samedi 14 avril 2018

Islamisme et politique 10.04.2018



Philippe Courroye : « En matière de “fake news”, j'ai été assaisonné » (11.04.2018)
Dubaï : l'histoire secrète de l'évasion manquée d'une princesse (12.04.2018)
«Démocratie illibérale» : ce que Viktor Orban a voulu dire (12.04.2018)
Moscou protège Assad face à des frappes américaines (11.04.2018)
L'armée syrienne a repris toute la Ghouta orientale (12.04.2018)
Syrie : «Pour peser, la France doit s'affranchir de l'alliance atlantique» (12.04.2018)
Frappes en Syrie : pourquoi punir Bachar el-Assad n'est pas une si mauvaise idée (12.04.2018)
Que risque vraiment Facebook ?  (12.04.2018)

Après l'affaire Facebook, il faut «donner la priorité à la sécurité» (11.04.2018)
Patrick Mignola: «Facebook n'est pas entré dans le cadre démocratique» (12.04.2018)
Éric Zemmour : «Ce que cache cette si dangereuse limitation de vitesse sur les routes» (12.01.2018)
Bernard-Henri Lévy / Renaud Girard : «Comment empêcher la chute de l'Occident ?» (13.04.2018)
Suspendu par W9 pour ses propos homophobes, Balbir s'excuse mais dénonce une malveillance (13.04.2018)
La guerre secrète des services français pour neutraliser les djihadistes de l'État islamique (13.04.2018)
Réforme des institutions : l'exécutif tenté de rétrécir les pouvoirs du Parlement (12.04.2018)
Un député LaREM annonce qu'il ne votera pas pour la loi asile et immigration (13.04.2018)
L'appel de 119 sénateurs : «Les droits de l'enfant sont plus importants que le désir d'enfant» (12.04.2018)
Syrie : entre Russie et États-Unis, l'escalade est-elle inéluctable? (12.04.2018)
Syrie : Theresa May déterminée malgré l'hostilité des politiques et de l'opinion (12.04.2018)
Décidé à contenir l'Iran, Israël affronte la colère de la Russie (12.04.2018)
Universités bloquées : des «centaines de milliers d’euros» de dégâts au minimum (13.04.2018)
Onze personnes mises en examen pour l'agression de policiers à Champigny (13.04.2018)
Une étude révèle une baisse du sentiment d'insécurité en Ile-de-France (12.04.2018)
Ivan Rioufol : «Le “Comprenez-moi” d'Emmanuel Macron» (12.04.2018)
Macron annonce une clarification du financement des mosquées (12.04.2018)
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Plus de meurtres à Londres qu'à New York (11.04.2018)
Pour l'OCDE, l'impôt sur la fortune n'est pas un outil efficace (12.04.2018)

Philippe Courroye : « En matière de “fake news”, j'ai été assaisonné » (11.04.2018)

L'avocat général à la cour d'assises de Paris, Philippe Courroye. - Crédits photo : Jean-Christophe Marmara/ LE FIGARO
France | Par Stéphane Durand-Souffland
Mis à jour le 11/04/2018 à 18h44
INTERVIEW - Critiqué pour sa proximité avec Nicolas Sarkozy et sa gestion du dossier Bettencourt, l'ancien procureur de Nanterre livre sa vérité.
Actuellement avocat général à la cour d'assises de Paris, Philippe Courroye a été un juge d'instruction redouté à Lyon puis au pôle financier de Paris, et un procureur de la République controversé à Nanterre (2007-2012). Personnage central de la polémique liée au traitement judiciaire de l'«affaire Bettencourt», rarement un magistrat aura fait l'objet d'attaques personnelles aussi virulentes. Il vient de publier Reste la justice… (Michel Lafon, mars 2018).
LE FIGARO. - Pourquoi ce livre seulement maintenant, plus de dix ans après le début de l'affaire Bettencourt, fin 2007, au parquet de Nanterre dont vous étiez le chef?
Philippe COURROYE. - Il faut du temps pour écrire un livre qui ne soit pas une simple réaction à chaud. Depuis que j'ai quitté Nanterre, beaucoup de contre-vérités ont d'ailleurs été déconstruites. Reste la justice… n'est pas un règlement de comptes, mais il contient le rappel d'éléments factuels et propose, outre une réflexion sur notre système judiciaire, de démanteler une série de «fake news». En la matière, j'ai été assaisonné. En quittant l'instruction, où tout le monde louait mes qualités, pour le ministère public, je serais devenu un séide du pouvoir. Car j'aurais été nommé à Nanterre par Nicolas Sarkozy afin de mettre sous le tapis les poussières peu reluisantes de «son» département, les Hauts-de-Seine, à commencer par le dossier Bettencourt, que j'aurais eu pour mission d'étouffer. Ces mensonges sont extrêmement blessants.
Ne me demandez pas, comme on l'a souvent fait, si je n'ai pas commis d'erreur dans ma vie, notamment professionnelle. Présentez-moi un homme qui n'a rien à regretter! Oscar Wilde avait joliment dit: «Si la vie avait une seconde édition, comme je corrigerais les épreuves!» Mais je vous assure que je n'ai pris aucune décision professionnelle dont ma conscience ait à rougir. Reste qu'il y a cinq ans, personne n'aurait entendu ma voix. L'entreprise de démolition de mon honneur, menée à l'époque, justifie que je la fasse entendre aujourd'hui.
Votre proximité supposée avec Nicolas Sarkozy a été mise en avant par vos adversaires. Ne regrettez-vous pas d'avoir accepté de le rencontrer à plusieurs reprises, et d'avoir ainsi pris le risque de voir mettre en cause votre indépendance, à tout le moins l'apparence de celle-ci?
Je n'ai jamais appartenu à un parti, à un syndicat, à un cabinet ministériel. Contrairement à celui qui m'a succédé à Nanterre [Robert Gelli, NDLR], dont la nomination a été revendiquée par François Hollande dans le livre Un président ne devrait pas dire ça (Stock) sans que, curieusement, cela suscite aucun commentaire indigné ou malveillant. J'ajoute que je n'ai jamais été condamné, pas plus que je n'ai fait l'objet de sanctions disciplinaires, ce que personne ne relève. Rencontrer le président de la République fait-il de vous quelqu'un qui met le genou à terre? Un magistrat doit-il s'interdire de discuter non pas de dossiers en cours, mais de sujets institutionnels, avec des responsables politiques de premier plan?
Mais cela peut se faire dans le cadre de réunions à plusieurs, moins sujettes à polémique que des tête-à-tête à l'Élysée…
Il est difficile pour moi de m'imaginer dans la peau d'un collabo. Le prénom que je porte est celui du frère de ma mère, résistant tué par les nazis. Je connaissais Nicolas Sarkozy depuis une dizaine d'années, ce que je n'ai jamais caché à la presse. Nous n'allions pas nous retrouver secrètement dans des caves!
N'étiez-vous pas flatté d'être ainsi reçu par le chef de l'État?
J'avais déjà passé l'âge, à l'époque, de céder à l'ivresse du miroir aux alouettes.
Nicolas Sarkozy a traité les magistrats de «petits pois», François Hollande, dans l'ouvrage que vous avez cité, fustige «une institution de lâcheté». Comment expliquez-vous ce mépris partagé par les deux anciens chefs de l'État?
Je ne le comprends pas. «Petits pois» était évidemment une expression déplacée, de même que François Hollande a commis une erreur en prononçant ce propos. Historiquement, les rapports entre la politique et la justice sont compliqués, cette dernière n'a pas toujours été indépendante. Je vous rappelle que tous les magistrats avaient prêté serment à Pétain, sauf un. Il y a un problème de maturité de chacune des deux autorités vis-à-vis de l'autre.
L'affaire Bettencourt, écrivez-vous, met en exergue les frontières mal définies entre la justice et la morale: n'est-ce pas,de plus en plus, une source de dérive?
Une forme d'inquisition médiatique exige des coupables désignés par elle-même, avant que la justice n'ait le temps de se prononcer. Il est plus difficile, dans ce contexte, de prendre des décisions techniques, exclusivement fondées sur des éléments juridiques. D'où une tentation, qui peut exister chez des magistrats, de se transformer en justiciers. Il faut se garder de telles dérives. L'affaire dite du «Carlton de Lille», dans laquelle Dominique Strauss-Kahn a été relaxé, illustre, elle aussi, la problématique de la morale infiltrée dans le judiciaire.
Lorsque vous dirigiez le parquet de Nanterre, avez-vous vu monter le péril islamiste dans certaines cités de votre ressort?
Oui. Mais on n'en était encore qu'aux prémices, avec quelques associations à l'œuvre. Les attentats fondateurs ont été ceux de Mohamed Merah, à Toulouse, en 2012.
Avec le recul, avez-vous préféré être juge ou procureur?
Le ministère public est le défenseur de l'intérêt général ; c'est un travail d'équipe. Le juge d'instruction est un homme seul, un passeur ; il compose une partition qui sera interprétée par d'autres, à l'audience. Les deux fonctions sont passionnantes. Lorsqu'on est magistrat, quel que soit son poste, on ne traite pas des dossiers, mais des destins.
Vous avez fait l'objet d'attaques personnelles inhabituelles pour un magistrat: y a-t-il quelque chose que vous ne pourrez pas pardonner?
Lorsque j'étais dans la tourmente, j'ai reçu une nuit un appel téléphonique m'informant de la mort d'un oncle dont j'étais très proche. Pour me rendre à son chevet, j'ai quitté discrètement mon appartement, où j'étais seul avec l'une de mes filles. Lorsque celle-ci s'est réveillée, ne me voyant pas, elle a frappé à ma porte, puis elle est entrée dans ma chambre, a vu le lit défait et la fenêtre ouverte: elle s'est précipitée pour voir si je ne m'étais pas défenestré. Je ne pardonnerai jamais aux responsables de cette bouffée d'angoisse qui a envahi ma fille.
Vous racontez dans votre livre un voyage à haut risque en Irak, où vous avez entendu Tarek Aziz (ex-ministre des Affaires étrangères de Saddam Hussein) détenu, dans le cadre d'une instruction. Quel a été l'endroit le plus dangereux où vous avez exercé: Bagdad ou Nanterre?
Sans hésitation, Nanterre!

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Dubaï : l'histoire secrète de l'évasion manquée d'une princesse (12.04.2018)

Fille de Mohammed Ben Rachid Al Maktoum, gouverneur de Dubaï, Latifa Al Maktoum a tenté de fuir le régime avec l'aide d'un ancien espion français, Hervé Jaubert. - Crédits photo : Capture d'écran YouTube
International | Par Amel Charrouf
Publié le 12/04/2018 à 16h35
S'estimant privée de liberté, la princesse émiratie Latifa Al Maktoum a tenté de fuir en yacht de Dubaï. Une évasion ratée organisée par un ex-espion français, Hervé Jaubert, qui témoigne pour Le Figaro.
C'est l'histoire extravagante d'une rencontre entre l'une des filles de l'émir de Dubaï, la princesse sheikha Latifa, un ex-agent secret de la DGSE reconverti en entrepreneur, Hervé Jaubert, et une professeure de fitness finlandaise, Tiina Jauhiaien.
L'affaire commence par une vidéo sur YouTube de 40 minutes postée le 9 mars dans laquelle la jeune femme âgée de 33 ans explique qu'elle est l'une des (nombreuses) filles de Mohammed Ben Rachid Al Maktoum, gouverneur de Dubaï, vice-président, premier ministre et ministre de la défense des Émirats Arabes Unis (EAU). Copie de Passeport et carte d'identité à l'appui, elle affirme que son père la détient contre son gré dans sa ville natale et déplore le fait d'être privée de liberté. Elle accuse également l'homme fort de Dubaï de divers crimes.
Latifa raconte aussi comment une de ses sœurs, Shemsa, aurait été séquestrée pendant des années dans un building appelé khaima (tente en arabe). Elle aurait subi des mauvais traitements et aurait été droguée au point de devenir méconnaissable. La princesse Latifa dit avoir subi le même sort lors de sa première tentative de fuite dans les années 2000. Depuis, ses faits et gestes étaient scrutés par des agents de l'État, elle ne pouvait ni conduire, ni voyager, elle décide donc de s'enfuir à nouveau.
Attaqués par un commando en Inde
Son départ, elle l'organise en secret avec l'aide d'Hervé Jaubert, 62 ans, un ami de longue date. L'ancien officier de renseignement avait ouvert à Dubaï une société de sous-marins touristiques en association avec un riche Emirati à Dubaï, mais l'alliance avait mal tourné. En 2009, Hervé Jaubert s'était «auto-exfiltré». Il avait tiré de sa mésaventure un livre: Évadé de Dubaï.
Contacté par téléphone par Le Figaro, Jaubert confirme: «Je connais Latifa depuis 8 ans, du temps où je travaillais aux Émirats. C'est elle qui m'a contacté, car elle avait entendu parler de mon livre. Elle pensait que je pouvais l'aider à s'enfuir grâce à ma propre expérience ; j'ai décidé de l'aider par amitié, je n'ai reçu aucune contrepartie financière».
«On m'a enfermé dans une prison secrète, seul. La princesse Latifa a été immédiatement séparée de nous dès l'attaque en Inde, où elle espérait obtenir l'asile politique»
Hervé Jaubert
Le 24 février, la princesse et son amie finlandaise quittent Dubaï clandestinement à bord du yacht d'Hervé Jaubert immatriculé aux États-Unis. «Tout allait bien jusqu'à notre arraisonnement dans les eaux internationales au large de l'Inde par la marine indienne» raconte-t-il. «Ce n'était pas une arrestation mais un kidnapping. C'était une attaque par surprise de type militaire. Un commando est monté à bord, on nous a menottés, puis battus. J'ai été blessé à la tête d'un coup violent, je suis toujours sous surveillance médicale».
Le trio ainsi que l'équipage philippin du yacht nommé Nostromo sont ramenés aux Émirats contre leur gré. «J'avais une cagoule, j'étais menotté, j'ai découvert par la suite que le yacht a été remorqué jusqu'à Fujairah, une base militaire des Émirats» confie Hervé Jaubert . «On m'a enfermé dans une prison secrète, seul. La princesse Latifa a été immédiatement séparée de nous dès l'attaque en Inde, où elle espérait obtenir l'asile politique. Tiina Jauhiaien était dans la même prison que moi, selon ses descriptions de l'endroit mais nous n'avions aucun contact».
«Je n'ai aucune nouvelle de Latifa»
Hervé Jaubert
Hervé Jaubert dit ne pas avoir subi de violence durant son séjour en prison. Il a été relâché le 20 mars ainsi que sa complice finlandaise après quinze jours de détention. «Les autorités m'ont confirmé que je n'ai commis aucune infraction des lois internationales, mais que l'aide que j'avais apportée à Latifa violait les lois musulmanes». L'ex-agent secret français estime que «la vidéo de la princesse, enregistrée avant son évasion, puis diffusée sur les réseaux sociaux quelques jours après le kidnapping, a changé la donne». «J'ai compris qu'elle leur posait un sérieux problème et qu'ils étaient obligés de nous laisser partir» dit-il.
Nul ne semble savoir où se trouve actuellement la princesse Latifa. «Je n'ai aucune nouvelle de Latifa, je pense qu'elle a été placée sous sédatif avec un personnel médical qui la surveille» commente Hervé Jaubert qui doit donner une conférence de presse ce vendredi à Londres.

«Démocratie illibérale» : ce que Viktor Orban a voulu dire (12.04.2018)

Viktor Orban à Budapest, le 10 avril. - Crédits photo : ATTILA KISBENEDEK/AFP
Vox Politique | Par Georges Karolyi
Publié le 12/04/2018 à 09h56
FIGAROVOX/TRIBUNE - Après la large victoire du parti de Viktor Orban aux législatives, Georges Karolyi, ambassadeur de Hongrie en France répond à une critique souvent adressée à Budapest.

- Crédits photo : Clairefond
Les Hongrois ont voté. Ils ont largement reconduit la majorité sortante, en dépit de l'incroyable déferlement médiatique, dont le thème quasi unique consistait à présenter le gouvernement du pays comme l'infréquentable partisan d'un«illibéralisme» qui devait être combattu par tous les moyens. On n'hésite pas à associer ce terme à la Hongrie au motif que le «chantre»(sic) de la «démocratie illibérale» ne serait autre que son premier ministre, M. Viktor Orban.
Les professionnels du dénigrement de la Hongrie - entraînant avec eux la cohorte des suiveurs qui n'ont pas cherché à en savoir plus - ont foncé tête baissée et se sont empressés de se méprendre sur ce que M. Orban avait voulu dire dans un fameux discours qu'il a prononcé l'été 2014, où il a employé les mots de «démocratie illibérale». Pour eux, il était clair que cette déclaration signait la fin des libertés publiques en Hongrie et justifiait tous les quolibets que l'on pouvait désormais déverser sur le pays à tour de bras sans crainte d'être inquiété. Sauf que ce n'est pas ce que le premier ministre de notre pays a voulu dire.
M. Orban est un dirigeant politique pragmatique et responsable, doté d'une vision d'avenir, qui a analysé la situation de son pays depuis la transition démocratique de 1990, et en a tiré des conclusions. Pour porter sur ce sujet délicat un jugement crédible, il faut prendre la peine de lire, avec un minimum de volonté de comprendre, le long discours qu'il a prononcé le 26 juillet 2014.
Dans son allocution, M. Orban rappelle qu'au moment de la transition de 1990 la Hongrie s'est ouverte avec enthousiasme au modèle démocratique occidental marqué par le libéralisme. Notre pays attendait de ce modèle qu'il règle les immenses problèmes légués par quarante-cinq ans de communisme et d'occupation soviétique.
Depuis, cependant, le monde a changé. La crise financière de 2008 est passée par là. La Hongrie a connu des déconvenues à mettre au débit du système économique ultralibéral qu'elle avait adopté dans les années 1990. Il convenait donc de réactualiser nos repères.
Ceux qui ont eu le bonheur de grandir dans le libéralisme se sont tellement convaincus de leur bon droit que plus personne n'est disposé à reconnaître la limite où commence le bon droit de l'autre
Orban déclarait ainsi, dans son discours: «L'organisation libérale de la société […] se fonde sur le principe que tout ce qui ne porte pas atteinte à la liberté d'autrui est permis. C'est sur ces principes que se sont bâties les vingt années de la vie hongroise d'avant 2010, qui n'était autre, du reste, que l'acceptation du principe général en vigueur en Europe occidentale. Mais nous avons eu besoin de vingt ans pour constater […] que si c'est là en soi une idée éminemment attrayante, l'on ne sait en revanche absolument pas qui va dire à partir de quand quelque chose porte atteinte à ma liberté […]. Et puisque personne n'a été désigné pour le faire, nous avons constaté […] que c'est le plus fort qui finit par décider […]. Les conflits liés à la reconnaissance mutuelle de la liberté de chacun ne se règlent en effet pas sur la base d'un quelconque principe abstrait d'équité ou de justice, car dans les faits c'est toujours le plus fort qui a raison.»
Ceux qui ont eu le bonheur de grandir dans le libéralisme se sont tellement convaincus de leur bon droit que plus personne n'est disposé à reconnaître la limite où commence le bon droit de l'autre. C'est contre les dérives qui en résultent, contre les excès d'un libéralisme sauvage qui menace les franges les plus fragiles de nos sociétés, qui les conduit à perdre confiance dans leurs gouvernants et les pousse vers les extrêmes, que M. Orban s'est élevé.
«Le nouvel État que nous bâtissons en Hongrie, […] un État “non libéral” […], ne nie pas les valeurs de base du libéralisme»
Viktor Orban
Je ne vois pas qui peut s'en offusquer. Pour y porter remède, l'État doit prendre ses responsabilités et appliquer le principe de base de l'État de droit, selon lequel tout droit s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Il n'y a pas de droit illimité. Cela vaut pour les relations entre les individus comme pour les relations entre les États. Voilà ce que M. Orban a voulu dire, et rien d'autre.
Le premier ministre a pris soin d'ajouter, à l'intention de ceux qui n'auraient toujours pas compris, que «le nouvel État que nous bâtissons en Hongrie, […] un État “non libéral” […], ne nie pas les valeurs de base du libéralisme, telles que la liberté et d'autres que je pourrais citer, mais il ne met pas cette idéologie au centre de l'organisation de l'État».
C'est le libéralisme incontrôlé qui détruit les libertés publiques, pas M. Orban. Nous sommes loin de l'interprétation apocalyptique que certains se plaisent à donner des propos du premier ministre hongrois. L'État de droit est le garant d'un libéralisme responsable. Il n'est pas un martinet que l'on brandit pour morigéner ceux qui ne pensent pas comme soi.
Ne l'oublions pas lorsque nous réfléchissons ensemble à l'édification d'une Europe forte et protectrice, mais en même temps apaisée et réconciliée avec elle-même.

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Moscou protège Assad face à des frappes américaines (11.04.2018)

Au côté de Bachar el-Assad, Vladimir Poutine assiste à une parade des forces syriennes sur la base militaire russe d'Hmeimim, en décembre 2017. - Crédits photo : MIKHAIL KLIMENTYEV/AFP
International | Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 11/04/2018 à 19h46
L'ambassadeur russe au Liban menace d'abattre les missiles que Trump promet de lancer contre Damas.
«La vie est normale à Damas, mes enfants viennent de rentrer de l'école à l'instant», confiait Abdallah, un habitant de la capitale syrienne, joint au téléphone mercredi après-midi. Mais rapidement dans la conversation l'inquiétude perce. «Bien sûr qu'on a vu les tweets de Trump, ajoute ce commerçant, mais on a vu aussi l'intervention de l'ambassadeur russe sur une télé libanaise» qui menace «d'abattre les missiles» américains. «Alors en cas de confrontation entre Américains et Russes, on va où? Vers la Troisième Guerre mondiale?»
Depuis lundi, les forces armées syriennes - du sud près de la Jordanie jusqu'à Alep au nord - ont été placées en état d'alerte dans les aéroports et les bases militaires. La plupart des bases aériennes - notamment celle de Doumair, près de Damas, d'où ont décollé les avions qui ont bombardé des semaines durant l'ex-fief rebelle de la Ghouta victime d'une attaque chimique - ont été vidées. Des avions militaires syriens ont également été transférés vers la base militaire russe de Hmeimim, près de Lattaquié. «Les Syriens ont cherché à mettre à l'abri leurs armes sophistiquées», confie un expert au Moyen-Orient.
«Les Russes ont rassuré le pouvoir syrien qu'ils répondront aux frappes»
Un responsable libanais, proche de Damas
Ces derniers jours, à mesure que la pression montait en provenance de Washington, Russes, Iraniens et Syriens ont renforcé leur coopération. Qassem Soleimani, le tout-puissant chef de la Force Al-Qods, bras armé de l'Iran hors de ses frontières, a été signalé en Syrie. Après un passage par Téhéran, l'émissaire de Vladimir Poutine pour la Syrie, Alexandre Lavrentieff, se serait également déplacé auprès d'Assad.
«Les Russes ont rassuré le pouvoir syrien qu'ils répondront aux frappes», affirme un responsable libanais, proche de Damas. Ces dernières semaines, Moscou avait déjà intensifié ses opérations de brouillage contre des drones américains qui survolaient la Ghouta pour recueillir du renseignement.
Autour de leurs bases, mais aussi près des zones les plus sensibles du régime, Moscou a déployé son arsenal de défense antiaérienne (missiles antimissiles S300FM, S400, BUK-M2E), et ce jusqu'au pourtour du palais présidentiel de Bachar el-Assad, sur le mont Qassioun, en surplomb de Damas, que le raïs a très certainement évacué. Où est-il? Dans sa maison, connue de tous, un peu plus bas dans un quartier plutôt aisé de Damas? Ou dans un refuge de substitution, comme bientôt de nombreux dignitaires. À l'est, dans le désert, près de la frontière irakienne, des combattants libanais du Hezbollah ont, eux aussi, évacué leurs positions. Comme les quelque 2000 conseillers militaires iraniens, ils sont une cible pour Donald Trump, résolu à «rogner les ailes» de Téhéran hors de ses frontières.
«Est-ce que Assad est sur la liste?»
«Les Russes, ajoute l'expert libanais, feront tout pour faire échouer les frappes américaines. S'il s'agit seulement de quelques missiles tirés sur des sites chimiques, cela passera. Mais si les Américains s'en prennent aux fondements du régime en frappant des ministères, des centres de communication ou de commandement de l'état-major, alors là ça deviendra plus problématique. Et puis est-ce que Assad est sur la liste?» Emmanuel Macron, prudent mardi soir, a dit que non. Mais qu'en pense Donald Trump? Autant d'interrogations lourdes de dangers, avant d'éventuelles frappes. «Frapper mais pour faire avancer quelle opposition?, se demande un enseignant, joint sur Twitter à Damas. Il n'y en a plus», près de la capitale.
«Il n'y a plus d'opposition, sauf au sud du pays et au nord à la solde de la Turquie. Les fruits de ces frappes vont profiter à qui ?»
Un enseignant de Damas
En 2013, lorsque François Hollande et Barack Obama menaçaient déjà de «punir» Assad après une frappe chimique contre la Ghouta, quelque 8000 rebelles, islamistes pour la plupart, se préparaient à entrer dans Damas. «Aujourd'hui, la Ghouta a été évacuée, il n'y a plus d'opposition, sauf au sud du pays et au nord à la solde de la Turquie. Les fruits de ces frappes vont profiter à qui?», s'interroge l'enseignant. La présence des militaires russes complique l'équation. «Les conseillers russes sont partout dans les structures militaires syriennes. On ne peut pas dire qu'on va frapper sans les viser», ajoute-t-il.
Outre la gestion du contingent iranien, la présence récente de Qassem Soleimani pourrait suggérer la préparation d'une riposte à des frappes occidentales. Les Iraniens et leurs relais ont les moyens de cibler des soldats américains en Irak et en Syrie. La semaine dernière, un militaire américain et un Britannique sont morts, lorsque leur convoi a sauté sur un engin explosif improvisé posé au sud de Manbij, où sont déployés des militaires américains. Selon l'universitaire Fabrice Balanche, deux autres scénarios de riposte à moyen terme sont plausibles: laisser le Hezbollah descendre au sud près de la frontière israélienne - ce que l'État hébreu redoute - et un déluge de feu syrien sur des positions rebelles.

