Crise
politique en Italie : quelles sont les prochaines étapes ? (28.05.2018)
Sergio
Mattarella se pose en arbitre de la crise italienne
Des héros de
la Révolution à Mamoudou Gassama : que signifie la naturalisation au mérite ?
(28.05.2018)
Hétéro, cisgenre et monogame : qui
rêve encore d’être « normal » ? (27.05.2018)
Italie : qui
est Carlo Cottarelli, alias «monsieur ciseaux», chargé de former un
gouvernement ? (28.05.2018)
Jean-Pierre
Robin : «La zone euro est trop petite pour l'économie allemande en pleine
forme» (27.05.2018)
Économie
américaine: et si Trump réussissait? (18.05.2018)
Dans les
quartiers de Lille, des «rodéos» de plus en plus violents (27.05.2018)
Crise
politique en Italie : quelles sont les prochaines étapes ? (28.05.2018)
- Par Le
figaro.fr AFP, Reuters Agences
- Mis
à jour le 28/05/2018 à 13:00
- Publié le
28/05/2018 à 09:11
Crise politique en Italie : la colère de la Ligue du Nord
et du Mouvement 5 étoiles
VIDÉO - Chargé par la Ligue et le M5S de former un
gouvernement, Giuseppe Conte a choisi de renoncer à sa mission après le refus
du président italien d'avaliser un ministre de l'Économie eurosceptique. Alors
qu'un gouvernement de transition se prépare, Le Figaro fait le
point sur les prochaines dates essentielles.
• Dimanche 27 mai - Le président italien, Sergio
Mattarella, a
mis son veto au choix de l'eurosceptique Paolo Savona comme ministre
de l'Économie et des Finances, tel que le proposait Giuseppe Conte, chargé de
former un gouvernement dans le cadre de l'alliance entre la Ligue et le
Mouvement cinq Étoiles (M5S), les deux partis ayant remporté les élections
législatives du 4 mars. Cette décision présidentielle a poussé le professeur de
droit Giuseppe Conte à renoncer à la mission dont il avait été chargé quatre
jours auparavant et a déclenché l'ire des dirigeants de la Ligue et du M5S, qui
estiment que le président italien a trahi la Constitution et répond aux ordres
des puissances européennes.
• Lundi 28 mai - À l'opposé des positions de
l'alliance entre la Ligue et le M5S qui s'érigent contre les règles d'austérité
budgétaire fixées par l'Union européenne, Sergio Mattarella convoque, au palais
du Quirinal, Carlo
Cottarelli, dit «monsieur ciseaux». Le président italien a demandé à cet
économiste, ancien du Fonds monétaire international, de former un nouveau
gouvernement de transition. Actuellement directeur de l'Observatoire des
comptes publics, ce dernier a multiplié récemment les mises en garde sur le
coût économique du programme de gouvernement signé par le Mouvement cinq
Étoiles et la Ligue.
• Fin mai/début juin - Si Carlo Cottarelli
parvient à former un gouvernement de techniciens, il verra néanmoins son choix
avalisé, ou non, par le Parlement italien, une réponse favorable étant très
improbable dans la mesure où les deux chambres sont dominées par le M5S et la
Ligue, qui lui sont hostiles. Néanmoins, même si son gouvernement n'obtenait
pas la confiance du parlement, il resterait en place pour expédier les affaires
courantes, notamment pour élaborer avant la fin décembre le budget pour l'année
2019 et éviter une hausse automatique de la TVA en cas de creusement du
déficit.
» LIRE AUSSI - Italie:
quelle stratégie pour les antisystèmes au pouvoir?
• Septembre/octobre - Si le gouvernement de
Carlo Cottarelli n'obtenait pas la confiance du Parlement, ce qui est, en
l'état, le plus probable, de nouvelles élections seraient organisées, au sortir
de l'été. D'après les derniers sondages, de nouvelles élections pourraient
profiter à la Ligue, qui a remporté 17% des voix en mars, tandis que le M5S
consoliderait sa base. Si elle était maintenue, leur alliance emporterait donc
une majorité plus large encore qu'aujourd'hui, ce qui ne laisse pas présager
d'une sortie de crise politique en Italie.
Crise politique en Italie : la colère de la Ligue du Nord
et du Mouvement 5 étoiles
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Sergio
Mattarella se pose en arbitre de la crise italienne (28.05.2018)
- Par Le
figaro.fr
- Mis
à jour le 28/05/2018 à 15:38
- Publié le
28/05/2018 à 15:11
Dans un pays qui a déjà connu 64 gouvernements depuis
1946, le rôle de gardien sourcilleux de la Constitution qu'endosse le président
de la République italienne a toujours été essentiel.
En temps ordinaire, la fonction se veut honorifique, régime
parlementaire oblige. Pourtant le président de la République italienne, Sergio
Mattarella, a pesé de tout son poids ces derniers jours dans la vie politique
de son pays, n'hésitant pas à provoquer une crise sans précédent dans la
péninsule. Garant du respect des traités internationaux, il a ainsi refusé
dimanche soir la nomination de l'eurosceptique
Paolo Savona, présenté par le Mouvement 5 Étoiles et la Ligue, au poste stratégique
de ministre de l'Économie et des Finances. Pour justifier cette décision, il a
expliqué que son devoir était de protéger les intérêts des épargnants italiens,
estimant que cette nomination aurait constitué signal négatif envoyé aux
marchés. «On ne peut m'imposer les noms des ministres», a réaffirmé Sergio
Mattarella bien conscient que son rôle d'arbitre au-dessus de la mêlée est
essentiel.
