Fusillade à Liège : un homme tue deux policières et un passant avant
d'être abattu (29.05.2018)
Un Belge radicalisé sème la terreur à Liège (29.05.2018)
Attaque terroriste de Liège : la Belgique, un foyer du djihadisme en
Europe (29.05.2018)
Mathieu Bock-Côté : «Réseaux sociaux, entre libération de la parole et
nouvelle culture inquisitoriale» (29.05.2018)
L'humoriste Yassine Belattar ne fait plus rire les directeurs de salles
de spectacle (22.11.2017)
Gérald Bronner : « Les sociologues doivent être des
scientifiques, pas des militants » (06.10.2017)
Mamoudou Gassama, le Malien qui a sauvé un enfant, a été régularisé
(29.05.2018)
Mamoudou, des enfers de la clandestinité aux ors de l'Élysée (28.05.2018)
Mamoudou Gassama : Macron glorifie les héros du quotidien (28.05.2018)
Petit garçon sauvé à Paris : à partir de quel âge un enfant peut-il
rester sans surveillance ? (29.05.2018)
Biodiversité : «La France, l'Europe et le monde connaîtront-ils le
destin de l'île de Pâques ?» (29.05.2018)
SOS espèces en danger : des centaines d'animaux menacés d'extinction en France
(25.05.2018)
Guillaume Perrault : «En Italie, le choc de deux légitimités»
(29.05.2018)
Il y a vingt ans, les députés français votaient la reconnaissance du
génocide arménien (29.05.2018)
Valérie Boyer : «Le génocide de 1915 ne s'est pas limité aux Arméniens»
(02.04.2015)
En pleine guerre mondiale, le peuple arménien éliminé (23.04.2015)
Génocide arménien : l'horreur mise à nu (16.01.2015)
Génocide arménien : la colère turque après le vote allemand
(02.06.2016)
Accord à Paris sur des élections en Libye en décembre (29.05.2018)
Jean-Claude Juncker met l'Europe centrale à la diète (29.05.2018)
Migrants : le maire de Grenoble appelle à désobéir (29.05.2018)
Le Sénat enquête sur le malaise policier (29.05.2018)
Pourquoi les salafistes inquiètent les autorités (26.05.2018)
Strauch-Bonart : «Les inégalités en défaveur des hommes passent à la
trappe !» (25.05.2018)
Massive turn-out for anti-genocide
protest in Perth, Australia (08.04.2018)
Affaire Ramadan : une plaignante modifie sa version (29.05.2018)
Free Tommy Robinson
La pyrolyse, une solution pour transformer les déchets plastiques en
énergie (28.05.2018)
L'Italie plonge un peu plus dans l'incertitude (29.05.2018)
La crise politique à Rome fait trembler les marchés européens
(29.05.2018)
Stratégie, motivation, management :
comment Napoléon a tout inventé (18.05.2018)
Fusillade à Liège : un homme tue deux policières et un
passant avant d'être abattu (29.05.2018)
Par Camille Calvier et AFP,
Reuters AgencesMis à jour le 29/05/2018 à 15h13 | Publié le 29/05/2018 à
12h28
VIDÉOS - Deux autres policiers
ont été blessés. Le dossier a été confié au parquet fédéral, compétent en
matière de terrorisme.
Une fusillade a éclaté ce mardi
matin dans le centre-ville de Liège en Belgique, sur le boulevard d'Avroy à
hauteur du café des Augustins. Deux
policières, ainsi que le passager d'une voiture qui circulait dans le
quartier à ce moment-là, ont été tuées. L'assaillant a été abattu par les
agents du peloton anti-banditisme de la police de Liège. Deux autres policiers
ont également été blessés. Le dossier a été confié au parquet fédéral,
compétent en matière de terrorisme.
L'attaque a été qualifiée d'acte
terroriste par le procureur de Liège, Philippe Dulieu, lors de la conférence de
presse qui s'est tenue avec la police et le bourgmestre de la ville, Willy
Demeyer. Vers 10h30, l'assaillant a d'abord agressé les deux policières au
couteau avant
de s'emparer de leurs armes de services, avec lesquelles il les a
abattues, a expliqué le procureur. Il a ensuite fait feu sur le passager d'une
voiture, un jeune homme de 22 ans, qui est mort.
» VOIR AUSSI - Attaques à
Liège: les deux policiers abattus sont des femmes
Dans la foulée, le suspect s'est
retranché dans un lycée, l'Athénée Léonie de Waha, où il a pris une femme en
otage. Probablement une employée de l'établissement scolaire. Il a été abattu
en voulant sortir de l'établissement. «Plusieurs» autres policiers ont été
«blessés aux jambes» à ce moment-là, a ajouté Philippe Dulieu. Les élèves du
lycée ont été évacués et encadrés par une équipe psychosociale, a annoncé le
bourgmestre de Liège. L'école rouvrira ses portes à partir de jeudi.
L'affaire a été mise à
l'instruction pour présomption d'infraction terroriste. Le premier ministre
Charles Michel et le ministre de l'Intérieur Jan Jambon ont tout deux réagi sur
Twitter, en exprimant leurs pensées pour les victimes.
L'organisme chargé de l'analyse
de la menace terroriste, l'OCAM, a confirmé le niveau 2 de la menace, a annoncé
la police. Le premier ministre et le Roi Philippe sont en train de se rendre
sur les lieux.
Emmanuel Macron a réagi quelques
heures après cette «terrible attaque». Il a fait part de la «solidarité» de la
France avec la Belgique. «Il est sans doute trop tôt pour s'exprimer mais je
voulais adresse toutes les condoléances et la solidarité de la France «à
l'égard de nos voisins Belges», a déclaré le président français.
» VOIR AUSSI - Attaque à
Liège: «l'individu a agressé deux policiers, leur donnant de multiples coups de
couteau» (procureur)
La rédaction vous
conseille :
Un Belge radicalisé sème la terreur à Liège (29.05.2018)
Cet homme de 31 ans, dont
l'objectif était d'attaquer la police, a tué trois personnes dont deux
policières, avant d'être abattu mardi à Liège, dans l'est du pays. L'acte est
qualifié de «terroriste» par la justice belge.
Correspondant à Bruxelles
Un homme tout en noir qui
poignarde deux femmes policières dans le dos, les achève par balles près du
trottoir, tue une troisième personne de sang-froid, avant de prendre un otage
dans une école et d'être finalement abattu… La ville de Liège et la Belgique
ont replongé mardi dans une atmosphère de terreur, trois ans après avoir pleuré
la trentaine de victimes du double
attentat djihadiste de Bruxelles et Zaventem. Le bilan de la tuerie de
Liège s'élève à quatre
morts: les deux policières municipales, surprises en plein soleil lors
d'une paisible patrouille, un homme de 22 ans, qui avait le tort d'attendre
dans une voiture garée non loin, et le tueur. Des policiers ont été blessés aux
jambes dans l'ultime échange de tirs, mais leurs jours n'étaient pas en danger.
Les motivations du triple
meurtrier se sont précisées en fin de journée. L'enquête a été confiée à un
juge d'instruction antiterroriste, car «des éléments vont dans la direction
d'un acte terroriste», selon le parquet fédéral belge. Le parquet de Liège n'a
pas voulu confirmer que l'assaillant aurait crié «Allah akbar!» en s'attaquant
aux policières, comme l'ont évoqué certains médias belges.
L'homme, présenté comme
« Benjamin H. », né en 1987, était fiché par la police pour ses contacts en
prison avec des islamistes, d'après plusieurs sources
L'homme, présenté comme «Benjamin
H.», né en 1987, était fiché par la police pour ses contacts en prison avec des
islamistes, d'après plusieurs sources. «Le suivi des détenus radicalisés reste
tragiquement défaillant», commente sur Twitter le député fédéral Georges Dallemagne,
autorité dans plusieurs commissions parlementaires liées à la sécurité
intérieure. Condamné à une peine de prison non précisée pour vols et trafic de
stupéfiants, «Benjamin H.» avait bénéficié lundi d'une permission de sortie
«afin de préparer sa réinsertion». Il pourrait avoir fait une quatrième
victime: d'après le quotidien flamand De Standaard, la police lie
sa présence à Liège au meurtre d'un complice, dont le cadavre a été retrouvé
lundi au sud de la ville.
L'Ocam, organisme fédéral chargé
d'évaluer le risque terroriste, ne paraît pas s'attendre à des répliques. Il a
décidé dans l'après-midi de maintenir l'alerte au niveau 2, ce qui correspond à
une menace «peu vraisemblable». Sur cette échelle, l'index avait été porté à 4
après les attentats du 22 mars 2016, puis maintenu à 3 jusqu'en janvier
dernier.
- Crédits photo : SOCIAL
MEDIA/REUTERS
Une employée prise en otage
Le film de l'attaque s'est
reconstitué au fil de la journée. Mardi matin, à Liège, tout commence vers
10 h 30 sur le boulevard d'Avroy, une grande artère. Les deux femmes,
employées de la police locale, sont «agressées par l'arrière», recevant «de
multiples coups de couteau», explique le procureur Philippe Dulieu. La chaîne
belge RTBF mentionne un «cutter». L'assaillant s'empare d'une voire de deux
armes portées par les policières et les abat sans ciller. Il fait feu ensuite
contre le passager d'une voiture stationnée près de là. Les images diffusées
sur les réseaux sociaux et par les télévisions belges permettent de
reconstituer la suite de l'échappée de «Benjamin H». Il s'engouffre dans un
lycée, l'Athénée Leonie de Waha, et prend une employée en otage. Le bouclage
lancé par la police antibanditisme commence, les enfants sont évacués par
l'arrière. Le tueur lâche sa prisonnière et sort de l'école comme pour
inspecter la rue. Une arme dans chaque main, il déclenche un feu nourri. Il est
abattu par les policiers.
Les deux policières tuées à Liège
étaient âgées de 45 et 53 ans. La première était mère d'un garçon de 25 ans, la
seconde élevait des jumelles de 13 ans.
Depuis les attentats de 2016, la
Belgique a connu une série d'attaques similaires contre des policiers et des
militaires. La dernière considérée comme terroriste s'est produite le
25 août dernier: un homme d'origine somalienne a agressé des soldats au
couteau, blessant légèrement un d'eux, en criant «Allah akbar» au cœur de
Bruxelles. Il a été abattu.
En septembre 2016 à
Molenbeek, refuge de Salah Abdeslam, deux
policiers avaient essuyé des coups de couteau sans être blessés, grâce
au port de leur gilet pare-balles. Le 6 août 2016, un Algérien vivant en
Belgique avait
attaqué à la machette deux policières à Charleroi, les blessant au
visage et au cou avant d'être abattu. L'État
islamique (EI) avait revendiqué l'attaque.
La rédaction vous
conseille :
Attaque terroriste de Liège : la Belgique, un foyer du
djihadisme en Europe (29.05.2018)
Par Georges
Malbrunot et Service
InfographieMis à jour le 29/05/2018 à 18h54 | Publié le 29/05/2018 à
18h10
DÉCRYPTAGE - Quelque 450
ressortissants belges sont allés combattre en Syrie et en Irak, ce qui, en
proportion de sa population, place le pays parmi les États européens qui
comptent le plus de djihadistes au Levant.
Même si les motivations
djihadistes de l'auteur de l'attaque restent à établir, l'attentat
de Liège rappelle que la Belgique est l'une des cibles européennes
les plus régulièrement visées par les terroristes islamistes, ces dernières
années.
Le 22 mars 2016, deux
attentats commis par des kamikazes, le
premier à l'aéroport de Bruxelles, le second dans le métro, tuent 32
personnes et en blessent plusieurs centaines d'autres. Ils sont revendiqués
quelques heures après par l'État islamique (EI). Le 6 août 2016, un
Algérien vivant en Belgique attaque
à la machette deux policières à Charleroi aux cris d'«Allah Akbar»
(Dieu est grand), les blessant au cou avant d'être abattu. Le lendemain, Daech
revendique, une nouvelle fois, l'attaque. Le 25 août 2017, un homme de 30
ans d'origine somalienne agresse
des soldats au couteau, blessant légèrement l'un d'eux, en criant lui
aussi «Allah Akbar» en plein cœur de Bruxelles, avant d'être abattu.
Quelque 450 Belges sont allés en
Syrie et en Irak faire le djihad, ce qui, en proportion de sa population, place
la Belgique parmi les pays européens qui comptent le plus de djihadistes au
Levant. Dix pour cent d'entre eux étaient membres ou gravitaient autour de
l'organisation islamiste dissoute Sharia4Belgium.
De nombreux Belges ont été tués à
Ramadi en Irak, lorsque la coalition internationale a repris la ville fin 2015
à Daech. D'autres ont été arrêtés et sont emprisonnés à Bagdad et dans le
nord-est de la Syrie par les Kurdes, alliés des Occidentaux contre Daech. L'un
d'eux, Tariq Jadaoun, alias Abou Hamza al-Belgiki, attire l'attention de
nombreux services de renseignements. À Bagdad, devant les agents de la CIA,
al-Belgiki, 30 ans, a reconnu qu'il était directement impliqué dans plusieurs
projets d'attentats, dont deux visant l'Europe, et qu'il s'était, lui-même,
porté candidat pour y participer. Jadaoun a aussi déclaré que l'EI cachait
toujours des terroristes en Europe. Le parquet fédéral belge veut l'interroger,
mais Bagdad n'a pas encore répondu à cette demande. Arrêté en juillet 2017
pendant la bataille de Mossoul, Jadaoun
a été condamné à mort, la semaine dernière, par un tribunal irakien.
La première femme kamikaze en
Irak
En septembre, un ancien membre de
Daech, repenti, mettait en garde contre le rôle que pourrait jouer al-Belgiki
dans de nouveaux attentats en Belgique. Bruxelles n'entreprend aucune démarche
pour faire revenir ses djihadistes pour être jugés dans le pays. «Il n'est ni
dans l'intérêt de la Belgique, ni dans celui de notre sécurité nationale que
ces personnes reviennent», affirme Jan Jambon, ministre de l'Intérieur.
L'auteur de l'attentat de Liège
entretenait-il des liens avec Daech? Était-il en contact avec un «tutoriel» de
l'EI dans le Nord-Est syrien, qui essaie d'échapper à la traque faite aux
djihadistes étrangers par les forces spéciales américaines et françaises?
Depuis le début des années 2000, les filières belgo-marocaines sont au cœur de
l'islamisme radical. En 2005, Murielle Degauque, surnommée la «boulangère
belge», était la première femme à devenir kamikaze en Irak, qu'elle avait
rejoint au volant de sa Peugeot 205.
La rédaction vous
conseille :
- Fusillade
à Liège: un homme tue deux policières et un passant avant d'être abattu
- L'imam
Bassam Ayachi, figure de l'islamisme belge, écroué en France
- La
Belgique, base arrière du terrorisme?
- Le
long passé djihadiste de la Belgique
Mathieu Bock-Côté : «Réseaux sociaux, entre libération de la
parole et nouvelle culture inquisitoriale» (29.05.2018)
CHRONIQUE - Pour notre
chroniqueur, la révolution des médias sociaux permet d'imposer dans le débat
public des sujets auparavant ignorés, mais encourage aussi la traque du
« dérapage ».
De plus en plus, dans le monde
occidental, Facebook s'impose comme un enjeu politique à part entière, comme en
témoigne l'actuelle
préoccupation pour la sécurité des données. Mais il nous faut élargir
considérablement la réflexion pour voir comment les réseaux sociaux
bouleversent la démocratie. En moins d'une décennie, l'espace public des sociétés
occidentales a été transformé de part en part par l'arrivée des médias sociaux.
Si les grands médias traditionnels encadrent encore globalement le débat
public, ils n'ont plus le monopole sur sa définition. En fait, l'espace public
et l'espace médiatique ne se recoupent plus nécessairement. Longtemps, les
courants politiques minoritaires étaient condamnés aux marges et aux
publications confidentielles. Il arrivait qu'on parle d'eux, mais rarement ils
parvenaient à parler en leur propre nom: ils jouaient le rôle qu'on leur
réservait et il était rarement avantageux. Associés à une étiquette infamante,
ils représentaient souvent dans le débat public la mauvaise part de l'homme,
dont la cité devait se méfier. Le conservatisme a connu ce mauvais sort. La donne
a changé avec les médias sociaux. Ils ont permis une démocratisation du débat
public: des inquiétudes populaires peuvent remonter à la surface de la vie
publique et il est de plus difficile de les censurer pour éviter qu'elles ne
fissurent l'idéologie dominante, qui se déploie aujourd'hui grâce au grand
récit de la diversité heureuse. La pression populaire oblige la cléricature
médiatique à tenir compte de certains aspects du réel qu'elle avait tendance à
bouder.
Mais on voit de plus en plus
l'envers du décor de cette nouvelle réalité. Ce nouvel espace public est soumis
à un encadrement de plus en plus tatillon et se montre particulièrement
favorable à des pratiques qui relèvent de la délation pure et simple. On l'a vu
au Québec tout récemment. De plus en plus, lorsque de nouveaux candidats se
lancent en politique, on scrute leur historique sur les médias sociaux pour y
retrouver un «like» malheureux ou un partage Facebook inconvenant ou clairement
regrettable. On comprend qu'il faut se présenter dans la vie publique avec un
dossier numérique vierge. La transparence, ici, confirme encore qu'elle est
traversée par une tentation totalitaire: ce qui aurait relevé en d'autres temps
de la conversation de bistrot est rétrospectivement considéré comme une prise de
parole publique pouvant servir à condamner l'imprudent d'hier ou d'avant-hier.
C'est la culture de la capture d'écran: on surveille l'autre à la recherche
d'un dérapage qu'on pourra ensuite transformer en buzz. On assiste moins à la
polarisation de la vie politique qu'à son hystérisation et au développement de
méthodes policières qui en viennent à corrompre l'esprit public en normalisant
une culture inquisitoriale. On débat moins entre camps adverses qu'on cherche
avec malveillance le tweet qu'on pourra alors monter en épingle.
Un espace public rarement
neutre
Mais ce contrôle idéologique peut
aller plus loin surtout lorsqu'il est pris en charge par les géants numériques
eux-mêmes. La question se pose de plus en plus: doivent-ils resserrer le
périmètre des propos autorisés sur le web? On l'a vu concrètement, tout
récemment, lorsque Facebook, sous l'apparente pression du pouvoir politique, a
fermé sans préavis la page des Identitaires, après leur coup d'éclat du col de
l'échelle. Il n'est nul besoin d'éprouver la moindre sympathie pour cette
mouvance pour s'inquiéter de cette forme brutale de censure, qui consiste à
bloquer directement l'accès à l'espace public à un courant de pensée. Le rôle
joué par Facebook dans la construction de la vie publique aujourd'hui nous
empêche d'y voir seulement une entreprise privée discriminant selon des
critères arbitraires entre ceux qui ont accès à l'espace public et les autres.
L'appel à la responsabilité éthique des médias sociaux, régulièrement lancé par
les gouvernants, semble correspondre à un désir de régulation idéologique du
débat public. De la même manière, la volonté de combattre
les fake newsrelève peut-être moins d'un désir d'assurer une
information de qualité au débat démocratique que de maîtriser pleinement le
récit public.
La question de la parole publique
légitime va bien au-delà de la tentative de contenir les mouvements politiques
protestataires. On en a la triste confirmation, en fait, lorsqu'on constate que
cette censure s'applique à des intellectuels qui font le pari de se faire
entendre sur la place publique. Le professeur Laurent Bouvet s'est distingué,
ces dernières années, comme un critique aussi brillant qu'efficace de
l'éclatement communautariste de la société française. Mais
sa parole dérange, manifestement. Récemment, sur Twitter, il a vu ses
messages associés à une mise en garde avertissant que leur contenu pouvait être
outrageant et contredisait les règles du réseau social concernant les
comportements inappropriés. Qui décide de telles mises en garde, et selon quels
critères? On notera qu'au même moment, les comptes qui font l'apologie de
l'islamisme ne manquent pas et ne sont pas systématiquement inquiétés. Pour peu
qu'on parle sérieusement, nous assistons à une entreprise de disqualification
d'une figure publique essentielle en lui associant une étiquette infamante. En
d'autres mots, Twitter accroche au cou de certains une clochette de mise en
garde pour annoncer que leurs positions sont moralement inadmissibles. Le
pluralisme intellectuel en souffre terriblement et la démocratie est falsifiée.
On en tirera une leçon: l'espace
public est rarement neutre. Certains y sont bienvenus, d'autre pas.
Aujourd'hui, tout ce qui n'alimente pas la pédagogie diversitaire y est
suspect. L'idéologie dominante chercher naturellement à exclure de la vie
publique ses détracteurs, ou du moins, à les placer dans une situation
désavantageuse, à les présenter de telle manière qu'ils auront le triste rôle
de repoussoir. On ruinera leur réputation: on les décrétera infréquentable.
Avant même de les entendre, on avertira qu'il faut se méfier d'eux. On les dira
sulfureux ou même nauséabonds, pour les tenir à distance. Le lexique est connu
et il faudra un jour écrire un dictionnaire de la diabolisation politique.
Notre époque secouée par de vrais bouleversements exige un débat politique qui
doit se délivrer du dispositif inhibiteur qu'est le politiquement correct. Un
temps, il ne s'imposait pas aux réseaux sociaux. Ce n'est plus le cas. Comme
quoi il faudra aussi y mener la bataille pour la liberté d'expression pour
redonner une substance authentique à la démocratie.
La rédaction vous
conseille :
- Trois
alternatives à Facebook
- Les
professeurs sont de plus en plus pris pour cible sur internet
- Les
Français, lanterne rouge des réseaux sociaux
L'humoriste Yassine Belattar ne fait plus rire les directeurs
de salles de spectacle (22.11.2017)
VIDÉOS - Selon
l'hebdomadaire Marianne, le trentenaire «entretient le déni de
l'islamisme» et serait un communautariste «shooté au néoracisme». Le comique a
vu plusieurs représentations de sa tournée Ingérable être
annulées. Une «image sulfureuse» et un «article mensonger», selon l'intéressé.
«Yassine Belattar, faux clown et
vrai danger». Le titre du portrait
réalisé par Marianne , publié le 15 décembre, donne le
ton. L'hebdomadaire y accuse l'humoriste français d'entretenir «le déni de
l'islamisme», et d'être, au mieux, vulgaire et choquant, au pire, un dangereux
communautariste «shooté au néoracisme». Le papier relève également plusieurs
phrases tirées de son spectacle Ingérable, comme: «Je ne suis pas
Charlie, je ne suis pas Nice (...) j'ai le droit de choisir mes deuils».
En réaction à cet article,
plusieurs internautes ont pris la défense de Yassine Belattar, accusant le
journaliste de déformer ses propos, en particulier les phrases
incriminées. Marianne a alors publié un article apportant quelques «précisions», et
maintient les accusations originelles.
Quant à Yassine Belattar, il
préfère jouer de l'humour. Il a publié une vidéo sur son compte Facebook
«caricaturant la caricature» de Marianne, où il se met en scène
comme un terroriste en puissance.
La blague n'a pas fait rire les
directeurs de salles de spectacle. Jeudi, l'humoriste est devenu un «clown
triste, très triste», selon ses propres mots, après avoir vu plusieurs
représentations de sa tournée annulées, à «Marseille, Nancy, Sausheim ou encore
Bordeaux». L'auteur dénonce une nouvelle fois un «article mensonger» qui aurait
poussé les distributeurs à «céder à une image sulfureuse dont je suis victime».
