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Par Georges
Malbrunot et Service
InfographieMis à jour le 09/02/2018 à 19h57 | Publié le 09/02/2018 à
19h15
INFOGRAPHIE - Des supplétifs de
Damas entendent se venger, après avoir subi de lourdes pertes lors de raids de
la coalition internationale.
«Autodéfense» pour les
États-Unis. «Acte criminel» pour la Russie. Les frappes américaines contre des
forces loyales au régime syrien, qui ont causé la mort de plusieurs dizaines de
supplétifs pro-Assad près de Deir ez-Zor, provoquent des tensions entre Moscou
et Washington. Les raids de l'aviation et les tirs d'artillerie ont eu lieu
mercredi près de la localité de Khasham, à 8 km à l'est de l'Euphrate, non
loin d'importants gisements de gaz et de pétrole que Damas «cherchait
probablement» à reprendre aux Kurdes, selon un responsable américain. Mais
au-delà de ces cibles économiques, les supplétifs syriens, libanais et
iraniens, au nombre d'environ 500, auraient été engagés dans une opération au
sol de «grande envergure», soutenue par l'artillerie et des blindés. Des
loyalistes avaient été regroupés près de plusieurs localités dans cette région,
que les États-Unis ont décidé de réinvestir.
Après l'attaque dont ils ont été
victimes, «les supplétifs menacent de perpétrer des attentats contre les
Américains et leurs alliés kurdes», relève un expert au Moyen-Orient. Une chose
est sûre: le déploiement des pro-Assad témoigne de la volonté de Damas de
reprendre le contrôle de toutes les zones du territoire qui lui ont échappé,
depuis le lancement de la révolte en 2011. Tactiquement, Assad comptait
profiter de l'offensive turque en cours contre l'enclave kurde d'Afrine dans le
nord-ouest, qui a dégarni d'autres fronts kurdes, plus à l'est.
Le long de l'Euphrate, vers Deir
ez-Zor, Damas et ses alliés russes et iraniens se heurtent à l'opposition
américaine, désormais clairement affichée. Qu'en sera-t-il dans la poche
d'Afrine, bombardée depuis trois semaines par la Turquie? Ce ne sont pas les
troupes américaines, absentes à ouest de l'Euphrate, en vertu d'un accord de
déconfliction avec la Russie, qui empêcheront le régime syrien d'y reprendre
pied. Autour d'Afrine, Ankara et ses alliés, les rebelles syriens, piétinent.
Après la chute, le week-end dernier, d'un avion russe, et la mort de son
pilote, attaqué par des insurgés islamistes près d'Idlib, Moscou a réclamé de
son allié turc un «ralentissement» dans les bombardements contre les Kurdes.
» LIRE AUSSI - En
Syrie, le régime à l'assaut de Deir ez-Zor
En trois semaines, les gains
turcs se limitent à moins de 5 % du territoire, le long de la frontière,
tout autour de cette enclave. C'est précisément là que la Turquie compte
établir une zone de sécurité, après y avoir anéanti les capacités militaires du
PYD, la branche locale du PKK, (le Parti des travailleurs du Kurdistan),
considéré comme une organisation terroriste par Ankara. Dans la nuit de jeudi à
vendredi, l'armée turque a repris ses raids contre des dépôts de munitions, des
abris et des positions de tir des miliciens kurdes, selon un communiqué
d'Ankara. L'objectif turc est de prendre en tenailles, par l'ouest et le nord,
la ville d'Afrine, mais Ankara n'aurait pas l'intention d'aller jusqu'à Afrine
même. Cette «zone de sécurité» permettrait d'assurer une continuité
territoriale entre l'autre secteur d'Azaz, plus à l'est, tenu par des rebelles
syriens proturcs, et la région d'Idlib, où la Turquie dispose également de
relais parmi les anti-Assad.
Dans son entretien téléphonique
samedi dernier avec Emmanuel Macron, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a
réclamé «des garanties sur la gouvernance locale» d'Afrine, avant d'arrêter son
offensive militaire. Qui peut apporter de telles «garanties»? Les rebelles
syriens proturcs, comme ceux qu'Ankara a «installés» à Azaz et Djarabulus lors
d'une précédente offensive militaire, à l'été 2016? Ou le régime syrien et ses
alliés russes?
Autour d'Afrine, les Kurdes ont
déjà appelé Damas à l'aide. Via Moscou, ils ont proposé à Assad «le retour des
gardes-frontières syriens et la levée du drapeau syrien à la frontière, pour
rassurer les Turcs», indiquait la semaine dernière à l'AFP Ahed al-Hendi, un de
leurs responsables. Mais selon lui, «les forces de défense, de police et de
sécurité kurdes seraient maintenues». Soucieux de préserver des acquis
autonomistes, les Kurdes ne veulent pas un retour à la situation d'avant 2012.
Pour l'instant, Damas fait la
sourde oreille. «L'État syrien n'est pas au service des Kurdes et ne peut être
appelé quand ils ont besoin de lui», explique Bassam Abou Abdallah, directeur
du Centre de Damas pour les études stratégiques. «Une fois que la Turquie aura
sécurisé sa frontière, une sortie de crise possible peut être le retour
d'Afrine dans le giron de l'État syrien, anticipe le chercheur Hassan Hassan,
proche de l'opposition syrienne. Les dirigeants turcs ont déjà affirmé qu'ils
préféraient qu'Afrine, Manbij et Deir ez-Zor soient contrôlées par Damas plutôt
que par les Kurdes.»
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La sécurité du quotidien, le nouveau défi des forces de
l'ordre (08.02.2018)
INFOGRAPHIE - Le ministre de
l'Intérieur Gérard Collomb veut bouleverser la manière de travailler de la
police et de la gendarmerie, en accordant notamment plus d'autonomie à
l'échelon local.
Particulièrement
ambitieuse, la
police de sécurité du quotidien (PSQ), promesse de campagne d'Emmanuel
Macron, dévoilée jeudi par Gérard Collomb, pourrait bien bouleverser en
profondeur la manière de travailler des forces de l'ordre en France. Fondée sur
une méthode inédite, marquée notamment par la consultation de
70.057 policiers et gendarmes, cette refonte vise à alléger le fardeau des
effectifs avec un double objectif: revenir sur le cœur de métier, à savoir la
lutte contre la délinquance, et retisser le lien avec la population. Devant un
parterre de 500 responsables et élus réunis à l'École militaire de Paris,
le ministre de l'Intérieur a dégainé un plan de bataille censé libérer les
énergies.
D'abord, la PSQ devrait sonner le
glas des tâches indues qui engluent le quotidien, pour 74 % des policiers
et des gendarmes. Ainsi, la fastidieuse gestion des procurations de vote
effectuées en commissariats et en brigades devrait être remplacée d'ici à 2021
par un système d'e-procurations en ligne. Dans une année électorale comme 2017,
la gendarmerie a estimé que les 1,8 million de ces actes «chronophages»
effectués lui ont coûté l'équivalent de près de 55.000 patrouilles de deux
militaires pendant quatre heures.
La PSQ va profiter d'ici à
2020 d'un plan de numérisation des procès-verbaux, appelés à être transférés
aux magistrats de façon plus sécurisée et traçable
Par ailleurs, outre la
suppression totale des gardes statiques devant les préfectures et la reprise
effective, par l'Administration pénitentiaire, des extractions judiciaires
d'ici à 2019, la PSQ prévoit de substituer dès cette année des personnels
opérationnels par des administratifs pour certaines fonctions dites de
«soutien» comme l'immobilier, les ressources humaines ou les statistiques. Au
total, pas moins de 2500 fonctionnaires et 1500 militaires, soit
4000 membres des forces de l'ordre, seront réinjectés sur le terrain d'ici
à la fin du quinquennat.
Dans le même esprit, l'allégement
promis de la procédure pénale devrait permettre de dégager 1,2 million
d'heures de travail, sachant qu'une heure d'enquête en matière de stupéfiants sur
le terrain se traduit aujourd'hui par sept heures de procédure!
Plan de numérisation des PV
Enfin, pour tuer l'hydre de
papier qui étreint les enquêteurs, la PSQ va profiter d'ici à 2020 d'un
véritable plan de numérisation des procès-verbaux, appelés à être transférés
aux magistrats de façon plus sécurisée et traçable. Depuis janvier, une équipe
commune Justice/Intérieur de 15 praticiens (juges, greffiers, policiers,
gendarmes, informaticiens…) planche à faire disparaître à terme tout support
imprimé.
S'affichant comme résolument
«connectés», policiers et gendarmes de la PSQ seront dotés au total de
110.000 tablettes «Néo» et de plus de 10.000 caméras piétons. Par
ailleurs, une «brigade numérique» basée à Rennes et fonctionnant 24 heures
sur 24 et 7 jours sur 7 sera inaugurée d'ici à la fin du mois, tandis que
des services en ligne permettront de signaler des faits de violences sexuelles.
Ou encore de prendre des plaintes pour des escroqueries sur Internet, soit
86.000 déplacements en commissariat ou brigade susceptibles d'être
épargnés.
Les chefs de service
territoriaux disposeront d'une enveloppe pour mener des travaux d'entretien et
gérer leurs besoins logistiques
Sur le terrain, où Gérard Colomb
veut que le pilotage des effectifs par le chiffre ne soit plus la seule
boussole, une minirévolution s'organise à l'échelon local, qui va gagner en
autonomie. Là où tout était jusqu'ici arbitré depuis Paris, les chefs de
service territoriaux, que ce soit au sein des compagnies que des
circonscriptions de police, se verront confier la responsabilité de fixer leurs
propres objectifs. Par ailleurs, ils disposeront d'une enveloppe pour mener des
travaux d'entretien et gérer leurs besoins logistiques, dont celui des voitures
de service.
Alors que deux parlementaires, Alice
Thourot, avocate de formation, et l'ancien patron du RAID Jean-Michel
Fauvergue, doivent rendre d'ici à l'été un rapport sur la place de la sécurité
privée ou de la police municipale dans le «continuum de sécurité», la Place
Beauvau entend propager l'esprit «PSQ» à travers une série d'initiatives dans
tout le pays. Ainsi, l'installation des policiers et d'agents municipaux dans
un même commissariat de Montpellier est volontiers citée en exemple. Il en est
de même pour la mutualisation des services des plaintes la nuit au sein des
commissariats de Vitry et d'Ivry (Val-de-Marne) afin de renforcer les
patrouilles.
Un «Lab PSQ» composé de policiers
et de gendarmes, mais aussi de chercheurs, de sociologues ou encore d'élus sera
appelé à évaluer les initiatives prises localement. L'Institut national des
hautes études de la sécurité et de la justice (Inhesj) et l'Inspection générale
de la police nationale (IGPN) apporteront leur expertise via des études de
terrain. Plus qu'un catalogue, la PSQ est un édifice original dont la clef de
voûte reposera plus que jamais sur la motivation des forces sur le terrain.
60 sites de «reconquête
républicaine»
«Dans un certain nombre de
quartiers, l'ordre républicain ne régit plus la cité. Nous ne pouvons accepter
que s'y développe la loi du plus fort» : face aux trafics et aux
incivilités répétées qui minent certains territoires, le ministre de
l'Intérieur a décidé de frapper du poing sur la table. D'ici à fin 2020, 1300
policiers vont arriver en renfort au sein d'une soixantaine de quartiers dits
de «reconquête républicaine». Les 30 premiers, taillés pour nombre
d'entre eux dans les zones de sécurité prioritaires déjà existantes,
seront pris en compte avant fin 2019.
Appelées à faire l'objet d'une
thérapie de choc, ces terres de mission bénéficieront d'un renfort allant de 15
à 25 policiers fidélisés sur zone. Les profils des recrues, que ce soient
des membres de brigades anticriminalité, d'enquêteurs spécialisés dans les
«stups» ou encore des agents de «cohésion», seront choisis après avis des chefs
de services locaux en fonction de leurs besoins.
Symboles de la mise en place
d'une PSQ «sur mesure», ces quartiers de «reconquête républicaine» abriteront
chacun un délégué cohésion «police-population» visant à recréer du lien. En
périphérie, où la gendarmerie doit faire face aux cambriolages et à la
délinquance dans les transports en commun, vingt départements exposés ont été
désignés pour être «mieux accompagnés». Ils bénéficieront du renfort de
500 gendarmes dédiés sachant que la bonne expérimentation des «brigades de
contact» sera développée sur tout le territoire.
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À l'école, les apprentis policiers apprennent à «ne montrer
aucun signe de faiblesse» (08.02.2018)
REPORTAGE - Au fil d'une année
intensive, les futurs policiers enchaînent les cours théoriques et pratiques
pour acquérir des réflexes cruciaux et identifier les erreurs à ne pas
commettre sur le terrain. Le Figaro a passé une journée en
immersion au sein de l'école de police de Roubaix, réputée pour sa discipline
de fer.
Envoyé spécial à Roubaix
Pinot simple flic est bien mort.
La caricature de ce policier ordinaire et maladroit, souvent dépassé par les
événements, est reléguée à l'imagerie sépia d'un passé révolu. Que ce soit dans
la langueur parfois trompeuse de Neuilly-sur-Seine ou au sein du chaudron
bouillonnant des cités du «9-3», les gardiens de la paix se sont défaits depuis
longtemps de cet archétype pour affronter une réalité exigeante où se mêlent
des procédures de plus en plus complexes, la rugueuse reconquête des
territoires oubliés de la République ainsi qu'un impérieux devoir de retisser
un lien avec la population qui s'est délité au fil des décennies.
Une gageure tant la ligne de
crête est étroite. L'attente est d'autant plus forte que ces hérauts de la
tenue vont incarner et devenir le fer de lance de la
nouvelle police de sécurité du quotidien, réforme majeure voulue par
Emmanuel Macron. Pour relever le défi, près de 10.000 femmes et hommes,
soit 3000 gendarmes et 7000 policiers supplémentaires, vont être
recrutés d'ici à la fin de la mandature. Les centres de formation tournent à
plein régime. À l'École nationale de police de Roubaix-Hem (Nord), qui
accueille 210 élèves gardiens de la paix issus des 247e et 248e promotions,
l'ambiance est plutôt studieuse. Incorporés en décembre et janvier dernier, ces
apprentis de la sécurité publique sont lancés sur un an de scolarité à un
rythme soutenu. Dans la salle 218, au premier étage d'un immeuble circulaire,
une section de 30 élèves suit le cours inaugural d'un module de
32 heures consacré à l'accueil en commissariat. En tenue sombre, le
blouson siglé police posé sur le siège de leur chaise, ils sont assis sagement
à leur table avec comme seules armes quelques stylos et des surligneurs fluo dans
une trousse d'école. Si le chignon est obligatoire et le maquillage interdit
pour les filles, les tatouages mais aussi les barbes «courtes et bien taillées»
pour les garçons sont autorisés depuis janvier par une note de la Direction
générale de la police nationale.
En douze mois, les futurs
policiers français doivent en savoir autant que leurs homologues hollandais qui
suivent trois ans de cours. - Crédits photo : Vincent Boisot/Vincent
Boisot/Le Figaro
Au tableau, Yannick, «formateur
généraliste» qui affiche douze ans de maison, dont neuf chez les CRS, parle
simple, pratique, concret. Pédagogue, il explique les fondamentaux des
techniques d'entretien où les vocables «courtoisie» et «politesse» sont répétés
tels un mantra. «La tenue doit être impeccable, si les scratches sont à
l'envers ou enlevés, le public va s'interroger, lâche-il devant un auditoire
captivé. On est ici pour servir la population avec une attitude impartiale,
préserver la confidentialité des entretiens, inviter l'usager à exprimer sa
demande, la reformuler au besoin pour mieux y répondre. Face à une personne en
détresse, faites preuve d'empathie mais ne commencez jamais à pleurer: montrez
que vous êtes des bonhommes, toujours dignes. Si vous bafouez ces règles de
base, la population va nous tourner le dos sur le terrain. Un policier qui agit
mal, et c'est toute la profession qui est dévalorisée…» Dans la salle 218, un
ange passe. Les élèves gardiens noircissent leurs cahiers à spirale. Yannick
sait qu'il vient de marquer les esprits. Le policier de demain doit être
irréprochable au quotidien. «Rappelez-vous la haie d'honneur faite aux
collègues après les attentats, c'était juste magique», enchaîne le formateur,
qui invite ses ouailles à apprendre à «parler calmement» et à travailler sur
«l'effet miroir»: «En toutes circonstances, le comportement doit être calme,
approprié. Quand le ton monte et que cela dégénère, restez fermes, polis et ne
montrez aucun signe de faiblesse. Si vous tutoyez, vous êtes en échec.»
«Si vous bafouez les règles de
base, la population va nous tourner le dos sur le terrain. Un policier qui agit
mal, et c'est toute la profession qui est dévalorisée»
Yannick, « formateur généraliste»
Dans la foulée, les futurs
gardiens lèvent le doigt pour interpréter une saynète simulant l'accueil d'une
victime agressée pour le vol de son portable. Parmi eux, Allan, Lillois de
26 ans, est motivé: «Un policier ne reste qu'un homme au service des
autres. Ce n'est pas qu'un bâton et un sifflet sur la voie publique pour mettre
des contraventions.» Le regard clair, le profil modeste qui sied à celui qui
apprend, cet ancien plombier chauffagiste a vécu les attentats comme un
«déclencheur», insistant sur «la photo poignante de ces deux policiers qui se
tombent dans les bras le soir du 13 novembre».
En classe, les simulations
s'enchaînent. Sophie, une des quatre psychologues de l'école, prend le relais
pour décrypter les «dimensions verbales ou non-verbales» d'une «communication
efficace» qui permet de résoudre 80 % des interventions. Là encore, les élèves
réfléchissent sur le «respect de l'émotion» face à une victime, la
«signification du silence» d'une personne repliée sur elle-même. «Nous
travaillons aussi sur la gestion du stress et des conflits, explique de son
côté Bruno, brigadier au pôle soutien pédagogique. Les éléments qui réagissent
de manière négative, qui commencent à pleurer ou à devenir agressifs, passent
en fin d'année devant un jury d'aptitude professionnelle qui peut décider d'un
redoublement ou d'une éviction.» Ainsi, un élève surpris à dessiner des
cercueils sur ses cahiers a récemment été invité à quitter l'école de Roubaix,
réputée pour sa discipline d'airain.
Comme tous leurs camarades, les
élèves des 247ème et 248ème promotions de gardiens de la paix cultivent la
fibre patriotique. Au garde à vous sur la place d'armes circulaire balayée par
un vent glacial, les apprentis policiers saluent le drapeau.Photo : Vincent
Boisot pour Le Figaro - Crédits photo : Vincent Boisot/Vincent Boisot/Le
Figaro
Si le couvre-feu a été repoussé
de 23 heures à minuit sur ce vaste site de plus de 21.000 m2
hébergeant 420 chambres pour les internes et les visiteurs, le régime
reste quasi militaire, avec ses marches au pas, ses saluts et ses garde-à-vous
qui claquent au sein des sections à longueur de journées. Sur une base de 100
points, la «note de comportement» peut fondre comme neige au soleil en cas de
tenue négligée, de port apparent de bijoux ou de signes religieux, de
nourriture découverte dans les chambres, de sonnerie intempestive du portable,
d'absence non motivée à la cantine… «À la fin de la scolarité, cela peut
influer sur le classement de sortie de l'élève», concède le commissaire Alice
Gastellu-Etchegorry, directrice adjointe de l'école. Si les 200 meilleurs de la
promotion sont les mieux servis, les derniers n'ignorent pas qu'ils seront
affectés comme gardes-barrières devant les palais nationaux. Aiguillonnés pour
avoir la meilleure note, les futurs policiers de la sécurité du quotidien
entendent donc cocher toutes les cases. Celle de la fibre patriotique est
majeure.
«Nous insistons sur la
stabilité émotionnelle et psychologique. Ici, on ne veut pas de cow-boys»
Alice Gastellu-Etchegorry,
directrice adjointe de l'école
En ce premier jeudi de février,
jour de la levée des couleurs, toutes les sections sont en rangs serrés sur la
place d'armes balayée par un vent glacial. Autour, des tireurs ont été postés
sur les toits pour éviter tout attentat depuis que l'école a fait l'objet d'une
menace ciblée en 2016. L'instant est particulier. Les yeux rougis par
l'émotion, le commissaire divisionnaire Philippe Gourvennec assiste à son
ultime cérémonie avant de partir à la retraite. Avec vingt-quatre ans passés en
commissariat, puis onze ans à la tête de l'école de Roubaix où il a supervisé
la formation de 3000 élèves au total, ce «patron» a vu évoluer le profil
des gardiens de la paix. «À l'époque de Nicolas Sarkozy, où l'on n'ouvrait
guère plus de 500 postes de gardiens par an, la sélection était plus
sévère et l'on recrutait beaucoup d'intellectuels, pas toujours très sportifs,
ayant parfois un niveau bac + 5, se rappelle-t-il. Depuis trois ans,
le recrutement est plus large afin d'accompagner la montée en puissance
programmée des effectifs.»
À ce titre, la
244e promotion (151 élèves, dont 35 femmes) esquisse le portrait
du gardien du XXIe siècle: formée à 61 % d'anciens adjoints de
sécurité, elle abrite près de 20 % de diplômés du supérieur, 52 % de
titulaires du baccalauréat et près de 28 % de personnes étant au niveau
BEP-CAP-BEPC ou sans diplôme. «Ouvrir les vannes ne signifie pas que l'on prend
tout le monde, note Alice Gastellu-Etchegorry. Nous insistons sur les valeurs
d'intégrité, de courage, de goût du service à la population mais aussi de
stabilité émotionnelle et psychologique. Ici, on ne veut pas de cow-boys.»
Les gardiens apprennent ainsi les
rudiments du menottage en s'entravant à tour de rôle. - Crédits photo :
Vincent Boisot/Vincent Boisot/Le Figaro
Dans le parking situé sous la
place d'armes, les gardiens apprennent ainsi les rudiments du menottage en
s'entravant à tour de rôle. «Toujours les mains dans le dos pour éviter les
rébellions et les tentatives de fuite, explique avec calme Alexandre, formateur
issu de la BAC et ancien champion d'Europe de judo. En deux ou trois heures,
les bases sont acquises. Mais il faut ensuite que le policier apprenne à
travailler proprement, en évitant de provoquer des douleurs inutiles qui peuvent
envenimer une situation.» Pendant un an, les élèves vont répéter les mêmes
gestes, s'entraîner sans relâche à la self-défense afin de ne jamais perdre la
face lors d'inéluctables confrontations «musclées». Les corps-à-corps, très
physiques, n'épargnent guère les organismes. Chaque promotion déplore plusieurs
blessés à l'entraînement dans ses rangs. «Quand les jeunes arrivent en école,
ils veulent tous faire de la brigade anticriminalité et les majors de promotion
sautent en général sur l'intervention, demandant la Seine-Saint-Denis pour
passer à l'action, qui reste leur maître mot», observe le «divisionnaire»
Gourvennec.
