lundi 5 février 2018

Tariq Ramadan

Tariq Ramadan a payé une femme pour qu’elle taise leur « relation » (04.04.2018)
Affaire Ramadan: une des plaignantes agressée par des hommes masqués (03.04.2018)
Tariq Ramadan accusé d'avoir menacé le jury pour obtenir sa thèse (10.03.2018)
>Pascal Bruckner : «Tariq Ramadan rêvait d'une conquête pacifique de l'Europe» (05.02.2018)
Anne Sinclair reçoit une vague de soutiens après son tweet sur l'affaire Tariq Ramadan (05.02.2018)
Tariq Ramadan : le récit de celle qui a fait basculer l’affaire (02.02.2018)
Comment Tariq Ramadan envoûtait ses élèves (10.11.2017)
Tariq Ramadan, l’idéologue derrière le professeur (09.11.2017)
L’islam et les tartufes (09.11.2017)
La gauche genevoise sonnée et mutique (09.11.2017)
L’islam et les tartufes (09.11.2017)
A Genève, la défense calculée de Tariq Ramadan (08.11.2017)
Accusations de viol et d'agression sexuelle : l'étau se resserre sur Tariq Ramadan (30.10.2017)
Tariq Ramadan accusé de viol : « Il m’a étranglée si fort que j’ai pensé que j’allais mourir » (30.10.2017)
Tariq Ramadan, un intellectuel de l'islam controversé (30.10.2017)
Tariq Ramadan, l’image fracassée (29.10.2017)
Une victime présumée de Tariq Ramadan : «Il a abusé de mes faiblesses» (28.10.2017)
Une deuxième femme accuse Tariq Ramadan de viol (27.10.2017)

Tariq Ramadan a payé une femme pour qu’elle taise leur « relation » (04.04.2018)
Majda Bernoussi, une Belge d’origine marocaine, dénonçait sur Internet l’« emprise psychologique » qu’avait l’islamologue sur elle.
Le Monde.fr avec AFP | 04.04.2018 à 21h43
L’islamologue Tariq Ramadan a passé en 2015 un accord avec une Belge d’origine marocaine pour qu’elle cesse, en échange de 27 000 euros, ses révélations publiques sur leur « relation », a fait savoir la justice belge, mercredi 4 avril, confirmant des informations parues sur le site d’information français Mediapart et dans l’hebdomadaire belge Le Vif.
Une contrepartie financière de 27 000 euros
En mai 2015 a été prononcé à Bruxelles un jugement public entérinant un accord entre Majda Bernoussi et Tariq Ramadan. Cette dernière, qui ne l’accusait pas de viol, dénonçait en revanche sur Internet son emprise psychologique et une relation destructrice.
L’accord « prévoit que Majda Bernoussi retire ses publications sur le Web et cesse d’en publier de nouvelles, moyennant une somme d’argent donnée par Tariq Ramadan », a rapporté à l’AFP Luc Hennart, président du tribunal de première instance de Bruxelles.
Les deux parties ont promis de ne plus avoir de contacts, et Majda Bernoussi de « ne plus envoyer des messages injurieux et/ou menaçants » à l’islamologue suisse et à « ses proches », faute de quoi elle devrait s’acquitter de « dommages et intérêts de 500 euros par violation », écrit Mediapart.
La convention comporte une contrepartie financière, selon Mediapart. Tariq Ramadan s’est engagé, « à titre transactionnel », à lui verser une somme totale de 27 000 euros : 15 000 euros sous la forme d’un premier paiement de 3 000 euros puis de mensualités de 1 500 euros, qui viennent s’ajouter à 12 000 euros déjà payés à l’occasion « d’une précédente convention ».
« Les montants avancés par Mediapart correspondent à la réalité », a confirmé M. Hennart.
Ramadan visé par trois plaintes pour viol
Tariq Ramadan, 55 ans, qui a longtemps été une figure médiatique et influente de l’islam en Europe, est incarcéré en France depuis sa mise en examen pour viols, en février, dans l’enquête ouverte à la suite des plaintes de deux femmes à la fin d’octobre.
Au début du mois de mars, une troisième femme a porté plainte, disant avoir subi de multiples viols entre 2013 et 2014. Tariq Ramadan conteste ces accusations.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/04/04/tariq-ramadan-a-paye-une-femme-pour-qu-elle-taise-leur-relation_5280749_3224.html#KtXGucFCh2k3tFWI.99

Affaire Ramadan: une des plaignantes agressée par des hommes masqués (03.04.2018)
 03/04/2018 à 16h03

Tariq Ramadan fait l'objet de trois plaintes pour des violences sexuelles. - AF

Bas du formulaire
Les faits se seraient déroulés le 25 mars dans le hall de l'immeuble de cette femme de 45 ans qui a porté plainte au début du mois pour des faits de violences sexuelles remontant à 2013 et 2014.
La troisième plaignante dans l'affaire Tariq Ramadan, surnommée "Marie" dans les médias, a déposé plainte la semaine dernière pour coups et menaces de mort. Cette femme affirme, auprès de BFMTV, avoir été agressée dans le hall de son immeuble à Lille le 25 mars dernier au soir par deux personnes.
Selon le témoignage de Marie, ses agresseurs avaient le visage dissimulé sous un casque de moto. Ces deux hommes l'auraient rouée de coups, volé son téléphone, et aspergée d'eau en la menaçant de revenir "avec de l'essence" la prochaine fois, raconte cette femme de 45 ans. Elle a déposé plainte pour "viols" le 7 mars dernier auprès du parquet de Paris contre l'islamologue suisse.
Menaces quotidiennes
La plaignante, qui a dénoncé une série de violences sexuelles subies de février 2013 à juin 2014, à Paris, Lille, Londres et Bruxelles, affirme que ses agresseurs n'ont pas mentionné le nom de Tariq Ramadan. Mais la quadragénaire y voit une vengeance après sa plainte du 7 mars alors qu'elle reçoit, depuis, des menaces quasi quotidiennement par téléphone ou sur les réseaux sociaux. 

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Selon la plainte déposée par cette femme, elle aurait fait la rencontre de l'islamologue suisse sur Facebook. Vivant une période difficile à l'époque, elle raconte avoir été mise en confiance par Tariq Ramadan, s'être confiée auprès de lui avant de subir des violences sexuelles de février 2013 à juin 2014. L'islamologue suisse est sous le coup de deux autres plaintes pour des faits similaires et mis en examen dans le cadre de ces deux affaires.
J.C. avec Alexandra Gonzalez
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Tariq Ramadan accusé d'avoir menacé le jury pour obtenir sa thèse(10.03.2018)

Selon le magazine Le Point, Tariq Ramadan a bien reçu un doctorat de lettres en islamologie arabe à l'université de Genève. Mais il aurait pour cela vivement insisté.

Tariq Ramadan, qui s'est présenté à de nombreuses reprises comme "professeur de philosophie et d'islamologie à l’université de Fribourg (Suisse)", aurait usurpé ces titres universitaires, révélait lundi 5 mars le Point. D'après l'hebdomadaire, alors que de premières informations accusant Tariq Ramadan d’être un "faux professeur" circulaient dans la presse, le député Xavier Ganioz, vice-président du Parti socialiste fribourgeois, a demandé des explications à l’université de Fribourg le 26 février dernier.

Du "forcing" pour obtenir sa thèse?

Cette dernière a affirmé que Tariq Ramadan avait simplement présenté un exposé sur l’islam une fois par semaine, à titre bénévole, et qu’il n’était ni professeur, ni même assistant. "L’université de Fribourg n’est pas responsable des titres académiques qui ont été attribués à M.Ramadan après son départ en 2004", s’est défendu le rectorat.

Dans un deuxième article publié ce samedi 10 marsLe Point va plus loin et revient sur les conditions d'obtention de sa thèse en islamologie arabe à l'université de Genève. À l'époque, Tariq Ramadan avait décidé d'étudier Hassan al-Banna, son grand-père, le fondateur des Frères musulmans. Mais selon son directeur de thèse, Charles Genequand, l'intellectuel musulman aurait fait du "forcing" pour obtenir son diplôme, comme l'explique Le Point. Charles Genequand insiste notamment sur le fait que Tariq Ramadan ne mentionnait pas dans son travail les violentes campagnes antisémites menées par la Confrérie. Il lui aurait donc demandé d'apporter de multiples corrections à son travail en 1994. Ce que l'élève aurait refusé. 

Une "théorie du complot"

Il aurait même "harcelé les membres du jury pour obtenir [sa thèse] au plus vite", précise Ian Hamel, auteur du livre La Vérité sur Tariq Ramadan Sa famille, ses réseaux, sa stratégie, qui signe également cet article du Point. Toujours selon le journaliste, il va jusqu'à "menacer un autre membre du jury, Ali Merad, professeur émérite à l'université de la Sorbonne Nouvelle Paris-III". Conséquence, trois membres du jury démissionnent. Pour se défendre, Ramadan aurait invoqué la théorie du complot. "Il se lance dans la théorie du complot: c'est parce qu'il est arabe que l'université lui refuserait sa thèse!", insiste Le Point

C'est finalement grâce au soutien du sociologue Jean Ziegler, à l'époque député socialiste au niveau fédéral, et de son épouse Erica Deuber-Ziegler, députée communiste au parlement genevois, et à leurs soutiens respectifs que l'université aurait finalement cédé. 

Une version contestée

Un second jury est alors constitué et la thèse intitulée "Aux sources du renouveau musulman. D'al-Afghâni à Hassan al-Banna, un siècle de réformisme islamique"est acceptée en 1999. Mais le jury ne lui accorde pas la mention "très honorable", "ce qui signifie en langage universitaire que les portes des facultés de Suisse sont fermées à Tariq Ramadan", indique Le Point. Mais présenter bénévolement un exposé d'une heure par semaine à l'université de Fribourg lui ouvre tout de même les portes des universités en France. 


Reste que cette version est contredite par Tariq Ramadan. Dans Faut-il faire taire Tariq Ramadan?, il assure que Charles Genequand a été désavoué. "Le doyen de l'époque et le collège des professeurs lui ont donné tort sur sa gestion du dossier et ont demandé la reconstitution d'un jury", assure-t-il. 

