mercredi 30 mai 2018

Islamisme et politique 29.05.2018


Fusillade à Liège : un homme tue deux policières et un passant avant d'être abattu (29.05.2018)
Un Belge radicalisé sème la terreur à Liège (29.05.2018)
Attaque terroriste de Liège : la Belgique, un foyer du djihadisme en Europe (29.05.2018)
Mathieu Bock-Côté : «Réseaux sociaux, entre libération de la parole et nouvelle culture inquisitoriale» (29.05.2018)

L'humoriste Yassine Belattar ne fait plus rire les directeurs de salles de spectacle (22.11.2017)
Gérald Bronner : « Les sociologues doivent être des scientifiques, pas des militants » (06.10.2017)
Mamoudou Gassama, le Malien qui a sauvé un enfant, a été régularisé (29.05.2018)
Mamoudou, des enfers de la clandestinité aux ors de l'Élysée (28.05.2018)
Mamoudou Gassama : Macron glorifie les héros du quotidien (28.05.2018)
Petit garçon sauvé à Paris : à partir de quel âge un enfant peut-il rester sans surveillance ? (29.05.2018)
Biodiversité : «La France, l'Europe et le monde connaîtront-ils le destin de l'île de Pâques ?» (29.05.2018)
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Guillaume Perrault : «En Italie, le choc de deux légitimités» (29.05.2018)
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Génocide arménien : l'horreur mise à nu (16.01.2015)
Génocide arménien : la colère turque après le vote allemand (02.06.2016)
Accord à Paris sur des élections en Libye en décembre (29.05.2018)
Jean-Claude Juncker met l'Europe centrale à la diète (29.05.2018)
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Le Sénat enquête sur le malaise policier (29.05.2018)
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Affaire Ramadan : une plaignante modifie sa version (29.05.2018)
Free Tommy Robinson
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La crise politique à Rome fait trembler les marchés européens (29.05.2018)
Stratégie, motivation, management : comment Napoléon a tout inventé (18.05.2018)
Fusillade à Liège : un homme tue deux policières et un passant avant d'être abattu (29.05.2018)
Par Camille Calvier et AFP, Reuters AgencesMis à jour le 29/05/2018 à 15h13 | Publié le 29/05/2018 à 12h28
VIDÉOS - Deux autres policiers ont été blessés. Le dossier a été confié au parquet fédéral, compétent en matière de terrorisme.
Une fusillade a éclaté ce mardi matin dans le centre-ville de Liège en Belgique, sur le boulevard d'Avroy à hauteur du café des Augustins. Deux policières, ainsi que le passager d'une voiture qui circulait dans le quartier à ce moment-là, ont été tuées. L'assaillant a été abattu par les agents du peloton anti-banditisme de la police de Liège. Deux autres policiers ont également été blessés. Le dossier a été confié au parquet fédéral, compétent en matière de terrorisme.
L'attaque a été qualifiée d'acte terroriste par le procureur de Liège, Philippe Dulieu, lors de la conférence de presse qui s'est tenue avec la police et le bourgmestre de la ville, Willy Demeyer. Vers 10h30, l'assaillant a d'abord agressé les deux policières au couteau avant de s'emparer de leurs armes de services, avec lesquelles il les a abattues, a expliqué le procureur. Il a ensuite fait feu sur le passager d'une voiture, un jeune homme de 22 ans, qui est mort.
» VOIR AUSSI - Attaques à Liège: les deux policiers abattus sont des femmes
Dans la foulée, le suspect s'est retranché dans un lycée, l'Athénée Léonie de Waha, où il a pris une femme en otage. Probablement une employée de l'établissement scolaire. Il a été abattu en voulant sortir de l'établissement. «Plusieurs» autres policiers ont été «blessés aux jambes» à ce moment-là, a ajouté Philippe Dulieu. Les élèves du lycée ont été évacués et encadrés par une équipe psychosociale, a annoncé le bourgmestre de Liège. L'école rouvrira ses portes à partir de jeudi.
L'affaire a été mise à l'instruction pour présomption d'infraction terroriste. Le premier ministre Charles Michel et le ministre de l'Intérieur Jan Jambon ont tout deux réagi sur Twitter, en exprimant leurs pensées pour les victimes.
L'organisme chargé de l'analyse de la menace terroriste, l'OCAM, a confirmé le niveau 2 de la menace, a annoncé la police. Le premier ministre et le Roi Philippe sont en train de se rendre sur les lieux.
Emmanuel Macron a réagi quelques heures après cette «terrible attaque». Il a fait part de la «solidarité» de la France avec la Belgique. «Il est sans doute trop tôt pour s'exprimer mais je voulais adresse toutes les condoléances et la solidarité de la France «à l'égard de nos voisins Belges», a déclaré le président français.
» VOIR AUSSI - Attaque à Liège: «l'individu a agressé deux policiers, leur donnant de multiples coups de couteau» (procureur)
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Un Belge radicalisé sème la terreur à Liège (29.05.2018)

Par Jean-Jacques Mével
Mis à jour le 29/05/2018 à 20h05 | Publié le 29/05/2018 à 20h04
Cet homme de 31 ans, dont l'objectif était d'attaquer la police, a tué trois personnes dont deux policières, avant d'être abattu mardi à Liège, dans l'est du pays. L'acte est qualifié de «terroriste» par la justice belge.
Correspondant à Bruxelles

Un homme tout en noir qui poignarde deux femmes policières dans le dos, les achève par balles près du trottoir, tue une troisième personne de sang-froid, avant de prendre un otage dans une école et d'être finalement abattu… La ville de Liège et la Belgique ont replongé mardi dans une atmosphère de terreur, trois ans après avoir pleuré la trentaine de victimes du double attentat djihadiste de Bruxelles et Zaventem. Le bilan de la tuerie de Liège s'élève à quatre morts: les deux policières municipales, surprises en plein soleil lors d'une paisible patrouille, un homme de 22 ans, qui avait le tort d'attendre dans une voiture garée non loin, et le tueur. Des policiers ont été blessés aux jambes dans l'ultime échange de tirs, mais leurs jours n'étaient pas en danger.
Les motivations du triple meurtrier se sont précisées en fin de journée. L'enquête a été confiée à un juge d'instruction antiterroriste, car «des éléments vont dans la direction d'un acte terroriste», selon le parquet fédéral belge. Le parquet de Liège n'a pas voulu confirmer que l'assaillant aurait crié «Allah akbar!» en s'attaquant aux policières, comme l'ont évoqué certains médias belges.
L'homme, présenté comme « Benjamin H. », né en 1987, était fiché par la police pour ses contacts en prison avec des islamistes, d'après plusieurs sources
L'homme, présenté comme «Benjamin H.», né en 1987, était fiché par la police pour ses contacts en prison avec des islamistes, d'après plusieurs sources. «Le suivi des détenus radicalisés reste tragiquement défaillant», commente sur Twitter le député fédéral Georges Dallemagne, autorité dans plusieurs commissions parlementaires liées à la sécurité intérieure. Condamné à une peine de prison non précisée pour vols et trafic de stupéfiants, «Benjamin H.» avait bénéficié lundi d'une permission de sortie «afin de préparer sa réinsertion». Il pourrait avoir fait une quatrième victime: d'après le quotidien flamand De Standaard, la police lie sa présence à Liège au meurtre d'un complice, dont le cadavre a été retrouvé lundi au sud de la ville.
L'Ocam, organisme fédéral chargé d'évaluer le risque terroriste, ne paraît pas s'attendre à des répliques. Il a décidé dans l'après-midi de maintenir l'alerte au niveau 2, ce qui correspond à une menace «peu vraisemblable». Sur cette échelle, l'index avait été porté à 4 après les attentats du 22 mars 2016, puis maintenu à 3 jusqu'en janvier dernier.

- Crédits photo : SOCIAL MEDIA/REUTERS
Une employée prise en otage
Le film de l'attaque s'est reconstitué au fil de la journée. Mardi matin, à Liège, tout commence vers 10 h 30 sur le boulevard d'Avroy, une grande artère. Les deux femmes, employées de la police locale, sont «agressées par l'arrière», recevant «de multiples coups de couteau», explique le procureur Philippe Dulieu. La chaîne belge RTBF mentionne un «cutter». L'assaillant s'empare d'une voire de deux armes portées par les policières et les abat sans ciller. Il fait feu ensuite contre le passager d'une voiture stationnée près de là. Les images diffusées sur les réseaux sociaux et par les télévisions belges permettent de reconstituer la suite de l'échappée de «Benjamin H». Il s'engouffre dans un lycée, l'Athénée Leonie de Waha, et prend une employée en otage. Le bouclage lancé par la police antibanditisme commence, les enfants sont évacués par l'arrière. Le tueur lâche sa prisonnière et sort de l'école comme pour inspecter la rue. Une arme dans chaque main, il déclenche un feu nourri. Il est abattu par les policiers.
Les deux policières tuées à Liège étaient âgées de 45 et 53 ans. La première était mère d'un garçon de 25 ans, la seconde élevait des jumelles de 13 ans.
Depuis les attentats de 2016, la Belgique a connu une série d'attaques similaires contre des policiers et des militaires. La dernière considérée comme terroriste s'est produite le 25 août dernier: un homme d'origine somalienne a agressé des soldats au couteau, blessant légèrement un d'eux, en criant «Allah akbar» au cœur de Bruxelles. Il a été abattu.
En septembre 2016 à Molenbeek, refuge de Salah Abdeslam, deux policiers avaient essuyé des coups de couteau sans être blessés, grâce au port de leur gilet pare-balles. Le 6 août 2016, un Algérien vivant en Belgique avait attaqué à la machette deux policières à Charleroi, les blessant au visage et au cou avant d'être abattu. L'État islamique (EI) avait revendiqué l'attaque.

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Attaque terroriste de Liège : la Belgique, un foyer du djihadisme en Europe (29.05.2018)
Par Georges Malbrunot et Service InfographieMis à jour le 29/05/2018 à 18h54 | Publié le 29/05/2018 à 18h10
DÉCRYPTAGE - Quelque 450 ressortissants belges sont allés combattre en Syrie et en Irak, ce qui, en proportion de sa population, place le pays parmi les États européens qui comptent le plus de djihadistes au Levant.

Même si les motivations djihadistes de l'auteur de l'attaque restent à établir, l'attentat de Liège rappelle que la Belgique est l'une des cibles européennes les plus régulièrement visées par les terroristes islamistes, ces dernières années.
Le 22 mars 2016, deux attentats commis par des kamikazes, le premier à l'aéroport de Bruxelles, le second dans le métro, tuent 32 personnes et en blessent plusieurs centaines d'autres. Ils sont revendiqués quelques heures après par l'État islamique (EI). Le 6 août 2016, un Algérien vivant en Belgique attaque à la machette deux policières à Charleroi aux cris d'«Allah Akbar» (Dieu est grand), les blessant au cou avant d'être abattu. Le lendemain, Daech revendique, une nouvelle fois, l'attaque. Le 25 août 2017, un homme de 30 ans d'origine somalienne agresse des soldats au couteau, blessant légèrement l'un d'eux, en criant lui aussi «Allah Akbar» en plein cœur de Bruxelles, avant d'être abattu.
Quelque 450 Belges sont allés en Syrie et en Irak faire le djihad, ce qui, en proportion de sa population, place la Belgique parmi les pays européens qui comptent le plus de djihadistes au Levant. Dix pour cent d'entre eux étaient membres ou gravitaient autour de l'organisation islamiste dissoute Sharia4Belgium.
De nombreux Belges ont été tués à Ramadi en Irak, lorsque la coalition internationale a repris la ville fin 2015 à Daech. D'autres ont été arrêtés et sont emprisonnés à Bagdad et dans le nord-est de la Syrie par les Kurdes, alliés des Occidentaux contre Daech. L'un d'eux, Tariq Jadaoun, alias Abou Hamza al-Belgiki, attire l'attention de nombreux services de renseignements. À Bagdad, devant les agents de la CIA, al-Belgiki, 30 ans, a reconnu qu'il était directement impliqué dans plusieurs projets d'attentats, dont deux visant l'Europe, et qu'il s'était, lui-même, porté candidat pour y participer. Jadaoun a aussi déclaré que l'EI cachait toujours des terroristes en Europe. Le parquet fédéral belge veut l'interroger, mais Bagdad n'a pas encore répondu à cette demande. Arrêté en juillet 2017 pendant la bataille de Mossoul, Jadaoun a été condamné à mort, la semaine dernière, par un tribunal irakien.
La première femme kamikaze en Irak
En septembre, un ancien membre de Daech, repenti, mettait en garde contre le rôle que pourrait jouer al-Belgiki dans de nouveaux attentats en Belgique. Bruxelles n'entreprend aucune démarche pour faire revenir ses djihadistes pour être jugés dans le pays. «Il n'est ni dans l'intérêt de la Belgique, ni dans celui de notre sécurité nationale que ces personnes reviennent», affirme Jan Jambon, ministre de l'Intérieur.
L'auteur de l'attentat de Liège entretenait-il des liens avec Daech? Était-il en contact avec un «tutoriel» de l'EI dans le Nord-Est syrien, qui essaie d'échapper à la traque faite aux djihadistes étrangers par les forces spéciales américaines et françaises? Depuis le début des années 2000, les filières belgo-marocaines sont au cœur de l'islamisme radical. En 2005, Murielle Degauque, surnommée la «boulangère belge», était la première femme à devenir kamikaze en Irak, qu'elle avait rejoint au volant de sa Peugeot 205.

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Mathieu Bock-Côté : «Réseaux sociaux, entre libération de la parole et nouvelle culture inquisitoriale» (29.05.2018)
Par Mathieu Bock-Côté
Mis à jour le 29/05/2018 à 14h48 | Publié le 28/05/2018 à 18h30
CHRONIQUE - Pour notre chroniqueur, la révolution des médias sociaux permet d'imposer dans le débat public des sujets auparavant ignorés, mais encourage aussi la traque du « dérapage ».
De plus en plus, dans le monde occidental, Facebook s'impose comme un enjeu politique à part entière, comme en témoigne l'actuelle préoccupation pour la sécurité des données. Mais il nous faut élargir considérablement la réflexion pour voir comment les réseaux sociaux bouleversent la démocratie. En moins d'une décennie, l'espace public des sociétés occidentales a été transformé de part en part par l'arrivée des médias sociaux. Si les grands médias traditionnels encadrent encore globalement le débat public, ils n'ont plus le monopole sur sa définition. En fait, l'espace public et l'espace médiatique ne se recoupent plus nécessairement. Longtemps, les courants politiques minoritaires étaient condamnés aux marges et aux publications confidentielles. Il arrivait qu'on parle d'eux, mais rarement ils parvenaient à parler en leur propre nom: ils jouaient le rôle qu'on leur réservait et il était rarement avantageux. Associés à une étiquette infamante, ils représentaient souvent dans le débat public la mauvaise part de l'homme, dont la cité devait se méfier. Le conservatisme a connu ce mauvais sort. La donne a changé avec les médias sociaux. Ils ont permis une démocratisation du débat public: des inquiétudes populaires peuvent remonter à la surface de la vie publique et il est de plus difficile de les censurer pour éviter qu'elles ne fissurent l'idéologie dominante, qui se déploie aujourd'hui grâce au grand récit de la diversité heureuse. La pression populaire oblige la cléricature médiatique à tenir compte de certains aspects du réel qu'elle avait tendance à bouder.
Mais on voit de plus en plus l'envers du décor de cette nouvelle réalité. Ce nouvel espace public est soumis à un encadrement de plus en plus tatillon et se montre particulièrement favorable à des pratiques qui relèvent de la délation pure et simple. On l'a vu au Québec tout récemment. De plus en plus, lorsque de nouveaux candidats se lancent en politique, on scrute leur historique sur les médias sociaux pour y retrouver un «like» malheureux ou un partage Facebook inconvenant ou clairement regrettable. On comprend qu'il faut se présenter dans la vie publique avec un dossier numérique vierge. La transparence, ici, confirme encore qu'elle est traversée par une tentation totalitaire: ce qui aurait relevé en d'autres temps de la conversation de bistrot est rétrospectivement considéré comme une prise de parole publique pouvant servir à condamner l'imprudent d'hier ou d'avant-hier. C'est la culture de la capture d'écran: on surveille l'autre à la recherche d'un dérapage qu'on pourra ensuite transformer en buzz. On assiste moins à la polarisation de la vie politique qu'à son hystérisation et au développement de méthodes policières qui en viennent à corrompre l'esprit public en normalisant une culture inquisitoriale. On débat moins entre camps adverses qu'on cherche avec malveillance le tweet qu'on pourra alors monter en épingle.
Un espace public rarement neutre
Mais ce contrôle idéologique peut aller plus loin surtout lorsqu'il est pris en charge par les géants numériques eux-mêmes. La question se pose de plus en plus: doivent-ils resserrer le périmètre des propos autorisés sur le web? On l'a vu concrètement, tout récemment, lorsque Facebook, sous l'apparente pression du pouvoir politique, a fermé sans préavis la page des Identitaires, après leur coup d'éclat du col de l'échelle. Il n'est nul besoin d'éprouver la moindre sympathie pour cette mouvance pour s'inquiéter de cette forme brutale de censure, qui consiste à bloquer directement l'accès à l'espace public à un courant de pensée. Le rôle joué par Facebook dans la construction de la vie publique aujourd'hui nous empêche d'y voir seulement une entreprise privée discriminant selon des critères arbitraires entre ceux qui ont accès à l'espace public et les autres. L'appel à la responsabilité éthique des médias sociaux, régulièrement lancé par les gouvernants, semble correspondre à un désir de régulation idéologique du débat public. De la même manière, la volonté de combattre les fake newsrelève peut-être moins d'un désir d'assurer une information de qualité au débat démocratique que de maîtriser pleinement le récit public.
La question de la parole publique légitime va bien au-delà de la tentative de contenir les mouvements politiques protestataires. On en a la triste confirmation, en fait, lorsqu'on constate que cette censure s'applique à des intellectuels qui font le pari de se faire entendre sur la place publique. Le professeur Laurent Bouvet s'est distingué, ces dernières années, comme un critique aussi brillant qu'efficace de l'éclatement communautariste de la société française. Mais sa parole dérange, manifestement. Récemment, sur Twitter, il a vu ses messages associés à une mise en garde avertissant que leur contenu pouvait être outrageant et contredisait les règles du réseau social concernant les comportements inappropriés. Qui décide de telles mises en garde, et selon quels critères? On notera qu'au même moment, les comptes qui font l'apologie de l'islamisme ne manquent pas et ne sont pas systématiquement inquiétés. Pour peu qu'on parle sérieusement, nous assistons à une entreprise de disqualification d'une figure publique essentielle en lui associant une étiquette infamante. En d'autres mots, Twitter accroche au cou de certains une clochette de mise en garde pour annoncer que leurs positions sont moralement inadmissibles. Le pluralisme intellectuel en souffre terriblement et la démocratie est falsifiée.
On en tirera une leçon: l'espace public est rarement neutre. Certains y sont bienvenus, d'autre pas. Aujourd'hui, tout ce qui n'alimente pas la pédagogie diversitaire y est suspect. L'idéologie dominante chercher naturellement à exclure de la vie publique ses détracteurs, ou du moins, à les placer dans une situation désavantageuse, à les présenter de telle manière qu'ils auront le triste rôle de repoussoir. On ruinera leur réputation: on les décrétera infréquentable. Avant même de les entendre, on avertira qu'il faut se méfier d'eux. On les dira sulfureux ou même nauséabonds, pour les tenir à distance. Le lexique est connu et il faudra un jour écrire un dictionnaire de la diabolisation politique. Notre époque secouée par de vrais bouleversements exige un débat politique qui doit se délivrer du dispositif inhibiteur qu'est le politiquement correct. Un temps, il ne s'imposait pas aux réseaux sociaux. Ce n'est plus le cas. Comme quoi il faudra aussi y mener la bataille pour la liberté d'expression pour redonner une substance authentique à la démocratie.