Trump larguera des missiles «beaux et intelligents»
Le président américain a averti mercredi matin la Russie de frappes imminentes contre la Syrie, peu après que Moscou eut mis en garde contre tout acte pouvant «déstabiliser la situation déjà fragile dans la région».
Dans un tweet matinal, Donald Trump s'en est pris à la Russie, soutien indéfectible du régime de Bachar el-Assad, accusé d'être responsable d'une attaque chimique présumée près de Damas. «La Russie jure d'abattre n'importe quel missile tiré sur la Syrie. Que la Russie se tienne prête, car ils arrivent, beaux, nouveaux et “intelligents!” Vous ne devriez pas vous associer à un Animal qui Tue avec du Gaz, qui tue son peuple et aime cela», a menacé le président américain.
De son côté, le ministre américain de la Défense Jim Mattis s'est déclaré mercredi «prêt» à présenter des options militaires au président Donald Trump en représailles à l'attaque chimique présumée en Syrie. Il a néanmoins souligné que les États-Unis étaient «encore en train d'évaluer» les informations sur cette attaque pour pouvoir en faire assumer  la responsabilité au président Bachar el-Assad. La Russie se dit déterminée à «abattre» des missiles américains en cas de frappes, selon l'ambassadeur russe au Liban, Alexander Zasypkin.
La Russie dispose de deux bases dans l'ouest de la Syrie, celle  de Hmeimim où sont stationnés des avions de chasse et ses batteries antiaériennes, et celle de Tartous destinée aux forces navales mais qui dispose aussi de batteries de défense antiaérienne.

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 Journaliste 401 abonnés 
Grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient
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L'armée syrienne a repris toute la Ghouta orientale (12.04.2018)

Comme à Alep (photo), c'est la police militaire russe et non l'armée syrienne qui entre dans la ville reprise. - Crédits photo : VADIM SAVITSKY/AFP
International | Mis à jour le 12/04/2018 à 10h31
VIDÉO - La police militaire russe est rentrée dans la ville de Douma, la dernière zone où les rebelles n'avaient pas encore capitulé. En vertu d'un accord avec la Russie, les combattants de Jaïch al-Islam sont évacués vers le nord du pays tenu par des rebelles proturcs.
Les forces gouvernementales syriennes ont repris le contrôle de la totalité de la ville de Douma, dernier bastion que tenaient les rebelles islamistes de Jaïch al-Islam dans la région de la Ghouta orientale, rapportent les agences de presse russes citant un officier du ministère russe des Affaires étrangères.
La police militaire russe s'est déployée dans cette localité, indique l'agence de presse RIA citant le ministère russe de la Défense, jeudi. «Ils sont la garantie de la loi et de l'ordre dans la ville», a déclaré le ministère. L'accord conclu entre le groupe rebelle et la Russie prévoyait en effet que, dans un premier temps, seule la police militaire russe entrerait dans la ville et non l'Armée syrienne, cantonnée aux entrées de la ville. «La levée du drapeau de l'État sur un bâtiment de la ville de Douma marque le contrôle sur cette localité et de fait sur l'ensemble de la Ghouta orientale», a dit le général Iouri Ievtouchenko, chef du centre de paix et de réconciliation en Syrie.
L'armée syrienne et ses alliés russe et iranien avaient lancé une offensive au début du mois de février dans l'enclave de la Ghouta orientale, près de Damas. Après une intense campagne de bombardements qui s'est soldée par la mort de centaines de civils, une opération terrestre a été lancée. Mais comme pour de précédentes batailles du conflit syrien, ce sont finalement des accords entre la Russie et la rébellion qui ont accéléré la reprise de la Ghouta. Deux groupes rebelles - Ahrar al-Cham et Faylaq al-Rahmane - ont rapidement accepté de capituler en échange de leur évacuation vers Idleb, la dernière grande province syrienne aux mains des rebelles, en l'espèce djihadistes.
Accord d'évacuation et attaque chimique
Les rebelles de Jaïch al-Islam, opposés à Hayat Tahrir al-Cham, la coalition djihadiste qui contrôle Idleb, refusent en revanche un tel accord d'évacuation et résiste à Douma, qui devient, fin mars, la dernière ville de la Ghouta orientale non reprise par le gouvernement syrien. La Russie et Jaïch al-Islam concluent finalement un accord d'évacuation le 1er avril. Les rebelles islamistes n'iront pas à Idleb, mais à al-Bab et Jarabulus dans l'extrême-nord de la Syrie, dans une zone tenue par les rebelles proturcs, directement contrôlés par Ankara. Néanmoins, selon RFI, cet accord est refusé par une partie importante des combattants de Jaïch al-Islam, ce qui entraîne la reprise des combats. Finalement, le 8 avril, un nouvel accord est conclu, permettant l'évacuation des rebelles.
Le 7 avril, une attaque chimique aurait eu lieu à Douma, au moyen de chlore, mais aussi d'un produit innervant, bien plus toxique encore, d'après plusieurs vidéos publiées par l'ONG médicale SAMS (Syrian American Medical Society) et les Casques blancs syriens, ces secouristes qui opèrent en zones rebelles en Syrie et qui sont critiqués, entre autres, par la Russie. Moscou dénonce une «mise en scène». Dans la foulée, les pays occidentaux accusent le gouvernement syrien d'avoir utilisé une nouvelle fois des armes chimiques. Les États-Unis et la France envisagent, dans ce contexte, de lancer une campagne de frappes contre la Syrie.
(Avec agences)
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Syrie : «Pour peser, la France doit s'affranchir de l'alliance atlantique» (12.04.2018)

- Crédits photo : Ford Williams/AP
Vox Monde | Par Mezri Haddad
Publié le 12/04/2018 à 15h46
FIGAROVOX/TRIBUNE - Alors que la Maison-Blanche a engagé contre la Syrie et les Russes une rhétorique particulièrement belliqueuse, Mezri Haddad implore la France de résister à la tentation de rentrer dans une guerre dont les enjeux ne semblent profiter qu'aux États-Unis.

Ancien ambassadeur de la Tunisie auprès de l'Unesco, Mezri Haddad est philosophe et président du Centre international de géopolitique et de prospective analytique (Cigpa). Il est l'auteur d'essais sur la réforme de l'islam.

«La première victime de la guerre, c'est la vérité», disait Kipling. Si toutes les guerres sont par définition même sales et destructrices, celle qui a été livrée à la Syrie, et que certains veulent relancer et porter à son paroxysme aujourd'hui, est particulièrement nauséabonde, injuste et absurde. Elle restera dans les annales des grands conflits mondiaux, avec néanmoins ce constat hallucinant: si la dernière guerre mondiale a opposé les démocraties aux totalitarismes, les valeurs humanistes à l'abjection nazie, celle dont on parle aujourd'hui a réunie dans une même coalition la barbarie et la civilisation, le monde dit libre aux forces les plus obscurantistes, l'atlantisme à l'islamisme, pour abattre le «régime de Bachar», comme ils disent.
Dans l'euphorie d'un «printemps arabe» qui était dès ses premiers balbutiements en Tunisie un hiver islamo-atlantiste, tout a été implacablement déployé pour déstabiliser un pays qui n‘était sans doute pas un modèle de démocratie, mais qui connaissait depuis juillet 2000 de profondes et graduelles réformes politiques, sociales et économiques, louables et intrinsèquement libérales, de l'aveu même de Nicolas Sarkozy, qui avait invité à l'époque (2008) le jeune Président syrien au défilé du 14 juillet.
Si toutes les guerres sont par définition même sales et destructrices, celle qui a été livrée à la Syrie est particulièrement nauséabonde, injuste et absurde.
Tout a été déployé, y compris cette arme de guerre redoutable et particulièrement détestable, la désinformation, avec son cortège de mensonges éhontés, de manipulations des masses, de subversions des mots. Dans cette diabolisation systématique de l'ennemi et victimisation de l'ami, l'État syrien est ainsi devenu le «régime de Bachar», l'armée arabe syrienne régulière est devenue «milice d'Assad», les terroristes sont devenues les «rebelles» ou l'«armée syrienne libre», Bachar Al-Assad s'est transformé en «tyran sanguinaire qui massacre son peuple», et les hordes islamo-fascistes, d'Al-Qaïda jusqu'à Daech, se sont métamorphosées en «combattants de la liberté» voire même en «défenseurs des droits de l'homme»…
Rien ne pouvait justifier un tel aveuglement. Ni l'idéal démocratique auquel aspire effectivement le peuple syrien. Ni la question des droits de l'homme que le monde libre a certainement le devoir moral de défendre partout où ses droits sont malmenés. Ni le contrat à durée indéterminée entre l'émirat du Qatar et la République sarkozienne! Ni même les prétendues attaques chimiques syriennes, qui étaient à la diplomatie française et à ses relais médiatiques ce que les armes de destruction massive furent à la propagande anglo-américaine, lors de la croisade messianiste contre l'Irak dont on connaît la tragédie et le chaos depuis. Dans ses mémoires, l'honnête homme Colin Powell, avoue regretter jusqu'à la fin de sa vie son discours devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. Un autre discours, devant la même instance onusienne, restera, lui, dans l'Histoire: celui de la France égale à elle-même et fidèle à ses valeurs universelles, magistralement lu par Dominique de Villepin. Son successeur à la tête de la diplomatie française, qui se félicitait du «bon boulot» que le front Al-Nosra faisait en Syrie, ne peut pas en dire autant.
Faute d'une vision stratégique et géopolitique à la hauteur des enjeux cruciaux qui se dessinaient et d'une accélération de l'Histoire qui déroutait, la France sarko-hollandienne a eu une politique autiste, aveugle et inaudible qui ridiculisait le pays de De Gaulle auprès des instances onusiennes et même aux yeux de la puissance américaine qu'elle entendait servir avec encore plus de servitude que la couronne britannique ; une politique qui positionnait la France en ennemi formel d'une amie potentielle -la Russie-, en l'extirpant d'un Moyen-Orient où sa voix portait et son rôle pesait…jadis et naguère. Plus troublant encore, cette politique qui ne manquait pas de machiavélisme suscitait des doutes quant à la volonté réelle du gouvernement français de mener une guerre globale et sans pitié contre l'islamo-terrorisme, qu'il se fasse appeler Daech, Al-Qaïda ou Al-Nosra, rebaptisé pour la circonstance Fatah Al-Sham. À l'inverse de l'ancien chef de la diplomatie française pour lequel «Bachar el-Assad ne mérite pas d'être sur terre» et «Al Nosra fait du bon boulot», Vladimir Poutine a eu le mérite de la cohérence et de la constance: «on ira les buter jusque dans les chiottes», promettait-il en septembre 1999, lorsqu'il n'était encore que le premier ministre de Boris Eltsine. En France, les fichés S sont présupposés innocents jusqu'à leur passage à l'acte!
Le jusqu'au-boutisme droit-de-l'hommiste, l'humanisme à géométrie variable, l'homélie de l'islamisme «modéré», le manichéisme simpliste qui réduit un conflit géostratégique majeur à un affrontement entre le bien (Al-Qaïda et ses métastases) et le mal (le régime de Bachar al-Assad et ses alliés) ne peuvent plus dissimuler l'alliance objective entre le monde dit libre et les hordes barbares de l'obscurantisme islamiste. Contrairement à la propagande politique, la tragédie qui se joue en Syrie n'oppose pas un «animal qui massacre son peuple» -comme vient de le tweeter le très diplomate Trump- à des gladiateurs de la liberté qui n'aspirent qu'à la démocratie, mais un État légal et même légitime, à des hordes sauvages et fanatisées, galvanisées par ceux-là mêmes qui avaient ordonné les plus ignobles actions terroristes dans les capitales européennes. Cette tragédie se joue entre un État reconnu par les Nations Unies, qui entend reconquérir jusqu'à la dernière parcelle de son territoire tombé sous le joug totalitaire et théocratique des «islamistes modérés», et des djihadistes sans scrupule qui se servaient des civils d'Alep, de Ghouta et aujourd'hui de Douma comme de boucliers humains. Pas plus qu'à Al-Ghouta hier, quel intérêt pour le «régime de Bachar» de bombarder aux armes chimiques une ville, Douma en l'occurrence, quasiment libérée des mains criminelles des islamo-fascistes? Les crimes de guerre imputés à Bachar dans cette ville raisonnent comme le requiem bushéen «Saddam possède des armes de destruction massive» et comme son futur refrain sarkozien, «éviter un bain de sang à Benghazi»!
Comme l'URSS pourtant stalinienne de 1945, la Russie est aujourd'hui du bon côté de l'Histoire. N'en déplaise aux petits stratèges londoniens de l'affaire Skripal et autres russophobes primaires figés dans les eaux glaciales de la guerre froide, Vladimir Poutine a fait les bons choix stratégiques et géopolitiques. Plus insupportable encore pour les avocassiers de la civilisation et les zélotes des droits de l'homme…islamiste, il a été le seul défenseur des valeurs occidentales…en Syrie.
Comme l'URSS pourtant stalinienne de 1945, la Russie est aujourd'hui du bon côté de l'Histoire.
De cette guerre lâche de l'islamo-atlantisme contre la Syrie, la Russie est sortie victorieuse. Même si l'État et le peuple syriens souffriront encore du terrorisme résiduel, comme beaucoup d'autres pays, y compris la France, le pays de Bachar a gagné cette guerre non conventionnelle et par terroristes et mercenaires interposés qu'on lui a livrée huit années durant.
Dans un communiqué officiel de la Maison blanche, c'est-à-dire un tweet matinal, le président américain a menacé la Russie de ses missiles «beaux, nouveaux et intelligents», et d'ajouter dans un second «communiqué» que «notre relation avec la Russie est pire aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été, y compris pendant la Guerre froide». Pour une fois, Donald Trump a parfaitement raison: la situation actuelle est plus grave que la crise des missiles de Cuba en 1962. Et elle l'est d'autant plus que c'est précisément lui qui gouverne aujourd'hui les USA et non guère un Kennedy, qui a su trouver à l'époque un modus vivendi avec Khrouchtchev, évitant ainsi pour les deux pays et pour l'humanité le pire.
Plutôt que de céder à l'hybris washingtonien, de s'aliéner aveuglément sur l'hyperpuissance américaine, comme la qualifiait Hubert Védrine, de guerroyer avec un Donald Trump imprévisible, volatile et inconscient du chaos qu'il peut provoquer dans la poudrière moyen-orientale, voir d'un conflit mondial, la France doit au contraire répondre à sa vocation de puissance souveraine et modératrice. L'occasion se présente au pays de Macron de reconquérir sa position dans cette partie du monde, de s'affranchir d'une alliance atlantique aux ennemis anachroniques et à la doctrine désuète, de retrouver sa singularité gaullienne. L'avenir de la France au Proche-Orient et dans le monde en général peut se redéployer cette fois-ci avec un sens aigu du pragmatisme, du réalisme et des intérêts mutuels bien compris. Il ne s'agit donc ni d'idéalisme, ni de fraternité, ni d'éthique, ni d'humanisme, ni même de «politique arabe de la France». Il s'agit essentiellement de realpolitik et d'intérêts réciproques euro-arabes d'une part et euro-russes d'autre part: primo le combat commun contre le terrorisme islamiste qui a saigné la Syrie pour ensuite, tel un boomerang, meurtrir la France ; secundo la relance de l'Europe voulue par les Européens sans la feuille de route américaine et avec un bon voisinage du puissant russe ; tertio la reconstruction d'un pays dévasté, non point par huit années de «guerre civile», mais par une guerre lâche et sans nom, livrée par des mercenaires recrutés des quatre coins du monde, ceux-là mêmes qui se sont retournés contre leurs alliés objectifs et conjoncturels, notamment à Londres, à Barcelone, à Paris, à Nice et récemment dans l'Aude.
Avec la nouvelle géopolitique qui se trame au Proche-Orient et les périls terroristes qui menacent la région et l'ensemble du monde, la nouvelle élite dirigeante française a forcément un rôle à jouer. Parce que ses liens avec la Syrie sont historiques autant que ses relations avec la Russie, la France doit pouvoir encore jouer ce rôle conforme à ses valeurs universelles et compatibles avec ses intérêts nationaux. Et si, à l'instar de Theresa May, qui a besoin de la fuite Skripal pour colmater la brèche du Brexit, et de Donald Trump, qui a toutes ses raisons de provoquer un conflit mondial pour se débarrasser de la vodka russe qui empoisonne sa présidence -la supposée ingérence de Moscou dans les élections américaines-, Emmanuel Macron n'a nul besoin d'impliquer la France dans un conflit qui n'est pas le sien et dont on ne conjecture pas encore les effets planétaires.
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Frappes en Syrie : pourquoi punir Bachar el-Assad n'est pas une si mauvaise idée (12.04.2018)

Bachar el-Assad en mars 2018. - Crédits photo : HO/AFP
Vox Monde | Par Antoine Viktine
Publié le 12/04/2018 à 15h48
FIGAROVOX/TRIBUNE - Antoine Viktine considère que les attaques chimiques menées par le régime de Damas, si elles sont confirmées, constituent un défi adressé aux Occidentaux. À ce titre, elles appellent selon lui une réponse mesurée, dont l'objectif sera de rappeler à la Syrie les lignes rouges à ne pas franchir.

Antoine Vitkine est journaliste, auteur du documentaire «Bachar. Moi ou le chaos» diffusé sur France 3 en 2017.

2018 n'est pas 2013. En août 2013, lorsqu'en bombardant à l'arme chimique un faubourg de Damas, le régime syrien avait franchi la «ligne rouge» édictée un an auparavant par Barack Obama, la situation en Syrie était bien différente. Le régime était alors extrêmement affaibli et l'opposition armée, contrôlant plus de la moitié du pays, se trouvait aux portes de Damas. La crainte d'une intervention poussait alors de nombreux officiers loyalistes à envoyer précipitamment leurs familles au Liban. Dès lors, dans l'esprit d'Obama et des dirigeants occidentaux, existait une crainte: que des frappes, même limitées, constituent l'élément déclencheur de la chute du régime. Cette chute, nul ne pouvait en être certain, mais justement cette incertitude était paralysante. Depuis l'Irak et la Libye, chacun était conscient qu'il fallait éviter de susciter l'effondrement d'un État sans être capable de garantir une alternative. De surcroît, la dimension confessionnelle faisait craindre une aggravation de la guerre civile et la forte présence des islamistes au sein de l'opposition conduisait à la prudence. Enfin, il fallait éviter de mettre en péril le délicat accord nucléaire avec l'Iran, accord visant à éviter le scénario cauchemardesque d'un Moyen Orient nucléarisé.
Aujourd'hui, la situation est bien différente: avec l'aide de l'Iran et surtout avec le soutien, déterminant, de la Russie, le régime de Bachar El Assad est parvenu à reprendre une majeure partie du territoire syrien et ne parait plus - pour l'heure - en danger.
Les attaques à l'arme chimique, rappelons-le, font bien moins de victimes civiles que les bombardements indiscriminés ou même que les terribles prisons du régime. Mais leur utilisation, aux effets particulièrement révoltants, est interdite et constitue un crime de guerre.
Dès lors que les faits seront suffisamment établis, des frappes militaires ne devraient pas soulager à bon compte les bonnes consciences mais répondre à deux objectifs.
Premièrement, elles devraient être suffisamment fortes pour qu'elles soient ressenties comme telles: une punition. Une punition suffisamment coûteuse pour dissuader le régime de continuer à employer ces armes. Le choix des cibles est un élément crucial, à l'aune duquel une intervention devrait être jugée. Il s'agit de frapper durement l'appareil politico-militaire syrien, sans toutefois modifier le rapport de force avec ses opposants, puisque là n'est pas l'enjeu. Il s'agit également, en frappant durement, de limiter le risque - réel - d'engrenage et d'escalade. Si, au lendemain de frappes, le régime estimait pouvoir de nouveau utiliser des armes chimiques, il y aurait là une situation périlleuse. Quelle serait alors la réaction occidentale? Frapper, de nouveau? Et jusqu'à quand? Il faut donc se donner les moyens de remporter ce qui s'apparente à un bras de fer et pourrait devenir un piège, en limitant strictement les enjeux politiques et militaires de l'intervention, mais en se gardant de toute action qui serait trop symbolique.
Dans un monde dangereux où les rapports de force sont la norme, des frappes seraient un signal important.
Deuxièmement, des frappes permettraient aux États-Unis, à la France et aux États qui se joindraient à eux, en faisant respecter une «ligne rouge» plusieurs fois rappelée, de démontrer qu'ils tiennent leur parole et qu'ils sont capables de s'en donner les moyens. Dans un monde dangereux où les rapports de force sont la norme, ce serait un signal important.
Car, ne nous y trompons pas: si le processus de décision exact demeure opaque, ces attaques chimiques répétées (celle du 7 avril 2018 n'étant que la dernière d'une bien longue série) sont des défis adressés aux Occidentaux. Par Assad et les siens, certes. Mais aussi par Poutine qui n'a pas tenu sa promesse d'éliminer l'arsenal chimique du régime en 2013, sans qui pas un avion ne décolle en Syrie et qui observe avec attention la réponse d'Occidentaux dont il n'a de cesse de tester la résolution.
Parce que la guerre en Syrie est autant locale et régionale que globale, ces possibles frappes contre le régime Assad deviennent un nouvel épisode dans le bras de fer engagé depuis plusieurs années avec la Russie de Poutine. Dès lors, il s'agit de doser le message envoyé et d'éviter une escalade militaire avec une Russie volontiers agressive. Non par principe: mais parce que, pour mener un conflit, il faut le faire sur un terrain favorable, avec des buts de guerre cohérents et un intérêt national clair et parce que les Occidentaux sont incapables de proposer, pour le moment, une solution alternative en Syrie, hormis pousser à un respect minimal des règles humanitaires - ce qui, entre autres, est en jeu en ce moment - ou encourager une hypothétique négociation politique - dans laquelle la Russie se trouverait être un acteur incontournable.
Ces attaques chimiques répétées sont des défis adressés aux Occidentaux.
Se pose également la question du format de l'intervention. Alors que l'Arabie Saoudite offre de s'impliquer, la régionalisation est une idée risquée. En principe, elle reviendrait à éviter que l'opération apparaisse comme étant uniquement occidentale. Vieux complexe post-colonial. Dans les faits, elle revient à prendre parti aux côtés d'États qui sont des acteurs du conflit régional qu'est - aussi - la guerre en Syrie. Les frappes devraient rester punitives, dissuasives, au nom du droit et de la morale humanitaire. Pas plus, pas moins. Intervenir avec l'aide, même symbolique, des Saoudiens, voire des Qataris, ce serait reproduire un front désormais dépassé depuis 2011-2012, lorsqu'États arabes sunnites du Golfe, Turquie et puissances occidentales soutenaient l'opposition à Assad.
Des frappes aériennes ne mettront certes pas fin au drame syrien. Inutile de se bercer d'illusions, l'Occident a perdu la main en Syrie, si tant est qu'elle ne l'ait jamais eu. Il faut accepter cette réalité: nous, les Occidentaux, ne sommes pas omnipotents. Le sort de la Syrie ne dépend pas de nous, de nos actions comme de nos inactions. La guerre en Syrie a une dynamique qui nous échappe. En revanche, les Occidentaux ont, entre les mains, une occasion de punir un régime coupable de crimes de guerre et d'envoyer un message qui sera entendu.
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Que risque vraiment Facebook ?  (12.04.2018)