» LIRE AUSSI - L'Italie
s'enfonce dans une crise politique majeure
Droit de grâce, promulgation des lois, commandement des
forces armées.... les prérogatives du président, figure institutionnelle très
respectée dans le pays, résident principalement dans cette capacité à nommer le
chef du gouvernement et les ministres sur proposition de ce dernier. Celle-ci
lui est reconnue par l'article 92 de la Constitution. Ce n'est pas la première
fois qu'un président italien en fait l'usage. Il existe au moins trois cas de
ce type dans l'histoire de la République italienne. L'un des plus célèbres
concerne Silvio Berlusconi. Le vainqueur des législatives en 1994 avait
présenté au président d'alors, Oscar Luigi Scalfaro, le nom de son avocat
Cesare Previti au poste de ministre de la Justice. Le président avait refusé de
le faire, et le magnat des médias s'était finalement incliné.
Vers de nouvelles élections
Le président italien pourrait être amené à utiliser d'une
autre arme institutionnelle pour sortir de la crise: la dissolution des
Chambres. Cette dernière a beaucoup servi dans l'histoire de la République, la
péninsule a connu pas moins de 64 gouvernements depuis 1946. Car le
gouvernement technique que
Carlo Cottarelli a été chargé de former pourrait rester mort-né s'il
n'obtenait pas la confiance du Parlement. Or le scénario paraît plus que
probable. Les parlementaires italiens ont en majorité déclaré qu'ils la lui
refuseraient. Le gouvernement intérimaire risque donc d'expédier les affaires
courantes en attendant la tenue de nouvelles élections. Ces dernières, selon le
nouveau président du Conseil, se tiendront à l'automne ou au début de l'an
prochain.
» LIRE AUSSI - Le
président Sergio Mattarella, un Mac-Mahon italien?
«Le président Mattarella n'a fait qu'exercer ses pouvoirs
constitutionnels.»
Massimo Luciani, président de l'association des
constitutionnalistes italien
En Italie, le débat fait désormais rage pour savoir si le
président n'est pas sorti de ses prérogatives. «Le président Mattarella n'a
fait qu'exercer ses pouvoirs constitutionnels», estime Massimo Luciani,
président de l'association des constitutionnalistes italiens. Le président
français, Emmanuel Macron, a salué a loué le «courage» et le «grand esprit de
responsabilité» de son homologue. Mais en jouant les premiers rôles dans la
crise actuelle, Sergio Mattarella s'est aussi exposé aux critiques. De son
côté, Luigi di Maio, le chef de file du Mouvement 5 Étoiles, souhaite mettre le
chef de l'État en accusation devant le Parlement et ainsi obtenir sa
destitution. Celle-ci n'est possible qu'en cas de «haute trahison» ou
d'«atteinte» à la Constitution. Elle a d'autant moins de chance d'aboutir que
Matteo Salvini a clairement rejeté l'idée.
(Avec AFP)
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Des héros
de la Révolution à Mamoudou Gassama : que signifie la naturalisation au mérite
? (28.05.2018)
FIGAROVOX/TRIBUNE - Mamoudou Gassama, qui a sauvé un enfant
sur un balcon à Paris, sera naturalisé français. Cette «citoyenneté d'honneur»
était déjà prévue par une loi de 1792, selon l'historien Michel Renard, qui en
interroge la pertinence à l'heure de l'immigration de masse.
Michel Renard est professeur d'histoire, et auteur avec
Daniel Lefeuvre de Faut-il avoir honte de l'identité nationale? (éd.
Larousse, 2008).
Devenir français à titre de récompense ou à titre d'honneur
n'est pas nouveau. Encore faut-il mesurer les motivations de cette décision
politique qui sanctifie plus souvent le symbole qu'elle n'évalue la portée
manifeste de ses conséquences.
Par une loi d'août 1792, la Révolution française accordait
le titre de citoyen français à «des hommes qui, par leurs écrits et par
leur courage, ont servi la cause de la liberté, et préparé l'affranchissement
des peuples, [et] ne peuvent être regardés comme étrangers par une Nation que
ses lumières et son courage ont rendue libre». Mais comme ce titre
n'était lié à aucune des obligations habituelles (résidence en France et
prestation du serment civique), la mesure restait emblématique. C'était une
citoyenneté d'honneur, marque de l'horizon universaliste des Jacobins, sans
plus d'implication. Furent de la sorte distingués des Américains, des Anglais,
des Allemands, des Polonais: Thomas Paine, George Washington, Jeremy Bentham,
Anacharsis Cloots, Thadée Kosciuszko et d'autres encore. On oublie souvent que
la Convention annula de fait cette loi par les décisions du 5 nivôse an II (2
décembre 1793): «tous les individus nés en pays étrangers sont exclus
du droit de représenter le peuple français», et «les citoyens nés
en pays étrangers qui sont actuellement membres de la Convention nationale ne
pourront à compter de ce jour, participer à aucune de ses décisions».
L'image généralisante se heurtait aux réalités concrètes des
conflits qui opposaient la France aux puissances européennes.
