samedi 14 avril 2018

Islamisme et politique 11.04.2018



Frappes en Syrie : Poutine condamne «une violation du droit international» (14.04.2018)
Au cœur de la nuit du 14 avril 2018, la France frappe en Syrie (14.04.2018)
Un an après son élection, Macron enfile le costume du chef de guerre (14.04.2018)
Pour la Chine, les frappes en Syrie ne font que «compliquer le problème» (14.04.2018)
Frappes en Syrie : Mélenchon dénonce «une escalade irresponsable» (14.04.2018)
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Frappes en Syrie : la France a tiré son premier missile de croisière naval (14.04.2018)
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Frappes en Syrie : Poutine condamne «une violation du droit international» (14.04.2018)

Le président russe Vladimir Poutine. - Crédits photo : MIKHAIL KLIMENTYEV/AFP
International | Par Pierre Avril
Mis à jour le 14/04/2018 à 13h22
VIDÉO - Le président russe a appelé à une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies après les opérations menées par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Unis dans la nuit de vendredi à samedi.
De notre correspondant à Moscou
Dès le milieu de la matinée à Moscou, Vladimir Poutine a condamné les frappes occidentales sur la Syrie, les qualifiant dans un communiqué d'«un acte d'agression contre un état souverain engagé dans la lutte contre le terrorisme», «en violation des normes et des principes du droit international».
Contrairement à ce que soutiennent les Occidentaux, le chef du Kremlin a démenti tout usage de chlore ou de produits paralysants à Douma, accusant les alliés d'avoir, sans attendre, «méprisé de manière cynique» le travail des inspecteurs de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). Ces derniers doivent se rendre en Syrie dès samedi. Les jours précédents, Moscou avait accusé les rebelles - et également la Grande Bretagne - d'avoir mis en scène l'attaque chimique à Douma.
«Par leurs actions, les États-Unis aggravent la catastrophe humanitaire, infligent des souffrances à la population civile, et de ce fait encouragent les terroristes qui tourmentent depuis sept ans le peuple syrien», a par ailleurs déclaré le président russe, accusant également Washington de «provoquer une nouvelle vague de réfugiés issus de ce pays et de la région en général». «L'escalade actuelle exerce un effet destructeur sur l'ensemble du système des relations internationales», a conclu le chef de l'État russe, annonçant la convocation d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU.
Les bases russes épargnées
Plus tôt dans la matinée, le président du Comité des Affaires étrangères du Conseil de la Fédération, Konstantin Kosatchev, avait déclaré que la réponse de la Russie «ne devra pas être militaire, mais rester dans le domaine du droit». Le même argument légal a été repris par le vice-président de l'institution, Vladimir Djabarov: «Il s'agit d'un premier pas vers une large confrontation, et rien de bon ne peut en sortir», a condamné le sénateur.
Sur le plan militaire, la Russie s'est employée à minimiser l'ampleur et l'efficacité des frappes alliées. Tôt dans la matinée, le ministère de la Défense a indiqué que plus de cent missiles avaient été lancées en Syrie mais qu'un «nombre significatif» d'entre eux avaient été interceptés: selon cette même source, la base aérienne syrienne de Doumair, à l'est de Damas, aurait intercepté la totalité des douze missiles qui la visaient.
«Les systèmes de défense anti aérien S 125, S 200, Bouk et Kvadrat ont été utilisées», a ajouté le ministère en précisant que ces derniers ont été fabriqués en Union soviétique «il y a plus de trente ans». En revanche, aucune mention n'a été faite des systèmes de défense anti-aérien contemporains S 300 et S 400, essentiellement déployés autour des installations russes. De fait, aucun des missiles alliés n'a pris pour cible les deux bases russes en Syrie de Tartous et Hmeimim, a ajouté Moscou, confirmant les déclarations alliées selon lesquelles les installations russes et leurs hommes ont été épargnés. L'ambassade russe à Damas n'a pas été visée et son personnel n'a pas été blessé, a quant à elle déclaré la représentation diplomatique dans la capitale syrienne.
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Correspondant à Moscou
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Au cœur de la nuit du 14 avril 2018, la France frappe en Syrie (14.04.2018)
Par Aude Bariéty et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 14/04/2018 à 14h32 | Publié le 14/04/2018 à 12h30
VIDÉOS - Dans la nuit de vendredi à samedi, la France a engagé cinq frégates, cinq Rafale, quatre Mirage 2000, deux Awacs et des ravitailleurs pour frapper deux sites de la région de Homs. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a déclaré que l'objectif visé était atteint.
Quelques heures après la fin de l'opération conjointe des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni en Syrie, l'heure est au bilan de ces frappes visant à punir le régime syrien de son attaque chimique présumée à Douma le 7 avril dernier.
Faisons le point sur le rôle joué par la France dans cette intervention qualifiée par Paris de «légitime», «proportionnée et ciblée».
● Les moyens engagés et les sites visés
L'Elysée a annoncé ce samedi en fin de matinée que dans le cadre de l'opération conjointe avec les États-Unis et le Royaume-Uni, la France avait frappé deux sites de la région de Homs: un de stockage et un de production.
La présidence a précisé que l'Hexagone n'avait pas participé aux frappes sur le centre de recherche situé près de Damas. La ministre des Armées Florence Parly avait indiqué plus tôt que trois sites avaient été visés par les forces françaises, dont ce centre de recherche chimique.
Cinq frégates - trois frégates multimissions FREMM, une frégate anti-aérienne et une frégate anti-sous-marine - et un pétrolier ravitailleur ont été engagés, ainsi que cinq Rafale, quatre Mirage 2000-5, deux Awacs et six ravitailleurs.
Une FREMM a tiré trois missiles et les Rafale ont tiré neuf missiles, sur une centaine de missiles tirés en tout. «Rien ne nous laisse penser qu'ils (les missiles) puissent avoir été interceptés», a déclaré le porte-parole de l'état major des armées.
Le raid aérien est parti vendredi de plusieurs bases en France - dont Saint-Dizier en Haute-Marne - afin de rejoindre les côtes de la Syrie. L'opération française a duré une dizaine d'heures.
● Le but de la France «atteint»
Sur BFMTV, Jean-Yves Le Drian a déclaré ce samedi en fin de matinée que l'objectif avait été «atteint»: «Le but de cette opération, c'était de détruire les outils chimiques clandestins du régime de Bachar el-Assad et, à cet égard, l'objectif a été atteint».
Le ministre des Affaires étrangères a affirmé qu'il n'y aurait pas de deuxième phase de frappes, à moins qu'une nouvelle attaque chimique ne soit lancée par le régime syrien. «Si d'aventure [la ligne rouge] était refranchie, il y aurait une autre intervention mais je pense que la leçon sera comprise», a souligné le ministre qui a précisé qu'une «bonne partie de l'arsenal chimique» syrien avait été «détruite».
«Le but est simple: empêcher le régime de faire à nouveau usage d'armes chimiques», avait souligné la ministre des Armées Florence Parly en détaillant les opérations au petit matin.
● La visite de Macron en Russie «pas remise en cause»
Le président de la République doit se rendre en Russie les 24 et 25 mai prochains. Malgré les événements de la nuit, fermement condamnés par le Kremlin, cette première visite depuis le début du quinquennat n'est «pas remise en cause», a affirmé Jean-Yves Le Drian.
● La France veut «travailler dès maintenant» à la relance du processus politique
La France veut «travailler dès maintenant à la reprise» du processus politique dans la crise syrienne, a déclaré Jean-Yves Le Drian. «Un plan de sortie de crise doit être trouvé, avec une solution politique. Nous sommes prêts à y travailler dès maintenant avec tous les pays qui peuvent y contribuer».
Dans ce contexte, la France va également «reprendre des initiatives politiques» pour obtenir le «démantèlement du programme chimique syrien de manière vérifiable et irréversible» et faire respecter les résolutions du Conseil de sécurité de l'Onu sur le cessez-le-feu et l'accès de l'aide humanitaire aux populations, a ajouté le ministre.

Le communiqué d'Emmanuel Macron
Voici en intégralité le communiqué du chef de l'État envoyé dans la nuit à 03h26 aux rédactions puis posté sur Twitter. Intitulé «communiqué de presse du Président de la République sur l'intervention des forces armées françaises en réponse à l'emploi d'armes chimiques en Syrie», il comporte une vingtaine de lignes.
«Le samedi 7 avril 2018, à Douma, des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants ont été massacrés à l'arme chimique, en totale violation du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.
Les faits et la responsabilité du régime syrien ne font aucun doute.
La ligne rouge fixée par la France en mai 2017 a été franchie.
J'ai donc ordonné aux forces armées françaises d'intervenir cette nuit, dans le cadre d'une opération internationale menée en coalition avec les États-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni et dirigée contre l'arsenal chimique clandestin du régime syrien.
Notre réponse a été circonscrite aux capacités du régime syrien permettant la production et l'emploi d'armes chimiques.
Nous ne pouvons pas tolérer la banalisation de l'emploi d'armes chimiques, qui est un danger immédiat pour le peuple syrien et pour notre sécurité collective. C'est le sens des initiatives constamment portées par la France au Conseil de Sécurité des Nations unies.
La France et ses partenaires reprendront, dès aujourd'hui, leurs efforts aux Nations unies pour permettre la mise en place d'un mécanisme international d'établissement des responsabilités, prévenir l'impunité et empêcher toute velléité de récidive du régime syrien.
Depuis mai 2017, les priorités de la France en Syrie sont constantes: terminer la lutte contre Daech, permettre l'accès de l'aide humanitaire aux populations civiles, enclencher une dynamique collective pour parvenir à un règlement politique du conflit, afin que la Syrie retrouve enfin la paix, et veiller à la stabilité de la région.
Je poursuivrai ces priorités avec détermination dans les jours et les semaines à venir.
Conformément à l'article 35, alinéa 2, de la Constitution, le Parlement sera informé et un débat parlementaire sera organisé, suite à cette décision d'intervention de nos forces armées à l'étranger.»
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Un an après son élection, Macron enfile le costume du chef de guerre (14.04.2018)
Par Marcelo Wesfreid
Mis à jour le 14/04/2018 à 15h08 | Publié le 14/04/2018 à 14h29
Après avoir haussé le ton ces dernières semaines, le président de la République a finalement ordonné aux forces armées françaises de frapper en Syrie. Une décision qui contraste avec celles des présidents précédents.
Tout de suite, il y a eu le symbole. Dès ses premières minutes comme chef de l'État. À peine avait-il été investi qu'Emmanuel Macron quittait l'Élysée pour remonter l'avenue des Champs-Élysées, le 14 mai 2017, à bord d'un Command car blindé. Un véhicule de Reconnaissance et d'appui très employé sur les terrains d'intervention africain. Dès le début, le président de la République avait voulu montrer que, malgré son jeune âge - il appartient à une génération qui n'a fait pas son service militaire - il entendait endosser pleinement son habit de chef des armées, au cœur de ses prérogatives constitutionnelles.
Les symboles sont une chose. Les actes, en sont une autre. Or, Emmanuel Macron s'était plutôt illustré par une certaine modération. S'il n'avait pas choisi de retirer les troupes françaises déployées à l'étranger, notamment au Sahel où l'exécutif considère que les armées locales ne sont pas encore en mesure de prendre la relève, Emmanuel Macron n'avait pas ouvert de nouveaux fronts. En ce sens, son action contrastait avec celle de son prédécesseur François Hollande.
«J'ai ordonné aux forces armées françaises d'intervenir»
Ce 14 avril à 3 h du matin marque donc un tournant historique. Le moment où le président en revêtant ses habits de chef de guerre est entré dans la solitude de la décision suprême, celle de l'engagement de la force militaire. «J'ai […] ordonné aux forces armées françaises d'intervenir cette nuit, dans le cadre d'une opération internationale menée en coalition avec les États-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni, et dirigée contre l'arsenal chimique clandestin du régime syrien», a déclaré Emmanuel Macron, dans un communiqué. Un débat parlementaire sera organisé au parlement, en vertu de l'article 35, a-t-il indiqué.
Dans la foulée, une photo officielle était rendue publique, montrant le chef de l'État dans le bunker Jupiter, centre militaire sous l'Élysée, entouré de la ministre des Armées Florence Parly, du chef d'état-major particulier du président et de hauts gradés. Un cliché qui n'est pas sans rappeler la fameuse scène où Barack Obama assiste à l'assaut sur la résidence pakistanaise de Ben Laden, en 2011.
Ces derniers jours, Emmanuel Macron avait haussé le ton, évoquant avoir «la preuve» de l'utilisation d'armes chimiques, lors de son intervention sur TF1, le 12 avril. À partir de là, il devenait difficile de reculer. «Ces dernières semaines, il s'est démené en coulisses, avec une intense activité diplomatique, passant un nombre d'appels très importants au turc Erdogan, à Vladimir Poutine et à l'Iranien Rohani», confiait un ministre important, il y a quelques jours.
Pas question, toutefois, pour la France de se retrouver isolée sur le plan militaire, comme il était advenu en août 2013, où François Hollande avait dû renoncer à frapper le régime de Bachar el-Assad, faute de soutien des Américains et des Britanniques. Aujourd'hui, les frappes françaises ont été coordonnées avec Washington et Londres.
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Pour la Chine, les frappes en Syrie ne font que «compliquer le problème» (14.04.2018)
Par Cyrille Pluyette
Mis à jour le 14/04/2018 à 14h15 | Publié le 14/04/2018 à 14h02
Pékin a condamné l'intervention des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni, jugeant l'offensive occidentale illégale.
La Chine a condamné les frappes menées en Syrie par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni. «Nous nous opposons constamment à l'usage de la force dans les relations internationales», a déclaré samedi Hua Chunying, porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, qui a appelé «toutes les parties concernées à revenir dans le cadre du droit international» et prône le «dialogue et la négociation» pour résoudre la crise.
Le géant asiatique a clairement fait savoir qu'il jugeait l'offensive occidentale illégale. «Toute action militaire unilatérale qui contourne le Conseil de sécurité de l'ONU (…) contrevient aux principes et normes élémentaires du droit international, et ne fait que compliquer la résolution du problème syrien», a martelé Hua Chunying. La porte-parole de la diplomatie chinoise a par ailleurs rappelé que Pékin demandait «une enquête complète, équitable et objective» sur l'attaque présumée utilisant des armes chimiques en Syrie et affirmé que «nulle partie ne devait préjuger des résultats».
La Chine, «inquiète d'une possible escalade des tensions», s'était déjà dite jeudi opposée à tout «recours impulsif à la force» en Syrie. Le régime communiste avait indiqué ce jour-là qu'il était entré au contact au sujet de la Syrie «avec les Etats-Unis, la Russie et d'autres membres du Conseil de sécurité de l'ONU», ainsi qu'avec «les pays de la région». En tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, la Chine a mis plusieurs fois son veto depuis 2011, à chaque fois aux côtés de la Russie, à des résolutions sur la Syrie, s'opposant fermement à toute intervention américaine.
Sans surprise, la presse officielle chinoise a également fait part de sa désapprobation. Ces frappes militaires n'ont «pas été autorisées par les Nations unies et ont ciblé un gouvernement légitime d'une pays membre des Nations Unies», écrit dans un éditorial le Global Times. Le quotidien nationaliste, proche du régime communiste, fait en outre valoir que l'attaque chimique dont est accusé Damas n'a «pas été confirmée». Le journal semble adhérer au point de vue syrien, selon lequel l'Occident cherchait une «excuse» pour intervenir. Et le Global Times d'établir un parallèle avec l'offensive américano-britannique en Irak en 2003. Le quotidien estime enfin que le fait que les pays occidentaux «provoquent de cette manière la Russie» - qui a des troupes stationnées en Syrie - est «irresponsable» et menace la «paix mondiale».
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Frappes en Syrie : Mélenchon dénonce «une escalade irresponsable» (14.04.2018)

Par Tristan Quinault-Maupoil
Mis à jour le 14/04/2018 à 13h15 | Publié le 14/04/2018 à 11h16
Le président du groupe France insoumise à l'Assemblée nationale critique la participation de la France aux opérations menées dans la nuit de vendredi à samedi contre le régime syrien.
De notre envoyé spécial à Marseille
Voilà un désaccord de plus entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Le leader de La France insoumise dénonce, samedi, la participation de la France au raid aérien qui a frappé le régime syrien la nuit dernière. «Les frappes contre la Syrie se font sans preuve, sans mandat de l'ONU et contre elle, sans accord européen et sans vote du Parlement français», dénonce le député des Bouches-du-Rhône dans un message publié sur Facebook.
L'ancien candidat à la présidentielle s'insurge contre une intervention qui intervient «sans aucune perspective politique en Syrie». «Une escalade irresponsable», tance le parlementaire. «La France mérite mieux que ce rôle. Elle doit être la force de l'ordre international et de la paix», argue Jean-Luc Mélenchon qui estime que les américains veulent davantage contrarier l'influence russe en Syrie que lutter contre la prolifération d'armes chimiques.
Devant la presse réunie au Vieux Port de Marseille -où il organise ce samedi une marche «stop Macron»-, il s'est dit «triste» et «très inquiet». «Le président Français s'est, d'une manière tout à fait lamentable, aligné sur les Etats-Unis d'Amérique en se disant certain d'avoir des preuves de la responsabilité de Bachar el-Assad dans l'utilisation d'armes chimiques. Alors, s'il a ces preuves, qu'il les montre. C'est la meilleure manière de nous convaincre», a-t-il poursuivi. Cette semaine il avait déjà réclamé qu'une commission d'enquête française se rende sur place. «On a appris à se méfier de la propagande de guerre nord-américaine», souffle-f-il encore aujourd'hui, référence à la guerre en Irak, déclenchée en 2003 au prétexte que le régime de Saddam Hussein détenait des armes chimiques.
Jean-Luc Mélenchon doit marcher cet après-midi avec les militants Insoumis de Marseille, un an après le grand meeting qu'il avait organisé au Vieux Port en pleine présidentielle. A l'époque, il s'était déjà longuement exprimé sur l'utilisation d'armes chimiques en Syrie: «Personne ne sait qui les utilise mais nous avons à dire que qui que ce soit qui les utilise, ce sont des criminels et nous voulons qu'ils soient punis».
Mais l'Insoumis doute justement de l'utilisation de telles armes par le régime, comme il l'a expliqué jeudi soir dans une vidéo postée sur YouTube: «Pour beaucoup d'observateurs se posent la (question de la ) rationalité pour le régime de l'utilisation d'armes chimiques. Parce que tout le monde a dit qu'il y aurait une frappe s'il y avait (l'utilisation) des armes chimiques… Du point de vue du régime, alors qu'il a récupéré la domination sur 95% de son territoire, on ne voit pas très bien pourquoi, en dernière minute, il se livrerait à une provocation pareille». Ajoutant: «Mais après tout, tout est possible dans un endroit pareil où les esprits sont surchauffés et où la guerre est abominable».
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EN DIRECT - Frappes en Syrie : «mission accomplie» estime Trump (14.04.2018)
Par Aude Bariéty et Julien BoudisseauMis à jour le 14/04/2018 à 14h40 | Publié le 14/04/2018 à 08h11
Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont mené des frappes en Syrie dans la nuit de vendredi à samedi. Le président américain a remercié ses alliés. Une «bonne partie de l'arsenal chimique» du régime syrien a été «détruite», dit Paris.
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EN COURS : Mis à jour à 19:51
à 18:35
Début de la réunion au Conseil de sécurité de l'ONU
Le Conseil de sécurité de l'ONU vient de commencer une réunion en urgence consacrée à la Syrie, à la demande de la Russie. Le Kremlin réclame une condamnation des frappes occidentales survenues cette nuit.

À l'ouverture des débats, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé  les membres du Conseil de sécurité à «agir en accord avec la Charte des Nations unies et dans le cadre du droit international» lorsqu'il est question de «paix et sécurité».

Dans le projet de résolution, Moscou fait part d'une "grande inquiétude" face à "l'agression" contre un état souverain, qui viole, selon la Russie, "le droit international et la Charte des Nations unies".

Pour rappel, il faut au moins neuf voix pour adopter une résolution au Conseil de sécurité. Le texte russe a, à priori, peu de chance d'aboutir. 
à 18:30
Le récap' sur les frappes occidentales en Syrie

Cibles visées, armement engagé et déclarations menaçantes... retour en images sur les frappes conjointes effectuées par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France dans la nuit du 14 avril.
à 18:20
«La mission est un succès», assure Florence Parly
La ministre des Armées Florence Parly a tenu une conférence de presse avec François Lecointre, le chef d'État-major des Armées.

«Je peux affirmer que la mission est un succès. Ses objectifs militaires sont atteints. La capacité de la Syrie à concevoir des armes chimiques a été amoindrie. (..) Tous les missiles français ont atteint leur cibles. Il y a donc lieu d'être fière du travail accompli», a déclaré Florence Parly.

Après avoir salué «la coordination étroite avec nos alliés», la ministre a précisé que le temps était maintenant à «l'action diplomatique et humanitaire.»

Dans un second temps, le chef d'État-major des Armées François Lecointre a précisé que les cibles avaient été «atteintes sans dégât collatéral» et que les alliés avaient justement fait le choix d'une attaque de nuit pour «éviter la moindre présence de civil à proximité.»

Le Général a ensuite souligné «l'extrême pertinence et cohérence de l'armée», sur lesquelles reposent, selon lui «la crédibilité de notre armée et donc de notre pays.»