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L'humoriste Yassine Belattar ne fait plus rire les directeurs de salles de spectacle (22.11.2017)
Par Le figaro.fr
Publié le 22/12/2017 à 17h18
VIDÉOS - Selon l'hebdomadaire Marianne, le trentenaire «entretient le déni de l'islamisme» et serait un communautariste «shooté au néoracisme». Le comique a vu plusieurs représentations de sa tournée Ingérable être annulées. Une «image sulfureuse» et un «article mensonger», selon l'intéressé.
«Yassine Belattar, faux clown et vrai danger». Le titre du portrait réalisé par Marianne , publié le 15 décembre, donne le ton. L'hebdomadaire y accuse l'humoriste français d'entretenir «le déni de l'islamisme», et d'être, au mieux, vulgaire et choquant, au pire, un dangereux communautariste «shooté au néoracisme». Le papier relève également plusieurs phrases tirées de son spectacle Ingérable, comme: «Je ne suis pas Charlie, je ne suis pas Nice (...) j'ai le droit de choisir mes deuils».
En réaction à cet article, plusieurs internautes ont pris la défense de Yassine Belattar, accusant le journaliste de déformer ses propos, en particulier les phrases incriminées. Marianne a alors publié un article apportant quelques «précisions», et maintient les accusations originelles.
Quant à Yassine Belattar, il préfère jouer de l'humour. Il a publié une vidéo sur son compte Facebook «caricaturant la caricature» de Marianne, où il se met en scène comme un terroriste en puissance.
La blague n'a pas fait rire les directeurs de salles de spectacle. Jeudi, l'humoriste est devenu un «clown triste, très triste», selon ses propres mots, après avoir vu plusieurs représentations de sa tournée annulées, à «Marseille, Nancy, Sausheim ou encore Bordeaux». L'auteur dénonce une nouvelle fois un «article mensonger» qui aurait poussé les distributeurs à «céder à une image sulfureuse dont je suis victime».
«Je ne savais pas que se dire Français offrait autant d'inconvénients», ajoute-t-il, précisant que cette situation était «très certainement l'un des pires moments de [sa] carrière».
L'humoriste, soutien de François Hollande et Emmanuel Macron en 2012 et en 2017, est aujourd'hui défendu par Arrêt sur images qui dénonce la «fabrication d'un ennemi» et «quelques libertés avec l'exactitude» dans le portrait de Marianne.
«Belattar tire à la mitraillette sur tout ce qui bouge, et surtout si c'est bronzé (les Algériens, les Marocains, bref les reubeus constituent son premier sujet de poilade). Son public est son souffre-douleur. Il ne rate pas une occasion de vanner les femmes voilées qui viennent l'applaudir, écrit notamment Libération . Belattar adore se moquer des musulmans mais pas de l'islam. Et c'est pour cela qu'il n'a jamais aimé la “ligne éditoriale de Charlie”». «On ne peut pas, sauf à vouloir délibérément travestir la réalité, écrire que la croisade de Belattar est le “déni de l'islamisme”, ou la promotion d'un comique communautaire musulman. Car c'est exactement le contraire», explique le quotidien.
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Gérald Bronner : « Les sociologues doivent être des scientifiques, pas des militants » (06.10.2017)

Par Eugénie Bastié
Publié le 06/10/2017 à 17h06
INTERVIEW - Dans Le Danger sociologique, qui suscite un vif débat, Gérald Bronner et Étienne Géhin alertent sur les dérives d'une discipline qui cède à l'idéologie et perd de vue sa vocation scientifique.
LE FIGARO. - Votre livre est intitulé «Le Danger sociologique». Pourquoi ce titre?
GÉRALD BRONNER. - Le titre est à double sens. La sociologie est une science en danger. Certains discours qui émanent de la sociologie, qui ne sont pas représentatifs des avancées scientifiques, sont devenus envahissants dans l'espace public. Mais la sociologie est aussi un danger, lorsqu'elle devient une idéologie et qu'elle produit des effets de déresponsabilisation dans la société. Ce que nous voulons dire dans notre livre, c'est tout simplement que la sociologie ne doit pas être «un sport de combat» (selon le titre d'un documentaire dédié à Bourdieu), mais une science. La vocation de la sociologie doit être modeste. Elle ne doit pas se donner une mission politique. Par exemple, elle n'a pas pour ambition de réduire les inégalités, mais de démontrer qu'il existe des inégalités. La science démontre que la terre est ronde et pas plate, elle n'a pas à dire si c'est bien ou mal! En tant que citoyens, nous sommes porteurs de valeurs, mais ce n'est pas le rôle de la sociologie de les porter! La neutralité axiologique, c'est la liberté par rapport aux valeurs. Cela ne signifie pas que les sociologues doivent être des anges au-dessus de la mêlée planant dans un arrière-monde métaphysique. Nous proposons une sociologie analytique qui s'appuie notamment sur les derniers développements des sciences cognitives pour éclairer d'un jour nouveau certaines dérives de la sociologie critique.
Quelles sont ces dérives?
La principale dérive est selon nous le refus de la science au nom de l'idéologie. L'idéologie, c'est la volonté de subordonner les catégories du vrai et du faux à celles du bien et du mal. Karl Popper disait qu'une théorie était scientifique si elle pouvait être réfutée. Or la théorie du genre, par exemple, se soustrait à la critique en niant le fait qu'elle soit une théorie. Les études de genre sont nombreuses et diverses. Que disent-elles? Qu'il y a une part de social dans la différence entre l'homme et la femme, qui ne saurait être réduite à la seule biologie. Il n'y a pas beaucoup de théoriciens du genre qui nient l'existence d'une différence biologique, pourtant dans le fond tous les travaux tendent vers cette focale, qui est non dite. Cet hyperculturalisme aboutit à un refus aberrant de dialogue avec les sciences cognitives ou la biologie. En partant du postulat selon lequel le social doit s'expliquer par le social, on se prive de nombreuses avancées.
«Expliquer, c'est déjà vouloir un peu excuser», avait dit Manuel Valls à propos de sociologues qui auraient justifié par des causes sociales les attentats. Le premier ministre de l'époque avait-il raison?
La déclaration de Manuel Valls est indéfendable, c'est une négation de la science. Mais on comprend ce qu'il a voulu dire. Une version hyperdéterministe de la sociologie tend à nier la liberté individuelle pour la noyer dans des causes sociales. Ainsi Geoffroy de Lagasnerie qui expliquait que les djihadistes du 13 novembre 2015 «ont plaqué des mots djihadistes sur une violence sociale qu'ils ont ressentie quand ils avaient 16 ans». De plus, ces modèles hyperdéterministes ne s'interrogent pas assez sur les entités collectives qu'ils utilisent comme le «pouvoir», qu'ils dotent d'une conscience et d'une volonté. Ils tombent dans ce qu'on appelle le «biais d'intentionnalité». Certains sociologues, disciples de Foucault, déduiront du fait qu'il y a plus de personnes d'origine étrangère en prison l'existence d'un «racisme d'État», ou bien certaines féministes déduisent-elles des chiffres de la violence envers les femmes l'existence d'un «patriarcat», une entité justifiant cette violence. Ce finalisme, qui consiste à confondre causalité et fonction sociale, prépare le terrain à une forme de conspirationnisme.
«Il faut aussi, je crois, réinjecter la part du hasard, qui est l'hôte indésirable de la pensée.»
Le sociologue Gérald Bronner
Mais n'est-ce pas le propre de la sociologie d'être déterministe?
Notre but n'est pas de réhabiliter le libre arbitre mais de définir quels sont les modèles intellectuels les plus efficaces pour décrire et expliquer les phénomènes sociaux. Les dernières avancées des sciences du cerveau donnent une part grandissante à l'arbitrage. Il faut aussi, je crois, réinjecter la part du hasard, qui est l'hôte indésirable de la pensée. De plus, les modèles intellectuels ultradéterministes peuvent avoir un caractère performatif. Ils ont parfois pour effet de démotiver un certain nombre d'individus. Ainsi, on s'est rendu compte que les différences de réussite scolaire entre des enfants d'immigrés d'Asie du Sud-Est et des enfants d'autres populations d'origine immigrée s'expliquaient essentiellement par la promotion d'un discours méritocratique plutôt que victimaire dans ces familles. L'inégalité des chances est un fait, mais elle s'accroît si les individus se lancent dans la vie persuadés que les jeux sont faits!
Les tenants de la sociologie critique et de la vulgate foucaldo-bourdieusienne sont-ils majoritaires à l'université?
La question est de savoir si les tenants de la sociologie critique sont majoritaires dans le monde scientifique ou bien s'ils parlent simplement plus fort. Il y a eu une étude de l'INA sur les talk-shows publiée en 2017: parmi les personnes les plus invitées sur les plateaux entre 2010 et 2015, on trouve en premier Patrick Bruel, et en deuxième Éric Fassin, sociologue militant par excellence. Si on prend les noms les plus recherchés de la sociologie, on s'aperçoit que Bourdieu et Foucault écrasent partout dans le monde Boudon et Coleman, tenant de la sociologie analytique. Ce sont ces auteurs critiques qui sont enseignés à l'université, comme le montre le volume de recherches sur Internet corrélé au calendrier universitaire. Il y a une intimidation morale très forte, notamment sur les campus américains. Quiconque va à l'encontre de la doxa est immédiatement traité de «réactionnaire».
Pourquoi un tel succès?
La pensée critique crée une forme de halo. Il y a un effet de dévoilement: on a l'impression de comprendre tout d'un coup les clefs d'un monde ultracomplexe. Le doute a des droits, mais il a aussi des devoirs, et le premier est de mettre à distance ses intuitions. Ce n'est pas parce qu'une théorie procure un sentiment de satisfaction intellectuelle qu'elle est vraie. Elle s'appuie sur un biais cognitif bien connu: le monocausalisme, qui voudrait trouver une cause unique à tous nos maux. Il y a une grande tentation de la science à chercher le primo mobile, la cause première. Nous sommes pétris de mots totems comme «néolibéralisme», «réactionnaire», qui sont utilisés sans être définis. Il y a aussi une tendance héritée peut-être du marxisme, à tout ramener à la cause économique. L'hyper esprit critique s'est retourné contre l'esprit critique. La relativisation des valeurs a abouti à la négation de la vérité.
«Post-vérité» a été élu mot de l'année par le dictionnaire d'Oxford. Que pensez-vous de ce concept?
Je m'intéresse beaucoup aux croyances collectives, et j'ai écrit un livre qui s'appelle La Démocratie des crédules, où je pointais les dangers de la dérégulation du marché de l'information, qui permet notamment le développement des théories du complot. Pour autant, je ne crois pas que les individus soient devenus «indifférents» à la vérité. Notre cerveau n'a pas muté. Mais ce qui est vrai, c'est que le mensonge est plus disponible sur le marché de la connaissance. Or, comme nous sommes spontanément des avares cognitifs, des feignants intellectuels, nous allons vers ce qui nous paraît le plus simple, les effets de dévoilement qui nous donnent l'impression de maîtriser facilement le monde. Il est prouvé scientifiquement que rétrojuger sur nos intuitions premières est coûteux énergétiquement! Sortir de nos réflexes cognitifs exige un effort, mais c'est le pari que nous faisons dans ce livre: une démocratie de la connaissance est possible!
Le Danger sociologique (PUF, 238 p., 17€). Gérald Bronner est professeur de sociologie à l'université Paris Diderot et Étienne Géhin est agrégé de philosophie et ancien maître de conférences en sociologie.

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Mamoudou Gassama, le Malien qui a sauvé un enfant, a été régularisé (29.05.2018)

Par Marie-Alix Dagry
Mis à jour le 29/05/2018 à 15h21 | Publié le 29/05/2018 à 13h12
VIDÉO - Ce mardi matin, Mamoudou Gassama a obtenu un titre de séjour à la préfecture de Seine-Saint-Denis, après avoir été reçu à l'Élysée lundi par le président Emmanuel Macron.
Le «héros» a été régularisé. Mamoudou Gassama est arrivé à 10h ce mardi matin à la préfecture de Seine-Saint-Denis, à Bobigny, en sweat noir et jogging gris, accueilli par le préfet Pierre-André Durant et une foule de journalistes. Il venait récupérer un récépissé, le temps que sa carte de séjour soit fabriquée dans les prochaines semaines. «Il dispose désormais d'un titre de séjour qui va lui permettre de vivre, de travailler normalement dans notre pays», a déclaré le préfet de Seine-Saint-Denis. Parallèlement, le dossier de demande de naturalisation lui a été transmis et donc nous allons à nouveau travailler avec lui pour mettre en place ce processus». Grâce au papier qui lui a été remis, il pourra en effet travailler en France et entamer sa procédure de naturalisation. Le jeune Malien de 22 ans avait accompli un acte héroïque en escaladant les quatre étages de la façade d'un immeuble pour sauver un enfant de 4 ans, suspendu dans le vide.
Reçu à l'Élysée par le président Emmanuel Macron lundi, le jeune homme devrait être naturalisé français à l'issue d'une procédure «accélérée» et avec une «dispense de stage», selon le préfet de Seine-Saint-Denis. Ce dernier a rappelé «l'admiration» qu'avait suscité le geste du jeune Malien. «Comment ne pas s'incliner devant ce qu'il a fait? Comment ne pas être admiratif? À la fois par le comportement civique: il n'a pas été dans l'évitement, il n'a pas passé son chemin, il a porté secours à autrui. Et à la fois par l'exploit physique accompli», a déclaré le préfet.
À l'arrivée de Mamoudou Gassama ce mardi matin, Pierre-André Durant a commencé par expliquer au jeune homme «ému» les démarches à suivre pour obtenir un titre de séjour valable dix ans. Puis le préfet lui a confirmé le soutien de ses services afin de l'accompagner dans ses démarches et sa volonté d'intégrer la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. «Le mois prochain, vous devriez pouvoir intégrer leurs rangs», lui a-t-il indiqué. Le jeune homme a été «pris en compte par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, pour souscrire un contrat de service civique de 10 mois qui lui permettra d'intégrer l'unité», a précisé Pierre-André Durant à la sortie de la préfecture. «Merci la France», a déclaré Mamoudou Gassama après l'obtention de son titre de séjour. Et d'ajouter: «Je suis content, voilà», avant de repartir dans une camionnette des sapeurs-pompiers de Paris. Dans la foulée, il s'est rendu à la caserne de Champerret où il s'est essayé à quelques exercices.
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Mamoudou, des enfers de la clandestinité aux ors de l'Élysée (28.05.2018)

Par Stéphane Kovacs
Mis à jour le 29/05/2018 à 08h49 | Publié le 28/05/2018 à 19h24
Il y a cinq ans, il était dans son petit village malien, Yaguiné. Lundi, il était reçu à l'Élysée par le chef de l'État. Parcours de Mamoudou Gassama, le jeune Malien qui a sauvé un enfant samedi à Paris.
«C'est la première fois que je gagne un trophée comme ça», s'émerveille-t-il. Mamoudou Gassama, le jeune Malien qui a sauvé un enfant samedi à Paris, a vu ses papiers régularisés dès lundi , avant d'être naturalisé et d'intégrer le service civique des sapeurs-pompiers. Invité à l'Élysée, «Spiderman», comme il est désormais surnommé pour avoir escaladé en quelques secondes, à mains nues, quatre étages d'un immeuble du XVIIIe arrondissement,a également reçu une médaille. Elle était accompagnée d'un diplôme pour «acte de courage et de dévouement», signé par le préfet de police de Paris, qui récompense «toute personne qui, au péril de sa vie, se porte au secours d'une ou plusieurs personnes en danger de mort».
En jean et chemise blanche à manches courtes, visiblement ému, Mamoudou Gassama, 22 ans, a parlé quelques minutes avec Emmanuel Macron devant les caméras, avant que l'entretien ne se poursuive en tête-à-tête. «Bravo! lui a lancé le président. Vous êtes devenu un exemple.»
Après l'Élysée, c'est à la mairie de Montreuil que le jeune Malien a été reçu. «Je proposerai au prochain conseil municipal de le faire citoyen d'honneur de la ville de Montreuil», a promis Patrice Bessac, le maire communiste de cette ville de Seine-Saint-Denis, parfois surnommée «le petit Bamako» pour sa forte population malienne. C'est là que, depuis son arrivée clandestine en France en septembre dernier, Mamoudou a rejoint ses frères, dans le foyer pour travailleurs migrants de la rue Rochebrune. «Ils sont huit: trois frères et des cousins dans la même chambre, raconte Hamidou, 51 ans, un représentant des membres du foyer. Il y a deux lits superposés et plusieurs matelas dans 11 m².»
Des petits boulots
«Au Mali je n'avais pas de moyens, pas de personnes qui m'aident»
Mamoudou Gassama à Emmanuel Macron
Le héros revient de loin. «Au Mali je n'avais pas de moyens, pas de personnes qui m'aident. Mon père n'était pas là», a-t-il expliqué à Emmanuel Macron, en lui rappelant que «beaucoup de monde part pour aller chercher ailleurs». Mamoudou avait quitté son village de Yaguiné il y a cinq ans. «Il vient plus précisément de la région de Kayes, au sud-ouest du Mali, comme moi, indique Hamidou. C'est son frère qui l'a fait venir. Il est passé par le Burkina Faso, le Niger et la Libye.» Dans ce dernier pays, où, pendant plus d'un an, Mamoudou survit en travaillant avec des amis, a-t-il précisé à Emmanuel Macron, il a «beaucoup souffert» : «On nous a attrapés, frappés, mais je ne me suis pas découragé», a-t-il commenté.
Il traverse ensuite la Méditerranée en bateau pour rejoindre l'Italie. En mars 2014, après avoir été intercepté en mer par la police, poursuit le voisin de chambrée de Mamoudou, «il a eu un bout de papier italien pour dire qu'il était réfugié, et sa famille lui a envoyé de l'argent pour qu'il puisse venir en train à Paris». Au président, le jeune Malien a indiqué que, ne connaissant «personne en Italie», il a voulu rejoindre son frère, installé en France «depuis vingt ou trente ans».
Depuis son arrivée en France, Mamoudou travaille de temps en temps «au noir dans le bâtiment». «Là, il est ouvrier sur un chantier à Montreuil, témoigne un colocataire. Comme on a un peu la même tête, on se prête les papiers, et on peut travailler chacun son tour». «Quand Mamoudou aura fini toutes ses rencontres, on va lui faire une grande fête car on est tous fiers!, conclut ce compatriote. En attendant, comme il a trouvé un logement et qu'il vient de partir avec toutes ses affaires, dès ce soir, c'est un autre Malien qui va pouvoir occuper son matelas.»

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Mamoudou Gassama : Macron glorifie les héros du quotidien (28.05.2018)

Par François-Xavier Bourmaud
Mis à jour le 28/05/2018 à 20h49 | Publié le 28/05/2018 à 18h52
ANALYSE - Le président, qui a décidé de régulariser et de naturaliser Mamoudou Gassama, le jeune Malien sans-papiers qui a sauvé un enfant, veut l'ériger, comme le colonel Arnaud Beltrame, en modèle républicain pour les jeunes.
L'Élysée ou la fabrique des héros. Lundi matin, Emmanuel Macron a aménagé son agenda pour recevoir Mamoudou Gassama, un jeune Malien sans-papiers qui, samedi, avait sauvé un enfant suspendu à un balcon.
Un geste héroïque et salué comme tel par le président de la République qui a immédiatement proposé au jeune homme de le régulariser, d'entrer dans la procédure de naturalisation française et d'intégrer la brigade des sapeurs-pompiers de Paris dans le cadre d'un service civique. «C'est un acte exceptionnel, un acte d'héroïsme. J'ai souhaité qu'on puisse prendre une décision exceptionnelle pour vous», a expliqué Emmanuel Macron lors de son entretien avec Mamoudou Gassama.
Une décision qui s'inscrit dans le droit-fil de sa volonté de glorifier les héros du quotidien. La semaine dernière encore, à l'occasion de son discours sur les banlieues, le chef de l'État rappelait encore sa volonté de «créer des héros républicains» pour donner des modèles aux jeunes. Un axe de sa politique qu'il évoquait déjà à la rentrée de septembre dans un long entretien accordé au magazine Le Point. «Nous devons redevenir un pays fier. Il faut expliquer qu'il y a des héros en France, des génies et des gens qui s'engagent au quotidien. Et, au-delà, que chacun peut trouver une juste place dans notre société», expliquait alors le chef de l'État. Forcément, le geste de Mamoudou Gassama lui a été rapporté très vite dimanche soir.
Alerté par les réseaux sociaux, l'Élysée s'est tenu informé de près des circonstances de ce fait divers hors norme. Le profil du jeune a été passé au crible par le ministère de l'Intérieur, histoire d'éviter de recevoir à l'Élysée, et sous le coup de l'émotion, une personnalité à risque. Ce n'est qu'une fois l'enquête réalisée que le chef de l'État a annoncé vouloir recevoir le jeune homme en tête à tête lundi matin.
« Vous avez maintenant une responsabilité. Vous êtes devenu un exemple»
Emmanuel Macron à Mamoudou Gassama
«Vous avez maintenant une responsabilité, lui a expliqué Emmanuel Macron lors de leur entretien. Vous êtes devenu un exemple. Des millions de gens vous ont vu, beaucoup de jeunes vous ont regardé et donc il faut être un exemple.» C'est désormais le poids du symbole qui pèse sur les épaules de Mamoudou Gassama, pas le plus simple à porter.
Le dernier héros, et salué comme tel par Emmanuel Macron, était Arnaud Beltrame, le gendarme qui a sacrifié sa vie pour sauver des otages lors de l'attentat terroriste de Trèbes en mars dernier. Le nom de «l'héroïsme français» selon le président de la République, «porteur de cet esprit de résistance qui est l'affirmation suprême de ce que nous sommes, de ce pour quoi la France toujours s'est battue […]: son indépendance, sa liberté, son esprit de tolérance et de paix contre toutes les hégémonies, tous les fanatismes, tous les totalitarismes». Des héros comme modèle donc pour façonner la France de demain.
«Le président de la République veut pousser les gens à saluer et à reconnaître les actes héroïques, explique-t-on dans l'entourage du chef de l'État. Il veut inverser cette tendance des Français à se taper dessus en disant qu'ils sont nuls.» Mamoudou Gassama n'est pas encore français mais son geste a déjà valeur d'exemple, notamment pour la simplicité confondante avec laquelle le jeune homme explique et raconte son acte. «Je n'ai rien pensé, j'ai pensé à le sauver et Dieu merci, je l'ai sauvé», a raconté le jeune homme après avoir escaladé quatre étages et récupéré l'enfant.
«Nous sommes un pays de conquête. Je crois en la reconstruction d'un héroïsme politique pour atteindre ce qui est décrit comme impossible»
Emmanuel Macron
Ce n'est pas la première fois que la République honore l'un de ces héros du quotidien et sans-papiers. Avant Mamoudou Gassama, Lassana Bathily avait lui aussi été naturalisé par François Hollande. Lors de l'attentat terroriste de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes en 2015, ce jeune Malien avait sauvé six personnes dont un bébé en les aidant à se cacher dans une chambre froide.
À la différence de son prédécesseur, Emmanuel Macron a décidé de faire de cet acte un outil de communication politique. «Nous sommes un pays de conquête. Il ne faut plus céder un pouce à tous les esprits chagrins. Je crois au contraire en la reconstruction d'un héroïsme politique, d'une vraie ambition, pour atteindre y compris ce qui est décrit comme impossible», expliquait-il en septembre 2017.
La naturalisation, toujours un cadeau
«Une naturalisation, c'est toujours un cadeau.» Patrick Berdugo, avocat spécialisé dans le droit des étrangers rappelle ainsi que «techniquement, il s'agit toujours d'une décision plus ou moins discrétionnaire faisant l'objet d'un décret en Conseil des ministres sur demande du ministère de l'Intérieur». Les critères sont plus ou moins objectifs: cela peut-être, en effet, en réponse à des actes particuliers, mais aussi parce que la personne a contribué au rayonnement de la France ou encore parce qu'elle aura illustré les valeurs républicaines.
«Artistes ou sportifs en bénéficient. Peut-être moins en France que dans d'autres pays. C'est souvent un acte politique et une façon pour l'exécutif de faire preuve d'humanisme», rappelle Patrick Berdugo. Et d'affirmer que pour ceux qui font des demandes de naturalisation en bonne et due forme, et qui sont déboutés, leur recours ne pourra porter que sur le mauvais examen par l'administration mais pas sur la décision elle-même. Quoi qu'il en soit, Mamoudou Gassama, sera d'abord pris en charge par la préfecture pour être régularisé, avant d'obtenir sa naturalisation.

