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les macronistes (22.05.2018)
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Le gouvernement algérien, qui
envoie 100 imams en France pour le Ramadan, réprime tout acte de conversion au
christianisme. Des chrétiens algériens lancent un appel pour plus de liberté
religieuse.
Il s'appelle Nourdine. Il habite
à Tiaret, près d'Oran, en Algérie. De nationalité algérienne, il a juste le
malheur d'être… chrétien. Ou plutôt de ne pas être musulman, religion d'État
dans ce pays. Cet homme d'une trentaine d'années, père de deux enfants, est
totalement découragé. Lors d'un jugement prononcé le 16 mai, il a évité,
certes, deux ans de prison ferme, mais à quel prix! 100.000 dinars
d'amende. Soit cinq fois le salaire de base mensuel en Algérie. Son méfait?
Avoir été arrêté lors d'un barrage routier, non pas avec 3 kg de drogue dans sa
voiture mais trois… bibles! Lors de l'interrogatoire de police qui a suivi, cet
homme honnête a refusé de mentir. À la question: «Si un musulman vous avait
demandé une bible, la lui auriez-vous donnée?» il a répondu oui.
Des exemples similaires pleuvent.
Stock de bibles en arabe bloquées par les douanes, scellés apposés sur les
lieux de culte pour en interdire l'accès, intimidations en tous genres,
tracasseries administratives, procès. «Même quand des juges tranchent en faveur
des chrétiens, les préfets passent outre le droit et posent des scellés»,
affirment les chrétiens. «À l'heure où l'Algérie
envoie, d'une main, 100 imams en France pour le ramadan, elle
étouffe, de l'autre, le droit des chrétiens à vivre leur foi et à se
développer», accusent-ils. Et quand Gérard
Collomb, ministre de l'Intérieur, rencontre, le 15 mars à Alger, le
ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aïssa - notamment sur
la question de la lutte contre la radicalisation et l'envoi de 100 imams en
France -, silence total de ces ministres, notent-ils, sur la persécution
radicale menée par l'Algérie contre les chrétiens protestants.
«L'État laisse les catholiques
tranquilles tant qu'ils ne font pas de baptêmes, ni de prosélytisme»
Mustapha Krim, ancien président
de l'EPA et pasteur à Bejaïa
Au point que jeudi 24 mai,
l'EPA (Église protestante d'Algérie) convoque une assemblée générale
extraordinaire à Alger pour tenter de sortir de l'implacable étau. Ces
chrétiens jugent vraiment cocasse l'initiative de «la Journée internationale du
vivre ensemble» lancée à grand bruit dans le monde, par l'Algérie le 16 mai
dernier.
Avec
68 500 chrétiens, soit
0,2 % d'une population de 41 millions d'habitants, ces
croyants seraient une menace pour la sécurité du pays? Les catholiques et les
orthodoxes pèsent peu: respectivement 6 000 pour les premiers (expatriés
et étudiants noirs africains) et 1 300 pour les seconds (expatriés).
«Quand on demande aux catholiques de prendre position et de nous soutenir, ils
se taisent. Ils restent neutres. L'État les laisse tranquilles tant qu'ils ne
font pas de baptêmes, ni de prosélytisme», explique Mustapha Krim, ancien
président de l'EPA et pasteur à Bejaïa. Il donne l'exemple d'un homme de
conscience, pourtant ancien avocat, religieux dominicain et actuel évêque
d'Oran, Mgr Jean-Paul Vesco, qui n'est pas intervenu sur la fermeture
d'une librairie à Oran, sa propre ville. Des scellés ont été posés sur cet
établissement parce que le propriétaire est un chrétien protestant.
«En France, les musulmans
obtiennent des droits, et nous, chrétiens algériens, on nous les enlève»
Mustapha Krim
Même mutisme sur les scellés
posés sur les portes du temple protestant historique de la ville et sur trois
églises de la région. «En France, les musulmans obtiennent des droits, et nous,
chrétiens algériens, on nous les enlève. Nous demandons seulement 1 % de
la liberté religieuse en Algérie dont jouissent les ressortissants et
descendants algériens musulmans en France, pas plus, propose Mustapha Krim.
Comment nos 45 lieux de culte et nos 60 000 fidèles seraient-ils
une menace face à 35 000 mosquées? La vérité est que nous dérangeons parce
que nous enregistrons des conversions. Si nous sommes à 95 % des convertis
de l'islam, nous demeurons des citoyens algériens comme les autres avec les mêmes
droits. Et s'ils fermaient tous nos lieux de culte, il y aurait alors une
multiplication, avec 45 000 églises domestiques.»
Cet homme, avec Ali Khidri,
secrétaire général de la Société biblique, terminait, la semaine dernière à
Paris, une tournée européenne pour alerter l'opinion sur cette cause. Tout
remonte à une ordonnance présidentielle de 2006 visant à endiguer le dynamisme
des communautés évangéliques protestantes. «Tout recommence, dénoncent ces deux
hommes, nous sommes repartis à la case départ de la persécution.»
Deux à cinq ans de prison pour
qui convertit un musulman
Depuis le 28 février 2006,
une ordonnance signée par le président de la République algérienne
condamne lourdement tout acte de conversion d'un musulman à une
autre religion.
L'article 3 précise toutefois que
«les associations religieuses autres que musulmanes bénéficient de
la protection de l'État». Mais c'est l'article 11 qui pose tout
le problème puisqu'il prévoit que: «Sans préjudice des peines plus
graves, est puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende
de 500 000 DA (dinars algériens, NDLR) à 1.000.000 DA
quiconque:
1/ Incite, contraint ou utilise
des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre
religion, ou en utilisant à cette fin des établissements d'enseignement,
d'éducation, de santé, à caractère social ou culturel, ou institutions de
formation, ou tout autre établissement, ou tout moyen financier.
2/ Fabrique, entrepose ou
distribue des documents imprimés ou métrages audiovisuels ou tout autre support
ou moyen qui vise à ébranler la foi d'un musulman.»
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 23/05/2018. Accédez à sa version
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Rédacteur en chef,
chargé des religions
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La laïcité déchire les
macronistes (22.05.2018)
Par Jean-Baptiste
Daoulas, publié le 22/05/2018 à 17:49 , mis à jour
le 23/05/2018 à 18:30
Maryam Pougetoux était apparu
voilée à la télévision alors qu'elle parlait au nom du syndicat étudiant
l'Unef.
STR / AFP
La guerre était larvée, elle
éclate au grand jour. Les députés REM se divisent radicalement sur la laïcité.
"Il faut prendre du recul et
réaffirmer des principes. Sinon, on risque de devoir sans cesse prendre
position sur des cas particuliers." L'avertissement, signé de la députée
REM Aurore Bergé, date de janvier 2018 et concerne la laïcité. A l'époque, les
tiraillements sur la loi de 1905 ne s'expriment encore qu'à voix basse au sein
du groupe La République en marche. Quatre mois plus tard, le mouvement
d'Emmanuel Macron n'a toujours pas de doctrine claire et la virulence de la
polémique sur Maryam Pougetoux, la responsable voilée de l'Unef à l'université Paris-IV,
semble valider le diagnostic de l'élue des Yvelines.
Par tweets interposés
Les députés macronistes
n'hésitent plus à s'écharper en public. Ce mardi 22 mai, le député REM François
Cormier-Bouligeon interpelle son collègue Aurélien Taché sur Twitter. "Le
débat est toujours important, cher Aurélien Taché. Mais, dis-moi, jusqu'où
peut-on justifier de soutenir l'obscurantisme au nom du libéralisme culturel
?" C'est la réponse au tweet de Taché, la veille : "Il est
insupportable en France que ceux qui défendent un libéralisme culturel soient
systématiquement taxés de complaisance islamiste !" L'élu du Val d'Oise,
lui-même ancien de l'Unef, n'est pas hostile au port du voile par une
responsable syndicale. "Je ne suis pas là pour polémiquer avec mes
collègues députés par tweets interposés, soupire Aurore Bergé aujourd'hui. Mais
il y a des sujets sur lesquels je ne compte pas fléchir."
Les deux pôles, antagonistes,
s'affrontent à fleurets de moins en moins mouchetés depuis leur entrée au
Palais-Bourbon. Le 6 février, c'est une première dans un groupe REM dont la
communication est habituellement bien verrouillée, les journalistes sont
conviés à assister à la troisième "soirée Colbert'. Organisées par le
député Guillaume Vuilletet certains mardis soirs à l'Assemblée, elles
permettent aux élus du groupe de dialoguer avec des intellectuels ou des
représentants de la société civile. Ce soir-là, l'invité d'honneur est le
président de l'Observatoire de la laïcité, l'ancien ministre socialiste
Jean-Louis Bianco. Dans la salle, une trentaine de députés REM. Aurélien Taché,
Fiona Lazaar, François Cormier-Bouligeon et Anne-Christine Lang, une ancienne
socialiste proche de Manuel Valls, ne sont pas venus faire de la
figuration.
"Nous ne sommes pas
soumis à la neutralité"
"Il ne s'agit pas d'un débat
entre nous, les prévient en préambule Guillaume Vuilletet. Non pas que le débat
ne soit pas intéressant, mais ce n'est pas le lieu." Pourtant, sans jamais
lever la voix, les différentes lignes s'expriment. Pas franchement conciliables.
Fiona Lazaar s'en prend à la décision de François de Rugy, président de
l'Assemblée nationale, d'interdire les signes religieux dans l'enceinte de
l'Hémicycle. "Je m'interroge sur une telle disposition, explique l'élue
d'Argenteuil et Bezons (Val-d'Oise). Représentant le peuple, et non l'Etat,
nous ne sommes pas soumis à la neutralité."
Anne-Christine Lang riposte :
"S'il y avait des femmes qui arrivaient voilées dans l'Hémicycle, je ne
vois pas bien comment je pourrais accepter d'y siéger." En son absence,
l'ombre de Manuel Valls semble planer sur la salle. "C'est parce qu'il n'a
pas voulu venir lui-même qu'Anne-Christine Lang s'est pointée", ronchonne
à voix basse un député appartenant à la sensibilité concurrente. Étrangement,
la presse n'a pas été conviée aux "Soirées Colbert"
ultérieures.
Aurélien Taché, député REM du
Val-d'Oise, est chargé d'animer une réflexion sur la laïcité au sein de la
République en Marche.
V. ISORE/I3 PRESS/MAXPPP
Difficile, face à des opinions
aussi tranchées, de déterminer la ligne majoritaire au sein du groupe. "Il
peut y avoir d'autres sensibilités ici ou là, notamment autour d'une conception
néo-républicaine de la laïcité, minimisait en janvier Aurélien Taché. Mais j'ai
le sentiment que tout le monde a bien en tête la philosophie générale du
président de la République, qui est une laïcité de liberté. C'est le barycentre
du groupe."
"Laïcard, laïciste, c'est
un vocabulaire maurrassien !"
Dans une interview accordée au Monde, le 20 novembre
2017, Aurélien Taché, investi par Christophe Castaner d'une mission sur la
laïcité au sein de la République en Marche, s'en prend aux "tenants d'un
laïcisme intégral". François Cormier-Bouligeon se sent visé.
"Laïcard, laïciste, c'est un vocabulaire maurrassien ! Je demande aux gens
qui s'expriment au nom du mouvement de ne pas emprunter à ce registre",
s'irrite-t-il.
Le député du Cher, qui a tenu à
occuper dans l'Hémicycle le siège numéro 300, celui de Jean Zay, a publié le 16
mai une tribune sur le site de L'Express. "Je compte
continuer à défendre et à faire vivre la liberté absolue de conscience et la
laïcité qui la protège, avec calme, sérénité et fermeté", écrit-il.
Depuis, François Cormier-Bouligeon affirme engranger les réactions de soutien
de ses collègues. "Cela commence vraiment à s'étoffer", confie-t-il,
ravi de noter les prises de position analogues de Sylvain Maillard ou
Jean-Michel Mis.
"Aurélien Taché ne peut plus
se targuer d'être le seul à s'exprimer sur la laïcité au nom de la République
en Marche, se félicite une députée REM. D'ailleurs, plusieurs membres du bureau
exécutif du mouvement m'ont dit que la publication d'un rapport d'Aurélien sur
la laïcité n'est plus à l'ordre du jour." "Je n'étais pas censé faire
un rapport, mais animer une réflexion sur le sujet, rétorque le député du
Val-d'Oise. Je ne vois pas pourquoi cela changerait maintenant". Aurélien
Taché s'apprête à intensifier les travaux de ce groupe de travail. Il espère
fournir dans quelques mois "une doctrine, peut-être formulée par un texte,
et un ensemble de notes plus concrètes, que pourraient rédiger des experts sous
notre coordination."
"Il y a des positions
trop irréconciliables"
Cela suffira-t-il à apaiser le
débat entre députés macronistes ? "Il y a des positions trop
irréconciliables", tranche une députée. "Il faut que l'on crée à
l'Assemblée un séminaire, au sens universitaire du terme, qui nous permette
d'auditionner toutes les personnes qui réfléchissent sur la laïcité, et ainsi
dépasser les positions univoques", propose François Cormier-Bouligeon.
Fiona Lazaar objecte qu'il existe déjà un groupe d'études sur la République et les religions à
l'Assemblée nationale. La députée du Val-d'Oise renvoie au discours prononcé ce 22 mai par Emmanuel Macron sur les
quartiers défavorisés. "Personne ne doit être forcé de mettre un foulard,
mais on a le droit de mettre un foulard, a lancé le président de la République.
On ne va pas changer la règle parce qu'elle ne plaît pas aux uns et aux
autres". "Dès lors que le président de la République a rappelé le
cadre, je pense que l'on est nombreux à se retrouver derrière lui", espère
Fiona Lazaar. En attendant la prochaine polémique.
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Banlieues : Marine Le Pen et un député égyptien mettent en
cause l'influence du Qatar (22.05.2018)
LE SCAN POLITIQUE - Lors d'une
conférence de presse commune, Marine Le Pen et le député égyptien Abdelrahim
Ali ont dénoncé le financement du « fondamentalisme islamiste » par des « Pays
corrupteurs ».
«Nul n'est prophète en son pays.»
C'est par cette maxime que Marine Le Pen a justifié, mardi, l'invitation à
l'Assemblée nationale du journaliste, islamologue et député égyptien,
Abdelrahim Ali, venu mettre en garde la France lors d'une conférence de presse
sur la dérive du «fondamentalisme islamiste» ayant court sur son territoire, à
«l'aube d'actions très dangereuses.»
Des avertissements en rien
nouveaux dans le discours du Front national: «Certains diront que nous ne
pensons qu'à ça. La vérité est que nous sommes les seuls à y penser», a balayé
en guise d'introduction la cheffe de file du FN aux côtés du député des
Pyrénées-Orientales, Louis Aliot. Mais puisqu'en France, il existe selon elle,
«un amalgame entre lutte contre le fondamentalisme religieux et islamophobie»,
l'idée, ce mardi, était de faire passer le message par une émissaire
difficilement soupçonnable de sentiments anti-musulman. A savoir, le docteur
Ali, président fondateur du Centre des Études du Moyen-Orient à Paris,
spécialiste reconnu de la mouvance des frères musulmans. «On veut donner une
mauvaise image du parti de Marine Le Pen alors qu'elle respecte les religions,
elle respecte l'islam», a salué en introduction l'expert, réputé proche du pouvoir
égyptien comme des Émirats arabes unis.
Dans une longue prise parole
retraçant en cinq actes l'histoire des Frères musulmans - de 1984 jusqu'à la
naissance en 2014 de ce qu'il présente comme leur «fille»: Daech - le docteur a
attiré l'attention de son auditoire sur les «douze milliards de dollars»
injectés par l'organisation sunnite en Europe pour, prévient-il, «semer la
zizanie, via différentes associations, dans la génération future.» Dans le
viseur du parlementaire égyptien, les importants investissements du Qatar
notamment «dans les banlieues françaises où sont financées des écoles pour
semer la haine et où on apprend à faire le djihad», assure-t-il. «Est-ce qu'il
est normal d'ouvrir les bras à un pays pour qu'il finance le terrorisme? Il ne
faut pas réfléchir de manière naïve», conclut-il.
Des propos explosifs, sur
lesquels n'a pas manqué de rebondir Marine Le Pen, fustigeant un «gouvernement
qui fait la politique de l'autruche» comme «un certain nombre de responsables
politiques qui ont été ou sont encore payés par le Qatar.» Une référence
au livre de Christian Chesnot et Georges Malbrunot ( journaliste
au Figaro ), Nos très chers émirs, publié aux
Éditions Michel Lafon. Si la présidente du Front national veut croire à
l'existence d'une collaboration entre l'Égypte et la France en matière de lutte
contre le terrorisme, c'est une coopération beaucoup plus approfondie qu'elle
appelle de ses vœux dans ce «deuxième étage du combat», qu'est «la lutte contre
le projet politique du fondamentalisme religieux.» Par manque de coopération ou
en raison de mauvaises relations diplomatiques, croit savoir la députée du
Pas-de-Calais, le renseignement français est amputé d'informations capitales,
telles que «la liste des 250 associations sur le territoire national affiliées
aux frères musulmans» détenue par l'Égypte ou encore les informations détenues
par les autorités russes sur «le Tchétchène qui a acquis la nationalité
française», auteur d'un attentat à Paris le 12 mai dernier.
- Mis à jour le 23/05/2018 à 11:01
- Publié le 22/05/2018 à 14:44
Banlieue : les annonces de Macron
Devant près de 600 habitants et
acteurs des banlieues à l'Elysée, le président de la République a dévoilé
plusieurs mesures destinées aux banlieues françaises.
LE SCAN POLITIQUE/VIDÉOS - Le
chef de l'État a promis que plusieurs «actions très précises» seront proposées
dès juillet, notamment en matière de «sécurité et de justice» et en matière
d'«aménagement et de logement».
Son discours était très attendu.
Alors que le rapport de Jean-Louis Borloo sur la banlieue n'a pas convaincu
l'exécutif, Emmanuel Macron animait ce mardi à l'Élysée un «événement de mobilisation en faveur des quartiers
prioritaires de la politique de la ville». L'occasion pour lui d'inaugurer
son «Conseil présidentiel des villes» et sortir ainsi de ce qu'il a appelé un
rapport entre «mâles blancs», mais aussi de détailler les grandes lignes de la
«politique d'émancipation et de dignité» qu'il entend «co-construire (...) en
marchant».
«Je ne vais pas annoncer un plan ville ni un plan banlieue ni
quoique ce soit, parce que cette stratégie est aussi âgée que moi», a ironisé
le chef de l'État, rappelant que «le premier plan de la sorte a été évoqué par
Raymond Barre». «On est au bout de ce qu'on a pu produire sur cette méthode», a
encore jugé le président, plaidant pour un changement de «philosophie» et «une
méthode et un rythme différents». Il a donc annoncé un «engagement de
rendez-vous tous les deux mois» avec maires et associations.
Conscient que les habitants des
quartiers «ne croient plus dans les grands discours», Emmanuel Macron s'est
engagé sur des «actions très précises» et des «choses mesurables et
identifiables». Ainsi, après avoir rappelé les actions engagées depuis le début
de son quinquennat («police de sécurité du quotidien», dispotif «action
logement», etc...) le chef de l'État a exigé que des propositions concrètes -
notamment en matière de «sécurité et de justice» et d'«aménagement et de
logement» - soient formulées d'ici juillet.
● Informer les maires des
individus «les plus à risque» sur leur territoire
Alors que les attentats
terroristes se sont multipliés ces dernières années, les grandes villes ne sont
pas les seules à avoir été visées: les petites communes n'ont pas été épargnées
non plus. L'omniprésence de cette menace a d'ailleurs poussé plusieurs élus
locaux à réclamer à l'exécutif d'être informés de la présence de fichés S sur
leur territoire. Une demande jugée «légitime» par Emmanuel Macron, qui estime
qu'on ne «peut pas dévoiler» l'identité des fichés S, mais qui s'est engagé à instaurer
un «dialogue systématique» entre les maires et les préfets sur les «personnes
identifiées comme les plus à risques» et fichées dans le FSPRT.
● Lutter contre «le
trafic de drogue et de stupéfiants» dans les cités
Revenant sur l'intervention armée
d'un gang à Marseille lundi, Emmanuel Macron a dénoncé un «embrasement des
trafics de drogue et de stupéfiants» dans les cités, mené selon lui par des «organisations
au moins nationales et bien souvent internationale». Pour y répondre, le
président de la République a annoncé qu'il finaliserait «d'ici juillet un plan
de lutte contre le trafic de drogue». «On a perdu la bataille du trafic dans de
nombreuses cités», a-t-il déploré. Il a enfin profité de cette intervention
pour rappeler une nouvelle fois son opposition à la légalisation du cannabis.
● Proposer 30.000 stages
de troisième via les entreprises et l'État
Comme l'indiquait Le
Figaro dès lundi, Emmanuel Macron a confirmé ce mardi que 15 000
stages de 3e allaient être proposés par les entreprises et que 15 000 autres le
seraient par l'État, afin d'aider les jeunes des quartiers en difficulté. «Il
faut que tous les jeunes puissent trouver un stage», a déclaré le président de
la République, annonçant dans le même temps qu'une «bourse des stages» serait
mise en place d'ici à septembre.
● Encourager les
entreprises à recruter, et procéder à des tests anti-discrimination
Après l'instauration des «emplois
francs» (qui consistent à subventionner de 15 000 euros sur trois ans toute
entreprise qui recruterait en CDI un habitant d'un quartier prioritaire de la
ville), Emmanuel Macron a annoncé qu'il réunirait «en juillet l'ensemble» des
principales entreprises françaises, appelant les 120 plus grandes à «prendre
leur part» dans la lutte contre le chômage qui affecte un jeune sur trois dans
les quartiers défavorisés. Emmanuel Macron a également annoncé que celles du
SBF120 seraient en trois ans soumises à des «testing» (tests anonymes) pour
détecter les cas de discrimination à l'embauche, au rythme de 40 par an.
● Combattre les discours
racistes et antisémites qui sont «en train d'empirer»
Emmanuel Macron a consacré une
grande partie de son discours à sa volonté de «faire République». Parmi les
initiatives, celle de combattre le racisme et l'antisémitisme qui est «en train
d'empirer» dans les banlieues. «Certains se sont habitués au discours
antisémite en pensant que c'était la bonne réponse au discours raciste», a
constaté le chef de l'État qui, pour combattre ce phénomène, a réitéré son
engagement de déployer des «référents laïcité» partout. Il refuse toutefois que
l'islam soit spécifiquement ciblé. En rebond de la polémique autour du voile de
la présidente de l'Unef-Sorbonne, le président a déclaré que «personne» ne
devait être «forcé de mettre un foulard», tout en rappelant que le port de ce
vêtement était autorisé sur la place publique.
● Construire une «société
de la vigilance» sans basculer dans la «délation»
Jugeant que «oui nos quartiers
ont du talent», le chef de l'État a également rappelé que «oui dans nos
quartiers il y a aussi de la violence, il y a des choses qui ne vont pas, et
c'est explosif». Il a donc fait appel à «tous les acteurs de la lutte contre
les violences et les dérives» afin de «construire une société de la vigilance»
d'ici le mois de juillet, sans basculer dans «une société de la délation» pour
autant. «Quand on refuse de voir quelqu'un dériver, quand on refuse de mettre
un terme aux actes les plus insupportables dans son quartier ou ailleurs, de
fait on devient complice», a-t-il asséné, concédant toutefois que «parfois on a
peur».
● Appliquer le «pacte de
Dijon» sur l'intégration des territoires en difficulté
Persuadé que «le levier
pertinent» en matière de «logement et d'aménagement» est «celui de la métropole
et de l'agglomération», Emmanuel Macron s'est engagé à appliquer le “pacte de
Dijon”, présenté le 6 avril dernier à Dijon en clôture des journées nationales
de France urbaine. «Banco, on le fait et on y va», a-t-il lancé en évoquant ce
texte dans lequel plusieurs élus prennent des engagements en faveur des
habitants de leurs quartiers populaires comme l'intégration de ces quartiers
dans le développement économique du bassin de vie, et l'amélioration de
l'habitat et des parcours résidentiels.
● Lancer une initiative
«cœur de quartier», calquée sur «cœur de ville»
Regrettant que l'Anru (Agence
nationale pour la rénovation urbaine) ait été «abîmé», Emmanuel Macron s'est
engagé à «prendre des engagements budgétaires» et à «lancer une initiative “cœur
de quartier” qui serait le pendant de ce qui a été fait par le gouvernement
avec l'initiative “cœur de ville”». Sur son site internet, le ministère de la
Cohésion des territoires présente ce dispositif lancé en mars dernier comme une
«convention de revitalisation sur 5 ans pour redynamiser les centres-villes».
● Mettre en place un site
internet «La France une chance»
Afin de «bâtir ensemble un
engagement de l'État et de chacun», Emmanuel Macron a annoncé le lancement d'un
site internet intitulé «La France une chance». Présenté comme une «forme de
gouvernement», cette plateforme permettra aux citoyens «d'alerter» les pouvoir
publics sur ce qui «ne marche pas». «Cela donnera de la transparence et pourra
garantir l'anonymat», a promis le chef de l'État, jugeant qu'il s'agissait
d'une «garantie que les citoyens auront toujours une présence» sur leurs
représentants, ce qui confère un «impérieux devoir de réussir».
Unef-Sorbonne : pour Julliard, le voile est une «bigoterie
patriarcale et sexiste» (22.05.2018)
LE SCAN POLITIQUE - Dans une
interview à Marianne, le premier adjoint à la maire PS de Paris
étrille Maryam Pougetoux et dénonce la «radicalisation politique» et la
«marginalisation électorale» du syndicat étudiant.
Le ton se durcit à mesure que les
jours passent. Depuis que la présidente de l'Unef-Sorbonne, Maryam Pougetoux,
est apparue vêtue d'un hijab à la télévision la semaine
dernière, la classe politique n'en finit pas de se déchirer sur
l'incompatibilité de ses fonctions avec le port du voile
islamique. Ainsi, le premier adjoint à la maire PS de Paris et ancien président
du syndicat étudiant, Bruno Julliard, a lui aussi décidé de monter au créneau
dans une interview à Marianne ce mercredi.
«Je ne connais pas cette
militante. Dans notre démocratie, elle a évidemment le droit de s'habiller
comme bon lui semble et elle est certainement sincère dans sa démarche. Mais,
quoi qu'elle en pense, son voile est le signe d'une bigoterie patriarcale et sexiste en
contradiction avec les combats féministes que l'Unef a toujours portés. (...)
Ce vêtement est devenu un symbole patriarcal et rétrograde, qu'on le veuille ou
non», assène l'élu de la capitale, selon qui cette polémique n'a rien
d'«anecdotique».
«Ce syndicat est sensible à
certaines thèses essentialistes»
Bien qu'il refuse généralement de
s'immiscer dans les affaires de l'Unef («quand je présidais ce syndicat, je ne
supportais pas les commentaires incessants des anciens présidents»), Bruno
Julliard dit avoir rompu «le silence» parce que «ce qui se passe aujourd'hui est grave» et lui
«tord le ventre». «Ce n'est pas supportable. (...) Ce voile, et plus encore les
discours pour le défendre, ce sont des décennies de combat pour l'émancipation
des femmes piétinées», assène-t-il à l'endroit de ses successeurs.
Pour le bras droit d'Anne
Hidalgo, la «dérive» de l'organisation étudiante «est favorisée par la crise
culturelle de la gauche». «Aujourd'hui, l'Unef n'est plus l'organisation
commune à toutes les gauches. Cela fait plusieurs années que je constate avec
tristesse sa radicalisation politique, qui va de pair avec sa marginalisation
électorale. Aujourd'hui, ce syndicat est sensible à certaines thèses
essentialistes, qui étaient déjà poussées à mon époque par des organisations
d'extrême gauche», fustige-t-il.
À l'aune du passé de l'Unef, le
socialiste veut toutefois croire qu'«il y a des raisons d'être optimiste».
«Quand on parle de laïcité, il faut à chaque instant chercher à convaincre, à
rassembler le plus grand nombre vers la maison commune, à dresser des ponts et
pas des murs», exhorte-t-il encore, réclamant pour cela de la «pédagogie»... Ce
dont manquent selon lui Manuel Valls et le Printemps républicain, avec qui il
«peut partager des convictions» mais dont il «goûte peu la méthode» et le
«positionnement trop excluant».
Le fulgurant parcours scolaire d’Hugo Sbai, docteur à
seulement 17 ans (16.05.2018)
Par Louis Heidsieck •
Publié le 16/05/2018 à 18:15 • Mis à jour le 17/05/2018 à 16:38
Le jeune homme né en 2000
vient de valider sa thèse en informatique à l’université de Lille. Hugo a sauté
cinq classes avant le bac grâce à une méthode développée par deux de ses
tantes, et prépare aujourd’hui un second doctorat, à Oxford.
«Je ne suis pas un surdoué, tout
le monde pourrait le faire». Hugo Sbai a le sens de la formule. Car ce qu’il a
entrepris depuis la classe de CP ne parait pas vraiment à la portée du premier
venu. À seulement 17 ans, il vient de valider un doctorat portant sur les systèmes de
vidéosurveillance intelligents à l’université de Lille. Et il commence tout juste
une autre thèse, cette fois-ci à l’université d’Oxford, en Angleterre, portant sur la
cybersécurité. Son secret? Une méthode de travail façonnée par deux de ses
tantes, elles-mêmes docteurs à Oxford. Méthode qu’il juge «réplicable pour tout
élève».
Hugo est né en 2000 à Orsay, dans
l’Essonne (91), où il a passé une maternelle presque normale. Dès le début du
primaire, il se retrouve dans une classe de «double niveau» CP/CE1, où son
institutrice lui propose de sauter une classe. «À partir de ce moment-là, les
choses ont un peu changé...» explique le jeune homme. En effet, ses deux tantes
Meryem et Florence, avec qui vivent Hugo, ses parents et sa sœur, décident de
donner un léger coup de fouet au parcours scolaire de l’enfant. «Elles ont très
vite remarqué que dans les programmes de l’Éducation Nationale, on répète
toujours la même chose trois fois, du primaire à la classe de terminale». Le
jeune homme donne un exemple précis: «En histoire, durant tout votre parcours,
vous aborderez trois fois l’antiquité gréco-romaine. Une fois vaguement au
primaire, une fois moyennement au collège, et une fois en détail au lycée.
Autant aller directement à cette troisième version!»
«Je suis passé directement de
la sixième à la seconde»
Ses deux tantes décident alors
d’acheter «tous les manuels de collège et de lycée» pour concocter un programme
à Hugo qui lui permettent, dans chaque matière, d’aller directement au niveau
baccalauréat. «Avec cette méthode, je suis passé directement de la sixième à la
seconde. Puis j’ai eu le bac S avec mention TB au lycée Claude Bernard,
à Paris où nous avions déménagé», raconte le jeune homme. Une volonté
de battre des records de précocité? «Honnêtement, cela ne nous a jamais
traversé l’esprit. Ma famille n’a jamais voulu me mettre en avant, même si les
médias nous sollicitent depuis que je suis tout petit». Avant ce mois de mai et
durant huit ans, Hugo et sa famille avaient en effet repoussé toutes les
demandes d’interviews dans la presse.
