment profond contre une Europe paraissant se laver les mains des arrivées massives de migrants sur la péninsule italienne. L'affaire de la petite station de ski de Bardonecchia s'est immédiatement transformée en casus belli diplomatique.
La France juge que la présence des douaniers était parfaitement légale, mais le ministère italien des Affaires étrangères parle d'un «acte grave, considéré totalement en dehors du cadre de la collaboration entre États frontaliers». Le parquet de Turin a annoncé dimanche l'ouverture d'une enquête portant à ce stade préliminaire sur des soupçons graves: «abus de pouvoir», «violence privée» et «violation de domicile».
Le parquet avait reçu au préalable un rapport du commissariat de Bardonecchia sur l'entrée de douaniers non identifiés vendredi soir dans un local mis à disposition de l'ONG Rainbow for Africa. La brigade ferroviaire des douanes françaises de Modane, en contrôle sur le TGV Paris-Milan, est entrée dans le local pour soumettre un Nigérian soupçonné de trafic de drogue à un dépistage urinaire dans les toilettes, a expliqué la France. Mais les bénévoles de l'ONG ont vécu l'arrivée des cinq douaniers armés dans ce lieu d'accueil comme une «irruption» brutale.
Darmanin attendu à Rome pour s'expliquer
Le ministre français des Comptes publics (chargé des douanes), Gérald Darmanin, a annoncé dimanche qu'il se rendrait dans les prochains jours en Italie pour «s'expliquer» avec Rome. Mais il n'est pas question de présenter des «excuses» pour la présence de douaniers «qui n'ont rien fait d'illégal» en utilisant «un local mis à disposition dans le cadre d'un accord franco-italien» de 1990, a-t-il dit. Même si l'Italie a donné très récemment la jouissance de ce local à une ONG, les douaniers ont demandé l'autorisation d'y entrer ce qui a été accepté, a-t-il argué.
Pour calmer le jeu en attendant de se rendre à Rome, Gérald Darmanin a néanmoins demandé aux douaniers de «suspendre le fonctionnement» de l'accord de 1990. Un haut fonctionnaire du ministère italien des Affaires étrangères avait convoqué samedi l'ambassadeur de France à Rome, Christian Masset, pour exprimer «la ferme protestation du gouvernement italien pour la conduite des agents des douanes françaises, considérée comme inacceptable». Il s'était référé à de récents échanges d'information entre les douanes françaises et les chemins de fer italiens, précisant que le local de la gare de Bardonecchia n'était plus accessible, car désormais utilisé par une organisation humanitaire.
«Au lieu d'expulser des diplomates russes, il faut éloigner d'ici les diplomates français»
«Au lieu d'expulser des diplomates russes, il faut éloigner d'ici les diplomates français», avait réagi samedi le président de la Ligue, Matteo Salvini (extrême droite), arrivé en tête des dernières législatives grâce à une coalition avec le parti de droite de Silvio Berlusconi et son slogan «l'Italie d'abord». «Avec nous au gouvernement, l'Italie relèvera la tête en Europe, nous n'avons pas de leçons à recevoir de Macron et Merkel, et nous contrôlerons nos frontières», avait ajouté Salvini. «Ce n'est pas ainsi qu'on fait la nouvelle Europe», a lancé Maurizio Martina, secrétaire par intérim du Parti démocrate italien (centre gauche), encore techniquement au pouvoir.
La station de ski de Bardonecchia (Piémont) voit arriver un flux régulier de migrants, même si les trains pour la France sont fortement contrôlés. Certains passent par la route d'un col, longue de 16 km, qui sépare Bardonecchia de Névache, le premier village Français.
La rédaction vous conseille

Iñigo Errejón : «La plus grande réforme qui soit est celle de l'ordre» (30.03.2018)

  • Mis à jour le 31/03/2018 à 19:31 

  • Publié le 30/03/2018 à 18:36
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Iñigo Errejón est le cofondateur et stratège de Podémos. Dans un long entretien exclusif au FigaroVox, il analyse les ressorts de la montée des populismes en Europe. Il plaide pour un populisme démocratique qui conjugerait progrès social et aspirations conservatrices.


Iñigo Errejón est le cofondateur et le stratège de Podemos, parti espagnol d'opposition fondé en janvier 2014. Il est également docteur en science politique de l'université Complutense de Madrid. Ses entretiens avec la philosophe Chantal Mouffe ont été publiés aux éditions du Cerf sous le titre Construire un peuple, pour une radicalisation de la démocratie (2017).

FIGAROVOX.- Vous êtes l'un des théoriciens du populisme, à l'origine de la stratégie de Podemos. La qualification de «populiste» sert souvent à rassembler l'extrême-droite et l'extrême-gauche. Qu'est-ce qui différencie ces populismes?
Iñigo ERREJÓN.- C'est tout un ensemble de phénomènes nationaux qui est à l'œuvre aujourd'hui en Europe. Il faut bien saisir cela pour comprendre ce qui est en train de se passer: partout sur le continent, particulièrement en Europe du Sud, on vit un «moment populiste». Celui-ci est une réaction au fait que les acteurs politiques et économiques traditionnels cessent d'intégrer ou d'incarner les besoins de la plus grande partie de la population pour préserver ceux d'un système. Aujourd'hui, bien que la majeure partie des pays européens ont maintenu leurs gouvernements en place, on assiste clairement à une profonde «crise d'horizons». Celle-ci se manifeste essentiellement à travers le sentiment éprouvé par de nombreux Européens d'être abandonnés et laissés sans protection. Le projet européen tel que nous le connaissons a échoué, car il n'est pas parvenu à susciter la tranquillité, la confiance et l'adhésion chez la majeure partie des populations européennes.
Nous vivons partout en Europe un «moment populiste».
De toutes parts, face à la politique de dérégulation à laquelle se livre une élite cosmopolite - une véritable loi de la jungle consistant à dire aux privilégiés qu'ils peuvent faire et gagner toujours plus d'argent -, des voix se font entendre pour réclamer que l'État redevienne responsable vis-à-vis des citoyens. Des personnes exigent que soit renforcée l'idée de communauté et d'appartenance, et que cela se traduise par un rééquilibrage des droits et obligations qui régissent la société. Or ce contrat, le pacte social issu de la Seconde Guerre mondiale, est aujourd'hui rompu. Les minorités privilégiées, en se situant au-delà de tout contrôle démocratique, ont contribué à cette rupture. Voilà ce qui caractérise le moment populiste que traverse aujourd'hui l'Europe. J'ajouterais que Dani Rodrik, un économiste progressiste, a récemment rappelé dans le New York Times à quel point le New Deal, aux États-Unis, fut à l'époque perçu comme un mouvement ou même une «pulsion» populiste.
On a de plus en plus l'impression qu'il y a un divorce entre le «pays réel» et le «pays officiel». Ce pays réel réclame que les institutions redeviennent à son service, et repassent sous son contrôle. Il exige des politiques adéquates pour l'ensemble de la population, et par conséquent que soit recréé un lien national - lâche mais très étendu - qui supplante les appartenances de classe. Ce pays réel rassemble l'immense majorité des perdants des politiques menées toutes ces dernières années, qui restent unis tant qu'ils appartiennent à une communauté nationale. Le populisme en tant que forme politique dépend de la généalogie d'un peuple, de la définition que l'on en donne. Dans les populismes identifiés comme démocratiques ou progressistes, le peuple n'est pas une communauté par essence, prisonnière de l'histoire, mais repose sur une adhésion civique renouvelée de manière permanente. Nous sommes espagnols, français, italiens, etc. parce que nous décidons de l'être. Nous reconnaissons que nous partageons un passé commun, mais par-dessus tout, que nous avons un futur à partager. Appartenir au peuple relève d'une décision civique sans cesse renouvelée. Ce n'est pas fermé, cela ne dépend pas de la race, du nom, du lieu de naissance. À l'inverse, les constructions populaires ou populistes réactionnaires se réfèrent à une forme d'identité essentielle et figée dans l'histoire. Dans ce cas, le peuple est fermé, il est déjà constitué pour tous, qu'on le veuille ou non.
Dans le premier cas, le peuple est une chose qui se conçoit sur l'idée républicaine de construire une communauté de transcendance, de gens qui appartiennent à autre chose qu'à leur propre individualité. Comme le peuple n'existe pas, sa construction est une bataille culturelle et politique permanente, inséparable du pluralisme politique et de l'équilibre institutionnel républicain. Dans le second cas, tout ce qui relève du pluralisme politique et des contre-pouvoirs peut quasiment devenir une gêne. C'est la différence fondamentale qui sépare en deux aujourd'hui la pulsion populiste qui traverse l'Europe. Aujourd'hui en Europe, la grande question est: vers quel populisme les pays pencheront-ils? Un populisme démocratique, soucieux de l'amélioration de la gouvernance et respectueux des institutions républicaines, ou un populisme réactionnaire consistant à monter les perdants de la crise contre ceux qui sont encore plus perdants? Voilà la bataille politique de notre époque.
Les dernières élections italiennes ont vu triompher deux forces: les populistes du Mouvement cinq étoiles et la Ligue du Nord. Comment analysez-vous la politique italienne et le succès de ces deux mouvements?
À mon sens, le premier enseignement se trouve dans la déroute des formations politiques soumises au diktat de Bruxelles, ce pouvoir qui n'est qu'indirectement démocratique. En second lieu, c'est une réactualisation de l'idée selon laquelle les personnes «normales» ne sont plus protégées et qu'elles sont mises de côté par les élites économiques et politiques traditionnelles. Cette idée a acquis une composante clairement conservatrice et réactionnaire dans le vote en faveur de Matteo Salvini, qui est très préoccupante. À côté, le Mouvement cinq étoiles a su jouer sur différents tableaux. Son programme contient des propositions progressistes en termes sociaux, et dans le même temps des propositions clairement régressives en matière de droit pénal ou d'immigration.
Il se dessine en Italie un scénario de transition: le système actuel ne va pas durer. Ce qui se passe actuellement est le résultat de la disparition des grands partis politiques italiens et nous allons assister à la lente formation d'un autre système. La question fondamentale est d'identifier qui saura vraiment se préoccuper de cette sensation qu'ont les Italiens et les Italiennes d'être abandonnés ou maltraités par le système politique traditionnel. Mais cette question n'est pas seulement italienne, elle est présente partout en Europe, et - j'insiste - tout particulièrement dans les pays du Sud, sur les épaules desquels pèse la charge d'une ligne politico-économique très austéritaire et absolument insensée.
Les révolutions sont toujours une négociation avec le passé.
Vous défendez régulièrement l'idée que les révolutions sont aussi des moments conservateurs. Qu'est-ce que vous entendez par là?
Que contrairement à une idée d'origine libérale, très courante également à gauche, selon laquelle l'histoire est linéaire et va toujours de l'avant, vers plus de progrès, les grandes mobilisations ont davantage vocation à défendre des acquis, des institutions ou des droits qui préexistaient, plutôt qu'à en conquérir de nouveaux. Il en existe bien sûr pour acquérir de nouveaux droits, mais je pense que pour la plupart, les mobilisations qui ont le plus réussi sont celles où une rupture s'est faite entre ce que l'on obtient vraiment et ce à quoi on considérait avoir droit. C'est-à-dire une rupture entre ce qu'on espérait et ce qui se produit concrètement. Cela apparaît d'autant plus crûment lorsque ceux qui tiennent les rênes du pays se montrent incapables de satisfaire les espoirs qu'ils ont eux-mêmes fait naître.
Cela signifie qu'en politique, il est toujours plus facile de défendre qu'attaquer. Je parle de défendre des institutions, des droits, des ensembles juridiques dont la population se sent le digne légataire parce qu'elle en a déjà évalué le bénéfice, plutôt que de se battre pour des choses nouvelles. Même les utopies les plus avancées en termes de répartition de la richesse et du pouvoir politique, d'inclusion, se sont toujours appuyées sur des mythes ou des confessions qui préexistaient dans l'imaginaire et la culture populaire. J'en veux pour exemple la ressemblance entre certaines métaphores ouvrières ou socialistes et des idées profondément enracinées dans la pensée chrétienne. Une certaine pensée libérale s'est trop autorisée à croire que le progrès devait être linéaire, sans lien avec le passé. Or dès lors que l'on fait appel à des sentiments, des idées, des préjugés, des mythes qui sont déjà présents dans l'imaginaire collectif, alors même les révolutions les plus abruptes deviennent possibles. Les révolutions sont toujours une négociation avec le passé, même lorsqu'elles prétendent faire table rase de ce qui a précédé.
Pourquoi est-ce que les forces progressistes devraient s'emparer des aspirations conservatrices?
Je ne crois pas qu'il y ait de dichotomie entre progressisme et conservatisme. Le néolibéralisme a impliqué de toutes parts une désorganisation massive des modes de vie, des projets de vie des gens. Les jeunes peinent à planifier leur avenir ou à fonder une famille parce que s'est effondrée la vieille idée de la méritocratie. Le déséquilibre est tel qu'aujourd'hui, bien plus qu'à l'époque de nos parents, être privilégié dès le berceau assure de manière quasi certaine un avenir confortable, tandis que naître dans un milieu modeste prédestine à un avenir du même acabit. Le néolibéralisme a provoqué une désorganisation massive de nos pays à tous les niveaux. Les gens ne peuvent plus se projeter et sont dépossédés de toute identité solide pourvoyeuse de certitudes, de ce sentiment d'appartenir à quelque chose de plus grand qu'eux-mêmes. Nos appartenances sociales sont fragmentées. Face à cette désorganisation qui ne profite qu'à une infime minorité, la plus grande réforme qui soit est celle de l'ordre. Mettre de l'ordre, cela implique de retrouver nos anciennes certitudes, celles sur lesquelles nos pères et nos mères se sont construits. Ce qui n'empêche pas de remettre en cause la forme patriarcale de la société qui, elle, est contestable. Mais en même temps, personne ne peut s'imaginer un retour pur et simple au temps de l'État providence, car les politiques déjà expérimentées ne fonctionneraient plus. Aujourd'hui la recherche de notre bien-être ne peut reposer uniquement sur notre relation au travail salarié. Elle doit passer par des mécanismes de redistribution d'une partie de la richesse produite avec toujours moins de travail, ce en raison de la digitalisation et de la robotisation. Il nous faut des politiques publiques différentes, avec le même objectif: retrouver une capacité d'ordre et de stabilité pour les gens «normaux». Les privilégiés ont des relations, de l'argent et la capacité d'exercer une violence. Personne n'a autant besoin de l'ordre, de la loi et des institutions que les personnes modestes.
Vous revendiquez d'incarner l'ordre face au «désordre néolibéral». La notion d'ordre est pourtant marquée à droite. Vous faites de même avec les drapeaux et les symboles nationaux. Pourquoi aller sur le terrain de votre adversaire?
C'est une erreur de la part des forces progressistes que d'avoir laissé aux conservateurs le monopole de l'idée d'ordre, de stabilité sociale et de continuité. Car selon moi, cet ordre est inséparable de la lutte contre les inégalités sociales.
Sans transcendance, il n'y a pas de société.
Les sociétés les plus inégalitaires sont des sociétés économiquement moins efficaces, moins productives en termes de créativité sociale et plus conflictuelles au plan démocratique. Cela signifie que les sociétés les plus ordonnées sont celles dans lesquelles prévaut un idéal qui ressemble très fortement à l'idéal républicain français. C'est l'ordre entendu au sens de communauté. Une communauté spirituelle de destin, de citoyens qui savent qu'ils appartiennent à quelque chose de plus grand et de plus ancien qu'eux-mêmes, et qu'ils souhaitent conserver. Grâce à cette volonté, naissent des institutions qui permettent d'élaborer une communauté d'hommes libres et égaux, de garantir la bonne organisation du territoire, l'école publique assurant l'égalité des chances, la santé publique, des accords sociaux dans le cadre du travail… Un État responsable et entreprenant, qui assume la mission de développer l'ensemble de la force productive du pays. Le libéralisme a tissé des mensonges qui ont été particulièrement dommageables. On nous a raconté que tout projet collectif est une utopie systématiquement vouée à se transformer en totalitarisme. C'est un mensonge. La Constitution des États-Unis commence par «Wé, the people», elle ne dit pas «nous, individus». Elle énonce un horizon, une communauté d'appartenance transcendantale. Car sans transcendance, il n'y a pas de société. On nous a aussi raconté qu'il fallait d'abord penser à soi pour réussir dans la vie, en laissant de côté toute solidarité civique, cohésion et coopération. Cela a détruit et appauvri notre société. Il faut retrouver cette notion d'appartenance et de communauté au travers des institutions démocratiques et de la souveraineté populaire.
Quant aux symboles nationaux, il m'apparaît évident qu'il ne faut pas en faire la chasse gardée des forces réactionnaires, en grande partie parce que les nations se sont formées comme des ensembles démocratiques face aux défenseurs des privilèges. Au cœur de la nation se trouve une volonté démocratique. Par le fait de naître ici et de vivre ensemble, nous sommes égaux en droits. A une époque où les lieux de travail ne sont plus pourvoyeurs d'identité et où la somme un peu folle d'identités morcelées fournies par les réseaux sociaux et la société de consommation a montré ses limites, les gens éprouvent un besoin d'appartenance. Ils ont besoin que cette identité retrouvée s'intègre dans une société qui se soucie de ses membres, dans les bons comme dans les mauvais moments. Sans une idée forte de bien commun, c'est la pulvérisation et l'atomisation assurées.
Il y a quelque chose de potentiellement populaire et démocratique dans la réunification des appartenances nationales, mais à deux nuances près:
1) Le peuple n'est pas une communauté d'essence mais un projet en construction perpétuelle tourné vers l'avenir, civique et non pas romantique
2) Il faut des institutions pour conserver, protéger et maintenir le pluralisme politique. Dans ces conditions, on peut faire le pari de la rénovation européenne et d'un «New Deal» vert, car la transition écologique et énergétique de nos économies est elle-aussi nécessaire. Mais cette Europe-là ne pourra se construire qu'à partir d'un retour à la souveraineté populaire.
La rédaction vous conseille