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Petit garçon sauvé à Paris : à partir de quel âge un enfant peut-il rester sans surveillance ? (29.05.2018)

Par Morgane Rubetti
Publié le 29/05/2018 à 17h52
La loi ne prévoit pas d'âge minimum à partir duquel un enfant peut être laissé sans surveillance mais d'après les pédopsychiatres, il faut attendre un certain niveau d'autonomie, souvent atteint vers l'âge de 12 ans.
Le temps s'est arrêté samedi 26 mai, rue Marx-Dormoy, à Paris. Une vidéo, devenue virale, montre un petit garçon de quatre ans, suspendu dans le vide, accroché au barreau d'un balcon du quatrième étage d'un immeuble. Sur cette vidéo, un homme, sans papier, Mamoudou Gassama, a escaladé à une vitesse incroyable les quatre étages et est parvenu à sauver l'enfant. Le héros de ce week-end, a été reçu à l'Élysée par le président de la République. Son titre de séjour lui a été transmis ce mardi 29 mai.
Le petit garçon s'est retrouvé dans cette situation parce qu'il était seul, sans aucune surveillance, au domicile de son père. Le père justement s'était absenté pour faire des courses. Il aurait mis du temps à rentrer parce qu'il «jouait à Pokemon Go» de son propre aveu. Il a été placé en garde à vue dans la soirée. Lundi il a été présenté au parquet et sera convoqué le 25 septembre prochain devant le tribunal correctionnel.
• Que dit la loi?
L'article 371-1 du Code civil ne prévoit pas d'âge où il est interdit de laisser son enfant seul. «L'autorité parentale (...) appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.»
En d'autres termes, cela signifie qu'«on peut considérer qu'un enfant ne peut pas être laissé seul tant qu'il n'est pas capable de s'occuper de lui-même», explique Élodie Mulon, avocate en droit patrimonial et extrapatrimonial de la famille, au HuffPost
• Quelle est la peine encourue?
Le procureur de la République de Paris, François Molins, a estimé que le comportement du père «est constitutif d'une infraction qui est la soustraction à des obligations parentales». Pour cela, il encourt une peine de deux ans de prison et 30.000 euros d'amende. Mais cette peine peut varier. Un juge ne punira pas de la même manière le parent d'un enfant de plus de dix ans et celui d'un petit de cinq ans.
• À partir de quel âge un enfant est-il capable de rester seul?
D'après le pédopsychiatre Frédéric Koshman, contacté par Le Figaro, il est impensable «de laisser un enfant seul avant le début de l'adolescence, c'est-à-dire 12 ans». «L'important, c'est que l'enfant commence à développer son autonomie. Lorsqu'il commence à vouloir se rapprocher davantage de l'adulte que de la petite enfance.» Pour qu'il puisse rentrer seul à la maison après le collège, par exemple, l'enfant doit déjà être autonome, avoir la possibilité d'appeler ses parents immédiatement, et savoir alerter les services de secours appropriés, explique le professionnel.
«Dès le plus jeune âge, on peut parler à notre enfant et lui expliquer ce qui se passe autour de lui. Plus tard, pour lui apprendre à savoir réagir en cas de danger, on peut faire des jeux de rôles avec lui. “Qu'est-ce que tu ferais si...”», précise Frédéric Koshman avant d'ajouter: «Il y a des enfants qui sont autonomes très jeunes.»
• Un enfant de quatre ans peut-il réagir à un danger?
Dans le cadre de ce fait divers, le petit garçon suspendu dans le vide est âgé de quatre ans. «Dès qu'un enfant a acquis la motricité, il est capable de se mettre dans une situation de danger», explique Roland Broca, pédopsychiatre. «Avant d'avoir l'âge de raison (avant six ans), on réagit aux événements de façon instinctive. À partir de six ans, on vit les événements avec conscience et raisonnement», ajoute-t-il. Un point de vue plus ou moins partagé par Frédéric Koshman qui estime que l'âge de raison n'est pas une vérité absolue. «Évidemment, plus on grandit, plus on est en capacité de se débrouiller. Mais à quatre ans comme à six ans, l'enfant n'a pas encore une vision adaptée et réaliste des choses et ne saura pas se mettre immédiatement en sécurité. Il ne faut donc pas le quitter des yeux une seule minute.»
• L'enfant risque-t-il de développer des troubles?
«Que faisait ce petit garçon sur le balcon? Comment a-t-il pu tomber?», se questionne Frédéric Koshman. D'après le Dr Roland Broca, le petit garçon devait possiblement se sentir en insécurité. Ce que confirme son confrère en précisant: «Se retrouver seul, sans adulte, face à un danger est très traumatisant pour un enfant. Il risque d'être en état de stress post-traumatique, de faire des cauchemars.» Un bambin laissé trop souvent seul peut grandir avec un manque de confiance en l'adulte et développer un trouble de l'attachement.
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Biodiversité : «La France, l'Europe et le monde connaîtront-ils le destin de l'île de Pâques ?» (29.05.2018)

Par Pierre Vermeren
Publié le 29/05/2018 à 20h52
TRIBUNE - La destruction de la faune et de la flore en France comme dans l'ensemble du monde atteint un tel degré que l'épuisement des ressources n'est plus une hypothèse qui relève de la science-fiction, explique l'historien Pierre Vermeren.
Au cœur du Pacifique, l'île de Pâques et ses géants de pierre demeurent les témoins muets d'une civilisation disparue. Des hommes et des femmes y ont vécu, aimé, habité et consommé. Jusqu'à l'extinction des espèces par épuisement complet des ressources. Une civilisation a disparu. La nature a reconquis le territoire.
Au rythme des destructions de la nature qui sont opérées depuis les années 1980, il n'est pas exclu que la folie des hommes les conduise au même chaos, planétaire cette fois. Bien sûr ce millénarisme apocalyptique peut paraître risible. Mais à prolonger les courbes de destruction de la faune et de la flore en cours depuis quarante ans, l'hypothèse prend sens.
Le 18 mai à Marseille, le ministre Nicolas Hulot a annoncé un plan de préservation de la biodiversité, qui sera présenté en juillet. Il érige la protection des animaux en politique prioritaire. Entendre un écologiste parler du cœur de l'écologie est assez rare pour être relevé. Mesurons en effet la gravité de la situation.
On apprenait à la mi-mars l'extinction du dernier rhinocéros blanc du Nord mâle. Les médias ont ensuite révélé la disparition, en quinze ans, de 80 à 90 % des alouettes dans les plaines agricoles de France. Ces deux exemples dévoilent la destruction systématique de la faune africaine et le saccage de la faune endogène d'Europe, par l'homme et par la prolifération des espèces invasives. Le ragondin d'Amérique du Sud a traversé l'Atlantique et s'approprie l'espace du Vieux Continent, comme l'écrevisse de Louisiane ou encore des vers de terre géants issus eux aussi d'Amérique.
Du fait de son histoire et surtout de son sous-peuplement, l'Afrique est demeurée jusqu'au milieu du XXe siècle le conservatoire mondial de la faune sauvage la plus ancienne et la plus diversifiée. Les Romains avaient pillé la faune d'Afrique du Nord et d'Égypte, y faisant disparaître tous les gros animaux (éléphants, girafes, rhinocéros). La colonisation et les guerres ont donné le coup de grâce au XXe siècle (lions, autruches, antilopes ont disparu de la faune du Maghreb). C'est au tour de l'Afrique subsaharienne, désormais. Partout, les parcs naturels y sont menacés, pilleurs et braconniers étant à la manœuvre. Les espèces les plus abattues sont les plus lucratives, et toutes menacées: éléphants, fauves, girafes, rhinocéros, grands singes. Mais les espèces à viande plus ordinaires le sont tout autant, des divers singes aux petits et gros mammifères, découpés à la machette sur les marchés aux étals des boucheries, jusqu'à la Goutte d'Or à Paris. En Afrique, la viande de brousse (qui désigne ordinairement les espèces sauvages de l'Afrique rurale) reste un must chez les néo-urbains issus de l'exode rural. Jusqu'à l'extinction généralisée? Il y a quelques années, de riches Américains avaient envisagé de créer de vastes réserves en Amérique pour sauver la faune africaine menacée d'extinction. Il serait souhaitable de creuser cette idée. Est-il possible d'imaginer des solutions mutualisées et collectives pour endiguer cette nouvelle extinction des espèces qui n'est nullement due, cette fois, à des phénomènes naturels?
«Il est plus commode de s'en prendre aux chasseurs, aux corridas et aux cirques, pour se donner bonne conscience, qu'aux vrais facteurs de l'extinction planétaire de la faune et de la flore»
En France, il y a longtemps que spécialistes et organisations de défense de l'environnement et des animaux sauvages tirent l'alarme. Le commandant Cousteau le faisait dès les années 1970. Mais personne ne les écoute: il est en effet plus commode de s'en prendre aux chasseurs, aux corridas et aux cirques, pour se donner bonne conscience, qu'aux vrais facteurs de l'extinction planétaire de la faune et de la flore. Ainsi en est-il par exemple de la disparition de l'agriculture paysanne et des jardiniers de l'espace qu'étaient les paysans, ce qui contribue à intensifier la destruction des espèces (notamment les plus ordinaires, oiseaux et insectes), du fait des ravages de l'agriculture industrielle. La transformation de la France en une vaste zone d'aménagement et de spéculation livrée à d'intenses flux d'échanges rapides, aux nouveaux acteurs des campagnes (pouvoirs publics, transporteurs, industriels, grandes surfaces et maintenant plateformes commerciales) et à leurs financiers joue aussi son rôle.
Chaque année, un million de hérissons sont massacrés par les désherbeuses des routes de campagnes et autres véhicules. Amphibiens et mollusques d'eau douce sont résiduels du fait de la destruction des mares et marais, remplacés par des bassins d'eau à fond plastifié. Même les écrevisses d'Europe s'éteignent. Les gros prédateurs (loups, lynx, ours, grands rapaces) ont largement disparu, récemment ou de longue date. C'est aujourd'hui le tour des oiseaux et des insectes. Le fait était connu pour les abeilles, malgré la prédiction sans appel d'Einstein, que tout le monde connaît sans vouloir la comprendre («Si l'abeille venait à disparaître, l'homme n'aurait plus que quelques années à vivre»). Cette prédiction concerne désormais toutes les espèces: Pier Paolo Pasolini avait repéré la disparition des lucioles en Italie au début de la modernisation des années 1970, prélude à leur disparition en Europe ; ce sont désormais tous les insectes volants qui sont concernés, et par voie de conséquence, les oiseaux, dont près de la moitié a disparu en Europe depuis vingt ans (selon une étude publiée en 2013 par la revue scientifique Ecology Letters, récemment confirmée).
Papillons, coccinelles et abeilles seront-ils bientôt des espèces menacées? Nous avons tous appris pieusement, lors de nos cours de sciences naturelles, les mécanismes de la chaîne alimentaire. Mais nous feignons d'ignorer que nous sommes à son sommet. Or la pollinisation (c'est-à-dire l'opération pendant laquelle les insectes jouent, par leur butinage, un rôle majeur dans la fécondation des fleurs et des arbres fruitiers) est la condition de la reproduction des espèces végétales dont nous sommes aussi tributaires.
De sorte que l'agriculture moderne, pilotée et subventionnée à bout de bras par la Politique agricole commune et une armée de Docteur Folamour de l'agronomie (comme ceux qui ont promu les néonicotinoïdes, ces produits toxiques de la chimie moderne utilisés comme pesticides et qui déciment précisément les abeilles), conduit à la mort symbolique des paysans ; à la disparition des animaux de basse-cour et des animaux des prés, désormais enfermés ; à l'élevage industriel intensif hors sol des animaux de boucherie (le petit Danemark produit autant de porcs que la France, la terre ne servant plus à rien quand le hors-sol se substitue aux prairies) ; puis à la disparition des animaux sauvages, insectes compris, et des fleurs des champs.
«C'est la survie même de la planète, en tant que sanctuaire de l'espèce humaine, qui est en péril»
La moitié des vertébrés sauvages a disparu en quarante ans (rapport du WWF, Fonds mondial pour la nature, 27 octobre 2016) et la totalité des mammifères sont affectés, du lapin à l'éléphant. Depuis 1970, la moitié de la ressource marine mondiale a disparu dans les mers et les océans (rapport du WWF, 16 septembre 2015), souvent beaucoup plus pour certaines espèces devenues très rares. C'est la survie même de la planète, en tant que sanctuaire de l'espèce humaine, qui est en péril.
Il est à la fois drôle et tragique que les écologistes, en tant que partis politiques, soient nés et aient quasiment disparu en France - sauf à fournir des supplétifs ministériels dans les gouvernements de gauche et de droite - pendant que se déroulaient ces événements sans précédent. Rien n'a fait reculer le productivisme déchaîné (on entend par là la volonté de produire au maximum et à coûts réduits par tous les moyens), dont on ne sait plus s'il faut l'attribuer à un libéralisme ravageur (par les effets d'une concentration ininterrompue, nationale puis mondiale, des exploitations et des firmes agroalimentaires) ou à une planification hors du temps de l'Union européenne. En tout cas, la pente est toujours celle qui mène à de tristes lendemains. Une des rares bonnes politiques que l'Union avait adoptées en matière agricole, celle des jachères et des fleurs des champs, a été récemment suspendue. Son principe était simple: en contrepartie d'une indemnisation, les agriculteurs devaient laisser une partie de leurs terres en jachère et plantées de fleurs des champs pour faciliter la pollinisation. La décision des institutions européennes de mettre un terme à cette politique tient à la pénurie de terres cultivables, en raison de l'artificialisation des sols (recouvrement du sol par du bâti, des routes, des voies ferrées, des parkings, NDLR) qui a concerné 600.000 hectares en dix ans en France, selon Eurostat. Notre pays porte le bonnet d'âne de l'Europe en la matière. Et, au fur et à mesure que les terres agricoles disparaissent sous le béton et le macadam, il faut remettre en culture des terres en friches de moins bonne qualité, en commençant par les jachères…
Récemment, un reportage sidérant de l'émission «Cash Investigation» sur France 2 soutenait, de façon rigoureuse autant qu'on puisse en juger, que de nombreux producteurs des meilleurs vins de France empoisonnaient sans vergogne leurs vignes, leurs voisins et par conséquent leurs clients, pour éradiquer insectes et parasites. On ne sache pas qu'un procès ait été intenté aux auteurs du reportage, ni d'ailleurs aux aigrefins qui, d'après ce documentaire, utilisent et exportent en Europe de l'Est des poisons interdits depuis des années voire des décennies en France. 
«Si la France devenait exemplaire après avoir été le mauvais élève, elle n'en serait que plus crédible pour porter la bonne parole à l'étranger»
Certes, l'Europe semble avoir écarté les importations de viande aux hormones du Canada et de poulets javellisés du Brésil. Mais à l'exception de ce sursaut, peu de choses bougent sous le soleil. Au pays de la gastronomie, manger sain est devenu kafkaïen.
Le plan de bataille annoncé par Nicolas Hulot pour le mois de juillet est bienvenu. On ne peut qu'espérer qu'il soit à la hauteur du défi, a fortiori en France, pays européen où la biodiversité a le plus régressé en un demi-siècle.
Il est urgent de considérer les voies et les moyens d'éduquer à ces périls les jeunes générations, mais aussi tous les décideurs qui, sans attendre, peuvent contribuer à stopper net la catastrophe en cours ; jusque-là, ces derniers se moquent apparemment comme d'une guigne de ces problématiques.
Espérons que deux prises de conscience - il est nécessaire de manger plus sainement ; il est vital de cantonner les villes et leurs activités à leurs périmètres - entraînent des contreparties positives sur la vie animale et sauvage. Plus l'élevage sortira des usines à viande pour revenir aux prairies si abondantes dans notre pays, plus la vie sauvage, notamment le couple inséparable insectes-oiseaux sera préservé. Si la France devenait exemplaire après avoir été le mauvais élève, elle n'en serait que plus crédible pour porter la bonne parole à l'étranger.
À l'aune de ce sujet vital pour la France, l'Europe et le monde, les préoccupations constitutionnelles, financières et sociales qui accaparent l'attention publique sont très relatives.
* Ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé et docteur en histoire, Pierre Vermeren a notamment publié «Le Choc des décolonisations. De la guerre d'Algérie aux printemps arabes» (Odile Jacob, 2015) et «La France en terre d'islam. Empire colonial et religions» (Belin, 2016).

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SOS espèces en danger : des centaines d'animaux menacés d'extinction en France (25.05.2018)

Par Cyril Hofstein
Mis à jour le 25/05/2018 à 08h56 | Publié le 25/05/2018 à 07h07
ENQUÊTE - Agriculture intensive, bétonisation, recours massifs aux pesticides… Jamais les menaces sur la biodiversité «ordinaire» de nos campagnes n'ont été aussi fortes. Depuis trente ans, insectes, oiseaux, amphibiens et petits mammifères ne cessent de décliner. Pourtant, des solutions existent.
À perte de vue s'étendent des champs et de vastes plaines. Maïs, colza, blé et orge dominent un paysage carroyé comme un plaid écossais. Entouré de terres cultivées, un petit bois isolé ressemble à un château assiégé. Aucune haie ne sépare les parcelles. A part le vent qui souffle, le silence est assourdissant. Aucun bourdonnement d'abeille, aucun chant d'oiseau, de grillon ou de sauterelle n'anime l'air tiède de ces grandes étendues cultivées de Seine et Marne (77), à une trentaine de de Paris. Sur les minces bandes d'herbes folles qui bordent les chemins, seuls deux ou trois papillons volettent.
Posée sur les ombellifères, une poignée de diptères pollinisateurs se gorge de nectar et quelques guêpes patrouillent en vrombissant. Mais ils semblent bien seuls. A l'exception des martinets qui croisent très haut dans le ciel et de quelques couples de pigeons ramiers qui s'ébattent, on ne voit aucun passereau. Si l'on en croit les derniers résultats de deux études de suivi des oiseaux, l'une menée à une échelle nationale à travers le Suivi temporel des oiseaux communs (Stoc) porté par le Muséum national d'histoire naturelle, et l'autre menée par le CNRS sur la Zone atelier Plaine & Val de Sèvre, les populations d'oiseaux vivant en milieu agricole - ce que l'on appelle généralement «la campagne» - se sont réduites d'un tiers en quinze ans.
«Les espèces spécialistes comme l'alouette des champs, la fauvette grisette ou le bruant ortolan ont perdu en moyenne un individu sur trois», précisent les scientifiques. Ils ont remarqué que «leur chute s'est même accélérée en 2016 et 2017». Dans les Deux-Sèvres, les chercheurs du CNRS qui ont étudié 160 zones composées de 10 hectares de champs céréaliers, ont constaté pour leur part qu'«en vingt-trois ans, toutes les espèces d'oiseaux de plaine ont vu leurs populations fondre: l'alouette perd plus d'un individu sur trois (- 35 %) et les perdrix, avec huit individus disparus sur dix, sont presque décimées.» Ce déclin en milieu rural frappe toutes les espèces d'oiseaux, aussi bien les espèces dites spécialistes, que les espèces dites généralistes qui, elles, ne déclinent pas à l'échelle nationale.
«Pour certains d'entre nous, c'est peut-être une bonne nouvelle : enfin moins d'insectes ! Seulement, avec leur disparition, c'est tout un pan de la biodiversité qui diminue sévèrement.» 
François Lasserre, vice-président de l'Office pour les insectes et leur environnement
Les causes de cette catastrophe sont multiples et souvent difficiles à distinguer les unes des autres. Mais tous les experts s'accordent généralement pour affirmer que cette disparition massive semble suivre la courbe de l'intensification des pratiques agricoles depuis vingt-cinq ans. Les surfaces dédiées à la monoculture n'ont cessé d'augmenter en France, provoquant de façon presque mathématique la destruction des milieux favorables aux oiseaux et aux insectes, avec pour conséquences immédiates la diminution de la qualité des habitats et de la ressource alimentaire. En 2009, la politique agricole commune a donné un coup d'arrêt aux jachères, qui représentaient d'excellents refuges pour toute la biodiversité.
A cela s'ajoute la flambée des cours du blé, le recours massif aux nitrates et, très probablement, l'utilisation accrue des néonicotinoïdes, cette famille d'insecticides systémiques qui ciblent tous les insectes sans exception et dont l'usage a considérablement augmenté depuis 2010. Contrairement à d'autres produits, ils ne sont pas pulvérisés mais le plus souvent utilisés en enrobage de semences afin de circuler dans toute la plante et de rester plus longtemps dans le sol.