Dans un autre sens, le 26 octobre 1870, le gouvernement dit
de «Défense nationale» décrète que les étrangers qui auront pris part à la
guerre aux côtés de la France seront naturalisés sans délai. Or, les Allemands
constituaient la première colonie étrangère à Paris (70 000 personnes) et
voyaient grandir la suspicion à leur égard. De nombreux Allemands déposèrent donc
des dossiers de naturalisation en référence à cette loi exceptionnelle, arguant
de leur participation à la Garde nationale ou de leur mariage avec une
Française (voir l'article de Mareike König, «Les immigrés allemands à Paris,
1870/71», éd. Mémoire-Génériques, 2010).
Dans ce cas, la loi a précipité une francisation de cœur et
le choix d'une patrie d'adoption déjà effectuées. Ce qui ne recoupe pas la
conjoncture présente.
À naturaliser des symboles, on risque de passer à côté
des courants profonds de l'histoire concrète et de ses périls.
Plus près de nous, en 1999, une polémique a opposé au garde
des Sceaux, la socialiste Elisabeth Guigou, la droite soutenant les
revendications des légionnaires. Avant de naturaliser automatiquement un
légionnaire blessé en mission, la Chancellerie souhaitait pouvoir vérifier son
«degré d'attache avec la France». Le symbole du «sang versé» ne semblait pas
suffisant. Le héros n'était pas immédiatement reconnu tel. On va plus vite
aujourd'hui. Le 30 novembre 1999, le député Claude Goasguen s'exclamait en
séance à l'Assemblée: «J'étais pour moi persuadé que servir dans la
Légion donnait droit à l'acquisition de la nationalité française ; comme
beaucoup de nos compatriotes, j'ai été surpris d'apprendre que ce n'est pas le
cas, même pour ceux qui ont été blessés. Les dossiers s'accumulent dans des
administrations dont les fonctionnaires n'ont jamais connu le feu». Finalement,
les parlementaires socialistes déposèrent une proposition de loi qui allait
dans le même sens que celui de l'opposition et la garde des Sceaux s'y rallia
non sans susciter les sarcasmes pour sa volte-face. La loi ne concernait que
quelques cas par an.
En France, 66 654 étrangers ont été naturalisés par décret
en 2017, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Ils ont, en principe,
répondu à des exigences juridiques et d'assimilation en matière linguistique et
de connaissances de l'histoire et de la culture françaises.
Le malien Mamoudou Gassama est une «exception» souligne le
président Macron. Peut-être. Mais n'est-il pas prisonnier d'une campagne
d'opinion qui vante les mérites de l'immigration de masse en France et tait
toutes les violences et les impossibles défis qui l'accompagnent? Mamoudou
Gassama semble être celui qui devrait effacer ce qu'on ne veut pas voir. Tâche
dont à lui seul, bien sûr, il ne s'acquittera pas. Comment ne pas opposer
l'incroyable écho du geste du jeune Malien et la désolante pudeur devant les
morts de soldats français, au Mali, par exemple?
L'instrumentalisation d'une naturalisation pour «héroïsme» a
déjà fonctionné avec Lassana Bathily lors de la prise d'otages à l'Hyper Cacher
de la Porte de Vincennes, le 9 janvier 2015. On pétitionnait pour qu'il
obtienne la naturalisation immédiate. Ce qui fut le cas. Mais si Manuel Valls avait
uniquement salué «l'acte de bravoure», le ministre de l'Intérieur, Bernard
Cazeneuve, n'hésitait pas à déclarer que Lassana Bathily était «devenu le
symbole d'un islam de paix et de tolérance».
À naturaliser des symboles, on risque de passer à côté des
courants profonds de l'histoire concrète et de ses périls.
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étrangère: ces soldats d'élite qui choisissent de devenir français
Hétéro, cisgenre et monogame :
qui rêve encore d’être « normal » ? (27.05.2018)
Le sexe traditionnel et ses pratiques peu originales ne font
plus rêver les jeunes, estime Maïa Mazaurette, la chroniqueuse de « La
Matinale du Monde ».
Le Monde | 27.05.2018 à 06h36 • Mis à jour
le 27.05.2018 à 15h20
LE SEXE SELON MAÏA
Qui veut encore être « normal » ?
Pas les jeunes. Selon
une étude américaine, 20 % des millennials (18-34 ans) se définissent
comme LGBTQ (GLAAD,
2017). Même
son de cloche en Angleterre, où 43 % des 18-24 ans se voient comme non
strictement hétérosexuels (Yougov, 2015). Rangeons notre scepticisme :
cette évolution ne provient pas d’un sursaut hormonal ou d’une mode (combien de
temps allons-nous utiliser l’argument
« mode » dès qu’un changement sociétal nous déplaît ?). Il ne
s’agit même pas forcément d’une contestation solide des normes. Objectivement,
le label hétéro cisgenre monogame ne fait plus rêver. Trop rigide, trop
hiératique ! Ses pratiques sexuelles notamment perdent leur pouvoir d’adhésion.
Alors, le temps de l’autocritique est-il venu ? Certainement.
Il n’est pas inexact que la sexualité « tradi » a
des ratés : culpabilisation (des femmes en particulier), goût du secret,
attraction/répulsion envers les organes génitaux… et une amplitude des
pratiques réduite comme peau de chagrin. Le script psychosexuel « normal »
ne connaît que cinq pratiques : baisers, caresses, fellation, cunnilingus,
pénétration vaginale (déclinée en quatre positions populaires :
missionnaire, levrette, amazone, petites cuillères). Tout le reste est du
domaine de l’exceptionnel (un massage érotique pour la Saint-Valentin) ou du
soupçon (pénétrations anales sur les hommes ou les femmes, jeux de rôles,
costumes, utilisation de substances ou d’accessoires, fist-fucking, BDSM,
tantra, nipple play, masturbations prises au sérieux, la liste est plus épaisse
qu’une baguette tradition).
