Philippe
Courroye : « En matière de “fake news”, j'ai été assaisonné »
(11.04.2018)
Dubaï :
l'histoire secrète de l'évasion manquée d'une princesse (12.04.2018)
«Démocratie
illibérale» : ce que Viktor Orban a voulu dire (12.04.2018)
Moscou protège
Assad face à des frappes américaines (11.04.2018)
L'armée syrienne
a repris toute la Ghouta orientale (12.04.2018)
Syrie : «Pour
peser, la France doit s'affranchir de l'alliance atlantique» (12.04.2018)
Frappes en Syrie
: pourquoi punir Bachar el-Assad n'est pas une si mauvaise idée (12.04.2018)
Que
risque vraiment Facebook ? (12.04.2018)
Après l'affaire
Facebook, il faut «donner la priorité à la sécurité» (11.04.2018)
Patrick Mignola:
«Facebook n'est pas entré dans le cadre démocratique» (12.04.2018)
Éric Zemmour :
«Ce que cache cette si dangereuse limitation de vitesse sur les routes»
(12.01.2018)
Bernard-Henri
Lévy / Renaud Girard : «Comment empêcher la chute de l'Occident ?»
(13.04.2018)
Suspendu par W9
pour ses propos homophobes, Balbir s'excuse mais dénonce une malveillance
(13.04.2018)
La guerre secrète
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(13.04.2018)
Réforme des
institutions : l'exécutif tenté de rétrécir les pouvoirs du Parlement
(12.04.2018)
Un député LaREM
annonce qu'il ne votera pas pour la loi asile et immigration (13.04.2018)
L'appel de 119
sénateurs : «Les droits de l'enfant sont plus importants que le désir d'enfant»
(12.04.2018)
Syrie : entre
Russie et États-Unis, l'escalade est-elle inéluctable? (12.04.2018)
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May déterminée malgré l'hostilité des politiques et de l'opinion (12.04.2018)
Décidé à contenir
l'Iran, Israël affronte la colère de la Russie (12.04.2018)
Universités
bloquées : des «centaines de milliers d’euros» de dégâts au minimum
(13.04.2018)
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mises en examen pour l'agression de policiers à Champigny (13.04.2018)
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Philippe Courroye : « En matière de “fake news”,
j'ai été assaisonné » (11.04.2018)
L'avocat général à la cour
d'assises de Paris, Philippe Courroye. - Crédits photo : Jean-Christophe
Marmara/ LE FIGARO
INTERVIEW - Critiqué pour sa
proximité avec Nicolas Sarkozy et sa gestion du dossier Bettencourt, l'ancien
procureur de Nanterre livre sa vérité.
Actuellement avocat général à la
cour d'assises de Paris, Philippe Courroye a été un juge d'instruction redouté
à Lyon puis au pôle financier de Paris, et un
procureur de la République controversé à Nanterre (2007-2012).
Personnage central de la polémique liée au traitement judiciaire de l'«affaire
Bettencourt», rarement un magistrat aura fait l'objet d'attaques personnelles
aussi virulentes. Il vient de publier Reste la justice… (Michel
Lafon, mars 2018).
LE FIGARO. - Pourquoi ce livre
seulement maintenant, plus de dix ans après le début de l'affaire Bettencourt,
fin 2007, au parquet de Nanterre dont vous étiez le chef?
Philippe COURROYE. -
Il faut du temps pour écrire un livre qui ne soit pas une simple réaction à
chaud. Depuis que j'ai quitté Nanterre, beaucoup de contre-vérités ont
d'ailleurs été déconstruites. Reste la justice… n'est pas un
règlement de comptes, mais il contient le rappel d'éléments factuels et
propose, outre une réflexion sur notre système judiciaire, de démanteler une
série de «fake news». En la matière, j'ai été assaisonné. En quittant
l'instruction, où tout le monde louait mes qualités, pour le ministère public,
je serais devenu un séide du pouvoir. Car j'aurais été nommé à Nanterre par
Nicolas Sarkozy afin de mettre sous le tapis les poussières peu reluisantes de
«son» département, les Hauts-de-Seine, à commencer par le dossier Bettencourt,
que j'aurais eu pour mission d'étouffer. Ces mensonges sont extrêmement
blessants.
Ne me demandez pas, comme on l'a
souvent fait, si je n'ai pas commis d'erreur dans ma vie, notamment
professionnelle. Présentez-moi un homme qui n'a rien à regretter! Oscar Wilde
avait joliment dit: «Si la vie avait une seconde édition, comme je corrigerais
les épreuves!» Mais je vous assure que je n'ai pris aucune décision
professionnelle dont ma conscience ait à rougir. Reste qu'il y a cinq ans,
personne n'aurait entendu ma voix. L'entreprise de démolition de mon honneur,
menée à l'époque, justifie que je la fasse entendre aujourd'hui.
Votre proximité supposée avec
Nicolas Sarkozy a été mise en avant par vos adversaires. Ne regrettez-vous pas
d'avoir accepté de le rencontrer à plusieurs reprises, et d'avoir ainsi pris le
risque de voir mettre en cause votre indépendance, à tout le moins l'apparence
de celle-ci?
Je n'ai jamais appartenu à un
parti, à un syndicat, à un cabinet ministériel. Contrairement à celui
qui m'a succédé à Nanterre [Robert
Gelli, NDLR], dont la nomination a été revendiquée par François
Hollande dans le livre Un président ne devrait pas dire ça (Stock)
sans que, curieusement, cela suscite aucun commentaire indigné ou
malveillant. J'ajoute
que je n'ai jamais été condamné, pas plus que je n'ai fait l'objet de sanctions
disciplinaires, ce que personne ne relève. Rencontrer le président de
la République fait-il de vous quelqu'un qui met le genou à terre? Un magistrat
doit-il s'interdire de discuter non pas de dossiers en cours, mais de sujets
institutionnels, avec des responsables politiques de premier plan?
Mais cela peut se faire dans
le cadre de réunions à plusieurs, moins sujettes à polémique que des
tête-à-tête à l'Élysée…
Il est difficile pour moi de
m'imaginer dans la peau d'un collabo. Le prénom que je porte est celui du frère
de ma mère, résistant tué par les nazis. Je connaissais Nicolas Sarkozy depuis
une dizaine d'années, ce que je n'ai jamais caché à la presse. Nous n'allions
pas nous retrouver secrètement dans des caves!
N'étiez-vous pas flatté d'être
ainsi reçu par le chef de l'État?
J'avais déjà passé l'âge, à
l'époque, de céder à l'ivresse du miroir aux alouettes.
Nicolas Sarkozy a traité les
magistrats de «petits pois», François Hollande, dans l'ouvrage que vous avez
cité, fustige «une institution de lâcheté». Comment expliquez-vous ce mépris
partagé par les deux anciens chefs de l'État?
Je ne le comprends pas. «Petits
pois» était évidemment une expression déplacée, de même que François
Hollande a commis une erreur en prononçant ce propos. Historiquement,
les rapports entre la politique et la justice sont compliqués, cette dernière
n'a pas toujours été indépendante. Je vous rappelle que tous les magistrats
avaient prêté serment à Pétain, sauf un. Il y a un problème de maturité de
chacune des deux autorités vis-à-vis de l'autre.
L'affaire Bettencourt,
écrivez-vous, met en exergue les frontières mal définies entre la justice et la
morale: n'est-ce pas,de plus en plus, une source de dérive?
Une forme d'inquisition
médiatique exige des coupables désignés par elle-même, avant que la justice
n'ait le temps de se prononcer. Il est plus difficile, dans ce contexte, de
prendre des décisions techniques, exclusivement fondées sur des éléments
juridiques. D'où une tentation, qui peut exister chez des magistrats, de se
transformer en justiciers. Il faut se garder de telles dérives. L'affaire dite
du «Carlton de Lille», dans laquelle Dominique Strauss-Kahn a été relaxé,
illustre, elle aussi, la problématique de la morale infiltrée dans le
judiciaire.
Lorsque vous dirigiez le
parquet de Nanterre, avez-vous vu monter le péril islamiste dans certaines
cités de votre ressort?
Oui. Mais on n'en était encore
qu'aux prémices, avec quelques associations à l'œuvre. Les attentats fondateurs
ont été ceux de Mohamed Merah, à Toulouse, en 2012.
Avec le recul, avez-vous
préféré être juge ou procureur?
Le ministère public est le
défenseur de l'intérêt général ; c'est un travail d'équipe. Le juge
d'instruction est un homme seul, un passeur ; il compose une partition qui
sera interprétée par d'autres, à l'audience. Les deux fonctions sont
passionnantes. Lorsqu'on est magistrat, quel que soit son poste, on ne traite
pas des dossiers, mais des destins.
Vous avez fait l'objet d'attaques
personnelles inhabituelles pour un magistrat: y a-t-il quelque chose que vous
ne pourrez pas pardonner?
Lorsque j'étais dans la
tourmente, j'ai reçu une nuit un appel téléphonique m'informant de la mort d'un
oncle dont j'étais très proche. Pour me rendre à son chevet, j'ai quitté
discrètement mon appartement, où j'étais seul avec l'une de mes filles. Lorsque
celle-ci s'est réveillée, ne me voyant pas, elle a frappé à ma porte, puis elle
est entrée dans ma chambre, a vu le lit défait et la fenêtre ouverte: elle
s'est précipitée pour voir si je ne m'étais pas défenestré. Je ne pardonnerai
jamais aux responsables de cette bouffée d'angoisse qui a envahi ma fille.
Vous racontez dans votre livre
un voyage à haut risque en Irak, où vous avez entendu Tarek Aziz (ex-ministre
des Affaires étrangères de Saddam Hussein) détenu, dans le cadre d'une
instruction. Quel a été l'endroit le plus dangereux où vous avez exercé: Bagdad
ou Nanterre?
Sans hésitation, Nanterre!
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Dubaï : l'histoire secrète de l'évasion manquée d'une
princesse (12.04.2018)
Fille de Mohammed Ben Rachid Al
Maktoum, gouverneur de Dubaï, Latifa Al Maktoum a tenté de fuir le régime avec
l'aide d'un ancien espion français, Hervé Jaubert. - Crédits photo :
Capture d'écran YouTube
S'estimant privée de liberté, la
princesse émiratie Latifa Al Maktoum a tenté de fuir en yacht de Dubaï. Une
évasion ratée organisée par un ex-espion français, Hervé Jaubert, qui témoigne
pour Le Figaro.
C'est l'histoire extravagante
d'une rencontre entre l'une des filles de l'émir de Dubaï, la princesse sheikha
Latifa, un ex-agent secret de la DGSE reconverti en entrepreneur, Hervé
Jaubert, et une professeure de fitness finlandaise, Tiina Jauhiaien.
L'affaire commence par une vidéo
sur YouTube de 40 minutes postée le 9 mars dans laquelle la jeune
femme âgée de 33 ans explique qu'elle est l'une des (nombreuses) filles de
Mohammed Ben Rachid Al Maktoum, gouverneur de Dubaï, vice-président, premier
ministre et ministre de la défense des Émirats Arabes Unis (EAU). Copie de
Passeport et carte d'identité à l'appui, elle affirme que son père la détient
contre son gré dans sa ville natale et déplore le fait d'être privée de
liberté. Elle accuse également l'homme fort de Dubaï de divers crimes.
Latifa raconte aussi comment une
de ses sœurs, Shemsa, aurait été séquestrée pendant des années dans un building
appelé khaima (tente en arabe). Elle aurait subi des mauvais traitements et
aurait été droguée au point de devenir méconnaissable. La princesse Latifa dit
avoir subi le même sort lors de sa première tentative de fuite dans les années
2000. Depuis, ses faits et gestes étaient scrutés par des agents de l'État,
elle ne pouvait ni conduire, ni voyager, elle décide donc de s'enfuir à
nouveau.
Attaqués par un commando en
Inde
Son départ, elle l'organise en
secret avec l'aide d'Hervé Jaubert, 62 ans, un ami de longue date.
L'ancien officier de renseignement avait ouvert à Dubaï une société de
sous-marins touristiques en association avec un riche Emirati à Dubaï, mais
l'alliance avait mal tourné. En 2009, Hervé Jaubert s'était «auto-exfiltré». Il
avait tiré de sa mésaventure un livre: Évadé de Dubaï.
Contacté par téléphone par Le
Figaro, Jaubert confirme: «Je connais Latifa depuis 8 ans, du temps où je
travaillais aux Émirats. C'est elle qui m'a contacté, car elle avait entendu
parler de mon livre. Elle pensait que je pouvais l'aider à s'enfuir grâce à ma
propre expérience ; j'ai décidé de l'aider par amitié, je n'ai reçu aucune
contrepartie financière».
«On m'a enfermé dans une
prison secrète, seul. La princesse Latifa a été immédiatement séparée de nous
dès l'attaque en Inde, où elle espérait obtenir l'asile politique»
Hervé Jaubert
Le 24 février, la princesse et
son amie finlandaise quittent Dubaï clandestinement à bord du yacht d'Hervé
Jaubert immatriculé aux États-Unis. «Tout allait bien jusqu'à notre
arraisonnement dans les eaux internationales au large de l'Inde par la marine
indienne» raconte-t-il. «Ce n'était pas une arrestation mais un kidnapping.
C'était une attaque par surprise de type militaire. Un commando est monté à
bord, on nous a menottés, puis battus. J'ai été blessé à la tête d'un coup
violent, je suis toujours sous surveillance médicale».
Le trio ainsi que l'équipage
philippin du yacht nommé Nostromo sont ramenés aux Émirats contre leur gré.
«J'avais une cagoule, j'étais menotté, j'ai découvert par la suite que le yacht
a été remorqué jusqu'à Fujairah, une base militaire des Émirats» confie Hervé
Jaubert . «On m'a enfermé dans une prison secrète, seul. La princesse Latifa a
été immédiatement séparée de nous dès l'attaque en Inde, où elle espérait obtenir
l'asile politique. Tiina Jauhiaien était dans la même prison que moi, selon ses
descriptions de l'endroit mais nous n'avions aucun contact».
«Je n'ai aucune nouvelle de
Latifa»
Hervé Jaubert
Hervé Jaubert dit ne pas avoir
subi de violence durant son séjour en prison. Il a été relâché le 20 mars ainsi
que sa complice finlandaise après quinze jours de détention. «Les autorités
m'ont confirmé que je n'ai commis aucune infraction des lois internationales,
mais que l'aide que j'avais apportée à Latifa violait les lois musulmanes».
L'ex-agent secret français estime que «la vidéo de la princesse, enregistrée
avant son évasion, puis diffusée sur les réseaux sociaux quelques jours après
le kidnapping, a changé la donne». «J'ai compris qu'elle leur posait un sérieux
problème et qu'ils étaient obligés de nous laisser partir» dit-il.
Nul ne semble savoir où se trouve
actuellement la princesse Latifa. «Je n'ai aucune nouvelle de Latifa, je pense
qu'elle a été placée sous sédatif avec un personnel médical qui la surveille»
commente Hervé Jaubert qui doit donner une conférence de presse ce vendredi à
Londres.
«Démocratie illibérale» : ce que Viktor Orban a voulu
dire (12.04.2018)
Viktor Orban à Budapest, le 10
avril. - Crédits photo : ATTILA KISBENEDEK/AFP
FIGAROVOX/TRIBUNE - Après la
large victoire du parti de Viktor Orban aux législatives, Georges Karolyi,
ambassadeur de Hongrie en France répond à une critique souvent adressée à
Budapest.
- Crédits photo : Clairefond
Les Hongrois ont voté. Ils ont
largement reconduit la majorité sortante, en dépit de l'incroyable déferlement
médiatique, dont le thème quasi unique consistait à présenter le gouvernement
du pays comme l'infréquentable partisan
d'un«illibéralisme» qui
devait être combattu par tous les moyens. On n'hésite pas à associer ce terme à
la Hongrie au motif que le «chantre»(sic) de la «démocratie illibérale» ne
serait autre que son premier ministre, M. Viktor Orban.
Les professionnels du dénigrement
de la Hongrie - entraînant avec eux la cohorte des suiveurs qui n'ont pas
cherché à en savoir plus - ont foncé tête baissée et se sont empressés de se
méprendre sur ce que M. Orban avait voulu dire dans un fameux discours qu'il a
prononcé l'été 2014, où il a employé les mots de «démocratie illibérale». Pour
eux, il était clair que cette déclaration signait la fin des libertés publiques
en Hongrie et justifiait tous les quolibets que l'on pouvait désormais déverser
sur le pays à tour de bras sans crainte d'être inquiété. Sauf que ce n'est pas
ce que le premier ministre de notre pays a voulu dire.
M.
Orban est un dirigeant politique pragmatique et responsable, doté
d'une vision d'avenir, qui a analysé la situation de son pays depuis la
transition démocratique de 1990, et en a tiré des conclusions. Pour porter sur
ce sujet délicat un jugement crédible, il faut prendre la peine de lire, avec
un minimum de volonté de comprendre, le long discours qu'il a prononcé le 26
juillet 2014.
Dans son allocution, M. Orban
rappelle qu'au moment de la transition de 1990 la Hongrie s'est ouverte avec
enthousiasme au modèle démocratique occidental marqué par le libéralisme. Notre
pays attendait de ce modèle qu'il règle les immenses problèmes légués par
quarante-cinq ans de communisme et d'occupation soviétique.
Depuis, cependant, le monde a
changé. La crise financière de 2008 est passée par là. La Hongrie a connu des
déconvenues à mettre au débit du système économique ultralibéral qu'elle avait
adopté dans les années 1990. Il convenait donc de réactualiser nos repères.
Ceux qui ont eu le bonheur de
grandir dans le libéralisme se sont tellement convaincus de leur bon droit que
plus personne n'est disposé à reconnaître la limite où commence le bon droit de
l'autre
Orban déclarait ainsi, dans son
discours: «L'organisation libérale de la société […] se fonde sur le principe
que tout ce qui ne porte pas atteinte à la liberté d'autrui est permis. C'est
sur ces principes que se sont bâties les vingt années de la vie hongroise
d'avant 2010, qui n'était autre, du reste, que l'acceptation du principe
général en vigueur en Europe occidentale. Mais nous avons eu besoin de vingt
ans pour constater […] que si c'est là en soi une idée éminemment attrayante,
l'on ne sait en revanche absolument pas qui va dire à partir de quand quelque
chose porte atteinte à ma liberté […]. Et puisque personne n'a été désigné pour
le faire, nous avons constaté […] que c'est le plus fort qui finit par décider
[…]. Les conflits liés à la reconnaissance mutuelle de la liberté de chacun ne
se règlent en effet pas sur la base d'un quelconque principe abstrait d'équité
ou de justice, car dans les faits c'est toujours le plus fort qui a raison.»
Ceux qui ont eu le bonheur de
grandir dans le libéralisme se sont tellement convaincus de leur bon droit que
plus personne n'est disposé à reconnaître la limite où commence le bon droit de
l'autre. C'est contre les dérives qui en résultent, contre les excès d'un
libéralisme sauvage qui menace les franges les plus fragiles de nos sociétés,
qui les conduit à perdre confiance dans leurs gouvernants et les pousse vers
les extrêmes, que M. Orban s'est élevé.
«Le nouvel État que nous
bâtissons en Hongrie, […] un État “non libéral” […], ne nie pas les valeurs de
base du libéralisme»
Viktor Orban
Je ne vois pas qui peut s'en
offusquer. Pour y porter remède, l'État doit prendre ses responsabilités et
appliquer le principe de base de l'État de droit, selon lequel tout droit
s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Il n'y a pas de droit
illimité. Cela vaut pour les relations entre les individus comme pour les
relations entre les États. Voilà ce que M. Orban a voulu dire, et rien d'autre.
Le premier ministre a pris soin
d'ajouter, à l'intention de ceux qui n'auraient toujours pas compris, que «le
nouvel État que nous bâtissons en Hongrie, […] un État “non libéral” […], ne
nie pas les valeurs de base du libéralisme, telles que la liberté et d'autres
que je pourrais citer, mais il ne met pas cette idéologie au centre de
l'organisation de l'État».
C'est le libéralisme incontrôlé
qui détruit les libertés publiques, pas M. Orban. Nous sommes loin de
l'interprétation apocalyptique que certains se plaisent à donner des propos du
premier ministre hongrois. L'État de droit est le garant d'un libéralisme
responsable. Il n'est pas un martinet que l'on brandit pour morigéner ceux qui
ne pensent pas comme soi.
Ne l'oublions pas lorsque nous
réfléchissons ensemble à l'édification d'une Europe forte et protectrice, mais
en même temps apaisée et réconciliée avec elle-même.
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Moscou protège Assad face à des frappes américaines
(11.04.2018)
Au côté de Bachar el-Assad,
Vladimir Poutine assiste à une parade des forces syriennes sur la base
militaire russe d'Hmeimim, en décembre 2017. - Crédits photo : MIKHAIL
KLIMENTYEV/AFP
L'ambassadeur russe au Liban
menace d'abattre les missiles que Trump promet de lancer contre Damas.
«La vie est normale à Damas, mes
enfants viennent de rentrer de l'école à l'instant», confiait Abdallah, un
habitant de la capitale syrienne, joint au téléphone mercredi après-midi. Mais
rapidement dans la conversation l'inquiétude perce. «Bien sûr qu'on a vu les tweets de Trump, ajoute ce commerçant, mais on a
vu aussi l'intervention de l'ambassadeur russe sur une télé libanaise» qui
menace «d'abattre les missiles» américains. «Alors en cas de confrontation
entre Américains et Russes, on va où? Vers la Troisième Guerre mondiale?»
Depuis lundi, les forces armées
syriennes - du sud près de la Jordanie jusqu'à Alep au nord - ont été placées en état d'alerte dans les aéroports et les
bases militaires. La plupart des bases aériennes - notamment celle de
Doumair, près de Damas, d'où ont décollé les avions qui ont bombardé des
semaines durant l'ex-fief rebelle de la Ghouta victime d'une attaque chimique -
ont été vidées. Des avions militaires syriens ont également été transférés vers
la base militaire russe de Hmeimim, près de Lattaquié. «Les Syriens ont cherché
à mettre à l'abri leurs armes sophistiquées», confie un expert au Moyen-Orient.
«Les Russes ont rassuré le
pouvoir syrien qu'ils répondront aux frappes»
Un responsable libanais, proche
de Damas
Ces derniers jours, à mesure que
la pression montait en provenance de Washington, Russes, Iraniens et Syriens ont renforcé leur coopération.
Qassem Soleimani, le tout-puissant chef de la Force Al-Qods, bras armé de
l'Iran hors de ses frontières, a été signalé en Syrie. Après un passage par
Téhéran, l'émissaire de Vladimir Poutine pour la Syrie, Alexandre Lavrentieff,
se serait également déplacé auprès d'Assad.
«Les Russes ont rassuré le
pouvoir syrien qu'ils répondront aux frappes», affirme un responsable libanais,
proche de Damas. Ces dernières semaines, Moscou avait déjà intensifié ses
opérations de brouillage contre des drones américains qui survolaient la Ghouta
pour recueillir du renseignement.
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Autour de leurs bases, mais aussi
près des zones les plus sensibles du régime, Moscou a déployé son arsenal de
défense antiaérienne (missiles antimissiles S300FM, S400, BUK-M2E), et ce
jusqu'au pourtour du palais présidentiel de Bachar el-Assad, sur le mont
Qassioun, en surplomb de Damas, que le raïs a très certainement évacué. Où
est-il? Dans sa maison, connue de tous, un peu plus bas dans un quartier plutôt
aisé de Damas? Ou dans un refuge de substitution, comme bientôt de nombreux
dignitaires. À l'est, dans le désert, près de la frontière irakienne, des
combattants libanais du Hezbollah ont, eux aussi, évacué leurs positions. Comme
les quelque 2000 conseillers militaires iraniens, ils sont une cible pour
Donald Trump, résolu à «rogner les ailes» de Téhéran hors de ses frontières.
«Est-ce que Assad est sur la
liste?»
«Les Russes, ajoute l'expert
libanais, feront tout pour faire échouer les frappes américaines. S'il s'agit
seulement de quelques missiles tirés sur des sites chimiques, cela passera.
Mais si les Américains s'en prennent aux fondements du régime en frappant des
ministères, des centres de communication ou de commandement de l'état-major,
alors là ça deviendra plus problématique. Et puis est-ce que Assad est sur la
liste?» Emmanuel Macron, prudent mardi soir, a dit que non. Mais qu'en pense
Donald Trump? Autant d'interrogations lourdes de dangers, avant d'éventuelles
frappes. «Frapper mais pour faire avancer quelle opposition?, se demande un
enseignant, joint sur Twitter à Damas. Il n'y en a plus», près de la capitale.