«Je ne savais pas que se dire
Français offrait autant d'inconvénients», ajoute-t-il, précisant que cette
situation était «très certainement l'un des pires moments de [sa] carrière».
L'humoriste, soutien de François Hollande et Emmanuel Macron
en 2012 et en 2017, est aujourd'hui défendu par Arrêt sur images qui dénonce la
«fabrication d'un ennemi» et «quelques libertés avec l'exactitude» dans le portrait
de Marianne.
«Belattar tire à la mitraillette
sur tout ce qui bouge, et surtout si c'est bronzé (les Algériens, les
Marocains, bref les reubeus constituent son premier sujet de poilade). Son
public est son souffre-douleur. Il ne rate pas une occasion de vanner les
femmes voilées qui viennent l'applaudir, écrit notamment Libération . Belattar adore se moquer des
musulmans mais pas de l'islam. Et c'est pour cela qu'il n'a jamais aimé la
“ligne éditoriale de Charlie”». «On ne peut pas, sauf à vouloir
délibérément travestir la réalité, écrire que la croisade de Belattar est le
“déni de l'islamisme”, ou la promotion d'un comique communautaire musulman. Car
c'est exactement le contraire», explique le quotidien.
La rédaction vous
conseille :
- Zapping
TV: échange tendu entre Thierry Ardisson et Yassine Belattar
- François
Hollande au Bataclan pour le spectacle de Yassine Belattar
Gérald Bronner : « Les sociologues doivent être des
scientifiques, pas des militants » (06.10.2017)
INTERVIEW - Dans Le
Danger sociologique, qui suscite un vif débat, Gérald Bronner et Étienne
Géhin alertent sur les dérives d'une discipline qui cède à l'idéologie et perd
de vue sa vocation scientifique.
LE FIGARO. - Votre livre est
intitulé «Le Danger sociologique». Pourquoi ce titre?
GÉRALD BRONNER. - Le
titre est à double sens. La sociologie est une science en danger. Certains
discours qui émanent de la sociologie, qui ne sont pas représentatifs des
avancées scientifiques, sont devenus envahissants dans l'espace public. Mais la
sociologie est aussi un danger, lorsqu'elle devient une idéologie et qu'elle
produit des effets de déresponsabilisation dans la société. Ce que nous voulons
dire dans notre livre, c'est tout simplement que la sociologie ne doit pas être
«un sport de combat» (selon le titre d'un documentaire dédié à Bourdieu), mais
une science. La vocation de la sociologie doit être modeste. Elle ne doit pas
se donner une mission politique. Par exemple, elle n'a pas pour ambition de réduire
les inégalités, mais de démontrer qu'il existe des inégalités. La science
démontre que la terre est ronde et pas plate, elle n'a pas à dire si c'est bien
ou mal! En tant que citoyens, nous sommes porteurs de valeurs, mais ce n'est
pas le rôle de la sociologie de les porter! La neutralité axiologique, c'est la
liberté par rapport aux valeurs. Cela ne signifie pas que les sociologues
doivent être des anges au-dessus de la mêlée planant dans un arrière-monde
métaphysique. Nous proposons une sociologie analytique qui s'appuie notamment
sur les derniers développements des sciences cognitives pour éclairer d'un jour
nouveau certaines dérives de la sociologie critique.
Quelles sont ces dérives?
La principale dérive est selon
nous le refus de la science au nom de l'idéologie. L'idéologie, c'est la
volonté de subordonner les catégories du vrai et du faux à celles du bien et du
mal. Karl Popper disait qu'une théorie était scientifique si elle pouvait être
réfutée. Or la théorie du genre, par exemple, se soustrait à la critique en
niant le fait qu'elle soit une théorie. Les études de genre sont nombreuses et
diverses. Que disent-elles? Qu'il y a une part de social dans la différence
entre l'homme et la femme, qui ne saurait être réduite à la seule biologie. Il n'y
a pas beaucoup de théoriciens du genre qui nient l'existence d'une différence
biologique, pourtant dans le fond tous les travaux tendent vers cette focale,
qui est non dite. Cet hyperculturalisme aboutit à un refus aberrant de dialogue
avec les sciences cognitives ou la biologie. En partant du postulat selon
lequel le social doit s'expliquer par le social, on se prive de nombreuses
avancées.
«Expliquer, c'est déjà vouloir
un peu excuser», avait dit Manuel Valls à propos de sociologues qui
auraient justifié par des causes sociales les attentats. Le premier
ministre de l'époque avait-il raison?
La
déclaration de Manuel Valls est indéfendable, c'est une négation
de la science. Mais on comprend ce qu'il a voulu dire. Une version
hyperdéterministe de la sociologie tend à nier la liberté individuelle pour la
noyer dans des causes sociales. Ainsi Geoffroy de Lagasnerie qui expliquait que
les djihadistes du 13 novembre 2015 «ont plaqué des mots djihadistes sur une
violence sociale qu'ils ont ressentie quand ils avaient 16 ans». De plus,
ces modèles hyperdéterministes ne s'interrogent pas assez sur les entités
collectives qu'ils utilisent comme le «pouvoir», qu'ils dotent d'une conscience
et d'une volonté. Ils tombent dans ce qu'on appelle le «biais
d'intentionnalité». Certains sociologues, disciples de Foucault, déduiront du
fait qu'il y a plus de personnes d'origine étrangère en prison l'existence d'un
«racisme d'État», ou bien certaines féministes déduisent-elles des chiffres de
la violence envers les femmes l'existence d'un «patriarcat», une entité
justifiant cette violence. Ce finalisme, qui consiste à confondre causalité et
fonction sociale, prépare le terrain à une forme de conspirationnisme.
«Il faut aussi, je crois,
réinjecter la part du hasard, qui est l'hôte indésirable de la pensée.»
Le sociologue Gérald Bronner
Mais n'est-ce pas le propre de
la sociologie d'être déterministe?
Notre but n'est pas de
réhabiliter le libre arbitre mais de définir quels sont les modèles
intellectuels les plus efficaces pour décrire et expliquer les phénomènes
sociaux. Les dernières avancées des sciences du cerveau donnent une part
grandissante à l'arbitrage. Il faut aussi, je crois, réinjecter la part du
hasard, qui est l'hôte indésirable de la pensée. De plus, les modèles
intellectuels ultradéterministes peuvent avoir un caractère performatif. Ils
ont parfois pour effet de démotiver un certain nombre d'individus. Ainsi, on
s'est rendu compte que les différences de réussite scolaire entre des enfants
d'immigrés d'Asie du Sud-Est et des enfants d'autres populations d'origine
immigrée s'expliquaient essentiellement par la promotion d'un discours
méritocratique plutôt que victimaire dans ces familles. L'inégalité des chances
est un fait, mais elle s'accroît si les individus se lancent dans la vie
persuadés que les jeux sont faits!
Les tenants de la sociologie
critique et de la vulgate foucaldo-bourdieusienne sont-ils majoritaires
à l'université?
La question est de savoir si les
tenants de la sociologie critique sont majoritaires dans le monde scientifique
ou bien s'ils parlent simplement plus fort. Il y a eu une étude de l'INA sur
les talk-shows publiée en 2017: parmi les personnes les plus invitées sur les
plateaux entre 2010 et 2015, on trouve en premier Patrick Bruel, et en deuxième
Éric Fassin, sociologue militant par excellence. Si on prend les noms les plus
recherchés de la sociologie, on s'aperçoit que Bourdieu et Foucault écrasent
partout dans le monde Boudon et
Coleman, tenant de la sociologie analytique. Ce sont ces auteurs critiques qui
sont enseignés à l'université, comme le montre le volume de recherches sur
Internet corrélé au calendrier universitaire. Il y a une intimidation morale
très forte, notamment sur les campus américains. Quiconque va à l'encontre de
la doxa est immédiatement traité de «réactionnaire».
Pourquoi un tel succès?
La pensée critique crée une forme
de halo. Il y a un effet de dévoilement: on a l'impression de comprendre tout
d'un coup les clefs d'un monde ultracomplexe. Le doute a des droits, mais il a
aussi des devoirs, et le premier est de mettre à distance ses intuitions. Ce
n'est pas parce qu'une théorie procure un sentiment de satisfaction
intellectuelle qu'elle est vraie. Elle s'appuie sur un biais cognitif bien
connu: le monocausalisme, qui voudrait trouver une cause unique à tous nos
maux. Il y a une grande tentation de la science à chercher le primo mobile, la
cause première. Nous sommes pétris de mots totems comme «néolibéralisme»,
«réactionnaire», qui sont utilisés sans être définis. Il y a aussi une tendance
héritée peut-être du marxisme, à tout ramener à la cause économique. L'hyper
esprit critique s'est retourné contre l'esprit critique. La relativisation des
valeurs a abouti à la négation de la vérité.
«Post-vérité» a été élu mot de
l'année par le dictionnaire d'Oxford. Que pensez-vous de ce concept?
Je m'intéresse beaucoup aux
croyances collectives, et j'ai écrit un livre qui s'appelle La Démocratie des
crédules, où je pointais les dangers de la dérégulation du marché de
l'information, qui permet notamment le développement des théories du complot.
Pour autant, je ne crois pas que les individus soient devenus «indifférents» à
la vérité. Notre cerveau n'a pas muté. Mais ce qui est vrai, c'est que le
mensonge est plus disponible sur le marché de la connaissance. Or, comme nous
sommes spontanément des avares cognitifs, des feignants intellectuels, nous
allons vers ce qui nous paraît le plus simple, les effets de dévoilement qui
nous donnent l'impression de maîtriser facilement le monde. Il est prouvé
scientifiquement que rétrojuger sur nos intuitions premières est coûteux
énergétiquement! Sortir de nos réflexes cognitifs exige un effort, mais c'est
le pari que nous faisons dans ce livre: une démocratie de la connaissance est
possible!
Le Danger
sociologique (PUF, 238 p., 17€). Gérald Bronner est professeur
de sociologie à l'université Paris Diderot et Étienne Géhin est agrégé
de philosophie et ancien maître de conférences en sociologie.
La rédaction vous
conseille :
- Patrice
Jean: «Qu'un écrivain puisse être en paix avec son temps me paraît
vraiment curieux»
- Nathalie
Heinich: «La sociologie bourdieusienne est devenue un dogme de la gauche
radicale»
Mamoudou Gassama, le Malien qui a sauvé un enfant, a été
régularisé (29.05.2018)
VIDÉO - Ce mardi matin, Mamoudou
Gassama a obtenu un titre de séjour à la préfecture de Seine-Saint-Denis, après
avoir été reçu à l'Élysée lundi par le président Emmanuel Macron.
Le «héros» a été régularisé.
Mamoudou Gassama est arrivé à 10h ce mardi matin à la préfecture de
Seine-Saint-Denis, à Bobigny, en sweat noir et jogging gris, accueilli par le
préfet Pierre-André Durant et une foule de journalistes. Il venait récupérer un
récépissé, le temps que sa carte de séjour soit fabriquée dans les prochaines
semaines. «Il dispose désormais d'un titre de séjour qui va lui permettre de
vivre, de travailler normalement dans notre pays», a déclaré le préfet de
Seine-Saint-Denis. Parallèlement, le dossier de demande de naturalisation lui a
été transmis et donc nous allons à nouveau travailler avec lui pour mettre en
place ce processus». Grâce au papier qui lui a été remis, il pourra en effet
travailler en France et entamer sa procédure de naturalisation. Le jeune Malien
de 22 ans avait accompli un
acte héroïque en escaladant les quatre étages de la façade d'un
immeuble pour sauver un enfant de 4 ans, suspendu dans le vide.
» LIRE AUSSI - Enfant
sauvé par Mamoudou Gassama: le voisin témoigne
Reçu
à l'Élysée par le président Emmanuel Macron lundi, le jeune homme
devrait être naturalisé français à l'issue d'une procédure «accélérée» et avec
une «dispense de stage», selon le préfet de Seine-Saint-Denis. Ce dernier a
rappelé «l'admiration» qu'avait suscité le geste du jeune Malien. «Comment ne
pas s'incliner devant ce qu'il a fait? Comment ne pas être admiratif? À la fois
par le comportement civique: il n'a pas été dans l'évitement, il n'a pas passé
son chemin, il a porté secours à autrui. Et à la fois par l'exploit physique
accompli», a déclaré le préfet.
À l'arrivée de Mamoudou Gassama
ce mardi matin, Pierre-André Durant a commencé par expliquer au jeune homme
«ému» les démarches à suivre pour obtenir un titre de séjour valable dix ans.
Puis le préfet lui a confirmé le soutien de ses services afin de l'accompagner
dans ses démarches et sa volonté d'intégrer la brigade des sapeurs-pompiers de
Paris. «Le mois prochain, vous devriez pouvoir intégrer leurs rangs», lui
a-t-il indiqué. Le jeune homme a été «pris en compte par la brigade des
sapeurs-pompiers de Paris, pour souscrire un contrat de service civique de 10
mois qui lui permettra d'intégrer l'unité», a précisé Pierre-André Durant à la
sortie de la préfecture. «Merci la France», a déclaré Mamoudou Gassama après
l'obtention de son titre de séjour. Et d'ajouter: «Je suis content, voilà»,
avant de repartir dans une camionnette des sapeurs-pompiers de Paris. Dans la
foulée, il s'est rendu à la caserne de Champerret où il s'est essayé à quelques
exercices.
La rédaction vous
conseille :
- Enfant
sauvé par Mamoudou Gassama: le voisin témoigne
- Mamoudou
Gassama, le sauveur de l'enfant suspendu à un balcon, va être naturalisé
français
- Mamoudou,
des enfers de la clandestinité aux ors de l'Élysée
- Mamoudou
Gassama: Macron glorifie les héros du quotidien
Mamoudou, des enfers de la clandestinité aux ors de l'Élysée
(28.05.2018)
Il y a cinq ans, il était dans
son petit village malien, Yaguiné. Lundi, il était reçu à l'Élysée par le chef
de l'État. Parcours de Mamoudou Gassama, le jeune Malien qui a sauvé un enfant
samedi à Paris.
«C'est la première fois que je
gagne un trophée comme ça», s'émerveille-t-il. Mamoudou Gassama, le jeune
Malien qui a sauvé un enfant samedi à Paris, a vu ses papiers régularisés dès
lundi , avant d'être naturalisé et d'intégrer le service civique des
sapeurs-pompiers. Invité à l'Élysée, «Spiderman»,
comme il est désormais surnommé pour avoir escaladé en quelques
secondes, à mains nues, quatre
étages d'un immeuble du XVIIIe arrondissement,a
également reçu une médaille. Elle était accompagnée d'un diplôme pour «acte de
courage et de dévouement», signé par le préfet de police de Paris, qui
récompense «toute personne qui, au péril de sa vie, se porte au secours d'une
ou plusieurs personnes en danger de mort».
En jean et chemise blanche à
manches courtes, visiblement ému, Mamoudou Gassama, 22 ans, a parlé
quelques minutes avec Emmanuel Macron devant les caméras, avant que l'entretien
ne se poursuive en tête-à-tête. «Bravo! lui a lancé le président. Vous êtes
devenu un exemple.»
» LIRE AUSSI - Mamoudou
Gassama: Macron glorifie les héros du quotidien
Après l'Élysée, c'est à la mairie
de Montreuil que le jeune Malien a été reçu. «Je proposerai au prochain conseil
municipal de le faire citoyen d'honneur de la ville de Montreuil», a promis
Patrice Bessac, le maire communiste de cette ville de Seine-Saint-Denis,
parfois surnommée «le petit Bamako» pour sa forte population malienne. C'est là
que, depuis son arrivée clandestine en France en septembre dernier, Mamoudou a
rejoint ses frères, dans le foyer pour travailleurs migrants de la rue
Rochebrune. «Ils sont huit: trois frères et des cousins dans la même chambre,
raconte Hamidou, 51 ans, un représentant des membres du foyer. Il y a deux
lits superposés et plusieurs matelas dans 11 m².»
Des petits boulots
«Au Mali je n'avais pas de
moyens, pas de personnes qui m'aident»
Mamoudou Gassama à Emmanuel
Macron
Le héros revient de loin. «Au
Mali je n'avais pas de moyens, pas de personnes qui m'aident. Mon père n'était
pas là», a-t-il expliqué à Emmanuel Macron, en lui rappelant que «beaucoup de
monde part pour aller chercher ailleurs». Mamoudou avait quitté son village de
Yaguiné il y a cinq ans. «Il vient plus précisément de la région de Kayes, au
sud-ouest du Mali, comme moi, indique Hamidou. C'est son frère qui l'a fait
venir. Il est passé par le Burkina Faso, le Niger et la Libye.» Dans ce dernier
pays, où, pendant plus d'un an, Mamoudou survit en travaillant avec des amis,
a-t-il précisé à Emmanuel Macron, il a «beaucoup souffert» : «On nous a
attrapés, frappés, mais je ne me suis pas découragé», a-t-il commenté.
» LIRE AUSSI - Mamoudou
Gassama célébré par la presse étrangère
Il traverse ensuite la
Méditerranée en bateau pour rejoindre l'Italie. En mars 2014, après avoir
été intercepté en mer par la police, poursuit le voisin de chambrée de
Mamoudou, «il a eu un bout de papier italien pour dire qu'il était réfugié, et
sa famille lui a envoyé de l'argent pour qu'il puisse venir en train à Paris».
Au président, le jeune Malien a indiqué que, ne connaissant «personne en
Italie», il a voulu rejoindre son frère, installé en France «depuis vingt ou
trente ans».
Depuis son arrivée en France,
Mamoudou travaille de temps en temps «au noir dans le bâtiment». «Là, il est
ouvrier sur un chantier à Montreuil, témoigne un colocataire. Comme on a un peu
la même tête, on se prête les papiers, et on peut travailler chacun son tour».
«Quand Mamoudou aura fini toutes ses rencontres, on va lui faire une grande
fête car on est tous fiers!, conclut ce compatriote. En attendant, comme il a
trouvé un logement et qu'il vient de partir avec toutes ses affaires, dès ce
soir, c'est un autre Malien qui va pouvoir occuper son matelas.»
La rédaction vous
conseille :
- Mamoudou
Gassama, le sauveur de l'enfant suspendu à un balcon, va être naturalisé
français
- Mamoudou
Gassama va être naturalisé français
- Mamoudou
Gassama célébré par la presse étrangère
- À
Paris, le sauveur de l'enfant suspendu témoigne: «C'est lui qui m'a donné
le courage»
Mamoudou Gassama : Macron glorifie les héros du quotidien
(28.05.2018)
ANALYSE - Le président, qui a
décidé de régulariser et de naturaliser Mamoudou Gassama, le jeune Malien
sans-papiers qui a sauvé un enfant, veut l'ériger, comme le colonel Arnaud
Beltrame, en modèle républicain pour les jeunes.
L'Élysée ou la fabrique des
héros. Lundi matin, Emmanuel Macron a aménagé son agenda pour recevoir Mamoudou
Gassama, un jeune Malien sans-papiers qui, samedi, avait
sauvé un enfant suspendu à un balcon.
Un geste héroïque et salué comme
tel par le président de la République qui a immédiatement proposé au jeune
homme de le régulariser, d'entrer
dans la procédure de naturalisation française et d'intégrer la
brigade des sapeurs-pompiers de Paris dans le cadre d'un service civique.
«C'est un acte exceptionnel, un acte d'héroïsme. J'ai souhaité qu'on puisse
prendre une décision exceptionnelle pour vous», a expliqué Emmanuel
Macron lors
de son entretien avec Mamoudou Gassama.
Une décision qui s'inscrit dans
le droit-fil de sa volonté de glorifier les héros du quotidien. La semaine
dernière encore, à
l'occasion de son discours sur les banlieues, le chef de l'État
rappelait encore sa volonté de «créer des héros républicains» pour donner des
modèles aux jeunes. Un axe de sa politique qu'il évoquait déjà à la rentrée de
septembre dans un long entretien accordé au magazine Le Point.
«Nous devons redevenir un pays fier. Il faut expliquer qu'il y a des héros en
France, des génies et des gens qui s'engagent au quotidien. Et, au-delà, que
chacun peut trouver une juste place dans notre société», expliquait alors le
chef de l'État. Forcément, le geste de Mamoudou Gassama lui a été rapporté très
vite dimanche soir.
» LIRE AUSSI - Des
héros de la Révolution à Mamoudou Gassama: que signifie la naturalisation au
mérite?
Alerté par les réseaux sociaux,
l'Élysée s'est tenu informé de près des circonstances de ce fait divers hors
norme. Le profil du jeune a été passé au crible par le ministère de
l'Intérieur, histoire d'éviter de recevoir à l'Élysée, et sous le coup de
l'émotion, une personnalité à risque. Ce n'est qu'une fois l'enquête réalisée
que le chef de l'État a annoncé vouloir recevoir le jeune homme en tête à tête
lundi matin.
« Vous avez maintenant une
responsabilité. Vous êtes devenu un exemple»
Emmanuel Macron à Mamoudou
Gassama
«Vous avez maintenant une
responsabilité, lui a expliqué Emmanuel Macron lors de leur entretien. Vous
êtes devenu un exemple. Des millions de gens vous ont vu, beaucoup de jeunes
vous ont regardé et donc il faut être un exemple.» C'est désormais le poids du
symbole qui pèse sur les épaules de Mamoudou Gassama, pas le plus simple à
porter.
Le dernier héros, et salué comme
tel par Emmanuel Macron, était
Arnaud Beltrame, le gendarme qui a sacrifié sa vie pour sauver des
otages lors de l'attentat terroriste de Trèbes en mars dernier. Le nom de
«l'héroïsme français» selon le président de la République, «porteur de cet
esprit de résistance qui est l'affirmation suprême de ce que nous sommes, de ce
pour quoi la France toujours s'est battue […]: son indépendance, sa liberté,
son esprit de tolérance et de paix contre toutes les hégémonies, tous les
fanatismes, tous les totalitarismes». Des héros comme modèle donc pour façonner
la France de demain.
«Le président de la République
veut pousser les gens à saluer et à reconnaître les actes héroïques,
explique-t-on dans l'entourage du chef de l'État. Il veut inverser cette
tendance des Français à se taper dessus en disant qu'ils sont nuls.» Mamoudou
Gassama n'est pas encore français mais son geste a déjà valeur d'exemple,
notamment pour la simplicité confondante avec laquelle le
jeune homme explique et raconte son acte. «Je n'ai rien pensé, j'ai
pensé à le sauver et Dieu merci, je l'ai sauvé», a raconté le jeune homme après
avoir escaladé quatre étages et récupéré l'enfant.
» LIRE AUSSI - «La
France doit remercier Mamoudou Gassama»
«Nous sommes un pays de
conquête. Je crois en la reconstruction d'un héroïsme politique pour atteindre
ce qui est décrit comme impossible»
Emmanuel Macron
Ce n'est pas la première fois que
la République honore l'un de ces héros du quotidien et sans-papiers. Avant
Mamoudou Gassama, Lassana
Bathily avait lui aussi été naturalisé par François Hollande. Lors de
l'attentat terroriste de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes en 2015, ce
jeune Malien avait sauvé six personnes dont un bébé en les aidant à se cacher
dans une chambre froide.