«J’étais la mascotte du
lycée!»Hugo Sbai
Bien qu’étant arrivé au lycée à
neuf ans, Hugo assure n’avoir jamais été ostracisé pour sa précocité. «Au
contraire, dit-il. J’étais la mascotte du lycée! Je me suis toujours beaucoup
amusé, j’ai toujours eu des amis. Comme tout le monde, j’étais invité aux anniversaires
quand j’étais jeune, puis aux soirées un peu plus tard». Après son lycée
parisien, Hugo décide d’embarquer pour la Suisse et l’École polytechnique fédérale de Lausanne en
informatique. «Ma sœur, qui avait 18 ans à l’époque, venait de passer son bac
et voulait faire exactement le même parcours que moi, raconte-t-il. Ça tombait
parfaitement bien». En parallèle de ses études, Hugo commence une licence de
droit à l’université Paris I Panthéon Sorbonne. Cinq ans plus tard, il sera
diplômé des deux établissements et début février 2017, il commence une thèse sur
les systèmes de vidéosurveillance intelligents à l’université de Lille. Et là
encore, Hugo va agiter tous les chronos.
«Démocratiser la méthode qui
m’a permis d’en arriver là»
«J’ai eu la chance de pouvoir
faire le tour du sujet assez rapidement, explique-t-il. La recherche est un
domaine très large, il faut essayer plusieurs possibilités et publier des
articles dans des revues scientifiques. Mais j’avais un superviseur génial, qui
a su tirer le meilleur de moi-même et au bout d’un an, l’université a accepté
que je soutienne ma thèse». Aujourd’hui, le jeune homme est donc déjà inscrit
pour une nouvelle thèse en informatique, à Oxford.
Hugo Sbai a le temps de réfléchir
à son futur, il n’est pas en retard. Mais il a déjà des idées claires de ce
qu’il souhaite faire. «Je vais finir ma thèse en cybersécurité à Oxford dans
trois ans, précise-t-il. Ensuite, j’aimerais être enseignant pour pouvoir
démocratiser la méthode qui m’a permis d’en arriver là». Un épilogue qui paraît
donc presque banal par rapport aux 17 premières années de sa vie. Mais c’est
oublier qu’Hugo n’est pas vraiment un garçon comme tout le monde. «En fait,
j’aimerais aussi travailler dans l’industrie, sur les systèmes informatiques»,
poursuit-il avant de conclure: «Ou alors être avocat». On l’aurait presque
oublié, mais le jeune homme dispose aussi un master en droit. Et le barreau
ressemblerait presque à une formalité.
Le ramadan raconté dans Le Figaro de 1906
(14.05.2018)
LES ARCHIVES DU FIGARO - Le CFCM
l'a annoncé mardi, le ramadan débutera le jeudi 17 mai. En 1906, l'écrivaine
Jehan d'Ivray, spécialiste des sujets sur l'Égypte, dépeint avec justesse
comment vivait au siècle dernier la société musulmane pendant ce mois
d'abstinence.
Jehan d'Ivray (1861-1940),
pseudonyme de Jeanne Puech est une femme de lettres française. Mariée à un
médecin égyptien, elle va livrer pendant près de quarante ans son regard sur la
vie égyptienne, notamment avec un récit Au coeur
du Harem. En 1906, elle raconte pour Le
Figaro le mois sacré du Ramadan, que tout musulman observe
«pieusement».
Article paru dans Le Figaro
Littéraire du 1er décembre 1906
En partenariat avec Retronews, le site
de presse de la BnF
Les fêtes du Baïram
Cette semaine, avec le premier
quartier de la lune, ont commencé, en pays musulman, les grandes fêtes du
«baïram».
Depuis le Maroc jusqu'à l'Egypte, depuis l'Arabie jusqu'au Japon, tous les serviteurs du Prophète observent pieusement cette fête qui n'est cependant pas la plus grande au point de vue religieux, mais qui met un terme aux abstinences du ramadan. Le ramadan, c'est le mois de jeûne, les trente jours durant lesquels tout musulman sincère est tenu de se priver de toute espèce de nourriture et de boisson du lever du soleil au crépuscule. La cigarette même, cette volupté indispensable à l'existence des Orientaux des deux sexes, est formellement interdite. Certains mahométans, très rigoristes, vont jusqu'à proscrire les parfums des mets, l'odorat pouvant être considéré comme une des satisfactions préliminaires du repas. J'ai vu des femmes très religieuses s'interdire la visite des cuisines où se préparait le dîner «iftar» du mois de ramadan. Ce dîner, autrement dit ouverture, est servi avec une exactitude militaire après le coup de canon annonçant aux affamés que le jeûne est enfin rompu. On s'invite beaucoup dans les familles musulmanes à cette occasion, et l' «iftar» donne lieu à de véritables festins.
Depuis le Maroc jusqu'à l'Egypte, depuis l'Arabie jusqu'au Japon, tous les serviteurs du Prophète observent pieusement cette fête qui n'est cependant pas la plus grande au point de vue religieux, mais qui met un terme aux abstinences du ramadan. Le ramadan, c'est le mois de jeûne, les trente jours durant lesquels tout musulman sincère est tenu de se priver de toute espèce de nourriture et de boisson du lever du soleil au crépuscule. La cigarette même, cette volupté indispensable à l'existence des Orientaux des deux sexes, est formellement interdite. Certains mahométans, très rigoristes, vont jusqu'à proscrire les parfums des mets, l'odorat pouvant être considéré comme une des satisfactions préliminaires du repas. J'ai vu des femmes très religieuses s'interdire la visite des cuisines où se préparait le dîner «iftar» du mois de ramadan. Ce dîner, autrement dit ouverture, est servi avec une exactitude militaire après le coup de canon annonçant aux affamés que le jeûne est enfin rompu. On s'invite beaucoup dans les familles musulmanes à cette occasion, et l' «iftar» donne lieu à de véritables festins.
Le mois sacré ramène les coutumes
ancestrales, et tel indigène qui fera volontiers son ordinaire de vin de
Champagne s'abstiendra de boisson fermentée durant tout le temps du ramadan.
Jamais, sur aucune table turque ou égyptienne, même dans les maisons les plus
«modernes», on n'oserait servir de vin, pendant le jeûne obligatoire, aux
«iftars» les plus recherchés.
Il y a peu d'années encore, en
Egypte,celui ou celle qui était surpris en pleine rue fumant, buvant ou
mangeant recevait cinquante coups de courbache.
Et l'observance de la loi
religieuse est de telle sorte en ces contrées, que même parmi ceux qui n'ont ni
la volonté ni le courage de subir le jeune, pas un n'oserait se montrer dans
les rues une cigarette aux lèvres avant le coup de canon libérateur. Il y a peu
d'années encore, en Egypte, celui ou celle qui était surpris en pleine rue
fumant, buvant ou mangeant recevait cinquante coups de courbache*. Cet usage
est heureusement aboli.
Mais que l'on ne croit pas que le
mois de ramadan soit tout à fait un mois de pénitence. Il n'est
véritablement triste que pour le fellah. À celui-ci, la vie
constamment cruelle n'a guère donné l'habitude des douceurs. Levé à l'aube,
travaillant la terre qui, pour lui résume le monde, obligé de lui arracher
heure par heure sa subsistance, le jeûne lui semble d'autant plus rigoureux. Le
soir venu, après «l'iftar» impatiemment attendu, il prolongera de son mieux la
veillée traditionnelle pour atteindre le second repas de minuit. Mais c'est
tout ce que ses forces de paysan habitué à se coucher en même temps que ses
poules peuvent supporter. Le troisième repas, celui de quatre heures,
qui permet aux riches de jeûner sans peine jusqu'au soir suivant, le
fellah préfère ne pas l'attendre; pour son être harassé le sommeil
vaut toutes les nourritures.
Dans les familles aisées, le
mois de jeûne se transforme en une époque de réjouissances.
Les ouvriers des villes sont
moins malheureux, car les patrons suivant la loi musulmane avec une rigoureuse
exactitude se montrent peu exigeants envers eux. Les boutiques s'ouvrent tard
et ferment tôt. Presque partout, la sieste est autorisée. Enfin, dans
les grandes administrations et les ministères, le mois de ramadan supprime
presque toutes fonctions. C'est la douce paresse admise en haut lieu
et dont on profite béatement.
Dans les familles aisées, le mois
de jeûne se transforme en une époque de réjouissances dont on suppute à
l'avance les moindres événements, presque toujours pareils. Les riches se
lèvent sur le coup de midi font traîner leur toilette le plus longtemps
possible bain, massage, épilage, etc., puis, de nouveau, un repos d'une ou deux
heures sur les nombreux, divans qui encombrent chaque pièce une promenade ou
quelques affaires, et l'heure de «l'iftar» a déjà sonné. La soirée dure
jusqu'au jour par les rues noires de monde, les fanousses (lanternes)
glissent doucement, portées par des domestiques vêtus de longues robes, coiffés
du turban traditionnel tels qu'en portèrent les serviteurs d'Abraham et de
Jacob. Ils vont précédant leurs maîtres qui, sanglés dans leurs redingotes, le
chef orné du tarbouch, d'un beau rouge sang, échangent, entre eux des propos
particulièrement joyeux, à en juger par les rires sonores qui montent d'en bas
à leur passage.
On fait de nombreuses
visites. Les femmes plus encore que les hommes ont le culte du ramadan.
Dès le premier coup de canon elles sont prêtes.Vêtues de robes éclatantes,
souvent en toilette de bal, elles attendent, dans leurs demeures parées comme
aux jours de fêtes, les petites amies qui arrivent par groupes. Tout le logis
est illuminé. À chaque instant circulent des plateaux de friandises, gâteaux
aux amandes, nougats, dragées, pistaches, fruits secs de toutes sortes, verres
de sirop et tasses de moka. On pose devant les visiteuses de petites tables
volantes et la dînette commence coupée de joyeux éclats de rire.
Les fêtes du baïram ne sont
guère que la continuation des nuits du ramadan avec la différence que l'on peut
manger du matin au soir.
Et rien n'est plus curieux que
ces théories d'ombres noires glissant par la ville sous la conduite du
domestique de confiance ou de l'eunuque- de plus en plus rare- vers la maison
amie. Les enfants considèrent comme une grande joie d'être admis au jeûne, car
le jeûne donne droit aux veillées, et les veillées pour ce petit monde résument
les espoirs de toute l'année.
Les fêtes du baïram ne sont guère
que la continuation des nuits du ramadan avec la différence que l'on peut
manger du matin au soir. Dès la semaine précédant la fête, les esclaves
préparent les gâteaux d'usage, les cakes et les woraibas .
Les cakes sont ronds et creux au milieu; dans l'intérieur de la couronne on
dépose une farce composée d'amandes, de noix et de pâtes de dattes tout cela
est gâté par le beurre très mauvais et ce terrible parfum de cannelle et de
clous de girofle qui fait la base de toute pâtisserie orientale. Les woraïbas sont
pétris uniquement de beurre et de sucre avec une simple pincée de farine. C'est
très fin cela rappelle nos sablés parisiens, mais la forme en est ovale et la
couleur d'un blanc laiteux.
Le sirop de violettes et le
sirop de roses sont les deux boissons de choix que l'on offre aux
visiteurs pour les fêtes du baïram. Il est d'usage de s'aborder par ces mots:
«Kollo sana enta laïeb!» ce qui, en bon français, répond à notre «Bonne année»
du premier de l'an.
Les maris voient avec moins
d'enthousiasme que les femmes approcher les jours de baïram (il y a deux
baïrams, le «baïram patram» et le «courban bafiram», quarante jours après), car
il est d'usage de faire à toutes un, cadeau de prix, en plus de l'habillement
complet de toutes les personnes de la maison.
Aux jours de fête, en Egypte,
au Maroc, en Tunisie, il y a du bonheur dans tous les yeux et des sourires sur
toutes les lèvres.
Aussi, le jour de la fête, c'est
un spectacle à la fois aussi agréable que nouveau en ces pays musulmans, où le
peuple des rues est si particulièrement malpropre, de voir circuler toute une
population habillée de neuf. Les couleurs les plus imprévues se rencontrent.
Les robes de velours vert épinard côtoient les pantalons de soie orange ou
rouge; les petites filles sont à la fois grotesques et touchantes en leurs
atours de vieille bonne femme, le front ceint de perles, les doigts teints de
henné, les yeux brillants et la figure sale.
Car c'est là le beau côté
de cette religion et de ce pays extraordinaire où il semble que le soleil en
brûlant les fronts réchauffe les cœurs. Plus que partout ailleurs, ici, la
fête est générale, et le peuple, si misérable soit-il, a sa part de toutes les
joies.
Le riche qui, aux fêtes du
baïram, n'immolerait pas le dixième de ses troupeaux en faveur des pauvres
serait ouvertement méprisé. Aux jours de fête, en Egypte, au Maroc, en Tunisie,
il y a du bonheur dans tous les yeux et des sourires sur toutes les lèvres.
Par Jehan d'Ivray.
*un fouet, une cravache.
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14 mai 1948 : naissance de l'État d'Israël (11.05.2018)
LES ARCHIVES DU FIGARO - L'État
hébreu a aujourd'hui 70 ans. Retour sur les toutes premières heures de ce pays
racontées dans nos colonnes au lendemain de sa création en 1948.
Un long processus. Dès la fin du
XIXe siècle, les juifs sont établis un peu partout en Europe et majoritairement
en Russie. Face aux nombreuses campagnes antisémites orchestrées par le pouvoir
russe, ils commencent à fuir, puis émigrent massivement. Peu à peu le mouvement
sioniste s'affirme: la diaspora juive rêve du retour de son peuple sur la Terre
promise. En 1917, la déclaration de Balfour ouvre la voie à la création de
l'État d'Israël. Le gouvernement britannique propose l'existence d'un «Foyer
national juif» en Palestine.
Au lendemain de la Premier Guerre
mondiale et de la défaite de l'Empire ottoman, allié de l'Allemagne, la
Palestine passe sous mandat britannique. À la sortie de la seconde guerre
mondiale et après l'horreur de la Shoah, le contexte international a changé:
l'O.N.U. vote le partage de la Palestine: la résolution 181 est adoptée. Ce 29 novembre
1947, l'O.N.U. met fin au mandat britannique et se prononce pour la création de
l'État juif. Ce plan est refusé par les Arabes de Palestine.
Six mois plus tard, date à laquelle prend fin le mandat britannique, Ben Gourion et les fondateurs d'Israël déclarent l'indépendance de l'État d'Israël.
Six mois plus tard, date à laquelle prend fin le mandat britannique, Ben Gourion et les fondateurs d'Israël déclarent l'indépendance de l'État d'Israël.
» LIRE AUSSI - Ben Gourion, le nouveau roi David
Le lendemain, le conflit est
inévitable: la première guerre israélo-arabeéclate. La «Guerre
sainte» a commencé» titre Le Figaro: «À peine était connue la
nouvelle de la proclamation de l'Etat indépendant d'Israël que la Guerre
Sainte, attendue depuis déjà plusieurs semaines est devenue officielle».
Pour les Palestiniens, le 14 mai 1948 marque la Nabka, «la catastrophe»: Arthur Koestler le célèbre écrivain britannique, fervent sioniste, raconte un mois plus tard pour Le Figaro, l'exode des Palestiniens d'Israël.
Pour les Palestiniens, le 14 mai 1948 marque la Nabka, «la catastrophe»: Arthur Koestler le célèbre écrivain britannique, fervent sioniste, raconte un mois plus tard pour Le Figaro, l'exode des Palestiniens d'Israël.
Retrouvez les premiers instants
de ce «nouveau pays» décrits dans Le Figaro: une étape fondamentale
pour l'avenir de l'histoire du Moyen-Orient.
Article paru dans Le Figaro du
15 mai 1948
«Israël» est né
Cette nuit, à zéro heure, le
mandat sur la Palestine, confié, il y a vingt-huit ans par la Société des
Nations, à la Grande-Bretagne, a pris fin.
Cet événement capital doit
provoquer à la même heure trois séries d'effets. Le départ de Sir Alan
Cunningham, haut-commissaire britannique en Terre Sainte; l'entrée des troupes
égyptiennes en Palestine, enfin la proclamation de l'État juif.
L.es membres du Conseil National,
représentant le peuple juif de Palestine, et le Mouvement sioniste mondial,
réunis en assemblée solennelle à Tel Aviv, viennent en effet de proclamer
l'Etat juif de Palestine sous le nom d'Israël.
Le texte de la proclamation
déclare notamment:
«La proclamation de l'Etat Juif
est faite en vertu des droits naturels et historiques du peuple Juif et de la
résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies, en date du 29 novembre
1947.
Le Figaro du 15 mai 1948. -
Crédits photo : Le Figaro
«Nous déclarons que depuis cette
nuit, jusqu'à ce que des organismes constitutionnels entrent en fonction à la
suite d'élections qui devront se dérouler avant octobre 1948, le Conseil
national agira en tant qu'Assemblée provisoire de l'État, l'administration de
la nation étant à partir d'aujourd'hui assurée par le gouvernement provisoire
de l'Etat d'Israël.
«L'Etat d'Israël est ouvert à
l'immigration des Juifs dispersés dans tous les pays. Le régime sera fondé sur
la liberté, la justice et la paix, enseignés par les prophètes juifs.»
Le départ du haut-commissaire
britannique
Dans la matinée de vendredi, la
flamme aux couleurs du haut-commissaire britannique avait été amenée sur le
toit de l'immeuble du gouvernement à Jérusalem. Sir Alan Cunningham s'était
ensuite rendu à l'aérodrome de la ville où, après avoir passé en revue une
compagnie d'honneur de la R. A. F. il avait pris l'avion pour Haïfa.
Avant de quitter la ville , le
haut-commissaire avait dans un message d'adieu, lancé un appel pour la «paix et
la compréhension entre les Juifs et les Arabes en Terre Sainte» et leur avait
demandé de sauver la Ville Sainte de la destruction.
C'est dans le port d'Haïfa que
l'attendait le croiseur Euryalus sur lequel il est monté à dix heures. Le
navire devait quitter le port sous les fusées éclairantes, tandis que tous les
bâtiments britanniques stationnés dans la rade actionnaient leurs sirènes
Intervention égyptienne
Au même moment, les troupes
égyptiennes pénétreront en Terre Sainte. Un communiqué officiel du gouvernement
du Caire vient, en effet, d'annoncer cette décision.
Des officiers supérieurs des
forces aériennes égyptiennes se sont rendus, hier, par avion à El Arish, à la
frontière palestinienne où se tenait une conférence militaire au cours de
laquelle toutes dispositions ont été prises dans ce but.
Dès le début des opérations,
l'état de siège sera proclamé sur toute l'étendue du territoire égyptien. La
censure militaire sur les informations de presse et sur les communications
postales sera instituée. Tous les édifices publics et gouvernementaux seront
gardés par la troupe. Les personnes suspectes, qui sont depuis deux Jours
l'objet d'une surveillance spéciale, seront internées au camp de Abbasteh.
David Ben Gourion prononçant son
discours sur la création d'indépendance d'Israël en mai 1948. - Crédits
photo : Rue des Archives/Rue des Archives/Tallandier
L'armée égyptienne compte environ
40.000 hommes; dimanche dernier, un crédit spécial de 4 millions de livres a
été voté pour couvrir les dépenses que nécessiteront les opérations militaires
à la frontière de Palestine.
De son côté, le secrétariat
général de la Ligue a publié au cours de la nuit dernière la déclaration
formelle «étal de guerre» avec les Juifs de Palestine.
En Terre Sainte, la dernière
journée de mandat britannique a été marquée par une recrudescence des combats
et par les derniers préparatifs des Juifs en vue de s'opposer à une invasion du
pays.
Tout membre, homme ou femme, de
la réserve et de l'auxiliaire doit se considérer en «alerte». Pour la première
fois la presse juive donne des consignes en cas d'attaques aériennes. Les
véhicules servant aux transports publics ont été réquisitionnés.
Les chefs militaires de la
Haganah déclarent que leur armée, forte de 50.000 hommes, la mieux équipée du
Moyen-Orient, est prête à s'opposer à toute invasion.
Jérusalem se trouve probablement
coupée du monde extérieur. Aucun câble ne peut plus être envoyé.
Aux termes d'un accord arabo-juif
signé le 1 er avril, Jaffa est devenu un port contrôlé par les Juifs. Les
forces de la Haganah pénétreront dans la ville dès que les troupes anglaises
quitteront Jaffa pour l'Egypte.
Dans le sud du pays, une violente
bataille se déroule entre la légion arabe et les hommes de la Haganah qui
défendent la colonie juive de Kfar Etzion.
Pendant ce temps, à Lake Success,
dans les organismes de l'O.N.U. essaient de trouver une solution de dernière
heure au conflit qui semble maintenant inévitable.
La Commission politique de
l'Assemblée générale étudie une proposition américaine selon laquelle un
médiateur de l'O.N.U. serait envoyé en Palestine, tandis que la commission
palestinienne serait dissoute. Il serait désigné par les Cinq Grands et aurait
pouvoir «de faire usage de ses bons offices avec l'aide des autorités locales
en Palestine».
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Proche-Orient
Le blocage des universités donne des ailes aux syndicats
patriotes (16.05.2018)
ENQUÊTE - Grâce à des coups
médiatiques devant les campus bloqués et des conférences qui attirent des
jeunes de plus en plus nombreux, des associations étudiantes souverainistes et
patriotes se positionnent comme rempart à l'extrême gauche universitaire. Et
font de l'ombre à l'UNI, le syndicat de droite traditionnel.
L'amphithéâtre N de Tolbiac a
fait salle comble en ce dernier jeudi de mars. Alors que la contestation
étudiante contre la loi orientation et réussite des étudiants (ORE) bat son
plein, 800 personnes sont présentes pour voter en assemblée générale (AG)
le blocage du campus parisien de l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne. Dans
la cohue, un groupe d'une dizaine d'étudiants opposés à cette occupation de la
fac émerge. Certains sont glabres et endimanchés, d'autres ont de longues
barbes hirsutes et le cheveu ras. Ils font pour la plupart partie de l'association
souverainiste La Cocarde étudiante, créée en 2015 au sein de l'université
Paris-II Panthéon-Assas. Devant eux à la tribune, une jeune femme, dans un
larsen de sono mal réglée, hausse le ton: «Un groupuscule fasciste s'est
incrusté dans nos rangs. Nous ne commencerons pas l'AG tant qu'ils resteront
ici.» La chasse aux sorcières ne dure pas longtemps. Cinq minutes plus tard,
des coups de pied atterrissent au beau milieu du visage des étudiants de La
Cocarde. Coups qu'ils rendent bien volontiers avant de se faire exclure sous
les hourras.
La menace du «groupuscule
fasciste» est une vieille antienne pour la gauche universitaire depuis la
création du Groupe union défense (GUD) à Assas en 1968. Réputé pour ses actions
violentes et particulièrement actif pendant les années 70, il a largement
décliné ces vingt dernières années. Aujourd'hui, «le GUD a complètement
disparu, explique Guillaume Leyte, le président d'Assas. Même si sa réputation
est indécrottable et que certains s'en autoproclament successeurs». Depuis cinq
ans, des associations patriotes et souverainistes se sont constituées, réfutant
officiellement toute affiliation avec les «gudards». Certaines ont des
ambitions politiques et quelques élus dans les universités, comme l'Union des
étudiants patriotes (UEP), fondée en 2014 à Assas, ou La Cocarde étudiante.
D'autres préfèrent les conférences et les actions coups-de-poing, comme
l'action française (AF) étudiante. En ce début d'année 2018, des militants de
La Cocarde et l'AF étudiante se sont réunis sur un groupe Facebook hostile aux
blocages des universités.
Une tradition de l'action
«Nous avons une tradition de
l'action, ici, c'est même notre nom ! On assume parfaitement cette violence
quand elle est au service de la raison.»
Cyriaque de Vulpillières,
président de l'AF (action française) étudiante à Paris
C'est une trentaine d'entre eux
qui, le 6 avril dernier, ont envoyé fumigènes, chaises et barres de fer
par-dessus les grilles de Tolbiac avant de se prendre en photo devant une
banderole «FAC LIBRE». L'université était alors complètement bloquée par une
centaine de militants hostiles à la
sélection dès l'entrée à l'université qu'institue, selon eux, la loi ORE dans
certaines filières. «La question de savoir si on doit bloquer une fac
ou pas ne devrait même pas être posée, défend Cyriaque de Vulpillières,
président de l'AF étudiante à Paris. Leurs assemblées générales ne représentent
pas les étudiants et ne valent rien.» Ce petit groupe a réitéré ces actions le
12 avril au campus de Clignancourt et le 10 mai dernier à Malesherbes
(Paris-IV tous les deux) avec à chaque fois des milliers de partages sur les
réseaux sociaux et des reprises dans tous les médias. À 21 ans, Cyriaque termine
sa licence de philosophie à la Sorbonne. Difficile d'imaginer ce brun blême au
visage encore poupin comme l'un des meneurs d'hommes de cette fronde. Pourtant
c'est bien lui qui, bonnet vissé sur la tête et gants coqués aux mains, est
allé «foutre la merde» à Tolbiac, Clignancourt ou Malesherbes. Lui aussi qui
est allé le 19 avril entarter
le député de La France insoumise Éric Coquerel, particulièrement
présent pour soutenir les étudiants bloqueurs ces dernières semaines. Les
retombées médiatiques de ces actions ont dépassé ses attentes et Cyriaque pense
que son groupe «a joué un vrai rôle dans les évacuations successives de
plusieurs campus en France».
» LIRE AUSSI - Tolbiac:
récit d'un mois d'occupation et de capharnaüm
Pour ces militants, de telles
actions sont l'assurance de déclencher des esclandres violents. Cyriaque le
sait et s'en accommode. «À part nous traiter de fachos, sans argument derrière,
ils (les bloqueurs, NDLR) ne sont pas bien menaçants, pique-t-il dans un
sourire que les minutes rendent de plus en plus goguenard. Nous avons une
tradition de l'action, ici, c'est même notre nom! On assume parfaitement cette
violence quand elle est au service de la raison.»
Doctrine maurrasienne
Un avis que ne partage évidemment
pas Jimmy Losfeld, le président de la Fage, syndicat étudiant majoritaire,
favorable à la loi ORE. «Ces associations instrumentalisent la situation dans
les universités pour légitimer leurs actions violentes», s'insurge-t-il. Vendredi
11 mai, six jeunes antibloqueurs - dont trois mineurs - étaient placés en garde
à vue pour «participation à un groupement formé en vue de la préparation de
violences», «violences en réunion», «vols en réunion» et «dégradation du
domaine public», après les incidents à Malesherbes.
«L'UNI ne fait plus rien en
dehors des élections universitaires. On ne les voit ni tracter, ni s'afficher
dans les assemblées générales. Ils ont laissé un espace vide en délaissant le
terrain.»
Quentin Limongi, le président de
La Cocarde étudiante
À ces actions sur le terrain,
l'UNI, principal syndicat de droite, préfère une ligne plus policée, enchaînant
- avec succès à l'université Toulouse-Jean-Jaurès récemment évacuée - les
requêtes et recours devant les tribunaux administratifs. Son président, Olivier
Vial, reproche aux associations souverainistes leur manque de structure. «Ces
mouvements ont une culture plus groupusculaire que politique, note-t-il. Ils ne
sont pas nouveaux et se recréent sous d'autres formes dès qu'ils meurent.» Le
quadragénaire l'assure, «ils sont très peu nombreux et ne représentent aucune
menace pour l'UNI». Mais, à se détourner des actions de terrain, la droite
universitaire risque bien de voir certains de ses sympathisants potentiels lui
tourner le dos. «L'UNI ne fait plus rien en dehors des élections
universitaires, juge Quentin Limongi, le président de La Cocarde étudiante. On
ne les voit ni tracter, ni s'afficher dans les assemblées générales. Ils ont
laissé un espace vide en délaissant le terrain.» Le président d'Assas confirme
que «les extrêmes - droite ou gauche - ont toujours une plus forte visibilité
lors d'événements comme les blocages» et que «les étudiants sont plus attirés
par leurs messages forts que par une droite plus traditionnelle».
» LIRE AUSSI - Natacha
Polony: «Sous les pavés, le naufrage»
Olivier Vial a raison sur un
point: ces associations restent assez confidentielles. Mais elles se
développent. Depuis un an, l'AF étudiante en Île-de-France est passée de dix à
une centaine d'adhérents, tous actifs et mobilisés. D'anciennes «coquilles
vides» à Strasbourg, Rennes ou Toulouse, épicentres de la grogne étudiante très
marquée à gauche, ont refait surface. L'UEP et La Cocarde ont quelques
centaines d'adhérents et une dizaine d'élus étudiants à eux deux. L'an dernier,
ils étaient «une centaine d'étudiants d'Assas à avoir voté pour l'une ou pour
l'autre lors des élections universitaires», précise Guillaume Leyte. Ces deux
associations viennent juste de trouver un nombre suffisant de jeunes filles
pour présenter leurs listes paritaires aux prochaines élections à Paris-I.
«Ces blocages nous ont permis
de faire passer certains messages. Parce que dans les moments de crise, les
gens se questionnent davantage sur leur investissement au sein de la société.»
François Bel-Ker, président de
l'AF
«Les buzz récents de La Cocarde
étudiante et de l'AF ne feront pas évoluer les mentalités à long terme», note
toutefois Pierre, le vice-président de l'UEP, qui préfère ne pas communiquer
son nom. Lui dit préférer «les cravates aux crânes rasés». Autrement dit, il
vante les mérites des conférences hebdomadaires qu'il organise pour «former la
jeunesse». Des événements dont l'AF est aussi friande, et où elle attire de
plus en plus de jeunes. Comme ce samedi 12 mai à Paris, dans une salle où se
sont réunies 350 personnes, en majorité des étudiants et des lycéens. Pour un
colloque sur la succession de Mai 68, douze étudiants sont venus
s'exprimer sous le regard forcément bienveillant de Jeanne d'Arc - présente en
affichettes et dans les discours. Les débats alternent entre des avis
d'«écologistes intégraux», d'instituteurs anti-élitisme ou d'antirépublicains
convaincus. Une «doctrine maurrassienne» que les étudiants de l'AF iront
ensuite transmettre devant leurs universités lors de séances de tractage, de
conférences ou de ventes de journaux à la criée. «Ces blocages nous ont permis
de faire passer certains messages, confirme le président de l'AF, François
Bel-Ker. Parce que dans les moments de crise, les gens se questionnent
davantage sur leur investissement au sein de la société.»
Si ces associations rejettent
l'UNI pour son affiliation au groupe LR, elles sont elles-mêmes proches de
certains hommes politiques qu'elles accueillent à leurs colloques. C'est le cas
de Nicolas Bay, l'ancien vice-président du Front national, proche de l'UEP. Ou
de Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) et de Jean-Frédéric Poisson, (Parti
chrétien-démocrate), «amis» de La Cocarde. «Ces associations ont de vrais
soutiens en politique, elles ne sortent pas de nulle part», renchérit Jimmy
Losfeld. Pendant quatre ans, dès 2014, un «Collectif Marianne» avait même été
créé par le Front national de la jeunesse (FNJ), pour grappiller des places
d'élus à l'université en faisant liste commune avec l'UEP. Il a été abandonné
cette année. «On part du constat que le combat universitaire est trop difficile
car noyauté par l'extrême gauche», explique le président du FNJ, Jordan
Bardella. Changement de braquet ces derniers temps: le FN est en train de
s'associer aux syndicats déjà présents sur son créneau. «Pour le volet
souverainiste à l'université, on a déjà l'UEP et La Cocarde», souffle-t-il.
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a plus rien» (23.05.2018)
INTERVIEW - Citoyenne engagée
contre l'islam radical, la journaliste est convaincue de la nécessité d'opposer
aux terroristes un projet moral.
Dans son deuxième livre, un
roman-enquête, Dans son cœur sommeille la vengeance (Plon, mai
2018), la journaliste franco-tunisienne, qui collabore à CNews et
Europe 1, revient sur les sujets qui l'obsèdent. Et notamment sur le sort
réservé aux enfants français du djihad.