La chute vertigineuse du nombre de vers de terre compromet dangereusement la fertilité des sols. - Crédits photo : Jean-Paul Ferrero / Biosphoto
«Pour certains d'entre nous, c'est peut-être une bonne nouvelle: enfin moins d'insectes!, lance François Lasserre, naturaliste et entomologiste, vice-président de l'Office pour les insectes et leur environnement (Opie). Cela fait des millénaires que nous luttons contre ceux qui nous piquent, transmettent des maladies ou mangent nos récoltes. Mais ces seules espèces donnent une mauvaise réputation à l'ensemble de ce vaste monde. Si l'on nous demande quels sont les insectes qui nous embêtent, environ 20 espèces (ou un peu plus pour un agriculteur) nous viennent en tête: moustiques, guêpes, frelons, mouches, puces, doryphores, capricornes, pucerons, etc. Pourtant, rien qu'en France, il existe plus de 40 000 espèces d'insectes. C'est-à-dire qu'une vingtaine d'entre elles, réputées gênantes, portent préjudice à 39 980 autres! Seulement, avec leur disparition, c'est tout un pan de la biodiversité, et à tous les étages des différents écosystèmes, qui diminue sévèrement.»
Et la France n'est pas un cas isolé. Une étude allemande publiée récemment dans la revue Nature a montré que le nombre d'insectes volants a diminué de 75 % en trente ans en Allemagne, provoquant un effondrement de la nourriture disponible pour tous les oiseaux, insectivores comme granivores, puisque leurs oisillons mangent aussi des insectes. Une tragédie.
Des milliers de nids détruits par les moissons
«En période de récolte des céréales, des espèces emblématiques sont très menacées si aucune surveillance active n'est mise en oeuvre»
Office national de la chasse et de la faune sauvage
D'après les travaux récents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), «l'intensification des productions céréalières et fourragères, les produits phytopharmaceutiques et le drainage, qui ont permis une grande précocité des cultures et de meilleures repousses, ont également conduit à une évolution du matériel agricole (taille des machines, vitesse, etc.). Ce qui n'est pas sans conséquences immédiates sur la biodiversité
De fait, le moissonnage mécanique fait partie des opérations les plus destructrices pour la faune sauvage car il coïncide la plupart du temps avec les phases de nidification et d'envol des jeunes oiseaux, ou de mise bas des mammifères et d'élevage de leurs jeunes (chevreuil, lapin, lièvre…)
«En période de récolte des céréales, poursuit l'ONCFS, des espèces emblématiques comme le busard cendré sont très menacées si aucune surveillance active des nids n'est mise en œuvre. Les perdrix grises sont aussi particulièrement impactées par les moissons. Les récoltes précoces des foins dans les prairies des vallées inondables, comme celles des basses vallées angevines ou du val de Saône, par exemple, sont à l'origine d'une forte mortalité parmi les espèces d'oiseaux nicheurs inféodées à ce milieu: le râle des genêts, le bruant proyer ou la bergeronnette printanière en sont notamment les victimes.
Quant aux récoltes de luzerne, elles sont à l'origine de dégâts importants, spécialement dans les régions de grandes cultures comme la Champagne, où ce couvert est très recherché, tant par les oiseaux que par les mammifères.» Au point qu'il n'est pas rare de retrouver des cadavres de chevreuils, de lièvres, de faisans ou de perdrix dans les ballots de paille, de luzerne ou d'autres plantes fourragères.

Les couples de pygargues à queue blanche sont de moins en moins nombreux. - Crédits photo : Jean-Michel Lenoir/Naturagency
590.000 hectares d'espaces naturels ont disparu
Autre problème: à mesure que l'artificialisation du territoire poursuit sa progression, le monde des villes ne cesse de gagner du terrain sur les zones rurales. Selon une étude du ministère de l'Agriculture et de l'Observatoire national de la biodiversité, entre 2006 et 2015, la France métropolitaine a perdu 590 000 hectares de terres agricoles et d'espaces naturels. Soit l'équivalent d'un département comme la Seine-et-Marne transformé en espaces goudronnés (48 % des surfaces artificialisées), en pelouses ou en bâtiments.
Une modification profonde du paysage qui s'accompagne souvent d'une imperméabilisation des sols et d'une accentuation des phénomènes d'inondation, d'érosion, de ruissellement des eaux et des risques de crues. «Le monde sauvage dans son ensemble n'a tout simplement plus assez de place pour vivre, croître et subsister, constate François Lasserre. Un champ de colza n'est pas un lieu diversifié dans lequel la vie peut s'épanouir. Un jardin tondu et décoré avec des fleurs exotiques ne l'est pas non plus au regard de toutes les espèces qui nous entourent. Une énième grande surface ou une zone commerciale non plus.»
«La situation ne semble pas, pour l'instant, irréversible»
François Lasserre
Aussi inquiétant soit-il, le constat sans appel des scientifiques et des naturalistes sur la dégradation vertigineuse de la vie animale dans nos campagnes n'est pas sans solution. «La situation ne semble pas, pour l'instant, irréversible, assure François Lasserre. Et il est toujours plus efficace de réfléchir et de travailler avec tous les acteurs du monde agricole pour essayer d'accélérer les changements de pratiques et de réfléchir à des solutions pour infléchir la tendance.»
Selon les travaux du Centre d'écologie et des sciences de la conservation/Muséum national d'histoire naturelle, qui a étudié à la loupe plusieurs dizaines de parcelles sur un plateau agricole en Ile-de-France, «il faudrait notamment repenser les rotations des cultures, les labours et l'épandage des herbicides. Ces nouveaux systèmes sont relativement faciles à mettre en place, mais ils supposent des évolutions de mentalités importantes pour une profession qui connaît souvent de grandes difficultés économiques. Mais plus il y a de milieux naturels ou semi-naturels dans les paysages, meilleur c'est pour la biodiversité.»

Le recours systématique aux produits phytosanitaires a fini par peser sur l'avenir même de l'agriculture et des paysans. - Crédits photo : Louise Allavoine/Hans Lucas
Dans cet esprit, les chercheurs de 15 laboratoires (en Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne, France) ont lancé le projet Farmland. Entre 2012 et 2016, ils ont étudié 435 «carrés» de 1 kilomètre de côté situés dans des parcelles de tailles différentes et composées de culture variées. Dans chacun de ces carrés, ils ont mesuré le nombre d'espèces animales, d'insectes pollinisateurs, de plantes, la quantité de graines, le rendement, etc.
Très complexes et sans appel, les résultats de leurs travaux, publiés dans la revue britannique Proceedings of the Royal Society B,ont montré qu'une diminution de la taille des parcelles entraînait l'abondance des pollinisateurs et que «la multiplication des champs entraînait une augmentation de la densité des bordures où se concentrent davantage de plantes sauvages.» De quoi favoriser les animaux en général et les insectes en particulier. Mais l'étude a également révélé que, si certaines cultures comme le colza apportaient une grande quantité de nourriture aux pollinisateurs, le maïs, en revanche, avait plutôt des effets négatifs sur leurs effectifs.
Au Royaume-Uni, de petits espaces non cultivés sont laissés au milieu de certaines grandes exploitations céréalières, permettant ainsi le retour d'une importante population d'alouettes
Un peu partout en Europe, des voix s'élèvent également depuis plusieurs années pour plaider en faveur d'un retour des haies et des bandes laissées en herbe dans les territoires agricoles. Chasseurs, écologistes, chercheurs et naturalistes sont tous, pour une fois, du même avis. Disparues dans de nombreux pays - la France en tête - pour augmenter la taille des parcelles et le rendement des cultures, elles ont pourtant prouvé depuis très longtemps leur rôle fondamental dans le maintien de l'ensemble de la faune et de la flore sauvage de plaine. Un message reçu au Royaume-Uni, où de plus en plus de petits espaces non cultivés sont laissés au milieu de certaines grandes exploitations céréalières, permettant ainsi le retour d'une importante population d'alouettes qui avait complètement disparu. Des initiatives, souvent individuelles, peu coûteuses en termes d'investissement et peu contraignantes pour les agriculteurs, qui ne cessent de démontrer leur efficacité.
Principaux accusés: les pesticides
Dans ce contexte, la décision de l'Union européenne d'interdire trois pesticides néonicotinoïdes dans les cultures en plein air, peut être considérée comme une mesure «historique» pour les apiculteurs et les défenseurs de la biodiversité qui dénoncent depuis près de vingt ans leurs effets néfastes sur les abeilles et les autres pollinisateurs. Les trois molécules commercialisées par les géants de l'agrochimie Bayer (pour la clothianidine et l'imidaclopride) et Syngenta (le thiaméthoxame) ne pourront plus en effet être utilisées qu'en serre, en milieu fermé, loin des insectes pollinisateurs. Une «victoire» arrachée de justesse. Seuls 16 pays européens sur 28 - soit tout juste la majorité qualifiée nécessaire - ont voté en faveur de la proposition de la Commission européenne. La France, comme l'Allemagne et l'Italie, s'est prononcée pour. «Mais cette interdiction seule ne suffira pas, assure François Lasserre. S'il est évident qu'elle apporte un message positif, je pense surtout que le temps est venu de reconsidérer notre rapport au vivant dans son ensemble. Philosophiquement, économiquement et techniquement.»
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Guillaume Perrault : «En Italie, le choc de deux légitimités» (29.05.2018)

Par Guillaume Perrault
Publié le 29/05/2018 à 21h06
ANALYSE - Le président de la République Mattarella avait-il le droit de récuser l'eurosceptique Paolo Savona pour le portefeuille de l'Économie et des Finances ? L'onde de choc provoquée par cette décision a matérialisé la rupture, longtemps sous-jacente, entre deux conceptions de la politique italienne.
La controverse qui enflamme l'Italie - le président de la République Mattarella avait-il le droit de récuser l'eurosceptique Paolo Savona pour le portefeuille de l'Économie et des Finances, alors que le chef de la Ligue faisait de sa nomination une condition sine qua non pour gouverner? - est moins juridique que politique. Deux conceptions de la légitimité s'affrontent. De l'issue du duel, aux prochaines législatives, dépendra le visage des institutions en Italie.
La conception traditionnelle de la politique italienne, conçue après-guerre et consacrée par la Constitution de 1947, répudie tout ce qui - à tort ou à raison - pourrait rappeler Mussolini. À l'époque, sous la double influence de la Démocratie chrétienne et du Parti communiste italien, l'idée d'un homme providentiel est récusée. Désormais, tout leadership s'exposera au reproche de césarisme. Pendant des décennies, des présidents du Conseil discrets, aux allures d'évêque, dont on retenait à peine les noms, ont permuté au Palais Chigi sous l'œil moqueur et blasé des Italiens. Souci du compromis et culture de la médiation étaient d'autant plus vitaux pour le président du Conseil qu'il peut être renversé non seulement par la Chambre mais également - singularité italienne - par le Sénat, élu lui aussi au suffrage universel direct.
Une part notable du pays a cru en Silvio Berlusconi par désir d'avoir un chef et envie d'en finir avec le cliché du «bordel italien»
L'inconvénient de cette culture politique est une tendance à la temporisation et aux replâtrages de préférence aux décisions franches et nettes. Aussi une partie des Italiens ont-ils fini par s'irriter. Ceux-ci ont soutenu, en réaction, le style volontaire du socialiste Bettino Craxi (surnommé decisionismo) dans les années 80. Craxi, d'ailleurs, tenait François Mitterrand pour son modèle et enviait à la France les institutions de la Ve République. Après le tremblement de terre qu'a représenté l'opération «Mains propres» (1992-1993), le besoin de rénovation et d'autorité des Italiens s'est encore accusé. Une part notable du pays a cru en Silvio Berlusconi (au pouvoir en 1994, 2001-2006 et 2008-2011) par désir d'avoir un chef et envie d'en finir avec le cliché du «bordel italien».
La vie politique de la péninsule s'est ainsi, ces dernières décennies, fortement personnalisée. Cette évolution, cependant, n'a jamais fait l'unanimité. Les adversaires de Berlusconi, en particulier à gauche, ont regardé la présidence de la République comme le dernier rempart de la Constitution de 1947 face au tempérament, selon eux proconsulaire, du Cavaliere. Ces Italiens-là applaudissaient le précédent hôte du Quirinal (de 2006 à 2015), l'ex-communiste Giorgio Napolitano. Et les mêmes, aujourd'hui, applaudissent son successeur, l'ex-démocrate chrétien Mattarella, d'avoir jugé qu'il avait le droit de récuser Savona. La présidence de la République, tour à tour occupée par deux anciens représentants des deux grands partis qui ont dominé la vie politique italienne pendant un demi-siècle, est ainsi la dernière ligne de défense de l'«ancien monde».
Face au président de la République, le «nouveau monde», représenté par le M5S et la Ligue, traduit une défiance envers le principe représentatif et une volonté de démocratie directe pour avoir le dernier mot
Face au président de la République, le «nouveau monde», représenté par le M5S et la Ligue, traduit une défiance envers le principe représentatif et une volonté de démocratie directe pour avoir le dernier mot. Certes, le référendum d'initiative populaire figure déjà dans la Constitution italienne de 1947. Possible dans les faits depuis le début des années 1970, ce référendum - de plein droit si 500.000 signatures sont réunies et certaines conditions remplies - a conduit à soumettre au peuple, depuis lors, 67 questions d'importance très variable. Pareille procédure a permis au suffrage universel d'imposer sa volonté au Parlement en plusieurs occasions (ainsi, en 1993, au sujet du mode de scrutin lors de l'élection des sénateurs). Toutefois, ce type de référendum demeure soumis à des conditions très strictes qui en rendent l'usage beaucoup moins général qu'en Suisse. Le taux de participation est d'ailleurs décevant depuis plus de vingt ans. Les Italiens qui soutiennent l'expérience populiste ne se satisfont donc plus de cette procédure et réclament davantage.
D'un côté, les partisans du libéralisme politique et de l'équilibre des pouvoirs, qui défendent Mattarella (le Parti démocrate et Forza Italia, adversaires et pourtant disposés à gouverner ensemble à la manière d'une grande coalition allemande) et l'engagement proeuropéen de Rome, qui a quasiment valeur d'un article non écrit de la Constitution. De l'autre, les tenants de la souveraineté populaire à la Rousseau (M5S, la Ligue). «Le peuple anglais pense être libre ; il se trompe fort: il ne l'est que durant l'élection des membres du Parlement ; sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l'usage qu'il en fait mérite bien qu'il la perde», écrivait Jean-Jacques Rousseau dans Du contrat social (1762). Pour lui, «les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires», soumis à ses ordres et astreints à un mandat impératif.
Il y a plus encore que l'euro en jeu dans le conflit de légitimité à l'œuvre en Italie: la question de savoir s'il faut, ou non, faire prévaloir la démocratie sur le libéralisme politique.

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Il y a vingt ans, les députés français votaient la reconnaissance du génocide arménien (29.05.2018)

Par Alexis Feertchak
Mis à jour le 29/05/2018 à 15h52 | Publié le 29/05/2018 à 12h18
INFOGRAPHIE - Le 29 mai 1998, l'Assemblée nationale ouvrait la voix à une reconnaissance française du génocide arménien après le vote d'une proposition de loi, définitivement adoptée en 2001. À l'occasion de ce vingtième anniversaire, Le Figaro rappelle le destin tragique de ces centaines de milliers d'Arméniens, tués pendant la Première Guerre mondiale dans le cadre d'un plan d'annihilation mis en place par l'Empire ottoman.
Les chiffres, s'ils sont sujets à de nombreux débats historiques, illustrent toute l'atrocité que vécurent cette minorité chrétienne au sein de l'Empire ottoman. De 600.000 à 1.200.000 Arméniens ont été tués dans l'Empire ottoman entre le printemps 1915 et l'automne 1916. Dans l'Anatolie, cette péninsule située à l'extrémité orientale de l'Asie et que recouvre aujourd'hui la Turquie, ils étaient environ 1,5 million avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Il y a tout juste vingt ans, le 29 mai 1998, l'Assemblée nationale votait, à l'unanimité des présents et contre la position du gouvernement, une proposition de loi reconnaissant le génocide arménien. Cette reconnaissance de la France n'a néanmoins été officielle qu'en 2001, après l'entrée en vigueur de la loi et une longue bataille parlementaire entre les deux chambres. A l'occasion de cet anniversaire, Le Figaro rappelle le déroulement de ces événements que les Arméniens qualifient de «catastrophe» -Aghet en arménien-, ce que signifie aussi Shoah en hébreu.
● Déportation et extermination
Le génocide commence le 24 avril 1915 à Constantinople. Des centaines de notables arméniens sont arrêtés puis exécutés les jours suivants sur l'ordre du ministre de l'intérieur, Talaat Pacha. À partir de cette date, une politique de déportation et d'extermination de la population arménienne est mise en œuvre par les autorités ottomanes. Elle concerne au départ les six régions à l'Est où les Arméniens sont les plus nombreux, mais s'étend ensuite à toute l'Anatolie. Pilotés depuis Constantinople, les officiers régionaux s'appuient sur des criminels libérés pour l'occasion et regroupés au sein d'une unité secrète, «l'Organisation spéciale», mais également sur de nombreux Tcherkesses et Kurdes, historiquement opposés aux Arméniens.
Les hommes en âge de combattre sont exécutés, les femmes, les vieillards et les enfants déportés, notamment vers Deir Ezzor, aujourd'hui en Syrie, le long de l'Euphrate, et dans d'autres camps de concentration installés dans le désert. Dans ces marches de la mort, beaucoup meurent en chemin, d'épuisement, de faim, de soif, sous les coups de leurs bourreaux. Des survivantes, converties à l'islam, sont mariées de force et vendues en esclaves. D'autres minorités chrétiennes sont également touchées par les massacres, à commencer par les Assyriens et les Grecs pontiques.

● Un génocide planifié
L'extermination des Arméniens est dissimulée par les autorités ottomanes qui utilisent des systèmes de codage pour transmettre leurs véritables ordres. Les photographies des convois sont interdites, de même que leur récit dans les journaux turcs. L'opération est contrôlée scrupuleusement par Constantinople, qui recueille des données précises sur les morts et les déportés. Officiellement, selon les zones, les Arméniens ne devaient pas dépasser les 10% de la population, voire, dans certains cas, les 2%. Mais la réalité va au-delà, comme en témoigne ce télégramme de Talaat Pacha en septembre 1915: «Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l'âge ni du sexe. Les scrupules de conscience n'ont pas leur place ici».
● Nationalisme turc et Première Guerre mondiale
Avec la Première Guerre mondiale, l'Empire ottoman rejoint le camp des empires centraux - l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie - et 1915 signe sa déroute face aux alliés. Au Nord-Est, les Russes avancent depuis le Caucase. Au Sud, les Anglais percent depuis le Golfe persique vers Bagdad. Au Nord-Ouest, une flotte franco-britannique s'approche de Constantinople. Les Ottomans dénoncent alors la trahison des Arméniens, les accusant d'œuvrer pour l'ennemi.
Si le premier conflit mondial fait bien figure de contexte, les causes du génocide sont à chercher plus loin. L'affaiblissement extrême de l'Empire ottoman -«l'homme malade» de l'Europe, expliquait dès 1853 l'empereur de Russie, Nicolas 1er- remonte au 19e siècle avec l'émancipation des minorités ottomanes et les indépendances de la Grèce et dans les Balkans (Roumanie, Bulgarie, Serbie). Les Arméniens demandent à leur tour à ce que leurs droits soient pris en compte. Entre 1894 et 1896, des massacres, préludes au génocide de 1915, font 200.000 morts parmi les Arméniens, qui refusaient de payer le double impôt auquel sont soumis les «dhimmis», c'est-à-dire les sujets non-musulmans de l'Empire.
Parallèlement, un changement de régime a lieu à Constantinople. En 1908, le sultan Abdülhamid II est renversé par un groupe de nationalistes laïcs turcs, les «Jeunes-Turcs», dirigés par Enver Pacha. Le nouveau sultan, Mohamed V, est sévèrement encadré par un Comité Union et Progrès. Le gouvernement «Jeunes-Turcs» souhaite développer une nation turque ethniquement et culturellement homogène et s'oppose au modèle de l'empire multiethnique. Des massacres sont de nouveau commis en 1909 contre les Arméniens. Ce «panturquisme» sert de toile de fond idéologique au génocide de 1915.
● Réactions occidentales
De nombreux observateurs -diplomates ou missionnaires- sont témoins des massacres, qui sont relayés dans la presse des pays alliés, lesquels dénoncent des «crimes contre l'humanité et la civilisation» et déclarent que les responsables seront punis. En 1916, Aristide Briand, alors président du Conseil, dénonce un «monstrueux projet d'extermination de toute une race». L'émotion est immense, mais les moyens, en pleine guerre, sont limités. Des interventions militaires sont néanmoins menées pour venir au secours des Arméniens, comme celle des Russes dès avril 1915 à Van ou celle des Français au Musa Dagh en juillet 1915. Quant aux protestations du pape Benoît XV, elles ont malheureusement été contre-productives.
Cette dénonciation du génocide arménien n'a pas eu lieu en Allemagne, alors alliée de l'Empire ottoman. Son rôle a longtemps été sous-estimé, mais le président allemand, Joachim Gauck, a reconnu en 2015 une «coresponsabilité», voire une «complicité» de l'Allemagne, forte d'une importante présence militaire dans l'Empire ottoman en 1915 - jusqu'à 12.000 hommes. Les intentions génocidaires de Constantinople n'étaient pas ignorées de Berlin. Pire, certains militaires allemands auraient aidé à la planification et à la mise en œuvre des massacres. Après la guerre, les principaux responsables du génocide se sont réfugiés en Allemagne, dont Talaat Pacha, assassiné par un jeune Arménien en 1921.
● Oubli et mémoire
En août 1920, plus d'un an après la capitulation de l'Empire ottoman, le traité de Sèvres prévoyait le jugement des responsables par un tribunal pénal international, ainsi que la création d'une Arménie indépendante, mais il n'a jamais été ratifié. Le traité de Lausanne, en 1923, entérine le contrôle turc sur toute l'Anatolie. Entre-temps, la nouvelle Turquie de Moustafa Kémal connaît un sursaut nationaliste. D'abord favorable à la condamnation des responsables, celui-ci vote finalement une amnistie générale en mars 1923. «À la vérité, c'est seulement dans les années 1980 que l'opinion publique occidentale a retrouvé le souvenir de ce génocide, à l'instigation de l'Église arménienne et des jeunes militants de la troisième génération», conclut le site Hérodote. La Turquie qui reconnaît que jusqu'à 500.000 Arméniens sont morts pendant des combats et leur déportation forcée, continue de réfuter toute volonté d'extermination et dénonce l'utilisation du terme «génocide».
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Valérie Boyer : «Le génocide de 1915 ne s'est pas limité aux Arméniens» (02.04.2015)