Non seulement cette sexualité « normale » se
focalise sur le génital, mais elle est terriblement arrogante. Ainsi
entendons-nous régulièrement des personnes se ravir d’un érotisme
consistant à mettre des
excroissances dans des orifices, et qui vantent les mérites de la libération
sexuelle. Le ridicule ne tue pas : on a découplé la sexualité de
l’intention reproductrice, tout en gardant comme incontestable Graal l’unique
pratique permettant de se reproduire (sous
vos applaudissements).
Encore aujourd’hui, la pénétration vaginale règne en
maîtresse incontestée, et pas toujours commode, sur nos vies sexuelles. Elle
marque chaque étape importante de notre trajectoire, de la défloration à la
nuit de noces, de la validation d’une aventure (« on l’a fait ») aux
orgies libertines (« on l’a fait, mais à plein »), du discours
amoureux (« après les préliminaires, on l’a fait ») à la première
débandade (« je n’ai pas pu le faire »). Nous voici face à l’exact
même acte, répété sur une vie entière, avec tous les partenaires – un intérêt
monomaniaque pour une pratique qui en outre, n’est pas particulièrement
efficace (un tiers des femmes n’ont
habituellement pas d’orgasme, contre 5 % des hommes – et chez les
femmes qui en ont, l’adjonction d’une stimulation manuelle et/ou d’un
cunnilingus est la meilleure manière d’obtenir une jouissance).
Sexualité format timbre-poste
Côté désir, ça ne va pas vraiment mieux, puisque
l’imaginaire hétérosexuel oublie d’érotiser la moitié de la population. Le
corps des hommes ? Quel corps des hommes ? A ma gauche, les tenants
d’une vision à œillères (« les femmes sont naturellement plus désirables »).
A ma droite, les fatalistes (« les hommes ne se rendront jamais plus
désirables, ils perdraient leur virilité »). En attendant, ça fait moitié
de désir en moins.
Enfin, les formes de renouvellement actuellement proposées
manquent d’imagination : au lieu d’exploser les cadres de la pénétration,
on l’accélère (le « petit coup vite fait »), on la rend moins
personnelle (en s’échangeant les uns les autres), on en supprime certains
enjeux émotionnels (en couchant avec des inconnus, ou sans sentiments)… bref,
une resucée du même. Changer les
partenaires sans changer les
pratiques ? On s’en mord la queue.
Vous me direz : et pourquoi pas, si ça rend les gens
heureux de passer une vie
entière à mettre des pénis dans des vagins ? Je suis absolument d’accord.
Mais ça ne rend pas les gens heureux, du moins pas à long terme… or la
monogamie rêve de long terme. Si ce système fonctionnait réellement, les
sexologues, psys, vendeurs de lingerie à moumoute, experts en relations
extraconjugales et avocats millionnaires spécialisés en divorce seraient au
chômage. Leurs clients ne sont pas des imbéciles, ni des perdants. Ils sont
simplement coincés dans une sexualité format timbre-poste, immobile, identique
du premier rapport au dernier, à deux-trois détails près. Exactement comme si
on était condamnés à manger les mêmes
frites à la cantine tous les jours, avec pour Noël de la mayonnaise plutôt que
du ketchup.
Cette absence de témérité est-elle structurelle ? Si
vous êtes hétéro, cisgenre, en couple monogame, êtes-vous condamné(e) au
délitement du désir et à l’ennui ? Eh bien, pas du tout. Les héritages
existent : ils peuvent aussi être examinés, gentiment déclinés et
raccompagnés au vestiaire. Une sexualité moins obsessionnellement répétitive
émerge. Elle explore, elle se tâte (c’est un bon début), elle frôle le queer sans
le phagocyter (de
fait, se qualifier de
« bizarre » quand on est majoritaire serait aberrant, et diluerait la
force politique du concept).
Ne tombons pas dans l’exception qui confirme la règle
On pourrait en revanche parler d’influence
queer : un couple fidèle (ne cherchant pas à faire un bébé dans
l’immédiat) peut renoncer à la
pénétration obligatoire, ou peut la décorréler du corps des femmes. Il peut ne
plus penser du tout en
termes de pénétration. Il peut se sentir bien dans
ses genres, mais s’être débarrassé des comportements qui leur sont associés. Il
accepte qu’on puisse être en situation de réceptivité sans être en position de
passivité, ou qu’on puisse pénétrer en
étant dominé. Il sait que les hommes sont pénétrables par la bouche, par l’anus
et par le pénis (au risque de retourner le
couteau dans la plaie), et présentent donc le même potentiel de réceptivité que
les femmes. Il considère les parties génitales comme une simple option
érotique, et cesse de découperles corps en
morceaux hiérarchisés. Il sort le rapport de sa temporalité purement charnelle.
Et parce que la liste serait infiniment longue, embrayons directement sur le
plus important : ce couple
hétéro-cisgenre-monogame-un-peu-queer-mais-pas-tradi adopte des pratiques non
scriptées au quotidien, et ne les réserve aucunement à des moments
exceptionnels.