LE FIGARO. - Vous venez de
publier votre deuxième livre, qui comme le précédent traite de la montée de
l'islam radical. Êtes-vous devenue une «journaliste engagée»?
Sonia MABROUK. - Je
suis surtout une citoyenne engagée. La
montée de l'islam radical est l'un des défis majeurs auxquels
notre société est confrontée. C'est un sujet qui concerne l'avenir de nos
enfants et ne devrait pas être clivant.
«Certains ne veulent pas
aborder ces thèmes de crainte de “stigmatiser”, “faire l'amalgame” entre tous
les musulmans»
Il y a, c'est vrai, chez certains
une frilosité, une forme de retenue qui n'est pas de l'indifférence mais une
posture de repli, le choix de ne pas parler de ce qui touche à l'islam par
crainte d'être systématiquement accusé d'islamophobie. On en arrive ainsi
parfois à une espèce d'inversion des valeurs. Certains ne veulent pas aborder
ces thèmes de crainte de «stigmatiser», «faire l'amalgame» entre tous les
musulmans. C'est un piège dans lequel on est en train de nous enfermer. Une
manière d'anesthésier le débat et de désigner des personnes comme moi - de
culture et de tradition musulmanes - comme étant suspectes, ennemies de
leur propre religion alors que, dans le même temps, on va presque trouver des
circonstances atténuantes à quelqu'un qui tient des propos troubles sur les
attentats.
J'ai l'habitude de dire que l'on
ne peut pas sonder les cœurs, savoir véritablement si une femme aujourd'hui, en
France, porte librement ou pas le voile. Il n'y a pas, à chaque fois qu'il y a
un voile, l'islam politique derrière. Mais dans certains cas, cela reste une
contrainte et le symbole d'un islam politique conquérant qui s'installe et
grignote la sphère publique en France. Une responsable syndicale universitaire
a évidemment le droit de porter le voile ou le turban. Mais
là où c'est gênant, c'est qu'elle porte une parole publique. On
peut s'interroger: est-ce que ses convictions religieuses n'interfèrent pas
avec le message qu'elle porte? Moi, je pense que la religion, c'est la sphère
privée.
En tout cas, la société
française doit de plus en plus faire face à l'islam radical.
Les citoyens l'ont constaté
depuis très longtemps. Ce qui me frappe, c'est toujours ce décalage entre ce
que voient les Français et les actes des responsables politiques. À chaque
drame, on se retrouve à leur poser les mêmes questions. Il y a un vide, une
répétition sur ce sujet qui ne semble pas se combler. On ne peut pas combattre
l'ennemi si on ne le nomme pas. Mais une fois nommé, que fait-on concrètement?
On ferme trois mosquées salafistes, et après? Quand certains membres de la
majorité disent que les prêches en arabe ressemblent aux messes en latin, là il
y a une confusion dangereuse, contre-productive et vraiment pas à la hauteur du
débat que l'on doit avoir en France.
«L'objectif n'est pas de
convaincre les convaincus, c'est d'essayer de fédérer ceux qui sont dans une
zone grise, hésitent»
Est-il compliqué d'avoir une
position nuancée?
Oui, j'ai dit récemment que je
n'étais pas contre le voile et cela a provoqué des réactions hystériques. Or,
il faut comprendre qu'aujourd'hui les engagements trop «radicaux» ne sont plus
écoutés. Si on va trop loin, on devient sa propre caricature. L'objectif n'est
pas de convaincre les convaincus, c'est d'essayer de fédérer ceux qui sont dans
une zone grise, hésitent. Si vous leur dites à longueur de journée que le voile
c'est mal, ils ne vous écoutent plus.
Y a-t-il une réponse à la
question du retour en France des enfants djihadistes?
C'est
une situation totalement inédite. Les avocats, les familles de ces
enfants, les services de protection de l'enfance estiment que l'on ne peut pas
réagir face à des enfants comme face à des djihadistes adultes. Les services de
renseignements soulignent que certains sont des bombes à retardement. Je ne
veux pas trancher mais donner à réfléchir. Refuser le retour de ces enfants
signifie que l'on n'a plus confiance dans notre école, en nos valeurs, en une
forme de rédemption. Mais à un moment donné, si on ne s'accroche plus à ces
valeurs, il n'y a plus rien.
Rédemption… Il faut donc selon
vous mettre en avant, nous aussi, nos valeurs religieuses?
«Le problème le plus important
concernant l'islam, c'est sa représentativité, qui sont ses représentants. On
ne les connaît pas: il n'y a pas de hiérarchie, pas de clergé»
En France, pays laïque, dès que
l'on évoque la transcendance ou la spiritualité, certains prennent peur. Mais
il faut être lucide: il y a en face de nous des gens capables de mourir pour
leur projet mortifère ou idéologique. Et, nous, que répond-on? On parle de
fichiers S, de policiers, de renseignements sans insister sur ce qui nous
lie. Le général de Gaulle disait: «Même lorsque nous mourons nous allons vers
la vie.»Tout est dans cette phrase lumineuse! À cette aune, la
mort d'Arnaud Beltrame a été un élément majeur. Par
sa vie, son parcours, sa religion (il a été franc-maçon puis
chrétien), il a opposé aux terroristes un projet moral auquel tous les citoyens
peuvent adhérer.
Espérez-vous une organisation
de l'islam de France?
Le problème le plus important
concernant l'islam, c'est sa représentativité, qui sont ses représentants. On
ne les connaît pas: il n'y a pas de hiérarchie, pas de clergé. Donc réformer,
oui, mais avec qui, toute la question est là. Certains sont favorables à un
islam compatible avec nos valeurs mais cette majorité silencieuse, parfaitement
intégrée, n'a pas envie de s'exposer.
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 24/05/2018.
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Enquête et renforts policiers après l'irruption d'un commando
armé dans une cité de Marseille (22.05.2018)
- Par Le
figaro.fr AFP agence
- Publié le 22/05/2018 à 18:59
Lundi, peu avant 17 heures, un
commando armé de Kalachnikov a fait irruption dans une cité du nord de
Marseille, la Busserine, mettant en joue des policiers. Ce mardi, une enquête a
été ouverte et Emmanuel Macron a déploré la «grande violence» qui gangrène
certains quartiers.
Un
commando armé de Kalachnikov qui tire en plein après-midi et met des policiers
en joue: la scène s'est jouée lundi dans une cité de Marseille, dans le sud
de la France, suscitant l'émoi dans le pays. Le président français Emmanuel
Macron a déploré ce mardi la «grande violence» qui gangrène certains quartiers,
alors qu'il présentait des initiatives pour améliorer la vie dans les zones
défavorisées: «Oui, nos quartiers ont du talent, mais oui, dans nos quartiers,
il y a aussi de la violence, il y a des choses qui ne vont pas, et c'est
explosif».
Lundi, peu avant 17 heures, trois
ou quatre voitures ont fait irruption dans une cité du nord de Marseille, la
Busserine, déshéritée et gangrenée par le trafic de drogue. À leur bord, une
dizaine d'assaillants encagoulés et habillés de noir, équipés d'armes de poing
et d'armes longues de type Kalachnikov. Les malfaiteurs tirent en l'air et
frappent un témoin, un habitant de la cité, à coups de crosse. Vingt-quatre
heures après, les enquêteurs cherchent également à confirmer le possible
enlèvement d'un «guetteur», petite main du trafic de drogue, par ce commando,
signalé par un témoin selon le procureur de la République de Marseille, Xavier
Tarabeux.
Dans leur fuite, les assaillants,
dont l'une des voitures était équipée d'un gyrophare, et qui portaient, selon
des témoignages, des brassards de police, n'hésitent pas à mettre en joue les
forces de l'ordre qui se trouvent à proximité. Les policiers tirent à quatre
reprises en direction de l'une des voitures des malfaiteurs, brisant la vitre
avant, mais sans pouvoir les empêcher de prendre la fuite par l'autoroute.
Pas de «piste précise»
Sans «pour l'instant de piste
précise», la justice privilégie toutefois celle d'une «intimidation liée au
trafic de stupéfiants», a précisé le procureur. Le «narcobanditisme des cités»,
fait régulièrement couler le sang entre bandes rivales. Les règlements de
comptes ont fait neuf morts depuis le début de l'année dans la région
marseillaise.
En février 2015, une fusillade
avait éclaté entre des policiers et des trafiquants de drogue qui avaient
recruté des «mercenaires kosovars», sans faire de blessés, dans une autre cité
sensible de Marseille, à La Castellane. Les auteurs ont été condamnés début
avril à des peines allant jusqu'à 13 ans de prison. Mardi, dans la cité de la
Busserine, au pied des tours de béton coincées en bordure d'une rocade
autoroutière en construction, des renforts de police ont été envoyés pour
assurer le calme. Ici, «tout le monde a peur, on ne sait pas où on va», a
témoigné une habitante.
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AFP agence
Macron demande des tests anti-discriminations dans les
entreprises (22.05.2018)
- Par Luc
Lenoir AFP agence
- Mis à jour le 22/05/2018 à 19:05
- Publié le 22/05/2018 à 16:14
Le président a demandé mardi
aux 120 plus grandes entreprises françaises de «prendre leur part» dans la
lutte contre le chômage qui sévit dans les quartiers.
«Je veux que vous preniez votre
part», a lancé le président de la République lors de la présentation de son
plan pour les banlieues à l'adresse des entreprises du SBF120. Il réunira «en
juillet» ces entreprises qui composent l'indice boursier regroupant les 120
principales valeurs françaises. «Vous allez m'aider et montrer à tous les
esprits chagrins que quand on aide les entrepreneurs à réussir, ça peut être
efficace et juste», a-t-il lancé, les appelant à une «mobilisation citoyenne».
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Paris, un restaurant chic accusé de discriminer «les arabes, les moches et les
vieux»
Devant un parterre d'élus, de
responsables associatifs et d'entrepreneurs, Emmanuel Macron a également
annoncé que ces entreprises seraient en trois ans soumises à des «testing»
(tests anonymes) pour détecter les cas de discrimination à l'embauche, au
rythme de 40 par an.
«Nous allons généraliser le
testing, vérifier les comportements et s'assurer qu'il n'y a pas de
discrimination à l'embauche. Les entreprises du SBF120 commenceront le testing
avec 40 entreprises par an et 120 seront testées en 3 ans», a-t-il déclaré en
présentant ses mesures pour les banlieues. Dans les 1300 quartiers prioritaires
en métropole, le chômage touche en effet un quart de la population en 2016
contre moins de 10% ailleurs. Parmi les moins de 30 ans, le taux de chômage
atteint 35%. Pour beaucoup d'observateurs et de militants politiques, les
jeunes des banlieues seraient victimes de discriminations au moment de
l'embauche.
Le «testing», méthode reconnue
ou provocation?
Le «testing» ou test de discrimination,
est une opération visant à mettre en évidence les éventuelles discriminations
qui visent une partie de la population en fonction de ses origines, d'un
handicap, d'une orientation sexuelle ou de l'aspect physique et potentiellement
tout signe distinctif (accent, âge, etc.). Il s'agit d'une méthode ancienne
mais popularisée par SOS-Racisme dans
les années 1990, lorsque des militants tentaient de s'introduire dans des lieux
de fête privés, leurs difficultés d'admission s'apparentant selon eux à du
racisme.
Dans certains cas, l'opération de
testing peut être suivie d'une délation ou d'une plainte, et les juridictions
pénales ne peuvent l'écarter d'office, en tant que mode de preuve valide. Au
fil des années, la méthode s'est politisée et est désormais surtout utilisée
par les associations antiracistes, mais pas uniquement: en 2016, une vaste
opération avait été menée par le ministère du travail et son service
statistique, la DARES. Une quarantaine d'entreprises de plus de mille salariés
avaient été testée: un cabinet envoyait deux candidatures presque identiques
pour chaque offre (âge, compétences, quartier, etc.), l'une avec un nom que la
DARES qualifie d'«hexagonal», l'autre avec un nom à consonnance maghrébine. Le
taux de réponse positive était de 47% dans le premier cas, et 36% pour les
candidatures à consonance maghrébine. L'écart moyen de 11 points se retrouvait
pour les hommes comme pour les femmes, et pour les postes d'employés comme de
managers.
Les entreprises les plus
pénalisantes avaient été reçues au ministère du travail pour «s'expliquer» et
mettre en place des plans d'action. L'opération avait coûté 204.800 euros,
selon le Bondy blog. D'autres
actions ont été organisées, notamment sur l'accès au crédit, avec le
soutien du Défenseur des droits Jacques Toubon.
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«La radicalisation tchétchène, un nouveau risque
terroriste ?» (22.05.2018)
Par Olivier Hassid et Artem
Ter-PogosyanMis à jour le 22/05/2018 à 18h28 | Publié le 22/05/2018 à
18h27
FIGAROVOX/TRIBUNE - Après
l'attentat de l'Opéra, Olivier Hassid et Artem Ter-Pogosyan, deux chercheurs,
analysent les enjeux de la montée de l'islamisme radical dans la diaspora
tchétchène européenne.
L'attentat au couteau perpétré le
samedi 12 mai à Paris renforce l'idée que le phénomène de radicalisation
de personnes tchétchènes sur le territoire national doit être regardé avec une
grande attention. Moins de quarante-huit heures après l'attentat, en
effet, les autorités ont révélé l'identité de l'assaillant: Khamzat Azimov, un
jeune homme d'origine tchétchène naturalisé en 2010. Avant de déménager à
Paris, l'homme vivait dans le quartier de l'Elsau, à Strasbourg, où habitent
entre 10.000 et 15.000 réfugiés tchétchènes. Il était également
fiché S en raison de sa proximité avec des membres de
la mouvance islamiste radicale strasbourgeoise.
La diaspora tchétchène en France
est l'une des plus grandes en Europe et compte environ 30.000 personnes.
Jusqu'au milieu des années 2010, même la
partie radicale restait discrète. Les extrémistes ne voyaient pas
la France et, de manière plus générale, les pays européens comme des cibles.
Pour eux, l'Europe représentait un lieu de repos, de collecte d'argent et de
recrutement de nouveaux membres des cellules terroristes pour aller combattre
en zone de guerre.
Cette situation a changé
récemment. Il a, en effet, fallu attendre 2016 pour que des réfugiés
tchétchènes soient expulsés vers la Russie pour des liens présumés avec les
extrémistes islamiques. C'était le premier cas depuis vingt ans et il
représentait une première alerte.
«Les recruteurs des
terroristes instrumentalisent le sentiment de frustration des réfugiés
tchétchènes.»
Cette montée de l'islamisme
radical parmi les jeunes issus de Tchétchénie est liée à la fois à la situation
actuelle en république caucasienne et à la guerre contre Daech en Irak et en
Syrie. Même si la guerre de Tchétchénie s'est terminée en 2000 et que le régime
de l'opération antiterroriste (KTO) a été levé en 2009, les attaques
terroristes dans la république caucasienne continuent. Les groupes terroristes
en Tchétchénie ont des liens avec la diaspora tchétchène en Europe. Ainsi, en
Autriche, en 2012-2015, toutes les condamnations prononcées pour le financement
du terrorisme concernaient les personnes qui collectaient les fonds auprès de
la diaspora tchétchène en Europe pour soutenir les organisations terroristes en
Tchétchénie telles que l'Émirat du Caucase.
Par ailleurs, les recruteurs des
terroristes instrumentalisent le sentiment de frustration des réfugiés
tchétchènes, le chômage et la souffrance de leurs familles dans les années
1990. L'attentat lors du marathon de Boston en 2013 est un exemple marquant de
la radicalisation réussie qui a poussé les jeunes d'origine tchétchène à passer
à l'acte et à perpétrer les attaques dans un pays occidental.
«Les Tchétchènes semblent
respectés au sein de Daech.»
Enfin, depuis le déclenchement de
la guerre contre Daech, la Syrie et l'Irak sont devenus des lieux de
prédilection pour beaucoup d'extrémistes de Tchétchénie et du Nord Caucase en
général. En Syrie, du reste, on trouve probablement des Tchétchènes dans les
deux camps. D'une part, des soldats tchétchènes combattraient aux côtés de
l'armée de Bachar el-Assad car le président tchétchène, Ramzan Kadyrov, aurait
envoyé des instructeurs militaires, y compris les Spetsnaz, pour «protéger le
leader syrien». D'autre part, selon les données du ministère de l'Intérieur
russe et le cabinet de conseil Soufan Group, 1700 Tchétchènes et 1200
Daghestanais sont partis faire le djihad en Syrie et en Irak. Certains
combattants venant du Caucase occupent des postes à haute responsabilité au
sein de l'État islamique (EI) comme Abou Omar al-Chicani qui était «émir» de
toute l'armée de l'EI. Les Tchétchènes semblent respectés au sein de
l'organisation car une partie importante d'entre eux ont une expérience
militaire acquise pendant deux guerres contre la Russie ou l'insurrection
clandestine des années 2000. Les défaites de l'EI entraînent le retour de
djihadistes dans leurs pays d'origine et augmentent le risque des attaques
terroristes. Ainsi, plusieurs attentats planifiés par des anciens de l'EI ont
été déjoués en Russie en 2017-2018.
Dans ce contexte, l'Europe et
plus particulièrement la France ne sont donc pas à l'abri d'attaques de plus
grande ampleur. Les services de renseignements allemands ont produit une note
récente soulignant un risque imminent d'attaques sur le territoire allemand.
Même s'il convient d'être prudent et de ne surestimer la menace terroriste
provenant de personnes d'origine du Nord Caucase, il faut néanmoins que nos
services de renseignement intérieur et extérieur surveillent plus
particulièrement les personnes d'origine tchétchène et daghestanaise qui sont
déjà dans les radars.
Olivier Hassid est
directeur de PwC et enseignant à l'université Paris Ouest-Nanterre. Artem
Ter-Pogosyan est géopolitologue.
La rédaction vous
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Marion Maréchal dévoile son Académie politique (22.05.2018)
- Par Charles Sapin
- Mis à jour le 22/05/2018 à 15:40
- Publié le 22/05/2018 à 15:10
LE SCAN POLITIQUE - L'Institut
des sciences sociales économiques et politiques accueillera ses premiers
étudiants au mois de septembre.
Ce sera donc l'Institut
des sciences sociales économiques et politiques (ISSEP). Marion
Maréchal a décidé, ce mardi, de mettre fin au suspense qui entourait le
lancement de son Académie politique dont elle avait dessiné les contours au
mois de février. Sur les réseaux sociaux, l'ancienne députée FN du Vaucluse a
dévoilé le nom comme le contenu pédagogique de l'établissement dont elle est
désormais la directrice générale et qui devrait être inauguré le 22 juin prochain.
Basé à Lyon dans le quartier de
la Confluence, l'ISSEP desservira à partir de septembre deux types de
formations: une formation continue le week-end ainsi qu'un magistère ( niveau
Bac+5) sur deux ans - intégrable à niveau bac+3 - pour quelque 5500 euros par
an. Selon le site internet de l'établissement, mis en ligne dans la matinée,
seront dispensés des cours de gestion de projet, de droit constitutionnel,
d'analyse électorale comme plusieurs activités «afin de transmettre aux
étudiants les richesses du savoir-vivre et du savoir être à la française.»
Celle qui dans une tribune,
parue dans Valeurs actuelles au mois de février, ambitionnait d'investir
les champs de la «métapolitique» en créant une académie susceptible de
«détecter et former les dirigeants de demain», s'est entourée, pour y parvenir,
d'un solide «conseil scientifique». Composé de neuf membres, celui-ci brille
par le positionnement très droitier de ses membres. Si l'école aspire à
réconcilier sur ses bancs «tous les courants de la droite», seuls les plus
conservateurs ont leur place au sein de la direction: Y figure le secrétaire
général du Mouvement pour la France et proche de Philippe de Villiers, Patrick
Louis ; Pascal Gauchon, ancienne figure du Parti des Forces Nouvelles (PFN) né
d'une scission avec le FN en 1974, le constitutionnaliste Guillaume Drago ou
encore le directeur de la revue l'Incorrect, Jacques de Guillebon, proche parmi
les proches de l'ancienne députée. Raheem Kassam, rédacteur en chef de
l'antenne anglaise de Breitbart news et membre de l'UKIP, le parti pour
l'indépendance du Royaume-Uni de Nigel Farage, y siège également, apportant une
caution internationale au comité scientifique.
La cité royale perdue de Mardaman retrouvée grâce à des
tablettes vieilles de 3000 ans (22.05.2018)
- Publié le 22/05/2018 à 18:03
Une équipe de chercheurs
allemands a retrouvé une ancienne capitale perdue du Proche-Orient en
déchiffrant des tablettes d'argile mystérieusement scellées dans une jarre.
Elle se trouvait en fait sur le site même de leurs fouilles.
Ils étaient assis dessus depuis
2013, mais n'en avaient pas la moindre idée. Une équipe de chercheurs allemands
de l'université
de Tübingen a découvert en 2017 l'emplacement d'une ancienne ville
royale de Mésopotamie (ils n'ont annoncé leur découverte qu'en début de mois),
Mardaman, en déchiffrant des inscriptions retrouvées sur 92 tablettes cachées
dans une jarre en argile scellée. Elle se situait sous leurs pieds, sur le site
même de leurs fouilles àBassetki,
au Kurdistan irakien.
«Cette découverte est vraiment
intéressante», explique
Bertrand Lafont, directeur de recherche au CNRS, membre de l'équipe Histoire et
Archéologie de l'Orient cunéiforme. «Mardaman était connue des
historiens du Proche-Orient depuis plusieurs années. Mais nous ne savions pas
du tout où elle se trouvait.» Trois textes découverts sur le site de Mari, en
Iran, font référence à cette capitale à trois différentes époques, aux XXIIIe
siècle, au XXIe et au XVIIIe avant J.-C. On sait que Mardaman a été intégré à
l'empire assyrien au XVIIIe siècle avant J.-C. À l'époque, Tiš-Ulme règne sur
la ville. Mais de lui, on ne sait pas grand-chose, si ce n'est qu'il était
Hurrite (c'est son nom qui nous l'indique) et qu'il a dû combattre, depuis sa
capitale, pour se défendre contre les visées impérialistes de Šamši-Adad Ier.
«Šamši-Adad Ier était un grand roi assyrien», explique Bertrand Lafont. «C'est
le premier qui a vraiment réussi à unifier une sorte d'empire au nord de
l'Irak.»
Un Irak longtemps divisé en
deux
Les tablettes découvertes datent,
elles, du XIIIe siècle avant J.-C, soit près de quatre siècles après les
conquêtes de Šamši-Adad Ier. «Cette période est, pour l'instant, très mal
connue,» précise Bertrand Lafont. «On sait que c'est une période
d'élargissement pour le
royaume assyrien qui contrôle depuis le XIVe siècle le nord de l'Irak,
la Syrie et l'Anatolie.» L'Irak était alors divisé en deux, avec les Assyriens
au nord, dont la capitale est établie à Assur sur le bord du Tigre. Au sud,
s'étendait le royaume babylonien avec comme capitale Babylone, sur les bords de
l'Euphrate. «Le XIIIe siècle est assez paradoxal pour Babylone,» explique
Bertrand Laffont. «C'est une phase peu brillante pour l'empire qui se replie
sur lui-même, mais la ville de Babylone commence à s'imposer à cette période
comme capitale culturelle. C'est intéressant, car il y a une sorte de
permanence dans cette partition. Aujourd'hui, on retrouve la même division dans
la répartition entre Chiites et Sunites.» Cette partition durera jusqu'au début
du royaume néoassyrien qui non seulement réussira à conquérir Babylone au Xe
siècle, mais ira même jusqu'en Egypte.
Un contexte de fouille très
difficile
Les chercheurs allemands n'ont
pas encore accompagné leur découverte d'une publication, ils précisent
cependant que les tablettes ont été trouvées dans une jarre en argile. «La
seule chose que l'on sait de ces tablettes, c'est qu'elles nous indiquent
l'emplacement de Mardaman (et c'est déjà beaucoup!),» rajoute Bertrand Lafont.
«Mais on ne connaît pas leur contenu précis. Qu'elles se trouvent dans une
jarre n'est pas surprenant. Par contre que celle-ci soit scellée l'est beaucoup
plus. Malheureusement, nous ne pouvons que faire des suppositions. Peut-être
qu'elle contenait des correspondances diplomatiques qu'il fallait protéger!»
Au-delà du fond, cette découverte
s'inscrit dans un contexte particulier. Il est de plus en plus difficile de
faire des recherches sur toute la période du Proche-Orient antique. En raison
du conflit syrien, la seule région accessible est désormais le Kurdistan.
«L'enjeu des fouilles y est d'autant plus important que pendant très longtemps
nous n'avons pas pu y mettre les pieds. À l'époque de Saddam Hussein, la zone
était totalement fermée.» Espérons que de nouvelles découvertes continuent à
nous éclairer sur cette période encore très méconnue de l'Histoire.
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l'heure des premières fois
« Les votes populistes ne sont pas des coups de force
mais des colères froides » (22.05.2018)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Dominique
Reynié, le directeur de la Fondapol, s'étonne que certains commentateurs nient
encore les angoisses qui génèrent le vote « antisystème ». Les
gouvernements européens n'ont qu'une alternative: prendre au sérieux la
question des frontières ou être balayés par des coalitions populistes.
LE FIGARO.- Pour la première
fois, un gouvernement «antisystème» a pris la tête d'un pays fondateur de
l'Union européenne. Cet évènement inédit signifie-t-il que la montée des
populismes est loin d'être terminée?
Dominique REYNIÉ. - Certains
ont pu croire que la progression électorale des populismes en Europe était en
train de s'essouffler, mais sans avoir pourtant les raisons de le penser. C'est
un vœu pieux de la part de gouvernants et d'analystes que ne venait étayer
aucun indicateur. Tout indique au contraire que la poussée des populismes va se
poursuivre. On franchit un nouveau cap: d'abord les populistes ont fortement
modifié l'agenda politique, contraignant le monde médiatique à les prendre en
compte ; puis, ils ont pris part à certaines coalitions éphémères ;
aujourd'hui s'ouvre la phase de leur accès au pouvoir. En
Italie, l'événement est très important mais vient de loin: le
Mouvement 5 étoiles a été fondé en 2009 et Matteo Salvini relance
la Ligue depuis 2013, la faisant passer d'un parti régionaliste europhile à un
parti nationaliste eurosceptique. L'Italie était l'un des pays les plus
favorables à l'UE. Comme nous l'avons mesuré dans notre enquête Où va la
démocratie? (Fondation pour l'innovation politique/Plon, 2017), il est
lentement devenu l'un des plus critiques vis-à-vis de l'Union européenne et
même de l'euro.
Certains commentateurs
prédisent déjà l'échec de cette coalition hétéroclite aux propositions
démagogiques…
Évidemment, le programme
politique de cette coalition va être difficile à mettre en œuvre ; il
n'est pas compatible avec les règles de l'Union européenne. Mais je suis
estomaqué par la cécité dont témoignent toujours les commentateurs. À chaque
élection européenne, on assiste au même phénomène de déploration du manque de
jugement des électeurs. Cela donne le sentiment, désastreux, que les élites
médiatiques et politiques n'arrivent plus à accepter le résultat d'une
expression de plus en plus forte, élection après élection. Les votes populistes
ne sont pas des coups de force mais des colères froides. Ils sont l'expression
claire, manifeste et répétée, d'inquiétudes qui ne s'expriment ni par la
violence ni par la haine, mais par le vote, par des procédures démocratiques et
au profit d'organisations politiques qui ne sont pas interdites. C'est
précisément le refus obstiné d'entendre cette colère qui fait le carburant des
populismes!
La victoire d'Emmanuel
Macron il y a un an, qui a pu faire croire à un reflux des
populismes, était donc une exception?
En avril 2017 s'est jouée en
France une finale entre une candidate «antisystème» et un candidat «hors
système». Marine Le Pen s'est heurtée au plafond monétaire: sa défense de la
sortie de l'euro a rendu son succès impossible. Partout en Europe, le rejet des
institutions européennes est plus fort que celui de l'euro. D'après notre
étude, il y a 51 % d'attachement à l'UE en moyenne (33 % pour
l'Italie) pour 60 % d'attachement à l'euro (45 % en Italie).
Le «style de vie», ce que
j'appelle «patrimoine immatériel», a pris le dessus sur les considérations
économiques.
Dominique Reynié
Pourtant en Italie, le succès
des populistes repose à la fois sur une critique de l'immigration incontrôlée
et de la rigueur budgétaire. Est-ce l'économie ou l'identité qui prime dans le
vote populiste?
Je suis pour ma part convaincu
que le «style de vie» ce que j'appelle «patrimoine immatériel» a pris le dessus
sur les considérations économiques. On commémore cette année la naissance de
Marx mais c'est désormais l'immatériel qui gouverne la politique. Comme on peut
le constater en Europe centrale et orientale, il n'y a pas de détermination
entre crise économique et vote populiste. En Italie le vote est avant tout
«antisystème» contre «la casta» comme dit Beppe Grillo.
Voyez aussi ce qui se passe en
Allemagne, qui est très important. Le système politique allemand peut-il encore
fonctionner? La coalition au pouvoir est celle qui a été désavouée dans les
urnes et les partis qui la composent ne veulent pas prendre le risque de
nouvelles élections qui pourraient amplifier le résultat de septembre. C'est là
le résultat logique de la décision d'Angela Merkel d'accueillir un million de
migrants. La désinvolture envers la frontière est en train de cristalliser
l'orientation populiste des électorats. Le parti de la déploration espère
secrètement un retour à la normale, vers une Europe qui serait redevenue
indifférente aux enjeux du populisme patrimonial. Mais ça n'arrivera pas si
rien n'est fait pour conjurer l'angoisse des peuples. Il est indispensable que
l'Europe s'oriente vers la défense d'une frontière commune, ou bien l'Union
européenne disparaîtra.
N'y a-t-il pas un début de
prise de conscience?
Il y a quelques jours en Suède,
on a vu un durcissement très significatif de la politique d'immigration à
l'initiative du gouvernement social-démocrate. En février 2018, au
Danemark, c'était le centre droit, appuyé par les populistes et les
sociaux-démocrates, qui prenait des mesures drastiques pour répondre aux échecs
de l'intégration. Après vingt-cinq ans de surdité, on observe depuis début
2018, une évolution sensible dans une partie croissante des pays européens en
faveur d'une régulation plus stricte de l'immigration et d'une gestion plus
rigoureuse de l'intégration. Il n'est peut-être pas encore trop tard. Le choix
qui s'offre à nous est limpide: ou bien les gouvernants européens se montrent
capables de répondre rapidement aux attentes exprimées électoralement, ou bien
les coalitions populistes de gouvernement se multiplieront, jusqu'à faire
tomber l'euro et donc l'Europe.
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De Marseille à Grenoble, la police confrontée à de multiples
agressions (22.05.2018)
VIDÉO - Tandis que le président
de la République a devoilé, mardi, son plan pour la banlieue, il semble de plus
en plus difficile aux forces de l'ordre de maintenir l'ordre et la sécurité
dans nombre de cités.
Marseille, décidément, a l'art de
prendre à contre-pied la communication gouvernementale. Alors qu'Emmanuel
Macron dévoilait ce mardi son plan banlieue, les réseaux sociaux, les sites et
chaînes d'information diffusaient en boucle une scène de Far West survenue la
veille dans la Cité phocéenne. On y voit, en plein après-midi, dans les
quartiers nord, cité de la Busserine, de courageux équipages de la
brigade anticriminalité submergés par le nombre et la puissance de feu de
voyous en tenue de ninja qui manœuvrent à bord de voitures
semblables aux leurs. Avec gyrophares et brassards de police, selon des
riverains. Selon le procureur local, un témoin assure même que la dizaine de
malfaiteurs impliquée a aussi kidnappé un guetteur de la cité.
