On entend souvent que les femmes gagnent entre 20% et 30% de moins que les hommes, et le hashtag #5novembre16h47 est né pour défendre l'idée qu'à partir de cette date les femmes ne sont plus payées, comparativement aux hommes.
Cette date est calculée selon une étude qui émane d’Eurostat (l’institut européen de la statistique) : les salariées gagneraient, en moyenne, 15,4% de moins que les hommes en considérant le salaire brut horaire.
Le problème, c'est que ce calcul compare des choses non comparables, il ne prend en compte aucun autre facteur que le sexe des employés pour aboutir à une comparaison brute et pour conclure que les femmes sont discriminées à hauteur de 16% par rapport aux hommes.
Pour obtenir une comparaison sérieuse, les facteurs à prendre en compte sont multiples :
- Le poste occupé : niveau hiérarchique (ex : opérateur, superviseur, directeur)
- La fonction (ex : marketing, ingénierie, RH)
- Le secteur d’activité
- La situation familiale
- Le temps de travail effectué (temps plein ou temps partiel, heures supplémentaires, nombre total d’heures travaillées)
- L’entreprise (à poste “équivalent”, certaines entreprises rémunèrent mieux que d’autres)
- L’expérience dans le secteur (à 40 ans, une femme a généralement pris plus de pauses dans sa carrière qu’un homme)
- L’ancienneté dans l’entreprise, l’ancienneté au poste
- Les primes
Dans les rapports élaborés sérieusement sur le sujet, le constat est toujours le même : plus le nombre de critères utilisés est grand, plus l’écart salarial se réduit. Quand tous les facteurs quantifiables sont utilisés, on arrive souvent à un écart négligeable voire inexistant.
Le cabinet de conseil Korn Ferry a effectué en 2016 une étude (source) sur l’écart salarial à partir de leur base de données de plus de 8 millions d’employés dans plus de 33 pays et 10000 entreprises :
En calculant l’écart salarial brut, c’est-à-dire en comparant simplement le salaire moyen des femmes à celui des hommes, l’écart obtenu est de 17,6%.
En comparant des emplois de même niveau dans la même entreprise et correspondant à la même fonction, l’écart passe à 1,6% !
Le statut familial ou marital semble être une des variables déterminantes à prendre en compte pour expliquer l’écart familial, comme le montre par exemple une étude effectuée en 2005 par June E. O’Neill et Dave M. O’Neill (Source)
Elle aboutit à la conclusion que l’écart salarial s’explique largement par les choix faits par les femmes et les hommes quant au temps et à l'énergie consacrés à une carrière. Elle constate qu’il n'y a pas d'écart salarial entre les H et les F ayant des rôles familiaux similaires.
La deuxième grande source d’explication des écarts salariaux est le fait que les femmes ne font pas le choix du salaire, elles sont plus nombreuses dans les secteurs où le salaire moyen est inférieur.
Cela est notamment documenté dans une étude de 2016 (“STEM Training and Early Career Outcomes of Female and Male Graduate Students: Evidence from UMETRICS Data Linked to the 2010 Census”) par Buffington, Cerf, Jones et Weinberg. (Source)
Comme attendu, l’écart de salaire est de 31% au profit des hommes. Mais une fois la différence salariale interdiscipline prise en compte, l’écart tombe à 11%. Et, ici aussi, l’inégalité disparaît une fois le statut marital et le nombre d’enfants ajoutés au calcul.
Un autre facteur qui est plus difficile à mesurer est la productivité. Certaines études tentent de la mesurer, comme par exemple “Firm-level Evidence on Gender Wage Discrimination in the Belgian Private Economy” par Vincent Vandenberghe (2011). (Source)
Vandenberghe aboutit au résultat qu'en moyenne, les femmes gagnent moins que les hommes, mais qu'elles sont aussi moins productives, donc qu'il ne semble pas y avoir de discrimination salariale envers les femmes au sein des entreprises privées en Belgique, bien au contraire.
Même constat dans “Sex, Wages, and Productivity: An Empirical Analysis of Israeli Firm-Level Data” par Hellerstein et Neumark (2011) ou encore dans “Wages, Productivity, and Worker Characteristics: A French Perspective” par Crépon, Deniau et Pérez-Duarte (2002).
On constate aussi que les hommes touchent davantage de primes et font plus d’heures supplémentaires que les femmes. Les hommes sont 53% à être rémunérés pour des heures supplémentaires, contre 37% chez les femmes en 2009 (cf l’analyses Dares 2012).
En 2009, les hommes sont plus nombreux que les femmes à recevoir des primes, avec 85% contre 81%, et le montant des primes masculines sont supérieurs, car celles-ci concernent les risques, le danger au travail et la pénibilité.
ENFIN, pour vérifier que les écarts salariaux ne sont pas imputables à une discrimination envers les femmes, on peut s’intéresser aux salaires des travailleurs indépendants.
L’INSEE nous apprend ainsi que les femmes sont à la tête d’entreprise plus petites que les hommes, mais aussi que les femmes gagnent 40% de moins que les hommes, un écart qui est donc PLUS GRAND que l’écart brut entre hommes et femmes parmi les salariés (entre 20% et 30%).
Une étude de 2019 sur les salaires chez Uber nous éclaire également sur le fait que l'écart salarial ne s’explique pas par des discriminations. L'écart chez Uber est de 7%, or les salaires sont calculés par un algorithme indifférent au sexe ! (Source)
https://twitter.com/JeReinforme/status/1191803243678093313
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