«Il n'y a plus d'opposition,
sauf au sud du pays et au nord à la solde de la Turquie. Les fruits de ces
frappes vont profiter à qui ?»
Un enseignant de Damas
En 2013, lorsque François
Hollande et Barack Obama menaçaient déjà de «punir» Assad après une frappe
chimique contre la Ghouta, quelque 8000 rebelles, islamistes pour la plupart,
se préparaient à entrer dans Damas. «Aujourd'hui, la Ghouta a été évacuée, il
n'y a plus d'opposition, sauf au sud du pays et au nord à la solde de la
Turquie. Les fruits de ces frappes vont profiter à qui?», s'interroge
l'enseignant. La présence des militaires russes complique l'équation. «Les
conseillers russes sont partout dans les structures militaires syriennes. On ne
peut pas dire qu'on va frapper sans les viser», ajoute-t-il.
Outre la gestion du contingent
iranien, la présence récente de Qassem Soleimani pourrait suggérer la
préparation d'une riposte à des frappes occidentales. Les Iraniens et leurs
relais ont les moyens de cibler des soldats américains en Irak et en Syrie. La
semaine dernière, un militaire américain et un Britannique sont morts, lorsque
leur convoi a sauté sur un engin explosif improvisé posé au sud de Manbij, où
sont déployés des militaires américains. Selon l'universitaire Fabrice
Balanche, deux autres scénarios de riposte à moyen terme sont plausibles:
laisser le Hezbollah descendre au sud près de la frontière israélienne - ce que
l'État hébreu redoute - et un déluge de feu syrien sur des positions rebelles.
Trump larguera des missiles
«beaux et intelligents»
Le président américain a averti
mercredi matin la Russie de frappes imminentes contre la Syrie, peu après que
Moscou eut mis en garde contre tout acte pouvant «déstabiliser la situation
déjà fragile dans la région».
Dans un tweet matinal, Donald
Trump s'en est pris à la Russie, soutien indéfectible du régime de Bachar
el-Assad, accusé d'être responsable d'une attaque chimique présumée près de
Damas. «La Russie jure d'abattre n'importe quel missile tiré sur la Syrie. Que
la Russie se tienne prête, car ils arrivent, beaux, nouveaux et “intelligents!”
Vous ne devriez pas vous associer à un Animal qui Tue avec du Gaz, qui tue son
peuple et aime cela», a menacé le président américain.
De son côté, le ministre
américain de la Défense Jim Mattis s'est déclaré mercredi «prêt» à présenter
des options militaires au président Donald Trump en représailles à l'attaque
chimique présumée en Syrie. Il a néanmoins souligné que les États-Unis étaient
«encore en train d'évaluer» les informations sur cette attaque pour pouvoir en
faire assumer la responsabilité au président Bachar el-Assad. La
Russie se dit déterminée à «abattre» des
missiles américains en cas de frappes, selon l'ambassadeur russe au
Liban, Alexander Zasypkin.
La Russie dispose de deux bases
dans l'ouest de la Syrie, celle de Hmeimim où sont stationnés des avions
de chasse et ses batteries antiaériennes, et celle de Tartous destinée aux
forces navales mais qui dispose aussi de batteries de défense antiaérienne.
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: le régime met ses hommes en état d'alerte
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prince d'Arabie arrive les mains vides à Paris
L'armée syrienne a repris toute la Ghouta orientale
(12.04.2018)
Comme à Alep (photo), c'est la
police militaire russe et non l'armée syrienne qui entre dans la ville
reprise. - Crédits photo : VADIM SAVITSKY/AFP
International | Mis
à jour le 12/04/2018 à 10h31
VIDÉO - La police militaire russe
est rentrée dans la ville de Douma, la dernière zone où les rebelles n'avaient
pas encore capitulé. En vertu d'un accord avec la Russie, les combattants de
Jaïch al-Islam sont évacués vers le nord du pays tenu par des rebelles
proturcs.
Les forces gouvernementales
syriennes ont repris le contrôle de la totalité de la ville de Douma,
dernier bastion que tenaient les rebelles islamistes de Jaïch al-Islam dans
la région de la Ghouta orientale, rapportent les agences de presse russes
citant un officier du ministère russe des Affaires étrangères.
» LIRE AUSSI - Derrière l'enfer syrien, la victoire de la realpolitik
La police militaire russe s'est
déployée dans cette localité, indique l'agence de presse RIA citant le
ministère russe de la Défense, jeudi. «Ils sont la garantie de la loi et de
l'ordre dans la ville», a déclaré le ministère. L'accord conclu entre le groupe
rebelle et la Russie prévoyait en effet que, dans un premier temps, seule la
police militaire russe entrerait dans la ville et non l'Armée syrienne,
cantonnée aux entrées de la ville. «La levée du drapeau de l'État sur un
bâtiment de la ville de Douma marque le contrôle sur cette localité et de fait
sur l'ensemble de la Ghouta orientale», a dit le général Iouri Ievtouchenko,
chef du centre de paix et de réconciliation en Syrie.
L'armée syrienne et ses alliés
russe et iranien avaient lancé une offensive au début du mois de février dans l'enclave de
la Ghouta orientale, près de Damas. Après une intense campagne de
bombardements qui s'est soldée par la mort de centaines de civils, une
opération terrestre a été lancée. Mais comme pour de précédentes batailles du
conflit syrien, ce sont finalement des accords entre la Russie et la rébellion
qui ont accéléré la reprise de la Ghouta. Deux groupes rebelles - Ahrar al-Cham et Faylaq al-Rahmane - ont
rapidement accepté de capituler en échange de leur évacuation vers Idleb, la
dernière grande province syrienne aux mains des rebelles, en l'espèce
djihadistes.
Accord d'évacuation et attaque
chimique
Les rebelles de Jaïch al-Islam,
opposés à Hayat Tahrir al-Cham, la coalition djihadiste qui contrôle Idleb,
refusent en revanche un tel accord d'évacuation et résiste à Douma, qui
devient, fin mars, la dernière ville de la Ghouta orientale non reprise par le
gouvernement syrien. La Russie et Jaïch al-Islam concluent finalement un accord
d'évacuation le 1er avril. Les rebelles islamistes n'iront pas à Idleb, mais à
al-Bab et Jarabulus dans l'extrême-nord de la Syrie, dans une zone tenue par
les rebelles proturcs, directement contrôlés par Ankara. Néanmoins, selon RFI, cet accord est refusé par une partie
importante des combattants de Jaïch al-Islam, ce qui entraîne la reprise des
combats. Finalement, le 8 avril, un nouvel accord est conclu, permettant
l'évacuation des rebelles.
Le 7 avril, une attaque chimique aurait eu lieu à Douma, au moyen de
chlore, mais aussi d'un produit innervant, bien plus toxique encore,
d'après plusieurs vidéos publiées par l'ONG médicale SAMS (Syrian American
Medical Society) et les Casques blancs syriens, ces secouristes qui opèrent en
zones rebelles en Syrie et qui sont critiqués, entre autres, par la
Russie. Moscou dénonce une «mise en scène». Dans la foulée,
les pays occidentaux accusent le gouvernement syrien d'avoir utilisé une
nouvelle fois des armes chimiques. Les États-Unis et la France envisagent, dans ce contexte, de
lancer une campagne de frappes contre la Syrie.
(Avec agences)
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Syrie : «Pour peser, la France doit s'affranchir de
l'alliance atlantique» (12.04.2018)
- Crédits photo : Ford
Williams/AP
FIGAROVOX/TRIBUNE - Alors que la
Maison-Blanche a engagé contre la Syrie et les Russes une rhétorique
particulièrement belliqueuse, Mezri Haddad implore la France de résister à la
tentation de rentrer dans une guerre dont les enjeux ne semblent profiter
qu'aux États-Unis.
Ancien ambassadeur de la
Tunisie auprès de l'Unesco, Mezri Haddad est philosophe et président du Centre
international de géopolitique et de prospective analytique (Cigpa). Il est l'auteur
d'essais sur la réforme de l'islam.
«La première victime de la
guerre, c'est la vérité», disait Kipling. Si toutes les guerres sont par
définition même sales et destructrices, celle qui a été livrée à la Syrie, et
que certains veulent relancer et porter à son paroxysme aujourd'hui, est
particulièrement nauséabonde, injuste et absurde. Elle restera dans les annales
des grands conflits mondiaux, avec néanmoins ce constat hallucinant: si la
dernière guerre mondiale a opposé les démocraties aux totalitarismes, les
valeurs humanistes à l'abjection nazie, celle dont on parle aujourd'hui a
réunie dans une même coalition la barbarie et la civilisation, le monde dit
libre aux forces les plus obscurantistes, l'atlantisme à l'islamisme, pour
abattre le «régime de Bachar», comme ils disent.
Dans l'euphorie d'un «printemps
arabe» qui était dès ses premiers balbutiements en Tunisie un hiver
islamo-atlantiste, tout a été implacablement déployé pour déstabiliser un pays
qui n‘était sans doute pas un modèle de démocratie, mais qui connaissait depuis
juillet 2000 de profondes et graduelles réformes politiques, sociales et
économiques, louables et intrinsèquement libérales, de l'aveu même de Nicolas
Sarkozy, qui avait invité à l'époque (2008) le jeune Président syrien au défilé
du 14 juillet.
Si toutes les guerres sont par
définition même sales et destructrices, celle qui a été livrée à la Syrie est
particulièrement nauséabonde, injuste et absurde.
Tout a été déployé, y compris
cette arme de guerre redoutable et particulièrement détestable, la
désinformation, avec son cortège de mensonges éhontés, de manipulations des
masses, de subversions des mots. Dans cette diabolisation systématique de
l'ennemi et victimisation de l'ami, l'État syrien est ainsi devenu le «régime de
Bachar», l'armée arabe syrienne régulière est devenue «milice d'Assad», les
terroristes sont devenues les «rebelles» ou l'«armée syrienne libre», Bachar
Al-Assad s'est transformé en «tyran sanguinaire qui massacre son peuple», et
les hordes islamo-fascistes, d'Al-Qaïda jusqu'à Daech, se sont métamorphosées
en «combattants de la liberté» voire même en «défenseurs des droits de
l'homme»…
Rien ne pouvait justifier un tel
aveuglement. Ni l'idéal démocratique auquel aspire effectivement le peuple
syrien. Ni la question des droits de l'homme que le monde libre a certainement
le devoir moral de défendre partout où ses droits sont malmenés. Ni le contrat
à durée indéterminée entre l'émirat du Qatar et la République sarkozienne! Ni
même les prétendues attaques chimiques syriennes, qui étaient à la diplomatie
française et à ses relais médiatiques ce que les armes de destruction massive
furent à la propagande anglo-américaine, lors de la croisade messianiste contre
l'Irak dont on connaît la tragédie et le chaos depuis. Dans ses mémoires,
l'honnête homme Colin Powell, avoue regretter jusqu'à la fin de sa vie son
discours devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. Un autre discours,
devant la même instance onusienne, restera, lui, dans l'Histoire: celui de la
France égale à elle-même et fidèle à ses valeurs universelles, magistralement
lu par Dominique de Villepin. Son successeur à la tête de la diplomatie
française, qui se félicitait du «bon boulot» que le front Al-Nosra faisait en
Syrie, ne peut pas en dire autant.
Faute d'une vision stratégique et
géopolitique à la hauteur des enjeux cruciaux qui se dessinaient et d'une
accélération de l'Histoire qui déroutait, la France sarko-hollandienne a eu une
politique autiste, aveugle et inaudible qui ridiculisait le pays de De Gaulle
auprès des instances onusiennes et même aux yeux de la puissance américaine
qu'elle entendait servir avec encore plus de servitude que la couronne
britannique ; une politique qui positionnait la France en ennemi formel d'une
amie potentielle -la Russie-, en l'extirpant d'un Moyen-Orient où sa voix
portait et son rôle pesait…jadis et naguère. Plus troublant encore, cette
politique qui ne manquait pas de machiavélisme suscitait des doutes quant à la
volonté réelle du gouvernement français de mener une guerre globale et sans
pitié contre l'islamo-terrorisme, qu'il se fasse appeler Daech, Al-Qaïda ou
Al-Nosra, rebaptisé pour la circonstance Fatah Al-Sham. À l'inverse de l'ancien
chef de la diplomatie française pour lequel «Bachar el-Assad ne mérite pas
d'être sur terre» et «Al Nosra fait du bon boulot», Vladimir Poutine a eu le
mérite de la cohérence et de la constance: «on ira les buter jusque dans les
chiottes», promettait-il en septembre 1999, lorsqu'il n'était encore que le
premier ministre de Boris Eltsine. En France, les fichés S sont présupposés
innocents jusqu'à leur passage à l'acte!
Le jusqu'au-boutisme
droit-de-l'hommiste, l'humanisme à géométrie variable, l'homélie de l'islamisme
«modéré», le manichéisme simpliste qui réduit un conflit géostratégique majeur
à un affrontement entre le bien (Al-Qaïda et ses métastases) et le mal (le
régime de Bachar al-Assad et ses alliés) ne peuvent plus dissimuler l'alliance
objective entre le monde dit libre et les hordes barbares de l'obscurantisme
islamiste. Contrairement à la propagande politique, la tragédie qui se joue en
Syrie n'oppose pas un «animal qui massacre son peuple» -comme vient de le
tweeter le très diplomate Trump- à des gladiateurs de la liberté qui n'aspirent
qu'à la démocratie, mais un État légal et même légitime, à des hordes sauvages
et fanatisées, galvanisées par ceux-là mêmes qui avaient ordonné les plus
ignobles actions terroristes dans les capitales européennes. Cette tragédie se
joue entre un État reconnu par les Nations Unies, qui entend reconquérir
jusqu'à la dernière parcelle de son territoire tombé sous le joug totalitaire
et théocratique des «islamistes modérés», et des djihadistes sans scrupule qui
se servaient des civils d'Alep, de Ghouta et aujourd'hui de Douma comme de
boucliers humains. Pas plus qu'à Al-Ghouta hier, quel intérêt pour le «régime
de Bachar» de bombarder aux armes chimiques une ville, Douma en l'occurrence,
quasiment libérée des mains criminelles des islamo-fascistes? Les crimes de
guerre imputés à Bachar dans cette ville raisonnent comme le requiem bushéen
«Saddam possède des armes de destruction massive» et comme son futur refrain
sarkozien, «éviter un bain de sang à Benghazi»!
Comme l'URSS pourtant stalinienne
de 1945, la Russie est aujourd'hui du bon côté de l'Histoire. N'en déplaise aux
petits stratèges londoniens de l'affaire Skripal et autres russophobes
primaires figés dans les eaux glaciales de la guerre froide, Vladimir Poutine a
fait les bons choix stratégiques et géopolitiques. Plus insupportable encore
pour les avocassiers de la civilisation et les zélotes des droits de
l'homme…islamiste, il a été le seul défenseur des valeurs occidentales…en
Syrie.
Comme l'URSS pourtant
stalinienne de 1945, la Russie est aujourd'hui du bon côté de l'Histoire.
De cette guerre lâche de
l'islamo-atlantisme contre la Syrie, la Russie est sortie victorieuse. Même si
l'État et le peuple syriens souffriront encore du terrorisme résiduel, comme
beaucoup d'autres pays, y compris la France, le pays de Bachar a gagné cette
guerre non conventionnelle et par terroristes et mercenaires interposés qu'on
lui a livrée huit années durant.
Dans un communiqué officiel de la
Maison blanche, c'est-à-dire un tweet matinal, le président américain a menacé
la Russie de ses missiles «beaux, nouveaux et intelligents», et d'ajouter dans
un second «communiqué» que «notre relation avec la Russie est pire aujourd'hui
qu'elle ne l'a jamais été, y compris pendant la Guerre froide». Pour une fois,
Donald Trump a parfaitement raison: la situation actuelle est plus grave que la
crise des missiles de Cuba en 1962. Et elle l'est d'autant plus que c'est
précisément lui qui gouverne aujourd'hui les USA et non guère un Kennedy, qui a
su trouver à l'époque un modus vivendi avec Khrouchtchev, évitant ainsi pour les
deux pays et pour l'humanité le pire.
Plutôt que de céder à l'hybris
washingtonien, de s'aliéner aveuglément sur l'hyperpuissance américaine, comme
la qualifiait Hubert Védrine, de guerroyer avec un Donald Trump imprévisible,
volatile et inconscient du chaos qu'il peut provoquer dans la poudrière
moyen-orientale, voir d'un conflit mondial, la France doit au contraire
répondre à sa vocation de puissance souveraine et modératrice. L'occasion se
présente au pays de Macron de reconquérir sa position dans cette partie du
monde, de s'affranchir d'une alliance atlantique aux ennemis anachroniques et à
la doctrine désuète, de retrouver sa singularité gaullienne. L'avenir de la
France au Proche-Orient et dans le monde en général peut se redéployer cette
fois-ci avec un sens aigu du pragmatisme, du réalisme et des intérêts mutuels
bien compris. Il ne s'agit donc ni d'idéalisme, ni de fraternité, ni d'éthique,
ni d'humanisme, ni même de «politique arabe de la France». Il s'agit
essentiellement de realpolitik et d'intérêts réciproques euro-arabes d'une part
et euro-russes d'autre part: primo le combat commun contre le terrorisme
islamiste qui a saigné la Syrie pour ensuite, tel un boomerang, meurtrir la
France ; secundo la relance de l'Europe voulue par les Européens sans la
feuille de route américaine et avec un bon voisinage du puissant russe ; tertio
la reconstruction d'un pays dévasté, non point par huit années de «guerre
civile», mais par une guerre lâche et sans nom, livrée par des mercenaires
recrutés des quatre coins du monde, ceux-là mêmes qui se sont retournés contre
leurs alliés objectifs et conjoncturels, notamment à Londres, à Barcelone, à
Paris, à Nice et récemment dans l'Aude.
Avec la nouvelle géopolitique qui
se trame au Proche-Orient et les périls terroristes qui menacent la région et
l'ensemble du monde, la nouvelle élite dirigeante française a forcément un rôle
à jouer. Parce que ses liens avec la Syrie sont historiques autant que ses
relations avec la Russie, la France doit pouvoir encore jouer ce rôle conforme
à ses valeurs universelles et compatibles avec ses intérêts nationaux. Et si, à
l'instar de Theresa May, qui a besoin de la fuite Skripal pour colmater la
brèche du Brexit, et de Donald Trump, qui a toutes ses raisons de provoquer un
conflit mondial pour se débarrasser de la vodka russe qui empoisonne sa
présidence -la supposée ingérence de Moscou dans les élections américaines-,
Emmanuel Macron n'a nul besoin d'impliquer la France dans un conflit qui n'est
pas le sien et dont on ne conjecture pas encore les effets planétaires.
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Frappes en Syrie : pourquoi punir Bachar el-Assad n'est pas
une si mauvaise idée (12.04.2018)
Bachar el-Assad en mars
2018. - Crédits photo : HO/AFP
FIGAROVOX/TRIBUNE - Antoine
Viktine considère que les attaques chimiques menées par le régime de Damas, si
elles sont confirmées, constituent un défi adressé aux Occidentaux. À ce titre,
elles appellent selon lui une réponse mesurée, dont l'objectif sera de rappeler
à la Syrie les lignes rouges à ne pas franchir.
Antoine Vitkine est
journaliste, auteur du documentaire «Bachar. Moi ou le chaos» diffusé sur
France 3 en 2017.
2018 n'est pas 2013. En août
2013, lorsqu'en bombardant à l'arme chimique un faubourg de Damas, le régime
syrien avait franchi la «ligne rouge» édictée un an auparavant par Barack
Obama, la situation en Syrie était bien différente. Le régime était alors
extrêmement affaibli et l'opposition armée, contrôlant plus de la moitié du
pays, se trouvait aux portes de Damas. La crainte d'une intervention poussait
alors de nombreux officiers loyalistes à envoyer précipitamment leurs familles
au Liban. Dès lors, dans l'esprit d'Obama et des dirigeants occidentaux,
existait une crainte: que des frappes, même limitées, constituent l'élément
déclencheur de la chute du régime. Cette chute, nul ne pouvait en être certain,
mais justement cette incertitude était paralysante. Depuis l'Irak et la Libye,
chacun était conscient qu'il fallait éviter de susciter l'effondrement d'un
État sans être capable de garantir une alternative. De surcroît, la dimension
confessionnelle faisait craindre une aggravation de la guerre civile et la
forte présence des islamistes au sein de l'opposition conduisait à la prudence.
Enfin, il fallait éviter de mettre en péril le délicat accord nucléaire avec
l'Iran, accord visant à éviter le scénario cauchemardesque d'un Moyen Orient
nucléarisé.
Aujourd'hui, la situation est
bien différente: avec l'aide de l'Iran et surtout avec le soutien, déterminant,
de la Russie, le régime de Bachar El Assad est parvenu à reprendre une majeure
partie du territoire syrien et ne parait plus - pour l'heure - en danger.
Les attaques à l'arme chimique,
rappelons-le, font bien moins de victimes civiles que les bombardements
indiscriminés ou même que les terribles prisons du régime. Mais leur
utilisation, aux effets particulièrement révoltants, est interdite et constitue
un crime de guerre.
Dès lors que les faits seront
suffisamment établis, des frappes militaires ne devraient pas soulager à bon
compte les bonnes consciences mais répondre à deux objectifs.
Premièrement, elles devraient
être suffisamment fortes pour qu'elles soient ressenties comme telles: une
punition. Une punition suffisamment coûteuse pour dissuader le régime de
continuer à employer ces armes. Le choix des cibles est un élément crucial, à
l'aune duquel une intervention devrait être jugée. Il s'agit de frapper
durement l'appareil politico-militaire syrien, sans toutefois modifier le
rapport de force avec ses opposants, puisque là n'est pas l'enjeu. Il s'agit
également, en frappant durement, de limiter le risque - réel - d'engrenage et
d'escalade. Si, au lendemain de frappes, le régime estimait pouvoir de nouveau
utiliser des armes chimiques, il y aurait là une situation périlleuse. Quelle
serait alors la réaction occidentale? Frapper, de nouveau? Et jusqu'à quand? Il
faut donc se donner les moyens de remporter ce qui s'apparente à un bras de fer
et pourrait devenir un piège, en limitant strictement les enjeux politiques et
militaires de l'intervention, mais en se gardant de toute action qui serait
trop symbolique.
Dans un monde dangereux où les
rapports de force sont la norme, des frappes seraient un signal important.
Deuxièmement, des frappes
permettraient aux États-Unis, à la France et aux États qui se joindraient à
eux, en faisant respecter une «ligne rouge» plusieurs fois rappelée, de
démontrer qu'ils tiennent leur parole et qu'ils sont capables de s'en donner
les moyens. Dans un monde dangereux où les rapports de force sont la norme, ce
serait un signal important.
Car, ne nous y trompons pas: si
le processus de décision exact demeure opaque, ces attaques chimiques répétées
(celle du 7 avril 2018 n'étant que la dernière d'une bien longue série) sont
des défis adressés aux Occidentaux. Par Assad et les siens, certes. Mais aussi
par Poutine qui n'a pas tenu sa promesse d'éliminer l'arsenal chimique du
régime en 2013, sans qui pas un avion ne décolle en Syrie et qui observe avec
attention la réponse d'Occidentaux dont il n'a de cesse de tester la résolution.
Parce que la guerre en Syrie est
autant locale et régionale que globale, ces possibles frappes contre le régime
Assad deviennent un nouvel épisode dans le bras de fer engagé depuis plusieurs
années avec la Russie de Poutine. Dès lors, il s'agit de doser le message
envoyé et d'éviter une escalade militaire avec une Russie volontiers agressive.
Non par principe: mais parce que, pour mener un conflit, il faut le faire sur
un terrain favorable, avec des buts de guerre cohérents et un intérêt national
clair et parce que les Occidentaux sont incapables de proposer, pour le moment,
une solution alternative en Syrie, hormis pousser à un respect minimal des
règles humanitaires - ce qui, entre autres, est en jeu en ce moment - ou
encourager une hypothétique négociation politique - dans laquelle la Russie se
trouverait être un acteur incontournable.
Ces attaques chimiques
répétées sont des défis adressés aux Occidentaux.