Parce que dans le cas contraire, ça s’appelle de
l’hypocrisie. Tout le monde a essayé, au moins une fois, de sortir de
l’enchaînement confortable du sexe « comme à la télé ». Le problème
ne se situe pas dans une absence de médiatisation des pratiques alternatives –
elles sont volontiers épluchées publiquement – mais dans leur présentation
comme des piments, escapades ou gratifications spéciales. Nous tombons alors
dans l’exception qui confirme la règle : des petits pansements utiles
quand l’ennui devient trop visible, mais remisés au placard après usage. Or si
l’expérimentation ne sert qu’à se replier sur les
valeurs sûres, non seulement on se promène en touriste comme dans un safari,
mais on se donne bonne conscience en se vantant d’avoir transgressé son
confort… mais sans avoirchangé de
paradigme. Cet évitement de toute remise en question ne trompe pas la nouvelle
génération.
Une sexualité fluide ne consiste pas à marcher à côté de
l’autoroute en suivant le sens du trafic, ou en « finissant » sur
l’autoroute. Sinon, effectivement, on peut se moquer de cette
pusillanimité – un juste retour de balancier, étant donné l’ampleur de la
condescendance dont nous accablons les plus jeunes. Alors, tous « has
been » ? Les pratiques peut-être, mais pas les personnes. Dur à
entendre ? Certes, mais gratter où ça
démange constitue un excellent point de départ. Avant la sortie de route.
En savoir plus sur https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2018/05/27/hetero-cisgenre-et-monogame-un-label-depasse_5305301_4497916.html#keo7GSPqC3KsdUX6.99
Italie :
qui est Carlo Cottarelli, alias «monsieur ciseaux», chargé de former un
gouvernement ? (28.05.2018)
- Par AFP,
Reuters Agences
- Mis
à jour le 28/05/2018 à 15:51
- Publié le
28/05/2018 à 00:20
Cet ancien haut responsable du Fonds monétaire
international (FMI) a été chargé par le président italien de former la nouvelle
équipe gouvernementale.
Le président italien Sergio Mattarella, à la recherche d'une
solution après l'échec
de Giuseppe Conte dans sa tentative de former un gouvernement, a demandé à
l'économiste Carlo Contarelli de former le gouvernement, sans l'aval du
Mouvement 5 étoiles et de la Ligue, grands vainqueurs des législatives du 4
mars.
Sergio Mattarella lui a demandé de former un gouvernement de
transition composé de techniciens et chargé d'élaborer avant la fin décembre le
budget 2019, notamment pour éviter une hausse automatique de la TVA en cas de
creusement du déficit. Si ce gouvernement venait à ne pas obtenir le soutien du
Parlement, il resterait en place pour expédier les affaires courantes. Carlo
Contarelli a annoncé que de nouvelles élections se dérouleraient au plus tard
début 2019.
«Dans cette période, je veux simplement redire, compte tenu
de cela, mon amitié et mon soutien au président Mattarella qui a une tache
essentielle à mener, celle de la stabilité institutionnelle démocratique de son
pays qu'il fait avec beaucoup de courage et un grand esprit de responsabilité»,
a réagi le président Emmanuel Macron ce lundi.
Rassurer les marchés
Âgé de 64 ans, Carlo Cottarelli est diplômé en économie à
l'université de Sienne (Toscane) et à la London School of Economics. Après six
ans passés dans la division chargée du secteur financier et monétaire à la
Banque d'Italie, il a été un haut responsable au Fonds monétaire international
(FMI) et s'est vu attribuer le surnom de «Monsieur Ciseaux» quand il a été
chargé de la révision des dépenses publiques par le gouvernement d'Enrico Letta
(centre gauche) en 2013. Le successeur de Letta, Matteo Renzi, l'a ensuite
nommé au FMI où il a assumé les fonctions de directeur exécutif pour l'Italie,
la Grèce, et Malte, entre autres pays, avant de quitter ses fonctions en octobre
2017. Il est depuis cette date le directeur de l'Observatoire des comptes
publics, multipliant à ce titre les mises en garde sur le coût économique du
programme de gouvernement signé par le Mouvement cinq Etoiles (M5S,
antisystème) et la Ligue (extrême droite). Interviewé par Les Échos en milieu de semaine, il
évaluait son coût entre 110 et 150 milliards d'euros.
Les marchés, inquiétés par la constitution d'un gouvernement
eurosceptique dont la politique menacerait les fragiles finances publiques
italiennes, pourraient être rassurés par l'éventuelle nomination de Cottarelli.
En revanche, sa désignation ne devrait pas manquer d'attirer
les foudres de ces deux forces politiques, qui ont dénoncé dès dimanche
soir la main mise des «lobbies» de la finance et des grandes banques. «Un
Monsieur Personne qui représente la finance internationale», a dit de lui dimanche
soir Matteo Salvini, le patron de la Ligue, dans une vidéo sur Facebook. «Il
est un de ces experts donneurs de leçons qui nous ont accablés en taillant dans
la santé, l'éducation, l'agriculture», a lancé de son côté Luigi Di Maio, chef
de file du M5S devant ses partisans réunis à Fiumicino, près de Rome.
Spécialiste de finances publiques, Cottarelli avait
multiplié les interviews mettant en garde contre les dérives financières
potentielles contenues dans le «contrat de gouvernement» adopté par la Ligue et
le M5S.