Manifestation lors de l'audition de Mark Zuckerberg. - Crédits photo : WIN MCNAMEE/AFP
Tech & Web | Par Lucie Ronfaut
Mis à jour le 12/04/2018 à 11h18
DÉCRYPTAGE - Le scandale Cambridge Analytica est-il une tempête dans un verre d'eau ou Facebook risque-t-il de boire la tasse ? Depuis un mois, l'entreprise de Mark Zuckerberg est attaquée de tous les côtés, dans les médias, sur les marchés et par différentes autorités. Est-elle vraiment en danger ?
• Des performances financières peu affectées
Facebook doit présenter ses résultats financiers pour le premier trimestre de l'année le 25 avril. D'ici là, seuls quelques indices peuvent laisser deviner les effets de l'affaire Cambridge Analytica. Malgré une campagne en ligne appelant les utilisateurs à quitter Facebook, peu ont sauté le pas. Et Facebook n'a pas l'intention de bouleverser le cœur de son modèle économique. Le 29 mars, le groupe a annoncé qu'il mettait fin à ses partenariats avec sept agrégateurs de données, utilisés pour nourrir sa base d'informations sur les internautes venant d'entreprises intermédiaires. Cette annonce, symbolique, ne touche néanmoins qu'un seul produit publicitaire du réseau social. Les deux autres restent inchangés. Facebook continue toujours à récolter des données très précises, et précieuses, sur ses utilisateurs. Le plus gros risque encouru par le réseau social est sa position sur les marchés financiers. L'action de Facebook a chuté de 17 % en un mois. Elle reste tout de même plus élevée qu'il y a un an.
• Des autorités remontées
Aux États-Unis, Facebook affronte le courroux de plusieurs institutions. La FTC, l'agence indépendante du gouvernement américain chargée de faire respecter le droit des consommateurs, a ouvert une enquête. Elle souhaite en premier lieu vérifier le respect d'un accord signé avec le réseau social en 2011.
Plusieurs textes ou propositions de loi fédérale font peser de plus en plus de responsabilité sur les géants du Web
Ce dernier devait garantir le recueil du consentement des utilisateurs au travers d'une communication «claire et proéminente», en cas d'exploitation de leurs données. Des promesses potentiellement brisées par l'affaire Cambridge Analytica. La FTC peut infliger une amende maximum de 41.484 dollars par «violation» constatée au Federal Trade Commission Act, qui punit «les pratiques trompeuses» des entreprises, après la deuxième infraction. Elle est libre de choisir ce qui constitue une «violation». Il pourrait s'agir de chaque personne dont le compte a été touché par cette affaire, c'est-à-dire 71 millions de comptes aux États-Unis. Un chiffre potentiellement multiplié par le nombre d'années qui se sont écoulées avant que le scandale ne soit révélé au public, entre 2014 et 2018. L'amende pourrait être potentiellement très élevée et pourrait affecter la solidité financière du groupe. Surtout, Facebook pourrait affronter une législation plus restreinte aux États-Unis, pays qui a jusqu'ici plutôt privilégié l'autorégulation des plateformes en ligne. Néanmoins, plusieurs textes ou propositions de loi fédérale font peser de plus en plus de responsabilité sur les géants du Web. En février, la Chambre des représentants a voté une loi punissant la prostitution en ligne, et les plateformes l'aidant indirectement. Plusieurs sénateurs ont aussi déposé une proposition pour imposer plus de transparence aux réseaux sociaux dans le financement des publicités en ligne.
En Europe, Facebook risque une amende de la part des différentes Cnil. Elles pourraient collaborer via le G29, le groupe qui rassemble toutes les autorités européennes de protection des données personnelles. Des enquêtes ont déjà été ouvertes en Irlande et en Angleterre. Ces initiatives ne seront pas encadrées par le RGPD, le nouveau règlement européen de protection des données. Les faits de l'affaire Cambridge Analytica sont en effet antérieurs à sa date d'application, à partir du 25 mai.
• Une réputation écornée
L'autre danger pour Facebook est celui de l'image. D'après un sondage réalisé pour le site spécialisé Recode cette semaine, 56 % des Américains «font moins confiance» au réseau social pour gérer leurs données. Un taux bien plus élevé que pour les autres plateformes en ligne. Ce problème de réputation a été aggravé par la couverture médiatique très importante du scandale Cambridge Analytica. Mark Zuckerberg s'est excusé à de nombreuses reprises depuis le début du scandale. Il a aussi répété qu'il ne comptait pas quitter l'entreprise qu'il a fondée. «Pensez-vous être la bonne personne pour diriger Facebook à l'avenir?» lui demandait un journaliste lors d'une conférence la semaine dernière. «Oui», a simplement répondu Mark Zuckerberg.

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Après l'affaire Facebook, il faut «donner la priorité à la sécurité» (11.04.2018)

- Crédits photo : opentext
Tech & Web | Par Elsa Bembaron
Mis à jour le 11/04/2018 à 19h33
Mark Barrenechea, le PDG d'OpenText, spécialisé dans la gestion des informations des entreprises, appelle à la vigilance.
Pour OpenText, Facebook, c'est fini. La société, dont le cœur de métier est de traiter, stocker et interpréter les informations détenues par les entreprises ne veut pas prendre pas de risques. «Tout repose sur la confiance. Facebook l'a cassée», constate Mark Barrenechea, PDG d'OpenText. Son entreprise a 25 ans. L'année dernière, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 2,3 milliards de dollars, en hausse de 26%, et accumule les références prestigieuses parmi ses clients (Novelis, BNP Paris, Engie, Total, Nestlé, Tarkett, E.On...).
«Nous ne pouvons plus demander à nos clients de nous contacter via Facebook. Il m'a fallu quatre heures dimanche dernier pour augmenter le niveau de sécurité de ma propre page, et encore, je ne suis pas satisfait», tranche Mark Barrenechea, qui ne déserte par les réseaux sociaux pour autant. OpenText reste présent sur LinkedIn et Twitter, qui «offrent de meilleurs niveaux de sécurité». Surtout, le PDG a décidé de recentrer la communication en ligne d'OpenText sur le site Internet de son entreprise. «Nous avions pris l'habitude de nous reposer sur des applications tierces pour acquérir davantage de visibilité, nous allons reprendre les choses en main, dans notre environnement. Notre site Internet va redevenir notre plateforme principale de communication et d'interaction avec nos clients. L'affaire Facebook doit sonner comme une alarme pour toute l'industrie», ajoute-il.
Priorité à la sécurité
Une alarme qui n'est pas toujours bien entendue par les intéressés. La liste des priorités des entreprises s'allonge tous les jours, avec des chantiers complexes. Il leur faut se digitaliser, intégrer la génération Z, l'intelligence artificielle, l'Internet des objets, les nouvelles réglementations (dont la RGPD). Les défis les plus complexes s'accumulent. «Et tout cela arrive en même temps. Mais la sécurité des données doit sans conteste être placée en haut de la liste», analyse Mark Barrenechea. Il se targue de répondre «aux standards les plus élevés en matière de sécurisation des données de ses clients». OpenText dispose de centres de stockage de données en Europe, notamment aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne.
Certes, en recommandant aux entreprises de mettre d'avantage l'accent sur la sécurisation de leurs données et de leurs informations, le patron d'OpenText prêche pour sa paroisse. Mais pas uniquement. Alors que de nouveaux modèles économiques se construisent sur la capacité des utilisateurs, entreprises ou particuliers, à partager des informations, la confiance est plus que jamais au cœur des débats. Le numérique n'en est qu'à ses débuts, c'est pourquoi le moment est particulièrement critique.
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Patrick Mignola: «Facebook n'est pas entré dans le cadre démocratique» (12.04.2018)

Conjoncture | Par Chloé Woitier
Publié le 12/04/2018 à 09h06
VIDÉO - Invité du Talk Le Figaro, le député MoDem de Savoie souhaite, au nom de la liberté de la presse, un meilleur partage des revenus entre les Gafa et les éditeurs.
«Facebook est une formidable réussite technologique qui n'est pas entrée dans le cadre démocratique», affirme le député MoDem de Savoie, Patrick Mignola, dans «Le Talk Le Figaro». «On le vit au quotidien sur le plan fiscal, sur le plan de la responsabilité pénale avec les “fake news”, et dans les médias, dont ils diffusent les contenus tout en captant 80% du marché publicitaire.» L'élu souhaite donc, au nom de la liberté de la presse, un meilleur partage des revenus entre les Gafa et les éditeurs. Il a été nommé rapporteur d'une proposition de loi visant à créer un «droit voisin» pour la presse, qui sera examinée à l'Assemblée nationale à partir du 17 mai. Les plateformes devraient alors rémunérer les médias contre le droit de diffusion de leurs contenus.
Sur le modèle de la Sacem
«C'est créer pour la presse qui a été fait pour la musique avec la Sacem. On rétablit l'équilibre économique entre celui qui écrit et celui qui diffuse. Ce n'est pas parce que l'accès aux articles sur Internet est gratuit que cela n'a pas de valeur», souligne le député. Les médias volontaires se regrouperaient en une société de gestion collective, qui se chargerait de collecter son dû auprès des Gafa puis de les redistribuer. Mais encore faut-il convaincre les Gafa de payer. «Est-ce que demain, Google ou Facebook prendront le risque de déréférencer toute la presse française?», répond Patrick Mignola. «Le mieux serait de se regrouper au niveau européen. Et l'Europe travaille justement sur ce sujet», rappelle-t-il. Mais les discussions sont lentes. «Il est important que les pays phares sur ce sujet, soit la France, l'Allemagne et l'Espagne, puissent dire que si le rythme bruxellois ne s'accélère pas avant les élections européennes de 2019, ils sont en capacité de légiférer chez eux.» Si la proposition de loi française est votée, elle pourrait entrer en application dès le mois de septembre. «Il n'y a pas de liberté de la presse sans modèle économique viable. C'est pour cela qu'il faut presser le pas», insiste le député.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 12/04/2018. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Journaliste médias, au Figaro depuis 2011. Pour me suivre sur Twitter : @W_Chloe
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Éric Zemmour : «Ce que cache cette si dangereuse limitation de vitesse sur les routes» (12.01.2018)

«Tous les gouvernements s'en défendent mais tous les automobilistes en sont convaincus: ils sont les vaches à lait d'un budget éternellement en déficit», estime Éric Zemmour. - Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA
Vox Societe | Par Eric Zemmour
Publié le 12/01/2018 à 09h00
CHRONIQUE - Le gouvernement Philippe tape en dehors de sa base électorale. C'est commode ; c'est facile ; c'est injuste.
C'est pour notre bien. C'est pour sauver des vies. On connaît la ritournelle. Cela fait des décennies qu'on nous la chante. Tous les pouvoirs, de droite comme de gauche, l'ont entonnée. Et maintenant, le pouvoir «et de droite et de gauche» fait de même. L'ancien monde et le nouveau main dans la main. Ou plutôt la main sur le radar. Et sur le tiroir-caisse. Tous les gouvernements s'en défendent mais tous les automobilistes en sont convaincus: ils sont les vaches à lait d'un budget éternellement en déficit. Ils sont les cibles commodes, les cochons de payeurs, ceux qui sont faciles à sanctionner. Qui ne se révoltent jamais. Plus aisé de verbaliser un automobiliste que d'arrêter un caïd de la drogue ou de faire appliquer la loi sur le voile intégral quand une émeute menace à chaque fois.
On voit bien qui utilise les routes secondaires, qui prend sa voiture pour ses loisirs : cette France périphérique qui travaille loin de chez elle, n'a pas envie de ­dilapider son modeste revenu dans les coûteux TGV ou autoroutes
On ignore en vérité si la limitation de vitesse est vraiment efficace. On devine qu'une simple réduction de 10 % n'est guère probante. On voit bien qui utilise les routes secondaires, qui prend sa voiture pour ses loisirs: cette France périphérique qui travaille loin de chez elle, n'a pas envie de dilapider son modeste revenu dans les coûteux TGV ou autoroutes.
Le gouvernement Philippe fait, là encore, comme ses prédécesseurs: il tape en dehors de sa base électorale. Commode. Facile. Injuste. Comme eux, il s'appuie sur ce trop fameux «principe de précaution» pour mépriser toujours plus les autres principes de liberté et de responsabilité, qui devraient pourtant être précieux à un gouvernement démocratique.
Et comme eux, il compense la réduction décisive du périmètre réel de ses compétences, dépouillé par le haut (technocratie bruxelloise, banque européenne, juridictions internationales et nationales, grands groupes mondiaux) et le bas (décentralisation) en s'arrogeant un rôle tutélaire sur des citoyens transformés en éternels mineurs. De même, lorsqu'il impose par la loi une multitude de vaccins. Ou réglemente au nom de la protection de l'environnement. Ce gouvernement est paradoxal: il plaide pour la liberté et la réduction des contraintes dans le domaine économique et social, mais n'hésite pas à en rajouter dans d'autres domaines. Là aussi, il met ses pas dans ceux de ses prédécesseurs. C'est Jacques Chirac qui, lors de son second mandat en 2002, avait érigé comme priorités de son quinquennat le plan de lutte contre le cancer, contre le handicap et la mortalité sur les routes. Déjà, la mortalité sur les routes. Des priorités de président de conseil général.
L'automobiliste est la cible privilégiée de ce nouveau pouvoir qui conjugue injonctions moralisatrices et sanitaires. Il n'y a pas qu'à Paris qu'il est considéré comme un pestiféré. Un être nuisible à exterminer. Incroyable destin que celui de cet automobiliste, jadis symbole de liberté, de progrès, devant lequel tous les pouvoirs s'agenouillaient, à qui on construisait des voitures toujours plus puissantes et luxueuses, et des routes toujours plus vastes et sûres, et qui est désormais marqué du sceau de l'infamie.
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Bernard-Henri Lévy / Renaud Girard : «Comment empêcher la chute de l'Occident ?» (13.04.2018)

Bernard-Henri Lévy et Renaud Girard. - Crédits photo : Frédéric Stucin
Vox Monde | Par Alexis Feertchak
Publié le 13/04/2018 à 06h15
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Tout ou presque oppose Bernard-Henri Lévy et Renaud Girard, sauf la conviction inquiète d'une crise frappant les Etats-Unis et la vieille Europe. Le philosophe, fidèle à sa vision interventionniste, regrette que l'Amérique n'incarne plus autant l'«empire du Bien». Le chroniqueur international du Figaro plaide, au contraire, pour la realpolitik.
Bernard-Henri Lévy, votre essai, qui décrit les hésitations des Etats-Unis face à cinq Etats renaissants - la Turquie, la Russie, l'Iran, l'Arabie saoudite et la Chine -, est aussi une variation autour du destin tragique des Kurdes. Que dit-il de l'Occident?
Bernard-Henri LÉVY -Le drame que vivent les Kurdes est le signe d'un affaiblissement sans précédent de l'Occident et des valeurs démocratiques qu'il porte. Est-ce l'équivalent de la bataille d'Andrinople, qui précède de peu la chute de Rome? J'espère que non. Mais la démission a été si grande, le déshonneur si vif, que l'on est peut-être en face de l'un de ces micro-événements, apparemment aberrants, qui annoncent un basculement du monde. Ce n'est pas la première fois que l'Occident laisse tomber ses alliés ou ses nations sœurs. C'était le cas avec la montée du nazisme. Puis avec l'abandon de la moitié de l'Europe au communisme. Sauf que les milices chiites qu'on a laissées dépecer le Kurdistan irakien, ce n'était quand même pas l'armée d'Hitler! Ni celle de Staline! On a, en conséquence, rarement été si inexcusable.
Renaud GIRARD -Je trouve effrayant cette récurrence d'un Occident qui abandonne ses amis en Orient. Ce fut le cas en 1974, lorsque les Turcs ont envahi Chypre, puis, l'année suivante, lorsque nous avons abandonné les chrétiens du Liban, qui ne demandaient qu'une chose, que les Palestiniens ne se comportent pas en territoire conquis. A l'époque, les journaux politiquement corrects ont forgé cette expression extraordinaire d'«islamo-progressisme». Aujourd'hui, ce sont les Kurdes qui, sur le terrain, appuyés par l'aviation et les conseillers de l'Occident, ont fait le boulot contre notre ennemi principal, Daech. Ils ont certainement des défauts mais, au moins, ils sont tolérants en matière de religion et d'égalité des sexes. Avec l'offensive turque d'Afrin, nous les abandonnons face à un Frère musulman, car il faut appeler les choses par leur nom: Recep Erdogan est un Frère musulman qui s'appuie sur des milices rebelles syriennes liées à al-Qaida. Je suis heureux de voir que le président Macron est en train d'infléchir cette politique.
«Notre “allié” Erdogan parle comme un chef d'al-Qaida ou de Daech»
Bernard-Henri Lévy
BHL-Macron a fait un beau geste en accueillant une délégation de Kurdes syriens. Mais, quelques heures plus tôt, Trump disait sa hâte de voir les Etats-Unis quitter la Syrie. Le monde marche sur la tête et l'Occident va à sa perte si nous en restons là… Quant à la Turquie qui, au moment de la bataille de Kobané en septembre 2014, faisait passer des armes à Daech, elle est objectivement notre adversaire. On s'est longtemps posé la question de son appartenance à l'Europe. Aujourd'hui, après Afrin, la vraie question posée est celle de son appartenance à l'Otan! Un seul exemple. Tout le monde a oublié comment, il y a quelques mois, Erdogan a répondu à Merkel qui venait d'interdire des meetings électoraux organisés par des islamo-fascistes turcs. Il a dit: «A partir d'aujourd'hui, il n'y a plus une seule rue du monde où un citoyen européen pourra se promener en sécurité.» C'est un appel au terrorisme! Notre «allié» Erdogan parlait comme un chef d'al-Qaida ou de Daech.

«Les néoconservateurs n'ont pas compris qu'il y a pire que la dictature: l'anarchie ; et pire que l'anarchie: la guerre civile», affirme Renaud Girard. - Crédits photo : Frédéric STUCIN
Ce retrait annoncé des Américains de Syrie est-il le symptôme d'une crise plus profonde des Etats-Unis?
RG-Les Etats-Unis sont désormais timorés car, par le passé, ils ont manqué de prudence, sous l'influence de la doctrine néoconservatrice qui veut répandre à tout prix la démocratie dans le monde. Avec les guerres en Irak, en Afghanistan et en Libye, ils n'ont pas appliqué la théorie des trois conditions pour réussir une intervention militaire, que j'ai élaborée dans mon livre. Premièrement, quand on fait tomber un dictateur, il faut avoir une équipe de remplacement. Deuxièmement, il faut garantir aux populations civiles que leur situation sera meilleure après notre intervention qu'avant. En Irak ou en Libye, je n'ai pas trouvé une famille qui ne regrettât pas l'ancien monde. Les néoconservateurs n'ont pas compris qu'il y a pire que la dictature: l'anarchie ; et pire que l'anarchie: la guerre civile. Troisièmement, il faut ménager à long terme les intérêts nationaux de son pays. Quand un leader, qu'il s'appelle Tony Blair ou Nicolas Sarkozy, fait une intervention militaire, il le fait avec l'argentdes contribuables et le sang des soldats de son pays. En Libye, nous avons mis un immense chaos. Kadhafi avait tous les défauts du monde, mais il combattait les islamistes et empêchait les trafics d'êtres humains à travers son pays, en coopération avec l'Union européenne. C'est ce manque de prudence qui traumatise aujourd'hui les Etats-Unis. Alors, Trump jette le bébé avec l'eau du bain en déclarant qu'il ne veut plus entendre parler d'aucune intervention extérieure.
Bernard Henri-Lévy, vous regrettez au contraire que les Etats-Unis ne soient pas davantage un empire qui s'assume…
BHL- Je suis en désaccord avec tout ce que vient de dire Renaud Girard. Est-ce que, dans l'affaire libyenne, nos intérêts nationaux ont été préservés? Oui. Et pour une raison très importante. L'une des pires menaces qui pèsent sur l'Occident, c'est la guerre des civilisations que nous ont déclarée les islamistes. Or, qu'ont fait Sarkozy, Cameron et Hillary Clinton en Libye? Ils ont dit aux peuples arabes: «Nous ne sommes pas en guerre contre vous! Nous ne sommes plus, comme nous l'avons si souvent été, systématiquement du côté des dictateurs qui vous oppriment.» Quant à Trump, je ne suis pas d'accord non plus avec cette idée qu'il jette le bébé avec l'eau du bain. Il faut voir les choses de plus haut. Il n'est qu'un épiphénomène, la queue d'une comète. Il est l'aboutissement d'une séquence historique qui commence avec Obama, voire avant, et au cours de laquelle les Etats-Unis se sont désamarrés de l'Europe. La grande Amérique, c'est celle qui est venue à notre secours lors des deux guerres mondiales. C'est ce pays neuf qui se vivait comme une excroissance, un recommencement de l'Europe. Et je l'appelle, pour cela, peut-être pas «l'empire du Bien», mais celui du moindre mal ou du meilleur - je n'ai pas peur du mot. Et puis il y a un moment, dans la seconde moitié du XXe siècle, où ce paradigme s'est fissuré. Et cette Amérique qui coupe les cordes métaphysiques d'avec l'Europe, ça donne Barack Obama, qui ne respecte pas sa propre ligne rouge en Syrie à propos des armes chimiques. Puis Trump et son isolationnisme cynique.
RG - Il y eut en Syrie un manque de réalisme dès le début. En février 2012, l'ambassadeur russe à l'ONU, Vitali Tchourkine, avait proposé une transition en Syrie aux trois membres permanents occidentaux du Conseil de sécurité. Ils l'ont refusée en déclarant publiquement que le régime de Bachar el-Assad n'en avait que pour quelques semaines… En Libye, avant le conflit syrien, nous avons cassé le fonctionnement du système de sécurité de l'ONU en allant au-delà du mandat, qui ne prévoyait pas de changement de régime. Or, c'est l'aviation française qui a tué Kadhafi.