Se pose également la question du
format de l'intervention. Alors que l'Arabie Saoudite offre de s'impliquer, la
régionalisation est une idée risquée. En principe, elle reviendrait à éviter
que l'opération apparaisse comme étant uniquement occidentale. Vieux complexe
post-colonial. Dans les faits, elle revient à prendre parti aux côtés d'États
qui sont des acteurs du conflit régional qu'est - aussi - la guerre en Syrie.
Les frappes devraient rester punitives, dissuasives, au nom du droit et de la
morale humanitaire. Pas plus, pas moins. Intervenir avec l'aide, même
symbolique, des Saoudiens, voire des Qataris, ce serait reproduire un front
désormais dépassé depuis 2011-2012, lorsqu'États arabes sunnites du Golfe,
Turquie et puissances occidentales soutenaient l'opposition à Assad.
Des frappes aériennes ne mettront
certes pas fin au drame syrien. Inutile de se bercer d'illusions, l'Occident a
perdu la main en Syrie, si tant est qu'elle ne l'ait jamais eu. Il faut
accepter cette réalité: nous, les Occidentaux, ne sommes pas omnipotents. Le
sort de la Syrie ne dépend pas de nous, de nos actions comme de nos inactions.
La guerre en Syrie a une dynamique qui nous échappe. En revanche, les
Occidentaux ont, entre les mains, une occasion de punir un régime coupable de
crimes de guerre et d'envoyer un message qui sera entendu.
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Que risque vraiment Facebook ? (12.04.2018)
Manifestation lors de l'audition
de Mark Zuckerberg. - Crédits photo : WIN MCNAMEE/AFP
DÉCRYPTAGE - Le scandale
Cambridge Analytica est-il une tempête dans un verre d'eau ou Facebook
risque-t-il de boire la tasse ? Depuis un mois, l'entreprise de Mark
Zuckerberg est attaquée de tous les côtés, dans les médias, sur les marchés et
par différentes autorités. Est-elle vraiment en danger ?
• Des performances financières
peu affectées
Facebook doit présenter ses
résultats financiers pour le premier trimestre de l'année le 25 avril.
D'ici là, seuls quelques indices peuvent laisser deviner les effets de
l'affaire Cambridge Analytica. Malgré une campagne en ligne appelant les
utilisateurs à quitter Facebook, peu ont sauté le pas. Et Facebook n'a pas
l'intention de bouleverser le cœur de son modèle économique. Le 29 mars,
le groupe a annoncé qu'il mettait fin à ses partenariats avec sept agrégateurs
de données, utilisés pour nourrir sa base d'informations sur les internautes
venant d'entreprises intermédiaires. Cette annonce, symbolique, ne touche
néanmoins qu'un seul produit publicitaire du réseau social. Les deux autres
restent inchangés. Facebook continue toujours à récolter des données très
précises, et précieuses, sur ses utilisateurs. Le plus gros risque encouru par
le réseau social est sa position sur les marchés financiers. L'action
de Facebook a chuté de 17 % en un mois. Elle reste tout de même
plus élevée qu'il y a un an.
• Des autorités remontées
Aux États-Unis, Facebook affronte
le courroux de plusieurs institutions. La FTC, l'agence indépendante du
gouvernement américain chargée de faire respecter le droit des consommateurs, a
ouvert une enquête. Elle souhaite en premier lieu vérifier le respect d'un
accord signé avec le réseau social en 2011.
Plusieurs textes ou
propositions de loi fédérale font peser de plus en plus de responsabilité sur
les géants du Web
Ce dernier devait garantir le
recueil du consentement des utilisateurs au travers d'une communication «claire
et proéminente», en cas d'exploitation de leurs données. Des promesses
potentiellement brisées par l'affaire Cambridge Analytica. La FTC peut infliger
une amende maximum de 41.484 dollars par «violation» constatée au Federal
Trade Commission Act, qui punit «les pratiques trompeuses» des entreprises,
après la deuxième infraction. Elle est libre de choisir ce qui constitue une
«violation». Il pourrait s'agir de chaque personne dont le compte a été touché
par cette affaire, c'est-à-dire 71 millions de comptes aux États-Unis. Un
chiffre potentiellement multiplié par le nombre d'années qui se sont écoulées
avant que le scandale ne soit révélé au public, entre 2014 et 2018. L'amende
pourrait être potentiellement très élevée et pourrait affecter la solidité
financière du groupe. Surtout, Facebook pourrait affronter une législation plus
restreinte aux États-Unis, pays qui a jusqu'ici plutôt privilégié
l'autorégulation des plateformes en ligne. Néanmoins, plusieurs textes ou
propositions de loi fédérale font peser de plus en plus de responsabilité sur
les géants du Web. En février, la Chambre des représentants a voté une loi
punissant la prostitution en ligne, et les plateformes l'aidant indirectement.
Plusieurs sénateurs ont aussi déposé une proposition pour imposer plus de
transparence aux réseaux sociaux dans le financement des publicités en ligne.
En Europe, Facebook risque une
amende de la part des différentes Cnil. Elles pourraient collaborer via le G29,
le groupe qui rassemble toutes les autorités européennes de protection des
données personnelles. Des enquêtes ont déjà été ouvertes en Irlande et en
Angleterre. Ces initiatives ne seront pas encadrées par le RGPD, le nouveau
règlement européen de protection des données. Les faits de l'affaire Cambridge
Analytica sont en effet antérieurs à sa date d'application, à partir du
25 mai.
• Une réputation écornée
L'autre danger pour Facebook est
celui de l'image. D'après un sondage réalisé pour le site spécialisé Recode
cette semaine, 56 % des Américains «font moins confiance» au réseau social
pour gérer leurs données. Un taux bien plus élevé que pour les autres
plateformes en ligne. Ce problème de réputation a été aggravé par la couverture
médiatique très importante du scandale Cambridge Analytica. Mark
Zuckerberg s'est excusé à de nombreuses reprises depuis le début du scandale.
Il a aussi répété qu'il ne comptait pas quitter l'entreprise qu'il a fondée.
«Pensez-vous être la bonne personne pour diriger Facebook à l'avenir?» lui
demandait un journaliste lors d'une conférence la semaine dernière. «Oui», a
simplement répondu Mark Zuckerberg.
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Après l'affaire Facebook, il faut «donner la priorité à la
sécurité» (11.04.2018)
- Crédits photo : opentext
Mark Barrenechea, le PDG
d'OpenText, spécialisé dans la gestion des informations des entreprises,
appelle à la vigilance.
Pour OpenText, Facebook, c'est fini. La
société, dont le cœur de métier est de traiter, stocker et interpréter les
informations détenues par les entreprises ne veut pas prendre pas de risques.
«Tout repose sur la confiance. Facebook l'a cassée», constate Mark Barrenechea,
PDG d'OpenText. Son entreprise a 25 ans. L'année dernière, elle a réalisé un
chiffre d'affaires de 2,3 milliards de dollars, en hausse de 26%, et accumule
les références prestigieuses parmi ses clients (Novelis, BNP Paris, Engie,
Total, Nestlé, Tarkett, E.On...).
«Nous ne pouvons plus demander à
nos clients de nous contacter via Facebook. Il m'a fallu quatre heures dimanche
dernier pour augmenter le niveau de sécurité de ma propre page, et encore, je
ne suis pas satisfait», tranche Mark Barrenechea, qui ne déserte par les
réseaux sociaux pour autant. OpenText reste présent sur LinkedIn et Twitter,
qui «offrent de meilleurs niveaux de sécurité». Surtout, le PDG a décidé de
recentrer la communication en ligne d'OpenText sur le site Internet de son
entreprise. «Nous avions pris l'habitude de nous reposer sur des applications
tierces pour acquérir davantage de visibilité, nous allons reprendre les choses
en main, dans notre environnement. Notre site Internet va redevenir notre
plateforme principale de communication et d'interaction avec nos clients.
L'affaire Facebook doit sonner comme une alarme pour toute l'industrie»,
ajoute-il.
Priorité à la sécurité
Une alarme qui n'est pas toujours
bien entendue par les intéressés. La liste des priorités des entreprises
s'allonge tous les jours, avec des chantiers complexes. Il leur faut se
digitaliser, intégrer la génération Z, l'intelligence artificielle, l'Internet
des objets, les nouvelles réglementations (dont la RGPD). Les défis les plus
complexes s'accumulent. «Et tout cela arrive en même temps. Mais la sécurité
des données doit sans conteste être placée en haut de la liste», analyse Mark
Barrenechea. Il se targue de répondre «aux standards les plus élevés en matière
de sécurisation des données de ses clients». OpenText dispose de centres de
stockage de données en Europe, notamment aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne.
Certes, en recommandant aux
entreprises de mettre d'avantage l'accent sur la sécurisation de leurs données
et de leurs informations, le patron d'OpenText prêche pour sa paroisse. Mais
pas uniquement. Alors que de nouveaux modèles économiques se construisent sur
la capacité des utilisateurs, entreprises ou particuliers, à partager des
informations, la confiance est plus que jamais au cœur des débats. Le numérique
n'en est qu'à ses débuts, c'est pourquoi le moment est particulièrement
critique.
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Patrick Mignola: «Facebook n'est pas entré dans le cadre
démocratique» (12.04.2018)
VIDÉO - Invité du Talk Le
Figaro, le député MoDem de Savoie souhaite, au nom de la liberté de la
presse, un meilleur partage des revenus entre les Gafa et les éditeurs.
«Facebook est
une formidable réussite technologique qui n'est pas entrée dans le cadre
démocratique», affirme le député MoDem de Savoie, Patrick Mignola, dans «Le
Talk Le Figaro». «On le vit au quotidien sur le plan fiscal, sur le plan de la
responsabilité pénale avec les “fake
news”, et dans les médias, dont ils diffusent les contenus tout en
captant 80% du marché publicitaire.» L'élu souhaite donc, au nom de la liberté
de la presse, un meilleur partage des revenus entre les Gafa et les éditeurs.
Il a été nommé rapporteur d'une proposition de loi visant à créer un «droit
voisin» pour la presse, qui sera examinée à l'Assemblée nationale à partir du
17 mai. Les plateformes devraient alors rémunérer les médias contre le
droit de diffusion de leurs contenus.
Sur le modèle de la Sacem
«C'est créer pour la presse qui a
été fait pour la musique avec la Sacem. On rétablit l'équilibre économique
entre celui qui écrit et celui qui diffuse. Ce n'est pas parce que l'accès aux
articles sur Internet est gratuit que cela n'a pas de valeur», souligne le
député. Les médias volontaires se regrouperaient en une société de gestion
collective, qui se chargerait de collecter son dû auprès des Gafa puis de les
redistribuer. Mais encore faut-il convaincre les Gafa de payer. «Est-ce que
demain, Google ou Facebook prendront le risque de déréférencer toute la presse
française?», répond Patrick Mignola. «Le mieux serait de se regrouper au niveau
européen. Et l'Europe travaille justement sur ce sujet», rappelle-t-il. Mais
les discussions sont lentes. «Il est important que les pays phares sur ce
sujet, soit la France, l'Allemagne et l'Espagne, puissent dire que si le rythme
bruxellois ne s'accélère pas avant les élections européennes de 2019, ils sont
en capacité de légiférer chez eux.» Si la proposition de loi française est
votée, elle pourrait entrer en application dès le mois de septembre. «Il n'y a
pas de liberté de la presse sans modèle économique viable. C'est pour cela
qu'il faut presser le pas», insiste le député.
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 12/04/2018. Accédez à sa version
PDF en cliquant ici
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Éric Zemmour : «Ce que cache cette si dangereuse limitation
de vitesse sur les routes» (12.01.2018)
«Tous les gouvernements s'en
défendent mais tous les automobilistes en sont convaincus: ils sont les vaches
à lait d'un budget éternellement en déficit», estime Éric Zemmour. -
Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA
CHRONIQUE - Le gouvernement
Philippe tape en dehors de sa base électorale. C'est commode ; c'est facile ;
c'est injuste.
C'est pour notre bien. C'est pour
sauver des vies. On connaît la ritournelle. Cela fait des décennies qu'on nous
la chante. Tous les pouvoirs, de droite comme de gauche, l'ont entonnée. Et
maintenant, le pouvoir «et de droite et de gauche» fait de même. L'ancien monde
et le nouveau main dans la main. Ou plutôt la main sur le radar. Et
sur le tiroir-caisse. Tous les gouvernements s'en défendent mais tous
les automobilistes en sont convaincus: ils sont les vaches à lait d'un budget
éternellement en déficit. Ils sont les cibles commodes, les cochons de payeurs,
ceux qui sont faciles à sanctionner. Qui ne se révoltent jamais. Plus aisé de
verbaliser un automobiliste que d'arrêter un caïd de la drogue ou de faire
appliquer la loi sur le voile intégral quand une émeute menace à chaque fois.
On voit bien qui utilise les
routes secondaires, qui prend sa voiture pour ses loisirs : cette France
périphérique qui travaille loin de chez elle, n'a pas envie de dilapider son
modeste revenu dans les coûteux TGV ou autoroutes
On ignore en vérité si la
limitation de vitesse est vraiment efficace. On devine qu'une simple réduction
de 10 % n'est guère probante. On voit bien qui utilise les routes
secondaires, qui prend sa voiture pour ses loisirs: cette France périphérique
qui travaille loin de chez elle, n'a pas envie de dilapider son modeste revenu
dans les coûteux
TGV ou autoroutes.
Le gouvernement Philippe fait, là
encore, comme ses prédécesseurs: il tape en dehors de sa base électorale.
Commode. Facile. Injuste. Comme eux, il s'appuie sur ce trop fameux «principe
de précaution» pour mépriser toujours plus les autres principes de liberté et
de responsabilité, qui devraient pourtant être précieux à un gouvernement
démocratique.
Et comme eux, il compense la
réduction décisive du périmètre réel de ses compétences, dépouillé par le haut
(technocratie bruxelloise, banque européenne, juridictions internationales et
nationales, grands groupes mondiaux) et le bas (décentralisation) en
s'arrogeant un rôle tutélaire sur des citoyens transformés en éternels mineurs.
De même, lorsqu'il
impose par la loi une multitude de vaccins. Ou réglemente au nom de la
protection de l'environnement. Ce gouvernement est paradoxal: il plaide pour la
liberté et la réduction des contraintes dans le domaine économique et social,
mais n'hésite pas à en rajouter dans d'autres domaines. Là aussi, il met ses
pas dans ceux de ses prédécesseurs. C'est Jacques Chirac qui, lors de son
second mandat en 2002, avait érigé comme priorités de son quinquennat le plan
de lutte contre le cancer, contre le handicap et la mortalité sur les routes.
Déjà, la mortalité sur les routes. Des priorités de président de conseil
général.
L'automobiliste est la cible
privilégiée de ce nouveau pouvoir qui conjugue injonctions moralisatrices et
sanitaires. Il n'y a pas qu'à Paris qu'il est considéré comme un pestiféré. Un
être nuisible à exterminer. Incroyable destin que celui de cet automobiliste,
jadis symbole de liberté, de progrès, devant lequel tous les pouvoirs
s'agenouillaient, à qui on construisait des voitures toujours plus puissantes
et luxueuses, et des routes toujours plus vastes et sûres, et qui est désormais
marqué du sceau de l'infamie.
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Bernard-Henri Lévy / Renaud Girard : «Comment empêcher la
chute de l'Occident ?» (13.04.2018)
Bernard-Henri Lévy et Renaud
Girard. - Crédits photo : Frédéric Stucin
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Tout
ou presque oppose Bernard-Henri Lévy et Renaud Girard, sauf la conviction
inquiète d'une crise frappant les Etats-Unis et la vieille Europe. Le
philosophe, fidèle à sa vision interventionniste, regrette que l'Amérique
n'incarne plus autant l'«empire du Bien». Le chroniqueur international du Figaro plaide,
au contraire, pour la realpolitik.
Bernard-Henri Lévy, votre
essai, qui décrit les hésitations des Etats-Unis face à cinq Etats renaissants
- la Turquie, la Russie, l'Iran, l'Arabie saoudite et la Chine -, est aussi une
variation autour du destin tragique des Kurdes. Que dit-il de l'Occident?
Bernard-Henri LÉVY -Le
drame que vivent les Kurdes est le signe d'un affaiblissement sans
précédent de l'Occident et des valeurs démocratiques qu'il porte. Est-ce
l'équivalent de la bataille d'Andrinople, qui précède de peu la chute de Rome?
J'espère que non. Mais la démission a été si grande, le déshonneur si vif, que
l'on est peut-être en face de l'un de ces micro-événements, apparemment
aberrants, qui annoncent un basculement du monde. Ce n'est pas la première fois
que l'Occident laisse tomber ses alliés ou ses nations sœurs. C'était le cas
avec la montée du nazisme. Puis avec l'abandon de la moitié de l'Europe au
communisme. Sauf que les milices chiites qu'on a laissées dépecer le Kurdistan
irakien, ce n'était quand même pas l'armée d'Hitler! Ni celle de Staline! On a,
en conséquence, rarement été si inexcusable.
Renaud GIRARD -Je trouve
effrayant cette récurrence d'un Occident qui abandonne ses amis en Orient. Ce
fut le cas en 1974, lorsque les Turcs ont envahi Chypre, puis, l'année
suivante, lorsque nous avons abandonné les chrétiens du Liban, qui ne
demandaient qu'une chose, que les Palestiniens ne se comportent pas en
territoire conquis. A l'époque, les journaux politiquement corrects ont forgé
cette expression extraordinaire d'«islamo-progressisme». Aujourd'hui, ce sont
les Kurdes qui, sur le terrain, appuyés par l'aviation et les conseillers de
l'Occident, ont fait le boulot contre notre ennemi principal, Daech. Ils ont
certainement des défauts mais, au moins, ils sont tolérants en matière de
religion et d'égalité des sexes. Avec l'offensive turque d'Afrin, nous les
abandonnons face à un Frère musulman, car il faut appeler les choses par leur
nom: Recep Erdogan est un Frère musulman qui s'appuie sur des milices rebelles
syriennes liées à al-Qaida. Je suis heureux de voir que le président Macron est
en train d'infléchir cette politique.
«Notre “allié” Erdogan parle
comme un chef d'al-Qaida ou de Daech»
Bernard-Henri Lévy
BHL-Macron a fait un beau
geste en accueillant une délégation de Kurdes syriens. Mais, quelques heures
plus tôt, Trump disait sa hâte de voir les Etats-Unis quitter la Syrie. Le
monde marche sur la tête et l'Occident va à sa perte si nous en restons là…
Quant à la Turquie qui, au moment de la bataille de Kobané en
septembre 2014, faisait passer des armes à Daech, elle est objectivement
notre adversaire. On s'est longtemps posé la question de son appartenance à
l'Europe. Aujourd'hui, après Afrin, la vraie question posée est celle de son
appartenance à l'Otan! Un seul exemple. Tout le monde a oublié comment, il y a
quelques mois, Erdogan a répondu à Merkel qui venait d'interdire des meetings
électoraux organisés par des islamo-fascistes turcs. Il a dit: «A partir
d'aujourd'hui, il n'y a plus une seule rue du monde où un citoyen européen
pourra se promener en sécurité.» C'est un appel au terrorisme! Notre «allié»
Erdogan parlait comme un chef d'al-Qaida ou de Daech.
«Les néoconservateurs n'ont pas
compris qu'il y a pire que la dictature: l'anarchie ; et pire que
l'anarchie: la guerre civile», affirme Renaud Girard. - Crédits photo :
Frédéric STUCIN
Ce retrait annoncé des
Américains de Syrie est-il le symptôme d'une crise plus profonde des
Etats-Unis?
RG-Les Etats-Unis sont
désormais timorés car, par le passé, ils ont manqué de prudence, sous
l'influence de la doctrine néoconservatrice qui veut répandre à tout prix la
démocratie dans le monde. Avec les guerres en Irak, en Afghanistan et en Libye,
ils n'ont pas appliqué la théorie des trois conditions pour réussir une
intervention militaire, que j'ai élaborée dans mon livre. Premièrement, quand
on fait tomber un dictateur, il faut avoir une équipe de remplacement.
Deuxièmement, il faut garantir aux populations civiles que leur situation sera
meilleure après notre intervention qu'avant. En Irak ou en Libye, je n'ai pas
trouvé une famille qui ne regrettât pas l'ancien monde. Les néoconservateurs
n'ont pas compris qu'il y a pire que la dictature: l'anarchie ; et pire
que l'anarchie: la guerre civile. Troisièmement, il faut ménager à long terme
les intérêts nationaux de son pays. Quand un leader, qu'il s'appelle Tony Blair
ou Nicolas Sarkozy, fait une intervention militaire, il le fait avec
l'argentdes contribuables et le sang des soldats de son pays. En Libye, nous
avons mis un immense chaos. Kadhafi avait tous les défauts du monde, mais il
combattait les islamistes et empêchait les trafics d'êtres humains à travers
son pays, en coopération avec l'Union européenne. C'est ce manque de prudence
qui traumatise aujourd'hui les Etats-Unis. Alors, Trump jette le bébé avec
l'eau du bain en déclarant qu'il ne veut plus entendre parler d'aucune
intervention extérieure.
Bernard Henri-Lévy, vous
regrettez au contraire que les Etats-Unis ne soient pas davantage un empire qui
s'assume…
BHL- Je suis en
désaccord avec tout ce que vient de dire Renaud Girard. Est-ce que, dans
l'affaire libyenne, nos intérêts nationaux ont été préservés? Oui. Et pour une
raison très importante. L'une des pires menaces qui pèsent sur l'Occident,
c'est la guerre des civilisations que nous ont déclarée les islamistes. Or,
qu'ont fait Sarkozy, Cameron et Hillary Clinton en Libye? Ils ont dit aux
peuples arabes: «Nous ne sommes pas en guerre contre vous! Nous ne sommes plus,
comme nous l'avons si souvent été, systématiquement du côté des dictateurs qui
vous oppriment.» Quant à Trump, je ne suis pas d'accord non plus avec cette
idée qu'il jette le bébé avec l'eau du bain. Il faut voir les choses de plus
haut. Il n'est qu'un épiphénomène, la queue d'une comète. Il est
l'aboutissement d'une séquence historique qui commence avec Obama, voire avant,
et au cours de laquelle les Etats-Unis se sont désamarrés de l'Europe. La
grande Amérique, c'est celle qui est venue à notre secours lors des deux
guerres mondiales. C'est ce pays neuf qui se vivait comme une excroissance, un
recommencement de l'Europe. Et je l'appelle, pour cela, peut-être pas «l'empire
du Bien», mais celui du moindre mal ou du meilleur - je n'ai pas peur du mot.
Et puis il y a un moment, dans la seconde moitié du XXe siècle, où ce
paradigme s'est fissuré. Et cette Amérique qui coupe les cordes métaphysiques
d'avec l'Europe, ça donne Barack Obama, qui ne respecte pas sa propre ligne
rouge en Syrie à propos des armes chimiques. Puis Trump et son isolationnisme
cynique.
RG - Il y eut en
Syrie un manque de réalisme dès le début. En février 2012, l'ambassadeur
russe à l'ONU, Vitali Tchourkine, avait proposé une transition en Syrie aux
trois membres permanents occidentaux du Conseil de sécurité. Ils l'ont refusée
en déclarant publiquement que le régime de Bachar el-Assad n'en avait que pour
quelques semaines… En Libye, avant le conflit syrien, nous avons cassé le
fonctionnement du système de sécurité de l'ONU en allant au-delà du mandat, qui
ne prévoyait pas de changement de régime. Or, c'est l'aviation française qui a
tué Kadhafi.
«Ce qui déstabilise, désorganise
le fonctionnement de l'ONU, c'est le veto permanent de deux Etats qui se
conduisent comme des voyous, la Russie et la Chine», dénonce Bernard-Henri
Lévy. - Crédits photo : Frédéric STUCIN
L'ONU, déstabilisée par les
Occidentaux lors du conflit libyen, une idée que vous ne devez pas partager…
BHL-C'est une mauvaise
plaisanterie! Ce qui déstabilise, désorganise le fonctionnement de l'ONU, c'est
le veto permanent de deux Etats qui se conduisent comme des voyous, la Russie
et la Chine. C'est lui, ce veto systématique, qui est à la source de la crise
humanitaire sans précédent qui dure depuis sept ans en Syrie. Je disais que
l'islamisme nous avait déclaré une guerre des civilisations, mais c'est aussi
le cas de la Russie. Je suis patriote. J'aime mon pays. Or, Vladimir Poutine
est aujourd'hui l'adversaire de mon pays et des pays amis du mien. Il
empoisonne d'anciens espions à Londres. Il finance des partis qui, comme le
Front national, sont acharnés à démanteler l'Union européenne. Il trafique nos
élections.