Le Sahara a grandi de 10 % en un siècle (02.04.2018)

Par Jean-Luc Nothias
Publié le 02/04/2018 à 18h44
Le plus grand désert chaud du monde, presque aussi grand que les États-Unis, ne cesse de grignoter le Sahel, aussi bien au nord qu'au sud. Une variation naturelle, qui est amplifiée par le réchauffement.
Partout, les déserts chauds gagnent du terrain. Le plus grand d'entre eux, le Sahara, s'est ainsi agrandi de 10 % depuis 1920. Du sable s'étendant à perte de vue en vagues de dunes écrasées par un soleil brûlant sur 8,5 millions de kilomètres carrés, presque autant que les États-Unis… Une vie réduite au strict minimum. Deux chercheurs du département des sciences atmosphérique et océanique de l'Université du Maryland, Natalie Thomas et Sumant Nigam, se sont demandé quelles étaient les forces en jeu favorisant cette désertification grandissante. Et apportent quelques réponses dans leJournal of Climate .
Moins de 100 millimètres de pluie par an
Il y a encore 11.000 ans, à la fin de la dernière période glaciaire, le Sahara était une terre verte, couverte de végétation et pourvue de nombreux lacs. Brutalement, en un siècle ou deux, le désert s'est installé. Et continue de progresser. L'examen des températures moyennes de l'air en fonction des saisons et des relevés pluviométriques au XXe siècle et au début du XXIe montre deux tendances fortes: des étés plus chauds et des hivers plus secs (une zone devient désert lorsqu'il y pleut moins de 100 mm d'eau par an). Une tendance plus marquée au Soudan et en Afrique du Nord pour les températures. Côté précipitations, c'est le long du golfe de Guinée que la baisse est la plus marquée, particulièrement dans les bassins du Niger et du Congo. En revanche, les pluies ont augmenté dans la région des Grands Lacs africains.
«Les déserts se forment d'habitude dans les zones subtropicales, car l'air chaud monte dans les zones équatoriales et redescend dans les zones au nord et au sud, explique Sumant Nigam, l'un des auteurs de l'étude. C'est un air chaud et sec. Cela explique que le désert puisse gagner vers le nord. Mais le fait qu'il grandisse aussi vers le sud montre que d'autres mécanismes sont à l'œuvre.»
Le Sahara est bordé au sud par le Sahel, des zones semi-arides de transition vers les terres de savanes plus hospitalières vers le sud, comme celles du Soudan.
Le Sahara est bordé au sud par le Sahel, des zones semi-arides de transition vers les terres de savanes plus hospitalières vers le sud, comme celles du Soudan. Certains appellent Sahel toutes les zones bordant le Sahara, aussi bien au nord qu'au sud. Cette bande sahélienne, qui abrite nombre de populations vivant d'élevage et d'agriculture, se réduit donc au profit du sable, mettant à mal les écosystèmes et les hommes qui y vivent.
D'autant que l'étendue du Sahara varie en fonction des saisons: elle augmente en hiver (allant jusqu'à 16 % d'augmentation) et diminue en été. Elle est aussi soumise aux grands cycles atmosphériques comme l'oscillation atlantique multidécennale, une variation de la température de surface de la mer qui s'étend sur plusieurs décennies, de quarante à quatre-vingts ans, observée dans le nord de l'océan Atlantique.
Le lac Tchad - plus de 40 millions de personnes en dépendent -, qui se trouve au centre de cette zone de transition au climat menacé, est à ce titre plus qu'un symbole. «Le bassin du lac Tchad est situé dans une région où le désert est bien descendu vers le sud, estime Sumant Nigam. Et le lac s'assèche. Cela constitue un signal d'alarme concernant la baisse des précipitations, non pas seulement localement, mais à l'échelle de toute la région du bassin-versant du lac.»
Des scientifiques de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) soulignaient récemment qu'ils manquaient cruellement de mesures de terrain pour anticiper son avenir, que les satellites voient sombre.
Les deux chercheurs américains estiment que les deux tiers de l'expansion du désert sont dues à des causes naturelles et que le tiers restant est lié au changement climatique engendré par les activités humaines.