À la différence de son
prédécesseur, Emmanuel Macron a décidé de faire de cet acte un outil de
communication politique. «Nous sommes un pays de conquête. Il ne faut plus
céder un pouce à tous les esprits chagrins. Je crois au contraire en la
reconstruction d'un héroïsme politique, d'une vraie ambition, pour atteindre y
compris ce qui est décrit comme impossible», expliquait-il en
septembre 2017.
La naturalisation, toujours un
cadeau
«Une naturalisation, c'est
toujours un cadeau.» Patrick Berdugo, avocat spécialisé dans le droit des
étrangers rappelle ainsi que «techniquement, il s'agit toujours d'une décision
plus ou moins discrétionnaire faisant l'objet d'un décret en Conseil des
ministres sur demande du ministère de l'Intérieur». Les critères sont plus ou
moins objectifs: cela peut-être, en effet, en réponse à des actes particuliers,
mais aussi parce que la personne a contribué au rayonnement de la France ou
encore parce qu'elle aura illustré les valeurs républicaines.
«Artistes ou sportifs en
bénéficient. Peut-être moins en France que dans d'autres pays. C'est souvent un
acte politique et une façon pour l'exécutif de faire preuve d'humanisme»,
rappelle Patrick Berdugo. Et d'affirmer que pour ceux qui font des demandes de
naturalisation en bonne et due forme, et qui sont déboutés, leur recours ne
pourra porter que sur le mauvais examen par l'administration mais pas sur la
décision elle-même. Quoi qu'il en soit, Mamoudou Gassama, sera d'abord pris en
charge par la préfecture pour être régularisé, avant d'obtenir sa
naturalisation.
La rédaction vous
conseille :
- «Le
geste de Mamoudou Gassama permet d'envoyer un signal fort»
- Mamoudou
Gassama naturalisé: «le caractère exceptionnel de ce geste justifie la
décision exceptionnelle» (Emmanuel Macron)
- Le
Mali salue la «bravoure» de Mamoudou Gassama
Petit garçon sauvé à Paris : à partir de quel âge un enfant
peut-il rester sans surveillance ? (29.05.2018)
La loi ne prévoit pas d'âge
minimum à partir duquel un enfant peut être laissé sans surveillance mais
d'après les pédopsychiatres, il faut attendre un certain niveau d'autonomie,
souvent atteint vers l'âge de 12 ans.
Le temps s'est arrêté samedi 26
mai, rue Marx-Dormoy, à Paris. Une vidéo, devenue virale, montre un petit garçon
de quatre ans, suspendu dans le vide, accroché au barreau d'un balcon du
quatrième étage d'un immeuble. Sur cette vidéo, un homme, sans papier, Mamoudou
Gassama, a escaladé à une vitesse incroyable les quatre étages et est parvenu à
sauver l'enfant. Le héros de ce week-end, a été reçu à l'Élysée par le
président de la République. Son
titre de séjour lui a été transmis ce mardi 29 mai.
Le petit garçon s'est retrouvé
dans cette situation parce qu'il était seul, sans aucune surveillance, au
domicile de son père. Le père justement s'était absenté pour faire des courses.
Il aurait mis du temps à rentrer parce qu'il «jouait à Pokemon Go» de son
propre aveu. Il a été placé en garde à vue dans la soirée. Lundi il a été
présenté au parquet et sera convoqué le 25 septembre prochain devant le
tribunal correctionnel.
• Que dit la loi?
L'article 371-1 du Code civil ne prévoit pas
d'âge où il est interdit de laisser son enfant seul. «L'autorité parentale
(...) appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant
pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son
éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les
parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et
son degré de maturité.»
En d'autres termes, cela signifie
qu'«on peut considérer qu'un enfant ne peut pas être laissé seul tant qu'il
n'est pas capable de s'occuper de lui-même», explique Élodie Mulon, avocate en
droit patrimonial et extrapatrimonial de la famille, au HuffPost
• Quelle est la peine
encourue?
Le procureur de la République de
Paris, François Molins, a estimé que le comportement du père «est constitutif
d'une infraction qui est la soustraction à des obligations parentales». Pour
cela, il encourt une peine de deux ans de prison et 30.000 euros d'amende. Mais
cette peine peut varier. Un juge ne punira pas de la même manière le parent
d'un enfant de plus de dix ans et celui d'un petit de cinq ans.
• À partir de quel âge un
enfant est-il capable de rester seul?
D'après le pédopsychiatre
Frédéric Koshman, contacté par Le Figaro, il est impensable «de
laisser un enfant seul avant le début de l'adolescence, c'est-à-dire 12 ans».
«L'important, c'est que l'enfant commence à développer son autonomie. Lorsqu'il
commence à vouloir se rapprocher davantage de l'adulte que de la petite
enfance.» Pour qu'il puisse rentrer seul à la maison après le collège, par
exemple, l'enfant doit déjà être autonome, avoir la possibilité d'appeler ses
parents immédiatement, et savoir alerter les services de secours appropriés,
explique le professionnel.
«Dès le plus jeune âge, on peut
parler à notre enfant et lui expliquer ce qui se passe autour de lui. Plus
tard, pour lui apprendre à savoir réagir en cas de danger, on peut faire des
jeux de rôles avec lui. “Qu'est-ce que tu ferais si...”», précise Frédéric
Koshman avant d'ajouter: «Il y a des enfants qui sont autonomes très jeunes.»
• Un enfant de quatre ans
peut-il réagir à un danger?
Dans le cadre de ce fait divers,
le petit garçon suspendu dans le vide est âgé de quatre ans. «Dès qu'un enfant
a acquis la motricité, il est capable de se mettre dans une situation de
danger», explique Roland Broca, pédopsychiatre. «Avant d'avoir l'âge de raison
(avant six ans), on réagit aux événements de façon instinctive. À partir de six
ans, on vit les événements avec conscience et raisonnement», ajoute-t-il. Un
point de vue plus ou moins partagé par Frédéric Koshman qui estime que l'âge de
raison n'est pas une vérité absolue. «Évidemment, plus on grandit, plus on est
en capacité de se débrouiller. Mais à quatre ans comme à six ans, l'enfant n'a
pas encore une vision adaptée et réaliste des choses et ne saura pas se mettre
immédiatement en sécurité. Il ne faut donc pas le quitter des yeux une seule minute.»
• L'enfant risque-t-il de
développer des troubles?
«Que faisait ce petit garçon sur
le balcon? Comment a-t-il pu tomber?», se questionne Frédéric Koshman. D'après
le Dr Roland Broca, le petit garçon devait possiblement se sentir en
insécurité. Ce que confirme son confrère en précisant: «Se retrouver seul, sans
adulte, face à un danger est très traumatisant pour un enfant. Il risque d'être
en état de stress post-traumatique, de faire des cauchemars.» Un bambin laissé
trop souvent seul peut grandir avec un manque de confiance en l'adulte et
développer un trouble de l'attachement.
» LIRE AUSSI - Les
accidents domestiques tuent 500 enfants tous les ans
La rédaction vous
conseille :
- Mamoudou
Gassama, le Malien qui a sauvé un enfant, a été régularisé
- Enfant
sauvé par Mamoudou Gassama: le voisin témoigne
- À
Paris, le sauveur de l'enfant suspendu témoigne: «C'est lui qui m'a donné
le courage»
- Enfants
et écrans: peut-on les débrancher?
- «Papa»,
«maman»: ces mots essentiels à l'enfant
- "L'enfant
qui prend des risques se développe mieux"
Biodiversité : «La France, l'Europe et le monde
connaîtront-ils le destin de l'île de Pâques ?» (29.05.2018)
TRIBUNE - La destruction de la
faune et de la flore en France comme dans l'ensemble du monde atteint un tel
degré que l'épuisement des ressources n'est plus une hypothèse qui relève de la
science-fiction, explique l'historien Pierre Vermeren.
Au cœur du Pacifique, l'île de
Pâques et ses géants de pierre demeurent les témoins muets d'une civilisation
disparue. Des hommes et des femmes y ont vécu, aimé, habité et consommé.
Jusqu'à l'extinction des espèces par épuisement complet des ressources. Une
civilisation a disparu. La nature a reconquis le territoire.
Au rythme des destructions de la
nature qui sont opérées depuis les années 1980, il n'est pas exclu que la folie
des hommes les conduise au même chaos, planétaire cette fois. Bien sûr ce
millénarisme apocalyptique peut paraître risible. Mais à prolonger les
courbes de destruction de la faune et de la flore en cours depuis
quarante ans, l'hypothèse prend sens.
Le 18 mai à Marseille, le
ministre Nicolas Hulot a annoncé un plan de préservation de la biodiversité,
qui sera présenté en juillet. Il érige la protection des animaux en politique
prioritaire. Entendre un écologiste parler du cœur de l'écologie est assez rare
pour être relevé. Mesurons en effet la gravité de la situation.
On apprenait à la mi-mars l'extinction
du dernier rhinocéros blanc du Nord mâle. Les médias ont ensuite révélé
la disparition, en quinze ans, de 80 à 90 % des alouettes dans les plaines
agricoles de France. Ces deux exemples dévoilent la destruction systématique de
la faune africaine et le saccage de la faune endogène d'Europe, par l'homme et
par la prolifération des espèces invasives. Le ragondin d'Amérique du Sud a
traversé l'Atlantique et s'approprie l'espace du Vieux Continent, comme
l'écrevisse de Louisiane ou encore des vers de terre géants issus eux aussi d'Amérique.
Du fait de son histoire et
surtout de son sous-peuplement, l'Afrique est demeurée jusqu'au milieu du
XXe siècle le conservatoire mondial de la faune sauvage la plus ancienne
et la plus diversifiée. Les Romains avaient pillé la faune d'Afrique du Nord et
d'Égypte, y faisant disparaître tous les gros animaux (éléphants, girafes,
rhinocéros). La colonisation et les guerres ont donné le coup de grâce au
XXe siècle (lions, autruches, antilopes ont disparu de la faune du
Maghreb). C'est au tour de l'Afrique subsaharienne, désormais. Partout, les
parcs naturels y sont menacés, pilleurs et braconniers étant à la manœuvre. Les
espèces les plus abattues sont les plus lucratives, et toutes menacées:
éléphants, fauves, girafes, rhinocéros, grands singes. Mais les espèces à
viande plus ordinaires le sont tout autant, des divers singes aux petits et
gros mammifères, découpés à la machette sur les marchés aux étals des
boucheries, jusqu'à la Goutte d'Or à Paris. En Afrique, la viande de brousse
(qui désigne ordinairement les espèces sauvages de l'Afrique rurale) reste un
must chez les néo-urbains issus de l'exode rural. Jusqu'à l'extinction
généralisée? Il y a quelques années, de riches Américains avaient envisagé de
créer de vastes réserves en Amérique pour sauver la faune africaine menacée
d'extinction. Il serait souhaitable de creuser cette idée. Est-il possible
d'imaginer des solutions mutualisées et collectives pour endiguer cette
nouvelle extinction des espèces qui n'est nullement due, cette fois, à des
phénomènes naturels?
«Il est plus commode de s'en
prendre aux chasseurs, aux corridas et aux cirques, pour se donner bonne
conscience, qu'aux vrais facteurs de l'extinction planétaire de la faune et de
la flore»
En France, il y a longtemps que
spécialistes et organisations de défense de l'environnement et des animaux
sauvages tirent l'alarme. Le commandant Cousteau le faisait dès les années
1970. Mais personne ne les écoute: il est en effet plus commode de s'en prendre
aux chasseurs, aux corridas et aux cirques, pour se donner bonne conscience,
qu'aux vrais facteurs de l'extinction planétaire de la faune et de la flore.
Ainsi en est-il par exemple de la disparition de l'agriculture paysanne et des
jardiniers de l'espace qu'étaient les paysans, ce qui contribue à intensifier
la destruction des espèces (notamment les plus ordinaires, oiseaux et
insectes), du fait des ravages de l'agriculture industrielle. La transformation
de la France en une vaste zone d'aménagement et de spéculation livrée à
d'intenses flux d'échanges rapides, aux nouveaux acteurs des campagnes
(pouvoirs publics, transporteurs, industriels, grandes surfaces et maintenant
plateformes commerciales) et à leurs financiers joue aussi son rôle.
Chaque année, un million de
hérissons sont massacrés par les désherbeuses des routes de campagnes et autres
véhicules. Amphibiens et mollusques d'eau douce sont résiduels du fait de la
destruction des mares et marais, remplacés par des bassins d'eau à fond
plastifié. Même les écrevisses d'Europe s'éteignent. Les gros prédateurs (loups,
lynx, ours, grands rapaces) ont largement disparu, récemment ou de longue date.
C'est aujourd'hui le tour des oiseaux et des insectes. Le
fait était connu pour les abeilles, malgré la prédiction sans appel
d'Einstein, que tout le monde connaît sans vouloir la comprendre («Si l'abeille
venait à disparaître, l'homme n'aurait plus que quelques années à vivre»).
Cette prédiction concerne désormais toutes les espèces: Pier Paolo Pasolini
avait repéré la disparition des lucioles en Italie au début de la modernisation
des années 1970, prélude à leur disparition en Europe ; ce sont désormais
tous les insectes volants qui sont concernés, et par voie de conséquence, les
oiseaux, dont près de la moitié a disparu en Europe depuis vingt ans (selon une
étude publiée en 2013 par la revue scientifique Ecology Letters,
récemment confirmée).
Papillons, coccinelles et
abeilles seront-ils bientôt des espèces menacées? Nous avons tous appris
pieusement, lors de nos cours de sciences naturelles, les mécanismes de la
chaîne alimentaire. Mais nous feignons d'ignorer que nous sommes à son sommet.
Or la pollinisation (c'est-à-dire l'opération pendant laquelle les insectes
jouent, par leur butinage, un rôle majeur dans la fécondation des fleurs et des
arbres fruitiers) est la condition de la reproduction des espèces végétales
dont nous sommes aussi tributaires.
De sorte que l'agriculture
moderne, pilotée et subventionnée à bout de bras par la Politique agricole
commune et une armée de Docteur Folamour de l'agronomie (comme ceux qui ont
promu les néonicotinoïdes, ces produits toxiques de la chimie moderne utilisés
comme pesticides et qui déciment précisément les abeilles), conduit à la mort
symbolique des paysans ; à la disparition des animaux de basse-cour et des
animaux des prés, désormais enfermés ; à l'élevage industriel intensif
hors sol des animaux de boucherie (le petit Danemark produit autant de porcs
que la France, la terre ne servant plus à rien quand le hors-sol se substitue
aux prairies) ; puis à la disparition des animaux sauvages, insectes
compris, et des fleurs des champs.
«C'est la survie même de la
planète, en tant que sanctuaire de l'espèce humaine, qui est en péril»
La moitié des vertébrés sauvages
a disparu en quarante ans (rapport du WWF, Fonds mondial pour la nature,
27 octobre 2016) et la totalité des mammifères sont affectés, du lapin à
l'éléphant. Depuis 1970, la moitié de la ressource marine mondiale a disparu
dans les mers et les océans (rapport du WWF, 16 septembre 2015), souvent beaucoup
plus pour certaines espèces devenues très rares. C'est la survie même de la
planète, en tant que sanctuaire de l'espèce humaine, qui est en péril.
Il est à la fois drôle et
tragique que les écologistes, en tant que partis politiques, soient nés et
aient quasiment disparu en France - sauf à fournir des supplétifs ministériels
dans les gouvernements de gauche et de droite - pendant que se déroulaient ces
événements sans précédent. Rien n'a fait reculer le productivisme déchaîné (on
entend par là la volonté de produire au maximum et à coûts réduits par tous les
moyens), dont on ne sait plus s'il faut l'attribuer à un libéralisme ravageur
(par les effets d'une concentration ininterrompue, nationale puis mondiale, des
exploitations et des firmes agroalimentaires) ou à une planification hors du
temps de l'Union européenne. En tout cas, la pente est toujours celle qui mène
à de tristes lendemains. Une des rares bonnes politiques que l'Union avait
adoptées en matière agricole, celle des jachères et des fleurs des champs, a
été récemment suspendue. Son principe était simple: en contrepartie d'une
indemnisation, les agriculteurs devaient laisser une partie de leurs terres en
jachère et plantées de fleurs des champs pour faciliter la pollinisation. La
décision des institutions européennes de mettre un terme à cette politique
tient à la pénurie de terres cultivables, en raison de l'artificialisation des
sols (recouvrement du sol par du bâti, des routes, des voies ferrées, des
parkings, NDLR) qui a concerné 600.000 hectares en dix ans en France, selon
Eurostat. Notre pays porte le bonnet d'âne de l'Europe en la matière. Et, au
fur et à mesure que les terres agricoles disparaissent sous le béton et le
macadam, il faut remettre en culture des terres en friches de moins bonne qualité,
en commençant par les jachères…
Récemment, un reportage sidérant
de l'émission «Cash Investigation» sur France 2 soutenait, de façon
rigoureuse autant qu'on puisse en juger, que de nombreux producteurs des
meilleurs vins de France empoisonnaient sans vergogne leurs vignes, leurs
voisins et par conséquent leurs clients, pour éradiquer insectes et parasites.
On ne sache pas qu'un procès ait été intenté aux auteurs du reportage, ni
d'ailleurs aux aigrefins qui, d'après ce documentaire, utilisent et exportent
en Europe de l'Est des poisons interdits depuis des années voire des décennies
en France.
«Si la France devenait
exemplaire après avoir été le mauvais élève, elle n'en serait que plus crédible
pour porter la bonne parole à l'étranger»
Certes, l'Europe semble avoir
écarté les importations de viande aux hormones du Canada et de poulets
javellisés du Brésil. Mais à l'exception de ce sursaut, peu de choses bougent
sous le soleil. Au pays de la gastronomie, manger sain est devenu kafkaïen.
Le plan de bataille annoncé par
Nicolas Hulot pour le mois de juillet est bienvenu. On ne peut qu'espérer qu'il
soit à la hauteur du défi, a fortiori en France, pays européen où la
biodiversité a le plus régressé en un demi-siècle.
Il est urgent de considérer les
voies et les moyens d'éduquer à ces périls les jeunes générations, mais aussi
tous les décideurs qui, sans attendre, peuvent contribuer à stopper net la
catastrophe en cours ; jusque-là, ces derniers se moquent apparemment
comme d'une guigne de ces problématiques.
Espérons que deux prises de
conscience - il est nécessaire de manger plus sainement ; il est vital de
cantonner les villes et leurs activités à leurs périmètres - entraînent des
contreparties positives sur la vie animale et sauvage. Plus l'élevage sortira des
usines à viande pour revenir aux prairies si abondantes dans notre pays, plus
la vie sauvage, notamment le couple inséparable insectes-oiseaux sera préservé.
Si la France devenait exemplaire après avoir été le mauvais élève, elle n'en
serait que plus crédible pour porter la bonne parole à l'étranger.
À l'aune de ce sujet vital pour
la France, l'Europe et le monde, les préoccupations constitutionnelles,
financières et sociales qui accaparent l'attention publique sont très
relatives.
* Ancien élève de l'École
normale supérieure, agrégé et docteur en histoire, Pierre Vermeren a notamment
publié «Le Choc des décolonisations. De la guerre d'Algérie aux printemps
arabes» (Odile Jacob, 2015) et «La France en terre d'islam. Empire colonial et
religions» (Belin, 2016).
La rédaction vous
conseille :
- SOS
espèces en danger: des centaines d'animaux menacés d'extinction en France
- L'appel
d'Hubert Reeves pour sauver la biodiversité
- «L'homme
doit vivre au cœur des écosystèmes, et non de leurs décombres!»
SOS espèces en danger : des centaines d'animaux menacés
d'extinction en France (25.05.2018)
ENQUÊTE - Agriculture intensive,
bétonisation, recours massifs aux pesticides… Jamais les menaces sur la
biodiversité «ordinaire» de nos campagnes n'ont été aussi fortes. Depuis trente
ans, insectes, oiseaux, amphibiens et petits mammifères ne cessent de décliner.
Pourtant, des solutions existent.
À perte de vue s'étendent des
champs et de vastes plaines. Maïs, colza, blé et orge dominent un paysage
carroyé comme un plaid écossais. Entouré de terres cultivées, un petit bois
isolé ressemble à un château assiégé. Aucune haie ne sépare les parcelles. A
part le vent qui souffle, le silence est assourdissant. Aucun bourdonnement
d'abeille, aucun chant d'oiseau, de grillon ou de sauterelle n'anime l'air
tiède de ces grandes étendues cultivées de Seine et Marne (77), à une trentaine
de de Paris. Sur les minces bandes d'herbes folles qui bordent les chemins,
seuls deux ou trois papillons volettent.
Posée sur les ombellifères, une
poignée de diptères pollinisateurs se gorge de nectar et quelques guêpes
patrouillent en vrombissant. Mais ils semblent bien seuls. A l'exception des
martinets qui croisent très haut dans le ciel et de quelques couples de pigeons
ramiers qui s'ébattent, on ne voit aucun passereau. Si l'on en croit les
derniers résultats de deux études de suivi des oiseaux, l'une menée à une
échelle nationale à travers le Suivi temporel des oiseaux communs (Stoc) porté
par le Muséum national d'histoire naturelle, et l'autre menée par le CNRS sur
la Zone atelier Plaine & Val de Sèvre, les populations d'oiseaux
vivant en milieu agricole - ce que l'on appelle généralement «la campagne» - se
sont réduites d'un tiers en quinze ans.
» LIRE AUSSI - Le
bruit des hommes affaiblit les bêtes
«Les espèces spécialistes comme
l'alouette des champs, la fauvette grisette ou le bruant ortolan ont perdu en
moyenne un individu sur trois», précisent les scientifiques. Ils ont remarqué
que «leur chute s'est même accélérée en 2016 et 2017». Dans les
Deux-Sèvres, les chercheurs du CNRS qui ont étudié 160 zones composées de
10 hectares de champs céréaliers, ont constaté pour leur part qu'«en
vingt-trois ans, toutes les espèces d'oiseaux de plaine ont vu leurs
populations fondre: l'alouette perd plus d'un individu sur trois
(- 35 %) et les perdrix, avec huit individus disparus sur dix, sont
presque décimées.» Ce déclin en milieu rural frappe toutes les espèces
d'oiseaux, aussi bien les espèces dites spécialistes, que les espèces dites
généralistes qui, elles, ne déclinent pas à l'échelle nationale.
«Pour certains d'entre nous,
c'est peut-être une bonne nouvelle : enfin moins d'insectes ! Seulement,
avec leur disparition, c'est tout un pan de la biodiversité qui diminue
sévèrement.»
François Lasserre, vice-président
de l'Office pour les insectes et leur environnement
Les causes de cette catastrophe
sont multiples et souvent difficiles à distinguer les unes des autres. Mais
tous les experts s'accordent généralement pour affirmer que cette disparition
massive semble suivre la courbe de l'intensification des pratiques agricoles
depuis vingt-cinq ans. Les surfaces dédiées à la monoculture n'ont cessé
d'augmenter en France, provoquant de façon presque mathématique la destruction
des milieux favorables aux oiseaux et aux insectes, avec pour conséquences
immédiates la diminution de la qualité des habitats et de la ressource
alimentaire. En 2009, la politique agricole commune a donné un coup d'arrêt aux
jachères, qui représentaient d'excellents refuges pour toute la biodiversité.