Par Edouard de Mareschal
Publié le 02/04/2015 à 19h10
INTERVIEW - Epinglée pour sa proposition de loi inspirée de Wikipédia, la députée UMP des Bouches-du-Rhône revient sur son texte qui vise à faire reconnaître le génocide assyro-chaldéen, aujourd'hui largement ignoré.
La proposition de loi sur la reconnaissance du génocide assyrien a été très largement médiatisée ces deux derniers jours. Mais son auteur, Valérie Boyer, regrette qu'elle n'ait pas été commentée «pour les bonnes raisons». Dénigré pour ses passages largement inspirés de Wikipédia, le texte aborde un sujet largement méconnu qui mériterait plus d'attention publique, estime la députée des Bouches-du-Rhône.
LE FIGARO - Que pensez-vous de la polémique déclenchée par votre proposition de loi, dont des pans entiers sont inspirés de l'encyclopédie en ligne Wikipédia?
VALERIE BOYER - Cette polémique est ridicule. Elle a été lancée par un assistant parlementaire du groupe écologiste, ce qui n'est pas étonnant ; En 2012, ils s'étaient déjà violemment opposés à ma proposition de loi pénalisant la négation des génocides, dont le génocide arménien. Pour revenir au génocide assyrien, il existe très peu de documents sur le sujet. Je me suis donc appuyée sur l'article de Wikipédia qui était le plus complet. Je ne suis pas agrégée en histoire des minorités d'Orient... Je ne vois donc pas où est le problème, d'autant plus que nous avons fait valider notre texte par plusieurs spécialistes du sujet.
Qu'est-ce que le génocide assyrien?
C'est le massacre de la population assyrienne par l'Empire ottoman à partir de 1915. Au même titre que les Arméniens, les Turcs ont exterminé toutes les autres communautés chrétiennes présentes dans cette région de l'ancienne Mésopotamie, aujourd'hui à cheval sur la Turquie et l'Iran. Il y avait des Assyriens, mais aussi des Chaldéens, des protestants et des orthodoxes. Les Assyro-chaldéens ont inventé un mot pour désigner ce massacre: «Sayfo», qui signifie «épée» en araméen. Ce génocide a provoqué l'exode massif de ces populations dans le Caucase, en Syrie, en Irak et dans le reste du monde. Leur fuite s'est poursuivie jusque dans les années 1970, car ils étaient réduits par les Turcs à un état de dhimmitude qui en faisait des sous-citoyens.
Pourquoi le génocide perpétré par l'Empire ottoman est-il seulement associé aux Arméniens?
Les survivants arméniens forment une communauté mieux organisée que les autres, ils ont la capacité d'entreprendre un vrai travail de mémoire. Ce n'est pas le cas des Assyro-chaldéens, pourtant massacrés au même moment et pour les mêmes motifs. C'est pourquoi il faudrait une loi qui reconnaisse officiellement leur martyr et qui en punisse la négation. C'est sur ce massacre que la Turquie moderne s'est constituée. On est dans un négationnisme d'Etat insupportable qui constitue un nouveau génocide contre la mémoire de ce peuple.
Cent ans plus tard, n'avez-vous pas l'impression que l'histoire se répète en Syrie et en Irak?
Bien sûr. Les Assyro-chaldéens qui ont fui les persécutions en 1915 sont les mêmes qui sont aujourd'hui chassés par Daech en Irak et en Syrie. Comme en 1915, les victimes sont chrétiennes et les bourreaux musulmans. Les motifs étaient laïcistes à l'époque, alors qu'ils sont islamistes aujourd'hui, mais la méthode reste exactement la même. Le plus alarmant, c'est que la négation de ce génocide en cours se fait sur notre propre sol. Il est extrêmement grave qu'une entreprise comme la RATP se serve de la laïcité comme prétexte pour censurer un appel aux dons pour les chrétiens d'Orient.
Pensez-vous que votre proposition de loi a une chance d'aboutir?
Elle peut très bien être examinée dans une niche parlementaire pour l'UMP, nous en avons plusieurs par an. C'est aussi une question de volonté politique. En avril 2012, le candidat Hollande avait promis au pied de la statue de Komitas [prêtre orthodoxe arménien vénéré dans son pays, NDLR] qu'il pénaliserait le négationnisme du génocide de 1915. Il ne tient qu'à lui de tenir son engagement.
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En pleine guerre mondiale, le peuple arménien éliminé (23.04.2015)
Par Adrien Jaulmes et Service InfographieMis à jour le 23/04/2015 à 21h36 | Publié le 23/04/2015 à 18h22
INFOGRAPHIE - En avril 1915, des centaines d'intellectuels, religieux, hommes politiques ou figures de la communauté arménienne sont éliminés, puis le pouvoir ottoman organise la déportation massive des populations d'Anatolie.
Le génocide arménien a connu en un siècle une curieuse succession de notoriété et d'oubli. Au moment même où ils sont commis, les massacres sont dénoncés internationalement, avant de tomber après-guerre dans une semi-obscurité. Niés par les héritiers turcs des Ottomans, ils sont de nouveau étudiés par les historiens et finalement considérés comme les événements précurseurs des autres génocides modernes.
Le déroulement du génocide arménien est en effet étrangement familier: en pleine guerre, un État décide et met en œuvre l'élimination d'une population entière, perçue comme une menace intérieure en période de danger extérieur. Les ordres sont donnés de façon claire, tout en conservant suffisamment de flou et de non-dits pour pouvoir être niés ensuite.
L'extermination est menée par les officiels ottomans, mais aussi par des bandes armées organisées par les services secrets, les «Tchétés», formées de criminels, de Bédouins et de Kurdes
Le contexte dans lequel il prend place est celui de la Première Guerre mondiale, qui fait rage au Moyen-Orient. Entré en guerre aux côtés de l'Allemagne, l'Empire ottoman connaît en 1915 une série de défaites dramatiques, et son effondrement semble imminent. À l'Est, la conquête du Caucase par Enver Pacha a tourné à la déroute, et les Russes sont passés à l'offensive. Au Sud, les Anglais ont débarqué à Bassora, dans le golfe Persique, et avancent vers Bagdad. À l'Ouest, une puissante flotte franco-britannique a tenté de forcer le détroit des Dardanelles et s'apprête à débarquer à Gallipoli, menaçant directement Constantinople. À Van, dans l'est de l'Anatolie, les Arméniens se soulèvent à l'approche de l'armée russe.
Ce soulèvement sert de prétexte au puissant ministre ottoman de l'Intérieur, Talaat Pacha, pour faire arrêter dans la nuit du 24 avril 1915 des centaines d'intellectuels, religieux, hommes politiques ou figures de la communauté arménienne de Constantinople. Certains seront massacrés en prison, d'autres pendus: aucune voix arménienne ne pourra plus se faire entendre.
La deuxième phase de l'opération commence avec la déportation massive des populations arméniennes d'Anatolie. Le but de Talaat et des deux conseillers, le Dr Mehmed Nazim et le Dr Bahaeddin Sakir, est que dans les six provinces de l'est de l'Anatolie, les Arméniens soient réduits à moins de 10 % de la population totale. Mais, en même temps, sont envoyées verbalement aux autorités locales les consignes de faire en sorte que personne ne revienne de cette déportation. L'extermination commence. Elle est menée par les officiels ottomans, mais aussi par des bandes armées organisées par les services secrets, les «Tchétés», formées de criminels, de Bédouins et de Kurdes, qui nourrissent un vieil antagonisme vis-à-vis des Arméniens.

À travers l'Anatolie, les événements se déroulent selon un mode pratiquement identique. Les décrets placardés dans toutes les villes et les villages ordonnent l'arrestation des Arméniens. Les hommes âgés de plus de 12 ans sont séparés des femmes et massacrés. Les maisons sont pillées, les églises détruites, les biens saisis. Les femmes et les enfants sont rangés en longues colonnes et emmenés à pied en direction du sud et des déserts de la Syrie. Cette marche à la mort est l'étape suivante du génocide. Sans eau ni ravitaillement, les colonnes de déportés laissent derrière elles un sillage de cadavres. Ceux qui ne peuvent pas marcher sont tués sur place. Les Kurdes et les Bédouins violentent, tuent ou enlèvent les femmes et les enfants. Les jeunes filles sont violées, épousées de force, les enfants sont parfois adoptés. Tous sont convertis de force à l'islam.
Dès le 13 juillet 1915, Talaat Pacha déclare que les déportations ont apporté «une solution définitive à la question arménienne»
Le pays est un vaste charnier. Les arbres et les poteaux télégraphiques sont chargés de pendus, les rivières pleines de corps, des cadavres s'entassent au bord des chemins. À Deir Ezzor, dans le désert syrien, les survivants, pour la plupart des femmes, meurent sur place de faim et de soif, et sont laissés à la merci des pillards. Les Arméniens ne sont pas les seules victimes. Les Assyriens, dénomination qui regroupe les anciennes populations chrétiennes de l'Empire, Nestoriens, Chaldéens et Syriaques orthodoxes, sont aussi massacrés.
Le génocide est dénoncé par un certain nombre de témoins. Des missionnaires et des diplomates américains, ressortissants d'un pays qui n'est pas en guerre à l'époque avec l'Empire ottoman, relatent les massacres, décrivent des charniers et des musulmans croisés sur les routes portant des vêtements européens volés à leurs victimes. L'ambassadeur américain Morgenthau, qui s'entretient régulièrement avec Talaat Pacha, envoie des rapports accablants à Washington. Les journaux du monde entier dénoncent les tueries. Le 24 mai, les puissances alliées avertissent les Ottomans qu'ils auront à répondre de leurs crimes de «lèse humanité».
Les massacres continuent jusqu'aux derniers jours de l'année 1915 et se produiront encore jusqu'à la fin de la guerre. Mais, dès le 13 juillet, Talaat Pacha déclare que les déportations ont apporté «une solution définitive à la question arménienne». À la fin du conflit, les Arméniens ont quasiment disparu de provinces où ils vivaient depuis des temps immémoriaux. Les chiffres précis restent en revanche difficiles à établir. Même les négateurs du génocide admettent qu'entre 600.000 et 800.000 Arméniens ont péri pendant la guerre. Les historiens évaluent plus couramment le nombre des victimes entre 1 et 1,5 million de morts.

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Génocide arménien : l'horreur mise à nu (16.01.2015)

Par Jean Sévillia
Mis à jour le 22/01/2015 à 11h44 | Publié le 16/01/2015 à 10h12
1915-2015: Le centenaire du génocide arménien fait couler beaucoup d'encre. Rassemblant témoignages et rapports véridiques d'époque, les spécialistes nous plongent au coeur d'un massacre sanglant.
Le 24 avril 1915, 600 notables arméniens étaient assassinés à Constantinople. Cette hécatombe donnait le signal d'un massacre qui allait coûter la vie, en un peu plus d'un an, à presque 1,3 million de personnes en Asie Mineure, soit les deux tiers des Arméniens de l'Empire ottoman.
Entre 1894 et 1896, 200000 à 250000 Arméniens, sujets ottomans, avaient déjà été tués, et un million d'autres spoliés et chassés de leur terre. En 1909, les Jeunes-Turcs avaient pris le pouvoir et remplacé le sultan Abdul-Hamid Ier par Mohamed V, qui acceptait la dictature constitutionnelle de ces nationalistes. Or les Jeunes-Turcs prônaient une politique fondée sur l'homogénéité ethnique et culturelle de la Turquie, ce qui supposait l'élimination des minorités chrétiennes. Dès avril 1909, 30000 Arméniens avaient été tués en Cilicie. En 1914, l'entrée en guerre des Ottomans aux côtés des Puissances centrales et les premiers échecs de l'armée turque contre les Russes fourniraient l'élément déclencheur d'une extermination qui avait été préparée et planifiée, notamment par la déportation des populations concernées.
L'ouvrage expose les faits, région par région, à partir de documents d'époque. C'est une succession d'horreurs.
A l'occasion du centenaire du génocide arménien, de nombreux livres paraîtront en 2015. Celui que viennent de publier deux spécialistes, Raymond Kévorkian et Yves Ternon, est une véritable somme. Organisé chronologiquement, l'ouvrage expose les faits, région par région, à partir de documents d'époque: ordres ou comptes rendus d'officiers ou de fonctionnaires ottomans, récits de témoins, notamment de religieux occidentaux installés en Turquie, rapports de diplomates ou de journalistes étrangers. C'est une succession d'horreurs. Après la chute des Jeunes-Turcs, en octobre 1918, un capitaine turc, indigné contre son propre pays, évoquera «des milliers de petits enfants écrasés contre les murs et les pierres, des jeunes filles que l'on étrangle après les avoir violées, des hommes et des femmes dont le nombre atteint des centaines de milliers massacrés au fil de l'épée et qui, sous les coups de la hache, remplissent les fosses et les puits».
De nombreux Etats ont reconnu la responsabilité de leurs gouvernants d'alors dans les crimes de masse commis au XXe siècle. Jusqu'à quand la Turquie refusera-t-elle d'en faire autant?
Mémorial du génocide des Arméniens , de Raymond H. Kévorkian et Yves Ternon, Seuil, 510 p., 30€.


Génocide arménien : la colère turque après le vote allemand (02.06.2016)

Par Nicolas Barotte
Mis à jour le 03/06/2016 à 08h57 | Publié le 02/06/2016 à 19h05
La reconnaissance par le Bundestag du génocide de 1915 provoque une grave crise diplomatique entre Ankara et Berlin.
Blessées, les autorités turques ont manifesté leur colère sous toutes les formes possibles. Alors que le Bundestag venait d'adopter à la quasi-unanimité une résolution reconnaissant le«génocide arménien», la Turquie a rappelé son ambassadeur en poste à Berlin «pour consultations». Au même moment, l'ambassadeur d'Allemagne à Ankara était convoqué au ministère des Affaires étrangères. En son absence, c'est son représentant qui a subi les foudres du pouvoir turc. L'Allemagne commet «une erreur historique», a déclaré le porte-parole Numan Kurtulmus en conseillant de laisser «aux historiens et non aux parlements politiques» le soin de traiter du sujet. «Le Bundestag n'est pas un tribunal compétent», ont déclaré les députés turcs dans une résolution. La protestation est catégorique. Profonde, la crise souligne le fossé qui sépare désormais l'Allemagne et la Turquie.
La tentation de la rupture
Sans nier la tragédie, Ankara conteste depuis toujours la pertinence du terme génocide pour qualifier la mort en 1915 d'environ 1,5 million d'Arméniens sous le joug de l'empire ottoman et elle le fait savoir. Malgré les pressions, et parfois «les menaces de mort», comme l'a relevé le président du Parlement, Norbert Lammert, les députés allemands ont toutefois refusé «de se laisser intimider». Soucieuse de ménager les apparences, la chancelière Angela Merkel n'a pas pris part au vote. Mais elle a soutenu la résolution intitulée «Souvenir et commémoration du génocide des Arméniens et d'autres minorités chrétiennes».
Pour la relation germano-turque, c'est une épreuve. «Un test pour l'amitié» entre les deux pays
Binali Yldirim, premier ministre de Turquie
Il ne s'agit pas seulement d'une querelle historique. Pour la relation germano-turque, c'est une épreuve. «Un test pour l'amitié» entre les deux pays, a déploré jeudi le premier ministre Binali Yldirim, sur un ton relativement modéré. Beaucoup plus sévère, le président Recep Tayyip Erdogan a promis que la décision allemande allait «sérieusement affecter» les liens entre la Turquie et l'Allemagne et qu'il en tirerait les conclusions nécessaires. «Nous allons réfléchir aux démarches que nous allons mener», a-t-il déclaré depuis le Kenya, où il se trouve en déplacement. Depuis plusieurs mois, le chef d'État saisit toutes les occasions pour durcir le ton contre Berlin. Engagé dans une surenchère autoritaire, Recep Tayyip Erdogan refuse de s'aligner sur les opinions européennes pour mieux asseoir son pouvoir. Pour installer un rapport de force avec l'Union, il menace de bloquer l'accord sur les réfugiés. Il veut obtenir immédiatement une libéralisation des visas pour les ressortissants turcs. Mais l'Europe réclame à la Turquie qu'elle respecte au préalable tous les critères définis. Or celle-ci refuse notamment d'assouplir sa législation «antiterroriste». S'il est tenté par une rupture, Recep Tayyip Erdogan pourrait utiliser la résolution arménienne pour s'en approcher.
Angela Merkel, qui ne peut pas se permettre un échec dans la résolution de la crise migratoire, se veut sereine. «Il n'y a pas de raison de préparer un plan B», dit-on dans son entourage. «Nous sommes en train de mettre en œuvre le plan A», ajoute-t-on sans chercher à nier les difficultés qui peuvent se présenter. Mais le gouvernement allemand veut croire que le temps joue en sa faveur en installant la fermeture de la frontière dans les faits. La Turquie n'en reste pas moins le partenaire incontournable pour rendre viable l'accord.
La chancelière veut aussi se persuader que les effets de manches du président turc ne l'emporteront pas sur la réalité des relations entre les deux pays. «Beaucoup de choses lient l'Allemagne et la Turquie. Même si nous avons des différences d'opinions sur certains sujets, la profondeur de nos attaches, notre amitié, nos liens stratégiques sont grands», a-t-elle assuré jeudi après le vote. Plus de trois millions de Turcs vivent en Allemagne.

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Accord à Paris sur des élections en Libye en décembre (29.05.2018)

Par Thierry Portes
Mis à jour le 29/05/2018 à 16h46 | Publié le 29/05/2018 à 16h05
À l'invitation de la France, les différents responsables politiques libyens, réunis mardi à l'Élysée, se sont engagés à organiser des élections législatives et présidentielle le 10 décembre. Un pari ambitieux.
Réunies à L'Élysée dans la matinée de mardi, les différentes institutions politiques libyennes, sous l'égide de l'ONU, et avec l'approbation de la communauté internationale, se sont mises d'accord pour fixer, d'ici au 16 septembre, un cadre juridique permettant l'organisation d'élections présidentielle et législatives le 10 décembre 2018. «Nous nous sommes engagés (...) à œuvrer de manière constructive avec les Nations unies pour organiser (...) des élections dignes de foi et pacifiques et à respecter les résultats des élections lorsqu'elles auront lieu», indique «la déclaration politique» endossée, à l'issue de cette rencontre, par le premier ministre du gouvernement d'union nationale, Fayez al-Sarraj, le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'Est du pays, le président de la Chambre des représentants siégeant à l'Est (Benghazi), Aguila Salah, et celui du Conseil d'État siégeant à l'Ouest (Tripoli) , Khaled al-Mechri.
« En rassemblant tout le monde sur un processus précis, et en s'arrêtant sur des dates, plus personne ne pourra dire : je ne suis pas d'accord. »
Emmanuel Macron
Le président Macron et l'envoyé spécial de l'ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, ont, l'un et l'autre, parlé de «rencontre historique». C'est en effet la première fois que ces quatre représentants libyens acceptaient de dialoguer en un même lieu. C'est également la première fois que les différents pays impliqués en Libye se retrouvaient dans une même réunion consacrée à ce pays, en déshérence depuis la révolution de 2011. Avaient ainsi accepté de se retrouver à Paris, des représentants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, les responsables des pays voisins de la Libye, un représentant de l'Italie, l'ancienne puissance coloniale, et des responsables de pays, tels le Qatar ou la Turquie, qui ont une influence sur des tendances politiques libyennes. Selon le président Macron, qui s'exprimait à l'issue de cette rencontre, «en rassemblant tout le monde sur un processus précis, et en s'arrêtant sur des dates, plus personne ne pourra dire: je ne suis pas d'accord».
La question du cadre juridique
«Jamais je n'ai vu autant de convergence entre la volonté populaire libyenne et la volonté de la communauté internationale», a renchéri Ghassan Salamé, qui a ajouté: «la motivation libyenne existe et on trouvera une solution ; sinon, on trouvera toujours une argutie juridique pour dire que cela boîte par ceci ou cela.» L'homme qui est maintenant chargé de mener les négociations interlibyennes, afin que ce processus ne déraille pas, fait notamment référence à l'un des points les plus délicats de cet accord.
Pour l'heure, la Libye n'a pas de Constitution formellement approuvée, et il paraît difficile de convoquer pour la première fois dans ce pays une élection présidentielle sans cadre juridique. Plusieurs formules sont évoquées, mais il dépendra beaucoup de la bonne volonté des Libyens et de la force de persuasion de la communauté internationale pour que le 16 septembre une solution soit acceptée permettant l'organisation d'élections générales en décembre. Ces scrutins nécessiteront que la situation sécuritaire s'améliore dans un pays frappé régulièrement par des attentats, et qui est même soumis actuellement à des combats autour de la ville de Derna, dans l'ouest. Les avancées consacrées à Paris sont certes notables, mais la route vers une Libye démocratique risque de prendre un peu plus de temps que les six mois prévus lors de cette rencontre de l'Élysée.
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Jean-Claude Juncker met l'Europe centrale à la diète (29.05.2018)

