Ce volume contient :
Introduction par Bernard Lewis
Les arabes dans l'histoire
Race et esclavage au Proche-Orient
Juifs en terre d'Islam
Comment l'islam regardait l'Occident
Masada et Cyrus le Grand
Le langage politique de l'Islam
Islam et démocratie
Le retour de l'Islam
Que s'est-il passé ? L'Islam, l'Occident et la démocratie
L'ensemble réuni sous le titre Islam permet une double approche des sociétés musulmanes du Moyen-Orient : Bernard Lewis, qui, à l'échelle mondiale, s'impose comme la figure dominante dans le décryptage des sociétés et des cultures de l'islam, en est à la fois le plus grand historien du passé et le meilleur observateur du présent. En effet, la période qu'il couvre s'étend de la révélation du Prophète aux tout derniers développements des conflits contemporains.
Introduction par Bernard Lewis
Les arabes dans l'histoire
Race et esclavage au Proche-Orient
Juifs en terre d'Islam
Comment l'islam regardait l'Occident
Masada et Cyrus le Grand
Le langage politique de l'Islam
Islam et démocratie
Le retour de l'Islam
Que s'est-il passé ? L'Islam, l'Occident et la démocratie
L'ensemble réuni sous le titre Islam permet une double approche des sociétés musulmanes du Moyen-Orient : Bernard Lewis, qui, à l'échelle mondiale, s'impose comme la figure dominante dans le décryptage des sociétés et des cultures de l'islam, en est à la fois le plus grand historien du passé et le meilleur observateur du présent. En effet, la période qu'il couvre s'étend de la révélation du Prophète aux tout derniers développements des conflits contemporains.
Ses champs d'étude sont aussi vastes que l'Islam lui-même. Histoire, société, littérature, religion, politique, langue, poésie sont déchiffrées avec une passion qui rend captivante une érudition exposée avec la clarté propre à celui qui maîtrise à la perfection un savoir accumulé dans le but de dégager les courants décisifs de l'histoire du monde musulman.
On ne trouvera chez Bernard Lewis aucune complaisance. La confrontation de l'Islam avec les concepts occidentaux de démocratie, croissance économique, statut de la femme, est envisagée dans toutes ses implications.
Écrites en anglais, ses œuvres majeures sont traduites en arabe, persan, turc, indonésien ainsi que dans de nombreuses langues européennes et asiatiques.
Voir les articles suivants en français :
Lewis, pilier de l'Islam (23.05.2005)
La démocratie est-elle soluble dans l'Islam ? (28.08.2011)
Antiaméricanisme et radicalisme islamique (28.11.2003)
Voir les articles suivants en français :
Lewis, pilier de l'Islam (23.05.2005)
La démocratie est-elle soluble dans l'Islam ? (28.08.2011)
Antiaméricanisme et radicalisme islamique (28.11.2003)
Lewis, pilier de
l'Islam (23.05.2005)
Par Eric Conan,
publié le 23/05/2005 à 00:00
C'est peu dire que l'intérêt pour l'Islam va croissant et -
par nécessité - ne risque pas de fléchir bientôt. L'avalanche actuelle de
livres sur la question, mêlant brûlots simplistes et contes de fées
fantaisistes, désoriente plus qu'elle n'aide le lecteur souhaitant comprendre
ce qui se passe. Pour le prix d'un seul de ces ouvrages, voici une petite
bibliothèque de référence sur le sujet: la collection Quarto réédite en un
volume l'essentiel de l'oeuvre du plus grand islamologue vivant.
Aujourd'hui âgé de 80 ans, Bernard Lewis domine une
bibliographie impressionnante couvrant la totalité de l'ère musulmane, de la
Révélation de Mahomet à l'actualité la plus récente, en passant par la question
centrale de l'Empire ottoman. C'est un érudit à l'ancienne, qui a derrière lui
des décennies de travaux de première main: maîtrisant, outre l'anglais, le
français et l'italien, l'arabe, le persan, le turc et l'hébreu, il a travaillé
dès l'avant-guerre dans les archives égyptiennes, syriennes, libanaises et
turques. Ses compétences linguistiques lui valurent de ne pas être trop interrompu
dans ses recherches durant ses six années de guerre, grâce à une affectation,
notamment au Caire, dans la section «Moyen-Orient» des services de
renseignement du Foreign Office.
Dans une longue introduction inédite, qui contient un
superbe exposé sur le métier d'historien, Bernard Lewis survole sa carrière de
chercheur et de professeur, à l'université anglaise d'Oxford puis américaine de
Princeton, et commente la succession de ses ouvrages, qui, pour la plupart,
restent aujourd'hui essentiels (Les Arabes dans l'Histoire, Le Langage
politique de l'Islam, Comment l'Islam regardait l'Occident, Islam et
démocratie, L'Islam, l'Occident et la modernité). Ils furent publiés selon une
progression chronologique, de l'apogée du rayonnement musulman, au Moyen Age, au
déclin de l'Empire ottoman (dont il fut un des premiers à consulter les
archives), pour aboutir à la Turquie moderne.