La rédaction vous conseille :
Journaliste
Ses derniers articles

Alain Finkielkraut : «Islamisme, le règne du déni touche peut-être à sa fin» (03.04.2018)

Par Vincent Tremolet de Villers
Mis à jour le 03/04/2018 à 19h41 | Publié le 03/04/2018 à 18h49
EXCLUSIF - Dans ces événements tragiques, il décèle deux lueurs d'espoir : le fait qu'avec Arnaud Beltrame la France ait trouvé un contre-modèle à la barbarie et que l'on ouvre enfin les yeux sur « le nouvel antisémitisme ».
Le philosophe évoque la figure héroïque d'Arnaud Beltrame et le sort tragique de Mireille Knoll. Il se félicite du discours prononcé par Emmanuel Macron aux Invalides et espère que cette «nouvelle clairvoyance» orientera favorablement le gouvernement sur la laïcité et la politique migratoire. Il regrette profondément la «profanation» du silence du deuil lors de la marche blanche en mémoire de Mireille Knoll et considère que les représentants et les sympathisants du FN et de La France insoumise avaient leur place dans ce cortège. «Il ne revient pas aux Juifs de briser l'union républicaine contre la barbarie qui les vise», explique-t-il.
LE FIGARO.- Vous avez confié avoir trouvé des aspects de sainteté dans l'acte d'Arnaud Beltrame. Pourquoi ce terme? Celui de héros n'est pas, selon vous, suffisant?
Alain FINKIELKRAUT. - L'acte d'Arnaud Beltrame est héroïque mais si j'ose dire pas seulement. Dans l'espoir de neutraliser le terroriste, il a proposé de se substituer à une otage, ce qui témoigne d'une rare bravoure et d'une exceptionnelle abnégation. Pousser le désintéressement jusqu'à faire le choix ou prendre le risque de mourir pour l'autre, c'est très exactement, nous dit Levinas, la définition de la sainteté. Il y a quelque chose de commun entre ce lieutenant-colonel de gendarmerie français et le prêtre polonais Maximilien Kolbe qui dans le camp d'Auschwitz a pris la place d'un père de famille désigné avec neuf autres détenus pour être enfermé et tué par la faim en représailles à une évasion.
Service, sacrifice, uniforme, hiérarchie, amour de la patrie, inquiétude spirituelle: Arnaud Beltrame ne croyait-il pas en tout ce que la déconstruction culturelle et morale a remis en question?
Comme l'avaient annoncé Henry James et Tocqueville, la démocratie est sortie de son lit. Du principe de l'égale dignité des personnes, on a conclu naturellement que nulle hiérarchie n'était légitime, que rien n'était supérieur à rien, que toutes les pratiques se valaient, qu'aucun choix de vie n'était préférable à un autre. L'acte d'Arnaud Beltrame redonne momentanément le sens de la hauteur. La confusion nihiliste s'estompe et l'opposition apparaît flagrante entre son sacrifice et celui des djihadistes qui font don de leur vie pour tuer en devenant eux-mêmes une arme de destruction, le plus possible d'apostats ou d'infidèles. Il y a martyr et martyr.
Les attaques de Carcassonne et de Trèbes nous ont sidérés, mais pour la première fois dans l'histoire déjà fournie du terrorisme islamiste en France, l'admiration l'emporte sur l'effroi. Alors que personne n'a retenu le nom du tueur, celui du sauveur s'est inscrit dans la mémoire nationale. Ce n'est pas la fin de la guerre mais c'est déjà une victoire.
Le président de la République dans son discours d'hommage a pointé l'ennemi, «l'islamisme souterrain» comme aucun ne l'avait fait avant lui. Vous reprochiez à Emmanuel Macron d'être naïf sur ce sujet. Êtes-vous rassuré?
«Si le communautarisme notamment religieux a prospéré, c'est bien sur les ruines de nos politiques économiques et sociales. La société statutaire sans perspective de mobilité a créé le désespoir social», disait naguère Emmanuel Macron. Aujourd'hui, il appelle l'ennemi par son nom et il ne transfère pas sur notre société la responsabilité de sa violence. Il semble donc revenu de l'illusion économique qui lui tenait lieu de réalisme. Espérons que cette nouvelle clairvoyance orientera son discours sur la laïcité et inspirera la politique migratoire du gouvernement.
La notion d'État de droit s'impose de plus en plus comme le facteur d'une forme d'impuissance face au terrorisme. La période dans laquelle nous sommes nous oblige-t-elle à revoir notre philosophie du droit, c'est-à-dire à faire primer dans certains cas la sécurité sur nos libertés publiques?
Nous le savons depuis Hobbes, le droit à la sûreté est le premier des droits de l'homme. Quand on est attaqué, il faut savoir se défendre et je ne vois toujours pas ce qu'a de liberticide l'application de la déchéance de nationalité aux titulaires de double passeport qui projettent de tuer des Français pour les punir d'être français.
La mort de Mireille Knoll a provoqué une émotion profonde dans tout le pays. Vous étiez à la marche blanche mercredi 28 mars. Quelles leçons pouvez-vous en tirer?
Soixante-dix ans après avoir échappé à la rafle du Vél' d'Hiv', Mireille Knoll a été assassinée à coups de couteau dans son appartement parisien. Le nouvel antisémitisme prend le relais de l'ancien et fini le travail. Des Juifs d'Île-de-France déménagent massivement parce qu'ils ne sont plus en sécurité. Né quatre ans après la Seconde Guerre mondiale, je n'aurais jamais pensé pouvoir vivre ça. Je croyais les Juifs définitivement protégés par le souvenir d'Auschwitz. J'étais sûr comme Bernanos qu'Hitler avait déshonoré pour toujours l'antisémitisme. Il me faut en rabattre.
Une seule chose me console: lors de la manifestation en mémoire d'Ilan Halimi, kidnappé, torturé et sauvagement assassiné par «le gang des barbares», nous étions entre Juifs, les autres Français n'étaient pas au rendez-vous car les assassins n'avaient pas le bon profil identitaire, ils ne correspondaient pas au portrait-robot de la bête immonde et l'on craignait par-dessus tout de stigmatiser à travers eux la jeunesse en déshérence des «quartiers sensibles». Pour Mireille Knoll, les Juifs n'étaient plus seuls, le règne du déni touche peut-être à sa fin.
La venue de membres du FN et de La France insoumise a perturbé la manifestation…
Le président du Crif a eu la très mauvaise idée d'interdire la manifestation aux représentants du Front national et de La France insoumise. Quand j'ai vu des jeunes gens survoltés profaner le silence du deuil en vociférant des insultes à leur endroit, j'ai éprouvé un sentiment de colère et de honte. Que voulons-nous? Que les militants et les sympathisants du Front national défilent dans les rues en criant «Mort aux Juifs» ou que Jean-Luc Mélenchon dénonce le caractère sioniste de ce rassemblement? Je combats les idées du Front national et je n'oublierais jamais les propos indignes de Mélenchon sur les prétendues accointances de Manuel Valls avec l'extrême droite israélienne, mais le député de La France insoumise a rendu dans l'Hémicycle un très bel hommage à Arnaud Beltrame et il ne revient pas aux Juifs de briser l'union républicaine contre la barbarie qui les vise.
Diriez-vous qu'une forme d'antiracisme féconde l'antisémitisme qu'il voulait combattre?
La parenthèse raciste de l'antisémitisme se referme. Les antisémites du XXIe siècle se veulent antiracistes. Du fait de l'occupation par Israël de la Cisjordanie, ce n'est plus l'étoile jaune qu'ils clouent imaginairement sur l'objet de leur détestation, c'est la croix gammée. «Sionistes  = nazis», disent-ils. Ils parlent la même langue que leurs accusateurs et sont donc imperméables à la mauvaise conscience.
Vous avez signé le texte des cent intellectuels contre le séparatisme islamiste, texte publié par Le Figaro. Diriez-vous que le tueur de Trèbes est l'enfant de ce séparatisme?
Le tueur habitait Ozanam, un quartier de Carcassonne, refait à neuf où les journalistes ne peuvent pas pénétrer et où les policiers venus perquisitionner ont été accueillis par des insultes et des jets de pierre. L'arbre des attentats ne doit pas dissimuler la forêt des Molenbeek qui se multiplient sur le territoire national. Élisabeth Badinter a raison: «Une seconde société s'impose insidieusement au sein de notre République, tournant le dos à celle-ci, visant explicitement le séparatisme voire la sécession.» On ne peut plus fermer les yeux sur cette fracture française.
Cette semaine dramatique a aussi montré une forme de sursaut. A-t-on assisté selon vous à un réveil français?
Sursaut et réveil sont les mots qui ont été prononcés sur les chaînes d'information continue le mercredi 28 mars au soir. Le lendemain sur les mêmes chaînes, il n'était question que de la bataille autour du testament de Johnny Hallyday. La passion du potin a repris ses droits comme si de rien n'était. Tout va très bien la marquise. 

La rédaction vous conseille :


Pékin ferme les écoles à sa population « bas de gamme » (01.04.2018)

Par Cyrille Pluyette
Mis à jour le 01/04/2018 à 19h46 | Publié le 01/04/2018 à 17h51
ENQUÊTE - Le gouvernement local chasse les travailleurs venus de province, en détruisant massivement leurs logements et en condamnant des établissements privés fréquentés par leurs enfants.
De notre correspondant à Pékin