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Robin : «La zone euro est trop petite pour l'économie allemande en pleine
forme» (27.05.2018)
CHRONIQUE - L'Allemagne est de plain-pied dans la
mondialisation face à la Chine. Ses relations commerciales avec le reste de
l'Union monétaire diminuent d'année en année.
Destatis, l'office allemand de la statistique, dresse
actuellement le bilan économique 2017 de son pays, tout comme ses homologues
(l'Insee entre autres) le font au printemps. S'agissant du commerce extérieur,
c'est dit sans ambages: «Pour la seconde année consécutive, la
République populaire de Chine est le premier partenaire commercial (de
notre économie).» Les Pays-Bas arrivent au deuxième rang, puis les États-Unis
en troisième, et la France quatrième, alors qu'elle était encore seconde en
2016, nous précise-t-on.
Et Destatis ne peut s'empêcher de rappeler, en termes très
sobres comme il convient à des statisticiens, ce constat tout simple: «De 1975
à 2014, la France a été le plus important partenaire commercial de
l'Allemagne.» Le monde d'autrefois… quand le couple allemand était le moteur de
l'Europe, car les deux pays étaient l'un pour l'autre l'interlocuteur
primordial.
Afin d'établir ce classement, Destatis prend en compte la
somme des exportations et des importations réunies, laquelle s'est élevée à
187 milliards d'euros pour le commerce bilatéral germano-chinois. Quant
aux échanges franco-allemands, ils ont représenté 169 milliards en 2017.
Certes, l'Hexagone reste le deuxième marché d'exportation pour le made in
Germany, avec 105 milliards d'euros. Les États-Unis constituent pour leur
part le premier débouché (111 milliards), ce qui, entre parenthèses,
explique pourquoi les oukases de Donald Trump font si peur outre-Rhin, que ce
soit sur l'acier, l'aluminium, et maintenant le secteur automobile où
Washington pourrait imposer des droits de douane.
Depuis le lancement de l'euro en 1999, les relations
commerciales de l'Allemagne avec le reste de l'Union monétaire ont-elles vu
leur poids relatif diminuer d'année en année
C'est principalement dans l'autre sens, en tant que
fournisseur de l'Allemagne, que la
France a perdu du terrain. Alors que la Chine a vendu à hauteur de
101 milliards d'euros l'an dernier, le chiffre d'affaires du made in
France n'a été que de 64 milliards, moins des deux tiers. On constate à
cet égard que le déficit bilatéral franco-allemand s'est élevé à
41 milliards en 2017, plus de la moitié de tout le déséquilibre commercial
français de l'an dernier. Si nous avons un problème de compétitivité, il
s'exprime surtout vis-à-vis de nos voisins, et en particulier le plus gros
d'entre eux.
Voilà des chiffres bien rébarbatifs en soi, mais ces
statistiques n'en sont pas moins éloquentes: elles montrent sans détour la
perte d'influence, au moins relative, du partenaire français pour l'économie
allemande. Or l'arbre ne doit pas nous cacher la forêt: c'est à vrai dire tous
les pays ayant adopté la monnaie unique qui sont devenus moins essentiels pour
la première puissance économique du continent.
Ainsi, depuis le lancement de l'euro en 1999, les relations
commerciales de l'Allemagne avec le reste de l'Union monétaire ont-elles vu
leur poids relatif diminuer d'année en année. Pour ce qui est de ses
importations, la part des produits de la zone euro représentait 46 % des
achats à l'étranger au moment du lancement de l'euro ; elle n'est plus que
de 36,5 % aujourd'hui. D'autres fournisseurs ont monté en puissance, la
Chine avant tout.
En tant que client également, le marché européen apparaît en
perte de vitesse, au moins relative. Alors que les pays ayant rejoint l'euro
absorbaient 46 % de ses exportations en 1999, ils ne constituent désormais
que 37 % des débouchés du made in Germany.
Le désengagement relatif des entreprises allemandes
vis-à-vis des pays de l'Union monétaire est manifeste. Avec ce paradoxe,
l'Allemagne est l'un des grands gagnants de la monnaie unique, car ses produits
ont élargi leurs parts de marché, notamment dans l'automobile. Mais en même
temps ses industriels sont encore plus dynamiques sur les marchés
extra-européens.
On touche là du doigt le drame de l'Europe, qui s'avère
incapable d'investir son épargne sur son territoire alors que les besoins sont
énormes. En France et en Italie par exemple
«L'Allemagne est-elle encore un vrai membre de la zone
euro?», s'interrogent les économistes de la banque Natixis, après avoir analysé
ces chiffres. La question est d'autant plus pertinente qu'il n'y a pas que le
commerce où la zone euro semble perdre de son attrait pour les Allemands. Il en
va de même pour les investissements, car du fait de ses excédents commerciaux
précisément, qui ont atteint 244,4 milliards d'euros en 2017, le pays
dispose de gigantesques surplus financiers, lesquels par construction doivent
être investis hors de ses frontières.
Jusqu'en 2008-2009, ces capitaux étaient placés
principalement dans les pays de l'Union monétaire. Or ce n'est plus le cas
aujourd'hui où ils sont recyclés hors d'Europe. La preuve en est que la zone
euro elle-même (incluant l'Allemagne) affiche désormais un fort excédent de sa
balance des paiements, soulignent les économistes de Natixis.