RG-Je ne peux pas mettre
sur le même plan Daech et la Russie de Poutine. En tant que Français, je n'ai
strictement rien à voir avec l'islamisme. En revanche, je suis pénétré de
culture russe, du théâtre de Tchekhov, des romans de Dostoïevski, des grandes
fresques de Gogol et de Tourgueniev, ce qui ne m'empêche pas de critiquer
l'annexion de la Crimée et la guerre du Donbass en Ukraine. Mais je pense qu'il
ne faut pas diaboliser les Russes qui ne sont certes pas des démocrates à
l'européenne, mais qui sont moins une autocratie que la Chine. L'intérêt de la
France est de ramener la Russie dans la famille européenne et d'éviter qu'elle
se tourne définitivement vers Pékin. Il y a, certes, une paranoïa de la Russie,
quand elle pense que les révolutions de couleur ont été décidées par les
capitales occidentales pour l'assiéger. Mais il y a aussi une paranoïa
occidentale à l'égard de la Russie. J'ai lu l'autre jour dans El País un
éditorialiste qui expliquait que le Brexit et le sécessionnisme catalan étaient
de la faute de la Russie. Or, on n'a jamais vu un secrétaire au Foreign Office
aussi anti-russe que Boris Johnson, qui fut le chef de la campagne du Brexit.
Il faut tout faire pour dégonfler cette double paranoïa. Ce fut une erreur de
ne pas respecter les promesses faites à Gorbatchev par le secrétaire d'Etat
américain Baker, en février 1990, de ne pas étendre les manœuvres de
l'Otan dans les anciens pays du pacte de Varsovie. Or, aujourd'hui, nous avons
mis des boucliers antimissiles en Europe de l'Est, qui sont vus comme une
provocation par les Russes.
Et la Chine? Ne faudrait-il
pas lui accorder le qualificatif d'empire plutôt que de royaume?
BHL-Non, je pense que la
Chine n'a pas encore la puissance que l'on dit. Bien sûr, elle est économiquement
puissante. Mais la vraie puissance, c'est celle de l'esprit, de la culture,
c'est la capacité à dire l'universel. Or, de tout cela, la Chine est
aujourd'hui incapable. Dans ma classification, que je tire du livre De
Monarchia écrit par Dante au début du XIVe siècle, cette Chine n'est pas
encore un empire. Et c'est, si nous nous réveillons, notre chance… J'ajoute
qu'il existe un point commun entre les cinq royaumes. Ce sont tous des maîtres
chanteurs qui tiennent, chacun, un pistolet braqué sur la tempe de l'Occident.
La Turquie, ce sont les migrants. L'Iran, la bombe atomique. La Russie, la
grande usine mondiale à fake news. L'Arabie saoudite, la possibilité de
revivifier, à tout moment, l'idéologie djihadiste. Et la Chine, ces fameuses
terres rares dont elle a les plus grosses réserves et qui seront indispensables
pour fabriquer les téléphones portables de demain. Notre situation historique
est celle-là. Et, hélas, nous ne l'avons pas choisie. Des démocraties cernées
par cinq maîtres chanteurs.
«Le droit-de-l'hommisme, c'est
le retour par la fenêtre de la pulsion coloniale»
Renaud Girard
Que faire?
RG-La Chine est dans une
stratégie de domination commerciale du monde. Je ne lui en veux pas, mais je
voudrais simplement que nous lui résistions. Je suis tout à fait d'accord sur
ce point avec Bernard-Henri Lévy: on ne doit jamais, en géopolitique, céder au
chantage. Mais ne jetons pas les autres pays dans les bras des Chinois. Mes
voyages en Russie et en Iran m'ont montré que les élites de ces peuples sont en
réalité très proches des valeurs occidentales. A Téhéran, les mosquées sont
relativement vides, les gens ont rejeté le pouvoir des mollahs. Je crois aussi
qu'il y a une aspiration du peuple russe à nous rejoindre. Il faut pour cela
diminuer la paranoïa de l'Etat russe et l'encourager à prendre le chemin de
l'Etat de droit.
BHL-Dans ces cinq
royaumes, certains ont pris le meilleur de l'Occident. Nous ne mesurons pas
assez cette vocation mondiale qui est la nôtre. Nous ne savons pas à quel point
l'Europe est cette exception absolue d'une catégorie qui n'est pas seulement
territoriale, mais qui est aussi spirituelle - qui n'est pas seulement une
terre, mais qui est aussi une idée. Cette Europe, elle vit en Chine chez les
gens qui se battent pour les droits de l'homme. Elle vit en Iran quand les
femmes retirent leur tchador. Elle vit dans le monde arabe quand ilaspire à la
démocratie. Notre mission est là: donner des armes spirituelles à ceux qui se
réclament de nous, qui sont nos frères et nos sœurs en esprit et que nous
laissons trop souvent tomber au nom de la prétendue realpolitik.
RG-Nous devons rayonner
dans le monde par notre exemple, non par nos leçons de morale.
L'interventionnisme ou le droit-de-l'hommisme sont dans une vraie
contradiction. L'Occident a décidé librement, après la Seconde Guerre mondiale,
de se retirer de toutes les terres qu'il régissait à travers la planète. Mais
aujourd'hui, on dit à tel dictateur: on ne vous aime pas, on va vous faire la
guerre ou vous assiéger par des sanctions. Mais, homme blanc, il ne fallait pas
partir du Soudan si tu voulais le transformer en Suède! Le droit-de-l'hommisme,
c'est le retour par la fenêtre de la pulsion coloniale, de la «mission
civilisatrice de la colonisation» de Jules Ferry.
L'Empire et les cinq rois,
de Bernard-Henri Lévy, Grasset, 288 p., 20 €. Quelle diplomatie pour la
France?, de Renaud Girard, Le Cerf, 142 p., 9 €. - Crédits photo : Le
Figaro
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Suspendu par W9 pour ses propos homophobes, Balbir s'excuse
mais dénonce une malveillance (13.04.2018)
- Mis à jour le 13/04/2018 à 13:26
LE SCAN SPORT - Pour avoir
insulté hors antenne les joueurs de Leipzig, le commentateur a été suspendu à
titre conservatoire par sa chaîne. Le journaliste s'est publiquement excusé,
tout en soulignant la délation dont il a été l'objet. Un argument qui n' a pas
adouci la ministre des sports, Laura Flessel.
L'affaire fait des remous. Hors
antenne, le commentateur-vedette de la chaîne a tenu des propos injurieux
envers les joueurs de Leipzig à l'issue de la victoire de l'OM, 5 buts à 2. «Je
suis bien content pour ces pédés arrogants au match aller. Comment ils étaient
sûrs de gagner! Enfoirés!» Vite relayés par les réseaux sociaux, ces propos
homophobes et insultants envers les joueurs allemands ont poussé W9 à
prendre des sanctions envers Denis Balbir.
Elle a annoncé, via un communiqué
envoyé à 11h35, sa décision de le «suspendre à titre conservatoire de la
présentation de la compétition de la Ligue Europa» diffusée sur son antenne. La
chaîne a tenu à rappeler «que le respect de l'adversaire s'impose en toutes
circonstances», tout en soulignant que Balbir avait «tenu à s'excuser
publiquement».
Je suis navré de ces propos
déplacés échangés hors antenne et qui n'ont donc jamais été diffusés sur la http://xn--chane-7sa.Jechaîne.Je
présente mes excuses à tous. La diffusion de cette séquence privée et en aparté
sur les réseaux sociaux est cependant particulièrement malveillante.
Le commentateur avait en effet
fait acte de contrition, via un tweet, dix minutes plus tôt. Tout en soulignant
que ses propos n'avaient jamais été diffusés à l'antenne. Et que la diffusion
de cette séquence était «particulièrement malveillante». Effectivement, elle a
forcément été envoyée sur les réseaux sociaux par un salarié de la chaîne W9.
Sur l'affaire Balbir. 1. Il a
tenu ces propos honteux au bout une journée effroyablement difficile, après un
deuil personnel; 2. Si le hors antenne était diffusé, plus personne ne pourrait
bosser; 3. Cette ère du jugement et de la dénonciation ne fait pas rêver.
Une délation qui n'a pas été du
goût de la plume du football du quotidien L'Équipe, Vincent Duluc.
«Cette ère du jugement et de la dénonciation ne fait pas rêver», a tweeté le
journaliste. Venant au secours de son confrère en révélant que Denis Balbir
avait «tenu ces propos honteux au bout une journée effroyablement difficile,
après un deuil personnel».
Je salue la décision de @w9. Les propos homophobes même hors antenne
sont condamnables. J’organiserai le 17 mai prochain à @INSEP_PARIS un colloque #exaequo, « sport
et homophobie, parfois l’égalité est une victoire ». @MarleneSchiappa @DILCRAH https://twitter.com/w9/status/984729744443834368 …
Des arguments qui pèsent peu face
au déchaînement sur les réseaux sociaux. Même la ministre des Sports, Laura
Flessel, s'en est prise au commentateur. «Les propos homophobes, même hors
antenne, sont condamnables.» Une chasse à l'homme qui ne fait guère de doute
sur son issue. Denis Balbir est déjà jugé et condamné.
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La guerre secrète des services français pour neutraliser les
djihadistes de l'État islamique (13.04.2018)
Des opérateurs du Commandement
des opérations spéciales, dans la région de Mossoul, en Irak. Reportage sur les
forces spéciales françaises, décembre 2016. - Crédits photo : Thomas
Goisque Thomas Goisque
RÉCIT - Depuis 2015, les services
français mènent une guerre secrète sans merci pour éliminer de l'État islamique
les djihadistes francophones qui continuent de constituer une menace, même
après la chute de Mossoul et de Raqqa. Une politique de «neutralisation»
assumée par le président Macron, comme son prédécesseur, et appliquée
discrètement avec l'aide de forces alliées, américaines, irakiennes et kurdes.
Où est passé Abdelilah Himich? La
question peut sembler hermétique au commun des mortels. Mais le sort de cet
ex-légionnaire de Lunel, devenu un cadre dirigeant de l'organisation Etat
islamique (EI), taraude une poignée de professionnels du renseignement
français. Soupçonné d'avoir joué un rôle dans la planification des attentats de
Paris en novembre 2015 et ceux de Bruxelles en mars 2016, Himich, a
priori repéré en Syrie, semble s'être évanoui dans la nature depuis la fin de
2017. Tous les jours, les experts français font le point sur les informations
qu'ils peuvent recueillir à son sujet, dans leurs bureaux situés au cœur de l'immeuble
de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), à Levallois-Perret.
Composée d'agents provenant de huit services de renseignement, intérieurs comme
extérieurs, leur petite équipe, baptisée «Allat», du nom d'une déesse
préislamique, a été créée durant l'été 2015 pour traquer les djihadistes
français partis ou revenus de Syrie et d'Irak. Elle travaille en liaison avec
une autre cellule interservices, nom de code Hermès, pilotée par la Direction
du renseignement militaire (DRM). Installée dans les sous-sols bunkerisés du
centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), au cœur du
Balardgone, QG parisien du ministère de la Défense, Hermès prépare des
«dossiers d'objectifs» pour l'état-major des armées.
Des drones ont été utilisés pour
localiser des positions de l'Etat islamique près de Mossoul. Reportage sur les
forces spéciales françaises, décembre 2016. - Crédits photo : Thomas
Goisque Thomas Goisque
Au moins 300 Français tués sur
place
Parmi les quelque 1700 noms
qui figurent dans leurs fichiers, plus de 300 sont déjà revenus et suivis en
France, une petite centaine ont été faits prisonniers sur place et au moins 300
auraient été tués. «Le décompte des morts est imprécis, car il y a eu
énormément de dégâts et les vérifications sont complexes», précise un initié.
Ce qui fait, a priori, encore plus d'un millier de Français «sur zone» au sort
incertain, dont quelques-uns figurent sur des listes prioritaires des «cibles
de haute valeur», ou «High Value Individuals» (HVI) dans le langage militaire
américain. Abdelilah Himich en fait partie, ainsi que d'autres combattants
francophones du djihad. Parmi eux: Salim
Benghalem, ancien geôlier de journalistes français en Syrie ;
Peter Cherif, un vétéran du djihad en Irak, proche des frères Kouachi, ou Fabien
Clain, mentor du djihad toulousain et voix de la revendication des
attentats du 13 novembre 2015, à Paris. Le but des services français est
clair: les neutraliser, que ce soit par une capture ou par une élimination.
Les listes des HVI que la France
recherche comportent des dizaines de noms. Les ordres viennent du plus haut
niveau de l'État, à savoir du président de la République. François Hollande
avait approuvé le principe d'opérations de «mise hors d'état de nuire».
Mi-2015, il a confirmé aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, auteurs
du livre Un président ne devrait pas dire ça…(Stock), avoir
autorisé «au moins» 4 assassinats ciblés et avoir donné des
consignes de vengeance: «Oui, l'armée, la DGSE ont une liste de gens dont on peut
penser qu'ils ont été responsables de prises d'otages ou d'actes contre nos
intérêts. On m'a interrogé. J'ai dit “Si vous les appréhendez, bien sûr.”»
Macron aussi ferme que son
prédécesseur
En réalité, selon nos
informations, plus d'une cinquantaine de HVI ont été exécutés entre 2013
et 2017 sur divers théâtres extérieurs, soit par les armées dans le cadre
de frappes aériennes ou de raids au sol, soit par la DGSE de manière
clandestine, soit indirectement par les forces de pays alliés sur la base de renseignements
fournis par la France. Cette traque, qui a débuté principalement au Sahel en
marge de l'opération «Serval» déclenchée au Mali début 2013, visait d'abord des
chefs de groupes djihadistes armés de cette région. Elle a pris une nouvelle
dimension à partir de 2015, en ciblant également des djihadistes francophones
présents en Syrie et en Irak. Cette guerre secrète est loin d'être achevée.
«L'essentiel de l'encadrement de l'État islamique a été décimé. Mais une partie
des djihadistes importants a disparu des radars», confirme Jean-Charles
Brisard, le président du Centre d'analyse du terrorisme (CAT), un think tank
spécialisé. Réfugiés dans d'ultimes sanctuaires, passés dans la clandestinité
ou déjà partis pour d'autres terres de djihad, ces HVI constituent toujours des
dangers, ce qui mobilise les services.
Le président Macron a réitéré des
consignes de fermeté, ici lors d'un conseil de Défense et de Sécurité, en
mars. - Crédits photo : CHRISTIAN HARTMANN/SIPA
Depuis son élection en mai
dernier, Emmanuel Macron a réitéré, selon nos informations, les fermes
instructions de son prédécesseur: «Pas de quartier!» Il a laissé entrevoir
cette résolution lors d'une visite au siège de la DGSE, le 30 août
dernier, accompagné de son coordonnateur national du renseignement et de la
lutte contre le terrorisme, le préfet Pierre de Bousquet de Florian,
et devant le nouveau directeur du service, Bernard Emié, un diplomate fin
connaisseur du Proche-Orient. Il l'a exprimé plusieurs fois lors de conseils de
Défense, notamment le 21 octobre. «L'objectif est bien de limiter au
maximum les retours en France. Pour le moment, cela fonctionne plutôt pas mal»,
se réjouit un expert sécuritaire proche de l'Elysée. Florence Parly, la
ministre des Armées, a d'ailleurs exprimé à sa façon son appui à cette
politique, en déclarant le 15 octobre 2017 sur Europe 1: «S'il ya des
djihadistes qui périssent dans [les] combats [à Raqqa], je dirais que c'est
tant mieux.»
Officiellement, il n'est pas
question d'opérations ciblées, ni de listes nominatives de personnes à
«neutraliser». «Nous visons des objectifs ennemis, quels qu'ils soient.
L'important n'est pas leur nationalité, mais leur dangerosité», dit-on dans les
milieux autorisés. Mais il s'agit d'un secret de Polichinelle: sous le sceau du
secret défense, ces traques se déroulent bel et bien, afin d'éliminer des
personnes considérées comme des menaces directes contre la sécurité nationale.
Les soldats d'élite irakiens ont
arrêté des centaines de djihadistes. Reportage sur la bataille de Mossoul,
juillet 2017. - Crédits photo : Frederic Lafargue
Au Levant, la chasse aux
djihadistes a vraiment débuté durant l'été 2015. A cette époque, l'Etat
islamique règne sans partage dans son califat, auto-proclamé un an plus tôt sur
une partie de l'Irak et de la Syrie. La coalition internationale anti-Daech,
réunie depuis l'automne 2014 sous les auspices des Américains, commence à
essayer d'affaiblir l'organisation, en ciblant ses camps d'entraînement et ses
centres logistiques. Les armées françaises y participent seulement en Irak. En
coulisses, les experts de la DGSE, de la DGSI, et de la DRM s'alarment de plus
en plus des risques de voir des commandos de l'EI s'entraîner en Syrie pour
venir frapper en Europe. Déjà, des terroristes liés à un
certain Abdelhamid Abaaoud, un jeune Belgo-Marocain parti en
Syrie, ont
été appréhendés à Verviers, en Belgique, en janvier 2015, puis en
région parisienne en avril. «Nous suivions depuis le mois de janvier le réseau
Abaaoud. Nous connaissions parfaitement la dangerosité du personnage»,
admettra Bernard
Bajolet, patron de la DGSE, devant la commission d'enquête
parlementaire sur les attentats de Paris.
Après l'attaque
déjouée dans le Thalys du 21 août 2015, attribuée à ce réseau,
tous les services sont sur le pont. Alerté, François Hollande donne, lors du
conseil de Défense du 4 septembre 2015, son feu vert à des frappes ciblées
en Syrie, notamment sur un immeuble de Raqqa censé abriter Abaaoud et certains
de ses complices. Mais l'opération est annulée, par crainte de dommages
collatéraux, comme le révélera Le Monde, quelques mois plus tard.
Abaaoud est alors présenté dans une note de la DGSE comme «un acteur clé de la
menace projetée en Europe». C'est bien lui, ainsi que Salim Benghalem, ancien
dealer de Cachan, et Fabien Clain, le djihadiste toulousain, qui sont visés,
dans la nuit du 8 au 9 octobre 2015, par des bombardements français à Raqqa.
Les renseignements ne sont pas assez fiables: les cibles principales échappent
aux bombes. Abaaoud, lui, n'est pas sur place: en réalité, il est déjà parti
depuis début août en Europe pour préparer les commandos visant Paris.
Les combattants observent les images
d'un drone pour réduire les dernières poches de résistance. Reportage sur la
bataille de Mossoul, juillet 2017. - Crédits photo : Frederic Lafargue
Frappes ciblées au Levant
Après les attentats du
13 novembre 2015, la traque s'élargit. François Hollande veut frapper
fort. La DGSE envoie des commandos de son service Action s'infiltrer en Irak et
en Syrie pour procéder à de discrètes filatures et à quelques opérations
«Homo». Les Américains ont également proposé leurs services, notamment la mise
à disposition de leurs drones armés pour les éliminer. Les états-majors
français donnent leur aval aux opérations aériennes décidées par le QG de la
coalition anti-Daech. Plusieurs de ces raids «mutualisés» visent des objectifs
où des djihadistes francophones sont présents, au milieu d'autres recrues
européennes, syriennes ou irakiennes. La liste de ces HVI exécutés par la
coalition, principalement par les Américains, s'allonge au fil des mois:
Charaffe al-Mouadan, un proche d'Abaaoud, tué en décembre 2015 ; Rachid
Marghich, issu des filières de Trappes, et Wissen el-Mokhtari, membre de la
cellule de Verviers, en août 2016 ; Romain Letellier, djihadiste du
Calvados, en octobre 2016 ; Macreme Abrougui, ami de Clain, tué par
une frappe française en octobre 2016 ; Walid Hamam, autre proche
d'Abaaoud, fin 2016 ; Boubaker el-Hakim, un Franco-Tunisien haut gradé
dans les services extérieurs de l'EI, chef présumé d'Abaaoud, en
novembre 2016 ; les Français Salah Gourmat, Sammy Djedou, et le Belge
Walid Hamam, en décembre 2016. Le 8 février 2017, c'est Rachid
Kassim, mentor de plusieurs djihadistes français via la messagerie cryptée
Telegram, qui est visé par un missile tiré depuis un drone américain, sans que
sa mort soit confirmée de manière certaine.
L'identification des djihadistes
arrêtés ou décédés fait partie des missions de renseignement
Après cette vague de raids
aériens, la chasse se poursuit au sol lors de l'assaut de l'armée irakienne à
Mossoul, lancée en octobre 2016 et achevée au printemps 2017.
De manière officielle, plus d'un millier de soldats français, dont
quelques dizaines de membres des forces spéciales, participent à la formation
des unités antiterroristes irakiennes et contribuent aux tirs d'artillerie,
ainsi qu'aux frappes aériennes. En réalité, dotées de moyens d'interception
sophistiqués, les forces spéciales collectent également des renseignements
précis pour localiser et neutraliser des groupes de djihadistes étrangers
retranchés dans ce fief de l'EI. Certains participent avec les Irakiens à des
opérations de capture ou d'élimination. «Ce fut très dur, très violent»,
rapporte un officier supérieur. Des agents de la DGSE sont également présents
sur place, ainsi que des techniciens qui recherchent des preuves ADN
d'identification sur des morts et des blessés.
Des listes fournies aux
Irakiens
Lorsque le Wall Street
Journalrévèle, le 30 mai, que les Français fourniraient à leurs alliés
irakiens des listes de personnes à «neutraliser», le ministère de la Défense
dément. Cependant, plusieurs hauts responsables militaires irakiens, dont le
général Abdelghani al-Assadi, et le colonel Moutadhar, chefs du
contre-terrorisme, confirmeront, - respectivement à Paris Match et
à France 2 - avoir bien reçu de la part des Français des listes de
noms et des demandes tacites d'élimination de ces cibles. «Cela arrangeait tout
le monde, précise un expert militaire français. Les unités irakiennes n'ont pas
fait dans la dentelle à Mossoul. Elles ont tué de nombreux djihadistes
étrangers, que ce soit par leurs bombardements intensifs, ou lors des combats
au sol, et aussi par la suite.»
Les forces irakiennes ont arrêté
des soldats de Daech à Mossoul: certains portaient des tee-shirts à l'effigie
de la France, signe qu'ils ont côtoyé des djihadistes français. Reportage sur
la bataille de Mossoul, juillet 2017. - Crédits photo : Frederic Lafargue
Selon plusieurs sources
concordantes, plusieurs dizaines de Français auraient ainsi péri lors de la
prise de Mossoul. D'autres combattants originaires de l'Hexagone auraient
réussi à prendre la fuite, pour se replier dans des zones encore contrôlées par
Daech. Enfin, une dizaine de Français de l'EI auraient été faits prisonniers,
dont quelques femmes et enfants. À défaut d'accord d'entraide pénale ou
d'extradition avec la France, l'Irak est libre de les juger sur place, y
compris en les condamnant à mort, une peine à laquelle Paris s'opposerait en
cas de verdict en ce sens. La jeune Mélina
Boughedir, mère de quatre enfants, n'a écopé que de sept mois de prison
début 2018, mais les autorités irakiennes ont fait appel de ce jugement. «C'est
un gouvernement souverain, nous ne pouvons les forcer à nous les renvoyer»,
dit-on côté français.
Une fois Mossoul tombée en Irak,
c'est Raqqa, en Syrie, qui concentre ensuite l'intérêt des services français
durant l'été 2017. Car c'est là que se cachent sans doute des djihadistes
figurant sur les listes prioritaires de HVI, dont Salim
Benghalem, Fabien Clain, et Abdelilah Himich. Soutenues par les
Américains, les Britanniques et les Français, les Forces démocratiques
syriennes (FDS), une alliance de groupes arabo-kurdes, lancent en juin l'assaut
final de l'opération «Colère de l'Euphrate» pour encercler Raqqa. Des agents de
la DGSE, qui cultive de longue date des contacts avec les Kurdes, les
accompagnent, attentifs au sort des cibles francophones. Les bombardements et
les combats font rage, décimant les rangs de l'EI de plus d'un millier de
membres.
