À Lagny-sur-Marne, tensions autour des prières de rue (07.08.2017)
À Lagny-sur-Marne, tensions autour des prières de rue
(07.08.2017)
Par Angélique
Négroni - Publié le 07/08/2017 à 20h20
Après la
fermeture par l'État en 2015 de la mosquée de Lagny-sur-Marne qui
était devenue un «foyer
d'idéologie radicale», cette commune de Seine-et-Marne fait de nouveau
parler d'elle. Des cocktails Molotov ont été lancés vendredi dernier contre des
tentes dressées sur son territoire et abritant les prières de dizaines de
musulmans. Vite maîtrisé, le feu qui avait pris sur quelques tapis de l'un des
deux barnums installés illégalement sur un terrain appartenant à l'État, n'a
provoqué aucun dégât important et n'a fait aucun blessé.
Cette agression, pour laquelle une plainte a été déposée,
met au jour une situation complexe pour cette ville de quelque 20.000
habitants. Depuis qu'il a été décidé de clore les portes de la mosquée,
toujours interdite d'accès aujourd'hui, la municipalité doit faire face à des
rassemblements de prières illicites dans ses rues. Entre d'autres lieux de
cultes voisins également fermés pour radicalisation, comme c'est le cas à
Torcy, et ceux toujours ouverts mais aux capacités d'accueil insuffisantes, les
fidèles se recueillent désormais sur le macadam. En toute illégalité, des
dizaines de croyants se sont ainsi rassemblés durant des mois sur une place
située au cœur d'une de cités de Lagny, Orly Parc, l'un des 1500 quartiers
prioritaires de la politique de la ville en France. À cette occasion des
plaintes de la commune et du bailleur social ont été déposées pour occupation
illicite des espaces privés et publics.
Puis, peu avant le ramadan, les musulmans avaient déménagé
leurs tapis de prière et les avaient installés un peu loin, sur un terrain
habitué aux occupations illicites et théâtre de l'agression de la semaine
dernière. Appartenant à l'État, qui y avait installé son ancienne DDE
(direction départementale de l'équipement), ces 4000 m2 ont été successivement
occupés par les gens du voyage, puis par les Roms avant que ces derniers ne
soient délogés. Mais sitôt évacués, ces derniers ont donc été remplacés. Deux
barnums de 40 m2 carrés chacun environ ont été dressés depuis mi-mai dernier
sans autorisation. «La mise en place de ces tentes n'a pas soulevé d'opposition
de la part de l'État car elle a permis aux musulmans, pendant la période du
ramadan et de l'Aïd el Fitr, d'exercer leur culte», explique cependant la
préfecture.
La ville interpelle à nouveau l'État
Pour la commune, ces jets de cocktails Molotov pourraient
être liés à la volonté de certaines communautés de vouloir reprendre possession
de ce terrain et d'y chasser ces nouveaux occupants. Pour Manuel Turiault, qui
préside la nouvelle association cultuelle musulmane de la ville, le mobile de
l'attaque est aujourd'hui parfaitement inconnu. «Nous n'avions reçu jusqu'alors
aucune menace», dit-il.
«De Paris, on décide de fermer une mosquée, mais ensuite
on se lave les mains de la situation et des conséquences»
Pierre Tebaldini, directeur de cabinet du maire de la ville
Mais pour la ville, il est temps que l'État agisse. «De
Paris, on décide de fermer une mosquée, mais ensuite on se lave les mains de la
situation et des conséquences. Toutes ces occupations non autorisées ne sont
tolérables pour personne», signale Pierre Tebaldini, le directeur de cabinet du
maire de la ville. Des lettres d'indignation de la part des habitants d'Orly
Parc ont ainsi été adressées au maire. De leur côté, les musulmans réclament un
lieu de recueillement digne de ce nom. «Il faut tenir compte des centaines de
pratiquants privés de salle de prière», souligne encore Pierre Tebaldini.
Depuis
deux ans, la ville interpelle les locataires successifs de la Place Beauvau pour
réfléchir ensemble à un redémarrage de la vie cultuelle sur Lagny. «Nous
voulons savoir notamment par le biais des services de l'État si du côté des
représentants de la communauté musulmane, nos interlocuteurs offrent toutes les
garanties nécessaires», explique Pierre Tebaldini. Pour ce dernier, la solution
passe aussi par la réouverture de la mosquée mais avec un fonctionnement
nouveau, en toute transparence, avec, dit-il «caméras et surveillance des
lieux».
Pour l'heure, l'État botte en touche, renvoyant la balle
dans le camp de la ville. Dans divers courriers, celui-ci indique qu'il
appartient à cette dernière de mettre à disposition un local. «Mais Beauvau
fixe des conditions qui rendent impossible cette piste», souligne le
fonctionnaire de Lagny. Quant aux prières de rue, l'État a fait valoir qu'il
n'y avait «aucune nuisance excessive» et que la place qui était occupée un
temps demeurait «accessible aux locataires pendant les prières». «Cette
situation relève de problématiques locales», fait-on aujourd'hui valoir par
écrit au cabinet de l'actuel ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, en
demandant à la préfecture de s'emparer du dossier. «Nous ne devrions pas
laisser cette situation perdurer», met en garde Pierre Tebaldini. Car celle-ci
est propice, selon lui, à la victimisation, véritable marchepied au repli
communautaire et à la radicalisation.