A cela s'ajoute la flambée des
cours du blé, le recours massif aux nitrates et, très probablement, l'utilisation
accrue des néonicotinoïdes, cette famille d'insecticides systémiques qui
ciblent tous les insectes sans exception et dont l'usage a considérablement
augmenté depuis 2010. Contrairement à d'autres produits, ils ne sont pas
pulvérisés mais le plus souvent utilisés en enrobage de semences afin de
circuler dans toute la plante et de rester plus longtemps dans le sol.
La chute vertigineuse du nombre
de vers de terre compromet dangereusement la fertilité des sols. - Crédits
photo : Jean-Paul Ferrero / Biosphoto
«Pour certains d'entre nous,
c'est peut-être une bonne nouvelle: enfin moins d'insectes!, lance François
Lasserre, naturaliste et entomologiste, vice-président de l'Office pour les
insectes et leur environnement (Opie). Cela fait des millénaires que nous
luttons contre ceux qui nous piquent, transmettent des maladies ou mangent nos
récoltes. Mais ces seules espèces donnent une mauvaise réputation à l'ensemble
de ce vaste monde. Si l'on nous demande quels sont les insectes qui nous
embêtent, environ 20 espèces (ou un peu plus pour un agriculteur) nous
viennent en tête: moustiques, guêpes, frelons, mouches, puces, doryphores,
capricornes, pucerons, etc. Pourtant, rien qu'en France, il existe plus de
40 000 espèces d'insectes. C'est-à-dire qu'une vingtaine d'entre
elles, réputées gênantes, portent préjudice à 39 980 autres! Seulement,
avec leur disparition, c'est tout un pan de la biodiversité, et à tous les
étages des différents écosystèmes, qui diminue sévèrement.»
Et la France n'est pas un cas
isolé. Une étude allemande publiée récemment dans la revue Nature a montré que
le nombre d'insectes volants a diminué de 75 % en trente ans en Allemagne,
provoquant un effondrement de la nourriture disponible pour tous les oiseaux,
insectivores comme granivores, puisque leurs oisillons mangent aussi des
insectes. Une tragédie.
Des milliers de nids détruits
par les moissons
«En période de récolte des
céréales, des espèces emblématiques sont très menacées si aucune surveillance
active n'est mise en oeuvre»
Office national de la chasse et
de la faune sauvage
D'après les travaux récents de
l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS),
«l'intensification des productions céréalières et fourragères, les produits
phytopharmaceutiques et le drainage, qui ont permis une grande précocité des
cultures et de meilleures repousses, ont également conduit à une évolution du
matériel agricole (taille des machines, vitesse, etc.). Ce qui n'est
pas sans
conséquences immédiates sur la biodiversité.»
De fait, le moissonnage mécanique
fait partie des opérations les plus destructrices pour la faune sauvage car il
coïncide la plupart du temps avec les phases de nidification et d'envol des
jeunes oiseaux, ou de mise bas des mammifères et d'élevage de leurs jeunes
(chevreuil, lapin, lièvre…)
» LIRE AUSSI - «Les
oiseaux souffrent de la disparition des insectes»
«En période de récolte des
céréales, poursuit l'ONCFS, des espèces emblématiques comme le busard cendré
sont très menacées si aucune surveillance active des nids n'est mise en œuvre.
Les perdrix grises sont aussi particulièrement impactées par les moissons. Les
récoltes précoces des foins dans les prairies des vallées inondables, comme
celles des basses vallées angevines ou du val de Saône, par exemple, sont à
l'origine d'une forte mortalité parmi les espèces d'oiseaux nicheurs inféodées
à ce milieu: le râle des genêts, le bruant proyer ou la bergeronnette
printanière en sont notamment les victimes.
Quant aux récoltes de luzerne,
elles sont à l'origine de dégâts importants, spécialement dans les régions de
grandes cultures comme la Champagne, où ce couvert est très recherché, tant par
les oiseaux que par les mammifères.» Au point qu'il n'est pas rare de retrouver
des cadavres de chevreuils, de lièvres, de faisans ou de perdrix dans les
ballots de paille, de luzerne ou d'autres plantes fourragères.
Les couples de pygargues à queue
blanche sont de moins en moins nombreux. - Crédits photo : Jean-Michel
Lenoir/Naturagency
590.000 hectares d'espaces
naturels ont disparu
Autre problème: à mesure que
l'artificialisation du territoire poursuit sa progression, le monde des villes
ne cesse de gagner du terrain sur les zones rurales. Selon une étude du
ministère de l'Agriculture et de l'Observatoire national de la biodiversité,
entre 2006 et 2015, la France métropolitaine a perdu
590 000 hectares de terres agricoles et d'espaces naturels. Soit
l'équivalent d'un département comme la Seine-et-Marne transformé en espaces
goudronnés (48 % des surfaces artificialisées), en pelouses ou en
bâtiments.
Une modification profonde du
paysage qui s'accompagne souvent d'une imperméabilisation des sols et d'une
accentuation des phénomènes d'inondation, d'érosion, de ruissellement des eaux
et des risques de crues. «Le monde sauvage dans son ensemble n'a tout
simplement plus assez de place pour vivre, croître et subsister, constate
François Lasserre. Un champ de colza n'est pas un lieu diversifié dans lequel
la vie peut s'épanouir. Un jardin tondu et décoré avec des fleurs exotiques ne
l'est pas non plus au regard de toutes les espèces qui nous entourent. Une
énième grande surface ou une zone commerciale non plus.»
«La situation ne semble pas,
pour l'instant, irréversible»
François Lasserre
Aussi inquiétant soit-il, le
constat sans appel des scientifiques et des naturalistes sur la dégradation
vertigineuse de la vie animale dans nos campagnes n'est pas sans solution. «La
situation ne semble pas, pour l'instant, irréversible, assure François
Lasserre. Et il est toujours plus efficace de réfléchir et de travailler avec
tous les acteurs du monde agricole pour essayer d'accélérer les changements de
pratiques et de réfléchir à des solutions pour infléchir la tendance.»
Selon les travaux du Centre
d'écologie et des sciences de la conservation/Muséum national d'histoire
naturelle, qui a étudié à la loupe plusieurs dizaines de parcelles sur un
plateau agricole en Ile-de-France, «il faudrait notamment repenser les
rotations des cultures, les labours et l'épandage des herbicides. Ces nouveaux
systèmes sont relativement faciles à mettre en place, mais ils supposent des
évolutions de mentalités importantes pour une profession qui connaît souvent de
grandes difficultés économiques. Mais plus il y a de milieux naturels ou
semi-naturels dans les paysages, meilleur c'est pour la biodiversité.»
Le recours systématique aux
produits phytosanitaires a fini par peser sur l'avenir même de l'agriculture et
des paysans. - Crédits photo : Louise Allavoine/Hans Lucas
Dans cet esprit, les chercheurs
de 15 laboratoires (en Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne, France) ont
lancé le projet Farmland. Entre 2012 et 2016, ils ont étudié 435
«carrés» de 1 kilomètre de côté situés dans des parcelles de tailles
différentes et composées de culture variées. Dans chacun de ces carrés, ils ont
mesuré le nombre d'espèces animales, d'insectes pollinisateurs, de plantes, la
quantité de graines, le rendement, etc.
Très complexes et sans appel, les
résultats de leurs travaux, publiés dans la revue britannique Proceedings of
the Royal Society B,ont
montré qu'une diminution de la taille des parcelles entraînait l'abondance des
pollinisateurs et que «la multiplication des champs entraînait une
augmentation de la densité des bordures où se concentrent davantage de plantes
sauvages.» De quoi favoriser les animaux en général et les insectes en
particulier. Mais l'étude a également révélé que, si certaines cultures comme
le colza apportaient une grande quantité de nourriture aux pollinisateurs, le
maïs, en revanche, avait plutôt des effets négatifs sur leurs effectifs.
Au Royaume-Uni, de petits
espaces non cultivés sont laissés au milieu de certaines grandes exploitations
céréalières, permettant ainsi le retour d'une importante population d'alouettes
Un peu partout en Europe, des
voix s'élèvent également depuis plusieurs années pour plaider en faveur d'un
retour des haies et des bandes laissées en herbe dans les territoires
agricoles. Chasseurs, écologistes, chercheurs et naturalistes sont tous, pour
une fois, du même avis. Disparues dans de nombreux pays - la France en tête -
pour augmenter la taille des parcelles et le rendement des cultures, elles ont
pourtant prouvé depuis très longtemps leur rôle fondamental dans le maintien de
l'ensemble de la faune et de la flore sauvage de plaine. Un message reçu au
Royaume-Uni, où de plus en plus de petits espaces non cultivés sont laissés au
milieu de certaines grandes exploitations céréalières, permettant ainsi le
retour d'une importante population d'alouettes qui avait complètement disparu.
Des initiatives, souvent individuelles, peu coûteuses en termes
d'investissement et peu contraignantes pour les agriculteurs, qui ne cessent de
démontrer leur efficacité.
Principaux accusés: les
pesticides
Dans ce contexte, la décision de
l'Union européenne d'interdire trois pesticides néonicotinoïdes dans les
cultures en plein air, peut être considérée comme une mesure «historique» pour
les apiculteurs et les défenseurs de la biodiversité qui dénoncent depuis près
de vingt ans leurs effets néfastes sur les abeilles et les autres
pollinisateurs. Les trois molécules commercialisées par les géants de
l'agrochimie Bayer (pour la clothianidine et l'imidaclopride) et Syngenta (le
thiaméthoxame) ne pourront plus en effet être utilisées qu'en serre, en milieu
fermé, loin des insectes pollinisateurs. Une «victoire» arrachée de justesse.
Seuls 16 pays européens sur 28 - soit tout juste la majorité qualifiée
nécessaire - ont voté en faveur de la proposition de la Commission européenne.
La France, comme l'Allemagne et l'Italie, s'est prononcée pour. «Mais cette
interdiction seule ne suffira pas, assure François Lasserre. S'il est évident qu'elle
apporte un message positif, je pense surtout que le temps est venu de
reconsidérer notre rapport au vivant dans son ensemble. Philosophiquement,
économiquement et techniquement.»
La rédaction vous
conseille :
- Les
mammifères toujours plus menacés en France
- Napoléon,
panda, tigre... Ces noms d'animaux menacés de disparition
- Yvon
Le Maho: «Le réchauffement aggrave les menaces sur la biodiversité»
Guillaume Perrault : «En Italie, le choc de deux légitimités»
(29.05.2018)
ANALYSE - Le président de la
République Mattarella avait-il le droit de récuser l'eurosceptique Paolo Savona
pour le portefeuille de l'Économie et des Finances ? L'onde de choc provoquée
par cette décision a matérialisé la rupture, longtemps sous-jacente, entre deux
conceptions de la politique italienne.
La
controverse qui enflamme l'Italie - le président de la République
Mattarella avait-il
le droit de récuser l'eurosceptique Paolo Savona pour le
portefeuille de l'Économie et des Finances, alors que le chef de la Ligue
faisait de sa nomination une condition sine qua non pour gouverner? - est moins
juridique que politique. Deux conceptions de la légitimité s'affrontent. De
l'issue du duel, aux prochaines législatives, dépendra le visage des institutions
en Italie.
La conception traditionnelle de
la politique italienne, conçue après-guerre et consacrée par la Constitution de
1947, répudie tout ce qui - à tort ou à raison - pourrait rappeler Mussolini. À
l'époque, sous la double influence de la Démocratie chrétienne et du Parti
communiste italien, l'idée d'un homme providentiel est récusée. Désormais, tout
leadership s'exposera au reproche de césarisme. Pendant des décennies, des
présidents du Conseil discrets, aux allures d'évêque, dont on retenait à peine
les noms, ont permuté au Palais Chigi sous l'œil moqueur et blasé des Italiens.
Souci du compromis et culture de la médiation étaient d'autant plus vitaux pour
le président du Conseil qu'il peut être renversé non seulement par la Chambre
mais également - singularité italienne - par le Sénat, élu lui aussi au
suffrage universel direct.
Une part notable du pays a cru
en Silvio Berlusconi par désir d'avoir un chef et envie d'en finir avec le
cliché du «bordel italien»
L'inconvénient de cette culture
politique est une tendance à la temporisation et aux replâtrages de préférence
aux décisions franches et nettes. Aussi une partie des Italiens ont-ils fini
par s'irriter. Ceux-ci ont soutenu, en réaction, le style volontaire du
socialiste Bettino Craxi (surnommé decisionismo) dans les années 80. Craxi,
d'ailleurs, tenait François Mitterrand pour son modèle et enviait à la France
les institutions de la Ve République. Après le tremblement de terre qu'a
représenté l'opération «Mains propres» (1992-1993), le besoin de rénovation et
d'autorité des Italiens s'est encore accusé. Une part notable du pays a cru en
Silvio Berlusconi (au pouvoir en 1994, 2001-2006 et 2008-2011) par désir
d'avoir un chef et envie d'en finir avec le cliché du «bordel italien».
La vie politique de la péninsule
s'est ainsi, ces dernières décennies, fortement personnalisée. Cette évolution,
cependant, n'a jamais fait l'unanimité. Les adversaires de Berlusconi, en
particulier à gauche, ont regardé la présidence de la République comme le
dernier rempart de la Constitution de 1947 face au tempérament, selon eux
proconsulaire, du Cavaliere. Ces Italiens-là applaudissaient le précédent hôte
du Quirinal (de 2006 à 2015), l'ex-communiste Giorgio Napolitano. Et les mêmes,
aujourd'hui, applaudissent son successeur, l'ex-démocrate chrétien Mattarella,
d'avoir jugé qu'il avait le droit de récuser Savona. La présidence de la
République, tour à tour occupée par deux anciens représentants des deux grands
partis qui ont dominé la vie politique italienne pendant un demi-siècle, est
ainsi la dernière ligne de défense de l'«ancien monde».
Face au président de la
République, le «nouveau monde», représenté par le M5S et la Ligue, traduit une
défiance envers le principe représentatif et une volonté de démocratie directe
pour avoir le dernier mot
Face au président de la
République, le «nouveau monde», représenté par le M5S et la Ligue, traduit une
défiance envers le principe représentatif et une volonté de démocratie directe
pour avoir le dernier mot. Certes, le référendum d'initiative populaire figure
déjà dans la Constitution italienne de 1947. Possible dans les faits depuis le
début des années 1970, ce référendum - de plein droit si 500.000 signatures
sont réunies et certaines conditions remplies - a conduit à soumettre au
peuple, depuis lors, 67 questions d'importance très variable. Pareille
procédure a permis au suffrage universel d'imposer sa volonté au Parlement en
plusieurs occasions (ainsi, en 1993, au sujet du mode de scrutin lors de
l'élection des sénateurs). Toutefois, ce type de référendum demeure soumis à
des conditions très strictes qui en rendent l'usage beaucoup moins général
qu'en Suisse. Le taux de participation est d'ailleurs décevant depuis plus de
vingt ans. Les Italiens qui soutiennent l'expérience populiste ne se satisfont
donc plus de cette procédure et réclament davantage.
D'un côté, les partisans du
libéralisme politique et de l'équilibre des pouvoirs, qui défendent Mattarella
(le Parti démocrate et Forza Italia, adversaires et pourtant disposés à
gouverner ensemble à la manière d'une grande coalition allemande) et
l'engagement proeuropéen de Rome, qui a quasiment valeur d'un article non écrit
de la Constitution. De l'autre, les tenants de la souveraineté populaire à la
Rousseau (M5S, la Ligue). «Le peuple anglais pense être libre ; il se
trompe fort: il ne l'est que durant l'élection des membres du Parlement ;
sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien. Dans les courts moments
de sa liberté, l'usage qu'il en fait mérite bien qu'il la perde», écrivait
Jean-Jacques Rousseau dans Du contrat social (1762).
Pour lui, «les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses
représentants, ils ne sont que ses commissaires», soumis à ses ordres et
astreints à un mandat impératif.
Il y a plus encore que l'euro en
jeu dans le conflit de légitimité à l'œuvre en Italie: la question de savoir
s'il faut, ou non, faire prévaloir la démocratie sur le libéralisme politique.
La rédaction vous
conseille :
- La
crise politique à Rome fait trembler les marchés européens
- L'Italie
plonge un peu plus dans l'incertitude
- Marc
Lazar: «Il y a lieu de s'inquiéter pour la démocratie en Italie»
Il y a vingt ans, les députés français votaient la reconnaissance
du génocide arménien (29.05.2018)
INFOGRAPHIE - Le 29 mai 1998,
l'Assemblée nationale ouvrait la voix à une reconnaissance française du
génocide arménien après le vote d'une proposition de loi, définitivement
adoptée en 2001. À l'occasion de ce vingtième anniversaire, Le
Figaro rappelle le destin tragique de ces centaines de milliers
d'Arméniens, tués pendant la Première Guerre mondiale dans le cadre d'un plan
d'annihilation mis en place par l'Empire ottoman.
Les chiffres, s'ils sont sujets à
de nombreux débats historiques, illustrent toute l'atrocité que vécurent cette
minorité chrétienne au sein de l'Empire ottoman. De 600.000 à 1.200.000 Arméniens ont été tués dans l'Empire
ottoman entre le printemps 1915 et l'automne 1916. Dans l'Anatolie,
cette péninsule située à l'extrémité orientale de l'Asie et que recouvre
aujourd'hui la Turquie, ils étaient environ 1,5 million avant le déclenchement
de la Première Guerre mondiale.
Il y a tout juste vingt ans, le
29 mai 1998, l'Assemblée nationale votait, à l'unanimité des présents et contre
la position du gouvernement, une proposition de loi reconnaissant le génocide
arménien. Cette reconnaissance de la France n'a néanmoins été officielle qu'en
2001, après l'entrée en vigueur de la loi et une longue bataille parlementaire
entre les deux chambres. A l'occasion de cet anniversaire, Le
Figaro rappelle le déroulement de ces événements que les Arméniens qualifient de «catastrophe» -Aghet en arménien-, ce que signifie aussi Shoah en hébreu.
● Déportation et
extermination
Le génocide commence le 24 avril
1915 à Constantinople. Des centaines de notables arméniens sont arrêtés puis
exécutés les jours suivants sur l'ordre du ministre de l'intérieur, Talaat
Pacha. À partir de cette date, une politique de déportation et d'extermination
de la population arménienne est mise en œuvre par les autorités ottomanes. Elle
concerne au départ les six régions à l'Est où les Arméniens sont les plus
nombreux, mais s'étend ensuite à toute l'Anatolie. Pilotés depuis
Constantinople, les officiers régionaux s'appuient sur des criminels libérés
pour l'occasion et regroupés au sein d'une unité secrète, «l'Organisation
spéciale», mais également sur de nombreux Tcherkesses et Kurdes, historiquement
opposés aux Arméniens.
Les hommes en âge de combattre
sont exécutés, les femmes, les vieillards et les enfants déportés, notamment
vers Deir Ezzor, aujourd'hui en Syrie, le long de
l'Euphrate, et dans d'autres camps de concentration installés dans le désert.
Dans ces marches de la mort, beaucoup meurent en chemin, d'épuisement, de faim,
de soif, sous les coups de leurs bourreaux. Des survivantes, converties à
l'islam, sont mariées de force et vendues en esclaves. D'autres minorités chrétiennes sont également touchées par
les massacres, à commencer par les Assyriens et les Grecs pontiques.
● Un génocide planifié
L'extermination des Arméniens est
dissimulée par les autorités ottomanes qui utilisent des systèmes de codage
pour transmettre leurs véritables ordres. Les photographies des convois sont
interdites, de même que leur récit dans les journaux turcs. L'opération est
contrôlée scrupuleusement par Constantinople, qui recueille des données
précises sur les morts et les déportés. Officiellement, selon les zones, les
Arméniens ne devaient pas dépasser les 10% de la population, voire, dans certains
cas, les 2%. Mais la réalité va au-delà, comme en témoigne ce télégramme de
Talaat Pacha en septembre 1915: «Le gouvernement a décidé de détruire tous les
Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi
criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de
l'âge ni du sexe. Les scrupules de conscience n'ont pas leur place ici».
● Nationalisme turc et
Première Guerre mondiale
Avec la Première Guerre mondiale,
l'Empire ottoman rejoint le camp des empires centraux - l'Allemagne et
l'Autriche-Hongrie - et 1915 signe sa déroute face aux alliés. Au Nord-Est, les
Russes avancent depuis le Caucase. Au Sud, les Anglais percent depuis le Golfe
persique vers Bagdad. Au Nord-Ouest, une flotte franco-britannique s'approche
de Constantinople. Les Ottomans dénoncent alors la trahison des Arméniens, les
accusant d'œuvrer pour l'ennemi.
Si le premier conflit mondial
fait bien figure de contexte, les causes du génocide sont à chercher plus loin.
L'affaiblissement extrême de l'Empire ottoman -«l'homme malade» de l'Europe,
expliquait dès 1853 l'empereur de Russie, Nicolas 1er- remonte au 19e siècle
avec l'émancipation des minorités ottomanes et les indépendances de la Grèce et
dans les Balkans (Roumanie, Bulgarie, Serbie). Les Arméniens demandent à leur
tour à ce que leurs droits soient pris en compte. Entre 1894 et 1896, des massacres, préludes au génocide de
1915, font 200.000 morts parmi les Arméniens, qui refusaient de payer
le double impôt auquel sont soumis les «dhimmis», c'est-à-dire les sujets
non-musulmans de l'Empire.
Parallèlement, un changement de
régime a lieu à Constantinople. En 1908, le sultan Abdülhamid II est renversé
par un groupe de nationalistes laïcs turcs, les «Jeunes-Turcs», dirigés par
Enver Pacha. Le nouveau sultan, Mohamed V, est sévèrement encadré par un Comité
Union et Progrès. Le gouvernement «Jeunes-Turcs» souhaite développer une nation
turque ethniquement et culturellement homogène et s'oppose au modèle de
l'empire multiethnique. Des massacres sont de nouveau commis en 1909 contre les
Arméniens. Ce «panturquisme» sert de toile de fond idéologique au génocide de 1915.
● Réactions occidentales
De nombreux observateurs
-diplomates ou missionnaires- sont témoins des massacres, qui sont relayés dans
la presse des pays alliés, lesquels dénoncent des «crimes contre l'humanité et
la civilisation» et déclarent que les responsables seront punis. En 1916,
Aristide Briand, alors président du Conseil, dénonce un «monstrueux projet
d'extermination de toute une race». L'émotion est immense, mais les moyens, en
pleine guerre, sont limités. Des interventions militaires sont néanmoins menées
pour venir au secours des Arméniens, comme celle des Russes dès avril 1915 à
Van ou celle des Français au Musa Dagh en juillet 1915. Quant aux protestations
du pape Benoît XV, elles ont malheureusement été contre-productives.
Cette dénonciation du génocide
arménien n'a pas eu lieu en Allemagne, alors alliée de l'Empire ottoman. Son rôle a longtemps été sous-estimé, mais le président
allemand, Joachim Gauck, a reconnu en 2015 une «coresponsabilité», voire une
«complicité» de l'Allemagne, forte d'une importante présence militaire
dans l'Empire ottoman en 1915 - jusqu'à 12.000 hommes. Les intentions
génocidaires de Constantinople n'étaient pas ignorées de Berlin. Pire, certains
militaires allemands auraient aidé à la planification et à la mise en œuvre des
massacres. Après la guerre, les principaux responsables du génocide se sont
réfugiés en Allemagne, dont Talaat Pacha, assassiné par un jeune Arménien en
1921.