«La dernière chose que nous
voulons, c'est que les combattants étrangers soient libérés et qu'ils puissent
retourner dans leur pays d'origine et causer plus de terreur»
Le colonel Ryan Dillon,
porte-parole de la coalition, en octobre
Début octobre, des pourparlers
s'engagent entre les forces arabo-kurdes, qui ont, elles aussi, subi de lourdes
pertes, et des commandants de l'EI assiégés dans un dernier périmètre de
2 km2 de la ville. Un accord se dessine sous l'égide du Conseil civil de
Raqqa, une administration mise en place par les FDS, pour laisser sortir les
derniers combattants et des civils. Les Américains et les Français retardent
les discussions, refusant que les djihadistes non syriens évacuent la cité. «La
dernière chose que nous voulons, c'est que les combattants étrangers soient
libérés et qu'ils puissent retourner dans leur pays d'origine et causer plus de
terreur», déclare le colonel Ryan Dillon, porte-parole de la coalition. «Notre
mission est de nous assurer qu'ils vont bien mourir en Syrie, que nous allons
tous les éliminer», avait d'ailleurs confié, en juin, Brett McGurk, l'envoyé
spécial américain à Raqqa, à la journaliste libanaise Jenan Moussa. Selon
l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), la DGSE a surtout mentionné
la présence supposée à Raqqa de quelques HVI impliqués dans les attentats de
Paris, comme Abdelilah Himich, ne souhaitant pas qu'ils lui échappent.
Dans la nuit du 14 au
15 octobre, une noria de bus et de camions sort pourtant de Raqqa sans
encombre. A leur bord, près de 300 djihadistes auraient ainsi pu
rejoindre la
région syrienne de Deir ez-Zor, plus à l'est. Malgré les démentis des autorités
locales, des étrangers se seraient glissés dans le convoi. Ravagée par des
combats qui ont fait plus de 3000 victimes, dont un tiers de civils, Raqqa est
considérée comme «libérée» le 17 octobre. «[…] La
chute de Daech à Raqqaest un événement important, d'une certaine
manière les crimes du Bataclan ne sont donc pas impunis», se félicite alors
Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères.
1. Sabri Essid, beau-frère du
Toulousain Mohammed Merah, parti en Syrie et présumé mort. 2. Salim Benghalem,
originaire de Cachan, geôlier de journalistes français, non localisé. 3.
Abdelilah Himich, ex-légionnaire, cadre de Daech, également recherché. 4.
Fabien Clain, qui a revendiqué depuis la Syrie les attentats de Paris,
introuvable pour le moment. - Crédits photo : Handout
Certains HVI sont bien présumés
décédés, comme Sabri Essid, ex-beau-frère de Mohammed Merah, qui aurait été
exécuté à la suite de purges sein de l'EI, ou le Belgo-Marocain Oussama Atar,
33 ans, un des cerveaux présumés des attentats de Paris, qui aurait été
tué lors de bombardements fin 2017. Mais la vengeance n'est pas complète. Car
de nombreuses cibles ont échappé aux mailles du filet de Raqqa. Les forces
arabo-kurdes continuent leur progression en Syrie. Au total, environ 1300
djihadistes sont faits prisonniers au cours de leur avancée, dont une
soixantaine de Français, retenus depuis lors dans divers camps, dans l'attente
d'un sort judiciaire encore incertain. Parmi eux, un certain Yassine, issu,
comme son ami Himich, de la
filière de Lunel, et sa compagne, dont une interview a été diffusée sur
France 2, le 21 janvier. «Yassine dit qu'il n'a rien à voir avec Daech.
Mais il a posé armes à la main sur des photos et il avait menacé de nous
égorger, rapporte le journaliste Jean-Michel Decugis, qui a cosigné une enquête
sur les Lunellois dans Un chaudron français(Grasset). Sur les 22
membres de ce réseau, nous avons recensé neuf tués et ces deux
prisonniers. Les 11 autres ont disparu, dont Himich, qui n'a pas été déclaré
mort.».
Des arrestations en série
Les
forces kurdes arrêtent également Emilie Koenig, une Bretonne partie en
Syrie en 2012 et considérée par les Américains comme une djihadiste chevronnée.
Le 17 décembre, ils capturent dans la région d'Hassaké six HVI prisées des
Français, dont
Thomas Barnouin, 36 ans, originaire d'Albi, proche des frères
Clain. Considéré comme «le plus érudit des djihadistes français de l'Etat
islamique», ce prédicateur aurait grimpé dans la hiérarchie de Daech, avant
d'être incarcéré en 2017 par ses propres mentors «à la suite de désaccords
théologiques», selon le chercheur Romain Caillet et le journaliste Pierre
Puchot, auteurs du livre Le combat vous a été prescrit(Stock).
Certains djihadistes
francophones considérés comme dangereux ont disparu des radars, alimentant les
craintes des services
Les autres? Les services français
et leurs alliés poursuivent leur traque, où qu'ils se trouvent. «Elle devient
de plus en plus difficile, car l'État islamique est en phase de transition,
avec la création de cellules clandestines et des migrations vers des groupes
affiliés, dans d'autres zones de combats qui sont de plus en plus nombreuses,
de l'Afghanistan à la Libye», analyse Jean-Charles Brisard. Pour recueillir des
renseignements et intervenir, des agents français se sont déployés en Turquie,
considérée comme une véritable boîte noire, un hub permettant à des djihadistes
de filer incognito vers de multiples destinations. En Afghanistan, les drones
américains ont déjà frappé en juillet le QG du groupe Khorasan, affilié à l'EI,
tuant notamment son chef, Abou Sayed. Depuis lors, les services ont repéré des
arrivées de djihadistes européens au nord de l'Afghanistan. Quelques Français
se seraient glissés au sein de ces filières principalement tadjiks et ouzbeks.
Selon L'Express, au moins trois d'entre eux auraient été tués
par une frappe de missile américain en janvier.
Par ailleurs, la DGSE et la DRM
surveillent les flux maritimes autour de la Libye, où se seraient déjà
rassemblés plus de 3000 combattants de l'EI arrivés du Levant. Selon nos
informations, des nageurs de combat du service Action et des commandos-marine des
forces spéciales mènent régulièrement des opérations de sabotage de navires de
Daech en Méditerranée. Des drones américains ont également ciblé des camps de
cette organisation en Libye, notamment en septembre 2017 au sud de Syrte,
et en novembre, près de Fuqaha. Mais l'arrivée sur les côtes siciliennes, l'été
dernier, d'au moins une cinquantaine de djihadistes d'origine tunisienne,
signalée par Interpol, inquiète bien davantage les services européens. D'après
la note de cette organisation internationale, révélée fin janvier par The
Guardian, certains ont sans doute déjà franchi la frontière
franco-italienne et peuvent constituer des cellules prêtes à passer à l'action
sur le territoire. Un scénario qui hante les experts de la cellule Allat, plus
que jamais sur le qui-vive.
Plus de 300 revenants suivis
Selon le ministère de
l'Intérieur, le nombre de Français encore présents en Syrie et en Irak serait
de 730 adultes et 538 mineurs. Parmi eux, d'après nos sources, une dizaine
seraient détenus en Irak et au moins une soixantaine retenus prisonniers en
Syrie par diverses factions armées. Leur rapatriement en France ne peut
intervenir qu'au «cas par cas», selon les consignes édictées en novembre par le
président Macron.
Le ministre des Affaires
étrangères Jean-Yves Le Drian a affirmé, le 7 février sur BFMTV, que la plupart
seront jugés en Irak et en Syrie, s'opposant ainsi aux demandes écrites de
plusieurs familles de ces Français emprisonnés. Seuls les enfants peuvent, en
théorie, être rapatriés systématiquement, suivant une procédure mise en place
début 2017 par le ministère de la Justice avec la coopération de la Croix-Rouge
et de l'aide sociale à l'enfance. Ces mineurs sont pris en charge, avec un
suivi psychologique, non sans difficultés.
D'après le dernier décompte du
Centre d'analyse du terrorisme daté d'avril 2018, 258 Français majeurs - 184
hommes, 74 femmes - et 68 enfants sont déjà revenus ces dernières années de
Syrie et d'Irak, volontairement ou à la suite d'arrestations, notamment en
Turquie. Plus de 180 ont été judiciarisés dans le cadre de procédures ouvertes
à leur encontre, dont 142 écroués et 43 suivis judiciairement. Parmi eux, 88
ont déjà été condamnés. Le flux des revenants s'est tari ces derniers mois,
avec 23 retours enregistrés en 2017 et une poignée depuis début 2018.
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Réforme des institutions : l'exécutif tenté de rétrécir
les pouvoirs du Parlement (12.04.2018)
Édouard Philippe a présenté, le 4
avril, les grandes lignes du projet de la réforme des institutions.- Crédits
photo : Francois Mori/AP
L'avant-projet de loi
constitutionnel a été transmis au Conseil d'État. Il révèle une volonté de
contrôle accru.
En mars, un document de travail
de l'exécutif sur la réforme des institutions, qui prévoyait la limitation du
droit d'amendement, avait
déjà largement échaudé les parlementaires, y compris les élus de la
majorité. À travers le contingentement du nombre d'amendements par lecture et
par groupe politique, de nombreux responsables craignaient un affaiblissement
du Parlement. Le 4 avril, le premier ministre, Édouard Philippe, a donc
annoncé l'abandon de cette mesure, à l'occasion de la présentation des grandes
lignes du projet de la réforme
des institutions. Sauf que d'autres dispositions inscrites dans
l'avant-projet de loi, transmis ces derniers jours au Conseil d'État,
provoquent déjà une levée de boucliers à l'Assemblée et au Sénat. Le document,
révélé par L'Opinion et que Le Figaro s'est
procuré, montre
en effet une claire volonté du gouvernement de davantage contrôler le
Parlement, au nom de l'efficacité de la procédure législative.
Accélérer la procédure
Selon ce document, qui comporte
18 articles, le pouvoir d'irrecevabilité du gouvernement sera ainsi
renforcé par l'ajout d'une disposition dans l'article 41 de la
Constitution. Les propositions ou amendements qui «ne sont pas du domaine de la
loi», «sans lien direct avec le texte» ou «dépourvus de portée normative»
pourront ainsi être écartés par l'exécutif. L'objectif de cet article est de
limiter la production d'amendements, et notamment ceux déposés par
l'opposition. «Cela va dans le bon sens, salue la présidente La République
en marche de la commission des Lois, Yaël Braun-Pivet. C'est une bonne chose de
pouvoir recentrer le débat. Ce texte s'inscrit dans la continuité de la loi
confiance que nous avons votée.» L'exécutif cherche ainsi à faire passer plus
vite les textes et à poursuivre les réformes à un rythme toujours aussi
intense.
Édouard Philippe s'était
engagé devant les députés LaREM à fournir au Parlement un programme
prévisionnel des projets de loi 3 à 6 mois avant leur examen. Cela a disparu
Autre illustration de cette
volonté d'accélérer la procédure: en cas de désaccord entre les deux chambres
et d'échec de la commission mixte paritaire, «le gouvernement peut demander à
l'Assemblée nationale de statuer définitivement», ce qui devrait mal passer du
côté du Sénat. Un pari risqué, car l'exécutif a besoin de faire adopter le
texte dans les mêmes termes par les deux chambres puis par une majorité des
trois cinquièmes au Congrès… Les délais sont également réduits: au bout de
25 jours, contre 40 actuellement, le gouvernement pourra saisir le
Sénat si l'Assemblée ne s'est pas prononcée, et faire passer un texte par ordonnance
au bout de 50 jours, contre 70 actuellement, si le Parlement n'a pas
statué. En plus des projets de loi de finances et des projets de loi de
financement de la sécurité sociale, le gouvernement pourra intervenir sur
l'ordre du jour du Parlement pour faire inscrire prioritairement «des textes
relatifs à la politique économique, sociale ou environnementale […] sans que
les Conférences des présidents s'y soient conjointement opposées
(article 8)».
Comme annoncé en amont, le seuil
minimal de députés pour saisir le Conseil constitutionnel passe de 60
à 40, ce qui semble logique au vu de l'objectif de réduction du nombre de
parlementaires qu'Emmanuel Macron entend mettre en œuvre. Les futurs anciens
présidents de la République ne pourront plus être membres de droit du Conseil
constitutionnel, l'examen du budget sera raccourci, passant de 70 à
50 jours.
Arbitrages
Le «pacte girondin», également
annoncé par Édouard Philippe la semaine dernière, est inséré à travers diverses
modifications et ajouts de l'article 72, pour garantir plus d'autonomie
aux collectivités territoriales, comme demandé par le MoDem. Un alinéa est
inséré pour faire figurer le «statut
particulier» de
la Corse.
Si cet avant-projet de loi doit
encore être examiné par le Conseil d'État avant d'être présenté en Conseil des
ministres le 9 mai, certains parlementaires pointent déjà plusieurs
problèmes, dont le manque de visibilité sur le travail gouvernemental en amont
des textes. «Édouard Philippe s'était engagé devant les députés
La République en marche à fournir au Parlement un programme prévisionnel
des projets de loi 3 à 6 mois avant leur examen. Cela a disparu»,
déplore-t-on du côté du Palais Bourbon.
Autre regret: le manque de moyens
alloués à l'évaluation et au contrôle du Parlement, une revendication pourtant
portée par les députés de la majorité. Certains parlementaires demandaient par
exemple que France Stratégie, institution qui dépend de Matignon, puisse être
rattachée au Parlement, ce qui n'a pas été repris dans le texte. Sans cela, «on
dépend du bon vouloir de la forteresse de Bercy pour obtenir des informations
et faire notre travail», grince un parlementaire. Les deux autres avant-projets
de loi doivent encore faire l'objet d'arbitrages, notamment sur l'épineuse
question de la dose de proportionnelle.
Le nombre de parlementaires
français devrait passer de 925 à 648
Outre le projet de loi
constitutionnel, la réforme des institutions comporte deux autres textes. L'un
est organique, l'autre est ordinaire. Parmi les mesures emblématiques inscrites
dans ces textes, la diminution de 30 % du nombre de parlementaires
et l'introduction
d'une dose de proportionnelle de 15 % dès les législatives de
2022.
La réforme aura pour conséquence
de faire baisser le nombre de députés à 404, contre 577 actuellement, et de
sénateurs à 244, contre 348 aujourd'hui. Le nombre de parlementaires s'élèvera
à 648, contre 925 jusqu'alors. Avant cette réforme, la France était le
troisième pays qui comptait le plus de parlementaires au sein de l'Union
européenne, derrière la Grande-Bretagne (1 410) et l'Italie (950). À titre
de comparaison, l'Allemagne, plus peuplée quela France, n'en compte que 778.
Une fois que cette réforme sera
votée, Paris laissera la troisième place à Berlin. Seule l'Espagne, avec
616 parlementaires, comptera alors un nombre de parlementaires plus ou
moins équivalent à celui de la France
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Un député LaREM annonce qu'il ne votera pas pour la loi asile
et immigration (13.04.2018)
Matthieu Orphelin avait déjà
demandé mercredi une «pause» dans les opérations d'évacuation de la ZAD. -
Crédits photo : JACQUES DEMARTHON/AFP
LE SCAN POLITIQUE - Matthieu
Orphelin, proche de Nicolas Hulot, émet d'importantes réserves sur la durée de
rétention des demandeurs d'asile. Il n'est pas le seul.
La fronde est-elle en train de
prendre corps au sein du groupe La République en marche? Après les nombreux
remous causés par le projet de loi du gouvernement sur le droit d'asile et
l'immigration, deux élus ont annoncé qu'ils ne voteraient pas le texte.
Ce vendredi, le député du Maine-et-Loire Matthieu Orphelin affirme dans un
communiqué qu'il ne pourra «pas voter pour», laissant entendre qu'il
s'abstiendrait. Bien que n'ayant «aucun doute» qu'il sera massivement approuvé
par l'Assemblée natioanle, le proche de Nicolas Hulot maintient ses réserves.
Notamment sur la durée maximale de rétention sur le sol français des demandeurs
d'asile. L'un de ses collègues, l'ancien socialiste Jean-Michel Clément, ira
jusqu'à voter contre un projet de loi dont il «rejette depuis le départ la logique répressive».
«Après plus de trois mois de
travail intensif, de rencontres avec les acteurs impliqués, de séances
collectives au sein du groupe LaREM, de propositions, de recherche de
convergence et après mûres réflexions, j'ai pris ce jour la décision difficile
de ne pas voter pour la loi asile et immigration», explique Matthieu Orphelin.
Il tempère néanmoins l'ampleur de son désaccord avec le contenu du texte porté
par le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb. «Je ne mésestime aucune des
avancées obtenues collectivement en commission, y compris sur des points que
j'ai portés, avec d'autres, au débat», reconnaît le député.
«Trop loin de mes convictions»
L'intéressé n'en est pas à son
coup d'essai. Déjà sur l'évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes,
l'ex-porte-parole de la Fondation Hulot a appelé mercredi à une «pause dans
l'opération» menée par les forces de l'ordre. Une manière, selon
lui, de «permettre l'arrêt des affrontements» et la «reprise du dialogue». Il
rejoignait alors un autre député LaREM qui fait régulièrement entendre une
musique dissonante, l'ancien écologiste François-Michel Lambert.
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dans l'évacuation de la ZAD
Matthieu Orphelin l'assure dans
son communiqué, il ne veut faire l'objet d'aucune instrumentalisation
politique. «Je m'exprimerai peu pendant les débats en hémicycle la semaine
prochaine», annonce-t-il. Et de finir sur le constat, un brin amer, que le projet
de loi est «trop loin de [son] parcours, de [ses] convictions»,
mais également de «certains compromis» que la majorité aurait «dû et pu trouver
avec le gouvernement».
L'appel de 119 sénateurs : «Les droits de l'enfant sont plus
importants que le désir d'enfant» (12.04.2018)
«Le besoin de chaque enfant
d'avoir un père et une mère ne doit pas être tenu pour négligeable», écrivent
les signataires. - Crédits photo : 81096570/Inna Vlasova - stock.adobe.com
TRIBUNE - Le besoin de tout
enfant d'avoir un père et une mère mérite la plus grande attention du
législateur, avertissent Philippe Bas, président de la commission des lois du
Sénat (LR), Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat ainsi que 117
autres parlementaires de différents groupes de la Haute Assemblée.
Les questions relatives à
l'éthique du vivant, en particulier celles qui concernent le don de la vie,
sont difficiles à trancher parce qu'il s'agit en réalité de régir les mœurs.
Or, les mœurs sont rarement filles de la loi. Pourtant, il faut bien que la loi
pose quelques règles car les technologies médicales, couplées à de nouvelles
pratiques sociétales, ouvrent la possibilité de satisfaire le désir d'enfant
par des moyens qui ne relèvent plus seulement de la vie privée mais aussi de la
collectivité. Ces innovations interpellent la société tout entière, qui doit
décider de ce qui ne dépend que d'elle, c'est-à-dire d'apporter ou non son
assistance à la procréation et de sanctionner les pratiques qui lui paraîtraient
contrevenir gravement aux droits fondamentaux.
Depuis toujours, la satisfaction
du désir d'enfant relevait exclusivement de la sphère privée, des circonstances
de la vie, de la liberté individuelle. Elle comportait aussi des obstacles,
parfois insurmontables. On devait alors se résigner à ne pas avoir d'enfant,
sauf à imaginer des arrangements dont l'histoire et la littérature ne sont pas
avares d'exemples. Aujourd'hui, l'infertilité n'est plus sans remède médical et
de nombreuses personnes seules ou formant un couple de même sexe pourraient, de
ce fait, accéder aussi à une «parentalité pour tous». Face aux interdits qui
les empêchent encore de devenir parents, elles expriment de plus en plus
fortement le sentiment d'être victimes d'une inégalité, voire d'une injustice.
La société aurait, selon elles, le devoir de corriger cette injustice puisque
le progrès technique et de nouvelles formes de conventions entre particuliers,
comme le contrat de gestation pour autrui, en ouvrent la possibilité matérielle.
«Fonder une famille, avoir des
enfants, est un droit naturel de la personne humaine. Mais il ne peut s'exercer
pleinement que si d'autres droits d'égale importance n'y font pas obstacle»
Les signataires
Ces attentes soulèvent cependant
de multiples interrogations. Il faudrait décider dans quelle mesure un médecin
peut agir en dehors d'une déontologie qui lui prescrit de traiter la maladie
mais ne lui permet pas de répondre à d'autres demandes comme le ferait un
simple prestataire de services. Il faudrait accepter de mettre l'hôpital public
à la disposition de ceux qui auraient le droit d'exiger son intervention, en
adaptant la répartition des moyens alloués aux différentes catégories de soins,
tâche d'autant plus ardue que ces moyens font cruellement défaut. Il faudrait
prévoir la prise en charge des nouvelles prestations médicales en mobilisant ou
non l'assurance maladie et la solidarité nationale.
On devrait par ailleurs se poser
la question de l'élargissement des conditions du don de gamètes, voire réexaminer
le principe de sa gratuité. S'il décidait d'autoriser la «gestation pour
autrui», le législateur devrait aussi déterminer les garanties susceptibles
d'être apportées aux mères porteuses.
Enfin, il faudrait dans tous les
cas définir les conséquences des nouveaux modes de procréation sur la filiation
légale, l'exercice de l'autorité parentale, l'accès aux origines. On ne peut
envisager d'extension de l'assistance médicale à la procréation sans avoir
préalablement répondu à ces questions. Aucune ne relève de l'évidence, mais à
l'inverse aucune ne peut reposer sur une parole de savant, de médecin ou de
juriste. La bioéthique appartient à tous les Français. Cessons de l'enfermer
dans le sanctuaire de l'expertise!
Le plus important reste en effet
l'enjeu de société. Toutes les autres considérations lui sont subordonnées.
Certes, on comprendrait mal que le désir d'enfant soit considéré comme
foncièrement altruiste et généreux de la part d'un couple fécond formé d'une
femme et d'un homme, tandis qu'il ne serait plus que l'expression d'un égoïste
et immoral «droit à l'enfant» dans tous les autres cas. Le désir d'enfant est
au cœur de toute humanité et il est toujours légitime. Fonder une famille,
avoir des enfants, est un droit naturel de la personne humaine, une liberté
inaliénable. Ce droit, cette liberté, ne peuvent être restreints à une
catégorie d'individus. Mais voilà, comme tous les autres droits de l'homme, ce
droit n'est pas une faculté que chacun pourrait exercer à sa guise. Il ne peut
s'exercer pleinement que si d'autres droits d'égale importance n'y font pas
obstacle. Dans le cas contraire, la loi civile, qui protège la famille en
donnant la priorité aux besoins de l'enfant et porte aussi un regard attentif
au conjoint vulnérable, doit trouver une conciliation en fixant de légitimes
limites à la liberté individuelle.
Cette conciliation n'est
cependant pas toujours possible. Prenons le cas des mères porteuses. Certains
ne voient dans cette pratique qu'une liberté à encadrer. Contraire à la dignité
de la femme qui se prête ou se loue, contraire à la dignité de l'enfant offert
ou vendu, elle fait l'objet d'un interdit absolu dans de nombreux pays
démocratiques. Il est vain de rechercher des modalités de mise en œuvre qui la
rendraient éthique car elle est par son essence même en contradiction avec les
principes humanistes qui fondent nos sociétés.
«Il s'agit ici non pas de
décider du sort d'enfants déjà nés, mais de concevoir et de faire naître des
enfants pour satisfaire une demande individuelle. Cette différence est
essentielle»
Les signataires
Au-dessus du désir d'enfant, il
faut prendre en considération les droits fondamentaux de l'enfant. Pour
l'essentiel, c'est bien sûr aux parents qu'il appartient de le faire. C'est
leur mission. Elle repose sur un postulat de confiance de la société à leur
égard. Mais ils doivent eux-mêmes respecter des règles posées par la société,
la protection de l'enfance étant l'une des missions les plus fondamentales de
la puissance publique. Nous ne vivons pas dans une société atomisée où chacun
pourrait déterminer en toute autonomie et sans restriction d'aucune sorte
l'architecture et le mode de fonctionnement de sa famille, en prétendant de
surcroît exercer sur la collectivité un doit de tirage pour obtenir les
prestations nécessaires à son projet.
Le besoin de chaque enfant
d'avoir un père et une mère ne doit pas être tenu pour négligeable, comme s'il
s'agissait d'un ultime avatar des sociétés du passé. Notre histoire collective
comporte assurément de nombreux exemples d'enfants placés par les circonstances
de la vie sous la responsabilité d'un seul de leurs parents ou d'un parent
d'adoption. Aujourd'hui, le nombre de familles monoparentales ne cesse
d'ailleurs d'augmenter et la politique familiale reconnaît à juste titre la
nécessité de leur apporter une attention particulière. On admet aussi depuis
longtemps l'adoption d'enfants par une personne seule.