À l'appel de son nom, Xu Jin, 7 ans, doudoune rose et frange bien droite, se lève pour réciter sa leçon devant la classe. Elle fait un sans-faute: l'instituteur la félicite et ses camarades l'applaudissent. Pendant ce temps, des élèves plus âgés apportent de grandes marmites en aluminium contenant de la viande et des légumes, ainsi que des plats débordant de riz. C'est l'heure du déjeuner: leur gamelle à la main, les cinquante petits se mettent en rang. Ils se bousculent, éclatent de rire, font des grimaces…
Cela saute aux yeux, les enfants se sentent bien dans l'école Huangzhuang du district Shijingshan, dans l'ouest de Pékin, au-delà du quatrième périphérique. Issus des catégories sociales les moins favorisées, ils savent ce qu'ils doivent à cet établissement privé, sans lequel ils n'auraient pas eu accès à l'éducation. L'endroit est destiné aux rejetons de mingongs, ces Chinois venus de la campagne pour travailler sur des chantiers, exercer des métiers de services (livreur, femme de ménage…) ou ouvrir des boutiques. Il joue un rôle crucial d'intégration: la quasi-totalité des petits provinciaux sont refusés par les écoles publiques gratuites de Pékin, car leurs parents ne sont pas détenteurs d'un hukou - ce permis de résidence liant les droits à la région d'origine - de la mégalopole. La belle insouciance des marmots et les rêves des parents se sont toutefois fissurés quand le professeur a annoncé que le complexe scolaire allait être détruit. Xu Jin peine à cacher son inquiétude, même si elle refuse d'y croire tout à fait. «Mon père m'a dit que j'allais retourner seule à la campagne, si l'école ferme. Mais moi, je veux rester avec mes parents. Et je ne veux pas non plus quitter mes amis: j'en ai beaucoup ici!», insiste la fillette, dont le père, venu du Hubei, vend des chaussures sur un marché.
Une offensive mûrement réfléchie
L'école, qui accueille près de 2000 élèves, de la maternelle au collège, est le plus grand établissement privé de ce type à Pékin. Créé il y a vingt ans et financé par les frais de scolarité (4200 yuans par an, soit 530 euros), des donations et des aides gouvernementales, il s'était fait une place dans le paysage scolaire. Jusqu'à ce que, par une triste journée de novembre, les autorités locales déclarent à la direction que la construction était «illégale». En août déjà, un bulldozer avait fait irruption devant les grilles pendant les cours, traumatisant tout le monde, sans toutefois entamer la démolition, aux dernières nouvelles, repoussée aux vacances d'été. Vêtu d'un anorak en cuir, un enseignant au regard bienveillant consacre sa retraite à œuvrer pour que les enfants de migrants «aient une meilleure vie que leurs parents». Il se dit «fier» du travail accompli. Chaque année, plusieurs anciens élèves intègrent de prestigieuses universités, et l'établissement a même été primé l'an dernier par la presse officielle pour sa contribution au «bien-être» du pays. Le personnel, essentiellement provincial, qui ne peut pas enseigner dans le public et risque donc de se retrouver au chômage, espère encore un miracle. Mais l'offensive des autorités paraît mûrement réfléchie. Une vingtaine d'écoles privées pour fils et filles d'«ouvriers paysans» ont fermé l'an dernier à Pékin, recense l'ONG New Citizen Program, qui estime que la capitale en compte plus de cent, dont la moitié environ opère en zone «grise» sans autorisation formelle. Dans le nord de la ville, la police a fait évacuer en décembre la maternelle Yingbo, relocalisée depuis. Notre professeur de Huangzhuang craint qu'en cas de disparition de son établissement, considéré comme le «meilleur» dans son domaine, beaucoup d'autres, de niveau inférieur, connaissent le même sort. «Dans tous les cas, nos élèves ne pourraient plus étudier à Pékin, car deux écoles ont déjà été détruites dans le quartier et il n'y a plus de place dans celle qui reste», s'alarme-t-il.
«L'objectif est clairement de chasser les plus pauvres des grandes villes, afin que Pékin ou Shanghaï soient uniquement peuplées par une élite, riche et éduquée»
Chloé Froissart, directrice du Centre franco-chinois de l'université Tsinghua, à Pékin
Les parents ayant généralement un travail fixe à Pékin, ils n'auront d'autres choix que d'envoyer leur progéniture dans leur province d'origine, où elle aura droit facilement à l'éducation publique, ajoute cet éducateur expérimenté. Ces jeunes viendront grossir les rangs des plus de 60 millions de «liushou ertong», ces enfants vivant sans leurs parents dans des régions déshéritées et qui, confiés aux grands-parents, sont généralement livrés à eux-mêmes. «Je suis très préoccupé par leur avenir. Beaucoup sont nés et ont grandi à Pékin et ils auront beaucoup de mal à s'acclimater à ce nouvel environnement» et à s'intégrer à la société, soupire un autre enseignant. De fait, «les enfants qui retournent à la campagne ont de grands risques de tomber dans la dépression, d'être victimes de violence, ou de décrocher scolairement», analyse Song Yingquan, chercheur dans le domaine de l'éducation à l'Université de Pékin. Dès qu'ils ont appris la mauvaise nouvelle, beaucoup de parents, désespérés, se sont joints aux enseignants pour écrire une lettre ouverte aux autorités. Elle a depuis été effacée d'Internet par la censure. «Je suis très en colère: pourquoi faudrait-il détruire une école qui existe depuis si longtemps? En plus, le gouvernement ne s'est même pas préoccupé de trouver un point de chute aux enfants: c'est irresponsable!», s'exclame à la sortie des classes une maman, qui s'apprête à ramener sur son scooter ses petites de 6 et 9 ans. En les inscrivant ici, elle avait l'espoir qu'elles acquièrent «le goût des études, et décrochent plus tard un bon travail, utile pour le pays». Ding Yufen, une coquette femme de 46 ans, prévoit déjà de retourner avec sa fille de 9 ans dans le Heilongjiang, sans son mari - chauffeur privé -, même si une séparation lui briserait le cœur. «Je peux rentrer travailler aux champs, mais je ne veux pas que ma fille devienne une paysanne. Elle doit changer son destin par ses études et je dois être à ses côtés!», s'exclame cette ancienne vendeuse, dont l'aînée, diplômée de médecine, travaille dans un hôpital pékinois. Chaque jour, lorsqu'elle revient de l'école, la petite dernière déplie une table basse en plastique sur un des deux lits de l'appartement familial de 12 m2, dont la cuisine est sur le palier et les toilettes sont partagées. Puis s'attelle silencieusement à ses devoirs. Malgré l'exiguïté, elle n'a aucune envie de s'installer à la campagne, qu'elle juge «sale et poussiéreuse».
Une campagne pour les déloger
Les mingongs se sentent d'autant plus indésirables qu'ils sont parallèlement ciblés par une campagne d'une violence inouïe pour les déloger. Invoquant des raisons de sécurité après l'incendie meurtrier d'un immeuble du sud de Pékin le 18 novembre, les autorités ont rasé dans la foulée des quartiers entiers de la périphérie de Pékin, ne laissant que quelques jours, en plein hiver, à des dizaines de milliers de migrants pour quitter leur maison. Ces endroits font aujourd'hui penser à des zones bombardées: il n'en subsiste que d'immenses enchevêtrements de plaques de métal et de gravats. Des familles sont reparties dans leur province, sans perspective de travail. D'autres se sont relogées encore plus loin du centre, ou pour un loyer jusqu'à cinq fois plus élevé. L'opération n'est pas terminée: la destruction de l'immeuble de Ding Yufen est programmée pour les mois qui viennent. Cette Pékinoise d'adoption depuis vingt ans s'indigne que les migrants aient été qualifiés de population «bas de gamme» dans des documents officiels. «On a donné notre force de travail et maintenant que la ville est construite, on se débarrasse de nous! Méritons-nous d'être traités comme des moins que rien? Nous sommes tous Chinois: tout le monde devrait être égal!», s'emporte-t-elle.
Mais le gouvernement local semble avoir d'autres priorités. Ce «nettoyage» lui permet d'atteindre son objectif de limiter le nombre d'habitants à 23 millions en 2020. «La ville dégorge les migrants qu'elle ne veut pas intégrer, en les empêchant de se loger et de scolariser leurs enfants», résume la chercheuse Chloé Froissart, directrice du Centre franco-chinois de l'université Tsinghua, à Pékin. Surtout, «même si les autorités promettent officiellement de réduire les inégalités, leur objectif est clairement de chasser les plus pauvres des grandes villes, afin que Pékin ou Shanghaï soient uniquement peuplées par une élite, riche et éduquée», poursuit cette spécialiste. Les travailleurs migrants sont, eux, censés rejoindre des villes de moindre importance, où les services publics sont moins performants et l'économie moins dynamique. La municipalité de Pékin, qui fait tout pour ne pas supporter le coût d'une éducation publique des petits mingongs - en exigeant notamment une masse de documents impossibles à réunir pour l'immense majorité - est aussi largement gagnante financièrement. Les évictions permettent de céder à prix d'or des terrains dont la vente représente une partie substantielle des revenus de la capitale, indique Chloé Froissart. Et d'y construire les bureaux et des tours destinées à la classe supérieure.
Ce n'est pas la première vague de départs forcés que connaît Pékin. Mais sa brutalité a indigné une grande partie de la société chinoise. Une centaine d'intellectuels ont signé une lettre de protestation pour dénoncer «une violation sérieuse des droits de l'homme». Et rappeler que, sans la contribution bon marché des «paysans ouvriers», la fulgurante croissance des grandes villes n'aurait pas été possible. L'attitude du pouvoir local a d'autant plus choqué que le président Xi Jinping a promis en octobre, lors du Congrès du Parti communiste chinois (PCC), de lutter contre les inégalités et d'offrir une vie meilleure aux citoyens. Pas à tous, visiblement.

La rédaction vous conseille :


Syrie : le régime en passe de reprendre toute la Ghouta orientale (02.04.2018)

  • Mis à jour le 02/04/2018 à 16:01 

  • Publié le 02/04/2018 à 15:14
Syrie : un drone militaire filme la dévastation du quartier de la Ghouta
L'armée syrienne a publié dimanche les images aériennes de ce quartier à l'est de Damas. Cela fait six semaines qu'une offensive militaire du gouvernement syrien a été lancée contre cette enclave rebelle.
EN IMAGES - Le pouvoir syrien contrôle à présent 95% de la Ghouta selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. Les rebelles ont commencé à être évacués lundi après un accord conclu avec la Russie.
Les forces de Bachar el-Assad sont vraisemblablement proches d'une victoire dans la Ghouta orientale. Les rebelles ont commencé lundi à évacuer la dernière enclave, à l'issue d'un accord avec la Russie, alliée du régime syrien.
Accablés par un déluge de feu qui a tué plus de 1600 civils en cinq semaines selon une ONG, les groupes insurgés dans la Ghouta orientale ont accepté un à un d'abandonner leurs territoires dans cette région hautement symbolique pour la rébellion. Ces derniers jours, plus de 46.000 personnes, dont environ un quart de combattants, ont déjà gagné les zones rebelles de la province d'Idleb, dans le nord-ouest du pays, ont indiqué les autorités syriennes. Avec ces évacuations orchestrées par Moscou, le pouvoir syrien contrôle désormais 95% de la Ghouta, après une offensive meurtrière et dévastatrice lancée le 18 février, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Et dans l'ultime poche rebelle, la grande ville de Douma dominée par le groupe Jaich al-Islam, l'évacuation de combattants et de leurs proches a commencé lundi en milieu de journée, selon la télévision d'État syrienne. «Quatre bus transportant des terroristes de Jaich al-Islam et leurs familles sont sortis de Douma», a annoncé la télévision, alors que le régime désigne par «terroriste» tous les rebelles.

Tout au long de la journée, des véhicules devaient se regrouper sur une autoroute en périphérie de Damas, stationnant de longues heures en attendant la fin des préparatifs de ce premier convoi. Les habitants le souhaitant pourront rester sur place et régulariser leur situation, a annoncé la télévision étatique. Les combattants de Jaich al-Islam, leurs proches et les autres civils qui le veulent, rejoindront la région de Jarablos, territoire du nord syrien tenu par des rebelles syriens pro-turcs. L'accord d'évacuation dévoilé dimanche par la Russie, n'a pas été confirmé ou commenté par Jaich al-Islam.
1000 personnes évacuées dimanche soir
Samedi, le régime avait promis de poursuivre les combats pour reprendre l'ultime enclave insurgée de la Ghouta. Pour faire pression sur les rebelles, les forces progouvernementales ont consolidé leur présence autour de Douma. «Que ce soit à la suite d'un accord d'évacuation ou en l'écrasant sous les bombes, ce qui compte pour Assad, c'est d'extirper Jaich al-Islam de Douma, pour toujours», a souligné à l'AFP le chercheur Nicholas Heras, du Center for New American Security. Grâce au soutien militaire russe, le pouvoir de Damas a pu renverser la donne dans la guerre qui ravage la Syrie depuis 2011, multipliant les victoires face aux rebelles et aux djihadistes, jusqu'à reconquérir plus de la moitié du pays. La chute de la Ghouta, à la suite de bombardements intenses et de combats au sol qui ont dévasté la zone, marquerait une des pires défaites pour les rebelles dans la guerre qui ravage la Syrie depuis plus de sept ans.
«La victoire dans la Ghouta est un clou dans le cercueil des terroristes», a déjà proclamé samedi à la télévision d'État un officier de l'armée syrienne déployé dans cette région, une des premières à se mobiliser en 2011 lors de manifestations réclamant des réformes démocratiques.