● Oubli et mémoire
En août 1920, plus d'un an après
la capitulation de l'Empire ottoman, le traité de Sèvres prévoyait le jugement
des responsables par un tribunal pénal international, ainsi que la création
d'une Arménie indépendante, mais il n'a jamais été ratifié. Le traité de
Lausanne, en 1923, entérine le contrôle turc sur toute l'Anatolie. Entre-temps,
la nouvelle Turquie de Moustafa Kémal connaît un sursaut nationaliste. D'abord
favorable à la condamnation des responsables, celui-ci vote finalement une
amnistie générale en mars 1923. «À la vérité, c'est seulement dans les années
1980 que l'opinion publique occidentale a retrouvé le souvenir de ce génocide,
à l'instigation de l'Église arménienne et des jeunes militants de la troisième
génération», conclut le site Hérodote. La Turquie qui reconnaît que
jusqu'à 500.000 Arméniens sont morts pendant des combats et leur déportation
forcée, continue de réfuter toute volonté d'extermination et dénonce l'utilisation du terme «génocide».
La rédaction vous conseille :
- En
pleine guerre mondiale, le peuple arménien éliminé
- Génocide
arménien: l'horreur mise à nu
- Génocide
arménien: la colère turque après le vote allemand
- Valérie
Boyer: «Le génocide de 1915 ne s'est pas limité aux Arméniens»
Valérie Boyer : «Le génocide de 1915 ne s'est pas limité aux
Arméniens» (02.04.2015)
INTERVIEW - Epinglée pour sa
proposition de loi inspirée de Wikipédia, la députée UMP des Bouches-du-Rhône
revient sur son texte qui vise à faire reconnaître le génocide assyro-chaldéen,
aujourd'hui largement ignoré.
La proposition de loi sur la
reconnaissance du génocide assyrien a été très largement médiatisée ces deux
derniers jours. Mais son auteur, Valérie Boyer, regrette qu'elle n'ait pas été
commentée «pour les bonnes raisons». Dénigré pour ses passages largement inspirés de Wikipédia,
le texte aborde un sujet largement méconnu qui mériterait plus d'attention
publique, estime la députée des Bouches-du-Rhône.
LE FIGARO - Que pensez-vous de
la polémique déclenchée par votre proposition de loi, dont des pans entiers
sont inspirés de l'encyclopédie en ligne Wikipédia?
VALERIE BOYER - Cette
polémique est ridicule. Elle a été lancée par un assistant parlementaire du
groupe écologiste, ce qui n'est pas étonnant ; En 2012, ils s'étaient déjà
violemment opposés à ma proposition de loi pénalisant la négation des
génocides, dont le génocide arménien. Pour revenir au génocide assyrien, il
existe très peu de documents sur le sujet. Je me suis donc appuyée sur
l'article de Wikipédia qui était le plus complet. Je ne suis pas agrégée en
histoire des minorités d'Orient... Je ne vois donc pas où est le problème,
d'autant plus que nous avons fait valider notre texte par plusieurs
spécialistes du sujet.
Qu'est-ce que le génocide
assyrien?
C'est le massacre de la
population assyrienne par l'Empire ottoman à partir de 1915. Au même titre que
les Arméniens, les Turcs ont exterminé toutes les autres communautés
chrétiennes présentes dans cette région de l'ancienne Mésopotamie, aujourd'hui
à cheval sur la Turquie et l'Iran. Il y avait des Assyriens, mais aussi des
Chaldéens, des protestants et des orthodoxes. Les Assyro-chaldéens ont inventé
un mot pour désigner ce massacre: «Sayfo», qui signifie «épée» en araméen. Ce
génocide a provoqué l'exode massif de ces populations dans le Caucase, en
Syrie, en Irak et dans le reste du monde. Leur fuite s'est poursuivie jusque
dans les années 1970, car ils étaient réduits par les Turcs à un état de
dhimmitude qui en faisait des sous-citoyens.
Pourquoi le génocide perpétré
par l'Empire ottoman est-il seulement associé aux Arméniens?
Les survivants arméniens forment
une communauté mieux organisée que les autres, ils ont la capacité
d'entreprendre un vrai travail de mémoire. Ce n'est pas le cas des
Assyro-chaldéens, pourtant massacrés au même moment et pour les mêmes motifs.
C'est pourquoi il faudrait une loi qui reconnaisse officiellement leur martyr
et qui en punisse la négation. C'est sur ce massacre que la Turquie moderne
s'est constituée. On est dans un négationnisme d'Etat insupportable qui
constitue un nouveau génocide contre la mémoire de ce peuple.
Cent ans plus tard,
n'avez-vous pas l'impression que l'histoire se répète en Syrie et en Irak?
Bien sûr. Les Assyro-chaldéens
qui ont fui les persécutions en 1915 sont les mêmes qui sont aujourd'hui
chassés par Daech en Irak et en Syrie. Comme en 1915, les victimes sont
chrétiennes et les bourreaux musulmans. Les motifs étaient laïcistes à
l'époque, alors qu'ils sont islamistes aujourd'hui, mais la méthode reste exactement
la même. Le plus alarmant, c'est que la négation de ce génocide en cours se
fait sur notre propre sol. Il est extrêmement grave qu'une entreprise
comme la RATP se serve de la laïcité comme prétexte pour censurer un appel aux
dons pour les chrétiens d'Orient.
Pensez-vous que votre
proposition de loi a une chance d'aboutir?
Elle peut très bien être examinée
dans une niche parlementaire pour l'UMP, nous en avons plusieurs par an. C'est
aussi une question de volonté politique. En avril 2012, le candidat Hollande
avait promis au pied de la statue de Komitas [prêtre orthodoxe arménien vénéré
dans son pays, NDLR] qu'il pénaliserait le négationnisme du génocide de 1915.
Il ne tient qu'à lui de tenir son engagement.
La rédaction vous
conseille :
- Génocide
arménien: Poutine assistera aux commémorations
- Génocide
arménien: l'horreur mise à nu
- Abbé
Grosjean: «Entre Daech et les Chrétiens d'Orient, la RATP doit choisir»
En pleine guerre mondiale, le peuple arménien éliminé
(23.04.2015)
Par Adrien
Jaulmes et Service
InfographieMis à jour le 23/04/2015 à 21h36 | Publié le 23/04/2015 à
18h22
INFOGRAPHIE - En avril
1915, des centaines d'intellectuels, religieux, hommes politiques ou figures de
la communauté arménienne sont éliminés, puis le pouvoir ottoman organise la
déportation massive des populations d'Anatolie.
Le génocide arménien a connu en
un siècle une curieuse succession de notoriété et d'oubli. Au moment même où
ils sont commis, les massacres sont dénoncés internationalement, avant de
tomber après-guerre dans une semi-obscurité. Niés par les héritiers turcs des
Ottomans, ils sont de nouveau étudiés par les historiens et finalement
considérés comme les événements précurseurs des autres génocides modernes.
Le déroulement du génocide
arménien est en effet étrangement familier: en pleine guerre, un État décide et
met en œuvre l'élimination d'une population entière, perçue comme une menace
intérieure en période de danger extérieur. Les ordres sont donnés de façon
claire, tout en conservant suffisamment de flou et de non-dits pour pouvoir
être niés ensuite.
L'extermination est menée par
les officiels ottomans, mais aussi par des bandes armées organisées par les
services secrets, les «Tchétés», formées de criminels, de Bédouins et de Kurdes
Le contexte dans lequel il prend
place est celui de la Première Guerre mondiale, qui fait rage au Moyen-Orient.
Entré en guerre aux côtés de l'Allemagne, l'Empire ottoman connaît en 1915 une
série de défaites dramatiques, et son effondrement semble imminent. À l'Est, la
conquête du Caucase par Enver Pacha a tourné à la déroute, et les Russes sont
passés à l'offensive. Au Sud, les Anglais ont débarqué à Bassora, dans le golfe
Persique, et avancent vers Bagdad. À l'Ouest, une puissante flotte
franco-britannique a tenté de forcer le détroit des Dardanelles et s'apprête à
débarquer à Gallipoli, menaçant directement Constantinople. À Van, dans l'est
de l'Anatolie, les Arméniens se soulèvent à l'approche de l'armée russe.
Ce soulèvement sert de prétexte
au puissant ministre ottoman de l'Intérieur, Talaat Pacha, pour faire arrêter
dans la nuit du 24 avril 1915 des centaines d'intellectuels, religieux,
hommes politiques ou figures de la communauté arménienne de Constantinople.
Certains seront massacrés en prison, d'autres pendus: aucune voix arménienne ne
pourra plus se faire entendre.
La deuxième phase de l'opération
commence avec la déportation massive des populations arméniennes d'Anatolie. Le
but de Talaat et des deux conseillers, le Dr Mehmed Nazim et le Dr Bahaeddin
Sakir, est que dans les six provinces de l'est de l'Anatolie, les Arméniens
soient réduits à moins de 10 % de la population totale. Mais, en même
temps, sont envoyées verbalement aux autorités locales les consignes de faire
en sorte que personne ne revienne de cette déportation. L'extermination
commence. Elle est menée par les officiels ottomans, mais aussi par des bandes
armées organisées par les services secrets, les «Tchétés», formées de
criminels, de Bédouins et de Kurdes, qui nourrissent un vieil antagonisme
vis-à-vis des Arméniens.
À travers l'Anatolie, les événements
se déroulent selon un mode pratiquement identique. Les décrets placardés dans
toutes les villes et les villages ordonnent l'arrestation des Arméniens. Les
hommes âgés de plus de 12 ans sont séparés des femmes et massacrés. Les maisons
sont pillées, les églises détruites, les biens saisis. Les femmes et les
enfants sont rangés en longues colonnes et emmenés à pied en direction du sud
et des déserts de la Syrie. Cette marche à la mort est l'étape suivante du
génocide. Sans eau ni ravitaillement, les colonnes de déportés laissent
derrière elles un sillage de cadavres. Ceux qui ne peuvent pas marcher sont
tués sur place. Les Kurdes et les Bédouins violentent, tuent ou enlèvent les
femmes et les enfants. Les jeunes filles sont violées, épousées de force, les
enfants sont parfois adoptés. Tous sont convertis de force à l'islam.
Dès le 13 juillet 1915,
Talaat Pacha déclare que les déportations ont apporté «une solution définitive
à la question arménienne»
Le pays est un vaste charnier.
Les arbres et les poteaux télégraphiques sont chargés de pendus, les rivières
pleines de corps, des cadavres s'entassent au bord des chemins. À Deir Ezzor,
dans le désert syrien, les survivants, pour la plupart des femmes, meurent sur
place de faim et de soif, et sont laissés à la merci des pillards. Les
Arméniens ne sont pas les seules victimes. Les
Assyriens, dénomination qui regroupe les anciennes populations chrétiennes de
l'Empire, Nestoriens, Chaldéens et Syriaques orthodoxes, sont aussi massacrés.
Le génocide est dénoncé par un
certain nombre de témoins. Des missionnaires et des diplomates américains, ressortissants
d'un pays qui n'est pas en guerre à l'époque avec l'Empire ottoman, relatent
les massacres, décrivent des charniers et des musulmans croisés sur les routes
portant des vêtements européens volés à leurs victimes. L'ambassadeur américain
Morgenthau, qui s'entretient régulièrement avec Talaat Pacha, envoie des
rapports accablants à Washington. Les journaux du monde entier dénoncent les
tueries. Le 24 mai, les puissances alliées avertissent les Ottomans qu'ils
auront à répondre de leurs crimes de «lèse humanité».
Les massacres continuent
jusqu'aux derniers jours de l'année 1915 et se produiront encore jusqu'à la fin
de la guerre. Mais, dès le 13 juillet, Talaat Pacha déclare que les
déportations ont apporté «une solution définitive à la question arménienne». À
la fin du conflit, les Arméniens ont quasiment disparu de provinces où ils
vivaient depuis des temps immémoriaux. Les chiffres précis restent en revanche
difficiles à établir. Même les négateurs du génocide admettent qu'entre
600.000 et 800.000 Arméniens ont péri pendant la guerre. Les historiens
évaluent plus couramment le nombre des victimes entre 1 et 1,5 million de
morts.
La rédaction vous
conseille :
- «Némésis»
ou la vengeance des Arméniens
- Génocide
arménien: des images pour se souvenir
- Aznavour
et Guédiguian, deux hommes marqués par le génocide arménien
Génocide arménien : l'horreur mise à nu (16.01.2015)
1915-2015: Le centenaire du
génocide arménien fait couler beaucoup d'encre. Rassemblant témoignages et
rapports véridiques d'époque, les spécialistes nous plongent au coeur d'un
massacre sanglant.
Le 24 avril 1915, 600 notables
arméniens étaient assassinés à Constantinople. Cette hécatombe donnait le
signal d'un massacre qui allait coûter la vie, en un peu plus d'un an, à
presque 1,3 million de personnes en Asie Mineure, soit les deux tiers des
Arméniens de l'Empire ottoman.
Entre 1894 et 1896,
200000 à 250000 Arméniens, sujets ottomans, avaient déjà été tués, et un
million d'autres spoliés et chassés de leur terre. En 1909, les Jeunes-Turcs
avaient pris le pouvoir et remplacé le sultan Abdul-Hamid Ier par
Mohamed V, qui acceptait la dictature constitutionnelle de ces
nationalistes. Or les Jeunes-Turcs prônaient une politique fondée sur
l'homogénéité ethnique et culturelle de la Turquie, ce qui supposait
l'élimination des minorités chrétiennes. Dès avril 1909, 30000 Arméniens
avaient été tués en Cilicie. En 1914, l'entrée en guerre des Ottomans aux côtés
des Puissances centrales et les premiers échecs de l'armée turque contre les
Russes fourniraient l'élément déclencheur d'une extermination qui avait été
préparée et planifiée, notamment par la déportation des populations concernées.
L'ouvrage expose les faits,
région par région, à partir de documents d'époque. C'est une succession
d'horreurs.
A l'occasion du centenaire du
génocide arménien, de nombreux livres paraîtront en 2015. Celui que viennent de
publier deux spécialistes, Raymond Kévorkian et Yves Ternon, est une véritable
somme. Organisé chronologiquement, l'ouvrage expose les faits, région par
région, à partir de documents d'époque: ordres ou comptes rendus d'officiers ou
de fonctionnaires ottomans, récits de témoins, notamment de religieux
occidentaux installés en Turquie, rapports de diplomates ou de journalistes
étrangers. C'est une succession d'horreurs. Après la chute des Jeunes-Turcs, en
octobre 1918, un capitaine turc, indigné contre son propre pays,
évoquera «des milliers de petits enfants écrasés contre les murs et les
pierres, des jeunes filles que l'on étrangle après les avoir violées, des
hommes et des femmes dont le nombre atteint des centaines de milliers massacrés
au fil de l'épée et qui, sous les coups de la hache, remplissent les fosses et
les puits».
De nombreux Etats ont reconnu la
responsabilité de leurs gouvernants d'alors dans les crimes de masse commis au
XXe siècle. Jusqu'à quand la Turquie refusera-t-elle d'en faire autant?
Mémorial du génocide des
Arméniens , de Raymond H. Kévorkian et Yves Ternon, Seuil,
510 p., 30€.
Génocide arménien : la colère turque après le vote
allemand (02.06.2016)
La reconnaissance par le
Bundestag du génocide de 1915 provoque une grave crise diplomatique entre
Ankara et Berlin.
Blessées, les autorités turques
ont manifesté leur colère sous toutes les formes possibles. Alors que le
Bundestag venait d'adopter à la quasi-unanimité une résolution reconnaissant le«génocide
arménien», la Turquie a rappelé son ambassadeur en poste à Berlin «pour
consultations». Au même moment, l'ambassadeur d'Allemagne à Ankara était
convoqué au ministère des Affaires étrangères. En son absence, c'est son
représentant qui a subi les foudres du pouvoir turc. L'Allemagne commet «une
erreur historique», a déclaré le porte-parole Numan Kurtulmus en conseillant de
laisser «aux historiens et non aux parlements politiques» le soin de traiter du
sujet. «Le Bundestag n'est pas un tribunal compétent», ont déclaré les députés
turcs dans une résolution. La protestation est catégorique. Profonde, la crise
souligne le fossé qui sépare désormais l'Allemagne et la Turquie.
La tentation de la rupture
Sans nier la tragédie, Ankara
conteste depuis toujours la pertinence du terme génocide pour qualifier la
mort en 1915 d'environ 1,5 million d'Arméniens sous le joug
de l'empire ottoman et elle le fait savoir. Malgré les pressions, et parfois
«les menaces de mort», comme l'a relevé le président du Parlement, Norbert
Lammert, les députés allemands ont toutefois refusé «de se laisser intimider».
Soucieuse de ménager les apparences, la chancelière Angela Merkel n'a pas pris
part au vote. Mais elle a soutenu la résolution intitulée «Souvenir et
commémoration du génocide des Arméniens et d'autres minorités chrétiennes».
Pour la relation
germano-turque, c'est une épreuve. «Un test pour l'amitié» entre les deux pays
Binali Yldirim, premier ministre
de Turquie
Il ne s'agit pas seulement d'une
querelle historique. Pour la relation germano-turque, c'est une épreuve. «Un
test pour l'amitié» entre les deux pays, a déploré jeudi le premier ministre
Binali Yldirim, sur un ton relativement modéré. Beaucoup plus sévère, le
président Recep Tayyip Erdogan a promis que la décision allemande allait
«sérieusement affecter» les liens entre la Turquie et l'Allemagne et qu'il en
tirerait les conclusions nécessaires. «Nous allons réfléchir aux démarches que
nous allons mener», a-t-il déclaré depuis le Kenya, où il se trouve en
déplacement. Depuis plusieurs mois, le chef d'État saisit toutes les occasions
pour durcir le ton contre Berlin. Engagé dans une surenchère autoritaire, Recep
Tayyip Erdogan refuse de s'aligner sur les opinions européennes pour mieux
asseoir son pouvoir. Pour installer un rapport de force avec l'Union, il menace
de bloquer l'accord sur les réfugiés. Il veut obtenir immédiatement une
libéralisation des visas pour les ressortissants turcs. Mais l'Europe réclame à
la Turquie qu'elle respecte au préalable tous les critères définis. Or celle-ci
refuse notamment d'assouplir sa législation «antiterroriste». S'il est tenté
par une rupture, Recep Tayyip Erdogan pourrait utiliser la résolution
arménienne pour s'en approcher.
Angela Merkel, qui ne peut pas se
permettre un échec dans la résolution de la crise migratoire, se veut sereine.
«Il n'y a pas de raison de préparer un plan B», dit-on dans son entourage.
«Nous sommes en train de mettre en œuvre le plan A», ajoute-t-on sans chercher
à nier les difficultés qui peuvent se présenter. Mais le gouvernement allemand
veut croire que le temps joue en sa faveur en installant la fermeture de la
frontière dans les faits. La Turquie n'en reste pas moins le partenaire
incontournable pour rendre viable l'accord.
La chancelière veut aussi se
persuader que les effets de manches du président turc ne l'emporteront pas sur
la réalité des relations entre les deux pays. «Beaucoup de choses lient
l'Allemagne et la Turquie. Même si nous avons des différences d'opinions sur
certains sujets, la profondeur de nos attaches, notre amitié, nos liens
stratégiques sont grands», a-t-elle assuré jeudi après le vote. Plus de trois
millions de Turcs vivent en Allemagne.
La rédaction vous
conseille :
- De
rares images des rescapés du génocide arménien retrouvées
- Génocide
arménien: la France attend «d'autres mots» de la Turquie
- Génocide
arménien, le spectre de 1915
Accord à Paris sur des élections en Libye en décembre (29.05.2018)
À l'invitation de la France, les
différents responsables politiques libyens, réunis mardi à l'Élysée, se sont
engagés à organiser des élections législatives et présidentielle le 10
décembre. Un pari ambitieux.
Réunies à L'Élysée dans la
matinée de mardi, les différentes institutions politiques libyennes, sous
l'égide de l'ONU, et avec l'approbation de la communauté internationale, se
sont mises d'accord pour fixer, d'ici au 16 septembre, un cadre juridique
permettant l'organisation d'élections présidentielle et législatives le 10
décembre 2018. «Nous nous sommes engagés (...) à œuvrer de manière constructive
avec les Nations unies pour organiser (...) des élections dignes de foi et
pacifiques et à respecter les résultats des élections lorsqu'elles auront
lieu», indique «la déclaration politique» endossée, à l'issue de cette
rencontre, par le premier ministre du gouvernement d'union nationale, Fayez
al-Sarraj, le maréchal Khalifa
Haftar, homme fort de l'Est du pays, le président de la Chambre des
représentants siégeant à l'Est (Benghazi), Aguila Salah, et celui du Conseil
d'État siégeant à l'Ouest (Tripoli) , Khaled al-Mechri.
« En rassemblant tout le monde
sur un processus précis, et en s'arrêtant sur des dates, plus personne ne
pourra dire : je ne suis pas d'accord. »
Emmanuel Macron
Le président Macron et l'envoyé
spécial de l'ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, ont, l'un et l'autre, parlé de
«rencontre historique». C'est en effet la première fois que ces quatre
représentants libyens acceptaient de dialoguer en un même lieu. C'est également
la première fois que les différents pays impliqués en Libye se retrouvaient
dans une même réunion consacrée à ce pays, en déshérence depuis la révolution
de 2011. Avaient ainsi accepté de se retrouver à Paris, des représentants des
cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, les responsables des
pays voisins de la Libye, un représentant de l'Italie, l'ancienne puissance
coloniale, et des responsables de pays, tels le Qatar ou la Turquie, qui ont
une influence sur des tendances politiques libyennes. Selon le président
Macron, qui s'exprimait à l'issue de cette rencontre, «en rassemblant tout le
monde sur un processus précis, et en s'arrêtant sur des dates, plus personne ne
pourra dire: je ne suis pas d'accord».
La question du cadre juridique
«Jamais je n'ai vu autant de
convergence entre la volonté populaire libyenne et la volonté de la communauté
internationale», a renchéri Ghassan Salamé, qui a ajouté: «la motivation
libyenne existe et on trouvera une solution ; sinon, on trouvera toujours une
argutie juridique pour dire que cela boîte par ceci ou cela.» L'homme qui est
maintenant chargé de mener les négociations interlibyennes, afin que ce processus
ne déraille pas, fait notamment référence à l'un des points les plus délicats
de cet accord.
Pour l'heure, la Libye n'a pas de
Constitution formellement approuvée, et il paraît difficile de convoquer pour
la première fois dans ce pays une élection présidentielle sans cadre juridique.
Plusieurs formules sont évoquées, mais il dépendra beaucoup de la bonne volonté
des Libyens et de la force de persuasion de la communauté internationale pour
que le 16 septembre une solution soit acceptée permettant l'organisation
d'élections générales en décembre. Ces scrutins nécessiteront que la situation
sécuritaire s'améliore dans un pays frappé régulièrement par des attentats, et
qui est même soumis actuellement à des combats autour de la ville de Derna,
dans l'ouest. Les avancées consacrées à Paris sont certes notables, mais la
route vers une Libye démocratique risque de prendre un peu plus de temps que
les six mois prévus lors de cette rencontre de l'Élysée.