Interrogée sur le fait que les missiles américains et anglais avaient été repérés par l'armée russe mais pas ceux de la France, la ministre a répondu: «Les propos russes ne doivent pas toujours être pris au pied de la lettre.»
à 17:23
Qu'est-ce que le mystérieux Centre chimique frappé par les alliés ?
Cette nuit, les raids occidentaux ont visé deux sites du Centre d'études et de recherches scientifiques situés à Mayssaf (nord-ouest d'Homs) et Barzeh (banlieue de Damas). Ils sont tous les deux soupçonnés de produire des armes chimiques.

Pour en savoir plus, lisez notre article ici

à 17:15
Le point en milieu d'après-midi
Pour rappel, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont procédé cette nuit à des frappes en Syrie contre les installations chimiques du régime. Voici ce que l'on sait et ce qu'il faut retenir en ce milieu d'après-midi : 

Les cibles visées

Selon le général Joe Dunford, chef d'état-major américain, les frappes ont visé samedi à 04H00 en Syrie trois cibles liées au programme d'armement chimique syrien. Il s'agit d'un centre de recherches en banlieue de Damas et de deux cibles dans la province de Homs (centre de la Syrie). Une heure plus tard, les frappes étaient "terminées", a-t-il ajouté, précisant qu'aucune autre opération n'était prévue à ce stade. Aucune perte humaine n'est à déplorer côté américain. Selon lui, les alliés ont pris soin d'éviter de toucher les forces russes.

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Moscou a confirmé qu'aucune frappe n'avait visé les abords de ses bases aérienne et navale situées dans le nord-ouest du pays.

Les frappes ont visé "le principal centre de recherche" et "deux centres de production" du "programme clandestin chimique" du régime, selon la ministre française des Armées Florence Parly. Paris a participé aux tirs contre les deux sites dans la région de Homs mais pas à ceux près de Damas.

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Les Britanniques ont indiqué avoir frappé un complexe militaire - une ancienne base de missiles - à 24 kilomètres à l'ouest de Homs "où le régime est supposé conserver des armes chimiques".

Selon l'agence officielle syrienne Sana, un centre de recherches à Barzeh (nord-est de Damas) a été frappé et des missiles ont aussi visé un site militaire près de Homs mais "ont été déviés, faisant trois blessés civils". Selon l'armée russe, les frappes n'ont fait "aucune victime" civile ou militaire syrienne.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH),les installations visées étaient des antennes du Centre d'études et de recherches scientifiques de Syrie (Cers) rattaché au ministère de la Défense, "complètement vides" et "évacuées" depuis plus de trois jours.

Les Etats-Unis ont affirmé avoir "frappé avec succès" toutes les cibles syriennes prévues par Washington et ses deux alliés. Donald Trump a parlé de «mission accomplie». La France a également indiqué que l'objectif avait été atteint.

Les forces engagées

Les Etats-Unis ont tiré des "types de munitions divers", dont des missiles Tomahawk. D'après Fox News, des bombardiers à long rayon d'action B-1 ont aussi été engagés.

Le ministre américain de la défense Jim Mattis a précisé que les forces américaines avaient employé deux fois plus de munitions que pour la frappe américaine d'avril 2017 sur la base militaire d'Al-Chaayrate, près de Homs.

La France, qui a engagé cinq frégates de premier rang et neuf avions de chasse dont cinq Rafale, a annoncé avoir tiré pour la première fois des missiles de croisière navals, 3 sur les 12 missiles qu'elle a lancés parmi la centaine ayant visé la Syrie au total.

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Washington et ses alliés ont tiré "environ 110 missiles sur des cibles à Damas et ailleurs" dans le pays, selon le haut commandement de l'armée syrienne qui a assuré en avoir intercepté "la plupart". Selon la télévision d'Etat syrienne, des missiles ont été "interceptés" à Homs. 

Selon la Russie, 103 missiles ont été tirés et 71 interceptés par les forces syriennes équipées par Moscou.
Les installations russes de défense aérienne stationnées en Syrie n'ont pas été utilisées, a souligné le ministère russe de la Défense. La France n'a pas fait mention de missiles interceptés.

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Les réactions

L'ONU a appelé "tous les Etats membres" à la "retenue".

Damas a dénoncé une "agression barbare et brutale des Occidentaux", visant à "entraver" une mission d'enquête de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). Cette mission devait débuter samedi à Douma où des forces de sécurité syriennes sont entrées le même jour.

Le Kremlin a dénoncé les frappes "avec la plus grande fermeté" et Moscou a convoqué une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU qui devait débuter à 17h, heure de Paris. 

L'Iran a violemment dénoncé les frappes et averti des "conséquences régionales". 
à 16:39
Une réunion convoquée à 16h à l'Elysée
À la suite de l’opération menée ce matin, Emmanuel Macron a convoqué des membres du conseil de défense pour un point de situation auquel participeront notamment le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, la ministre des Armées, le chef d'Etat major personnel du président et le chef d'État major des Armés.

La réunion doit se tenir à 16h à l'Elysée.
à 16:29
Zapping : après les frappes en Syrie, les réactions politiques

Après les frappes coordonnées des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni en Syrie, la classe politique française est loin de jouer la carte de l'union nationale. Retour en zapping sur les réactions qui se sont succédé après l'annonce des événements. 
à 16:20
«Nous avons frappé avec succès chaque cible», se félicite le Pentagone
Après Donald Trump, au tour du Pentagone de se réjouir du succès des frappes en Syrie. "Nous ne cherchons pas à intervenir dans le conflit en Syrie mais nous ne pouvons permettre de telles violations des lois internationales", a déclaré une porte-parole du Pentagone, Dana White, au cours d'une conférence de presse. "Nous avons frappé avec succès chaque cible", a-t-elle ajouté.

Les frappes occidentales contre le régime syrien ont porté un tel coup au programme chimique syrien qu'il "mettra des années à s'en remettre", a également affirmé un haut responsable du Pentagone, le général Kenneth McKenzie. Les défenses anti-aériennes russes n'ont pas été activées et celles du régime syrien ne l'ont été qu'après la fin des frappes, a-t-il ajouté au cours d'une conférence de presse.
à 16:15
Frappes en Syrie : et maintenant? (épisode 2)
Suivez le décryptage en live de notre journaliste spécialiste du Moyen-Orient, Georges Malbrunot, interrogé par Vincent Roux.

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à 16:02
Macron, chef de guerre
Après avoir haussé le ton ces dernières semaines, le président de la République a finalement ordonné aux forces armées françaises de frapper en Syrie. Un véritable tournant, près d'un an après son élection.

>> Lire notre article - Un an après son élection, Macron enfile le costume du chef de guerre
à 15:52
Le Conseil de sécurité se réunira à 17h (heure de Paris)
Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunit en urgence aujourd'hui à la demande de la Russie, après les frappes menées par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni contre le régime de Damas en Syrie. La réunion se tiendra à 11h locales, soit 17h heure de Paris.
à 15:35
Les moyens engagés et les sites visés par la France
L'Elysée a annoncé ce samedi en fin de matinée que dans le cadre de l'opération conjointe avec les États-Unis et le Royaume-Uni, la France avait frappé deux sites de la région de Homs: un de stockage et un de production. La présidence a précisé que l'Hexagone n'avait pas participé aux frappes sur le centre de recherche situé près de Damas. La ministre des Armées Florence Parly avait indiqué plus tôt que trois sites avaient été visés par les forces françaises, dont ce centre de recherche chimique.
Cinq frégates - trois frégates multimissions FREMM, une frégate anti-aérienne et une frégate anti-sous-marine - et un pétrolier ravitailleur ont été engagés, ainsi que cinq Rafale, quatre Mirage 2000-5, deux Awacs et six ravitailleurs. Une FREMM a tiré trois missiles et les Rafale ont tiré neuf missiles, sur une centaine de missiles tirés en tout. «Rien ne nous laisse penser qu'ils [les missiles] puissent avoir été interceptés», a déclaré le porte-parole de l'état major des armées.
à 15:28
«Mission accomplie», tweete Donald Trump
Comme à son habitude, le président américain n'a pas tardé à réagir sur Twitter. "Une frappe parfaitement exécutée la nuit dernière. Merci à la France et au Royaume-Uni pour leur sagesse et la puissance de leurs belles armées. Nous n'aurions pas pu obtenir un meilleur résultat. Mission accomplie!", a écrit Donald Trump à 14h21 (heure française).
Dans un deuxième tweet, le chef d'Etat a ensuite exprimé sa "fierté" envers la "grande armée" américaine, "qui sera bientôt la meilleure que notre pays ait jamais eue". 

à 15:05
Hollande : des frappes «justifiées» mais qui «ne suffisent pas»
Interrogé par le journal La Montagne au cours d'une visite en Corrèze, François Hollande a jugé l'opération du trio occidental "doublement justifiée [...] parce qu'il y a eu utilisation de l'arme chimique contre des enfants, des innocents, des femmes, en aucune manière des combattants" et parce que "le régime syrien, avec la complicité de son allié russe, a menti : il devait y avoir destruction des armes chimiques, refus de l'utilisation de ce type de procédé. Hélas, on a vu qu'il n'en était rien".

Mais "des frappes ne suffisent pas", poursuit l'ancien président qui plaide pour "un droit de suite, une pression diplomatique et politique pour qu'une issue soit trouvée au conflit syrien". "Il faut avoir une cohérence dans l'action et un objectif qui est de faire pression sur la Russie et l'Iran. Cette solution politique, qui ne peut se faire que dans le cadre de Genève, a trop tardé", souligne François Hollande.

Il préconise la mise en place d'un "gouvernement de transition". "Comment encore imaginer que l'avenir de la Syrie puisse passer par Bachar El Assad - même s'il peut donner l'impression d'avoir gagné sur le terrain militaire - alors même qu'il massacre sa population avec des armes chimiques ?", s'interroge ainsi le sexagénaire.
à 14:58
À Londres, Theresa May cherche à justifier sa décision
La nuit dernière, quatre avions de combat britanniques "Tornado" ont décollé de la base de la Royal Air Force d'Akrotiri (Chypre) et ont tiré sur un site militaire situé à l'ouest de Homs. Une mission "réussie" aux yeux du gouvernement britannique.

>> Lire notre article - Frappes en Syrie : mission «réussie» pour les Tornado britanniques

"Nous avons convenu qu'il était justifié et légal d'agir militairement avec nos plus proches alliés pour soulager la souffrance humanitaire en dégradant les capacités en armes chimiques du régime syrien et de dissuader leur utilisation», a plaidé la première ministre britannique. «Il ne s'agit pas d'interférer dans une guerre civile et il n'est pas question d'un changement de régime".

Mais l'opinion et l'opposition ne semblent guère convaincus. Selon un sondage publié dans la semaine, seuls 22% des Britanniques soutenaient la participation éventuelle de leur pays. Le chef du Labour Jeremy Corbyn a quant à lui jugé ces frappes «légalement discutables» et dénoncé un «risque d'escalade».
à 14:45
L'OIAC va poursuivre sa mission d'enquête sur l'attaque chimique présumée
Les experts de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques vont poursuivre leur mission d'enquête sur l'attaque chimique présumée de Douma malgré les frappes aériennes occidentales ciblées lancées samedi en Syrie, a annoncé l'OIAC.

"L'équipe d'enquêteurs de l'OIAC va continuer son déploiement" en Syrie "afin d'établir les faits relatifs aux allégations d'utilisation d'armes chimiques à Douma", a déclaré l'organisation dans un communiqué.

Une équipe de l'OIAC devait entamer samedi à Douma, près de Damas, son enquête sur l'attaque chimique présumée menée le 7 avril.
à 14:40
Frappes en Syrie : et maintenant? (épisode 1)
Suivez le décryptage en live de notre chroniqueur international Renaud Girard, interrogé par Vincent Roux.

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à 14:28
VIDÉO - Les images d'un centre de recherche détruit
La télévision d'Etat syrienne a diffusé des images de la destruction d'un centre de recherche scientifique près de la capitale de Damas, l'une des cibles visées par Washington, Paris et Londres. L'armée syrienne affirme que l'attaque du centre a détruit un centre éducatif et des laboratoires.


à 14:24
Parlement : un débat pourrait avoir lieu lundi ou mardi
Édouard Philippe s'est entretenu cette nuit avec les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, François de Rugy et Gérard Larcher, pour les prévenir des frappes. Ils ont également échangé sur l'organisation du débat au Parlement qui doit suivre,conformément à la Constitution. À ce stade, le jour n'est pas arrêté. L'information du Parlement suivi d'un débat sans vote, prévue à l'article 35 de la Constitution, pourraient avoir lieu lundi ou mardi.
à 14:08
Réactions : ce que les pays de l'UE pensent des frappes en Syrie
Le chef du gouvernement italien Paolo Gentiloni a assuré que cette "action circonscrite [...] motivée par l'utilisation d'armes chimiques" ne serait "pas le début d'une escalade". Mêmes échos en Espagne, où le ministre des Affaires étrangères a salué "une action limitée dans ses objectifs et ses moyens" qui, "pour cette raison, constitue une réponse légitime et proportionnée" 

Par la voix du premier ministre Charles Michel, nos voisins belges ont exprimé leur "compréhension" et appelé à désormais mettre l'accent "sur des négociations politiques", tout comme la Slovénie. Le Portugal "comprend" lui aussi "les raisons et l'opportunité de cette intervention militaire" face à "des formes de guerre que l'humanité ne peut tolérer", a souligné le ministère des Affaires étrangères.

A l'Est, la Roumanie a salué une "réaction ferme vis-à-vis des atrocités qui ont fait de nombreuses victimes" et la République Tchèque a vu dans ces frappes "un message clair à quiconque voudrait continuer des attaques chimiques en Syrie". Au passage, le chef de la diplomatie tchèque Martin Stropnicky a déploré que "le Conseil de sécurité de l'ONU n'[ait] pas été capable de gérer efficacement la situation".
à 13:51
VIDÉO - La télévision syrienne diffuse les dégâts causés par un missile près de Homs
Ces images diffusées par la télévision d'Etat syrienne montrent ce qu'elle présente comme les restes d'un missile britannique en banlieue de Homs. On y voit des débris ainsi qu'un trou dans ce qui semble être un champ. Divers dommages ont été signalés sur des voitures et des bâtiments à l'antenne.


à 13:40
VIDÉO - Comprendre ce qu'il s'est passé
Comment expliquer les raids menés dans la nuit en Syrie ? Cette action de guerre va t-elle favoriser le retour de la paix civile ? Premier décryptage de Renaud Girard, chroniqueur international au Figaro.



à 13:24
Réactions en cascade des politiques français
En parallèle des réactions de la communauté internationale, les politiques français n'ont pas manqué de donner leur avis sur l'opération de la nuit dernière en Syrie. Côté LaREM, le délégué général Christophe Castaner a salué des frappes "nécessaires et salvatrices pour le peuple syrien", estimant que "la France ne pouvait se tenir aveugle et muette face à cette barbarie". Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI, a estimé dans un communiqué que c'était "l'honneur de la France d'être à la hauteur du rôle singulier et historique qui est le sien". 
Qualifiant l'intervention de "réponse juste", le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand a quant à lui eu une pensée pour "l'engagement et le professionnalisme de nos forces armées". Côté PS, le premier secrétaire Olivier Faure a estimé que les attaques chimiques "répétées" de Damas "imposaient une réaction", et qu'il était désormais "urgent que s'ouvrent de nouvelles discussions dans le cadre des Nations Unies".


En revanche, pour Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, "ajouter la guerre à la guerre n'a jamais fait avancer la paix". L'homme politique craint que "cette démonstration de force ponctuelle risque d'alimenter le terrorisme" et que "ces frappes affaiblissent notre diplomatie". Enfin, Florian Philippot, président des Patriotes, a dénoncé une "entreprise belliqueuse" qui "réduit notre pays au rôle de supplétif des Américains". L'ancien vice-président du FN a également utilisé le terme d'"action irresponsable", rejoignant ainsi... Jean-Luc Mélenchon.
à 13:09
Pékin se dit «opposé à l'usage de la force»
Au lendemain des frappes lancées par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, au tour de la Chine de réagir. "Nous nous opposons constamment à l'usage de la force dans les relations internationales, et soutenons le respect de la souveraineté, de l'indépendance et de l'intégrité territoriale de tous les pays", a déclaré Hua Chunying, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. "Nous appelons les parties concernées à revenir dans le cadre du droit international et à résoudre la crise par le dialogue et la négociation", a-t-elle ajouté, dans un communiqué sur le site du ministère.

» Pour la Chine, les frappes en Syrie ne font que «compliquer le problème»

"Toute action militaire unilatérale qui contourne le Conseil de sécurité de l'ONU (...) contrevient aux principes et normes élémentaires du droit international, et ne fait que compliquer la résolution du problème syrien", a encore observé Mme Hua. "Une solution politique est la seule issue possible", a-t-elle ajouté, rappelant que Pékin demande "une enquête complète, équitable et objective" sur l'attaque chimique en Syrie, et que "nulle partie ne devait préjuger des résultats" de celle-ci.

La Chine, comme membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, a mis à plusieurs reprises son veto depuis 2011, à chaque fois aux côtés de la Russie, à des résolutions onusiennes sur la Syrie, s'opposant farouchement à toute intervention américaine. Plaidant pour une "résolution pacifique" de la crise syrienne, Pékin avait accueilli en 2016 le chef de la principale formation de l'opposition syrienne en exil quelques semaines après une délégation de membres du gouvernement syrien.
à 13:02
Bachar el-Assad déterminé à «lutter contre le terrorisme»
Lors d'une conversation téléphonique avec son homologue iranien Hassan Rohani, le président syrien Bachar el-Assad a déclaré aujourd'hui que l'attaque menée par les occidentaux en Syrie renforçait la volonté de la Syrie de "combattre et d'écraser le terrorisme" sur "chaque pouce" de son territoire.
à 12:58
Sept ans de guerre en cartes et en graphiques
En cartes et en graphiques, Le Figaro décrit l'imbroglio tragique syrien dans lequel s'affrontent une myriade d'acteurs locaux, régionaux et internationaux.

>> Lire notre article - Derrière l’enfer syrien, la victoire de la realpolitik
à 12:30
VIDÉO - Attaché-case à la main, Bachar el-Assad arrive au bureau
La présidence syrienne a posté une vidéo sur sa chaîne Telegram, au lendemain des frappes menées par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. On y voit Bachar el-Assad marcher seul dans un hall d'immeuble.


à 12:19
«Le but a été atteint», dit Jean-Yves Le Drian
Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, vient de déclarer sur BFMTV : "Le but a été atteint en Syrie (...) une bonne partie de l'arsenal chimique (syrien, ndlr) a été détruite (...) il n'y a pas de suite des opérations à envisager à ce stade (...).

Il a ajouté que la visite d'Emmanuel Macron en Russie en mai prochain n'était pas remise en cause.
à 11:45
VIDEO - Le tir d'un missile de croisière naval depuis une frégate française
La ministre des Armées Florence Parly a publié ce matin sur Twitter une vidéo montrant le tir d'un missile de croisière naval depuis une frégate effectué cette nuit Méditerranée.



Les frappes françaises contre la Syrie ont donné lieu à la première utilisation d’une nouvelle arme, le missile de croisière naval (MdCN). Entré en service dans la marine début 2017, il n’avait jusqu’à présent jamais été mis en œuvre en opération.

>> Lire aussi - Frappes en Syrie : la France a tiré son premier missile de croisière naval
à 11:37
Berlin «soutient» Washington, Paris et Londres
La chancelière allemande Angela Merkel, qui avait annoncé jeudi que l'Allemagne ne prendrait pas part à d'éventuelles actions militaires en Syrie, a déclaré aujourd'hui que son gouvernement "soutenait" le fait que ses alliés "aient pris leurs responsabilités". Elle a qualifié les frappes menées en Syrie d'"intervention militaire nécessaire et appropriée".
à 11:32
FOCUS - Les armes chimiques, un instrument de terreur et de dissuasion
Quelques jours après les attaques chimiques présumées sur Douma et avant la riposte d'un trio occidental, Le Figaro est revenu sur l'usage à travers l'histoire de ces armes, plus souvent utilisées à des fins de terreur que de victoire militaire, voire comme une «arme nucléaire du pauvre».

>> Lire notre article - Les armes chimiques, un instrument de terreur et de dissuasion
à 11:30
VIDÉO - Des fusées éclairantes survolent Damas
Une vidéo publiée sur la page Twitter d'un compte du nom de «Central War Media» montre des fusées éclairantes au-dessus de la capitale syrienne, Damas. Les images ont été tournées de nuit, à l'aide de jumelles ou d'un site télescopique. La description de la vidéo dit en arabe: «La caméra des médias de guerre documente la réponse de la défense aérienne syrienne à l'agression américano-franco-britannique contre la Syrie dans le ciel de Damas et de ses environs». (Source AFP)


à 11:24
Aucune victime à déplorer selon l'armée russe
L'armée russe a annoncé ce matin que les frappes occidentales menées cette nuit sur la Syrie n'avaient fait aucune victime.

