Emprisonnés, ils racontent ce qui a motivé «leur djihad» (16.08.2017)
Emprisonnés, ils racontent ce qui a motivé «leur djihad»
(16.08.2017)
Par Jean
Chichizola
Mis à jour le 18/08/2017 à 18h51 | Publié le 16/08/2017 à 20h12
Quatre professeurs et chercheurs ont étudié les mécanismes
de radicalisation violente auprès d'une vingtaine de détenus, issus des
mouvances nationalistes et islamistes.
«Incarcérés à leur retour, explique au Figaro une
source policière, les revenants, qui jouissent d'une certaine aura, peuvent
influencer des individus condamnés pour apologie du terrorisme ou association
de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.» La prison demeure
en effet un des viviers de l'islamisme radical. Quatre professeurs et
chercheurs (Bilel Ainine, Xavier Crettiez, Thomas Lindemann et Romain Sèze) ont
étudié «les mécanismes de la radicalisation violente» de détenus avec le
soutien de l'Institut
national des hautes études de la sécurité et de la justice (Inhesj) et du
Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales
(CNRS).
«Pénétrés de théories complotistes, (...) ils ne
s'identifient jamais à un conflit en particulier mais sont en quête permanente
d'un théâtre de combat»
Extrait du rapport
En 2016, vingt détenus ont été entendus (sept condamnés dans
des dossiers corses ou basques et treize islamistes radicaux). Concernant ces
derniers, les chercheurs constatent qu'à la différence des «nationalistes»,
leurs engagements ne s'ancrent pas dans un territoire. «Cela se mesure déjà,
précise le texte, à leurs rapports fondamentalistes à la religion, caractérisés
par une volonté de rompre avec la culture des parents, comme avec un “islam de
France” pour finalement s'identifier non pas à une communauté locale qui
entretiendrait la mémoire de souffrances vécues, mais à une communauté opprimée
et vertueuse, qui est aussi imaginée et ignorante des frontières spatiales».
«Ces jeunes, poursuivent les auteurs, partent souvent en grappes, mais toujours
dans l'idéal de rejoindre une communauté cosmopolite, pour finalement
s'intégrer à des réseaux internationaux, souvent par le biais de voyages en
terres d'islam, à la faveur de motivations parfois confuses - escapisme,
entreprise humanitaire, djihad, hijra (émigration vers un pays musulman,
NDLR).»
En situation d'échec
Les djihadistes «ne se réduisent pas aux grands traumatisés
dont l'engagement relèverait davantage de la psychopathologie ou à des
individus en situation d'échec», ils ne vivent pas non plus «dans un désert
intellectuel et spirituel». Par ailleurs, «leurs expériences de la
discrimination sont souvent mises en perspective avec celles des
coreligionnaires dans le monde». Ils s'intéressent fortement «à la
(géo)-politique». «Pénétrés de théories complotistes, (…) ils ne s'identifient
jamais à un conflit en particulier mais sont en quête permanente d'un théâtre
de combat, qui se concrétise selon les opportunités rencontrées, pour
éventuellement participer de l'avènement d'un mythique califat (quatre
djihadistes seulement mettent en avant des registres de lecture du monde
millénaristes).»
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