«Ce qui déstabilise, désorganise le fonctionnement de l'ONU, c'est le veto permanent de deux Etats qui se conduisent comme des voyous, la Russie et la Chine», dénonce Bernard-Henri Lévy. - Crédits photo : Frédéric STUCIN
L'ONU, déstabilisée par les Occidentaux lors du conflit libyen, une idée que vous ne devez pas partager…
BHL-C'est une mauvaise plaisanterie! Ce qui déstabilise, désorganise le fonctionnement de l'ONU, c'est le veto permanent de deux Etats qui se conduisent comme des voyous, la Russie et la Chine. C'est lui, ce veto systématique, qui est à la source de la crise humanitaire sans précédent qui dure depuis sept ans en Syrie. Je disais que l'islamisme nous avait déclaré une guerre des civilisations, mais c'est aussi le cas de la Russie. Je suis patriote. J'aime mon pays. Or, Vladimir Poutine est aujourd'hui l'adversaire de mon pays et des pays amis du mien. Il empoisonne d'anciens espions à Londres. Il finance des partis qui, comme le Front national, sont acharnés à démanteler l'Union européenne. Il trafique nos élections.
RG-Je ne peux pas mettre sur le même plan Daech et la Russie de Poutine. En tant que Français, je n'ai strictement rien à voir avec l'islamisme. En revanche, je suis pénétré de culture russe, du théâtre de Tchekhov, des romans de Dostoïevski, des grandes fresques de Gogol et de Tourgueniev, ce qui ne m'empêche pas de critiquer l'annexion de la Crimée et la guerre du Donbass en Ukraine. Mais je pense qu'il ne faut pas diaboliser les Russes qui ne sont certes pas des démocrates à l'européenne, mais qui sont moins une autocratie que la Chine. L'intérêt de la France est de ramener la Russie dans la famille européenne et d'éviter qu'elle se tourne définitivement vers Pékin. Il y a, certes, une paranoïa de la Russie, quand elle pense que les révolutions de couleur ont été décidées par les capitales occidentales pour l'assiéger. Mais il y a aussi une paranoïa occidentale à l'égard de la Russie. J'ai lu l'autre jour dans El País un éditorialiste qui expliquait que le Brexit et le sécessionnisme catalan étaient de la faute de la Russie. Or, on n'a jamais vu un secrétaire au Foreign Office aussi anti-russe que Boris Johnson, qui fut le chef de la campagne du Brexit. Il faut tout faire pour dégonfler cette double paranoïa. Ce fut une erreur de ne pas respecter les promesses faites à Gorbatchev par le secrétaire d'Etat américain Baker, en février 1990, de ne pas étendre les manœuvres de l'Otan dans les anciens pays du pacte de Varsovie. Or, aujourd'hui, nous avons mis des boucliers antimissiles en Europe de l'Est, qui sont vus comme une provocation par les Russes.
Et la Chine? Ne faudrait-il pas lui accorder le qualificatif d'empire plutôt que de royaume?
BHL-Non, je pense que la Chine n'a pas encore la puissance que l'on dit. Bien sûr, elle est économiquement puissante. Mais la vraie puissance, c'est celle de l'esprit, de la culture, c'est la capacité à dire l'universel. Or, de tout cela, la Chine est aujourd'hui incapable. Dans ma classification, que je tire du livre De Monarchia écrit par Dante au début du XIVe siècle, cette Chine n'est pas encore un empire. Et c'est, si nous nous réveillons, notre chance… J'ajoute qu'il existe un point commun entre les cinq royaumes. Ce sont tous des maîtres chanteurs qui tiennent, chacun, un pistolet braqué sur la tempe de l'Occident. La Turquie, ce sont les migrants. L'Iran, la bombe atomique. La Russie, la grande usine mondiale à fake news. L'Arabie saoudite, la possibilité de revivifier, à tout moment, l'idéologie djihadiste. Et la Chine, ces fameuses terres rares dont elle a les plus grosses réserves et qui seront indispensables pour fabriquer les téléphones portables de demain. Notre situation historique est celle-là. Et, hélas, nous ne l'avons pas choisie. Des démocraties cernées par cinq maîtres chanteurs.
«Le droit-de-l'hommisme, c'est le retour par la fenêtre de la pulsion coloniale»
Renaud Girard
Que faire?
RG-La Chine est dans une stratégie de domination commerciale du monde. Je ne lui en veux pas, mais je voudrais simplement que nous lui résistions. Je suis tout à fait d'accord sur ce point avec Bernard-Henri Lévy: on ne doit jamais, en géopolitique, céder au chantage. Mais ne jetons pas les autres pays dans les bras des Chinois. Mes voyages en Russie et en Iran m'ont montré que les élites de ces peuples sont en réalité très proches des valeurs occidentales. A Téhéran, les mosquées sont relativement vides, les gens ont rejeté le pouvoir des mollahs. Je crois aussi qu'il y a une aspiration du peuple russe à nous rejoindre. Il faut pour cela diminuer la paranoïa de l'Etat russe et l'encourager à prendre le chemin de l'Etat de droit.
BHL-Dans ces cinq royaumes, certains ont pris le meilleur de l'Occident. Nous ne mesurons pas assez cette vocation mondiale qui est la nôtre. Nous ne savons pas à quel point l'Europe est cette exception absolue d'une catégorie qui n'est pas seulement territoriale, mais qui est aussi spirituelle - qui n'est pas seulement une terre, mais qui est aussi une idée. Cette Europe, elle vit en Chine chez les gens qui se battent pour les droits de l'homme. Elle vit en Iran quand les femmes retirent leur tchador. Elle vit dans le monde arabe quand ilaspire à la démocratie. Notre mission est là: donner des armes spirituelles à ceux qui se réclament de nous, qui sont nos frères et nos sœurs en esprit et que nous laissons trop souvent tomber au nom de la prétendue realpolitik.
RG-Nous devons rayonner dans le monde par notre exemple, non par nos leçons de morale. L'interventionnisme ou le droit-de-l'hommisme sont dans une vraie contradiction. L'Occident a décidé librement, après la Seconde Guerre mondiale, de se retirer de toutes les terres qu'il régissait à travers la planète. Mais aujourd'hui, on dit à tel dictateur: on ne vous aime pas, on va vous faire la guerre ou vous assiéger par des sanctions. Mais, homme blanc, il ne fallait pas partir du Soudan si tu voulais le transformer en Suède! Le droit-de-l'hommisme, c'est le retour par la fenêtre de la pulsion coloniale, de la «mission civilisatrice de la colonisation» de Jules Ferry.


L'Empire et les cinq rois, de Bernard-Henri Lévy, Grasset, 288 p., 20 €. Quelle diplomatie pour la France?, de Renaud Girard, Le Cerf, 142 p., 9 €. - Crédits photo : Le Figaro
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Suspendu par W9 pour ses propos homophobes, Balbir s'excuse mais dénonce une malveillance (13.04.2018)
  • Mis à jour le 13/04/2018 à 13:26
LE SCAN SPORT - Pour avoir insulté hors antenne les joueurs de Leipzig, le commentateur a été suspendu à titre conservatoire par sa chaîne. Le journaliste s'est publiquement excusé, tout en soulignant la délation dont il a été l'objet. Un argument qui n' a pas adouci la ministre des sports, Laura Flessel.
L'affaire fait des remous. Hors antenne, le commentateur-vedette de la chaîne a tenu des propos injurieux envers les joueurs de Leipzig à l'issue de la victoire de l'OM, 5 buts à 2. «Je suis bien content pour ces pédés arrogants au match aller. Comment ils étaient sûrs de gagner! Enfoirés!» Vite relayés par les réseaux sociaux, ces propos homophobes et insultants envers les joueurs allemands ont poussé W9 à prendre des sanctions envers Denis Balbir.

Elle a annoncé, via un communiqué envoyé à 11h35, sa décision de le «suspendre à titre conservatoire de la présentation de la compétition de la Ligue Europa» diffusée sur son antenne. La chaîne a tenu à rappeler «que le respect de l'adversaire s'impose en toutes circonstances», tout en soulignant que Balbir avait «tenu à s'excuser publiquement».

Je suis navré de ces propos déplacés échangés hors antenne et qui n'ont donc jamais été diffusés sur la http://xn--chane-7sa.Jechaîne.Je  présente mes excuses à tous. La diffusion de cette séquence privée et en aparté sur les réseaux sociaux est cependant particulièrement malveillante.
Le commentateur avait en effet fait acte de contrition, via un tweet, dix minutes plus tôt. Tout en soulignant que ses propos n'avaient jamais été diffusés à l'antenne. Et que la diffusion de cette séquence était «particulièrement malveillante». Effectivement, elle a forcément été envoyée sur les réseaux sociaux par un salarié de la chaîne W9.

Sur l'affaire Balbir. 1. Il a tenu ces propos honteux au bout une journée effroyablement difficile, après un deuil personnel; 2. Si le hors antenne était diffusé, plus personne ne pourrait bosser; 3. Cette ère du jugement et de la dénonciation ne fait pas rêver.
Une délation qui n'a pas été du goût de la plume du football du quotidien L'Équipe, Vincent Duluc. «Cette ère du jugement et de la dénonciation ne fait pas rêver», a tweeté le journaliste. Venant au secours de son confrère en révélant que Denis Balbir avait «tenu ces propos honteux au bout une journée effroyablement difficile, après un deuil personnel».

Je salue la décision de @w9. Les propos homophobes même hors antenne sont condamnables. J’organiserai le 17 mai prochain à @INSEP_PARIS un colloque #exaequo, « sport et homophobie, parfois l’égalité est une victoire ». @MarleneSchiappa @DILCRAH https://twitter.com/w9/status/984729744443834368 …
Des arguments qui pèsent peu face au déchaînement sur les réseaux sociaux. Même la ministre des Sports, Laura Flessel, s'en est prise au commentateur. «Les propos homophobes, même hors antenne, sont condamnables.» Une chasse à l'homme qui ne fait guère de doute sur son issue. Denis Balbir est déjà jugé et condamné.
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La guerre secrète des services français pour neutraliser les djihadistes de l'État islamique (13.04.2018)
Des opérateurs du Commandement des opérations spéciales, dans la région de Mossoul, en Irak. Reportage sur les forces spéciales françaises, décembre 2016. - Crédits photo : Thomas Goisque Thomas Goisque
International | Par Vincent Nouzille
Mis à jour le 13/04/2018 à 14h24
RÉCIT - Depuis 2015, les services français mènent une guerre secrète sans merci pour éliminer de l'État islamique les djihadistes francophones qui continuent de constituer une menace, même après la chute de Mossoul et de Raqqa. Une politique de «neutralisation» assumée par le président Macron, comme son prédécesseur, et appliquée discrètement avec l'aide de forces alliées, américaines, irakiennes et kurdes.
Où est passé Abdelilah Himich? La question peut sembler hermétique au commun des mortels. Mais le sort de cet ex-légionnaire de Lunel, devenu un cadre dirigeant de l'organisation Etat islamique (EI), taraude une poignée de professionnels du renseignement français. Soupçonné d'avoir joué un rôle dans la planification des attentats de Paris en novembre 2015 et ceux de Bruxelles en mars 2016, Himich, a priori repéré en Syrie, semble s'être évanoui dans la nature depuis la fin de 2017. Tous les jours, les experts français font le point sur les informations qu'ils peuvent recueillir à son sujet, dans leurs bureaux situés au cœur de l'immeuble de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), à Levallois-Perret. Composée d'agents provenant de huit services de renseignement, intérieurs comme extérieurs, leur petite équipe, baptisée «Allat», du nom d'une déesse préislamique, a été créée durant l'été 2015 pour traquer les djihadistes français partis ou revenus de Syrie et d'Irak. Elle travaille en liaison avec une autre cellule interservices, nom de code Hermès, pilotée par la Direction du renseignement militaire (DRM). Installée dans les sous-sols bunkerisés du centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), au cœur du Balardgone, QG parisien du ministère de la Défense, Hermès prépare des «dossiers d'objectifs» pour l'état-major des armées.

Des drones ont été utilisés pour localiser des positions de l'Etat islamique près de Mossoul. Reportage sur les forces spéciales françaises, décembre 2016. - Crédits photo : Thomas Goisque Thomas Goisque
Au moins 300 Français tués sur place
Parmi les quelque 1700 noms qui figurent dans leurs fichiers, plus de 300 sont déjà revenus et suivis en France, une petite centaine ont été faits prisonniers sur place et au moins 300 auraient été tués. «Le décompte des morts est imprécis, car il y a eu énormément de dégâts et les vérifications sont complexes», précise un initié. Ce qui fait, a priori, encore plus d'un millier de Français «sur zone» au sort incertain, dont quelques-uns figurent sur des listes prioritaires des «cibles de haute valeur», ou «High Value Individuals» (HVI) dans le langage militaire américain. Abdelilah Himich en fait partie, ainsi que d'autres combattants francophones du djihad. Parmi eux: Salim Benghalem, ancien geôlier de journalistes français en Syrie ; Peter Cherif, un vétéran du djihad en Irak, proche des frères Kouachi, ou Fabien Clain, mentor du djihad toulousain et voix de la revendication des attentats du 13 novembre 2015, à Paris. Le but des services français est clair: les neutraliser, que ce soit par une capture ou par une élimination.
Les listes des HVI que la France recherche comportent des dizaines de noms. Les ordres viennent du plus haut niveau de l'État, à savoir du président de la République. François Hollande avait approuvé le principe d'opérations de «mise hors d'état de nuire». Mi-2015, il a confirmé aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, auteurs du livre Un président ne devrait pas dire ça…(Stock), avoir autorisé «au moins» 4 assassinats ciblés et avoir donné des consignes de vengeance: «Oui, l'armée, la DGSE ont une liste de gens dont on peut penser qu'ils ont été responsables de prises d'otages ou d'actes contre nos intérêts. On m'a interrogé. J'ai dit “Si vous les appréhendez, bien sûr.”»
Macron aussi ferme que son prédécesseur
En réalité, selon nos informations, plus d'une cinquantaine de HVI ont été exécutés entre 2013 et 2017 sur divers théâtres extérieurs, soit par les armées dans le cadre de frappes aériennes ou de raids au sol, soit par la DGSE de manière clandestine, soit indirectement par les forces de pays alliés sur la base de renseignements fournis par la France. Cette traque, qui a débuté principalement au Sahel en marge de l'opération «Serval» déclenchée au Mali début 2013, visait d'abord des chefs de groupes djihadistes armés de cette région. Elle a pris une nouvelle dimension à partir de 2015, en ciblant également des djihadistes francophones présents en Syrie et en Irak. Cette guerre secrète est loin d'être achevée. «L'essentiel de l'encadrement de l'État islamique a été décimé. Mais une partie des djihadistes importants a disparu des radars», confirme Jean-Charles Brisard, le président du Centre d'analyse du terrorisme (CAT), un think tank spécialisé. Réfugiés dans d'ultimes sanctuaires, passés dans la clandestinité ou déjà partis pour d'autres terres de djihad, ces HVI constituent toujours des dangers, ce qui mobilise les services.

Le président Macron a réitéré des consignes de fermeté, ici lors d'un conseil de Défense et de Sécurité, en mars. - Crédits photo : CHRISTIAN HARTMANN/SIPA
Depuis son élection en mai dernier, Emmanuel Macron a réitéré, selon nos informations, les fermes instructions de son prédécesseur: «Pas de quartier!» Il a laissé entrevoir cette résolution lors d'une visite au siège de la DGSE, le 30 août dernier, accompagné de son coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, le préfet Pierre de Bousquet de Florian, et devant le nouveau directeur du service, Bernard Emié, un diplomate fin connaisseur du Proche-Orient. Il l'a exprimé plusieurs fois lors de conseils de Défense, notamment le 21 octobre. «L'objectif est bien de limiter au maximum les retours en France. Pour le moment, cela fonctionne plutôt pas mal», se réjouit un expert sécuritaire proche de l'Elysée. Florence Parly, la ministre des Armées, a d'ailleurs exprimé à sa façon son appui à cette politique, en déclarant le 15 octobre 2017 sur Europe 1: «S'il ya des djihadistes qui périssent dans [les] combats [à Raqqa], je dirais que c'est tant mieux.»
Officiellement, il n'est pas question d'opérations ciblées, ni de listes nominatives de personnes à «neutraliser». «Nous visons des objectifs ennemis, quels qu'ils soient. L'important n'est pas leur nationalité, mais leur dangerosité», dit-on dans les milieux autorisés. Mais il s'agit d'un secret de Polichinelle: sous le sceau du secret défense, ces traques se déroulent bel et bien, afin d'éliminer des personnes considérées comme des menaces directes contre la sécurité nationale.
Les soldats d'élite irakiens ont arrêté des centaines de djihadistes. Reportage sur la bataille de Mossoul, juillet 2017. - Crédits photo : Frederic Lafargue
Au Levant, la chasse aux djihadistes a vraiment débuté durant l'été 2015. A cette époque, l'Etat islamique règne sans partage dans son califat, auto-proclamé un an plus tôt sur une partie de l'Irak et de la Syrie. La coalition internationale anti-Daech, réunie depuis l'automne 2014 sous les auspices des Américains, commence à essayer d'affaiblir l'organisation, en ciblant ses camps d'entraînement et ses centres logistiques. Les armées françaises y participent seulement en Irak. En coulisses, les experts de la DGSE, de la DGSI, et de la DRM s'alarment de plus en plus des risques de voir des commandos de l'EI s'entraîner en Syrie pour venir frapper en Europe. Déjà, des terroristes liés à un certain Abdelhamid Abaaoud, un jeune Belgo-Marocain parti en Syrie, ont été appréhendés à Verviers, en Belgique, en janvier 2015, puis en région parisienne en avril. «Nous suivions depuis le mois de janvier le réseau Abaaoud. Nous connaissions parfaitement la dangerosité du personnage», admettra Bernard Bajolet, patron de la DGSE, devant la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de Paris.
Après l'attaque déjouée dans le Thalys du 21 août 2015, attribuée à ce réseau, tous les services sont sur le pont. Alerté, François Hollande donne, lors du conseil de Défense du 4 septembre 2015, son feu vert à des frappes ciblées en Syrie, notamment sur un immeuble de Raqqa censé abriter Abaaoud et certains de ses complices. Mais l'opération est annulée, par crainte de dommages collatéraux, comme le révélera Le Monde, quelques mois plus tard. Abaaoud est alors présenté dans une note de la DGSE comme «un acteur clé de la menace projetée en Europe». C'est bien lui, ainsi que Salim Benghalem, ancien dealer de Cachan, et Fabien Clain, le djihadiste toulousain, qui sont visés, dans la nuit du 8 au 9 octobre 2015, par des bombardements français à Raqqa. Les renseignements ne sont pas assez fiables: les cibles principales échappent aux bombes. Abaaoud, lui, n'est pas sur place: en réalité, il est déjà parti depuis début août en Europe pour préparer les commandos visant Paris.

Les combattants observent les images d'un drone pour réduire les dernières poches de résistance. Reportage sur la bataille de Mossoul, juillet 2017. - Crédits photo : Frederic Lafargue
Frappes ciblées au Levant
Après les attentats du 13 novembre 2015, la traque s'élargit. François Hollande veut frapper fort. La DGSE envoie des commandos de son service Action s'infiltrer en Irak et en Syrie pour procéder à de discrètes filatures et à quelques opérations «Homo». Les Américains ont également proposé leurs services, notamment la mise à disposition de leurs drones armés pour les éliminer. Les états-majors français donnent leur aval aux opérations aériennes décidées par le QG de la coalition anti-Daech. Plusieurs de ces raids «mutualisés» visent des objectifs où des djihadistes francophones sont présents, au milieu d'autres recrues européennes, syriennes ou irakiennes. La liste de ces HVI exécutés par la coalition, principalement par les Américains, s'allonge au fil des mois: Charaffe al-Mouadan, un proche d'Abaaoud, tué en décembre 2015 ; Rachid Marghich, issu des filières de Trappes, et Wissen el-Mokhtari, membre de la cellule de Verviers, en août 2016 ; Romain Letellier, djihadiste du Calvados, en octobre 2016 ; Macreme Abrougui, ami de Clain, tué par une frappe française en octobre 2016 ; Walid Hamam, autre proche d'Abaaoud, fin 2016 ; Boubaker el-Hakim, un Franco-Tunisien haut gradé dans les services extérieurs de l'EI, chef présumé d'Abaaoud, en novembre 2016 ; les Français Salah Gourmat, Sammy Djedou, et le Belge Walid Hamam, en décembre 2016. Le 8 février 2017, c'est Rachid Kassim, mentor de plusieurs djihadistes français via la messagerie cryptée Telegram, qui est visé par un missile tiré depuis un drone américain, sans que sa mort soit confirmée de manière certaine.
L'identification des djihadistes arrêtés ou décédés fait partie des missions de renseignement
Après cette vague de raids aériens, la chasse se poursuit au sol lors de l'assaut de l'armée irakienne à Mossoul, lancée en octobre 2016 et achevée au printemps 2017. De manière officielle, plus d'un millier de soldats français, dont quelques dizaines de membres des forces spéciales, participent à la formation des unités antiterroristes irakiennes et contribuent aux tirs d'artillerie, ainsi qu'aux frappes aériennes. En réalité, dotées de moyens d'interception sophistiqués, les forces spéciales collectent également des renseignements précis pour localiser et neutraliser des groupes de djihadistes étrangers retranchés dans ce fief de l'EI. Certains participent avec les Irakiens à des opérations de capture ou d'élimination. «Ce fut très dur, très violent», rapporte un officier supérieur. Des agents de la DGSE sont également présents sur place, ainsi que des techniciens qui recherchent des preuves ADN d'identification sur des morts et des blessés.
Des listes fournies aux Irakiens
Lorsque le Wall Street Journalrévèle, le 30 mai, que les Français fourniraient à leurs alliés irakiens des listes de personnes à «neutraliser», le ministère de la Défense dément. Cependant, plusieurs hauts responsables militaires irakiens, dont le général Abdelghani al-Assadi, et le colonel Moutadhar, chefs du contre-terrorisme, confirmeront, - respectivement à Paris Match et à France 2 - avoir bien reçu de la part des Français des listes de noms et des demandes tacites d'élimination de ces cibles. «Cela arrangeait tout le monde, précise un expert militaire français. Les unités irakiennes n'ont pas fait dans la dentelle à Mossoul. Elles ont tué de nombreux djihadistes étrangers, que ce soit par leurs bombardements intensifs, ou lors des combats au sol, et aussi par la suite.»