>> Syrie : Washington, Paris et Londres ont mené des frappes contre les armes chimiques
à 11:15
Donald Tusk : «L'UE se tiendra avec [ses] alliés du côté de la justice»
Vers 8h30 ce matin, le président du Conseil européen Donald Tusk a tweeté en anglais : "Les frappes menées par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni montrent clairement que le régime syrien, avec la Russie et l'Iran, ne peut laisser se poursuivre cette tragédie humaine, du moins pas sans coût. L'Union européenne se tiendra avec [ses] alliés du côté de la justice".

à 11:09
EN IMAGE - En pleine nuit, Macron et Parly surveillent les opérations depuis l'Elysée
Sur une photo accompagnant le communiqué de l'Elysée, on peut voir le poste de commandement "Jupiter" situé dans le bunker du palais de l'Elysée. Le président de la République Emmanuel Macron et la ministre des Armées Florence Parly, entourés d'une dizaine de militaires et civils, surveillent les opérations menées conjointement par la France, les Etats-Unis et la Russie.

On reconnaît le chef d'Etat-major des armées, François Lecointre (à droite en train de noter).

AFP
Un cliché qui rappelle celui de la salle de crise depuis laquelle Barack Obama et ses équipes avaient suivi l'assaut sur la résidence d'Oussama Ben Laden au Pakistan en 2011.

Pete Souza/AP
>> Lire notre article - Comment Obama a suivi l'opération en direct
à 11:07
VIDÉOS - Les déclarations de Trump, Le Drian et May
Le président américain a annoncé une opération militaire en cours contre la Syrie, avec la France et le Royaume Uni, pour punir le régime de Bachar al-Assad qu'il accuse d'une attaque à l'arme chimique contre des civils.Il s'en est pris directement à la Russie de Vladimir Poutine.



De Londres, la première ministre britannique Theresa May a affirmé qu'il ne s'agissait «pas d'une intervention militaire».


Quant à Jean-Yves Le Drian, il a déclaré que l'opération militaire était «légitime, proportionnée et ciblée».


à 10:59
Le guide iranien Khameini qualifie Trump, Macron et May de «criminels»

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a violemment dénoncé les frappes occidentales menées contre la Syrie en qualifiant de "criminels" le président américain Donald Trump, son homologue français Emmanuel Macron et la première ministre britannique Theresa.

"L'attaque menée ce matin contre la Syrie est un crime. Je déclare franchement que le président américain, le président français et la première ministre britannique sont des criminels (...), ils n'obtiendront rien et ne tireront aucun bénéfice", a déclaré Ali Khamenei en recevant les hauts dirigeants politiques et militaires du pays.

à 10:45
La Russie convoque une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU

Dans un communiqué, le Kremlin a annoncé ce samedi matin que la Russie allait convoquer une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU à propos des "actions agressives" des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni, tous membres du Conseil. La présidence russe a également rappelé qu'elle dénonçait "avec la plus grande fermeté" ces frappes.
à 10:41
VIDÉO - Les premières images de missiles français

Dans cette vidéo fournie par l'Etat-major français des armées, on peut voir des avions militaires décoller d'une base et plusieurs missiles de croisière Naval tirés vers la Syrie.


à 10:35
«La ligne rouge a été franchie»: le communiqué nocturne de l'Elysée
4h07 heure de Paris. Sur Twitter, le compte d'Emmanuel Macron partage un communiqué de l'Elysée envoyé aux rédactions à 3h26. "Le samedi 7 avril 20018, à Douma, des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants ont été massacrés à l'arme chimique. La ligne rouge a été franchie. J'ai donc ordonné aux forces armées françaises d'intervenir", souligne le président français.

Dans le communiqué, l'Elysée estime que "les faits et la responsabilité du régime syrien ne font aucun doute" et précise que la réponse française "a été circonscrite aux capacités du régime syrien permettant la production et l'emploi d'armes chimiques". Un débat parlementaire sera organisé "suite à cette décision d'intervention de nos forces armées à l'étranger", conclut la présidence.

>> Lire aussi - Frappes en Syrie: le communiqué de l'Elysée annonçant l'intervention de la France
à 10:28
EN IMAGES - Les avions de chasse français et britanniques qui ont participé aux attaques
Venus d'une base située à Akrotiri (Chypre), quatre avions de chasse Tornado GR4 de la Royal Air Force ont bombardé un "complexe militaire" près de Homs.



AP / Cpl L Matthews
Côté français, plusieurs Rafale de la base militaire de Saint-Dizier (Haute-Marne, France) ont participé à l'attaque.

ReutersAFP
à 10:10
FOCUS - Un conflit long de sept ans
De la répression sanglante de manifestations pro-démocratie aux frappes occidentales en riposte à une attaque chimique présumée imputée au régime, rappel des étapes-clés de la guerre complexe en Syrie qui a fait plus de 350.000 morts et des millions de déplacés et de réfugiés.

Révolte et répression

Le 15 mars 2011, dans le sillage du Printemps arabe, un mouvement de protestation éclate en Syrie, pays gouverné d'une main de fer depuis 40 ans par la famille Assad. Bachar el-Assad a succédé en 2000 à son père Hafez. De petites manifestations ont lieu à Damas avant d'être violemment dispersées. Mais c'est à Deraa (sud) que le mouvement prend de l'ampleur. En juillet, un colonel réfugié en Turquie crée l'Armée syrienne libre (ASL), composée de civils ayant pris les armes et de déserteurs de l'armée.

L'aviation, atout du régime

En mars 2012, l'armée prend le fief de la rébellion à Homs (centre). D'autres opérations sanglantes avaient été menées, notamment à Hama (centre), après d'immenses manifestations antirégime. En juillet, des rebelles lancent la bataille de Damas. Le gouvernement garde le contrôle de la capitale, mais des zones de sa banlieue passent aux mains des insurgés. A partir de 2013, des hélicoptères et des avions du régime larguent bombes et barils d'explosifs sur les secteurs rebelles.

Hezbollah, Iran

En avril 2013, le Hezbollah libanais reconnaît son engagement au côté d'Assad, issu de la minorité alaouite, une branche du chiisme. Il va envoyer des milliers de combattants. L'Iran chiite va soutenir financièrement et militairement le régime en envoyant des "conseillers militaires" et des "volontaires" iraniens, mais aussi afghans et pakistanais, pour épauler le régime.

Ligne rouge et recul américain

Le 21 août 2013, une attaque chimique, imputée au régime dans deux zones rebelles près de Damas, fait plus de 1.400 morts selon les Etats-Unis. Le régime dément. Barack Obama, qui avait lui-même tracé une ligne rouge, renonce au dernier moment à procéder à des frappes punitives, scellant avec la Russie un accord de démantèlement de l'arsenal chimique syrien.

Djihadistes 

En juin 2014, après avoir affronté le régime comme les rebelles, le groupe Etat islamique (EI) proclame un "califat" sur les vastes territoires conquis en Syrie, où Raqa devient son principal fief, et en Irak voisin. En septembre, une coalition internationale dirigée par les Etats-Unis lance, après l'Irak, ses premières frappes contre l'EI en Syrie. En octobre 2017, les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes et soutenues par la coalition, s'emparent de Raqa après des mois de lutte. L'EI perd la quasi-totalité des territoires dont il s'était emparé. Dès 2013, d'autres djihadistes, notamment de la branche syrienne d'Al-Qaïda, avaient renforcé leur assise dans le Nord. Ils dominent aujourd'hui la majorité de la province d'Idleb (nord-ouest).

Poutine au secours d'Assad

Le 30 septembre 2015, la Russie entame une campagne de frappes aériennes en soutien aux troupes d'Assad, en grande difficulté.
L'apport des Russes va remettre en selle le régime. La rébellion va subir revers après revers, perdant Alep, deuxième ville du pays, en décembre 2016. En janvier 2017, Moscou parraine avec Téhéran et Ankara, soutien des rebelles, des pourparlers au Kazakhstan entre régime et groupes rebelles. Ces négociations se tiennent en parallèle à celles parrainées par l'ONU. Aucune solution politique n'a été trouvée.

Première opération américaine

En avril 2017, une attaque au gaz sarin imputée au régime, tue plus de 80 civils à Khan Cheikhoun, localité contrôlée par des rebelles et des jihadistes dans la province d'Idleb. En représailles, Donald Trump ordonne des frappes sur la base aérienne syrienne d'Al-Chaayrate (centre).

Engagement turc

Le 20 janvier 2018, la Turquie, qui avait déjà mené une première opération dans le nord de la Syrie, lance avec des rebelles syriens une offensive contre une milice kurde, les Unités de protection du peuple (YPG), épine dorsale des FDS. Le 18 mars, ses forces s'emparent d'Afrine, chassant les YPG de l'enclave. Ankara considère cette milice comme "terroriste".

La Ghouta meurtrie

Le 18 février, le régime lance une offensive aérienne, puis terrestre, d'une intensité inédite sur l'enclave rebelle dans la Ghouta orientale, près de Damas (Plus de 1.700 morts). A la faveur d'un pilonnage dévastateur mais aussi d'accords d'évacuation parrainés par la Russie, le régime est parvenu à reprendre pied dans le dernier bastion des insurgés aux portes de la capitale.

Frappes occidentales

Le 14 avril, des frappes ciblées en Syrie ont été lancées par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, pour punir le régime Assad accusé d'une attaque à l'arme chimique contre des civils le 7 avril à Douma, dans la région de la Ghouta orientale, près de Damas.

Le régime syrien et l'allié russe ont démenti cette attaque. Selon les Casques blancs, ces secouristes en zones rebelles, et l'ONG médicale Syrian American Medical Society, l'"attaque aux gaz toxiques" à Douma, cité contrôlée alors par les rebelles, a fait plus de 40 morts. L'attaque déclenche un tollé international.
à 10:02
Réactions: la communauté internationale divisée
Quelques heures seulement après les frappes menées par Washington, Paris et Londres, de très nombreuses réactions ont déjà émergé sur la scène internationale. Principale concernée, la Syrie a dénoncé une "agression barbare et brutale", tandis que son indéfectible allié russe a estimé que ces frappes revenaient à "insulter" le président russe Vladimir Poutine. "Nous avions averti que de telles actions appelleraient des conséquences", a averti l'ambassadeur de Russie à Washington, Anatoli Antonov.

>> Lire aussi - Frappes en Syrie: les premières réactions

Le président équatorien Evo Morales a "condamné énergiquement l'attaque démente de Trump contre le peuple frère de Syrie". L'Iran s'est de son côté inquiété des "conséquences régionales de cette action aventuriste" menée "sans aucune preuve". Quant au Hezbollah chiite libanais, il a publié un communiqué affirmant que "la guerre menée contre le Syrie, contre les peuples de la région et les mouvements de résistance n'atteindrait pas ses objectifs".

A l'inverse, la Turquie a "salué" une opération "qui exprime la conscience de l'humanité tout entière" et estime qu'il s'agit d'"une réaction appropriée" à l'attaque chimique présumée de Douma. Le Canada s'est également rangé derrière la "décision" des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni. L'AFP a également recueilli la réaction d'un responsable israélien qui estime que le trio occidental a agi "en conséquence" de la violation de la "ligne rouge" représentée par l'utilisation d'armes chimiques.

Du côté des instances internationales, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a assuré "soutenir" les actions occidentales, qui vont selon lui "réduire la capacité du régime à mener d'autres attaques contre le peuple de Syrie avec des armes chimiques". Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a quant à lui appelé les Etats membres à faire preuve de "retenue" et à éviter "toute action qui pourrait conduire à une escalade". 
à 09:43
Les frappes racontées au Figaro par un habitant de Damas
Notre journaliste Georges Malbrunot a pu recueillir le récit d'un habitant de Damas, qui a assisté aux frappes depuis son balcon. "Ça y est, le feu d'artifice a commencé!", a décrit celui qui habite à quelques kilomètres seulement d'une des cibles, le Centre d'études et de recherches scientifiques (Cers).

>> Lire notre article - Syrie : un habitant de Damas nous raconte les frappes alliées
à 09:34
Le point à 8h30

Cette nuit, alors que Donald Trump annonçait que des frappes allaient être menées en Syrie pour punir le régime de Bachar al-Assad, accusé d'avoir mené des attaques chimiques, des détonations ont été entendues à Damas. Le point sur la situation à 8h30 ce matin.

>> Lire aussi - Syrie : Washington, Paris et Londres ont mené des frappes contre les armes chimiques

"J'ai ordonné aux forces armées des Etats-Unis de lancer des frappes de précision sur des cibles associées aux capacités du dictateur syrien Bachar el-Assad en matière d'armes chimiques", a lancé le président américain dans une allocution depuis la Maison-Blanche. Donal Trump a précisé qu'une "opération combinée" avec la France et le Royaume-Uni était "en cours".




C'est une attaque présumée aux "gaz toxiques" dans le dernier bastion rebelle de Douma près de Damas qui est à l'origine des frappes déclenchées après une mobilisation de la communauté internationale, déjà saisie par l'horreur d'une guerre civile qui a fait plus de 350.000 morts depuis mars 2011. Elle a fait plus de 40 morts selon des secouristes à Douma. Le régime et l'allié russe ont démenti en dénonçant des "fabrications".

Selon le général Joe Dunford, chef d'état-major américain, les forces occidentales ont visé à 1h GMT (4h en Syrie) trois cibles liées au programme d'armement chimique syrien, l'une près de Damas et les deux autres dans la région de Homs (centre).

Londres a annoncé que quatre avions de chasse Tornado GR4 de la Royal Air Force avaient bombardé un "complexe militaire" près de Homs. Paris a indiqué que la France avait frappé avec des frégates multimissions en Méditerranée et des avions de chasse. Selon le président Emmanuel Macron, les frappes ont été "circonscrites aux capacités du régime syrien permettant la production et l'emploi d'armes chimiques".

Le régime syrien a dénoncé une "agression barbare et brutale" des Occidentaux, qu'il a accusés de chercher à entraver une mission de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) dont une équipe doit entamer samedi son enquête à Douma sur l'attaque chimique présumée du 7 avril.

Allié indéfectible du régime syrien, la Russie a réagi par la voix de son ambassadeur aux Etats-Unis, Anatoli Antonov, aux frappes occidentales. "Nos mises en garde n'ont pas été entendues" et ces frappes sont une "insulte" au président Vladimir Poutine, selon lui.

Selon le ministère de la Défense à Moscou, 100 missiles ont été tirés sur la Syrie, dont "un nombre significatif" ont été interceptés par les forces syriennes.
à 09:22
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Frappes en Syrie : la France a tiré son premier missile de croisière naval (14.04.2018)

Par Alain Barluet
Mis à jour le 14/04/2018 à 12h30 | Publié le 14/04/2018 à 10h49
Le MdCN, tiré depuis la frégate « Aquitaine » croisant en Méditerranée, fait entrer la France dans le cercle des pays capables de frapper un adversaire à distance.
Les frappes françaises contre la Syrie ont donné lieu à la première utilisation d'une nouvelle arme, le missile de croisière naval (MdCN). Entré en service dans la marine début 2017, il n'avait jusqu'à présent jamais été mis en œuvre en opérations. Long de 7 mètres (avec son booster), pesant deux tonnes et volant à 1000 kilomètres par heure, ce missile peut atteindre avec une précision de l'ordre du mètre une cible «durcie», comme un bunker enterré, située à plus de 1000 kilomètres.
C'est donc une capacité militaire de premier plan que les spécialistes présentent comme marquant un véritable tournant stratégique. En effet, le MdCN, qui vient d'être tiré depuis la frégate «Aquitaine» croisant en Méditerranée orientale, fait entrer la France dans le cercle très restreint des pays capables de frapper un adversaire à distance et dans la profondeur, partout dans le monde, de façon complémentaire depuis des avions (avec des missiles SCALP) ou des «plateformes navales», bateaux ou sous-marins.
Le MdCN, produit par le missilier MBDA, équipera d'ailleurs la prochaine génération de sous-marins nucléaires d'attaque (SNA), les Barracudas.
En Europe, seule la Royal Navy britannique dispose de tels missiles de croisière, en l'occurrence des Tomahawk américain, mais uniquement sur ses sous-marins. Or la «visibilité» du navire porteur peut faire partie de la puissance d'une arme qui est susceptible d'«être utilisée comme une ultime mise en garde avant une attaque massive», souligne Vincent Groizeleau, du blog spécialisé Mer et Marine.
Arme «intelligente»
Arme de portée stratégique, le MdCN est conçu théoriquement pour détruire des cibles névralgiques chez l'ennemi (centres de commandement, dépôts de munitions, batteries sol-air…). Il s'agit d'objectifs fixes: «l'aviation reste incontournable pour le traitement des cibles terrestres mobiles, la défense aérienne et la reconnaissance», explique Vincent Groizeleau.
Par ailleurs, «pour être employé efficacement, le MdCN nécessite d'avoir identifié des cibles, d'où l'importance du renseignement recueilli en amont», notamment par les moyens de la marine (bâtiments et aéronefs), ajoute une bonne source militaire.
C'est en fonction du renseignement et de la connaissance du terrain que cette arme «intelligente» est pré-programmée. Elle n'a pas de trajectoire rectiligne mais peut contourner les obstacles adverses qui lui ont été signalés. Une fois tiré, le missile déploie ses ailes et dispose en autonomie de plusieurs modes de navigation. Grâce à une centrale inertielle, un radioaltimètre et un GPS, il peut se «recaler» et voler à très basse altitude en épousant les formes du terrain. En phase finale, un senseur infrarouge le guide vers sa cible.
Une arme aussi fatale a-t-elle ses failles? Certes, le MdCN est beaucoup moins détectable qu'un avion. Mais il peut l'être par un système moderne, comme en dispose, par exemple, la Russie. En Syrie, les forces russes ont d'ailleurs elles-mêmes utilisées à plusieurs reprises des missiles de croisière contre des objectifs de l'opposition.

Le MdCN lors du tir qui a eu lieu dans la nuit de vendredi à samedi. - Crédits photo : HANDOUT/AFP
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Syrie : Washington, Paris et Londres ont mené des frappes contre les armes chimiques (14.04.2018)

International | Mis à jour le 14/04/2018 à 12h17
VIDÉOS - Les raids menés dans la nuit de vendredi par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont visé au moins trois cibles près de Damas et Homs. Les opérations ont duré moins d'une heure.
De notre correspondant à Washington,
Donald Trump est apparu sur les écrans de télévision à 21 heures à Washington (3 heures du matin à Paris) pour annoncer aux Américains qu'il venait «d'ordonner des frappes de précision contre des cibles associées aux capacités d'armes chimiques du dictateur syrien Bachar el-Assad. Une opération combinée avec les forces françaises et britanniques est en cours. Nous les remercions toutes deux.»
Le président américain a présenté sa décision comme une réponse au gazage de la population civile le 7 avril à Douma, dans la banlieue de Damas, un «massacre» qui «n'est pas l'œuvre d'un homme mais le crime d'un monstre».
«L'objectif de nos actions ce soir est d'établir une forte dissuasion à la production, à la dissémination et à l'usage d'armes chimiques», a dit Trump, affirmant que «cette dissuasion est dans l'intérêt vital de la sécurité nationale» américaine. Il a assuré que les trois alliés étaient «prêts à poursuivre leurs actions jusqu'à ce que le régime abandonne son recours à ces agents chimiques prohibés.»
Moins d'une heure après l'intervention du président, le secrétaire à la Défense, James Mattis, et le général Joseph Dunford, chef d'état-major interarmes, ont fait un point sur la situation militaire lors d'un «briefing» au Pentagone. Ils ont annoncé que trois cibles principales avaient été visées: un centre de recherche scientifique dédié au développement et aux tests d'agents chimiques dans la banlieue de Damas, un dépôt d'armes chimiques à l'ouest de Homs et un poste de commandement dans la même zone.
«C'est une frappe unique», a précisé James Mattis, confirmant que les opérations étaient terminées. La «poursuite» des actions militaires évoquée par Trump serait conditionnée à une nouvelle provocation syrienne. «L'année dernière, ils n'avaient pas compris le message», a déclaré le patron du Pentagone, en référence aux 59 missiles Tomahawk tirés contre des bases du régime en avril 2017. «Cette fois-ci nous avons tapé plus fort, a-t-il dit. Je crois que nous avons envoyé un signal très puissant.» Selon la Russie, une centaine de missiles ont été tirés, l'essentiel aurait été intercepté par la défense aérienne syrienne.
Damas a claironné avoir abattu dix-neuf des missiles tirés par les alliés, ce que le Pentagone n'a ni confirmé ni démenti: «Nous n'avons pas de détails à cette heure», a dit le chef d'état-major, donnant à nouveau rendez-vous à la presse ce samedi à 9 heures (15h à Paris). Le général français Jean-Pierre Montégu, attaché de défense à l'ambassade de France, était présent à ses côtés, comme son collègue britannique, mais les deux hommes n'ont pas pris la parole.
Les Russes n'ont pas été prévenus
Le général Dunford a insisté sur le «luxe de précautions» prises pour éviter les victimes civiles et les «forces étrangères» présentes en Syrie. Il a cependant indiqué que, contrairement aux tirs d'il y a un an, les Russes n'avaient pas été prévenus à l'avance du choix des cibles. «Il y a simplement eu une communication pour obtenir la ‘déconflixion' de l'espace aérien, comme c'est la routine avant n'importe quelle opération en Syrie», a dit l'officier.
Auparavant, le président américain avait pointé du doigt l'Iran et la Russie en lançant: «Quel genre de nation veut être associée au meurtre de masse d'hommes, de femmes et d'enfants innocents?» L'assaut de vendredi «est le résultat direct du manquement de la Russie à ses promesses», a-t-il rappelé, Moscou s'étant porté garant en 2013 de l'élimination des stocks chimiques syriens. «La Russie doit décider si elle veut continuer sur cette pente sinistre ou si elle veut rejoindre les nations civilisées comme une force de paix et de stabilité», a dit Trump. Il a précisé que, pour sa part, «l'Amérique ne cherche pas à rester indéfiniment en Syrie, en aucune circonstance.»
«C'est la capacité de développer, de mettre au point et de produire des armes chimiques qui est atteinte», a déclaré samedi la ministre française des Armées Florence Parly. «Le but est simple: empêcher le régime de faire à nouveau usage d'armes chimiques», a-t-elle dit. La France a mobilisé à la fois des frégates multimissions en Méditerranée et des avions de chasse pour frapper.
La réponse mesurée aux crimes d'Assad correspond aux annonces prudentes d'Emmanuel Macron, mais elle apparaît en deçà des déclarations guerrières de Donald Trump. «Tiens-toi prête Russie!, avait-il tweeté mercredi. Les missiles arrivent, beaux et neufs et ‘intelligents'.» Cet enthousiasme avait paru embarrasser les responsables militaires américains, qui ont mis en garde contre le risque d'escalade avec la Russie lors de plusieurs réunions du cabinet de sécurité. La pondération a finalement prévalu. Reste à savoir si elle atteindra l'objectif de dissuasion.»