Pascal Bruckner : «Tariq Ramadan rêvait d'une conquête pacifique de l'Europe» (05.02.2018)
Par Vincent Tremolet de Villers
Publié le 05/02/2018 à 17h56
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Sans préjuger de son avenir judiciaire, l'écrivain décrit l'islamologue comme un redoutable prédicateur devenu maître dans l'art du double discours.
Si Bruckner ne veut rien dire de l'affaire qui a plongé Tariq Ramadan dans la tourmente, il connaît avec précision les méthodes et la doctrine du prédicateur. À l'entendre, elles méritaient à elles seules une vigilance de tous les instants. Selon lui, l'islamologue a parfaitement intégré le progressisme européen pour mieux l'utiliser au service d'un islam politique et radical. C'est par cette méthode qu'il est parvenu à joindre à ses combats une partie de la gauche libérale comme la gauche anticapitaliste.
LE FIGARO.- Si la mise en examen pour viols de Tariq Ramadan tient de la chronique judiciaire, son impact va bien au-delà...
Pascal BRUCKNER.- Le vrai scandale ne réside pas seulement dans les accusations dont il est l'objet, et qui seront ou non confirmées, il est dans les complicités idéologiques dont il a bénéficié depuis vingt ans, dans la cécité des élites européennes à son égard. Tariq Ramadan a vite compris qu'il fallait attaquer l'Europe par son flanc progressiste, séduire une gauche en plein désarroi, toujours prête aux acrobaties idéologiques pour se consoler de la perte du prolétariat alors que les conservateurs, ancrés dans les traditions, seraient plus durs à convaincre. Le seul homme politique qui l'ait démoli à la télévision en 2003, c'est Nicolas Sarkozy! Il suffisait de lire ses livres ou d'écouter ses discours pour comprendre les ambiguïtés de sa doctrine. S'il a vraiment commis les actes décrits par ses victimes, alors ce moralisateur qui n'avait que le mot vertu à la bouche est d'une duplicité vertigineuse. Il me fait penser au pasteur psychopathe de La Nuit du chasseur de Charles Laughton avec Robert Mitchum (1956). À gauche, seule Caroline Fourest avait osé l'attaquer dans Frère Tariq paru en 2004, dénonçant le double jeu du prédicateur, livre qui lui avait valu insultes, menaces de mort et ricanements des esprits forts.
Vous avez débattu avec lui…
Une première fois en 2004 à propos de la loi sur le voile islamique. Il m'avait dit: «Que faites-vous de la pudeur des femmes?», je lui avais rétorqué: «Que faites-vous de la pudeur des hommes? Pourquoi ne pas les coiffer d'un fichu Dior ou Hermès?» Je l'ai revu à Genève à la fin du mois d'avril 2017: il n'avait pas modifié d'un iota ses positions. Je lui ai demandé s'il avait réfléchi depuis 2003 à ses déclarations insensées sur la lapidation des femmes face à Nicolas Sarkozy (il avait demandé un moratoire!), il m'a répondu «vous n'allez pas recommencer avec ça!». Il a aussi dans une vidéo défendu les mutilations génitales féminines au nom du respect de la tradition. Tariq Ramadan, c'est l'homme qui a dit au moment des attentats: «Je ne suis ni Charlie ni Paris, je suis perquisitionnable.» En d'autres termes, qu'importent les morts, le scandale, c'est que la police tente de traquer les terroristes. Son fond de sauce idéologique est simple: l'islam est victime toujours et en tous lieux, quoiqu'il fasse, même quand, en son nom, des fanatiques tuent, assassinent, massacrent.
L'AFP l'a pudiquement qualifié de «théologien suisse». Quelle est sa place dans l'islam européen?
Il est à mon sens l'un des leaders des Frères musulmans en Europe. Celui de la reconquête pacifique de l'Europe par la prédication après la perte de l'Andalousie en I492 et la défaite des armées ottomanes devant Vienne en I683. Ramadan a su concilier avec talent la rhétorique anticapitaliste sans sacrifier la doctrine islamiste. Il est un télévangéliste en terre infidèle, capable de donner des gages aux Kafir («mécréants») pour mieux avancer ses pions. Élégant, éloquent, il a été l'homme de la synthèse entre une interprétation rigoriste de sa religion et un accommodement avec les incroyants.
«L'aveuglement des Anglo-Saxons sur l'islam politique est effrayant»
Tel un miroir, il réfléchissait chaque fois l'opinion de ses interlocuteurs, accordant à chacun ce qu'il en attendait. Il se donnait même la générosité de défendre le christianisme (notamment les crèches dans les mairies) tout en expliquant que la France était d'ores et déjà un pays musulman. En février 2016, au congrès de l'UOIF, il proclamait: «La France est une culture maintenant musulmane. La langue française est une langue de l'islam. Vous avez la capacité culturelle de faire que la culture française soit considérée comme une culture musulmane parmi les cultures musulmanes.» C'est toute l'habileté des Frères musulmans par rapport aux djihadistes que de défendre la patience, l'entrisme, le combat culturel, la démographie, le djihad par la persuasion.
Il a été le conseiller de Tony Blair…
L'aveuglement des Anglo-Saxons sur l'islam politique est effrayant. Pour eux, la religion du prophète est parfaite, le terrorisme n'a rien à voir avec elle. Aux États-Unis comme en Angleterre, attaquer Tariq Ramadan vous valait encore récemment une accusation de racisme. Aujourd'hui même, la «féministe» Joan Scott et l'éditorialiste au New Yorker Adam Shatz, tous deux francophobes rabiques, osent écrire que le procès intenté à Ramadan flatte l'«islamophobie» des Français. Souvenons-nous que l'université d'Oxford lui a attribué une chaire (payée par le Qatar). En France, la gauche de la gauche s'est également fourvoyée à ses côtés: Alain Gresh, ancien directeur du Monde diplomatique, Edgar Morin sans oublier Mediapart totalement inféodée et qui tente aujourd'hui, de dénégations en contre-feu, de s'en dégager.
Il faut reconnaître à Tariq Ramadan un talent indéniable: il est capable de lancer la pire perfidie avec le sourire et de jouer avec finesse sur la nature humaine. Il s'agissait presque d'un phénomène d'envoûtement. Je me souviens d'une vidéo éloquente, lors d'un meeting contre «l'islamophobie» quelques jours après les attentats de Charlie et de l'Hyper Cacher. Ramadan accueillait Edwy Plenel sous les applaudissements, l'inondait de compliments et Plenel se contorsionnait, ronronnait comme un vieux matou. J'ai admiré ce savoir-faire. Flatterie et caresse, emprise et magnétisme. Mohamed Louizi, cet ingénieur qui vient de publier une note passionnante pour laFondapol, a quitté Mediapart pour son allégeance aux Frères musulmans.
La une de Charlie sur Ramadan au mois de novembre leur avait valu insultes et menaces…
Charlie a été un formidable révélateur d'une certaine gauche qui ne sait plus à quel intégriste se vouer pour imaginer un avenir radieux. L'offense faite au prêcheur puis la semaine suivante la remise en cause d'Edwy Plenel, coupable de n'avoir rien dit et rien vu, a poussé ce dernier à la faute et à se comparer aux résistants de la Seconde Guerre mondiale contre Vichy. Le monde à l'envers! Après quoi nous avons vu la pétition des 150 pour défendre Mediapart : Thomas Piketty, Caroline de Haas, Edgar Morin, entre autres. Quelle misère! L'éclipse de Ramadan, qui n'a aucun successeur digne de ce nom - Marwan Muhammad du CCIF (Comité contre l'islamophobie en France), n'a ni son talent ni sa combativité - est une catastrophe pour le courant fondamentaliste comme pour l'ultra-gauche, tous deux orphelins de leur gourou. Les «rouges verts» sont en deuil. C'est aussi une excellente nouvelle pour l'islam de France, enfin débarrassé de ce faux prophète: le prédicateur Tariq Ramadan n'était pas moins dangereux que le (présumé) prédateur.
* Auteur notamment de Un racisme imaginaire, Grasset, 2016 .

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Anne Sinclair reçoit une vague de soutiens après son tweet sur l'affaire Tariq Ramadan (05.02.2018)
Par Chloé Friedmann | Le 05 février 2018
Après avoir retweeté le témoignage d’une victime présumée de Tariq Ramadan, la journaliste a été la cible d’insultes sexistes et antisémites sur les réseaux sociaux.
 «Hallucinant. Glaçant.» Ce sont les termes utilisés par Anne Sinclair, ce samedi sur Twitter, pour qualifier le témoignage de «Christelle», victime présumée de Tariq Ramadan, recueilli par la journaliste Marion Van Renterghem pour Vanity Fair. Deux termes qui lui valent depuis les foudres du réseau social.
Pour rappel, le théologien musulman a été mis en examen pour viols avant d'être placé en détention provisoire, ce vendredi. Dans le même temps, le susdit témoignage publié dans les colonnes de Vanity Fair, raconte la terrible soirée vécue par Christelle, enfermée, selon elle, dans la suite de l'islamologue, et victime de multiples sévices infligés par ce dernier.

Sa rencontre avec « Christelle »: l’article de @MarionVanR dans @VanityFairFR sur Tariq Ramadan. Hallucinant. Glaçant. https://twitter.com/elisabethhachet/status/959415528799469568 …

Si le tweet d'Anne Sinclair peut paraître inoffensif, il n’a pas manqué de faire réagir certains soutiens de Tariq Ramadan. Ceux-ci ont notamment attaqué la journaliste sur son passé avec Dominique Strauss-Kahn, mis en examen pour viol en 2011. Outre les commentaires sexistes suscités par le post, Anne Sinclair a également essuyé de nombreuses insultes antisémites.
Alliés
Depuis, l’ancienne présentatrice du «7 sur 7» de TF1 a reçu le soutien de membres de la sphère politique, bien décidés à contrer les propos haineux de ses détracteurs. À l’instar de l’ancien premier ministre Manuel Valls, soucieux de venir en aide à celle qu’il qualifie de «formidable journaliste» et désireux de «combattre cet antisémitisme qui gangrène notre société». Le sénateur socialiste David Assouline a également réagi sur Twitter, affirmant qu'Anne Sinclair «incarne beaucoup ce qu’ils haïssent : femme, juive, humaniste, antiraciste, intelligente, grande journaliste».

Soutien à @anne_sinclair face au déferlement d’insultes antisémites et sexistes des amis de T.Ramadan sur la toile. Elle incarne beaucoup ce qu’ils haïssent : femme, juive, humaniste, antiraciste, intelligente, grande journaliste.

À lire bien entendu..et ne pas oublier que suite à ce commentaire de @anne_sinclair il a eu un flot de tweets anonymes et de haine à son égard .Cela nous oblige plus que jamais à combattre cet antisémitisme qui gangrène notre société...et à soutenir cette formidable journaliste! https://twitter.com/anne_sinclair/status/959724997072875521 …

Un avis partagé par Henda Ayari, l’une des deux femmes qui a porté plainte contre Tariq Ramadan, et le philosophe Raphaël Enthoven qui dénonce les doubles discours : «Chers couillons qui (au motif qu'elle-même était mariée à #DSK) insultez @anne_sinclair pcq elle attaque #Ramadan, qu'auriez-vous dit si elle avait pris sa défense ? Quoi qu'elle dise, vous dénoncerez un double discours. En cela, c'est votre discours qui est double.»

Chers couillons qui (au motif qu'elle-même était mariée à #DSK) insultez @anne_sinclair pcq elle attaque #Ramadan, qu'auriez-vous dit si elle avait pris sa défense ?
Quoi qu'elle dise, vous dénoncerez un double discours.
En cela, c'est votre discours qui est double. https://twitter.com/anne_sinclair/status/959724997072875521 …

L'auteure de l'article, Marion Van Renterghem, s'est également insurgée contre «ceux qui n'existent que par leur grossièreté». Touchée par cette vague de soutiens, Anne Sinclair s’est fendue d’un tweet reconnaissant ce dimanche. Pour remercier ses alliés, et souligner l’importance d’une telle «solidarité».
Madame je suis atterrée des commentaires suite à votre post. Vous êtes tellement digne et respectable que j’ai honte pour les imbéciles qui écrivent des horreurs. Ainsi vont les réseaux sociaux. Je suis fière de vous admirer et être à votre écoute. Respect Madame

Ce sont des petits minables misogynes qui n’ont rien compris et n’existent que par leur grossièreté. Nous sommes solidaires de vous @anne_sinclair


Sa rencontre avec « Christelle »: l’article de @MarionVanR dans @VanityFairFR sur Tariq Ramadan. Hallucinant. Glaçant. https://twitter.com/elisabethhachet/status/959415528799469568 …

Vous avez mon soutien !