En 2015 déjà, Manuel Valls, alors
premier ministre, avait appris combien la situation peut se retourner
rapidement dans ces zones de «non-droit». Ce jour-là, un 9 février, il
était venu affirmer son autorité autour du Vieux-Port, avec tout un aréopage de
hauts responsables policiers arrivés de Paris. Ce fut une déroute médiatique.
Car, au même moment, la ville de Defferre, des Guerini, du Belge, du Mat, est
devenue un théâtre de guerre, dans le quartier de la Castellane. Lors de cette
fusillade entre policiers et trafiquants de drogue, le chef de la Sécurité
publique local a lui-même essuyé des tirs. Les truands avaient été jusqu'à
recruter des «mercenaires kosovars» pour une opération commando contre des
concurrents. Et la police a calé au départ, face aux kalachnikovs.
Des effectifs en plus
Bien sûr, elle s'est ressaisie
depuis et les arrestations survenues dans la foulée ont abouti à un jugement le
6 avril, avec des condamnations jusqu'à treize ans de prison. Pas de quoi
impressionner cependant ceux qui se redistribuent localement le gâteau des
stups, composé de cannabis et
de plus en plus de cocaïne.
Ce marché rapporte, il est vrai, plus de 100.000 euros par mois dans
chacune des cités considérées comme les plaques tournantes du trafic. Face un
tel vivier criminel, la justice débordée a toujours un train de retard. Et la
police fait de moins en moins peur.
Il
suffit de lire les synthèses des événements qui tombent jour après jour sur
le bureau du premier flic de France, Gérard Collomb, et de ses grands subordonnés.
Ces faits divers trahissent la dégradation inexorable du climat sécuritaire,
loin des slogans lancés à coups de grands symposiums après chaque changement de
ministre Place Beauvau.
En seulement quatre mois depuis
janvier, plus de 11.000 violences à dépositaires de l'autorité ont été
recensées, contre 10.400 durant la même période l'an dernier. Cela fait
quatre-vingt-onze policiers, gendarmes ou pompiers agressés chaque jour…
Entre trois et quatre en moyenne toutes les heures! À Toulouse, mercredi, cinq
policiers ont été blessés alors qu'ils tentaient de contrôler un véhicule près
d'un point de deal.
À
Pau, vendredi, le lynchage à mort d'un délinquant français
originaire du Burkina Faso par une bande de voyous, âgés
de 12 à 15 ans, a traumatisé les habitants du quartier de Saragosse.
La police reconnaît être dépassée par cette violence juvénile radicalisée.
Enfin, à Grenoble, lundi, des CRS
en repos, de la CRS 43 de Chalon-sur-Saône, qui rentraient à leur
cantonnement, ont été agressés par une bande d'une quinzaine de voyous
embusquée dans des buissons. Bilan: quatre policiers blessés, dont deux
hospitalisés. Un traquenard en règle tendu à des agents en civil.
Pour ce qui est de Marseille, en
tout cas, Beauvau promet une soixantaine d'effectifs de police en plus. L'État
donnera sans doute la réplique. Mais de là à reconquérir les quartiers…
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Fake news, l'État doit montrer l'exemple (24.05.2018)
Une étude démontre qu'au premier
trimestre au moins 600 annonceurs français, dont l'État et des entreprises
dont il est actionnaire, ont figuré sur des sites de fausses nouvelles, conspirationnistes
ou de propagande.
Top départ pour l'examen de la
proposition de loi sur la lutte contre les fakes
news. Après l'audition de la ministre de la Culture, Françoise Nyssen,
lundi devant les députés, la commission des lois a adopté mercredi plusieurs
amendements pour améliorer le texte déposé en mars par Richard Ferrand. Au
programme, une définition plus précise des «fausses informations» afin
d'exclure les textes d'opinion et de satire, une limitation des sanctions aux
informations fausses diffusées «de mauvaise foi» pour préserver les organes de
presse. Enfin, le texte restreint le champ des personnes publiques et morales
qui pourront saisir le juge en référé: seuls l'État, les partis ou groupements
politiques et les candidats à une élection seront habilités à le faire. La loi anti-fake
news ne s'appliquera en effet qu'en période électorale pour des scrutins
nationaux.
Le texte sera débattu en séance à
l'Assemblée nationale à partir du 7 juin. Il s'attaque au problème en aval
- les condamnations pourront aller jusqu'à un an de prison et 15.000 euros
d'amende si une fausse information diffusée massivement est de nature à
manipuler l'issue du scrutin. Mais «l'État et les entreprises doivent aussi
être exemplaires sur le sujet en amont», estime David Lacombled, ex-président de
l'IAB France et président du think-tank La Villa Numeris. «Nous avons mené une
étude qui démontre qu'au premier trimestre au moins 600 annonceurs
français, dont l'État et des entreprises dont il est actionnaire, ont figuré
sur des sites de fausses nouvelles, conspirationnistes ou de propagande»,
annonce-t-il. En cause, le programmatique, où les espaces où apparaissent les
publicités en ligne sont choisies par un algorithme et non un être humain.
Cette technique automatisée de commercialisation des inventaires publicitaires
a connu des ratés et fait apparaître des annonces de marques respectables sur
des sites ou des vidéos au contenu douteux. L'État n'y a pas échappé.
5 millions d'euros de
manne publicitaire par an
Le Canard enchaîné avait
révélé début mai que des publicités de recrutement pour l'armée de terre
étaient apparues sur des sites néonazis. Villa Numeris compile d'autres
exemples, comme une annonce pour la déclaration des impôts sur un site de fake
news, ou des publicités Air France, Radio France, RATP, La Poste ou Engie sur
des pages Internet de même nature. «À leur corps défendant, les entreprises et
l'État financent ces sites et leur donnent une légitimité aux yeux des
internautes», déplore David Lacombled.
D'après le think-tank, ces
publicités, tous types d'annonceurs confondus, représenteraient une manne d'au
moins 5 millions d'euros par an pour les sites de fake news français.
«C'est une petite somme mais dont l'effet est dévastateur. Le nombre d'articles
faux croît de 15 % par mois. On peut endiguer une partie du phénomène en
tapant dans le portefeuille de ces sites» dont la plupart des administrateurs
sont motivés par l'appât du gain. Villa Numeris a alerté Bercy, qui mène des
études approfondies pour quantifier le problème et trouver des solutions afin
que l'État cesse de financer contre son gré la désinformation.
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 25/05/2018.
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depuis 2011. Pour me suivre sur Twitter : @W_Chloe
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Les rebelles Rohingyas coupables de plusieurs crimes contre
des villageois hindous ? (24.05.2018)
Par Morgane
Rubetti et AFP agencePublié le 24/05/2018 à 10h39
À la suite d'une enquête, Amnesty
international dénonce la responsabilité de l'Armée du salut des Rohingyas de
l'Arakan (ARSA) dans deux massacres d‘Hindous. Au total, une centaine de
membres de cette minorité auraient été tués.
«Notre dernière enquête de
terrain jette une lumière indispensable sur les atteintes aux droits humains
rarement dénoncées commises par l'Armée du salut des Rohingyas de l'Arakan
(l'ARSA)», écrit Amnesty dans un rapport diffusé mardi.
En septembre 2017, un charnier
avait été découvert par les autorités birmanes. Dans cette fosse commune se
trouvaient les 52 corps de villageois hindous. Selon l'armée birmane, ils
avaient été tués par des rebelles musulmans rohingyas lors des attaques du 25
août 2017. Après avoir corroboré leurs informations avec les témoignages de
nombreux villageois hindous que l'ONG a interrogé lors d'une mission en avril à
Myanmar, Amnesty international affirme que ce massacre serait l'œuvre de
l'ARSA.
«Des hommes armés habillés en
noir et des villageois Rohingyas ont rassemblé plusieurs dizaines de femmes,
d'hommes et d'enfants hindous. Ils les ont dévalisés [puis] les ont séparés
[avant] d'exécuter 53 d'entre eux, en commençant pas les hommes», affirme
l'ONG. Il s'agirait de 20 hommes, 10 femmes et 23 enfants, dont 14 avaient
moins de 8 ans, précise Amnesty. Tous les survivants racontent la même chose:
leurs agresseurs étaient armés de couteaux, d'épées, de pelles et barres de
fer.
«Quand ces attaques ont eu lieu,
le gouvernement s'est servi du fait qu'ils étaient musulmans pour affirmer
qu'il s'agissait de combattants djihadistes. L'International Crises Group a
assuré qu'il n'y avait aucun rapport avec la mouvance djihadiste», explique
au Figaro Morgane Eches, coordinatrice du Myanmar pour Amnesty
international. «Les membres de l'ARSA ne sont pas très nombreux, ils doivent
être une centaine. Au vu de leurs armes, de mauvaise qualité, ils ne possèdent
pas de gros financements. Le groupe n'a d'ailleurs pas revendiqué les attaques,
au contraire, ils tentent de masquer sa responsabilité, à l'inverse des groupes
djihadistes», précise-t-elle.
En effet, sur Twitter, l'ARSA
avait «catégoriquement démenti» ces accusations.
» LIRE AUSSI - Birmanie:
en Arakan, l'engrenage de la terreur
Pendant ses recherches, l'ONG a
recueilli les témoignages de survivants selon lesquels les attaquants parlaient
le dialecte rohingya, un dialecte proche de celui des Hindous qui vivent dans
l'Arakan. «Certains ont d'ailleurs pu identifier spécifiquement quelques-uns
des attaquants. Une expertise anthropologique a aussi confirmé que les corps du
charnier correspondent bien aux victimes du massacre du 25 août», souligne
Morgane Eches.
«L'obligation de rendre des
comptes pour ces atrocités est tout aussi essentielle que pour les crimes
contre l'humanité perpétrés par les forces de sécurité», demande l'ONG basée à
Londres.
Au départ, l'attaque d'un
poste-frontière
L'ARSA n'a pas commencé ses
attaques par ce massacre. «Il
faut savoir que les violences envers les Rohingyas ne sont pas nouvelles, elles
durent depuis des années. Lorsque l'ARSA a été créé, ils ont
d'abord attaqué une trentaine de postes de sécurité du Myanmar», précise la
coordinatrice. Cette série d'offensives a déclenché «une campagne de violence
illégale et totalement disproportionnée de la part des forces de sécurité»,
dénonce le rapport. Une campagne marquée par «des viols, des actes de torture,
des villages incendiés...», écrit l'ONG.
Ce serait à la suite de cet
épisode de répression que l'ARSA aurait assassiné les villageois Hindous. «Un
crime qui nécessite une enquête indépendante», affirme Morgane Eches.
Une enquête nécessaire d'autant
plus que l'ONG soupçonne l'ARSA d'être également coupable d'un second massacre
qui aurait eu lieu le même jour dans le village voisin, où 46 habitants
auraient disparu. Au total, selon Amnesty, ce sont près d'une centaine de
membres de la minorité hindoue de Birmanie qui auraient été tués par l'ARSA.
» LIRE AUSSI - Birmanie:
les photos de l'exode des Rohingyas
En Birmanie, le fait que des
villages hindous et bouddhistes aient aussi été victimes de violences a été
largement mis en avant par les autorités, qui dénoncent le parti pris
pro-rohingya de la communauté internationale. «Les autorités du Myanmar ne
peuvent pas reprocher à la communauté internationale d'être partiale alors
qu'elles lui refusent l'accès au nord de l'État d'Arakan. On ne connaîtra la
véritable étendue des exactions de l'ARSA et des violations de l'armée du
Myanman que lorsque des enquêteurs indépendants spécialistes des droits humains
auront un accès libre et total à l'État d'Arakan», a rétorqué Tiana Hassan,
directrice du programme Réaction aux crises d'Amnesty international.
Pour l'instant, «le gouvernement
du Myanmar a permis à 15 ambassadeurs du Conseil de sécurité de l'ONU de se
rendre sur les lieux», déclare Morgane Eches avant d'ajouter: «On attend de
savoir si la Cour pénale internationale peut se saisir du dossier mais le
Myanmar n'a pas signé la convention de Genève. Le temps joue contre l'enquête».
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Fille au pair tuée à Londres : le couple qui employait Sophie
Lionnet reconnu coupable (24.05.2018)
Par Valentine
Arama et AFP agenceMis à jour le 24/05/2018 à 13h42 | Publié le
24/05/2018 à 12h22
Le corps de cette jeune fille au
pair avait été retrouvé calciné dans le jardin de Ouissem Medouni et Sabrina
Kouider à Londres, en septembre dernier.
Sabrina Kouider, 35 ans, et son
compagnon, Ouissem Medouni, 40 ans, ont été reconnus coupables du meurtre de
Sophie Lionnet, leur jeune fille au pair. Cette décision a été rendue par le
jury après plus d'une semaine de délibération, et plus de deux mois après l'ouverture du procès à la cour
criminelle d'Old Bailey, à Londres. La décision de les reconnaître coupables a
été prise à l'unanimité pour Sabrina Kouider, et à une majorité de 10 voix
contre 2 pour Ouissem Medouni. Selon le fonctionnement de la justice
britannique, leurs peines seront prononcées le 26 juin prochain.
Les deux protagonistes étaient
accusés d'avoir tué Sophie Lionnet, dont le corps carbonisé a été retrouvé le
20 septembre dernier dans le jardin de leur maison à Londres. S'ils avaient
tous les deux plaidé «non-coupable» concernant les accusations de meurtre,
Ouissem Medouni avait quant à lui plaidé «coupable» d'entrave à la justice pour
avoir tenté de «dissimuler le corps en le brûlant».
Accusations mutuelles
En Grande-Bretagne, il n'existe
pas d'instruction. Ainsi, les deux mois de procès ont permis de retracer le calvaire de la jeune fille au pair.
Battue, menacée, martyrisée... Rien ne semble avoir été épargné à Sophie
Lionnet. Selon le procureur, cette jeune femme était au cœur d'un fantasme de
Sabrina Kouider, qui était persuadée que son employée avait comploté avec son
ex-compagnon, Mark Walton, le fondateur du groupe Boyzone, afin d'abuser
sexuellement d'elle et de ses enfants. Pour lui faire avouer, le couple
franco-algérien organisait des interrogatoires musclés. Le dernier a eu lieu
dans la salle de bains du couple dans la nuit du 18 au 19 septembre 2017, date
supposée de la mort de Sophie Lionnet.
Au cours des débats, la
personnalité de Sabrina Kouider s'est peu à peu révélée. Décrite comme
«dominante», «instable», «agressive», ou encore «obsessionnelle», elle n'a pourtant pas cessé de crier son innocence. Les
deux compagnons se sont ainsi mutuellement accusés pendant toute la durée du
procès. Sabrina Kouider a notamment affirmé s'être endormie au moment où la
jeune fille au pair subissait des violences de la part de son compagnon.
Ouissem Medouni avait quant à lui soutenu qu'il était allé dormir ce soir-là,
laissant Sabrina Kouider seule avec la jeune fille.
«Ensemble, ils l'ont brûlée»
Mais pour l'accusation, pas de
doute, le couple a agi «main dans la main» pour tuer Sophie Lionnet. Selon le
procureur, ils avaient «décidé» de la tuer, «une étape de plus dans leur
folie». «La mort de Sophie est la conséquence de cet arrangement, de ce plan».
«Ensemble, ils l'ont menacée, ensemble, ils l'ont agressée, ensemble, ils l'ont
gardée prisonnière, ensemble ils l'ont privée de tout contact avec le monde
extérieur, ensemble, ils l'ont torturée dans la salle de bain, ensemble, ils
lui ont fracturé les côtes et le sternum, ensemble, ils ont caché son corps
dans une valise, ensemble, ils l'ont brûlée», a martelé le procureur.
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Richard Horwell a rappelé le
contenu d'une note écrite de la main de Sophie, retrouvée dans l'appartement
familial. «Pourquoi moi? J'ai besoin d'aide pour les arrêter». «Elle voyait les
deux accusés comme ses bourreaux, elle les mettait sur le même plan», a
souligné le procureur. «Ensemble, ils ont commencé, ensemble ils ont terminé et
ils doivent maintenant accepter les conséquences de leurs actions», a conclu le
magistrat.
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Marion Maréchal désormais à son compte pour redessiner la
droite (23.05.2018)
ANALYSE - À distance de l'arène
politique, l'ancienne députée FN suit patiemment une stratégie de long terme,
qu'elle est l'une des rares à pouvoir se permettre, décrypte Guillaume Tabard.
Une autre méthode (une
école de formation, et plus le Parlement), un autre calendrier (le
travail à long terme, et plus la réaction à chaud), un
autre nom(le patronyme Le Pen désormais abandonné), Marion Maréchal
poursuit son engagement politique par d'autres moyens.
Son projet, fédérer la droite
conservatrice, «la droite enracinée et entrepreneuriale» comme elle l'a dit
dans Valeurs actuelles, est en effet un chantier de longue haleine.
Dont le succès ne dépend pas que d'elle. Il se heurte même à la donne actuelle
qui se caractérise par une incompatibilité entre la stratégie de Laurent
Wauquiez et celle de Marine Le Pen. Le président des Républicains veut attirer
à lui les électeurs du Front national quand la présidente du FN veut rendre
inutile un parti de droite coincé entre elle et Emmanuel Macron. Et pour l'un
comme pour l'autre, cette stratégie passe par le refus absolu de toute alliance
électorale et partisane. Le calcul de Marion Maréchal est inverse: croire que
la recherche d'une alternative à Emmanuel Macron passera obligatoirement par
l'addition d'électorats aujourd'hui séparés ; donc par un rapprochement
des structures de la droite. Impensable aujourd'hui. L'avenir d'une telle
entreprise passe par conséquent par un double échec. Et celui de Laurent
Wauquiez, et celui de Marine Le Pen. Ce qui ne pourra se vérifier, au plus tôt,
qu'à la prochaine élection présidentielle, en 2022.
Marion Maréchal s'inscrit dans
le temps long. Parce que le cadre politique le lui oblige ; parce que l'état
civil le lui permet - elle n'a toujours que 28 ans
C'est pourquoi Marion Maréchal
s'inscrit dans le temps long. Parce que le cadre politique lui oblige ;
parce que l'état civil le lui permet - elle n'a toujours que 28 ans ;
parce qu'elle n'a pas l'envie personnelle de redescendre dès maintenant et
pleinement dans l'arène. Comme un tableau de Magritte, cette séquence où elle
refait parler d'elle pourrait s'intituler: «Ceci n'est pas un retour». Et pour
cause, elle appartient d'ores et déjà à la catégorie des responsables
politiques qui n'ont pas besoin de parler publiquement pour que l'on parle
d'eux. En février, la simple annonce de sa
présence à un forum à Washington avait suffi à entraîner une
avalanche d'articles - et à faire de l'ombre au congrès du FN qui suivait. De
même aujourd'hui, la seule annonce de son Institut de sciences sociales,
économiques et politiques (Issep) est perçue comme un acte politique fort,
avant même son lancement effectif. Installée dans le Top 10 de tous les
sondages, elle a l'assurance qu'une «marque Marion» est ancrée solidement et
durablement dans le paysage politique.
Son intervention le 31 mai à
un colloque du magazine L'Incorrect sur le thème «Débranchons
mai 68», tombe - troublante coïncidence - la veille de la transformation, à
Lyon, du FN en Rassemblement national ; un parti qui, sans qu'elle l'ait
quitté, n'est plus le sien. Comme en témoigne aussi l'évolution de son
patronyme, Marion Maréchal, est désormais à son compte. Non pas seule, mais
libre. Indépendante et affranchie, première condition pour écrire un nouveau
chapitre. De son histoire personnelle. Et de celle de la droite peut-être.
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toujours bien présente de Marion Maréchal au FN
Une école comme tremplin pour Marion Maréchal (23.05.2018)
À la tête d'un nouvel institut
politique, l'ancienne députée va donner sa première interview télévisée ce
jeudi soir.
«Elle ne veut parler ni de
politique, ni du Front national.» Les conditions de l'interview ont été
strictement posées par l'entourage de Marion Maréchal. Pas question que cette
première prise de parole télévisée, un an presque jour pour jour après son
retrait de la vie politique, ne soit interprétée comme les prémices d'un
quelconque retour. Voilà tout l'enjeu de l'ex-benjamine de l'Assemblée
nationale: ne pas laisser sa vie politique passée - ou future - mettre en péril
sa «belle aventure» entrepreneuriale. «Si elle sort aujourd'hui de l'ombre,
martèlent ses proches ,c'est
pour promouvoir la jeune école dont elle est désormais directrice générale:
l'Institut des sciences sociales économiques et politiques (Issep).»
«N'oubliez pas qu'elle a
annoncé son retrait de la vie politique sur TV Libertés, juste pour le plaisir
de voir tous les journalistes reprendre les infos d'un média classé à l'extrême
droite»
Un de ses proches
Durant 26 minutes, ce jeudi,
l'ancienne députée FN du Vaucluse va donc répondre aux questions de Télé Lyon
Métropole (TLM). Un échange préenregistré qui sera diffusé par la chaîne locale
privée ce soir à 19 heures. Un choix de média disruptif, dicté par
l'implantation géographique de son «académie politique», à Lyon, dans le
quartier de la Confluence, comme par l'envie de faire un pied de nez aux médias
traditionnels: «Marion fait de la maîtrise de sa communication une obsession,
confie un de ses proches. N'oubliez pas qu'elle a annoncé son retrait de la vie
politique sur TV Libertés, juste pour le plaisir de voir tous les journalistes
reprendre les infos d'un média classé à l'extrême droite.»
Reste qu'un an - et quelques
déboires professionnels - plus tard, les étiquettes ne font plus que
moyennement rire la petite-fille de Jean-Marie Le Pen. Celle
qui ne souhaite plus être appelée autrement que Maréchal a
peu goûté les premières critiques à l'encontre de son établissement.
Particulièrement contre son «conseil scientifique» au profil très droitier.
Composé de neuf membres, c'est lui qui sera en charge du contenu pédagogique
comme du recrutement du corps professoral.
Dans une tribune publiée en
février dans Valeurs actuelles, l'entrepreneuse ambitionnait de
«réconcilier tous les courants de la droite» sur les bancs de son
établissement. Or seuls les plus conservateurs ont leur place au sein de la
direction. Y figurent notamment le secrétaire général du Mouvement pour la
France et proche de Philippe de Villiers, Patrick Louis ; le
constitutionnaliste Guillaume Drago ; le directeur de la
revue L'Incorrect, Jacques de Guillebon ; ou encore Pascal
Gauchon, ancienne tête de proue du Parti des forces nouvelles (PFN), formation
née d'une scission avec le FN en 1974. «C'est totalement idiot, cela remonte à
plus de trente-cinq ans. Depuis, Pascal Gauchon a surtout fondé Ipesup qui est
une vraie réussite et lui donne aujourd'hui une grande crédibilité dans le
monde de l'éducation», balaye un conseiller de Marion Maréchal.
«Si on veut que ce pays
change, il faut former des gens qui réfléchissent avec un autre logiciel»
Robert Ménard, maire de Béziers
L'école a beau se définir comme
«ouverte» et promettre d'enseigner dès le mois de septembre à ses étudiants
«tous les points de vue. La pensée unique, mais également les autres types de
pensée», l'empreinte politique que lui donne sa directrice a déjà découragé
plusieurs personnalités intellectuelles ou médiatiques de venir y enseigner.
«Cette école est une excellente idée. Si on veut que ce pays change, il faut
former des gens qui réfléchissent avec un autre logiciel, applaudit le maire de
Béziers, Robert Ménard, qui n'a pas été approché. Mais ce dont j'ai peur, c'est
que cette école soit rapidement cataloguée.»
Aucune nostalgie
Des craintes qui justifient à
elles seules ce projet d'école politique, pour Pierre Nicolas, l'ancien
directeur de cabinet de Marion Maréchal: «On ne peut plus continuer à se
plaindre d'être caricaturé dans les médias, de dire que tous les journalistes
et tous les artistes sont de gauche tout en s'interdisant d'investir le monde
journalistique, culturel et artistique. C'est justement l'objectif de cette
académie.»
Reste à savoir si ce projet de
longue haleine occupera dans la durée la jeune retraitée de la vie politique.
«Il n'a jamais été dit qu'elle ne ferait que ça. Ni d'ailleurs qu'elle le
ferait pendant dix ans, observe un de ses proches. En 2027 (année
présidentielle, NDLR), elle n'aura que 37 ans…» Si l'ancienne députée n'exprime
aucune nostalgie, ni volonté de revenir dans le jeu politique, que son camp se
rassure: son entourage, lui, n'a pas de complexe à le vouloir pour elle.
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Journaliste au service politique
«Mâles blancs» : pourquoi les deux mots prononcés par Macron
font polémique (23.05.2018)
ANALYSE - En utilisant cette
expression «disruptive» lors de son discours sur les banlieues, le président de
la République a offert une victoire sémantique aux tenants du multiculturalisme
le plus radical.
«Mal nommer un objet c'est
ajouter au malheur de ce monde…», à force d'être répétée, la formule attribuée
à Albert Camus apparaît presque usée. Elle n'en demeure pas moins juste. Lors
de son allocution fleuve de mardi au sujet des banlieues, le président
de la République a souvent usé de périphrases pour ne pas nommer trop
brutalement la réalité. La banalisation de l'ultra-violence, la communautarisation
des «quartiers», la montée en puissance d'une nouvelle judéophobie qui prend sa
source dans un certain enseignement de l'islam et dans le conflit
israélo-palestinien, n'ont été évoquées que de manière pudique. Emmanuel
Macron, cependant, n'a pas hésité à «stigmatiser» les «mâles blancs». «Que deux
mâles blancs ne vivant pas dans ces quartiers s'échangent l'un un rapport,
l'autre disant “on m'a remis un plan”, ce n'est pas vrai. Cela ne marche plus
comme ça», a-t-il lancé, ajoutant qu'il n'allait donc «pas annoncer un plan
ville, un plan banlieues».
En utilisant cette expression
«disruptive», le président de la République a sans doute voulu transgresser et
sortir du déni. Prendre acte de la réalité de clivages ethno-culturels et
sociaux. Ou peut-être a-t-il simplement tenté un trait d'humour maladroit? Quoi
qu'il en soit, il a offert une victoire sémantique aux tenants du
multiculturalisme le plus radical. Car le concept de «mâle blanc» n'est pas
neutre. Il est emprunté au vocabulaire politique des Indigènes de la République
et traduit une vision du monde séparatiste qui se répand aussi bien dans les
banlieues que dans certaines universités.
Dans cette logique manichéenne
et essentialiste, (...) l'homme occidental est enfermé à jamais dans un statut de
bourreau tandis que les minorités sont pour toujours des victimes
L'indigénisme s'inscrit dans le
sillage de l'antiracisme différentialiste des années 1980, importé des
États-Unis, dont il est une version extrême. Il s'enracine également dans un
anticapitalisme tiers-mondiste qui tend à remplacer la lutte des classes par la
lutte des races et voit dans les enfants de l'immigration issue des anciennes
colonies un prolétariat de substitution. Pour mémoire, le PIR (Parti des
Indigènes de la République) d'Houria Bouteldja est né en 2004, au moment du
vote de la loi interdisant le voile à l'école et dans la foulée de la seconde
Intifada. Les «Indigènes de la République» proclamaient dans leur appel
fondateur que «la France a été un État colonial et reste un État colonial».
L'idée simple est que les puissances coloniales sont toujours à l'œuvre, mais
d'une manière différente (c'est le postcolonialisme) ; et les personnes
originaires des pays anciennement colonisés (nommés «sujets postcoloniaux» ou
«dominés») continuent à être opprimées, en particulier «les musulmans» qui
seraient les cibles d'un appareil public «raciste et islamophobe». Dans cette
logique manichéenne et essentialiste, résumée par le titre du dernier livre de
Bouteldja, Les Blancs, les Juifs et nous, l'homme occidental est
enfermé à jamais dans un statut de bourreau tandis que les minorités sont pour
toujours des victimes. Dans les cités ce discours indigéniste se confond avec
celui des islamistes, notamment celui des Frères musulmans, qui depuis des
décennies nourrissent le ressentiment des jeunes de banlieues en opposant
l'«Occident oppresseur» à la «Oumma (communauté des musulmans) opprimée».
» LIRE AUSSI - Bouvet:
«Que des universitaires défendent Houria Bouteldja est un crime contre
l'esprit»
De Nuit debout en meeting commun
avec Tariq Ramadan, de réunions
«en
non-mixité racisée» en
«camp d'été décoloniaux», cette idéologie islamo-indigéniste s'est diffusée,
au-delà des petits cercles militants, aussi bien par le bas que par le haut
dans une étrange «convergence des luttes». Elle a trouvé un écho dans le
malaise d'une jeunesse déracinée et désintégrée. On la retrouve dans certains
médias (Mediapart, Le Monde diplomatique), les milieux associatifs
«antiracistes» et «féministes» (le CCIF, la Lallab), le monde syndical (l'affaire
Maryam Pougetoux, déléguée de l'Unef en hijab, est symptomatique), les
facultés de sciences sociales ou les partis politiques (chez le NPA, dans une
frange de la FI). Et on entend même son vocabulaire dans des sphères
dépolitisées qui par souci «d'inclusion» reprennent à leur compte des termes
lourds d'intentions idéologiques. «Race», «racisés», «blanchité», «négritude»,
autant de mots qu'on croyait bannis à jamais du débat public ont fait leur
réapparition. Cet antiracisme dévoyé féconde paradoxalement un racisme qui ne
dit pas son nom.
En employant cette sémantique,
mais aussi en liant, un peu plus tard dans son discours, «discriminations» et
«radicalisation», Emmanuel Macron participe, inconsciemment sans doute, de
cette rhétorique victimaire. Ce n'est pas le premier. Cette approche qui
consiste à expliquer la dérive de certains quartiers par une suite d'exclusions
diffuses ou institutionnelles rejoint celle de ses prédécesseurs. On ne peut
que conseiller au président de la République de lire la brillante étude des
sociologues Olivier Galland et Anne Muxel, La Tentation radicale (PUF),
qui démontre avec une très grande précision que les jeunes de banlieues
«radicalisés» sont moins victimes de discriminations objectives ou d'inégalités
sociales criantes que prisonniers d'un sentiment entretenu par des
proclamations militantes.
À VOIR: «Mâles blancs» et la
banlieue: Macron a-t-il dérapé?
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Journaliste au Figaro et
responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
Luc Ferry : «La folie des réseaux sociaux» (23.05.2018)
CHRONIQUE - Sur internet,
contrairement à ce qui a lieu dans les journaux, la désinformation et le
mensonge ne peuvent pratiquement pas être poursuivis, la diffamation et la
haine y étant devenu la règle.
Avec les réseaux sociaux,
n'importe quel individu, connu ou inconnu, dissimulé ou non derrière un
pseudonyme, peut devenir n'importe quand et de n'importe où une «source
d'information». On est là aux antipodes de ce qu'on appelle dans la presse une
«signature», un nom prestigieux figurant au bas d'un article qui garantit, sinon
la véracité absolue de ce qui est écrit, du moins la responsabilité de celui
qui écrit, une responsabilité elle-même adossée à une notoriété suffisante pour
qu'on sache à qui on a affaire. Quand on lisait la
chronique d'un Jean d'Ormesson ou d'un Claude Imbert, on savait
qu'on allait lire les idées d'un homme de droite, mais chacun était prévenu et,
quelle que soit sa sensibilité, on savait aussi qu'on n'allait pas lire
n'importe quoi. Même
chose à gauche avec un Jacques Julliard ou un Jean Daniel.