Aux yeux de ce vieux routier, la
nouvelle génération ne veut pas «d'une police de proximité pour discuter avec
les commerçants». «Elle ne trouve pas cela porteur, lâche-t-il avant d'assurer:
je crois en revanche beaucoup à la police de sécurité du quotidien pour
remotiver les troupes en donnant à chaque responsable local un vrai pouvoir de
bâtir son propre projet en fonction des réalités du terrain.» Sa seule crainte?
«Qu'un gamin sorti d'école se fasse tuer dans la rue en commettant une erreur.»
«La France est un des pays où la formation est la plus courte d'Europe,
renchérit le commissaire Gourvennec. En douze mois, nos gardiens, qui peuvent
se retrouver sur la dalle d'Argenteuil, doivent en savoir autant que leurs
homologues hollandais qui suivent trois ans de cours pour apprendre l'un des
métiers les plus durs au monde. C'est pour cela que nous dispensons une
scolarité intensive, très pratique, afin d'identifier les erreurs à ne plus
commettre et les réflexes à acquérir.» Les coups et les agressions dont leurs
collègues sont les cibles au quotidien? Les policiers de demain n'en ont cure,
à l'image de Marine, 28 ans, «ancienne» de la Surveillance générale
(Suge), qui assure qu'elle en saura assez au terme de sa scolarité à Roubaix
pour ne pas «sortir dans la rue avec la boule au ventre». À l'instar de tous
ses camarades, elle aura suivi plus d'un millier d'heures de cours et tiré
quelque 400 cartouches durant la scolarité. De quoi forger l'ADN du flic
de demain, pour un salaire net de 1780 euros et la devise de la police
tenue chevillée au corps: «Discipline, valeur, dévouement».
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INTERVIEW EXCLUSIVE - Éric
Morvan, à la tête de la police nationale depuis l'été dernier, réagit à la
refonte en profondeur de la sécurité du quotidien, annoncée jeudi par Gérard
Collomb, le ministre de l'Intérieur.
LE FIGARO. - Sur quels
critères ont été sélectionnés les quartiers dits de «reconquête républicaine»?
Certains ont évoqué des arbitrages politiques…
Éric MORVAN. - La
délinquance n'a pas de couleur politique, mais elle pourrit la vie de nos
compatriotes, quelle que soit leur sensibilité! La
police de sécurité du quotidien (PSQ) est mise en place partout,
sur l'ensemble du territoire, avec une ligne directrice: redonner de la
disponibilité aux forces de l'ordre pour davantage de présence de terrain et de
contacts avec les citoyens. Au-delà de cette doctrine générale, nous avons
ciblé une diversité de quartiers sensibles, sur la base de critères techniques
(caractéristiques de la délinquance, nature et intensité des troubles à la
tranquillité publique, incivilités, violences urbaines…). Certains quartiers,
comme Les Tarterêts dans l'Essonne ou Le Mirail à Toulouse, subissent de longue
date une délinquance enracinée ; il faut les reconquérir avant de pouvoir
y mener une police de contact et de résolution des problèmes. D'autres, comme
Bordeaux-Maritime ou Planoise, à Besançon, n'ont pas encore atteint ce seuil de
difficultés. Il faut cependant éviter qu'ils ne basculent. Enfin, des villes
ont entrepris d'ambitieuses opérations de renouvellement urbain: c'est par
exemple le cas du quartier Saragosse de Pau, qu'il est nécessaire d'accompagner
dans sa démarche.
Que répondez-vous à ceux qui
craignent un retour d'une vieille police de proximité taxée d'angélisme?
C'est bien dommage que le terme
de «proximité» soit désormais connoté! La police de sécurité du quotidien est
avant tout une approche concrète et adaptée aux territoires, une police «sur
mesure», à la fois préventive et répressive, selon un «dosage» laissé à
l'appréciation des acteurs locaux. Trois maîtres mots la caractérisent:
«disponibilité», pour consacrer plus de temps et de moyens à l'opérationnel ;
«déconcentration», pour que les stratégies et les modes d'action soient définis
au plus près du terrain ; «partenariat», pour mieux articuler l'action des
acteurs de la sécurité et de ceux qui peuvent y concourir. Nous souhaitons
faire de la police, moderne et proactive, en lien avec l'ensemble des acteurs.
«Les policiers ont retrouvé un
quotidien plus rude, les outrages à répétition, les violences insupportables,
les guets-apens, les mises en cause injustes…»
Les policiers, déjà éprouvés
sur le terrain, vont être une fois encore sollicités par cette réforme. Ne
craignez-vous pas un retour de la grogne?
Les policiers, c'est vrai, ont
été mis à rude épreuve ces dernières années. Mais ce n'est pas tant l'intensité
de leur engagement qui était en cause: ils n'hésitent jamais à se mobiliser et
ils le démontrent tous les jours. La vraie raison de la «grogne» est ailleurs.
Il y a, c'est vrai, la question des moyens, en effectifs, en immobilier, en
équipement, en véhicules. Des efforts significatifs sont entrepris pour
corriger les situations et chacun comprend que le bon cap est pris, même s'il
faudra du temps pour recruter, former, construire. Il y a aussi la question
essentielle du respect de la fonction: l'esprit du 11 janvier 2015, où
l'on voyait des citoyens embrasser des policiers au lendemain des attentats,
s'est estompé, et les policiers ont retrouvé un quotidien plus rude, les
outrages à répétition, les violences insupportables, les guets-apens, les mises
en cause injustes…
Ils s'interrogent aussi sur le
sens de leur mission…
Je connais leurs interrogations:
pourquoi se mettre en danger pour interpeller des individus très
défavorablement connus, qui pourrissent la vie d'un quartier, et que l'on
retrouvera le lendemain sur le même trottoir, forts d'un sentiment d'impunité?
Pourquoi passer des heures dans les arcanes d'une procédure pénale complexe qui
détourne les policiers du véritable travail d'enquête et favorise l'insécurité
juridique? Toutes ces questions sont pertinentes, légitimes. Et les policiers
attendent beaucoup de la police de sécurité du quotidien. Avec les militaires
de la gendarmerie, ils ont été plus de 70.000 à répondre au questionnaire qui
leur a été adressé! Ils attendent aussi des initiatives en matière de «justice
du quotidien»: la simplification de la procédure, sa dématérialisation, certes,
mais aussi la célérité de la réponse pénale et l'effectivité des peines
prononcées, en particulier lorsqu'ils sont victimes d'agressions. Voilà ce
qu'attendent les policiers. En un mot, ils attendent le «respect», de ce qu'ils
sont, de ce qu'ils font, de l'autorité de l'État qu'ils incarnent. Et ils ont
bien raison!
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Éric Zemmour: «Ce peuple polonais qui, a l'inverse de la
classe politique française, refuse de se flageller…» (09.02.2018)
CHRONIQUE - En
dénonçant la loi interdisant de parler de «camps de la mort polonais», les
élites françaises reprochent aux Polonais ce que nous avons fait : imposer
une histoire officielle, une histoire d'État.
Les Polonais ne font décidément
rien comme les autres. Ils forment des plombiers compétents ; ils ferment
leurs frontières aux vagues migratoires venues des pays musulmans ; ils ne
donnent pas tous les pouvoirs à leurs juges ; ils ne renient pas leurs
racines chrétiennes. Dernière transgression qui scandalise le Landerneau
médiatique occidental: le
vote d'une loi qui interdit aux historiens de parler de «camps
de la mort polonais» à propos des camps d'extermination érigés par
les Allemands sur le territoire polonais.
Pourtant, personne, parmi les
contempteurs de cette loi, ni en Israël ni aux États-Unis ni en Europe, ne
prétend que les camps d'Auschwitz-Birkenau n'ont pas été décidés et dirigés par
les nazis. Personne n'incrimine même un gouvernement polonais de complicité
puisque le pays était alors dirigé par un gauleiter allemand. Mais on craint
seulement que, faisant une lecture extensive de cette législation, les
autorités polonaises censurent toute révélation sur les exactions commises par
une partie de la population polonaise, qui a parfois profité de l'aubaine pour
se venger des Juifs haïs.
On oppose la liberté des
historiens au corset d'une histoire officielle, d'une histoire d'Etat.
Ces critiques seraient légitimes
si elles ne venaient pas de Français qui ont fait voter une loi Gayssot
interdisant à quiconque de remettre en cause le génocide des Juifs pendant
la Seconde Guerre mondiale ; et qui, dans la foulée, ont adopté une
loi Taubira établissant la traite occidentale (et uniquement celle-ci) comme un
«crime contre l'humanité». On se souvient des mésaventures de cet historien,
Olivier Pétré-Grenouilleau, qui fut cloué au pilori parce qu'il avait osé
affirmer que les traites négrières ne pouvaient pas être un génocide puisque
l'esclave avait une valeur marchande.
Nous élaborons des lois
mémorielles pour nous flageller ; les Polonais font la même chose, mais pour
se glorifier
Nous
reprochons donc aux Polonais ce que nous avons fait: imposer une histoire
officielle, une histoire d'Etat. Traîner devant les tribunaux tous ceux
qui la contesteraient. Nos lois mémorielles sont le pendant de la loi polonaise
que nous condamnons.
Il est vrai que les intentions
sont à l'opposé: les lois mémorielles françaises ont été adoptées dans un
contexte politique et idéologique de repentance. Après le discours du président
Chirac sur la rafle du Vél' d'Hiv, et les compléments apportés par ses
successeurs, Hollande et Macron, la France prend volontairement une part de la
culpabilité des crimes allemands en accusant l'Etat français, et donc la
France, d'avoir été le complice de la machine génocidaire allemande.
La Pologne fait l'inverse: elle
ne veut plus être associée à l'opprobre jeté sur les nazis. Nous élaborons des
lois mémorielles pour nous flageller ; les Polonais font la même chose,
mais pour se glorifier.
La liberté des historiens et de
l'Histoire n'est en réalité qu'un prétexte, qu'un rideau de fumée: ce que nous
reprochons aux Polonais n'est pas d'élaborer une histoire officielle, mais
de refuser
de se flageller.
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(09.02.2018)
En opposant un mépris suffisant
aux légitimes aspirations corses d'une démocratie plus proche du peuple,
Emmanuel Macron est passé à côté de l'Histoire.
On attendait de Gaulle, il n'y
eut que Guy Mollet. De toute évidence, Emmanuel Macron n'a pas compris les
Corses et ne sait pas ce qui s'est passé là. Les conditions semblaient pourtant
réunies pour inventer autre chose que les postures qui prévalaient de part et
d'autre depuis des décennies. Une lassitude, certes, mais aussi une espérance.
L'horreur unanime provoquée par l'ignoble assassinat du préfet Érignac a
décrédibilisé toute violence et permis l'émergence d'un mouvement autonomiste
libéré de la pression des terroristes et des mafieux. Et les vingt ans passés
ont totalement déplacé le débat. Les élections territoriales ont traduit une
aspiration. Celle d'une large majorité du peuple à voir la démocratie se
rapprocher des citoyens et leur offrir, face aux bouleversements
civilisationnels qui gagnent la société corse - qui ont nom consumérisme,
destruction des liens de solidarité traditionnels - la possibilité de reprendre
en main leur destin. Mais une telle aspiration ne sert visiblement pas les
intérêts jupitériens.
Emmanuel Macron accueilli par
Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, le 6 février, à Ajaccio. - Crédits
photo : LUDOVIC MARIN/AFP
On pouvait attendre, dans une
forme d'équilibre après les accents de fermeté républicaine de l'hommage à
Claude Érignac, un discours présidentiel posant les bases de ce «pacte
girondin» promis pendant la campagne présidentielle. Il n'en fut rien. Emmanuel
Macron choisit le ton professoral du grand civilisateur venu, tel Jules Ferry,
rappeler les règles à des peuplades rétives. Il se paya même le luxe de les
tancer sur leurs choix électoraux du mois de mai. Les 48,5 % pour Marine
Le Pen: cela valait un petit sermon. Et pour l'occasion, le Président raviva
ces oppositions binaires par lesquelles il assigne généralement ses opposants
au camp du mal. «ouverture» contre «fermeture» et apologie du «métissage»:
ainsi résumée, la question corse a le mérite de la simplicité. Rarement
aura-t-on vu plus grand mépris d'un président pour une part du peuple qu'il est
censé représenter. Sans doute lui fallait-il se racheter une virilité après les
accusations de faiblesse sur le dossier Notre-Dame-des-Landes. Les Corses sont
moins populaires que les zadistes.
Rappelons donc quelques réalités
historiques: bien que propriété de la république de Gênes, la Corse constitua
une nation souveraine, avec constitution, diplomatie et monnaie, de 1755 à
1769, sous l'autorité de Pascal Paoli, humaniste déclaré, adulé par
Jean-Jacques Rousseau, disciple de Montesquieu et inspirateur de la première
constitution des États-Unis d'Amérique. Vendue pour 2 millions de livres
par Gênes à Choiseul en 1768, l'île fut conquise militairement par les troupes
françaises en 1769 après une résistance acharnée de l'armée corse. Voilà qui ne
remet pas en cause l'appartenance de la Corse à la République, mais interdit de
faire comme si Corse, Essonne ou Lozère étaient interchangeables.
«Il était possible de refuser
toutes les demandes des nationalistes, tout en servant la France»
Plus encore, il faut se souvenir
que, le 12 avril 1991, Pierre Joxe, Michel Rocard et François
Mitterrand faisaient voter par le parlement un statut qui reconnaissait le
«peuple corse, composante du peuple français». La mention fut retoquée par le
Conseil constitutionnel, mais le juridique ne peut effacer la validation par
l'exécutif et le législatif de cette idée d'un peuple corse. Un peuple qui
n'aspire pas à l'indépendance ni au «repli», n'en déplaise à Emmanuel Macron,
mais à la préservation de ses spécificités.
Il était possible de refuser
toutes les demandes des nationalistes, tout en servant la France. Refuser
l'amnistie tout en rapprochant certains prisonniers, refuser la co-officialité
de la langue corse tout en posant les bases d'un travail de préservation des
langues historiques de la France, refuser le statut de résident tout en
reconnaissant partout en France le droit à vivre et travailler au pays, qui
doit inciter à penser une régulation du marché immobilier. Il eût fallu pour
cela mener une véritable réflexion sur les aspirations démocratiques qui
pointent, un peu partout, sur ce besoin de s'appuyer sur le local pour mieux
partager des valeurs universelles et résister à une globalisation fondée sur
l'éradication de tout ce qui contrevient au marché, cette globalisation que le
Président préféra vanter aux Corses dans un étonnant mélange de néolibéralisme
naïvement moderniste et d'autoritarisme archaïquement crispé.
Dans ce ratage historique dont la
pire conséquence serait de fragiliser, à travers Gilles Simeoni, ceux qui
croient en une Corse apaisée dans une France une et diverse, est apparu le vrai
visage du macronisme. Un «en même temps» qui n'est qu'un art d'avancer masqué,
plutôt qu'une pensée dialectique capable d'intégrer ce que des adversaires
politiques peuvent apporter d'intelligence et de lucidité. Ou comment passer à
côté de l'Histoire. Car à travers la Corse, c'est la France qui sera privée
d'une réflexion pourtant nécessaire sur son identité, et de ses moyens de
perdurer face à une globalisation qui détruit toute mémoire pour nous changer
en individus consommateurs.
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«Veut-on former des militaires ou bien fabriquer des
citoyens ?» (09.02.2018)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - L'historien
et ancien colonel Michel Goya donne son point de vue sur l'idée d'une
restauration du service militaire. Celle-ci peut être une chance pour la France
à condition de se donner vraiment les moyens de former des soldats.
LE FIGARO.- Le président de la
République a assuré que le «service national universel», promesse de campagne,
«sera mené à son terme». Cette promesse est-elle tenable?
Michel GOYA. - La
faille majeure d'un tel dispositif est celle de l'adéquation des moyens avec
l'objectif. La proposition d'un rétablissement du service national suppose un
investissement colossal pour un but qui n'est pas très clair: est-ce un
objectif de sécurité ou bien de vivre-ensemble? Veut-on former des militaires
ou bien fabriquer des citoyens? L'objectif premier de la conscription militaire
était de former des soldats. Cela avait bien sûr comme vertus secondaires de
créer une forme de cohésion citoyenne, de mixité sociale et d'apprentissage du
français. Mais ce n'était pas l'objectif premier.
Ne peut-on pas imaginer une
sorte de garde nationale élargie qui s'occuperait de la sécurité intérieure,
tandis que l'armée professionnelle s'occuperait des opérations extérieures?
Ce serait en effet revenir à un
ancien modèle. En 1895, on a engagé des soldats appelés à Madagascar et plus de
5000 d'entre eux sont morts de maladie. On a alors décidé d'une division du
travail entre une armée expéditionnaire professionnelle et une armée
métropolitaine formée de conscrits pour défendre le territoire national. On a
vécu sur ce modèle jusqu'à la professionnalisation complète des forces armées à
partir de 1996.
Avec la fin de la menace aux
frontières, cet impôt du temps qu'était la conscription ne se justifiait plus
vraiment. Il était également devenu très inégalitaire puisqu'il n'y avait
pratiquement plus qu'un quart d'une classe d'âge (les femmes étant exclues) qui
l'accomplissait réellement, les autres trouvant moyen de s'exempter ou de
pratiquer un service moins difficile, en entreprises par exemple.
Cela relativisait grandement la
fameuse mixité sociale: dans le régiment d'infanterie où j'étais, il n'y avait
que des déclassés, les enfants de bourgeois trouvant toujours moyen d'y
échapper. Personne n'a alors vraiment beaucoup défendu le service national. Les
raisons pour lesquelles on a alors suspendu le service militaire (et on le
notera peu de temps après les attentats de 1995) n'ont pas disparu.
«S'il s'agit d'engager ces
hommes et ces femmes en opérations, cet effort sera utile. On renforcera
effectivement les armées. Si ce n'est pas pour engager ces nouveaux conscrits
au combat, cela ne peut être un service “militaire”»
Michel Goya
Vous avez écrit que le service
national pouvait effectivement être une chance pour la France, mais sous
certaines conditions. Quelles sont-elles?
Il faut définir clairement
l'objectif et faire en sorte que ce service soit véritablement universel, comme
en 1905. Cela veut dire prendre en charge une classe d'âge, soit environ
800.000 personnes. Cela nécessite d'énormes moyens, dans les
infrastructures notamment et dans l'encadrement. S'il s'agit d'engager ces
hommes et ces femmes en opérations (et alors il faudra plus d'un mois pour
former un soldat) cet effort sera utile. On renforcera effectivement les armées
et on disposera d'une capacité de remontée en puissance qui a disparu.
Si ce n'est pas pour engager ces
nouveaux conscrits au combat, cela ne peut être un service «militaire». Cela
sera autre chose et en confier l'organisation aux armées affaiblira ces
dernières. Dans tous les cas, ce service détournera d'énormes ressources
d'autres missions de l'État. Pourquoi pas, mais encore une fois, il faut dire
clairement pour quel projet majeur pour la nation.
Pensez-vous qu'il faille créer
une réserve militaire élargie pour remplacer les militaires du plan
«Sentinelle»?
C'est le modèle américain: celui
d'une petite armée professionnelle doublée d'une grosse réserve de citoyens
libres armés. Dans la culture américaine, il y a une défiance envers l'État et
l'armée professionnelle avec une préférence pour la milice citoyenne. C'est un
modèle civique «à l'antique», où chaque citoyen libre est un soldat potentiel.
En France, depuis la guerre de
Cent Ans nous avons un modèle ou la sécurité est confiée à l'État en échange de
l'impôt. L'État utilise alors cet argent pour financer une force
professionnelle qui agit en périphérie de la nation. La Révolution française a
imposé un bref retour du modèle romain, mais en réalité le service militaire
obligatoire et universel n'a été que de très courte durée dans l'histoire de
France.
Avec les institutions de la
Ve République qui autorisent l'engagement à discrétion de la force armée
et la professionnalisation complète de celle-ci, on retrouve les «guerres du
Prince». Cela a des avantages mais aussi des inconvénients dont une grande
déconnexion entre la citoyenneté et la protection du territoire national.
L'idée que le citoyen lambda peut aussi contribuer à la défense de la nation
est assez étrangère à la culture française.
Faudrait-il élargir le port d'armes
à davantage de citoyens pour mailler le territoire?
Ça pourrait être une alternative
au retour de la conscription. Prenons mon cas. J'ai quitté l'armée il y a trois
ans. Je sais parfaitement me servir d'une arme mais je n'en ai pas le droit. Il
ne s'agit pas d'autoriser la vente d'armes à n'importe qui, comme aux
États-Unis, mais seulement d'élargir le droit d'en porter à des citoyens qui
ont prouvé leur compétence. C'est la seule manière d'assurer un vrai maillage
du territoire, impossible avec les quelques milliers de soldats du plan
«Sentinelle». C'est une solution qui a aussi l'avantage d'être peu coûteuse, ce
qui correspond à l'idée de la conscription: disposer de nombreux défenseurs à
moindre coût.
Deux djihadistes britanniques liés à
«Jihadi John» capturés en Syrie (09.02.2018)
Deux hommes,
El-Shafee el-Sheik et Alexander Kotey, ont été capturés en Syrie. Membres de la
cellule d'exécution de l'État islamique surnommée «The Beatles», ils sont
considérés comme responsables de l'exécution d'une vingtaine d'otages, dont
plusieurs Occidentaux.
Deux djihadistes
britanniques du groupe État islamique (EI), ont été capturés en Syrie par une
force arabo-kurde alliée de Washington, a rapporté jeudi un responsable
militaire américain. Leur capture est intervenue début janvier dans l'est de la
Syrie, a précisé le responsable américain dans un communiqué. Il s'agit de deux
complices de «Jihadi John», membres de la «cellule d'exécution» de l'EI qui
avait été surnommée «The Beatles».
Ce quatuor est
accusé d'être responsable de la détention et de la décapitation d'environ une
vingtaine d'otages, notamment des Occidentaux, parmi lesquels les
journalistes américains James Foley et Steven Sotloff ainsi que le
travailleur humanitaire américain Peter Kassig. Les prisonniers occidentaux
avaient donné le
surnom de «Beatles» aux quatre geôliers en raison de leur accent britannique et
les avaient affublés des prénoms des légendaires chanteurs: Paul, George, Ringo
et John.
Le premier des
djihadistes capturés a été identifié comme El-Shafee el-Sheik. Le second,
figurant sur la liste noire des «terroristes internationaux» dressée par le
département d'État américain, s'appelle Alexanda Amon Kotey ou Alexander Kotey.
Il est de nationalités britannique, ghanéenne et chypriote. Né en décembre
1983, il est passé par la ville syrienne de Raqqa, l'ex-fief du «califat»
autoproclamé de l'EI. Le ministère britannique des Affaires étrangères a refusé
de confirmer leur capture. «Nous ne faisons pas de commentaires sur des cas
individuels ni sur des enquêtes en cours», a indiqué un porte-parole.
Complices de
«Jihadi John»
Le département
d'État avait accusé l'an dernier Kotey d'avoir «probablement exécuté» des
otages et d'avoir eu recours à des «méthodes de torture particulièrement
cruelles». Ces djihadistes, a expliqué le responsable américain, ont «participé
à la détention, l'exploitation et l'exécution de détenus occidentaux». Ils ont
également «agi comme geôliers et interprètes» et «auraient des liens avec le
terroriste britannique souvent appelé ‘Jihadi John'», a-t-on appris de même
source, sans préciser dans quel état les deux hommes se trouvaient ni ce qui
allait advenir d'eux. «El-Shafee el-Sheik et Kotey représentent une petite
portion des centaines de terroristes étrangers de l'EI issus de plusieurs pays
qui ont été exfiltrés du champ de bataille par les Forces démocratiques
syriennes dans l'est de la Syrie depuis octobre 2017», a encore souligné le
responsable militaire.
Le plus célèbre
des quatre «Beatles» djihadistes était le Britannique Mohammed Emwazi, connu
pour ses vidéos de décapitation d'otages qui avaient marqué l'opinion publique
entre 2014 et 2015. Il y apparaissait couteau de boucher à la main et vêtu de
noir. Surnommé «Jihadi John», il
a été tué en novembre 2015 par un bombardement à Raqqa. Avec ses
décapitations soigneusement mises en scène souvent dans un décor désertique,
les corps sans tête gisant à ses pieds tandis qu'on ne voyait de lui que ses
yeux, il a commis parmi les plus atroces exécutions de l'EI. Il était devenu
l'étendard de la propagande et de la campagne de terreur sur Internet voulue
par le groupe djihadiste.
Les
travailleurs humanitaires britanniques David Haines et Alan Henning, les
Américains Peter Abdul-Rahman Kassig, Steven Sotloff et James Foley, ainsi que
le Japonais Kenji Goto ont notamment été décapités devant une caméra par
Mohammed Emwazi. Ils avaient été emprisonnés avec les
journalistes français Didier François, Édouard Elias, Nicolas Hénin et Pierre
Torres. Aine Davis, le quatrième membre du groupe djihadiste, qui
aurait détenu plus d'une vingtaine d'otages étrangers en 2014-2015 et récupéré
des millions de dollars de rançons, est lui actuellement détenu en Turquie.
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Qu'a-t-on appris au procès de Salah
Abdeslam ? (09.02.2018)
FOCUS - À
Bruxelles, les débats du procès du seul survivant des commandos du 13-Novembre
se sont terminés jeudi soir avec les plaidoiries de la défense. Lefigaro.fr fait
le point à l'issue de ce procès hors-norme.
Que pouvait-on
espérer du procès de Salah Abdeslam en Belgique? Si l'on en juge par les
centaines d'accréditations délivrées aux journalistes par le tribunal de
Bruxelles, les attentes étaient fortes. Le seul survivant des commandos du
13-Novembre était jugé en compagnie d'un compagnon de cavale, Sofien Ayari,
pour une fusillade intervenue dans la capitale belge le 15 mars 2016, quelques
jours avant leur arrestation. Le procès s'est achevé jeudi soir au terme de sa
seconde journée et d'un calendrier chamboulé par rapport aux prévisions
initiales.
● Voir
et entendre Salah Abdeslam
La sobriété de
la salle 0.30, où se déroulaient les audiences, était toute indiquée pour
l'événement. La majesté du Palais de justice semblait s'être arrêtée à sa
porte, tout juste rappelée par les portraits du couple royal belge accrochés
aux murs écrus. Rien ne pouvait détourner l'attention de l'événement majeur du
procès: la première apparition aux yeux du monde de l'ennemi public n°1, Salah
Abdeslam. Il est 8h50 lundi 5 février lorsque l'homme de 28 ans fait son entrée
dans la salle d'audience. Le silence est glaçant. De grande taille, il est vêtu
d'une veste claire. Par rapport aux rares images dont on dispose de lui, son
apparence physique a changé. Ses cheveux ont poussé. Gominés, ils sont plaqués
vers l'arrière et terminent sur sa nuque en bouclettes frisées. Ses joues
glabres sont maintenant recouvertes d'une barbe drue. Le
prévenu est strictement encadré par deux policiers d'éliteà l'air
sévère, spécialisés dans le transfert d'individus dangereux, encagoulés et
entièrement vêtus de noir. Ils ne le quitteront pas des yeux une seule seconde.
Quelle allait
être l'attitude d'Abdeslam? C'était la grande incertitude de ce procès. Il
avait commencé à s'exprimer face aux enquêteurs belges peu après son
arrestation, le 18 mars 2016, mêlant vérités et mensonges éhontés. Il s'était
ensuite muré dans un silence dont il n'était plus jamais sorti. Son mutisme
avait poussé ses avocats belges et français, Mes Mary et Berton, à renoncer à
le défendre. Le retour du premier laissait entrevoir l'espoir d'un changement
d'attitude. Il n'en a rien été pour ce procès, et cela en restera l'une des
principales frustrations. Dès son entrée, Salah Abdeslam a affiché sa défiance
face à la justice, refusant de se lever lorsque la présidente l'y invitait,
prétextant dans un premier temps «être fatigué» à cause de son transfert, avant
de refuser de répondre aux questions. N'en prenant pas ombrage, la présidente,
habile et presque maternelle, insiste, lui demandant pourquoi être venu s'il
souhaite garder le silence. Une question qui déclenche chez l'intéressé
sa seule réelle prise de parole du procès. Tirade qui sera sans nul doute
encore longtemps analysée. Abdeslam tente d'englober avec lui la communauté
musulmane dans sa cause: «Ce que je constate, c'est que les musulmans sont
jugés, traités de la pire des manières, impitoyablement, il n'y a pas de
présomption d'innocence.»
Sa voix est
dure, ferme et teintée d'agressivité. «On m'a demandé de venir, je suis venu
tout simplement. Il y a un procès, je suis l'acteur de ce procès, on m'accuse
et voilà je suis ici. Je garde le silence, c'est un droit que j'ai, mon
silence ne fait pas de moi ni un criminel ni un coupable. Je me défends
comme ça, en silence. J'aimerais qu'on se base sur les preuves scientifiques et
tangibles, et pas sur de l'ostentation ou sur ce que pense l'opinion publique.»
Le prévenu entame ensuite une profession de foi musulmane avant de prononcer
ses derniers mots: «Je n'ai pas peur de vous, je n'ai pas peur de vos alliés.
C'est en mon Seigneur que je place ma confiance. Jugez-moi, je place ma
confiance en Allah, je n'ai rien à ajouter.» En voulant en dire peu, Salah
Abdeslam en dit finalement beaucoup. Il apparaît comme un soldat fanatisé
capturé par un ennemi dont il ne reconnaît pas la légitimité.
● Pas
de détails sur la cavale, ni les attentats
La tirade
d'Abdeslam nous renseigne (un peu) sur son état psychologique. On n'apprendra
toutefois rien sur sa cavale ou les attentats de Paris et Bruxelles. Cette
question du contexte a pourtant été au coeur de ce procès. L'accusation et les
parties civiles estimaient qu'il fallait prendre en compte la phase terroriste
dans laquelle évoluent les trois hommes en planque (dans l'appartement avec les
deux prévenus se trouvait Mohammed Belkaïd, mort dans la fusillade, considéré
comme un important logisticien des attentats de Paris), entre le 13 novembre à
Paris et le 22 mars à Bruxelles. Pour eux, la fusillade de la rue du Dries
n'est qu'un simple épisode de la funeste série.
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La défense
s'est au contraire attachée à démontrer que la fusillade n'était pas en
elle-même un acte terroriste, ne s'agissant pas, selon l'avocat de Salah
Abdeslam, «d'intimider gravement une population», ou de «déstabiliser les
institutions d'un pays». Me Sven Mary a invité les juges à se concentrer sur
«les éléments factuels, rien que les éléments factuels. La rue du Dries, rien
que la rue du Dries» et à rendre leur décision comme «s'il ne s'agissait pas
d'Abdeslam Salah mais de Monsieur Dupont». Un argumentaire qui n'a pas
convaincu Me Bauwens, des parties civiles, ironisant sur «le bouton pause» qui
permettrait au contexte terroriste de s'arrêter avant la fusillade.
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22-Mars, un seul réseau
● Le
rôle de Sofien Ayari toujours en question
On espérait en
savoir un peu plus sur le rôle joué par le Tunisien Sofien Ayari. Ce n'est pas
son interrogatoire, réalisé pourtant avec habileté par la présidente, qui nous
aiguillera davantage, ce dernier arguant que son rôle se limitait à aller faire
des courses en attendant de pouvoir retourner faire le djihad en Syrie. Il a
peiné à expliquer ce qu'il faisait dans les planques avec les terroristes les
plus recherchés d'Europe. On sait que Salah Abdeslam, qui était alors le
chauffeur des terroristes en Europe, est allé le chercher en octobre 2015 à
Ulm, en Allemagne, alors qu'Ayari arrivait de Syrie. Le 13 novembre de la même
année, le jour des attentats de Paris, il se rend à l'aéroport d'Amsterdam avec
Ossama Krayem, un Suédois d'origine syrienne considéré comme l'un des
logisticiens majeurs des attentats de Bruxelles. Simple repérage ou tentative
d'attentat avortée? Mystère pour le moment. L'attitude des deux prévenus, bien
que différente, mène à un même résultat décevant qui soulève bien des
inquiétudes quant au futur procès sur les attentats du 13-Novembre, où il ne
faudra pas tout attendre de la parole des terroristes.
● Quelle
stratégie pour la défense?
Ne s'épanchant
pas sur le contexte, les débats ont surtout tourné sur l'implication ou non de
Sofien Ayari dans la fusillade de la rue du Dries, son ADN étant partout sur
l'une des deux Kalachnikov utilisées pour tirer sur la police. Aucun témoin
visuel n'a pu confirmer qu'il avait bien joué un rôle actif. Au-delà du fond,
les avocats du Tunisien ont cherché à montrer que s'il avait eu une attitude de
terroriste le jour de la fusillade, il aurait cherché à mourir au combat, comme
Mohammed Belkaïd, le troisième homme de la planque. Me Isa Gultaslar a ainsi
invoqué les exemples de Khaled Kelkal, de Mohammed Merah, des frères Kouachi ou
d'Amedy Coulibaly, morts les armes à la main alors que Sofien Ayari a préféré
fuir. «Il faudrait aller chercher le numéro de téléphone du comité Nobel, car
nous avons là le prix Nobel de la Paix», a ironisé un avocat des parties
civiles. Le conseil d'Ayari s'est ensuite livré à une périlleuse énumération de
carnages qu'aurait pu commettre son client pendant sa fuite et qu'il n'a pas
commis. Les juges devront décider si cela suffit pour ne pas faire de lui un
terroriste.
Enfin, est venu
le tour de défendre Salah Abdeslam. Jeudi après-midi, la longue file d'attente
dans la Salle des Pas-Perdus menant à la salle d'audiences parlait d'elle-même:
la plaidoirie de Me Sven Mary était attendue. De nombreuses rumeurs avaient
pourtant circulé à cause de l'attitude de son client lundi, laissant entendre
qu'il pourrait de nouveau jeter l'éponge. Il n'en a rien été. L'avocat a su
rebondir sur ces bruits de couloir pour ouvrir son discours, se demandant:
«Pourquoi encore plaider?» L'avocat a honoré sa réputation de redoutable
pénaliste, débutant ses deux heures et demie de parole par un débat technique sur
les langues employées dans la procédure, le conduisant à demander sa nullité.
Cela en vertu d'un argument imparable: «Être le dernier bastion de l'État de
droit» face à la «barbarie». Un argument déjà entendu du côté de la
défense d'Abdelkader
Merah, lors de son procès en octobre dernier.
L'autre axe de
la défense développé par Me Sven Mary a été de charger Mohammed Belkaïd, mort
lors de la fusillade, et qui n'est donc plus là pour se défendre. Le fait de
fuir implique que son client ne peut, selon lui, être considéré comme
«coauteur» de la fusillade.
Ces axes de
défense suffiront-ils à convaincre les juges? La réponse est attendue avant le
29 avril. La procureure fédérale a requis 20 ans de réclusion contre les deux
hommes.
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français: ces «cibles» prioritaires au cœur de la traque
Sévère accès de tensions entre Israël, l'Iran et la Syrie
(10.02.2018)
Israël a mené samedi une série d'attaques aériennes de «grande ampleur»
en Syrie, frappant des cibles militaires syriennes mais aussi iraniennes et
perdant un de ses appareils au cours de l'opération.
De notre correspondant à Jérusalem
Les restes du F-16 qui s'est écrasé. - Crédits photo :
STRINGER/HERZIE SHAPIRA
L'armée a dénoncé «la plus sérieuse violation de la souverainté
israélienne par l'Iran depuis le début de la guerre en Syrie». Samedi, la plus
sérieuse confrontation entre intérêts israéliens et iraniens en Syrie a eu lieu
en deux phases.
Selon le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, un drone iranien a été
abattu samedi matin en territoire israélien. L'apareil a été repéré vers 04h30
au-dessus de Beit Shean au sud de Tibériade. Vers 05h30, plusieurs chasseurs
ont alors décollé pour frapper en territoire syrien. À l'issue de cette
riposte, la défense antiaérienne syrienne a procédé à des dizaines de tirs en
direction des avions de chasse israéliens et l'un d'entre eux s'est par la suite
écrasé en territoire israélien. Le pilote de ce F-16 et son co-pilote se sont
éjectés et ont été conduits à l'hôpital de Haïfa. L'un d'entre eux est
grièvement blessé.
En réponse à ces tirs et sur ordre du chef d'état major des armées
israélien, Gadi Eizenkot, des «cibles iraniennes» sur le territoire syrien ont
alors été massivement bombardées par Israël. Au total, 12 sites (4 iraniens et
8 syriens) ont été frappés dans la région de Palmyre. À en croire les médias
israéliens, ces représailles ont notamment visé une base d'où l'avion sans
pilote aurait décollé.
«Nous surveillons la situation, indique le porte-parole de l'armée
israélienne, et sommes pleinement préparés à prendre d'autres mesures en
fonction de notre évaluation et des nécessités.» Ces frappes israéliennes en
Syrie sont les plus importantes depuis 1982. Une réunion avec le premier
ministre Benyamin Nétanyahou et le ministre de la Défense a eu lieu samedi
soir. C'est la première fois depuis au moins 30 ans qu'Israël perd un F-16 au
combat. Le pouvoir syrien, en permettant à l'Iran d'opérer à partir de son
territoire, et les autorités iraniennes «jouent avec le feu», a prévenu le
lieutenant-colonel Conricus. «Nous ne cherchons pas l'escalade, mais nous
sommes prêts pour différents scénarios», et «à faire payer cher» de tels actes.
Damas parle de «nouvelle agression israélienne» pour justifier sa
réplique. «L'ennemi israélien a repris ses agressions sur certaines positions
militaires et notre défense aérienne lui a répondu et a repoussé l'agression»,
a déclaré une source militaire syrienne dans un communiqué. A Téhéran, le
porte-parole des Affaires étrangères, Bahram Ghassemi, a déclaré à l'AFP que
l'Iran suivait «de très près la situation» et a dénoncé les «mensonges»
d'Israël.
Au Liban, le Hezbollah (organisation pro-iranienne, qui soutient Damas) a
estimé que la perte d'un F-16 par les Israéliens marquait «le début d'une
nouvelle phase stratégique» qui limiterait les incursions israéliennes dans
l'espace aérien syrien. «Les événements d'aujourd'hui signifient que les
vieilles équations sont définitivement caduques», a dit le mouvement chiite.
Ce coup de chaud intervient alors qu'une forte tension règne depuis
plusieurs semaines à la frontière nord d'Israël. En visite mercredi sur le
plateau du Golan, Benyamin Nétanyahou a prévenu qu'il ne laisserait pas l'Iran
établir une implantation militaire durable sur le territoire syrien ni menacer
la souveraineté israélienne le long du plateau du Golan. «Nous sommes préparés
pour tous les scénarios, a-t-il déclaré, et je ne conseille à personne de
tester notre détermination.» Mercredi matin, pour la deuxième fois un mois,
l'aviation israélienne avait frappé un site proche de Damas où la Syrie est
soupçonnée de fabriquer des missiles de précision destinés au Hezbollah
libanais.
Des soldats israéliens sur le plateau du Golan. - Crédits photo :
JALAA MAREY/AFP
Si les détails de l'accrochage intervenu samedi matin restent à préciser,
il s'agit sans conteste de l'un des incidents les plus sérieux ayant récemment
opposé l'armée israélienne aux forces de Bachar el-Assad. Durant les cinq
premières années du conflit, celles-ci sont restées passives face aux frappes
menées par Tsahal afin d'empêcher le transfert d'armes sophistiquées au
Hezbollah. Au cours des derniers mois, au contraire, le régime syrien a
manifesté le souhait de rétablir sa capacité de dissuasion en engageant à
plusieurs reprises sa défense antiaérienne lors de raids. Mais aucun appareil
appareils israélien n'a jusqu'à présent été touché par ses tirs.
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pris dans l'engrenage syrien
Ce n'est pas la première fois qu'un drone ennemi est intercepté au-dessus
du Golan ou de la Galilée. Mais jamais jusqu'à présent de telles incursions
n'avaient été imputées à l'Iran. Les sirènes d'alerte ont brièvement retenti
tôt samedi matin dans le nord du pays.
Dans un rapport très complet publié jeudi, les analystes du centre de
réflexion International Crisis Group mettent en garde contre le risque
croissant d'escalade militaire entre Israël et l'axe Iran-Syrie-Hezbollah. Les
stratèges israéliens, qui redoutent plus que tout une implantation durable de
la République islamique à sa frontière nord, ont récemment tracé de nouvelles
«lignes rouges» dont la mise en œuvre accroît les risques d'embrasement.
La mise en place, négociée en novembre dernier, d'une zone de
«désescalade» sur le versant syrien du Golan, limite pour l'heure la menace
d'un accrochage au sol. «Mais il est probable que l'armée de Bachar el-Assad
cherchera tôt ou tard à reprendre le contrôle de cette zone avec l'aide de
milices chiites», analyse Ofer Zalzberg, l'un des auteurs du rapport, qui
prévient: «Il suffirait alors d'une erreur de calcul pour provoquer un conflit
majeur».
Syrie: Israël ne permettra pas un "ancrage"
militaire de l'Iran (Netanyahu) (10.02.2018)
Israël ne permettra pas un "ancrage" militaire de l'Iran en
Syrie, a affirmé ce samedi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu,
dans un contexte de vives tensions après qu'un avion israélien a été abattu.
"Israël veut la paix, mais nous continuerons à nous défendre avec
détermination contre toute attaque et contre toute tentative de l'Iran de
s'ancrer militairement en Syrie ou ailleurs", a indiqué M. Netanyahu dans
un communiqué. L'Etat hébreu avait mené plus tôt une série d'attaques aériennes
en Syrie, frappant des cibles militaires syriennes mais aussi de l'Iran, allié indéfectible
du régime de Damas.
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Bataille d'Afrine : la trahison des Kurdes par les
Occidentaux (09.02.2018)
FIGAROVOX/ANALYSE - Les Kurdes de Syrie sont depuis janvier la cible
d'une offensive armée pilotée par la Turquie et menée par des djihadistes. Pour
Gérard Chaliand, nos anciens alliés dans la lutte contre Daech n'ont plus
d'autre choix que de mourir dans l'indifférence de l'Occident, abandonnés par
l'OTAN et par les Russes.
Gérard Chaliand est géostratège. Il est spécialiste de l'étude des
conflits armés et des relations internationales et stratégiques. Il est
notamment l'auteur avec la collaboration de Sophie Mousset de La
Question kurde à l'heure de Daech(éd. du Seuil, 2015).
Face à l'intervention turque et de ses alliés syriens, les Kurdes du
canton d'Afrine qui résistent depuis plus de trois semaines, n'ont d'autre
perspective que de vendre chèrement leur peau. En effet les forces russes,
après négociations avec la Turquie, ont quitté l'enclave et les États Unis ne
se sont pas opposés à l'offensive turque.
Les forces alliées syriennes de la Turquie ne sont, pour l'essentiel,
rien d'autre que des djihadistes, soit de «l'État Islamique», soit d'autres
organisations aux idéologies similaires. Ces alliés sont qualifiés d'«Armée
Syrienne Libre», - une entité plus ou moins fantôme aujourd'hui - et
l'intervention militaire turque s'appelle «rameau d'olivier». On a beau être
une dictature, les apparences sont respectées avec une pointe d'humour noir.
Les Kurdes de Syrie constituent un mouvement politico-militaire, qui
depuis plusieurs années s'est battu contre l'Organisation de l'État Islamique.
Il est discipliné et hautement motivé (comme j'ai pu le constater sur le
terrain en 2016), avec une importante participation de combattantes, à la fois
par choix politique et sociétal mais aussi pour permettre de quasiment doubler
les forces armées d'une communauté minoritaire. Leur efficacité est perçue
haineusement par les mâles d'une société où la femme est considérée comme un
objet, ainsi que le démontrent les exactions commises à l'encontre de cadavres
féminins.
Les forces alliées syriennes
de la Turquie ne sont, pour l'essentiel, rien d'autre que des djihadistes.
Avec leur héroïque résistance à Kobané, les Kurdes de Syrie (les YPG)
apparaissaient aux yeux des États soucieux de ne pas engager leurs soldats au
sol, comme d'idéales forces de substitution. Américains et Russes se servaient
d'elles dans le cadre de leur lutte contre l'«État Islamique» comme contre le
djihadisme.
La Russie tient à conforter un régime qui lui est favorable et qui
constitue son dernier pays allié arabe, ainsi qu'elle l'a prouvé
particulièrement entre septembre 2015 et le printemps 2016. Elle permettait à
Bachar el-Assad de reprendre l'initiative, tout en épaulant les Kurdes de
Syrie. Les États-Unis encourageaient les Kurdes de Syrie, avec le concours de
forces arabes, à éliminer les militants de l'«État Islamique» de Raqqa, leur
capitale proclamée.
Cela fut exécuté au prix de lourdes pertes, l'an dernier. Les forces
kurdes payent ainsi en retour l'aide américaine, dans des régions arabes où
elles n'avaient pas d'intérêts directs.
Les rapports ambigus entre la Turquie et la Russie, et leurs alliances
circonstancielles, ne datent pas d'aujourd'hui. Déjà la Turquie, pour s'emparer
du verrou de Jerablus, une zone frontalière contrôlant l'accès au territoire
syrien, avait besoin de la neutralité de la Russie. En échange celle-ci avait
les mains libres pour pilonner les djihadistes à Alep-est.
Cette fois, l'entente entre la Turquie - qui estime défendre des intérêts
essentiels à sa sécurité - et la Russie concerne Afrine au premier chef. Les
forces russes consentent à se retirer du canton, et la Turquie renonce en
échange à favoriser la chute du régime de Damas. Il s'agit, à terme, de se
débarrasser des Kurdes de Syrie, perçus comme un appendice du PKK que la
Turquie combat depuis plus de trente ans chez elle.
Par ailleurs l'offensive sur Afrine ainsi que les déclarations martiales
sur Mambij, où sont positionnées des forces américaines, sont destinées à
conforter la popularité du Président Erdogan auprès des ultra-nationalistes
turcs. Quant aux États Unis, ils n'interviendront pas dans l'enclave assiégée,
sauf imprévu. Les préoccupations de Donald Trump obéissent à d'autres
priorités.
Les États, lorsqu'ils n'ont pas l'intention d'intervenir, dans la mesure
où leurs intérêts ne sont pas directement en cause, se contentent de condamner
les comportements belliqueux en affirmant que ceux-ci sont inacceptables, tout
en les acceptant. Après le dénouement de telles offensives, nous avons pris
l'habitude en Europe de célébrer un In Memoriam suivi d'un
«jamais plus».
Ceci rappelle l'importance, dans les pays démocratiques, des opinions
publiques et de celles des médias, à condition que ces derniers fassent leur
travail avec rigueur.
Les États condamnent les
comportements belliqueux en affirmant que ceux-ci sont inacceptables, tout en
les acceptant.
En 1991, après la guerre provoquée par l'annexion du Koweit par l'Irak de
Saddam Hussein, les États-Unis prenaient soin de laisser ce dernier fortement
affaibli au pouvoir afin de ne pas provoquer la chute des sunnites, ce qui
aurait favorisé l'Iran. Le président des États-Unis appelait cependant les
chiites et les kurdes à se soulever en sachant qu'il n'interviendrait pas à
leurs côtés. La répression exercée par Saddam Hussein fut féroce. Les chiites
furent massacrés et les Kurdes, terrorisés, fuyaient par centaines de milliers
vers la Turquie et l'Iran.
Ils eurent pour leur part la chance d'être filmés par des caméras
occidentales. C'est grâce à l'ingérence française, relayée par les
Britanniques, que les États-Unis consentirent à établir un sanctuaire pour les
Kurdes d'Irak.
Il est à peu près certain que les assiégés d'Afrine n'auront pas cette
chance.
La Turquie est membre de l'Otan, les États-Unis ont d'autres priorités,
et les intérêts de la Russie concernent d'abord la pérennité du régime de
Damas, et non le canton d'Afrine.
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Bataille d'Afrine : «Erdogan installe des sanctuaires
djihadistes à ses portes» (31.01.2018)
FIGAROVOX/ANALYSE - Hadrien Desuin s'inquiète de l'intervention truque,
principalement par djihadistes interposés, à l'encontre des Kurdes syriens
assiégés à Afrine. Selon lui, il est urgent que l'OTAN condamne le double-jeu
que mène Erdogan à ses frontières.
- Crédits photo : éd. du Cerf
Spécialiste des questions internationales et de défense, Hadrien Desuin
est essayiste. Il vient de publier La
France atlantiste ou le naufrage de la diplomatie(éd. du Cerf, 2017).
En Irak comme en Syrie, les Kurdes peuvent être amers. En 2014, alors que
les nations occidentales laissent Bagdad et Damas à la merci de Daech, le
peuple Kurde résiste. Au point que Kobané devint le «Stalingrad de l'État
islamique». La bataille fut finalement remportée avec l'appui aérien de la
coalition américaine, mais le soutien a été tardif.
Depuis que le Califat s'est
effondré, la Turquie a repris sa politique du pire.
Si elle marque le début de la fin pour les troupes d'Al Bagdadi, Kobané
dévoile au monde entier le double jeu de l'armée turque. Erdogan a toujours
préféré les djihadistes sunnites aux communalistes kurdes, proches du PKK. Sous
pression, la Turquie finit par fermer sa frontière avec le califat d'Al
Bagdadi... un an plus tard. C'est un tournant. Les Kurdes peuvent reprendre
l'offensive vers le sud contre Daech. Ils prennent Raqqa à l'été 2017.
Aujourd'hui, ils sont abandonnés.
Depuis que le Califat s'est effondré, la Turquie a repris sa politique du
pire. Après avoir conquis Jarabulus et Al Bab, c'est au canton kurde d'Afrine
de subir une forme de siège. Les Turcs se retournent contre les Kurdes syriens
avec l'aide des katibas djihadistes parfois appelés «rebelles modérés» ou
«armée syrienne libre». Comme si Erdogan voulait se faire calife à la place du
calife. Ces milices révèlent l'aspect profondément déstabilisateur de la
diplomatie turque dans la région, à Idlib notamment. Sous couvert de s'assurer
une bande frontalière vierge de toute présence kurde, Ankara a installé des
sanctuaires djihadistes à ses portes. Le nettoyage anti-kurde a passé la
frontière turque et déborde en Syrie. Désormais installé au nord de la Syrie,
Erdogan n'a pas l'intention de renoncer à ses conquêtes.
En théorie, la bataille d'Afrine pourrait devenir le Kobané de l'armée
turque. Les Kurdes n'ont le choix qu'entre la victoire et la mort. Ils sont
prêts à se sacrifier pour un territoire qu'ils défendent avec succès depuis
plus de six ans. Déjà, l'armée turque déplore des pertes. Elle préfère envoyer
en première ligne les troupes djihadistes qu'elle appuie. Depuis deux semaines,
le canton d'Afrine est pilonné mais ne s'effondre pas. Il recule mais résiste.
Sans appui aérien, les Kurdes syriens sont toutefois condamnés. Si le ciel
d'Afrine n'est pas fermé aux avions turcs, Afrine sera le tombeau des Kurdes.
Si les Kurdes veulent sauver
Afrine, ils doivent faire un geste en direction de Moscou et de Damas.
Pour le moment, la coalition occidentale et sa rivale
russo-irano-syrienne laissent l'aviation turque bombarder. Comme si Erdogan
avait obtenu l'aval tacite de Moscou et de Washington pour frapper. Les soldats
russes se sont retirés d'Afrine juste avant l'offensive turque. L'armée
syrienne ne bouge pas, trop occupée à chasser les filiales d'Al Qaida de la
province d'Idlib, un territoire autrement plus stratégique et central que le
canton frontalier d'Afrine. Washington et Paris protestent. Sans plus. «Macron
aurait dû faire davantage pression et donner un ultimatum de 24h à Erdogan pour
se retirer»regrette Patrice Franceschi, écrivain et militant de la cause
kurde depuis des années. Tout le monde a peur de se brouiller avec la Turquie.
Cette dernière, du fait de sa position centrale dans le conflit, peut faire
pencher le rapport de force entre Russes et Américains d'un coté ou de l'autre.
Le Pentagone a promis de continuer à financer 30 000 soldats FDS (la
coalition arabo-kurde menée par les YPG). À force de descendre vers le sud, le
long de l'Euphrate, les Kurdes syriens ont vaincu Daech mais se sont frottés
aux forces alliées de Bachar Al Assad dans les régions arabes de Der Ez Zor et
Raqqa. Désireux de peser dans le règlement politique de la Syrie, les Russes
ont trouvé un accord avec les Turcs sur le dos des FDS. Idlib contre Afrine.
Si les Kurdes veulent sauver Afrine, ils doivent faire un geste en
direction de Moscou et de Damas. La ville de Raqqa est une carte dans leur jeu
qu'ils pourraient tout à fait monnayer. Une négociation qui pourrait forcer les
États-Unis à montrer ses muscles envers son partenaire de l'OTAN: la dangereuse
et intraitable Turquie d'Erdogan.
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kurdes ? (28.01.2018)
Les États-Unis vont former 30.000 miliciens pour garder la frontière des
régions kurdes du nord de la Syrie avec la Turquie. Paris souhaite que les
djihadistes détenus chez les Kurdes soient jugés sur place. En représailles à
ces signaux en faveur de l'autonomie kurde, la Turquie attaque les positions
kurdes.
Que veulent les Kurdes
syriens?
Contrairement à leurs «frères» irakiens, les Kurdes du nord de la Syrie
ne réclament pas l'indépendance. «Nous faisons partie intégrante du territoire
syrien», affirme au Figaro un de leurs leaders,
Eldar Khalil, de passage à Paris.
Ils se battent pour la création d'une «fédération des régions kurdes» de Syrie,
qui disposerait d'une autonomie par rapport au pouvoir central à Damas. Ils
n'ignorent pas les contraintes de la démographie: en Irak, les trois régions
autonomes kurdes sont peuplées dans leur immense majorité de Kurdes. Mais en
Syrie, une importante composante arabe vit parmi les trois «cantons» kurdes du
Nord.
Les Kurdes ont longtemps été opprimés par le pouvoir syrien, qui dès 1961
retira la nationalité à des dizaines de milliers de Kurdes, qui se révoltèrent
en 2004. Profitant du départ des troupes syriennes au début de l'insurrection
contre Bachar el-Assad en 2012, les Kurdes se lancèrent dans une expérience
originale d'autogestion. Mélange de maoïsme et d'utopie révolutionnaire qui
séduit de nombreux idéalistes occidentaux, via l'établissement de kommunes, de
«quartiers» et de «cantons».
Troisième
voie entre dictatures et islamistes qui permet en réalité un fichage de la population au profit du PYD,
la branche syrienne du PKK, le Parti des travailleurs kurdes, qui mène une
guérilla sur le territoire turc, où il est considéré comme une organisation
terroriste. Mais le PYD n'a jamais coupé les ponts avec Damas, dont le retrait
de ses forces a été négocié avec les Kurdes.
À terme, la «Fédération kurde» de Syrie pourrait se joindre à celles
d'Irak et de Turquie, si celles-ci devaient voir le jour. Un positionnement «in
et out» pas facile à tenir pour les Kurdes syriens.
Comment l'opération turque
peut-elle se terminer?
L'objectif de guerre affiché par Ankara depuis le
lancement, samedi 20 janvier, de son offensive militaire est d'établir en secteur kurde syrien une
«zone de sécurité» d'une trentaine de km de profondeur, pour éviter justement
la création d'une «fédération des régions kurdes autonomes».
Ankara combat le projet kurde de relier le «canton» d'Afrine au
nord-ouest, cible des bombardements turcs, à ceux plus à l'est de Kobané et de
Jaziré. À l'été 2016, les forces turques ont déjà lancé une première opération
militaire, reprenant ainsi le contrôle d'une portion de territoires entre
Djarabulus et Azaz. Leur nouvel allié russe dans la guerre en Syrie avait alors
avalisé l'opération en échange de quoi, la Turquie retira d'Alep les rebelles
anti-Assad qui lui sont proches, facilitant ainsi la reprise emblématique de la
seconde ville de Syrie par Damas et ses alliés russe et iranien.
Les Turcs ont commencé leurs attaques contre l'enclave d'Afrine le
21 janvier. «C'est un test pour voir si les Kurdes peuvent garder leurs
positions gagnées sur le régime de Damas», affirme depuis le Liban un expert du
conflit syrien. «Si les Kurdes tiennent tête aux Turcs, ajoute-t-il, leurs
ambitions seront consolidées. Mais s'ils perdent, cela donnera des idées au
régime syrien qui pourra aller les affaiblir dans leurs autres cantons de
l'Est». D'où l'appel lancé jeudi par l'un des responsables kurdes d'Afrine qui
exhorte Assad d'empêcher les bombardements turcs contre la poche kurde. Damas
n'est pas pressé de répondre. «Assad espère que Turcs et Kurdes laisseront des
plumes dans la bataille», ajoute l'expert.
La veille du déclenchement de l'opération turque, la Russie a proposé
d'aider les Kurdes d'Afrine, à condition qu'ils abandonnent l'enclave à Damas.
Les Kurdes ont refusé. Mais le pourront-ils encore longtemps face à la
puissance de feu turque? «Nous faisons face à une agression féroce», dénonce
Eldar Khalil. «Comme si les Turcs voulaient détruire les routes, les ponts, en
fait les institutions bâties par les Kurdes depuis 2012», décrypte l'expert au
Liban.
Quelles options pour les
États-Unis?
Alliés de la Turquie au sein de l'Otan, mais aussi des Kurdes que 2000
soldats américains conseillent, les États-Unis ont fini par choisir les Kurdes
comme levier pour se réinvestir dans le chaos syrien. Cinq jours avant le
lancement de l'offensive turque, Washington a annoncé la formation de 30.000
miliciens - moitié kurdes moitié arabes - qui deviendraient les
gardes-frontières des zones autonomes kurdes du nord de la Syrie. Ce qui
provoqua la colère turque.
Les objectifs américains visent à contrer l'influence iranienne dans
cette région limitrophe de l'Irak, où Téhéran est déjà influent, et barrer la
route à la reconquête de ces territoires par Assad. Au-delà, les États-Unis
tiennent à être partie prenante des accords locaux que les Russes imposent aux
rebelles, comme à Alep, fin 2016. Entre Moscou et Washington, un accord de
déconfliction a été établi au terme duquel les Russes restent à l'ouest de
l'Euphrate - vers Afrine donc - et les Américains à l'est - vers Manbij et
au-delà Raqqa, reconquise sur Daech par leurs alliés arabo-kurdes avec l'appui
aérien de la coalition internationale. L'offensive turque ne remet pas en cause
le fait que les Américains n'ont pas d'ambitions vers Afrine. Mais leur projet
de gardes-frontières ne revient-il pas à reconnaître cette «Fédération» des
régions kurdes du nord de la Syrie que la Turquie combat? «Oui», répond un
diplomate onusien en charge du dossier syrien, qui parle déjà de «frontières
administratives» comme au Kosovo, jadis. Washington, qui entend mettre l'accent
sur la reconstruction de la zone, compte également dépêcher des diplomates.
«Après des hésitations, nous considérons que c'est l'acceptation d'un
projet fédéral pour toute la Syrie», se félicite Eldar Khalil. Problème:
l'insistance turque à aller à Manbij «nettoyer» d'autres secteurs kurdes risque
de provoquer des affrontements avec les troupes américaines déployées. Pour
éviter un tel scénario, Américains et Turcs négocieraient l'établissement de ladite
«zone de sécurité» autour d'Afrine en échange de quoi les Turcs feraient des
concessions aux États-Unis sur la force de gardes-frontières. Mais de nombreux
experts doutent qu'Ankara accepte une «force kurde» dans les cantons de l'Est
syrien.
Car, en face côté turc, des Kurdes sont installés. Ankara veut briser le
spectre de leur éventuelle jonction. Autre écueil pour les États-Unis: la
persistance d'un profond sentiment antikurde chez les Arabes de ces régions
kurdes, comme en témoignent des manifestations à Manbij récemment. «Les Arabes
attendent le moment opportun pour se retourner contre les Kurdes», déclare un
chef tribal joint au téléphone. D'où les efforts américains pour restructurer
au profit des Arabes leurs alliés des Forces démocratiques syriennes. Bref, les
Kurdes se seraient étendus trop loin de leurs bases.
Les Russes ont-ils lâché les
Kurdes?
Les Kurdes accusent les Russes de s'être entendus avec la Turquie. Juste
avant l'offensive turque, Moscou a retiré ses troupes stationnées près d'Afrine.
Jusque-là, Russes et Kurdes coopéraient. Moscou avait arraché à Assad un
certain degré d'autonomie kurde dans la prochaine Constitution syrienne. En cas
de conflits entre combattants kurdes et pro-Assad dans les zones kurdes où le
régime garde quelques points d'appuis, les Russes jouaient les médiateurs pour
apaiser les tensions. Mais aujourd'hui, «les Russes soupçonnent les Kurdes de
jouer à fond la carte américaine», estime un diplomate arabe.
Avec l'affaire des 30.000 gardes-frontières. Mais pas seulement. Le
contrôle des puits pétroliersPremium990915 majoritairement situés dans les
zones kurdes oppose Kurdes et Russes. «Les Russes ont demandé aux Kurdes que
les sociétés pétrolières russes puissent opérer sur ces champs, comme elles le
font dans les zones prorégime, explique le diplomate, mais sous la pression des
États-Unis, leurs alliés kurdes ont refusé.» Depuis, furieux contre les Kurdes,
la Russie se rapproche de la Turquie - d'où le retrait de ses hommes d'Afrine -
tout en poussant Ankara à se détacher encore plus de son allié américain avec
lequel les relations sont désormais extrêmement tendues.
Une reconnaissance française
des régions kurdes?
Les responsables kurdes s'en félicitent, mais en privé seulement: le fait
que la France encourage le jugement des djihadistes français détenus par les
Kurdes équivaut à «un début» de reconnaissance de leurs aspirations fédérales.
En fait, «cette question fait toujours débat», relève un diplomate de haut rang
au Quai d'Orsay. Interrogé par Le Figaro, Jean-Yves Le Drian, ministre des
Affaires étrangères, est resté vague. La France de François Hollande était très
amie avec les Kurdes irakiens ou syriens. Celle d'Emmanuel Macron, probablement
un peu moins. Mais sur ce dossier-là également, la priorité va au réalisme.
Quitte à slalomer entre les écueils. Paris, qui a placé le PKK sur la liste des
organisations terroristes, n'ignore pas les relations ambiguës des Kurdes avec
son ennemi, Bachar el-Assad. Et dans le même temps, la France ne peut
mécontenter la Turquie, maillon indispensable pour empêcher le retour de
djihadistes dans l'Hexagone. Conscients de ce faisceau de contraintes, les
Kurdes disent qu'ils ne veulent pas utiliser la carte djihadiste pour que Paris
aille plus loin dans sa reconnaissance de leurs aspirations fédérales. À voir.
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résistent farouchement à l'offensive turque
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kurde
Syrie : «La Turquie fait la guerre avec Daech contre les
Kurdes», affirme Eldar Khalil (26.01.2018)
INTERVIEW - De passage à Paris, Eldar Khalil, dirigeant influent des Kurdes
syriens visés par une offensive militaire turque, estime que les «Kurdes font
partie intégrante du territoire syrien». Sur place, à Afrine, un autre
responsable exhorte Damas à intervenir contre Ankara.
Au sixième jour de l'opération militaire turque contre les Kurdes de
l'enclave d'Afrine, au nord-ouest de la Syrie, Eldar Khalil, haut responsable des
combattants kurdes, accuse Ankara de collusion avec les djihadistes de Daech. «Alors que la guerre contre Daech en Syrie
était presque terminée, Erdogan (le
président turc) vient au
secours de Daech pour nous attaquer», dénonce le dirigeant kurde de passage à
Paris, dans le cadre d'une tournée européenne d'explication de la cause kurde.
«Sur le terrain, ajoute-t-il devant quelques journalistes réunis à la
représentation des Kurdes syriens dans la capitale, des groupes de djihadistes,
mais sous d'autres appellations que Daech, mènent le combat aux côtés des
forces turques». «Une guerre atroce nous est livrée», dit-il. Eldar Khalil
accuse la Turquie de mener des frappes contre «des civils, des écoles et des
hôpitaux», ce que dément Ankara.
L'aviation et l'artillerie d'Ankara, appuyées par des rebelles syriens
anti-Assad, concentrent leurs opérations dans les villages autour d'Afrine, le
long de la frontière avec la Turquie, notamment jeudi contre la localité de
Jaidaris. «Dans ces villages, souvent peuplés de Yézidis, la situation change
d'heure en heure», rapporte Eldar Khalil, confirmant les informations sur
l'incapacité de la Turquie de conserver ses gains territoriaux.
Depuis samedi, près de 100 combattants kurdes et des groupes rebelles
syriens pro-turcs ont été tués, ainsi que 33 civils, la plupart dans des
bombardements turcs, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. L'armée
turque a déploré trois morts, mais hier encore le président Tayyip Recep
Erdogan, en visite près du front, a promis de «mener à terme» cette offensive.
L'opération turque perturbe la guerre contre Daech que continuent de
mener sur le front de Der Ezzor, plus à l'est, d'autres combattants kurdes qui
doivent désormais se mobiliser contre l'«ennemi» turc à Afrine.
«L'agression turque met en danger les opérations de libération contre
Daech», affirme Eldar Khalil, vétéran de la rébellion kurde, comme en témoigne
sa blessure à un bras désormais paralysé. Eldar Khalil appartient au PYD, la
branche syrienne du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, qui mène
depuis de nombreuses années une guérilla en Turquie et qu'Ankara considère
comme terroriste.
Dans des territoires du nord de la Syrie, le PYD a établi, depuis 2012,
une autonomie de gestion, réussissant jusqu'à maintenant à entretenir de bonnes
relations avec les États-Unis et la Russie, sans fermer la porte au pouvoir
syrien.
Mais depuis le lancement de l'offensive turque, le responsable kurde est
également en colère contre son ex-allié russe. Selon lui, «l'offensive turque
contre Afrine s'est faite avec une entente russe», dictée par le calendrier.
Mardi prochain sera lancée à Sotchi, en Russie, «une conférence du dialogue national
syrien» avec, face aux représentants du régime de Damas, plus d'un millier
d'opposants, dont un grand nombre, proches d'Ankara. «Les Russes ont besoin de
la Turquie, fait valoir Eldar Khalil. Poutine veut que Sotchi soit une
réussite, et pour cela il a besoin de la présence à Sotchi des opposants
proches de la Turquie». «Les Russes, poursuit-il, ne nous font pas la guerre
directement, mais ils nous menacent via les Turcs». Le responsable kurde est
convaincu que la Russie, principale alliée de Bachar el-Assad, «veut faire
revenir le régime dans la région d'Afrine», que les troupes syriennes ont dû
évacuer en 2012 au début de la révolte contre Damas.
En écho à ce qu'Eldar Khalil lui-même affirmait, un responsable de
l'enclave kurde d'Afrine a appelé jeudi soir le régime de Damas à intervenir pour
empêcher l'aviation turque de survoler le canton d'Afrine. «L'État syrien, avec
tous les moyens qu'il a, devrait faire face à cette agression et déclarer qu'il
ne permettra pas aux avions turcs de survoler l'espace aérien syrien», a
indiqué à l'AFP Othmane al-Cheikh Issa, coprésident du Conseil exécutif du
canton d'Afrine. «Nous faisons partie intégrante du territoire syrien», plaide,
de son côté, Eldar Khalil.
Le leader kurde s'est entretenu à Paris avec François Hollande, ami de la cause kurde. Il a eu également
des contacts avec des «hautes autorités»,mais refuse de dire si c'était au
ministère des Affaires étrangères ou à l'Élysée. Interrogé sur le point de
savoir s'il n'était pas déçu par la réaction assez tiède de Paris face à
l'offensive turque, Eldar Khalil répond que «la position de la France était
bonne. Les Français ont promis de faire des efforts pour que les combats
cessent».
«Ce que nous avons dit à tous nos interlocuteurs européens, c'est que
nous sommes dans une alliance commune contre Daech. Nous espérons la poursuivre
et sauvegarder les acquis obtenus grâce à cette coopération». Mais, souligne le
dirigeant kurde, «toutes les puissances de la coalition (internationale contre
Daech, conduite par les États-Unis) devraient renforcer leurs positions» contre
la Turquie.
Interrogé sur l'éventualité que ses alliés américains négocient dans le
dos des Kurdes la cession d'Afrin à la Turquie, en échange du déploiement
autorisé par Ankara d'une force de 30.000 garde-frontières formée par les
États-Unis, Eldar Khalil est resté vague, même s'il est convaincu que
l'offensive turque ne s'arrêtera pas à Afrin, mais se poursuivra plus à l'ouest
vers Manbij, où des troupes américaines sont déployées. «Manbij est menacé,
prévient-il. Si le projet turc aboutit, le plan de la coalition anti-Daech
s'effondrera».
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Grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient
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rassuré par Erdogan
À Afrine, les combattants kurdes résistent farouchement à
l'offensive turque (24.01.2018)
Depuis samedi, malgré un appui aérien et d'artillerie, les forces
envoyées par Ankara n'auraient repris que deux ou trois villages.
Même si la Turquie a adressé aux États-Unis des «signaux
contradictoires», selon Washington, sur l'étendue de son offensive militaire dans le nord de la Syrie, l'heure est à la mobilisation chez ses
ennemis kurdes. Y compris dans les régions encore épargnées par les
bombardements d'Ankara.
Alors qu'à l'ouest, dans le «canton» d'Afrine, cible des frappes turques,
les combattants kurdes affichent une résistance opiniâtre, plus à l'est, les
autorités du «canton» de Jaziré ont appelé la population à prendre les armes
pour défendre Afrine. La «mobilisation générale» vise également les volontaires américains, britanniques, allemands et français
qui avaient combattu les djihadistes de Daech, à Raqqa notamment.
«Dès qu'il y a conquête d'un
village, il y a automatiquement une contre-offensive des Kurdes qui reprennent
le contrôle de ce village»
Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de
l'homme
«Ils mèneront des batailles contre l'invasion turque», assure Redur
Xelil, responsable des Forces démocratiques syriennes (FDS), majoritairement
constituées des miliciens kurdes YPG (Unité de protection du peuple) que la
Turquie considère comme une extension du PKK (Parti des travailleurs du
Kurdistan) et une organisation terroriste. Ces volontaires se compteraient par
dizaines et auraient déjà manifesté l'envie d'aller défendre Afrine.
Depuis le début de l'offensive samedi, les forces turques et les rebelles
syriens pro-Ankara ont, en fait, peu avancé dans la région d'Afrine. «Dès qu'il
y a conquête d'un village, il y a automatiquement une contre-offensive des
Kurdes qui reprennent le contrôle de ce village», affirme le directeur de
l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane. Ce fut
le cas lundi de la colline stratégique de Barsaya, dans le nord de la région
d'Afrine, repassée aux mains des Kurdes quelques heures après sa conquête par
les forces turques.
Depuis samedi, malgré un appui aérien et d'artillerie, les troupes
turques n'auraient repris que deux ou trois villages aux Kurdes. Au total, plus
de 80 combattants kurdes et des groupes rebelles syriens pro-Ankara ont été
tués, ainsi que 28 civils, la plupart dans des bombardements turcs, selon
l'OSDH. Ankara dément avoir touché des civils.
Le spectre d'affrontements
turco-américains
Mercredi, les frappes turques se sont concentrées sur les zones près de
la frontière, dans le nord-ouest et le nord-est de la région d'Afrine.
«L'objectif est de faire reculer les combattants kurdes et d'ouvrir la voie à
une avancée terrestre», selon l'OSDH. Une colonne de chars et des centaines de
soldats turcs s'apprêtaient à entrer en Syrie, à partir de la localité frontalière
de Kirikhan, dans le sud de la Turquie.
Dans la région de Manbij également, à 100 km à l'ouest d'Afrine, les
miliciens kurdes se préparent à affronter les forces turques et leurs alliés
anti-Assad. Des forces ont déjà été déployées aux limites de la région. Mais à
Manbij, l'équation est encore plus complexe. Contrairement à Afrine, les
États-Unis disposent de militaires sur place, en soutien des FDS. Ce qui laisse planer le spectre d'affrontements
turco-américains. La présence
de troupes américaines - pourtant alliées de la Turquie au sein de
l'Otan - n'a pas empêché Ankara de menacer Manbij.
L'offensive turque «pourrait s'étendre à Manbij (….) voire à l'est de
l'Euphrate» dans la Jaziré, a affirmé mardi sur France 24 le ministre turc des
Affaires étrangères, Mevsut Cavusoglu. Quelques instants auparavant, le premier
ministre turc, Binali Yildirim, assurait que «cette opération se poursuivra
jusqu'à ce que le dernier terroriste soit éliminé». Mais certaines sources
estiment que faute d'avancée en direction de la ville d'Afrine, les Turcs
pourraient se retourner vers Manbij.
«Nous sommes clairement en
état d'alerte, spécialement dans la région de Manbij où nos forces patrouillent
depuis un an»
Colonel Ryan Dillon, porte-parole de la coalition internationale
anti-Daech
Jusqu'à maintenant, un accord américano-russe permettait aux Américains
d'être à l'est de l'Euphrate et aux Russes à l'ouest vers Afrine, d'où ces
derniers se sont retirés juste avant le lancement de l'offensive turque. D'où
la frustration kurde à l'égard de leurs alliés russes, accusés d'avoir avalisé
l'offensive anti-kurde d'Ankara.
«Nous sommes clairement en état d'alerte, spécialement dans la région de
Manbij où nos forces patrouillent depuis un an», reconnaît le colonel Ryan
Dillon, porte-parole de la coalition internationale anti-Daech. Mardi, des
dirigeants américains ont mis en garde contre les risques d'une déstabilisation
d'une zone relativement épargnée en sept ans de conflit.
Mais le contact entre Ankara et Washington reste établi. Selon certains
experts, le ton jusqu'à maintenant relativement modéré des États-Unis vis-à-vis
de la Turquie s'expliquerait par leur désir de négocier l'établissement d'une
«zone de sécurité» turque d'une trentaine de km en territoire syrien -
l'objectif de guerre affiché par Ankara - en échange d'un déploiement de 30.000
garde-frontières kurdes pro-américains dans le Nord syrien, le nouvel objectif
des États-Unis en Syrie. «Mais Manbij sera la pierre d'achoppement», reconnaît
sur Twitter le chercheur Charles Lister.
Damas rejette les «mensonges»
français et américains sur les armes chimiques
Le gouvernement syrien a rejeté mercredi les accusations des États-Unis
et de la France, selon lesquelles il aurait eu recours récemment à des armes
chimiques. Mardi à Paris, dans le cadre du «Partenariat international contre
l'impunité d'utilisation d'armes chimiques», le secrétaire d'État américain,
Rex Tillerson, a déclaré que l'armée syrienne avait vraisemblablement lancé
lundi une attaque au chlore dans une ville de l'enclave rebelle de la Ghouta
orientale, près de Damas.
«Mensonges», a répondu le ministère syrien des Affaires étrangères, pour
qui de telles allégations visent à «faire obstacle aux efforts pour trouver une
issue à la crise». Sous la pression d'une intervention militaire des
Occidentaux, la Syriea officiellement renoncé à son arsenal chimique en 2013.
Mais au cours des deux dernières années, l'ONU et l'OIAC (Organisation pour
l'interdiction des armes chimiques) ont accusé Damas de plusieurs attaques au
gaz sarin et au chlore. La Syrie nie systématiquement ce genre d'accusations.
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syrien
Syrie: plus de 30 djihadistes de l'EI tués (10.02.2018)
Plus de 30 djihadistes du groupe Etat islamique (EI) ont été tués ce
samedi en Syrie dans des combats avec les forces du régime dans la province
d'Idleb, dans le nord-ouest du pays, selon l'Observatoire syrien des droits de
l'Homme (OSDH).
Laminé en Syrie et en Irak, l'EI a réussi a faire un retour discret et
limité dans le sud-est de la province d'Idleb, à la faveur des combats opposant
le régime de Bachar al-Assad à une autre organisation djihadiste de ce secteur.
La province d'Idleb est en effet contrôlée par Hayat Tahrir al-Cham, mouvement
djihadiste dominé par l'ex-branche d'Al-Qaïda, et le régime a lancé en décembre
une offensive militaire pour reconquérir le sud-est de la région.
"Les affrontements violents entre un groupe de l'EI et les forces du
régime ont tué 32 membres de l'organisation" djihadiste, selon le
directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane. Vendredi, l'armée syrienne avait
annoncé avoir chassé les jihadistes de l'EI des provinces de Hama (centre) et
Alep (nord), voisines d'Idleb.
» LIRE AUSSI - Syrie :
l'ultime bataille est lancée à Idlib
Après une montée en puissance fulgurante en 2014 et la conquête de vastes
territoires en Irak et en Syrie, les djihadistes de l'EI ont vu leur
"califat" auto-proclamé se réduire comme peau de chagrin sous le coup
de multiples offensives. Le régime mène une opération contre les derniers
combattants de l'EI dans la province de Deir Ezzor, frontalière de l'Irak. Les
djihadistes maintiennent une présence limitée dans une zone désertique du
centre de la Syrie, ainsi que dans un quartier périphérique de Damas.
Déclenché en 2011 par la répression de manifestations pacifiques par le
régime de Damas, le conflit en Syrie s'est complexifié au fil des ans avec
l'implication de pays étrangers et de groupes jihadistes, sur un territoire de
plus en plus morcelé. Il a fait plus de 340.000 morts et des millions de
déplacés et réfugiés.
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Agression homophobe : 2 jeunes bientôt devant le tribunal
pour enfants (10.02.2018)
Deux mineurs, soupçonnés d'avoir agressé et insulté un couple de jeunes
lesbiennes en banlieue parisienne vendredi, ont été libérés ce samedi en
attendant leur comparution devant un tribunal pour enfants, a-t-on appris de source
policière.
Les suspects, un garçon et une fille âgés de 17 ans chacun, ont été
relâchés et "seront poursuivis ultérieurement par convocation d'officier
de police judiciaire pour comparaître devant un juge des enfants", a
expliqué cette source. Tous deux sont soupçonnés d'appartenir à un groupe qui a
pris à partie ce couple de filles vendredi. Les deux jeunes victimes, 17 et 18
ans, n'ont pas été blessées mais assurent avoir été violemment bousculées et
s'être fait tirer les cheveux et les vêtements. Elles affirment aussi à avoir
été maltraitées verbalement. Leurs agresseurs leur ont lancé: "putains de
lesbiennes", "vous baisez?", selon elles.
Sept jeunes gens âgés de 17
ans interpellés
L'agression a démarré à Pontoise (Val-d'Oise), sur le quai de la ligne J
du Transilien, a rappelé la source policière. Le couple a ensuite encore subi
des menaces dans le train, pendant le trajet vers Conflans-Sainte-Honorine
(Yvelines). C'est là que les policiers ont interpellé sept jeunes gens, tous
âgés de 17 ans et pour la plupart originaires du Val-d'Oise, pour
"violences volontaires en raison de l'orientation sexuelle".
Outre le garçon et la fille qui viennent de sortir de garde à vue, les
cinq autres personnes doivent être entendues ultérieurement comme témoins. Sollicité
par l'AFP, le parquet de Pontoise n'a pas donné suite. L'association SOS
Homophobie a apporté son "soutien plein et entier" aux deux victimes.
"Cette agression homophobe est insupportable et elle doit être fermement
sanctionnée", a tweeté l'association ce samedi. Selon le rapport 2017 de
SOS Homophobie, 212 agressions physiques à caractère homophobe ont été
recensées en 2016 en France. Un "chiffre en-deçà de la réalité",
selon cette association qui lutte contre la lesbophobie, la gayphobie, la biphobie
et la transphobie.
Une centaine de djihadistes français en Syrie (10.02.2018)
Une centaine de djihadistes français sont signalés en Syrie,
a indiqué samedi l'entourage du ministre des Affaires étrangères,
revenant sur de premières déclarations qui évoquaient leur arrestation par les
forces kurdes dans ce pays.
"Ce sont des personnes qui nous ont été signalées par des familles
ou leurs avocats. Elles peuvent être signalées comme détenues, retenues ou
simplement présentes sur place", a-t-on précisé à l'AFP.
Au total, près d'une trentaine de familles sont ainsi signalées, dont
"cinq ou six" seulement se trouvant dans des camps de détention,
a-t-on ajouté. "Sur la centaine de signalements concernés, il y a une
soixantaine d'enfants, le reste sont des adultes", a-t-on encore précisé.
Le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian
avait déclaré mercredi sur la chaîne BFMTV qu'une "petite centaine"
de djihadistes avaient été "arrêtés par les Kurdes en Syrie".
Parmi les 25 à 30 familles signalées, la plupart ne comptent que la mère
et les enfants, a-t-on souligné dans l'entourage du ministre. "Quand un
mari est signalé, deux fois sur trois il est annoncé comme décédé", a-t-on
ajouté de même source.
S'y ajoutent six familles en Irak, selon les indications données mercredi
par Le Drian. Trois Françaises sont actuellement détenues dans ce pays et dans
l'attente de leur procès. Les autres familles sont signalées mais non
localisées, a-t-on précisé samedi.
» LIRE AUSSI - «Il faudrait un procès devant la justice internationale pour
les djihadistes, comme pour les crimes nazis»
Conformément à la doctrine française, ces djihadistes "vont être
jugés par les autorités judiciaires locales, ils ne seront pas rapatriés en
France", a rappelé mercredi le ministre. Seuls leurs enfants pourront être
rapatriés par le biais de la Croix-Rouge.
Dans le cas syrien, les adultes relèveront des Forces démocratiques
syriennes (FDS), une alliance de forces kurdes et arabes qui a repris notamment
Raqqa, capitale autoproclamée de l'EI.
Concernant ceux qui ont été arrêtés en Irak, où la peine de mort est
appliquée, la France fera savoir son opposition à tout verdict aboutissant à la
peine capitale.
Un hélicoptère militaire turc abattu en Syrie (10.02.2018)
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a déclaré samedi qu'un
hélicoptère militaire turc avait été abattu lors d'une offensive turque contre
une milice kurde dans le nord-est de la Syrie. Deux militaires turcs ont
été tués.
«Un de nos hélicoptères a été abattu il y a peu», a déclaré recep Tayyip
Erdogan lors d'un discours télévisé à Istanbul, sans dire qui avait abattu
l'appareil mais en soulignant que les auteurs des tirs allaient en «payer le
prix». L'agence publique Anadolu a indiqué que l'hélicoptère avait été abattu
dans la région frontalière de Hatay, au sud de la Turquie.
Départ de Mennel de The Voice : Kheiron
évoque des «pressions d'extrême droite» (10.02.2018)
TÉLÉVISION - L'humoriste a apporté un long message
de soutien à la chanteuse du télé-crochet, voyant dans son départ une
«stratégie pour nuire aux musulmans».
«L'affaire Mennel» prend une tournure de plus en plus communautaire.
Après que la
chanteuse de The
Voice a décidé de renoncer, sans doute encouragée par TF1, à poursuivre la compétition du télécrochet,
de nombreuses personnalités ont exprimé leur tristesse, voire leur révolte face
à ce départ.
Parmi eux, l'humoriste Kheiron a publié sur Twitter un long message à destination de la jeune
femme, qui, peu après avoir bouleversé le jury lors de son audition à
l'aveugle, était rattrapée par les révélations de ces anciens messages complotistes et pro-islamistes publiés sur comptes
Facebook et Twitter aux lendemains des attentats de Nice et
Saint-Étienne-du-Rouvray sur Twitter. Devant la polémique grandissante, on
apprenait dans la nuit de jeudi à vendredi que la jeune femme renonçait à la
compétition.
«Malgré des excuses sincères, l'environnement restait trop pesant»,
expliquait-elle, exonérant de ce fait TF1 et ITV Studios, producteur de The
Voice, de la responsabilité dans cette affaire.
Pour Kheiron, il n'y a aucun doute possible, cet abandon résulte d'une
«stratégie de l'extrême droite pour nuire aux musulmans». L'humoriste français
apporte tout son soutien à la Bisontine d'origine syrienne de 22 ans, qui a «dû
vivre quelques jours difficiles à recevoir des messages racistes et à voir des
chroniqueurs et éditorialistes en quête de buzz dire (qu'elle était) d'accord
avec les attentats».
Théorie du complot pour tous
Le 15 juillet 2016, au lendemain de l'attentat qui avait frappé la ville
de Nice sur la promenade des Anglais et fait 86 morts et 458 blessés, Mennel
avait posté sur son compte Facebook: «C'est bon, c'est devenu une routine, un
attentat par semaine!! Et toujours pour rester fidèle, le «terroriste» prend
avec lui ses papiers d'identité. C'est vrai, quand on prépare un sale coup, on
n'oublie surtout pas de prendre ses papiers!» Le 1er août 2016, quelques jours
après l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray, durant lequel le père Hamel avait
été égorgé, elle ajoutait: «Les vrais terroristes, c'est notre gouvernement».
Kheiron, qui cite l'étude de l'Ifop affirmant que huit Français sur dix croient à au moins une théorie du complot, se questionne: «Ces
personnes qui t'accusent de tous les maux se sont-elles demandées un seul
instant si Pierre, Paul ou Jacques pouvaient y croire également? Non.» Et
poursuit: «Malheureusement, tu es déjà devenue un symbole. C'est rare de voir
une femme voilée à la télé dans une grosse émission à forte audience et que
l'on ne parle ni de banlieues ni d'attentats». Selon l'auteur de Nous
trois ou rien, qu'une personne voilée soit «jolie», «fasse l'unanimité», et
«prône la tolérance» (Mennel a interprété Hallelujah de
Leonard Cohen en anglais et en arabe, NDLR) est «trop pour la partie raciste de
note pays». Et l'humoriste de conclure: «Pour cette frange extrême, il faut que
l'on ait peur du voile et que l'on stigmatise celles qui le portent (...) Leur
pression a fonctionné».
L'acteur et réalisateur oublie, dans son plaidoyer, de signaler que
Mennel encourageait la lecture de Tariq Ramadan, «likait» les spectacles de
Dieudonné et posait avec la présidente de Lallab, association proche des frères
musulmans pour laquelle elle a chanté. Jamais il n'a été reproché à la
candidate de porter un turban, manière moderne, expliquait l'intéressée, de
porter le voile.
La rédaction vous conseille :
- Affaire Mennel: «On a le droit à
l'oubli, à condition que cela soit sincère»
- Tweets controversés d'une candidate de
The Voice: la réaction de TF1 et de la production
- The Voice: Mennel reprend Hallelujah de
Leonard Cohen et envoûte les téléspe
Affaire Mennel : «On a le droit à l'oubli, à condition que
cela soit sincère» (08.02.2018)
Chacun est responsable de ses écrits sur les réseaux sociaux, rappelle Me
Alain Bensoussan, avocat spécialisé sur les questions d'e-réputation, qui
appelle toutefois à «un équilibre entre la vérification et l'enquête».
LE FIGARO. - Comprenez-vous
que TF1 et la production de «The Voice» aient pu passer à côté des messages
complotistes de Mennel Ibtissem?
Me Alain BENSOUSSAN. - Il faut s'interroger sur la démocratie
numérique que nous voulons. Chacun d'entre nous est comptable de son histoire.
Il faut donc y faire attention tout en sachant que nous avons un droit à
l'oubli, voire au pardon. Je ne préconise pas qu'il faille tendre vers une
société d'enquête systématique. Il faut surtout trouver un équilibre entre la
vérification et l'enquête.
Cette affaire, inédite dans un
jeu télévisé, révèle-t-elle un phénomène nouveau ?
Le règlement européen relatif à la protection des données personnelles
(RGPD) qui entrera en vigueur le 25 mai 2018 va consacrer le droit à
l'oubli pour que demain ne soit pas uniquement dicté par les écrits douteux du
passé.
Pour les mineurs, il y a un droit à l'oubli automatique prévu dans ce
règlement. Ils auront ainsi droit à une remise à zéro. C'est pour les jeunes
majeurs etautres que la question est plus complexe. Elle s'organise mais il
existe des résistances de la part de Google, et plus généralement des géants du
Web, qui segmentent ce droit à l'oubli. Il y a aussi des questions de
territorialité des sites qui hébergent des messages controversés, tous ne sont
pas soumis aux mêmes lois.
«Il faut être vigilant à sa
propre réputation. Chacun doit veiller à rester digne car les écrits et les
informations restent»
Me Alain Bensoussan, avocat
Existe-t-il une réelle
virginité numérique ?
Avant, il y avait une forme d'oubli parce que l'information était entre
les mains de journaux, de quelques individus. Aujourd'hui, elle est accessible
partout. C'est propre à la «marmite numérique». Tout le monde à accès à tout.
Et parfois aux casseroles… Cette affaire de «The Voice» révèle autre chose. Les
individus ne s'assurent pas sur leur passé. Il faut être vigilant à sa propre
réputation. Chacun doit veiller à rester digne car les écrits et les informations
restent. Il est compréhensible que TF1 soit extrêmement sensible à ce qu'une
candidate puisse représenter une certaine expression de la dignité.
Est-il encore nécessaire de
rappeler que l'on est responsable de ses écrits sur les réseaux sociaux ?
Il n'y a pas de différences entre ce qui est écrit sur les réseaux
sociaux et la réalité. La seule différence, c'est la notion d'espaces privé et
public. La Cour de cassation est en train de régler cette question. Mais les
messages peuvent avoir de multiples qualifications comme la diffamation ou
l'injure et autres actes illicites.
Est-ce que la candidate a eu
raison de supprimer ses messages ?
Chacun doit être le gardien de son «musée informationnel». Il faut
prendre conscience que ces données restent et il faut donc vérifier que
l'information qui reste soit pertinente. Sinon, il faut l'enlever. On a le
droit de réguler son passé. On a le droit de supprimer des informations qui ne
sont plus assumées. On a le droit de changer. À condition que cela soit sincère.
La rédaction vous conseille :
- J'ai testé mon droit à l'oubli sur
Google
- L'Assemblée nationale examine la loi de
protection des données
- Tweets controversés d'une candidate de
The Voice: la réaction de TF1 et de la
Mossoul à livre ouvert
Dans l’ex-capitale irakienne
de Daech, la vie reprend peu à peu. Etudiants, professeurs, artistes et simples
citoyens profitent de leur liberté retrouvée pour redonner un nouveau souffle à
leur ville. Une renaissance qui passe par les livres, la photographie, la
peinture. Mais aussi par le désir de poser à l’écrit la douleur endurée.
De nos envoyées spéciales Delphine Minoui (texte) et Andrea Dicenzo
(photos)
C’est une farandole de couleurs. Un pansement salvateur sur les
blessures de Mossoul. Au pied des ruines de l’université dévastée par la
guerre, des tapis de livres s’étalent à perte de vue. En ce vendredi de la fin
novembre 2017, ils ont soudainement fleuri sur ce même trottoir où la hisbah,
la police des mœurs de l’Etat islamique, traquait les mécréants. « Daech a
voulu effacer la culture, saccager les musées et brûler des bibliothèques.
Aujourd’hui, notre revanche passe par les mots, pas par les bombes », exulte
Zainab al-Hafdh. A 26 ans, elle est l’une des organisatrices de ce premier
marché aux livres de l’après-Daech – pari audacieux dans cette deuxième ville
d’Irak où Abou Bakr al-Baghdadi décréta le califat en 2014. Débarrassée du
voile intégral, Zainab porte un foulard marron qui lui donne des airs de Joconde.
« C’est si bon, rougit-elle, de respirer à nouveau ! » Sa voix chevrotante se
perd dans une douce mélodie. Assis sur les pavés, un violoncelliste improvise
un air joyeux. Les badauds s’arrêtent, émus. Une voiture klaxonne. Son
chauffeur finit par descendre, curieux de jeter un œil sur tous ces nouveaux
recueils de poésie, manuels de sciences politiques et romans étrangers, arrivés
tout droit de Bagdad, et condamnés au bûcher il y a encore quelques mois. Le
long des stands, les sacs se remplissent avec frénésie. On reconnaît des noms
familiers : Kafka, Camus, Orwell. « Ici, on lit la traduction arabe de 1984
comme on se projette dans un miroir pour ensuite le briser », ironise un
acheteur.
Pendant plusieurs mois, un collectif de bénévoles s’est donné pour
mission d’exhumer et de sauver les rares ouvrages rescapés de l’incendie de ce
pilier culturel de la deuxième ville d’Irak.
Après trois ans de règne mortifère, le « Big Brother » en turban noir n’a
laissé que carcasses de mausolées, églises défigurées, murs lacérés de slogans
islamo-guerriers. Pourtant, la vie reprend ses quartiers par petites touches
successives. Mossoul libre, c’est l’odeur du narguilé sur la chaussée, c’est un
tube de musique pop dans un café, c’est un mannequin en décolleté dans une
vitrine. Ce sont ces jardiniers qui redécorent de fleurs la sinistre place où
Daech décapitait ses opposants. En décembre dernier, des milliers de personnes
ont même couru leur premier marathon dans la partie orientale de la ville,
nettement mieux préservée que Mossoul-Ouest, sur l’autre versant du Tigre,
reconquise en juillet 2017 et encore hantée par la mort. Ici, dans la partie
est, libérée six mois plus tôt, les projets sportifs et culturels se
démultiplient, porteurs d’une envie folle de tourner la page. D’ouvrir un
nouveau chapitre.
La renaissance par les livres en est l’exemple le plus flagrant. Comme
une revanche contre l’autodafé imposé par Daech qui s’acheva par le tragique
incendie de la bibliothèque centrale juste avant l’offensive de l’armée
irakienne, fin 2016. « En une étincelle, des siècles d’histoire sont partis en
fumée », confie par téléphone l’historien Omar Mohammed, qui a fui Mossoul
pendant « l’occupation djihadiste ». Exilé en Europe, ce professeur d’histoire
fut à l’origine, début avril 2017, d’un SOS lancé sur les réseaux sociaux avec
son pseudonyme d’alors, « Mosul Eye », pour tenter de sauver ce qui restait
alors des décombres. A sa grande surprise, la réponse fut immédiate : des
dizaines de personnes offrirent gracieusement leurs services dans l’espoir de
dénicher quelques vestiges de papier.
Un parfum de renaissance flotte sur Mossoul. Des marchés aux livres aux
fresques murales en passant par les récitals de musique et l’apprentissage des
langues étrangères, les habitants saisissent chaque occasion pour célébrer la
vie.
Un parfum de renaissance flotte sur Mossoul. Des marchés aux livres aux
fresques murales en passant par les récitals de musique et l’apprentissage des
langues étrangères, les habitants saisissent chaque occasion pour célébrer la
vie.
Un parfum de renaissance flotte sur Mossoul. Des marchés aux livres aux
fresques murales en passant par les récitals de musique et l’apprentissage des
langues étrangères, les habitants saisissent chaque occasion pour célébrer la
vie.
Un parfum de renaissance flotte sur Mossoul. Des marchés aux livres aux
fresques murales en passant par les récitals de musique et l’apprentissage des
langues étrangères, les habitants saisissent chaque occasion pour célébrer la
vie.
« Il y avait des étudiants, des enseignants, et même des femmes !
Personne ne se connaissait. Mais j’ai aussitôt compris que nous étions tous
unis autour du même but : faire revivre le cœur battant de Mossoul ! Une armée
de bénévoles au service d’une ville blessée », se souvient Ali al-Baroudi en
plissant ses yeux bleu-gris. Le jeune professeur d’anglais, l’un des premiers
à s’être porté volontaire, nous a donné rendez-vous à l’entrée de la
bibliothèque, là même où cette grande aventure culturelle a commencé.
Érigé dans les années 1960 en plein cœur du campus – et distant de
quelques mètres du marché aux livres -, l’élégant bâtiment n’est plus qu’un
squelette décharné. Pas une porte, pas une fenêtre n’a survécu au brasier.
Pénétrer dans le hall, c’est naviguer entre les carcasses de chaises et les
montagnes de débris. « Un véritable “bookocauste” ! » se désole-t-il, en
avançant à pas menus. Le sol est un tapis de cendres semées par les milliers
d’ouvrages brûlés par les djihadistes. « Les frappes de la coalition ont
achevé le désastre », précise-t-il, en pointant du doigt les neuf trous creusés
par les missiles occidentaux.
«Avec Daech, nous avions oublié que nous étions humains»
« Et pourtant, figurez-vous que dans cet océan de désespoir, nous sommes
tout de même parvenus à repêcher quelques ouvrages ! » se ressaisit Ali.
Habillée d’une blouse blanche, une jeune femme nous rejoint. « Vous ne pouvez
pas imaginer ma joie quand je suis tombée sur un vieux recueil de proverbes mossouliotes !
» roucoule Raghad Hamadi. A 23 ans, l’étudiante infirmière est une des
pionnières du petit groupe de sauveurs de livres. Elle irradie de joie en
évoquant ce printemps 2017 : « C’était comme si j’avais retrouvé un fragment
de ma mémoire ! » Une mémoire, collective et personnelle, qu’elle pensait avoir
perdue à jamais : « Un soir de 2015, les djihadistes firent une descente chez
nous, après avoir arrêté dans la rue mon cousin à cause d’un texto anti-Daech.
Ils nous ont tout confisqué : nos cellulaires, notre antenne satellitaire… Le
lendemain, dans un élan de panique, j’ai rassemblé toutes mes photos sur un
disque dur que j’ai enveloppé dans un drapeau irakien avant de l’enterrer au
fond du jardin. Mais à la libération de Mossoul, il avait été rongé par
l’humidité. Il ne me restait plus aucune trace de mon enfance, de ma jeunesse,
de mes années d’avant. »
Daech lui avait volé son passé, il lui a aussi confisqué son présent. «
A cause des djihadistes, j’ai interrompu mes études. A l’université, la plupart
des matières furent abolies, sauf la médecine. Mais j’ai préféré rester chez
moi : pas question de me soumettre aux règles de l’Etat islamique et de me
voiler de la tête aux pieds. En plus, je craignais d’avoir à soigner les
combattants blessés. » Elle s’interrompt, pensive. Puis avale un grand soupir,
avant de reprendre : « Le saviez-vous ? C’est ici même, dans cette
bibliothèque, que Daech rédigea ses programmes scolaires. Certaines salles du
bâtiment avaient été réquisitionnées pour y préparer la propagande
islamo-guerrière. Dans les nouveaux manuels de mathématiques, les élèves
devaient apprendre à compter en additionnant des bombes et des boîtes
d’explosifs. » Y revenir, à leur départ, pour y exhumer les « vrais » livres,
ceux d’avant, était donc pour elle plus qu’une évidence : c’était une
revanche.
«Sauver des livres, c’est se sauver un peu soi-même»
« Les djihadistes ont voulu nous ramener au Moyen Age », murmure une voix
cassée. Engoncé dans un costume de fête bleu roi, cigarette à la main, un jeune
homme apparaît sous un filet de lumière échappé d’une fente. Il s’appelle
Younes Ziad. L’étudiant en sciences de l’informatique de 25 ans est aussi un de
ces jeunes gardiens de la culture. « Sauver des livres, c’est se sauver un peu
soi-même », dit-il en faisant défiler quelques photos sur l’écran de son
smartphone. On y voit, pêle-mêle, des grappes de jeunes hommes et jeunes filles
armés de baskets et de sacs à dos, cherchant frénétiquement parmi les gravats
la moindre reliure encore intacte, déchiffrant le titre d’un vieux manuscrit,
dépoussiérant les pages d’un atlas. Sur d’autres clichés, ils se relaient pour
empiler tous ces trésors de papier dans une fourgonnette avant de les stocker
dans un gymnase, rare bâtiment du campus à tenir encore debout.
« Il fallait voir avec quelle fougue nous exhumions les volumes endommagés
tandis que de l’autre côté du Tigre, la guerre faisait encore rage à l’ouest de
Mossoul. Parfois, les obus de mortier atterrissaient sur le campus », poursuit
Younes. Rien, pourtant, ne les a arrêtés. Pas même le risque de tomber sur une
mine. Ailleurs, sur ce vaste périmètre universitaire, où Daech avait transformé
certaines facultés en usines à voitures piégées, trois fonctionnaires ont
perdu la vie à cause d’explosifs cachés par les djihadistes avant
leur fuite.
Parmi les quelque 7000 livres extraits des cendres de la
bibliothèque universitaire figurent de vieux journaux, un recueil de proverbes
mossouliotes et des manuscrits rares comme cet ouvrage sur la vie du sultan
Saladin (ci-contre).
Au bout de cinq mois de laborieuse collecte, seuls quelque 7 000 ouvrages
– sur un million – sont finalement sauvés des cendres. Mais les jeunes refusent
de se laisser démonter. Pour compenser les pertes, un festival est organisé sur
les marches de la bibliothèque. « En guise de droit d’entrée, nous avons invité
chaque participant à faire don d’un ouvrage », raconte Younes. Le succès est
inespéré : des centaines de personnes accourent, ce jour-là, pour apporter leur
modeste contribution au renouveau culturel de leur cité. Depuis son refuge
européen, « l’œil de Mossoul » élargit son appel au-delà de la ville. Très
vite, des livres affluent de partout : de Bagdad, Bassora, Erbil, mais aussi de
France, des Etats-Unis, d’Australie. « A ce jour, nous avons reçu plus de
25 000 titres de l’étranger », se réjouit Mohammad Jassim, le directeur de la
bibliothèque. Même si, concède-t-il, cette incroyable générosité ne remplacera
jamais les ouvrages brûlés. « Nous disposions d’un fonds de dizaines de
milliers de thèses. Sans compter notre collection de vieilles cartes datant de
l’Empire ottoman, de recueils de poèmes et d’ouvrages rares comme ce Coran du
IXe siècle ou encore cet exemplaire des Mille et Une Nuits vieux d’au moins
deux siècles », dit-il.
Fahmi Saeed al-Shikho, dont le roman Chaque souvenir a le goût de
la mort s’inspire de sa propre histoire : il évoque le drame d’un
jeune Turkmène épris d’une fille de Mossoul, et forcé de fuir la ville.
Si la bibliothèque suscite autant de passion, c’est qu’elle est un pilier
de Mossoul, l’emblème d’un passé culturel glorieux, gage d’échanges et de
diversité. « Il fut un temps où les étudiants, toutes confessions confondues,
s’y déplaçaient des quatre coins du pays pour y consulter ses ouvrages »,
confie Mohammad Jassim. Ses souvenirs de jeunesse y sont également mêlés. «
Comment oublier ces heures passées dans le calme secret des livres lorsque je
préparais mon doctorat sur la traduction arabe des contes de fées », poursuit
le moustachu en costume-cravate, grand spécialiste de Cendrillon. Dans
l’imaginaire occidental, l’Irak est associé au passé dictatorial de Saddam
Hussein et à la spirale de violence et d’extrémisme qui ébranle le pays depuis
l’intervention américaine de 2003. Mais au Moyen-Orient, les Irakiens ont une
autre forme de réputation : ils sont connus pour être de grands lecteurs. «
L’Egypte écrit, le Liban imprime et l’Irak lit », dit un célèbre adage.
Catalyseur d’espoir, la bibliothèque est aussi un échantillon des défis
qui attendent l’Irak. Débordé par des questions sécuritaires et politiques, le
gouvernement central de Bagdad a d’autres priorités que la rénovation de
l’imposante bâtisse – dont le coût est estimé à 10 millions de dollars. Quant
aux autorités locales, leur principal chantier se trouve à Mossoul-Ouest :
là-bas, dans ce quartier fantôme aux allures de champ de ruines, tout est à
reconstruire. Pendant ce temps, les milices chiites profitent du vide laissé
par le départ des djihadistes pour grignoter du terrain : à l’entrée du
campus, elles ont troqué l’étendard noir de l’EI contre un drapeau à l’effigie
de l’imam Ali. « La provocation risque d’attiser les tensions
interconfessionnelles et susciter une nouvelle vague de radicalisation au sein
de la majorité sunnite, comme celle qui a précédé l’arrivée de Daech », s’inquiète
un professeur.
Pour l’heure, les « survivants » – c’est ainsi que les Mossouliotes
aiment se définir – profitent à pleins poumons de leur liberté retrouvée,
conscients qu’elle pourrait ne pas durer. Sur le campus universitaire, où les
étudiants excellent en effets de style – cheveux gominés pour les garçons,
manteaux cintrés et chaussures à talons compensés pour les filles -, les cours
ont repris dès le début de l’été, malgré la mise hors d’état de fonctionner de
nombreux bâtiments. « On a annulé les grandes vacances pour qu’ils étudient
d’arrache-pied et passent leurs examens en décalé à la rentrée. Evidemment, il
a fallu être conciliant au niveau des notes. Mais c’est une réussite : quelque
45 000 étudiants sont aujourd’hui de retour sur le campus. Plus de la moitié
avaient fui la ville », avance le recteur de l’université, Akram Mahmoud. Pour
lui, « c’est seulement par l’éducation que l’on pourra élever une nouvelle
génération, loin du fanatisme ». Faute de moyens, chacun y met du sien. A la
faculté des langues, professeurs et étudiants se sont unis pour nettoyer les
murs noircis de suie et redonner un peu de couleur à leurs salles de classe. «
Avec Daech, nous avions oublié que nous étions humains », avance Ahmad Hassam,
le directeur du département de français.
Débarrassées du voile noir intégral, obligatoire sous Daech, les
étudiantes du campus universitaire excellent en coquetterie et osent, pour
certaines, s’affranchir pleinement du foulard.
Et pourtant : sous le voile noir de l’EI, les Mossouliotes n’ont jamais
cessé de résister. « Grâce à Daech, j’ai aiguisé mon regard photographique »,
ironise Ali al-Baroudi, l’enseignant d’anglais. Dans le huis clos de son logis,
au cœur de cette ville hantée par la mort, il s’est acharné à capturer le
moindre signe de vie : une pousse de feuille verdoyante, un moineau indomptable,
la rosée du matin sur un pétale de fleur. C’est à la littérature qu’il doit
également son salut. « Daech voulait emprisonner les humains, les corps, les
idées. Pour garder le moral, j’ai puisé ma force dans les livres de ma
bibliothèque privée. J’ai lu La Fête au Bouc de Mario Vargas Llosa, La Maison
aux esprits d’Isabel Allende, mais aussi des ouvrages de Dostoïevski. Jamais
je n’ai autant lu », dit-il. Avec un ami bouquiniste, il osa même improviser
des clubs informels de lecture et de cinéma. « A la nuit tombée, on
s’échangeait des films et des PDF d’ouvrages qu’on camouflait sur des clés USB
glissées sous les fauteuils des voitures », raconte-t-il.
«Écrire pour exorciser la douleur, relater l’innommable»
L’ami en question s’appelle Hussam al-Din. Sous les arcades de la rue
Najafi, l’historique « rue aux livres » de la vieille ville, son échoppe a été
engloutie par les flammes. « Depuis le départ de Daech, je n’ai pas eu le
courage d’y retourner », murmure-t-il. Pour se redonner des forces, il vient
d’inaugurer une nouvelle librairie aux abords de l’université. Voisine d’un
bar à chicha, c’est le nouveau repaire des jeunes archéologues à l’affût
d’ouvrages sur leur patrimoine ravagé et des étudiantes désireuses d’acquérir
la traduction arabe du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir. « Même avant Daech,
je n’ai jamais constaté un tel engouement pour la lecture. Les gens ont
vraiment soif de rattraper le temps perdu », dit-il. Depuis peu, ses rayons
croulent sous les ouvrages de jeunes romanciers mossouliotes. Entre témoignages
et récits, ils ont été rédigés en exil ou dans la prison de leur maison durant
les années djihadistes. La vingtaine, Fahmi Saeed al-Shikho est de cette
génération. Son livre, Chaque souvenir a le goût de la mort, s’inspire
de sa propre histoire : il évoque le drame d’un jeune Turkmène épris d’une
fille de Mossoul, et forcé de fuir la ville. A son retour, une fois les
djihadistes chassés, il se précipite chez elle pour y découvrir une maison en
charpie. Les voisins lui apprennent que la jeune femme a perdu la vie lors d’un
bombardement. « Ce livre, c’est un moyen d’exorciser la douleur du vécu, de
raconter l’innommable », confie-t-il avec pudeur.
«L’art était mon exutoire, ma façon de résister»
Quand certains prennent la plume, d’autres s’emparent du pinceau. Avec
ses copains, le graphiste Abdel Rahman Douleymi vient de redécorer un pont de
symboles de la diversité retrouvée de Mossoul : une statue assyrienne de
Lamasou, le clocher d’une église ou encore le fameux minaret penché, pulvérisé
par l’EI. Sa façon de défier l’horreur du passé. « A deux reprises, j’ai
moi-même subi des coups de fouet en pleine rue. La première fois, c’était pour
ma barbe – obligatoire – qu’ils avaient jugée trop courte. La seconde, parce que
mon pantalon était trop long et trop moulant », raconte le jeune homme de 22
ans, qui s’enferma alors chez lui. Ses mésaventures l’ont ironiquement poussé à
se réfugier dans la peinture. « J’ai commencé à peindre des portraits d’hommes
tristes sur de petites toiles qui ne dépassaient pas les 40 sur 50 centimètres,
avec cette idée que je pourrais les emporter avec moi si je devais m’enfuir du
jour au lendemain. » Quand les tubes de couleurs vinrent à manquer, il troqua
sa brosse contre un stylo noir. « L’art était mon exutoire, ma façon de
résister », dit-il, en déroulant ses jolis croquis d’une incroyable précision.
Maintenant que Mossoul revit, il a retrouvé ses pots de peinture. Et il peint
désormais en grand : sa dernière fresque représente une immense cage d’où
s’échappent deux oiseaux sur fond de ciel multicolore. « Vivre dans ce monde en
vaut encore la peine », énonce, juste au-dessus, un poème du Palestinien
Mahmoud Darwich calligraphié en lettres arabes. Des mots d’espoir sur les murs
d’une ville mutilée.
Delphine Minoui : retour à
Mossoul
Delphine Minoui a deux passions : le Moyen-Orient et les livres. Le sac à
dos toujours bien rempli, voilà plus de vingt ans qu’elle sillonne le monde
arabo-musulman pour Le Figaro. D’abord basée à Téhéran, puis à Beyrouth
et au Caire, elle vit maintenant à Istanbul. Lauréate du prix
Albert-Londres 2006 pour ses reportages en Iran et en Irak, c’est à Mossoul
qu’elle a décidé de retourner pour Le Figaro Magazine en
compagnie de la photographe Andrea DiCenzo : une ville tristement familière des
gros titres de l’actualité pour avoir été désignée en 2014 comme la capitale
irakienne de Daech par Abou Bakr al-Baghdadi. Mais Mossoul, c’est bien plus que
cela : ce sont des hommes et des femmes qui n’ont jamais cessé de résister en
catimini par la lecture quand les djihadistes condamnaient les ouvrages au
bûcher. Depuis la chute du « califat », en 2017, cette résistance de l’ombre
s’est muée en une véritable renaissance culturelle : sauvetage de la grande
bibliothèque incendiée, marchés aux livres, cafés littéraires… « Lire, c’est
vivre », dit Delphine Minoui, également auteur de plusieurs ouvrages. Son
dernier récit, Les Passeurs de livres de Daraya (Seuil,
octobre 2017), raconte l’histoire – vraie – d’une bibliothèque secrète dans une
banlieue rebelle de Damas, assiégée pendant quatre ans par le régime de Bachar
el-Assad. Un hymne à la liberté et au pouvoir de la littérature.
Yves Coppens : «Lucy a changé nos vies» (09.02.2018)
INTERVIEW - Atteint d'« archéologite » dès l'âge de 4-5 ans, le
paléoanthropologue français raconte dans un livre passionnant sa vie consacrée
à l'histoire de l'homme.
C'est le mastodonte français, certes élégant et savant, de la
paléontologie humaine. Sur son bureau, la tête de Lucy vous fixe d'un drôle
d'air. Il est l'un de ceux qui font que l'école de paléontologie française est
un poids lourd mondial. Yves Coppens, 88 ans, dit modestement avoir eu la
chance d'être «au bon moment au bon endroit». Mais il a su saisir cette chance
et la faire fructifier. Le «père» de l'australopithèque
Lucy (3,2 millions
d'années), publie de passionnants Mémoires intitulés Origines de
l'homme, origines d'un homme. Il raconte, de sa plume précise et
passionnée, son parcours et s'y livre bien plus qu'auparavant (il est l'auteur
d'une vingtaine d'ouvrages depuis Le Singe, l'Afrique et l'homme).
«Au collège, mes copains
m'appelaient « Coco le Fossile » ou le « Père la Brique »
LE FIGARO. - Quels sont les
premiers fossiles auxquels vous vous êtes intéressé?
Yves COPPENS. - Dès l'âge de 4-5 ans, j'ai été
atteint d'«archéologite». Mes premières «trouvailles», à une dizaine d'années,
étaient de petits pots gaulois quadrangulaires, des augettes, utilisées pour
transporter le sel marin obtenu par évaporation. À 10 ans, je passais tout le
temps que je pouvais au musée de la Société polymathique du Morbihan, à Vannes.
Pour moi, il y avait là des centaines d'objets «magiques». Au collège, mes
copains m'appelaient «Coco le Fossile» ou le «Père la Brique».
C'est là qu'est née votre
vocation?
La maison où nous habitions était juste à côté d'un dolmen. C'est là que
nous allions jouer. Je dirais que c'est là qu'a été «titillée», sollicitée,
amorcée mon imagination. Avec toutes ces pierres bretonnes, dont les
alignements de Carnac, je pense que ma fascination pour l'Antiquité et
l'archéologie a été forgée à ce moment-là. J'ai découvert plus tard que ma
lointaine famille avait été propriétaire d'un terrain avec un des grands
alignements de Carnac.
Vos études ont donc été
dirigées dans ce but?
Oui, et j'ai suivi la voie «scientifique», avec géologie, paléobotanique
et paléozoologie plutôt que celle des sciences humaines. Ce qui n'est pas
obligatoire mais que je recommande encore aujourd'hui. J'ai aussi fait de la
médecine, pour apprendre la dissection. Ma première «opération» a été
Micheline, une éléphante du zoo de Vincennes, morte de septicémie. Ce qui
m'intéressait particulièrement était le rapport des os et des muscles. Tout
cela m'a donné le goût des visions larges, incluant l'environnement des
fossiles. J'ai obtenu ma licence à 20 ans et j'ai intégré le CNRS à 22 ans.
Mais, à cette époque, c'était plus facile qu'aujourd'hui d'intégrer un
laboratoire.
«J'étais atteint d'“exotite”.
J'avais envie de parcourir et d'explorer les brousses lointaines (...).Mais
j'ai commencé par faire de l'éléphant, car “l'humain, ça se mérite”me
disait-on»
Cela vous a amené très tôt sur
le terrain…
Oui, car j'étais aussi atteint d'«exotite». J'avais envie de parcourir et
d'explorer les brousses lointaines. Grâce à un chercheur du Muséum et à des
morceaux d'os d'éléphants, j'ai pu conduire, dès 1960, une expédition au Tchad.
Cela a été un véritable bonheur de chercher, de trouver, d'interpréter, de
découvrir de nouvelles informations. Même si c'était parfois inconfortable,
générateur de petites angoisses, c'était l'aventure… Mais j'ai commencé par
faire de l'éléphant, car «l'humain, ça se mérite» me disait-on.
Quelles sont les dates
importantes dans l'histoire qui vont conduire à l'homme?
Partons d'il y a 15 millions d'années. Il y a en Afrique une immense
forêt tropicale et, à l'intérieur, se sont développés, déjà, des primates très
anciens. Il y a 10 millions d'années, un grand changement climatique
intervient avec l'installation de l'Antarctique. L'Afrique s'assèche, la forêt
tropicale se rétrécit. Le grand rift de l'Afrique de l'Est, 6,000 km de
failles et de rifts de l'océan Indien au Zambèze, est un obstacle physique. Les
populations à l'ouest du rift conserveront plus de forêt tropicale; celles à
l'est moins. Côté forêt va se dessiner le préchimpanzé. Côté mélange
arbres-savanes, l'adaptation à l'environnement va conduire au redressement du
corps, au pivotement de la tête conduisant à la possibilité d'un accroissement
du volume du crâne. Les traces fossiles des préhumains nous donnent Toumaï
à 7 millions d'années,
Orrorin à 6, Lucy à 3,2, pour ne parler que de ceux-là. Ils sont bipèdes,
debout en permanence. Même s'il leur reste, comme Lucy, des capacités
arboricoles.
«Lucy appartient à cette
période clé, autour de 3 millions d'années, où va se nouer l'histoire
humaine. Là intervient un nouveau grand bouleversement climatique : l'Arctique
apparaît»
Lucy, justement. Vous avez dit
en rêver la nuit…
Vous savez, Lucy, que nous avons découverte en 1974 à Hadar, en Éthiopie,
ce petit - par la taille - personnage féminin de 20 ans, a changé la vie, et la
carrière, de tous ceux qui l'ont approchée. Le fait que son squelette soit très
complet a permis de la rendre «vivante» à nos yeux. Et aux yeux de tous. Les
films de Jacques Malaterre dont j'ai été directeur scientifique, L'Odyssée
de l'espèce, diffusés en prime time, avaient fait l'audience d'une finale
de football! Et elle appartient à cette période clé, autour de 3 millions
d'années, où va se nouer l'histoire humaine. Là intervient un nouveau grand
bouleversement climatique: l'Arctique apparaît. Le climat, la végétation et
donc l'alimentation changent. Dans la lignée des hominidés, il y a deux
réponses évolutives. La première, que j'appelle celle de «la dissuasion
physique», donne Australopithecus robustus, aux larges épaules, qui
s'éteindra il y a 1 million d'années. La seconde, celle de «la dissuasion
intellectuelle», donne la lignée buissonnante Homo, avec
notamment Homo habilis. Et, il y a 300 000 ans, Homo
sapiens. Nous.
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d'un arbre
Avesta Khabour, tombée au champ d'honneur (09.02.2018)
PORTRAIT - Cette jeune femme de 20 ans combattait aux côtés des troupes
kurdes du Rojava (le Kurdistan syrien) après avoir participé à la libération de
Raqqa, ancien fief de l'État islamique. Elle a été tuée par l'armée turque qui
a lancé une offensive contre l'enclave d'Afrin.
Elle s'appelait Avesta Khabour. Elle avait 20 ans. Et vous ne la
connaissiez sans doute pas. Comme
des milliers de jeunes femmes kurdes syriennes, Avesta s'était engagée corps et âme dans la lutte contre Daech. Depuis
deux ans, elle participait, aux côtés des forces de la coalition, à libérer ces
territoires sous l'emprise de l'Etat islamique. Elle participa, notamment, à la
libération de la capitale de l'organisation islamique, Raqqa, dont la bataille
dura près d'un an. Avesta Khabour, comme l'ensemble des combattantes et des
combattants kurdes syriens, fut l'alliée indéfectible de l'Occident et de la
France dans la lutte contre le terrorisme. Il y a deux semaines, Avesta Khabour
a été tuée au combat. Et ce n'est pas sous les coups d'un ennemi radicalisé que
la jeune femme est morte, mais face à une colonne de chars de l'armée turque
qui, soutenue par l'Armée syrienne libre (ASL, une milice proturque affiliée à
al-Qaida mais considérée comme «modérée» par une partie de la presse
internationale), franchissait la frontière et s'engageait dans l'enclave kurde
d'Afrin, au nord-ouest de la Syrie, l'un des trois cantonsdu Rojava (Kurdistan
syrien). Une offensive terrestre et aérienne commencée le 20 janvier
dernier et qui, à l'heure où nous bouclons nos pages, a coûté la vie à plus de
300 soldats et civils kurdes - et 600 militaires et miliciens turcs. Avesta
Khabour est morte en guerrière au nom de cette liberté qu'elle chérissait tant.
La double faute de l'Occident
«Nous ne reculerons pas, nous irons à Afrin», a déclaré devant les
caméras de télévision le président Erdogan - affirmant donc la volonté d'une
opération militaire que le gouvernement de Damas, quant à lui, n'hésite pas à
qualifier d'«invasion». Cette incursion dans l'enclave d'Afrin fait suite à la
volonté des Etats-Unis, à la mi-janvier, de créer une nouvelle force
frontalière de 30.000 hommes avec les Forces démocratiques
syriennes (FDS, composées
très largement de combattants kurdes) au niveau de la frontière avec la
Turquie. Jugeant «inacceptable» et «inquiétante» cette décision, Recep Tayyip
Erdogan a rapidement répondu par cette opération ironiquement baptisée «Rameau
d'olivier» par Ankara. «Cette force frontalière devait former une barrière
infranchissable d'une importance stratégique pour la sécurité de l'Europe et de
la France», explique Patrice Franceschi, écrivain et collaborateur du Figaro
Magazine engagé depuis cinq ans auprès des Kurdes de Syrie. «Et il y a, dans ce
silence assourdissant des pays occidentaux, une faute morale et politique.»
Politique car il en retourne, indirectement, de la lutte contre le
terrorisme et de la sécurité de la France. Morale car, pour l'instant, Emmanuel
Macron n'a fait qu'interpeller son homologue turc le mettant en garde des risques d'une «invasion de la Syrie». «S'il s'avérait que cette opération devait prendre un autre tour qu'une
action pour lutter contre un potentiel terroriste menaçant la frontière turque
et que c'était une opération d'invasion, à ce moment, cette opération nous pose
un problème réel», a déclaré le chef de l'Etat dans une interview donnée au
Figaro. Une réaction en demi-teinte et ambiguë sur l'emploi du terme «potentiel
terroriste»: car si le PKK (le Parti des travailleurs kurdes) implanté en
Turquie est effectivement considéré comme un groupe terroriste par les
tats-Unis et l'Europe, les forces des YPG (Unités de protection du peuple) ont,
quant à elles, été une pièce maîtresse de la victoire contre Daech. «On est en
train d'abandonner nos alliés, poursuit Patrice Franceschi. Les jeunes filles
comme Avesta Khabour se sont battues à nos côtés. Elles luttent pour la
laïcité, l'égalité entre les hommes et les femmes. En laissant faire, nous les
trahissons.» Dans le Rojava, un cimetière militaire vient d'être baptisé Avesta
Khabour, pour commémorer ce que ses frères et ses sœurs des YPG considèrent
comme un acte de bravoure.
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Flambée de racisme aux législatives italiennes (09.02.2018)
VIDÉO - La campagne a changé de nature depuis l'attaque au fusil contre
six Africains, le 3 février à Macerata, par un groupuscule néofasciste.
Rome
Jeudi soir, une quarantaine de militants du groupuscule néofasciste Forza
Nuova ont
tenté d'entrer en force dans le centre de Macerata, petite ville de quelque
40.000 habitants, en bordure de l'Adriatique. Ils voulaient manifester
leur solidarité avec Luca Traini, le militant d'extrême droite à l'origine
de la
fusillade dans laquelle six Africains ont été blessés. Les néofascites se sont heurtés à un
barrage de police et ont été immédiatement refoulés.
Au juge, l'auteur des coups de feu, un lecteur exalté de Mein
Kampfqui avait été recruté pour le service d'ordre de la Ligue (ex-Ligue du
Nord), a déclaré avoir voulu «faire un massacre». À Rome, une grande banderole
pour le soutenir a été déployée devant un stade de football, avant d'être
arrachée par les carabiniers. Dans sa cellule de prison, il reçoit
encouragements et messages de solidarité. Dans toute l'Italie, les groupes de
l'ultradroite sont en ébullition et promettent de se faire entendre tout au
long des semaines prochaines.
Matteo Salvini, leader de la Ligue et rival de Silvio Berlusconi au sein
du centre droit, n'en finit pas de verser de l'huile sur le feu. Depuis samedi,
il ne cesse d'accuser gouvernement et partis de gauche d'avoir favorisé
«l'invasion de l'Italie par des migrants clandestins» à des fins électorales.
Jeudi, ses propos sont devenus encore plus haineux. Il a affirmé que l'islam
est responsable du racisme qui se propage en Italie: «Son problème est d'être
une loi et non une religion. Au nom de Dieu, l'islam nous impose sa loi qui est
incompatible avec nos valeurs, nos droits, notre liberté. Je ne veux pas que
s'installent en Italie des personnes pour qui la femme vaut moins que l'homme».
Berlusconi promet d'expulser
plus de 600.000 étrangers
Silvio
Berlusconi ne veut pas être en reste. Dans sa première intervention télévisée après la fusillade, il a
indiqué qu'en cas de victoire le premier geste de sa coalition de droite,
donnée favorite aux élections, serait d'expulser les étrangers en situation
irrégulière, qu'il estime à 640.000. Selon l'Institut de sondages Piepoli, il
ne manquerait plus que 600.000 voix à cette coalition pour parvenir au
seuil de 40 % lui donnant une majorité. Le leader de Forza Italia se garde
bien de dire comment son gouvernement de droite s'y prendrait, l'opération
étant estimée au bas mot à 3 milliards d'euros. Il ne rappelle pas non plus
les 400.000 régularisations d'immigrés auxquelles il avait procédé en 2009
quand il était au pouvoir.
Le ministre de l'Intérieur,
Marco Minniti, accuse le leader de la Ligue de propos «irresponsables qui font
courir de grands risques à l'Italie et à la démocratie»
Pour le leader démocrate Matteo Renzi, la fusillade de Macerata est
«raciste, mais pas terroriste», et le comportement de Matteo Salvini est
«inqualifiable». La gauche se mobilise pour «faire barrage au retour du
fascisme» : «On ne peut pas laisser le Pape combattre seul le racisme. Tous les
partis doivent se mobiliser pour défendre les valeurs de notre Constitution», a
lancé le très catholique ministre des Transports Graziano Delrio, candidat du
Parti démocrate en Émilie-Romagne.
Quant au ministre de l'Intérieur, Marco Minniti, il accuse le leader de
la Ligue de propos «irresponsables qui font courir de grands risques à l'Italie
et à la démocratie». Il affirme que la défense de la Constitution italienne est
l'un des points cardinaux du «Pacte pour un islam italien» signé avec les
associations musulmanes.
Ce samedi, les associations citoyennes appellent à se rassembler dans le
centre de Macerata, pour un grand mouvement antiraciste: «Face au retour du
fascisme, on ne peut plus se taire», affirment-elles. La ville est quadrillée
par les forces de l'ordre. La galaxie des groupuscules d'extrême droite ayant
elle aussi annoncé son intention de lancer des contre-manifestations, le préfet
est prêt à interdire tout rassemblement pouvant susciter des violences.
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En Géorgie, les errements de la guerre antidrogue
(09.02.2018)
REPORTAGE - Alors que le pays compte de plus en plus de toxicomanes, des
voix dénoncent l'échec de la politique de la tolérance zéro.
Tbilissi
La scène se passe sur les marches de l'ancien Parlement, au cœur de
Tbilissi. Les immenses colonnes de l'édifice, en pierre de taille ocre, sont le
théâtre de toutes les batailles politiques en Géorgie depuis l'indépendance, en
1991. En cette fin janvier, à la nuit tombée, Shota Dighmelachvili, barbe
courte, cigarette roulée entre les doigts, a de la colère dans la voix: «Il
faut libérer Giorgi Giorganashvili. Il faut mettre fin à cette narcopolitique
inhumaine», martèle ce jeune écrivain et militant pour la dépénalisation de la
consommation de drogue. L'avant-veille, celui que l'on surnomme Bakhala, acteur
de cinéma et activiste de la même cause, a été condamné à huit ans de prison.
Cela siffle et applaudit dans la petite foule qui a répondu à l'appel
lancé sur les médias sociaux. «Huit ans pour quoi? Pour soi-disant avoir été
pris avec 0,37 gramme de Subutex sur lui. Le pouvoir ruine sa vie pour rien»,
s'emporte Eka, étudiante, au milieu d'amis arborant boucles d'oreilles et
tatouages. 267 substances narcotiques et psychotropes figurent sur
la liste des produits dont la seule possession peut conduire de 4 à 7 ans
derrière les barreaux. «Et cela pour parfois de simples traces au fond d'une
seringue», déplore Paata Sabelashvili, du mouvement Tetri Kmaouri («Bruit
blanc»), une des 42 organisations de la «plateforme» à l'origine
d'un projet de loi sur la dépénalisation de l'usage de toutes les drogues qui
doit être discuté dans les jours à venir.
«Le gouvernement veut fixer
des doses si basses, si peu en rapport avec ce que consomme un toxicomane, que
cela revient à poursuivre la politique de tolérance zéro de Saakachvili, si
destructrice»
Zourab Sikharoulidzé, spécialiste de la toxicomanie
Dans la foule, le spécialiste de la toxicomanie Zourab Sikharoulidzé
traîne son pessimisme, sur fond de musique lancinante, tel un mouvement qui,
dans une société réputée conservatrice, entend s'imposer comme un bruit d'abord
discret, qui devient peu à peu entêtant: «Je crains que cette loi ne soit pas
votée. Ou qu'elle ne change rien. Le pouvoir accepte le principe de quantités
en deçà desquelles la possession ne relèverait pas du Code pénal. Mais il veut
fixer des doses si basses, si peu en rapport avec ce que consomme un
toxicomane, que cela revient à poursuivre la politique de tolérance zéro de
Saakachvili, si destructrice.»
Le docteur Sikharoulidzé fait ici allusion à la politique de
l'ex-président Mikhaïl
Saakachvili (2004-2013),
qui avait fait grimper la population carcérale géorgienne de 7 000 à
23.600. L'héroïne avait disparu du territoire géorgien, mais les toxicomanes
étaient passés à des stupéfiants concoctés avec des produits achetés en
pharmacie. Comme le Krokodil ou le Vint, cocktails terriblement
destructeurs. Pour «tenir» les prisons surpeuplées, le pouvoir avait recouru à
la violence. Deux semaines avant les parlementaires d'octobre 2012,
l'opposition emmenée par l'oligarque Bidzina
Ivanichvili avait publié des
vidéos prouvant les abus,
voire des tortures, dans les geôles géorgiennes, ce qui avait scellé la défaite
de Saakachvili.
«Ce que nous demandons, ce
n'est pas seulement la dépénalisation. C'est aussi une politique globale, de la
prévention à la réhabilitation»
David Otiachvili, du
think-tank Alternative Georgia
«L'actuel gouvernement s'est bâti une légitimité sur le bon traitement
des prisonniers. Mais au fond, il poursuit la même politique en matière de
drogue. Avec par exemple des tests d'urine pratiqués sur la base de critères
hyperflous», martèle Paata Sabelashvili, dans son style précis et «guerrier» de
militant. Le nombre de détenus en Géorgie a toutefois baissé, à 9000
aujourd'hui, dont un tiers pour crimes liés à la possession ou au commerce de
drogues, du fait d'aménagements législatifs et d'une police qui ferme parfois
les yeux.
Plus tôt dans la journée, depuis son bureau du Parlement, Dimitry Khoundadzé,
député de la majorité, s'était défendu d'être contre la loi: «Notre société est
si fragilisée, la démographie si déclinante, le chômage si haut, qu'il faut
bien examiner les choses avant de la voter. C'est trop facile de dire, allez,
on dépénalise tout. Les ONG de la plateforme veulent fixer à 400 mg la
dose d'héroïne en deçà de laquelle on dépénalise. Moi, je dis que 200 mg
ça suffit. Les trois quarts de mon parti sont de mon avis.»
Lorsqu'on lui rapporte ces propos le soir même, au milieu de la foule et
de l'entêtante musique, David Otiachvili, du think-tank Alternative Georgia,
nous «rappelle» que le résultat de la tolérance zéro, c'est qu'aujourd'hui
50.000 de ses compatriotes s'injectent de la drogue et que le pays a un des
plus hauts taux de prévalence au monde. «Ce que nous, la plateforme, demandons,
ce n'est pas seulement la dépénalisation. C'est aussi une politique globale, de
la prévention à la réhabilitation. Mais rien n'est acquis: les préjugés sont
forts et la mémoire des années 1990 est forte, époque où énormément de jeunes
sont morts d'overdose», relève-t-il.
«Il faut développer une
politique de la drogue telle qu'elle protégera les jeunes»
L'archidiacre Demetré
Malgré tout, le débat s'est imposé sur la place publique. «Des mouvements
comme Tetri Kmaouri ne représentent qu'une infime partie de la société, mais
ils savent se défendre grâce à un militantisme déterminé et créatif. Ils
parlent pour la majorité silencieuse des drogués, que la police réprime à sa
guise», affirme le Dr Sikharoulidzé. Un sondage montre que 57 % des
3,7 millions de Géorgiens seraient contre l'emprisonnement pour la prise
de drogue.
Les pouvoirs, politique comme spirituel, se trouvent en porte-à-faux.
L'Église nationale, qui parle volontiers des toxicomanes comme d'une «honte
pour la société», vient de faire montre de charité en la matière. Le
6 janvier, dans l'atmosphère saturée d'encens et de tiares dorées,
l'archidiacre Demetré a surpris tout le monde en lisant la traditionnelle
«épistolé» du Noël orthodoxe dédiée cette année à cette «lourde maladie». «Il
faut développer une politique de la drogue telle qu'elle protégera les jeunes»,
a-t-il scandé, de sa voix profonde et monocorde. Mais deux jours plus tard,
d'autres clercs envoyaient le message opposé, tout en menaçant d'organiser des
manifestations contre le projet de loi.
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128 mineurs étrangers livrés au froid dans les rues de la
capitale (09.02.2018)
Des avocats ont saisi le procureur de la République de Paris sur la
situation « très préoccupante » de ces jeunes isolés.
Le grand froid vient s'ajouter au casse-tête de l'accueil des mineurs
étrangers isolés à Paris. Jeudi,
des avocats ont adressé un signalement au procureur de la République de Paris, François Molins, et au parquet en
charge des mineurs, pour alerter de la situation «très préoccupante» de 128
mineurs isolés «en danger» dans la capitale alors que la France est touchée par
une nouvelle
vague de froid.
«De nombreux mineurs non accompagnés […] se trouvent actuellement livrés
à eux-mêmes dans les rues de Paris, sans abri, par des températures négatives,
et de ce fait exposés à un danger grave et immédiat pour leur santé physique et
psychique», alertent dans leur courrier Catherine Delanoë-Daoud et Isabelle
Roth, du pôle mineurs non accompagnés du barreau de Paris, et Emmanuel Daoud,
membre du Conseil de l'ordre de Paris. Ces jeunes, des garçons pour la plupart,
seraient âgés de 13 à 17 ans. «Nous avons arrêté la liste à 128 noms parce
qu'il fallait envoyer le signalement, mais ils sont bien plus nombreux, avance
Me Delanoë-Daoud, qui a fondé cette liste sur les remontées des associations de
terrain. D'après les responsables des maraudes, plus de 300 jeunes sont
actuellement sans solution de prise en charge. Certains sont hébergés grâce à
des associations ou accueillis quelques nuits par des Parisiens solidaires,
mais d'autres dorment dehors.»
«Le 115, qui est également
débordé, refuse de les prendre. Souvent, ils ont entamé une procédure de
recours, mais, en attendant, ils ne rentrent dans aucun dispositif»
Corinne Torre, responsable de la mission France de MSF
La question de l'évaluation de la minorité de ces jeunes migrants est au
cœur de ce problème d'hébergement. S'ils sont reconnus mineurs, ils doivent
être mis à l'abri et pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance, une
compétence du département. S'ils sont déboutés de leur demande et considérés comme
majeurs, on les renvoie vers les dispositifs d'hébergement d'urgence dédiés aux
adultes, comme le 115, qui dépendent de l'État. Or, selon Me Delanoë-Daoud,
depuis plusieurs mois, un certain nombre de jeunes «n'accèdent pas à un
véritable entretien d'évaluation», malgré le récent doublement des équipes
d'accueil, et sont laissés à la rue.
Au Havre, des associations ont dénoncé une situation similaire.
Médecins sans frontières (MSF) évoque également de nombreux jeunes qui ne sont
pas reconnus mineurs, mais qui possèdent des papiers indiquant qu'ils ont moins
de 18 ans. «Le 115, qui est également débordé, refuse de les prendre. Souvent,
ils ont entamé une procédure de recours, mais, en attendant, ils ne rentrent
dans aucun dispositif», dénonce Corinne Torre, responsable de la mission France
de MSF. Depuis un mois, l'association a réservé 50 chambres d'hôtel
supplémentaires pour faire face à l'urgence. Du côté de la mairie de Paris,
Dominique Versini, adjointe chargée de la solidarité, déplore ne pas avoir reçu
la liste de ces jeunes établie par les avocats. «Les mineurs non accompagnés
sont tous pris en charge immédiatement. C'est la loi», défend-elle. Et de
rappeler que, avec cette vague de froid, la mairie a ouvert «près de 700 places
d'hébergement pour les personnes sans abri depuis une semaine», dans des sites
municipaux. «S'il faut davantage de places pour les jeunes majeurs, c'est à
l'État d'agir», pointe-t-elle. Une fois de plus, État et département se
renvoient donc la balle sur l'épineuse question des jeunes étrangers isolés.
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Allemagne: manifestation kurde contre l’offensive turque en
Syrie (27.01.2018)
Manifestation de Kurdes anti-Erdogan le 26
janvier 2018 à Berlin Photo John MACDOUGALL. AFP
Allemagne: manifestation kurde contre l’offensive turque en Syrie
Au moins un millier de kurdes manifestaient samedi à Cologne, dans
l’ouest de l’Allemagne, pour protester contre l’offensive turque visant une
milice kurde dans le nord de la Syrie, alors que Berlin redoute une importation
du conflit dans le pays.
La police de Cologne a avancé le chiffre provisoire d’un millier de
personnes au début de la manifestation, peu après 09H00 GMT. Selon un
journaliste de l’AFP, ils étaient plusieurs milliers.
Les organisateurs ont tablé sur environ 20.000 personnes pour ce
rassemblement sous haute surveillance qui sera encadré par plus de 2.000
policiers afin d’éviter tout débordement.
Les «risques de conflit sont considérables», a prévenu le chef de la
police de Cologne, Uwe Jacob.
Les manifestants, rassemblés place Ebert, dans le centre de Cologne,
brandissaient des pancartes réclamant la «Liberté pour le Kurdistan» ou
d’autres proclamant «Honte à toi, l’Europe», selon un journaliste de l’AFP.
Une manifestation dans le nord du centre-ville était ensuite prévue.
Ankara a lancé samedi ses troupes dans l’enclave d’Afrine, dans le
nord-ouest de la Syrie, contre les Unités de protection du peuple (YPG), une
milice kurde jugée terroriste par Ankara mais soutenue par Washington dans le
cadre de la coalition contre le groupe Etat islamique (EI). Et vendredi, le
président turc, Recep Tayyip Erdogan, a promis d’intensifier l’offensive, en
dépit des appels internationaux à la retenue.
Depuis, l’inquiétude monte en Allemagne, où les autorités redoutent une
importation du conflit sur leur territoire où vivent environ un million de
kurdes et quelque 3 millions de personnes turques ou d’origine turque, ce qui
en fait la plus grande diaspora turque dans le monde.
Des échauffourées entre membres des deux communautés et des actes de
vandalisme contre des mosquées turques ont d’ores et déjà eu lieu ces derniers
jours.
«La Turquie a commencé une guerre d’agression contraire au droit
international», a martelé samedi le co-président de la Communauté kurde
d’Allemagne, Mehmet Tanriverdi, dans le journal régional Heilbronner Stimme.
L’appel à manifester contre l’offensive turque avait été lancé par
Nav-Dem, une association jugée par les services de renseignements allemands
comme proche du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), classé parmi les
organisations terroristes par les Etats-Unis et l’Union européenne et interdit
depuis 1993 en Allemagne.
NDDL: des milliers d'opposants fêtent l'abandon du projet
(10.02.2018)
«Un jour de fête!» Des milliers d'opposants défilaient samedi sur la
ZAD de Notre-Dame-des-Landes pour célébrer l'abandon du projet quinquagénaire
d'aéroport et réaffirmer leur détermination à gagner une deuxième bataille:
celle de la gestion collective des terres. Au son de fanfares et dans une
ambiance bon enfant, les manifestants de tous âges, munis de bottes ou de
chaussures de randonnée, se sont élancés d'un pas tranquille sur les chemins de
la ZAD, un vaste territoire de bocage de 1650 hectares.
Un triton géant crêté et des tracteurs transformés en chars ont pris part
à ce défilé «carnavalesque», qui s'est élancé vers 13h30, en deux cortèges
distincts, sous un ciel menaçant. À 14h30, 8000 personnes étaient
présentes sur le site, selon la préfecture. «C'est un jour de fête! On voulait
célébrer ça avec ceux qui se sont battus et les remercier pour cette victoire»,
lance Michèle Roux, 62 ans, partie «à 01 heure du matin» de Dordogne.
Annoncé le 17 janvier par l'exécutif, l'abandon du nouvel aéroport nantais est
devenu définitif vendredi avec l'expiration du décret qui le déclarait
d'utilité publique (DUP), signé il y a dix ans.
«C'est un jour de fête ! On voulait célébrer ça avec ceux qui se sont
battus et les remercier pour cette victoire», lance Michèle Roux, 62 ans,
partie «à 01H00 du matin» de Dordogne. Pour célébrer cette «victoire après
une bataille de plus de cinquante ans», les anti-aéroport ont prévu une «fête
démesurée». Dans une ambiance carnavalesque, des milliers de personnes doivent
déambuler dans la ZAD, accompagnées de fanfares et de chars, et festoyer jusque
tard dans la nuit, autour de cinq scènes musicales. «Ce sera une fête
grandiose, inouïe, hors norme. Comme la lutte», prédit Geneviève Coiffard,
membre de la Coordination des opposants, qui regroupe une soixantaine de
structures, associations, syndicats et partis politiques.
Le point d'orgue de cette mobilisation était attendu vers 15 heures, dans
un champ de la ferme de Bellevue, occupée depuis janvier 2013 par un collectif
de paysans anti-aéroport, où sera brûlée une grande effigie de l'aéroport de
Notre-Dame-des-Landes.
Après l'abandon, reste à gérer les centaines de militants qui occupent
depuis plusieurs années une partie des terrains de ce vaste bocage de 1650
hectares qu'ils considéraient comme une "zone à défendre" (ZAD).
Ces écologistes et altermondialistes, qui militent désormais pour une
gestion collective de l'usage des terres, entendaient samedi envoyer un message
à l'État avant l'ouverture des négociations sur le devenir agricole du site.
Calais est en proie aux violences attisées par les passeurs
(02.02.2018)
REPORTAGE - Après les rixes qui ont fait cinq blessés par balle jeudi, le
ministre de l'Intérieur, après une visite sur place, a annoncé l'arrivée de
nouveaux renforts pour rétablir l'ordre.
Calais
n'avait pas connu un tel accès de violence depuis plusieurs mois. Pourtant, la pression migratoire est sans
rapport avec celle de 2016, avant le démantèlement de la «jungle» où vivaient
plus de 8000 migrants. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 500 à 800 Afghans,
Érythréens et Soudanais à errer dans la ville, dans l'espoir de rejoindre
clandestinement l'Angleterre. Aujourd'hui comme hier, ils se regroupent par
nationalité sans trop se mélanger, sauf aux heures de repas distribués dans
plusieurs endroits de Calais par l'Auberge des migrants, Utopia 56 et
l'association Salam. C'est l'une de ces distributions qui a viré à l'affrontement
intercommunautaire. Jeudi, une rixe entre des Afghans et des Érythréens a fait
22 blessés dont 5 par balle. Quatre de ces derniers sont en urgence absolue,
dont un pour qui le pronostic vital est engagé.
Vendredi, quatre Érythréens étaient toujours entre la vie et la mort. «On
a atteint un degré de violence inédit», a
déclaré Gérard Collomb au soir de cette rixe sanglante. Le ministre de l'Intérieur s'est rendu sur
place dans la nuit de jeudi à vendredi, informé par le préfet du Pas-de-Calais,
Fabien Sudry, du niveau de tension extrême qui régnait autour de la ville.
Vendredi matin, la police judiciaire de Lille a effectué des relevés sur
les lieux de la fusillade, assistés par la brigade mobile de recherche de la
Police aux frontières (PAF) de Calais. Mais la cause de ces affrontements
laisse peu de place au doute quant à l'implication de passeurs. «Ça ressemble à
un règlement de comptes, explique une source judiciaire. Le secteur où s'est
produite la fusillade est plutôt contrôlé par des filières afghanes. Il se peut
que les Érythréens, majoritaires dans le Calaisis, aient tenté de s'imposer par
le nombre sur des parkings contrôlés par des passeurs afghans.»
«La venue de Gérard Collomb
était nécessaire car nous sommes face à un vrai enjeu de sécurité publique»
Pierre-Henri Dumont, député Les Républicains
Un Afghan de 37 ans, soupçonné d'être l'auteur des coups de feu, était
activement recherché. «Aujourd'hui, on voit qu'il y a des chefs de bande qui
entraînent autour d'eux. Ces réseaux-là doivent être démantelés», a martelé le
ministre de l'Intérieur, vendredi matin devant la presse à Calais.
Les premières échauffourées, en début d'après-midi, en ont provoqué
d'autres: vers 17 heures, une centaine de migrants africains ont parcouru
les environs de la ville armés de bâtons et de pierres pour en découdre avec
des Afghans. Une nouvelle confrontation sera évitée de justesse à Marck, à 5
kilomètres de Calais, par la police qui s'interpose entre les deux groupes. Le
calme finit par revenir dans la soirée, mais le bilan est lourd. Et le signal
potentiellement désastreux pour le gouvernement, qui a fait du rétablissement
de l'ordre public à Calais une priorité dans sa gestion de la crise migratoire.
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Bouchart: «Yann Moix est la honte du service public, et non pas Calais la honte
de la République»
En ce sens, le déplacement immédiat de Gérard Collomb sur place est bien
perçu. «On voit que le ministre a pris la mesure de la situation, il y a une
vraie évolution depuis son arrivée Place Beauvau», estime-t-on au cabinet de la
maire (LR) de Calais, Natacha Bouchart. Un sentiment partagé par le député Les
Républicains, Pierre-Henri Dumont: «Sa venue était nécessaire car nous sommes
face à un vrai enjeu de sécurité publique.»
«Le fait que des armes
circulent chez les migrants est tout à fait inacceptable»
Cabinet de Natacha Bouchart
Mais le format de cette visite expresse a ses limites. Gérard Collomb a
annoncé le renfort d'un escadron de gendarmes mobiles et d'une compagnie de
CRS, et a affiché son soutien aux élus, aux forces de l'ordre et à la sécurité
civile. Mais les acteurs locaux attendaient aussi des mesures concrètes pour
qu'un tel débordement de violence ne se reproduise plus. «Le fait que des armes
circulent chez les migrants est tout à fait inacceptable», souligne-t-on au
cabinet de Natacha Bouchart. La maire a par ailleurs appelé à ce que le projet
de loi immigration, présenté le 21 février en Conseil des ministres,
intègre une mesure pour «expulser» les migrants impliqués dans ce type de
rixes.
Les critiques portent aussi sur la gestion des migrants dublinés ou
déboutés du droit d'asile. Les cinq Centres
d'accueil et d'examen des situations (CAES), créés par Gérard Collomb dans le Nord et le Pas-de-Calais pour mettre à
l'abri les migrants, peinent à attirer les volontaires. «On voit que ce système
ne fonctionne pas», estime Pierre-Henri Dumont. «Il faut que tous soient
conduits dans les centres d'accueil, sous la contrainte si nécessaire.»
La responsabilité de certaines associations dans l'ancrage des migrants à
Calais a été largement pointée par le ministre de l'Intérieur. «Je fais appel
au bon sens des associations, il ne peut pas y avoir d'organisation sauvage des
repas», a-t-il dit, estimant que «ce type d'attroupement mène à de graves
troubles à l'ordre public». Mais pour l'Auberge des migrants, Utopia 56 et le
Secours catholique, la cause des tensions se trouve plutôt dans la pression
policière exercée sur les migrants. «Ils vivent dans des conditions terribles,
souligne Loan Torondel de l'Auberge des migrants. Ils sont pourchassés par les
policiers, on leur refuse l'accès à l'asile, on leur refuse le droit à un abri
digne ou de reposer en paix… Avec un tel traitement, n'importe qui finit par
devenir fou.»
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alimentaire aux migrants
Elle l'accueille pour la nuit, il l'agresse (06.02.2018)
Un homme a été interpellé dans le XIe arrondissement de Paris cette nuit,
après avoir poignardé une femme qui lui avait offert l’hospitalité, selon les informations
du Parisien.
C’est sa voisine qui a alerté la police vers 23h après avoir reçu un sms
d’alerte de la victime. Une fois les policiers de la brigade anti-criminalité
sur place, ils enfoncent la porte du logement située au quatrième étage et
arrête le suspect. La victime est découverte, très grièvement blessée. Elle a
reçu quatre coups de couteau au cou, à la poitrine, au bras et à l’épaule.
Encore consciente, la victime a expliqué que son agresseur avait toqué à
plusieurs portes pour demander l’hospitalité et se protéger du froid. Elle
l’avait alors accueilli. Elle a été transportée à l’hôpital de la
Pitié-Salpêtrière entre la vie et la mort.
Pascal Bruckner : «Tariq
Ramadan rêvait d'une conquête pacifique de l'Europe» (05.02.2018)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Sans
préjuger de son avenir judiciaire, l'écrivain décrit l'islamologue comme un
redoutable prédicateur devenu maître dans l'art du double discours.
Si Bruckner ne veut rien dire de
l'affaire qui a plongé Tariq Ramadan dans la tourmente, il connaît avec
précision les méthodes et la doctrine du prédicateur. À l'entendre, elles
méritaient à elles seules une vigilance de tous les instants. Selon lui,
l'islamologue a parfaitement intégré le progressisme européen pour mieux
l'utiliser au service d'un islam politique et radical. C'est par cette méthode
qu'il est parvenu à joindre à ses combats une partie de la gauche libérale
comme la gauche anticapitaliste.
LE FIGARO.- Si la mise en
examen pour viols de Tariq Ramadan tient de la chronique judiciaire, son impact
va bien au-delà...
Pascal BRUCKNER.- Le vrai
scandale ne réside pas seulement dans les accusations dont il est l'objet, et
qui seront ou non confirmées, il est dans les complicités idéologiques dont il
a bénéficié depuis vingt ans, dans la cécité des élites européennes à son
égard. Tariq Ramadan a vite compris qu'il fallait attaquer l'Europe par son
flanc progressiste, séduire une gauche en plein désarroi, toujours prête aux
acrobaties idéologiques pour se consoler de la perte du prolétariat alors que
les conservateurs, ancrés dans les traditions, seraient plus durs à convaincre.
Le seul homme politique qui l'ait démoli à la télévision en 2003, c'est Nicolas
Sarkozy! Il suffisait de lire ses livres ou d'écouter ses discours pour
comprendre les ambiguïtés de sa doctrine. S'il a vraiment commis les
actes décrits par ses victimes, alors ce moralisateur qui n'avait que
le mot vertu à la bouche est d'une duplicité vertigineuse. Il me fait penser au
pasteur psychopathe de La Nuit du chasseur de Charles Laughton avec Robert
Mitchum (1956). À gauche, seule Caroline Fourest avait osé l'attaquer
dans Frère Tariq paru en 2004, dénonçant le double jeu du
prédicateur, livre qui lui avait valu insultes, menaces de mort et ricanements
des esprits forts.
Vous avez débattu avec lui…
Une première fois en 2004 à
propos de la loi sur le voile islamique. Il m'avait dit: «Que faites-vous de la
pudeur des femmes?», je lui avais rétorqué: «Que faites-vous de la pudeur des
hommes? Pourquoi ne pas les coiffer d'un fichu Dior ou Hermès?» Je l'ai revu à
Genève à la fin du mois d'avril 2017: il n'avait pas modifié d'un iota ses
positions. Je lui ai demandé s'il avait réfléchi depuis 2003 à ses déclarations
insensées sur la lapidation des femmes face à Nicolas Sarkozy (il avait demandé
un moratoire!), il m'a répondu «vous n'allez pas recommencer avec ça!». Il a
aussi dans une vidéo défendu les mutilations génitales féminines au nom du
respect de la tradition. Tariq Ramadan, c'est l'homme qui a dit au moment des
attentats: «Je ne suis ni Charlie ni Paris, je suis perquisitionnable.» En
d'autres termes, qu'importent les morts, le scandale, c'est que la police tente
de traquer les terroristes. Son fond de sauce idéologique est simple: l'islam
est victime toujours et en tous lieux, quoiqu'il fasse, même quand, en son nom,
des fanatiques tuent, assassinent, massacrent.
L'AFP l'a pudiquement qualifié
de «théologien suisse». Quelle est sa place dans l'islam européen?
Il est à mon sens l'un des
leaders des Frères musulmans en Europe. Celui de la reconquête pacifique de
l'Europe par la prédication après la perte de l'Andalousie en I492 et la
défaite des armées ottomanes devant Vienne en I683. Ramadan a su concilier avec
talent la rhétorique anticapitaliste sans sacrifier la doctrine islamiste. Il
est un télévangéliste en terre infidèle, capable de donner des gages aux Kafir
(«mécréants») pour mieux avancer ses pions. Élégant, éloquent, il a été l'homme
de la synthèse entre une interprétation rigoriste de sa religion et un
accommodement avec les incroyants.
«L'aveuglement des
Anglo-Saxons sur l'islam politique est effrayant»
Tel un miroir, il réfléchissait
chaque fois l'opinion de ses interlocuteurs, accordant à chacun ce qu'il en attendait.
Il se donnait même la générosité de défendre le christianisme (notamment les
crèches dans les mairies) tout en expliquant que la France était d'ores et déjà
un pays musulman. En
février 2016, au congrès de l'UOIF, il proclamait: «La France est
une culture maintenant musulmane. La langue française est une langue de
l'islam. Vous avez la capacité culturelle de faire que la culture française
soit considérée comme une culture musulmane parmi les cultures musulmanes.»
C'est toute l'habileté des Frères musulmans par rapport aux djihadistes que de
défendre la patience, l'entrisme, le combat culturel, la démographie, le djihad
par la persuasion.
Il a été le conseiller de Tony
Blair…
L'aveuglement des Anglo-Saxons
sur l'islam politique est effrayant. Pour eux, la religion du prophète est
parfaite, le terrorisme n'a rien à voir avec elle. Aux États-Unis comme en
Angleterre, attaquer Tariq Ramadan vous valait encore récemment une accusation
de racisme. Aujourd'hui même, la «féministe» Joan Scott et l'éditorialiste
au New Yorker Adam Shatz, tous deux francophobes rabiques,
osent écrire que le procès intenté à Ramadan flatte l'«islamophobie» des
Français. Souvenons-nous que l'université d'Oxford lui a attribué une chaire
(payée par le Qatar). En France, la gauche de la gauche s'est également
fourvoyée à ses côtés: Alain Gresh, ancien directeur du Monde
diplomatique, Edgar Morin sans oublier Mediapart totalement
inféodée et qui tente aujourd'hui, de dénégations en contre-feu, de s'en
dégager.
» LIRE AUSSI - UOIF,
Frères musulmans, salafisme: le dessous des cartes
Il faut reconnaître à Tariq
Ramadan un talent indéniable: il est capable de lancer la pire perfidie avec le
sourire et de jouer avec finesse sur la nature humaine. Il s'agissait presque
d'un phénomène d'envoûtement. Je me souviens d'une vidéo éloquente, lors d'un
meeting contre «l'islamophobie» quelques jours après les attentats de Charlie
et de l'Hyper Cacher. Ramadan accueillait Edwy Plenel sous les applaudissements,
l'inondait de compliments et Plenel se contorsionnait, ronronnait comme un
vieux matou. J'ai admiré ce savoir-faire. Flatterie et caresse, emprise et
magnétisme. Mohamed Louizi, cet ingénieur qui vient de publier une note
passionnante pour laFondapol, a quitté Mediapart pour son
allégeance aux Frères musulmans.
La une de Charlie sur Ramadan
au mois de novembre leur avait valu insultes et menaces…
Charlie a été un formidable
révélateur d'une certaine gauche qui ne sait plus à quel intégriste se vouer
pour imaginer un avenir radieux. L'offense faite au prêcheur puis la semaine
suivante la remise en cause d'Edwy Plenel, coupable
de n'avoir rien dit et rien vu, a poussé ce dernier à la faute et à se
comparer aux résistants de la Seconde Guerre mondiale contre Vichy. Le monde à
l'envers! Après quoi nous avons vu la pétition des 150 pour défendre Mediapart :
Thomas Piketty, Caroline de Haas, Edgar Morin, entre autres. Quelle misère!
L'éclipse de Ramadan, qui n'a aucun successeur digne de ce nom - Marwan
Muhammad du CCIF (Comité contre l'islamophobie en France), n'a ni son talent ni
sa combativité - est une catastrophe pour le courant fondamentaliste comme pour
l'ultra-gauche, tous deux orphelins de leur gourou. Les «rouges verts» sont en
deuil. C'est aussi une excellente nouvelle pour l'islam de France, enfin
débarrassé de ce faux prophète: le prédicateur Tariq Ramadan n'était pas moins
dangereux que le (présumé) prédateur.
* Auteur notamment de Un
racisme imaginaire, Grasset, 2016 .
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