Je veux remercier ici tous celles et ceux qui m’ont manifesté leur soutien et leur solidarité devant un déferlement d’injures. J’y ai été très sensible.
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Tariq Ramadan : le récit de celle qui a fait basculer l’affaire (02.02.2018)

Tariq Ramadan a été mis en examen pour viols et écroué vendredi soir. Le professeur d’Oxford qui fascina une partie de la gauche et de la communauté musulmane françaises est visé par la plainte de deux femmes. L’une d’elles, « Christelle », est venue le confronter dans les locaux de la police judiciaire, jeudi 1er février. MARION VAN RENTERGHEM l’a longuement rencontrée. Nous publions ici une partie de son enquête à paraître dans la prochaine édition de Vanity Fair, en kiosque le 21 février.
Elle avait l’air d’une folle. La capuche de son manteau noir rabattue sur la tête, les yeux flous, habillée n’importe comment avec un pull informe qu’elle n’enlevait plus la nuit et un pantalon de survêtement qui aurait pu être un pyjama. Elle ne se lavait plus, ne se coiffait plus, ne se regardait plus dans la glace. Un après-midi du mois de novembre 2009, elle arrive avec sa béquille devant un commissariat de Lyon, près de chez elle. Sur le chemin, pour garder courage et ne pas changer d’avis, elle se répète en boucle la formule qu’elle est décidée à leur dire. Deux policiers sont postés à l’entrée. Elle s’approche et leur récite sa phrase comme un robot  : «  Je viens porter plainte. J’ai été violée par Tariq Ramadan. » Ils la toisent de haut en bas et s’échangent un petit regard en coin qu’elle prend pour un sourire moqueur. Elle baisse la tête, fait volte-face et repart en clopinant sur sa béquille. Après coup, elle les comprend. Comment croire que cette traînée avait été violée par un grand intellectuel, star des plateaux de télévision, si distingué avec sa barbe coupée ras et ses costumes Armani, si bel homme et si beau parleur que les plus ravissantes doivent tomber à ses pieds comme des mouches  ?
Un peu plus de huit ans après, l’annonce de la garde à vue de Tariq Ramadan lui vaut des SMS de félicitations. Nous avions rendez-vous quelques semaines plus tôt dans la ville du Sud où elle se cache et elle me racontait ce premier dépôt de plainte raté. Je l’ai vue arriver de loin, dissimulée derrière ses grosses lunettes de soleil et toujours appuyée sur une béquille. Un vieil accident de voiture lui a écrasé la rotule droite, puis une chute dans les escaliers a achevé de la déglinguer. «  J’apprends à vivre avec la douleur  », lance-t-elle tandis que nous nous dirigeons lentement à pied vers la grande place.
Une fois installée au café, elle paraît solide, presque gaie. Une force de la nature, dirait-on, s’il n’y avait parfois ces yeux qui s’embuent, cette bouche qui se fige sans pouvoir continuer. Devant un croque-monsieur, elle pose à plusieurs reprises la question qui la poursuit depuis toutes ces années  : «  Pourquoi moi  ?  » Elle ajoute  : «  Et dire que j’ai cru en sa sincérité. Ma naïveté paraît ridicule, je sais. Je me suis fait avoir comme une débutante, mais c’était retors et ficelé comme un scénario bien rodé.  »Elle raconte tout, photos, échanges écrits et documents à l’appui – e-mails, SMS, images qu’elle fait défiler sur son portable. On parle pendant près de six heures, la première fois. D’un coup, son visage se plisse de douleur. Elle craque. «  J’arrête là. Je ne peux plus.  » Elle sanglote. «  Il m’a salie. Pour toute ma vie, je serai celle qui s’est fait pisser dessus. C’est cette honte qui m’a réduite au silence pendant des années.  »
Jusqu’ici, elle était restée sans visage. Les médias l’ont affublée d’un pseudonyme qu’elle ne s’est pas choisi, «  Christelle  ». Le 27 octobre 2017, elle a à son tour porté plainte pour viol, une semaine après Henda Ayari, qu’elle n’a jamais rencontrée. Celui qu’elles accusent n’est pas n’importe qui : un brillant intellectuel suisse, enseignant à Oxford et né dans une famille notable d’Égyptiens immigrés à Genève, un prédicateur en vogue à l’idéologie controversée qui fut l’icône d’une partie de la gauche, de la communauté musulmane et de la galaxie antisystème françaises, pour ne pas dire un maître à penser  : Tariq Ramadan. La condamnation qu’il encourt n’est pas seulement judiciaire. L’homme qui harangue les foules depuis plus de trente ans pour prêcher la vertu et l’exemplarité de la pratique islamique apparaît en décalage total avec son magistère religieux, intellectuel et moral.
Au café de la place, Christelle me décrit la chambre où a eu lieu «  la scène  », un jour de l’automne 2009 à l’hôtel Hilton de Lyon. La date se retrouve facilement. Le programme annonçant la conférence avec Tariq Ramadan dans une salle du boulevard des Canuts, le 9 octobre à 20 h 30, est toujours mentionné sur le forum «  Manifestations et conférences Solidarité Palestine  » du site de la grande mosquée de Lyon. Thème  : «  Le vivre ensemble, l’islamophobie, la Palestine  ». Selon le récit de Christelle, elle a pris un café avec Tariq Ramadan au bar de l’hôtel avant la conférence. Gêné par les regards indiscrets, celui-ci lui a proposé de poursuivre la conversation dans sa suite. «  Il m’a dit : “Il y a un bureau et j’ai des coups de téléphone à donner.”  » Il recevait, en effet, des tas d’appels de journalistes qui lui demandaient de réagir à l’attribution du prix Nobel de la paix à Barack Obama, le jour même. Ils montent donc, elle par l’ascenseur, lui par l’escalier. Dans sa jeunesse suisse, Tariq était un excellent footballeur et il est resté tonique. Christelle est entravée par sa satanée béquille et une attelle à la jambe droite. «  La chambre était un peu cachée, tout au bout d’un renfoncement du couloir, dit-elle. Quand je suis arrivée, il était déjà là.  »
Sur mon cahier, au café, je dessine un rectangle pour le lit. Elle le gribouille à coups de croix et de gros points pour indiquer le coin droit sur lequel elle s’est assise pour étendre sa jambe, la télévision en face, la bouilloire à gauche. Et là, l’homme, à qui elle tourne le dos avant de le voir, apparaît soudain, la chemise sortie du pantalon et le visage méconnaissable. «  J’étais glacée d’effroi. Il était droit comme un “i”. Il avait des yeux de fou, la mâchoire serrée qu’il faisait grincer de gauche à droite. Il avait l’air habité comme dans un film d’horreur. Terrifiant, terrifiant, terrifiant.  » Ce qui suit, explique Christelle, est d’une violence rare. Coups sur le visage et sur le corps, sodomie forcée, viol avec un objet et humiliations diverses, jusqu’à ce qu’elle se fasse entraîner par les cheveux vers la baignoire et uriner dessus, ainsi qu’elle l’a décrit dans sa plainte. Elle me montre une photo d’elle juste avant leur rencontre où elle est gironde et attrayante. Et une autre, juste après. Elle est méconnaissable. Son visage, tuméfié, a doublé de volume. Elle soupire : «  Voilà ce qui m’est arrivé.  »

Mais comment s’assurer qu’elle dit la vérité  ? Comment prouver un viol dans l’intimité d’une chambre d’hôtel où l’on est entrée de son plein gré  ? Avec l’espoir d’en savoir plus, j’ai passé un certain temps dans la salle d’attente de Me  Yassine Bouzrou, début janvier. L’avocat de Tariq Ramadan m’avait donné rendez-vous à son cabinet parisien à côté de la place Saint-Michel. Il n’est pas venu, ne s’est pas excusé et n’a plus répondu à mes messages ensuite. Au téléphone, lors d’une brève conversation pour fixer une date, il avait feint de ne pas savoir qui était Christelle. Puis : «  Ah oui  ! Vous parlez de celle qui s’est fait violer dans une chambre d’hôtel et a attendu que son violeur revienne sans appeler au secours  ?  » Son ironie dubitative donne une idée de ce qui sera une ligne de défense  : comment croire que Tariq Ramadan, marié, père de quatre enfants, érigé en musulman modèle et qui prêche la vertu islamique pour tous, donnerait des rendez-vous à des jeunes femmes qu’il n’a jamais vues pour le simple plaisir de les abuser  ? Serait-il assez fou pour risquer de perdre tout ce qu’il a construit pendant des décennies  ? Pourquoi passerait-il des mois à monter des plans alambiqués pour violer une femme avec une béquille et une attelle alors que des filles l’attendent à la sortie des conférences  ? «  Je sais, ça paraît dingue, reconnaît Christelle. Même moi j’ai du mal à y croire.  »
"PAS UN BAISER DE CINÉMA"