Rien de tel sur les réseaux
sociaux, où l'on ne sait pas toujours qui se cache derrière un «post», ni d'où
il est écrit, dans quel but, payé par qui, avec quelles intentions avouées ou
inavouables. Or il se trouve que les réseaux sociaux deviennent la principale
source d'information (si on peut encore utiliser ce terme…) pour un nombre sans
cesse croissant de nos concitoyens. 45 % des Américains avouent ne
s'informer que par Facebook et Twitter, la presse traditionnelle, avec ses
défauts mais aussi ses qualités incomparables, étant dès lors en grande
difficulté.
Sur les réseaux sociaux,
contrairement à ce qui a lieu dans les journaux, la désinformation et le
mensonge ne peuvent pratiquement pas être poursuivis, la
diffamation et la haine y étant devenu la règle sans qu'il soit
techniquement possible d'y remédier, d'obtenir même un droit de réponse, les
patrons de ces réseaux les considérant eux-mêmes comme de simples «tuyaux»
neutres dont ils n'ont pas à assumer la responsabilité des contenus. On peut
faire un procès à un journal, obtenir un droit de réponse, rien de tel sur les
réseaux. Impossible aussi de faire un réel démenti face à une fausse nouvelle,
à une diffamation, car votre réponse ne parviendra jamais jusqu'à ceux qui ont
été arrosés par la fake new incriminée.
Google s'est rendu compte
qu'il tirait beaucoup plus de profit des propos complotistes, racistes ou
antisémites qui font le buzz que des contenus raisonnables, vérifiés ou modérés
Ajoutons que les algorithmes qui
structurent les moteurs de recherche tendent à enfermer les utilisateurs dans
leurs convictions en fonction des pages qu'ils consultent. On les cantonne
ainsi dans ce qu'on appelle des «bulles de filtres» qui les renvoient à leurs
habitudes intellectuelles ou consuméristes, habitudes dont on déduit leurs
goûts et leurs valeurs afin de leur envoyer les contenus qui leur plairont. Pas
étonnant dans ces conditions que l'esprit critique s'estompe au profit d'un
renforcement des préjugés de chaque internaute. La loi de Godwin s'impose
alors: «Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d'y
voir apparaître Hitler et les nazis s'approche de 1.» En clair: l'insulte et
l'injure tendent sans cesse davantage à remplacer la discussion argumentée.
Pire encore, Google s'est rendu
compte qu'il tirait beaucoup plus de profit des propos complotistes, racistes
ou antisémites qui font le buzz que des contenus raisonnables, vérifiés ou
modérés. Google affecte de déplorer cette situation mais continue à défendre le
principe de non-intervention, la vérité étant qu'il y gagne en monnaie sonnante
et trébuchante. Le
patron de Facebook, Mark Zuckerberg, s'est bien engagé à mettre en place des
systèmes anti-fake news et à priver de publicité les sites les
plus malfaisants, mais ces dispositifs relèvent davantage de la com que d'une
efficacité réelle.
On peut enfin, sommet dans la
falsification du réel, fabriquer des vidéos de faux discours ayant la parfaite
apparence de la vérité. C'est ainsi qu'en juillet 2017 des chercheurs de
l'université de Washington ont présenté à Los Angeles la
vidéo d'un faux discours d'Obama réalisé à partir d'une bande
audio et d'images de télévision assemblées entre elles grâce à l'intelligence
artificielle. La synchronisation des mots prononcés prélevés dans des discours
réels d'Obama et des mouvements de sa bouche est si parfaite qu'il est
impossible à simple vue humaine de percevoir qu'il s'agit d'un faux. Technique
infâme, déjà utilisée hélas par les publicités qui mettent en scène Picasso ou
Fernandel défendant une marque de voiture ou d'huile d'olive. À quand une vidéo
de Mélenchon faisant son mea culpa pour annoncer un soutien zélé à Macron?
Peut-on contrer par la loi ces débordements insensés? Rien n'est moins sûr, ce
qui suppose qu'on réfléchisse d'urgence à un enseignement anti-fake news dès
l'école primaire.
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(24.05.2018)
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Le chef de
l'État s'égare, s'il croit enterrer le monde ancien en désignant le «mâle
blanc» comme indésirable dans les cités musulmanes. La politique des banlieues
ne peut être déléguée à ses seuls habitants.
En France, la guerre intérieure
est routinière. À Marseille, elle a déboulé lundi à 16h50, dans la cité de
la Busserine: une dizaine d'hommes armés et cagoulés, à bord de voitures,
ont pris possession d'une rue. Des rafales de kalachnikov ont été tirées,
notamment sur des policiers qui ont pris la fuite. Des forces de l'ordre
arrivées en renfort ont été mises en joue. Elles ont riposté sans parvenir à
arrêter le commando. Quelques heures plus tard, à Grenoble, des CRS en repos se
sont fait molester (quatre blessés) par une dizaine de voyous. Un
policier s'est fait «littéralement massacrer» (un témoin). En réalité, la
chronique des guérillas urbaines dans ce «nouveau monde» de la diversité,
chantée par Emmanuel Macron, n'est plus tenue depuis des lustres. Mais le chef
de l'État n'a pu que reconnaître les faits, mardi, en présentant sa «philosophie» de l'avenir des banlieues.
Il a également admis que les discours racistes et antisémites y étaient «en
train d'empirer», tandis que la «radicalisation» était «en train de monter».
Et donc? Et donc, rien. La raison
commanderait que, face aux désastres qui fracturent la nation, le nouveau
pouvoir en finisse avec des décennies d'aboulie. Certes, le président a promis pour juillet un plan contre le trafic
de drogue. Toutefois, son rôle devrait être aussi de faire obstacle à
l'impunité des bandes, à l'emprise de la charia, au séparatisme
ethnico-religieux. Le courage politique devrait reconnaître les catastrophes
sociétales, sécuritaires et économiques causées par quarante ans d'immigration
de masse. À dire vrai, ces peuplements incontrôlés auraient dû être suspendus
depuis longtemps, au vu de leur incapacité à s'assimiler, sauf à la marge. Mais
Macron n'en fera rien. Non seulement il n'a pas évoqué les problèmes posés par
l'immigration et l'islam radical dans les cités, mais il a reproché à la
République de n'avoir su transmettre son «rêve». C'est la société
multiculturelle qu'il promeut, au mépris de l'«ancien monde». Il ne voit pas la
renaissance de ce dernier.
Une approche qui se trompe de
cible
Chercher à décrédibiliser le
Blanc, au lieu d'inciter les nouveaux venus à faire les efforts attendus, fait
partie des injustices qui peuvent devenir électoralement explosives
L'«ethos de droite» que le
président avance pour justifier sa bonne entente avec Philippe de Villiers est
une posture pour dérouter l'opposition. S'il est vrai que la droite s'est
longtemps laissée intimider par les accusations en «xénophobie» et en «racisme»
des immigrationnistes, elle semble s'être sortie de ce piège avec Laurent Wauquiez (LR). Ce n'est pas le cas du
chef de l'État. Il fait sienne la rhétorique des communautaristes, quand il
déclare, évoquant le travail que lui a rendu Jean-Louis Borloo: «Deux
mâles blancs qui ne vivent pas dans les banlieues se remettent un rapport sur
les banlieues: ça ne marche plus comme ça.» Ce discours racialiste est celui
des minorités contestataires. Cette flatterie illustre le lien que le chef de
l'État veut entretenir avec ceux qui se plaignent d'être discriminés et
dominés. La composition du Conseil présidentiel des villes, l'interlocuteur de
Macron pour les banlieues, fait la part belle aux militants musulmans.
«Les banlieues ne demandent pas
l'assistance mais leur place dans la République», explique Borloo. L'ancien
ministre oublie de préciser que ce n'est pas à la République de s'intégrer aux
banlieues islamisées, mais l'inverse. Laisser croire qu'un immigré serait
rejeté à cause de sa couleur ou sa religion est une diffamation entretenue par
ceux qui refusent le processus d'assimilation. Le faux procès en racisme est
d'ailleurs démenti par l'insertion des Asiatiques. Chercher à décrédibiliser le
Blanc - ce que fait Macron avec son vocabulaire -, au lieu d'inciter les
nouveaux venus à faire les efforts attendus, fait partie des injustices qui
peuvent devenir électoralement explosives. Mardi, Macron s'est contenté de
rappeler que le port du «foulard» était permis,
en se gardant de donner son avis sur la représentante de l'Unef Paris Sorbonne qui s'exhibe en hijab. En revanche, il a annoncé que les 120 plus grandes entreprises françaises seront soumises à des tests antidiscrimination, pour les inciter à embaucher. Cette approche punitive se trompe de cible.
en se gardant de donner son avis sur la représentante de l'Unef Paris Sorbonne qui s'exhibe en hijab. En revanche, il a annoncé que les 120 plus grandes entreprises françaises seront soumises à des tests antidiscrimination, pour les inciter à embaucher. Cette approche punitive se trompe de cible.
L'exemple italien
Le chef de l'État s'égare, s'il
croit enterrer le monde ancien en désignant le «mâle blanc» comme indésirable
dans les cités musulmanes. La politique des banlieues ne peut être déléguée à
ses seuls habitants. D'autant que leurs représentants ne conçoivent la
solidarité nationale que pour bénéficier de l'argent public. Or les Français
n'accepteront plus longtemps de financer leur propre effacement. La
personnalité de l'humoriste Yassine Belattar, un des conseillers de
Macron au sein du Conseil des villes, illustre la perméabilité de
l'islam dans cette structure parrainée par la République. C'est Belattar qui a
récemment défendu le retour en France des djihadistes partis en Syrie, en les
comparant à «des gamins qui foutent le bordel à un anniversaire». En réalité,
Macron risque d'horripiler le vieux monde «blanc» à force de vouloir séduire
les «non Blancs», quitte
à s'excuser lui-même d'être de trop à cause de sa couleur de peau. Faut-il lui rappeler ce qui se passe en Italie? Là-bas comme en France, les peuples ne sont pas décidés à devenir étrangers dans leur pays.
à s'excuser lui-même d'être de trop à cause de sa couleur de peau. Faut-il lui rappeler ce qui se passe en Italie? Là-bas comme en France, les peuples ne sont pas décidés à devenir étrangers dans leur pays.
Que Macron le veuille ou non,
l'immigration devient le sujet de contestation en Europe. Or le flux ne cesse
d'augmenter en France
L'Union européenne s'affole
de l'entente de gouvernement conclue lundi entre les deux
mouvements populistes ayant remporté les législatives italiennes.
Matteo Salvini (la Ligue) et Luigi Di Maio (Mouvement 5 étoiles) se sont mis d'accord sur un compromis politique, qui sera
conduit par Giuseppe Conte. Mais cette victoire des «antisystème» n'est
que la réponse logique d'un peuple qui ne veut plus obéir aux idéologues du
sans frontièrisme et du multiculturalisme qui sévissent à Bruxelles, comme à
l'Élysée. Les Italiens vont reconquérir leur souveraineté. La maîtrise de
l'immigration et l'expulsion des clandestins font partie du programme de cette
«peuplocratie» (Marc Lazar) qui vient rejoindre le mouvement de fond enclenché
par les pays d'Europe centrale et de l'Est. Face à ce réveil de l'ancien monde,
Macron rame à contre-courant. Or son incompréhension de l'histoire aggrave la
fragilité de l'Union européenne qu'il veut pourtant défendre. Que Macron le
veuille ou non, l'immigration devient le sujet de contestation en Europe.
Or le flux ne cesse d'augmenter en France. Depuis que la maire de Paris, Anne
Hidalgo, a proclamé sa ville capitale de l'accueil, les campements se
multiplient dans la ville. 2300 clandestins vont être prochainement évacués,
pour la 36e fois depuis 2015! Les bons sentiments étalés ne suffisent plus à
pardonner tant d'irresponsabilités.
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Thierry de Montbrial : « La France et la Russie ont
besoin l'une de l'autre » (24.05.2018)
ENTRETIEN - Rencontre entre
Macron et Poutine, Israël, nucléaire iranien, Corée du Nord… le président
fondateur de l'Institut français des relations internationales (Ifri) analyse
les enjeux diplomatiques du moment.
LE FIGARO. - Quels sont les
enjeux de la rencontre entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine?
Thierry de MONTBRIAL. - La
Russie a réagi modérément au retrait américain de l'accord iranien ainsi qu'aux
tueries de Gaza. Elle a intérêt à attendre pour voir jusqu'où iront les
contradictions transatlantiques et à les exploiter. Elle s'offre le luxe
d'apparaître comme une puissance raisonnable, au contraire des États-Unis. Elle
affiche la modération avec Israël. J'ajoute que l'accroissement de
l'incertitude au Moyen-Orient favorise la hausse des prix du pétrole, dont elle
bénéficie. Il n'est pas évident que Paris et Moscou puissent afficher une
position commune sur le dossier iranien ni progresser significativement sur
l'Ukraine ou la Syrie. Mais il est vraisemblable que les deux parties feront
état de résultats positifs, au terme de cette visite. La France et la Russie
ont besoin l'une de l'autre.
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Syrie et l'Iran, au cœur de la visite de Macron en Russie
Trump a-t-il bien joué en
remettant en cause l'accord nucléaire de 2015?
Trump pense que l'Iran sera
contraint de se plier à sa volonté de négocier un nouvel accord prévoyant entre
autres la renonciation définitive à l'arme nucléaire. Il espère aussi que la
population iranienne, qui souffre de la détérioration croissante de la
situation économique, finira par se soulever et chasser le régime des mollahs.
La Maison-Blanche pourrait se tromper lourdement. Il n'existe aujourd'hui
aucune solution de rechange au régime actuel et les expériences récentes de
renversement de régimes au Moyen-Orient ont été désastreuses. De surcroît, avec
le soutien du guide, l'Ayatollah Khamenei, les conservateurs pourraient
reprendre le pouvoir, au détriment des modérés incarnés par le président
Rohani. Les pasdarans pourraient profiter du réflexe nationaliste d'un peuple
fier qui n'a jamais accepté les diktats de l'extérieur. L'Iran, même affaibli
économiquement, pourrait conserver une formidable capacité de nuisance au
Moyen-Orient. On courrait alors le risque d'une guerre ouverte avec Israël ou
l'Arabie saoudite, ce qui impliquerait aussitôt les grandes puissances
extérieures. Face à ces perspectives, Téhéran a-t-il la capacité politique de
tenter de changer la donne en acceptant un élargissement de l'accord, comme le
propose la France? Le président Rohani et le ministre Zarif cherchent à gagner du
temps, comme d'ailleurs tous les États soucieux de ne pas surréagir aux coups
de menton de Trump.
«S'il y a une amorce de
recomposition, elle a des chances de bénéficier à la Russie et à la Chine,
davantage qu'aux Européens.»
Thierry de Montbrial
Face aux menaces des
États-Unis envers les entreprises européennes qui commercent avec Téhéran,
l'Europe a-t-elle les moyens de répondre? Macron peut-il devenir le leader de
cette Europe qui se fissure?
Il s'agit là d'un aspect
fondamental de la crise ouverte par la décision de Trump. Les Européens
découvrent sur le tard combien le fonctionnement du système bancaire mondial
les soumet au bon vouloir américain, à un moment où les États-Unis, plus
introvertis que jamais (le trumpisme va au-delà de Trump), affichent cyniquement
leur volonté de puissance. La seule hyperpuissance militaire du monde utilise
désormais aussi l'économie comme une arme à l'encontre même de ses alliés. Les
Chinois sont également concernés, mais leur capacité de rétorsion est très
supérieure. Quoi qu'il arrive dans les prochaines semaines, le coup de force
américain aura des conséquences profondes et durables. L'Alliance atlantique ne
sera plus jamais comme avant. L'Allemagne elle-même s'interroge désormais
ouvertement sur l'avenir de la relation transatlantique. Le poids politique de
la France est-il suffisant pour permettre une réponse européenne unifiée et
crédible face à un chantage américain? Macron est en tout cas actuellement le
seul à pouvoir essayer de réussir ce qui serait un tour de force.
Cette remise en cause de
l'accord nucléaire iranien va-t-elle vers un début de recomposition ou vers un
approfondissement de la décomposition au Moyen-Orient?
S'il y a une amorce de
recomposition, elle a des chances de bénéficier à la Russie et à la Chine,
davantage qu'aux Européens. En particulier, on n'a pas suffisamment observé que
depuis des années l'Iran se rapproche de l'empire du Milieu. Celui-ci entend
devenir une grande puissance au Moyen-Orient. Si les choses évoluent dans le
sens de l'augmentation du chaos, on aura un accroissement du flot des réfugiés
et du terrorisme. Et avec le chaos, les prix du pétrole s'envoleraient, au
bénéfice des pays producteurs et au détriment des importateurs. Les Européens
seraient les grands perdants.
Comment expliquer le silence
relatif des Arabes face au transfert de l'ambassade des États-Unis à Jérusalem
et aux tueries à Gaza?
L'alliance paradoxale qui s'est
forgée entre l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Israël est fondée
sur une volonté désormais commune de lutter contre l'emprise des frères
musulmans et plus généralement le terrorisme. Plus encore, elle est motivée par
la crainte de l'Iran et le risque de son accession à l'arme nucléaire. Dans ce
contexte, il n'est pas surprenant qu'en dehors de la Turquie le transfert de
l'ambassade des États-Unis à Jérusalem et les
massacres de Gaza n'aient fait l'objet que de protestations peu
audibles. Les circonstances ne jouent certes pas en faveur des Palestiniens.
«Trump croit en lui-même et à
la force brute. Il a une vision, mais il n'est pas stratège. Il est rusé, et
convaincu de pouvoir embobiner tant ses adversaires que ses amis. Il est
dépourvu de scrupules. Mais je crois que Kim Jong-un est encore plus rusé que
lui.»
Thierry de Montbrial
Vous semblez penser que la
Chine peut tirer profit de la confusion et du désarroi au Moyen-Orient…
Je le pense en effet, tant à
court qu'à moyen et long terme. La pensée politique des Chinois est ancrée dans
la durée et leur système politique assure la continuité. Ils prennent le temps
de manipuler leurs adversaires et de les mettre sans qu'ils s'en rendent compte
en situation d'échec. La Chine est actuellement le seul pays au monde à avoir
une «grande stratégie».
Donald Trump vient d'annuler
le sommet avec la Corée du Nord. Pas vraiment une surprise?
Trump croit en lui-même et à la
force brute. Il a une vision, mais il n'est pas stratège. Il est rusé, et
convaincu de pouvoir embobiner tant ses adversaires que ses amis. Il est
dépourvu de scrupules. Mais je crois que Kim Jong-un est encore plus rusé que
lui. Le dictateur nord-coréen a atteint son objectif immédiat, qui était
d'afficher avec un minimum de crédibilité son accès au statut de
quasi-puissance nucléaire. Comment Trump a-t-il pu croire qu'il accepterait un
désarmement unilatéral? Le but ultime de Kim, c'est de mettre son pays sur la
voie de la croissance économique tout en consolidant son régime. Tôt ou tard,
il jouera aussi en questionnant la crédibilité des engagements d'un pays qui ne
respecte plus les traités qu'il signe. Par ailleurs, il est évident que Kim
Jong-un et Xi Jinping, dont la relation est complexe, ont œuvré, avec l'aide de
la Corée du Sud, pour désamorcer les menaces de Washington. Trump a fini par
réaliser son erreur de calcul. On n'en a sans doute pas fini avec les
surprises. Quoi qu'il en soit, le processus de paix sera long et ne progressera
pas à coups de tweets.
Thierry de Montbrial est
également président de la World Policy Conference et membre de l'Institut de
France.
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L'éditorial du Figaro : «Face à la métastase
djihadiste» (24.05.2018)
Par Yves Thréard
Les islamistes ont fait de la
France une terre de djihad. La principale cible en Occident de leurs attentats.
La première base arrière aussi de leurs allers-retours en zones de combat, au
Moyen-Orient et en Afrique. Deux chiffres traduisent la montée du péril:
aujourd'hui, la section antiterroriste du parquet de Paris traite
513 dossiers alors qu'il n'en avait que 20 à instruire en 2012. C'est l'un
des constats du précieux rapport du Centre d'analyse du terrorisme dévoilé
par Le Figaroce vendredi.
Ce document, qui se penche sur le
traitement judiciaire de la métastase djihadiste, montre que la délinquance
n'est pas toujours un passage préalable obligé. 62 % des islamistes
condamnés ces dernières années, ou en instance de jugement, étaient inconnus
des services de police. C'était d'ailleurs le cas, début mai, de l'assassin du
quartier de l'Opéra, à Paris. Il souligne, ensuite, qu'un djihadisme de
format digital native a éclos, via les réseaux sociaux. Il
touche de plus en plus de très jeunes hommes et femmes, convertis pour
certains. Ainsi était le profil d'Inès Madani, l'une des assaillantes à la
voiture piégée, près de Notre-Dame, en 2016.
Face à cette terrible menace, la
France a multiplié les lois antiterroristes, au rythme de deux par an depuis
2015. Pour criminaliser les procédures et alourdir les peines. De beaux esprits
s'en offusquent et crient à une inutile inflation législative. Ils ont tort.
Le terrorisme islamiste n'est pas
une fatalité, mais une entreprise criminelle qui ne fera que prospérer si on ne
prend pas la mesure de son dessein: anéantir notre civilisation. Ses visages,
ses modes d'action, ses cibles évoluent régulièrement. À nous, donc, de savoir
anticiper et mieux nous armer pour adapter notre réplique au défi qui nous est
lancé. Les Israéliens, dont l'expérience en la matière est riche
d'enseignements, le font sans sourciller, mais non sans débattre.
Le temps presse car le contexte
ne cesse de changer. D'ici à deux ans, les premiers djihadistes français
condamnés sortiront de prison. Avec quelles intentions?
Retour d'enfants de djihadistes : l'appel de la
Seine-Saint-Denis à l'État (24.05.2018)
Stéphane Troussel, président du
conseil départemental de Seine-Saint-Denis, a écrit fin mars à Édouard Philippe
pour l'alerter de la «complexité de l'accompagnement» de ces enfants qui ont
été exposés au pire.
La prise en charge dans
l'Hexagone des enfants de djihadistes de retour de Syrie et d'Irak est un
«enjeu majeur pour la France», fait valoir Stéphane Troussel, le président du
conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Alors que le département du 93 est
en première ligne dans l'accueil de ces mineurs en raison de leur arrivée à
l'aéroport de Roissy - 37 ont été placés auprès des services de protection de
l'enfance depuis septembre 2016 -, l'élu a écrit fin mars au premier
ministre pour l'alerter de la «complexité de l'accompagnement» de ces enfants
qui ont été exposés au pire et de «la charge nouvelle» que représente leur
prise en charge.
«La dureté des situations qu'ils
ont vécues, la complexité de leur psychologie nécessite un accompagnement
puissant, explique l'élu. C'est de notre responsabilité collective de tout
mettre en œuvre pour éviter à ces enfants de nouvelles ruptures de parcours».
Aujourd'hui, la Seine-Saint-Denis a développé une véritable expertise sur ce
sujet sensible et «assumera toutes ses responsabilités», souligne Stéphane
Troussel.
Un protocole sur la prise en
charge de ces mineurs avec tous les acteurs du territoire (TGI de Bobigny,
préfecture, protection judiciaire de la jeunesse, académie, Agence régionale de
Santé) est d'ailleurs en train d'être finalisé. Mais quid de l'accompagnement
sur le long terme? «Nous ne devons pas seulement réussir leur accueil mais leur
reconstruction dans la durée», plaide l'élu qui voudrait voir son département
reconnu comme expert et bénéficier d'un soutien financier ad hoc.
Face à cette situation «revêtant
un intérêt national», il a donc demandé formellement à Édouard Philippe «un
partenariat renforcé mais aussi l'octroi de moyens dédiés» pour relever ce
«défi républicain».
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Figaro Société
Terrorisme : la problématique sensible des «sortants»
(24.05.2018)
Un suivi spécifique a été mis en
place pour les personnes en attente de jugement et sous contrôle judiciaire
ainsi que pour celles sortant de détention.
«Le plus important est d'arriver
à créer un lien de confiance. Nous ne faisons que du cas par cas. Sans juger,
nous tentons d'apporter des solutions sociales, culturelles et cultuelles, et
de réparer les vulnérabilités.» Samantha Enderlin, la directrice du programme
de Recherches et d'intervention sur les violences extrémistes (Rive), marche
sur des œufs.
Ce projet, créé dans le plus
grand secret il y a dix-huit mois par le ministère de la Justice, prend en
charge des condamnés et des prévenus pour terrorisme. Il est imposé par les
magistrats. Certains ont des suivis sur plusieurs années. «Jusqu'en 2021», note
Samantha Enderlin. L'ambition
est de désengager ces publics de la violence radicale islamiste et
de les réintégrer dans la société française plutôt que de les y laisser en
marge, avec le risque de les voir récidiver.
«Notre satisfaction, c'est de
voir ces personnes appeler nos éducateurs ou nos psychologues en dehors du
programme»
Samantha Enderlin, directrice du
programme de Recherches et d'intervention sur les violences extrémistes (Rive)
Seulement 21 personnes -dont la
moyenne d'âge est de 24 ans- sont ou ont été prises en charge par ce programme.
Un faible nombre au regard de ce contentieux de masse. Actuellement,
l'Administration pénitentiaire suit, en milieu ouvert, à travers ses services
d'insertion et de probation et de renseignement pénitentiaire, 187 terroristes
islamiques (la majorité en contrôle judiciaire) et 800 détenus de droit commun
radicalisés. Rive, lui, compte actuellement 10 hommes et 8 femmes, dont
beaucoup sont mères avec des situations d'état civil compliquées. Si trois
individus sont déjà sortis du programme, Rive se garde bien de parler de succès.
«Notre satisfaction, c'est de voir ces personnes appeler nos éducateurs ou nos
psychologues en dehors du programme.»
Trois générations de
terroristes
Ce cousu main inclut autant les
personnes en attente de jugement et sous contrôle judiciaire -une dizaine de
personnes- que les sortants de détention. S'y retrouvent des mis en cause pour
«apologie du terrorisme», «préparations individuelles à un acte terroriste»
mais surtout pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise
terroriste». La majorité a connu l'incarcération. L'objectif de Rive repose sur
un triptyque: renouer avec la cellule familiale quand elle est positive,
développer de vrais projets professionnels -certains d'entre eux ont renoué
avec les bancs de l'université- et faire la distinction entre la manipulation
mentale et l'esprit critique. Alors que le programme doit bientôt s'étendre à
Marseille, Lyon et Lille, ses acteurs actuels ont rencontré, mercredi, les
magistrats du parquet antiterroriste et les deux juges de l'application des
peines antiterroristes pour inciter ces derniers à y avoir recours pour les
sortants de prison.
Toute fin d'incarcération
s'accompagne d'un aménagement de peine afin d'éviter les «sorties sèches»
Selon l'étude du Centre d'analyse
du terrorisme (CAT), «début janvier, 51 individus, jugés entre 2014 et 2017
pour des infractions commises en lien avec le djihad syro-irakien, étaient déjà
libres. Sur la totalité des individus incarcérés, 65 % d'entre eux, soit
115 personnes, auront purgé leur peine d'ici à 2020». Soit «25 en 2018, 17 en
2019 et 22 en 2020 . Le pic sera atteint entre 2021 et 2023 avec 47
personnes sortantes.
La sociologie de ces sortants
s'étalonne sur trois générations de terroristes: les derniers incarcérés du GIA
algérien des années 1990, les filières djihadistes du début des années 2000,
comme celle des Buttes-Chaumont. Enfin, ceux qui ont tenté de rejoindre
Daech en 2013 et 2014.
Certains ont été arrêtés dans
leur élan, d'autres se sont offert le luxe de revenir, d'autres encore ont
pratiqué la propagande active sur le Net. Tous ont écopé, à l'époque, de
courtes peines: de 4 à 5 ans. Si les juges de l'application des peines de Paris
refusent les permissions de sortie, toute fin d'incarcération s'accompagne d'un
aménagement de peine afin d'éviter les «sorties sèches». Ce dernier comprend
contrôle au commissariat, assignation à résidence, interdiction de paraître et
obligation de travailler. «Nous sommes sur des suivis plus serrés par les
services d'insertion et de probation», rappelle-t-on à la direction de
l'Administration pénitentiaire pour qui la problématique majeure est celle du
traitement de la radicalisation en détention.
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du bord»
Le djihadiste Adrien Guihal, l'une des «voix» françaises de
Daech, capturé en Syrie (24.05.2018)
Les forces démocratiques
syriennes (FDS) ont procédé le 19 mai à une opération permettant l'arrestation
à Raqqa de cet homme, qui a revendiqué les attentats de Nice et Magnanville sur
la radio de l'État islamique.
Sur Al-Bayan, la «radio» de
l'État islamique, on l'avait entendu revendiquer l'attentat
de Magnanville, où deux policiers avaient été tués le 13 juin 2016. Il
avait également annoncé la revendication de l'attaque au camion-bélier
survenue à
Nice, le 14 juillet de la même année. Adrien Guihal, considéré comme
l'une des «voix» françaises de Daech, a été capturé le 19 mai, ont annoncé
jeudi les forces démocratiques syriennes (FDS). Le trentenaire, rouage de la
propagande de l'État islamique, a été arrêté lors d'une opération à Raqqa,
ex-fief déchu du groupe terroriste en Syrie. Plus d'une quarantaine de
Français, en majorité des femmes et enfants, seraient détenus par les forces
kurdes qui contrôlent certains territoires dans le nord du pays.
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Préparation d'attentat
Adrien Guihal fait partie des
vétérans de Daech. Agé de 34 ans, il s'est converti à l'islam au début des années
2000. Parti en Égypte pour apprendre l'arabe, ses premiers liens avec
l'islamisme radical datent de 2007. Selon Libération, qui avait réalisé un portrait du jeune
homme début 2017, il est un proche de Fabien Clain, lui
aussi l'une des voix de l'État islamique. Non seulement radicalisé sur
internet et le site Ansar al-Haqq, il aurait aussi travaillé dans des
librairies islamistes à Paris, dans le 11e arrondissement.
En décembre 2008, il est
interpellé avec Rany Arnaud et Nadir Badache, à Paris et en banlieue. Les trois
hommes sont suspectés de préparer un attentat à la voiture piégée contre un
bâtiment public de la police près de la tour Eiffel. Ils prévoient de placer
une bombe artisanale dans un camion afin de le faire exploser au pied de la
cible. Leurs revendications sont claires: ils protestent contre la présence
militaire de la France en Afghanistan. En 2012, Guihal est condamné à quatre
ans de prison pour ce projet d'attentat, dont un avec sursis.
Après avoir purgé sa peine, celui
que l'EI surnommera «Abou Oussama al-faransi» devient un recruteur. Il
fréquente notamment la
mosquée de Stains, fermée fin 2016. Il réussit à réunir autour de lui
plusieurs personnes dans le Val d'Oise et en Seine-Saint-Denis, prônant un
islam radical. «C'est lui le dirigeant pour moi. Il est toujours habillé “façon
militaire”, il est très méchant. C'est le plus radical et il est “anti-tout”.
[…] Il m'a traité de “kouffar” au premier regard. […] C'est le plus dangereux
de tous. Il n'a pas de cœur», confiait un témoin aux enquêteurs, des propos
rapportés par Libération.
Adrien Guihal et son groupe -
dont Fabien Clain - ont rejoint la Syrie au printemps 2015. Sa femme faisait
partie du voyage. Elle a aussi été arrêtée jeudi, mais son identité n'a pas été
révélée.
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Justice : comment l'étau des peines s'est resserré autour des
terroristes (24.05.2018)
Depuis 2015, l'institution
judiciaire fait montre d'une politique sans concession en matière de
terrorisme, avec notamment une plus grande sévérité à l'égard des femmes et des
mineurs.