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Syrie : un habitant de Damas nous raconte les frappes alliées (14.04.2018)

Sur cette photo diffusée par le régime syrien et prise dans les faubourgs de Damas, on voit au loin une fumée se dégager. Elle proviendrait d'un raid mené par les alliés. - Crédits photo : HANDOUT / STR/AFP
International | Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 14/04/2018 à 12h22
Au moment des frappes menées par la coalition américano-franco-britannique en Syrie, Mounir a indiqué à notre journaliste : « ça y est le feu d'artifice a commencé !». Plus d'une centaine de missiles ont été tirés dans la nuit de vendredi à samedi.
«Ça y est le feu d'artifice a commencé!». Juché sur son balcon, Mounir, un habitant de Damas, nous commentait en direct les frappes autour de la capitale syrienne. Il était 04h3O du matin à Damas samedi 14 avril. Le ciel s'illuminait des raids aériens de la coalition américano-franco-britannique. Donald Trump venait d'annoncer des «frappes de précision contre des cibles associées aux capacités chimiques militaires» du régime syrien. Peu après, dans un communiqué publié par l'Elysée, Emmanuel Macron indiquait que «notre réponse a été circonscrite aux capacités du régime syrien permettant la production et l'emploi d'armes chimiques».
«Je félicite votre président!», ironisait Mounir. Sa voix cachait mal une réelle colère. «Mais rassurez-vous, ce n'est qu'un feu d'artifice», minimisait-il. L'une des cibles visées est située à quelques kilomètres de son appartement dans le quartier de Barzeh à Damas. Il s'agit du Centre d'études et de recherches scientifiques, le Cers, bien connu des autorités françaises qui ont participé à sa création dans les années 1970. Un laboratoire notamment dédié aux études chimiques qui a été déjà été bombardé par des frappes israéliennes, ces dernières années.
Rassemblement à Damas
Près de Homs, dans le centre du pays, un dépôt d'armes chimiques et un poste de commandement ont également été ciblés par les aviations américaine, française et britannique. Une base aérienne, al-Shirai, située à Al-Dimas près de la frontière libanaise a également été visée, ainsi que celle de Kiswah, au sud de Damas. Autour de la capitale, des bases de la Garde républicaine et de IVe Division, dont le chef d'état-major est Maher el-Assad, le frère du président syrien, auraient également été visés par les raids, selon l'Organisation syrienne des droits de l'homme.
Les Etats-Unis auraient tiré plus d'une centaine de missiles Tomahawks, soit le double que lors de leur précédente frappe contre la base aérienne de Shayrat, en avril 2017, en riposte à une attaque chimique contre Khan Sheyroune, dans le nord-ouest de la Syrie.
Mounir n'a pas attendu la fin des raids pour quitter son balcon. Les bombardements ont duré une heure environ. «Des frappes ponctuelles», selon le Pentagone. Dans son intervention, Donald Trump a indiqué que l'opération - qui contrairement à celle qui avait frappé pendant deux nuits l'Irak de Saddam Hussein en 1998 n'a pas reçu de nom de code - durera «aussi longtemps qu'il le faudra».
Au petit matin, les chaines de télévision syriennes ironisaient sur «l'agression tripartite», référence à la calamiteuse opération menée en 1956 par les Français, les Britanniques et les Israéliens - mais stoppée par les Américains - contre le canal de Suez, nationalisé par le raïs égyptien Nasser.
Peu après l'aube, des centaines de Syriens se sont rassemblées sur la place des Omeyyades, cœur battant de la capitale, en «soutien aux forces armées syriennes». Comme un défi après ces raids, dont on ignore si elles ont fait des victimes.

À Damas, samedi matin. - Crédits photo : Hassan Ammar/AP
Même s'il faut attendre quelques heures pour évaluer la portée de ces frappes, celles-ci paraissent limitées. Contrairement à l'Irak en 1998, ni le palais présidentiel du leader syrien, Bachar el-Assad, ni aucun ministère, ni siège des redoutés services de renseignements n'ont été visés. Il ne s'agissait pas de détruire les structures d'un état que l'Occident veut préserver, ni de risquer surtout des victimes collatérales russes.
Les sites visés ont été vidés il y a plusieurs jours, ont précisé des sources à Damas. L'incertitude demeure sur des frappes qui auraient touché une base du Hezbollah, le mouvement chiite libanais allié d'Assad, près de Qoussayr.
Sur les réseaux sociaux, des opposants se sont d'abord réjouis de ces bombardements. Mais rapidement d'autres posaient la même question: «et après?». «Ce ne sera heureusement ni la 3e guerre mondiale redoutée par certains, ni la fin du régime, espérée par ses opposants», constate un autre Syrien sur Tweeter.
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Mathieu Bock-Côté : «Oui à la “PMA pour tous” et non à la GPA ? L'exemple du Canada n'est pas rassurant» (12.04.2018)

Par Mathieu Bock-Côté
Mis à jour le 12/04/2018 à 19h07 | Publié le 12/04/2018 à 18h56
CHRONIQUE - Le sociologue, figure de la vie intellectuelle québécoise, analyse les enjeux des lois de bioéthique annoncées en France à l'aune de la situation au Canada.
Il y a quelques jours, le député fédéral canadien Anthony Housefather annonçait son intention de déposer en mai à la Chambre des communes du Canada un projet de loi visant à décriminaliser la rémunération des mères porteuses. Il s'agissait, en d'autres mots, de faire de la gestation pour autrui (GPA) une activité commerciale comme une autre. Anthony Housefather n'est pas le député d'un parti marginal. Au contraire, il appartient à la majorité gouvernementale, celle du Parti libéral de Justin Trudeau. La proposition a été favorablement accueillie par plusieurs figures importantes du gouvernement d'Ottawa. Le premier ministre lui-même a soutenu que le débat était aujourd'hui nécessaire. On y verra plutôt un ballon d'essai pour tester l'opinion canadienne à propos d'une «avancée» qui semble inévitable à beaucoup.
Si la proposition a suscité certaines critiques, elle n'a pas fait scandale. Ce n'est pas surprenant dans un pays qui a déjà légalisé la «procréation médicale assistée (PMA) pour tous». D'une province à l'autre, elle est plus ou moins prise en charge par le système de santé publique. On a surtout reproché au député fédéral Anthony Housefather d'avoir affirmé sans complexe que le fait d'être mère porteuse était une avenue économique comme une autre pour une femme, pour peu qu'elle y consente librement. L'argument rappellera des souvenirs au lecteur français. Quelle différence entre une femme qui loue son ventre et un homme qui loue ses bras?, avait déjà soutenu, voilà quelques années, l'homme d'affaires Pierre Bergé.
«À la différence des États-Unis où les questions sociétales sont souvent confisquées par la droite religieuse, en France, on envisage surtout la question dans une perspective anthropologique»
Mathieu Bock-Côté
On ne s'interdira pas de remarquer, néanmoins, qu'une telle vision des choses prépare le chemin à l'exploitation économique la plus atroce, comme on le voit déjà avec les fermes à bébés en Inde. Les femmes pauvres serviront de ventre aux femmes riches, qui se déchargeront d'une tâche souvent jugée improductive par le capitalisme contemporain ou décrétée esthétiquement éprouvante pour les intéressées.
Telle est donc la situation au Canada. On imagine mal un tel engourdissement du débat public en France, où les États généraux de la bioéthique suscitent un véritable intérêt populaire. Depuis la Manif pour tous, les questions sociétales sont au cœur du débat public, comme en témoigne aussi l'intérêt croissant du grand nombre pour les enjeux liés au transhumanisme. Mais à la différence des États-Unis où les questions sociétales sont souvent confisquées par la droite religieuse, qui les aborde essentiellement dans une perspective morale, et même moralisatrice, en France, on envisage surtout la question dans une perspective anthropologique. Le souci qui domine est celui de la filiation. Il se cristallise autour de la critique de la PMA et de la GPA.
On attend une décision du gouvernement français sur le sujet. Certains la redoutent artificiellement équilibrée, le pouvoir distinguant les deux enjeux, consentant à la PMA mais refusant la GPA. Quoi qu'on en pense, les sceptiques sont en droit de répondre que cette résistance partielle ne ferait qu'un temps. En matière sociétale, une «conquête» en appelle toujours une autre, comme en témoigne la deuxième moitié de l'histoire du XXe siècle, comme si l'extension des droits individuels jusqu'à l'infini était inévitable. En leur nom, on détricote les anciens interdits de civilisation, dans lesquels on ne veut plus voir que des résidus archaïques hérités du monde catholique. Mais d'une réforme à une autre, c'est une transformation anthropologique radicale qui se dessine.
«Tout laisse croire que les tabous qui contiennent l'eugénisme finiront demain par céder»
Mathieu Bock-Côté
En réintégrant les enjeux bioéthiques dans une méditation sur la nature de la modernité - et sur deux de ses tendances les plus lourdes, la technicisation de la vie et la contractualisation de l'existence - il nous est peut-être possible d'éclairer de la meilleure manière PMA et GPA. Toute référence à la dimension mystérieuse de la condition humaine semble aujourd'hui relever de la brume poétique, comme si les progrès de la science promettaient une transparence intégrale de l'existence humaine. L'émerveillement devant l'existence passe pour une attitude de benêt réactionnaire et tout laisse croire que les tabous qui contiennent l'eugénisme finiront demain par céder. On observe ce qu'il est permis d'appeler une PMA mal comprise. L'hubris scientifique se conjugue avec la tentation démiurgique des modernes autour d'un fantasme devenu hégémonique: fabriquer la vie, parce qu'on en aurait décrypté le code. L'humanité maîtriserait scientifiquement les mécanismes de sa propre reproduction. Nul besoin d'être croyant pour se méfier d'un homme qui voudrait être à lui-même son propre créateur. Le projet d'un utérus artificiel, pour l'instant chimérique, est soutenu par certaines féministes qui voudraient délivrer la femme du fardeau de la maternité, comme s'il fallait réduire au minimum la part humaine dans la procréation.
«La marchandisation éventuelle de la GPA est symptomatique d'une contractualisation intégrale de l'existence»
Mathieu Bock-Côté
La marchandisation éventuelle de la GPA, en outre, est symptomatique d'une contractualisation intégrale de l'existence. Pour peu que deux individus y consentent, ils peuvent nouer entre eux n'importe quelle relation. Selon l'esprit du temps, le droit a pour seule vocation de faciliter les interactions individuelles. Nous assistons à la réduction du lien social à sa stricte dimension procédurale. La désacralisation du corps dégage un nouvel espace pour la marchandisation de la vie, qu'on justifiera avec des raisons humanitaires, en la présentant comme une opportunité nouvelle pour les couples infertiles, quels qu'ils soient, qui pourront ainsi accéder au droit à l'enfant.
Or, on ne saurait aborder les questions bioéthiques en se contentant de céder devant un prétendu sens de l'histoire nous obligeant à concrétiser juridiquement ce que la science rend possible. La radicalisation de la modernité nous oblige à rouvrir une question vitale: qui est cet homme à qui on ne cesse d'octroyer des droits? L'homme de notre temps est ivre de sa puissance et rêve d'une maîtrise absolue sur l'existence, qui paradoxalement, à terme, pourrait le déshumaniser. Le matérialisme extrême, nous disait Czesław Miłosz, réduit l'homme à ne plus être qu'un «matériau humain». C'est probablement à partir d'une anthropologie de la finitude qu'il nous faudrait aborder ces questions, sans maudire la science, les progrès qu'elle rend possibles et les espaces de liberté qu'elle dégage, mais en se tenant loin du fantasme effrayant d'une humanité devenant à elle-même son propre cobaye.
* Sociologue, chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur à Radio-Canada. Parmi les livres de Mathieu Bock-Côté, signalons «Le Multiculturalisme comme religion politique» (Éditions du Cerf, 2016), salué par la critique, et «Le Nouveau Régime. Essais sur les enjeux démocratiques actuels» (Les Éditions du Boréal, 2017).

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Jean-Philippe Vincent : «Acton, célèbre en Angleterre, inconnu ici !» (13.04.2018)

Par Jean-Philippe Vincent
Publié le 13/04/2018 à 22h00
TRIBUNE - Un grand auteur libéral et conservateur, très réputé dans les pays anglo-saxons, Lord Acton, est enfin traduit en français*, se réjouit l'essayiste**.
Il faut lire le livre de Lord Acton qui paraît sous le titre Le pouvoir corrompt. C'est le premier ouvrage de cet auteur à être publié dans notre langue, alors que ce penseur britannique, libéral et catholique, mort en 1902, est considéré dans le monde anglo-saxon comme de la trempe de Tocqueville. Cet ostracisme en dit long sur la difficulté française à assimiler la culture libérale aussi bien que conservatrice. Lord Acton, grand historien, a écrit une œuvre très importante, mais il est surtout connu pour un aphorisme: «Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument.»
Le fonctionnement de la Ville de Paris témoigne d'un certain dérèglement du pouvoir. L'arbitraire y prend la figure de la bureaucratie omnipotente
De quel pouvoir et de quelle corruption nous parle Acton? Bien sûr, il peut s'agir du pouvoir fou d'un tyran, que ce soit Néron dans l'Antiquité romaine ou Kim Jong-un aujourd'hui. Ce type de pouvoir absolu produit évidemment de la corruption: corruption des mœurs  des dirigeants, mais surtout - Acton insiste là-dessus - corruption, servitude et soumission des esprits, ce qui est bien plus grave que des pratiques moralement douteuses. Le pouvoir absolu ne tolère que les esclaves et il les fabrique.
Mais la corruption du pouvoir peut emprunter des formes beaucoup plus ordinaires et policées que la tyrannie. Il suffit que le pouvoir ne se sente plus lié par aucune règle autre que par sa propre logique qui est de croître sans limite: le pouvoir est «délié» (c'est le sens du mot latin absolutus) et il fait n'importe quoi. Veut-on des exemples de ce despotisme ordinaire dont les apparences peuvent être débonnaires et même bonasses? Les deux septennats de François Mitterrand en font, pour ceux qui s'en souviennent, une illustration: à côté de quelques utiles réalisations, quelle démesure orgueilleuse et quels procédés de haute et de basse police. L'auteur du Coup d'État permanent croyait aux «forces de l'esprit» mais il croyait surtout aux forces de son pouvoir quasiment royal. Résultat:  son second mandat s'est terminé dans une débandade morale totale. Paix à son âme.
Les Parisiens ne sont plus considérés comme des citoyens. Ils sont devenus, comme d'autres Français en d'autres endroits, des sujets de sa majesté le pouvoir
Plus près de nous et spécialement pour les habitants de notre capitale, le fonctionnement de la Ville de Paris témoigne d'un certain dérèglement du pouvoir. L'arbitraire y prend la figure de la bureaucratie omnipotente qui, à Paris, fait absolument la loi. Pourquoi a-t-on refusé, dans un premier temps, une sépulture à l'immense écrivain qu'a été Michel Déon ? À quoi bon ces projets grandioses et même pharaoniques? Pourquoi cet endettement en passe de devenir abyssal? Quelle est  la logique de ces travaux anarchiques  qui empoisonnent la vie quotidienne des Parisiens? Une simple raison: la bureaucratie ne se sent plus liée par autre chose que la satisfaction d'un pouvoir toujours plus envahissant. Les Parisiens ne sont plus considérés comme des citoyens. Ils sont devenus, comme d'autres Français en d'autres endroits, des sujets de sa majesté le pouvoir. Ils sont en conséquence taillables, corvéables et taxables à merci. Le pire est que beaucoup finissent par se résigner: «L'homme vivant sous  la servitude des lois prend sans s'en douter une âme d'esclave», écrivait le grand professeur de droit Georges Ripert. Oui, Acton avait raison: le pouvoir corrompt, car il tend à transformer les individus en serfs. Voilà la véritable corruption, celle des esprits et des volontés.
Oui, Acton avait raison : le pouvoir corrompt, car il tend à transformer les individus  en serfs. Voilà la véritable corruption,  celle des esprits et des volontés
Comment s'arrêter sur la route de la servitude? L'exemple de Paris fournit certaines solutions. Car, dans l'affaire Michel Déon, qu'est-ce qui a mis un terme à l'arbitraire du pouvoir? L'écœurement et la révolte des honnêtes gens, bien sûr. Mais c'est surtout l'autorité morale qui a arrêté le pouvoir. Celle de Michel Déon, par-delà la mort, et aussi celle des quelques dizaines d'écrivains et de consciences droites qui, dans un appel publié parLe Figaro , ont eu à cœur de défendre sa mémoire et de souligner la défaillance morale d'une bureaucratie sans âme.
En démocratie, il n'y a que l'autorité qui arrête le pouvoir. L'autorité morale que le grand sociologue François Bourricaud définissait comme «le pouvoir accepté parce que légitime» est la seule force capable de modérer le pouvoir. Elle repose sur un référendum de tous les jours, un consensus des esprits éclairés, validé par l'expérience, le temps et l'Histoire. Acton en avait eu le pressentiment.
Redonner le goût de la liberté et de l'autorité morale
L'universitaire américain et grand ami de la France Aurelian Craiutu l'a magistralement illustré dans son livre Faces of Moderation (2016). En étudiant cinq grands penseurs contemporains libéraux et conservateurs (Raymond Aron, Isaiah Berlin, Norberto Bobbio, Michael Oakeshott et Adam Michnik), Craiutu montre combien l'art de la modération est nécessaire en démocratie. Il suggère que la véritable autorité, l'autorité morale et naturelle, est l'ultime rempart contre les errements du pouvoir. Le pouvoir corrompt, mais l'autorité libère. Elle n'a pas besoin de la force ou de la contrainte: elle se déploie naturellement, spontanément. Ah, si la lecture du livre d'Acton pouvait nous redonner, à nous autres Français, ce goût de la liberté et de l'autorité morale qui sont les seuls antidotes à la corruption du pouvoir!
Le pouvoir corrompt, de Lord Acton (Les Belles Lettres, coll. «Bibliothèque classique de la liberté», 144 p., 17 €).
** Ancien élève de l'ENA, Jean-Philippe Vincent enseigne l'économie des questions démocratiques à Sciences Po et a publié de nombreux ouvrages.

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Pourquoi nous sommes incapables de quitter Facebook : le regard d'un psy (13.04.2018)

Par Paul Sugy
Publié le 13/04/2018 à 15h25
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Bien que le scandale de la fuite massive de données ait inquiété l'opinion, rares sont encore les personnes qui décident vraiment de quitter le réseau social. Le psychanalyste Michael Stora dévoile les raisons de notre addiction à Facebook.

Michaël Stora est psychologue et psychanalyste, spécialiste des addictions liées au monde numérique. Il a cofondé en 2000 l'OMNSH, l'Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines. Il s'apprête à publier une édition actualisée d'un de ses ouvrages, Et si les écrans nous soignaient? Psychanalyse des jeux vidéo et autres plaisirs digitaux (éd. Erès, 2018).