Inquiets devant la tournure des événements, des milliers d'habitants de Douma ont déjà fui ces derniers jours vers des zones sous contrôle du régime, empruntant des corridors ouverts par l'armée syrienne. Un convoi transportant plus de mille personnes a quitté dimanche soir la ville aux immeubles dévastés en direction d'Idleb, bénéficiant d'un accord séparé pour évacuer des «cas humanitaires».
La guerre en Syrie, qui avait débuté par la répression de manifestations pacifiques, a fait plus de 350.000 morts et des millions de réfugiés. Elle s'est transformée en un conflit complexe impliquant des belligérants syriens et étrangers, ainsi que des groupes jihadistes.
La rédaction vous conseille

Abdel Fattah al-Sissi, président d'une Egypte résignée (02.04.2018)

  • Mis à jour le 02/04/2018 à 16:49 

  • Publié le 02/04/2018 à 11:47
Présidentielle en Égypte : le président Al-Sissi a voté
Les bureaux de vote ont ouvert aujourd'hui à 9 heures (07h00 GMT) en Egypte pour un scrutin présidentiel qui devrait reconduire le président sortant Abdel Fattah Al-Sissi pour un nouveau mandat de quatre ans.

Abdel Fattah Al-Sissi a été réélu sans surprise à la tête de l'Egypte pour un second mandat. Celui qui est apparu il y a quatre ans comme le rédempteur du pays gouverne désormais d'une main de fer.
Pour certains, il est le sauveur de la nation. Pour d'autres, il n'est qu'un nouveau despote. Abdel Fattah al-Sissi a remporté la présidentielle égyptienne avec 97% des voix. Sans surprise. Malgré les incitations exercées sur les 59 millions d'électeurs, le taux de participation a été de 41,5%, selon une communication lundi 2 avril de l'Autorité nationale des élections.
Face à lui, Moussa Mostafa Moussa (3% des voix d'après les premiers résultats), l'un de ses anciens soutiens, candidat inconnu, a été propulsé là pour que le maréchal Sissi n'apparaisse pas seul candidat mais surtout pour donner aux Égyptiens l'impression d'avoir le choix.
Élu en mai 2014 avec 96,1% des voix mais moins de 50% de participation, Abdel Fattah al-Sissi s'est imposé comme le symbole de la reprise en mains de l'État. Nous sommes en 2011. La population égyptienne se révolte face aux méthodes du président Hosni Moubarak en poste depuis 1981. Sur la place Tahrir, au Caire, un million de personnes se réunissent pour réclamer la démocratie et la fin de l'État policier. Au terme d'un peu moins d'un mois de grèves et de manifestations, Moubarak se retire, transférant les pouvoirs à l'armée. En juin 2012, Mohamed Morsi, islamiste et vitrine politique des Frères musulmans, est proclamé officiellement président. Les décisions de Mohamed Morsi, favorable à une Constitution plus «islamiste», suscitent un grand nombre de protestations chez ceux qui craignent l'influence importante de la confrérie. Abdel Fattah al-Sissi devient celui qui, par le biais d'un coup d'État, renverse le 3 juillet 2013 le président Morsi, libérant l'Egypte de l'emprise islamiste.
«Abdel Fattah al-Sissi réinstaure un climat de terreur»
Marwan, 23 ans, étudiant égyptien
Aujourd'hui, l'enthousiasme est largement retombé. Marwan, 23 ans, vient d'Alexandrie et étudie à Nice. Selon lui, al-Sissi est en train de réinstaurer petit à petit «un climat de terreur». «Il y a des barrages de sécurité partout dans les grandes villes comme Le Caire et Alexandrie, surtout le soir, raconte-t-il au Figaro. À cause des tortures infligées, les gens ont peur de la prison maintenant. Cette peur n'est pas forcément négative. Le taux de criminalité et d'incivilité a diminué. En revanche, la répression est plus importante avec lui et, économiquement, l'Égypte souffre de la forte hausse des prix».
Les droits de l'Homme bafoués
Si depuis son élection, le pays s'est stabilisé, les ONG dénoncent de façon régulière des violations des

droits de l'Homme. Avant d'être président, l'homme fort de l'Égypte a été militaire et il semble avoir du mal à s'en détacher. Directeur des services de renseignements militaires (2010-2012), commandant en chef des Forces armées (2012-2014), ministre de la Défense sous Morsi... La poigne du soldat se ressent encore quatre ans après le début de son premier mandat même s'il a troqué son uniforme contre un costume sobre.
Musulman traditionaliste, le raïs de 63 ans se veut modernisateur. Pourtant, depuis l'automne 2017, le gouvernement s'est donné le défi de réduire au silence la communauté LGBT. En septembre 2017, des jeunes brandissent un drapeau arc-en-ciel lors d'un concert. S'en suit une chasse à l'homme. Selon l'Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR), une ONG locale, 57 personnes sont arrêtées entre le 19 septembre et le 2 octobre pour retrouver les individus concernés par le geste. Parmi eux, huit sont condamnés à des peines d'un à six ans d'emprisonnement.
Le président égyptien serre également la vis des médias. En février 2018, il déclare: «Vous êtes avec nous dans le combat pour l'Égypte». Hors de question alors de publier un article allant à l'encontre du discours officiel. Selon le classement 2017 de Reporters sans frontières, l'Egypte est en effet 161ème sur 180 pays en matière de liberté de la presse.
Seules les ONG tentent, avec beaucoup de mal, d'informer sur les réels résultats de la politique de Sissi. Le 24 mai 2017, al-Sissi promulgue une loi afin de réguler les activités des ONG. Le but: réduire les libertés de la société civile particulièrement pour les opposants. «Les révolutionnaires se désengagent de la vie publique car ils n'ont plus aucun espace sur la scène politique», explique David Khalfa, chercheur à l'Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE), contacté par Le Figaro.
Une ambiguïté religieuse
Président ambivalent, le Raïs tente d'apparaître ouvert concernant la religion. Lui-même très croyant, il prie cinq fois par jour et affiche fièrement la zebiba, la marque du tapis de prière sur le front. Issu d'un quartier où
«Les révolutionnaires se désengagent car ils n'ont plus aucun espace sur la scène politique»
David Khalfa, chercheur à l'IPSE
cohabitent chrétiens et musulmans, al-Sissi veut à tout prix débarrasser l'islam des islamistes. L'une des missions qu'il s'est assignée alors qu'une nuit, lui vient une «vision»: celle d'Anouar el-Sadate, ancien chef de l'État assassiné, à qui il tient ces propos: «Moi aussi, je dirigerai l'Égypte», raconte-t-il au quotidien Al-Masry Al-Youm. «Al-Sissi est un musulman traditionaliste hostile aux Frères musulmans», souligne David Khalfa. Élu pour libérer le pays de l'influence de l'islamisme, le Président s'appuie sur l'aide d'imams réformateurs mais se heurte parfois aux réticences d'une partie de la population. «Il faut savoir que les salafistes ont repris en main le travail d'islamisation par le bas (atteindre d'abord le peuple puis les institutions) des Frères musulmans», précise David Khalfa. «Le parti salafiste Al-Nour soutient le régime autoritaire d'al-Sissi, qui souhaite réformer la Constitution, est conscient qu'il aura besoin de partisans. Toutefois, al-Sissi est persuadé d'avoir le contrôle et que ces derniers n'ambitionnent pas de salafiser l'État», ajoute-t-il.
L'ancien militaire est par ailleurs très impliqué dans la lutte contre Daech. «40.000 soldats ont été envoyés dans le Sinaï et coopèrent de façon discrète avec Israël», rapporte le chercheur. Ce qui n'a pourtant pas empêché l'attentat à la voiture piégée qui a eu lieu le 24 mars à Alexandrie, tuant un policier et faisant quatre blessés. «Al-Sissi n'arrive pas à mettre un terme à la menace terroriste car sa stratégie est presque exclusivement militaire. Son armée peut faire face à un défi conventionnel mais pas mais pas asymétrique

comme l'est la menace djihadiste. Sissi a tardivement pris conscience de la nécessité de compléter cette approche sécuritaire en intégrant les populations marginalisées du Sinaï au développement social et économique», souligne David Khalfa.
Les forces de sécurité égyptiennes effectuent depuis plusieurs mois une vaste opération dans le Sinaï afin d'éliminer la rébellion islamiste. Cette offensive, qui comprend notamment des frappes aériennes, a restreint l'accès à la péninsule. Les habitants ont peur de quitter leur domicile et quasiment aucun votant ne s'est rendu aux urnes dans le Nord-Sinaï lundi. Une perte des votes qui ne fera qu'accentuer le taux d'abstention, seul enjeu de ces élections.
Les jeunes, désenchantés
Pour se rendre aux urnes, des électeurs racontent avoir reçu de l'argent, de la nourriture et d'autres avantages de la part du gouvernement. La campagne s'est déroulée dans un climat d'intimidations, d'arrestations et de pressions diverses pour décourager les plus sérieux rivaux d'al-Sissi. Personnage méfiant, le Raïs a découragé ses rares opposants à la présidentielle, convainquant même Ahmed Chafik, l'ancien premier ministre, de renoncer.
Le peuple égyptien, sans alternative, apparaît aujourd'hui résigné. D'autant plus que le bilan économique du premier mandat d'al-Sissi est très mitigé. «La livre égyptienne a perdu 50% de sa valeur et l'inflation était à 15% en février 2018. Même si elle a bénéficié d'une baisse tendancielle (30% en juin 2017), le prix du carburant, de l'eau ou des transports ne cesse d'augmenter et d'impacter les populations les plus fragiles», déplore David Khalfa. Dans une telle atmosphère, la génération de la place Tahrir garde un goût amer, celui de l'échec d'une révolution avortée. Quant à la jeunesse (1/4 de la population a entre 18 et 29 ans) qui a grandi avec le slogan «Le pain, la liberté et la justice sociale», «elle s'est construite avec un espoir immense mais déçu» et semble se considérer aujourd'hui comme une génération sacrifiée.

La rédaction vous conseille


Une école brûlée dans les Yvelines (02.04.2018)
  • Par  Le Figaro.fr 

  • Mis à jour le 02/04/2018 à 09:53 

  • Publié le 02/04/2018 à 09:45
Une école maternelle de Chanteloup-les-Vignes dans les Yvelines a été incendiée samedi soir, nous apprend Le Parisien. Selon le journal, un ou plusieurs individus ont fracturé les portes de l'établissement avant d'y mettre le feu. Plusieurs salles sont ravagées, dont le dortoir. 
Dans le journal, Catherine Arenou, la maire (LR) de la ville, estime que la totalité de l’école est « inutilisable » et ce « pour plusieurs semaines, voire même plusieurs mois puisqu’il faut vérifier l’état même de la structure ».
Sur Twitter, cette dernière a exprimé sa colère : "quand on vous dit que l’éducation est une priorité pour nos quartiers, qu’un enfant sans école, c’est un enfant sans repères, qu’à chaque fois qu’un voyou détruit, nous sommes tous salis, écoutez-nous."
Pour l'heure, les 80 élèves de l'école devraient être rapatriés dans un centre de loisirs à compter de demain mardi. Le commissariat de Conflans est chargé de l’enquête.