Une rigueur absolue et toujours
le maximum de la peine requis. Depuis 2015, la politique pénale du parquet et
du parquet général de Paris est devenue sans concession en matière de
terrorisme. Bon indicateur de cette rigueur de l'institution judiciaire, le
taux d'appel s'élève à 50% des affaires et 80% des prévenus, en sachant que les
appels sont à l'initiative du parquet dans 60% des cas.
«À partir de 2015, nous avons
considéré que le prétexte d'aller rejoindre des organisations humanitaires en
Syrie ou en Irak n'était plus recevable»
Catherine Champrenault, procureur
général de Paris
De façon systématique, en effet,
la cellule antiterroriste de Paris requiert le maximum de dix ans
d'emprisonnement dans les procès correctionnels. Dans le cas où le quantum
requis n'est pas obtenu, le parquet fait systématiquement appel de la décision,
même à une année près. Une sévérité que l'on retrouve au niveau de la cour
d'appel et du parquet général puisque, dans 97% des appels, la peine est
confirmée ou alourdie. Les prévenus n'interjettent appel que dans 40% des cas.
«Ce pourcentage, on le voit, est
minoritaire, car ils ont bien compris la sévérité de la justice, explique Catherine
Champrenault, procureur général de Paris. De plus, leur appel se
concentre sur les condamnations les plus lourdes, qui visent des filières de
départ sur zone.» Aux assises, ce taux d'appel est également partagé entre le
parquet et les prévenus.
«À partir de 2015, nous avons
considéré que le prétexte d'aller rejoindre des organisations humanitaires en
Syrie ou en Irak n'était plus recevable, explique Catherine Champrenault. Plus
personne ne pouvait ignorer qu'il s'agissait de rejoindre une organisation
terroriste à but mortifère. Les peines, qui se situaient autour de cinq ans en
2013 et 2014, sont désormais autour de sept à dix ans. Dans les années qui ont
suivi, et compte tenu des événements, nous avons décidé de privilégier la
qualification criminelle des faits. Nous avons distingué la nature des
poursuites, selon que les agissements participaient ou non directement à la
violence, notamment en poursuivant au criminel les participations à des camps
d'entraînement, à des combats ou à des exactions.»
Suivre les sortants
«Nous avons pris conscience
que le rôle des femmes ne se limitait pas à des tâches d'intendance mais
qu'elles étaient partie prenante dans l'action terroriste»
Catherine Champrenault, procureur
général de Paris
Autre virage pris par la justice,
au fil des affaires, une plus grande sévérité est infligée aux femmes et aux
mineurs. Aujourd'hui, ces derniers représentent respectivement 10% des
condamnés. «Nous avons pris conscience que le rôle des femmes ne se limitait
pas à des tâches d'intendance mais qu'elles étaient partie prenante dans
l'action terroriste en élevant leurs enfants dans l'idéologie islamiste -en
les envoyant dans des camps pour mineurs- et participant parfois
directement à des combats, à la police islamiste voire à la préparation ou la
commission d'attentat», poursuit la procureur général. Les premiers à avoir
pris la mesure de ce phénomène ont été les juges correctionnels qui ont
progressivement revu leur doctrine et leur manière de juger, à mesure qu'ils
acquéraient une mémoire des dossiers et une culture plus approfondie de la
matière terroriste. Une mémoire et une spécialisation extrêmement précieuses,
que n'ont pas forcément les magistrats de la cour d'assises spécialisée.
«Pour éviter l'accusation de Cour
d'exception, Jean-Michel Hayat, le président du TGI de Paris, préfère nommer
comme assesseurs des civilistes peu familiers des dossiers terroristes. Même
s'ils peuvent parfois manquer de culture sur l'islam et de certains réflexes
nécessaires», souligne ce bon connaisseur du terrorisme. Notamment en ce qui
concerne le suivi des sortants. Les juridictions correctionnelles prononcent
systématiquement des mesures de suivi sociojudiciaire ou de surveillance qui
permettent de suivre les sortants de prison pour les faits les moins graves, via
des obligations et des interdictions. Cela n'a pas toujours été le cas des
cours d'assises. Or «rien ne serait pire que des sorties sèches», souligne
encore Catherine Champrenault. Avec 150 condamnés, et 356 prévenus, c'est en
effet tous les ans que sortent désormais de prison des détenus terroristes.
«Soit 10 à 20 % en moyenne des condamnés», selon l'Administration
pénitentiaire.
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Djihadisme : «La justice fait face à un phénomène de
masse» (24.05.2018)
Par Christophe
Cornevin et Jean
ChichizolaMis à jour le 24/05/2018 à 20h22 | Publié le 24/05/2018 à
20h07
INTERVIEW - Jean-Charles Brisard,
président du Centre d'analyse du terrorisme (CAT), décrypte les enjeux du
contentieux syro-irakien.
LE FIGARO. - Votre rapport souligne
que l'écrasante majorité des dossiers terroristes ont été jugés en
correctionnelle jusqu'en 2017. Est-ce que la réponse pénale a été à la hauteur
des enjeux?
Jean-Charles BRISARD.- Disons
qu'elle a été tributaire des contraintes inhérentes à l'appareil judiciaire. Le
parquet de Paris a certes décidé en avril 2016 qu'il allait
systématiquement criminaliser tous les dossiers de djihadistes présents sur
zone depuis janvier 2015 et ceux qui ont participé à des combats, des
patrouilles armées ou à la police islamique au sein d'organisations
terroristes. Même si l'on observe une légère aggravation des peines infligées,
force est de constater que jusqu'à présent, la stratégie de durcissement de la
politique pénale et de criminalisation ne s'est traduite que par un jugement
devant la Cour d'assises spéciale. Il s'agit du dossier de la famille Garrido,
dont les parents et les trois enfants ont été condamnés par défaut à des peines
de dix à quinze ans d'emprisonnement le 18 avril 2017. Le père et l'un de ses fils
étaient apparus dans une vidéo de l'État islamique intitulée «What are you
waiting for?», dans laquelle ils brûlent leurs passeports français et exhortent
les musulmans de France à rejoindre l'organisation terroriste et à commettre
des actions violentes dans le pays. Les contraintes liées à la faiblesse des
preuves matérielles dans certains dossiers et à la nécessité d'un audiencement
dans des délais raisonnables sont souvent dissuasives et conduisent dans la
plupart des cas le parquet à privilégier le renvoi en correctionnelle
d'affaires qui, en théorie, pourraient être criminalisées…
Pouvez-vous citer un exemple?
Oui, au 15 mai 2018, 17 individus
correspondant précisément aux critères définis par le parquet, c'est-à-dire sur
zone en janvier 2015 et ayant combattu dans les rangs d'organisations
terroristes, parmi lesquels 6 revenants, ont été jugés par le tribunal
correctionnel, alors que leur cas aurait pu être criminalisé, ce qui aurait
permis de tripler la peine maximale encourue par ces personnes. Inversement,
depuis le début de l'année 2018, deux procès aux assises ont concerné des
individus ayant rejoint l'État islamique et combattu dans ses rangs, mais qui
avaient regagné le territoire national avant janvier 2015. De même, le
parquet a demandé la correctionnalisation d'affaires impliquant des individus
ayant participé à des exactions ou à des projets d'attentats. En pratique donc,
le parquet procède à une appréciation au cas par cas s'agissant de
l'opportunité d'attraire des personnes devant la Cour d'assises spécialement
composée. Cela peut donner l'impression d'une politique à géométrie variable.
Soulignons cependant que la situation est amenée à évoluer en 2018, puisqu'une
vingtaine de dossiers devraient être audiencés devant la Cour d'assises et que,
depuis le début de l'année, cette dernière a jugé 22 % des personnes dans
le cadre des filières djihadistes syro-irakiennes.
«En pratique donc, le parquet
procède à une appréciation au cas par cas s'agissant de l'opportunité
d'attraire des personnes devant la Cour d'assises spécialement composée»
Vous posez aussi la question
de la cohérence entre l'alourdissement des peines en matière d'association de
malfaiteurs terroriste par le législateur et, d'autre part, la réalité de la
politique pénale et des moyens de la justice
Tout à fait. La justice, à
l'instar des services de renseignement et de la police, fait face à un
phénomène de masse. Depuis 2012, la section antiterroriste du parquet de Paris
est confrontée à une croissance exponentielle du nombre de dossiers de
terrorisme djihadiste. Face à cette situation, plusieurs aménagements sont
intervenus dans l'organisation judiciaire pour permettre de juger plus
rapidement plus de dossiers. Depuis le 2 janvier 2017, la 16e chambre
correctionnelle compte deux formations de jugement pour garantir la fluidité
dans le traitement de ces dossiers. Afin d'audiencer un nombre plus important
d'affaires terroristes et d'améliorer le fonctionnement de la Cour d'assises
spécialement composée, la loi du 28 février 2017 a réduit de six à quatre le
nombre d'assesseurs en premier ressort et de huit à six en appel. Ces
aménagements ont permis d'éviter l'engorgement jusqu'en 2017. Un indicateur en
témoigne: entre 2014 et 2017, la durée moyenne entre le mandat de dépôt ou le
contrôle judiciaire et le procès a été de 2 ans et 2 mois. Ce qui est un délai
tout à fait raisonnable.olitique pénale et des moyens de la justice?
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Le défi de la prise en charge des «enfants du djihad»
(24.05.2018)
Les services d'aide sociale à
l'enfance sont dans l'inconnu : comment s'occuper de ces enfants
multi-traumatisés, qui ont connu les armes, les bombardements et les privations
? De retour en France, les «enfants du djihad» doivent apprendre à parler et à
se reconstruire.
«Nous sommes des pionniers.»
D'une phrase, l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Saint-Denis
résume le sentiment d'inconnu qui entoure la prise en charge des «enfants du djihad». «Victimes ou bombes à
retardement?» interroge le dernier roman de la journaliste Sonia Mabrouk,Dans son cœur sommeille la vengeance .
Leur accompagnement représente en tout cas un défi inédit pour ce service de
protection de l'enfance. Au total, 77 mineurs sont revenus en France après
avoir été emmenés sur la zone de conflit syro-irakienne par des parents
français. Certains sont aussi nés là-bas. 56 d'entre eux affichent moins de 10
ans et 14 ont moins de 3 ans. Le gouvernement estime à 500 le nombre de ces
enfants encore sur zone. Aucun de ceux pris en charge par la protection de
l'enfance et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ne sont des «lionceaux» que Daech aurait poussé à commettre des exactions,
précise la responsable de la Mission nationale de veille et d'information
(MNVI).
La plupart sont revenus en France
par l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, rattaché à la juridiction du
tribunal de Bobigny, et ont donc été confiés à l'aide à l'enfance (ASE) de la
Seine-Saint-Denis. Ce service en prend actuellement 31 en charge, après
décision de placement du juge. La grande majorité d'entre eux sont placés dans
des familles d'accueil plutôt qu'en foyer ou chez des proches, comme le
préconise la circulaire du 23 février 2018 qui précise leurs modalités d'accompagnement. Après les craintes exprimées par certaines de ces familles
d'accueil sur leur sécurité, elles doivent désormais se porter volontaire.
Traumatismes et troubles
psychologiques
«Il nous est arrivé de récupérer
des bébés encore allaités par leurs mères et dont nous ne savions rien, même
pas leur date de naissance, rapporte l'ASE de Seine-Saint-Denis. De plus,
certains enfants ne parlent pas bien français ou pas du tout.» Difficulté
supplémentaire, ces professionnels de la protection de l'enfance ne connaissent
pas le détail du dossier judiciaire des parents. À leur arrivée, tous ces
mineurs passent des bilans somatique et psychologique pour évaluer leur état.
Ils sont ensuite suivis de très près par des éducateurs et des psys. Après une
période de bricolage, une foule d'acteurs travaillent désormais de manière plus
coordonnée sur le sort de ces mineurs, du parquet à l'Agence régionale de santé
en passant par l'académie et les travailleurs sociaux.
«Ils ont pu être obligés
d'assister à des exécutions publiques, ont vécu avec des armes à la maison, ont
vu des vidéos de propagande. Ils ont connu des bombardements et des privations»
Fatigués et souvent carencés à leur arrivée, traumatisés,
les enfants de revenants manifestent leurs troubles par des cauchemars
récurrents, troubles de l'alimentation et de l'attachement, des tocs… «Ils ont
pu être obligés d'assister à des exécutions publiques, ont vécu avec des armes
à la maison, ont vu des vidéos de propagande. Ils ont connu des bombardements
et des privations, rappelle-t-on à la responsable de la Mission nationale de
veille et d'information, un service de la PJJ. À leur retour, certains ont peur
des bruits d'avion, d'autres ne supportent pas les portes fermées. Il y a ceux
qui craignent les adultes et ceux qui se raccrochent à eux de manière
fusionnelle.» Des symptômes variés et délicats à analyser, s'accordent à penser
les spécialistes de la protection de l'enfance. «C'est très long de faire la
part des choses entre les traumatismes liés à la guerre et ceux liés à la
séparation avec leurs parents, généralement de leur mère, à leur arrivée en
France, souligne l'ASE du 93. Ils doivent aussi s'adapter à un environnement
nouveau. Certains ont été élevés dans l'idée que la France n'était pas le pays
où il fallait vivre. Aujourd'hui, on demande au parent revenant de préparer
l'enfant à la séparation mais on ne sait pas ce qu'il lui raconte.»
Nounours qui explosent et
dessins de têtes décapitées
«La plupart sont dans le déni
de ce qui s'est passé. Ils préfèrent parler de leur vie actuelle que du passé
car ils ont envie de rebondir, d'aller à l'école»
Serge Hefez, psychiatre
Ces enfants sont-ils pour autant
endoctrinés, marqués par le discours extrémiste de leurs parents? «Certains
peuvent aussi banaliser le recours aux armes - jouer au nounours qui explose
par exemple - sans pour autant être agressifs ou endoctrinés. On sait que
certains ont utilisé leur vocabulaire et taxé François Hollande ou Barack Obama
de kouffars en les voyant à la télé, rapporte-t-on à la PJJ. Mais ils ne
reprennent ni le discours ni les revendications djihadistes.» D'autres
professionnels évoquent des dessins de têtes décapitées ou des grands frères
demandant aux plus petits de ne pas parler. Or parler, c'est le début de la
reconstruction, soulignent les psys. «Un petit garçon de 11 ans n'arrivait pas
à me dire autre chose que “C'est pourri, c'est pourri”», se souvient le
psychiatre Serge Hefez qui a rencontré une dizaine d'«enfants du djihad». «La
plupart sont dans le déni de ce qui s'est passé. Ils préfèrent parler de leur
vie actuelle que du passé car ils ont envie de rebondir, d'aller à l'école.
Comme s'ils voulaient rayer cette parenthèse de folie de leur vie.»
Dans la majorité des cas, ces
mineurs gardent par ailleurs un lien avec leurs parents, qu'ils rencontrent
régulièrement en prison lors de visites médiatisées, en présence d'éducateurs.
«C'est important qu'ils continuent à voir leur mère afin de ne pas l'idéaliser
ou la victimiser», pointe Muriel Domenach, secrétaire générale du Comité
interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation.
Revivront-ils un jour ensemble? Vont-ils se rebeller contre leur famille?
Quelle sera leur vie dans dix ans? Dans vingt ans? «On sent qu'ils avancent
mais nous ne sommes pas dans leur tête. C'est l'inconnu», admet-on à l'ASE de
Seine-Saint-Denis. «Les considérer comme des bombes à retardement, les
stigmatiser, c'est en tout cas prendre le risque d'une récupération par les
extrémistes», plaide pour sa part la PJJ.
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Enquête sur le vrai visage des djihadistes français
(24.05.2018)
EXCLUSIF - Très jeunes, souvent
inconnus de la justice… 238 profils de condamnés ont été passés au crible
dans un rapport choc que révèle Le Figaro.
Cette étude que révèle Le
Figaro est inédite. Menée par le Centre d'analyse du terrorisme (CAT) sous
la direction de Jean-Charles Brisard et intitulée «La justice pénale face au
djihadisme», elle passe au crible l'ensemble du contentieux judiciaire des
filières dites «syro-irakiennes». Soit 238 islamistes radicaux condamnés
entre 2014 et 2017.
• Un contentieux qui a explosé
en quatre ans
Un contentieux de masse pour un
phénomène aux proportions sans précédent. L'étude du CAT rappelle que si le
terrorisme islamiste sévit dans l'Hexagone depuis les années 1990, le djihad
syro-irakien a créé un changement d'échelle. Dans les années 2000, le djihad
irakien avait attiré 30 Français. Depuis janvier 2013, 980 Français ou
résidents ont manifesté des velléités de départ vers les zones de combat et
1269 individus y seraient toujours. Trois cent trente-cinq sont revenus en
France.
Conséquence de ce flot, le
parquet de Paris traitait, au 15 mai 2018, 513 dossiers liés aux
filières syro-irakiennes impliquant 1620 individus. Le nombre de dossiers
est passé de 10 en 2012 à 240 en 2016. En 2017, 173 dossiers ont été ouverts,
signe de la fin des départs sur zone.
Le nombre de condamnations a
aussi progressé, avec 114 condamnations pour association de malfaiteurs
terroriste délictuelle, contre 32 en 2012 (+ 250 %). Entre le 7 mars
2014 (date du premier procès concernant ces filières) et la fin 2017,
238 personnes ont été jugées en première instance devant la
16e chambre du tribunal correctionnel de Paris, la cour d'assises
spécialement composée et le tribunal pour enfants. La tendance se poursuit en
2018 avec 17 affaires, impliquant 37 personnes, jugées entre le 1er
janvier et le 15 mai.
• La montée en puissance des
terroristes 2.0
Le terrorisme est devenu un
phénomène de masse. Le rapport du CAT en témoigne: la moyenne d'âge des
individus jugés est désormais de 24 ans et demi. «La plus jeune personne a
14 ans», précise le document. À l'autre bout de l'échelle, seuls trente
condamnés se situent dans la tranche des 30 à 51 ans. Autant dire que le
phénomène des «vétérans» recrutés formés au sein d'une «élite» dans la galaxie d'al-Qaida
s'est estompé au profit de djihadistes 2.0 cédant aux sirènes de la propagande
numérique. Dans ce panorama mouvant, les femmes montent en puissance. «À la fin
de l'année 2016, […] le parquet a mis fin à une sorte d'impunité qui prévalait
jusqu'alors, s'agissant de la poursuite des femmes de djihadistes, précise le
rapport. Beaucoup, y compris au sein de la magistrature, considéraient que les
femmes étaient cantonnées à des tâches ménagères, et le débat sur l'opportunité
de les poursuivre au même titre que les hommes compte tenu de leur implication
opérationnelle s'est traduit par une évolution de la politique judiciaire.»
Entre 2014 et 2017, rappelle le
CAT, 22 femmes dont neuf mineures, ont été impliquées dans
12 projets ou tentatives d'attentats en France. Depuis 2017, celles qui
sont de retour des zones de combat sont systématiquement judiciarisées, au même
titre que les hommes. Ainsi, trois ont été jugées en 2016 et 15 en 2017.
• Des djihadistes sans
antécédents judiciaires
C'est l'une des principales
révélations de l'étude du CAT: sur l'ensemble des procès liés au conflit
syro-irakien, 62 % des prévenus n'ont aucun antécédent judiciaire. De quoi
tordre le cou à l'idée bien ancrée selon laquelle la plupart des soldats perdus
de Daech auraient fait leurs premières armes dans la petite délinquance de cité
et le banditisme. Il est vrai que la porosité entre le terrorisme et le droit
commun a été incarnée par les trajectoires de Mohamed Merah, le tueur de
Toulouse et Montauban, ou encore d'Amedy Coulibaly, auteur de la prise d'otages
en 2015 de l'Hyper Cacher. Mais nombre d'attentats récemment perpétrés sur le
sol français ont mis en scène des individus au casier vierge. «Cela pose la
question de la détection et du soudain basculement dans l'action violente»,
insiste Jean-Charles Brisard, citant le cas d'«Abou Ismaïl», aspirant
terroriste de 13 ans originaire du Val-de-Marne, qui rêvait de poignarder
des «kouffars» au hasard dans la rue avant de se faire interpeller en juin 2017
par la DGSI.
» LIRE AUSSI - Islamisme:
dans le Tarn, les services de l'État suivent de près l'évolution des profils à
risque
Autre enseignement du rapport
CAT: si un tiers des 238 individus ayant écopé d'une peine sont des
«revenants», 42 ont été jugés alors qu'ils sont censés être en zone
syro-irakienne. Depuis février 2017, le parquet de Paris a eu recours à des jugements
dits de «présomption d'absence» pour les djihadistes donnés comme morts sur le
champ de bataille. En cela, la justice ne veut pas tomber dans le piège d'une
machination macabre. Ainsi, ce fut le cas d'Omar Diaby, alias Omar Omsen, un
Niçois parti combattre fin 2013 en Syrie et réapparu comme par magie sur les
écrans radar deux ans après sa mort annoncée. Enfin, le rapport mentionne
59 personnes jugées pour soutien logistique ou financier, projet
d'attentat ou provocation à un acte direct de terrorisme. Incarnations de cette
menace «endogène», elles représentent environ le quart des cas jugés.
• Des condamnations plus
sévères
Pour l'ensemble des procès liés
au djihad syro-irakien depuis 2014, la moyenne de peine prononcée est de six
ans et six mois. Elle a fortement augmenté entre 2015 et 2018 pour atteindre
cette année sept ans et cinq mois d'emprisonnement. Un islamiste jugé cette
année dans le cadre du contentieux syro-irakien a donc toutes les chances
d'écoper d'une peine deux fois plus lourde que quatre ans auparavant. Et cet
alourdissement va se poursuivre puisqu'on observe une hausse du nombre de
recours à la qualification criminelle avec des peines encourues plus sévères. À
noter que les «revenants» ont vu leur peine moyenne passer de sept ans et huit
mois en 2017 à neuf ans en 2018.
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Le blocage des universités donne des ailes aux syndicats
patriotes (16.05.2018)
ENQUÊTE - Grâce à des coups
médiatiques devant les campus bloqués et des conférences qui attirent des
jeunes de plus en plus nombreux, des associations étudiantes souverainistes et
patriotes se positionnent comme rempart à l'extrême gauche universitaire. Et
font de l'ombre à l'UNI, le syndicat de droite traditionnel.
L'amphithéâtre N de Tolbiac a
fait salle comble en ce dernier jeudi de mars. Alors que la contestation
étudiante contre la loi orientation et réussite des étudiants (ORE) bat son
plein, 800 personnes sont présentes pour voter en assemblée générale (AG)
le blocage du campus parisien de l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne. Dans
la cohue, un groupe d'une dizaine d'étudiants opposés à cette occupation de la
fac émerge. Certains sont glabres et endimanchés, d'autres ont de longues
barbes hirsutes et le cheveu ras. Ils font pour la plupart partie de l'association
souverainiste La Cocarde étudiante, créée en 2015 au sein de l'université
Paris-II Panthéon-Assas. Devant eux à la tribune, une jeune femme, dans un
larsen de sono mal réglée, hausse le ton: «Un groupuscule fasciste s'est
incrusté dans nos rangs. Nous ne commencerons pas l'AG tant qu'ils resteront
ici.» La chasse aux sorcières ne dure pas longtemps. Cinq minutes plus tard,
des coups de pied atterrissent au beau milieu du visage des étudiants de La
Cocarde. Coups qu'ils rendent bien volontiers avant de se faire exclure sous
les hourras.
La menace du «groupuscule
fasciste» est une vieille antienne pour la gauche universitaire depuis la
création du Groupe union défense (GUD) à Assas en 1968. Réputé pour ses actions
violentes et particulièrement actif pendant les années 70, il a largement
décliné ces vingt dernières années. Aujourd'hui, «le GUD a complètement
disparu, explique Guillaume Leyte, le président d'Assas. Même si sa réputation
est indécrottable et que certains s'en autoproclament successeurs». Depuis cinq
ans, des associations patriotes et souverainistes se sont constituées, réfutant
officiellement toute affiliation avec les «gudards». Certaines ont des
ambitions politiques et quelques élus dans les universités, comme l'Union des
étudiants patriotes (UEP), fondée en 2014 à Assas, ou La Cocarde étudiante.
D'autres préfèrent les conférences et les actions coups-de-poing, comme
l'action française (AF) étudiante. En ce début d'année 2018, des militants de
La Cocarde et l'AF étudiante se sont réunis sur un groupe Facebook hostile aux
blocages des universités.
Une tradition de l'action
«Nous avons une tradition de
l'action, ici, c'est même notre nom ! On assume parfaitement cette violence
quand elle est au service de la raison.»
Cyriaque de Vulpillières,
président de l'AF (action française) étudiante à Paris
C'est une trentaine d'entre eux
qui, le 6 avril dernier, ont envoyé fumigènes, chaises et barres de fer
par-dessus les grilles de Tolbiac avant de se prendre en photo devant une banderole
«FAC LIBRE». L'université était alors complètement bloquée par une centaine de
militants hostiles à la
sélection dès l'entrée à l'université qu'institue, selon eux, la loi ORE dans
certaines filières. «La question de savoir si on doit bloquer une fac
ou pas ne devrait même pas être posée, défend Cyriaque de Vulpillières,
président de l'AF étudiante à Paris. Leurs assemblées générales ne représentent
pas les étudiants et ne valent rien.» Ce petit groupe a réitéré ces actions le
12 avril au campus de Clignancourt et le 10 mai dernier à Malesherbes
(Paris-IV tous les deux) avec à chaque fois des milliers de partages sur les
réseaux sociaux et des reprises dans tous les médias. À 21 ans, Cyriaque
termine sa licence de philosophie à la Sorbonne. Difficile d'imaginer ce brun
blême au visage encore poupin comme l'un des meneurs d'hommes de cette fronde. Pourtant
c'est bien lui qui, bonnet vissé sur la tête et gants coqués aux mains, est
allé «foutre la merde» à Tolbiac, Clignancourt ou Malesherbes. Lui aussi qui
est allé le 19 avril entarter
le député de La France insoumise Éric Coquerel, particulièrement
présent pour soutenir les étudiants bloqueurs ces dernières semaines. Les
retombées médiatiques de ces actions ont dépassé ses attentes et Cyriaque pense
que son groupe «a joué un vrai rôle dans les évacuations successives de
plusieurs campus en France».
» LIRE AUSSI - Tolbiac:
récit d'un mois d'occupation et de capharnaüm
Pour ces militants, de telles
actions sont l'assurance de déclencher des esclandres violents. Cyriaque le
sait et s'en accommode. «À part nous traiter de fachos, sans argument derrière,
ils (les bloqueurs, NDLR) ne sont pas bien menaçants, pique-t-il dans un
sourire que les minutes rendent de plus en plus goguenard. Nous avons une
tradition de l'action, ici, c'est même notre nom! On assume parfaitement cette
violence quand elle est au service de la raison.»
Doctrine maurrasienne
Un avis que ne partage évidemment
pas Jimmy Losfeld, le président de la Fage, syndicat étudiant majoritaire,
favorable à la loi ORE. «Ces associations instrumentalisent la situation dans
les universités pour légitimer leurs actions violentes», s'insurge-t-il.
Vendredi 11 mai, six jeunes antibloqueurs - dont trois mineurs - étaient placés
en garde à vue pour «participation à un groupement formé en vue de la préparation
de violences», «violences en réunion», «vols en réunion» et «dégradation du
domaine public», après les incidents à Malesherbes.
«L'UNI ne fait plus rien en
dehors des élections universitaires. On ne les voit ni tracter, ni s'afficher
dans les assemblées générales. Ils ont laissé un espace vide en délaissant le
terrain.»
Quentin Limongi, le président de
La Cocarde étudiante
À ces actions sur le terrain,
l'UNI, principal syndicat de droite, préfère une ligne plus policée, enchaînant
- avec succès à l'université Toulouse-Jean-Jaurès récemment évacuée - les
requêtes et recours devant les tribunaux administratifs. Son président, Olivier
Vial, reproche aux associations souverainistes leur manque de structure. «Ces
mouvements ont une culture plus groupusculaire que politique, note-t-il. Ils ne
sont pas nouveaux et se recréent sous d'autres formes dès qu'ils meurent.» Le
quadragénaire l'assure, «ils sont très peu nombreux et ne représentent aucune
menace pour l'UNI». Mais, à se détourner des actions de terrain, la droite
universitaire risque bien de voir certains de ses sympathisants potentiels lui
tourner le dos. «L'UNI ne fait plus rien en dehors des élections
universitaires, juge Quentin Limongi, le président de La Cocarde étudiante. On
ne les voit ni tracter, ni s'afficher dans les assemblées générales. Ils ont
laissé un espace vide en délaissant le terrain.» Le président d'Assas confirme
que «les extrêmes - droite ou gauche - ont toujours une plus forte visibilité
lors d'événements comme les blocages» et que «les étudiants sont plus attirés
par leurs messages forts que par une droite plus traditionnelle».
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Polony: «Sous les pavés, le naufrage»
Olivier Vial a raison sur un
point: ces associations restent assez confidentielles. Mais elles se
développent. Depuis un an, l'AF étudiante en Île-de-France est passée de dix à
une centaine d'adhérents, tous actifs et mobilisés. D'anciennes «coquilles
vides» à Strasbourg, Rennes ou Toulouse, épicentres de la grogne étudiante très
marquée à gauche, ont refait surface. L'UEP et La Cocarde ont quelques
centaines d'adhérents et une dizaine d'élus étudiants à eux deux. L'an dernier,
ils étaient «une centaine d'étudiants d'Assas à avoir voté pour l'une ou pour
l'autre lors des élections universitaires», précise Guillaume Leyte. Ces deux
associations viennent juste de trouver un nombre suffisant de jeunes filles
pour présenter leurs listes paritaires aux prochaines élections à Paris-I.
«Ces blocages nous ont permis
de faire passer certains messages. Parce que dans les moments de crise, les
gens se questionnent davantage sur leur investissement au sein de la société.»
François Bel-Ker, président de
l'AF
«Les buzz récents de La Cocarde
étudiante et de l'AF ne feront pas évoluer les mentalités à long terme», note
toutefois Pierre, le vice-président de l'UEP, qui préfère ne pas communiquer
son nom. Lui dit préférer «les cravates aux crânes rasés». Autrement dit, il
vante les mérites des conférences hebdomadaires qu'il organise pour «former la
jeunesse». Des événements dont l'AF est aussi friande, et où elle attire de
plus en plus de jeunes. Comme ce samedi 12 mai à Paris, dans une salle où se
sont réunies 350 personnes, en majorité des étudiants et des lycéens. Pour un
colloque sur la succession de Mai 68, douze étudiants sont venus
s'exprimer sous le regard forcément bienveillant de Jeanne d'Arc - présente en
affichettes et dans les discours. Les débats alternent entre des avis
d'«écologistes intégraux», d'instituteurs anti-élitisme ou d'antirépublicains
convaincus. Une «doctrine maurrassienne» que les étudiants de l'AF iront
ensuite transmettre devant leurs universités lors de séances de tractage, de
conférences ou de ventes de journaux à la criée. «Ces blocages nous ont permis
de faire passer certains messages, confirme le président de l'AF, François
Bel-Ker. Parce que dans les moments de crise, les gens se questionnent davantage
sur leur investissement au sein de la société.»
Si ces associations rejettent
l'UNI pour son affiliation au groupe LR, elles sont elles-mêmes proches de
certains hommes politiques qu'elles accueillent à leurs colloques. C'est le cas
de Nicolas Bay, l'ancien vice-président du Front national, proche de l'UEP. Ou
de Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) et de Jean-Frédéric Poisson, (Parti
chrétien-démocrate), «amis» de La Cocarde. «Ces associations ont de vrais
soutiens en politique, elles ne sortent pas de nulle part», renchérit Jimmy
Losfeld. Pendant quatre ans, dès 2014, un «Collectif Marianne» avait même été
créé par le Front national de la jeunesse (FNJ), pour grappiller des places
d'élus à l'université en faisant liste commune avec l'UEP. Il a été abandonné
cette année. «On part du constat que le combat universitaire est trop difficile
car noyauté par l'extrême gauche», explique le président du FNJ, Jordan
Bardella. Changement de braquet ces derniers temps: le FN est en train de
s'associer aux syndicats déjà présents sur son créneau. «Pour le volet
souverainiste à l'université, on a déjà l'UEP et La Cocarde», souffle-t-il.