FIGAROVOX.- Facebook est en ce moment au cœur d'une crise sans précédent, au point que Mark Zuckerberg a été auditionné mardi par le sénat américain pour annoncer un changement de «philosophie». Quelle est la philosophie de Facebook?
Michaël STORA.- Je trouve que le terme est tout de même un peu exagéré: on ne peut pas vraiment parler de philosophie, mais plutôt de l'ADN de l'entreprise Facebook. Ce qui est sûr, c'est que Mark Zuckerberg n'avait pas d'abord pesé les enjeux éthiques de responsabilité citoyenne à laquelle son entreprise est tenue. C'est ce changement-là qu'il est certainement en train d'opérer, et en ce sens, il rompt en effet avec la logique initiale de Facebook, le «what's on your mind?»: une forme d'exhibition permanente et incontrôlée.
Je crois que Facebook, de plus en plus, se limite à cela: être un lieu de transparence à tout prix, qui crée des connexions mais qui peine de plus en plus à faire émerger une créativité. Dans mon livre Hyper connexion [coécrit avec Anne Ulpat, et publié aux éditions Larousse en 2017, NDLR], j'ai montré que cette «philosophie», bien que le terme soit impropre, est un reflet archétypique de la culture de la côte ouest des États-Unis: étaler à longueur de temps toutes les raisons qui font penser que votre vie est riche, intéressante ou même renversante. «Amazing» ! Et c'est déprimant, car en réalité Facebook ne sert qu'à nous mettre en scène, jusqu'à se créer une identité fictive car fantasmée, un «faux-soi». Il s'agit de maquiller la réalité pour ne montrer que ce qui nous met en valeur, avec cet étonnant paradoxe que nous faisons cela tout en étant tenu d'afficher notre vrai prénom, car Facebook lutte activement contre les pseudonymes. Ce n'est plus la téléréalité mais l'Internet-réalité.
Le paradoxe est encore plus grand lorsque l'on voit l'énergie qu'a déployée Facebook pour traquer les «fake news»: en réalité, tous nos profils sont une forme de gigantesque «fake news»! Et c'est ce à quoi nous tenons, d'ailleurs. Il n'y a qu'à voir, lorsque nous publions une nouvelle photo de profil, le nombre de commentaires élogieux qui pleuvent dans la minute. Cela vole au ras des pâquerettes, mais nous avons besoin d'être complimentés. Rassurés, en fait, exactement comme des enfants de trois ans.
Sur Facebook, tous nos profils sont une forme de gigantesque « fake news ».
Jugez-vous que Facebook et les réseaux sociaux ont engendré des modifications comportementales significatives? Et si c'est le cas, le déplorez-vous?
Je ne sais pas si Facebook modifie complètement notre rapport au monde ; mais en tous les cas, sur Facebook, des problèmes inédits se posent qui n'existent pas de manière aussi forte dans la vraie vie. Il y a déjà cette quasi impossibilité de se séparer vraiment de quelqu'un: je l'ai constaté lors de deuils, Facebook n'est pas toujours en mesure de faire «disparaître» une personne décédée, et c'est souvent mortifiant de voir encore apparaître le profil virtuel d'un défunt. Certains continuent même, des années après, à lui souhaiter machinalement un joyeux anniversaire. Dans une moindre mesure, cela est vrai aussi après une rupture amoureuse: alors que dans la vraie vie nous coupons souvent tous les ponts avec la personne, Facebook entretient parfois certains liens qui ne sont pas toujours agréables à se voir rappeler.
Par ailleurs, Facebook est totalement incapable d'empêcher les lynchages, ou toute autre forme de harcèlement entre pairs: il considère que c'est à nous-même de les lui signaler. Mais en réalité, même avec des «amis», nous pouvons parfois nous retrouver dans des situations de détresse inouïe face auxquelles nous sommes complètement désarmés. Cela est encore plus vrai chez les adolescents.
Enfin, je constate de manière générale que l'usage des réseaux sociaux et de Facebook en particulier nous rend de plus en plus incapables de supporter les désaccords. Une amie m'a rapporté qu'elle avait fini par quitter une terrasse de café, un jour, pour fuir une dispute avec une personne dont elle ne souhaitait plus écouter les propos. Ce comportement est le symptôme d'une tentation nouvelle: celle de faire du «ghosting», c'est-à-dire de quitter une conversation brutalement et sans autre forme d'explication. Cette attitude a d'abord été observée sur les forums sur Internet ou dans des discussions par messagerie instantanée, et elle est de plus en plus pratiquée dans la vraie vie. C'est une forme absolue de «zapping»: dès qu'une discussion nous ennuie, nous voulons la quitter comme on ferme un onglet sur Internet.
De manière générale, sommes-nous soumis aujourd'hui à une dictature de la «transparence» qui tendrait à un effacement progressif de toute vie privée?
Oui, car Facebook induit un impératif catégorique nouveau: celui d'une exhibition frénétique. En un sens, cela peut avoir du bon, au moins pour nous les Français qui sommes connus au contraire pour notre inhibition. Nous ne sommes pas particulièrement tactiles, et nous avons peut-être à gagner avec cette forme nouvelle de sociabilité! Mais seulement dans une certaine limite, car la disparition de la vie privée au profit d'une transparence systématique est au moins autant un écueil que la confidentialité absolue.
Toutefois, la transparence que Facebook nous incite à adopter n'est pas non plus très empathique: je disais à l'instant que nous ne sommes pas toujours très «tactiles», mais Facebook ne nous permet pas plus de l'être, ni aucun outil numérique en général. Car il reste toujours une distance, malgré l'illusion que nous pouvons avoir de la surpasser en nous immisçant dans la vie des autres.
Mark Zuckerberg veut nous conserver à l'âge de l'enfance, où rien n'est dissimulé ou soustrait au regard d'autrui.
Pour employer un concept important en psychanalyse, je crois que nous demandons à Facebook de nous faire vivre des «scènes primitives». Selon Freud, la scène primitive est le fait pour un enfant d'appréhender sa propre sexualité en fantasmant et en interprétant celle de ses parents, dont il se fait une représentation. Sur Facebook, nous cherchons aussi cela: entrer dans la vie des autres, une vie fantasmée dont la représentation mentale que nous avons nous sert ensuite de fondement pour comprendre la nôtre.
Seulement, ce que révèle aussi la psychanalyse est que l'enfant grandit lorsqu'avec de la maturité, il comprend qu'il doit garder une certaine intimité pour se protéger des autres et ne pas rester vulnérable. Or Mark Zuckerberg veut nous empêcher de garder cette intimité pour nous. En un sens, ce qu'il vise est donc ni plus ni moins que d'empêcher ce processus d'autonomisation. Il veut nous conserver à l'âge de l'enfance, où rien n'est dissimulé ou soustrait au regard d'autrui.
On parle aussi de la formation de «bulles» idéologiques sur les réseaux sociaux. En quoi notre environnement numérique vient modifier nos adhésions à des idées ou des prises de position?
En effet, les algorithmes de Facebook fonctionnent de manière à nous mettre en relation le plus possible avec des personnes qui partagent nos idées. Et d'ailleurs, nous résilions en priorité les personnes qui n'ont pas nos opinions. Ce faisant, nous ne sommes plus confrontés autant qu'avant à la différence et aux divergences de point de vue, comme si nous avions des œillères. Chaque information qui nous parvient, puisqu'elle passe au travers de filtres savants, vient donc essentiellement renforcer nos convictions ; et tout ce qui pourrait les ébranler, nous le réfutons d'office sans même le prendre au sérieux.
Le militantisme se nourrit de cette tyrannie de la similitude, et en ce sens, je crois que la figure du «troll» - c'est-à-dire dans le jargon d'Internet, cet importun qui vient susciter la controverse, le plus souvent sur le mode de l'humour - est bienfaisante, en ce qu'elle permet de prendre parfois un peu de recul sur nos propres opinions. Hélas, sur Facebook, nous n'aimons pas être bousculés, et les trolls se font rares…
À l'heure où les coachs en développement personnel font florès, et où se multiplient leurs sagesses de pacotille tirées des textes bouddhistes, dont le but affiché est toujours de vous faire du bien et de vous aider à surmonter votre stress, Facebook tend à devenir un vaste espace de paix et d'harmonie où toutes les pulsions sont anesthésiées. En somme, Facebook n'est plus qu'une auxiliaire de puériculture.
Facebook tend à devenir un vaste espace de paix et d'harmonie où toutes les pulsions sont anesthésiées.
Le sondage proposé hier aux lecteurs du Figaro montre que presque tous (95 %) ne font pas confiance à Facebook pour protéger leurs données. Mais a-t-on malgré tout vraiment conscience de cela, lorsque l'on se retrouve devant Facebook?
Évidemment que non! On a beau le savoir, on en est très peu conscient. Et même si de nombreux articles nous expliquent que nos données sont utilisées, on ne veut pas accepter l'idée pourtant simple que sur Internet, si un service est gratuit, alors c'est que nous en sommes le produit. On se croit toujours plus libre ou plus malin.
Et puis, l'attention portée actuellement aux déboires de Facebook est encore essentiellement, je crois, un mantra de journalistes: pour l'heure, il n'y a qu'eux qui m'appellent! Et c'est important que vous vous saisissiez du sujet, que vous permettiez cette prise de conscience. Mais les gens ne s'y intéressent pas encore autant que vous. Pourtant, c'est inquiétant de voir à quel point nous sommes «profilés» de manière extrêmement précise. Tous les outils sont déjà en place pour que l'on puisse chercher, de manière très insidieuse, à nous faire changer d'opinion et à nous manipuler. Le scandale de la fuite des données dans l'affaire de l'élection présidentielle américaine nous fait entrevoir la gravité que peut avoir une utilisation malveillante de nos données. D'ailleurs, c'est très insidieux: ce ne sont pas tant nos publications sur Facebook qui révèlent nos centres d'intérêt et nos préférences, mais les «likes» que nous distribuons, parfois sans trop y réfléchir, au gré de notre navigation sur le réseau. C'est ce qu'a révélé dans une tribune au Monde le chercheur Michael Wade, qui a enquêté sur l'affaire Cambridge Analytica et la manière dont la segmentation et l'analyse des données ont été menées.
Comment expliquez-vous le peu de succès des mouvements #DeleteFacebook, qui proposent purement et simplement de supprimer son profil pour protester contre l'utilisation abusive de nos données? Sommes-nous en quelque sorte englués à Facebook, et pourquoi?
Oui, on a beau savoir que Facebook utilise abusivement nos données, on reste «accro»! Cette question de l'addiction est complexe.
Pour le jeu vidéo, on distingue quatre types de profils, qui correspondent à quatre manières différentes d'être addicts aux «MMORPG» (massively multiplayer online role-playing game, les jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs) tels que World or Warcraft par exemple. Ces jeux sont ce qu'on appelle des «mondes persistants», c'est-à-dire des mondes virtuels qui ne cessent jamais d'exister. Contrairement à une partie d'échecs, où rien ne se passe sur l'échiquier si vous êtes affairé à autre chose, ces univers virtuels restent en activité lorsque vous n'êtes pas connecté. Et bien, je crois qu'il s'agit de la même chose pour Facebook, qui est donc en quelque sorte un «monde persistant» également.
Les profils d'addictions peuvent donc valoir également pour Facebook. On distingue donc:
-Le compétiteur, qui a besoin d'être meilleur que les autres. Il vient chercher sur Facebook sa dopamine, il éprouve un besoin compulsif de publier beaucoup de contenu, et espère toujours que ses publications seront meilleures que celles des autres.
-L'observateur, qui allume Facebook vingt fois par jour pour voir ce qui s'y passe, sans en attendre quoi que ce soit de précis: il est seulement à l'affût, et espère toujours le surgissement impromptu d'une bonne blague ou d'une publication intéressante.
Facebook est bien souvent le remède à la solitude de notre existence.
-L'interacteur, qui est peut-être le moins addict des quatre, car lui se connecte surtout pour entrer en contact avec des personnes et avoir avec eux de vrais échanges.
-Le troll, enfin, dont j'ai dit plus haut qu'il était une espèce en voie de disparition: cet amoureux de la controverse qui aime provoquer avec humour les autres utilisateurs préfère aujourd'hui se réfugier vers d'autres plateformes numériques, comme le forum jeuxvideo.com notamment, où l'on trouve essentiellement des 18-25 ans et où prospèrent les propos les plus extrêmes.
Si nous tenons tant à Facebook et que nous avons du mal à nous en détacher, malgré la menace qu'il fait peser sur la confidentialité de nos données, c'est qu'au fond de nous-mêmes nous tenons beaucoup à ce réconfort permanent qu'il nous apporte, et qui a été encouragé par les nombreuses politiques de lutte contre les propos les plus sulfureux engagées par la modération de Facebook. C'est une vaste zone de confort, qui nous empêche de voir à quel point nos vies peuvent être incroyablement creuses et ennuyeuses. Facebook est bien souvent le remède à la solitude de notre existence.
En fin de compte, peut-on avoir un usage sain des réseaux sociaux, qui ne perturbe pas notre équilibre psychique et notre vie relationnelle?
Alors attention, comme psychanalyste, je ne donne jamais de conseils à mes patients car je considère que c'est à eux de prendre leur vie en main et de se défaire des addictions qui altèrent leur liberté. Les «bons conseils du psy», c'est une tarte à la crème que je ne me permettrai jamais de prodiguer à qui que ce soit. J'estime que tout le monde peut être en mesure de prendre conscience des pièges qui le guettent dans son existence, et c'est donc à chacun, personnellement, de se demander si l'usage qu'il fait de Facebook et des réseaux sociaux est sain et ne nuit pas à son équilibre de vie. Tout comme il faut se poser cette question vis-à-vis d'Internet en général, ou de son téléphone portable, de sa télé, de sa console de jeux, etc.
Sans faire la morale à qui que ce soit, donc, je me permets tout de même de formuler une hypothèse: je crois que nous finirons bientôt par nous lasser de Facebook. C'est déjà en partie le cas chez les Millenials, qui sont davantage sur d'autres réseaux comme Instagram et Snapchat. Car Facebook était une mine d'or ; mais comme toute mine, celle-ci finit par se tarir et n'a plus grand-chose de neuf à nous offrir. Et puis, et cela est rassurant, l'affaire Cambridge Analytica et l'audition de Mark Zuckerberg par le Congrès américain vont sans doute porter leurs fruits, et Facebook est aujourd'hui contraint de revoir à la hausse ses politiques de confidentialité et de protection des données personnelles.
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Éric Zemmour : «À l'est, du nouveau» (13.04.2018)

Par Eric Zemmour
Mis à jour le 13/04/2018 à 15h53 | Publié le 13/04/2018 à 06h00
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Le concept d'«illibéralisme» développé par Viktor Orban peut devenir la chance de la droite française si elle sait s'en saisir.
Illibéralisme. Ce mot difficile à prononcer est appelé à un grand avenir idéologique et politique. Le triomphe électoral en Hongrie de Viktor Orbán en est la dernière preuve éclatante, qui vient après les scrutins autrichiens, italiens, slovaques, polonais, voire allemands. Les élites occidentales y fustigent le populisme, sans voir que ce concept ne signifie plus grand-chose. C'est Orban qui a théorisé l'illibéralisme, qu'il oppose au libéralisme, mais pas à l'économie de marché. Des pays qui ont subi le joug communiste ne peuvent être hostiles à l'économie de marché. En revanche, la crise de 2008 a fait comprendre aux dirigeants hongrois que le libéralisme mondialisé était devenu une machine folle et hégémonique où la finance a tous les pouvoirs et tous les droits.
C'est la crise des migrants de 2015 qui va consacrer la coupure entre deux Europe, entre sociétés libérales et illibérales
Mais c'est la crise des migrants de 2015 qui va consacrer la coupure entre deux Europe, entre sociétés libérales et illibérales. Les sociétés libérales allemande et française sont devenues des sociétés multiculturelles qui ont renoncé à défendre leurs frontières et identité. Le juge y définit des normes, inspirées de la religion des droits de l'homme, qui s'imposent à tous. Ce que l'on appelle avec emphase l'État de droit, que l'on confond - confusion délibérée ou ignorance - avec la démocratie. Or, c'est tout le contraire. L'État de droit, c'est le gouvernement des juges, oligarchie qui impose sa loi au peuple - le contraire de la démocratie, qui est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple.
Orban tente de distendre le lien entre libéralisme économique et culturel, imposé par la gauche soixante-huitarde
Cet affrontement entre libéralisme et illibéralisme, entre État de droit et démocratie, est le clivage de l'avenir en Europe. Il se substitue aux oppositions surannées entre souverainistes et fédéralistes, entre socialistes et libéraux. Ce concept d'illibéralisme venu de Hongrie a essaimé dans toute l'Europe centrale, aire de l'ancien Empire austro-hongrois. Ce qui n'est sans doute pas un hasard quand on se souvient que c'est cette région qui a connu le plus vivement la pression musulmane avec le siège de Vienne en 1683. Mais ce concept hongrois peut devenir la chance de la droite française si elle sait s'en saisir. Orban tente de distendre le lien entre libéralisme économique et culturel, imposé par la gauche soixante-huitarde après sa conversion, au cours des années 1980, à l'économie de marché. Il accepte le premier - mais en l'encadrant par l'État - et rejette le second au nom des racines chrétiennes de l'Europe.
Il s'efforce ainsi de conjurer cette malédiction de Michéa - du nom du théoricien marxiste qui a brillamment montré le lien entre les deux libéralismes. L'illibéralisme réalise une union des droites qui rallie l'électorat populaire en dénonçant «le grand remplacement» et le danger de l'islamisation de l'Europe. L'illibéralisme est le nouvel ennemi des médias bien-pensants et des idéologues européistes de Bruxelles. La meilleure preuve, s'il en était besoin, que c'est le vent d'est qui est à suivre.
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Edwy Plenel, le pari risqué d'Emmanuel Macron (13.04.2018)

- Crédits photo : JOEL SAGET/AFP
Vox Politique | Par Alexandre Devecchio
Publié le 13/04/2018 à 20h44
ANALYSE - En répondant dimanche aux questions d'un journaliste contesté pour ses positions sur la question islamiste, le président prend le risque de choquer ces Français qui souffrent dans les territoires perdus de la République.
«Si la presse était libre, le président ne pourrait pas choisir les journalistes qui l'interviewent à la télévision», avait déclaré en 2009 Edwy Plenel au sujet de Nicolas Sarkozy. Ce dimanche, celui qui se rêve en héraut de l'indépendance de la presse se pliera pourtant, au côté de Jean-Jacques Bourdin, à «l'exercice convenu de l'interview présidentielle, symbole par excellence de la dérive monarchique du pouvoir». «C'est une reconnaissance pour Mediapart», confie Plenel dans une vidéo en ligne sur le site d'information tout en regrettant l'absence de «parité» et de «diversité» de cet entretien entre «un homme blanc de plus 40 ans et deux hommes blancs de plus de 60 ans». Mais la volte-face de l'ancien trotskiste est anecdotique au regard de la décision d'Emmanuel Macron.
Officiellement, le chef de l'État tient une promesse. Entre les deux tours de la présidentielle, après une interview fleuve à Mediapart(la dernière de la campagne), il avait assuré la rédaction qu'il reviendrait dans un an. Pari tenu mais pari risqué. L'apôtre du «en même temps», qui, après avoir été élu par la gauche, rêve de séduire la droite, fait, avec Plenel, un choix déroutant. Car pour le camp «conservateur», l'ancien patron du Monden'est pas un journaliste comme les autres. C'est le «camarade Krasny» (son surnom chez les trotskistes), l'homme qui avait relayé les accusations délirantes contre Dominique Baudis dans l'affaire Alègre et le procureur médiatique de Nicolas Sarkozy. L'incarnation d'un journalisme à la fois idéologique et inquisitorial. À coup sûr, cette intronisation ne manquera pas d'être interprétée par nombre d'électeurs comme un gage donné à la gauche la plus sectaire.
Un choix contestable
Pour beaucoup ce choix apparaît également contestable au plan des principes. En invitant Plenel sur le plateau, le président de la République réhabilite une personnalité dont le crédit a été lourdement entamé. L'homme de l'affaire Greenpeace et des Irlandais de Vincennes, le «tombeur de Cahuzac», celui qui inspirait un mélange de crainte et d'admiration, s'est abîmé dans la polémique et les soupçons de connivence avec l'islamisme. C'était au mois de novembre dernier.
Vexé d'avoir été épinglé en une de l'hebdomadaire satirique pour son silence pudique au sujet des viols présumés du prédicateur Tariq Ramadan, Edwy Plenel avait répliqué en affirmant que la rédaction de Charlie Hebdo prenait part à une campagne «générale» de «guerre aux musulmans». Une petite phrase que Riss, le directeur de Charlie, n'avait pas hésité à qualifier d'«appel au meurtre». «Cette phrase adoube ceux qui demain voudront finir le boulot des frères Kouachi», écrivait-il dans un édito implacable. Avant de conclure que les journalistes de Charlie «ne lui pardonneront jamais».
Cette controverse avait mis en lumière la lente dérive idéologique de l'auteur de Pour les musulmans. Ancien membre de la Ligue communiste révolutionnaire (on a découvert que le jeune militant, en 1972, s'était félicité du massacre de onze athlètes israéliens par des terroristes palestiniens aux JO de Munich, propos qu'il regrette aujourd'hui), Plenel s'est transformé au fil des ans en compagnon de route de l'islam politique au point de faire cause commune avec Tariq Ramadan ou les Indigènes de la République dans la lutte contre «le racisme d'État».
Habile stratège, le président de la République devrait prendre soin de marquer sa différence avec son interlocuteur. Peut-être même surjouera-t-il l'autorité de l'État, à la manière d'un Manuel Valls, pour apparaître comme le champion de l'ordre républicain ?
Habile stratège, le président de la République devrait prendre soin de marquer sa différence avec son interlocuteur. Peut-être même surjouera-t-il l'autorité de l'État, à la manière d'un Manuel Valls, pour apparaître comme le champion de l'ordre républicain?
Déjà des communicants expliquent qu'avec ce duo de journalistes, le président innove et fait ce que personne n'a osé avant lui. Ils assurent, en outre, qu'il pourra renforcer son image de force centrale. Entre le «populisme» de Jean-Jacques Bourdin et le gauchisme extrême d'Edwy Plenel, il sera l'ordre et la raison. Peut-être. Mais le choix de donner la lumière à l'adversaire le plus résolu du camp laïque reste un symbole négatif, voire incompréhensible, pour ces Français qui s'inquiètent du péril existentiel représenté par le séparatisme islamiste. En particulier ceux qui, dans les territoires perdus de la République, souffrent au quotidien de ses conséquences. Il donne un argument de plus à toute cette partie de l'opinion qui reproche à Emmanuel Macron d'être équivoque sur le multiculturalisme et de vouloir mener une politique d'accommodements raisonnables.