Par Jean-Jacques Mével
Mis à jour le 29/05/2018 à 21h33 | Publié le 29/05/2018 à 19h43
La Commission européenne veut faire porter à la Pologne et la Hongrie l'essentiel d'un effort d'économie.
Officiellement, il s'agit d'un redéploiement de fonds et pas d'une sanction financière. Mais c'est bien en Europe centrale - la Pologne et la Hongrie en particulier - que la Commission Juncker entend faire porter jusqu'en 2027 l'essentiel d'un effort d'économie de 10 % sur les aides au développement et aux grands chantiers d'infrastructure.
Ces enveloppes de «cohésion», censées aider les régions les moins avancées à combler leur retard, représenteront encore 373 milliards d'euros sur la période 2011-2027, soit un bon tiers du total des engagements de l'Union européenne. Ce sera presque autant que les crédits alloués à la Politique agricole commune, premier budget de l'Europe, eux aussi promis à un sérieux tour de vis. Sur les deux fronts, il s'agit de compenser le «trou» creusé par la fin de la contribution britannique en 2022 et par l'inflation des nouvelles missions comme les contrôles aux frontières, la défense, la lutte antiterroriste et l'action climatique.
Pour certains États, les coupes programmées vont bien au-delà de l'effort chiffré à 10 % en moyenne. Une belle empoignade politique se prépare avec ceux qui sont épargnés, voire primés comme la Grèce et l'Italie. La Hongrie de Viktor Orban verra ses crédits de cohésion amputés de 24 %, tout comme la République Tchèque, d'après des documents de travail. La Pologne, en délicatesse avec Bruxelles sur l'État de droit, subira une baisse de 23 % de ses enveloppes. Elles resteront néanmoins les plus élevées de l'UE (64,4 milliards). Pour la Slovaquie ce sera - 22 %. Les trois républiques baltes se retrouvent à la même portion congrue.
Le projet, soumis au feu vert des capitales, est de moderniser et «de rendre plus flexible» l'un des deux grands monolithes du budget européen. Les enveloppes pourront être révisées après deux ans
Le projet, soumis au feu vert des capitales, est de moderniser et «de rendre plus flexible» l'un des deux grands monolithes du budget européen. Les enveloppes pourront être révisées après deux ans. La Commission reconnaît surtout que l'Europe centrale, cible d'investissements en centaines de milliards depuis la vague d'adhésion de 2004, n'est plus la seule région économiquement à la traîne dans l'UE. La crise financière a rebattu les cartes, notamment pour les pays méditerranéens qui ont frôlé la faillite au début des années 2010.
Malgré un serrage de ceinture général, la Grèce, l'Italie et l'Espagne verront leurs crédits de cohésion respectivement augmenter de 8,6 et 5 % jusqu'en 2027. Pour Rome, en crise de confiance face à l'UE, c'est peut-être une bonne nouvelle. La Roumanie et la Bulgarie, négligées ces dernières années, bénéficient aussi d'un coup de pouce. Pour les Méditerranéens, il s'agit d'un rééquilibrage, même si le soutien programmé continue de privilégier le bloc oriental. L'Estonie reste, par habitant, le premier récipiendaire de ces aides: 317 euros, devant la Slovaquie (310) le Portugal (292), la Hongrie (260), la Grèce (254) et la Pologne (239).
Budapest et les autres capitales du groupe de Visegrad voient déjà dans ce réalignement le révélateur d'un règlement de comptes, sur fond de polémique migratoire et de «dumping» social. L'effort demandé n'est pas mince. En Hongrie, les enveloppes de cohésion financent aujourd'hui plus de 55 % de l'investissement public. En Pologne, ce sont plus de 60 %. Avec d'autres, elles pourraient tenter de bloquer le vote du budget pluriannuel. Mais ce serait au risque de geler tous les crédits à partir de 2021…

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Migrants : le maire de Grenoble appelle à désobéir (29.05.2018)

Par Stéphane Kovacs
Mis à jour le 29/05/2018 à 21h20 | Publié le 29/05/2018 à 20h08
L'élu, qui a décoré un homme condamné pour l'accueil de migrants, a été recadré mardi par le préfet de l'Isère.
«Condamnez-moi!», avait-il lancé, bravache, dans un tweet à l'adresse de «M. le Procureur de la République». Autoproclamé «délinquant solidaire», Éric Piolle, le maire écologiste de Grenoble, qui avait remis lundi la médaille de sa ville au défenseur des migrants Cédric Herrou, n'a pas tardé à être recadré.
«Le préfet de l'Isère déplore des propos qui appellent à commettre des infractions ou des actes illégaux, écrit-il dans un communiqué, alors même qu'ils sont tenus par un maire auquel les lois de la République confient des responsabilités d'officier de police judiciaire et la charge de faire respecter l'ordre public.» La condamnation de Cédric Herrou «symbolise les travers les plus marquants de la loi asile et immigration», avait souligné lundi Éric Piolle, en remettant sa décoration à l'agriculteur condamné en appel en août à quatre mois de prison avec sursis pour avoir aidé des migrants dans les Alpes-Maritimes.
«Le préfet est dans son rôle, mais nous, on est dans le nôtre quand on dénonce l'absurdité de cette loi»
Éric Piolle, maire de Grenoble
«Du fait de son hospitalité envers les exilé.e.s (sic), qui se manifeste par de nombreuses actions telles que la mise à disposition des familles des logements vacants (sic), les actions d'aide à l'apprentissage de la langue française dans les Maisons des Habitants, le village d'insertion du Rondeau, l'accueil dans les crèches municipales d'enfants issus de famille en demande d'asile, ou encore par la coordination de la plateforme Grenoble Terre d'accueil, la Ville de Grenoble tombe sous le coup du délit dit de solidarité», énumère l'édile sur Facebook. «Peut-être même notre action recouvre-t-elle la notion de “bande organisée” visée à l'article L. 622-5 du Ceseda (Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, NDLR) qui est reprochée aux jeunes gens qui seront jugés ce jeudi par le tribunal correctionnel de Gap pour leur participation à une manifestation à Briançon il y a quelques semaines?», poursuit Éric Piolle.
Ce «délit de solidarité», même si l'Assemblée nationale a voté le 22 avril un amendement pour l'assouplir, est une situation qui «nous tord le ventre, toutes tendances politiques confondues», s'émeut le maire auprès du Figaro. «Le préfet est dans son rôle, reconnaît-il, mais nous, on est dans le nôtre quand on dénonce l'absurdité de cette loi. Je lance d'ailleurs un appel à tous les maires humanistes qui aident les migrants à le faire. C'est maintenant qu'il faut se lever, comme les médecins l'ont fait en 1973 pour l'avortement.»
«Devoir d'exemplarité»
Du côté de la préfecture, on rappelle que «s'il n'est pas contestable qu'un élu puisse exprimer des opinions qui s'inscrivent dans un débat d'intérêt général […], le devoir d'exemplarité auquel sont tenus tous les responsables publics et les élus s'attache de ce fait tout particulièrement à la fonction de maire». Ce mercredi se tiendra devant le tribunal correctionnel de Nice le procès d'une retraitée de 72 ans qui avait aidé deux adolescents guinéens refoulés en Italie à revenir en France. Cette responsable d'Amnesty International et membre de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) encourt cinq ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.
Jeudi, à Gap, trois militants, une Italienne et deux Suisses, comparaîtront, eux, pour avoir facilité l'entrée en France de réfugiés le 23 avril, lors d'une marche de soutien aux migrants à la frontière franco-italienne. Cette manifestation faisait suite à une action hostile aux réfugiés organisée par le groupuscule d'extrême droite Génération identitaire.
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Le Sénat enquête sur le malaise policier (29.05.2018)

Par Christophe Cornevin
Mis à jour le 29/05/2018 à 18h50 | Publié le 29/05/2018 à 18h20
Depuis janvier, une commission parlementaire dissèque les causes de la colère au sein des forces de l'ordre.
En ce mardi 29 mai, à midi, une scène insolite se déroule rue Albert, dans le XIIIe arrondissement parisien, sous les fenêtres de la Direction de l'ordre public et de la circulation. À l'appel du Syndicat général de la police (SGP), plusieurs policiers en pyjama ou coiffés de bonnets de nuit s'installent sur un lit planté au beau milieu du trottoir.
Autour d'eux, dans un concert de sifflets et sous les fumigènes, des collègues déroulent une banderole où il est inscrit: «On a le droit à une vie privée». Un message en écho, selon Rocco Contento, responsable parisien du SGP, «aux arrêts maladies, aux dépressions des gardiens et gradés considérés comme de simples outils de production, des “ETPT” (emploi du temps plein travaillé), une appellation administrative derrière laquelle se trouvent des hommes et des femmes qui souffrent».
«Nous avons parfois constaté des conditions immobilières dégradées, avec des logements indignes dépourvus de double vitrage, équipés d'installations électriques hors d'âge»
François Grosdidier, sénateur (LR) de la Moselle et ancien maire de Woippy, rapporteur de la commission d'enquête sénatoriale
Ce nouveau coup de gueule est la énième démonstration du besoin de reconnaissance qui tenaille les forces de l'ordre. Ce malaise lancinant, exacerbé lors d'un mouvement de grogne au printemps 2017 mais aussi par les suicides à répétition qui endeuillent la profession, est au cœur de la Commission d'enquête sénatoriale créée à la demande des Républicains sur «l'état des forces de sécurité intérieure».
«L'idée, à l'origine de Gérard Longuet, est de décrypter les causes multiples d'un profond malaise», confie en fin connaisseur le rapporteur François Grosdidier. Sénateur (LR) de la Moselle et ancien maire de Woippy, cet élu de terrain s'était illustré en armant et en équipant pour la première fois en France sa police municipale de «caméras-piétons» pour mettre fin aux zones de non-droit dans sa commune. Les travaux, présidés par le sénateur socialiste de la Charente, Michel Boutant, sont menés tambour battant et dans la profondeur.
Depuis janvier, la commission a ainsi entendu le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb et son prédécesseur place Beauvau Bernard Cazeneuve, la garde des Sceaux Nicole Belloubet, des responsables de la gendarmerie et de la police, qu'elle soit nationale ou municipale mais aussi des agents pénitentiaires, des douaniers, le criminologue Alain Bauer ou encore l'avocat spécialisé Thibault de Montbrial. Au total, une cinquantaine de grands témoins ont déposé sous serment.
Sur le terrain, les parlementaires ont mené leurs investigations au sein de la police aux frontières et du dispositif «Sentinelle» à Calais, à l'Évêché qui est le siège de la police marseillaise, au commissariat de Coulommiers longtemps jugé comme l'un des plus vétustes de France ou encore dans des casernements de gendarmerie sur le site de Satory (Yvelines).
«Il existe des centaines de jeunes policiers qui ne trouvent pas de solutions de logements et qui pour certains dorment dans leur voiture»
François Grosdidier
«Nous avons parfois constaté des conditions immobilières dégradées, avec des logements indignes dépourvus de double vitrage, équipés d'installations électriques hors d'âge et de baignoires sabots des années 1950», grimace François Grosdidier qui évoque «les centaines de jeunes policiers qui ne trouvent pas de solutions de logements en Île-de-France et qui pour certains dorment dans leur voiture».
Mais aussi le «parc vieillissant des véhicules de service qui affichent plus de 200.000 kilomètres au compteur et qui mettent potentiellement en péril les équipages», «l'interrogation sur le sens de leur action des membres de forces de l'ordre alors que 80 % des Français les aiment», ou encore le «terrible syndrome Magnanville» (en référence au couple de policiers assassinés le 13 juin 2016 à leur domicile par un islamiste) qui aurait pénétré les cerveaux au point que «le sentiment d'insécurité qui règne au sein des forces perce leur propre sphère familiale». Les sénateurs seraient-ils en train de noircir le tableau? Ils revendiquent une «démarche objective», nourrie par le terrain et renseignée par des témoignages recoupés. Leur rapport, attendu fin juin, pourrait être explosif.
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Pourquoi les salafistes inquiètent les autorités (26.05.2018)
>Faits divers|Jean-Michel Décugis, Jérémie Pham-Lê et Éric Pelletier|26 mai 2018, 18h36|MAJ : 27 mai 2018, 16h35|71
À Marseille, l’imam radical El Hadi Doudi a été expulsé vers l’Algérie fin avril. AFP/Anne-Christine Poujoulat
La montée en puissance de cette mouvance minoritaire de l’islam inquiète les autorités. Une note des Renseignements territoriaux pointe une «lecture de l’islam incompatible avec les valeurs fondamentales de la société française».
À chaque nouvel attentat, la même polémique. Après les attaques de l’Aude (quatre morts) en mars dernier, Manuel Valls désignait l’« ennemi » : le salafisme, assimilé par l’ex-Premier ministre à l’islam radical. Ce courant, prônant une lecture littérale du Coran, serait-il l’antichambre du terrorisme ?
Pas si simple. Il convient en effet de distinguer le salafisme djihadiste qui prône la guerre sainte de sa version dite « quiétiste », opposée à la violence. L’écrasante majorité des salafistes ne verse pas dans le terrorisme. Mais les djihadistes qui visent la France au nom de Daech se revendiquent ouvertement d’une telle idéologie. « La porosité entre les deux courants est une réalité avérée et l’on constate régulièrement des passages de la catégorie pacifique à l’autre », prévient une récente note du Service central de renseignement territorial (SCRT) que nous avons pu consulter.
Condamnation de la démocratie, de l’égalité des sexes, hostilité face à la musique et la poésie… Force est de constater que le salafisme défie les lois et les valeurs de la République. Ce phénomène reste largement minoritaire au sein de l’islam de France (environ 5 % des musulmans fréquentant les lieux de culte selon les policiers spécialisés), mais la mouvance connaît un essor sans précédent.
Prosélytisme actif
Depuis son apparition en France au milieu des années 1990, le salafisme est en forte progression : 5 000 adeptes en 2004, 12 000 en 2010, entre 30 000 et 50 000 aujourd’hui. Ce grand écart statistique s’explique par une difficulté de comptabilisation. Beaucoup de femmes et de salafistes éloignés des lieux de culte prient en effet à domicile ou dans des mosquées affiliées à d’autres courants.
Cette influence grandissante -le nombre de lieux de culte salafistes a crû de 170 % entre 2010 et 2016- est surtout perceptible parmi les jeunes générations, souvent converties, et issues des quartiers sensibles, en opposition avec l’islam traditionnel de leurs aînés. Les services de renseignement notent une corrélation entre les territoires marqués par une forte influence rigoriste et ceux gangrenés par l’économie souterraine, notamment le trafic de stupéfiants.

À l’exception de la Corse, confrontée au passage de prédicateurs itinérants, toutes les régions comptent des salles de prière salafistes. Des lieux de culte « souvent de proximité […] hébergés dans des appartements, des maisons, d’anciens commerces, des gymnases, voire des garages ou des caves », indique la note des RT. Précarité et exiguïté peuvent engendrer, les jours de grande affluence, des prières de rue entravant « la circulation automobile » et posant « des problèmes de sécurité », précise le même rapport.
Aujourd’hui, de nombreuses mosquées traditionnelles sont confrontées à un entrisme, parfois violent qui s’exprime par la contestation de la gestion des dirigeants, la remise en cause de l’imam ou la pression sur les fidèles par un prosélytisme actif… « Ces manœuvres de déstabilisation permettent aux salafistes de s’emparer des lieux de culte à l’occasion des élections destinées au renouvellement des bureaux gestionnaires », relève le document, citant les cas récents de Bollène (Vaucluse), Beaucaire (Gard) ou Toulon (Var).
Des prêches souvent virulents
Leur idéologie s’exprime d’abord au cours des prêches délivrés aux fidèles par les imams de la mouvance. Des prêches souvent virulents. Ici, à Ecquevilly (Yvelines), les pratiquantes non voilées sont, selon le RT, comparées à « des femmes d’un soir, dénuées de toute pudeur, et qui assouvissent le plaisir des loups ». Là, à Brest (Finistère), on assure aux enfants qu’ils risquent « de se transformer en singe ou en porc » s’ils écoutent de la musique, qualifiée de « diabolique ».
Les prédicateurs salafistes jouent aussi à plein des réseaux sociaux et d’Internet. À l’image justement de Rachid el-Jay, l’imam de la mosquée Sunna de Brest et ses cours d’éducation religieuse sur YouTube. « À qui on ne doit pas dire bonjour les enfants ? » Lesquels répondent en chœur : « Aux mécréants. »
Face à cette vague salafiste, l’État, garant à la fois de la liberté de conscience et des principes républicains, cherche la riposte. Fermeture de lieux sensibles, expulsions d’imams, multiplication des contrôles sanitaires… Depuis 2015, les gouvernements successifs durcissent le ton.


Strauch-Bonart : «Les inégalités en défaveur des hommes passent à la trappe !» (25.05.2018)