Enfin, de nouveaux modèles
familiaux se sont mis en place autour de couples de même sexe qui apportent à
l'enfant le meilleur d'eux-mêmes. Ce qui hier encore était impensable a
progressivement été toléré, avant de faire l'objet semble-t-il d'une large
acceptation.
«Ces questions méritent mieux
qu'une approche désinvolte en termes de modernité ou de ringardise. Elles font
appel à notre sens de l'humain, à notre conception du bien de l'enfant, à notre
vision de la société et des valeurs qui la fondent»
Les signataires
Mais ces réalités ne sauraient
nous dispenser d'évaluer l'intérêt supérieur de l'enfant avant d'envisager
l'assouplissement des conditions d'accès à l'assistance médicale à la
procréation. Car il s'agit ici non pas de décider du sort d'enfants déjà nés,
mais de concevoir et de faire naître des enfants pour satisfaire une demande
individuelle. Cette différence est essentielle. Une chose est de surmonter le
manque qui s'inscrit au cœur de la vie d'un orphelin ou d'un enfant abandonné.
Une autre est d'expliquer à un enfant qu'il a été conçu en étant destiné à
vivre sans père ou sans mère par la décision d'adultes, fussent-ils des parents
aimants dotés de qualités exceptionnelles. Qui peut oser prendre sans hésiter
une telle responsabilité vis-à-vis de l'enfant? Comment exiger de la société
qu'elle la partage? N'est-il pas présomptueux de penser que la force d'amour et
la puissance éducative d'un adulte ou d'un couple d'adultes vont pouvoir
remplir le vide inhérent aux origines de la vie de l'enfant ainsi conçu? A-t-on
pensé à l'ensemble des risques pris pour le développement de sa personnalité,
qui pourraient se réaliser très longtemps après sa naissance? Quelle confiance
l'enfant pourra-t-il faire à ses parents s'il souffre du fait des conditions de
sa conception? Comment ne pas comprendre qu'il s'agit ici de bien autre chose
que d'une adoption? C'est un saut dans l'inconnu.
Ces questions méritent mieux
qu'une approche désinvolte en termes de modernité ou de ringardise. Elles font
appel à notre sens de l'humain, à notre conception du bien de l'enfant, à notre
vision de la société et des valeurs qui la fondent. Le débat qui s'est engagé
par les
états généraux de la bioéthiquepermettra-t-il d'y répondre de manière
impartiale alors qu'au lieu de rester neutre, l'instance qui en a à la charge
au nom du gouvernement, le comité national consultatif d'éthique pour les
sciences de la vie, a curieusement pris position avant même qu'il ait lieu? On
aimerait avoir la certitude que tout n'a pas été réglé d'avance du fait de la
position personnelle du président de la République. Le Parlement souverain est
là qui décidera démocratiquement au nom des Français et ne manquera pas
d'inscrire sa réflexion dans le cadre qui convient: celui des principes
fondamentaux issus de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, pour
le bien de l'enfant et le respect des valeurs de notre société, en conjuguant
humanisme et raison dans la grande tradition héritée du siècle des Lumières.
La liste des signataires:
Philippe Bas, président de la
commission des lois du Sénat (LR), ancien ministre de la Famille
Bruno Retailleau, sénateur LR de
la Vendée, Président du Groupe LR
Philippe Adnot, sénateur de
l'Aube, Délégué de la réunion administrative des Sénateurs ne figurant sur la
liste d'aucun groupe (Non-inscrits)
Serge Babary, sénateur LR
d'Indre-et-Loire
Jean-Pierre Bansard, sénateur LR
représentant les Français établis hors de France
Jérôme Bascher, sénateur LR de
l'Oise
Arnaud Bazin, sénateur LR du
Val-d'Oise
Anne-Marie Bertrand, sénateur LR
des Bouches-du-Rhône
Jérôme Bignon, sénateur Les
Indépendants - République et Territoires de la Somme
Christine Bonfanti-Dossat,
sénateur LR de Lot-et-Garonne
François Bonhomme, sénateur LR du
Tarn-et-Garonne
Bernard Bonne, sénateur LR de la
Loire
Pascale Bories, sénatrice LR du
Gard
Gilbert Bouchet, sénateur LR de
la Drôme
Céline Boulay-Espéronnier,
sénatrice LR de Paris
Yves Bouloux, sénateur LR de la
Vienne
Jean-Marc Boyer, sénateur LR du
Puy-de-Dôme
Max Brisson, sénateur LR des
Pyrénées-Atlantiques
Marie-Thérèse Bruguière,
sénatrice LR de l'Hérault
François-Noël Buffet, sénateur LR
du Rhône
Agnès Canayer, sénateur LR de la
Seine-Maritime
Jean-Noël Cardoux, sénateur LR du
Loiret
Jean-Claude Carle, sénateur LR de
la Haute-Savoie
Anne Chain-Larché, sénatrice LR
de la Seine-et-Marne
Patrick Chaize, sénateur LR de
l'Ain
Pierre Charon, sénateur LR de
Paris
Alain Chatillon, sénateur LR de
la Haute-Garonne
Marie-Christine Chauvin, sénateur
LR du Jura
Guillaume Chevrollier, sénateur
LR de la Mayenne
Pierre Cuypers, sénateur LR de la
Seine-et-Marne
Philippe Dallier, sénateur LR de
la Seine-Saint-Denis, Vice-Président du Sénat
René Danesi, sénateur LR du
Haut-Rhin
Mathieu Darnaud, sénateur LR de
l'Ardèche
Marc-Philippe Daubresse, sénateur
LR du Nord
Jean-Pierre Decool, sénateur Les
Indépendants - République et Territoires du Nord
Nathalie Delattre, sénatrice RDSE
de la Gironde
Annie Delmont-Koropoulis,
sénatrice LR de la Seine-Saint-Denis
Catherine Deroche, sénatrice LR
de Maine-et-Loire
Jacky Deromedi, sénateur LR
représentant les Français établis hors de France
Chantal Deseyne, sénateur LR
d'Eure-et-Loir
Yves Détraigne, sénateur UC de la
Marne
Catherine Di Folco, sénateur LR
du Rhône
Philippe Dominati, sénateur LR de
Paris
Alain Dufaut, sénateur LR du
Vaucluse
Catherine Dumas, sénatrice LR de
Paris
Laurent Duplomb, sénateur LR de
la Haute-Loire
Nicole Duranton, sénateur LR de
l'Eure
Jean-Paul Emorine, sénateur LR de
la Saône-et-Loire
Dominique Estrosi-Sassone,
sénateur LR des Alpes-Maritimes
Jacqueline Eustache-Brinio,
sénatrice LR du Val-d'Oise
Michel Forissier, sénateur LR du
Rhône
Pierre Frogier, sénateur LR de la
Nouvelle-Calédonie
Joëlle Garriaud-Maylam, sénateur
LR représentant les Français établis hors de France
Jacques Genest, sénateur LR de
l'Ardèche
Frédérique Gerbaud, sénatrice LR
de l'Indre
Bruno Gilles, sénateur LR des
Bouches-du-Rhône
Jordi Ginesta, sénateur LR du Var
ColetteGiudicelli, sénateur LR
des Alpes-Maritimes
Jean-Pierre Grand, sénateur LR de
l'Hérault
Daniel Gremillet, sénateur LR des
Vosges
Jacques Grosperrin, sénateur LR
du Doubs
Pascale Gruny, sénateur LR de
l'Aisne
Charles Guené, sénateur LR de la
Haute-Marne
Jean-Michel Houllegatte, sénateur
PS de la Manche
Jean-Raymond Hugonet, sénateur LR
de l'Essonne
Benoît Huré, sénateur LR des
Ardennes
Jean-François Husson, sénateur LR
de la Meurthe-et-Moselle
Sophie Joissains, sénateur UC des
Bouches-du-Rhône
Muriel Jourda, sénateur LR du
Morbihan
Guy-Dominique Kennel, sénateur LR
du Bas-Rhin
Marc Laménie, sénateur LR des
Ardennes
Elisabeth Lamure, sénateur LR du
Rhône, président de la délégation sénatoriale aux entreprises
Christine Lanfranchi-Dorgal,
sénatrice LR du Var
Florence Lassarade, sénatrice LR
de la Gironde
Daniel Laurent, sénateur LR de la
Charente-Maritime
Christine Lavarde, sénateur LR
des Hauts-de-Seine
Antoine Lefèvre, sénateur LR de
l'Aisne
Dominique de Legge, sénateur LR
d'Ille-et-Vilaine
Ronan Le Gleut, sénateur LR
représentant les Français établis hors de France
Jean-Pierre Leleux, sénateur LR
des Alpes-Maritimes
Sébastien Leroux, sénateur LR de
l'Orne
Henri Leroy, sénateur LR des
Alpes-Maritimes
Brigitte Lherbier, sénateur LR du
Nord
Gérard Longuet, sénateur LR de la
Meuse, ancien Ministre, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques
VivetteLopez, sénateur LR du Gard
Michel Magras, sénateur LR de
Saint-Barthélemy, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer
Didier Mandelli, sénateur LR de
la Vendée
Jean-François Mayet, sénateur LR
de l'Indre
Colette Mélot, sénatrice Les
Indépendants - République et Territoires de la Seine-et-Marne
Marie Mercier, sénateur LR de la
Saône-et-Loire
Sébastien Meurant, sénateur LR du
Val-d'Oise
BrigitteMicouleau, sénatrice LR
de la Haute-Garonne
Jean-Marie Mizzon, sénateur UC de
la Moselle
Patricia Mohret-Richaud,
sénatrice LR des Hautes-Alpes
Jean-Marie Morisset, sénateur LR
des Deux-Sèvres
Philippe Mouiller, sénateur LR
des Deux-Sèvres
Louis-Jean de Nicolaÿ, sénateur
LR de la Sarthe
Olivier Paccaud, sénateur LR de
l'Oise
Philippe Paul, sénateur LR du
Finistère
Philippe Pemezec, sénateur LR des
Hauts-de-Seine
Stéphane Piednoir, sénateur LR de
Maine-et-Loire
Jackie Pierre, sénateur LR des
Vosges
François Pillet, sénateur LR du
Cher, Président du comité de déontologie parlementaire du Sénat
Rémy Pointereau, sénateur LR du
Cher, Questeur du Sénat
Christophe Priou, sénateur LR de
la Loire-Atlantique
Michel Raison, sénateur LR de la
Haute-Saône
Jean-François Rapin, sénateur LR
du Pas-de-Calais
André Reichardt, sénateur LR du
Bas-Rhin
Charles Revet, sénateur LR de la
Seine-Maritime
Hugues Saury, sénateur LR du
Loiret
René-Paul Savary, sénateur LR de
la Marne
Bruno Sido, sénateur LR de la
Haute-Marne
Jean Sol, sénateur LR des
Pyrénées-Orientales
Lana Tetuanui, sénatrice UC de la
Polynésie française
Claudine Thomas, sénatrice LR de
la Seine-et-Marne
Catherine Troendlé, sénateur LR
du Haut-Rhin, Vice-Président du Sénat
Michel Vaspart, sénateur LR des
Côtes-d'Armor
Jean-Pierre Vial, sénateur LR de
la Savoie
Dany Wattebled, sénateur Les
Indépendants-République et Territoires du Nord
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Syrie : entre Russie et États-Unis, l'escalade est-elle
inéluctable? (12.04.2018)
Vladimir Poutine et Donald Trump,
en novembre dernier à Danang (Vietnam). - Crédits photo : JORGE
SILVA/REUTERS
DÉCRYPTAGE - Depuis l'intervention
des forces russes en septembre 2015 pour sauver le régime de Bachar el-Assad,
le face-à-face russo-américain a été militairement testé à plusieurs reprises
en Syrie. Et l'imminence de frappes occidentales place la rivalité entre les
deux pays à son point de bascule.
De toutes les guerres qui se sont
greffées sur le conflit syrien, celle qui oppose la Russie aux États-Unis
semble avoir un avenir assuré. Les frappes militaires contre le régime de
Bachar el-Assad sont-elles de nature à transformer la nouvelle guerre froide
entre Moscou et Washington en un conflit bouillant?
En octobre 1962, pendant la crise
des missiles de Cuba, l'Union soviétique et les États-Unis avaient été au bord
de la guerre. Au Kremlin et à la Maison-Blanche, les responsables le reconnaissent
désormais publiquement: les relations entre les deux anciens ennemis de la
guerre froide sont redevenues exécrables. Depuis l'intervention russe en
Géorgie en août 2008, les sujets de désaccord se sont accumulés. L'annexion de
la Crimée et la déstabilisation de l'est de l'Ukraine, les veto au Conseil de
sécurité pour bloquer toute initiative contre le régime syrien, les tentatives
d'influencer la campagne électorale américaine, les provocations des
bombardiers russes dans l'espace aérien de l'Otan et plus récemment l'affaire
Skripal, ont eu raison des deux tentatives de «reset» (redémarrage des
relations) américaines, celle de Barack Obama et celle de Donald Trump. Côté
russe, le Kremlin n'a cessé de dénoncer la poursuite des projets américains de
défense antimissile en Europe et «l'avancée» de l'Otan dans son ancienne zone
d'influence. Ces différends ont donné lieu à des passes d'armes, des crises
diplomatiques, des sanctions, mais jamais l'utilisation de la force n'a été
sérieusement évoquée, même quand Vladimir Poutine a un jour affirmé qu'il
aurait utilisé l'arme nucléaire pour défendre l'annexion de la Crimée si les
Occidentaux avaient tenté de l'en empêcher…
Si la Syrie n'a pas la même importance
existentielle que l'Ukraine pour les responsables russes, elle est devenue un
pion indispensable de la stratégie du Kremlin pour revenir en force sur la
scène internationale
Depuis l'intervention des forces
russes en septembre 2015 pour sauver le régime de Bachar el-Assad, le
face-à-face russo-américain a en revanche été militairement testé à plusieurs
reprises en Syrie. Les systèmes de défense antiaérienne S-300 ou S-400
installés par la Russie pour protéger ses bases en Syrie et tenir à distance
les Occidentaux ont contraint les forces de la coalition à prendre de
nombreuses précautions dans leur lutte contre Daech. Début
février, plusieurs dizaines de mercenaires russes ont été tués par une frappe
américaine qui visait des combattants prorégime avançant vers les
positions des Forces démocratiques syriennes, alliées des Américains. C'était
la première fois que le face-à-face des deux puissances nucléaires, qui
soutiennent en Syrie des parties opposées dans la guerre, avait failli
dégénérer.
» LIRE AUSSI - Le
jeu trouble des mercenaires russes en Syrie
Les frappes aériennes que
s'apprêtent sans doute à lancer les États-Unis et la France, avec le probable
soutien d'alliés, portent en elles des risques d'escalade. Que se passera-t-il
si la Russie joint le geste à la parole et détruit un bombardier ou une frégate
américaine? Que se passera-t-il si des militaires russes sont tués par mégarde
dans l'attaque? Car depuis que Français, Américains et Britanniques ont
renoncé, à cause de la volte-face de dernière minute de Barack Obama, à faire
respecter leur ligne rouge sur les armes chimiques en août 2013, la situation en
Syrie a beaucoup changé. L'influence occidentale a été marginalisée au profit
de celle des puissances émergentes: Iran, Russie, Turquie.
Si la Syrie n'a pas la même
importance existentielle que l'Ukraine pour les responsables russes, elle est
devenue un pion indispensable de la stratégie du Kremlin pour revenir en force
sur la scène internationale. Le
bilan de l'intervention lancée en septembre 2015 en Syrie est, du point de vue
russe, positif. «La Syrie a permis à la Russie de gonfler son poids
international, de détourner l'attention de l'Ukraine, de se présenter comme une
solution aux acteurs locaux», explique Dima Adamsky, expert de l'Institut IDC
d'Herzliya en Israël, à l'occasion d'une rencontre organisée le 5 avril
par l'Ifri sur le sujet. Il ajoute: «En sauvant Bachar el-Assad, l'intervention
russe a aussi permis d'éviter la répétition d'un changement de régime à la
libyenne, un scénario exécré par le Kremlin. Elle permet à Vladimir Poutine
d'entretenir la volatilité de la région et de se présenter comme une solution.
Enfin, elle envoie un signe stratégique à l'Europe et à l'Occident.»
La Syrie offre aussi à la Russie
un accès à la Méditerranée, un renforcement de ses bases dans la région, un
terrain d'entraînement pour ses armées et une plateforme pour vendre ses armes.
Elle protège ses intérêts, qui diffèrent de ceux de l'Europe et des États-Unis,
et l'autorise à pousser un ordre concurrent à l'ordre occidental. C'est pour
protéger tout cela et aussi parce que, comme le dit un expert, «la Syrie est
l'endroit idéal pour provoquer des frictions stratégiques» que le Kremlin a
massé dans la région des navires et des sous-marins, assez de mercenaires et de
chasseurs bombardiers et un millier de forces spéciales. Et suffisamment de
missiles antimissiles pour instaurer une «zone d'exclusion aérienne» au-dessus
des zones contrôlées par le régime, opposant ainsi un «déni d'accès» aux forces
occidentales. À Moscou, certains parlent désormais de «Syrie éternelle»,
sous-entendant que les forces russes ne sont pas près de plier bagage… Car
l'enjeu dans la région n'est plus seulement la suprématie russe sur la Syrie mais
l'ascendant géopolitique de Moscou sur Washington.
L'imprévisibilité de Donald
Trump ajoute une dimension incertaine à la crise
Conscients de la difficulté, bien
plus grande qu'en 2013, d'une opération militaire dans ce contexte, Américains
et Français veulent prendre toutes les précautions. Éviter tout contact
militaire avec les forces russes: c'est sans doute l'une des raisons pour
lesquelles l'intervention, que l'on dit imminente depuis le début de la
semaine, traîne dans le temps…
Certes, les risques de
confrontation entre Russes et Occidentaux dépendront aussi des options
militaires. Nul doute qu'ils seront réduits si les frappes punitives sont
limitées dans l'espace et dans le temps. L'ambassadeur russe au Liban a promis
que les forces armées de son pays détruiraient tout missile qui serait lancé
contre la Syrie ainsi que les sites desquels ils auraient été tirés. Consciente
de son infériorité dans le domaine conventionnel, la Russie n'a guère intérêt à
ouvrir les hostilités contre les États-Unis. Mais l'imprévu agit parfois comme
un perturbateur. L'imprévisibilité de Donald Trump ajoute une dimension
incertaine à la crise. Et, comme le savent les militaires, il est toujours plus
facile de commencer une guerre que de l'arrêter.
Une chose est certaine: les
différends entre la Russie et les États-Unis, qui ne sont pas limités à la
Syrie, ne disparaîtront pas quand le dossier chimique aura retrouvé son calme.
Comme le disait Vladislav Surkov, l'un des proches conseillers de Vladimir
Poutine, dans le journal Rossia jeudi: «La Russie doit se
préparer à un siècle de solitude géopolitique» car son «voyage épique vers
l'Occident» est terminé.
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Syrie : Theresa May déterminée malgré l'hostilité des
politiques et de l'opinion (12.04.2018)
Theresa May, à la sortie du 10
Downing Street. - Crédits photo : Frank Augstein/AP
La première ministre britannique
est à la manœuvre pour apporter le soutien de Londres à une action occidentale
de représailles après l'attaque chimique de la Ghouta.
Quand
Emmanuel Macron et Donald Trump se parlent «tous les jours» sur la
Syrie, Theresa May ne veut pas être en reste. Elle n'a eu le président
américain en ligne que mardi, au risque de laisser penser que la France
deviendrait l'interlocuteur privilégié de Washington en Europe. Ralliée aux
«preuves» de l'implication de Damas avancées par ses alliés, la première ministre
britannique était donc ces derniers jours à la manœuvre sur un terrain miné
pour apporter le soutien de Londres à une action occidentale de représailles
après l'attaque chimique de la Ghouta, dans un contexte politique intérieur
complexe. Une question de principe - d'autant plus d'actualité après
la tentative
d'empoisonnement avec un agent neurotoxique sur le sol britannique de
l'ex-espion Skripal - et de poids diplomatique. Or la
participation à une intervention militaire serait loin d'aller de soi pour
l'opinion britannique, comme dans la classe politique.
Traditionnellement, depuis la
guerre en Irak, le Parlement est censé donner son feu vert à toute opération
extérieure. En 2013, David Cameron avait essuyé un refus cinglant des députés
de l'opposition, rejoints par une bonne partie de ses élus conservateurs,
d'entrer en guerre en Syrie après une précédente attaque du régime d'Assad à
l'arme chimique. Cela avait conduit Barack Obama, puis la France, à reculer
malgré le franchissement de leur «ligne rouge». Deux ans plus tard, en
revanche, Cameron avait obtenu l'aval pour frapper Daech aux côtés de la
coalition internationale, à l'issue de graves et passionnés débats à la Chambre
des communes. Petit hic de calendrier, le Parlement est en vacances jusqu'à
lundi. La première ministre n'a pas prévu de le rappeler en session
extraordinaire. De ce fait, elle cherchait à acquérir une légitimité pour
s'associer à une action franco-américaine sans cette formalité, dans le cas
d'un déclenchement de frappes avant la semaine prochaine. Un report des
hostilités réglerait le problème. Sur le plan constitutionnel, la chef du
gouvernement peut très bien se passer d'un vote parlementaire, au titre de
prérogatives royales historiques incombant au pouvoir exécutif. Cela a été le
cas pour l'intervention en Libye, ratifiée a posteriori. Et, rappellent les
historiens, Churchill s'était contenté d'«annoncer» au Parlement sa décision
d'entrer en guerre en 1940.
Dans l'espoir de dégager un
consensus, Theresa May a convoqué jeudi après-midi un Conseil des ministres
extraordinaire. La solidarité gouvernementale ne devait pas lui faire défaut
Mais depuis le traumatisme de
l'Irak, les réserves restent vives en Grande-Bretagne sur les opérations
extérieures. Seuls 22 % des Britanniques soutiendraient une intervention
en Syrie, contre 43 % à s'y opposer, selon un sondage YouGov. Ces
réticences trouvent écho dans la classe politique, y compris dans les rangs des
conservateurs au pouvoir. Membre de la commission de la défense, le tory Julian
Smith estime qu'une attaque contre le régime d'Assad reviendrait à aider les
rebelles d'al-Qaida. Un «choix entre des monstres et des fous», résume-t-il.
Dans l'espoir de dégager un
consensus, Theresa Maya réuni, jeudi après-midi, un Conseil des ministres
extraordinaire. A l'issue d'une longue discussion impliquant tous les
participants, il a été décidé qu'il était «vital de ne pas laisser sans réponse
l'usage d'armes chimiques». Le gouvernement s'est donc mis d'accord pour «agir
afin de soulager la détresse humanitaire et dissuader tout nouvel usage d'armes
chimiques par le régime d'Assad». Londres doit poursuivre sa coopération avec
les États-Unis et la France pour coordonner une réponse internationale, sans
précision de timing. Le chef de l'opposition travailliste, le pacifiste Jeremy
Corbyn, exige un débat parlementaire car «le gouvernement seul ne peut pas
décider de cela». «Plus de bombes, plus de morts, plus de guerre ne va pas
sauver des vies», affirme-t-il. Il met en garde contre toute précipitation en
agitant le spectre du dossier «bidon» sur les armes de destruction massives de
Saddam Hussein établi par Tony Blair. Le leader centriste, celui des
nationalistes écossais, mais aussi le doyen des élus conservateurs, l'ancien
ministre de Margaret Thatcher Ken Clark, comme plusieurs de ses collègues,
réclament eux aussi la consultation de la représentation nationale. Rien ne dit
que Theresa May, privée de majorité absolue à la Chambre, obtiendrait gain de
cause. Un scénario comparable à celui de 2013 pourrait se profiler si
l'opération tant annoncée à coups de tweets martiaux par Donald Trump n'était
plus imminente.
Dans la perspective d'une action
rapide, Theresa May a ordonné à des sous-marins britanniques équipés de
missiles de croisière Tomahawk de se rendre à portée de tir de la Syrie. Un
destroyer de la Royal Navy est aussi en patrouille dans la Méditerranée. La
Royal Air Force pourrait déployer ses avions de combat Tornado et Typhoon
depuis la base d'Akrotiri, à Chypre. Une base qui pourrait s'avérer vulnérable
en cas de représailles russes.