Tariq Ramadan, sept ans après le viol dont l'accuse l'une de ses plaignantes, « Christelle ».
© DR/ Mehdi Fedouach-AFP
Elle a les yeux pétillants, les cheveux bruns rassemblés en queue-de-cheval, un jean et un chemisier sage classiquement noué au cou par une lavallière. Elle parle vite, sans détour et sans apitoiement, avec un grand souci de la précision. Ce n’est pas une femme qu’on remarque pour sa beauté. Elle part facilement dans des éclats de rire et des moqueries, y compris envers elle-même. Par moments, elle s’effondre. Enfance dans une famille chrétienne de la classe moyenne des environs de Versailles. Une sœur aînée, une mère normande qui la traînait en poussette dans les musées, un père normando-martiniquais, cadre d’entreprise, artiste à ses heures et aux méthodes d’éducation strictes, à l’ancienne. Christelle ne fichait pas grand-chose à l’école, mais passait les étapes sans effort, surtout en maths, jusqu’au bac. À 14 ans, elle est marquée par sa lecture du Prince de Machiavel, «  pour sa lucidité froide et mathématique sur le fonctionnement des êtres humains  ». À 15 ans, par Le Discours de la méthode de Descartes et L’Art de la guerre de Sun Tzu. «  Ma sœur était en prépa HEC, je lui piquais ses livres.  »
Elle ne veut toujours pas dévoiler son nom, mais consent pour la première fois à donner une photo d’elle que nous publions. «  J’ai mes lentilles de couleur, on ne va pas me reconnaître avec ça, estime-t-elle. Si vous voyiez l’imam intégriste que vénèrent les jeunes hommes de mon quartier, vous comprendriez pourquoi je n’ai pas trop envie de montrer ma tête. Ce n’est pas de Tariq Ramadan que j’ai peur, mais des ramadiens : complètement lobotomisés et persuadés de bien faire, ils pourraient me planter un couteau au nom d’Allah.  » Ces jeunes disciples, elle dit les reconnaître à leur style «  petit bourgeois de bonne famille, barbe très courte, chemise, pull à col en V, mocassins  » – tout comme leur maître. Avant qu’elle ne parte se réfugier dans la ville où nous discutons, elle a subi leurs menaces. Elle a reconnu l’un d’eux sur une des photos transmises aux policiers, au milieu d’un petit groupe de jeunes entourant Tariq Ramadan. «  Si tu continues, tu finiras suicidée dans la Seine très vite  », lui a glissé un autre dans la rue. «  Celui-ci avait plutôt la quarantaine et m’a fait plus peur, dit-elle. C’est lui qui m’a incitée à changer de ville.  »
Comment devient-on une «  amie  » de Tariq Ramadan ? Quand Christelle fait sa connaissance, au cours de l’année 2009, il a 47 ans  ; elle, 36. Il est au sommet de son ascension et elle, au plus mal. L’accident de voiture qui l’a handicapée est le début d’une descente aux enfers. Elle qui pratiquait le sport à haute dose – athlétisme, rugby, handball, danse moderne – doit tout arrêter. Elle n’a pas d’enfant et se sépare de l’homme avec qui elle vivait dans le sud de la France. Elle grossit. Sa petite entreprise de création de sites Web périclite. Les fins de mois sont une hantise. Elle dégringole. Les rares personnes qu’elle fréquente sont des camarades d’infortune croisés au centre d’action sociale ou à la caisse d’allocations familiales. Elle se lie d’amitié avec les plus démunis  : des immigrés pour la plupart, souvent musulmans. Les femmes s’occupent d’elle, lui apportent des makrouts et des baklavas. Certaines lui glissent discrètement des prières sous la porte et lui vantent «  les joies de l’islam et de la solidarité islamique  », selon les mots de Christelle, qui ne demande alors qu’à s’y jeter. «  Va à la librairie Tawhid, lui dit une de ses nouvelles copines. Il y a tout.  » Le magasin, à Lyon, appartient aux éditions du même nom et vend, jusqu’aux moindres cassettes, les œuvres complètes du grand prédicateur. «  Il faut que tu lises Tariq Ramadan, ma sœur  », lui conseille un employé de Tawhid. «  J’avais envie d’y croire. J’étais à fond  », raconte-t-elle. Christelle a des facilités intellectuelles, un côté surdoué dont elle paye le prix  : sa capacité à lire vite et à mémoriser accélère d’autant plus sa radicalisation. Elle engloutit les livres à grande vitesse et sans modération, dort peu la nuit. «  J’ingurgitais tous les jours des paquets de hadiths et les différentes éditions du Coran en boucle, écrites et audio – et même en dormant, car il m’avait dit que ça attirait les anges protecteurs pendant mon sommeil. Il y a quelque chose là-dedans qui hypnotise. C’est monocorde, c’est lancinant comme un bruit de fond. On relit, on relit, on relit et ça te rentre dans le crâne sans que tu t’en rendes compte.  »
Elle dévore plusieurs livres de Ramadan, s’abonne à sa page Facebook pour s’informer des derniers écrits. «  Un contenu assez simpliste, une écriture parfois ampoulée. Ça se lit vite. Pas besoin de culture, c’est accessible à un maximum de monde. Ça a du charme parce qu’on croit apprendre des choses et que ses écrits sont comme ses paroles  : il y a plusieurs niveaux de lecture. Chacun peut y entendre ce qu’il a envie. On devient vite fan.  » Elle respecte les interdits qui envahissent son quotidien. Ne pas écouter de musique, ne pas sortir seule, ne pas se maquiller – «  ça, c’est pour les putes  ». Elle tente de respecter à la lettre les préceptes de La Citadelle du musulman, petit guide des prières à réciter en toutes circonstances. En 2008, elle prononce sa chahada, la profession de foi de l’islam. Pas compliqué. On peut être chez soi, il suffit de répéter trois fois la phrase sacrée : «  Il n’y a de Dieu que Dieu et Mahomet est son prophète.  » Avec le recul, elle se dit que c’était plus facile que d’annoncer : «  J’ai été violée par Tariq Ramadan.  » La voilà convertie. À l’islam, et bientôt à Tariq. «  Je n’avais plus de défense, plus rien du tout. J’étais en état de détresse, en dépression totale. Je voulais une réponse tout de suite. »
LES HONNEURS DE L'UNIVERSITÉ D'OXFORD
Le 31 décembre 2008, elle est seule chez elle. Pour égayer son réveillon, elle envoie un message collectif de bonne année à tous ses contacts Facebook. L’un d’eux lui répond immédiatement. C’est Tariq Ramadan. «  Merci, c’est très gentil. Je suis tout seul en déplacement et ça me fait plaisir.  »Christelle est sceptique. Ça ne peut pas être le grand Ramadan en personne qui lui écrit. Un chargé de com’, sans doute. Dans ses souvenirs, elle lui répond en ces termes  : «  C’est vous qui gérez votre compte  ?  » Lui  : «  Oui, c’est moi.  » Elle  : «  C’est ça, mon œil  !  » «  Si, si, c’est moi  », insiste le messager qui allume sa caméra pour lui faire voir sa tête. Elle a des doutes, prend une capture d’écran. Sur la photo, il a un œil fermé. Elle la montre à une amie qui confirme  : «  Oui, c’est bien Ramadan  !  »Commence une correspondance, puis des appels. «  Il m’apportait des connaissances continuelles sur la politique, la religion, les discriminations, la société, tout ce qui m’intéressait.  » Elle devient ramadienne, comme d’autres sont raéliens. Elle l’admire, le respecte, suit tous ses conseils, croit tout ce qu’il dit. Normal  : il la protège  ; il veut son bien. «  Ça me faisait plaisir que le plus grand érudit en islam francophone s’intéresse à moi. Il était incroyablement courtois et attentif, exigeait que je sois disponible quand bon lui semblait. Il me remontait le moral, me donnait envie de me battre – enfin, je le croyais. J’avais dix, vingt messages par jour, entre 5 heures du matin et minuit.  » Elle se remémore les plus sentimentaux  : «  “J’espère que la rosée fraîche du matin te réveille en douceur, ma princesse. J’admire ton courage.” J’étais coincée chez moi, je ne faisais que parler avec lui, il n’y avait plus que lui qui existait. C’est là qu’a commencé la descente aux enfers.  »
En ce début d’année 2009 où Christelle se débat avec la dépression, Tariq Ramadan a atteint un objectif crucial  : il est devenu respectable. Il est l’intellectuel musulman le plus connu en Europe et, honneur suprême, il est parvenu à acquérir, après avoir été «  chercheur associé  », le titre de professeur d’études islamiques contemporaines dans l’un des plus prestigieux établissements de la planète  : Oxford. Il s’est installé à l’ouest de Londres dans le paisible et cossu quartier d’Ealing, puis à Wembley, avec sa femme – une Bretonne convertie à l’islam – et leurs quatre enfants. À Oxford, Ramadan est en réalité l’obligé de l’émir du Qatar qui finance à coups de millions de dollars le Middle East Centre, un département d’études du St Antony’s College. Peu importe : c’est une splendide carte de visite pour cet islamologue perçu comme sulfureux au point d’avoir été interdit de séjour en France en 1995. Rarement un intellectuel, le sens de la parole, sa stratégie et ses objectifs cachés auront été compris de manière si opposée par les uns et les autres. De quel islam Ramadan est-il le nom  ? Certains entendent la douce musique d’un réformateur modéré, porte-parole d’une religion qui se veut adaptée au contexte européen, capable de réconcilier avec la société les jeunes immigrés en colère. D’autres décèlent, sous l’harmonie apparente, les notes musclées d’un prosélytisme intégriste. L’essayiste Caroline Fourest dénonce depuis des années le «  double discours  » du prédicateur. Les nombreux témoignages de femmes à l’encontre de Tariq Ramadan donnent une autre résonance à cette thèse. Avril  2009. Christelle et Tariq s’installent dans une conversation quotidienne, par téléphone ou sur Skype. Elle a trouvé en lui l’honnête homme cultivé et pédagogue qui convient à son désir fou d’apprendre, un guide intellectuel et spirituel, un maître. Ils parlent sans cesse islam, politique, économie. Selon ses souvenirs, Tariq lui explique que «  les frères et les sœurs doivent investir les postes-clés en médecine, en politique, à tous les niveaux  ». Et aussi qu’il lui faudra s’engager pour la cause. «  On cherche des femmes un peu cultivées capables d’écrire. Si tu es ma femme, il faudra que tu t’investisses, que tu portes le hijab.  » Il lui fait apprendre «  les cinquante fois  », le manifeste en cinquante points de Hassan Al-Banna qui dresse l’inventaire des injonctions des Frères musulmans  : «  Revoir le programme scolaire offert aux jeunes filles et s’assurer qu’il diffère de celui des garçons à plusieurs étapes de leur éducation  », «  considérer sérieusement la mise sur pied d’une police des mœurs (hisba) responsable de punir ceux qui transgressent ou attaquent la doctrine islamique  »«  donner au journalisme une orientation appropriée et encourager les auteurs et les écrivains à approfondir les sujets islamiques  »... Selon Christelle, Ramadan lui enseignait d’autres commandements «  non écrits  ». Notamment celui de «  mentir aux kouffars  » – aux non-croyants, sur le principe de la taqîya, l’art de ne pas éveiller les soupçons. Chaque fois qu’il a été interrogé sur cette éventuelle «  stratégie du mensonge  », Tariq Ramadan s’en est vivement indigné.
Certaines phrases qu’il prononçait lui reviennent en mémoire dans le désordre. Il évoque souvent son grand-père, Hassan Al-Banna, dont il parle comme d’un saint homme et dont il lui envoie des textes. Il lui propose de faire du recrutement actif auprès des kouffars. Il lui demande : «  Serais-tu prête à te battre pour Allah, pour tes frères et tes sœurs de Palestine  ?  » Christelle répond sans hésiter  : «  Oui, je suis prête à mourir pour lui.  » Elle traite de «  sale kouffar  » sa sœur, qui ne la reconnaît plus.
Septembre  2009. La relation devient plus sérieuse – au téléphone et sur Skype, toujours. Avec la pudeur d’une jeune convertie, Christelle le prévient que son objectif n’est pas de flirter, mais d’avoir une vie de couple et un enfant. D’après elle, Ramadan propose alors de l’épouser en lui assurant qu’il est «  séparé factuellement  » de sa femme – l’expression l’intrigue, sans plus. Sur Skype, il lui montre sa main  : «  Tu vois, je n’ai plus d’alliance.  » Il l’invite à venir vivre avec lui à Londres. Elle s’occupera de ses enfants. À l’entendre, il lui propose cette chose abracadabrante à laquelle personne ne croirait – sauf elle, qui n’a plus aucune distance avec ce prince charmant téléphonique  : avant de se marier devant l’imam, ils vont faire un «  mariage temporaire  » sur Skype  ! «  Il m’a dit que ses études islamiques lui donnaient le droit de le faire  », jure-t-elle. La cérémonie aurait eu lieu le 6 septembre, sur Skype. Elle me montre les captures d’écran qu’elle a prises ce jour-là («  tellement j’étais émue  »). On ne voit que le visage concentré du futur marié, ainsi que les rideaux et un aperçu du mobilier de sa chambre d’hôtel à Rotterdam où il se trouvait, juste avant une intervention publique. Une fois «  provisoirement mariée  », Christelle commence à mettre son appartement en cartons. «  Tout était prévu : il devait venir à Lyon le 9 octobre pour une conférence. Dans la foulée, on irait se marier à la mosquée de la ville – il s’était arrangé avec l’imam. Le lendemain, il repartirait pour Londres et je le rejoindrais quand j’aurais fini de tout régler. J’avais regardé le prix des billets, prévenu ma sœur, récupéré des cartons de déménagement... » Elle reste pensive. « Des mois de mensonges. Il m’a monté le bobard du siècle. Pourquoi  ? Par goût du défi  ? Par plaisir  ? Par jeu  ? Et moi, dans quel état je devais être pour tomber dans ce truc énorme  ?  »
9 octobre 2009. Christelle attend Tariq au bar en bas de l’hôtel Hilton (devenu le Marriott) qui donne sur une voie rapide le long du Rhône. Les fiancés de Skype vont se voir «  en vrai  » pour la première fois. Le récit de la jeune femme est rigoureux. Elle insiste sur chaque détail. Ce jour-là, elle a détaché ses cheveux, mis une robe noire nouée au cou par une lavallière et s’est un peu pomponnée  : «  De mes années versaillaises, j’ai gardé un style très classique  », note-t-elle. Il arrive. Pas de bise. Il s’assied, lui prend la main délicatement, la retire, sourit, lui parle d’une voix très douce. La conférence a lieu deux heures plus tard. Ils évoquent le mariage qui suivra à la mosquée. Il y a ce téléphone qui sonne à cause du prix Nobel d’Obama. Et à l’accueil, un jeune homme qui les fixe du regard. Tariq a peur des photos  : «  On va boire un thé dans ma suite, comme ça, je réponds à ma secrétaire, je prépare mes papiers et on part à la conférence. » Ils montent. Le lit, la télé, la bouilloire, la tasse, la table de nuit. La porte qu’il l’empêche d’atteindre. Coups de pied, gifles au visage, aux seins, coups de poing sur les bras et le ventre. Elle pleure. Elle hurle. Elle l’entend  : «  Plus tu vas crier, plus ça va m’exciter et plus je vais cogner donc un conseil : ferme-la. » Puis, comme dit Me Bouzrou, Christelle « attend que son violeur revienne  ». Il serait en effet parti à sa conférence en emportant les vêtements de la jeune femme dans un sac avec ces mots  : «  Sois sage. Je donne des instructions. Si tu fais quoi que ce soit, je serai immédiatement averti et ça se passera mal. » Elle reste prostrée. Elle n’en dit pas plus.