La rédaction vous
conseille :
- En
Libye, la mouvance kadhafiste relève la tête
- Libye:
la France maintient l'objectif électoral de 2018
Jean-Claude Juncker met l'Europe centrale à la diète
(29.05.2018)
La Commission européenne veut
faire porter à la Pologne et la Hongrie l'essentiel d'un effort d'économie.
Officiellement, il s'agit d'un
redéploiement de fonds et pas d'une sanction financière. Mais c'est bien en
Europe centrale - la Pologne et la Hongrie en particulier - que la Commission
Juncker entend faire porter jusqu'en 2027 l'essentiel d'un effort
d'économie de 10 % sur les aides au développement et aux grands chantiers
d'infrastructure.
Ces enveloppes de «cohésion»,
censées aider les régions les moins avancées à combler leur retard,
représenteront encore 373 milliards d'euros sur la période 2011-2027, soit
un bon tiers du total des engagements de l'Union européenne. Ce sera presque autant
que les crédits alloués à la Politique agricole commune, premier budget de
l'Europe, eux aussi promis à un sérieux tour de vis. Sur les deux fronts, il
s'agit de compenser le «trou» creusé par la fin de la contribution britannique
en 2022 et par l'inflation des nouvelles missions comme les contrôles aux
frontières, la défense, la lutte antiterroriste et l'action climatique.
Pour certains États, les coupes
programmées vont bien au-delà de l'effort chiffré à 10 % en moyenne. Une
belle empoignade politique se prépare avec ceux qui sont épargnés, voire primés
comme la Grèce et l'Italie. La
Hongrie de Viktor Orban verra ses crédits de cohésion amputés de
24 %, tout comme la République Tchèque, d'après des documents de travail.
La Pologne, en délicatesse avec Bruxelles sur l'État de droit, subira une
baisse de 23 % de ses enveloppes. Elles resteront néanmoins les plus
élevées de l'UE (64,4 milliards). Pour la Slovaquie ce sera
- 22 %. Les trois républiques baltes se retrouvent à la même portion
congrue.
Le projet, soumis au feu vert
des capitales, est de moderniser et «de rendre plus flexible» l'un des deux
grands monolithes du budget européen. Les enveloppes pourront être révisées
après deux ans
Le projet, soumis au feu vert des
capitales, est de moderniser et «de rendre plus flexible» l'un des deux grands
monolithes du budget européen. Les enveloppes pourront être révisées après deux
ans. La Commission reconnaît surtout que l'Europe
centrale, cible d'investissements en centaines de milliards depuis la
vague d'adhésion de 2004, n'est plus la seule région économiquement à la traîne
dans l'UE. La crise financière a rebattu les cartes, notamment pour les pays
méditerranéens qui ont frôlé la faillite au début des années 2010.
Malgré un serrage de ceinture
général, la Grèce, l'Italie et l'Espagne verront leurs crédits de cohésion
respectivement augmenter de 8,6 et 5 % jusqu'en 2027. Pour Rome, en crise
de confiance face à l'UE, c'est peut-être une bonne nouvelle. La Roumanie et la
Bulgarie, négligées ces dernières années, bénéficient aussi d'un coup de pouce.
Pour les Méditerranéens, il s'agit d'un rééquilibrage, même si le soutien
programmé continue de privilégier le bloc oriental. L'Estonie reste, par
habitant, le premier récipiendaire de ces aides: 317 euros, devant la
Slovaquie (310) le Portugal (292), la Hongrie (260), la Grèce (254) et la
Pologne (239).
Budapest et les autres capitales
du groupe de Visegrad voient déjà dans ce réalignement le révélateur d'un
règlement de comptes, sur fond de polémique migratoire et de «dumping» social.
L'effort demandé n'est pas mince. En Hongrie, les enveloppes de cohésion
financent aujourd'hui plus de 55 % de l'investissement public. En
Pologne, ce sont plus de 60 %. Avec d'autres, elles pourraient
tenter de bloquer le vote du budget pluriannuel. Mais ce serait au risque de
geler tous les crédits à partir de 2021…
La rédaction vous
conseille :
- La
France vent debout contre la baisse proposée du budget de la PAC
- L'Union
européenne menace de couper les vivres à la Hongrie de Viktor Orban
- L'Union
européenne prépare son avenir sans la Grande-Bretagne
Migrants : le maire de Grenoble appelle à désobéir
(29.05.2018)
L'élu, qui a décoré un homme
condamné pour l'accueil de migrants, a été recadré mardi par le préfet de
l'Isère.
«Condamnez-moi!», avait-il lancé,
bravache, dans un tweet à l'adresse de «M. le Procureur de la République».
Autoproclamé «délinquant solidaire», Éric
Piolle, le maire écologiste de Grenoble, qui avait remis lundi la
médaille de sa ville au défenseur des migrants Cédric
Herrou, n'a pas tardé à être recadré.
«Le préfet de l'Isère déplore des
propos qui appellent à commettre des infractions ou des actes illégaux,
écrit-il dans un communiqué, alors même qu'ils sont tenus par un maire auquel
les lois de la République confient des responsabilités d'officier de police
judiciaire et la charge de faire respecter l'ordre public.» La condamnation de
Cédric Herrou «symbolise les travers les plus marquants de la loi asile et
immigration», avait souligné lundi Éric Piolle, en remettant sa décoration à
l'agriculteur condamné en appel en août à quatre mois de prison avec sursis
pour avoir aidé des migrants dans les Alpes-Maritimes.
«Le préfet est dans son rôle,
mais nous, on est dans le nôtre quand on dénonce l'absurdité de cette loi»
Éric Piolle, maire de Grenoble
«Du fait de son hospitalité
envers les exilé.e.s (sic), qui se manifeste par de nombreuses actions telles
que la mise à disposition des familles des logements vacants (sic), les actions
d'aide à l'apprentissage de la langue française dans les Maisons des Habitants,
le village d'insertion du Rondeau, l'accueil dans les crèches municipales
d'enfants issus de famille en demande d'asile, ou encore par la coordination de
la plateforme Grenoble Terre d'accueil, la Ville de Grenoble tombe sous le coup
du délit dit de solidarité», énumère l'édile sur Facebook. «Peut-être même
notre action recouvre-t-elle la notion de “bande organisée” visée à l'article L. 622-5 du Ceseda (Code de
l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, NDLR) qui est
reprochée aux jeunes gens qui seront jugés ce jeudi par le tribunal
correctionnel de Gap pour leur participation à une manifestation à Briançon il
y a quelques semaines?», poursuit Éric Piolle.
» LIRE AUSSI - Le
maire de Grenoble veut faire barrage à Dieudonné
Ce «délit de solidarité», même si
l'Assemblée nationale a voté le 22 avril un amendement pour l'assouplir,
est une situation qui «nous tord le ventre, toutes tendances politiques
confondues», s'émeut le maire auprès du Figaro. «Le préfet est dans
son rôle, reconnaît-il, mais nous, on est dans le nôtre quand on dénonce
l'absurdité de cette loi. Je lance d'ailleurs un appel à tous les maires
humanistes qui aident les migrants à le faire. C'est maintenant qu'il faut se
lever, comme les médecins l'ont fait en 1973 pour l'avortement.»
«Devoir d'exemplarité»
Du côté de la préfecture, on
rappelle que «s'il n'est pas contestable qu'un élu puisse exprimer des opinions
qui s'inscrivent dans un débat d'intérêt général […], le devoir d'exemplarité
auquel sont tenus tous les responsables publics et les élus s'attache de ce
fait tout particulièrement à la fonction de maire». Ce mercredi se tiendra
devant le tribunal correctionnel de Nice le procès d'une retraitée de
72 ans qui avait aidé deux adolescents guinéens refoulés en Italie à
revenir en France. Cette responsable d'Amnesty International et membre de
l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé)
encourt cinq ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.
Jeudi, à Gap, trois militants,
une Italienne et deux Suisses, comparaîtront, eux, pour avoir facilité l'entrée
en France de réfugiés le 23 avril, lors d'une marche de soutien aux
migrants à la frontière franco-italienne. Cette manifestation faisait
suite à
une action hostile aux réfugiés organisée par le groupuscule d'extrême droite
Génération identitaire.
La rédaction vous
conseille :
- Migrants:
Collomb critique les associations de la vallée de la Roya
- Bové
demande la «libération» de Cédric Herrou
- Cannes:
interpellation de 156 migrants venus demander l'asile
- Migrants:
le «délit de solidarité» en débat
Le Sénat enquête sur le malaise policier (29.05.2018)
Depuis janvier, une commission
parlementaire dissèque les causes de la colère au sein des forces de l'ordre.
En ce mardi 29 mai, à midi,
une scène insolite se déroule rue Albert, dans le XIIIe arrondissement
parisien, sous les fenêtres de la Direction de l'ordre public et de la
circulation. À l'appel du Syndicat général de la police (SGP), plusieurs
policiers en pyjama ou coiffés de bonnets de nuit s'installent sur un lit planté
au beau milieu du trottoir.
Autour d'eux, dans un concert de
sifflets et sous les fumigènes, des collègues déroulent une banderole où il est
inscrit: «On a le droit à une vie privée». Un message en écho, selon Rocco
Contento, responsable parisien du SGP, «aux arrêts maladies, aux dépressions
des gardiens et gradés considérés comme de simples outils de production, des
“ETPT” (emploi du temps plein travaillé), une appellation administrative
derrière laquelle se trouvent des hommes et des femmes qui souffrent».
«Nous avons parfois constaté
des conditions immobilières dégradées, avec des logements indignes dépourvus de
double vitrage, équipés d'installations électriques hors d'âge»
François Grosdidier, sénateur
(LR) de la Moselle et ancien maire de Woippy, rapporteur de la commission
d'enquête sénatoriale
Ce nouveau coup de gueule est la
énième démonstration du besoin de reconnaissance qui tenaille les forces de
l'ordre. Ce
malaise lancinant, exacerbé lors d'un mouvement de grogne au printemps
2017 mais aussi par les suicides à répétition qui endeuillent la profession,
est au cœur de la Commission d'enquête sénatoriale créée à la demande des
Républicains sur «l'état des forces de sécurité intérieure».
«L'idée, à l'origine de Gérard
Longuet, est de décrypter les causes multiples d'un profond malaise», confie en
fin connaisseur le rapporteur François Grosdidier. Sénateur (LR) de la Moselle
et ancien maire de Woippy, cet élu de terrain s'était illustré en armant et en
équipant pour la première fois en France sa police municipale de
«caméras-piétons» pour mettre fin aux zones de non-droit dans sa commune. Les
travaux, présidés par le sénateur socialiste de la Charente, Michel Boutant,
sont menés tambour battant et dans la profondeur.
» LIRE AUSSI - Ouverture
du procès d'un policier qui avait abattu sa compagne avec son arme de service
Depuis janvier, la commission a
ainsi entendu le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb et son prédécesseur
place Beauvau Bernard Cazeneuve, la garde des Sceaux Nicole Belloubet, des
responsables de la gendarmerie et de la police, qu'elle soit nationale ou
municipale mais aussi des agents pénitentiaires, des douaniers, le criminologue
Alain Bauer ou encore l'avocat spécialisé Thibault de Montbrial. Au total, une
cinquantaine de grands témoins ont déposé sous serment.
Sur le terrain, les
parlementaires ont mené leurs investigations au sein de la police aux
frontières et du dispositif «Sentinelle» à Calais, à l'Évêché qui est le siège
de la police marseillaise, au commissariat de Coulommiers longtemps jugé comme
l'un des plus vétustes de France ou encore dans des casernements de gendarmerie
sur le site de Satory (Yvelines).
«Il existe des centaines de
jeunes policiers qui ne trouvent pas de solutions de logements et qui pour
certains dorment dans leur voiture»
François Grosdidier
«Nous avons parfois constaté des
conditions immobilières dégradées, avec des logements indignes dépourvus de
double vitrage, équipés d'installations électriques hors d'âge et de baignoires
sabots des années 1950», grimace François Grosdidier qui évoque «les
centaines de jeunes policiers qui ne trouvent pas de solutions de logements en
Île-de-France et qui pour certains dorment dans leur voiture».
Mais aussi le «parc vieillissant
des véhicules de service qui affichent plus de 200.000 kilomètres au compteur
et qui mettent potentiellement en péril les équipages», «l'interrogation sur le
sens de leur action des membres de forces de l'ordre alors que 80 % des
Français les aiment», ou encore le «terrible syndrome Magnanville»
(en référence au couple de policiers assassinés le 13 juin 2016 à leur
domicile par un islamiste) qui aurait pénétré les cerveaux au point que «le
sentiment d'insécurité qui règne au sein des forces perce leur propre sphère
familiale». Les sénateurs seraient-ils en train de noircir le tableau? Ils revendiquent
une «démarche objective», nourrie par le terrain et renseignée par des
témoignages recoupés. Leur rapport, attendu fin juin, pourrait être explosif.
La rédaction vous
conseille :
- Magnanville:
un an après l'attentat, l'inquiétude des forces de l'ordre des Yvelines
- Les
caméras-piétons pour les policiers obligatoires dans les zones sensibles
- Policiers:
entrée en vigueur de l'anonymat dans les procédures sensibles
Pourquoi les salafistes inquiètent les autorités (26.05.2018)
>Faits divers|Jean-Michel
Décugis, Jérémie Pham-Lê et Éric Pelletier|26 mai 2018, 18h36|MAJ : 27 mai
2018, 16h35|71
À Marseille, l’imam radical El
Hadi Doudi a été expulsé vers l’Algérie fin avril. AFP/Anne-Christine
Poujoulat
La montée en puissance de
cette mouvance minoritaire de l’islam inquiète les autorités. Une note des
Renseignements territoriaux pointe une «lecture de l’islam incompatible avec
les valeurs fondamentales de la société française».
À chaque nouvel attentat, la même
polémique. Après les attaques de l’Aude (quatre morts) en mars
dernier, Manuel Valls désignait l’« ennemi » : le salafisme,
assimilé par l’ex-Premier ministre à l’islam radical. Ce courant, prônant une
lecture littérale du Coran, serait-il l’antichambre du terrorisme ?
Pas si simple. Il convient en
effet de distinguer le salafisme djihadiste qui prône la guerre sainte de sa
version dite « quiétiste », opposée à la violence. L’écrasante majorité des salafistes
ne verse pas dans le terrorisme. Mais les djihadistes qui visent la France au
nom de Daech se revendiquent ouvertement d’une telle idéologie. « La porosité
entre les deux courants est une réalité avérée et l’on constate régulièrement
des passages de la catégorie pacifique à l’autre », prévient
une récente note du Service central de renseignement territorial (SCRT) que
nous avons pu consulter.
Condamnation de la démocratie, de
l’égalité des sexes, hostilité face à la musique et la poésie… Force est de
constater que le salafisme défie les lois et les valeurs de la République. Ce
phénomène reste largement minoritaire au sein de l’islam de France (environ 5 %
des musulmans fréquentant les lieux de culte selon les policiers spécialisés),
mais la mouvance connaît un essor sans précédent.
Prosélytisme actif
Depuis son apparition en France
au milieu des années 1990, le salafisme est en forte progression : 5 000
adeptes en 2004, 12 000 en 2010, entre 30 000 et 50 000 aujourd’hui. Ce grand
écart statistique s’explique par une difficulté de comptabilisation. Beaucoup
de femmes et de salafistes éloignés des lieux de culte prient en effet à
domicile ou dans des mosquées affiliées à d’autres courants.
Cette influence grandissante -le
nombre de lieux de culte salafistes a crû de 170 % entre 2010 et 2016- est
surtout perceptible parmi les jeunes générations, souvent converties, et issues
des quartiers sensibles, en opposition avec l’islam traditionnel de leurs
aînés. Les services de renseignement notent une corrélation entre les
territoires marqués par une forte influence rigoriste et ceux gangrenés par
l’économie souterraine, notamment le trafic de stupéfiants.
À l’exception de la Corse,
confrontée au passage de prédicateurs itinérants, toutes les régions comptent
des salles de prière salafistes. Des lieux de culte « souvent de proximité […]
hébergés dans des appartements, des maisons, d’anciens commerces, des gymnases,
voire des garages ou des caves », indique la note des RT. Précarité et exiguïté
peuvent engendrer, les jours de grande affluence, des prières de rue entravant « la circulation
automobile » et posant « des problèmes de sécurité », précise le même rapport.
Aujourd’hui, de nombreuses
mosquées traditionnelles sont confrontées à un entrisme, parfois violent qui
s’exprime par la contestation de la gestion des dirigeants, la remise en cause
de l’imam ou la pression sur les fidèles par un prosélytisme actif… « Ces
manœuvres de déstabilisation permettent aux salafistes de s’emparer des lieux
de culte à l’occasion des élections destinées au renouvellement des bureaux
gestionnaires », relève le document, citant les cas récents de Bollène
(Vaucluse), Beaucaire (Gard) ou Toulon (Var).
Des prêches souvent virulents
Leur idéologie s’exprime d’abord
au cours des prêches délivrés aux fidèles par les imams de la mouvance. Des
prêches souvent virulents. Ici, à Ecquevilly (Yvelines), les pratiquantes non
voilées sont, selon le RT, comparées à « des femmes d’un soir, dénuées de toute
pudeur, et qui assouvissent le plaisir des loups ». Là, à Brest (Finistère), on
assure aux enfants qu’ils risquent « de se transformer en singe ou en porc »
s’ils écoutent de la musique, qualifiée de « diabolique ».
Les prédicateurs salafistes jouent
aussi à plein des réseaux sociaux et d’Internet. À l’image justement de Rachid el-Jay, l’imam de la mosquée Sunna de Brest et ses
cours d’éducation religieuse sur YouTube. « À qui on ne doit pas dire bonjour
les enfants ? » Lesquels répondent en chœur : « Aux mécréants. »
Face à cette vague salafiste,
l’État, garant à la fois de la liberté de conscience et des principes républicains,
cherche la riposte. Fermeture de lieux sensibles, expulsions d’imams,
multiplication des contrôles sanitaires… Depuis 2015, les gouvernements
successifs durcissent le ton.
Strauch-Bonart : «Les inégalités en défaveur des hommes
passent à la trappe !» (25.05.2018)
GRAND ENTRETIEN - On évoque sans
arrêt les inégalités entre hommes et femmes en défaveur de ces dernières. Et si
l'inverse était aussi vrai ? C'est ce que démontre magistralement
l'essayiste dans son nouveau livre Les hommes sont-ils obsolètes ?.
Dans son nouveau livre Les
hommes sont-ils obsolètes? (Fayard), Laetitia
Strauch-Bonart s'appuie sur de nombreuses études scientifiques, où
elle prouve le déclin irréfutable de la condition masculine à l'école, dans la
famille et sur le marché du travail. Les hommes ont perdu le contrôle de la
procréation, sont en retard dans les salles de classe, et la force physique qui
était leur apanage n'a plus d'utilité sociale. À mille lieues des discours
idéologiques convenus sur une discrimination
systémique à
l'égard des femmes, elle montre que l'asymétrie entre les sexes n'est
pas le fruit d'un constructivisme social mais s'enracine dans des différences
biologiques. Elle fournit un plaidoyer précis et stimulant contre la guerre des
sexes et le féminisme victimaire.
LE FIGARO.- Alors que l'on
évoque quotidiennement la lutte pour les droits des femmes, vous avez choisi de
parler dans votre livre de l'obsolescence des hommes. Qu'est-ce qui vous fait
croire que la condition masculine serait menacée?
Laetitia STRAUCH-BONART. -À
cela, il y a d'abord une raison structurelle: l'évolution des conditions du
pouvoir des hommes. À ce sujet, les réflexions contemporaines sont souvent trop
court-termistes. Elles oublient que dans un monde où la force physique et le
contrôle de la procréation, qui étaient la source du pouvoir des hommes, ont
bien moins d'importance que par le passé, la place des hommes est en train de
changer radicalement.
La force physique d'abord: elle
est moins importante sur le marché du travail. La violence ensuite: je m'appuie
sur les travaux du chercheur Steven Pinker, qui a montré, dans La Part d'ange
en nous, quel'usage de la violence a considérablement régressé depuis des
siècles, ce qui est contre-intuitif.
Ensuite, les femmes ont pris le
contrôle de la famille. Elles détiennent aujourd'hui entièrement celui de la
procréation. En cas de séparation, ce sont elles qui obtiennent la garde quasi
systématiquement.
L'école ensuite: c'est flagrant.
Je me suis plongée dans les études Pisa. En France, le retard des garçons de 15
ans sur les filles est de trois quarts d'année scolaire en moyenne en
«compréhension de l'écrit». En bout de classe, dans les très mauvais, il y a
une majorité de garçons. Dans l'OCDE, cet écart atteint trois ans entre un
garçon issu des classes populaires et une fille issue des catégories
supérieures! C'est très préoccupant, et je suis sûre que si c'était l'inverse,
si les filles étaient à la traîne, ce serait un sujet de société - ce qui
serait bien évidemment légitime. Mais les inégalités en défaveur des hommes,
quand elles existent, passent à la trappe! On préfère parler des «stéréotypes
de genre» et de la place occupée par les garçons dans les jeux à la cour de
récré plutôt que de l'inégalité criante des résultats!
Enfin, vous ne pouvez pas nier
que sur le marché du travail, les femmes sont encore perdantes…
La photographie actuelle est
certes en défaveur des femmes: il
y a des écarts de salaires, moins de femmes PDG et plus de femmes à
temps partiel. Mais la tendance de long terme va dans le sens d'une ascension
spectaculaire des femmes, qu'on ne célèbre pas suffisamment. Il y a des
secteurs où les femmes deviennent majoritaires: presse, communication,
magistrature, médecine, enseignement. On ne parle que des dirigeants
d'entreprise, mais il s'agit d'une petite minorité! Or quand on regarde
l'ensemble du tableau, en excluant les dirigeants, on voit autre chose:
beaucoup des métiers qui tendent à disparaître aujourd'hui, notamment en raison
de la mécanisation, sont des métiers plus «masculins», tandis que les nouveaux
métiers et les métiers en croissance (services à la personne, commerce) sont
traditionnellement occupés par des femmes. Dans un monde moins violent,
physique, et plus collaboratif et relationnel, l'économie devient féminine.
«La première chose qu'il faut
dire, c'est qu'un écart ne signifie pas forcément une discrimination.»
Laetitia Strauch-Bonart
On évoque souvent les
différences de salaires pour prouver l'existence d'une discrimination
systémique entre hommes et femmes. Quelle est la réalité de cet écart?
La première chose qu'il faut
dire, c'est qu'un écart ne signifie pas forcément une discrimination.
Aucune étude ne dit que la
différence salariale est entièrement due à la discrimination. Il existe des
discriminations, mais elles sont loin d'être la seule explication. Le
monocausalisme, voilà l'essence de l'idéologie! Les différences de salaire ont
des facteurs multiples: le secteur d'activité, la fonction, l'expérience,
l'âge, le temps de travail, le pouvoir de négociation, les interruptions de
travail liées à la grossesse… Ensuite, il faut analyser chacun de ces facteurs.