Par Eugénie Bastié
Mis à jour le 26/05/2018 à 15h01 | Publié le 25/05/2018 à 19h38
GRAND ENTRETIEN - On évoque sans arrêt les inégalités entre hommes et femmes en défaveur de ces dernières. Et si l'inverse était aussi vrai ? C'est ce que démontre magistralement l'essayiste dans son nouveau livre Les hommes sont-ils obsolètes ?.
Dans son nouveau livre Les hommes sont-ils obsolètes? (Fayard), Laetitia Strauch-Bonart s'appuie sur de nombreuses études scientifiques, où elle prouve le déclin irréfutable de la condition masculine à l'école, dans la famille et sur le marché du travail. Les hommes ont perdu le contrôle de la procréation, sont en retard dans les salles de classe, et la force physique qui était leur apanage n'a plus d'utilité sociale. À mille lieues des discours idéologiques convenus sur une discrimination systémique à l'égard des femmes, elle montre que l'asymétrie entre les sexes n'est pas le fruit d'un constructivisme social mais s'enracine dans des différences biologiques. Elle fournit un plaidoyer précis et stimulant contre la guerre des sexes et le féminisme victimaire.
LE FIGARO.- Alors que l'on évoque quotidiennement la lutte pour les droits des femmes, vous avez choisi de parler dans votre livre de l'obsolescence des hommes. Qu'est-ce qui vous fait croire que la condition masculine serait menacée?
Laetitia STRAUCH-BONART. -À cela, il y a d'abord une raison structurelle: l'évolution des conditions du pouvoir des hommes. À ce sujet, les réflexions contemporaines sont souvent trop court-termistes. Elles oublient que dans un monde où la force physique et le contrôle de la procréation, qui étaient la source du pouvoir des hommes, ont bien moins d'importance que par le passé, la place des hommes est en train de changer radicalement.
La force physique d'abord: elle est moins importante sur le marché du travail. La violence ensuite: je m'appuie sur les travaux du chercheur Steven Pinker, qui a montré, dans La Part d'ange en nous, quel'usage de la violence a considérablement régressé depuis des siècles, ce qui est contre-intuitif.
Ensuite, les femmes ont pris le contrôle de la famille. Elles détiennent aujourd'hui entièrement celui de la procréation. En cas de séparation, ce sont elles qui obtiennent la garde quasi systématiquement.
L'école ensuite: c'est flagrant. Je me suis plongée dans les études Pisa. En France, le retard des garçons de 15 ans sur les filles est de trois quarts d'année scolaire en moyenne en «compréhension de l'écrit». En bout de classe, dans les très mauvais, il y a une majorité de garçons. Dans l'OCDE, cet écart atteint trois ans entre un garçon issu des classes populaires et une fille issue des catégories supérieures! C'est très préoccupant, et je suis sûre que si c'était l'inverse, si les filles étaient à la traîne, ce serait un sujet de société - ce qui serait bien évidemment légitime. Mais les inégalités en défaveur des hommes, quand elles existent, passent à la trappe! On préfère parler des «stéréotypes de genre» et de la place occupée par les garçons dans les jeux à la cour de récré plutôt que de l'inégalité criante des résultats!
Enfin, vous ne pouvez pas nier que sur le marché du travail, les femmes sont encore perdantes…
La photographie actuelle est certes en défaveur des femmes: il y a des écarts de salaires, moins de femmes PDG et plus de femmes à temps partiel. Mais la tendance de long terme va dans le sens d'une ascension spectaculaire des femmes, qu'on ne célèbre pas suffisamment. Il y a des secteurs où les femmes deviennent majoritaires: presse, communication, magistrature, médecine, enseignement. On ne parle que des dirigeants d'entreprise, mais il s'agit d'une petite minorité! Or quand on regarde l'ensemble du tableau, en excluant les dirigeants, on voit autre chose: beaucoup des métiers qui tendent à disparaître aujourd'hui, notamment en raison de la mécanisation, sont des métiers plus «masculins», tandis que les nouveaux métiers et les métiers en croissance (services à la personne, commerce) sont traditionnellement occupés par des femmes. Dans un monde moins violent, physique, et plus collaboratif et relationnel, l'économie devient féminine.
«La première chose qu'il faut dire, c'est qu'un écart ne signifie pas forcément une discrimination.»
Laetitia Strauch-Bonart
On évoque souvent les différences de salaires pour prouver l'existence d'une discrimination systémique entre hommes et femmes. Quelle est la réalité de cet écart?
La première chose qu'il faut dire, c'est qu'un écart ne signifie pas forcément une discrimination.
Aucune étude ne dit que la différence salariale est entièrement due à la discrimination. Il existe des discriminations, mais elles sont loin d'être la seule explication. Le monocausalisme, voilà l'essence de l'idéologie! Les différences de salaire ont des facteurs multiples: le secteur d'activité, la fonction, l'expérience, l'âge, le temps de travail, le pouvoir de négociation, les interruptions de travail liées à la grossesse… Ensuite, il faut analyser chacun de ces facteurs.
Oui, les femmes travaillent en moyenne moins que les hommes, mais il est faux de dire que ce temps partiel est toujours subi: il est choisi à 68 %. Oui, elles s'occupent davantage de leurs enfants, mais c'est souvent un choix! Oui, les femmes préfèrent en moyenne les métiers relationnels, où on gagne moins d'argent que les métiers techniques, comme celui d'ingénieur. Mais si ces métiers sont moins lucratifs, c'est parce que dans une société capitaliste et technologique, la richesse va à ceux qui produisent la technologie. C'est donc bien moins le résultat d'un «système patriarcal» que celui de la rationalité économique. Ne faudrait-il pas d'ailleurs reconsidérer les filières du soin?
En réalité, ce sont les choix des femmes que l'on critique. Avec à la clé, une question de valeurs: on dresse une équivalence entre le fait de réussir sa vie et de gagner de l'argent. Pourquoi travailler à son compte aurait-il moins de valeur que d'être PDG? Pourquoi être juge ou responsable des ressources humaines serait-il moins valorisant que d'être ingénieur chez Google? Nous prétendons «déconstruire la société patriarcale», mais nous avons en réalité intériorisé les valeurs masculines. Je m'interroge sur la volonté de certaines féministes de nier les aspirations des femmes - des aspirations qui ressortent des études sur le sujet et qui ne sont que des moyennes, mais qui n'en sont pas moins éclairantes. Beauvoir disait dans une interview américaine: «Aucune femme ne devrait être autorisée à rester chez elle pour élever ses enfants. La société devrait être totalement différente. Les femmes ne devraient pas avoir ce choix, précisément parce que si ce choix existe, trop de femmes vont le faire» N'est-ce pas terriblement liberticide? Ou encore, j'entends souvent les responsables politiques afficher leur volonté que dans l'enseignement supérieur, la proportion de femmes dans les matières mathématiques et technologiques augmente. Mais ils ne s'interrogent jamais sur leurs désirs profonds! Et si les femmes, même quand elles sont, très bonnes en sciences, n'avaient pas envie d'en faire leur métier? Les études sur lesquelles je m'appuie dans mon livre le prouvent: les femmes qui sont aussi bonnes ou meilleures en lettres qu'en sciences, choisissent d'abord les lettres, même quand elles sont meilleures que les garçons en sciences!
«La théorie de l'évolution explique ainsi qu'hommes et femmes, confrontées à des pressions sélectives différentes, ont adopté des comportements distincts.»
Laetitia Strauch-Bonart
On se souvient de l'affaire du mémo de Google, où un ingénieur avait été renvoyé pour avoir expliqué les différences de carrières entre hommes et femmes. Pourquoi hommes et femmes font-ils des choix de carrière différents?
Hommes et femmes embrassent des carrières différentes, en moyenne, parce qu'ils ont en moyenne des intérêts différents - leurs choix sont donc libres et authentiques. Les «stéréotypes de genre» jouent certainement un rôle, mais certainement bien plus faible qu'on ne le dit: ils ne peuvent expliquer l'entièreté de ces différences.
On constate que les femmes se dirigent davantage, en moyenne, vers des métiers relationnels et liés au langage, et les hommes davantage vers des métiers techniques. Cela correspond à une distinction très importante observée et validée par les psychologues cognitivistes et comportementaux, celle entre l'intérêt des femmes pour les «personnes» et celui des hommes pour les «choses». Alors qu'ils ont l'opportunité de faire les mêmes études, et que les filles sont souvent meilleures que les garçons! Dans une étude récente (G. Stoet, D. C. Geary, «The Gender-Equality Paradox in Science, Technology, Engineering, and Mathematics Education», Psychological Science, 2018), des chercheurs parlent même d'un «paradoxe de l'égalité»: les différences entre les choix des deux sexes sont d'autant plus marquées que les pays sont développés et égalitaires! Plus il y a d'égalité, plus les choix sont genrés! C'est une réfutation magistrale du constructivisme social: quand on donne aux femmes le choix, elles affichent leurs différences.
Mais d'où proviennent ces différences?
C'est là qu'il faut prononcer le mot qui fâche: la nature! Je ne défends en aucun cas un déterminisme biologique, mais l'idée que les comportements des deux sexes sont en partie le résultat de différences naturelles. Ces différences sont corroborées par d'innombrables études scientifiques - psychologie cognitive et comportementale, étude des hormones et du cerveau, anthropologie et psychologie évolutionniste -, la distinction «choses/personnes» étant présente dès le plus jeune âge.
La théorie de l'évolution explique ainsi qu'hommes et femmes, confrontées à des pressions sélectives différentes, ont adopté des comportements distincts. Elle permet de comprendre notamment les racines de l'investissement supérieur des mères pour leurs enfants ou encore celles de la propension masculine à la compétition.
Malheureusement, toutes ces études sont quasiment inaudibles en France. Alors que la science s'écrit aujourd'hui en anglais, nous préférons rester repliés sur nous-mêmes, et accorder du crédit à des théories aberrantes, proférées par des universitaires qui ne connaissent rient à la biologie! On a pu le voir notamment avec les propos consternants de l'anthropologue Françoise Héritier qui affirmait que si les hommes étaient plus grands que les femmes, c'est parce qu'ils leur confisquaient la viande depuis l'âge des cavernes!
«Le malaise masculin m'inquiète. Alors que la place des hommes dans le monde n'est plus très claire, on leur demande de s'adapter immédiatement et radicalement.»
Laetitia Strauch-Bonart
Alors que vous montrez que les femmes n'ont jamais été aussi puissantes, comment expliquez-vous que le féminisme victimaire tienne constamment le haut de l'affiche?
Je pense que ce que vous décrivez provient de ce que les chercheurs en sciences cognitives appellent des «biais». Le «biais de disponibilité» d'abord, qui consiste à privilégier et surestimer les informations qui sont immédiatement disponibles dans notre mémoire. La surexposition médiatique de certains événements peut alors donner l'impression que ceux-ci sont plus fréquents, même si c'est faux! Il y a aussi le «biais de négativité»: on a tendance à être davantage marqué par les événements négatifs que positifs. Ces deux biais empêchent de voir les progrès accomplis par les femmes depuis des décennies.
Le déclassement masculin est-il facteur de déstabilisation? Peut-il aboutir à des phénomènes de ressentiment?
Le malaise masculin m'inquiète. Alors que la place des hommes dans le monde n'est plus très claire, on leur demande de s'adapter immédiatement et radicalement. Certains hommes sont tout à fait à l'aise aujourd'hui, ceux des classes supérieures. C'est dans les classes populaires que les hommes connaissent le désarroi le plus fort. Plus généralement, je suis frappée que la masculinité ne soit invoquée, aujourd'hui, que quand elle est «toxique». Le constructivisme social qui n'invoque la différence des sexes que pour criminaliser le masculin crée à mon sens un profond malaise chez certains hommes.
Or nous n'avons aucun intérêt à ce que les hommes soient «obsolètes» car leur absence a des conséquences néfastes sur leur entourage direct, à commencer par les femmes et les enfants. Je ne crois pas à la guerre des sexes, qui considère la relation hommes-femmes comme un jeu à somme nulle: ce qu'un sexe gagne, l'autre doit le perdre. Au contraire, je pense que si les hommes vont mal, les femmes en souffrent!
Peut-il exister un féminisme conservateur?
Je crois au féminisme de l'égalité d'opportunité, pas à celui de l'égalité de résultat. Dans l'histoire, aucun gouvernement, aucun groupe social n'a obtenu d'égalité de résultat sans recourir à la coercition ou à la violence. Non seulement on ne peut pas changer fondamentalement la nature humaine, mais quand on s'y essaie, c'est toujours au prix fort.
Laetitia Strauch-Bonart est également rédactrice en chef de la revue hebdomadaire d'idées «Phébé par Le Point».

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Massive turn-out for anti-genocide protest in Perth, Australia (08.04.2018)
Native Australians and immigrant South Africans joined hands in protesting the killing of farmers and white genocide in South Africa on Sunday 8 April. A special report of the day was compiled by Free West Media.
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Published: April 8, 2018, 3:16 pm
More than 3000 Australians and ex-South Africans attended a protest in Perth against farm murders and white genocide in South Africa. The Australian vlogger Avi Yemini, who was one of the speakers at the protest, received loud applause when he said: “Stop acting like a pack of racists and stand and protect your white South Africans!'”
Yemini has collected 50 000 signatures for a petition in which the Australian government is requested to allow more South African refugees in Australia.
The crowd of protestors were not particularly raucous, given the bloodshedding they were protestings against, but many carried placards and crosses. One big placard said: “Recognise the genocide.”
During the march by protestors, some Afrikaans folk songs such as “Sarie Marais” were sung.
At least three Australian politicians also participated as speakers at the protest, Messrs. Andrew Hastie (Liberal Party), Aaron Stonehouse (Liberal-Democratic Party) and Charles Smith (One Nation).
During the introduction, one of the organisers, an Afrikaner and ex-South African, said: “South African farmers are being brutally targeted. Husbands are forced to watch while their wives are being raped. Children are forced to watch while their parents are being killed.”
He also told the crowd how the two-year old Willemien Potgieter, the martyred little girl was executed with a pistol together with her mother after both of them had to watch how her father was hacked to death with a machete.
The three Australian politicians expressed their solidarity with the suffering South Africans.
Mr. Charles Smith, a member of the provincial council in West Australia, said: “We are standing here to express our heartfelt solidarity with South African farmers who we call brothers, who we call sisters and uncles.”
“We stand here to protest what we perceive to be wrong: The expropriation of land without compensation, the assaults, the killing, the genocide. I believe this protest has right on its side,” Charles Smith of One Nation continued.
‘Reverse apartheid’
According to Charles Smith, there exists reverse apartheid in South Africa. Therefore he asked other countries to also express themselves against it. “Today I call upon all nations around the world to say no to this reverse apartheid which is taking shape in South Africa.”
The member of parliament for the Liberal-Democratic Party, Mr. Aaron Stonehouse, said that he was not influenced by race or ethnicity. “We are classical liberals. We don’t like to look at the world through the lens of race. I’d rather judge people as individuals, by their values and by their actions… White farmers are being attacked in South Africa and their government is throwing fuel on the fire.”
Mr. Stonehouse was of the opinion that white South Africans made a big contribution to Australia, particularly because they were part of the Western family, also being pioneers, just like Australians. “The South African people and the Australian people do share the same values. We derive from the same European experience of crossing out into the great unknown with nothing but our swags on our backs and crosses on our hearts,” Stonehouse declared. “I’m also a member of this broad family of nations that you might call the West… People who live in the West have a lot in common. Someone born in South Africa, or the UK or America might find success in a place like Australia.”
At the same time, Stonehouse denounced the expropriation of land without compensation, as voted by the South African parliament and supported by the ANC and EFF. “The ANC is attacking the very idea of private property rights,” he said.
A female South African immigrant, who was apparently also an Afrikaner, expressed herself strongly against the abuse of women and children. “Also concerning is the abuse of all women and children in South Africa which has reached alarming levels,” she said.
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Affaire Ramadan : une plaignante modifie sa version (29.05.2018)

Par Julien Licourt
Publié le 29/05/2018 à 17h14
Henda Ayari s'est aperçue que le viol présumé ne serait pas déroulé à la date et dans les lieux qu'elle avait préalablement indiqués. La défense du prédicateur exprime sa «désolation» face à cette affaire et en profite pour demander la remise en liberté de Tariq Ramadan.
C'est sans doute la plaignante la plus en vue dans l'affaire Ramadan. Henda Ayari est la seule des trois femmes qui ont déposé plainte en France pour viol contre le prédicateur musulman a avoir révélé son vrai nom. Cette dernière a modifié devant les juges la version des faits qu'elle avait préalablement donnée, a révélé mardi matin France Info. Elle avait indiqué, dans sa plainte initiale, avoir été violée début avril 2012, dans un hôtel situé près de la Gare de l'Est, à Paris. Elle a expliqué la semaine dernière aux magistrats que l'agression se serait plutôt déroulée à un autre endroit de la capitale, toujours dans un hôtel, mais cette fois près de la place de la République. Elle décale également la date au 26 mai 2012.
Un revirement qui fait bondir le conseil de Tariq Ramadan, Me Emmanuel Marsigny, dont le client, actuellement en détention provisoire, est mis en examen pour «viol» et «viol sur personne vulnérable». «Ce changement de version m'inspire de la désolation, déplore-t-il au Figaro. Je dis depuis des semaines que la justice n'agit pas comme elle le devrait dans cette affaire. Il faudrait qu'elle s'assure de la crédibilité des circonstances avancées par les plaignantes. Or, il est évident qu'il y a des invraisemblances. J'ai soulevé l'incohérence et l'impossibilité du récit de Henda Ayari, elle a donc été obligée d'en changer.»
Selon l'avocat, il y avait un problème chronologique dans les faits avancés. Elle aurait décrit une chambre d'hôtel qui ne correspondrait pas à l'établissement qu'elle avait initialement désigné comme le lieu de l'agression. Le conseil du prédicateur décrit également des SMS équivoques envoyés par la plaignante alors qu'elle était censée ne plus entretenir de relation avec Tariq Ramadan.
«J'assume d'avoir oublié le lieu et la date précise d'une agression traumatisante»
Henda Ayari
Contacté par Le Figaro, les avocats de Henda Ayari indiquent qu'ils ne s'exprimeront pas sur le sujet. Mais elle-même l'a fait sur Twitter. La victime présumée a ainsi publié trois messages où elle indique avoir «retrouvé des éléments importants (date et lieu) qui prouvent [qu'elle n'a] pas menti contrairement à ce que dit l'avocat de [Tariq Ramadan] qui veut [la] faire passer pour une menteuse». Elle poursuit: «J'ai retrouvé des informations ainsi que mon agenda de 2012 où figurent des éléments incontestables! Peu importe qu'on me traîne dans la boue, qu'on me fasse passer pour une mythomane, une folle ou une prostituée, bientôt la vérité éclatera au grand jour! J'ai confiance en la justice!» «J'assume totalement le fait d'avoir oublié le lieu et la date précise d'une agression traumatisante, 5 ans après!», écrit-t-elle également.
Ces éléments offrent une occasion pour la défense de réclamer une nouvelle fois la remise en liberté de Tariq Ramadan. Les juges ont refusé les demandes du théologien, craignant qu'il ne s'en prenne aux victimes, qu'il ne repasse à l'acte ou qu'il ne prenne la fuite. «Il a proposé de donner son passeport à la justice et de porter un bracelet électronique, explique son avocat, Me Marsigny. S'il fuyait en Suisse (dont il est citoyen, NDLR), il se retrouverait dans un pays où il est également visé par une plainte pour viol. Cela n'a pas de sens! Qu'y puis-je si les juges ont peur? Il est maintenant temps d'examiner les faits avec rigueur et objectivité.»
Tariq Ramadan doit être entendu par les juges le 5 juin prochain.
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Free Tommy Robinson


PETITION IN : ENGLISH - FRANÇAIS - ESPAÑOL - DEUTSCH - ITALIANO - POLSKI - CZECH - RUSSIAN
Tommy Robinson has been arrested and jailed for reporting on Muslim grooming gangs. A job that he chooses to do with no regard for his own safety, informing the public of all the wrongs committed in the name of Allah. Fighting against adversity and reporting on issues that our mainstream media are too afraid to speak of.
Tommy is raising issues that are affecting all of our communities, and that are being swept under the carpet and hidden from the public.
Its time we stand together, stand strong, and stand by his side.  
FREE TOMMY ROBINSON

Tommy Robinson a été arrêté et emprisonné pour avoir parlé des gangs pédophiles musulmans. Un travail qu’il choisit de faire au détriment de sa propre sécurité pour informer le public des horreurs commises au nom d’Allah. Envers et contre tout, il fait le travail d’information que les médias de masse refusent de faire. Tommy parle de problèmes affectant toutes les communautés, mais qui sont pourtant passés sous silence et cachés du grand public. Il est temps que nous soyons forts et solidaires, et que nous le soutenions.
LIBÉREZ TOMMY ROBINSON

Tommy Robinson ha sido arrestado y encarcelado por informar sobre pandillas de aseo musulmán. Un trabajo que él elige hacer sin tener en cuenta su propia seguridad, informando al público de todos los horrores cometidos en nombre de Alá. Luchando contra la adversidad e informando sobre temas de los que nuestros medios convencionales se niegan a hablar.
Tommy está planteando problemas que están afectando a todas nuestras comunidades, y que están siendo barridos bajo la alfombra y escondidos del público.
Es hora de que nos mantengamos unidos, nos mantengamos firmes y permanezcamos a su lado.
Libertad para Tommy
Tommy Robinson wurde verhaftet und inhaftiert, weil er über eine muslimische Vergewaltigerbande berichtet hat. Eine Arbeit, die er ohne Rücksicht auf seine eigene Sicherheit ausübt und die Öffentlichkeit über all das Unrecht informiert, das im Namen Allahs begangen wurde. Kampf gegen Widrigkeiten und Berichterstattung über Themen, bei denen unsere Mainstream-Medien zu feige sind, darüber zu berichten.
Tommy wirft Fragen auf, die unsere Gemeinschaft betreffen und die unter den Teppich gekehrt werden sollen, um sie vor der Öffentlichkeit zu verbergen.
Es ist Zeit, dass wir zusammen stehen, stark sind und an Tommys Seite stehen.
FREIHEIT für Tommy Robinson
Tommy Robinson è stato arrestato per aver segnalato casi di gang di pedofili musulmani. Informare l'opinione pubblica sui misfatti commessi nel nome di Allah, è una missione che ha scelto di portare avanti consapevole dei rischi per la sua incolumità personale, facendo luce su quello che la stampa nasconde per codardia o per paura.
Tommy sta cercando di sensibilizzare su episodi che colpiscono tutta la nostra comunità e che vengono ripetutamente nascosti al pubblico.
È giunto il momento di essere uniti, forti e di schierarci dalla sua parte.
LIBERTÀ PER TOMMY ROBINSON

“Tommy Robinson został aresztowany i osadzony w więzieniu za informacje (wolność słowa) o gangu muzułmańskich pedofilów. Praca, którą postanowił wykonywać, bez względu na swoje bezpieczeństwo, zdecydował przekazywać informacje dla opinii publicznej o wszystkich przestępstwach dokonywanych w imię Allaha.
Praca, walka która rozpoczął przeciwko nieszczęściom i przeciwnościom losu i faktom, o których główne media boja się mówić.
Walka o prawdę i wolność słowa.
Tommy wypunktował wszystkie problemy, które dotykają nasza lokalna społeczność, oraz inne które są „zamiatane pod dywan” i ukrywane przed opinia publiczna.
Nadszedł czas, najwyższy czas abyśmy się zjednoczyli, zjednoczyli w sile, i stanęli u jego boku.
NATYCHMIAST UWOLNIĆ TOMMY’EGO ROBINSONA!!!!!”
Tommy Robinson byl zatčen a uvězněn za podávání zpráv o muslimských pedofilních bandách. Práci, kterou se rozhodl dělat bez ohledu na vlastní bezpečí, informovat veřejnost o všech příkořích páchaných ve jménu Alláha. Boj proti nepřízni osudu a podávání zpráv o otázkách, o kterých se naše mainstreamová média příliš bojí mluvit. Tommy však vyvolává otázky, které mají vliv na všechny naše komunity, a ta jsou zametána pod koberec a ukryta před veřejností. V tuhle chvíli  stojíme při sobě, stojíme silní a stojíme na jeho straně. OSVOBOĎTE TOMMY ROBINSON
Томми Робинсон был арестован и заключён в тюрьму за репортаж о мусульманских бандах педофилов.
Томми информирует общественность о всех злодеяниях, совершенных во имя Аллаха, не заботясь о собственной безопасности.
Он ведёт борьбу с преступлениями, о которых наши СМИ слишком боятся говорить.
Томми освещает проблемы, которые затрагивают всех нас, и которые заметаются под ковер и скрыты от общественности.
Пришло время встать и поддержать Томми всем вместе.
СВОБОДУ ТОММИ РОБИНСОНУ


La pyrolyse, une solution pour transformer les déchets plastiques en énergie (28.05.2018)
Par Marc Cherki et Cyrille VanlerbergheMis à jour le 29/05/2018 à 10h28 | Publié le 28/05/2018 à 19h33
FIGARO DEMAIN - La fondation Race for Water et le projet Planet Odyssey font le pari que des nouvelles technologies vont permettre de valoriser les déchets plastiques en produisant des carburants synthétiques.
Les campagnes de sensibilisation se multiplient, et certains pays occidentaux prennent enfin des mesures pour réduire la quantité de plastiques qui sont rejetés et risquent de finir dans les océans. Des progrès qui pourraient aider à réduire les pollutions provenant des pays développés, déjà dotés de systèmes de récupération et de traitements des déchets. Mais cela risque en revanche d'avoir peu d'impact sur de nombreux pays en développement qui ne disposent pas encore de tels systèmes et risquent de rejeter encore longtemps de nombreux déchets plastiques.
Après un tour du monde réalisé en voilier pour faire des mesures des plastiques dans tous les océans, Marco Simeoni, président de la fondation suisse Race for Water est arrivé à une conclusion sans appel: sur les millions de tonnes déjà rejetées en mer, 90% ne restent pas en surface, mais coulent ou flottent entre deux eaux. Il est donc irréaliste de penser qu'on pourra nettoyer les océans.
«90 % du plastique dans les océans est déversé depuis les pays en voie de développement »
Simon Bernard, Planet Odyssey
Il serait en revanche efficace de s'attaquer aux déchets émis par les grandes villes côtières de la planète, et surtout celles qui n'ont pas de système efficace de récupération des ordures. «Plus de 90 % du plastique dans les océans est déversé depuis les pays en voie de développement», explique Simon Bernard, jeune officier de la marine marchande qui mène le projet Planet Odyssey, et fait le même constat que la fondation suisse.