Afrique du Sud : mort de Winnie Mandela, l'ex-épouse aussi engagée que controversée (02.04.2018)

  • Mis à jour le 02/04/2018 à 18:32 

  • Publié le 02/04/2018 à 18:00
Winnie Mandela, ex-épouse de Nelson Mandela, décède à l'âge de 81 ans
L'entourage de Winnie Mandela a annoncé lundi 2 avril son décès à Johannesbourg. Militante anti-apartheid, elle fut une femme politique très engagée tout au long de sa vie et la seconde épouse de Nelson Mandela.
L'ancienne femme de Nelson Mandela est décédée lundi à l'âge de 81 ans. Elle avait repris le combat de son mari lorsque celui-ci était en prison, avant d'être accusée de violation des droits de l'homme et de fraude.
Nomzamo Winifred Zanyiwe Madikizela, plus connue sous le surnom de «Winnie», est morte lundi 2 avril à l'âge de 81 ans des suites d'une longue maladie. Cette Sud-africaine est indissociable de l'image de son ex-mari, Nelson Mandela, dont elle fut l'épouse pendant 38 ans. Elle avait repris le combat de ce dernier lorsqu'il était en prison, avant d'être rattrapée par les affaires et d'être accusée de torture.

Née en 1936, elle est comme Nelson Mandela originaire de la province du Cap oriental. A la fin de ses études, elle décroche un diplôme universitaire de travailleur social, une exception pour une femme noire à l'époque. Elle devient ainsi en 1955 la première assistante sociale noire du pays dans un hôpital de Soweto, le township noir de Johannesburg.
Son mariage en juin 1958 avec Nelson Mandela - elle a 21 ans, et lui, divorcé et père de famille, presque 40 - est vite contrarié par l'engagement politique de son mari. «On n'a jamais eu vraiment de vie de famille (...) on ne pouvait pas arracher Nelson à son peuple. La lutte contre l'apartheid, la Nation venaient d'abord», écrit-elle dans ses mémoires. Après leur mariage, Nelson Mandela entre très vite dans la clandestinité. Restée seule avec leurs fillettes après son arrestation en août 1962, Winnie maintient la flamme du combat contre le régime raciste blanc.
La jeune assistante sociale est alors la cible de manœuvres d'intimidation et de pressions constantes. Emprisonnée, astreinte à domicile, bannie dans un bourg à l'écart du monde où sa maison est visée par deux attaques à la bombe... Mais rien n'arrête la résistante, qui continue à défier les autorités blanches. Elle devient l'une des figures de proue du Congrès national africain (ANC), fer de lance de la lutte anti-apartheid. En 1976, elle appelle les lycéens de Soweto révoltés à «se battre jusqu'au bout».
«Violations des droits de l'homme»
La radicale «passionaria des townships» se révèle pourtant, avec le temps, un handicap et une gêne pour l'ANC. Alors que les traîtres présumés à la cause anti-apartheid sont brûlés vifs, avec un pneu passé autour du cou, elle déclare que les Sud-Africains doivent se libérer avec des «boîtes d'allumettes». Un véritable appel au meurtre. Winnie s'entoure d'un groupe de jeunes hommes formant sa garde rapprochée, le «Mandela United Football Club» (MUFC), aux méthodes particulièrement brutales.

En 1991, elle est reconnue coupable de complicité dans l'enlèvement d'un jeune militant, Stompie Seipei. Elle est condamnée à six ans de prison, une peine ultérieurement commuée en simple amende. En 1998, la Commission vérité et réconciliation (TRC) chargée de juger les crimes politiques de l'apartheid déclare Winnie «coupable politiquement et moralement des énormes violations des droits de l'homme» commises par le MUFC. «Grotesque», répète celle que l'on surnomme la «Mère de la Nation», même si des témoins l'accusent de torture.
«Elle était une formidable égérie de la lutte, une icône de la libération», dira d'elle le prix Nobel de la paix Desmond Tutu, président de la TRC et ami de Nelson Mandela. «Et puis, quelque chose a terriblement mal tourné».
L'image du couple Mandela, marchant main dans la main à la libération du héros anti-apartheid en 1990, après 27 ans de prison, a fait le tour du monde. Mais les époux ne se sont jamais retrouvés. Ils ont fini par divorcer en 1996 à l'issue d'une sordide procédure qui a révélé les infidélités de Winnie.
Nommée vice-ministre de la Culture après les premières élections multiraciales de 1994, Winnie est renvoyée pour insubordination par le gouvernement de son époux, un an plus tard. Mise au ban de la direction de l'ANC, condamnée une nouvelle fois en 2003 pour fraude, Winnie fait tout de même son retour en politique quatre ans plus tard en intégrant le Comité exécutif du parti, l'instance dirigeante de l'ANC. Elle multiplie les contradictions. Députée depuis 1994 et réélue à chaque élection, elle brille par son absence au Parlement. Celle qui mène grand train prend régulièrement la défense des plus pauvres.
Elle critique vertement l'accord historique passé par son illustre mari avec les Blancs pour mettre fin à la ségrégation. «Mandela nous a abandonnés», assène-t-elle, «l'accord qu'il a conclu est mauvais pour les Noirs».

L'animosité de son ancien mari a même continué même après la mort de ce dernier en 2013. Il ne lui a rien légué. Furieuse, elle a engagé une bataille pour récupérer la maison familiale de Qunu (sud). La justice l'a récemment déboutée de ses demandes.
La rédaction vous conseille

Fermiers blancs sud-africains: Canberra fait marche arrière, Pretoria se réjouit (02.04.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 02/04/2018 à 16:11 

  • Publié le 02/04/2018 à 16:06
Le gouvernement de Pretoria a "salué" lundi la décision de l'Australie de "retirer" les propos de son ministre de l'Intérieur qui avait suscité une vive polémique en affirmant que les agriculteurs sud-africains blancs étaient "persécutés".
Mi-mars, Peter Dutton avait déclaré que les fermiers blancs sud-africains devaient fuir les "conditions atroces" provoquées par les violences criminelles et la politique de redistribution des terres de Pretoria pour gagner "un pays civilisé". Il avait proposé de faciliter la délivrance de visas pour cette catégorie de population. Le gouvernement sud-africain avait jugé ces propos "offensants" et convoqué immédiatement l'ambassadeur australien pour exiger "le retrait des commentaires" de Peter Dutton. Pretoria vient d'obtenir gain de cause.
Dans un communiqué lundi, la chef de la diplomatie sud-africaine, Lindiwe Sisulu, "a salué le fait que le Premier ministre australien, Malcolm Turnbull, et la ministre des Affaires étrangères, Jullie Bishop, aient retiré les commentaires du ministre de l'Intérieur, Peter Dutton, sur le processus de redistribution des terres en Afrique du Sud". "Nous avons reçu une lettre du ministère australien des Affaires étrangères" expliquant que les propos de Peter Dutton "ne reflétaient pas la position du gouvernement australien", a expliqué lundi le porte-parole du ministère sud-africain des Affaires étrangères, Ndivhuwo Mabaya.
500.000 Sud-Africains blancs sont partis depuis 30 ans
Lindiwe Sisulu a de nouveau assuré lundi que "personne n'était persécuté en Afrique du Sud". "L'Afrique du Sud est un pays de droit, et via un processus constitutionnel, parviendra à des solutions pour redistribuer la terre (...) sans violer les droits de quiconque", a assuré la ministre.
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa compte "accélérer" la réforme agraire destinée à redistribuer des terres de la minorité blanche au profit de la majorité noire pour "corriger les injustices" passées.
L'écrasante majorité des fermes (72%) appartient toujours à la minorité blanche (8%), près d'un quart de siècle après la chute officielle du régime raciste. La très délicate question de la réforme agraire inquiète nombre d'agriculteurs blancs qui craignent que l'Afrique du Sud ne suive la voie du Zimbabwe voisin, où la réforme agraire et la saisie brutale des terres ont plongé le pays dans une crise économique sans précédent. Selon des statistiques officielles, jusqu'à 500.000 Sud-Africains blancs ont quitté leur pays ces trente dernières années, et l'Australie est la destination numéro un.
LIRE AUSSI :


Afrique du Sud : le massacre oublié des fermiers blancs (03.03.2017)

Par Vincent Jolly
Mis à jour le 03/04/2017 à 17h40 | Publié le 03/03/2017 à 09h00
REPORTAGE - Dans une société divisée par l'héritage de l'apartheid, les fermiers blancs sont la cible d'attaques en série particulièrement violentes. Un phénomène qui ne cesse de s'aggraver. Au point d'hypothéquer l'avenir même du pays.
Ils étaient six. Réveillés en sursaut quelques secondes plus tôt, Diederich et Dolla Beyers pouvaient distinguer leurs silhouettes armées se dessinant dans l'épaisse obscurité de leur chambre à coucher. Tandis que les assaillants leur liaient pieds et mains avec des câbles électriques, ils n'offraient aucune résistance, ne pensant qu'à une chose: leurs enfants, endormis dans la pièce d'à côté. Allongé sur le sol et tenu en joue par l'un des hommes les menaçant de le tuer et de violer sa femme, Diederich pouvait entendre les cinq autres saccager sa maison à la recherche d'armes et d'argent. La suite, il la connaissait: dans toutes les attaques de fermes à travers le pays, les rôdeurs abattent quasi systématiquement le mari. «Reste calme», répétait-il inlassablement à son agresseur dans un accès de sang-froid.
De la chambre des enfants, Diederich et Dolla n'entendaient rien. Pas de pleurs, pas de cris. Le couple craignait le pire. «Je reviens, et je vous tue», lança l'homme qui les surveillait avant de quitter la pièce pour rejoindre les autres et les aider à charger le véhicule. Une courte fenêtre de temps durant laquelle Diederich put se libérer de ses liens et atteindre un fusil caché sous son lit. Alors qu'il pointait le canon de l'arme vers l'encadrement de la porte s'ouvrant sur le couloir qui menait au salon, Dolla s'affairait à libérer les pieds toujours entravés de son mari. Au moment où l'une des silhouettes réapparut devant lui, Diederich ouvrit le feu. Les assaillants ripostèrent. Une fusillade longue de plusieurs minutes au cours de laquelle il tua l'un des agresseurs et en blessa deux, avant que les autres ne prennent la fuite à bord d'un véhicule. Diederich, Dolla et leurs trois enfants étaient miraculeusement sains et saufs.
«Je regrette d'avoir tué cet homme. Je n'ai fait que défendre ma famille. Mais c'est horrible de devoir en arriver là. Avant, ce n'était pas comme ça.»
Diederich Beyers
Assis dans son salon trois semaines après l'attaque, le couple s'interrompt brièvement dans son récit. Dans un coin de la pièce, un petit arbre de Noël scintille. «C'est Dieu qui nous a protégés, reprend Diederich. Je pense que, sans Lui, on ne s'en serait pas sortis.» Ce fermier sud-africain a grandi dans cette région près de Marble Hall, à deux heures et demie de route de Johannesburg, où lui et sa femme possèdent une petite ferme de 200 hectares. «Je regrette d'avoir tué cet homme, poursuit-il. Je n'ai fait que défendre ma famille. Mais c'est horrible de devoir en arriver là. Avant, ce n'était pas comme ça.»