On touche là du doigt le drame de l'Europe, qui s'avère
incapable d'investir son épargne sur son territoire alors que les besoins sont
énormes. En France et en Italie par exemple. Et dans ce jeu, les Allemands et
leur formidable machine à dégager des excédents extérieurs (et maintenant
budgétaires) ont une responsabilité éminente.
Cette préférence pour le grand large, la mondialisation, et
la défiance vis-à-vis de l'entourage immédiat ont de quoi surprendre. On
croyait que l'Europe était l'horizon indépassable de l'Allemagne réunifiée en
1990. Se serait-on trompé?
Poser la question, c'est raviver une vieille obsession
française, telle que l'avait exprimée par exemple François Mauriac, dans les
années 1950, «j'aime tellement l'Allemagne, que je préfère qu'il y en ait
deux». C'est la même obsession qui avait conduit François Mitterrand, au tout
début des années 1990, à vouloir créer l'Union monétaire et l'euro, pour que
l'Allemagne réunifiée ne se retrouve pas seule avec la puissance financière «du
roi mark». Il fallait l'ancrer sur ses voisins. Le stratagème serait-il en
train de capoter?
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Économie
américaine: et si Trump réussissait? (18.05.2018)
DÉCRYPTAGE - Volontarisme fiscal, brutalité
commerciale : les critiques pleuvent sur la méthode du président
américain, mais les États-Unis affichent d'excellentes performances
économiques.
Sur le climat, l'Iran, Israël, il s'est mis au ban de la
communauté internationale. Ses tweets rageurs matinaux, son imprévisibilité, sa
brutalité, laissent pantois. Ses démêlés avec le FBI et la justice interrogent
sur sa capacité à mener son mandat jusqu'à son terme.
Et pourtant. La méthode de Donald Trump, exposée il y a
trente ans déjà, dans son best-seller l'Art du deal, du temps où le futur
président de la première puissance mondiale n'était qu'un loup new-yorkais de
l'immobilier, semble faire mouche. Depuis qu'il est installé à la
Maison-Blanche, Donald Trump l'a éprouvée à plusieurs reprises, notamment avec
la Corée du Nord. Il profère les pires menaces, exerce une pression maximale
sur l'adversaire ou le partenaire, puis se dit prêt à discuter.
Sur le front commercial, le président américain a marqué des
points. Il
a arraché des concessions au Brésil, son deuxième fournisseur
d'acier ainsi qu'à
la Corée du Sud. Évidemment, disposer du plus gros budget militaire de
la planète (610 milliards de dollars, davantage que les sept pays suivants
réunis) et diriger la première économie (un PIB de 19.000 milliards de
dollars, une fois et demie celui de la Chine) offre quelques arguments. «Face à
des “petits” pays, les États-Unis ont des leviers de négociations, commente
Steven Friedman, économiste américain chez BNP Paribas AM. Mais avec des grands
pays comme la Chine, il faudra sûrement de longues négociations pour trouver un
compromis.»
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de l'acier: le Japon menace, tardivement, de riposter
De fait, Washington
et Pékin ont repris leurs négociations vendredi. L'Administration Trump
a fixé un ultimatum à mardi prochain, 22 mai: faute d'accord, les
États-Unis imposeront des droits de douane sur des produits chinois importés
représentant une valeur de 50 milliards de dollars. L'issue est encore
très incertaine, mais Trump a réussi à amener les Chinois à la table pour
discuter d'une réduction du déficit commercial américain.
L'Europe prévient l'OMC qu'elle est prête à riposter
Washington n'a pas non plus gagné son bras de fer contre
l'Europe. L'Union européenne affiche au moins une unité de façade. Elle a même
notifié, vendredi, à l'OMC (Organisation mondiale du commerce) qu'elle est
prête à prendre des contre-mesures tarifaires. Au sommet de Sofia, jeudi, les
chefs d'État européens ont répété qu'ils voulaient d'abord une exemption
définitive des surtaxes sur l'acier et l'aluminium avant de négocier une plus
grande ouverture de leur marché.
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américaines sur l'acier: l'Europe contre-attaque
«Au moins, Donald Trump a eu le mérite d'encourager le débat
sur l'impact de la mondialisation sur l'économie, c'est sain», remarque Steven
Friedman, pourtant critique du président. «Sa tactique de négociation est de
taper fort et de se faire mousser auprès de son électorat, ajoute Florence
Pisani, économiste chez Candriam et coauteur d'un livre sur l'économie
américaine (*). C'est un jeu assez dangereux, car cela crée de l'incertitude et
reporte les projets d'investissement.» Les bons indicateurs qui se succèdent
semblent pourtant démentir cette vision pessimiste. À 3,9 %, le chômage
est au plus bas depuis près de vingt ans, l'industrie crée des emplois, les
ménages ont davantage confiance qu'au début du mandat. Résumé en langage Trump,
cela donne ce tweet, publié jeudi: «Malgré la chasse aux sorcières dégoûtante,
illégale et injustifiée, nous avons accompli les meilleurs 17 premiers mois
d'une Administration dans l'histoire américaine».
Un leg solide
«Il n'y a pas eu de changement majeur de tendance depuis
l'arrivée de Trump, nuance Christian Leuz, économiste allemand installé depuis
quinze ans aux États-Unis, à l'University of Chicago Booth School of Business.
Obama a laissé une économie en bonne santé, il est encore trop tôt pour
attribuer les bons résultats à Trump.»