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Natacha Polony : «Macron ou les leurres du bougisme» (13.04.2018)
Par Natacha Polony
Publié le 13/04/2018 à 20h15
CHRONIQUE - La bougeotte réformatrice et l'agitation permanente d'Emmanuel Macron au 13h de TF1 dissimulent mal un triste constat : la politique mise en oeuvre est la même qu'on sert au peuple depuis des décennies.
Il n'était plus question de «pensée complexe» ni de mots précieux. On avait remisé les concepts philosophiques, habituellement lancés comme autant de leurres pour mieux sembler couvrir le champ intellectuel de l'adversaire. Emmanuel Macron se voulait pédagogue et enveloppant, égrenant pour ces Français qu'il était venu chercher jusqu'au cœur de leur monde les messages censés les convaincre qu'un véritable chef les guide vers des lendemains qui chantent. «J'irai jusqu'au bout», mais avec empathie… Certes, mais au bout de quoi?
«L e monde accélère », « le monde change ». Toutes les déclinaisons y sont passées. Là non plus, il n'est pas question de choix, de politique, ni finalement de démocratie
L'objet de cet exercice de communication était, selon l'expression si chère aux communicants, de «donner du sens», de «mettre en perspective», de convaincre ces classes populaires si rétives que la politique menée suit une logique cohérente qu'on ne saurait résumer au qualificatif ravageur de «président des riches». Alors, quel est cet horizon que les plus modestes ne pouvaient distinguer avant que Jupiter n'écartât la brume d'ignorance qui le voilait?
À vrai dire, ce n'est pas qu'ils aient mauvais esprit, les pauvres, mais avec tous les efforts du monde, ils auront encore du mal à percevoir autre chose que la continuité absolue de ce qu'on leur propose depuis des décennies. Et pour cause: le président lui-même n'a cessé de répéter durant cet entretien que «depuis vingt ans, on sait que…», «depuis trente ans, tout le monde est d'accord pour…». La seule différence, donc, avec ses prédécesseurs, c'est la volonté de dépasser les réticences des classes populaires. D'ailleurs, quiconque ne partage pas ce projet est un homme du passé, un ringard, puisque «depuis vingt ans on sait que…». Nous ne sommes pas face à des choix politiques orientés en fonction des intérêts et des valeurs que chacun décide de privilégier, il n'y a qu'une vérité que les gens raisonnables connaissent.
Ce n'est pas qu'ils aient mauvais esprit, les pauvres mais ils auront encore du mal à percevoir autre chose que la continuité absolue de ce qu'on leur propose depuis des décennies
Mais il est un leitmotiv qui rend compte, plus encore, de la vision macronienne du politique. Car l'explication ultime dont nous a gratifiés notre président pédagogue, celle qui est censée justifier les choix douloureux qu'il impose, est revenue comme une ritournelle au long de l'entretien. «Le monde bouge», «le monde accélère», «le monde change». Toutes les déclinaisons y sont passées. Là non plus, il n'est pas question de choix, de politique, ni finalement de démocratie. Nous sommes dans l'ordre des lois naturelles. Les organismes qui ne s'adaptent pas mourront. Mais à quoi sommes-nous sommés de nous adapter? Nul ne le saura. Au «monde» qui «accélère». Pour aller où? Peu importe. Que ce soit vers le gouffre, vers un mur planté devant nous, vers la destruction de tout ce que notre civilisation a porté de progrès humains, il ne s'agirait pas de se laisser dépasser. Il faut être compétitif. On prenait ce président pour Jupiter, il se vit comme un amphibien menacé d'extinction par la sélection darwinienne.
Emmanuel Macron a plusieurs fois employé l'image d'une maison dont il ne faudrait pas poser les murs sans avoir consolidé les fondations. Il a précisé que son objectif était de préparer le «progrès des cinquante prochaines années». L'ambitieux réformateur considère que la France a conservé le mode d'organisation issu de l'après-guerre, dans un monde qui n'a plus rien à voir. Ce qui n'est pas faux. À ceci près qu'il voit dans ce changement un produit des lois naturelles quand il est l'application d'une idéologie, celle de la dérégulation et du libre-échange imposés depuis la fin des années 1970. Mais notre président oublie que la principale caractéristique du programme du CNR ou des réformes gaulliennes de 1958 n'est pas à chercher dans leur dimension technique, dans le compromis entre syndicats et partis politiques, mais dans le fait qu'ils étaient le reflet, non d'une supposée loi naturelle, mais du choix délibéré de promouvoir souverainement certaines valeurs d'égalité, de solidarité, en continuité de la civilisation française.
C'est d'avoir oublié cela qu'Emmanuel Macron s'est pris les pieds dans ses formules si bien ciselées. «Président des riches? Mais les riches n'ont pas besoin de président, eux, ils se débrouillent. Je suis le président de tous les Français.» Cette phrase a fait l'objet d'un contresens plus ou moins sincère. Emmanuel Macron ne prétendait pas que les pauvres ont besoin d'assistance quand les riches, eux, sont des adultes. Il voulait sans doute faire référence à cette sécession des élites mondiales qui les a détachées des intérêts des nations et des peuples. C'est oublier que ces élites ont besoin, pour «se débrouiller», de lois qui leur soient favorables - cette fameuse dérégulation, cette mise en concurrence des espaces économiques  - et qu'elles savent très bien reconnaître les hommes politiques qui leur serviront ce genre de plat.
Bon sens populaire
La sociologie du vote en faveur d'Emmanuel Macron et la ferveur dont il a été l'objet dans certains milieux nous le prouvent assez. Au sortir de cet entretien, la fleuriste de Berd'huis, prénommée Maryse, a interrogé le président: «Savez-vous ce qui fait la différence entre un désert et un jardin? Ce n'est pas l'eau, c'est l'homme.» Une fleuriste de l'Orne sait parfois mieux qu'un président ce qui doit guider nos choix politiques.

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Le président de Paris-I : «À Tolbiac, les dégradations des lieux sont terribles» (13.04.2018)

Par Caroline Beyer
Mis à jour le 13/04/2018 à 22h06 | Publié le 13/04/2018 à 19h38
INTERVIEW - Georges Haddad, président de Paris-I Panthéon-Sorbonne, a demandé le 9 avril au préfet de police de Paris d'intervenir pour faire évacuer le site de Tolbiac. Sans réponse jusqu'à aujourd'hui.
Georges Haddad fulmine. Depuis l'AG du 3 avril, qui a voté le blocage illimité du site de Tolbiac, le bouillonnant président de Paris-I Panthéon-Sorbonne se démène pour sortir de l'impasse. Sans succès. «J'attends», répète ce normalien agrégé de mathématiques, président depuis 2016 de la grande université pluridisciplinaire, répartie sur 26 sites, dont celui de Tolbiac qui accueille 12.000 étudiants de premier cycle en sciences humaines, économie et gestion. Le 9 avril, il a demandé au préfet de police de Paris d'intervenir pour «rétablir le fonctionnement habituel du centre». Sans réponse jusqu'à aujourd'hui.
LE FIGARO. - Quelle est la situation au centre Tolbiac après dix jours d'occupation?
Georges HADDAD. - Elle ne cesse de se dégrader. Le nombre d'occupants sur le site augmente de jour en jour. Ils sont actuellement entre 200 et 1600 suivant les heures de la journée. Les dégradations des lieux sont terribles. Elles vont coûter très cher au contribuable. La remise en état va prendre un temps fou.
Quelle est votre marge de manœuvre en tant que président?
Attendre! J'ai demandé le 9 avril l'intervention de la police. Je l'ai fait contraint et forcé. Après les violences dans la nuit du 6 au 7 avril, la découverte de cocktails Molotov, j'ai estimé que la ligne rouge avait été franchie. Un de mes collègues agent a failli perdre un œil. Un député du XIIIe arrondissement a été blessé… J'attends donc avec inquiétude.
«Les bloqueurs demandent aujourd'hui la démission d'Emmanuel Macron ou l'abolition du capitalisme. Leur imagination n'a pas de limite»
Georges Haddad
Les pouvoirs publics auraient-ils dû déjà intervenir?
Joker…
Pouvez-vous discuter avec les bloqueurs?
Non. Ils ne m'apprécient pas vraiment. Mais je continue à aller à leurs AG pour réitérer ma proposition d'évacuer les lieux et de mettre à leur disposition, pour leurs débats, un amphithéâtre que j'ouvrirais le matin et fermerais le soir.
Qui sont ces bloqueurs?
Il y a de tout, des étudiants et des personnels de Paris-I et, d'ailleurs, des non-étudiants… Nous sommes bien loin de l'objet originel de contestation, la loi sur l'orientation des étudiants, votée en février, qu'il est d'ailleurs de mon devoir de faire appliquer. Ils demandent aujourd'hui la démission d'Emmanuel Macron ou l'abolition du capitalisme. Leur imagination n'a pas de limite.
On parle beaucoup de la difficulté pour les forces de police à intervenir sur le site qui s'ouvre sur une fosse en cul-de-sac? Qu'en dites-vous?
Il y a vingt-sept ans déjà, alors que j'étais président de Paris-I, j'avais alerté les pouvoirs publics sur la configuration du site de Tolbiac. Ce centre de 22 étages, avec ses ascenseurs bondés, qui tombent toujours en panne, n'est absolument pas adapté pour accueillir en TD 12.000 étudiants de premier cycle! Il y a aussi cette fosse qui, accessible la nuit il y a vingt ans, était une zone de non-droit. J'avais réussi à faire mettre des grilles. Pour le reste, je n'ai eu aucun retour à l'époque. J'ai prêché dans le désert! J'espère que l'on tirera les conclusions qui s'imposent, après cette nouvelle expérience d'occupation. Je rappelle que l'État est propriétaire du site.
«Le nombre d'occupants sur le site augmente de jour en jour. Ils sont actuellement entre 200 et 1600 suivant les heures de la journée»
Georges Haddad
Que faudrait-il changer sur le site?
Ce centre doit accueillir moins d'étudiants. Ils sont 60 par TD pour des capacités d'accueil de 40. Et l'on parle ensuite d'hygiène et de sécurité? Le XIIIe arrondissement n'est pas en manque de place. Quant à Paris-I, c'est l'université la moins dotée de France en mètres carrés, avec 45.000 étudiants pour 92.000 m2. Parallèlement, le centre Tolbiac doit conserver, voire renforcer, sa dimension administrative et de recherche. Il faut donner plus d'espace à ces chercheurs qui vont souvent travailler dans les cafés du coin. Ce n'est pas tolérable pour une université moderne de renommée internationale! Il me reste deux ans et un mois pour faire bouger les choses. Je travaille pour mon successeur.
Les examens doivent avoir lieu au mois de mai. Que prévoyez-vous?
Je ferai tout pour qu'ils se tiennent dignement et proprement.

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Immigration : les mesures radicales du Front national (13.04.2018)
Par Charles Sapin
Mis à jour le 13/04/2018 à 19h30 | Publié le 13/04/2018 à 18h57
EXCLUSIF - Marine Le Pen propose quelque 70 amendements au projet de loi asile et immigration du gouvernement.
Priorité nationale, suppression du regroupement familial comme de l'AME (aide médicale d'État), interdiction du communautarisme, restriction de l'accès à la propriété immobilière pour les étrangers… Autant de mesures chocs qui ne tarderont pas à faire parler d'elles. Depuis trois mois, députés, parlementaires européens et cadres du parti à la flamme travaillent d'arrache-pied pour préparer la réponse au projet de loi asile et immigration du gouvernement, qui sera discuté en séance à l'Assemblée à partir de lundi.
«Comme sur l'Europe, nous sommes le contre-miroir exact d'En marche ! en matière d'immigration, ceux qui sont entre nous devront se positionner par rapport à nous ou à Macron»
Sébastien Chenu
Le Figaro dévoile en exclusivité la contre-proposition du FN, complétée d'une proposition de loi constitutionnelle, qui seront toutes deux présentées lundi par Marine Le Pen. «Face au filet d'eau tiède de La République en marche, qui s'est bornée à préparer un texte de gestion administrative visant à régulariser au fur et à mesure le flux continu de l'immigration, nous proposons les seules mesures susceptibles d'en tarir les sources, assure le député du Nord, Sébastien Chenu. On ne peut en ce domaine se suffire de demi-mesures.»
Une analyse qui a poussé le parti de Marine Le Pen à aller bien au-delà du champ du texte gouvernemental. «Comme sur l'Europe, nous sommes le contre-miroir exact d'En marche! en matière d'immigration, ceux qui sont entre nous devront se positionner par rapport à nous ou à Macron», veut croire Sébastien Chenu, orateur lors de la discussion générale sur le texte à l'Assemblée nationale. Certes, beaucoup des mesures présentées figuraient déjà dans le programme de Marine Le Pen. La nouveauté vient de l'approche globale adoptée, comprenant diverses mesures visant notamment au «codéveloppement» des pays dont est issue l'immigration.
Droit de la nationalité remanié
Parmi elles, le «conditionnement de l'aide au développement à la délivrance par les autorités étrangères de passeport consulaires». Des passeports nécessaires à l'expulsion du territoire des personnes en situation irrégulière. «Dans l'état actuel du droit, la moitié de nos propositions sont inconstitutionnelles ou contraires aux traités internationaux», reconnaît Renaud Labaye, assistant parlementaire de Marine Le Pen, qui a coordonné le travail d'écriture. Il était donc nécessaire de présenter, en parallèle, une proposition de loi constitutionnelle déclarant «invalide» toute norme internationale lui étant contraire.
Dans cette nouvelle mouture de la Constitution, le FN propose d'inscrire un droit de la nationalité remanié, amputé du droit du sol. Outre le droit du sang, les autres modes d'acquisition de la nationalité seraient conditionnés à une demande expresse de l'intéressé et à la preuve d'une «assimilation à la communauté nationale».
Plus difficile à acquérir, la nationalité serait également plus facile à perdre, le FN défendant une «déchéance de nationalité» pour tous en cas d'«actes d'une particulière gravité […] préjudiciables aux intérêts de la nation». La double nationalité serait, quant à elle, «interdite» sous réserve de dérogations. En plus de formaliser à l'article 2 de la Constitution une «interdiction du communautarisme», le Front national veut y inscrire un «principe de priorité nationale». L'accès des étrangers à «l'emploi», au «bénéfice des prestations sociales ou des services publics», voire «à la propriété immobilière», serait limité par la loi.
Dans leur contre-proposition, déclinée en près de 70 amendements, les députés FN défendent également la suppression du regroupement familial - à l'exception des réfugiés politiques reconnus comme tels - et de «toutes les actuelles interdictions d'éloigner ou d'expulser un étranger même mineur». La délivrance d'un titre de séjour à un étranger en situation irrégulière sur le territoire français y est quant à elle strictement interdite. Obligeant les demandes d'asile d'être déposées depuis l'étranger auprès du réseau consulaire, sous peine d'être irrecevables.
Présentée comme «très coûteuse», l'Aide médicale d'État serait également supprimée au profit d'un «Fonds urgence vitale» se bornant à prendre en charge les soins prodigués à des personnes en situation irrégulière dont le pronostic vital serait engagé. Toutes ces propositions sont, pour le FN, autant de pierres jetées dans le jardin des Républicains qui présenteront mercredi leur contre-projet sur la loi asile et immigration.

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Christine Boutin revient… par l'union des droites (13.04.2018)

Par Emmanuel Galiero
Mis à jour le 13/04/2018 à 20h04 | Publié le 13/04/2018 à 19h09
L'ancienne présidente du Parti chrétien-démocrate a répondu à «L'appel d'Angers pour l'unité de la droite» aux côtés de plusieurs figures politiques.
Christine Boutin, ex-présidente du Parti chrétien-démocrate, vient de signer «L'appel d'Angers pour l'unité de la droite». Cette initiative est née le 27 mars suite à une table ronde organisée dans la cité préfectorale du Maine-et-Loire.
Parmi les politiques présents ce jour-là, Robert Ménard, maire de Béziers, et son épouse députée Emmanuelle sont apparus aux côtés de Thierry Mariani, membre des Républicains, Pascal Gannat, vice-président du groupe FN-RBM au sein du conseil régional des Pays de la Loire, ou encore Karim Ouchikh, président du Siel. Si Christine Boutin était absente, le président du PCD, Jean-Frédéric Poisson, avait fait le déplacement. Aujourd'hui, plusieurs personnalités ont répondu à «L'appel d'Angers», notamment l'ancien ministre Charles Millon, le maire d'Orange Jacques Bompard, l'ex-suppléant de Marion Maréchal-Le Pen et frontiste Hervé de Lépinau, le président du CNIP Bruno North ou encore celui RPF Christian Vanneste.
«Les partis de la droite sont en grande difficulté. Il est important de rassembler autour de quelques idées et au-delà des partis»
Christine Boutin
Pour Christine Boutin, cette démarche est à la fois «courageuse et difficile» parce qu'elle incite au rassemblement de personnes «sans exclusive» et quelle que soit leur origine politique. «Les partis de la droite sont en grande difficulté. Il est important de rassembler autour de quelques idées et au-delà des partis. Il faudra du temps pour se dégager de la gangue du vieux monde mais cela se fera», juge l'ex-ministre du Logement des gouvernements Fillon I et II, en notant qu'Emmanuel Macron parvient, lui, à rassembler des sensibilités diverses autour de quelques idées.
Fortement opposée à la politique du chef de l'État, dont elle critique le «populisme» et le «libéralisme libertaire», Boutin croit à l'union les droites autour de «valeurs», comme la construction d'une nouvelle Europe, la souveraineté, la famille ou la dignité de la personne. En revanche, pour que certaines figures comme Marine Le Pen ou Nicolas Dupont-Aignan puissent rejoindre, un jour, «L'appel d'Angers», Christine Boutin pose une condition: «Il faut changer de logiciel et accepter l'autre», conseille l'ex-ministre désormais étudiante en première année de licence de théologie.