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chimique présumée en Syrie: les États-Unis n'excluent pas un recours à la
force
Décidé à contenir l'Iran, Israël affronte la colère de la
Russie (12.04.2018)
«J'ai un message pour les
dirigeants iraniens: ne testez pas la détermination d'Israël», a indiqué
Benyamin Nétanyahou, mercredi soir lors d'une cérémonie commémorant la
Shoah. - Crédits photo : RONEN ZVULUN/REUTERS
Moscou a accusé Israël d'avoir
frappé, lundi matin, une base de l'armée de l'air syrienne situé entre Homs et
Palmyre.
L'État hébreu et l'Iran se sont
mutuellement mis en garde, ces derniers jours, tandis que se précisaient les
préparatifs à de possibles frappes contre le régime syrien. Au lendemain d'un
raid attribué à l'armée de l'air israélienne contre un important site militaire
situé entre Homs et Palmyre, Ali Akbar Velayati, conseiller de l'ayatollah
Khamenei, a promis mardi que «cette attaque du régime sioniste ne resterait pas
sans réponse».
Selon plusieurs médias iraniens,
sept des quatorze militaires tués par les missiles israéliens servaient dans
les rangs des gardiens de la révolution. Le 10 février dernier, déjà, un
poste de commandement iranien installé sur cette base avait été la cible d'une
frappe conduite par l'État hébreu en réponse à l'incursion d'un drone dans son
espace aérien.
Ali Shirazi, le représentant du
guide suprême au sein de la force d'élite al-Qods, a menacé jeudi: «Si Israël
veut poursuivre son existence perfide, il devrait éviter les mesures stupides.
S'ils [les Israéliens] donnent des prétextes à l'Iran, Tel-Aviv et Haïfa seront
détruites.»«L'Iran peut détruire Israël», a ajouté le chef religieux iranien.
«Notre objectif final est le
retrait des forces irano-chiites en Syrie»
Général Gadi Eizenkot, chef
d'état-major de l'armée israélienne
Les dirigeants israéliens,
craignant visiblement que des frappes américaines n'entraînent une riposte de
l'Iran, de la Syrie ou du Hezbollah contre leur pays, se sont montrés tout
aussi explicites. Selon un haut responsable cité sous couvert de l'anonymat par
le quotidien Maariv,«Assad et son régime disparaîtront de la
surface de la terre si les Iraniens tentent vraiment de s'en prendre à Israël
ou à ses intérêts depuis le territoire syrien».
Le même message aurait été
transmis en milieu de semaine aux États-Unis et à la Russie. Benyamin
Nétanyahou, qui intervenait mercredi soir lors d'une cérémonie commémorant la
Shoah, a déclaré: «J'ai un message pour les dirigeants iraniens: ne testez pas
la détermination d'Israël.»
Les renseignements militaires
israéliens, qui pilotent les efforts pour endiguer la progression de la
République islamique en Syrie, estiment que 20.000 hommes répondant à ses
ordres, à peu près, y sont actuellement déployés - soit environ 2000
conseillers militaires et soldats iraniens, 7500 membres de la milice
libanaise chiite Hezbollah et 9000 combattants originaires
d'Afghanistan, du Pakistan ou d'Irak. «Notre objectif final est le retrait des
forces irano-chiites en Syrie», a déclaré il y a une dizaine de jours le
général Gadi Eizenkot, chef d'état-major de l'armée israélienne. Selon un haut
gradé de Tsahal cité par la dixième chaîne de télévision, les frappes conduites
lundi matin par Israël avaient pour but d'empêcher la création, par l'Iran,
d'une base aérienne en Syrie. Malgré le risque évident d'escalade, les
dirigeants de l'État hébreu se disent prêts à contrer activement
l'expansionnisme de la République islamique à leur frontière nord.
La réunion organisée le 4 avril
dernier à Ankara entre les dirigeants russe, iranien et turc a visiblement
renforcé leur détermination. «Israël s'inquiète surtout des résultats atteints
par les Iraniens, qui ont apparemment obtenu la permission de maintenir une
présence militaire, économique et diplomatique en Syrie», croit savoir Alex
Fishman, le correspondant militaire du quotidien Yedioth Ahronoth,
qui conclut, amer: «Les Russes nous ont vendus.»
Les stratèges russes ont pris
l'habitude de détourner le regard lorsque l'aviation israélienne frappait des
convois d'armes sophistiquées destinées à la milice chiite libanaise Hezbollah
Le
fait que Moscou ait, pour la première fois, publiquement mis en cause Israël après
les frappes conduites lundi contre la base T-4 montre que les deux pays ne sont
plus sur la même longueur d'onde. Depuis le début de l'intervention russe en
septembre 2015, un mécanisme de «déconfliction» a été mis en place pour
empêcher un accrochage involontaire entre leurs armées de l'air. Les stratèges
russes ont pris l'habitude de détourner le regard lorsque l'aviation
israélienne frappait des convois d'armes sophistiquées destinées à la milice
chiite libanaise Hezbollah. Refusant de choisir entre les deux ennemis jurés,
Vladimir Poutine espérait ainsi pouvoir se tenir au-dessus de la mêlée.
Mais cette position est récemment
devenue inconfortable, à mesure que la reconquête du territoire syrien par
l'axe Iran-Syrie-Hezbollah a multiplié les zones de friction avec Israël.
La dénonciation, lundi soir, des
«crimes contre l'humanité perpétrés par le régime syrien» semble également
avoir irrité Moscou. Évoquant le carnage de Duma, le ministère israélien des
Affaires étrangères a déclaré: «Ces attaques montrent clairement que la Syrie
possède toujours la capacité de fabriquer des armes chimiques létales.»
L'ambassade russe à Tel-Aviv,
craignant peut-être que ce message ne renforce encore la détermination des
États-Unis à frapper le régime syrien, a rejeté «des conclusions hâtives qui
alimentent la confrontation dangereuse recherchée par certains gouvernements
occidentaux à l'encontre de la Russie et de la Syrie».
Mercredi soir, lors d'un
entretien téléphonique avec Benyamin Nétanyahou, Vladimir Poutine a appelé
Israël à «s'abstenir de toute action déstabilisante».
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Universités bloquées : des «centaines de milliers d’euros» de
dégâts au minimum (13.04.2018)
Par Le Figaro Etudiant •
Publié le 13/04/2018 à 11:09 • Mis à jour le 13/04/2018 à 15:07
À l’université Paul Valéry de
Montpellier comme ailleurs, les manifestations étudiantes vont coûter
cher. Crédits photo: PASCAL GUYOT/AFP
Ordinateurs et système
informatique vandalisés, chaises et tables cassées, murs tagués...La facture
risque d’être salée dans les universités occupées par les étudiants mobilisés
contre la loi Vidal.
Le chiffrage est encore
fluctuant, mais les premières estimations sont déjà élevées. Le président de la
Conférence des présidents d’université (CPU), Gilles Roussel, indiquait ce
jeudi sur Europe
1que «dans les facs très occupées, il y a des dégâts qui se chiffrent en
centaines de milliers d’euros». Une estimation vague que n’a pas souhaité
préciser le ministère de l’Enseignement supérieur, mais dont le chiffre final
pourrait être bien plus élevé encore. Surtout lorsque Gilles Roussel constate
que «la violence et les faits de dégradation augmentent», et que certaines
universités estiment déjà des coûts supérieurs à cette estimation prudente.
Parmi les dégradations les plus
fréquentes, les tags et graffitis sont les plus visibles, notamment à Paris VIIIou sur le centre de Tolbiac. Sur
Facebook, un historien enseignant à l’université Paris I, dont dépend le centre
de Tolbiac, publie une série de photos des tags et dégradations visibles dans
l’enceinte du bâtiment. Ce chercheur ouvertement soutien d’Emmanuel Macron - il
a rejoint le mouvement En Marche! devenu LREM - déplore dans un texte les
«résultats de l’occupation de Tolbiac». Si «le chiffrage définitif et les devis
n’interviendront pas avant plusieurs semaines», il confie que «les personnes
compétentes sont très pessimistes» et estiment pour l’instant les dégâts «à
plusieurs centaines de milliers d’euros».
À Montpellier, les serveurs
vont coûter cher
Mais les universités parisiennes
sont loin d’être les seules touchées par les dégradations en tout genre. À
Dijon, par exemple, pourtant brièvement occupée, on déplore les portes
défoncées, les matériels vidéo cassés et tags disséminés sur les murs de la
Maison de l’Université: on peut estimer à plusieurs milliers d’euros, le
montant du préjudice» affirme Sylvain Comparot, le directeur de cabinet de la
présidence de l’Université à France Bleu. La présidence de l’université a décidé de
porter plainte.
À Montpellier, à l’université
Paul Valéry, un «groupe d’individus» a vandalisé la salle des serveurs pour
empêcher les étudiants de passer leurs partiels en ligne, solution trouvée par
la présidence pour contourner le blocage du campus. La connexion internet de
l’université «est suspendue», les examens le sont également. Un acte de
vandalisme dont la réparation est, à elle seule, estimée à une centaine de
milliers d’euros.
À Toulouse, un employé de
l’université Jean-Jaurès a envoyé à La Dépêche du Midi des photos de l’université, bloquée
depuis de longues semaines. On y voit un photomaton et des distributeurs de
boissons, friandises et sandwiches cassés et pillés. L’employé raconte à La
Dépêche que du matériel informatique a également été volé. Il faut ajouter à
cela le coût des tables et des chaises utilisés pour bloquer les bâtiments, que
l’université chiffre à plus de 200.000 €.
À Nantes, un million d’euros
de dégâts
Pire encore, à l’université de
Nantes, dont le cas est particulier puisque certains bâtiments ont été occupés
par des migrants, le montant des dégâts est d’ores et déjà évalué à plus d’un
million d’euros, comme le relate Presse Océan. Il comprend notamment la restauration des
systèmes de secours incendie, la réparation d’un ascenseur endommagé, la
réfection des murs et des vitres tagués ainsi que de la totalité de l’amphithéâtre
occupé, explique le journal local.
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Onze personnes mises en examen pour l'agression de policiers
à Champigny (13.04.2018)
L'agression avait déclenché une
vague de colère chez les policiers qui avaient manifesté dans toute la
France. - Crédits photo : THOMAS SAMSON/AFP
France | Mis à
jour le 13/04/2018 à 08h22
VIDÉO - Six hommes sont
soupçonnés d'avoir porté des coups à une policière, un d'avoir filmé la scène,
et une femme de l'avoir diffusée. Trois hommes sont également accusés de non
assistance à personne en danger.
Après plus de trois mois
d'enquête, onze personnes ont été mises en examen après le lynchage
filmé d'une policière et l'agression de son supérieur, le soir du Nouvel
an à Champigny-sur-Marne, dans le Val-de-Marne. Six hommes sont soupçonnés
d'avoir porté des coups à la policière, un d'avoir filmé la scène, et une femme
de l'avoir diffusée. Trois hommes sont également accusés de non assistance à
personne en danger. Trois autres personnes, également arrêtées et mises en
garde à vue mardi, ont été relâchées, a ajouté jeudi le parquet de Créteil. Les
suspects, âgés de 16 à 20 ans, ont été interpellés
tôt mardi matin en région parisienne et dans l'Eure.
La gardienne de la paix était
arrivée avec son supérieur sur les lieux de cette soirée de Nouvel an non autorisée
qui avait dégénéré, en renfort de policiers en train de procéder à la
dispersion de plusieurs centaines de jeunes. Dans une atmosphère chaotique et
de grande tension perceptible sur les vidéos, la
policière avait été séparée de son capitaine, projetée au sol, et rouée de
coups par plusieurs individus qui s'étaient «acharnés» sur elle
selon ses mots. Un peu plus loin, son supérieur avait lui reçu un violent coup
de poing au visage. Ses agresseurs n'ont pour l'heure pas pu être identifiés.
Parmi les mis en cause dans
l'agression de la gardienne de la paix, trois seulement ont des antécédents
judiciaires, a indiqué la procureure de Créteil Laure Beccuau, indiquant que
ces jeunes, âgés de 16 à 20 ans, ne se connaissaient pas pour la plupart. «Il y
a eu un effet de groupe», même si «ce ne sont pas des gentils», estime une
source proche du dossier.
Le «pénalty» d'un jeune sur la
policière
Tous les mis en cause n'ont pas
été retrouvés avait indiqué le matin la procureure lors d'une conférence de
presse pour annoncer l'ouverture d'une information judiciaire.
Parmi les six auteurs présumés de
coups, placés en détention provisoire, un amateur de boxe de 16 ans, déjà sous
contrôle judiciaire pour violence contre une personne dépositaire de l'autorité
publique, qui a nié sa participation. Dans le bus du retour après la soirée, il
aurait cependant, selon des témoins, raconté comment il avait «mis un pénalty»
à la policière.
Un autre se serait vanté d'avoir
participé à l'agression sur un site de rencontre, selon la source proche du
dossier. On trouve également parmi les agresseurs présumés un jeune volleyeur
de 16 ans qui a reconnu les faits, un autre de 19 ans, déjà sous contrôle
judiciaire pour vol avec arme, qui a admis avoir porté des coups «sur une
personne au sol» mais sans savoir - malgré l'uniforme qu'elle portait - qu'il
s'agissait d'une policière. Il a aussi reconnu avoir «détruit» les vêtements
qu'il portait ce soir-là après avoir vu la vidéo circuler, selon une autre
source.
Un jeune homme de 18 ans, que
l'on voit chanter «Allumer le feu» sur la vidéo - un hommage à Johnny Hallyday,
décédé quelques semaines auparavant, a-t-il soutenu aux enquêteurs -, nie lui
aussi avoir frappé la policière.
C'est un de ses amis, également
mis en examen et placé en détention provisoire pour enregistrement et diffusion
d'une scène de violence, qui a tourné les images. Il a assuré aux enquêteurs
n'avoir voulu filmer que la prestation de son ami, et de ne pas avoir eu
conscience de ce qui se jouait autour.
Il a ensuite envoyé cette vidéo à
une jeune femme, elle-même mise en examen pour diffusion des images, des faits
qu'elle reconnaît.
Trois autres personnes ont été
mises en examen pour non assistance à personne en danger, et placées sous
contrôle judiciaire. Les suspects nient, et expliquent avoir eu «peur de se
faire eux-même frapper», selon la procureure du parquet de Créteil.
La policière agressée, dont
c'était le premier poste, n'a toujours pas repris le travail, et souffre d'un
«préjudice psychologique intense», notamment du fait de la diffusion à grande
échelle de la vidéo, a précisé Mme Beccuau. Ses agresseurs risquent jusqu'à
sept ans de prison.
L'agression et la diffusion des
images sur les réseaux sociaux avaient déclenché une vague d'indignation.
Emmanuel Macron avait dénoncé un «lynchage lâche et criminel», promettant que
les responsables seraient «retrouvés et punis». Dans les jours qui ont suivi,
des centaines de fonctionnaires se sont rassemblés devant les commissariats de
toute la France pour dénoncer «la haine anti-flic». Des voix s'élevaient alors
pour rétablir les peines planchers et rendre impossible tout aménagement de
peine pour les agresseurs de policiers.
Une étude révèle une baisse du sentiment d'insécurité en
Ile-de-France (12.04.2018)
Pour un tiers des Franciliens, la
fréquentation des transports en commun est toujours anxiogène, même si la
situation s'améliore. - Crédits photo : © Vincent Isore/IP3/IP3
PRESS/MAXPPP
INFOGRAPHIE - Même si les
agressions et les vols déclarés sont en recul, 44,8 % des sondés
continuent d'éprouver de la peur au quotidien.
En dépit d'une menace islamiste
qui reste vivace, le
sentiment d'insécurité est en repli à Paris et dans sa grande
couronne. Alors que plusieurs études et sondages nationaux ont mis en évidence
que 6 Français sur 10 en moyenne nourrissent des peurs au quotidien, les
résultats de la dernière enquête dite de «victimation», menée par l'Institut
d'aménagement d'urbanisme (IAU) de la région Ile-de-France révèlent que
51 % des Franciliens expriment une anxiété face aux crimes et aux délits
qui les entourent. Soit le taux le plus faible - en baisse inédite de
4 points - jamais enregistré depuis le lancement, il y a dix-sept
ans, de cette grande enquête auprès de 10.500 Parisiens et banlieusards âgés de
15 ans et plus.
De la même façon, le nombre des
Franciliens qui déclarent avoir été «agressés, volés ou confrontés à des
atteintes visant des biens appartenant à leur ménage (logement, véhicules) au
cours des trois dernières années» a reculé de quatre points pour s'établir à
47,8 %. Soit un seuil qui reste élevé. «Plus de la moitié des interrogés
ont déclaré n'avoir jamais subi la moindre atteinte dans la période
considérée», détaille Sylvie Scherer, directrice en charge de la mission
«prévention sécurité», en précisant que «5 % de l'échantillon a déploré 3
faits de victimations et plus». Alors que la région a mis l'accent sur l'aide
aux femmes victimes d'infractions pénales, l'étude
estime que les agressions sexuelles ont fait quelque 130.000 victimes
entre 2014 et 2016. Soit plus de 122 chaque jour! Les
agressions «tout venant», où le prédateur ne connaît pas sa cible, auraient
touché quant à elles 580.000 habitants de la capitale ou de sa couronne.
Un «bouclier sécurité»
Toujours sous le choc de la vague
des attentats qui ont endeuillé le pays, 62,6 % du public francilien
s'accorde à considérer le terrorisme comme le «problème le plus préoccupant».
Au chapitre de leurs «peurs personnelles», 44,8 % des sondés persistent à
éprouver des craintes «tous lieux confondus». Et ils sont 19,8 % à se
sentir angoissés lorsqu'ils sont «seuls dans leur quartier le soir». Le taux
s'établit à 38,1 % dans les transports en commun, toujours anxiogènes même
si la situation s'améliore.
Si l'on demande aux Franciliens
d'énumérer les sources de nuisances dans leur environnement, 28 %
déplorent le «quartier pas propre», 27 % le «voisinage bruyant», juste
devant les «problèmes
de drogue» pour
24 % des habitants, le «vandalisme» (23 %) et enfin les «bandes de
jeunes gênantes» (22 %). Face à ces problématiques lourdes, la
région Ile-de-France affiche une politique résolument volontariste.
«Sous l'impulsion de Valérie Pécresse, la sécurité est au cœur de nos
priorités», martèle Frédéric
Péchenard, vice-président (LR) en charge de la sécurité et de
l'aide aux victimes qui, depuis le nouveau siège de Saint-Ouen, a fait un point
très précis sur les mesures déployées par la région depuis deux ans. Fort d'un
budget qui a triplé depuis 2016 pour atteindre les 23 millions d'euros, un
«bouclier sécurité» a permis d'équiper des polices municipales de 93 communes
de l'agglomération en leur fournissant 163 véhicules, 415 gilets pare-balles, 372
bâtons de défense ou encore 342 «caméras piétons et embarquées». En prime, a
rappelé Frédéric Péchenard, 127 communes ont bénéficié d'un maillage renforcé
de vidéoprotection tandis que des «conventions passés avec l'État ont débouché
sur 17 opérations immobilières», dont notamment le commissariat de Saint-Denis
ou encore le nouveau laboratoire de police de Paris.
Pas moins de 465 lycées
d'Ile-de-France - sur un total 670 - ont été le théâtre d'«opérations de
sécurisation» permettant, à la demande des proviseurs, d'installer des caméras,
des sas ou des parois pour sanctuariser les établissements. Plus que jamais, la
région semble engagée en faveur du fameux «continuum de sécurité» qui se met en
place pour rassurer la population.
Transports: un inédit centre
de coordination très attendu au cœur de Paris
Un seul et unique centre de
sécurité dans les transports franciliens, coordonnant pour la première fois les
services de la police, de la SNCF mais aussi de la RATP, pourrait voir le jour
au cœur de Paris. Plus précisément au quai de l'Horloge, où se trouvait
notamment l'antre historique de la PJ parisienne. «L'idée est d'y réunir tous
les moyens radio et vidéo pour optimiser la circulation des informations et
accélérer la réactivité sur le terrain. C'est essentiel en cas d'agressions,
toujours très rapides», explique Frédéric Péchenard, vice-président de la
région, qui a voté un crédit de 8,5 millions d'euros. Au moment où
l'agglomération s'organise pour les JO de 2024, ce projet, soumis à l'arbitrage
du premier ministre, est d'une impérieuse nécessité
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les transports
Ivan Rioufol : «Le “Comprenez-moi” d'Emmanuel Macron»
(12.04.2018)
- Crédits photo : FRANCOIS
BOUCHON
CHRONIQUE - En répondant, jeudi,
aux questions de Jean-Pierre Pernaut dans son journal de 13 heures de TF1
et sur LCI, le président a voulu donner un sens à son action. Toutefois, il ne
suffit pas de s'adresser aux provinces et à la ruralité pour qu'un chef d'État
puisse retisser des liens distendus.
Où va la France? Emmanuel Macron
l'assure: «Je sais où je veux emmener le pays.» Il entend poursuivre la pluie
de réformes. Mais celles-ci, disparates, n'ont en commun que d'illustrer un
mouvement. Militairement, la canonnade s'impose s'il s'agit d'écraser l'ennemi.
Politiquement, le feu continu s'émousse s'il n'est destiné qu'à étourdir les
oppositions. En répondant, jeudi, aux
questions de Jean-Pierre Pernaut dans son journal de
13 heures de TF1 et sur LCI, le président a voulu donner un sens à son
action, en la ramenant à sa personne. «Comprenez-moi», a-t-il dit en substance.
Toutefois, il ne suffit pas de s'adresser aux provinces et à la ruralité pour
qu'un chef d'État puisse retisser des liens distendus. «Je vous ai compris»,
avait lancé Charles de Gaulle dans son discours d'Alger de 1958, qui
dissimulait la trahison des Français d'Algérie. Cette humilité, même feinte,
n'est pas le genre du chef de l'État. Il préfère répéter: «Je vous ai
entendus.» Mais cette même séduction clientéliste peut cacher d'autres abandons.
Près d'un an après son élection,
Macron n'a pas réussi à réconcilier la France d'en haut et celle d'en bas. Pis:
l'indifférence portée à la vieille nation silencieuse a raidi davantage les
Oubliés, éloignés des métropoles mondialisées et déculturées. Les visites
locales que le président effectue dans ce qui devient des réserves de petits
Blancs, comme les Indiens d'Amérique ont les leurs, restent des figures
imposées: les 48 milliards d'euros qui se profilent pour les banlieues (plan
Borloo) rappellent les priorités du gouvernement. Le choix de Macron de
s'être fait interviewer dans une salle d'école d'un petit village de l'Orne,
Berd'huis, fait
partie des symboles qu'il sait manier. Pour autant, il n'est pas besoin
d'être expert en communication pour déceler, en plus de la canonnade
réformatrice, l'intensité du bombardement médiatique qui s'achèvera dimanche
soir.
L'atout du président est
d'avoir face à lui une extrême gauche répulsive. Excitée par le conflit à la
SNCF, elle se caricature dans le sectarisme, la violence, les dégradations.
Les Romains avaient prévenu:
Jupiter rend fous ceux qu'il veut perdre. Celui qui, une fois à l'Élysée, a osé
s'identifier au dieu de la Foudre laisse voir un besoin de convaincre qui le
rapproche des mortels. Mais qui trop embrasse mal étreint. Le choix de Macron
de se faire interroger aussi, le 15 avril, par
Jean-Jacques Bourdin (BFMTV-RMC) et Edwy Plenel (Mediapart) fait
la part belle à un journaliste, Plenel, qui ne cache pas sa haine pour la
nation trop homogène et enracinée. «Quand j'entends Français de souche,
j'entends raciste de souche», avait-il dit. En 1972, collaborateur à Rouge, il
avait signé sous pseudonyme un article soutenant «inconditionnellement» les
tueurs de l'organisation palestinienne Septembre Noir, qui venaient
d'assassiner onze athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Munich.
Depuis, Plenel dénonce l'antisémitisme tout en s'aveuglant sur l'offensive
islamiste. L'adoubement de ce tartuffe laisse perplexe.
Pour autant, l'atout du président
est d'avoir face à lui une extrême gauche répulsive. Excitée par le conflit à
la SNCF, elle se caricature dans le sectarisme, la violence, les dégradations.
C'est à l'université de Tolbiac (Paris-I), fer de lance d'une contestation
«zadiste» menée notamment pas des «étudiants sans-papiers», que des cocktails
Molotov ont été découverts. Des non-grévistes y ont été passés à
tabac. Le local de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) a été mis à
sac. L'université de Montpellier a été saccagée, comme à Toulouse ou Dijon.