Les forces irakiennes ont arrêté des soldats de Daech à Mossoul: certains portaient des tee-shirts à l'effigie de la France, signe qu'ils ont côtoyé des djihadistes français. Reportage sur la bataille de Mossoul, juillet 2017. - Crédits photo : Frederic Lafargue
Selon plusieurs sources concordantes, plusieurs dizaines de Français auraient ainsi péri lors de la prise de Mossoul. D'autres combattants originaires de l'Hexagone auraient réussi à prendre la fuite, pour se replier dans des zones encore contrôlées par Daech. Enfin, une dizaine de Français de l'EI auraient été faits prisonniers, dont quelques femmes et enfants. À défaut d'accord d'entraide pénale ou d'extradition avec la France, l'Irak est libre de les juger sur place, y compris en les condamnant à mort, une peine à laquelle Paris s'opposerait en cas de verdict en ce sens. La jeune Mélina Boughedir, mère de quatre enfants, n'a écopé que de sept mois de prison début 2018, mais les autorités irakiennes ont fait appel de ce jugement. «C'est un gouvernement souverain, nous ne pouvons les forcer à nous les renvoyer», dit-on côté français.
Une fois Mossoul tombée en Irak, c'est Raqqa, en Syrie, qui concentre ensuite l'intérêt des services français durant l'été 2017. Car c'est là que se cachent sans doute des djihadistes figurant sur les listes prioritaires de HVI, dont Salim Benghalem, Fabien Clain, et Abdelilah Himich. Soutenues par les Américains, les Britanniques et les Français, les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de groupes arabo-kurdes, lancent en juin l'assaut final de l'opération «Colère de l'Euphrate» pour encercler Raqqa. Des agents de la DGSE, qui cultive de longue date des contacts avec les Kurdes, les accompagnent, attentifs au sort des cibles francophones. Les bombardements et les combats font rage, décimant les rangs de l'EI de plus d'un millier de membres.
«La dernière chose que nous voulons, c'est que les combattants étrangers soient ­libérés et qu'ils puissent retourner dans leur pays d'origine et causer plus de terreur»
Le colonel Ryan Dillon, porte-parole de la coalition, en octobre
Début octobre, des pourparlers s'engagent entre les forces arabo-kurdes, qui ont, elles aussi, subi de lourdes pertes, et des commandants de l'EI assiégés dans un dernier périmètre de 2 km2 de la ville. Un accord se dessine sous l'égide du Conseil civil de Raqqa, une administration mise en place par les FDS, pour laisser sortir les derniers combattants et des civils. Les Américains et les Français retardent les discussions, refusant que les djihadistes non syriens évacuent la cité. «La dernière chose que nous voulons, c'est que les combattants étrangers soient libérés et qu'ils puissent retourner dans leur pays d'origine et causer plus de terreur», déclare le colonel Ryan Dillon, porte-parole de la coalition. «Notre mission est de nous assurer qu'ils vont bien mourir en Syrie, que nous allons tous les éliminer», avait d'ailleurs confié, en juin, Brett McGurk, l'envoyé spécial américain à Raqqa, à la journaliste libanaise Jenan Moussa. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), la DGSE a surtout mentionné la présence supposée à Raqqa de quelques HVI impliqués dans les attentats de Paris, comme Abdelilah Himich, ne souhaitant pas qu'ils lui échappent.
Dans la nuit du 14 au 15 octobre, une noria de bus et de camions sort pourtant de Raqqa sans encombre. A leur bord, près de 300 djihadistes auraient ainsi pu rejoindre la région syrienne de Deir ez-Zor, plus à l'est. Malgré les démentis des autorités locales, des étrangers se seraient glissés dans le convoi. Ravagée par des combats qui ont fait plus de 3000 victimes, dont un tiers de civils, Raqqa est considérée comme «libérée» le 17 octobre. «[…] La chute de Daech à Raqqaest un événement important, d'une certaine manière les crimes du Bataclan ne sont donc pas impunis», se félicite alors Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères.
1. Sabri Essid, beau-frère du Toulousain Mohammed Merah, parti en Syrie et présumé mort. 2. Salim Benghalem, originaire de Cachan, geôlier de journalistes français, non localisé. 3. Abdelilah Himich, ex-légionnaire, cadre de Daech, également recherché. 4. Fabien Clain, qui a revendiqué depuis la Syrie les attentats de Paris, introuvable pour le moment. - Crédits photo : Handout
Certains HVI sont bien présumés décédés, comme Sabri Essid, ex-beau-frère de Mohammed Merah, qui aurait été exécuté à la suite de purges sein de l'EI, ou le Belgo-Marocain Oussama Atar, 33 ans, un des cerveaux présumés des attentats de Paris, qui aurait été tué lors de bombardements fin 2017. Mais la vengeance n'est pas complète. Car de nombreuses cibles ont échappé aux mailles du filet de Raqqa. Les forces arabo-kurdes continuent leur progression en Syrie. Au total, environ 1300 djihadistes sont faits prisonniers au cours de leur avancée, dont une soixantaine de Français, retenus depuis lors dans divers camps, dans l'attente d'un sort judiciaire encore incertain. Parmi eux, un certain Yassine, issu, comme son ami Himich, de la filière de Lunel, et sa compagne, dont une interview a été diffusée sur France 2, le 21 janvier. «Yassine dit qu'il n'a rien à voir avec Daech. Mais il a posé armes à la main sur des photos et il avait menacé de nous égorger, rapporte le journaliste Jean-Michel Decugis, qui a cosigné une enquête sur les Lunellois dans Un chaudron français(Grasset). Sur les 22 membres de ce réseau, nous avons recensé neuf tués et ces deux prisonniers. Les 11 autres ont disparu, dont Himich, qui n'a pas été déclaré mort.».
Des arrestations en série
Les forces kurdes arrêtent également Emilie Koenig, une Bretonne partie en Syrie en 2012 et considérée par les Américains comme une djihadiste chevronnée. Le 17 décembre, ils capturent dans la région d'Hassaké six HVI prisées des Français, dont Thomas Barnouin, 36 ans, originaire d'Albi, proche des frères Clain. Considéré comme «le plus érudit des djihadistes français de l'Etat islamique», ce prédicateur aurait grimpé dans la hiérarchie de Daech, avant d'être incarcéré en 2017 par ses propres mentors «à la suite de désaccords théologiques», selon le chercheur Romain Caillet et le journaliste Pierre Puchot, auteurs du livre Le combat vous a été prescrit(Stock).
Certains djihadistes francophones considérés comme dangereux ont disparu des radars, alimentant les craintes des services
Les autres? Les services français et leurs alliés poursuivent leur traque, où qu'ils se trouvent. «Elle devient de plus en plus difficile, car l'État islamique est en phase de transition, avec la création de cellules clandestines et des migrations vers des groupes affiliés, dans d'autres zones de combats qui sont de plus en plus nombreuses, de l'Afghanistan à la Libye», analyse Jean-Charles Brisard. Pour recueillir des renseignements et intervenir, des agents français se sont déployés en Turquie, considérée comme une véritable boîte noire, un hub permettant à des djihadistes de filer incognito vers de multiples destinations. En Afghanistan, les drones américains ont déjà frappé en juillet le QG du groupe Khorasan, affilié à l'EI, tuant notamment son chef, Abou Sayed. Depuis lors, les services ont repéré des arrivées de djihadistes européens au nord de l'Afghanistan. Quelques Français se seraient glissés au sein de ces filières principalement tadjiks et ouzbeks. Selon L'Express, au moins trois d'entre eux auraient été tués par une frappe de missile américain en janvier.
Par ailleurs, la DGSE et la DRM surveillent les flux maritimes autour de la Libye, où se seraient déjà rassemblés plus de 3000 combattants de l'EI arrivés du Levant. Selon nos informations, des nageurs de combat du service Action et des commandos-marine des forces spéciales mènent régulièrement des opérations de sabotage de navires de Daech en Méditerranée. Des drones américains ont également ciblé des camps de cette organisation en Libye, notamment en septembre 2017 au sud de Syrte, et en novembre, près de Fuqaha. Mais l'arrivée sur les côtes siciliennes, l'été dernier, d'au moins une cinquantaine de djihadistes d'origine tunisienne, signalée par Interpol, inquiète bien davantage les services européens. D'après la note de cette organisation internationale, révélée fin janvier par The Guardian, certains ont sans doute déjà franchi la frontière franco-italienne et peuvent constituer des cellules prêtes à passer à l'action sur le territoire. Un scénario qui hante les experts de la cellule Allat, plus que jamais sur le qui-vive.

Plus de 300 revenants suivis
Selon le ministère de l'Intérieur, le nombre de Français encore présents en Syrie et en Irak serait de 730 adultes et 538 mineurs. Parmi eux, d'après nos sources, une dizaine seraient détenus en Irak et au moins une soixantaine retenus prisonniers en Syrie par diverses factions armées. Leur rapatriement en France ne peut intervenir qu'au «cas par cas», selon les consignes édictées en novembre par le président Macron.
Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a affirmé, le 7 février sur BFMTV, que la plupart seront jugés en Irak et en Syrie, s'opposant ainsi aux demandes écrites de plusieurs familles de ces Français emprisonnés. Seuls les enfants peuvent, en théorie, être rapatriés systématiquement, suivant une procédure mise en place début 2017 par le ministère de la Justice avec la coopération de la Croix-Rouge et de l'aide sociale à l'enfance. Ces mineurs sont pris en charge, avec un suivi psychologique, non sans difficultés.
D'après le dernier décompte du Centre d'analyse du terrorisme daté d'avril 2018, 258 Français majeurs - 184 hommes, 74 femmes - et 68 enfants sont déjà revenus ces dernières années de Syrie et d'Irak, volontairement ou à la suite d'arrestations, notamment en Turquie. Plus de 180 ont été judiciarisés dans le cadre de procédures ouvertes à leur encontre, dont 142 écroués et 43 suivis judiciairement. Parmi eux, 88 ont déjà été condamnés. Le flux des revenants s'est tari ces derniers mois, avec 23 retours enregistrés en 2017 et une poignée depuis début 2018.
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Réforme des institutions : l'exécutif tenté de rétrécir les pouvoirs du Parlement (12.04.2018)

Édouard Philippe a présenté, le 4 avril, les grandes lignes du projet de la réforme des institutions.- Crédits photo : Francois Mori/AP
Politique | Par Mathilde Siraud
Mis à jour le 12/04/2018 à 19h05
L'avant-projet de loi constitutionnel a été transmis au Conseil d'État. Il révèle une volonté de contrôle accru.
En mars, un document de travail de l'exécutif sur la réforme des institutions, qui prévoyait la limitation du droit d'amendement, avait déjà largement échaudé les parlementaires, y compris les élus de la majorité. À travers le contingentement du nombre d'amendements par lecture et par groupe politique, de nombreux responsables craignaient un affaiblissement du Parlement. Le 4 avril, le premier ministre, Édouard Philippe, a donc annoncé l'abandon de cette mesure, à l'occasion de la présentation des grandes lignes du projet de la réforme des institutions. Sauf que d'autres dispositions inscrites dans l'avant-projet de loi, transmis ces derniers jours au Conseil d'État, provoquent déjà une levée de boucliers à l'Assemblée et au Sénat. Le document, révélé par L'Opinion et que Le Figaro s'est procuré, montre en effet une claire volonté du gouvernement de davantage contrôler le Parlement, au nom de l'efficacité de la procédure législative.
Accélérer la procédure
Selon ce document, qui comporte 18 articles, le pouvoir d'irrecevabilité du gouvernement sera ainsi renforcé par l'ajout d'une disposition dans l'article 41 de la Constitution. Les propositions ou amendements qui «ne sont pas du domaine de la loi», «sans lien direct avec le texte» ou «dépourvus de portée normative» pourront ainsi être écartés par l'exécutif. L'objectif de cet article est de limiter la production d'amendements, et notamment ceux déposés par l'opposition. «Cela va dans le bon sens, salue la présidente La République en marche de la commission des Lois, Yaël Braun-Pivet. C'est une bonne chose de pouvoir recentrer le débat. Ce texte s'inscrit dans la continuité de la loi confiance que nous avons votée.» L'exécutif cherche ainsi à faire passer plus vite les textes et à poursuivre les réformes à un rythme toujours aussi intense.
Édouard Philippe s'était engagé devant les députés LaREM à fournir au Parlement un programme prévisionnel des projets de loi 3 à 6 mois avant leur examen. Cela a disparu
Autre illustration de cette volonté d'accélérer la procédure: en cas de désaccord entre les deux chambres et d'échec de la commission mixte paritaire, «le gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement», ce qui devrait mal passer du côté du Sénat. Un pari risqué, car l'exécutif a besoin de faire adopter le texte dans les mêmes termes par les deux chambres puis par une majorité des trois cinquièmes au Congrès… Les délais sont également réduits: au bout de 25 jours, contre 40 actuellement, le gouvernement pourra saisir le Sénat si l'Assemblée ne s'est pas prononcée, et faire passer un texte par ordonnance au bout de 50 jours, contre 70 actuellement, si le Parlement n'a pas statué. En plus des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale, le gouvernement pourra intervenir sur l'ordre du jour du Parlement pour faire inscrire prioritairement «des textes relatifs à la politique économique, sociale ou environnementale […] sans que les Conférences des présidents s'y soient conjointement opposées (article 8)».
Comme annoncé en amont, le seuil minimal de députés pour saisir le Conseil constitutionnel passe de 60 à 40, ce qui semble logique au vu de l'objectif de réduction du nombre de parlementaires qu'Emmanuel Macron entend mettre en œuvre. Les futurs anciens présidents de la République ne pourront plus être membres de droit du Conseil constitutionnel, l'examen du budget sera raccourci, passant de 70 à 50 jours.
Arbitrages
Le «pacte girondin», également annoncé par Édouard Philippe la semaine dernière, est inséré à travers diverses modifications et ajouts de l'article 72, pour garantir plus d'autonomie aux collectivités territoriales, comme demandé par le MoDem. Un alinéa est inséré pour faire figurer le «statut particulier» de la Corse.
Si cet avant-projet de loi doit encore être examiné par le Conseil d'État avant d'être présenté en Conseil des ministres le 9 mai, certains parlementaires pointent déjà plusieurs problèmes, dont le manque de visibilité sur le travail gouvernemental en amont des textes. «Édouard Philippe s'était engagé devant les députés La République en marche à fournir au Parlement un programme prévisionnel des projets de loi 3 à 6 mois avant leur examen. Cela a disparu», déplore-t-on du côté du Palais Bourbon.
Autre regret: le manque de moyens alloués à l'évaluation et au contrôle du Parlement, une revendication pourtant portée par les députés de la majorité. Certains parlementaires demandaient par exemple que France Stratégie, institution qui dépend de Matignon, puisse être rattachée au Parlement, ce qui n'a pas été repris dans le texte. Sans cela, «on dépend du bon vouloir de la forteresse de Bercy pour obtenir des informations et faire notre travail», grince un parlementaire. Les deux autres avant-projets de loi doivent encore faire l'objet d'arbitrages, notamment sur l'épineuse question de la dose de proportionnelle.

Le nombre de parlementaires français devrait passer de 925 à 648
Outre le projet de loi constitutionnel, la réforme des institutions comporte deux autres textes. L'un est organique, l'autre est ordinaire. Parmi les mesures emblématiques inscrites dans ces textes, la diminution de 30 % du nombre de parlementaires et l'introduction d'une dose de proportionnelle de 15 % dès les législatives de 2022.
La réforme aura pour conséquence de faire baisser le nombre de députés à 404, contre 577 actuellement, et de sénateurs à 244, contre 348 aujourd'hui. Le nombre de parlementaires s'élèvera à 648, contre 925 jusqu'alors. Avant cette réforme, la France était le troisième pays qui comptait le plus de parlementaires au sein de l'Union européenne, derrière la Grande-Bretagne (1 410) et l'Italie (950). À titre de comparaison, l'Allemagne, plus peuplée quela France, n'en compte que 778.
Une fois que cette réforme sera votée, Paris laissera la troisième place à Berlin. Seule l'Espagne, avec 616 parlementaires, comptera alors un nombre de parlementaires plus ou moins équivalent à celui de la France
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Un député LaREM annonce qu'il ne votera pas pour la loi asile et immigration (13.04.2018)

Matthieu Orphelin avait déjà demandé mercredi une «pause» dans les opérations d'évacuation de la ZAD. - Crédits photo : JACQUES DEMARTHON/AFP
Le Scan | Par Jules Pecnard
Mis à jour le 13/04/2018 à 11h55
LE SCAN POLITIQUE - Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, émet d'importantes réserves sur la durée de rétention des demandeurs d'asile. Il n'est pas le seul.
La fronde est-elle en train de prendre corps au sein du groupe La République en marche? Après les nombreux remous causés par le projet de loi du gouvernement sur le droit d'asile et l'immigration, deux élus ont annoncé qu'ils ne voteraient pas le texte. Ce vendredi, le député du Maine-et-Loire Matthieu Orphelin affirme dans un communiqué qu'il ne pourra «pas voter pour», laissant entendre qu'il s'abstiendrait. Bien que n'ayant «aucun doute» qu'il sera massivement approuvé par l'Assemblée natioanle, le proche de Nicolas Hulot maintient ses réserves. Notamment sur la durée maximale de rétention sur le sol français des demandeurs d'asile. L'un de ses collègues, l'ancien socialiste Jean-Michel Clément, ira jusqu'à voter contre un projet de loi dont il «rejette depuis le départ la logique répressive».
«Après plus de trois mois de travail intensif, de rencontres avec les acteurs impliqués, de séances collectives au sein du groupe LaREM, de propositions, de recherche de convergence et après mûres réflexions, j'ai pris ce jour la décision difficile de ne pas voter pour la loi asile et immigration», explique Matthieu Orphelin. Il tempère néanmoins l'ampleur de son désaccord avec le contenu du texte porté par le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb. «Je ne mésestime aucune des avancées obtenues collectivement en commission, y compris sur des points que j'ai portés, avec d'autres, au débat», reconnaît le député.
«Trop loin de mes convictions»
L'intéressé n'en est pas à son coup d'essai. Déjà sur l'évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, l'ex-porte-parole de la Fondation Hulot a appelé mercredi à une «pause dans l'opération» menée par les forces de l'ordre. Une manière, selon lui, de «permettre l'arrêt des affrontements» et la «reprise du dialogue». Il rejoignait alors un autre député LaREM qui fait régulièrement entendre une musique dissonante, l'ancien écologiste François-Michel Lambert.
Matthieu Orphelin l'assure dans son communiqué, il ne veut faire l'objet d'aucune instrumentalisation politique. «Je m'exprimerai peu pendant les débats en hémicycle la semaine prochaine», annonce-t-il. Et de finir sur le constat, un brin amer, que le projet de loi est «trop loin de [son] parcours, de [ses] convictions», mais également de «certains compromis» que la majorité aurait «dû et pu trouver avec le gouvernement».

L'appel de 119 sénateurs : «Les droits de l'enfant sont plus importants que le désir d'enfant» (12.04.2018)

«Le besoin de chaque enfant d'avoir un père et une mère ne doit pas être tenu pour négligeable», écrivent les signataires. - Crédits photo : 81096570/Inna Vlasova - stock.adobe.com
Vox Societe | Par Philippe Bas
Mis à jour le 12/04/2018 à 18h47
TRIBUNE - Le besoin de tout enfant d'avoir un père et une mère mérite la plus grande attention du législateur, avertissent Philippe Bas, président de la commission des lois du Sénat (LR), Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat ainsi que 117 autres parlementaires de différents groupes de la Haute Assemblée.
Les questions relatives à l'éthique du vivant, en particulier celles qui concernent le don de la vie, sont difficiles à trancher parce qu'il s'agit en réalité de régir les mœurs. Or, les mœurs sont rarement filles de la loi. Pourtant, il faut bien que la loi pose quelques règles car les technologies médicales, couplées à de nouvelles pratiques sociétales, ouvrent la possibilité de satisfaire le désir d'enfant par des moyens qui ne relèvent plus seulement de la vie privée mais aussi de la collectivité. Ces innovations interpellent la société tout entière, qui doit décider de ce qui ne dépend que d'elle, c'est-à-dire d'apporter ou non son assistance à la procréation et de sanctionner les pratiques qui lui paraîtraient contrevenir gravement aux droits fondamentaux.
Depuis toujours, la satisfaction du désir d'enfant relevait exclusivement de la sphère privée, des circonstances de la vie, de la liberté individuelle. Elle comportait aussi des obstacles, parfois insurmontables. On devait alors se résigner à ne pas avoir d'enfant, sauf à imaginer des arrangements dont l'histoire et la littérature ne sont pas avares d'exemples. Aujourd'hui, l'infertilité n'est plus sans remède médical et de nombreuses personnes seules ou formant un couple de même sexe pourraient, de ce fait, accéder aussi à une «parentalité pour tous». Face aux interdits qui les empêchent encore de devenir parents, elles expriment de plus en plus fortement le sentiment d'être victimes d'une inégalité, voire d'une injustice. La société aurait, selon elles, le devoir de corriger cette injustice puisque le progrès technique et de nouvelles formes de conventions entre particuliers, comme le contrat de gestation pour autrui, en ouvrent la possibilité matérielle.
«Fonder une famille, avoir des enfants, est un droit naturel de la personne humaine. Mais il ne peut s'exercer pleinement que si d'autres droits d'égale importance n'y font pas obstacle»
Les signataires
Ces attentes soulèvent cependant de multiples interrogations. Il faudrait décider dans quelle mesure un médecin peut agir en dehors d'une déontologie qui lui prescrit de traiter la maladie mais ne lui permet pas de répondre à d'autres demandes comme le ferait un simple prestataire de services. Il faudrait accepter de mettre l'hôpital public à la disposition de ceux qui auraient le droit d'exiger son intervention, en adaptant la répartition des moyens alloués aux différentes catégories de soins, tâche d'autant plus ardue que ces moyens font cruellement défaut. Il faudrait prévoir la prise en charge des nouvelles prestations médicales en mobilisant ou non l'assurance maladie et la solidarité nationale.
On devrait par ailleurs se poser la question de l'élargissement des conditions du don de gamètes, voire réexaminer le principe de sa gratuité. S'il décidait d'autoriser la «gestation pour autrui», le législateur devrait aussi déterminer les garanties susceptibles d'être apportées aux mères porteuses.
Enfin, il faudrait dans tous les cas définir les conséquences des nouveaux modes de procréation sur la filiation légale, l'exercice de l'autorité parentale, l'accès aux origines. On ne peut envisager d'extension de l'assistance médicale à la procréation sans avoir préalablement répondu à ces questions. Aucune ne relève de l'évidence, mais à l'inverse aucune ne peut reposer sur une parole de savant, de médecin ou de juriste. La bioéthique appartient à tous les Français. Cessons de l'enfermer dans le sanctuaire de l'expertise!
Le plus important reste en effet l'enjeu de société. Toutes les autres considérations lui sont subordonnées. Certes, on comprendrait mal que le désir d'enfant soit considéré comme foncièrement altruiste et généreux de la part d'un couple fécond formé d'une femme et d'un homme, tandis qu'il ne serait plus que l'expression d'un égoïste et immoral «droit à l'enfant» dans tous les autres cas. Le désir d'enfant est au cœur de toute humanité et il est toujours légitime. Fonder une famille, avoir des enfants, est un droit naturel de la personne humaine, une liberté inaliénable. Ce droit, cette liberté, ne peuvent être restreints à une catégorie d'individus. Mais voilà, comme tous les autres droits de l'homme, ce droit n'est pas une faculté que chacun pourrait exercer à sa guise. Il ne peut s'exercer pleinement que si d'autres droits d'égale importance n'y font pas obstacle. Dans le cas contraire, la loi civile, qui protège la famille en donnant la priorité aux besoins de l'enfant et porte aussi un regard attentif au conjoint vulnérable, doit trouver une conciliation en fixant de légitimes limites à la liberté individuelle.
Cette conciliation n'est cependant pas toujours possible. Prenons le cas des mères porteuses. Certains ne voient dans cette pratique qu'une liberté à encadrer. Contraire à la dignité de la femme qui se prête ou se loue, contraire à la dignité de l'enfant offert ou vendu, elle fait l'objet d'un interdit absolu dans de nombreux pays démocratiques. Il est vain de rechercher des modalités de mise en œuvre qui la rendraient éthique car elle est par son essence même en contradiction avec les principes humanistes qui fondent nos sociétés.
«Il s'agit ici non pas de décider du sort d'enfants déjà nés, mais de concevoir et de faire naître des enfants pour satisfaire une demande individuelle. Cette différence est essentielle»
Les signataires
Au-dessus du désir d'enfant, il faut prendre en considération les droits fondamentaux de l'enfant. Pour l'essentiel, c'est bien sûr aux parents qu'il appartient de le faire. C'est leur mission. Elle repose sur un postulat de confiance de la société à leur égard. Mais ils doivent eux-mêmes respecter des règles posées par la société, la protection de l'enfance étant l'une des missions les plus fondamentales de la puissance publique. Nous ne vivons pas dans une société atomisée où chacun pourrait déterminer en toute autonomie et sans restriction d'aucune sorte l'architecture et le mode de fonctionnement de sa famille, en prétendant de surcroît exercer sur la collectivité un doit de tirage pour obtenir les prestations nécessaires à son projet.
Le besoin de chaque enfant d'avoir un père et une mère ne doit pas être tenu pour négligeable, comme s'il s'agissait d'un ultime avatar des sociétés du passé. Notre histoire collective comporte assurément de nombreux exemples d'enfants placés par les circonstances de la vie sous la responsabilité d'un seul de leurs parents ou d'un parent d'adoption. Aujourd'hui, le nombre de familles monoparentales ne cesse d'ailleurs d'augmenter et la politique familiale reconnaît à juste titre la nécessité de leur apporter une attention particulière. On admet aussi depuis longtemps l'adoption d'enfants par une personne seule.
Enfin, de nouveaux modèles familiaux se sont mis en place autour de couples de même sexe qui apportent à l'enfant le meilleur d'eux-mêmes. Ce qui hier encore était impensable a progressivement été toléré, avant de faire l'objet semble-t-il d'une large acceptation.
«Ces questions méritent mieux qu'une approche désinvolte en termes de modernité ou de ringardise. Elles font appel à notre sens de l'humain, à notre conception du bien de l'enfant, à notre vision de la société et des valeurs qui la fondent»
Les signataires
Mais ces réalités ne sauraient nous dispenser d'évaluer l'intérêt supérieur de l'enfant avant d'envisager l'assouplissement des conditions d'accès à l'assistance médicale à la procréation. Car il s'agit ici non pas de décider du sort d'enfants déjà nés, mais de concevoir et de faire naître des enfants pour satisfaire une demande individuelle. Cette différence est essentielle. Une chose est de surmonter le manque qui s'inscrit au cœur de la vie d'un orphelin ou d'un enfant abandonné. Une autre est d'expliquer à un enfant qu'il a été conçu en étant destiné à vivre sans père ou sans mère par la décision d'adultes, fussent-ils des parents aimants dotés de qualités exceptionnelles. Qui peut oser prendre sans hésiter une telle responsabilité vis-à-vis de l'enfant? Comment exiger de la société qu'elle la partage? N'est-il pas présomptueux de penser que la force d'amour et la puissance éducative d'un adulte ou d'un couple d'adultes vont pouvoir remplir le vide inhérent aux origines de la vie de l'enfant ainsi conçu? A-t-on pensé à l'ensemble des risques pris pour le développement de sa personnalité, qui pourraient se réaliser très longtemps après sa naissance? Quelle confiance l'enfant pourra-t-il faire à ses parents s'il souffre du fait des conditions de sa conception? Comment ne pas comprendre qu'il s'agit ici de bien autre chose que d'une adoption? C'est un saut dans l'inconnu.
Ces questions méritent mieux qu'une approche désinvolte en termes de modernité ou de ringardise. Elles font appel à notre sens de l'humain, à notre conception du bien de l'enfant, à notre vision de la société et des valeurs qui la fondent. Le débat qui s'est engagé par les états généraux de la bioéthiquepermettra-t-il d'y répondre de manière impartiale alors qu'au lieu de rester neutre, l'instance qui en a à la charge au nom du gouvernement, le comité national consultatif d'éthique pour les sciences de la vie, a curieusement pris position avant même qu'il ait lieu? On aimerait avoir la certitude que tout n'a pas été réglé d'avance du fait de la position personnelle du président de la République. Le Parlement souverain est là qui décidera démocratiquement au nom des Français et ne manquera pas d'inscrire sa réflexion dans le cadre qui convient: celui des principes fondamentaux issus de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, pour le bien de l'enfant et le respect des valeurs de notre société, en conjuguant humanisme et raison dans la grande tradition héritée du siècle des Lumières.