Oui, les femmes travaillent en
moyenne moins que les hommes, mais il est faux de dire que ce temps partiel est
toujours subi: il est choisi à 68 %. Oui, elles s'occupent davantage de
leurs enfants, mais c'est souvent un choix! Oui, les femmes préfèrent en
moyenne les métiers relationnels, où on gagne moins d'argent que les métiers
techniques, comme celui d'ingénieur. Mais si ces métiers sont moins lucratifs,
c'est parce que dans une société capitaliste et technologique, la richesse va à
ceux qui produisent la technologie. C'est donc bien moins le résultat d'un
«système patriarcal» que celui de la rationalité économique. Ne faudrait-il pas
d'ailleurs reconsidérer les filières du soin?
En réalité, ce sont les choix des
femmes que l'on critique. Avec à la clé, une question de valeurs: on dresse une
équivalence entre le fait de réussir sa vie et de gagner de l'argent. Pourquoi
travailler à son compte aurait-il moins de valeur que d'être PDG? Pourquoi être
juge ou responsable des ressources humaines serait-il moins valorisant que
d'être ingénieur chez Google? Nous prétendons «déconstruire la société
patriarcale», mais nous avons en réalité intériorisé les valeurs masculines. Je
m'interroge sur la volonté de certaines féministes de nier les aspirations des
femmes - des aspirations qui ressortent des études sur le sujet et qui ne sont
que des moyennes, mais qui n'en sont pas moins éclairantes. Beauvoir disait
dans une interview américaine: «Aucune femme ne devrait être autorisée à rester
chez elle pour élever ses enfants. La société devrait être totalement
différente. Les femmes ne devraient pas avoir ce choix, précisément parce que
si ce choix existe, trop de femmes vont le faire» N'est-ce pas terriblement
liberticide? Ou encore, j'entends souvent les responsables politiques afficher
leur volonté que dans l'enseignement supérieur, la proportion de femmes dans
les matières mathématiques et technologiques augmente. Mais ils ne
s'interrogent jamais sur leurs désirs profonds! Et si les femmes, même quand
elles sont, très bonnes en sciences, n'avaient pas envie d'en faire leur
métier? Les études sur lesquelles je m'appuie dans mon livre le prouvent: les
femmes qui sont aussi bonnes ou meilleures en lettres qu'en sciences,
choisissent d'abord les lettres, même quand elles sont meilleures que les
garçons en sciences!
«La théorie de l'évolution
explique ainsi qu'hommes et femmes, confrontées à des pressions sélectives
différentes, ont adopté des comportements distincts.»
Laetitia Strauch-Bonart
On se souvient de l'affaire du
mémo de Google, où un ingénieur avait été renvoyé pour avoir expliqué les
différences de carrières entre hommes et femmes. Pourquoi hommes et femmes
font-ils des choix de carrière différents?
Hommes et femmes embrassent des
carrières différentes, en moyenne, parce qu'ils ont en moyenne des intérêts
différents - leurs choix sont donc libres et authentiques. Les «stéréotypes de
genre» jouent certainement un rôle, mais certainement bien plus faible qu'on ne
le dit: ils ne peuvent expliquer l'entièreté de ces différences.
On constate que les femmes se
dirigent davantage, en moyenne, vers des métiers relationnels et liés au
langage, et les hommes davantage vers des métiers techniques. Cela correspond à
une distinction très importante observée et validée par les psychologues
cognitivistes et comportementaux, celle entre l'intérêt des femmes pour les
«personnes» et celui des hommes pour les «choses». Alors qu'ils ont
l'opportunité de faire les mêmes études, et que les filles sont souvent
meilleures que les garçons! Dans une étude récente (G. Stoet, D. C. Geary, «The
Gender-Equality Paradox in Science, Technology, Engineering, and Mathematics
Education», Psychological Science, 2018), des chercheurs parlent même d'un
«paradoxe de l'égalité»: les différences entre les choix des deux sexes sont
d'autant plus marquées que les pays sont développés et égalitaires! Plus il y a
d'égalité, plus les choix sont genrés! C'est une réfutation magistrale du
constructivisme social: quand on donne aux femmes le choix, elles affichent
leurs différences.
Mais d'où proviennent ces
différences?
C'est là qu'il faut prononcer le
mot qui fâche: la nature! Je ne défends en aucun cas un déterminisme
biologique, mais l'idée que les comportements des deux sexes sont en partie le
résultat de différences naturelles. Ces différences sont corroborées par
d'innombrables études scientifiques - psychologie cognitive et comportementale,
étude des hormones et du cerveau, anthropologie et psychologie évolutionniste
-, la distinction «choses/personnes» étant présente dès le plus jeune âge.
La théorie de l'évolution
explique ainsi qu'hommes et femmes, confrontées à des pressions sélectives
différentes, ont adopté des comportements distincts. Elle permet de comprendre
notamment les racines de l'investissement supérieur des mères pour leurs
enfants ou encore celles de la propension masculine à la compétition.
Malheureusement, toutes ces
études sont quasiment inaudibles en France. Alors que la science s'écrit
aujourd'hui en anglais, nous préférons rester repliés sur nous-mêmes, et
accorder du crédit à des théories aberrantes, proférées par des universitaires
qui ne connaissent rient à la biologie! On a pu le voir notamment avec les
propos consternants de l'anthropologue Françoise Héritier qui affirmait que si
les hommes étaient plus grands que les femmes, c'est parce qu'ils leur
confisquaient la viande depuis l'âge des cavernes!
«Le malaise masculin
m'inquiète. Alors que la place des hommes dans le monde n'est plus très claire,
on leur demande de s'adapter immédiatement et radicalement.»
Laetitia Strauch-Bonart
Alors que vous montrez que les
femmes n'ont jamais été aussi puissantes, comment expliquez-vous que le
féminisme victimaire tienne constamment le haut de l'affiche?
Je pense que ce que vous décrivez
provient de ce que les chercheurs en sciences cognitives appellent des «biais».
Le «biais de disponibilité» d'abord, qui consiste à privilégier et surestimer
les informations qui sont immédiatement disponibles dans notre mémoire. La
surexposition médiatique de certains événements peut alors donner l'impression
que ceux-ci sont plus fréquents, même si c'est faux! Il y a aussi le «biais de
négativité»: on a tendance à être davantage marqué par les événements négatifs
que positifs. Ces deux biais empêchent de voir les progrès accomplis par les
femmes depuis des décennies.
Le déclassement masculin
est-il facteur de déstabilisation? Peut-il aboutir à des phénomènes de
ressentiment?
Le malaise masculin m'inquiète.
Alors que la place des hommes dans le monde n'est plus très claire, on leur
demande de s'adapter immédiatement et radicalement. Certains hommes sont tout à
fait à l'aise aujourd'hui, ceux des classes supérieures. C'est dans les classes
populaires que les hommes connaissent le désarroi le plus fort. Plus
généralement, je suis frappée que la masculinité ne soit invoquée, aujourd'hui,
que quand elle est «toxique». Le constructivisme social qui n'invoque la
différence des sexes que pour criminaliser le masculin crée à mon sens un
profond malaise chez certains hommes.
Or nous n'avons aucun intérêt à
ce que les hommes soient «obsolètes» car leur absence a des conséquences
néfastes sur leur entourage direct, à commencer par les femmes et les enfants.
Je ne crois pas à la guerre des sexes, qui considère la relation hommes-femmes
comme un jeu à somme nulle: ce qu'un sexe gagne, l'autre doit le perdre. Au
contraire, je pense que si les hommes vont mal, les femmes en souffrent!
Peut-il exister un féminisme
conservateur?
Je crois au féminisme de
l'égalité d'opportunité, pas à celui de l'égalité de résultat. Dans l'histoire,
aucun gouvernement, aucun groupe social n'a obtenu d'égalité de résultat sans
recourir à la coercition ou à la violence. Non seulement on ne peut pas changer
fondamentalement la nature humaine, mais quand on s'y essaie, c'est toujours au
prix fort.
Laetitia Strauch-Bonart est
également rédactrice en chef de la revue hebdomadaire d'idées «Phébé par Le
Point».
La rédaction vous
conseille :
- Réduire
les écarts de salaires hommes-femmes, une priorité de l'exécutif
- Parité:
dans la sphère politique, les pratiques évoluent mais les mentalités
résistent
Massive
turn-out for anti-genocide protest in Perth, Australia (08.04.2018)
Native Australians and immigrant South Africans
joined hands in protesting the killing of farmers and white genocide in South
Africa on Sunday 8 April. A special report of the day was compiled by Free West
Media.
2847
Published: April 8, 2018, 3:16 pm
More than 3000 Australians and ex-South
Africans attended a protest in Perth against farm murders and white genocide in
South Africa. The Australian vlogger Avi Yemini, who was one of the speakers at
the protest, received loud applause when he said: “Stop acting like a pack of racists
and stand and protect your white South Africans!'”
Yemini has collected 50 000 signatures for a
petition in which the Australian government is requested to allow more South
African refugees in Australia.
The crowd of protestors were not particularly raucous,
given the bloodshedding they were protestings against, but many carried
placards and crosses. One big placard said: “Recognise the genocide.”
During the march by protestors, some Afrikaans
folk songs such as “Sarie Marais” were sung.
At least three Australian politicians also
participated as speakers at the protest, Messrs. Andrew Hastie (Liberal Party),
Aaron Stonehouse (Liberal-Democratic Party) and Charles Smith (One Nation).
During the introduction, one of the organisers,
an Afrikaner and ex-South African, said: “South African farmers are being
brutally targeted. Husbands are forced to watch while their wives are being
raped. Children are forced to watch while their parents are being killed.”
He also told the crowd how the two-year old
Willemien Potgieter, the martyred little girl was executed with a pistol
together with her mother after both of them had to watch how her father was
hacked to death with a machete.
The three Australian politicians expressed
their solidarity with the suffering South Africans.
Mr. Charles Smith, a member of the provincial
council in West Australia, said: “We are standing here to express our heartfelt
solidarity with South African farmers who we call brothers, who we call sisters
and uncles.”
“We stand here to protest what we perceive to
be wrong: The expropriation of land without compensation, the assaults, the
killing, the genocide. I believe this protest has right on its side,” Charles
Smith of One Nation continued.
‘Reverse apartheid’
According to Charles Smith, there exists
reverse apartheid in South Africa. Therefore he asked other countries to also
express themselves against it. “Today I call upon all nations around the world
to say no to this reverse apartheid which is taking shape in South Africa.”
The member of parliament for the
Liberal-Democratic Party, Mr. Aaron Stonehouse, said that he was not influenced
by race or ethnicity. “We are classical liberals. We don’t like to look at the
world through the lens of race. I’d rather judge people as individuals, by their
values and by their actions… White farmers are being attacked in South Africa
and their government is throwing fuel on the fire.”
Mr. Stonehouse was of the opinion that white
South Africans made a big contribution to Australia, particularly because they
were part of the Western family, also being pioneers, just like Australians.
“The South African people and the Australian people do share the same values.
We derive from the same European experience of crossing out into the great
unknown with nothing but our swags on our backs and crosses on our hearts,”
Stonehouse declared. “I’m also a member of this broad family of nations that
you might call the West… People who live in the West have a lot in common.
Someone born in South Africa, or the UK or America might find success in a
place like Australia.”
At the same time, Stonehouse denounced the
expropriation of land without compensation, as voted by the South African
parliament and supported by the ANC and EFF. “The ANC is attacking the very
idea of private property rights,” he said.
A female South African immigrant, who was
apparently also an Afrikaner, expressed herself strongly against the abuse of
women and children. “Also concerning is the abuse of all women and children in
South Africa which has reached alarming levels,” she said.
All rights reserved. You have permission to
quote freely from the articles provided that the source (www.freewestmedia.com) is given. Photos may not be used
without our consent.
Affaire Ramadan : une plaignante modifie sa version
(29.05.2018)
Henda Ayari s'est aperçue que le
viol présumé ne serait pas déroulé à la date et dans les lieux qu'elle avait
préalablement indiqués. La défense du prédicateur exprime sa «désolation» face
à cette affaire et en profite pour demander la remise en liberté de Tariq
Ramadan.
C'est sans doute la plaignante la plus en vue dans l'affaire Ramadan.
Henda Ayari est la seule des trois femmes qui ont déposé plainte en France pour viol contre
le prédicateur musulman a avoir révélé son vrai nom. Cette dernière a modifié
devant les juges la version des faits qu'elle avait préalablement donnée, a révélé mardi matin France Info. Elle avait
indiqué, dans sa plainte initiale, avoir été violée début avril 2012, dans un
hôtel situé près de la Gare de l'Est, à Paris. Elle a expliqué la semaine
dernière aux magistrats que l'agression se serait plutôt déroulée à un autre
endroit de la capitale, toujours dans un hôtel, mais cette fois près de la
place de la République. Elle décale également la date au 26 mai 2012.
Un revirement qui fait bondir le
conseil de Tariq Ramadan, Me Emmanuel Marsigny, dont le client, actuellement en
détention provisoire, est mis en examen pour «viol» et «viol sur personne
vulnérable». «Ce changement de version m'inspire de la désolation, déplore-t-il
au Figaro. Je dis depuis des semaines que la justice n'agit pas
comme elle le devrait dans cette affaire. Il faudrait qu'elle s'assure de la
crédibilité des circonstances avancées par les plaignantes. Or, il est évident
qu'il y a des invraisemblances. J'ai soulevé l'incohérence et l'impossibilité
du récit de Henda Ayari, elle a donc été obligée d'en changer.»
Selon l'avocat, il y avait un
problème chronologique dans les faits avancés. Elle aurait décrit une chambre
d'hôtel qui ne correspondrait pas à l'établissement qu'elle avait initialement
désigné comme le lieu de l'agression. Le conseil du prédicateur décrit
également des SMS équivoques envoyés par la plaignante alors qu'elle était
censée ne plus entretenir de relation avec Tariq Ramadan.
«J'assume d'avoir oublié le
lieu et la date précise d'une agression traumatisante»
Henda Ayari
Contacté par Le Figaro,
les avocats de Henda Ayari indiquent qu'ils ne s'exprimeront pas sur le sujet.
Mais elle-même l'a fait sur Twitter. La victime présumée a ainsi publié trois
messages où elle indique avoir «retrouvé des éléments importants (date et lieu)
qui prouvent [qu'elle n'a] pas menti contrairement à ce que dit l'avocat de
[Tariq Ramadan] qui veut [la] faire passer pour une menteuse». Elle poursuit:
«J'ai retrouvé des informations ainsi que mon agenda de 2012 où figurent des
éléments incontestables! Peu importe qu'on me traîne dans la boue, qu'on me
fasse passer pour une mythomane, une folle ou une prostituée, bientôt la vérité
éclatera au grand jour! J'ai confiance en la justice!» «J'assume totalement le
fait d'avoir oublié le lieu et la date précise d'une agression traumatisante, 5
ans après!», écrit-t-elle également.
Ces éléments offrent une occasion
pour la défense de réclamer une nouvelle fois la remise en liberté de Tariq
Ramadan. Les juges ont refusé les demandes du théologien, craignant qu'il ne s'en prenne aux victimes, qu'il ne
repasse à l'acte ou qu'il ne prenne la fuite. «Il a proposé de donner
son passeport à la justice et de porter un bracelet électronique, explique son
avocat, Me Marsigny. S'il fuyait en Suisse (dont il est citoyen, NDLR), il se
retrouverait dans un pays où il est également visé par une plainte pour viol.
Cela n'a pas de sens! Qu'y puis-je si les juges ont peur? Il est maintenant
temps d'examiner les faits avec rigueur et objectivité.»
Tariq Ramadan doit être entendu
par les juges le 5 juin prochain.
La rédaction vous
conseille :
- Tariq
Ramadan: rejet de sa première demande de remise en liberté
- Tariq
Ramadan reconnaît avoir eu une relation avec l'une des plaignantes
- Tariq
Ramadan maintenu en détention pour éviter de nouveaux «faits de viol»
Free Tommy Robinson
Mark Dimberline a lancé cette pétition adressée à Theresa May MP, Prime Minister of the United
Kingdom and Leader of the Conservative Party
PETITION IN : ENGLISH - FRANÇAIS - ESPAÑOL -
DEUTSCH - ITALIANO - POLSKI - CZECH - RUSSIAN
Tommy Robinson has been arrested and jailed for
reporting on Muslim grooming gangs. A job that he chooses to do with no regard
for his own safety, informing the public of all the wrongs committed in the
name of Allah. Fighting against adversity and reporting on issues that our
mainstream media are too afraid to speak of.
Tommy is raising issues that are affecting all
of our communities, and that are being swept under the carpet and hidden from
the public.
Its time we stand together, stand strong, and
stand by his side.
FREE TOMMY ROBINSON
Tommy Robinson a été arrêté et
emprisonné pour avoir parlé des gangs pédophiles musulmans. Un travail qu’il
choisit de faire au détriment de sa propre sécurité pour informer le public des
horreurs commises au nom d’Allah. Envers et contre tout, il fait le travail
d’information que les médias de masse refusent de faire. Tommy parle de
problèmes affectant toutes les communautés, mais qui sont pourtant passés sous
silence et cachés du grand public. Il est temps que nous soyons forts et
solidaires, et que nous le soutenions.
LIBÉREZ TOMMY ROBINSON
Tommy Robinson ha sido arrestado y encarcelado por informar sobre pandillas de aseo musulmán. Un trabajo que él elige hacer sin tener en cuenta su propia seguridad, informando al público de todos los horrores cometidos en nombre de Alá. Luchando contra la adversidad e informando sobre temas de los que nuestros medios convencionales se niegan a hablar.
Tommy está planteando problemas
que están afectando a todas nuestras comunidades, y que están siendo barridos
bajo la alfombra y escondidos del público.
Es hora de que nos mantengamos
unidos, nos mantengamos firmes y permanezcamos a su lado.
Libertad para Tommy
Tommy Robinson wurde verhaftet
und inhaftiert, weil er über eine muslimische Vergewaltigerbande berichtet hat.
Eine Arbeit, die er ohne Rücksicht auf seine eigene Sicherheit ausübt und die
Öffentlichkeit über all das Unrecht informiert, das im Namen Allahs begangen
wurde. Kampf gegen
Widrigkeiten und Berichterstattung über Themen, bei denen unsere
Mainstream-Medien zu feige sind, darüber zu berichten.
Tommy wirft Fragen auf, die unsere Gemeinschaft betreffen und die unter den Teppich gekehrt werden sollen, um sie vor der Öffentlichkeit zu verbergen.
Es ist Zeit, dass wir zusammen stehen, stark sind und an Tommys Seite stehen.
Tommy wirft Fragen auf, die unsere Gemeinschaft betreffen und die unter den Teppich gekehrt werden sollen, um sie vor der Öffentlichkeit zu verbergen.
Es ist Zeit, dass wir zusammen stehen, stark sind und an Tommys Seite stehen.
FREIHEIT für Tommy Robinson
Tommy Robinson è stato arrestato per aver
segnalato casi di gang di pedofili musulmani. Informare l'opinione
pubblica sui misfatti commessi nel nome di Allah, è una missione che ha scelto
di portare avanti consapevole dei rischi per la sua incolumità personale,
facendo luce su quello che la stampa nasconde per codardia o per paura.
Tommy sta cercando di
sensibilizzare su episodi che colpiscono tutta la nostra comunità e che vengono
ripetutamente nascosti al pubblico.
È giunto il momento di essere uniti, forti e di schierarci dalla sua parte.
È giunto il momento di essere uniti, forti e di schierarci dalla sua parte.
LIBERTÀ PER TOMMY ROBINSON
“Tommy Robinson został aresztowany i osadzony w więzieniu za informacje (wolność słowa) o gangu muzułmańskich pedofilów. Praca, którą postanowił wykonywać, bez względu na swoje bezpieczeństwo, zdecydował przekazywać informacje dla opinii publicznej o wszystkich przestępstwach dokonywanych w imię Allaha.
Praca, walka która rozpoczął przeciwko nieszczęściom i przeciwnościom losu i faktom, o których główne media boja się mówić.
Walka o prawdę i wolność słowa.
Tommy wypunktował wszystkie problemy, które dotykają nasza lokalna społeczność, oraz inne które są „zamiatane pod dywan” i ukrywane przed opinia publiczna.
Nadszedł czas, najwyższy czas abyśmy się zjednoczyli, zjednoczyli w sile, i stanęli u jego boku.
NATYCHMIAST UWOLNIĆ TOMMY’EGO ROBINSONA!!!!!”
Tommy Robinson byl zatčen a
uvězněn za podávání zpráv o muslimských pedofilních bandách. Práci, kterou se
rozhodl dělat bez ohledu na vlastní bezpečí, informovat veřejnost o všech
příkořích páchaných ve jménu Alláha. Boj proti nepřízni osudu a podávání zpráv
o otázkách, o kterých se naše mainstreamová média příliš bojí mluvit. Tommy
však vyvolává otázky, které mají vliv na všechny naše komunity, a ta jsou
zametána pod koberec a ukryta před veřejností. V tuhle chvíli stojíme při
sobě, stojíme silní a stojíme na jeho straně. OSVOBOĎTE TOMMY ROBINSON
Томми Робинсон был арестован и
заключён в тюрьму за репортаж о мусульманских бандах педофилов.
Томми информирует общественность о всех злодеяниях, совершенных во имя Аллаха, не заботясь о собственной безопасности.
Он ведёт борьбу с преступлениями, о которых наши СМИ слишком боятся говорить.
Томми информирует общественность о всех злодеяниях, совершенных во имя Аллаха, не заботясь о собственной безопасности.
Он ведёт борьбу с преступлениями, о которых наши СМИ слишком боятся говорить.
Томми освещает проблемы, которые
затрагивают всех нас, и которые заметаются под ковер и скрыты от
общественности.
Пришло время встать и поддержать
Томми всем вместе.
СВОБОДУ ТОММИ РОБИНСОНУ
La pyrolyse, une solution pour transformer les déchets
plastiques en énergie (28.05.2018)
Par Marc
Cherki et Cyrille
VanlerbergheMis à jour le 29/05/2018 à 10h28 | Publié le 28/05/2018 à
19h33
FIGARO DEMAIN - La fondation Race
for Water et le projet Planet Odyssey font le pari que des nouvelles
technologies vont permettre de valoriser les déchets plastiques en produisant
des carburants synthétiques.
Les campagnes de sensibilisation
se multiplient, et certains pays
occidentaux prennent enfin des mesures pour réduire la quantité de plastiques
qui sont rejetés et risquent de finir dans les océans. Des progrès
qui pourraient aider à réduire les pollutions provenant des pays développés,
déjà dotés de systèmes de récupération et de traitements des déchets. Mais cela
risque en revanche d'avoir peu d'impact sur de nombreux pays en développement
qui ne disposent pas encore de tels systèmes et risquent de rejeter encore
longtemps de nombreux déchets plastiques.
Après un tour du monde réalisé en
voilier pour faire des mesures des plastiques dans tous les océans, Marco
Simeoni, président de la fondation suisse Race for Water est arrivé à une
conclusion sans appel: sur les millions de tonnes déjà rejetées en mer, 90% ne
restent pas en surface, mais coulent ou flottent entre deux eaux. Il est donc
irréaliste de penser qu'on pourra nettoyer les océans.