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L'étonnante mue de Jacques Toubon, du RPR à la défense acharnée des migrants (13.04.2018)

Durant les années 80 et 90, Jacques Toubon a assumé la droitisation de son parti, confronté à l'ascension du FN. - Crédits photo : DOMINIQUE AUBERT/AFP
Le Scan | Par Jules Pecnard
Mis à jour le 13/04/2018 à 16h46
LE SCAN POLITIQUE - Défenseur des droits depuis 2014, l'ancien ministre de Jacques Chirac dénonce régulièrement la politique d'asile du gouvernement. Une posture qui tranche avec ses antécédents.
C'est une soufflante dont les députés de La République en marche se seraient bien passés. À l'Assemblée nationale mercredi, alors qu'ils planchaient sur le projet de loi du gouvernement sur l'immigration et le droit d'asile, des élus de la majorité ont subi la colère froide de Jacques Toubon. Convoqué en sa qualité de Défenseur des droits par la commission des lois, il était accusé par les soutiens du gouvernement de trop caricaturer le texte, de lui réserver le même traitement que la gauche, qui dénonce quasi unanimement la sévérité de l'exécutif à l'égard des migrants.
Piqué au vif, l'ancien garde des Sceaux de Jacques Chirac est monté dans les tours. «Le fait de ne pas sélectionner les gens qui seront dans les centres d'hébergement, ce n'est pas abstrait, c'est la vie la plus concrète! C'est de savoir si je passe la nuit dans la rue ou au chaud!», a tonné un Jacques Toubon ulcéré, au point de couper par mégarde son propre micro. Depuis mercredi, les images saisies par LCP tournent en boucle sur les réseaux sociaux.
Passif droitier
Ce souci de l'accueil digne des réfugiés sur le sol français, l'ex-député de Paris et membre fondateur du RPR l'exprime haut et fort depuis sa nomination par François Hollande en 2014 au poste de Défenseur des droits. Sur la sécurité également, Jacques Toubon a adopté des positions qui tranchent - au moins sur le papier - avec ses engagements originels, notamment auprès de son mentor Jacques Chirac. Ce passif droitier lui a d'ailleurs été reproché lors de sa prise de fonction, la gauche invoquant par exemple son opposition, en 1982, à l'abrogation d'un alinéa pénalisant les relations homosexuelles avec les mineurs de plus de 15 ans.
«Il s'est émancipé de cette culture de droite qui n'avait jamais été la sienne»
Gérard Longuet, sénateur LR de la Meuse
À la même période, alors que la droite se reconstruit après la victoire de François Mitterrand, Jacques Toubon contribue de temps en temps à Contrepoint. Une revue publiée par le Club de l'Horloge, cofondé par Henry de Lesquen, tenant de l'inégalité des races. Un personnage à total rebours des convictions du Défenseur des droits. Au même titre, d'ailleurs, que le programme concocté par le RPR en 1990, dans lequel il est écrit entre autres que «l'islam n'apparaît pas conforme à nos fondements sociaux et semble incompatible avec le droit français». «C'est à l'islam et à lui seul de [s'adapter] afin d'être compatible avec nos règles», peut-on y lire. Un programme que l'intéressé, secrétaire général du RPR de 1984 à 1988, «assumait totalement» selon un vieux routier du parti.
Proche des artistes
La tendance s'est progressivement inversée. «À partir de la présidentielle de 2002, il s'est émancipé de cette culture de droite qui n'avait jamais vraiment été la sienne», affirme le sénateur Les Républicains Gérard Longuet, qui a côtoyé Jacques Toubon au sein du gouvernement Balladur. «C'était un opposant très dynamique à Mitterrand dans les années 80, mais il avait déjà un côté un peu droit-de-l'hommiste.»
Jean-Pierre Lecoq, maire LR du VIe arrondissement de Paris, l'a bien connu lorsqu'ils arpentaient ensemble les couloirs du conseil municipal de la capitale. Le chiraquien a été maire du XIIIe arrondissement pendant près de deux décennies. «C'est un bourreau de travail qui se donne à fond dans sa fonction. Après, c'est quelqu'un qui a toujours eu une fibre sociale prononcée. Il a été maire du XIIIe, à la fois bigarré et populaire. Et puis lui et son épouse, Lise, ont toujours été très proches des milieux artistiques, plutôt marqués à gauche», analyse-t-il.
«C'est quelqu'un qui a toujours eu une fibre sociale prononcée»
Jean-Pierre Lecoq, élu LR à Paris
Comme le relatait à l'époque un portrait de Libération , certains voyaient en Lise Toubon une «ministre bis» lorsque son mari occupait le portefeuille de la Culture. Jean-Pierre Lecoq confirme malgré tout que, durant toute la période RPR, y compris lorsqu'il était plus à droite, Jacques Toubon a été le «fidèle mamelouk» de Jacques Chirac.
«Il y a une énigme Toubon»
Désormais salué par de nombreux élus de gauche, l'ancien ministre dénonce régulièrement la décision de certains États européens d'avoir fermé leurs frontières à la suite de la crise des migrants de 2015. «J'ai consacré dix ans de ma vie à l'histoire de l'immigration. (...) Nous avons, depuis la plus Haute Antiquité, une histoire d'échanges des peuples», a-t-il clamé sur CNews le 4 janvier dernier. «Le principe des politiques migratoires qui sont menées actuellement par la France (...) c'est d'essayer de mettre un mur, un grillage, une barrière à l'entrée.» Du Benoît Hamon dans le texte.
«Son positionnement sur le droit d'asile ne m'étonne pas du tout», affirme un chiraquien historique. «Il y a une énigme Toubon. J'en discutais d'ailleurs souvent avec Chirac. On ne savait jamais à l'avance de quel côté il allait pencher sur tel ou tel sujet. Il m'est arrivé de lui dire ‘mais tu dérailles complètement, tu dis le contraire de ce que tu as dit hier!'», se rappelle cet ancien proche. «C'est un opportuniste. Tous les hommes politiques sont soucieux de la trace qu'ils vont laisser derrière eux, ne l'oublions pas».
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Dépenses : le conseil départemental de Mayotte épinglé (13.04.2018)

Par Stéphane Kovacs
Mis à jour le 13/04/2018 à 20h22 | Publié le 13/04/2018 à 18h32
Sureffectifs, absentéisme… Un rapport pointe la gestion désastreuse du personnel du conseil départemental.
À quelques jours d'une réunion, à Paris, entre le premier ministre et une délégation d'élus mahorais, «pour dégager des mesures qui vont permettre d'améliorer la vie quotidienne des Mahorais», voilà un rapport qui tombe à pic. Alors que Mayotte, où 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, vient de connaître un long mouvement socialcontre l'insécurité et l'immigration, mais aussi pour réclamer le développement économique, la chambre régionale des comptes de l'île pointe la gestion désastreuse des ressources humaines au conseil départemental.
Sureffectifs, absentéisme, recrutements irréguliers, durée de travail réduite, formations loufoques ou encore frais de mission démesurés, l'énumération des abus, relevés entre 2012 et 2017, est hallucinante. «Malgré une situation financière délicate, constate ce rapport rendu début avril, le département de Mayotte n'a pas mis en place de stratégie réelle de redressement des comptes.[Sa] gestion souffre quotidiennement d'incohérences et d'une utilisation désordonnée des moyens.»
Des frais de mission généreux
En 2016, les effectifs du conseil départemental s'élevaient à 3.219 agents (+ 18% par rapport à 2012), pour une population de 256.000 habitants. La chambre note «des sureffectifs disproportionnés». Un exemple? Les agents d'entretien sont 279 pour 28.000 m2, «un ratio d'un agent pour 100 m2». Pire: «Les moyens humains disponibles ne sont pas adaptés aux enjeux du département.» Pour un territoire où vivent des milliers d'enfants livrés à eux-mêmes, on ne compte que 41 assistants socio-éducatifs… mais en revanche 134 agents d'accueil, 54 jardiniers et 219 gardiens, certains étant souvent «inoccupés».
Le temps de travail annuel est d'ailleurs inférieur à la réglementation de plus de 50 heures par agent: «un surcoût de 3 millions d'euros par an». Dans ce département à 95 % musulman, la durée de travail hebdomadaire est même «réduite à 32 heures» pendant le ramadan. Le département accorde aussi des autorisations d'absence pour événements familiaux supérieures à ce qui se pratique en métropole: 12 jours (au lieu de 6) pour garde d'enfant malade et 5 jours pour circoncision. Enfin, «en l'absence de système de contrôle, le département n'est pas en mesure de s'assurer de la présence des agents à leur poste».
Quant au coût de la rémunération des agents, avec une majoration de traitement de 15 % en 2014, puis de 10 % supplémentaires par an, il a progressé de 62,3 % (soit plus de 29,2 millions) entre 2012 et 2016. Le département continue par ailleurs à «maintenir un régime de frais de mission généreux en totale contradiction avec les textes réglementaires en vigueur», avec des forfaits de 200 euros par jour pour les élus et de 150 euros pour les agents, alors qu'ils doivent s'élever à 90 euros pour tous. La chambre épingle aussi des durées de missions disproportionnées, avec des motifs «peu précis», comme celle d'un conseiller départemental: 14 jours à Madagascar pour «une rencontre avec un chef de région». Un autre avait, du 12 au 20 novembre 2014 en métropole, «divers rendez-vous»… Une directrice générale adjointe a, pour sa part, bénéficié d'une formation à Paris de «praticien en relation d'aide et sophro-relaxation»: son coût s'est élevé à plus de 12.000 euros, auquel s'ajoutent «sept billets d'avion» et… «des indemnités de stage».

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James Comey règle ses comptes avec Donald Trump (13.04.2018)

International | Par Philippe Gélie
Mis à jour le 13/04/2018 à 15h15
VIDÉO - Dans un livre à paraître mardi 17 avril, l'ancien directeur du FBI brosse un portrait sans pitié du président qui l'a limogé, le comparant à un parrain de la mafia. L'intéressé lui répond en le taxant de «menteur».
De notre correspondant à Washington.
L'ouvrage était censé être protégé par le secret comme un volume de Harry Potter. L'éditeur avait prévu de n'adresser les exemplaires aux libraires qu'au dernier moment pour éviter les fuites. Cela n'a pas empêché le Washington Post(propriété du patron d'Amazon, Jeff Bezos) et le New York Times de publier dès jeudi soir leurs comptes rendus du livre très attendu de James Comey, cinq jours avant sa parution.
A Higher Loyalty (une loyauté supérieure), sous-titré «Vérités, mensonges et leadership», constitue la vengeance froide et méthodique d'un homme porté par une haute opinion de lui-même et de sa mission publique. Le récit des six mois durant lesquels l'ancien directeur du FBI a eu affaire à Donald Trump, avant d'être limogé par lui le 9 mai 2017, ne contient pas de nouvelles révélations fracassantes: les étapes de cette «tragédie grecque» avaient déjà été exposées lors de dépositions sous serment devant le Sénat. Ses 304 pages valent surtout par la précision des faits rapportés et, selon les commentateurs, par le talent de l'auteur, un ancien procureur habile au maniement des mots.
Cette lecture «captivante» revient sur chaque entretien entre le président et le haut fonctionnaire. Depuis leur première rencontre, peu après l'élection, dans la Trump Tower à New York, où James Comey a la mission délicate d'informer le futur président qu'un «dossier» sulfureux mais non vérifié circule à son sujet, alléguant de pratiques sexuelles compromettantes supposément filmées par les services russes à Moscou en 2013. Jusqu'à un dîner en tête-à-tête à la Maison-Blanche en février 2017, où Donald Trump demande à James Comey sa «loyauté». Celui-ci lui promet seulement son «honnêteté», estimant ne devoir fidélité qu'à la Constitution et à la loi - d'où le titre du livre.
À ces faits déjà connus, James Comey ajoute ses observations et jugements de valeur. Du haut de ses 2,07 m, il toise le président de 1,92 m et note que ses mains sont plus petites que les siennes, quoique «pas anormalement» (la taille de ses attributs physiques semble un sujet de préoccupation constant pour Donald Trump). Il décrit son visage «légèrement orangé, avec des demi-lunes brillantes sous les yeux», apparemment la marque de lunettes de protection des cabines de bronzage, sans oublier «sa chevelure blond doré, coiffée de façon impressionnante, qui, après inspection, semblait lui appartenir».
Voilà pour l'extérieur. Le reste est plus sombre. Évoquant l'époque où il luttait contre la famille Gambino, James Comey compare les mœurs du clan Trump avec celles de la mafia. «Le cercle silencieux d'approbation. Le boss qui contrôle tout. Les serments d'allégeance. La vision antagoniste du monde - eux-contre-nous. Le mensonge à propos de toute chose, grande et petite, au service de quelque code de loyauté qui place l'organisation au-dessus de la moralité et au-dessus de la vérité.» Le jour où Donald Trump lui demande soumission, le directeur du FBI pense à «la cérémonie d'initiation de Sammy le Taureau au sein de la Cosa Nostra, avec Trump dans le rôle du parrain.»
James Comey dit qu'il ne l'a jamais vu rire, un trait qui lui semble «la marque de sa profonde insécurité, de son incapacité à être vulnérable ou à se risquer à apprécier l'humour d'autrui, ce qui, à la réflexion, est vraiment triste chez un dirigeant, et un peu effrayant chez un président.» Cela ne le retient pas d'exercer son ironie contre ce président qui «déverse un torrent de paroles sur un rythme de scie sauteuse» ou qui semble ignorer le sens du mot «calligraphie».
Si James Comey s'alarme du «feu de forêt qu'est la présidence Trump», c'est parce qu'à son avis «ce qui se passe n'est pas normal, ce n'est pas de l'info bidon, ce n'est pas OK. (…) Notre pays traverse une période dangereuse, avec un environnement politique où les faits les plus simples sont contestés, où la vérité élémentaire est mise en doute, où le mensonge est banalisé, le comportement malhonnête ignoré, excusé ou récompensé.» Au passage, le justicier n'est pas tendre avec l'Attorney General Jeff Sessions, «à la fois submergé et surclassé par la fonction», qui a failli dans sa mission de s'interposer pour garantir l'indépendance du FBI.
L'autocritique est brève, James Comey écrivant qu'il peut être «entêté, orgueilleux, suffisant et mené par son ego.» Il affirme avoir cru bien faire en intervenant deux fois dans la campagne, en juillet et fin octobre, 11 jours avant le scrutin présidentiel, d'abord pour blanchir Hillary Clinton tout en critiquant sévèrement son usage d'une messagerie privée au département d'État, ensuite pour annoncer la relance de l'enquête à la faveur de nouveaux courriels… «Il est très possible que, prenant des décisions dans un contexte où Hillary Clinton était sûre d'être la prochaine présidente, j'ai craint de la rendre illégitime en cachant la reprise de l'enquête.»
Le résultat est en tout cas remarquable pour un homme qui a toujours mis un point d'honneur à s'opposer au pouvoir: le voilà détesté par les deux camps. Le Parti républicain a créé dès jeudi soir un site Internet spécialement dédié à décrédibiliser Comey-le-menteur: https://lyincomey.com/. L'ancien directeur du FBI entamera dimanche une série d'interviews jusqu'à la fin du mois sur toutes les chaînes américaines.
Mais déjà, Donald Trump a réagit vendredi sur Twitter, renvoyant le qualificatif de «menteur» à l'ex-directeur du FBI. «James Comey a organisé des fuites et est un menteur avéré», a-t-il fustigé, l'accusant d'avoir «fait fuiter des information classifiées, pour lesquelles il devrait être poursuivi». Et d'ajouter dans un nouveau tweet qu'il avait été un «terrible directeur du FBI», affirmant qu'il était de son «grand honneur de virer James Comey».
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Raqqa, un champ de ruines où la vie reprend difficilement (13.04.2018)

Une rue de Raqqa, le 5 avril. - Crédits photo : Hussein Malla/AP
International | Par Adrien Jaulmes
Mis à jour le 13/04/2018 à 18h55
REPORTAGE - Six mois après la fin de la bataille qui l'a ravagée, l'ex-capitale syrienne de l'État islamique peine à se reconstruire, piégée par les mines disséminées partout dans ce qui reste de la ville.
Envoyé spécial à Raqqa
Bâtir une ville est parfois plus aisé que de la reconstruire. Six mois après la fin de la bataille de Raqqa, l'ancienne capitale syrienne de l'État islamique ressemble toujours à un champ de ruines. Sur la rive gauche de l'Euphrate, des bulldozers déblaient encore les rues, mais leur travail semble dérisoire au regard de l'ampleur des destructions.
Les artères principales ont été déblayées par les excavatrices, mais les rues secondaires restent bloquées par d'immenses amas de morceaux de béton
La bataille qui a fait rage entre juin et octobre 2017 a ravagé l'ancienne grande ville de l'Est syrien comme une catastrophe biblique. Assiégés pendant cinq mois dans ce qui fut la capitale de leur califat, les combattants de l'État islamique ont subi des bombardements intenses de la part des avions et de l'artillerie de la coalition internationale, qui appuyaient les forces kurdes et arabes des Forces démocratiques syriennes (FDS).
Leur tactique de défense, à base de pièges explosifs et de voitures suicides, a complété les destructions de façon presque parfaite. D'après les estimations des Nations unies, Raqqa a la douteuse distinction d'être la ville syrienne la plus détruite de toute la guerre.
Dans le centre-ville, le spectacle laisse pantois. Les ruines de l'antique Palmyre semblent en meilleur état que la moderne Raqqa. Les artères principales ont été déblayées par les excavatrices, mais les rues secondaires restent bloquées par d'immenses amas de morceaux de béton et de ferraille enchevêtrés. Les immeubles ne sont plus que des squelettes de ciment criblés d'éclats, parfois effondrés sur eux-mêmes, avec des angles étranges. Les ponts sur l'Euphrate ont tous été détruits par les bombardements.
Quelques magasins ouverts
Au milieu de ce spectacle de désolation, demeurent, vides et sinistres, les quelques lieux symboliques des quatre années où l'État islamique avait fait de Raqqa la capitale de la terreur; la place du Paradis, esplanade circulaire où avaient lieu les exécutions publiques, et où les têtes des suppliciés étaient plantées sur les grilles; le stade où les prisonniers étaient rassemblés.
«Il n'y a ni eau ni électricité. Des camions-citernes pompent l'eau de l'Euphrate, et on doit l'acheter, non filtrée ni traitée»
Un commerçant de Raqqa
Les rues sont presque entièrement désertes. Des soldats des FDS montent une garde vigilante aux carrefours, assis sur leurs engins blindés ou contrôlant les rares véhicules. Et puis, soudain, apparaissent des signes de vie. Quelques magasins ouverts, taches de couleur dans un univers gris, où des habitants font de menues emplettes, légumes ou produits de la vie courante. «C'est encore très difficile», dit un vendeur de chaussures de la place Dallah devant sa petite boutique décorée de savates en plastique accrochées comme des guirlandes: «Il n'y a ni eau ni électricité. Des camions-citernes pompent l'eau de l'Euphrate, et on doit l'acheter, non filtrée ni traitée. Et les gens continuent de mourir à cause des mines.»
Les ruines de Raqqa sont encore pleines d'engins explosifs posés par l'État islamique qui avait piégé presque chaque immeuble de la ville. Régulièrement, des habitants qui tentent de déblayer leur maison sont tués ou mutilés par l'explosion d'un engin caché sous les gravats. «Hier encore, quatre travailleurs qui nettoyaient des ruines rue Tall-al-Abyad ont eu les jambes arrachées par une explosion», dit le vendeur.
Malgré la défaite de Daech, la sécurité reste aussi précaire. Dans cette ville en majorité arabe, les combattants kurdes des FDS ne sont pas toujours regardés avec bienveillance. Les habitants de Raqqa ont eu beau souffrir de l'oppression de l'État islamique, ils ne semblent pas toujours manifester beaucoup de reconnaissance à des combattants qui ont dû détruire leur ville pour la libérer. Malgré la présence d'Arabes au sein des FDS, le gros des troupes qui ont pris part à la prise de Raqqa est constitué de milices kurdes, ravivant les tensions intercommunautaires.
«Nous manquons de tout, et même si Raqqa a payé au prix fort la présence, puis la défaite de l'État islamique, les pays de la coalition ne se pressent pas pour nous aider»
Leila Mustapha, membre du conseil civil de Raqqa
Des événements préoccupants se multiplient. Le 14 mars dernier, le coprésident du conseil civil de Raqqa, Omar Allouche, était assassiné à son domicile de Tall al-Abyad, dans le nord de la Syrie, par des tueurs inconnus armés de pistolets munis de silencieux. Allouche, un Kurde, avait été le principal négociateur de l'accord controversé avec les tribus arabes de Raqqa, qui avait permis en octobre 2017 l'évacuation des derniers combattants de l'État islamique de cette cité et de mettre un terme au carnage. La disparition de ce personnage charismatique est venue compliquer encore un peu plus la reconstruction de Raqqa, mais aussi et surtout les relations déjà tendues entre les Kurdes et les tribus arabes.
«Par rapport à l'état dans lequel se trouvait la ville le jour de la libération, en octobre dernier, les progrès sont considérables»
Leila Mustapha, membre du conseil civil de Raqqa
La tâche gigantesque d'administrer et de reconstruire Raqqa a échu à son adjointe, Leila Mustapha, une jeune femme énergique de 30 ans. Sur la corniche de l'Euphrate, le siège du conseil civil est l'un des seuls bâtiments de la ville qui semble avoir été remis à neuf. Les couloirs sentent la peinture fraîche, et les chambranles des portes et des fenêtres portent encore les adhésifs de protection. Dans les étages, des habitants cherchent leur chemin, demandant l'emplacement de tel ou tel service, leurs dossiers sous le bras.
Cheveux noirs, chemisier noir, jean noir, Leila Mustapha voit les réunions se multiplier et les demandes s'empiler sur son bureau. «Il reste un énorme travail de déminage et de déblaiement des rues à faire, dit-elle. Mais par rapport à l'état dans lequel se trouvait la ville le jour de la libération, en octobre dernier, les progrès sont considérables. Raqqa était complètement détruite, il n'y avait plus d'hôpitaux, ni d'écoles, ni d'eau, ni d'électricité», dit-elle, en allumant une cigarette.
8000 engins explosifs
Kurde mais originaire de Raqqa, ingénieur en génie civil, Leila Mustapha travaillait aux services techniques de la ville au début de la crise syrienne. Obligée de fuir quand l'État islamique s'empare de Raqqa en 2013, elle est aujourd'hui chargée d'un travail herculéen. «Nous avons été surpris par le retour rapide des habitants: 45.000 personnes sont déjà revenues, sur les 350.000 que comptait la ville, mais ils manquent des services les plus élémentaires», dit Leila Mustapha.
«Les mines laissées par Daech un peu partout gênent encore considérablement les travaux de déblaiement»
Leila Mustapha, membre du conseil civil de Raqqa
«Notre principale préoccupation est de rétablir l'approvisionnement en eau. Le réseau a beaucoup souffert des bombardements, et nous manquons d'équipements et de machines pour réparer les canalisations. Même chose en ce qui concerne l'électricité, dont beaucoup d'éléments ont été pillés. Nous avons réussi à remettre en marche la station d'al-Froussia, qui alimente une partie de la ville, mais le barrage al-Furat, sur l'Euphrate, n'a pas assez d'eau pour faire fonctionner les turbines. La Turquie, qui contrôle le fleuve en amont, ne laisse pas passer assez d'eau pour maintenir un niveau suffisant, explique-t-elle. Les mines laissées par Daech un peu partout gênent encore considérablement les travaux de déblaiement. On estime qu'il reste encore plus de 8000 engins explosifs improvisés, disséminés un peu partout dans les rues et dans les maisons.»
La reconstruction de Raqqa est encore compliquée par sa situation géographique. Libérée par les FDS, la ville n'est accessible que depuis le territoire autonome kurde du Rojava, lui-même soumis au blocus de la Turquie, et ne disposant que de communications réduites avec la partie de la Syrie sous le contrôle du gouvernement de Damas. Par exemple, alors qu'à Mossoul, autre grande ville reprise à Daech, les autorités irakiennes avaient déployé très vite des antennes de relais téléphoniques juste après la libération, Raqqa n'a toujours pas de réseau de téléphone six mois après la fin des combats.
«Nous faisons ce que nous pouvons», dit Leila Mustapha. «Nous manquons de tout, et même si Raqqa a payé au prix fort la présence, puis la défaite de l'État islamique, les pays de la coalition ne se pressent pas pour nous aider. Le peu de soutien que nous recevons ne nous arrive pas directement: il nous est fourni par des ONG qui se consacrent souvent à des tâches inutiles comme de distribuer de la nourriture dont nous ne manquons pas, alors que nous avons d'énormes besoins d'infrastructures. Si nous recevions l'argent nécessaire, ce serait nous qui pourrions vite distribuer de la nourriture à toute la Syrie.»