La liste des signataires:
Philippe Bas, président de la commission des lois du Sénat (LR), ancien ministre de la Famille
Bruno Retailleau, sénateur LR de la Vendée, Président du Groupe LR
Philippe Adnot, sénateur de l'Aube, Délégué de la réunion administrative des Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (Non-inscrits)
Serge Babary, sénateur LR d'Indre-et-Loire
Jean-Pierre Bansard, sénateur LR représentant les Français établis hors de France
Jérôme Bascher, sénateur LR de l'Oise
Arnaud Bazin, sénateur LR du Val-d'Oise
Anne-Marie Bertrand, sénateur LR des Bouches-du-Rhône
Jérôme Bignon, sénateur Les Indépendants - République et Territoires de la Somme
Christine Bonfanti-Dossat, sénateur LR de Lot-et-Garonne
François Bonhomme, sénateur LR du Tarn-et-Garonne
Bernard Bonne, sénateur LR de la Loire
Pascale Bories, sénatrice LR du Gard
Gilbert Bouchet, sénateur LR de la Drôme
Céline Boulay-Espéronnier, sénatrice LR de Paris
Yves Bouloux, sénateur LR de la Vienne
Jean-Marc Boyer, sénateur LR du Puy-de-Dôme
Max Brisson, sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques
Marie-Thérèse Bruguière, sénatrice LR de l'Hérault
François-Noël Buffet, sénateur LR du Rhône
Agnès Canayer, sénateur LR de la Seine-Maritime
Jean-Noël Cardoux, sénateur LR du Loiret
Jean-Claude Carle, sénateur LR de la Haute-Savoie
Anne Chain-Larché, sénatrice LR de la Seine-et-Marne
Patrick Chaize, sénateur LR de l'Ain
Pierre Charon, sénateur LR de Paris
Alain Chatillon, sénateur LR de la Haute-Garonne
Marie-Christine Chauvin, sénateur LR du Jura
Guillaume Chevrollier, sénateur LR de la Mayenne
Pierre Cuypers, sénateur LR de la Seine-et-Marne
Philippe Dallier, sénateur LR de la Seine-Saint-Denis, Vice-Président du Sénat
René Danesi, sénateur LR du Haut-Rhin
Mathieu Darnaud, sénateur LR de l'Ardèche
Marc-Philippe Daubresse, sénateur LR du Nord
Jean-Pierre Decool, sénateur Les Indépendants - République et Territoires du Nord
Nathalie Delattre, sénatrice RDSE de la Gironde
Annie Delmont-Koropoulis, sénatrice LR de la Seine-Saint-Denis
Catherine Deroche, sénatrice LR de Maine-et-Loire
Jacky Deromedi, sénateur LR représentant les Français établis hors de France
Chantal Deseyne, sénateur LR d'Eure-et-Loir
Yves Détraigne, sénateur UC de la Marne
Catherine Di Folco, sénateur LR du Rhône
Philippe Dominati, sénateur LR de Paris
Alain Dufaut, sénateur LR du Vaucluse
Catherine Dumas, sénatrice LR de Paris
Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire
Nicole Duranton, sénateur LR de l'Eure
Jean-Paul Emorine, sénateur LR de la Saône-et-Loire
Dominique Estrosi-Sassone, sénateur LR des Alpes-Maritimes
Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice LR du Val-d'Oise
Michel Forissier, sénateur LR du Rhône
Pierre Frogier, sénateur LR de la Nouvelle-Calédonie
Joëlle Garriaud-Maylam, sénateur LR représentant les Français établis hors de France
Jacques Genest, sénateur LR de l'Ardèche
Frédérique Gerbaud, sénatrice LR de l'Indre
Bruno Gilles, sénateur LR des Bouches-du-Rhône
Jordi Ginesta, sénateur LR du Var
ColetteGiudicelli, sénateur LR des Alpes-Maritimes
Jean-Pierre Grand, sénateur LR de l'Hérault
Daniel Gremillet, sénateur LR des Vosges
Jacques Grosperrin, sénateur LR du Doubs
Pascale Gruny, sénateur LR de l'Aisne
Charles Guené, sénateur LR de la Haute-Marne
Jean-Michel Houllegatte, sénateur PS de la Manche
Jean-Raymond Hugonet, sénateur LR de l'Essonne
Benoît Huré, sénateur LR des Ardennes
Jean-François Husson, sénateur LR de la Meurthe-et-Moselle
Sophie Joissains, sénateur UC des Bouches-du-Rhône
Muriel Jourda, sénateur LR du Morbihan
Guy-Dominique Kennel, sénateur LR du Bas-Rhin
Marc Laménie, sénateur LR des Ardennes
Elisabeth Lamure, sénateur LR du Rhône, président de la délégation sénatoriale aux entreprises
Christine Lanfranchi-Dorgal, sénatrice LR du Var
Florence Lassarade, sénatrice LR de la Gironde
Daniel Laurent, sénateur LR de la Charente-Maritime
Christine Lavarde, sénateur LR des Hauts-de-Seine
Antoine Lefèvre, sénateur LR de l'Aisne
Dominique de Legge, sénateur LR d'Ille-et-Vilaine
Ronan Le Gleut, sénateur LR représentant les Français établis hors de France
Jean-Pierre Leleux, sénateur LR des Alpes-Maritimes
Sébastien Leroux, sénateur LR de l'Orne
Henri Leroy, sénateur LR des Alpes-Maritimes
Brigitte Lherbier, sénateur LR du Nord
Gérard Longuet, sénateur LR de la Meuse, ancien Ministre, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
VivetteLopez, sénateur LR du Gard
Michel Magras, sénateur LR de Saint-Barthélemy, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer
Didier Mandelli, sénateur LR de la Vendée
Jean-François Mayet, sénateur LR de l'Indre
Colette Mélot, sénatrice Les Indépendants - République et Territoires de la Seine-et-Marne
Marie Mercier, sénateur LR de la Saône-et-Loire
Sébastien Meurant, sénateur LR du Val-d'Oise
BrigitteMicouleau, sénatrice LR de la Haute-Garonne
Jean-Marie Mizzon, sénateur UC de la Moselle
Patricia Mohret-Richaud, sénatrice LR des Hautes-Alpes
Jean-Marie Morisset, sénateur LR des Deux-Sèvres
Philippe Mouiller, sénateur LR des Deux-Sèvres
Louis-Jean de Nicolaÿ, sénateur LR de la Sarthe
Olivier Paccaud, sénateur LR de l'Oise
Philippe Paul, sénateur LR du Finistère
Philippe Pemezec, sénateur LR des Hauts-de-Seine
Stéphane Piednoir, sénateur LR de Maine-et-Loire
Jackie Pierre, sénateur LR des Vosges
François Pillet, sénateur LR du Cher, Président du comité de déontologie parlementaire du Sénat
Rémy Pointereau, sénateur LR du Cher, Questeur du Sénat
Christophe Priou, sénateur LR de la Loire-Atlantique
Michel Raison, sénateur LR de la Haute-Saône
Jean-François Rapin, sénateur LR du Pas-de-Calais
André Reichardt, sénateur LR du Bas-Rhin
Charles Revet, sénateur LR de la Seine-Maritime
Hugues Saury, sénateur LR du Loiret
René-Paul Savary, sénateur LR de la Marne
Bruno Sido, sénateur LR de la Haute-Marne
Jean Sol, sénateur LR des Pyrénées-Orientales
Lana Tetuanui, sénatrice UC de la Polynésie française
Claudine Thomas, sénatrice LR de la Seine-et-Marne
Catherine Troendlé, sénateur LR du Haut-Rhin, Vice-Président du Sénat
Michel Vaspart, sénateur LR des Côtes-d'Armor
Jean-Pierre Vial, sénateur LR de la Savoie
Dany Wattebled, sénateur Les Indépendants-République et Territoires du Nord

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Syrie : entre Russie et États-Unis, l'escalade est-elle inéluctable? (12.04.2018)

Vladimir Poutine et Donald Trump, en novembre dernier à Danang (Vietnam). - Crédits photo : JORGE SILVA/REUTERS
International | Par Isabelle Lasserre
Mis à jour le 12/04/2018 à 20h00
DÉCRYPTAGE - Depuis l'intervention des forces russes en septembre 2015 pour sauver le régime de Bachar el-Assad, le face-à-face russo-américain a été militairement testé à plusieurs reprises en Syrie. Et l'imminence de frappes occidentales place la rivalité entre les deux pays à son point de bascule.
De toutes les guerres qui se sont greffées sur le conflit syrien, celle qui oppose la Russie aux États-Unis semble avoir un avenir assuré. Les frappes militaires contre le régime de Bachar el-Assad sont-elles de nature à transformer la nouvelle guerre froide entre Moscou et Washington en un conflit bouillant?
En octobre 1962, pendant la crise des missiles de Cuba, l'Union soviétique et les États-Unis avaient été au bord de la guerre. Au Kremlin et à la Maison-Blanche, les responsables le reconnaissent désormais publiquement: les relations entre les deux anciens ennemis de la guerre froide sont redevenues exécrables. Depuis l'intervention russe en Géorgie en août 2008, les sujets de désaccord se sont accumulés. L'annexion de la Crimée et la déstabilisation de l'est de l'Ukraine, les veto au Conseil de sécurité pour bloquer toute initiative contre le régime syrien, les tentatives d'influencer la campagne électorale américaine, les provocations des bombardiers russes dans l'espace aérien de l'Otan et plus récemment l'affaire Skripal, ont eu raison des deux tentatives de «reset» (redémarrage des relations) américaines, celle de Barack Obama et celle de Donald Trump. Côté russe, le Kremlin n'a cessé de dénoncer la poursuite des projets américains de défense antimissile en Europe et «l'avancée» de l'Otan dans son ancienne zone d'influence. Ces différends ont donné lieu à des passes d'armes, des crises diplomatiques, des sanctions, mais jamais l'utilisation de la force n'a été sérieusement évoquée, même quand Vladimir Poutine a un jour affirmé qu'il aurait utilisé l'arme nucléaire pour défendre l'annexion de la Crimée si les Occidentaux avaient tenté de l'en empêcher…
Si la Syrie n'a pas la même ­importance existentielle que l'Ukraine pour les responsables russes, elle est devenue un pion indispensable de la stratégie du Kremlin pour revenir en force sur la scène internationale
Depuis l'intervention des forces russes en septembre 2015 pour sauver le régime de Bachar el-Assad, le face-à-face russo-américain a en revanche été militairement testé à plusieurs reprises en Syrie. Les systèmes de défense antiaérienne S-300 ou S-400 installés par la Russie pour protéger ses bases en Syrie et tenir à distance les Occidentaux ont contraint les forces de la coalition à prendre de nombreuses précautions dans leur lutte contre Daech. Début février, plusieurs dizaines de mercenaires russes ont été tués par une frappe américaine qui visait des combattants prorégime avançant vers les positions des Forces démocratiques syriennes, alliées des Américains. C'était la première fois que le face-à-face des deux puissances nucléaires, qui soutiennent en Syrie des parties opposées dans la guerre, avait failli dégénérer.
Les frappes aériennes que s'apprêtent sans doute à lancer les États-Unis et la France, avec le probable soutien d'alliés, portent en elles des risques d'escalade. Que se passera-t-il si la Russie joint le geste à la parole et détruit un bombardier ou une frégate américaine? Que se passera-t-il si des militaires russes sont tués par mégarde dans l'attaque? Car depuis que Français, Américains et Britanniques ont renoncé, à cause de la volte-face de dernière minute de Barack Obama, à faire respecter leur ligne rouge sur les armes chimiques en août 2013, la situation en Syrie a beaucoup changé. L'influence occidentale a été marginalisée au profit de celle des puissances émergentes: Iran, Russie, Turquie.
Si la Syrie n'a pas la même importance existentielle que l'Ukraine pour les responsables russes, elle est devenue un pion indispensable de la stratégie du Kremlin pour revenir en force sur la scène internationale. Le bilan de l'intervention lancée en septembre 2015 en Syrie est, du point de vue russe, positif. «La Syrie a permis à la Russie de gonfler son poids international, de détourner l'attention de l'Ukraine, de se présenter comme une solution aux acteurs locaux», explique Dima Adamsky, expert de l'Institut IDC d'Herzliya en Israël, à l'occasion d'une rencontre organisée le 5 avril par l'Ifri sur le sujet. Il ajoute: «En sauvant Bachar el-Assad, l'intervention russe a aussi permis d'éviter la répétition d'un changement de régime à la libyenne, un scénario exécré par le Kremlin. Elle permet à Vladimir Poutine d'entretenir la volatilité de la région et de se présenter comme une solution. Enfin, elle envoie un signe stratégique à l'Europe et à l'Occident.»
La Syrie offre aussi à la Russie un accès à la Méditerranée, un renforcement de ses bases dans la région, un terrain d'entraînement pour ses armées et une plateforme pour vendre ses armes. Elle protège ses intérêts, qui diffèrent de ceux de l'Europe et des États-Unis, et l'autorise à pousser un ordre concurrent à l'ordre occidental. C'est pour protéger tout cela et aussi parce que, comme le dit un expert, «la Syrie est l'endroit idéal pour provoquer des frictions stratégiques» que le Kremlin a massé dans la région des navires et des sous-marins, assez de mercenaires et de chasseurs bombardiers et un millier de forces spéciales. Et suffisamment de missiles antimissiles pour instaurer une «zone d'exclusion aérienne» au-dessus des zones contrôlées par le régime, opposant ainsi un «déni d'accès» aux forces occidentales. À Moscou, certains parlent désormais de «Syrie éternelle», sous-entendant que les forces russes ne sont pas près de plier bagage… Car l'enjeu dans la région n'est plus seulement la suprématie russe sur la Syrie mais l'ascendant géopolitique de Moscou sur Washington.
L'imprévisibilité de Donald Trump ajoute une dimension incertaine à la crise
Conscients de la difficulté, bien plus grande qu'en 2013, d'une opération militaire dans ce contexte, Américains et Français veulent prendre toutes les précautions. Éviter tout contact militaire avec les forces russes: c'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles l'intervention, que l'on dit imminente depuis le début de la semaine, traîne dans le temps…
Certes, les risques de confrontation entre Russes et Occidentaux dépendront aussi des options militaires. Nul doute qu'ils seront réduits si les frappes punitives sont limitées dans l'espace et dans le temps. L'ambassadeur russe au Liban a promis que les forces armées de son pays détruiraient tout missile qui serait lancé contre la Syrie ainsi que les sites desquels ils auraient été tirés. Consciente de son infériorité dans le domaine conventionnel, la Russie n'a guère intérêt à ouvrir les hostilités contre les États-Unis. Mais l'imprévu agit parfois comme un perturbateur. L'imprévisibilité de Donald Trump ajoute une dimension incertaine à la crise. Et, comme le savent les militaires, il est toujours plus facile de commencer une guerre que de l'arrêter.
Une chose est certaine: les différends entre la Russie et les États-Unis, qui ne sont pas limités à la Syrie, ne disparaîtront pas quand le dossier chimique aura retrouvé son calme. Comme le disait Vladislav Surkov, l'un des proches conseillers de Vladimir Poutine, dans le journal Rossia jeudi: «La Russie doit se préparer à un siècle de solitude géopolitique» car son «voyage épique vers l'Occident» est terminé.

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Syrie : Theresa May déterminée malgré l'hostilité des politiques et de l'opinion (12.04.2018)

Theresa May, à la sortie du 10 Downing Street. - Crédits photo : Frank Augstein/AP
International | Par Florentin Collomp
Mis à jour le 12/04/2018 à 22h40
La première ministre britannique est à la manœuvre pour apporter le soutien de Londres à une action occidentale de représailles après l'attaque chimique de la Ghouta.
Quand Emmanuel Macron et Donald Trump se parlent «tous les jours» sur la Syrie, Theresa May ne veut pas être en reste. Elle n'a eu le président américain en ligne que mardi, au risque de laisser penser que la France deviendrait l'interlocuteur privilégié de Washington en Europe. Ralliée aux «preuves» de l'implication de Damas avancées par ses alliés, la première ministre britannique était donc ces derniers jours à la manœuvre sur un terrain miné pour apporter le soutien de Londres à une action occidentale de représailles après l'attaque chimique de la Ghouta, dans un contexte politique intérieur complexe. Une question de principe - d'autant plus d'actualité après la tentative d'empoisonnement avec un agent neurotoxique sur le sol britannique de l'ex-espion Skripal - et de poids diplomatique. Or la participation à une intervention militaire serait loin d'aller de soi pour l'opinion britannique, comme dans la classe politique.
Traditionnellement, depuis la guerre en Irak, le Parlement est censé donner son feu vert à toute opération extérieure. En 2013, David Cameron avait essuyé un refus cinglant des députés de l'opposition, rejoints par une bonne partie de ses élus conservateurs, d'entrer en guerre en Syrie après une précédente attaque du régime d'Assad à l'arme chimique. Cela avait conduit Barack Obama, puis la France, à reculer malgré le franchissement de leur «ligne rouge». Deux ans plus tard, en revanche, Cameron avait obtenu l'aval pour frapper Daech aux côtés de la coalition internationale, à l'issue de graves et passionnés débats à la Chambre des communes. Petit hic de calendrier, le Parlement est en vacances jusqu'à lundi. La première ministre n'a pas prévu de le rappeler en session extraordinaire. De ce fait, elle cherchait à acquérir une légitimité pour s'associer à une action franco-américaine sans cette formalité, dans le cas d'un déclenchement de frappes avant la semaine prochaine. Un report des hostilités réglerait le problème. Sur le plan constitutionnel, la chef du gouvernement peut très bien se passer d'un vote parlementaire, au titre de prérogatives royales historiques incombant au pouvoir exécutif. Cela a été le cas pour l'intervention en Libye, ratifiée a posteriori. Et, rappellent les historiens, Churchill s'était contenté d'«annoncer» au Parlement sa décision d'entrer en guerre en 1940.
Dans l'espoir de dégager un consensus, Theresa May a convoqué jeudi après-midi un Conseil des ministres extraordinaire. La solidarité gouvernementale ne devait pas lui faire défaut
Mais depuis le traumatisme de l'Irak, les réserves restent vives en Grande-Bretagne sur les opérations extérieures. Seuls 22 % des Britanniques soutiendraient une intervention en Syrie, contre 43 % à s'y opposer, selon un sondage YouGov. Ces réticences trouvent écho dans la classe politique, y compris dans les rangs des conservateurs au pouvoir. Membre de la commission de la défense, le tory Julian Smith estime qu'une attaque contre le régime d'Assad reviendrait à aider les rebelles d'al-Qaida. Un «choix entre des monstres et des fous», résume-t-il.
Dans l'espoir de dégager un consensus, Theresa Maya réuni, jeudi après-midi, un Conseil des ministres extraordinaire. A l'issue d'une longue discussion impliquant tous les participants, il a été décidé qu'il était «vital de ne pas laisser sans réponse l'usage d'armes chimiques». Le gouvernement s'est donc mis d'accord pour «agir afin de soulager la détresse humanitaire et dissuader tout nouvel usage d'armes chimiques par le régime d'Assad». Londres doit poursuivre sa coopération avec les États-Unis et la France pour coordonner une réponse internationale, sans précision de timing. Le chef de l'opposition travailliste, le pacifiste Jeremy Corbyn, exige un débat parlementaire car «le gouvernement seul ne peut pas décider de cela». «Plus de bombes, plus de morts, plus de guerre ne va pas sauver des vies», affirme-t-il. Il met en garde contre toute précipitation en agitant le spectre du dossier «bidon» sur les armes de destruction massives de Saddam Hussein établi par Tony Blair. Le leader centriste, celui des nationalistes écossais, mais aussi le doyen des élus conservateurs, l'ancien ministre de Margaret Thatcher Ken Clark, comme plusieurs de ses collègues, réclament eux aussi la consultation de la représentation nationale. Rien ne dit que Theresa May, privée de majorité absolue à la Chambre, obtiendrait gain de cause. Un scénario comparable à celui de 2013 pourrait se profiler si l'opération tant annoncée à coups de tweets martiaux par Donald Trump n'était plus imminente.
Dans la perspective d'une action rapide, Theresa May a ordonné à des sous-marins britanniques équipés de missiles de croisière Tomahawk de se rendre à portée de tir de la Syrie. Un destroyer de la Royal Navy est aussi en patrouille dans la Méditerranée. La Royal Air Force pourrait déployer ses avions de combat Tornado et Typhoon depuis la base d'Akrotiri, à Chypre. Une base qui pourrait s'avérer vulnérable en cas de représailles russes.