Rassemblement des militants du parti Economic Freedom Fighters (EFF) à Johannesburg. Créé par Julius Malema, ce mouvement d'extrême gauche propage un discours radicalement anti-blancs. - Crédits photo : Brent Stirton/Verbatim for Le Figaro
Depuis 1994, date de l'arrivée de l'ANC au pouvoir,la plupart des sources s'accordent pour estimer à 4000 le nombre de fermiers assassinés-d'autres chiffres, plus alarmants, sont fréquemment cités par desorganisations de fermiers. Rien que pour l'année 2016, l'organisation de défense des droits civiques AfriForum portait le nombre d'attaques de fermes à 345 (soit près d'une par jour) et le nombre de meurtres à 70 (soit plus d'un par semaine). Et depuis le 1er janvier 2017, ce sont 86 attaques et 19 meurtres qui ont déjà été recensés. Ce sujet tabou, peu traité par les médias nationaux comme internationaux, ne manque pas de diviser une société déjà déchirée par l'héritage de l'apartheid.
En cause, le caractère racial du phénomène: la quasi-totalité des fermiers du pays sont blancs et la totalité des agresseurs sont noirs. «Ceux qui nous ont attaqués ont été aiguillés par l'un de nos ouvriers», raconte Diederich, qui emploie à l'année une vingtaine de personnes et jusqu'à 120 saisonniers lors des récoltes de blé. «C'est souvent le cas. Aujourd'hui, la plupart des fermiers communiquent entre eux via WhatsApp. Donc, on sait très rapidement quand une attaque a lieu, ainsi que tous les détails qui vont avec. Les fermes sont des cibles idéales: isolées, rarement gardées et souvent juste habitées par des vieilles personnes. Et récemment, la fréquence des attaques a augmenté.» Le 16 décembre, deux jours après notre rencontre avec Diederich, cinq agressions étaient recensées dans le pays.
«Les colons européens sont venus et ont massacré des Africains pacifistes comme des animaux. Nous n'appelons pas au massacre des Blancs, du moins pour l'instant»
Julius Malema
Plusieurs événements politiques ont contribué à l'augmentation des attaques de fermes ces dix dernières années. Tout d'abord l'abolition, en 2008, des Kommandos - un système de milices, partie intégrante de l'armée sud-africaine et collaborant avec la police nationale pour la protection des communautés rurales du pays. Puis la mort de Nelson Mandela, dernier garde-fou et rassembleur d'un parti défaillant ayant précipité le déclin économique et politique de l'Afrique du Sud: l'actuel président Jacob Zuma fait l'objet de plus de 700 plaintes pour corruption et fraude. Enfin, la création, en 2013, du parti révolutionnaire Economic Freedom Fighters (EFF, Combattants pour la liberté économique) par Julius Malema, un ancien leader de la Ligue des jeunes de l'ANC, exclu par le parti de Jacob Zuma après l'avoir aidé à accéder au pouvoir. Charismatique et populiste, proche de dictateurs comme Robert Mugabe et admirateur de l'héritage d'Hugo Chávez et de Fidel Castro, Malema participe depuis son arrivée sur la scène politique à raviver les tensions entre les Noirs et les Blancs.

Ces Suidlanders apprennent à se servir de radios. Ce groupe très organisé composé de 12.000 membres actifs et plus de 100.000 sympathisants, croit à l'imminence d'un soulèvement contre les Blancs. - Crédits photo : bstirton
La question raciale reste omniprésente
En 2011, il est filmé en train de scander «Tuez les Boers, tuez les fermiers», une vieille chanson révolutionnaire. En 2009, alors encore membre de l'ANC, il refuse un débat avec son homologue du Democratic Alliance (le parti d'opposition dirigé à l'époque par Helen Zille), Khume Ramulifho, le considérant comme étant «le jardinier» de celle qu'il appelle «une petite fille raciste». En 2016, au sortir du tribunal où il est accusé d'inciter les militants de son parti à aller occuper illégalement les terres possédées par des fermiers blancs, il déclare: «Ces terrains doivent être expropriés sans aucune compensation. Les colons européens sont venus et ont massacré des Africains pacifistes comme des animaux.  Et de poursuivre: Nous n'appelons pas au massacre des Blancs, du moins pour l'instant.»
La question des inégalités raciales et du partage des terres en Afrique du Sud est un sujet épineux depuis la fin de l'apartheid. Un sujet que l'ANC et l'EFF n'hésitent pas à brandir comme diversion pour couvrir leurs échecs: des taux de chômage record, une économie en berne, des promesses non tenues sur l'éducation ou la santé, une perte du contrôle de l'immigration, une hausse de la criminalité… Sur la période 2015-2016, 18.673 meurtres et 51.895 viols étaient recensés dans le pays. Et en 2015, l'économiste Thomas Piketty, peu suspect de sympathie pour l'ancien pouvoir blanc, déclarait: «Dans un certains sens, il y a plus d'inégalité en Afrique du Sud aujourd'hui que pendant l'Apartheid.»
«Dans un certains sens, il y a plus d'inégalité en Afrique du Sud aujourd'hui que pendant l'Apartheid»
Thomas Piketty
«Malema veut reprendre nos terres et les rendre au peuple, continue Diederich tout en nous raccompagnant à l'entrée de sa ferme. Il affirme que les Blancs sont venus et ont volé les terres aux Noirs. C'est complètement faux!» Car toute la stratégie de Julius Malema repose sur cette simple revendication: le pays appartient aux Noirs car les Blancs l'ont volé. Une vision simpliste et historiquement fausse. Les premiers habitants de ce territoire que l'on connaît aujourd'hui comme l'Afrique du Sud étaient les tribus San et Khoïkhoï dont les descendants sont aujourd'hui désignés sous le nom de Bushmen-deux tribus qu'ont rencontrées les Hollandais à leur arrivée au XVIIe siècle, mais qui ont aussi subi les invasions des peuples Bantou, Basotho, Zoulou et Xhosa. Aujourd'hui, on ne dénombre pas moins de 32 tribus distinctes en Afrique du Sud, certaines nourrissant une rivalité depuis plusieurs siècles. Les Bushmen, eux, sont l'une des minorités les plus discriminées du pays.

Dap Mariz, ancien membre des forces spéciales, forme des bushmen pour une réserve privée. - Crédits photo : Brent Stirton/Verbatim for Le Figaro
À 300 kilomètres de chez Diederich et Dolla, dans une réserve privée près de Swartruggens où sont élevées plusieurs espèces animales, une quinzaine de Bushmen ont été recrutés pour assurer la protection du domaine. Ils ont entre 17 et 28 ans. Entre deux exercices de self-défense, ils racontent brièvement leur expérience. «Nous, on n'a pas connu l'apartheid. Dans le township d'où on vient, près de Kimberley, ce n'étaient pas des Blancs qui nous persécutaient.» Leur instructeur, Dap Maritz, a été recruté par le propriétaire de la réserve comme responsable de la sécurité. Ancien membre du Recces5, une unité des forces spéciales sud-africaines s'étant notamment illustrée lors de la guerre du Bush de Rhodésie et d'Angola, Maritz s'est depuis reconverti dans la protection de la faune et la lutte contre le braconnage. «Dans beaucoup de cas, les hommes qui attaquent les petites fermes isolées baignent aussi dans des affaires de braconnage, raconte le vétéran. Certains sont sud-africains, mais beaucoup viennent du Zimbabwe et du Mozambique: deux pays connus pour abriter les plus dangereux braconniers du continent.»
«Le gouvernement a du mal à admettre la réalité. Très souvent, ces attaques sont classées comme des cambriolages ayant mal tourné. Donc, statistiquement, elles n'existent pas»
Sakkie Louwrens, ancien policier
Ce phénomène d'immigration criminelle et cette connexion entre le braconnage et les attaques de fermes, l'ancien lieutenant-colonel de la police sud-africaine Sakkie Louwrens les constate également. «Mais c'est très difficile d'obtenir des statistiques précises sur les attaques de fermes», raconte-t-il. «D'abord parce que les services d'investigation de la police ont été décapités par l'ANC, mais aussi parce que le gouvernement a du mal à admettre la réalité. Très souvent, ces attaques sont classées comme des cambriolages ayant mal tourné. Donc, statistiquement, elles n'existent pas. Mais quand on voit l'extrême brutalité dont font preuve les assaillants, on sait bien que ce n'est pas ça. Il y a une évolution dans leur modus operandi. La fréquence des attaques augmente, comme le nombre d'agresseurs, mais la nature du crime change aussi. En plus des actes de viol ou de torture, on remarque parfois des violences post mortem et des profanations du corps des victimes.»
Après 26 ans de service, cet enquêteur émérite, ex-membre d'une unité d'investigation des crimes violents, a créé le Heritage Protection Group (HPG), une ONG dont le but est d'apporter un soutien logistique et un savoir-faire aux forces de police. «Ces attaques ne sont pas toutes motivées par l'argent, poursuit Louwrens. La plupart des fermiers sont de vieilles personnes qui vivent dans des conditions plutôt précaires. Et ce ne sont pas des actes locaux et isolés, c'est un vrai réseau de crime organisé. Depuis que le gouvernement a perdu le contrôle de l'immigration, on assiste à une professionnalisation des groupes d'agresseurs. Ils viennent du Mozambique, du Zimbabwe, du Nigeria et ils sont organisés, déterminés et mobiles. Un groupe qu'on a réussi à arrêter était impliqué dans deux attaques à plus de 250 kilomètres de distance.»
De par la situation géographique très isolée des fermes et l'étendue du territoire sur lesquelles elles sont réparties, les hommes du HPG sont parfois les premiers arrivés sur les lieux. Sakkie a notamment travaillé sur l'attaque de la ferme de Diederich et Dolla. Un mois après l'attaque, la police n'avait toujours pas avancé sur l'enquête et le téléphone portable d'un des complices blessés par Diederich et mis en garde à vue avait été égaré. Lorsque Sakkie et ses hommes étaient arrivés sur les lieux, la scène de crime avait été contaminée. «C'est pour ces raisons qu'on a décidé de créer le HPG: pour combler la défaillance du système, pour s'assurer que l'enquête se fera correctement. La plupart des gens ne voient que l'aspect racial de ces attaques: les Noirs contre les Blancs. C'est beaucoup trop simpliste. Il en va de la sécurité alimentaire du pays.»