Tariq Ramadan à un rassemblement de l'UOIF au Bourguet en avril 2012.
© ABACA
LES CONSEILS D'ALAIN SORAL
Elle était amoureuse, elle devient obsédée, animée par la haine et la vengeance. L’étrange message qu’il lui adresse le lendemain ne l’apaise pas. Elle en fait une capture d’écran  : «  J’ai senti ta gêne... Désolé pour ma violence. J’ai aimé. Tu veux encore  ? Pas déçue  ? » Entre visites à l’hôpital et plainte avortée au commissariat, elle multiplie les recherches sur Internet. Le nom de Ramadan apparaît dans un arrière-monde crapoteux  : cette constellation de blogs et de sites nourris de thèses conspirationnistes sur les forces occultes du «  système  ». L’establishment leur donne les noms de «  fachosphère  » ou de «  muslimsphère  », quand eux-mêmes se désignent plus noblement comme «  la dissidence  ». Dans ce fourre-tout idéologique, les ego l’emportent sur les alliances, les rapprochements finissent en insultes, les amis d’un jour deviennent des ennemis acharnés et c’est dur à suivre. Mais un dénominateur commun tient son rang de manière persistante et sert de mot d’ordre fédérateur  : l’accusation des «  sionistes  », euphémisme pour dire la haine des Juifs sous couvert d’opposition à Israël, d’antilibéralisme et d’antimondialisme. Dans cet univers souterrain, Tariq Ramadan est parfois détesté, parfois adulé, mais souvent un point de ralliement. En tout cas, son nom est fréquemment cité.
En avril 2009, alors que la relation téléphonique entre Christelle et Tariq battait son plein, a eu lieu, au Bourget, le XXVIe congrès annuel de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF). Christelle le suit de près. Deux candidats aux élections européennes ont choisi ce lieu symbolique pour lancer la campagne de leur Parti antisioniste : le polémiste Dieudonné et Alain Soral, figure phare de l’antisémitisme et patron du site sulfureux aux millions de visiteurs, Égalité & Réconciliation. Accueillis chaleureusement au Bourget, Soral et Dieudonné sont filmés en compagnie d’un Tariq Ramadan aussi souriant qu’amical. Pour celui qui avait enfin atteint la consécration à Oxford, le film qui circule abondamment sur Internet fait désordre et il estime préférable de s’en justifier par écrit : «  Alors que je signais des ouvrages, Dieudonné et Soral sont passés devant le stand. Ils se sont arrêtés et nous avons eu un échange de quelques minutes. » Christelle lui demande naïvement  : «  Pourquoi tu n’assumes pas cette rencontre  ?  » Elle s’entend répondre  : «  Les gens ne sont pas prêts encore, pas assez éclairés. Cela pourrait porter préjudice à mon travail pour la cause. Plus tard. Je garde mes distances avec eux. Mais va voir le site de Soral, c’est le seul qui ose dire les choses sur le lobby sioniste. Il ouvre les yeux sur l’emprise que les sionistes ont sur la France. »
Christelle finit par en être convaincue. «  Ramadan me parlait toujours des sionistes, des Juifs, du dîner du Crif [Conseil représentatif des institutions juives de France], raconte-t-elle. Que tout était complot, que j’étais espionnée par les RG, que je devais reformater mon ordinateur toutes les semaines... J’ai fini parano. Les Juifs, “ils”, dirigeaient tout. Pour travailler dans les médias, la politique, le cinéma, il fallait être juif. Il disait que mes malheurs de basanée venaient de là. Il jouait une corde sensible chez moi en évoquant mes ancêtres esclaves : la traite négrière, c’était les Juifs. Les bateaux qui les transportaient, les Juifs. Il m’a rentré cette paranoïa dans le crâne.  »
Quand elle se retrouve accrochée à son écran d’ordinateur, après l’agression, Christelle tombe sur des vidéos «  anti-Ramadan  » d’Alain Soral. Allez savoir pourquoi, dans le va-et-vient irrationnel des amitiés conspirationnistes qui se font et se défont, le patron d’Égalité & Réconciliation s’est retourné contre le prédicateur. Il le décrit comme un agent de «  l’empire  », ce bloc «  américano-sioniste  » qui expliquerait les malheurs de l’humanité. Christelle lui envoie un message sur sa page Facebook avec son numéro de téléphone. Il la rappelle. «  J’ai déjà été contacté par deux autres femmes, je te crois  », lui aurait-il dit, ajoutant lors d’un autre appel  : «  J’ai besoin de tes documents.  » Christelle refuse. «  Ça, jamais ! Ils sont mon assurance vie.  » La repartie d’Alain Soral aurait alors été celle-ci  : «  Va te faire foutre pauvre paumée, sale tarée  !  » Soral n’a pas répondu à ma demande d’entretien. «  Il s’est mis à rire, poursuit Christelle. Il m’a dit  : “Rien ne sortira. J’ai contacté Ramadan.” Je ne sais pas quel accord ils ont passé.  »
Elle contacte un autre tribun de «  la dissidence  »  : Salim Laïbi, un chirurgien-dentiste marseillais qui s’était présenté aux élections législatives de 2012 dans sa ville, avec le soutien conjoint de Soral et Dieudonné. Sur son site Le Libre Penseur, dans lequel il montre sa passion de l’actualité et des grandes théories explicatives, souvent sur le pouvoir des fameux «  lobbys  », il se déchaîne contre Ramadan qu’il accuse de «  supercherie totale en matière d’islam  ». Apparemment très renseigné, il évoque souvent la sexualité peu islamique de Tariq Ramadan. En 2012, Laïbi recueille ainsi les confidences de Henda Ayari, qui prend également contact avec Alain Soral. Encore lui. «  J’avais juste besoin de me confier à quelqu’un, raconte Henda. Je recevais déjà des menaces de mort et Soral m’avait dit de prendre garde. Je me souviens de ses mots : “C’est facile de maquiller un assassinat en suicide.”  »
Découvrez la version intégrale de cette enquête dans le numéro de mars de Vanity Fair, en kiosque le 21 février ou abonnez-vous au magazine pour recevoir en avant-première toutes les investigations de Vanity Fair.



Comment Tariq Ramadan envoûtait ses élèves (10.11.2017)


Un nouveau témoignage dénonce l’ascendant psychologique exercé par l’enseignant sur ses élèves au Collège de Saussure. Cette femme est ressortie brisée de quatre ans de relation. Si les faits décrits ne sont pas pénaux, ils complètent le portrait d’un homme qui abusait de son charme

Elle aurait voulu que le limon des années recouvre la souffrance, Delphine (prénom d’emprunt). Elle aurait voulu ne plus avoir à lire son nom, Tariq Ramadan. Dans le sillage des témoignages contre l’islamologue révélés par la Tribune de Genève, une nouvelle femme s’estimant victime a décidé de rompre le silence, malgré sa peur, en souvenir de cette ancienne promesse: «J’avais décidé que je ne me battrais pas seule. Le moment est venu.»

Si Delphine est majeure à l’époque des faits et qu’elle ne dénonce aucune violence physique, elle raconte comment le charme d’un professeur s’est mué en un ascendant psychologique qui aura gâché sa jeunesse. Comment Tariq Ramadan, ce leader en devenir, qui prêchait déjà une morale rigoureuse et condamnait l’adultère, s’accordait un comportement licencieux. Un grand écart surprenant pour un intellectuel musulman qui élaborait déjà sa pensée autour de la morale et de ses préceptes religieux. Sa parole est bue aujourd’hui par des millions de musulmans – il a plus d’un million de followers sur Twitter et deux millions sur Facebook. Contactés, ses avocats genevois, Me Yaël Hayat et Me Marc Bonnant, «n’entendent pas réagir devant des instances médiatiques».


«Il me proposait son soutien, son écoute»

Collège de Saussure, début des années 90. C’est l’année des 19 ans de Delphine et de sa maturité. Elle n’a pas encore de projet d’études arrêté, elle flotte un peu. Mais le prof de français est formidablement enthousiasmant. Tariq Ramadan est un enseignant charismatique, intelligent, subtil, engagé. Si engagé qu’il «déborde du cadre», dit-elle. Il emmène ses élèves côtoyer des jeunes en difficulté à travers des projets sociaux. Le professeur invite aussi ses étudiants au restaurant, s’intéresse à leur personnalité, à leurs aspirations et probablement à leurs lignes de faille. «J’étais à cette époque rongée de doutes et je bénéficiais de peu de soutien familial, raconte Delphine. Très fin, Tariq Ramadan comprenait qui j’étais. Il me proposait son soutien, son écoute, pour m’aider à trouver ma voie.»

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«Couché sur mon lit, il m’a demandé de venir sur lui»

La chute, Delphine la connaît juste après sa maturité. Dans le flou sur son avenir, c’est elle qui recontacte son professeur. Ils conviennent d’aller dîner ensemble, il propose de passer la prendre. «Il est arrivé avec du retard, se souvient-elle. Au lieu de sortir pour discuter, il s’est couché sur mon lit et m’a demandé de venir sur lui. Il n’a pas eu besoin de me contraindre. J’étais sous son emprise, je n’ai pas pu dire non.» Car ce corps contre le sien la ramène des années en arrière, explique-t-elle. Quand, petite, un autre garçon a abusé d’elle. «Tout ce que j’avais occulté est alors remonté à ma mémoire. Je me suis dit que ça recommençait, j’étais tétanisée.»

S’ensuivent quatre ans de relation cauchemardesque, même si Delphine n’a subi ni viol, ni contrainte sexuelle. La jeune femme développe des troubles alimentaires, entreprend des thérapies, se sent perdue. Dans son désert, elle voit fréquemment Tariq Ramadan, malgré le malaise qu’il lui cause. Il débarque chez elle à l’improviste, occupe une place dans sa vie affective et psychique. Elle pense à se convertir, «car j’essayais de trouver des repères, bien qu’il ne me parlât pas de religion», elle recueille ses confidences quand il se voit interdit de séjour en France. Et, toujours, des relations intimes qu’elle ne parvient pas à refuser. «Je crois qu’il détectait la fragilité chez certaines élèves, estime Delphine. Tout en me valorisant, il critiquait toutes mes relations, me disait de me méfier de telle ou telle personne et de lui faire confiance. Si bien que je me suis isolée.»


Son psychiatre invoque «un abus psychologique grave»

Son psychiatre de l’époque, délivré par sa patiente du secret médical, a accepté d’ouvrir son dossier au Temps: «J’ai traité Delphine, qui avait 23 ans, pour une dépression très sérieuse, datant du collège. A un certain moment, elle était quasiment mutique. Je pense que Tariq Ramadan a occupé la place de figure paternelle, veillant jalousement sur sa vie, exigeant qu’elle rompe avec ses amis. A mon sens, il y a eu abus psychologique grave de personne fragile.» N’était-elle pas librement consentante? «Oui, mais son besoin d’affection était tel qu’elle ne pouvait s’en départir. Il y a, chez les enfants abusés sexuellement, une empreinte sadomasochiste qui peut refaire surface, procurant à la fois une illusion de chaleur et une culpabilité.»

Lorsque Delphine parvient enfin à rompre, elle est une femme brisée. Cinq ans plus tard, alors qu’elle s’apprête à se marier, elle s’ouvre à un prêtre catholique de cette blessure encore vive. Celui-ci s’en souvient bien: «Son témoignage était d’autant plus authentique que rien ne l’obligeait à me le confier. Elle ne nourrissait ni vengeance, ni idéologie. J’ai vu une femme fine, sensible, dont un homme a profité de la naïveté et de son admiration pour lui.»

Lire aussi notre éditorial: L’islam et les tartufes

D’autres élèves quittent le collège

Si, au fil des témoignages recueillis ou rapportés, on a l’impression que Tariq Ramadan exerçait d’abord un puissant ascendant moral, Sophie (prénom d’emprunt), elle, a su y échapper. A 16 ans, elle décide tout bonnement de quitter le collège: «Ce n’était pas seulement à cause de lui, mais cela a pesé dans ma décision.» Car l’opération charme emprunte aux mêmes ressorts que déjà décrits: «J’étais séduite intellectuellement par lui, raconte-t-elle. Il me témoignait un grand intérêt car j’aimais la littérature, et je pensais qu’il s’intéressait à ma personne.»