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Décidé à contenir l'Iran, Israël affronte la colère de la Russie (12.04.2018)

«J'ai un message pour les dirigeants iraniens: ne testez pas la détermination d'Israël», a indiqué Benyamin Nétanyahou, mercredi soir lors d'une cérémonie commémorant la Shoah. - Crédits photo : RONEN ZVULUN/REUTERS
International | Par Cyrille Louis
Mis à jour le 12/04/2018 à 20h31
Moscou a accusé Israël d'avoir frappé, lundi matin, une base de l'armée de l'air syrienne situé entre Homs et Palmyre.
L'État hébreu et l'Iran se sont mutuellement mis en garde, ces derniers jours, tandis que se précisaient les préparatifs à de possibles frappes contre le régime syrien. Au lendemain d'un raid attribué à l'armée de l'air israélienne contre un important site militaire situé entre Homs et Palmyre, Ali Akbar Velayati, conseiller de l'ayatollah Khamenei, a promis mardi que «cette attaque du régime sioniste ne resterait pas sans réponse».
Selon plusieurs médias iraniens, sept des quatorze militaires tués par les missiles israéliens servaient dans les rangs des gardiens de la révolution. Le 10 février dernier, déjà, un poste de commandement iranien installé sur cette base avait été la cible d'une frappe conduite par l'État hébreu en réponse à l'incursion d'un drone dans son espace aérien.
Ali Shirazi, le représentant du guide suprême au sein de la force d'élite al-Qods, a menacé jeudi: «Si Israël veut poursuivre son existence perfide, il devrait éviter les mesures stupides. S'ils [les Israéliens] donnent des prétextes à l'Iran, Tel-Aviv et Haïfa seront détruites.»«L'Iran peut détruire Israël», a ajouté le chef religieux iranien.
«Notre objectif final est le retrait des forces irano-chiites en Syrie»
Général Gadi Eizenkot, chef d'état-major de l'armée israélienne
Les dirigeants israéliens, craignant visiblement que des frappes américaines n'entraînent une riposte de l'Iran, de la Syrie ou du Hezbollah contre leur pays, se sont montrés tout aussi explicites. Selon un haut responsable cité sous couvert de l'anonymat par le quotidien Maariv,«Assad et son régime disparaîtront de la surface de la terre si les Iraniens tentent vraiment de s'en prendre à Israël ou à ses intérêts depuis le territoire syrien».
Le même message aurait été transmis en milieu de semaine aux États-Unis et à la Russie. Benyamin Nétanyahou, qui intervenait mercredi soir lors d'une cérémonie commémorant la Shoah, a déclaré: «J'ai un message pour les dirigeants iraniens: ne testez pas la détermination d'Israël.»
Les renseignements militaires israéliens, qui pilotent les efforts pour endiguer la progression de la République islamique en Syrie, estiment que 20.000 hommes répondant à ses ordres, à peu près, y sont actuellement déployés - soit environ 2000 conseillers militaires et soldats iraniens, 7500 membres de la milice libanaise chiite Hezbollah et 9000  combattants originaires d'Afghanistan, du Pakistan ou d'Irak. «Notre objectif final est le retrait des forces irano-chiites en Syrie», a déclaré il y a une dizaine de jours le général Gadi Eizenkot, chef d'état-major de l'armée israélienne. Selon un haut gradé de Tsahal cité par la dixième chaîne de télévision, les frappes conduites lundi matin par Israël avaient pour but d'empêcher la création, par l'Iran, d'une base aérienne en Syrie. Malgré le risque évident d'escalade, les dirigeants de l'État hébreu se disent prêts à contrer activement l'expansionnisme de la République islamique à leur frontière nord.
La réunion organisée le 4 avril dernier à Ankara entre les dirigeants russe, iranien et turc a visiblement renforcé leur détermination. «Israël s'inquiète surtout des résultats atteints par les Iraniens, qui ont apparemment obtenu la permission de maintenir une présence militaire, économique et diplomatique en Syrie», croit savoir Alex Fishman, le correspondant militaire du quotidien Yedioth Ahronoth, qui conclut, amer: «Les Russes nous ont vendus.»
Les stratèges russes ont pris l'habitude de détourner le regard lorsque l'aviation israélienne frappait des convois d'armes sophistiquées destinées à la milice chiite libanaise Hezbollah
Le fait que Moscou ait, pour la première fois, publiquement mis en cause Israël après les frappes conduites lundi contre la base T-4 montre que les deux pays ne sont plus sur la même longueur d'onde. Depuis le début de l'intervention russe en septembre 2015, un mécanisme de «déconfliction» a été mis en place pour empêcher un accrochage involontaire entre leurs armées de l'air. Les stratèges russes ont pris l'habitude de détourner le regard lorsque l'aviation israélienne frappait des convois d'armes sophistiquées destinées à la milice chiite libanaise Hezbollah. Refusant de choisir entre les deux ennemis jurés, Vladimir Poutine espérait ainsi pouvoir se tenir au-dessus de la mêlée.
Mais cette position est récemment devenue inconfortable, à mesure que la reconquête du territoire syrien par l'axe Iran-Syrie-Hezbollah a multiplié les zones de friction avec Israël.
La dénonciation, lundi soir, des «crimes contre l'humanité perpétrés par le régime syrien» semble également avoir irrité Moscou. Évoquant le carnage de Duma, le ministère israélien des Affaires étrangères a déclaré: «Ces attaques montrent clairement que la Syrie possède toujours la capacité de fabriquer des armes chimiques létales.»
L'ambassade russe à Tel-Aviv, craignant peut-être que ce message ne renforce encore la détermination des États-Unis à frapper le régime syrien, a rejeté «des conclusions hâtives qui alimentent la confrontation dangereuse recherchée par certains gouvernements occidentaux à l'encontre de la Russie et de la Syrie».
Mercredi soir, lors d'un entretien téléphonique avec Benyamin Nétanyahou, Vladimir Poutine a appelé Israël à «s'abstenir de toute action déstabilisante».

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Universités bloquées : des «centaines de milliers d’euros» de dégâts au minimum (13.04.2018)
Par Le Figaro Etudiant • Publié le 13/04/2018 à 11:09 • Mis à jour le 13/04/2018 à 15:07
À l’université Paul Valéry de Montpellier comme ailleurs, les manifestations étudiantes vont coûter cher. Crédits photo: PASCAL GUYOT/AFP
Ordinateurs et système informatique vandalisés, chaises et tables cassées, murs tagués...La facture risque d’être salée dans les universités occupées par les étudiants mobilisés contre la loi Vidal.
Le chiffrage est encore fluctuant, mais les premières estimations sont déjà élevées. Le président de la Conférence des présidents d’université (CPU), Gilles Roussel, indiquait ce jeudi sur Europe 1que «dans les facs très occupées, il y a des dégâts qui se chiffrent en centaines de milliers d’euros». Une estimation vague que n’a pas souhaité préciser le ministère de l’Enseignement supérieur, mais dont le chiffre final pourrait être bien plus élevé encore. Surtout lorsque Gilles Roussel constate que «la violence et les faits de dégradation augmentent», et que certaines universités estiment déjà des coûts supérieurs à cette estimation prudente.
Parmi les dégradations les plus fréquentes, les tags et graffitis sont les plus visibles, notamment à Paris VIIIou sur le centre de Tolbiac. Sur Facebook, un historien enseignant à l’université Paris I, dont dépend le centre de Tolbiac, publie une série de photos des tags et dégradations visibles dans l’enceinte du bâtiment. Ce chercheur ouvertement soutien d’Emmanuel Macron - il a rejoint le mouvement En Marche! devenu LREM - déplore dans un texte les «résultats de l’occupation de Tolbiac». Si «le chiffrage définitif et les devis n’interviendront pas avant plusieurs semaines», il confie que «les personnes compétentes sont très pessimistes» et estiment pour l’instant les dégâts «à plusieurs centaines de milliers d’euros».
À Montpellier, les serveurs vont coûter cher
Mais les universités parisiennes sont loin d’être les seules touchées par les dégradations en tout genre. À Dijon, par exemple, pourtant brièvement occupée, on déplore les portes défoncées, les matériels vidéo cassés et tags disséminés sur les murs de la Maison de l’Université: on peut estimer à plusieurs milliers d’euros, le montant du préjudice» affirme Sylvain Comparot, le directeur de cabinet de la présidence de l’Université à France Bleu. La présidence de l’université a décidé de porter plainte.
À Montpellier, à l’université Paul Valéry, un «groupe d’individus» a vandalisé la salle des serveurs pour empêcher les étudiants de passer leurs partiels en ligne, solution trouvée par la présidence pour contourner le blocage du campus. La connexion internet de l’université «est suspendue», les examens le sont également. Un acte de vandalisme dont la réparation est, à elle seule, estimée à une centaine de milliers d’euros.
À Toulouse, un employé de l’université Jean-Jaurès a envoyé à La Dépêche du Midi des photos de l’université, bloquée depuis de longues semaines. On y voit un photomaton et des distributeurs de boissons, friandises et sandwiches cassés et pillés. L’employé raconte à La Dépêche que du matériel informatique a également été volé. Il faut ajouter à cela le coût des tables et des chaises utilisés pour bloquer les bâtiments, que l’université chiffre à plus de 200.000 €.
À Nantes, un million d’euros de dégâts
Pire encore, à l’université de Nantes, dont le cas est particulier puisque certains bâtiments ont été occupés par des migrants, le montant des dégâts est d’ores et déjà évalué à plus d’un million d’euros, comme le relate Presse Océan. Il comprend notamment la restauration des systèmes de secours incendie, la réparation d’un ascenseur endommagé, la réfection des murs et des vitres tagués ainsi que de la totalité de l’amphithéâtre occupé, explique le journal local.
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Onze personnes mises en examen pour l'agression de policiers à Champigny (13.04.2018)

L'agression avait déclenché une vague de colère chez les policiers qui avaient manifesté dans toute la France. - Crédits photo : THOMAS SAMSON/AFP
France | Mis à jour le 13/04/2018 à 08h22
VIDÉO - Six hommes sont soupçonnés d'avoir porté des coups à une policière, un d'avoir filmé la scène, et une femme de l'avoir diffusée. Trois hommes sont également accusés de non assistance à personne en danger.
Après plus de trois mois d'enquête, onze personnes ont été mises en examen après le lynchage filmé d'une policière et l'agression de son supérieur, le soir du Nouvel an à Champigny-sur-Marne, dans le Val-de-Marne. Six hommes sont soupçonnés d'avoir porté des coups à la policière, un d'avoir filmé la scène, et une femme de l'avoir diffusée. Trois hommes sont également accusés de non assistance à personne en danger. Trois autres personnes, également arrêtées et mises en garde à vue mardi, ont été relâchées, a ajouté jeudi le parquet de Créteil. Les suspects, âgés de 16 à 20 ans, ont été interpellés tôt mardi matin en région parisienne et dans l'Eure.
La gardienne de la paix était arrivée avec son supérieur sur les lieux de cette soirée de Nouvel an non autorisée qui avait dégénéré, en renfort de policiers en train de procéder à la dispersion de plusieurs centaines de jeunes. Dans une atmosphère chaotique et de grande tension perceptible sur les vidéos, la policière avait été séparée de son capitaine, projetée au sol, et rouée de coups par plusieurs individus qui s'étaient «acharnés» sur elle selon ses mots. Un peu plus loin, son supérieur avait lui reçu un violent coup de poing au visage. Ses agresseurs n'ont pour l'heure pas pu être identifiés.
Parmi les mis en cause dans l'agression de la gardienne de la paix, trois seulement ont des antécédents judiciaires, a indiqué la procureure de Créteil Laure Beccuau, indiquant que ces jeunes, âgés de 16 à 20 ans, ne se connaissaient pas pour la plupart. «Il y a eu un effet de groupe», même si «ce ne sont pas des gentils», estime une source proche du dossier.
Le «pénalty» d'un jeune sur la policière
Tous les mis en cause n'ont pas été retrouvés avait indiqué le matin la procureure lors d'une conférence de presse pour annoncer l'ouverture d'une information judiciaire.
Parmi les six auteurs présumés de coups, placés en détention provisoire, un amateur de boxe de 16 ans, déjà sous contrôle judiciaire pour violence contre une personne dépositaire de l'autorité publique, qui a nié sa participation. Dans le bus du retour après la soirée, il aurait cependant, selon des témoins, raconté comment il avait «mis un pénalty» à la policière.
Un autre se serait vanté d'avoir participé à l'agression sur un site de rencontre, selon la source proche du dossier. On trouve également parmi les agresseurs présumés un jeune volleyeur de 16 ans qui a reconnu les faits, un autre de 19 ans, déjà sous contrôle judiciaire pour vol avec arme, qui a admis avoir porté des coups «sur une personne au sol» mais sans savoir - malgré l'uniforme qu'elle portait - qu'il s'agissait d'une policière. Il a aussi reconnu avoir «détruit» les vêtements qu'il portait ce soir-là après avoir vu la vidéo circuler, selon une autre source.
Un jeune homme de 18 ans, que l'on voit chanter «Allumer le feu» sur la vidéo - un hommage à Johnny Hallyday, décédé quelques semaines auparavant, a-t-il soutenu aux enquêteurs -, nie lui aussi avoir frappé la policière.
C'est un de ses amis, également mis en examen et placé en détention provisoire pour enregistrement et diffusion d'une scène de violence, qui a tourné les images. Il a assuré aux enquêteurs n'avoir voulu filmer que la prestation de son ami, et de ne pas avoir eu conscience de ce qui se jouait autour.
Il a ensuite envoyé cette vidéo à une jeune femme, elle-même mise en examen pour diffusion des images, des faits qu'elle reconnaît.
Trois autres personnes ont été mises en examen pour non assistance à personne en danger, et placées sous contrôle judiciaire. Les suspects nient, et expliquent avoir eu «peur de se faire eux-même frapper», selon la procureure du parquet de Créteil.
La policière agressée, dont c'était le premier poste, n'a toujours pas repris le travail, et souffre d'un «préjudice psychologique intense», notamment du fait de la diffusion à grande échelle de la vidéo, a précisé Mme Beccuau. Ses agresseurs risquent jusqu'à sept ans de prison.
L'agression et la diffusion des images sur les réseaux sociaux avaient déclenché une vague d'indignation. Emmanuel Macron avait dénoncé un «lynchage lâche et criminel», promettant que les responsables seraient «retrouvés et punis». Dans les jours qui ont suivi, des centaines de fonctionnaires se sont rassemblés devant les commissariats de toute la France pour dénoncer «la haine anti-flic». Des voix s'élevaient alors pour rétablir les peines planchers et rendre impossible tout aménagement de peine pour les agresseurs de policiers.

Une étude révèle une baisse du sentiment d'insécurité en Ile-de-France (12.04.2018)

Pour un tiers des Franciliens, la fréquentation des transports en commun est toujours anxiogène, même si la situation s'améliore. - Crédits photo : © Vincent Isore/IP3/IP3 PRESS/MAXPPP
France | Par Christophe Cornevin
Mis à jour le 12/04/2018 à 20h00
INFOGRAPHIE - Même si les agressions et les vols déclarés sont en recul, 44,8 % des sondés continuent d'éprouver de la peur au quotidien.
En dépit d'une menace islamiste qui reste vivace, le sentiment d'insécurité est en repli à Paris et dans sa grande couronne. Alors que plusieurs études et sondages nationaux ont mis en évidence que 6 Français sur 10 en moyenne nourrissent des peurs au quotidien, les résultats de la dernière enquête dite de «victimation», menée par l'Institut d'aménagement d'urbanisme (IAU) de la région Ile-de-France révèlent que 51 % des Franciliens expriment une anxiété face aux crimes et aux délits qui les entourent. Soit le taux le plus faible - en baisse inédite de 4  points - jamais enregistré depuis le lancement, il y a dix-sept ans, de cette grande enquête auprès de 10.500 Parisiens et banlieusards âgés de 15 ans et plus.
De la même façon, le nombre des Franciliens qui déclarent avoir été «agressés, volés ou confrontés à des atteintes visant des biens appartenant à leur ménage (logement, véhicules) au cours des trois dernières années» a reculé de quatre points pour s'établir à 47,8 %. Soit un seuil qui reste élevé. «Plus de la moitié des interrogés ont déclaré n'avoir jamais subi la moindre atteinte dans la période considérée», détaille Sylvie Scherer, directrice en charge de la mission «prévention sécurité», en précisant que «5 % de l'échantillon a déploré 3 faits de victimations et plus». Alors que la région a mis l'accent sur l'aide aux femmes victimes d'infractions pénales, l'étude estime que les agressions sexuelles ont fait quelque 130.000 victimes entre 2014 et 2016. Soit plus de 122 chaque jour! Les agressions «tout venant», où le prédateur ne connaît pas sa cible, auraient touché quant à elles 580.000 habitants de la capitale ou de sa couronne.
Un «bouclier sécurité»

Toujours sous le choc de la vague des attentats qui ont endeuillé le pays, 62,6 % du public francilien s'accorde à considérer le terrorisme comme le «problème le plus préoccupant». Au chapitre de leurs «peurs personnelles», 44,8 % des sondés persistent à éprouver des craintes «tous lieux confondus». Et ils sont 19,8 % à se sentir angoissés lorsqu'ils sont «seuls dans leur quartier le soir». Le taux s'établit à 38,1 % dans les transports en commun, toujours anxiogènes même si la situation s'améliore.
Si l'on demande aux Franciliens d'énumérer les sources de nuisances dans leur environnement, 28 % déplorent le «quartier pas propre», 27 % le «voisinage bruyant», juste devant les «problèmes de drogue» pour 24 % des habitants, le «vandalisme» (23 %) et enfin les «bandes de jeunes gênantes» (22 %). Face à ces problématiques lourdes, la région Ile-de-France affiche une politique résolument volontariste. «Sous l'impulsion de Valérie Pécresse, la sécurité est au cœur de nos priorités», martèle Frédéric Péchenard, vice-président (LR) en charge de la sécurité et de l'aide aux victimes qui, depuis le nouveau siège de Saint-Ouen, a fait un point très précis sur les mesures déployées par la région depuis deux ans. Fort d'un budget qui a triplé depuis 2016 pour atteindre les 23 millions d'euros, un «bouclier sécurité» a permis d'équiper des polices municipales de 93 communes de l'agglomération en leur fournissant 163 véhicules, 415 gilets pare-balles, 372 bâtons de défense ou encore 342 «caméras piétons et embarquées». En prime, a rappelé Frédéric Péchenard, 127 communes ont bénéficié d'un maillage renforcé de vidéoprotection tandis que des «conventions passés avec l'État ont débouché sur 17 opérations immobilières», dont notamment le commissariat de Saint-Denis ou encore le nouveau laboratoire de police de Paris.
Pas moins de 465 lycées d'Ile-de-France - sur un total 670 - ont été le théâtre d'«opérations de sécurisation» permettant, à la demande des proviseurs, d'installer des caméras, des sas ou des parois pour sanctuariser les établissements. Plus que jamais, la région semble engagée en faveur du fameux «continuum de sécurité» qui se met en place pour rassurer la population.

Transports: un inédit centre de coordination très attendu au cœur de Paris
Un seul et unique centre de sécurité dans les transports franciliens, coordonnant pour la première fois les services de la police, de la SNCF mais aussi de la RATP, pourrait voir le jour au cœur de Paris. Plus précisément au quai de l'Horloge, où se trouvait notamment l'antre historique de la PJ parisienne. «L'idée est d'y réunir tous les moyens radio et vidéo pour optimiser la circulation des informations et accélérer la réactivité sur le terrain. C'est essentiel en cas d'agressions, toujours très rapides», explique Frédéric Péchenard, vice-président de la région, qui a voté un crédit de 8,5 millions d'euros. Au moment où l'agglomération s'organise pour les JO de 2024, ce projet, soumis à l'arbitrage du premier ministre, est d'une impérieuse nécessité

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Ivan Rioufol : «Le “Comprenez-moi” d'Emmanuel Macron» (12.04.2018)

- Crédits photo : FRANCOIS BOUCHON
Vox Politique | Par Ivan Rioufol
Mis à jour le 12/04/2018 à 19h44
CHRONIQUE - En répondant, jeudi, aux questions de Jean-Pierre Pernaut dans son journal de 13 heures de TF1 et sur LCI, le président a voulu donner un sens à son action. Toutefois, il ne suffit pas de s'adresser aux provinces et à la ruralité pour qu'un chef d'État puisse retisser des liens distendus.
Où va la France? Emmanuel Macron l'assure: «Je sais où je veux emmener le pays.» Il entend poursuivre la pluie de réformes. Mais celles-ci, disparates, n'ont en commun que d'illustrer un mouvement. Militairement, la canonnade s'impose s'il s'agit d'écraser l'ennemi. Politiquement, le feu continu s'émousse s'il n'est destiné qu'à étourdir les oppositions. En répondant, jeudi, aux questions de Jean-Pierre Pernaut dans son journal de 13 heures de TF1 et sur LCI, le président a voulu donner un sens à son action, en la ramenant à sa personne. «Comprenez-moi», a-t-il dit en substance. Toutefois, il ne suffit pas de s'adresser aux provinces et à la ruralité pour qu'un chef d'État puisse retisser des liens distendus. «Je vous ai compris», avait lancé Charles de Gaulle dans son discours d'Alger de 1958, qui dissimulait la trahison des Français d'Algérie. Cette humilité, même feinte, n'est pas le genre du chef de l'État. Il préfère répéter: «Je vous ai entendus.» Mais cette même séduction clientéliste peut cacher d'autres abandons.
Près d'un an après son élection, Macron n'a pas réussi à réconcilier la France d'en haut et celle d'en bas. Pis: l'indifférence portée à la vieille nation silencieuse a raidi davantage les Oubliés, éloignés des métropoles mondialisées et déculturées. Les visites locales que le président effectue dans ce qui devient des réserves de petits Blancs, comme les Indiens d'Amérique ont les leurs, restent des figures imposées: les 48 milliards d'euros qui se profilent pour les banlieues (plan Borloo) rappellent les priorités du gouvernement. Le choix de Macron de s'être fait interviewer dans une salle d'école d'un petit village de l'Orne, Berd'huis, fait partie des symboles qu'il sait manier. Pour autant, il n'est pas besoin d'être expert en communication pour déceler, en plus de la canonnade réformatrice, l'intensité du bombardement médiatique qui s'achèvera dimanche soir.
L'atout du président est d'avoir face à lui une extrême gauche répulsive. Excitée par le conflit à la SNCF, elle se caricature dans le sectarisme, la violence, les dégradations.
Les Romains avaient prévenu: Jupiter rend fous ceux qu'il veut perdre. Celui qui, une fois à l'Élysée, a osé s'identifier au dieu de la Foudre laisse voir un besoin de convaincre qui le rapproche des mortels. Mais qui trop embrasse mal étreint. Le choix de Macron de se faire interroger aussi, le 15 avril, par Jean-Jacques Bourdin (BFMTV-RMC) et Edwy Plenel (Mediapart) fait la part belle à un journaliste, Plenel, qui ne cache pas sa haine pour la nation trop homogène et enracinée. «Quand j'entends Français de souche, j'entends raciste de souche», avait-il dit. En 1972, collaborateur à Rouge, il avait signé sous pseudonyme un article soutenant «inconditionnellement» les tueurs de l'organisation palestinienne Septembre Noir, qui venaient d'assassiner onze athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Munich. Depuis, Plenel dénonce l'antisémitisme tout en s'aveuglant sur l'offensive islamiste. L'adoubement de ce tartuffe laisse perplexe.
Pour autant, l'atout du président est d'avoir face à lui une extrême gauche répulsive. Excitée par le conflit à la SNCF, elle se caricature dans le sectarisme, la violence, les dégradations. C'est à l'université de Tolbiac (Paris-I), fer de lance d'une contestation «zadiste» menée notamment pas des «étudiants sans-papiers», que des cocktails Molotov ont été découverts. Des non-grévistes y ont été passés à tabac. Le local de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) a été mis à sac. L'université de Montpellier a été saccagée, comme à Toulouse ou Dijon. Lire, ici et là, les tags des contestataires donne une idée de l'abrutissement de ces jeunes livrés aux «agitateurs professionnels» (Macron): «Un bon flic est un flic mort» ; «Mort aux Blancs» ; «Femmes, voilez-vous». À Nantes, le «collectif féministe racisé de l'université» organise des réunionsen «non-mixité racisé.e.s», c'est-à-dire interdites aux Blancs. Le président vaincra sans péril cette minorité de petits fachos. Mais le président triomphera sans gloire.
L'exemple Orban
Ces victoires annoncées, ces plans médias multipliés, ce bougisme réformiste ne suffiront pas à convaincre ceux qui voient dans Macron le personnage ambitieux mais insincère que décrit François Hollande dans son livre bilan sorti mercredi. Le discours du chef de l'État, lundi devant la Conférence des évêques de France, a été applaudi par beaucoup de catholiques. Le texte n'en reste pas moins l'exemple d'une pensée qui, sous couvert de «complexité», détourne des mots pour obscurcir un débat. Quand Macron assure: «Le lien entre l'Église et l'État s'est abîmé, il nous incombe de le réparer», il laisse envisager un possible aménagement de la séparation entre l'Église et l'État, cette construction étrangère à l'islam. Quand il parle de «sève catholique» qui coulerait en dépit de «racines» qui «peuvent être aussi mortes», il décrit une incohérence botanique - il faut des racines pour avoir une sève - qui lui sert de prétexte pour écarter l'inscription des racines chrétiennes dans la Constitution. Ce raisonnement mal ficelé pourrait amener en fait à un recul sur la laïcité, priée de s'adapter à l'islam récalcitrant. Or c'est l'inverse qu'il faudrait clairement défendre.
En réalité, c'est de l'Europe centrale que souffle le vent d'une révolution «populiste» face à laquelle Macron veut être le barrage. En donnant, dimanche dernier, une large victoire au parti de Viktor Orban (près de 49 % des voix), les Hongrois ont confirmé la puissance de la vague conservatrice qui déferle sur l'Europe. Orban n'a aucun complexe à défendre les racines chrétiennes face à l'islam politique, à refuser la société multiculturelle, à dénoncer la politique migratoire que l'Union européenne impose aux États, à commencer par la France. Il n'a pas craint d'édifier un mur de protection, en dépit des hurlements des sermonnaires. Il parle du risque de voir, «en quelques décennies», son pays donné à «des étrangers venus d'autres coins du monde, qui ne parlent pas notre langue, ne respectent pas notre culture, nos lois et nos modes de vie, et qui veulent remplacer les nôtres par les leurs». Orban, c'est l'anti-Macron.
Si une guerre internationale doit exploser demain, la Syrie en sera l'épicentre. Toutes les puissances mondiales et nombre de puissances régionales (Russie, États-Unis, Chine, Europe, Turquie, Iran, Israël, etc.) se retrouvent sur ce territoire chaotique. C'est pourquoi la menace d'une frappe française contre le régime de Bachar el-Assad pourrait être l'étincelle. Hier, Macron a assuré avoir «la preuve» que des armes chimiques (du chlore) ont été utilisées par Damas. Puisse-t-il néanmoins résister aux va-t-en-guerre qui l'appellent à frapper Assad, protégé par la Russie de Poutine.
Prochaine chronique: 27 avril.