«90 % du plastique dans les
océans est déversé depuis les pays en voie de développement »
Simon Bernard, Planet Odyssey
Il serait en revanche efficace de
s'attaquer aux déchets émis par les grandes villes côtières de la planète, et
surtout celles qui n'ont pas de système efficace de récupération des ordures.
«Plus de 90 % du plastique dans les océans est déversé depuis les pays en
voie de développement», explique Simon Bernard, jeune officier de la marine marchande
qui mène le projet Planet Odyssey, et fait le même constat que la fondation
suisse.
Planet Odyssey veut faire un tour
du monde avec un bateau qui sera propulsé avec un carburant produit à partir de
déchets plastiques. - Crédits photo : IMOS - Ship As A Service
Partant de cette idée, Marco
Simeoni a imaginé une filière qui pourrait grandement réduire les déchets
plastiques émis dans les grandes villes côtières, et éviter ainsi une grande
partie des pollutions. «Il est crucial de trouver un modèle économique qui
puisse valoriser la récupération, puis le retraitement des plastiques»,
explique l'ancien entrepreneur suisse devenu défenseur de la cause des océans.
Son idée pour les pays en voie de développement est d'inciter les collecteurs
des rues, qui ramassent principalement des métaux, à prendre aussi du
plastique. Il y aurait selon lui une incitation suffisante si le prix des
déchets plastiques pouvait atteindre 17 dollars la tonne, ou 17 cents le kilo.
Mais il faut pour cela valoriser
les plastiques. Marco Simeoni et Simon Bernard ont retenu la même idée: créer
du carburant à partir de plastiques usagés, par pyrolyse, en les chauffant dans
un four.
Marco Simeoni, président de la
fondation suisse Race for Water. - Crédits photo : Race For Water
Démontrer que la technologie
est viable
Simon Bernard veut montrer que la
technologie est viable, en réalisant un tour du monde sur un navire, Plastic
Odyssey, qui sera propulsé avec ce type de carburant recyclé. Cette mission
suppose d'accomplir trois projets: proposer un capteur peu coûteux pour trier
des plastiques, élaborer un four à pyrolyse pour chauffer les plastiques à plus
de 400°C afin d'en extraire l'énergie, sous forme de carburant et de gaz, et
enfin, élaborer des machines pour convertir des plastiques en petits objets
(matériaux de construction, tuiles, briques ou objets artisanaux). La fondation
a reçu l'aide de passionnés de la société Sarpi Veolia pour mettre au point le
four de pyrolyse.
Le projet de valorisation de Race
for Water est plus avancé, et a retenu un procédé de pyrolyse un peu différent,
développé par la société française ETIA, qui chauffe le plastique à plus haute
température, entre 600 et 900°C. «Ce procédé a l'avantage de fonctionner avec
un plus grand nombre de polymères, sans qu'ils aient besoin d'être nettoyés»,
explique Marco Simeoni. Il faut juste éviter de mettre du PVC, qui relâcherait
du chlore, toxique, s'il était chauffé. Le fait de pouvoir utiliser un grand
nombre de plastiques, sans préparation, rend le système plus robuste et simplifie
grandement son exploitation. Le procédé de transformation du plastique mis au
point par ETIA, avec un investissement de la société Suez, tient désormais dans
un container maritime. Ce
dispositif, appelé Biogreen, a été testé à Roosendaal, aux Pays-Bas, et
peut être couplé à une centrale de production d'électricité au gaz déjà
existante. Et comme le plastique n'est que chauffé, et pas brûlé, le procédé
n'émet pas de CO2.
La fondation Race for Water
profite du tour du monde de son navire fonctionnant aux énergies renouvelables
pour «vendre» cette solution de valorisation du plastique aux gouvernements ou
responsables locaux des pays visités. C'est notamment ce qui a été fait lors de
la dernière étape à Lima, au Pérou.
La rédaction vous
conseille :
- Pailles,
gobelets, cotons-tiges… l'Europe veut s'attaquer aux plastiques jetables
- Des
milliards de tonnes de plastiques s'accumulent dans la nature
- Une
île déserte du Pacifique Sud abrite 38 millions de déchets plastiques
- Comment
on a sauvé la Méditerranée de la pollution
L'Italie plonge un peu plus dans l'incertitude (29.05.2018)
L'économiste Carlo Cottarelli est
chargé par le président de former un gouvernement dont on sait déjà qu'il
n'obtiendra pas le soutien du Parlement.
Rome
Carlo
Cottarelli, l'économiste pressenti par le chef de l'État pour
former un gouvernement après l'échec
de Giuseppe Conte dimanche dernier, devrait annoncer mercredi
matin la liste de son équipe. Douze membres en feront partie, tous issus des
institutions publiques et de la société civile. Il a présenté mardi une
première liste au chef de l'État. Il est toutefois certain qu'il n'obtiendra
pas la confiance du Parlement, lors du vote, probablement lundi. Tous les
partis de droite et les 5 Étoiles la lui refuseront. Le Parti démocrate
s'abstiendra.
Après cet échec, Carlo Cottarelli
donnera sa démission et sera chargé d'expédier les affaires courantes dans
l'attente de nouvelles élections. Dans l'intervalle, son gouvernement
représentera pourtant l'Italie dans les grandes conférences internationales
prévues d'ici à la mi-juillet, G7, Conseil européen et sommet de l'Otan.
La date des élections reste la
grande inconnue. Pour qu'elles puissent se dérouler en septembre ou octobre, il
faudrait que le président de la République dissolve le Parlement dans la
deuxième quinzaine de juillet. Mardi, une hypothèse circulait: certains, au
Parti démocrate, mais aussi parmi les 5 Étoiles, demandaient à les organiser
fin juillet. Ce qui impliquerait une dissolution des Chambres au plus tard
vendredi prochain.
«Les marchés enseigneront aux
Italiens comment voter»
Déclaration provocatrice du
commissaire européen au Budget, l'allemand Gunther Oettinger
Mardi, une déclaration
provocatrice du commissaire européen au Budget, l'allemand Gunther Oettinger, a
enflammé les milieux politiques italiens. Attisant un peu plus les tensions
entre Bruxelles et les populistes. Alors que l'Italie est l'un des pays où le
sentiment antieuropéen est le plus élevé. «Les marchés enseigneront aux
Italiens comment voter», a-t-il dit, en réaction aux soubresauts sur les
marchés. Par la suite, Gunther Oettinger a atténué ses propos, sans faire
retomber les colères italiennes.
L'Europe - et la participation de
l'Italie à l'euro depuis 1999 - sera au centre d'une campagne électorale qui
s'annonce féroce. Cherchant à calmer les inquiétudes, Ignazio Visco, le
gouverneur de la Banque d'Italie, a déclaré hier ne voir «aucune justification,
sinon émotive», aux attaques des marchés. Il a réaffirmé que «le destin de
l'Italie est celui de l'Europe». «Il est important que l'Italie conserve une
voix faisant autorité là où se décide le futur de l'Union européenne», a-t-il
insisté.
Faible compétitivité
Les milieux d'affaires tirent la
sonnette d'alarme. Pour Andrea Illy, président du comité Alta Gamma (équivalent
du Comité Colbert français) qui regroupe des industries du luxe et de
l'excellence, facturant 5 % du PIB, il faut avant tout préserver la reprise
qui s'amorce: «L'Italie a été fortement impactée par la crise et par deux
récessions consécutives. Son degré de compétitivité est très affaibli. Le monde
a connu l'an dernier une croissance de 4 %, l'Europe 2 %, l'Italie
1,5 %. C'est encore largement insuffisant. On est sur la bonne voie, à
condition de ne pas dérailler», alerte l'homme d'affaires.
La rédaction vous
conseille :
- L'Italie
empêtrée dans une crise politique sans précédent
- Guillaume
Perrault: «En Italie, le choc de deux légitimités»
- La
crise politique à Rome fait trembler les marchés européens
La crise politique à Rome fait trembler les marchés européens
(29.05.2018)
Six ans après une précédente
alerte, l'impasse politique italienne a provoqué mardi un sérieux coup de froid
sur les marchés européens, réveillant le spectre d'un éclatement de la zone
euro.
Envolée des taux de la dette
italienne qui entraîne dans son sillage les taux espagnols et les pays
périphériques de la zone euro, recul des Bourses européennes, plongeon à Milan
et Madrid, valeurs bancaires malmenées, chute de l'euro… L'impasse
politique italienne a provoqué mardi un sérieux coup de froid sur
les marchés européens, réveillant le spectre d'un éclatement de la zone euro.
L'alerte sonne comme un air de
déjà-vu. Elle ramène quelques années en arrière au plus fort de la crise des
dettes souveraines. Et à ce mois de novembre 2011, où le G20 de Cannes
sous présidence française est dominé par la Grèce et surtout l'Italie,
troisième économie européenne, qui met en péril la zone euro. Sous la pression
du couple franco-allemand de l'époque, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, un
certain Silvio
Berlusconi, président du Conseil italien, sommé d'appliquer une cure
d'austérité, est acculé à la démission, remplacé par un gouvernement technique.
Si les investisseurs font la
différence entre l'Italie et l'Espagne, considérée comme plus solide, soutenue
par une croissance dynamique, il y a une réappréciation du risque européen
Six ans plus tard, l'Italie
cristallise à nouveau les inquiétudes. «Les marchés intègrent la probabilité de
nouvelles élections, la victoire d'un programme anti-euro et une petite
probabilité de sortie de l'Italie de la zone euro», souligne Jean-François Robin,
expert marchés de Natixis, qui estime que les taux italiens vont continuer à
remonter. C'est le principe de l'aversion à l'incertitude: lorsqu'un pays est
jugé plus fragile, la prime de risque sur la dette augmente. Le taux italien à
dix ans a ainsi dépassé la barre des 3 %, un plus haut depuis
juin 2014. Et le spread - l'écart de taux - avec le bund allemand, la
référence, véritable baromètre de l'appréciation du risque, a dépassé à
mi-journée les 300 points. «Ceux qui ont le plus peur sont les Italiens, qui
détiennent les deux tiers de la dette du pays», ajoute l'économiste de Natixis.
Signe de l'inquiétude à court terme, le taux italien à deux ans s'est aussi
envolé, atteignant 2,49 % contre 0,9 à la clôture lundi. La Bourse de
Milan a enregistré sa troisième baisse consécutive, perdant 6 % en trois
jours.
Ignazio
Visco, le gouverneur de la banque centrale italienne, a lancé un
avertissement au futur exécutif italien, mettant en garde sur un dérapage des
finances publiques. «L'économie italienne donne enfin des signes de
redressement et la situation des finances publiques s'améliore après des années
d'efforts, ce n'est donc pas le moment d'accroître les déficits», a déclaré le
banquier central.
Effet contagion
Plus inquiétant, le regain de
tensions en Italie se propage aux autres pays de la zone euro. L'effet
contagion cible l'Espagne confrontée également à des difficultés politiques: le
premier ministre Mariano
Rajoy est sous le coup d'une motion de censure de l'opposition
socialiste. Les pays «périphériques» comme la Grèce et le Portugal confrontés
également à des tensions sur le marché de la dette.
La Bourse de Madrid, emportée par
les valeurs bancaires, a reculé de 2,5 %. «Sur les 1000 points perdus par
la Bourse espagnole, je calcule qu'environ 300 correspondent à la crise
politique et 700 à la crise politique italienne», explique Juan Ignacio Crespo,
conseiller du fonds d'investissement Multiciclos Global du broker Renta 4. Tout
en minimisant le risque espagnol. «La crise espagnole sera résolue rapidement.
Ici, aucun parti susceptible de gouverner ne propose de sortir de l'euro.»
Si les investisseurs font la
différence entre l'Italie et l'Espagne, considérée comme plus solide, soutenue
par une croissance dynamique, il y a une réappréciation du risque européen. «La
zone euro était considérée comme un havre de paix, note Jean-François Robin.
Aujourd'hui, il y a un gros coup d'arrêt.» Cela se traduit par un net repli de
l'euro, au plus bas depuis juillet 2017, au profit de valeurs refuges
comme l'or et le dollar.
La rédaction vous
conseille :
- Italie:
faut-il redouter des conséquences sur la zone euro?
- Italie:
les taux de la dette au plus haut depuis 2013
- L'Italie
empêtrée dans une crise politique sans précédent
- Espagne:
l'avenir de Mariano Rajoy sera débattu au Parlement en fin de semaine
Stratégie, motivation, management : comment Napoléon a tout
inventé (18.05.2018)
ENQUÊTE - Il avait de l'audace,
de l'ambition, l'esprit de conquête… Des valeurs qui sont celles des grands
patrons d'aujourd'hui, même s'ils ne sont pas si nombreux à le revendiquer
comme modèle.
En 1984, Martial Lapeyre
décédait, sans héritier. Mais le fondateur génial de
l'entreprise Lapeyre avait pris soin de coucher sur le papier ses
dispositions testamentaires: il léguait sa fortune au Souvenir napoléonien
ainsi que la quasi-totalité de ses collections, constituées de pièces d'une
grande rareté ayant appartenu à son idole, Napoléon Bonaparte. C'est ce legs
qui a permis la naissance, trois plus tard, de la Fondation Napoléon, haut lieu
consacré à la mémoire de l'Empereur.
Incontestablement, Martial
Lapeyre nourrissait une véritable passion pour Napoléon, et ce dès son plus
jeune âge. Fortune faite, il china de longues heures chez les antiquaires ou
dans les salles des ventes: il était ainsi devenu l'heureux propriétaire de
l'épée du Premier consul, à poignée d'ébène croisée d'argent ; ou encore
des trois soldats de plomb de l'Aiglon, que son père conserva jusqu'à sa mort à
Sainte-Hélène. Mais pour cet homme d'affaires, Napoléon était bien plus qu'un
illustre personnage de l'histoire de France: c'était un exemple, un stratège
exemplaire ; sans doute aussi celui qui lui avait donné l'ambition de voir
toujours plus loin, de faire de Lapeyre, spécialiste des portes et fenêtres,
une grande réussite française.
«Napoléon est un exemple pour
tous les entrepreneurs»
Kim Hong-kuk, fondateur et
président du géant alimentaire Harim
Cette passion pour Napoléon est
partagée par bien des hommes d'affaires, y compris au-delà de nos frontières.
«Napoléon est un exemple pour tous les entrepreneurs», confiait ainsi le
Sud-Coréen Kim Hong-kuk en 2014, après avoir
acquis aux enchères un bicorne lui ayant appartenu pour la somme
de 1,88 million d'euros, soit cinq fois son prix estimé. Fondateur et
président du géant alimentaire Harim, celui que l'on surnomme «le roi du poulet
sud-coréen» avouait admirer sa «façon de penser et de prendre les décisions».
«Je veux comprendre et me sentir proche de beaucoup d'épisodes de sa vie. J'ai
toujours tenu en haute estime l'esprit indomptable de Napoléon, pour qui rien
n'était impossible (…). J'ai acheté son chapeau pour insuffler un vent nouveau
à l'esprit d'entreprise.» Pas question de s'en défaire de sitôt, donc, même si
on lui en a proposé depuis un prix 30 % supérieur à ce qu'il l'avait payé!
De Paris à Séoul, la vie et les
succès de Napoléon ont tout pour inspirer les entrepreneurs d'aujourd'hui.
Parce que l'art d'être chef s'apprend autant par l'exemple donné que par la
résolution de cas pratiques de stratégie dans les amphis de HEC, l'Insead ou
Harvard. Parce que les guerres d'aujourd'hui ne se gagnent plus sur les champs
de bataille mais sur les marchés mondiaux où ils livrent un combat quotidien et
planétaire. Et les règles sont somme toute assez similaires lorsqu'il s'agit de
battre la concurrence et de conquérir de nouveaux marchés lointains.
L'ambition, l'audace, la soif de conquête sont les armes modernes des chefs
d'entreprise.
Le besoin d'avoir un grand
rêve
«Napoléon était un
hypercentralisateur. Or aujourd'hui, tous les patrons ont compris qu'il fallait
s'entourer de bras droits compétents et savoir déléguer»
Anne Méaux, fondatrice de
l'agence Image 7
Xavier
Fontanet, ancien patron d'Essilor (leader mondial du verre
correcteur), aime ainsi truffer son discours de références à l'épopée
napoléonienne, estimant qu'il y a «des leçons à tirer de sa tactique pour
s'imposer dans la campagne d'Italie, de ses ruses pour l'emporter à Austerlitz,
même de sa défaite à Waterloo».
Laurent Burelle, PDG de Plastic
Omnium et patron de la très puissante Afep (Association française des
entreprises privées, le saint des saints du capitalisme français) depuis
mai 2017, est un autre inconditionnel de Napoléon. Est-ce le
secret de ce patron atypique et fougueux qui, depuis 2000, a quasiment
quintuplé le chiffre d'affaires de son groupe, doublé ses effectifs
(25 000 personnes), quadruplé le nombrede ses usines (127 dans le monde)
et fait de Plastic Omnium le premier fournisseur mondial de pièces de
carrosserie et de réservoirs à carburant pour véhicules? «Les voyageurs, les
militaires, les grands conquérants avaient un grand rêve. J'y vois un parallèle
avec les entrepreneurs du monde moderne», expliquait-il au magazine Challenges.
Curieusement, les grands patrons
français ne sont pas si nombreux à partager l'enthousiasme de Martial Lapeyre,
Xavier Fontanet ou Laurent Burelle pour Napoléon. Pourquoi? Anne Méaux,
fondatrice de l'agence Image 7 qui conseille nombre de grands patrons dans leur
communication, avance une première explication: «Napoléon était un
hypercentralisateur. Or aujourd'hui, tous les patrons ont compris qu'il fallait
s'entourer de bras droits compétents et savoir déléguer. Sinon, on est sûr de
finir à Sainte-Hélène comme Napoléon!»
Un modèle controversé en
france
Historien et écrivain, Alexis
Suchet s'est intéressé de près au manager qu'était Napoléon. Il a même écrit un
livre sur le sujet, Napoléon et le management(Editions Tallandier,
2004), traduit depuis en russe («On m'a dit que Poutine l'avait lu… et
apprécié», dit-il) et bientôt en chinois. Lui aussi a constaté les réticences
des dirigeants hexagonaux à s'affirmer bonapartistes: «Napoléon est une forme
d'inspiration pour les grands patrons, mais étrangement en France, il est
difficile de l'afficher ouvertement, sous peine de passer pour un autocrate ou
d'être accusé d'avoir perdu le sens de la mesure. Le personnage reste
controversé dans notre pays alors qu'il ne l'est pas ailleurs, notamment en
Russie et aux Etats-Unis. Même si c'était un grand génie, il n'y a pas de rue
Napoléon à Paris et quasiment aucun lycée qui porte son nom en France, sauf
peut-être en Corse!»
Napoléon était, lui aussi, un
as du storytelling ! Il savait parfaitement scénariser ses succès, faire rêver
les Français avec ses campagnes militaires lointaines
Pour ce descendant direct du
maréchal Suchet et de Joseph Bonaparte, c'est l'entrepreneur Jeff Bezos,
fondateur d'Amazon, qui incarne aujourd'hui le mieux, à ses yeux, la figure de
Napoléon. «C'est un homme qui est parti de rien, et qui est parvenu, comme lui,
à se construire un destin, explique-t-il. Jeff Bezos est dans une logique de
contrôle du monde très intéressante: Amazon a une position stratégique sur 14
des 15 principaux secteurs d'activité de l'économie américaine. Jeff Bezos
a par ailleurs une capacité exceptionnelle pour organiser et planifier les
choses, un peu comme Napoléon savait préparer ses batailles et articuler dans
le détail les rouages du fonctionnement de l'Etat.»
» LIRE AUSSI - Elon
Musk, l'homme qui invente le futur
Autres incarnations modernes de
Napoléon Bonaparte, selon lui: Carlos Ghosn, PDG de l'alliance Renault-Nissan,
«parce qu'il a tout compris de la mondialisation», ou encore Elon Musk, PDG de
Tesla (véhicules électriques) et de SpaceX, qui conçoit, construit et
commercialise les lanceurs spatiaux Falcon 9 et le vaisseau cargo Dragon:
«C'est un homme qui a l'art de construire une histoire autour de son aventure
entrepreneuriale», estime Alexis Suchet.
Napoléon était, lui aussi, un as
du storytelling! Il savait parfaitement scénariser ses succès, faire rêver les
Français avec ses campagnes militaires lointaines, et au besoin, il n'hésitait
pas à prendre la plume pour relater lui-même ses exploits. Il jouait son
personnage avec talent, incarnant, malgré sa petite taille, la grandeur d'une
France toujours prompte à se rêver un destin particulier. Quelle silhouette
est-elle plus reconnaissable que la sienne dans le film de l'Histoire, mises à
part peut-être celles de Charlot, de Churchill ou du général de Gaulle?
Un «chef d'état manager»
«Napoléon avait ce genre de
politique consistant à gratifier ses très hauts potentiels. On a parlé à ce
sujet d'une économie de la gloire»
Thierry Lentz, directeur général
de la Fondation Napoléon
Autre clé de son succès: Napoléon
savait parfaitement manager les hommes. La veille des grandes batailles, il
prenait soin d'expliquer à ses soldats la stratégie du lendemain. Il y voyait
une marque de respect, mais aussi une manière d'encourager chacun à se
dépasser, à donner le meilleur de lui-même.
«J'ai un peu retrouvé cela chez
Bouygues», confie Thierry Lentz, qui, après une brillante carrière chez le roi
du BTP, a décidé de rejoindre la Fondation Napoléon, dont il est aujourd'hui le
directeur général. «Francis Bouygues répétait souvent que c'est dans la
locomotive qu'il faut mettre le charbon, justifiant sa politique de promotion
des hauts cadres et ouvriers les plus performants. Napoléon avait ce genre de
politique consistant à gratifier ses très hauts potentiels. On a parlé à ce
sujet d'une économie de la gloire. Napoléon était parvenu à créer une
contrepartie à celle-ci à travers les récompenses qu'il octroyait, comme la
Légion d'honneur ou les titres nobiliaires.»
Napoléon fut le premier «chef
d'Etat manager», a dit l'historien Jacques Jourquin. Il était aussi doué pour
bien s'entourer et pour ce faire, il n'hésita pas à s'appuyer sur de nouvelles
élites sélectionnées non plus d'après leur naissance (comme dans l'Ancien
Régime) ou de façon idéologique (comme durant la période révolutionnaire), mais
d'après le seul critère qui vaille à ses yeux: la compétence. C'est à cette fin
qu'il créa le Conseil d'Etat, «une sorte d'ENA avant la lettre», explique
Thierry Lentz. «Il est amusant que ses compagnons de travail privilégiés aient
été les membres du Conseil d'Etat. C'est pareil avec Emmanuel Macron
aujourd'hui: ses principaux collaborateurs sont des membres du Conseil d'Etat!»
remarque le politologue Alain Duhamel qui, pour Le Figaro Magazine,
s'amuse à déceler plusieurs points communs entre Napoléon et le président de la
République. Ce n'est peut-être pas tout à fait par hasard si ce dernier a
choisi d'aller se recueillir devant le tombeau de l'Empereur, aux Invalides,
lorsqu'il a reçu Donald Trump à Paris, en juillet 2017.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire