Crise entre l'Allemagne et le Vietnam après le rapt d'un homme d'affaires en plein Berlin (04.08.2017)
Crise entre l'Allemagne et le Vietnam après le rapt d'un homme
d'affaires en plein Berlin (04.08.2017)
Mis à jour le 04/08/2017 à 16h55 | Publié le 04/08/2017 à 16h47
L'homme d'affaires vietnamien Trinh Xuan Thanh, qui se
croyait protégé en Allemagne, a brutalement disparu pour réapparaître quelques
jours plus tard dans son pays, où il encourt la peine de mort.
Le 24 juillet dernier à Berlin, les avocats de Trinh
Xuan Thanh attendent leur client pour examiner la demande d'asile qu'il
souhaite déposer auprès des autorités allemandes. Mais l'ancien député
vietnamien ne vient pas. La veille, alors qu'il se promenait dans le parc du
Tiergarten, une berline avec des plaques tchèques s'est arrêtée à sa hauteur.
Des hommes armés en sont sortis, l'ont forcé à monter à bord avant de filer à
vive allure, devant des passants interloqués.
Une semaine plus tard, Trinh Xuan Thanh réapparaît à 8300
kilomètres de là, à Hanoï. Les autorités vietnamiennes assurent que leur
ressortissant, recherché par la police depuis dix mois, «s'est rendu de
lui-même». Mais, pour
l'Allemagne, cette version ne tient pas. Elle s'insurge contre «une
violation inédite et flagrante des lois allemandes et du droit international»,
selon Martin Schäfer, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Accusé
d'avoir organisé le rapt, le chef du renseignement vietnamien à Berlin a été
prié de plier bagage.
Jusqu'alors inconnu en Allemagne, Trinh Xuan Thanh est une
figure au Vietnam: ancien cadre du Parti communiste au pouvoir, il a dirigé une
filiale de la société publique d'hydrocarbures PetroVietnam avant de tomber en
disgrâce l'an dernier. Les autorités l'accusent notamment d'avoir fait perdre
près de 125 millions d'euros à la compagnie. Mais, pour son avocate, Petra
Isabel Schlagenhauf, «l'affaire est purement politique».
Un étrange mea culpa
«Le gouvernement mène officiellement une campagne contre la
corruption, explique une experte des relations germano-vietnamiennes, qui
préfère garder l'anonymat. Mais, en arrière-plan, c'est une bataille politique
entre deux ailes rivales du Parti communiste qui se joue: les traditionalistes,
comme le président Quang, et les réformistes, qui souhaitent la conversion du
Vietnam à l'économie de marché, comme Trinh Xuan Thanh.»
Sous le coup d'un mandat d'arrêt international, l'homme
d'affaires de 51 ans pensait être en sécurité en Allemagne. D'après le
journal Bild Zeitung, il allait même faire des révélations sur des
malversations impliquant le pouvoir vietnamien, son grand ami chinois et la
compagnie pétrolière russe Vietsovpetro.
Jeudi soir, la télévision d'État vietnamienne a diffusé une
interview de Trinh Xuan Thanh. Pas d'informations compromettantes, mais un
étrange mea culpa. «Je suis revenu pour dire la vérité et m'excuser», a-t-il
déclaré, l'air fatigué. Désormais, il risque la peine de mort.
Le cas de Trinh Xuan Thanh avait été abordé en marge du G20
à Hambourg, et des négociations entre Berlin et Hanoï étaient en cours depuis
plusieurs semaines. «Pourquoi le Vietnam prend-il ainsi le risque de briser ses
bonnes relations avec l'Allemagne? Cette affaire est un mystère s'étonne
une spécialiste. Le Vietnam est un régime autoritaire qui se montre intraitable
avec les opposants, les réformateurs. Mais jamais cela n'est allé aussi loin.»
Pilier du récent accord de libre-échange entre l'Union
européenne et le Vietnam, l'Allemagne est un partenaire important pour ce pays
en développement qui cherche à s'émanciper de la Chine. Berlin n'exclut pas des
mesures «politiques et économiques», si le Vietnam ne restitue pas le
prisonnier.
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