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Macron annonce une clarification du financement des mosquées (12.04.2018)

La mosquée Sounna de Marseille a été fermée pour six mois, en décembre dernier, en raison des prêches jugés extrémistes de son imam. - Crédits photo : BORIS HORVAT/AFP
France | Par Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 12/04/2018 à 21h34
Le président de la République dévoilera dans les prochains mois des mesures pour empêcher l'ouverture de mosquées par des «financements cachés».
«Intraitable». Le mot fut employé par Emmanuel Macron pour exprimer sa détermination à lutter contre l'immigration illégale, au lendemain d'un crime odieux commis contre deux femmes à Marseille, en octobre dernier, par un clandestin qui aurait dû être expulsé.
L'expression ressurgit aujourd'hui dans la bouche du chef de l'État, quand il s'agit de qualifier son action contre l'islam radical en France. «Il y a des mosquées ou des gens qui ne respectent pas les lois de la République, qui prêchent des choses qui ne sont pas conformes aux lois de la République et conduisent à la violence, celles-ci seront fermées», a déclaré le président de la République lors de son interview, jeudi, au «13 heures» de TF1. «On continuera et on sera intraitables», a-t-il insisté.
Trois mosquées fermées
Déjà, il se flatte d'avoir sévi grâce à la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme qu'il a fait voter à l'automne. À Sartrouville, à Aix-en-Provence, à Marseille, «j'ai fait fermer trois mosquées avec la plus grande rigueur», s'est-il félicité. Par ailleurs, il est intervenu, dit-il, à Ecquevilly (Yvelines), une commune dont la maire s'est plainte de ne pas avoir obtenu de réponse du ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, à son courrier alarmant sur le salafisme dans sa ville.
«Il y avait un imam là-bas qui suscitait des inquiétudes, a assuré le président. On a empêché qu'une mosquée ne s'ouvre par le travail justement des services.» «Il y a une procédure qui est ouverte contre lui et on lutte justement contre le salafisme, c'est-à-dire l'extrémisme, le fondamentalisme religieux», a-t-il précisé, visiblement bien informé. «Je veux être très clair: c'est un problème dans notre pays», a-t-il ajouté.
«Contrôle de l'État»
Par ailleurs, Emmanuel Macron a déclaré qu'il annoncerait «dans les prochains mois» ses mesures pour «clarifier les règles de fonctionnement et de financement» des mosquées. «J'ai reçu le prince héritier d'Arabie saoudite il y a deux jours. Je lui ai parlé et nous allons prendre des décisions aussi conjointement», a-t-il affirmé. Et de conclure: «Je ne veux plus de mosquées qui s'ouvrent avec des financements cachés. Je ne veux plus de gens qui utilisent l'argent du pèlerinage pour faire n'importe quoi.» Il réclame «contrôle de l'État» et «transparence».

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À Gaza, le virage tactique du Hamas (12.04.2018)

Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas, a salué lundi, dans le «camp du retour» de Malaka, «le réveil du peuple palestinien». - Crédits photo : MAHMUD HAMS/AFP
International | Par Cyrille Louis
Mis à jour le 12/04/2018 à 22h37
Confronté à une érosion de sa popularité,  le mouvement islamiste opère une improbable conversion à la lutte pacifique.
Envoyé spécial à Gaza
La mise en scène avait été ciselée pour frapper les esprits. Lundi, alors que le soir tombait à l'est de la bande de Gaza, le chef du Hamas a pris la parole devant une foule de journalistes convoqués pour l'occasion dans le «camp du retour» de Malaka. Veste noire, chemise blanche et chevelure poivre et sel, Ismaël Haniyeh a salué «le réveil du peuple palestinien» et promis de «poursuivre le mouvement jusqu'à la victoire». Mais le cœur de son message était ailleurs, sur un immense panneau érigé en toile de fond. Assorti de légendes en arabe et en anglais, celui-ci représentait trois figures de la lutte non-violente contre l'oppression. De gauche à droite: le Mahatma Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela.
Le symbole, à défaut d'être subtil, atteste que le Hamas entend jouer un rôle de premier plan dans les «Marches du retour» organisées chaque vendredi à la frontière avec Israël. Imaginée début janvier par un groupe d'activistes qui cherchaient à remettre la question palestinienne sur le devant de la scène, l'initiative a depuis lors été progressivement prise en main par les factions. Mais l'entrée en scène du mouvement islamiste, dont la charte rédigée en 1988 affirme que la lutte armée est la seule voie vers libération nationale, a de quoi surprendre. Tandis que le Fatah de Yasser Arafat acceptait de négocier avec l'État hébreu, le Hamas s'est illustré à partir des années 1990 par une campagne d'attentats suicides. Celle-ci a tué des centaines d'Israéliens et entraîné son inscription, par les États-Unis et l'UE, sur la liste des organisations terroristes. «Il est vrai que la résistance pacifique ne fait pas vraiment partie de notre culture, admet Ghazi Hammad, un haut responsable du mouvement. Mais nous avons choisi d'en faire une nouvelle corde à notre arc dans l'espoir d'être mieux entendus par la communauté internationale.»
Le Hamas, comme les autres factions, siège depuis plusieurs semaines au sein du Haut Comité formé pour piloter le mouvement. Le 30 mars, jour de la première marche, ses dirigeants ont appelé la population à rejoindre les cinq points de rassemblements aménagés le long de la frontière. Ils ont aussi facilité les transports et contribué à organiser la logistique sur ces camps, où les policiers de la sécurité intérieure assurent une présence vigilante. «On observe les allées et venues, commente Ala Najjar, membre d'un comité d'organisation, et on recommande aux jeunes de ne pas trop avancer vers la barrière pour éviter les violences.» La consigne, de toute évidence, n'est qu'en partie respectée. Si la majorité des participants se tient à distance, beaucoup d'autres se sont approchés de la frontière pour faire un sit-in, jeter des pierres en direction des soldats ou tenter d'arracher un bout de clôture. Trente ont été tués et plus de 1300 ont été blessés par balle.
Misère et désœuvrement
Critiquée pour ce lourd bilan, l'armée israélienne affirme que le Hamas téléguide les manifestants et les incite en sous-main à défier les soldats dans l'espoir de faire couler le sang. L'accusation, prévisible, est aussi difficile à étayer qu'à battre en brèche. L'image de jeunes hommes désarmés qui tombent sous les balles d'une armée surpuissante sert objectivement les intérêts du mouvement. Mais une visite sur le «camp du retour» édifié à l'est de Khan Younis, où le bilan des deux premiers vendredis a été particulièrement lourd, donne le sentiment que celui-ci n'a pas forcément besoin de tirer les ficelles pour arriver à ce résultat. Des nuées d'adolescents dépenaillés y rôdent chaque après-midi, venu des villages alentour pour tuer le temps et toiser l'ennemi. Ils brandissent le drapeau palestinien, brûlent des pneus qu'ils roulent ensuite vers la clôture. Une grenade lacrymogène fuse, une balle claque. Sans doute certains de ces trompe-la-mort sont-ils liés au Hamas. Sa branche armée, au soir du 30 mars, a indiqué avoir perdu cinq de ses membres sous les tirs israéliens. En dix années de règne sur l'enclave côtière, le mouvement islamiste a eu le temps de tisser sa toile dans chaque hameau, chaque famille. Mais ils partagent surtout une même misère, un même désœuvrement - et ce besoin quasi physique de secouer leurs entraves.
Ahmed Abou Ghali, 20 ans, est l'un d'eux. Vendredi 30 mars, peu après la prière de la mi-journée, il s'est approché d'une des portes aménagées dans la clôture et a entrepris d'en faire sauter le cadenas avec une pince. Lorsqu'une Jeep de l'armée s'est approchée, il dit lui avoir jeté plusieurs cocktails Molotov. Peut-être en rajoute-t-il un peu, soucieux d'impressionner son interlocuteur. Mais les deux blessures par balle qu'il exhibe à l'abdomen et à la jambe droite invitent à tendre l'oreille. Issu d'une famille de réfugiés originaire de Yavna, près de la ville israélienne d'Ashdod, Ahmed passe ses journées à «conduire le matelas» - c'est-à-dire, dans l'argot de Gaza, à ne rien faire. «Les factions, assure-t-il, on ne veut plus en entendre parler. Mais on reste prêt à mourir pour défendre Jérusalem…»
«Nous ne sommes pas intéressés par une nouvelle confrontation militaire» 
Ghazi Hammad, un haut responsable du Hamas
La nécessité de canaliser cette colère, qui prospère sur une situation économique calamiteuse, contribue sans doute à expliquer le virage tactique du Hamas. Mais celui-ci a aussi des causes plus profondes. En choisissant de se convertir, au moins de façon temporaire, à la résistance pacifique, les dirigeants du mouvement espèrent sortir de l'impasse dans laquelle ils se trouvent enfermés. Après trois guerres successives, dont la dernière a fait plus de 2200 morts et détruit 10.000 maisons, les habitants de Gaza ont pour la plupart cessé de croire que le salut viendra d'une victoire militaire contre Israël. Les roquettes du Hamas ont perdu de leur efficacité depuis l'apparition des batteries antimissiles «Dôme de fer». Ses tunnels offensifs risquent d'être bientôt neutralisés par le mur souterrain qu'Israël construit à sa frontière. «Nous ne sommes pas intéressés par une nouvelle confrontation militaire», reconnaît Ghazi Hammad.
Contraint de changer de stratégie, le mouvement islamiste a tenté en septembre dernier de se réconcilier avec le Fatah, qu'il avait chassé par les armes au cœur de l'été 2007. En gage de sa bonne volonté, il a dissous l'organe exécutif mis en place pour gouverner Gaza et remis les clés des points de passage vers Israël et l'Égypte à l'Autorité palestinienne. Mais le président Mahmoud Abbas, loin de se satisfaire de ces avancées, n'a cessé de durcir ses exigences. Au risque d'aggraver encore la crise humanitaire, il menace désormais de couper tout lien financier avec le territoire si le mouvement ne renonce pas à la totalité de ses pouvoirs. «Cette “Marche du retour”, résume le Mkhaimar Abousaada, tombe à point nommé pour redonner un peu d'oxygène politique au Hamas.»
«L'essentiel est pour l'heure de tout faire pour que cette marche reste non-violente, c'est ainsi que nous aurons le plus fort impact sur la communauté internationale»
Ghazi Hammad
Monté à bord du train alors qu'il se trouvait encore en gare, le mouvement semble avoir décidé d'en prendre le contrôle après avoir vu plusieurs dizaines de milliers de Palestiniens converger, deux vendredis de suite, vers la frontière. «Cette mobilisation exceptionnelle, explique la députée islamiste Houda Naïm, intervient à un moment historique. Les Américains ont décidé de liquider la cause palestinienne et notre peuple refuse de se laisser faire.» Près d'elle, devant les tentes aménagées en lisière du camp de réfugiés d'al-Bureij, un sympathisant s'enflamme en évoquant les prochaines étapes. Le point culminant de la «Marche du retour» doit intervenir le 15 mai, date de la «catastrophe» (Nakba) que constitua le départ forcé de 700.000 Palestiniens après la création de l'État d'Israël. «Ce jour-là, prévient Ameh Abou Hmissi, même si notre sang doit couler, nous serons des centaines de milliers à franchir la clôture pour retourner vers les terres volées à nos grands-parents.»
Ghazi Hammad, plus prudent, confie que «la suite des événements n'est pas encore très claire». En plus des revendications portant sur le «droit au retour» du 1,3 million de réfugiés établis à Gaza, dont Israël ne veut pas entendre parler, le Haut Comité réclame désormais la levée du blocus. «L'essentiel est pour l'heure de tout faire pour que cette marche reste non-violente, martèle M. Hammad, car c'est ainsi que nous aurons le plus fort impact sur la communauté internationale.» Houda Naïm, la députée du Hamas, précise: «Nous n'avons pas renoncé à la résistance armée, mais considérons que ces marches pacifiques sont aujourd'hui le meilleur moyen d'atteindre les points faibles de notre ennemi.»

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Plus de meurtres à Londres qu'à New York (11.04.2018)

Cressida Dick, la chef de Scotland Yard. - Crédits photo : Peter Nicholls/REUTERS
International | Par Florentin Collomp
Mis à jour le 11/04/2018 à 19h29
La capitale britannique est en proie à une sanglante épidémie d'homicides. Les jeunes des communautés noires sont particulièrement touchés par des attaques à l'arme blanche, en hausse de 30% en un an.
Correspondant à Londres
Israel Ogunsola, 18 ans, poignardé en pleine rue dans l'est de Londres, le 4 avril. Henry Vincent, 37 ans, tué à coups de couteau chez lui, dans le sud de la capitale le même jour. Amaan Shakoor, 16 ans, mort à l'hôpital le 2 avril de ses blessures par balle la veille. Tanesha Melbourne-Blake, 17 ans, tuée alors qu'elle marchait avec des amis à Tottenham, quartier du nord de Londres, le même jour. Devoy Stapleton, 20 ans, poignardé dans le sud de la ville le dimanche de Pâques. Et un homme de 53 ans est mort dans une bagarre au nord-est de Londres.
Six morts en sept jours: la première semaine d'avril a été l'une des plus meurtrières qu'ait connues la capitale britannique. Sans compter neuf personnes blessées à l'arme blanche en 24 heures, entre jeudi et vendredi derniers. L'année avait commencé dans le sang: quatre hommes de moins de 20 ans ont été poignardés durant la nuit du réveillon. Depuis, 55 meurtres ont été répertoriés à Londres, dont 11 d'adolescents. En février et en mars, il y a eu plus d'homicides à Londres qu'à New York.
Actes gratuits
Avec des populations comparables, Londres n'est certes pas le coupe-gorgeque fut la grosse pomme dans les années 1980, où l'on recensait plus de 2000 meurtres par an. Un chiffre ramené à 292 l'an dernier, contre 134 sur les rives de la Tamise.
La violence engendre la violence. Comme ils craignent pour leur sécurité, les jeunes des quartiers se déplacent souvent armés de couteaux pour se défendre
Mais la violence endémique qui frappe particulièrement les jeunes de communautés noires connaît une explosion préoccupante. Les attaques à l'arme blanche ont augmenté de plus de 30 % en un an. Dans les hôpitaux, les chirurgiens des urgences s'alarment de devoir traiter au quotidien de ce type de blessures. Le nombre de victimes de moins de 16 ans a bondi de 63 % en cinq ans. Pour le chirurgien chef Martin Griffiths, du National Health Service, cette «horreur» devenue «normale» rappelle à ses collègues des scènes de la guerre en Afghanistan. «On reçoit des enfants en uniforme de leur école blessés par balle ou au couteau», décrit-il.
Près de la moitié de ces morts a pour origine des règlements de comptes entre gangs de quartiers ou de cités. Certaines sont liées au trafic de drogues. Mais beaucoup apparaissent comme des actes gratuits de représailles à des incidents mineurs. La violence engendre la violence. Comme ils craignent pour leur sécurité, les jeunes des quartiers se déplacent souvent armés de couteaux pour se défendre. Le fléau, récurrent depuis des années, préoccupe la police et les travailleurs sociaux depuis longtemps, qui dénoncent régulièrement une relative indifférence. Son explosion récente le propulse à la «une» de l'actualité nationale.
Député travailliste de Tottenham, David Lammy dénonce la passivité des pouvoirs publics. «Est-ce qu'une vie dans ma circonscription vaut moins qu'une vie ailleurs dans le pays? J'ai vu quatre jeunes perdre la vie depuis Noël et je n'ai pas reçu un coup de fil de la première ministre ou de la ministre de l'Intérieur. Où est le consensus politique pour une stratégie sérieuse? Trop, c'est trop», s'est-il indigné, mettant aussi en cause le maire de la capitale, Sadiq Khan, pourtant du même bord que lui. Loin du consensus, les politiques se renvoient la balle. La gauche dénonce les conséquences de l'austérité mise en place par les gouvernements conservateurs depuis 2010. La droite incrimine le maire travailliste, en charge de la police, en poste depuis deux ans, période durant laquelle les chiffres des violences se sont envolés.
«La police de proximité a complètement disparu»
Les coupes budgétaires pendant que Theresa May était ministre de l'Intérieur ont entraîné une diminution de 20 % des effectifs policiers. «La police de proximité a complètement disparu», se plaint David Lammy. L'actuelle ministre de l'Intérieur, Amber Rudd, a tenté de minimiser l'argument, pour être contredite par la fuite d'un rapport de son administration selon lequel «la pression sur les ressources dédiées à la violence grave a conduit à une baisse des poursuites qui a pu encourager les délinquants». Elle a présenté lundi un programme pour lutter contre cette criminalité, doté de 40 millions de livres (46 millions d'euros), sans préciser d'où viendraient ces fonds. Elle entend notamment s'attaquer à la glorification de la violence sur les réseaux sociaux et travailler sur l'insertion locale et professionnelle des jeunes concernés.
La chef de Scotland Yard, Cressida Dick, dément l'idée que la police aurait «perdu le contrôle» des rues de Londres. Elle a envoyé 300 agents en renfort dans les zones les plus sensibles. Sadiq Khan a organisé mardi en urgence un sommet consacré au sujet, avant de se montrer mercredi dans le cadre d'une opération policière de saisies d'armes dans le quartier de Croydon, au sud de la ville.

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Pour l'OCDE, l'impôt sur la fortune n'est pas un outil efficace (12.04.2018)
Le siège du Centre de Politique et d'Administration Fiscale de l'OCDE, à Boulogne-Billancourt. - Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro
Conjoncture | Par Armelle Bohineust
Mis à jour le 12/04/2018 à 18h46
L'organisation internationale préconise une imposition plus progressive de l'épargne dans certains pays.

L'impôt sur la fortune est-il efficace? Pas vraiment, estime l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques. Ce n'est ni un moyen pour un État de s'enrichir, ni une piste pour réduire les inégalités.

Il ne reste plus aujourd'hui que quatre pays, contre douze en 1990 à taxer la fortune de leurs concitoyens: la France, la Suisse, l'Espagne et la Norvège. Or cela ne leur rapporte pas grand-chose, constate l'OCDE, qui a étudié la situation dans les 35 pays membres de l'organisation basée à Paris. En Suisse, le pays qui engrange le plus de fonds grâce à cette taxe, les recettes ne représentaient que 1,03 % du PIB et 3,7 % de la totalité des revenus fiscaux en 2016. Ce gain s'élevait à 0,18 % du PIB en Espagne et 0,43 % en Norvège. En France, il stagnait à 0,22 % (et à 0,48 % des recettes fiscales), indique l'institution.

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L'inégalité de richesse est bien plus grande que l'inégalité de revenus et elle s'accroît depuis des années, ne serait-ce que parce que la richesse entraîne la richesse, reconnaît l'institution. Pour autant, explique l'OCDE, il n'est pas utile d'ajouter un impôt sur la fortune dans les pays où «les impôts sur les revenus individuels du capital reposent sur une large assise». Surtout si «les impôts sur les successions sont bien conçus». C'est d'autant plus vrai que la taxe sur la fortune est souvent moins équitable que l'impôt sur le revenu, parce qu'elle ne tient pas compte des revenus du capital, argumente l'OCDE.

Comptes courants taxés
Emmanuel Macron ne contredira pas ce point de vue. Réduire l'impôt sur la fortune «n'est pas de l'injustice mais une politique d'investissement», a-t-il rappelé lors de son interview sur TF1 jeudi.

L'OCDE se penche sur un autre aspect de l'imposition des particuliers dans un rapport consacré, cette fois-ci, à la fiscalité de l'épargne des ménages. Dans la plupart des 40 pays étudiés (les membres ainsi que l'Argentine, la Colombie, la Lituanie, la Bulgarie et l'Afrique du Sud), les gouvernements taxent peu les produits de l'épargne directement constituée en vue de la retraite. Entre le vieillissement démographique et la pression sur les systèmes de sécurité sociale, cela se justifie, note l'OCDE.

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Toutefois, le traitement fiscal des produits d'épargne tend à «favoriser les contribuables aisés». Les populations les moins favorisées conservent «une fraction plus importante de leurs avoirs sur des comptes courants assez fortement taxés» alors que les plus aisées «placent davantage leur épargne dans des fonds et des actions souvent soumis à une fiscalité plus faible», note le rapport.

«Les pays n'ont pas nécessairement besoin d'alourdir les prélèvements sur l'épargne», résume Pascal Saint-Amans, directeur du Centre des administrations fiscales de l'OCDE. Mais, c'est un moyen de favoriser la croissance inclusive. Certains pays devraient accroître la progressivité de leurs prélèvements sur l'épargne, encourage l'OCDE.


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