À Orania, une communauté exclusivement réservée aux Blancs et fondée en 1991, les habitants veulent sauvegarder le monde afrikaner. - Crédits photo : Brent Stirton/Verbatim for Le Figaro
«Si ça continue comme ça, on finira par arriver à une guerre civile. Aujourd'hui, un fermier blanc a plus de chance de se faire tuer qu'un policier!»
Barend Pienaar, propriétaire de ferme de crocodiles
Depuis 1994, le nombre de fermiers dans le pays a chuté drastiquement. D'environ 105.000 à 28.000 selon les dernières estimations. «C'est ce qu'ils veulent: le chaos dans le pays, affirme Barend Pienaar, un propriétaire de ferme de crocodiles se désignant comme un “patriote de la nation afrikaner”. Ces gens, comme Zuma ou même Malema, ne pensent qu'à s'enrichir. Le coup de vouloir rendre les terres au peuple, c'est juste un prétexte populiste. L'ANC a commencé à redonner des terrains aux Noirs et, dans la quasi-totalité des cas, ils ont préféré un dédommagement financier plutôt qu'une terre. Vous croyez quoi? Personne ne veut être fermier aujourd'hui. Encore moins un Noir. Ce n'est pas du racisme, c'est la réalité. Et, si ça continue comme ça, on finira par arriver à une guerre civile. Aujourd'hui, un fermier blanc a plus de chance de se faire tuer qu'un policier!»
Montée de la haine anti-blancs
Si les Blancs ne sont qu'une minorité en Afrique du Sud (environ 8% de la population du pays, dont moins de 5% de Boers), beaucoup partagent le point de vue de Barend Pienaar. En témoignent les communautés fermées - comme Orania, fondée en 1991 au crépuscule de l'apartheid -, strictement réservées aux Blancs et qui reçoivent aujourd'hui quatre fois plus de candidatures qu'il y a vingt ans. Ou encore l'organisation des Suidlanders, qui anticipe l'effondrement de la société sud-africaine et prévoit de s'exiler lorsque la révolte débutera. «Il y a encore cinq ans, je trouvais les Suidlanders un peu fous, raconte Simon Roche, qui a rejoint le mouvement il y a deux ans. Mais il y a une réelle montée de haine anti-Blancs dans ce pays. Et je pense qu'un jour, ça explosera et que des massacres seront perpétrés. Peut-être qu'on a tort, mais le jour où ça arrivera, je ne veux pas me dire que j'aurais pu faire quelque chose pour me protéger.»
«Les européens considèrent que les Blancs sont des racistes responsables de l'apartheid. Mais ils ne savent pas ce que c'est que de vivre dans un pays où les citoyens doivent se protéger eux-mêmes»
Simon Roche, membre de la communauté Orania
Les Suidlanders revendiquent 12.000 membres actifs à travers le pays. Peu à peu, ils élaborent leur plan d'action: fuite des villes, rassemblement et établissement d'un sanctuaire sur des terres inoccupées. «La convention de Genève prévoit que des groupes de civils puissent disposer d'eux-mêmes en cas de persécutions dans leur pays poursuit Simon, contacté par téléphone depuis Paris. En Europe, les gens ne se rendent pas compte de ce qui se passe en Afrique du Sud. Ils considèrent que tous les Blancs sont des affreux racistes responsables de l'apartheid. Mais ils ne savent pas ce que c'est que d'être né et de vivre dans un pays où les citoyens doivent se protéger eux-mêmes.»
Car, si tous les Blancs du pays ne souhaitent pas vivre reclus comme à Orania ou rejoindre un mouvement comme celui des Suidlanders, beaucoup ont décidé de prendre des mesures exceptionnelles pour assurer leur sécurité. A Sundra, près de Johannesburg, Derek Bester est à la tête d'une communauté de 200 civils qui patrouillent 24 heures sur 24 pour protéger leurs familles et intervenir en cas d'attaque. «On a tous un métier et on fait tout ça sur notre temps libre, explique cet ancien soldat du Bataillon32, le célèbre régiment d'infanterie sud-africain. On achète notre équipement nous-mêmes: radios, armes, véhicules, torches… C'est triste à dire, mais nous sommes notre seule ligne de défense.»
Aux dernières élections municipales, en août 2016, l'EFF remportait 8,19 % des scrutins. Sur Twitter, Julius Malema appelle ses réunions des «conseils de guerre» et se désigne non comme un chef de parti mais comme un «commandant en chef». Lorsqu'un internaute lui montre la photo d'une terre et lui demande «Comment je peux faire pour la récupérer?», Malema répond : «Attaque!» Dans une interview, l'auteur et journaliste R.W. Johnson, explique: «Puisque l'échec de l'ANC est flagrant, ils doivent se battre pour survivre. Leur dernière carte est le nationalisme racial: votez pour nous car on est noirs, votez contre eux car ils sont blancs. Et c'est encore plus vrai depuis l'émergence de l'EFF.» Profondément divisée par la question raciale, sclérosée par la corruption rampante de ses dirigeants politiques et gangrenée par la violence, l'Afrique du Sud est sur le fil. À l'aube, sans doute, d'une saison noire et sèche.
La rédaction vous conseille :

Dans les stades et les centres commerciaux, les vigiles imposent leur loi aux policiers (02.04.2018)
Par Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 03/04/2018 à 10h26 | Publié le 02/04/2018 à 17h54
Un agent de sécurité peut interdire l'accès à un lieu privé accueillant du public à tout membre des forces de l'ordre armé et hors service. Même après la tuerie de Trèbes… Gérard Collomb changera-t-il les textes ?
«Vigile contre policier, c'est le vigile qui gagne!» L'incompréhension gagne les rangs policiers en matière de lutte antiterroriste. Surtout après la tuerie dans le Super U de Trèbes, dans l'Aude, le 23 mars dernier. Aussi surprenant que cela puisse paraître, un policier ou un gendarme qui entre avec son arme de service dans un centre commercial ou dans tout lieu privé accueillant du public peut s'en voir interdire l'accès par un simple agent de sécurité.
Comment cela se peut-il, alors que la France est censée être «en guerre» contre le djihadisme? Un texte n'a-t-il pas été promulgué après les attentats de 2015 pour permettre aux forces de l'ordre de porter leurs armes, même en dehors des heures de service, en tout lieu public, pour pouvoir intervenir sur le champ, en cas d'attaque terroriste? Il faut croire qu'un ultime obstacle n'a pu être surmonté: un lieu public n'a pas le même statut qu'un lieu privé accueillant du public. Rédhibitoire?
«Bien sûr que l'on peut changer la loi, c'est une question de volonté!», assure l'ex-député du Rhône Georges Fenech, secrétaire national chargé de la justice chez Les Républicains. L'an dernier, cet ex-magistrat a tenté de faire évoluer la législation, «mais l'amendement que j'avais proposé, le 30 janvier 2017, pour conférer aux policiers et gendarmes un droit à être armé en tout lieu accueillant du public, a été écarté du projet de loi relatif à la sécurité publique», déplore-t-il.
L'agent de sécurité n'a rien voulu savoir
Rien n'est donc réglé. Pour preuve, quelques jours avant l'équipée meurtrière de Radouane Lakdim à Trèbes, près de Carcassonne, un superflic de l'escorte de protection rapprochée du ministre de l'Intérieur, alors en déplacement au Niger, confiait à ses collègues avoir été contraint de rebrousser chemin, alors qu'il allait faire ses courses dans un supermarché, muni de son arme de service. Le vigile lui interdisait l'accès au magasin s'il conservait son pistolet. «Mais s'il se passe quelque chose, c'est bien la police que vous allez appeler?», lui objecta le fonctionnaire, estomaqué. L'agent de sécurité n'a rien voulu savoir.
Contactée par Le Figaro, l'une des plus prestigieuses enseignes de la grande distribution assure, pour sa part, qu'elle ne délivre aucune consigne pour empêcher les membres des forces de l'ordre armés de rentrer dans ses centres commerciaux. La déconvenue de ce policier du Service de sécurité du ministère de l'Intérieur (SSMI) n'est pourtant pas un cas isolé. «Plusieurs policiers armés se sont vus refuser l'entrée dans des enceintes sportives ou des salles de spectacle», affirme Patrice Ribeiro, patron du syndicat de police Synergie-officiers. Selon lui, «leur admission dépend du bon vouloir de l'organisateur. C'est insensé lorsque l'on se souvient du drame du Bataclan ou de l'attentat lors du concert d'Ariana Grande à Manchester!».
Le 12 novembre dernier, notre confrère de RMC, Jean-Jacques Bourdin, diffusait un tweet sur un événement surprenant survenu la veille: «Samedi soir stade de France: le numéro 2 du GIGN n'a pas pu entrer car il était armé et en civil. Il a dû laisser son arme à des gendarmes!» Rappelons que le Stade de France, à Saint-Denis, fut la première cible des attaques kamikazes du 13 novembre 2015.
Me Thibault de Montbrial s'étonne que la loi n'évolue toujours pas. Il rappelle que le 23 mars dernier, à Trèbes, un policier à la retraite se trouvait dans le Super U où l'officier de gendarmerie Arnaud Beltrame a été tué, ainsi que trois autres personnes. «Pourquoi ne pas autoriser ces jeunes retraités, qui ont porté une arme pendant des décennies, à continuer à le faire sous certaines conditions?», interroge l'avocat. Selon lui, «il faut permettre une riposte quasi instantanée pour éviter autant que possible le massacre des premières minutes dans une salle de spectacle ou un supermarché».
Les douaniers concernés aussi
Les douaniers eux-mêmes se plaignent d'avoir été oubliés par le législateur. Le 25 mars, après les attaques de l'Aude, le syndicat Unsa-douanes a appelé le gouvernement à «une réaction forte, à la hauteur des enjeux, en autorisant le port de l'arme individuelle hors du service pour les douaniers». Le commandant Ribeiro assure que son syndicat, comme d'autres organisations, réitère régulièrement la demande d'extension du port d'arme des forces de l'ordre dans les lieux privés accueillant du public lors des audiences qui lui sont accordées à l'Intérieur. Selon lui, «le ministre a promis d'étudier la question». «Sujet bien considéré par Beauvau!», confirme-t-on dans l'entourage du ministre. Mais, pour l'heure, pas de réforme en vue. Pourtant, la décision rendue le 29 mars dernier par le Conseil constitutionnel, sur la loi antiterroriste d'octobre 2017, pourrait constituer un puissant levier si le gouvernement devait agir.
Concernant les vigiles privés amenés à faire des contrôles, des fouilles et des palpations dans certaines zones, les Sages ont estimé qu'«il appartient aux autorités publiques de prendre les dispositions afin de s'assurer que soit continûment garantie l'effectivité du contrôle exercée sur ces personnes par les officiers de police judiciaire». En clair: les vigiles n'ont pas pleine autonomie et n'ont pas équivalence et encore moins prééminence sur les policiers dont ils devraient plutôt dépendre. «Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout et faire en sorte que les forces de l'ordre n'aient pas à se soumettre au bon vouloir des vigiles et de ceux qui les emploient quand elles entrent armées dans un supermarché ou un stade?», interroge un commissaire de police. Vigile contre policier, ce serait alors le policier qui aurait enfin le dernier mot.

La rédaction vous conseille :
Rédacteur en chef adjoint (sécurité intérieure, affaires judiciaires, immigration)
Ses derniers articles
Gaza: des milliers de manifestants (02.04.2018)
  • Par  Lefigaro.fr avec Reuters 

  • Mis à jour le 02/04/2018 à 18:52 

  • Publié le 02/04/2018 à 18:42
Plusieurs milliers de Palestiniens ont poursuivi lundi, dans des camps de tentes le long de la limite entre la bande de Gaza et Israël, leur mouvement en faveur du droit au retour des réfugiés et de leurs descendants vers ce qui est aujourd'hui l'Etat d'Israël, et ce bien que 17 manifestants aient été tués par l'armée israélienne depuis le début de cette action.
Le nombre de manifestants était nettement moins important lundi qu'à l'apogée des rassemblements durant le week-end. Nombre de participants présents lundi sont restés à distance, par crainte des militaires israéliens qui ont pris position de l'autre côté de la clôture.
Quelques éléments, essentiellement des jeunes, se sont néanmoins aventurés à quelques dizaines de mètres de la clôture frontalière, lançant des pierres contre les soldats israéliens, qui ont riposté par des tirs de balles réelles ou en caoutchouc, mais aussi en lançant des grenades lacrymogènes.
Le mouvement de protestation palestinien doit s'étaler sur six semaines, avec l'érection de villages de tentes en cinq emplacements le long de la frontière. Lancé vendredi dernier, le mouvement prendra fin le 15 mai, à l'occasion du 70e anniversaire de ce que les Palestiniens appellent la "Nakba", ou "catastrophe", marquant le déplacement de centaines de milliers de Palestiniens lors de la création de l'Etat d'Israël en 1948.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Articles riposte laïque à faire

- reprendre une à une les règles de soumission de l'islam (faire un chapitre pour chacune) - invasion islamique de l'inde à reman...