C’est à la faveur d’un dîner avec elle qu’il commence à insinuer: «Quand j’interroge d’autres filles en classe, je vois que tu es jalouse.» Ou encore: «Il me disait que les autres ne pouvaient pas comprendre notre relation.» Sophie ne se sent alors pas menacée par ce jeu de séduction dont elle n’imagine pas qu’il puisse devenir transgressif. «Un jour, je lui ai demandé s’il se reposait parfois. Il m’a répondu qu’il le ferait si je l’emmenais en week-end!» Sur le coup, la jeune fille l’envisage, puis se représente le côté scabreux de la situation. Elle y renonce en en parlant à une amie.


«Son rapport narcissique aux jeunes filles, je ne supportais pas»

Nous l’appellerons Hélène. Elle aussi raconte l’attrait de ce professeur hors norme, sa méthode originale d’inviter ses élèves en dehors de l’école. «Au début, j’ai trouvé ça cool. Et puis lors d’une deuxième rencontre, il m’a dit des choses bizarres. Je lui ai rétorqué qu’il devait avoir des problèmes avec son épouse. Alors, il s’est mis à pleurer, vraiment. J’ai immédiatement quitté le restaurant.» A posteriori, Hélène pense qu’elle aussi aurait pu succomber, «car c’est un âge où on est flatté que le prof nous choisisse». Elle se décrit comme «un peu paumée» à cette période, camouflant sa fragilité sous la provocation. Elle décide donc, dans le sillage de Sophie, de quitter le collège. «Ses embrouilles, son rapport narcissique aux jeunes filles, je ne supportais pas. Même si ma décision est la conséquence de nombreux facteurs.»


Un texte exalté

Il y a celles qui partent et celles qui restent. Car si l’âge est propice à la rébellion, il l’est tout autant à l’exaltation. Le Temps a retrouvé une copie d’un exemplaire du petit journal Chrysalide, distribué dans l’école, dans lequel une élève de Tariq Ramadan lui offre un texte romantique et lyrique, après un voyage humanitaire avec lui. Extraits: «Convoquant la raison pour éveiller le cœur, il a cette approche des textes qui ne permet aucune protection; une manière d’être dans la vie, à fleur de peau, qui ne laisse place à aucune négligence. […] Mais peut-être surtout m’a-t-il appris tout ce qui doit rester tu, en toute humilité. Il m’accompagne et, toujours, il sait avoir cette exigence de l’être, avec la douceur du geste. A Tariq Ramadan.»

«Ces histoires ne peuvent être classées dans le libertinage»

Ses collègues ont-ils eu vent de ses agissements, se sont-ils tus? Difficile de le savoir avec exactitude, car les professeurs contactés sont sur la défensive. Certains se souviennent du malaise de certains élèves à aller manger avec leur prof, de la séduction qu’il inspirait à beaucoup. Ils évoquent, pêle-mêle, «des ambiguïtés relationnelles, un génie intellectuel gâché, un décalage entre le discours et les actes». Certains ont cru qu’il était le tenant d’un islam ouvert, réformiste, pacifique, citoyen.


Dans leur bouche aujourd’hui, beaucoup de déception, le sentiment d’une trahison aussi. «Mais ce qui est le plus choquant, c’est que les histoires qu’il a eues ne peuvent être classées dans le libertinage. Car elles sont le fait d’une asymétrie entre un homme mûr et des femmes très jeunes et fragiles», résume un ancien ami. Et encore: «Il exerçait une fascination de gourou. Il n’avait pas besoin de forcer les portes.» Vingt ans plus tard, ce sont ces femmes qui les ouvrent.

Tariq Ramadan, l’idéologue derrière le professeur (09.11.2017)


L’islamologue est accusé d’avoir séduit des élèves mineures dans les années 1980-1990 à Genève. Quel était son impact dans l’espace public suisse, qui lui prêtait alors une oreille attentive?

On le découvre ces jours, les témoignages contre les agissements de Tariq Ramadan à Genève s’ancrent tous dans les années 1980-1990. Deux décennies pas si lointaines, durant lesquelles l’islamologue suisse d’origine égyptienne est ce professeur de français versé dans l’humanitaire à l’aura si puissante. Au même moment, l’intellectuel est aussi très présent dans le débat public en Suisse. Comment était-il perçu à cette époque? Quelle place tenait-il dans un monde encore préservé de la montée de l’Etat islamique, où le multiculturalisme tendait à surpasser l’intégration et où les cassettes audio tenaient lieu de YouTube?


Détenteur d’un doctorat en islamologie arabe de l’Université de Genève, brillant orateur, Tariq Ramadan est alors l’un des rares interlocuteurs francophones. Porteur d’un islam qui se veut compatible avec les démocraties occidentales laïques, son discours est écouté, sollicité dans la presse et bien au-delà. Ses multiples conférences au Centre islamique de Genève sur la «spiritualité islamique, ses fondements et la vie en Europe», ou encore la «responsabilité des musulmans en Occident» en attestent.

«Prof tranquille»

En 1988, Tariq Ramadan, alors âgé de 26 ans, est ce «prof tranquille», fondateur de Coopération coup de main, qui tente d’éveiller ses élèves aux «réalités du tiers-monde», écrit un journaliste du Journal de Genève.

Lire également: L’islam et les tartufes

Au retour d’un séjour d’un an au Caire où il suit des cours d’études islamiques, il signe, en 1992, une pleine page «perspective» sur le «phénomène islamique» dans Le Nouveau Quotidien. Selon lui, les «islamistes» ne sont «ni des fanatiques prônant un retour au Moyen Age, ni des marginaux poussés dans la politique à cause de la misère, ni des agents payés par les pétromonarchies du Golfe».

Egalité et principes coutumiers

En 1994, dans Le Nouveau Quotidien, un journaliste le qualifie d'«insurgé tranquille». Déjà, celui qui est alors le président de l’Association musulmans et musulmanes de Suisse «charme et inquiète». Déjà, certains l’accusent d’avancer masqué, le soupçonnent d’être un «agent de l’intégrisme». Interrogé sur l’égalité homme-femme au sein de l’islam, l’intéressé esquive.

«Est-ce un principe d’égalité que l’on défend ou des coutumes? Qu’on ne mette pas sous le mot égalité des principes coutumiers, cela n’a rien à voir. La seule égalité qui vaille, c’est l’égalité de traitement devant l’éducation, le travail, le mariage.»


A la question «refusez-vous la laïcité?», Tariq Ramadan répond avec la même ambiguïté dans un entretien accordé au Journal de Genève, en 1994 toujours: «C’est un faux problème. Si la laïcité, espace non religieux, nous permet de vivre notre religion comme nous l’entendons, il n’y aura pas de difficultés.»

Ses soutiens demeurent

Sa première apparition à la télévision française dans une émission de La marche du siècle, en octobre 1994, laissera des traces. Le Monde retient à l’époque «son éloquence et la radicalité de son discours». L’année suivante, il sera interdit de séjour en France. En Suisse, ses soutiens demeurent. Dans un article du Journal de Genève, les conseillers nationaux Jean Ziegler et Christian Grobet le définissent toujours comme un «homme de dialogue».


En 1996, Le Nouveau Quotidien considère encore Tariq Ramadan et son frère Hani comme des «représentants à Genève» des «élites de la deuxième génération de musulmans en Suisse». Quelques mois plus tard, toutefois, la publication du livre Les Musulmans dans la laïcité met un «collège en émoi», titre le même journal. L’islamologue, qui «cultive les paradoxes» y remet en question les enseignements de biologie, de philosophie et d’histoire. «Cette gymnastique intellectuelle confine parfois au grand écart…»


L’islam et les tartufes (09.11.2017)


L’affaire Tariq Ramadan ne lève pas seulement le voile sur les agissements présumés d’une personnalité de référence pour de nombreux musulmans. Elle démontre l’importance de savoir, quand il s’agit de religion et de politique, garder toujours une absolue distance critique.

Lire également le Temps Fort du jour:
Il ne s’agit pas de juger Tariq Ramadan par articles de presse interposés. Les accusations très graves portées contre l’intellectuel musulman suisse, désormais en congé de l’Université d’Oxford, sont maintenant du ressort de la justice. La responsabilité revient aux enquêteurs, à la suite des plaintes déposées contre l’intéressé, d’entendre sa version des faits et de lui permettre, si cela est possible, d’y apporter réponse.

Un autre aspect de «l’affaire Ramadan» mérite en revanche d’être débattu par les médias, car il interpelle les citoyens, nos systèmes politiques et la démocratie à l’heure du grand retour global du religieux. Appelons cela, pour faire simple, le syndrome des tartufes.

Un débat ancien

Comment, dans nos pays occidentaux confrontés aux demandes légitimes de représentativité politique de la communauté musulmane, éviter que des prêcheurs islamiques médiatiques disséminent des enseignements religieux et sociaux à des années-lumière de leur éthique personnelle? Comment s’assurer que le débat sur la place de l’islam dans nos pays ne soit pas manipulé, exploité, par des tartufes dont la dévotion n’est qu’apparence, et dont la prétendue sagesse est un instrument de pouvoir et de domination sur les fidèles, puis sur l’ensemble de la société?

Ce débat-là n’est pas nouveau. Molière, jadis, en fit son miel pour mieux dénoncer, à la cour de Versailles devant le très catholique Louis XIV, les faux dévots affairés à instrumentaliser l’Eglise. Tous les cultes, sans exception, et à toutes les époques, ont nourri en leur sein ces personnalités promptes à transformer leur charisme en puissance via leurs mensonges et manipulations.

De la prudence

La différence est qu’aujourd’hui, à l’heure d’Internet et de la diffusion massive de l’information, la naïveté n’est pas excusable. Le devoir incombe à tous, journalistes, hommes politiques, animateurs de télévision, universitaires, ou organisateurs de conférences, d’être prudents dans le choix des orateurs, et dans la distance requise, lorsque survient la question de la religion. Le goût du «bon client», du débatteur habile, de l’orateur doué et provocateur, ne doit plus nous aveugler.

Simultanément, une autre vigilance s’impose, vis-à-vis des sujets empoignés par Tariq Ramadan. Quels que soient les abus commis par ce dernier - s'ils sont avérés -  les questions qu’il posait à nos sociétés, et l’espoir qu’il représentait pour de nombreux musulmans, en particulier chez les jeunes, ne doivent surtout pas être jetés et foulés aux pieds.

Le propre des tartufes est de se servir de la religion pour leur intérêt propre. Mais affirmer que tous ceux qui les croient sont des coupables, voire des délinquants potentiels, serait une grave erreur à l’heure où le retour de Dieu dans le débat public est juste incontournable.

La gauche genevoise sonnée et mutique (09.11.2017)

L’affaire Tariq Ramadan met en lumière les divisions de la gauche sur la question de l’islam politique et de la laïcité

A Genève, brûle-t-on celui qu’on a adoré, à l’instar de la France? Non pas. On dirait bien que l’affaire Tariq Ramadan rend la gauche mutique. On la sait en effet très divisée sur la question de l’islam politique et de la laïcité. Or, ce sont précisément ces thèmes qui refont surface à la lumière du scandale autour de l’islamologue.

Stéphane Guex Pierre, conseiller municipal du Parti radical de gauche en Ville de Genève, résume ainsi cette ligne de fracture: «Sur les réseaux sociaux, on voit deux fronts: quelques partisans de Tariq Ramadan, dans le déni. Et des militants laïcs qui se félicitent d’avoir de longue date alerté sur les dérives de son double discours. Mais ces deux fronts se parlent de mur à mur, sans échanger.» Si la gauche nourrit des réserves, c’est aussi qu’elle craint, pour une frange en tout cas, que son idéal de multiculturalisme n’en prenne un coup, ou que ses propos soient récupérés par l’extrême droite.


Une question ultrasensible

Au Parti socialiste, c’est le silence. Ou alors, comme la conseillère aux Etats Liliane Maury Pasquier, on botte en touche: «Je n’ai pas d’opinion, je ne l’ai jamais rencontré. Que la justice se saisisse de ce qui est justiciable.» Le conseiller national Carlo Sommaruga, lui, pointe un faux débat: «Le problème, c’est que le débat sur l’islam se personnalise. Je suis réticent à ouvrir un débat politique dès lors que la justice s’en saisit.» Chez les Verts, la question est ultrasensible: «C’est trop frais pour un débat, même si nous avons des échanges, explique Mathias Buschbeck, chef de groupe au Grand Conseil. Il faut à la fois garder la distance critique, respecter la présomption d’innocence ainsi que les victimes. Mais je suis heureux que la parole soit libérée.»

Lire également: L’islam et les tartufes

Il faut aller chercher l’ancien élu vert Patrice Mugny pour avoir une opinion tranchée. Rédacteur en chef du Courrier dans les années 1990, il invite dans ses pages des personnalités à un dialogue interreligieux, dont Tariq Ramadan. Ses propos provoquent vite la colère des lecteurs. L’islamologue affirme notamment que le voile est une libération de la femme, ou que le Coran autorise à frapper les femmes, selon un article d’archives du Journal de Genève de 1994.

Les bémols qu’il met à cette dernière thèse n’y suffiront pas, Patrice Mugny met fin à l’exercice: «C’était un dialogue de sourds, se souvient-il aujourd’hui. De plus, j’ai constaté que le discours de Ramadan changeait diamétralement selon les publics auxquels il s’adressait en conférence. Aux Occidentaux, il servait l’intégration; aux musulmans, la conquête des esprits occidentaux par la suprématie de l’islam.» Pour lui, «le terrorisme est moins dangereux que l’islam politique».

L’islam et les tartufes (09.11.2017)

L’affaire Tariq Ramadan ne lève pas seulement le voile sur les agissements présumés d’une personnalité de référence pour de nombreux musulmans. Elle démontre l’importance de savoir, quand il s’agit de religion et de politique, garder toujours une absolue distance critique.

Lire également le Temps Fort du jour:
Il ne s’agit pas de juger Tariq Ramadan par articles de presse interposés. Les accusations très graves portées contre l’intellectuel musulman suisse, désormais en congé de l’Université d’Oxford, sont maintenant du ressort de la justice. La responsabilité revient aux enquêteurs, à la suite des plaintes déposées contre l’intéressé, d’entendre sa version des faits et de lui permettre, si cela est possible, d’y apporter réponse.

Un autre aspect de «l’affaire Ramadan» mérite en revanche d’être débattu par les médias, car il interpelle les citoyens, nos systèmes politiques et la démocratie à l’heure du grand retour global du religieux. Appelons cela, pour faire simple, le syndrome des tartufes.

Un débat ancien

Comment, dans nos pays occidentaux confrontés aux demandes légitimes de représentativité politique de la communauté musulmane, éviter que des prêcheurs islamiques médiatiques disséminent des enseignements religieux et sociaux à des années-lumière de leur éthique personnelle? Comment s’assurer que le débat sur la place de l’islam dans nos pays ne soit pas manipulé, exploité, par des tartufes dont la dévotion n’est qu’apparence, et dont la prétendue sagesse est un instrument de pouvoir et de domination sur les fidèles, puis sur l’ensemble de la société?

Ce débat-là n’est pas nouveau. Molière, jadis, en fit son miel pour mieux dénoncer, à la cour de Versailles devant le très catholique Louis XIV, les faux dévots affairés à instrumentaliser l’Eglise. Tous les cultes, sans exception, et à toutes les époques, ont nourri en leur sein ces personnalités promptes à transformer leur charisme en puissance via leurs mensonges et manipulations.

De la prudence

La différence est qu’aujourd’hui, à l’heure d’Internet et de la diffusion massive de l’information, la naïveté n’est pas excusable. Le devoir incombe à tous, journalistes, hommes politiques, animateurs de télévision, universitaires, ou organisateurs de conférences, d’être prudents dans le choix des orateurs, et dans la distance requise, lorsque survient la question de la religion. Le goût du «bon client», du débatteur habile, de l’orateur doué et provocateur, ne doit plus nous aveugler.

Simultanément, une autre vigilance s’impose, vis-à-vis des sujets empoignés par Tariq Ramadan. Quels que soient les abus commis par ce dernier - s'ils sont avérés -  les questions qu’il posait à nos sociétés, et l’espoir qu’il représentait pour de nombreux musulmans, en particulier chez les jeunes, ne doivent surtout pas être jetés et foulés aux pieds.

Le propre des tartufes est de se servir de la religion pour leur intérêt propre. Mais affirmer que tous ceux qui les croient sont des coupables, voire des délinquants potentiels, serait une grave erreur à l’heure où le retour de Dieu dans le débat public est juste incontournable.


A Genève, la défense calculée de Tariq Ramadan (08.11.2017)

L’islamologue s’est adressé à Marc Bonnant et à Yaël Hayat pour attaquer les dénonciatrices anonymes qui l’accusent d’avoir profité de sa position d’enseignant afin d’abuser d’elles. La tâche s’annonce compliquée

En 2006, ils s’étaient affrontés sur le plateau d'Infrarouge au sujet des caricatures de Mahomet. Aujourd’hui, Tariq Ramadan appelle Marc Bonnant à la rescousse afin de contrer la déferlante de témoignages anonymes le dépeignant comme un serial prédateur de jeunes élèves du temps où il était professeur au collège. La situation ne manque pas d’ironie, sachant que l’avocat genevois s’est régulièrement distingué par sa critique de l’islam conquérant et prosélyte et par l'affirmation, encore récente, que la peur de cette religion est «légitime et salutaire».

Gravité contestée

Tariq Ramadan ne tient visiblement pas rigueur à celui qui appelait, après les attentats de Paris, les trop naïfs Occidentaux, tout à leur idéal du vivre ensemble, à «désigner l’ennemi». Et Marc Bonnant ne voit pour sa part aucune contradiction à accepter ce mandat: «Ce n’est pas le théologien ou le théoricien que je défends mais l’homme à qui certains imputent des comportements inadmissibles.»
Référence est faite aux récits de quatre anciennes élèves, recueillis par la Tribune de Genève. Ces femmes dépeignent toutes un professeur séducteur et manipulateur, parvenant à ses fins grâce à son emprise, n’ayant pas hésité à tenter une approche avec la plus jeune, élève de 14 ans, alors qu’il enseignait encore au cycle d’orientation, et à entretenir des relations sexuelles avec les trois autres de 15, 17 et 18 ans, qui fréquentaient le collège.


«Tariq Ramadan conteste catégoriquement avoir eu un comportement pénalement répréhensible avec une quelconque de ses élèves», déclare Me Bonnant. L’avocat doit prochainement rencontrer son nouveau client pour élaborer une stratégie mais la perspective d’une plainte en calomnie ou en diffamation contre ces inconnues – et a priori pas contre le média – semble déjà acquise. Dans «un souci de vérité», ajoute Me Bonnant, Tariq Ramadan va saisir la justice afin de débusquer les protagonistes et comprendre leurs motivations. «On ne peut pas à la fois contester ces accusations et ne pas souhaiter que les soi-disant victimes s’expliquent.»

Bataille médiatique

L’islamologue suisse, mis en congé «d’un commun accord» par l’Université d’Oxford suite à ces allégations, s’est également adressé à Me Yaël Hayat pour mener cette contre-attaque. Avec deux ténors du barreau à ses côtés, qui plus est une femme et un «adversaire idéologique», Tariq Ramadan espère marquer des points dans une bataille qui sera aussi médiatique. Le combat s’annonce très difficile en raison de l’inflation dénonciatrice née de l’affaire Weinstein, de l’anonymat des accusatrices, de l’absence de plaintes de leur part et de l’apparente prescription des faits évoqués. Contrairement à la France, où la justice est saisie du cas Ramadan par deux femmes à visage découvert et se disant victimes d’agression sexuelle, rien de tel à Genève. Du moins pour le moment. 
Aux yeux de Me Hayat, cette situation est particulièrement problématique: «L’accusation par voie de presse, masquée de surcroît, est pire que tout. Ce qui me fâche, c’est la place laissée à la présomption d’innocence dans ce mouvement de parole qui se répand publiquement. Est-ce qu’il libère ou est-ce qu’il vise plutôt à enfermer un individu livré en pâture? La démarche est très malsaine. Ces personnes contournent la justice et ses principes pour choisir un mode où on accuse librement, on condamne, on exécute. Sans appel. Avec des conséquences parfois irréparables. C’est une défiance intolérable à l’égard de la justice, qui désormais doit être saisie.»

Impasses prévisibles

Difficile de prédire ce que peut donner cette affaire sur le plan judiciaire. Une plainte en diffamation contre inconnu se heurtera très rapidement à un mur si les dénonciatrices ne veulent pas sortir du bois et que le quotidien respecte logiquement le secret des sources. Quant à l’ouverture d’une enquête par le Ministère public, ne serait-ce que pour constater la prescription des crimes sexuels attribués à Tariq Ramadan, la voie paraît assez impraticable sans les dépositions de ces mêmes anciennes élèves. C’est l’impasse de l’anonymat.

Accusations de viol et d'agression sexuelle : l'étau se resserre sur Tariq Ramadan (30.10.2017)


>Faits divers|Jean-Michel Décugis et Nicolas Jacquard| 30 octobre 2017, 7h49 | MAJ : 30 octobre 2017, 8h09 |7

Visé par plusieurs accusations, Tariq Ramadan dénonce une «campagne de calomnie».
Boris Allin/Hanslucas

Henda Ayari, la première femme à porter plainte pour viol contre le célèbre théologien, a accepté de nous livrer son récit. L'intéressé, présumé innocent, dénonce une cabale.

Le titre de son livre, en 2016, annonçait une renaissance. « J'ai choisi d'être libre » racontait la métamorphose d'Henda Ayari, 40 ans, du salafisme le plus strict à sa nouvelle « vie de femme française, moderne et célibataire », comme elle la décrivait. Une libération qui a ensuite consisté pour elle à nommer celui qu'elle dénonce comme son violeur. Evoqué initialement sous pseudonyme dans son récit, elle a révélé qu'il s'agissait du théologien Tariq Ramadan. Des accusations désormais transcrites dans une plainte pénale, qui a conduit en début de semaine dernière à l'ouverture d'une enquête préliminaire, dans le cadre de laquelle la fondatrice de l'association Libératrices a été entendue six heures par la police, à Rouen. Henda Ayari assume cette procédure au grand jour. Elle livre à notre journal, à visage découvert, un témoignage glaçant. D'autant qu'une seconde plainte est venue s'ajouter à la sienne contre l'islamologue, comme nous le révélions vendredi.

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Ces deux victimes présumées décrivent un même mode opératoire. Chacune, quadragénaire, évoque d'abord des échanges religieux avec Tariq Ramadan, puis des conversations plus intimes qui débouchent sur un rendez-vous à l'hôtel, jusque dans la chambre de l'islamologue. Un rendez-vous qu'elles ont accepté car elles étaient, selon elles, sous l'emprise psychologique et religieuse du théologien. Une dépendance qu'elles décrivent proche d'un phénomène sectaire.

Mes Jonas Haddad, Grégoire Leclerc et Eric Morain, les avocats de ces deux plaignantes, disent avoir reçu ces derniers jours d'autres témoignages. Ils promettent de nouvelles plaintes, même si certaines de ces victimes présumées hésitent encore. Par ailleurs, Yasmina*, une autre jeune femme, a décrit dans nos colonnes le « harcèlement et les menaces » dont elle aurait été la cible de la part de Tariq Ramadan. Elle nous avait contactés il y a trois ans, envisageant alors une procédure en justice, qu'elle n'avait finalement pas initiée.

Dès le 21 octobre, Tariq Ramadan a opposé un démenti formel à l'ensemble de ces accusations et porté plainte le 23 octobre, par l'intermédiaire de ses avocats, Mes Julie Granier et Yassine Bouzrou, pour « dénonciation calomnieuse ». Sur son compte Facebook, l'intéressé fustige « une machine à mensonges », se disant « la cible d'une campagne de calomnie qui fédère assez limpidement [ses] ennemis de toujours ».

Par l'intermédiaire de ses avocats, Tariq Ramadan fait par ailleurs savoir qu'il se tient à disposition de la justice.