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Ukraine : les milices extrémistes du bataillon Azov
(18.05.2018)
REPORTAGE - Fondées dans l'ombre
de l'ancien mouvement paramilitaire réputé pour ses codes esthétiques néonazis,
les milices Droujini dispersées dans toute l'Ukraine grandissent. Des groupuscules
qui témoignent d'un regain de la fibre ultranationaliste au cœur d'un pays
fatigué par quatre ans de conflit.
C'est une petite mer de drapeaux
multicolores qui flottent au gré du vent ce matin du 3 avril 2018, à Kiev,
sur le carrefour jouxtant l'entrée du stade Dynamo, non loin de la place de
l'Europe. Compacte, la foule s'étend le long de la rue Mykhaila Hrushevskoho
qui remonte vers le Parlement - ici même où, en janvier 2014, des
barricades avaient été érigées par les manifestants lors
de la révolution de Maïdan. Plus de quatre ans après, seuls quelques
petits monuments discrets immortalisent cet événement décisif dans l'histoire
du pays ayant, notamment, déclenché le
conflit du Donbass contre les deux mouvements séparatistes prorusses:
la République populaire de Donetsk et celle de Lougansk - cette guerre
oubliée dont le bilan est estimé à plus de 10 000 morts.
Des haut-parleurs accrochés au
toit d'un camion font retentir une musique rock tandis que, des rues
adjacentes, continuent d'affluer des petits groupes de jeunes, oriflammes et
banderoles sur l'épaule. Certains sont de Kiev, d'autres ont pris le train pour
venir participer à ce défilé où convergent les trois grands mouvements
nationalistes ukrainiens: Pravy Sektor (littéralement «Secteur droit»), Svoboda
(«Liberté») et… le Corps national, organe politique créé dans le sillage du
bataillon Azov. Dans cette manifestation dénonçant la corruption du
gouvernement de Petro Porochenko et plus largement l'influence d'oligarques liés
à la Russie de Poutine, ce sont ces derniers qui attirent le plus les regards.
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Maïdan à Minsk: Ukraine, un an de guerre
Une organisation à
l'esthétique moderne
Alignés, disciplinés, habillés du
même uniforme (une veste au motif camouflage militaire gris frappée d'un
écusson aux armoiries de l'Ukraine, un trident, revisité et modernisé), ils
sont un peu plus d'une centaine. Visage découvert ou encagoulé, leurs yeux
n'ont pas vu beaucoup d'hivers. Ce sont les Natsionalniy Droujini ou
Natsionalna Droujina - inspirés du terme droujini, qui désignait la principale
force armée des princes de la Russie kiévienne. Officiellement fort de 600 à
800 membres, cet organe affilié au Corps national d'Azov a pour but de
structurer la jeunesse en l'impliquant dans des activités de veille civiques et
de maintien de l'ordre.
«Même si on leur colle une
étiquette de néonazis, ce sont plutôt des individus issus des milieux d'ultras
du football, ou juste d'une mouvance ultranationaliste.»
Chercheur spécialiste de
l'Ukraine
«Le mot le plus juste pour les
qualifier serait “milice” dans son acception première, ou bien “vigilante” en
anglais, commente un chercheur spécialiste de l'Ukraine. Ils se définissent
comme une force auxiliaire à la police. A l'origine, et même si on leur colle
une étiquette de néonazis, ce sont plutôt des individus issus des milieux
d'ultras du football, ou juste d'une mouvance ultranationaliste.»
Cette brigade auréolée d'une
esthétique paramilitaire très moderne a fait son entrée officielle sur la scène
publique fin janvier, à Kiev, quand des centaines de membres ont défilé dans
les rues de la capitale lors d'une manifestation aux allures de parade
militaire, avant de prêter serment devant Andriy Biletsky, figure historique
sulfureuse du bataillon Azov et aujourd'hui l'un des deux députés du Corps
national à la Rada, le Parlement ukrainien.
Biletsky est l'homme à la tête de
cette hydre politique et sociale qu'est devenu Azov, une étrange entité aux
financements occultes et inconnus, qui existe à travers trois branches
prétendument distinctes mais viscéralement liées: le bataillon Azov, qui a
forgé sa réputation dans l'après-Maïdan sur le front à l'est et qui a été
depuis incorporé à l'armée régulière sous l'égide du ministre de l'Intérieur
Arsen Avakov (ancien proche de Biletsky) ; le Corps national, un parti
politique fondé en 2016, agrégat de vétérans du bataillon Azov et d'autres
micropartis ultranationalistes réputés pour leur proximité avec une idéologie
néonazie, et ces fameux Droujini, ces milices réparties dans plusieurs villes
du pays (dont Kiev), organisant des patrouilles et dont les revendications consistent,
entre autres, à aider au maintien de l'ordre et à la restructuration de la
société.
En raison de son passé
ouvertement néonazi, le fondateur du bataillon Azov, Andriy Biletsky limite
considérablement ses interventions dans les médias. - Crédits photo :
GUILLAUME HERBAUT
Quelques jours plus tôt, à
400 kilomètres à l'ouest de Kiev, dans la ville de Lviv, près de la
frontière avec la Pologne, nous rencontrons Svat, 22 ans. Il est le «chef
de l'état-major» de la cellule locale des Natsionalna Droujina. «Nous avons commencé
les patrouilles il y a un mois et demi, raconte-t-il. La police n'est pas assez
efficace. On essaie de lutter contre la consommation d'alcool, les jeux
d'argent, la délinquance mais aussi les actes criminels.» Il fait alors mention
d'un «attentat» survenu dans le cimetière de Lviv: une grenade, ou un explosif,
jetée à l'endroit où sont enterrés des hommes tombés au combat sur le front à
l'est.
Nous sommes donc cordialement
invités à les suivre lors d'une patrouille de nuit. Une dizaine de jeunes, entre
17 et 25 ans, arrivent dans les locaux loués par les Droujini. Etudiants
ou jeunes diplômés, ils arborent fièrement la fameuse veste ornée du trident
ukrainien - également symbole du parti Corps national. Certains, charmés
par la réputation des vétérans du bataillon Azov, souhaitent eux aussi partir
sur le front ; d'autres veulent s'engager en politique. Tous disent
vouloir servir l'Ukraine et ont acheté eux-mêmes leur veste de Droujini. L'un
d'eux nous interpelle, curieux, à propos de la Légion étrangère française.
«Vous savez comment on peut les rejoindre?» - «Oui, mais si tu y vas, tu ne
pourras plus servir ton pays.» Pas de réponse. Sont-ils habités d'un vrai
patriotisme ou d'une simple fascination pour l'univers militaire? Difficile à
dire tant les réponses données semblent formatées par le populisme du discours
officiel d'Azov.
Quand les droujini imposent
leur loi
Alors que le soleil se couche sur
cette ville à l'architecture austro-hongroise, la milice se met en route dans
les rues animées en ce samedi soir de printemps. Assises sur un petit banc,
deux filles discutent. Une bouteille de vin, encore fermée, est posée à côté
d'elles. Les justiciers en herbe s'en emparent immédiatement et la jettent à la
poubelle sous le regard interloqué des deux jeunes femmes. Juste à côté, un
groupe de trois garçons, buvant ostensiblement des canettes de bière, mais plus
vieux, plus grands et plus costauds, sera épargné par cette magnanimité
étrangement ponctuelle des Droujini.
Un groupe de jeunes de la milice
intervient pour empêcher deux filles de boire de l'alcool- Crédits photo :
GUILLAUME HERBAUT
Une heure de déambulation
surréaliste plus tard, la troupe s'en prend à deux jeunes couples venus
d'Odessa passer le week-end à Lviv et buvant du champagne tout en contemplant
les lumières scintillantes de la ville depuis le sommet du parc du Haut
Château. Les miliciens tentent de confisquer la bouteille. C'était sans compter
sur l'espièglerie des intéressés. «Vous n'avez pas le droit de boire en
public», commence l'un des Droujini. «C'est faux, rétorque d'un coup l'un des
jeunes. Et puis d'abord, qui es-tu? Qu'est-ce qui te donne le droit de
m'interdire de boire?» Autour de l'attroupement, des dizaines de touristes et
de jeunes continuent de profiter de la belle soirée et regardent, amusés - et
verre à la main -, le débat. Désarmés et décontenancés par le flegme et
l'insolence de l'une des jeunes filles, les Droujiny et leur discours
commencent à tourner à vide. «Allez, viens boire un coup avec nous»,
adresse-t-elle à l'un des miliciens. Quelques minutes plus tard, c'est une
gorgée de l'amitié et des numéros de téléphone qui seront échangés.
Azov n'est que la pointe
émergée de l'iceberg. De nombreux mouvements ultranationalistes sont nés dans
l'après-Maïdan
Si cette patrouille tenait plus
du spectacle absurde que d'une scène de répression d'un groupuscule rendant
justice par lui-même, les Natsionalniy Droujini continuent, quatre mois après
leur défilé à Kiev, d'intriguer les observateurs et de faire grincer des dents
certaines sphères diplomatiques - jusque dans les coulisses de Bruxelles où
l'on s'interroge sur l'indulgence du gouvernement ukrainien à l'égard d'Azov et
de son leader. Le congrès américain a d'ailleurs prévu, en mars dernier, de les
couper de toute aide venue des Etats-Unis.
«Biletsky et les principaux
membres à l'origine d'Azov viennent pratiquement tous de Kharkiv, explique
Vyacheslav Likhachev, spécialiste des mouvances d'extrême droite en Ukraine.
Dans les années 2000, il était ouvertement néonazi mais, depuis qu'Azov a pris
de l'importance, Biletsky n'a plus jamais fait de déclaration douteuse. Et dans
l'après-Maïdan, qui a vu s'épanouir énormément de mouvements similaires à Azov,
ce sont eux qui ont été les meilleurs en termes de communication. Notamment en
arrivant parmi les premiers sur le front et en remportant la bataille de
Shirokino. Après quoi, ils ont surfé sur leur réputation de héros populaires et
en ont profité pour se diversifier: avec le Corps national puis les Droujini.
Azov, aujourd'hui, c'est un mouvement parapluie, une structure protéiforme.»
Et de poursuivre, analysant
l'esthétique profondément inspirée de l'Allemagne nazie: «Ils jouent sur la
sémantique et refusent d'être considérés comme néonazis. Et, en vérité, la
plupart ne le sont absolument pas. Ils se caractérisent beaucoup plus par leur
ultranationalisme, une lutte contre un Etat corrompu que par une quelconque
thèse de supériorité de la race.»
Des milices inféodées au
bataillon azov
Reste que les symboles arborés
fièrement par le Corps national et certains Droujini sont fondamentalement
rattachés à l'Allemagne nazie, comme le blason du bataillon Azov, qui copie
presque à l'identique le Wolfsangel des divisions SS du IIIe Reich, ou les
svastikas plus ou moins revisités évoquant immédiatement la croix gammée. Au
centre culturel du Corps national, à quelques mètres seulement de la place
Maïdan, une bibliothèque (Poloumia, la flamme) accueille chaque jour des jeunes
militants partageant les idées ultranationalistes du parti.
Youlia, bénévole au centre
culturel du Corps national (sur l'ordinateur) - Crédits photo : GUILLAUME
HERBAUT
On y lit entre autres Céline,
Mishima et Maurras et on y organise des séances de projection de films - la
filmographie de Roman Polanski était au programme lors de notre passage.
Youlia, l'une des jeunes filles y travaillant bénévolement, arbore sur son pull
une broche de la NS-Frauenschaft, la ligue nationale-socialiste des femmes du
IIIe Reich. «Un ami me l'a offert, explique la militante qui foudroie du regard
un de ses camarades imitant le salut nazi pour la narguer. Je continue de la
mettre parce que je la trouve jolie.»
Une symbolique nazie
faussement reniée
Nous souhaitions interroger
Andriy Biletsky sur cette sémantique douteuse. Il n'a jamais répondu à notre
demande d'interview. A la place, nous rencontrons Nazarii Kravchenko, l'un de
ses bras droits et vétéran du bataillon Azov. «Vous n'allez pas écrire qu'on
est des nazis j'espère!» lance d'emblée ce jeune homme de 29 ans. Avenant,
sympathique et de bonne compagnie, Nazarii est venu accompagné de trois de ses
amis, tous d'anciens combattants et toujours actifs dans le mouvement Azov.
L'un s'est fait tatouer Mjöllnir, le marteau du dieu Thor, sur le dos ; un
autre, la phrase «Victory or Valhalla» (Victoire ou paradis des Vikings) sur la
gorge.
Les jeunes membres de la garde
rapprochée de Andriy Biletsky affirment ne véhiculer que des valeurs
patriotiques et nationalistes pour lutter contre la corruption dans leur
pays. - Crédits photo : GUILLAUME HERBAUT
Tous ont un tatouage, plus ou
moins discret, évoquant l'esthétique nazie. «C'est tout autant inspiré de la
mythologie nordique que des nazis, botte en touche Nazarii avant de poursuivre:
Quant au blason d'Azov, ce n'est pas inspiré du Wolfsangel, c'est une
combinaison des lettres I et N pour Idées de la Nation. Ce qui est au cœur
de notre projet, c'est d'en finir avec la criminalité et la corruption. On a
même un projet écologique.»
Car en réalité, Azov s'inscrit
plus dans une volonté de mouvement global que celle d'une niche idéologique
sectaire. «Il se rêve en fédérateur d'un nationalisme ukrainien retrouvé,
analyse Adrien Nonjon, étudiant-chercheur à l'Institut français de
géopolitique, spécialiste de l'Ukraine et de l'extrême droite. Il compte
utiliser son aura pour le faire de façon plus paternaliste qu'autoritaire en
répondant aux doléances de la population en matière de sécurité. Cette mue est
à la base même de son nouveau parcours politique avec le Corps national.»
L'une des questions que se posent
les observateurs est de savoir comment le phénomène Azov peut se transformer et
peser dans la balance lors de la prochaine élection présidentielle qui se
tiendra en mars 2019. «Je pense que nous pouvons fédérer les autres partis
nationalistes et récolter 8 à 9 % des suffrages», assure Nazarii. Une
analyse que conteste sans détour Vyacheslav Likhachev: «Avec ce genre de partis
ultranationalistes, on ne peut pas additionner les intentions de vote comme ça.
Une fois devant les urnes, ils peuvent faire des scores très bas par rapport à
leur bruit médiatique. Mais aujourd'hui, l'opinion est fatiguée de la guerre et
ne croit plus ni au pouvoir actuel, ni vraiment à l'opposition. Le malheur de
la révolution de Maïdan, c'est que ses principaux acteurs n'ont pas réussi à
former une structure définie. Ils ont créé un vide politique qu'ont su plus ou
moins bien combler les mouvements comme Azov.»
A la fois militaire, social et
politique, Azov est devenu une entité protéiforme véhiculant un projet global.
Avec les élections de 2019 dans son viseur
S'ils semblent très prématurés,
les premiers sondages donnent en tête Ioulia Timochenko, l'ancienne femme
d'affaires et Premier ministre condamnée
pour abus de pouvoir puis libérée lors de la révolution de 2014,
devant l'actuel président Petro Porochenko. «Ce qu'il faudra observer, sachant
que Porochenko part d'assez loin dans ces premiers sondages, c'est si les
techniciens politiques proches du pouvoir ne seront pas tentés d'utiliser ces
groupes nationalistes pour rattraper leur retard et diviser leurs adversaires,
analyse Stéphane Siohan, correspondant à Kiev pour Le Figaro. En
laissant de manière artificielle l'extrême droite prospérer et en y associant
ses opposants comme Timochenko, puis en s'accaparant le thème de
l'anticorruption, ils pourront alors essayer de se présenter comme le seul
recours sérieux.»
Un embrigadement philosophique
Reste à savoir, donc, comment va
évoluer la réputation du Corps national, sous-tendue par la présence
grandissante des Droujini sur le territoire. Dans l'une des casernes du
bataillon Azov, à Kiev, nous assistons à une cérémonie de remise des diplômes.
Une vingtaine de jeunes venus par leurs propres moyens de tout le pays ont
passé une semaine à recevoir une formation par des cadres du parti.
Philosophie, histoire, rhétorique et entraînement physique sont au programme.
Ils repartent avec une poignée de main et une mission: fonder une cellule
locale ou régionale… et, ultimement, recruter de nouveaux membres.
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Paris va accueillir le forum mondial sur la gouvernance
d'Internet (22.05.2018)
Par Lucie
Ronfaut et Enguérand
RenaultMis à jour le 23/05/2018 à 08h42 | Publié le 22/05/2018 à 16h05
INFO LE FIGARO - Alors qu'il
reçoit à l'Élysée une soixantaine de PDG d'entreprises de nouvelles technologies,
Emmanuel Macron doit annoncer ce mercredi, la tenue de l'Internet Governance
Forum à Paris, en novembre. Cet évènement majeur du numérique est convoqué par
les Nations Unies.
Emmanuel Macron veut un «Internet
pour le bien commun». Il aura bientôt l'occasion d'en discuter avec des
spécialistes du sujet. Le président de la République qui reçoit ce mercredi à
l'Élysée une soixantaine de grands patrons d'entreprises de nouvelles
technologies - dont Facebook, Microsoft ou encore IBM - à
l'occasion du forum «Tech for Good» , doit annoncer la tenue à
Paris de la prochaine édition de l'Internet Governance Forum, d'après nos
informations. Il aurait lieu en novembre. Cet évènement, qui a été créé en 2006
par l‘Organisation des Nations Unies, veut encourager les discussions autour
des questions de politique publiques autour d'Internet. La dernière édition du
forum, en 2017, s'est tenue à Genève, en Suisse.
Contacté, le secrétariat de
l'Internet Governance Forum a estimé que Paris était «un candidat sérieux» et
que le nom de la ville hôte de sa prochaine édition sera bientôt dévoilé.
Un évènement majeur du
numérique
L'Internet Governance Forum a un
rôle purement consultatif. Il n'adopte pas de texte législatif ou de traité.
Néanmoins, il s'agit d'un évènement majeur, et multi-acteurs, pour la réflexion
sur le numérique et ses politiques. Y sont conviés toute sorte de
professionnels du numérique: entreprises, associations, membres de la société
civile, organes politiques ou de gouvernance d'Internet. L'évènement
est financé par des donateurs divers, qu'ils soient politiques (la
Commission européenne, les gouvernements de la Grande-Bretagne, du Japon, des
États-Unis ou de la Finlande), industriels (Verizon, AT&T, Microsoft,
Google, Amazon) ou liés aux enjeux du numérique (ICANN, l'Internet Society).
«Tech For Good», la rencontre
organisée ce mercredi, doit permettre aux grands patrons réunis autour
du président de la République, de débattre autour de trois thèmes
principaux: l'éducation, le travail et la diversité. Parmi les invités, Mark
Zuckerberg (PDG de Facebook), Satya Nadella (Microsoft), Dara Khosrowshahi
(Uber), Virginia Rometty (IBM) ou Young K. Sohn (Samsung). Plusieurs de ces
entreprises doivent également faire des annonces à cette occasion.
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Édouard Philippe annule sa visite en Israël (23.05.2018)
Le premier ministre Édouard
Philippe a fait savoir aujourd'hui aux autorités israéliennes qu'il annulait sa
visite dans l'État hébreu, initialement prévue les 31 mai et 1er juin
prochains.
Contacté par Le Figaro,
Matignon invoque "l'agenda intérieur" chargé du chef du gouvernement,
et cite notamment les dossiers de la SNCF, de l'audiovisuel public, et les
"échéances du mois de juin".
Officiellement, cette décision
n'aurait rien à voir avec les événements intervenus en marge du transfert de
l'ambassade américaine à Jérusalem, qui a fait plusieurs victimes côté
palestinien la semaine dernière.
Selon nos informations, le
premier ministre français "ira évidemment" en Israël, mais cette
visite n'est pas prévue "à court terme". Il s'agit donc à ce
jour d'un report sine die.
Guillaume Tabard: «Macron et l'étrange argument des
“deux mâles blancs ”» (23.05.2018)
CHRONIQUE - Il est étonnant
d'entendre le président d'une République «une et indivisible» reprendre la
sémantique des Indigènes de la République et autres cercles multiculturalistes.
Borloo humilié, mais Borloo
rassuré. À l'issue du
discours d'Emmanuel Macron, l'ancien ministre de la Ville feignait
d'être satisfait. «Tous les sujets du rapport ont été cochés», a-t-il souligné
avec le soulagement de celui qui n'a pas travaillé en vain. Pourtant, le propos
présidentiel avait commencé par la cinglante exécution d'une méthode «qui ne
marche plus» consistant à s'échanger un «plan» entre «deux mâles blancs qui ne
vivent pas dans les quartiers».
Quel est donc le message du chef
de l'État? Cette intervention fut celle de tous les paradoxes. À commencer par
la forme. Avec cet acte de décès des «grands discours» prononcé dans un long
monologue de 1 h 40… Avec cette sèche remise à sa place d'un homme
qui, avec un style et une méthode que Macron connaissait pourtant d'avance, a
commis pour seule faute de prendre au sérieux l'invitation que lui avait faite
le même président de la République de «remettre les mains dans le cambouis».
Après tout, le meilleur moyen de ne pas avoir à dézinguer un plan Borloo aurait
été de ne pas demander un plan à Borloo.
Comme lors de son engueulade
publique du général
de Villiers, comme lorsqu'il s'en prend à ceux qui «foutent le bordel»
ou qu'il rappelle qu'il a «mieux à faire» le 1er mai qu'à regarder les
cortèges syndicaux à la télévision, il y a toujours cette propension du chef de
l'État à pousser son avantage par quelques flèches verbales que les intéressés
visés peuvent prendre pour de l'arrogance ou du mépris.
Étrange méthode de la part de
Macron que d'utiliser des mots véhiculant une idéologique qu'il entend
précisément combattre.
Sur le fond, l'argumentation
présidentielle ne manque pas de force. Il n'a pas tort de rappeler que quatre
décennies de politique de la ville n'ont pas donné les résultats espérés ;
que les «plans» accumulés ont produit plus d'opacité qu'ils n'ont fait preuve
d'efficacité ; que l'approche sociale s'est faite au détriment d'une
véritable logique de développement économique ; que l'on a trop longtemps
occulté les mécanismes religieux conduisant au communautarisme ; ou que,
enfin, l'addition des milliards n'est pas en soi le gage de «l'émancipation»
des millions d'habitants des quartiers concernés. Il y a donc quelque chose de
salutaire dans la volonté d'inverser la logique qui a jusqu'ici présidé au
traitement de la question des banlieues.
Mais inverse-t-il vraiment cette logique?
Revenons sur cette image des «deux mâles blancs» glosant entre eux sur la
banlieue. Elle correspond sans doute à du second degré - encore qu'il ne sourit
pas le moins du monde en la prononçant. En tout cas, il l'a utilisée, et les
écrits restent. Et il est pour le moins étonnant d'entendre le président d'une
République «une et indivisible» reprendre la sémantique des Indigènes de la
République et autres cercles multiculturalistes considérant qu'être «non
racisé» - autrement dit, blanc - disqualifie pour parler
de certains sujets, comme celui des «quartiers». Étrange méthode de la part de Macron que d'utiliser des mots véhiculant une idéologique qu'il entend précisément combattre.
de certains sujets, comme celui des «quartiers». Étrange méthode de la part de Macron que d'utiliser des mots véhiculant une idéologique qu'il entend précisément combattre.
Simple maladresse? Paradoxe, à
tout le moins, alors qu'il pointe par ailleurs les dangers d'une ségrégation
qui conduit dans ces quartiers à un antisémitisme «qui empire» et qu'il intègre
la question sécuritaire dans son approche des banlieues. Ce qui le conduit
d'ailleurs à répondre enfin à une demande des maires d'être au minimum informés
de l'identité des fichés FSPRT résidant sur leur ville. Sans pour autant
aborder de front la question de l'«apartheid» dans les banlieues qu'avait
diagnostiqué Manuel Valls. Comme s'il était plus allant à fustiger ce qui s'est
fait avant lui que convainquant à expliquer ce qu'il veut faire, lui.
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Guillaume Perrault: «L'Europe, rêve brisé des élites
italiennes» (22.05.2018)
FIGAROVOX/ANALYSE - L'attachement
unanime des grands partis à l'idée européenne a été le fil directeur de la
politique italienne depuis l'après-guerre. La rupture actuelle n'en est que
plus spectaculaire, raconte Guillaume Perrault, grand reporter au Figaro et à
FigaroVox.
- Crédits photo : figaro
Guillaume Perrault est grand
reporter à FigaroVox et au Figaro. Maître de conférences à Sciences Po, il
enseigne l'histoire politique française et les institutions politiques. Son
dernier ouvrage, «Conservateurs, soyez fiers!», est paru chez Plon en 2017.
Le croira-t-on? L'artisan de
l'unité italienne (1860-1861), Cavour,
président du conseil du royaume du Piémont puis du royaume d'Italie, ne s'est
jamais rendu au sud de Florence au cours de sa vie, nous apprend l'historienne
Elena Musiani dans son livre «Faire une nation. Les
Italiens et l'unité (XIXe-XXIe siècle)». Familier de Paris, de Londres et
de Vienne, Cavour, qui écrivait volontiers en français, se sentait plus proche
des élites européennes que d'une partie importante de ses propres compatriotes.
On chercherait en vain un
autre grand pays du vieux continent où le projet européen a suscité une telle
unanimité tout en bénéficiant d'un investissement et d'un attachement presque
affectifs.
Mutatis mutandis, ce désir
d'Europe, tous les dirigeants italiens, à partir de l'après-guerre, l'ont
repris à leur compte. On chercherait en vain un autre grand pays du vieux
continent où le projet européen a suscité une telle unanimité tout en bénéficiant
d'un investissement et d'un attachement presque affectifs. Volonté de retrouver
une honorabilité internationale après le fascisme, inclination à une forme
pacifique d'universalisme liée à l'héritage catholique, nécessité de
reconstruire une Italie en ruines et conviction que ce pays irréformable avait
besoin d'un aiguillon extérieur ont conjugué leurs effets.
Le
pape Pie XII a soutenu de toutes ses forces la Démocratie
chrétienne après guerre puis a fait sonner les cloches des églises de la Ville
éternelle lors de la signature du traité de Rome créant la CEE (25 mars
1957). Plus tard, le grand adversaire, le puissant parti communiste italien,
sous la houlette d'Enrico Berlinguer de 1972 à 1984, a accepté
l'esprit des institutions communautaires. Peu réputés pour leur esprit de
suite, les gouvernements italiens ont tous maintenu le choix de l'engagement
supranational malgré les vicissitudes de leur politique intérieure.
Plusieurs étapes décisives de
la «construction européenne» sont dues à l'activisme discret de Rome.
Plusieurs étapes décisives de la
«construction européenne» sont dues à l'activisme discret de Rome. Après
l'échec de la Communauté européenne de défense (CED), dont l'Assemblée
nationale refuse d'autoriser la ratification en France (août 1954), le
ministre des Affaires étrangères italien, Gaetano Martino, est le principal
instigateur de la conférence de Messine (juin 1955). C'est là que les
futurs six membres fondateurs de la CEE arrêtent les principes directeurs du
traité à venir.
Trente ans plus tard, c'est au
conseil européen de Milan (juin 1985) que le socialiste Bettino Craxi,
appuyé par Mitterrand et Kohl, rompt avec l'usage de la recherche de
l'unanimité à tout prix. Pour surmonter les réticences de Margaret Thatcher à
voir s'accroître les prérogatives de la commission, Craxi fait voter les chefs
d'État et de gouvernement des Dix et place Londres en minorité. C'était la
première fois qu'on votait lors d'un Conseil européen pour trancher un
différend. Ainsi est née la possibilité, pour un État membre, d'être battu et
de se voir imposer une décision qu'il a désapprouvée. C'est bien à l'initiative
des Italiens que fut abandonné le droit de veto coutumier qui était reconnu à
chaque membre de la CEE depuis le compromis de Luxembourg imposé par de Gaulle
en 1966.
L'uomo qualunque (l'homme
quelconque, l'homme de la rue) a marqué sa volonté d'un changement radical.
À la vérité, quelques voix discordantes
étaient perceptibles de longue date. Le propre fils du ministre des Affaires
étrangères lors de la signature du traité de Rome, Antonio Martino, lui-même
ministre des Affaires étrangères puis de la Défense de Berlusconi, avait
affirmé dès 2001 que l'euro risquait d'être une catastrophe pour son pays.
Puis, lors des législatives du 4 mars 2018, l'uomo qualunque(l'homme
quelconque, l'homme de la rue) a marqué sa volonté d'un changement radical -
soit en matière de politique économique et sociale, soit en matière d'asile,
d'immigration voire de nationalité, soit encore dans tous ces domaines à la
fois.
Plus récemment, enfin, des
personnalités italiennes (Mario Monti, Romano Prodi, Mario Draghi) se sont
imposées pour des fonctions clés au sein des institutions européennes, forts de
la réputation de médiateurs des Italiens. Sur le plan intérieur, Forza Italia
et le Parti démocrate (fusion des gros bataillons de l'ex-PCI et de la gauche
de l'ancienne DC) soutenaient l'orientation pro-européenne de l'exécutif.
Nous voilà donc à la veille
d'un probable bras de fer entre l'Union et l'un des pays fondateurs de l'Europe
des Six.
Nous voilà donc à la veille d'un
probable bras de fer entre l'Union et l'un des pays fondateurs de l'Europe des
Six. Puisse ses acteurs méditer ce jugement de Pierre
Manent dans un grand entretien au Figaro :
«Quand la référence européenne s'interpose entre gouvernés et gouvernants, le
mandat représentatif fait place à un mandat idéologique. La classe politique
n'est plus responsable devant le peuple des électeurs, mais devant l'idée et
les “critères” européens. […] Il ne suffira pas cependant, pour conjurer les
effets de ce mépris, de gonfler les joues et de dire “le peuple, le peuple, le
peuple”. […] Personne ne peut arbitrer un match entre le mépris et la colère.
Ce que nous pouvons nous proposer de faire, c'est essayer de nouer des actions
politiques nationales à une perspective européenne qui soit politique et non
plus morale et idéologique.»
Retrouvez Guillaume Perrault
sur Twitter: https://twitter.com/GuilPerrault
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(23.05.2018)
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - En
Italie, la Ligue et le Mouvement 5 étoiles (M5S) se sont accordés sur un
gouvernement commun, pour diriger le pays après une longue période
d'incertitude politique. Lenny Benbara analyse dans le détail cette convergence
entre le nationalisme et le populisme italiens.
Lenny Benbara est diplômé de
l'ENS de Lyon où il a suivi un cursus en Sciences économiques et sociales, il
est par ailleurs directeur de la publication et cofondateur du média en ligne
Le Vent Se Lève.
FIGAROVOX.- En Italie, que
signifie l'alliance inédite entre le M5S et la Ligue? S'agit-il de l'alliance
de la carpe et du lapin? Des extrêmes qui se rejoignent? Quels sont les points
communs et les différences entre ces deux formations politiques dont l'une est
souvent classée à la gauche de la gauche et l'autre à la droite de la droite?