Planet Odyssey veut faire un tour du monde avec un bateau qui sera propulsé avec un carburant produit à partir de déchets plastiques. - Crédits photo : IMOS - Ship As A Service
Partant de cette idée, Marco Simeoni a imaginé une filière qui pourrait grandement réduire les déchets plastiques émis dans les grandes villes côtières, et éviter ainsi une grande partie des pollutions. «Il est crucial de trouver un modèle économique qui puisse valoriser la récupération, puis le retraitement des plastiques», explique l'ancien entrepreneur suisse devenu défenseur de la cause des océans. Son idée pour les pays en voie de développement est d'inciter les collecteurs des rues, qui ramassent principalement des métaux, à prendre aussi du plastique. Il y aurait selon lui une incitation suffisante si le prix des déchets plastiques pouvait atteindre 17 dollars la tonne, ou 17 cents le kilo.
Mais il faut pour cela valoriser les plastiques. Marco Simeoni et Simon Bernard ont retenu la même idée: créer du carburant à partir de plastiques usagés, par pyrolyse, en les chauffant dans un four.

Marco Simeoni, président de la fondation suisse Race for Water. - Crédits photo : Race For Water
Démontrer que la technologie est viable
Simon Bernard veut montrer que la technologie est viable, en réalisant un tour du monde sur un navire, Plastic Odyssey, qui sera propulsé avec ce type de carburant recyclé. Cette mission suppose d'accomplir trois projets: proposer un capteur peu coûteux pour trier des plastiques, élaborer un four à pyrolyse pour chauffer les plastiques à plus de 400°C afin d'en extraire l'énergie, sous forme de carburant et de gaz, et enfin, élaborer des machines pour convertir des plastiques en petits objets (matériaux de construction, tuiles, briques ou objets artisanaux). La fondation a reçu l'aide de passionnés de la société Sarpi Veolia pour mettre au point le four de pyrolyse.
Le projet de valorisation de Race for Water est plus avancé, et a retenu un procédé de pyrolyse un peu différent, développé par la société française ETIA, qui chauffe le plastique à plus haute température, entre 600 et 900°C. «Ce procédé a l'avantage de fonctionner avec un plus grand nombre de polymères, sans qu'ils aient besoin d'être nettoyés», explique Marco Simeoni. Il faut juste éviter de mettre du PVC, qui relâcherait du chlore, toxique, s'il était chauffé. Le fait de pouvoir utiliser un grand nombre de plastiques, sans préparation, rend le système plus robuste et simplifie grandement son exploitation. Le procédé de transformation du plastique mis au point par ETIA, avec un investissement de la société Suez, tient désormais dans un container maritime. Ce dispositif, appelé Biogreen, a été testé à Roosendaal, aux Pays-Bas, et peut être couplé à une centrale de production d'électricité au gaz déjà existante. Et comme le plastique n'est que chauffé, et pas brûlé, le procédé n'émet pas de CO2.
La fondation Race for Water profite du tour du monde de son navire fonctionnant aux énergies renouvelables pour «vendre» cette solution de valorisation du plastique aux gouvernements ou responsables locaux des pays visités. C'est notamment ce qui a été fait lors de la dernière étape à Lima, au Pérou.

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L'Italie plonge un peu plus dans l'incertitude (29.05.2018)
Par Richard Heuzé
Mis à jour le 29/05/2018 à 21h22 | Publié le 29/05/2018 à 20h17
L'économiste Carlo Cottarelli est chargé par le président de former un gouvernement dont on sait déjà qu'il n'obtiendra pas le soutien du Parlement.
Rome
Carlo Cottarelli, l'économiste pressenti par le chef de l'État pour former un gouvernement après l'échec de Giuseppe Conte dimanche dernier, devrait annoncer mercredi matin la liste de son équipe. Douze membres en feront partie, tous issus des institutions publiques et de la société civile. Il a présenté mardi une première liste au chef de l'État. Il est toutefois certain qu'il n'obtiendra pas la confiance du Parlement, lors du vote, probablement lundi. Tous les partis de droite et les 5 Étoiles la lui refuseront. Le Parti démocrate s'abstiendra.
Après cet échec, Carlo Cottarelli donnera sa démission et sera chargé d'expédier les affaires courantes dans l'attente de nouvelles élections. Dans l'intervalle, son gouvernement représentera pourtant l'Italie dans les grandes conférences internationales prévues d'ici à la mi-juillet, G7, Conseil européen et sommet de l'Otan.
La date des élections reste la grande inconnue. Pour qu'elles puissent se dérouler en septembre ou octobre, il faudrait que le président de la République dissolve le Parlement dans la deuxième quinzaine de juillet. Mardi, une hypothèse circulait: certains, au Parti démocrate, mais aussi parmi les 5 Étoiles, demandaient à les organiser fin juillet. Ce qui impliquerait une dissolution des Chambres au plus tard vendredi prochain.
«Les marchés enseigneront aux Italiens comment voter»
Déclaration provocatrice du commissaire européen au Budget, l'allemand Gunther Oettinger
Mardi, une déclaration provocatrice du commissaire européen au Budget, l'allemand Gunther Oettinger, a enflammé les milieux politiques italiens. Attisant un peu plus les tensions entre Bruxelles et les populistes. Alors que l'Italie est l'un des pays où le sentiment antieuropéen est le plus élevé. «Les marchés enseigneront aux Italiens comment voter», a-t-il dit, en réaction aux soubresauts sur les marchés. Par la suite, Gunther Oettinger a atténué ses propos, sans faire retomber les colères italiennes.
L'Europe - et la participation de l'Italie à l'euro depuis 1999 - sera au centre d'une campagne électorale qui s'annonce féroce. Cherchant à calmer les inquiétudes, Ignazio Visco, le gouverneur de la Banque d'Italie, a déclaré hier ne voir «aucune justification, sinon émotive», aux attaques des marchés. Il a réaffirmé que «le destin de l'Italie est celui de l'Europe». «Il est important que l'Italie conserve une voix faisant autorité là où se décide le futur de l'Union européenne», a-t-il insisté.
Faible compétitivité
Les milieux d'affaires tirent la sonnette d'alarme. Pour Andrea Illy, président du comité Alta Gamma (équivalent du Comité Colbert français) qui regroupe des industries du luxe et de l'excellence, facturant 5 % du PIB, il faut avant tout préserver la reprise qui s'amorce: «L'Italie a été fortement impactée par la crise et par deux récessions consécutives. Son degré de compétitivité est très affaibli. Le monde a connu l'an dernier une croissance de 4 %, l'Europe 2 %, l'Italie 1,5 %. C'est encore largement insuffisant. On est sur la bonne voie, à condition de ne pas dérailler», alerte l'homme d'affaires.

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La crise politique à Rome fait trembler les marchés européens (29.05.2018)

Par Anne Cheyvialle
Mis à jour le 29/05/2018 à 21h26 | Publié le 29/05/2018 à 20h23
Six ans après une précédente alerte, l'impasse politique italienne a provoqué mardi un sérieux coup de froid sur les marchés européens, réveillant le spectre d'un éclatement de la zone euro.
Envolée des taux de la dette italienne qui entraîne dans son sillage les taux espagnols et les pays périphériques de la zone euro, recul des Bourses européennes, plongeon à Milan et Madrid, valeurs bancaires malmenées, chute de l'euro… L'impasse politique italienne a provoqué mardi un sérieux coup de froid sur les marchés européens, réveillant le spectre d'un éclatement de la zone euro.
L'alerte sonne comme un air de déjà-vu. Elle ramène quelques années en arrière au plus fort de la crise des dettes souveraines. Et à ce mois de novembre 2011, où le G20 de Cannes sous présidence française est dominé par la Grèce et surtout l'Italie, troisième économie européenne, qui met en péril la zone euro. Sous la pression du couple franco-allemand de l'époque, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, un certain Silvio Berlusconi, président du Conseil italien, sommé d'appliquer une cure d'austérité, est acculé à la démission, remplacé par un gouvernement technique.
Si les investisseurs font la différence entre l'Italie et l'Espagne, considérée comme plus solide, soutenue par une croissance dynamique, il y a une réappréciation du risque européen
Six ans plus tard, l'Italie cristallise à nouveau les inquiétudes. «Les marchés intègrent la probabilité de nouvelles élections, la victoire d'un programme anti-euro et une petite probabilité de sortie de l'Italie de la zone euro», souligne Jean-François Robin, expert marchés de Natixis, qui estime que les taux italiens vont continuer à remonter. C'est le principe de l'aversion à l'incertitude: lorsqu'un pays est jugé plus fragile, la prime de risque sur la dette augmente. Le taux italien à dix ans a ainsi dépassé la barre des 3 %, un plus haut depuis juin 2014. Et le spread - l'écart de taux - avec le bund allemand, la référence, véritable baromètre de l'appréciation du risque, a dépassé à mi-journée les 300 points. «Ceux qui ont le plus peur sont les Italiens, qui détiennent les deux tiers de la dette du pays», ajoute l'économiste de Natixis. Signe de l'inquiétude à court terme, le taux italien à deux ans s'est aussi envolé, atteignant 2,49 % contre 0,9 à la clôture lundi. La Bourse de Milan a enregistré sa troisième baisse consécutive, perdant 6 % en trois jours.
Ignazio Visco, le gouverneur de la banque centrale italienne, a lancé un avertissement au futur exécutif italien, mettant en garde sur un dérapage des finances publiques. «L'économie italienne donne enfin des signes de redressement et la situation des finances publiques s'améliore après des années d'efforts, ce n'est donc pas le moment d'accroître les déficits», a déclaré le banquier central.
Effet contagion
Plus inquiétant, le regain de tensions en Italie se propage aux autres pays de la zone euro. L'effet contagion cible l'Espagne confrontée également à des difficultés politiques: le premier ministre Mariano Rajoy est sous le coup d'une motion de censure de l'opposition socialiste. Les pays «périphériques» comme la Grèce et le Portugal confrontés également à des tensions sur le marché de la dette.
La Bourse de Madrid, emportée par les valeurs bancaires, a reculé de 2,5 %. «Sur les 1000 points perdus par la Bourse espagnole, je calcule qu'environ 300 correspondent à la crise politique et 700 à la crise politique italienne», explique Juan Ignacio Crespo, conseiller du fonds d'investissement Multiciclos Global du broker Renta 4. Tout en minimisant le risque espagnol. «La crise espagnole sera résolue rapidement. Ici, aucun parti susceptible de gouverner ne propose de sortir de l'euro.»
Si les investisseurs font la différence entre l'Italie et l'Espagne, considérée comme plus solide, soutenue par une croissance dynamique, il y a une réappréciation du risque européen. «La zone euro était considérée comme un havre de paix, note Jean-François Robin. Aujourd'hui, il y a un gros coup d'arrêt.» Cela se traduit par un net repli de l'euro, au plus bas depuis juillet 2017, au profit de valeurs refuges comme l'or et le dollar.

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Stratégie, motivation, management : comment Napoléon a tout inventé (18.05.2018)

Par Ghislain de Montalembert
Mis à jour le 25/05/2018 à 21h37 | Publié le 18/05/2018 à 07h01
ENQUÊTE - Il avait de l'audace, de l'ambition, l'esprit de conquête… Des valeurs qui sont celles des grands patrons d'aujourd'hui, même s'ils ne sont pas si nombreux à le revendiquer comme modèle.
En 1984, Martial Lapeyre décédait, sans héritier. Mais le fondateur génial de l'entreprise Lapeyre avait pris soin de coucher sur le papier ses dispositions testamentaires: il léguait sa fortune au Souvenir napoléonien ainsi que la quasi-totalité de ses collections, constituées de pièces d'une grande rareté ayant appartenu à son idole, Napoléon Bonaparte. C'est ce legs qui a permis la naissance, trois plus tard, de la Fondation Napoléon, haut lieu consacré à la mémoire de l'Empereur.
Incontestablement, Martial Lapeyre nourrissait une véritable passion pour Napoléon, et ce dès son plus jeune âge. Fortune faite, il china de longues heures chez les antiquaires ou dans les salles des ventes: il était ainsi devenu l'heureux propriétaire de l'épée du Premier consul, à poignée d'ébène croisée d'argent ; ou encore des trois soldats de plomb de l'Aiglon, que son père conserva jusqu'à sa mort à Sainte-Hélène. Mais pour cet homme d'affaires, Napoléon était bien plus qu'un illustre personnage de l'histoire de France: c'était un exemple, un stratège exemplaire ; sans doute aussi celui qui lui avait donné l'ambition de voir toujours plus loin, de faire de Lapeyre, spécialiste des portes et fenêtres, une grande réussite française.
«Napoléon est un exemple pour tous les entrepreneurs»
Kim Hong-kuk, fondateur et président du géant alimentaire Harim
Cette passion pour Napoléon est partagée par bien des hommes d'affaires, y compris au-delà de nos frontières. «Napoléon est un exemple pour tous les entrepreneurs», confiait ainsi le Sud-Coréen Kim Hong-kuk en 2014, après avoir acquis aux enchères un bicorne lui ayant appartenu pour la somme de 1,88 million d'euros, soit cinq fois son prix estimé. Fondateur et président du géant alimentaire Harim, celui que l'on surnomme «le roi du poulet sud-coréen» avouait admirer sa «façon de penser et de prendre les décisions». «Je veux comprendre et me sentir proche de beaucoup d'épisodes de sa vie. J'ai toujours tenu en haute estime l'esprit indomptable de Napoléon, pour qui rien n'était impossible (…). J'ai acheté son chapeau pour insuffler un vent nouveau à l'esprit d'entreprise.» Pas question de s'en défaire de sitôt, donc, même si on lui en a proposé depuis un prix 30 % supérieur à ce qu'il l'avait payé!
De Paris à Séoul, la vie et les succès de Napoléon ont tout pour inspirer les entrepreneurs d'aujourd'hui. Parce que l'art d'être chef s'apprend autant par l'exemple donné que par la résolution de cas pratiques de stratégie dans les amphis de HEC, l'Insead ou Harvard. Parce que les guerres d'aujourd'hui ne se gagnent plus sur les champs de bataille mais sur les marchés mondiaux où ils livrent un combat quotidien et planétaire. Et les règles sont somme toute assez similaires lorsqu'il s'agit de battre la concurrence et de conquérir de nouveaux marchés lointains. L'ambition, l'audace, la soif de conquête sont les armes modernes des chefs d'entreprise.
Le besoin d'avoir un grand rêve
«Napoléon était un hypercentralisateur. Or aujourd'hui, tous les patrons ont compris qu'il fallait s'entourer de bras droits compétents et savoir déléguer»
Anne Méaux, fondatrice de l'agence Image 7
Xavier Fontanet, ancien patron d'Essilor (leader mondial du verre correcteur), aime ainsi truffer son discours de références à l'épopée napoléonienne, estimant qu'il y a «des leçons à tirer de sa tactique pour s'imposer dans la campagne d'Italie, de ses ruses pour l'emporter à Austerlitz, même de sa défaite à Waterloo».
Laurent Burelle, PDG de Plastic Omnium et patron de la très puissante Afep (Association française des entreprises privées, le saint des saints du capitalisme français) depuis mai 2017, est un autre inconditionnel de Napoléon. Est-ce le secret de ce patron atypique et fougueux qui, depuis 2000, a quasiment quintuplé le chiffre d'affaires de son groupe, doublé ses effectifs (25 000 personnes), quadruplé le nombrede ses usines (127 dans le monde) et fait de Plastic Omnium le premier fournisseur mondial de pièces de carrosserie et de réservoirs à carburant pour véhicules? «Les voyageurs, les militaires, les grands conquérants avaient un grand rêve. J'y vois un parallèle avec les entrepreneurs du monde moderne», expliquait-il au magazine Challenges.
Curieusement, les grands patrons français ne sont pas si nombreux à partager l'enthousiasme de Martial Lapeyre, Xavier Fontanet ou Laurent Burelle pour Napoléon. Pourquoi? Anne Méaux, fondatrice de l'agence Image 7 qui conseille nombre de grands patrons dans leur communication, avance une première explication: «Napoléon était un hypercentralisateur. Or aujourd'hui, tous les patrons ont compris qu'il fallait s'entourer de bras droits compétents et savoir déléguer. Sinon, on est sûr de finir à Sainte-Hélène comme Napoléon!»
Un modèle controversé en france
Historien et écrivain, Alexis Suchet s'est intéressé de près au manager qu'était Napoléon. Il a même écrit un livre sur le sujet, Napoléon et le management(Editions Tallandier, 2004), traduit depuis en russe («On m'a dit que Poutine l'avait lu… et apprécié», dit-il) et bientôt en chinois. Lui aussi a constaté les réticences des dirigeants hexagonaux à s'affirmer bonapartistes: «Napoléon est une forme d'inspiration pour les grands patrons, mais étrangement en France, il est difficile de l'afficher ouvertement, sous peine de passer pour un autocrate ou d'être accusé d'avoir perdu le sens de la mesure. Le personnage reste controversé dans notre pays alors qu'il ne l'est pas ailleurs, notamment en Russie et aux Etats-Unis. Même si c'était un grand génie, il n'y a pas de rue Napoléon à Paris et quasiment aucun lycée qui porte son nom en France, sauf peut-être en Corse!»
Napoléon était, lui aussi, un as du storytelling ! Il savait parfaitement scénariser ses succès, faire rêver les Français avec ses campagnes militaires lointaines
Pour ce descendant direct du maréchal Suchet et de Joseph Bonaparte, c'est l'entrepreneur Jeff Bezos, fondateur d'Amazon, qui incarne aujourd'hui le mieux, à ses yeux, la figure de Napoléon. «C'est un homme qui est parti de rien, et qui est parvenu, comme lui, à se construire un destin, explique-t-il. Jeff Bezos est dans une logique de contrôle du monde très intéressante: Amazon a une position stratégique sur 14 des 15 principaux secteurs d'activité de l'économie américaine. Jeff Bezos a par ailleurs une capacité exceptionnelle pour organiser et planifier les choses, un peu comme Napoléon savait préparer ses batailles et articuler dans le détail les rouages du fonctionnement de l'Etat.»
Autres incarnations modernes de Napoléon Bonaparte, selon lui: Carlos Ghosn, PDG de l'alliance Renault-Nissan, «parce qu'il a tout compris de la mondialisation», ou encore Elon Musk, PDG de Tesla (véhicules électriques) et de SpaceX, qui conçoit, construit et commercialise les lanceurs spatiaux Falcon 9 et le vaisseau cargo Dragon: «C'est un homme qui a l'art de construire une histoire autour de son aventure entrepreneuriale», estime Alexis Suchet.
Napoléon était, lui aussi, un as du storytelling! Il savait parfaitement scénariser ses succès, faire rêver les Français avec ses campagnes militaires lointaines, et au besoin, il n'hésitait pas à prendre la plume pour relater lui-même ses exploits. Il jouait son personnage avec talent, incarnant, malgré sa petite taille, la grandeur d'une France toujours prompte à se rêver un destin particulier. Quelle silhouette est-elle plus reconnaissable que la sienne dans le film de l'Histoire, mises à part peut-être celles de Charlot, de Churchill ou du général de Gaulle?
Un «chef d'état manager»
«Napoléon avait ce genre de politique consistant à gratifier ses très hauts potentiels. On a parlé à ce sujet d'une économie de la gloire»
Thierry Lentz, directeur général de la Fondation Napoléon
Autre clé de son succès: Napoléon savait parfaitement manager les hommes. La veille des grandes batailles, il prenait soin d'expliquer à ses soldats la stratégie du lendemain. Il y voyait une marque de respect, mais aussi une manière d'encourager chacun à se dépasser, à donner le meilleur de lui-même.
«J'ai un peu retrouvé cela chez Bouygues», confie Thierry Lentz, qui, après une brillante carrière chez le roi du BTP, a décidé de rejoindre la Fondation Napoléon, dont il est aujourd'hui le directeur général. «Francis Bouygues répétait souvent que c'est dans la locomotive qu'il faut mettre le charbon, justifiant sa politique de promotion des hauts cadres et ouvriers les plus performants. Napoléon avait ce genre de politique consistant à gratifier ses très hauts potentiels. On a parlé à ce sujet d'une économie de la gloire. Napoléon était parvenu à créer une contrepartie à celle-ci à travers les récompenses qu'il octroyait, comme la Légion d'honneur ou les titres nobiliaires.»
Napoléon fut le premier «chef d'Etat manager», a dit l'historien Jacques Jourquin. Il était aussi doué pour bien s'entourer et pour ce faire, il n'hésita pas à s'appuyer sur de nouvelles élites sélectionnées non plus d'après leur naissance (comme dans l'Ancien Régime) ou de façon idéologique (comme durant la période révolutionnaire), mais d'après le seul critère qui vaille à ses yeux: la compétence. C'est à cette fin qu'il créa le Conseil d'Etat, «une sorte d'ENA avant la lettre», explique Thierry Lentz. «Il est amusant que ses compagnons de travail privilégiés aient été les membres du Conseil d'Etat. C'est pareil avec Emmanuel Macron aujourd'hui: ses principaux collaborateurs sont des membres du Conseil d'Etat!» remarque le politologue Alain Duhamel qui, pour Le Figaro Magazine, s'amuse à déceler plusieurs points communs entre Napoléon et le président de la République. Ce n'est peut-être pas tout à fait par hasard si ce dernier a choisi d'aller se recueillir devant le tombeau de l'Empereur, aux Invalides, lorsqu'il a reçu Donald Trump à Paris, en juillet 2017.




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