Il profite de cette introduction pour se rendre justice: la
fameuse formule du «choc des civilisations», rendue célèbre par l'essai de
Samuel Huntington, c'est lui qui l'a énoncée, dès 1957: «Les ressentiments
actuels des peuples du Moyen-Orient se comprennent mieux lorsqu'on s'aperçoit
qu'ils résultent non pas d'un conflit entre des Etats ou des nations, mais du
choc entre deux civilisations.» Cinquante ans plus tard, Bernard Lewis
maintient cette formule, qui a fait récemment polémique, en précisant qu'il
faut la réintégrer dans le temps long. Il y a, selon lui, entre le monde
musulman et le monde occidental, un «conflit entre deux civilisations rivales,
qui perdure en dépit de nombreux changements».
Il ne s'agit pas seulement d'un décalage temporel - comme le
veut l'analyse en termes de «retard de développement» - mais d'un blocage
propre au monde musulman, qui résulte d'un autre rapport au politique et à la
connaissance. Différence fondamentale, qui a son origine dans les récits
religieux: «Pendant toute l'histoire de la chrétienté, et dans presque tous les
pays chrétiens, il était admis qu'il existait deux pouvoirs, Dieu et César, régissant
deux sphères distinctes, l'Eglise et l'Etat, le religieux et le profane.
Associés, séparés ou en conflit, ils restèrent toujours deux.» Le monde
musulman est au contraire ordonné autour de «l'un», sur le modèle de Mahomet,
chef religieux, militaire et politique d'un Etat, tandis que le souvenir de
Jésus, homme seul ayant pour unique arme le verbe, a laissé une institution,
l'Eglise, en querelle permanente mais féconde avec le monde temporel. D'où,
selon Bernard Lewis, la vérité littérale de la formule de l'imam Khomeini
«L'Islam est politique ou il n'est rien», qui explique à la fois l'absence de
démocratie dans la quasi-totalité des pays musulmans et le sort qu'ils
réservent à ses partisans.
Accordant une place secondaire à la question de la violence,
Bernard Lewis insiste sur deux facteurs handicapants résultant de cette
«clôture sur l'un»: l'incuriosité et la place des femmes. «L'idée qu'il puisse
exister des êtres, des activités ou des aspects de l'existence humaine qui
échappent à l'emprise de la religion et de la loi divine est étrangère à la
pensée musulmane», écrit Bernard Lewis en l'illustrant de nombreux exemples
historiques. Il y a toujours eu des «orientalistes» en Occident, mais pas d'
«occidentalistes» en Orient: les Etats musulmans n'envoyaient pas
d'ambassadeurs auprès des souverains étrangers, les langues et les textes
d'Europe n'étaient pas étudiés et les docteurs de la loi se sont opposés
pendant trois siècles à l'entrée de l'imprimerie dans l'Empire ottoman.
Une recherche quasi inexistante
Cette incuriosité perdure. Le monde arabo-musulman reste
l'endroit du monde où l'on traduit le moins de livres et où la recherche est
quasi inexistante: «A l'heure actuelle, de nombreux pays asiatiques participent
activement au développement scientifique, lequel n'est plus occidental, mais
mondial. Hormis quelques enclaves occidentalisées et une poignée de chercheurs
originaires du Moyen-Orient mais travaillant en Occident, la contribution de la
région - telle qu'on peut la mesurer, par exemple, au nombre de publications
dans des revues internationalement reconnues - fait pâle figure comparée à
celle d'autres parties du monde non occidental ou, pis, comparée à son propre
passé.»
L'apartheid sexiste constitue pour Bernard Lewis l'autre
drame. Les rares émissaires envoyés dans les capitales européennes rapportaient
il y a déjà plusieurs siècles leur choc devant les égards masculins pour ces
femmes des cours royales non seulement visibles, mais ayant le droit de parler
et de circuler. On oublie souvent que, pour l'Islam, la femme est non seulement
inférieure à l'homme, mais aussi aux enfants mâles. Rappelant qu'en 1867 le
progressiste turc Namik Kemal notait que le monde musulman était comme «un
corps humain paralysé d'un côté», Bernard Lewis ajoute: «La relégation des
femmes à un statut d'infériorité non seulement prive le monde musulman des
talents et des énergies de la moitié de sa population, mais encore confie
l'éducation, à un âge crucial, de l'autre moitié à des mères analphabètes et
opprimées. Une telle éducation, dit-on, produit des individus arrogants ou
soumis, en tout cas inaptes à la vie dans une société libre et ouverte.» Mais
il reste optimiste, en rappelant qu'il n'y a pas si longtemps la charia
reléguait dans la même sous-humanité les esclaves, les non-musulmans et les
femmes: «Abolir l'esclavage relevait quasiment de l'inconcevable. Interdire ce
que Dieu permet est un crime presque aussi grand que permettre ce qu'il
interdit.» Or, ce que l'Islam a fait avec l'esclavage, il peut le faire avec
les femmes.
«C'est le manque de liberté qui est à la base des maux dont
souffre le monde musulman», assure Bernard Lewis, mais sans conclure. En 1976,
quelques années avant la révolution iranienne, il avait pronostiqué l'actualité
de deux voies possibles: le retour à l'origine des textes contre la modernité
ou la révolution démocratique sur le modèle turc, qui témoigne, depuis près
d'un siècle, que cela est possible mais lent et difficile, sa signification
restant problématique: cette démocratie fragile, dépendant encore de l'éthique
de son armée, constitue pour nombre de pays musulmans moins un modèle qu'une
trahison.
Islam, par Bernard Lewis. Gallimard/Quarto, 1 344 p., 25
euros.