Ce leg solide est aussi largement imputable à dix ans de
politique monétaire généreuse de la Fed, rappellent de nombreux économistes. Sa
réforme fiscale, arrachée de haute lutte au Congrès, devrait tout de même avoir
un impact positif sur l'économie. Elle a gonflé le profit des entreprises et
permis à certaines comme Apple de rapatrier des milliards mis à l'abri à
l'étranger. Florence Pisani pondère encore: une enquête récente de la réserve
fédérale d'Atlanta indique que moins de 10 % des entreprises envisagent
d'investir davantage malgré les réductions d'impôt.
Quant aux ménages, ils pourraient perdre en impôts locaux
(ceux des États) ce qu'ils ont gagné sur les impôts fédéraux. Même si le
programme des grands travaux reste encore dans le flou, les dépenses votées par
le Congrès devraient cependant soutenir l'activité de 0,3 % de PIB
supplémentaire, concède Florence Pisani.
Un surcroît de dépenses qui pourrait léguer au successeur de
Trump «un déficit budgétaire de plus de 5 % du PIB et une dette alourdie»,
avertit Steven Friedman. Il faudra attendre la fin de l'année pour mieux
mesurer l'impact des mesures de Trump. Surtout, il ne faut jamais oublier
qu'aux États-Unis, en matière de politique intérieure, rien ou presque ne se
décide sans le Congrès. «Il y a comme un pacte de Faust entre Trump et les
parlementaires républicains, explique Christian Leuz. En échange d'avancées sur
des sujets qui leur sont chers, ils sont obligés d'accepter le style Trump.»
Jusqu'à ce que les divergences sur l'immigration et le libre-échange, ou les
élections de novembre, ne fassent voler ce pacte en éclats.
(*) «L'Économie américaine», avec Anton Brender, éditions
La Découverte.
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Journaliste au Figaro, chef du service Economie
internationale
Twitter: @Fnodelanglois
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Dans les
quartiers de Lille, des «rodéos» de plus en plus violents (27.05.2018)
À scooter, en quad, ces bandes qui écument les quartiers
s'en prennent violemment aux passants.
Dans la rue Pierre-Legrand à Lille, en fin de journée ce
dimanche, les rodéos continuent: des jeunes sont grimpés sur des quads et des
motos et roulent souvent sans casques. Ils foncent sur la roue arrière,
grillent les feux, multiplient les coups d'accélérateur. Dans ce quartier
populaire de Lille, des scooters ont traversé le marché dimanche 22 mai et
attaqué des badauds, faisant 2 blessés. «Été comme hiver, ils sont là sur cette
place, s'indigne Christian, 35 ans, qui habite le quartier depuis quatre ans.
Ils se prêtent les engins, ils se regardent, ils s'applaudissent. Ils font
beaucoup de bruit.»
«L'exaspération est telle que les riverains ont voulu
intervenir. Ces bandes ne prennent pas seulement des risques pour eux-mêmes,
ils mettent en danger les autres, ils s'en prennent à des familles !»
Roger Vicot, président du Forum français de la sécurité
urbaine et maire de Lomme
Les riverains et les commerçants sont exaspérés par ce
groupe qui squatte sur la place Degeyter, dans le quartier de Lille-Fives.
Charline, 24 ans, reconnaît qu'ils ne l'agressent pas mais voit bien qu'ils
continuent leur trafic de drogues et leurs rodéos sauvages. «Ils s'amusent à
leur façon», tempère Stessy Duboc, qui a grandi dans le quartier et les
connaît. Pour tous, ces rodéos sauvages font malheureusement partie du paysage.
Mais les dérapages récents ont durci les réactions. Dimanche 22 mai
également, à Bois Blancs, un autre quartier de Lille, un groupe s'en est
violemment pris à un père de famille et l'a tabassé. «L'exaspération est telle
que les riverains ont voulu intervenir. Car ces bandes ne prennent plus
seulement des risques pour eux-mêmes, ils mettent en danger les autres, ils
s'en prennent à des familles! Il faut passer à la vitesse supérieure en matière
de répression», estime Roger Vicot, président du Forum français de la sécurité
urbaine et maire de Lomme, une commune voisine. Il observe que la thématique de
ces rodéos et des comportements de provocation monte en puissance dans d'autres
villes. Suite
à ces différents événements, la maire de Lille, Martine Aubry, a demandé dans
un courrier adressé au premier ministre Édouard Philippe, le renforcement des
peines encourues et la qualification «de mise en danger de la vie
d'autrui».
«Le jour où un habitant m'a dit qu'il allait tendre un
câble dans la rue, je n'ai plus hésité. Et les engins ont été rangés dans les
garages»
Gustave Dassonville, élu de la métropole
Une proposition de loi contre les rodéos motorisés en
secteurs urbain et rural passera fin mai en commission des Lois de l'assemblée
nationale et en séance publique début juin. À Halluin, une commune de
20 000 habitants située dans la métropole lilloise, le maire Les
Républicains n'a pas attendu de nouvel arsenal législatif pour agir. L'été
dernier, face à la colère des habitants, Gustave Dassonville a pris un arrêté
municipal antiquad dans le centre-ville. «Le jour où un habitant m'a dit qu'il
allait tendre un câble dans la rue, je n'ai plus hésité. Et les engins ont été
rangés dans les garages», résume l'élu, qui attend maintenant ce vote des
parlementaires. Sinon, il mettra en place un autre arrêté.
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