Lire, ici et là, les tags des contestataires donne une idée de l'abrutissement
de ces jeunes livrés aux «agitateurs professionnels» (Macron): «Un bon flic est
un flic mort» ; «Mort aux Blancs» ; «Femmes, voilez-vous». À Nantes,
le «collectif féministe racisé de l'université» organise des réunionsen
«non-mixité racisé.e.s», c'est-à-dire interdites aux Blancs. Le président
vaincra sans péril cette minorité de petits fachos. Mais le président
triomphera sans gloire.
L'exemple Orban
Ces victoires annoncées, ces
plans médias multipliés, ce bougisme réformiste ne suffiront pas à convaincre
ceux qui voient dans Macron le personnage ambitieux mais insincère que décrit
François Hollande dans son livre bilan sorti mercredi. Le discours du chef de
l'État, lundi devant la Conférence des évêques de France, a été applaudi par
beaucoup de catholiques. Le texte n'en reste pas moins l'exemple d'une pensée
qui, sous couvert de «complexité», détourne des mots pour obscurcir un débat. Quand
Macron assure: «Le lien entre l'Église et l'État s'est abîmé, il nous incombe
de le réparer», il laisse envisager un possible aménagement de la séparation
entre l'Église et l'État, cette construction étrangère à l'islam. Quand il
parle de «sève catholique» qui coulerait en dépit de «racines» qui «peuvent
être aussi mortes», il décrit une incohérence botanique - il faut des racines
pour avoir une sève - qui lui sert de prétexte pour écarter l'inscription des
racines chrétiennes dans la Constitution. Ce raisonnement mal ficelé pourrait
amener en fait à un recul sur la laïcité, priée de s'adapter à l'islam
récalcitrant. Or c'est l'inverse qu'il faudrait clairement défendre.
En réalité, c'est de l'Europe
centrale que souffle le vent d'une révolution «populiste» face à laquelle
Macron veut être le barrage. En donnant, dimanche dernier, une
large victoire au parti de Viktor Orban (près de 49 % des
voix), les Hongrois ont confirmé la puissance de la vague conservatrice qui
déferle sur l'Europe. Orban n'a aucun complexe à défendre les racines
chrétiennes face à l'islam politique, à refuser la société multiculturelle, à
dénoncer la politique migratoire que l'Union européenne impose aux États, à
commencer par la France. Il n'a pas craint d'édifier un mur de protection, en
dépit des hurlements des sermonnaires. Il parle du risque de voir, «en quelques
décennies», son pays donné à «des étrangers venus d'autres coins du monde, qui
ne parlent pas notre langue, ne respectent pas notre culture, nos lois et nos
modes de vie, et qui veulent remplacer les nôtres par les leurs». Orban, c'est
l'anti-Macron.
Si une guerre internationale doit
exploser demain, la Syrie en sera l'épicentre. Toutes les puissances mondiales
et nombre de puissances régionales (Russie, États-Unis, Chine, Europe, Turquie,
Iran, Israël, etc.) se retrouvent sur ce territoire chaotique. C'est
pourquoi la menace d'une frappe française contre le régime de Bachar el-Assad
pourrait être l'étincelle. Hier, Macron a assuré avoir «la preuve» que des armes
chimiques (du chlore) ont été utilisées par Damas. Puisse-t-il néanmoins
résister aux va-t-en-guerre qui l'appellent à frapper Assad, protégé par la
Russie de Poutine.
Prochaine chronique: 27 avril.
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Macron annonce une clarification du financement des mosquées
(12.04.2018)
La mosquée Sounna de Marseille a
été fermée pour six mois, en décembre dernier, en raison des prêches jugés
extrémistes de son imam. - Crédits photo : BORIS HORVAT/AFP
Le président de la République
dévoilera dans les prochains mois des mesures pour empêcher l'ouverture de
mosquées par des «financements cachés».
«Intraitable». Le mot fut employé
par Emmanuel Macron pour exprimer sa détermination à lutter contre l'immigration
illégale, au lendemain d'un crime odieux commis contre deux femmes à Marseille, en
octobre dernier, par un clandestin qui aurait dû être expulsé.
L'expression ressurgit
aujourd'hui dans la bouche du chef de l'État, quand il s'agit de qualifier son
action contre l'islam radical en France. «Il y a des mosquées ou des gens qui
ne respectent pas les lois de la République, qui prêchent des choses qui ne
sont pas conformes aux lois de la République et conduisent à la violence,
celles-ci seront fermées», a déclaré le président de la République lors de son interview, jeudi, au «13 heures» de TF1.
«On continuera et on sera intraitables», a-t-il insisté.
Trois mosquées fermées
Déjà, il se flatte d'avoir sévi
grâce à la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme
qu'il a fait voter à l'automne. À Sartrouville, à Aix-en-Provence, à Marseille,
«j'ai fait fermer trois mosquées avec la plus grande rigueur», s'est-il félicité.
Par ailleurs, il est intervenu, dit-il, à Ecquevilly (Yvelines), une commune
dont la maire s'est plainte de ne pas avoir obtenu de réponse du ministre de
l'Intérieur, Gérard Collomb, à son courrier alarmant sur le salafisme dans sa
ville.
«Il y avait un imam là-bas qui
suscitait des inquiétudes, a assuré le président. On a empêché qu'une mosquée
ne s'ouvre par le travail justement des services.» «Il y a une procédure qui
est ouverte contre lui et on lutte justement contre le salafisme, c'est-à-dire
l'extrémisme, le fondamentalisme religieux», a-t-il précisé, visiblement bien
informé. «Je veux être très clair: c'est un problème dans notre pays», a-t-il
ajouté.
«Contrôle de l'État»
Par ailleurs, Emmanuel Macron a
déclaré qu'il annoncerait «dans les prochains mois» ses mesures pour «clarifier
les règles de fonctionnement et de financement» des mosquées. «J'ai reçu le
prince héritier d'Arabie saoudite il y a deux jours. Je lui ai parlé et nous
allons prendre des décisions aussi conjointement», a-t-il affirmé. Et de
conclure: «Je ne veux plus de mosquées qui s'ouvrent avec des financements
cachés. Je ne veux plus de gens qui utilisent l'argent du pèlerinage pour faire
n'importe quoi.» Il réclame «contrôle de l'État» et «transparence».
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À Gaza, le virage tactique du Hamas (12.04.2018)
Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas, a
salué lundi, dans le «camp du retour» de Malaka, «le réveil du peuple
palestinien». - Crédits photo : MAHMUD HAMS/AFP
Confronté à une érosion de sa
popularité, le mouvement islamiste opère une improbable conversion à
la lutte pacifique.
Envoyé spécial à Gaza
La mise en scène avait été
ciselée pour frapper les esprits. Lundi, alors que le soir tombait à l'est de
la bande de Gaza, le chef du Hamas a pris la parole devant une foule de
journalistes convoqués pour l'occasion dans le «camp du retour» de Malaka.
Veste noire, chemise blanche et chevelure poivre et sel, Ismaël Haniyeh a salué
«le réveil du peuple palestinien» et promis de «poursuivre le mouvement jusqu'à
la victoire». Mais le cœur de son message était ailleurs, sur un immense
panneau érigé en toile de fond. Assorti de légendes en arabe et en anglais,
celui-ci représentait trois figures de la lutte non-violente contre
l'oppression. De gauche à droite: le Mahatma Gandhi, Martin Luther King et
Nelson Mandela.
Le symbole, à défaut d'être
subtil, atteste que le Hamas entend jouer un rôle de premier plan dans les
«Marches du retour» organisées chaque vendredi à la frontière avec Israël.
Imaginée début janvier par un groupe d'activistes qui cherchaient à remettre la
question palestinienne sur le devant de la scène, l'initiative a depuis lors
été progressivement prise en main par les factions. Mais l'entrée en scène du
mouvement islamiste, dont la charte rédigée en 1988 affirme que la lutte armée
est la seule voie vers libération nationale, a de quoi surprendre. Tandis que
le Fatah de Yasser Arafat acceptait de négocier avec l'État hébreu, le Hamas
s'est illustré à partir des années 1990 par une campagne d'attentats suicides.
Celle-ci a tué des centaines d'Israéliens et entraîné son inscription, par les
États-Unis et l'UE, sur la liste des organisations terroristes. «Il est vrai
que la résistance pacifique ne fait pas vraiment partie de notre culture, admet
Ghazi Hammad, un haut responsable du mouvement. Mais nous avons choisi d'en
faire une nouvelle corde à notre arc dans l'espoir d'être mieux entendus par la
communauté internationale.»
Le Hamas, comme les autres
factions, siège depuis plusieurs semaines au sein du Haut Comité formé pour
piloter le mouvement. Le 30 mars, jour de la première marche, ses
dirigeants ont appelé la population à rejoindre les cinq points de
rassemblements aménagés le long de la frontière. Ils ont aussi facilité les
transports et contribué à organiser la logistique sur ces camps, où les
policiers de la sécurité intérieure assurent une présence vigilante. «On
observe les allées et venues, commente Ala Najjar, membre d'un comité
d'organisation, et on recommande aux jeunes de ne pas trop avancer vers la
barrière pour éviter les violences.» La consigne, de toute évidence, n'est
qu'en partie respectée. Si la majorité des participants se tient à distance,
beaucoup d'autres se sont approchés de la frontière pour faire un sit-in, jeter
des pierres en direction des soldats ou tenter d'arracher un bout de clôture.
Trente ont été tués et plus de 1300 ont été blessés par balle.
Misère et désœuvrement
Critiquée pour ce lourd bilan,
l'armée israélienne affirme que le Hamas téléguide les manifestants et les
incite en sous-main à défier les soldats dans l'espoir de faire couler le sang.
L'accusation, prévisible, est aussi difficile à étayer qu'à battre en brèche.
L'image de jeunes hommes désarmés qui tombent sous les balles d'une armée
surpuissante sert objectivement les intérêts du mouvement. Mais une visite sur
le «camp du retour» édifié à l'est de Khan Younis, où le bilan des deux
premiers vendredis a été particulièrement lourd, donne le sentiment que
celui-ci n'a pas forcément besoin de tirer les ficelles pour arriver à ce
résultat. Des nuées d'adolescents dépenaillés y rôdent chaque après-midi, venu
des villages alentour pour tuer le temps et toiser l'ennemi. Ils brandissent le
drapeau palestinien, brûlent des pneus qu'ils roulent ensuite vers la clôture.
Une grenade lacrymogène fuse, une balle claque. Sans doute certains de ces
trompe-la-mort sont-ils liés au Hamas. Sa branche armée, au soir du 30 mars, a
indiqué avoir perdu cinq de ses membres sous les tirs israéliens. En dix années
de règne sur l'enclave côtière, le mouvement islamiste a eu le temps de tisser
sa toile dans chaque hameau, chaque famille. Mais ils partagent surtout une
même misère, un même désœuvrement - et ce besoin quasi physique de secouer
leurs entraves.
Ahmed Abou Ghali, 20 ans, est
l'un d'eux. Vendredi 30 mars, peu après la prière de la mi-journée, il
s'est approché d'une des portes aménagées dans la clôture et a entrepris d'en
faire sauter le cadenas avec une pince. Lorsqu'une Jeep de l'armée s'est
approchée, il dit lui avoir jeté plusieurs cocktails Molotov. Peut-être en
rajoute-t-il un peu, soucieux d'impressionner son interlocuteur. Mais les deux
blessures par balle qu'il exhibe à l'abdomen et à la jambe droite invitent à
tendre l'oreille. Issu d'une famille de réfugiés originaire de Yavna, près de
la ville israélienne d'Ashdod, Ahmed passe ses journées à «conduire le matelas»
- c'est-à-dire, dans l'argot de Gaza, à ne rien faire. «Les factions, assure-t-il,
on ne veut plus en entendre parler. Mais on reste prêt à mourir pour défendre
Jérusalem…»
«Nous ne sommes pas intéressés
par une nouvelle confrontation militaire»
Ghazi Hammad, un haut responsable
du Hamas
La nécessité de canaliser cette
colère, qui prospère sur une situation économique calamiteuse, contribue sans
doute à expliquer le virage tactique du Hamas. Mais celui-ci a aussi des causes
plus profondes. En choisissant de se convertir, au moins de façon temporaire, à
la résistance pacifique, les dirigeants du mouvement espèrent sortir de
l'impasse dans laquelle ils se trouvent enfermés. Après trois guerres
successives, dont la dernière a fait plus de 2200 morts et détruit 10.000
maisons, les habitants de Gaza ont pour la plupart cessé de croire que le salut
viendra d'une victoire militaire contre Israël. Les roquettes du Hamas ont
perdu de leur efficacité depuis l'apparition des batteries antimissiles «Dôme
de fer». Ses tunnels offensifs risquent d'être bientôt neutralisés par le mur
souterrain qu'Israël construit à sa frontière. «Nous ne sommes pas intéressés
par une nouvelle confrontation militaire», reconnaît Ghazi Hammad.
Contraint de changer de
stratégie, le mouvement islamiste a tenté en septembre dernier de se
réconcilier avec le Fatah, qu'il avait chassé par les armes au cœur de l'été
2007. En gage de sa bonne volonté, il a dissous l'organe exécutif mis en place
pour gouverner Gaza et remis les clés des points de passage vers Israël et
l'Égypte à l'Autorité palestinienne. Mais le président Mahmoud Abbas, loin de
se satisfaire de ces avancées, n'a cessé de durcir ses exigences. Au risque
d'aggraver encore la crise humanitaire, il menace désormais de couper tout lien
financier avec le territoire si le mouvement ne renonce pas à la totalité de
ses pouvoirs. «Cette “Marche du retour”, résume le Mkhaimar Abousaada, tombe à
point nommé pour redonner un peu d'oxygène politique au Hamas.»
«L'essentiel est pour l'heure
de tout faire pour que cette marche reste non-violente, c'est ainsi que nous
aurons le plus fort impact sur la communauté internationale»
Ghazi Hammad
Monté à bord du train alors qu'il
se trouvait encore en gare, le mouvement semble avoir décidé d'en prendre le
contrôle après avoir vu plusieurs dizaines de milliers de Palestiniens
converger, deux vendredis de suite, vers la frontière. «Cette mobilisation
exceptionnelle, explique la députée islamiste Houda Naïm, intervient à un
moment historique. Les Américains ont décidé de liquider la cause palestinienne
et notre peuple refuse de se laisser faire.» Près d'elle, devant les tentes
aménagées en lisière du camp de réfugiés d'al-Bureij, un sympathisant
s'enflamme en évoquant les prochaines étapes. Le point culminant de la «Marche
du retour» doit intervenir le 15 mai, date de la «catastrophe» (Nakba) que
constitua le départ forcé de 700.000 Palestiniens après la création de l'État
d'Israël. «Ce jour-là, prévient Ameh Abou Hmissi, même si notre sang doit
couler, nous serons des centaines de milliers à franchir la clôture pour
retourner vers les terres volées à nos grands-parents.»
Ghazi Hammad, plus prudent, confie
que «la suite des événements n'est pas encore très claire». En plus des
revendications portant sur le «droit au retour» du 1,3 million de réfugiés
établis à Gaza, dont Israël ne veut pas entendre parler, le Haut Comité réclame
désormais la levée du blocus. «L'essentiel est pour l'heure de tout faire pour
que cette marche reste non-violente, martèle M. Hammad, car c'est ainsi que
nous aurons le plus fort impact sur la communauté internationale.» Houda Naïm,
la députée du Hamas, précise: «Nous n'avons pas renoncé à la résistance armée,
mais considérons que ces marches pacifiques sont aujourd'hui le meilleur moyen
d'atteindre les points faibles de notre ennemi.»
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sur la vidéo d'un sniper israélien
Plus de meurtres à Londres qu'à New York (11.04.2018)
Cressida Dick, la chef de
Scotland Yard. - Crédits photo : Peter Nicholls/REUTERS
La capitale britannique est en
proie à une sanglante épidémie d'homicides. Les jeunes des communautés noires
sont particulièrement touchés par des attaques à l'arme blanche, en hausse de
30% en un an.
Correspondant à Londres
Israel Ogunsola, 18 ans, poignardé
en pleine rue dans l'est de Londres, le 4 avril. Henry Vincent, 37 ans,
tué à coups de couteau chez lui, dans le sud de la capitale le même jour. Amaan
Shakoor, 16 ans, mort à l'hôpital le 2 avril de ses blessures par balle la
veille. Tanesha Melbourne-Blake, 17 ans, tuée alors qu'elle marchait avec des
amis à Tottenham, quartier du nord de Londres, le même jour. Devoy Stapleton,
20 ans, poignardé dans le sud de la ville le dimanche de Pâques. Et un homme de
53 ans est mort dans une bagarre au nord-est de Londres.
Six morts en sept jours: la
première semaine d'avril a été l'une des plus meurtrières qu'ait connues la
capitale britannique. Sans compter neuf personnes blessées à l'arme blanche en
24 heures, entre jeudi et vendredi derniers. L'année
avait commencé dans le sang: quatre hommes de moins de 20 ans ont été
poignardés durant la nuit du réveillon. Depuis, 55 meurtres ont été répertoriés
à Londres, dont 11 d'adolescents. En février et en mars, il y a eu plus
d'homicides à Londres qu'à New York.
Actes gratuits
Avec des populations
comparables, Londres
n'est certes pas le coupe-gorgeque fut la grosse pomme dans les années
1980, où l'on recensait plus de 2000 meurtres par an. Un chiffre ramené à 292
l'an dernier, contre 134 sur les rives de la Tamise.
La violence engendre la
violence. Comme ils craignent pour leur sécurité, les jeunes des quartiers se
déplacent souvent armés de couteaux pour se défendre
Mais la violence endémique qui
frappe particulièrement les jeunes de communautés noires connaît une explosion
préoccupante. Les attaques à l'arme blanche ont augmenté de plus de 30 %
en un an. Dans les hôpitaux, les chirurgiens des urgences s'alarment de devoir
traiter au quotidien de ce type de blessures. Le nombre de victimes de moins de
16 ans a bondi de 63 % en cinq ans. Pour le chirurgien chef Martin
Griffiths, du National Health Service, cette «horreur» devenue «normale»
rappelle à ses collègues des scènes de la guerre en Afghanistan. «On reçoit des
enfants en uniforme de leur école blessés par balle ou au couteau», décrit-il.
Près de la moitié de ces morts a
pour origine des règlements de comptes entre gangs de quartiers ou
de cités. Certaines sont liées au trafic de drogues. Mais beaucoup
apparaissent comme
des actes gratuits de représailles à des incidents mineurs. La
violence engendre la violence. Comme ils craignent pour leur sécurité, les
jeunes des quartiers se déplacent souvent armés de couteaux pour se défendre.
Le fléau, récurrent depuis des années, préoccupe la police et les travailleurs
sociaux depuis longtemps, qui dénoncent régulièrement une relative
indifférence. Son explosion récente le propulse à la «une» de l'actualité
nationale.
Député travailliste de Tottenham,
David Lammy dénonce la passivité des pouvoirs publics. «Est-ce qu'une vie dans
ma circonscription vaut moins qu'une vie ailleurs dans le pays? J'ai vu quatre
jeunes perdre la vie depuis Noël et je n'ai pas reçu un coup de fil de la
première ministre ou de la ministre de l'Intérieur. Où est le consensus
politique pour une stratégie sérieuse? Trop, c'est trop», s'est-il indigné,
mettant aussi en cause le maire de la capitale, Sadiq Khan, pourtant du même bord
que lui. Loin du consensus, les politiques se renvoient la balle. La gauche
dénonce les conséquences de l'austérité mise en place par les gouvernements
conservateurs depuis 2010. La droite incrimine le maire travailliste, en charge
de la police, en poste depuis deux ans, période durant laquelle les chiffres
des violences se sont envolés.
«La police de proximité a
complètement disparu»
Les coupes budgétaires pendant
que Theresa May était ministre de l'Intérieur ont entraîné une diminution de
20 % des effectifs policiers. «La police de proximité a complètement
disparu», se plaint David Lammy. L'actuelle ministre de l'Intérieur, Amber
Rudd, a tenté de minimiser l'argument, pour être contredite par la fuite d'un
rapport de son administration selon lequel «la pression sur les ressources
dédiées à la violence grave a conduit à une baisse des poursuites qui a pu
encourager les délinquants». Elle a présenté lundi un programme pour lutter
contre cette criminalité, doté de 40 millions de livres (46 millions
d'euros), sans préciser d'où viendraient ces fonds. Elle entend notamment
s'attaquer à la glorification de la violence sur les réseaux sociaux et
travailler sur l'insertion locale et professionnelle des jeunes concernés.
La chef de Scotland Yard,
Cressida Dick, dément l'idée que la police aurait «perdu le contrôle» des rues
de Londres. Elle a envoyé 300 agents en renfort dans les zones les plus
sensibles. Sadiq Khan a organisé mardi en urgence un sommet consacré au sujet,
avant de se montrer mercredi dans le cadre d'une opération policière de saisies
d'armes dans le quartier de Croydon, au sud de la ville.
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Pour l'OCDE, l'impôt
sur la fortune n'est pas un outil efficace (12.04.2018)
Le siège du Centre de Politique
et d'Administration Fiscale de l'OCDE, à Boulogne-Billancourt. - Crédits photo
: Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro
Conjoncture | Par Armelle
Bohineust
Mis à jour le 12/04/2018 à 18h46
L'organisation internationale
préconise une imposition plus progressive de l'épargne dans certains pays.
L'impôt sur la fortune est-il
efficace? Pas vraiment, estime l'OCDE, l'Organisation de coopération et de
développement économiques. Ce n'est ni un moyen pour un État de s'enrichir, ni
une piste pour réduire les inégalités.
Il ne reste plus aujourd'hui que
quatre pays, contre douze en 1990 à taxer la fortune de leurs concitoyens: la
France, la Suisse, l'Espagne et la Norvège. Or cela ne leur rapporte pas
grand-chose, constate l'OCDE, qui a étudié la situation dans les 35 pays
membres de l'organisation basée à Paris. En Suisse, le pays qui engrange le
plus de fonds grâce à cette taxe, les recettes ne représentaient que 1,03 % du
PIB et 3,7 % de la totalité des revenus fiscaux en 2016. Ce gain s'élevait à
0,18 % du PIB en Espagne et 0,43 % en Norvège. En France, il stagnait à 0,22 %
(et à 0,48 % des recettes fiscales), indique l'institution.
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par impôt, les dates à retenir pour 2018
L'inégalité de richesse est bien
plus grande que l'inégalité de revenus et elle s'accroît depuis des années, ne
serait-ce que parce que la richesse entraîne la richesse, reconnaît
l'institution. Pour autant, explique l'OCDE, il n'est pas utile d'ajouter un
impôt sur la fortune dans les pays où «les impôts sur les revenus individuels
du capital reposent sur une large assise». Surtout si «les impôts sur les
successions sont bien conçus». C'est d'autant plus vrai que la taxe sur la
fortune est souvent moins équitable que l'impôt sur le revenu, parce qu'elle ne
tient pas compte des revenus du capital, argumente l'OCDE.
Comptes courants taxés
Emmanuel Macron ne contredira pas
ce point de vue. Réduire l'impôt sur la fortune «n'est pas de l'injustice mais
une politique d'investissement», a-t-il rappelé lors de son interview sur TF1
jeudi.
L'OCDE se penche sur un autre
aspect de l'imposition des particuliers dans un rapport consacré, cette
fois-ci, à la fiscalité de l'épargne des ménages. Dans la plupart des 40 pays
étudiés (les membres ainsi que l'Argentine, la Colombie, la Lituanie, la
Bulgarie et l'Afrique du Sud), les gouvernements taxent peu les produits de
l'épargne directement constituée en vue de la retraite. Entre le vieillissement
démographique et la pression sur les systèmes de sécurité sociale, cela se
justifie, note l'OCDE.
» LIRE AUSSI - ISF: après la
polémique, Bruno Le Maire répond aux parlementaires
Toutefois, le traitement fiscal
des produits d'épargne tend à «favoriser les contribuables aisés». Les
populations les moins favorisées conservent «une fraction plus importante de
leurs avoirs sur des comptes courants assez fortement taxés» alors que les plus
aisées «placent davantage leur épargne dans des fonds et des actions souvent
soumis à une fiscalité plus faible», note le rapport.
«Les pays n'ont pas
nécessairement besoin d'alourdir les prélèvements sur l'épargne», résume Pascal
Saint-Amans, directeur du Centre des administrations fiscales de l'OCDE. Mais,
c'est un moyen de favoriser la croissance inclusive. Certains pays devraient
accroître la progressivité de leurs prélèvements sur l'épargne, encourage
l'OCDE.
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