Lenny BENBARA.- Classer
le M5S à la «gauche de la gauche» est d'emblée une erreur. Ce mouvement est
inclassable et coalise des aspirations très différentes. Luigi Di Maio est une
sorte de démocrate-chrétien centriste, qui incarne un projet de régénération
morale des élites politiques et des institutions. Il forme un tandem avec
Davide Casaleggio, une figure de l'ombre mais centrale dans le mouvement. Il
est d'ailleurs beaucoup plus proche d'un Emmanuel Macron que d'un Jean-Luc
Mélenchon. À ce sujet, on sait que des discussions officieuses existent entre
les macronistes et le M5S, comme l'a avancé Il Foglio. Shahin
Vallée, ex-conseiller d'Emmanuel Macron, est une des personnalités qui promeut
un contact informel avec le M5S. Néanmoins, comme les cinquestelle ont
décidé de s'allier avec la Lega, ce rapprochement a été ajourné et est pour le
moment officiellement désavoué par En Marche. Reste que l'intention était là,
notamment du côté du M5S. Il est donc idiot, comme le font les médias français,
d'expliquer que la situation italienne correspond à l'hypothèse d'une alliance
entre le Front national et la France insoumise... Le Mouvement Cinq Étoiles,
qui a longtemps baigné dans l'euroscepticisme, a conduit pendant sa dernière
campagne une opération de crédibilisation et d'institutionnalisation. Et ce,
quitte à mettre au placard son projet de référendum sur la sortie de l'euro.
Dans le même temps, une aile plus «dure» est néanmoins restée très présente.
Elle est plus en phase avec l'esprit originel du M5S, et est aujourd'hui
incarnée par Alessandro Di Battista. Ce dernier est beaucoup plus proche de
Beppe Grillo et de Roberto Fico, le président actuel de la Chambre. Ce trio est
notoirement plus «antisystème», associé à la «gauche» du parti, et se détache
par son orientation plus hétérodoxe sur les questions économiques. En
apparence, le mouvement affiche cependant sa cohésion et son absence de
divisions. Il garde en commun son avant-gardisme sur les nouvelles
technologies, l'écologie, la lutte contre les conflits d'intérêts et la
démocratie directe.
Le M5S a rassemblé tous les
perdants de la mondialisation, d'où qu'ils viennent.
La pluralité interne du M5S est
importante pour comprendre ce qui s'est passé ces dernières semaines. Car son
électorat est tout aussi hétérogène. Ils ont réussi à réaliser des scores très
importants au Nord comme au Sud du pays, mais en s'appuyant avant tout sur
«ceux d'en bas». Le M5S a réalisé 44 % des voix chez les 18-34 ans, qui ont
énormément souffert de la crise ; 50 % chez les chômeurs ; ou encore 42 % chez
les Italiens les plus pessimistes pour leur avenir et celui du pays. Grâce à la
proposition du revenu de citoyenneté, ils ont réussi à réaliser une percée dans
le Sud qui souffre énormément de la mondialisation, aidés par la figure de
Luigi Di Maio qui est originaire de Naples. Mais dans le même temps, ils font
de très bons scores chez les classes moyennes urbaines qui ont peur du déclassement.
Le M5S a donc rassemblé tous les perdants de la mondialisation, d'où qu'ils
viennent. Cependant, les leaders du mouvement n'ont rien de révolutionnaires,
et évoluent dans une relation compliquée avec la base sociale du mouvement dont
ils sont en partie captifs. Un tiers de leur électorat voulait s'allier avec le
Parti Démocrate, un autre tiers avec la Lega, et un dernier tiers avec
personne...
À partir du moment où Matteo
Renzi a tué dans l'œuf toute possibilité d'accord avec le M5S, il ne restait
plus que deux options: retourner aux urnes ou laisser la Lega s'allier avec le
M5S. Alors que la première option se dessinait sérieusement au début du mois de
mai, contre toute attente, et sous la pression de nouvelles élections, Silvio
Berlusconi a fait un pas de côté et a laissé Matteo Salvini former un
gouvernement avec Luigi Di Maio. En effet, il ne faut pas oublier que Salvini
était auparavant intégré à une alliance de «centre-droit» - en réalité très à
droite - avec Berlusconi et Meloni. Du côté des cinquestelle, l'option d'une
alliance avec la Lega avait paradoxalement la préférence de l'aile la plus
associée à la «gauche» du mouvement. Celle-ci y a vu une occasion de renverser
la table, tandis que Luigi Di Maio voyait dans une coalition avec le Parti
Démocrate la possibilité d'achever le processus de crédibilisation de son
parti. En effet, le Parti Démocrate est perçu comme étant le cœur de
«l'establishment» italien.
La Lega, en revanche, est tout
de même bien un parti de droite...
La Lega, de son côté, est un
ex-parti régionaliste qui a réalisé une mue nationaliste d'inspiration
lepéniste lorsque Matteo Salvini est arrivé à la tête du parti en 2013.
Longtemps confiné à des bastions au Nord, le parti ne réalisait plus que 4 %
des voix en 2013. Salvini a enclenché un processus de profonde transformation
qui s'est articulé autour de deux axes: un premier très identitaire, violemment
anti-migrants, et un second qui est celui de l'euroscepticisme. Le slogan
«Prima gli italiani» («Les Italiens d'abord») synthétise la ligne Salvini,
lequel a conduit le parti à réaliser 17,3 % des voix le 4 mars dernier. Le
trublion italien est allé jusqu'à qualifier la zone euro de crime contre
l'humanité... Dans un pays qui n'a pas connu de croissance depuis son entrée dans
la zone euro, c'est un discours qui résonne malgré les outrances. L'acuité de
la crise migratoire a quant à elle permis à la Lega de développer son discours
et de surfer tranquillement sur l'angoisse identitaire des Italiens, qui sont
soumis à un fort sentiment de déclin. En effet, le taux de fécondité est
maintenant depuis deux décennies aux alentours de 1,4 enfant par femme. La
population vieillit sensiblement et le pays se vide de ses forces vives qui
émigrent à l'étranger à cause du niveau très élevé du chômage des jeunes. Sans
le solde migratoire, il y a longtemps que la population italienne diminuerait.
Le nombre de jeunes Italiens qui s'en sont allés en France, en Allemagne et au
Royaume-Uni est de l'ordre de plusieurs millions depuis la crise de 2008.
L'idée que le peuple italien «est en train de disparaître» est désormais ancrée
dans les esprits.
C'est ce terreau économique,
social et culturel qui est commun aux deux partis. Les votes pour ces deux
forces expriment chacun à leur façon la crise existentielle dans laquelle
l'Italie est plongée. La Lega est évidemment beaucoup plus nationaliste, tandis
que le M5S représente avant tout un projet de destitution des vieilles élites
qui ont failli, de reconstitution des droits économiques et sociaux, et de
renouvellement démocratique. Matteo Salvini et Luigi Di Maio incarnent une
forme de dégagisme puissant, et se sont donc mis d'accord pour dépecer la
vieille classe politique. Cette alliance reste néanmoins fragile et
contextuelle, car le projet de Salvini est d'abord d'hégémoniser l'espace qui
s'offre à lui au centre-droit, tandis que le M5S veut dépouiller le Parti
Démocrate du reste de ses électeurs. On peut notamment s'attendre à la
rédaction d'une nouvelle loi électorale, qui devrait être beaucoup plus
favorable à la coalition qui est en train de se former. Reste que l'alliance
avec la Lega a malgré tout ravivé l'euroscepticisme du M5S et sa volonté de
rompre avec l'austérité. À côté du dégagisme, cet aspect représente à la fois
un point commun et un point de tension entre les deux formations comme à
l'intérieur de celles-ci. Dans des termes français, qui n'aident pas
franchement à la compréhension de la situation italienne et de ses
particularités: le M5S est un mouvement antisystème attrape-tout qui était
engagé dans un processus de remplacement du Parti Démocrate et de
transformation en parti de centre-gauche, tandis que la Lega est clairement
d'extrême droite. L'alliance rebat cependant les cartes...
Ces derniers jours, Di Maio et
Salvini ont conclu et fait valider par plus de 90 % de leurs troupes un
programme commun. Que contient-il exactement?
Le contrat de gouvernement est
plus ou moins précis en fonction des sujets, et ne permet pas totalement de
savoir ce qui sera effectivement appliqué par le gouvernement gialloverde (jaune
et vert, ainsi appelé en référence aux couleurs de la Lega et du M5S). Il y a
bien sûr l'affirmation d'une politique très restrictive sur l'immigration qui
se traduit par la volonté de renégocier les accords de Dublin, sans pour autant
donner de chiffre en termes d'expulsions, ce qui peut être interprété comme un
recul de Matteo Salvini. Il y a aussi la flax tax, tant voulue par la Lega.
Celle-ci est composée de deux seuils d'imposition, à 15 % et à 20 %. Elle est
corrigée par l'existence d'abattements fiscaux pour les plus modestes afin de
maintenir la progressivité de l'impôt sur le revenu, principe qui est inscrit
dans la constitution italienne. Cela devrait coûter 20 milliards la première
année, et 15 milliards les années suivantes selon les projections du
gouvernement. Autre mesure hautement critiquable, l'interdiction des
francs-maçons dans le gouvernement. Même s'il ne faut pas oublier que la
franc-maçonnerie a une image catastrophique en Italie. C'est le cas depuis le scandale
de la loge Propaganda Due et des diverses affaires de corruption mises en
lumière au moment de l'opération Mani Pulite, bien que cette loge ait été
radiée de la maçonnerie. L'anti-maçonnisme est très répandu en Italie... Mais
c'est sur le plan économique que le contrat de gouvernement est le plus
hétérodoxe, et c'est avant tout sur ce point et sur l'abandon des sanctions
contre la Russie qu'il a été critiqué par les autres gouvernements de la zone
euro et la presse financière.
Cette politique est largement
décriée par les élites européennes, qui savent qu'elle n'est pas compatible
avec les règles de la zone euro.
Les mesures annoncées dans ce
contrat sont radicalement incompatibles avec le pacte budgétaire et avec
l'équilibre de la zone euro. Elles sont cependant considérées comme nécessaires
par les deux partis pour relancer l'économie italienne. On y trouve
l'instauration d'un SMIC ; une possible nationalisation des régies
d'alimentation en eau ; la suppression de la loi Fornero sur les retraites, très
décriée en Italie, et qui devrait coûter environ 20 milliards par an en cas de
suppression sèche ; ou encore la mise en place du revenu de citoyenneté. Ce
dernier, dont le coût avoisinerait les 17 milliards par an, serait d'une durée
de deux ans, sous condition de recherche d'emploi, et se traduirait par le
versement d'un montant de 780 euros par mois aux personnes éligibles. À cela
s'ajoute une politique de fléchage des investissements par la mise en place
d'une banque publique d'investissement, le financement d'infrastructures - mais
l'abandon probable du projet de TGV Lyon-Turin -, et une politique active de
transition vers l'agriculture biologique et le développement des circuits
courts. Le financement de toutes ces mesures est relativement flou. La coalition
assume donc une logique keynésienne de relance de l'économie afin de réduire
ultérieurement la dette par la croissance. Ainsi, le gouvernement prévoit une
croissance de 2,5 % en 2019, 2,8 % en 2020 et de 3 % en 2021 grâce à sa
politique. C'est toute cette politique qui est largement décriée par les élites
européennes, qui savent qu'elle n'est pas compatible avec les règles de la zone
euro.
Que va-t-il se passer
maintenant? Quel est le profil de Giuseppe Conte, pressenti pour devenir
Premier ministre?
Giuseppe Conte est un
universitaire et un juriste, dont le CV a d'ailleurs fait polémique, puisqu'il
est accusé de l'avoir gonflé. Il a un profil technique et assez peu politique.
En réalité, son rôle sera mineur. Le contrat de gouvernement prévoit la mise en
place d'une structure parallèle de gouvernement entre les deux forces de la
coalition pour régler les ajustements liés à l'application du programme. Ce
cabinet de l'ombre disposera, selon l'accord, du pouvoir de donner des ordres
aux membres du gouvernement. Le vrai pouvoir sera donc entre les mains de
l'équipe de Salvini et de celle de Luigi Di Maio. À ce propos, Matteo Salvini
devrait être nommé au ministère de l'intérieur tandis que Di Maio devrait
prendre la tête d'un super ministère du développement économique et du travail.
Il est difficile de prévoir ce
qui va se passer. Le président de la République italienne, Sergio Mattarella,
dispose d'un pouvoir de veto sur la composition du gouvernement. Il est par
ailleurs gardien du respect des traités. C'est pourquoi il mène une politique
de blocage sur certains noms. La coalition cherche par exemple à nommer Paolo
Savona au ministère de l'économie et des finances, sauf que celui-ci a tenu des
propos critiques à l'égard du fonctionnement de l'Union européenne et de
l'euro. Il a par ailleurs plaidé pour la mise en place de mécanismes qui
permettent à un pays de sortir de la monnaie unique. Sergio Mattarella appuie
fortement pour l'écarter et menace d'utiliser son véto. En retour, Matteo
Salvini a menacé hier soir de retourner aux urnes. Les sondages placent
désormais la Lega entre 22 % et 26 %, tandis que le Parti Démocrate et Forza
Italia de Silvio Berlusconi reculeraient encore de plusieurs points. Le leader
leghiste a donc le rapport de force en sa faveur, d'autant plus que les
scrutins régionaux intermédiaires confirment actuellement la dynamique de son
parti. Ce jeu peut continuer encore quelques jours, et il est difficile de dire
qui cédera en premier, mais ce que la coalition appelle «l'establishment» ne
peut se permettre de nouvelles élections.
Ce matin, Salvini a répondu
sèchement à Bruno Le Maire qui expliquait que «les engagements qui ont été pris
par l'Italie valent, quel que soit le gouvernement». Le nouveau gouvernement
peut-il et a-t-il vraiment l'intention de tourner le dos aux engagements
européens pris par les précédents gouvernements italiens?
Les propos tenus par les
responsables français et allemands ont été très mal accueillis en Italie, et
accréditent l'idée que la démocratie serait limitée depuis l'étranger. La Lega
et le M5S incarnent non seulement la volonté des Italiens de rompre avec
l'austérité, mais aussi leur volonté de rapatrier le pouvoir politique à
l'intérieur du cadre national. L'UE est donc perçue comme un cadre qu'il faut réformer
ou rompre. Pour autant, les marges de manœuvre du futur gouvernement sont
limitées et le scénario d'une rupture avec les engagements européens reste
incertain pour une série de raisons. D'abord, la situation économique de
l'Italie reste objectivement très fragile. Même si le pays dégage un excédent
primaire de 1,2 % du PIB par an - ce qui veut dire qu'avant paiement des
intérêts, l'État italien dépense moins que ce qu'il gagne contrairement aux
idées reçues -, sa dette avoisine le montant très élevé de 130 % du PIB. Cette
dette doit être refinancée en permanence, ce qui expose le pays à la réaction
des marchés. Fitch a menacé lundi de dégrader la note de la dette italienne,
tandis que le spread, l'écart de taux d'intérêt avec l'Allemagne, a
sensiblement augmenté pour atteindre 180 points de base. Par ailleurs, les
banques italiennes restent gorgées de créances pourries, pour un montant de
plus de 300 milliards d'euros. Ce qui plombe l'actif des banques italiennes,
menace leur stabilité, et leur capacité à se refinancer et à prêter.
La Lega et le M5S incarnent la
volonté de rapatrier le pouvoir politique à l'intérieur du cadre national.
Ensuite, parce qu'il existe
plusieurs obstacles internes à un tel projet. D'une part, la majorité au Sénat
est incertaine, et des sénateurs pourraient faire défection en cas de
durcissement du rapport de force avec les autres pays de l'Union européenne.
Cela n'est pas rare en Italie. De son côté, le président Sergio Mattarella
veille au grain quant au respect du cadre européen. Enfin, il n'y a pas
forcément de consensus à l'intérieur de la coalition. Les deux partis sont
avant tout opportunistes. Il faut savoir que Matteo Salvini comme Luigi Di Maio
ont un rapport à l'euro qui est complètement démystifié. En sortir n'est ni une
obsession, ni un tabou. Cependant, leur position sur le sujet dépendra
essentiellement de l'intérêt qu'ils y trouvent, et rien ne dit que celui-ci
sera le même pour les deux partis à un instant T. Leur volonté est avant tout
de renégocier, et le compromis qui sera jugé acceptable par le M5S ne le sera
pas forcément par la Lega. Il risque donc d'y avoir des frictions à l'intérieur
de la coalition.
Malgré tout, la coalition
actuelle a présenté un contrat de gouvernement qui est incompatible avec la zone
euro. Pour l'instant, en dépit des injonctions et les coups de mentons de la
presse financière comme des responsables européens, les deux partis tiennent
bon. Ils semblent prêts à jouer la carte du rapport de force avec l'Allemagne,
et dans une moindre mesure avec la France. On peut donc s'attendre à tout,
comme toujours avec l'Italie.
Cette coalition rappelle celle
de Syriza en Grèce. Peut-on assister au même scénario?
Comme je l'ai expliqué, la
coalition actuelle n'est pas vraiment comparable avec celle qui gouverne en
Grèce, mais on peut effectuer quelques parallèles, et notamment le fait qu'on a
deux forces très différentes qui s'allient et s'apprêtent à faire face au cadre
européen. Les différences sont nombreuses, et rendent un scénario à la Syriza incertain.
D'abord, l'Italie n'est pas la Grèce. C'est la troisième économie de la zone
euro, et la seconde industrie de cette même zone. Briser les reins de l'Italie
n'a pas les mêmes conséquences que mettre à genoux les Grecs. Le secteur
bancaire français et le secteur bancaire allemand sont très largement exposés
vis-à-vis de l'économie italienne, et ne peuvent pas se permettre de voir
pointer la menace d'une faillite en série des banques italiennes. La BCE ne
pourrait donc pas contraindre l'approvisionnement en liquidités du secteur
bancaire italien sans jouer avec le feu. Alors qu'elle avait pu le faire avec
la Grèce. C'est toute la logique perverse des excédents commerciaux délirants
de l'Allemagne. Ceux-ci se recyclent dans les économies du Sud de l'Europe, ce
qui expose les banques allemandes à l'affaiblissement des économies de ses
partenaires. Le manque de solidarité de l'Allemagne peut donc se retourner
contre elle.
Par ailleurs, les responsables du
M5S et de la Lega ont bien vu ce qui était arrivé à Alexis Tsipras et à la
Grèce. Ils se souviennent que l'absence de plan de sortie de l'euro dans la
stratégie du gouvernement grec a miné la capacité de celui-ci à négocier avec
ses créanciers, et a rendu toutes ses menaces peu crédibles. Alexis Tsipras était
un européiste convaincu. Il associait, comme beaucoup de Grecs, le fait d'être
dans l'euro au fait d'être arrimé au bloc occidental, à la démocratie et à la
modernité. Les Italiens n'ont pas ce type de pudeurs. On sait d'ores et déjà
qu'une partie substantielle du patronat italien, rassemblé derrière la
Confindustria, émet de sérieuses critiques sur le fonctionnement de la zone
euro et n'écarte pas le scénario d'une sortie. D'une façon générale, les élites
italiennes, hormis le Parti Démocrate, n'ont pas d'attachement de type
religieux à la monnaie unique. Matteo Salvini et Luigi Di Maio sont donc plus
disposés à remettre en cause l'Union économique et monétaire.
Les Italiens ont l'espoir que
leur réalisme et leur position dure conduira à la négociation d'un compromis
honorable avec l'Europe.
Ils ont d'ores et déjà envoyé un
certain nombre de signaux à leurs partenaires européens. D'abord, la mention
d'un mécanisme de sortie potentielle de l'euro dans le contrat de gouvernement
qui a fuité la semaine dernière. Même si ce mécanisme a été retiré, l'idée
s'est installée. Ensuite, l'absence de recul sur le programme et le fait
d'assumer l'incompatibilité avec les règles budgétaires de l'union monétaire.
Le nom de Paolo Savona n'est pas non plus anodin, c'est un des grands critiques
de l'euro et un avocat de la mise en place de mécanismes parallèles pour en
sortir progressivement. Enfin, la coalition prévoit l'émission de mini bons du
trésor pour payer les arriérés de dettes de l'État envers les entreprises et donner
de la respiration à ces dernières. Ces mini bons pourront aussi servir à régler
des impôts, ce qui leur donne donc le caractère d'une monnaie parallèle à
l'euro.
Bref, les Italiens envoient un
message très clair: «nous ne finirons pas comme les Grecs». Ils ont l'espoir
que leur réalisme et leur position dure conduira à la négociation d'un
compromis honorable. Mais ils sous-estiment probablement la disposition de
certains pays du Nord de l'Europe à voir l'Italie sortir de l'euro. Les
responsables économiques de la CDU et de la CSU allemandes ont déclaré hier
matin que la position italienne relevait du chantage et qu'elle signait le
début de la fin de l'euro. Une manière de dire qu'ils sont prêts à prendre le
risque d'une sortie, et que les Allemands ne comptent pas accepter les demandes
italiennes de déroger au pacte fiscal. Pour l'instant, on peut avant tout
s'attendre à une montée prochaine d'un rapport de force. Celui-ci pourrait très
bien déraper et conduire à une sortie de l'euro, comme aboutir à la
capitulation de l'Italie face à la raideur allemande.
Du Brexit aux élections
italiennes en passant par les victoires à répétition de Viktor Orban, à chaque
élection en Europe, les mouvements «eurosceptiques» réussissent de nouvelles
percées. S'agit-il de victoires conjoncturelles où est-ce le signe d'une
recomposition plus profonde?
Il s'agit bien évidemment d'une
recomposition profonde du champ politique européen, et celle-ci devrait
s'accélérer à l'occasion des élections européennes de 2019. On a beaucoup glosé
sur la défaite de l'euroscepticisme à la suite de la victoire d'Emmanuel
Macron, qui intervenait après une vague de victoires de mouvement critiques à
l'égard de la construction européenne. Il semblerait que cette victoire pour
les pro-européens n'ait été qu'une parenthèse bien courte. Ciudadanos, en
Espagne, est en pleine dynamique et représente un partenaire potentiel de poids
pour Emmanuel Macron sur la scène européenne, mais à part ça? Il y a bien le
M5S, mais celui-ci est pris dans l'engrenage de sa coalition avec la Lega, et
n'a pas encore arrêté son identité sur la question européenne. Il y a aussi les
autres partis libéraux qui existent ici et là, mais qui ont des intérêts
nationaux difficilement compatibles avec ceux de la France, contrairement à
l'Espagne et à l'Italie. La réalité est qu'Emmanuel Macron est isolé, et que
son projet a peu de chances d'aboutir. L'Allemagne ne veut pas en entendre
parler. Hier encore, plus de 150 économistes allemands ont publié dans le Frankfurter
allgemeine sonntagszeitung une tribune pour critiquer radicalement
toutes les propositions de réformes de la construction européenne faites par la
France. Le gouvernement allemand n'est pas plus tendre, et a renvoyé dans les
cordes à la fois l'idée d'un budget de la zone euro et la proposition de
renforcement du budget européen faite par la Commission européenne. Le message
est clair: les Allemands ne veulent pas payer. Ils accepteront éventuellement
l'idée d'un ministre des finances de la zone euro, mais en échange d'un
durcissement sévère de la surveillance budgétaire. Ajoutons à cela que la
position allemande va encore se raidir avec la crise italienne et les demandes
de la coalition gialloverde. Bref, devant cette impasse de la réforme de
l'Union européenne, les forces eurosceptiques ont un boulevard et devraient
progressivement reprendre la main de l'agenda.
En 2019, deux pôles extrêmement
différents devraient être renforcés. D'une part, d'ex-partis de gauche radicale
travaillent actuellement à la construction d'un pôle qui est celui du populisme
démocratique. Ce pôle s'organise autour de la France insoumise, de Podemos et
du Bloco de Esquerda portugais, et devrait augmenter sensiblement son nombre
d'élus. Il exige une réforme radicale de l'Union européenne pour sortir de la
logique de la compétition entre les peuples. D'autre part, les mouvements
nationalistes identitaires ont le vent en poupe un peu partout en Europe et
devraient gagner de nombreux sièges. Les forces pro-européennes sont donc
prises en tenaille, et cette tendance est structurelle. Tant que l'Union
européenne sera incapable de répondre à la crise sociale et à la crise
migratoire, il n'y a pas de raisons que la dynamique actuelle s'arrête.
Il n'y aura cependant pas de
grand soir contre la construction européennne. Son effondrement viendra d'un
délitement progressif, par l'accumulation de grains de sable dans la périphérie
comme au cœur de l'Union. L'Italie est le dernier de ces enfants terribles
apparus de façon tonitruante sur la scène européenne, mais le pourrissement
peut encore durer un certain temps. La question qui se pose désormais est: quel
sera le prochain pays à basculer?
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extrême droite et populistes, majoritaires, se disputent le pouvoir
Marc Lazar : « La Ligue et le M5S ont comme point
d'accord une sensibilité souverainiste » (22.05.2018)
FIGAROVOX/TRIBUNE - Directeur du
Centre d'histoire de Sciences Po et président de la School of Government de la
Luiss (Libera Università Internazionale degli Studi Sociali) à Rome,
l'historien analyse la rupture que représente, en Italie, la constitution d'une
majorité et d'un gouvernement formé de deux partis contestataires.
LE FIGARO: En quoi la constitution en cours du nouveau gouvernement,
qu'on s'en inquiète ou qu'on s'en réjouisse, représente-elle un événement
historique pour l'Italie?
Marc LAZAR: C'est un
événement historique que de voir deux formations «populistes» arriver au pouvoir. Un
processus de recomposition politique est engagé et ce gouvernement tentera une
réorientation de la politique italienne dans un sens souverainiste, car c'est
l'un des points d'accord entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles (M5S).
Une autre césure s'était déjà produite en 1994 avec le premier gouvernement
Berlusconi. L'Italie était alors entrée dans la démocratie du public, elle
expérimente désormais ce que j'appelle la «peuplocratie».
Celle-ci résulte de la force des
populistes qui imposent leurs thèmes à l'agenda politique, leur style, leur
manière de faire de la politique, leur temporalité (toujours l'urgence) et
l'idée que le peuple souverain est tout-puissant surtout grâce aux réseaux
sociaux, marginalisant ainsi les autres formes et procédures de la démocratie
libérale et représentative. Ce n'est pas par hasard que leur contrat de
gouvernement contient tout un passage sur la démocratie directe avec des
propositions de généralisation de la pratique des référendums.
» LIRE AUSSI - Italie: les populistes ont leur programme commun
L'accord de gouvernement entre
le M5S et la Ligue paraissait improbable, or il a donc été conclu. Comment
l'expliquer?
Parce que l'Italie était dans une
impasse. La coalition de centre droit (Ligue, Forza Italia, Fratelli d'Italia)
n'avait pas la majorité parlementaire, le Mouvement 5 étoiles non plus, et
encore moins le Parti démocrate (centre gauche). Plusieurs combinaisons ont été
envisagées, en vain. Au final, ces deux partis ont passé un compromis en
pensant qu'ainsi ils pourraient s'imposer comme des forces politiques
dominantes. Leur projet commun est dans un avenir proche de se partager le
marché électoral, de faire en sorte que les Italiens aient à choisir soit la
Ligue soit le M5S.
Quels sont les facteurs de
fragilité de cet attelage? Les programmes du M5S et de la Ligue sont-ils
compatibles? Quelle sera l'attitude de Forza Italia?
«Je ne crois pas que ce
gouvernement aura une durée de vie très longue»
Marc Lazar
Leur alliance est rendue
fragile par de multiples facteurs. Ils n'ont pas exactement
le même programme, la Ligue est de droite extrême, le M5S ni à gauche ni à
droite. Leurs électorats ont des attentes opposées. Le M5S est surtout fort au
Sud, qui attend de la protection et de l'assistance de la part de l'État. La
Ligue est surtout présente dans le nord du pays, qui se méfie de l'État.
Enfin, il y a une rivalité
politique entre les deux leaders, Luigi Di Maio et Matteo Salvini. C'est
pourquoi je ne crois pas que ce gouvernement aura une durée de vie très longue.
Forza Italia est dans une situation compliquée. Une partie de son électorat est
attirée par la Ligue et une autre, modérée, refuse de soutenir ce gouvernement
d'autant que le M5S est viscéralement antiberlusconien. Forza Italia va jouer
au contorsionniste: soutenir certains aspects de la politique du gouvernement
tout en se présentant comme une force d'opposition.
Jusqu'où le nouvel exécutif
pourra-t-il aller dans un bras de fer avec les institutions européennes, sur
les questions budgétaires d'une part, sur la question des demandeurs d'asile
d'autre part?
Tout va dépendre de la
composition du gouvernement. Qui sera en charge de la politique étrangère et
des affaires européennes? Or le président de la République a été très clair. Il
a indiqué deux lignes rouges: le respect de l'engagement européen de l'Italie
et l'assainissement des comptes publics. Et il a du pouvoir. Aux termes de
l'article 92 de la Constitution, c'est lui qui nomme les ministres sur
proposition du président du Conseil. Il sera donc très vigilant sur le choix
des ministres. L'article 74 dispose qu'il peut refuser de promulguer une
loi et la renvoyer pour examen devant les Chambres? Or au Sénat, la Ligue et le
M5S ont une courte majorité de sièges.
Ce gouvernement devra composer
avec ces contraintes. Il va aussi falloir qu'il négocie avec les autres membres
de l'Union européenne et la Commission européenne. Cela sera extrêmement
compliqué. Il se heurtera à un mur sur les questions budgétaires, d'autant que
la dette publique italienne est de 132 % du PIB et que le système bancaire
italien est fragile.
«Les Italiens qui étaient
europhiles sont devenus eurosceptiques.»
Marc Lazar
Deux hypothèses se présentent.
Soit le nouveau gouvernement s'engage dans une épreuve de force, mais cela sera
fort risqué pour l'Italie, l'Europe et l'euro ; soit sa volonté de rupture
s'enlisera progressivement et quelques compromis seront trouvés. Cela créera
des tensions entre la Ligue eurosceptique, du moins dans sa rhétorique, et un
M5S qui, avec Di Maio, a un peu atténué sa charge antieuropéenne, ce qui
d'ailleurs ne convainc pas sa base et encore moins Beppe Grillo. Le rapport à
l'Europe pourrait être l'un des sujets de la discorde entre la Ligue et le M5S,
et aussi à l'intérieur de ce dernier.
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L'opinion publique italienne
considère-t-elle désormais que l'Europe aurait dû rester un marché unique avec
quelques politiques communes, et non ambitionner de se doter des accords de
Schengen et de l'euro? Une majorité d'Italiens jugent-elle que l'Europe a fait
fausse route depuis,le traité de Maastricht?
Les Italiens qui étaient
europhiles sont devenus eurosceptiques. Cela a commencé en effet après
Maastricht. Nombre d'Italiens critiquent l'euro (mais une courte majorité
d'entre eux veut conserver la monnaie unique) comme les politiques de rigueur
qui se sont traduites par deux années de récession, une hausse du chômage, un
accroissement des inégalités et une extension de la pauvreté. Ils ont eu le
sentiment d'être abandonnés par les pays de l'Union européenne, notamment par
la France, à propos des migrants. Cela a été instrumentalisé par la Ligue et le
M5S. Pour leur part, Silvio Berlusconi et Matteo Renzi (leaders respectifs du
centre droit et du centre gauche, alternativement au pouvoir, NDLR) ont
entretenu une certaine ambiguïté, se disant proeuropéens tout en s'en prenant
souvent à «Bruxelles». Aujourd'hui, l'un et l'autre se font les défenseurs
zélés de l'Europe. Or ils sont en crise et il leur faudra convaincre les
Italiens avec d'autres arguments que ceux traditionnellement utilisés dans le
passé.
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