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Frappes en Syrie : «L'objectif n'est pas de renverser le régime d'el-Assad» (13.04.2018)


Par Isabelle Lasserre
Mis à jour le 13/04/2018 à 18h42 | Publié le 13/04/2018 à 18h04
INTERVIEW - Pour Michel Goya, ancien colonel des troupes de marine, une intervention éventuelle des Occidentaux ne changera pas le cours de la guerre. «On ne peut pas toucher aux Russes», recadre-t-il.
LE FIGARO. - On les dit imminentes depuis le début de la semaine. Pourquoi les frappes contre la Syrie sont-elles si longues à organiser?
Michel GOYA. -Pour des raisons politiques: à partir du moment où la décision de frapper a été prise, il vaut mieux convaincre d'autres pays d'y participer pour donner davantage de légitimité à l'opération militaire. Et pour des raisons techniques: quand on est plusieurs, il faut du temps pour se coordonner, surtout pour une opération aussi délicate que des frappes en Syrie.
Quels sont les différents scénarios possibles de frappes?
La marge de manœuvre est de toute façon limitée. Il n'est pas question de lancer une grande campagne militaire. L'objectif n'est ni de renverser le régime ni de changer le cours de la guerre mais plutôt de mener une attaque punitive, d'envoyer un message. Il est de rappeler au régime syrien que l'utilisation d'armes chimiques n'est pas tolérable et de le prévenir qu'il sera frappé, et de plus en plus fort, à chaque fois qu'il recommencera. C'est ce que fait d'ailleurs Israël depuis plusieurs années. À chaque fois que leurs lignes sont franchies en Syrie par les groupes alliés de l'Iran, les Israéliens n'hésitent pas à frapper.
Le message vaut aussi pour tous ceux qui auraient l'intention d'utiliser des armes chimiques ailleurs dans le monde. Comme il n'est pas question de toucher aux Russes, qui sont le principal bouclier militaire du régime sur place, les frappes seront forcément limitées et viseront des cibles précises et symboliques. Elles seront sans doute menées par des tirs de missiles de croisière, à distance de sécurité et en limitant les dégâts collatéraux et les risques de complication politique.
«Si on intervient et qu'un missile frappe la population, l'opération peut tourner au fiasco. Si on touche par mégarde des militaires russes, il y aura aussi une ­forte tension diplomatique»
Michel Goya
En août 2013, Français, Américains et Britanniques avaient déjà failli mener des frappes contre le régime après un massacre dans la Ghouta. Les objectifs sont-ils les mêmes aujourd'hui? La tâche a-t-elle été rendue plus difficile par l'intervention russe en 2015?
Dans une campagne de frappes, il faut d'abord neutraliser les systèmes de défense antiaérienne pour pouvoir agir plus librement, utiliser des avions de combat ou des missiles. Cette phase était possible en 2013. Elle ne l'est plus depuis que les Russes ont installé en Syrie leur système de défense antiaérienne, parmi les plus sophistiqués du monde. Non seulement ce système est très performant, mais il est actionné par des Russes et non par des Syriens. Il n'est donc pas question d'y toucher. Cette situation restreint la liberté d'action et la capacité de manœuvre.
Quels sont les risques de l'opération militaire?
Le principal, c'est une bavure. Si on intervient au nom de la sauvegarde des populations et qu'un missile frappe la population, l'opération peut tourner au fiasco. Si on touche par mégarde des militaires russes, il y aura aussi une forte tension diplomatique. Et même si on en parle moins, la question de l'Iran se pose également. Les Américains vont-ils vouloir élargir le champ et frapper des cibles iraniennes? L'Iran a des capacités de rétorsion grâce aux groupes qui lui sont alliés en Syrie. Il ne faut pas sous-estimer son pouvoir de nuisance.
Les Russes, qui ont menacé de détruire tout missile dirigé contre la Syrie, peuvent-ils mettre leurs menaces à exécution? Cela me paraît davantage relever de la posture. En général, quand on veut être efficace, on agit plutôt par surprise. C'est d'ailleurs comme ça que fonctionnent les Russes depuis la période soviétique: soit ils se taisent et agissent efficacement, soit ils parlent et n'agissent pas. Détruire un missile de croisière, c'est difficile. Et répliquer en tirant contre un navire américain ou contre la base française en Jordanie, ce serait franchir un seuil d'escalade. Il est peu probable qu'on en arrive à ce stade.

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Syrie : la Russie dramatise les conséquences de frappes (13.04.2018)

Jeudi, dans la banlieue de Damas, des soldats syriens et russes attendent les convois transportant les rebelles évacués de Douma. - Crédits photo : YOUSSEF KARWASHAN/AFP
International | Mis à jour le 13/04/2018 à 22h51
INFOGRAPHIE - Vladimir Poutine met en garde Emmanuel Macron contre tout «acte irréfléchi et dangereux». Donald Trump, de son côté, «n'a pas encore pris sa décision», alors que le département d'État américain a assuré, ce vendredi, avoir les preuves de l'utilisation d'armes chimiques à Douma.
Une semaine après l'attaque chimique de Douma près de Damas, alors que les pays occidentaux continuaient d'étudier leurs options militaires pour punir le régime de Bachar el-Assad, Moscou multipliait les avertissements. Au cours d'un entretien téléphonique avec Emmanuel Macron, Vladimir Poutine a mis en garde vendredi contre tout «acte irréfléchi et dangereux» qui pourrait avoir des «conséquences imprévisibles», selon un communiqué du Kremlin.
«La priorité est d'éviter le danger d'une guerre» entre les États-Unis et la Russie, avait affirmé jeudi soir l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia, tandis que Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, avertissait des risques d'un chaos, similaire à l'Irak et à la Libye. «Même d'insignifiants excès provoqueront de nouvelles vagues de migrants en Europe et d'autres développements dont ni nous, ni nos partenaires européens n'ont besoin», mais qui peuvent «réjouir ceux qui sont protégés par un océan», allusion aux États-Unis, a déclaré Sergueï Lavrov, lors d'une conférence de presse.
Et ce dernier d'accuser «les services spéciaux d'un État» qualifié de«russophobe» - la Grande-Bretagne, a précisé plus tard l'armée russe - d'avoir «mis en scène» l'attaque chimique, qui a causé la mort de plusieurs dizaines de personnes. Est-ce l'imminence d'une frappe occidentale qui a également poussé le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à redouter «une escalade militaire totale»? À Washington, Donald Trump «n'a pas encore pris sa décision» de frapper ou pas la Syrie, a répété vendredi Nikki Haley, l'ambassadrice américaine aux Nations unies.
Le dilemme reste entier, comme l'a résumé Jim Mattis, le patron du Pentagone, devant le Congrès. «Nous cherchons à arrêter le massacre d'innocents», toutefois «sur un plan stratégique, la question est de savoir comment nous évitons une escalade hors de contrôle, si vous voyez ce que je veux dire», a ajouté le ministre américain de la Défense, laissant transparaître des réticences à frapper. Peu avant, Mattis avait reconnu que les États-Unis ne disposaient pas de preuve de l'utilisation d'armes chimiques par Damas.
Si, à Washington, certains plaident pour une frappe soutenue et prolongée pour qu'elle soit efficace, à Paris, Emmanuel Macron reste prudent
Quelques heures plus tôt, Emmanuel Macron sur TF1 affirmait avoir «la preuve» que Damas avait bien utilisé de telles armes chimiques, «au moins du chlore». De quelle preuve s'agit-il? Le chef de l'État en a-t-il parlé à Donald Trump lors d'une conversation téléphonique, prévue normalement dans la nuit de jeudi à vendredi, mais que l'Élysée, sollicitée par Le Figaro, refusait de confirmer. Quoi qu'il en soit, vendredi soir, la porte-parole du département d'État américain, Heather Nauert, a assuré que les États-Unis avaient «la preuve» de l'utilisation d'armes chimiques à Duma.
Si, à Washington, certains plaident pour une frappe soutenue et prolongée pour qu'elle soit efficace, à Paris, Emmanuel Macron reste prudent, avec une priorité en tête: éviter «une escalade» au Moyen-Orient. Mardi, le chef de l'État avait bien dit que la France ne voulait s'en prendre qu'aux «sites chimiques», et pas aux alliés, ni Russes ni Iraniens, du régime. Ce n'est probablement pas le cas aux États-Unis, pour ce qui concerne en tout cas l'Iran et son relais le Hezbollah, dont les combattants ont évacué la plupart de leurs positions en Syrie. Par la voix de son secrétaire général adjoint, Cheikh Naïm Qassem, la formation chiite libanaise a dit «écarter l'hypothèse selon laquelle la situation pourrait évoluer en affrontement américano-russe ou vers une situation de guerre totale».

Inspecteurs de l'ONU sur place
Les Occidentaux pourraient-ils frapper au cours des prochaines heures, alors qu'une équipe d'inspecteurs des Nations unies doit commencer son travail ce samedi à Douma? «Ils doivent alors bombarder cette nuit ou bien attendre plusieurs jours que les inspecteurs aient terminé leur mission», répond un observateur au Moyen-Orient.
Au téléphone avec Vladimir Poutine, Emmanuel Macron a «regretté le nouveau veto russe au Conseil de sécurité qui a empêché une réponse unie et ferme» de l'ONU à la suite de l'attaque chimique, selon l'Élysée. Mais le chef de l'État a souhaité que la concertation «s'intensifie» entre Paris et Moscou «pour ramener la paix et la stabilité» en Syrie. Bref, alors que grandit l'urgence des frappes pour espérer retrouver des preuves d'une attaque chimique, l'incertitude demeure sur l'ampleur des bombardements, qui pourraient être retenus, ainsi que sur les cibles visées.
Une frappe symbolique - comme celle d'avril 2017 contre une base aérienne près de Homs - ne réglerait rien. Mais des raids aériens sur plusieurs nuits pourraient conduire à une escalade que Washington et Paris veulent éviter. Face à ce cercle vicieux, certains estiment que la «pression militaire prolongée vise à se transformer en pressions diplomatiques» pour amener Moscou et Damas à faire des concessions sur le démantèlement du stock d'armes chimiques syrien, faire cesser les bombardements des dernières zones rebelles ou convaincre Assad d'accepter une nouvelle Constitution.

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Belgrade : la renaissance de la «reine des Balkans» (13.04.2018)
Par Jean-Christophe Buisson
Mis à jour le 13/04/2018 à 10h58 | Publié le 13/04/2018 à 07h00
EN IMAGES - En plein réaménagement urbanistique et culturel, la capitale serbe est devenue une des destinations les plus ­prisées d'Europe du Sud.
Du malheur d'être bien né… Située à un emplacement géographique de rêve - sur un promontoire rocheux surplombant le confluent du Danube et de la Save, adossée à une épaisse forêt au sud et dominant une vaste plaine au nord -, Belgrade eut un destin de cauchemar durant des siècles, attirant les convoitises de mille peuples: Celtes, Romains, Gépèdes, Goths, Huns, Sarmates, Avars, Bulgares, Magyars, Croisés marchant sur Jérusalem, Ottomans, Autrichiens… De ces invasions successives, la capitale serbe a hérité une langue, une gastronomie et des mœurs aux influences aussi diverses qu'exotiques. Désormais en paix, elle goûte le bonheur de prendre son temps pour se refaire une beauté et une santé.
Soigner son allure. Faire de son passé tumulteux un atout esthétique. Donc touristique. A deux heures et demie en avion de Paris, la cité millénaire dont le blason ressemble justement à celui de la capitale française (sur un fond rouge et bleu, un bateau à trois voiles - romain - voguant sur un fleuve devant des murailles blanches entourant une porte grande ouverte, accueillante) est devenue une des destinations les plus prisées d'Europe du Sud. Qualifiée de «reine des Balkans» dans les années 30, quand la Ville blanche («Beo Grad») était la jeune capitale joyeuse et ambitieuse du royaume de Yougoslavie, elle caresse l'ambition de le redevenir. Elle n'en est pas loin.

Visible depuis les remparts de la forteresse turque du Kalemegdan, le restaurant Stara Koliba (au premier plan) se situe à l'endroit exact où la Save se jette dans le Danube en route vers la mer Noire. - Crédits photo : Eric Martin
La réouverture imminente (en juin) de son extraordinaire Musée national où sont exposées des collections d'art comportant notamment des œuvres du Tintoret, de Monet, Renoir, Degas, Picasso, Titien, Gauguin, Vlaminck, Botticelli, Matisse ou Rembrandt, la réhabilitation réussie du musée d'Art contemporain (MSU, ex-musée d'Art moderne), comme la multiplication des galeries d'art ou de photos, participent du réveil culturel de Belgrade. Le réaménagement de la rive droite de la Save, derrière la vieille gare (celle où passait l'Orient-Express, y compris celui d'Agatha Christie), ouvre des perspectives urbaines nouvelles. Partout, sur les sept collines encerclant la ville (dont celle portant le nom merveilleux de Palilula, qui signifie «allumer la pipe»: jadis, les maisons en bois de la cité risquant de prendre feu à la moinde occasion, les fumeurs étaient priés d'aller s'adonner à leur plaisir sur les pentes de la colline surplombant le Danube, d'où son nom), on creuse, on bâtit, on gratte, on repeint, on repave, on décore, on embellit.
La vieille ville (Stari Grad) est à la fois l'âme, le poumon et le cœur de la capitale serbe.
S'il est un symbole de cette renaissance, il est à chercher du côté de la vieille ville (Stari Grad), qui est à la fois l'âme, le poumon et le cœur de la capitale serbe. De sa rue montante et pavée aux allures de petit Montmartre (Skadarlija), où les nuits résonnent des notes des trompettes et des accordéons de groupes tziganes traditionnels se produisant dans les restaurants restés dans leur jus depuis plus d'un siècle, au parc du Kalemegdan, l'ancienne forteresse romaine puis turque où se retrouvent étudiants, joueurs d'échecs, badauds, amoureux, familles et politiciens fatigués, en passant par les petites artères ombragées bordées de musées, de facultés, de cafés (dont le célèbre «?», le plus ancien de Belgrade, ainsi baptisé après que son tenancier, contraint par les autorités religieuses de supprimer l'insolente inscription «A la Cathédrale», a décidé de garder sa dénomination provisoire), cette partie de Belgrade fourmille de lieux qui sont autant d'invitations au voyage dans le temps, à la rêverie ou aux loisirs.

Ouvert il y a un mois, l'hôtel Mama Shelter de Belgrade, idéalement placé, fait déjà le buzz. - Crédits photo : Francis Amiand
Car, comme jadis Paris, Belgrade est une fête, dont les péniches le long de la Save, night-clubs sur l'eau avec musique turbo-folk à fond les bafles, ou l'antique Akademija, dernier club punk survivant de la ville, sont de fringants témoignages. Il y en a d'autres. Parmi les hôtels de luxe qui fleurissent dans le quartier (le paisible Square Nine Hotel, l'institutionnel Belgrade Art Hotel, l'historique Moskva, le moderne Prince Hall), il en est un qui, plus que tous les autres, a intégré l'ambiance festive locale. Inauguré il y a un mois en fanfare (au sens figuré et au sens propre, grâce aux trompettes de Dejan Petrovic), l'incroyable Mama Shelter est d'ores et déjà devenu le lieu le plus prisé de Knez Mihailova, la longue artère piétonnière de la capitale serbe.
Et pas seulement grâce à l'accueil et au service, incomparablement détendus et chaleureux autant qu'efficaces. Situé au dernier étage d'un centre commercial flambant neuf, doté de 125 chambres dont certaines donnent sur le grand parc du Kalemegdan, décoré du sol au plafond (extraordinaire) avec du goût mais aussi du génie par Jalil Amor, qui a su parfaitement restituer l'esprit foutraque et balkanique local, le petit dernier de la chaîne créée par Serge Trigano (en attendant celui de Prague en mai) est une réussite dans tous les domaines.
Les chambres du Mama Shelter, décorées du sol au plafond avec du goût mais aussi du génie par Jalil Amor restituent l'esprit local. - Crédits photo : Francis Amiand
On vient y dormir, bien entendu (chambres chics et élégantes), mais aussi se restaurer (cuisine ouverte, tables chaleureuses entourées de bibliothèques), travailler (quatre salles de conférences, toutes flanquées d'une jolie terrasse), boire (slivovic du pays et cocktails modernes et traditionnels sont proposés par le bar immense au milieu de la salle principale), jouer (baby-foot et ping-pong) ou s'amuser, donc (scène de concert, terrasses à ciel ouvert sans voisins à déranger…).
Mestrovic. Baptisée Dépaysement garanti mais sans crainte. A Belgrade, la France n'est pas aimée mais vénérée depuis au moins la libération du pays en 1918 par les poilus d'Orient. En atteste, à deux pas de là, outre l'ombre rassurante du splendide bâtiment Art déco abritant l'ambassade de France, la statue monumentale du sculpteur IvanReconnaissance à la France, elle est ornée d'une inscription qui réchauffe notre cœur national «Aimons la France comme elle nous a aimés.»: Anecdotique? Pas sûr. Dirigé par Sladjana Novakovic, le principal organisme associatif chargé de promouvoir le tourisme serbe en France a pour nom «J'aime la France». Ça aussi, ça se fête…
● Office de tourisme de Belgrade: www.beograd.rs
● Mama Shelter Belgrade, Kneza Mihaila 54A (00.381.11.33.33.000 ; Mamashelter.com). Chambres de 90 à 200 €.
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La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine aura-t-elle lieu ? (13.04.2018)

Par Jean-Marc Gonin
Publié le 13/04/2018 à 06h45
Donald Trump a décidé de contraindre la Chine à cesser des pratiques qu'il estime déloyales, notamment sur la propriété intellectuelle. Si Pékin ne cède pas, le président américain risque de déclencher une tempête sur les échanges internationaux.
Les méthodes chinoises dénoncées par Trump
Avec la Chine, les États-Unis accusent un déficit commercial abyssal: 375 milliards de dollars l'an dernier. En 2016, le candidat Trump avait promis de mettre fin aux pratiques déloyales des Chinois, notamment aux manipulations du yuan, sous-évalué pour exporter plus facilement, aux subventions occultes dont profite leur industrie lourde, à commencer par la sidérurgie, et au pillage de la propriété intellectuelle consécutif aux transferts de technologie exigés des investisseurs par Pékin.
Ces deux derniers points sont les enjeux essentiels du bras de fer engagé par la Maison-Blanche. L'acier et l'aluminium chinois ont été désignés d'emblée afin d'envoyer un message aux ouvriers métallurgistes américains qui ont voté Trump. Mais, en réalité, Washington veut surtout faire plier la Chine sur la propriété intellectuelle en menaçant simultanément de porter l'affaire devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Selon un document établi par la Maison-Blanche, les méthodes coercitives pour obtenir des technologies américaines coûteraient 50 milliards de dollars par an aux sociétés US.
Les produits visés
Comme toute guerre commerciale, celle qui se profile entre Washington et Pékin vise des produits susceptibles de faire souffrir l'économie de l'adversaire. La première liste publiée par l'administration Trump s'attaquait à 50 milliards de dollars d'importations, soit 1300 produits taxés de 25 % de droits de douane allant des écrans plats de télévision aux équipements médicaux en passant par des pièces pour l'aéronautique. Pékin a immédiatement répliqué en annonçant des droits sur 128 produits équivalant à 50 milliards de dollars d'exportations américaines frappées à leur tour de 25 % de taxes. Y figurent entre autres avions, automobiles et produits chimiques. Afin de toucher au portefeuille l'électorat de Donald Trump et de nombreux républicains, la liste comprend aussi des produits agricoles: soja, noix, vin et même canneberges (produites dans le Wisconsin, dont le puissant président de la Chambre des représentants, Paul Ryan, est un élu…). Quarante-huit heures après la riposte chinoise, Donald Trump annonçait qu'il allait taxer 100 milliards de dollars d'importations en plus sans en donner le détail.
Les risques de conflit
Pour l'heure, on en est plutôt aux bruits de bottes qu'à une véritable guerre. Les rodomontades de Trump et les menaces de représailles chinoises n'ont pas encore été suivies d'effets (sauf pour l'acier et l'aluminium). Seuls les marchés boursiers, prompts à réagir à toute tension sur les échanges internationaux, ont fait du yo-yo en fin de semaine dernière. Les propos apaisants des membres de l'administration Trump interviewés dans les émissions politiques du dimanche ont ramené un peu de calme. De même, le président chinois Xi Jinping s'est voulu rassurant lors d'un discours prononcé mardi. Il a notamment déclaré que, dès cette année, la Chine baisserait «de manière significative» les droits de douane appliqués aux véhicules automobiles, preuve que les coups de gueule de Washington ont été entendus.
Restent les promesses du candidat Trump que beaucoup de cols bleus américains ont écoutées. Son ex-conseiller Steve Bannon, architecte de la victoire électorale de 2016, a averti que le président ne cédera pas s'il ne veut pas trahir le mouvement qui l'a porté à la Maison-Blanche.




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