* Le prénom a été changé.


Tariq Ramadan accusé de viol : « Il m’a étranglée si fort que j’ai pensé que j’allais mourir » (30.10.2017)


>Faits divers|Jean-Michel Décugis|30 octobre 2017, 6h58|MAJ : 30 octobre 2017, 7h26|59

Henda Ayari est la première femme à avoir porté plainte contre Tariq Ramadan. Elle accepte aujourd’hui de nous expliquer ce qui l’y a poussée.

Henda Ayari a déposé plainte contre Tariq Ramadan pour viol. Elle revient sur l’agression dont elle dit être victime et raconte son combat pour « être une femme respectable et respectée ».

Comment avez-vous rencontré Tariq Ramadan ?

C’était courant 2010, sur Facebook, je vivais une séparation très difficile avec mon mari, un salafiste. J’avais perdu la garde de mes trois enfants, j’étais seule, sans argent, sans logement, sans travail. Une assistante sociale m’a conseillé de retirer mon voile pour trouver du travail. J’ai suivi ses conseils. Mais je culpabilisais de ne plus porter le voile, de ne plus faire mes prières à l’heure. C’est une salariée administrative du site de Ramadan qui m’a d’abord contactée, puis lui-même. Il m’a apporté les réponses que je cherchais.

Pourquoi cela a-t-il dérapé?

En juillet 2011, j’ai retrouvé la garde de mes enfants. J’étais très fière de moi, je me sentais une femme libérée. J’ai posté une photo de moi sans voile, avec un peu de rouge à lèvres. Tariq Ramadan m’a rappelée à l’ordre, sur Facebook. « Ce n’est pas bien ce que vous faites », m’a-t-il dit. Il me reprochait d’être maquillée, d’avoir les cheveux détachés. « Vous cherchez à susciter le regard des hommes. C’est un péché. » Je me suis excusée, je culpabilisais. Ensuite, il est devenu plus intime dans la discussion. Ce n’était plus le savant mais l’homme qui parlait. Je pensais ne pas parler au vrai Ramadan. Pour me prouver que c’était bien lui, il s’est mis sur l’application Skype, filmé par sa webcam. J’étais émerveillée. Je le trouvais séduisant, beau. J’étais tellement flattée qu’il s’intéresse à moi. Il m’a demandé mon numéro et m’a proposé de nous voir quand il viendrait à Paris.

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Quand et où a eu lieu ce rendez-vous ?

Fin mars 2012, dans un hôtel de l’est de Paris. Il m’avait demandé de venir en taxi, d’être la plus discrète possible pour éviter les équivoques. « On pourra discuter plus tranquillement », m’a-t-il confié.

Ce n’était pas neutre ?

Je ne me suis pas méfiée, j’étais en confiance, j’ai fait une erreur. C’était comme si j’allais voir un grand frère. J’étais sous son emprise, il m’a manipulée. Quand j’ai frappé à la porte, mon cœur battait. Il m’a accueillie avec un plateau de gâteaux orientaux et m’en a proposé, j’ai refusé. Quelques minutes plus tard, il m’a embrassée, et je me suis laissé faire, je n’ai pas honte de le dire. Puis il s’est littéralement jeté sur moi. Alors le conte de fée s’est transformé en cauchemar, le prince charmant en monstre. Il m’a étranglée très fort, si fort que j’ai pensé que j’allais mourir. Il m’a giflée, car je résistais. Il m’a violée. Je me suis sentie en extrême danger. Il m’a insultée : « j’étais venue pour ça, je méritais ça, je l’avais cherché ». Je n’avais qu’à porter le voile, sinon j’étais une prostituée.

Vous avez passé la nuit avec lui ?

Oui, mais malgré moi. Cela a été la pire nuit de ma vie. Le matin, il s’est douché et a glissé un billet dans mon sac pour le taxi. Mais je ne voulais pas de son argent, je n’étais pas une prostituée. Il a quitté la chambre avant moi et m’a demandé de partir après lui. Toujours pour la discrétion.

Avez-vous eu d’autres contacts avec lui ?

J’étais traumatisée, honteuse. Je culpabilisais. Je me sentais fautive d’être montée dans sa chambre. Il a cherché à rester en contact avec moi et m’a encore plus culpabilisée. Soi-disant, je ne savais pas m’occuper d’un homme. « Il va falloir apprendre », m’a-t-il dit. Je sortais du salafisme, je n’avais eu qu’un homme dans ma vie. Et encore, je n’avais eu des relations sexuelles avec lui que pour mettre au monde des enfants. Je voulais comprendre, revoir Tariq Ramadan pour comprendre. « Je vais m’occuper de toi », m’a-t-il déclaré. Je voulais lui montrer que j’étais une femme qui assurait. Nous avions des échanges sexuels épistolaires. Il voulait que je sois son esclave sexuel. « Tu viendras à Paris, je te donnerais de l’argent pour tes trajets. On pourra se voir tous les quinze jours. J’aime les filles qui ont du caractère, cela m’excite. Avec ma femme, il ne se passe plus rien, c’est comme une sœur. Je vais demander ta main à tes parents », m’a-t-il écrit, par exemple.

L’avez-vous revu ?

Non, jamais. On devait, mais comme j’ai refusé de lui envoyer une photo de moi dénudée, cela l’a énervé. On s’est insulté. Quand je lui ai fait part de ma volonté de porter plainte, il m’a menacée de représailles. J’étais sous son emprise mentale. Il disait avoir en sa possession des photos compromettantes. Il a menacé de s’en prendre à mes enfants. J’ai consacré un chapitre dans mon livre à cette histoire, mais j’ai remplacé le nom de Ramadan par un pseudo.

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Pourquoi porter plainte aujourd’hui ?

C’est la campagne contre le harcèlement sexuel #BalanceTonPorc qui m’a poussée à dévoiler le nom de Ramadan. Je me suis dit : « Qu’est-ce que ces femmes ont de plus que moi ? Je dois aussi dénoncer ce qui m’est arrivé. » J’ai reçu beaucoup d’insultes et de menaces. Soi-disant je voulais faire du buzz. Franchement, j’aurais préféré faire du buzz avec des choses plus positives, être connue autrement. J’ai reçu aussi beaucoup de soutien. Ce qui me donne de la force.

A travers cette plainte contre Ramadan, certains vous reprochent d’attaquer l’islam…

Je me considère comme une femme musulmane. Et j’en suis fière. Une musulmane qui respecte les lois de la République. Je devrais me taire parce que Tariq Ramadan utilise l’islam pour assouvir ses pulsions sexuelles ? Non. Pour lui, soit vous êtes voilée, soit vous êtes violée. Il y a beaucoup de musulmans qui respectent les femmes et les droits à l’égalité entre hommes et femmes. Ce sont eux qu’il faut valoriser. Pas ceux qui instrumentalisent l’islam pour asservir les femmes. On peut porter une jupe et être une femme respectable et respectée.

« Avec lui soit vous êtes voilée, soit vous êtes violée »

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Tariq Ramadan, un intellectuel de l'islam controversé (30.10.2017)

>Faits divers|Pascale Égré|30 octobre 2017, 8h04|4

Islamologue prolixe, Tariq Ramadan, 55 ans, a publié une trentaine d’ouvrages.

AFP/MEHDI FEDOUACH

Plusieurs accusations d'agressions sexuelles visent ce théologien, spécialiste de l'islam. Portrait d'un intellectuel controversé.

À son nom, surgi sur la scène médiatique française au mitan des années 1990, à son succès de tribun dans les salles de conférences et sur les réseaux sociaux auprès de musulmans de tous âges, se sont attachés d'emblée, en France, controverses et soupçons de « double discours ». Figure charismatique et intellectuel prolixe (une trentaine de livres), l'islamologue suisse d'origine égyptienne Tariq Ramadan, 55 ans, partisan de l'émergence d'un islam européen et de la conciliation entre cultures occidentales et orientales, a toujours dérangé et divisé.

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« S'agit-il d'un intellectuel prônant un islam libéral et moderne ou d'un prédicateur islamiste simplement poli et habile ? » s'interrogeait, dès 2004, son adversaire la plus farouche, la journaliste Caroline Fourest (« Frère Tariq », Grasset), qui vilipende désormais dans « Marianne », après les plaintes de deux femmes, sa « double vie, à l'opposé de ses nombreux sermons sur la conception islamique de la sexualité ».

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« Déstabilisant homme double, de cultures et de registres », écrivait « Libération » début 2016. « Le sphinx Ramadan », titrait « le Monde », en soulignant à la fois son indéniable impact « chez toute une génération de Français musulmans » et ses « ambiguïtés ». Faute de cerner plus avant cette personnalité, les portraits récents qui lui ont été consacrés décrivent un parcours marqué par l'ombre de son grand-père maternel, Hassan al-Banna, le fondateur des Frères musulmans.

Titulaire d'une chaire dans une grande université britannique

Aujourd'hui résident britannique et professeur à Oxford, Tariq Ramadan est né en Suisse, où sa famille s'est installée en 1954, cinq ans après l'assassinat, en Egypte, de son grand-père. Titulaire d'un bac français, diplômé en littérature et philosophie de l'université de Genève, il parfait sa connaissance des sciences islamiques au Caire, où il emmène vivre sa famille — il a épousé une Bretonne convertie dont il a quatre enfants. La thèse qu'il consacre aux Frères musulmans et à son grand-père, jugée hagiographique, lui aurait fermé les portes du monde universitaire, l'orientant vers une autre voie, plus politique.

En France, où il a sillonné les quartiers populaires dès 1992, ses échanges avec intellectuels et politiques sont vite devenus tumultueux. Voué à l'affirmation d'une identité musulmane citoyenne, impliqué contre les lois sur le voile, Tariq Ramadan y construit son aura et tisse ses soutiens — il a notamment celui de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF). Mais, fin 2003, année où il débat avec le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy en direct à la télévision, il commet une bévue en critiquant l'engagement pro-israëlien d'intellectuels juifs. La polémique lui vaut d'être accusé d'antisémitisme. Rejeté par les Etats-Unis, Ramadan poursuit ailleurs sa carrière, notamment à Londres, où le Premier ministre Tony Blair le sollicite et où il décroche en 2009, grâce au soutien du Qatar, sa chaire à l'université d'Oxford.

Depuis deux ans, Tariq Ramadan tentait un retour en France : il y a créé son propre centre de formation, l'Institut islamique de formation à l'éthique ; il envisageait de solliciter la nationalité française — ce à quoi l'ancien Premier ministre Manuel Valls s'était dit hostile. Nul doute que la tourmente judiciaire qui s'annonce ne fasse barrage à ce projet.



Tariq Ramadan, l’image fracassée (29.10.2017)

L’islamologue suisse est sous le coup d’une deuxième plainte pour viol. Une troisième femme affirme avoir été victime de ses menaces et harcèlements 

La parole se libère contre Tariq Ramadan. Dans le sillage de l’affaire Weinstein, où l’on appelle à dénoncer le harcèlement sexuel et les violences faites aux femmes, deux d’entre elles ont porté plainte contre l’islamologue pour viol. Samedi, le journal Le Parisien révélait l’existence d’une troisième victime, de harcèlement cette fois, hésitant à prendre la parole.

Accusations de viol et d'agression sexuelle : l'étau se resserre sur Tariq Ramadan http://l.leparisien.fr/bTKW-Kcai 

Accusations de viol et d'agression sexuelle : l'étau se resserre sur Tariq Ramadan -

Henda Ayari, la première femme à porter plainte pour viol contre le célèbre théologien, a accepté de nous livrer son récit. L'intéressé, présumé innocent, dénonce une cabale.

Le petit-fils du fondateur de la confrérie égyptienne des Frères musulmans bénéficie d’une forte popularité dans les milieux musulmans conservateurs. Il est par contre très contesté dans les milieux laïques, qui voient en lui le tenant d’un islam politique. A 55 ans, il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages sur l’islam.


«J’ai adressé au parquet de Paris jeudi soir une plainte accompagnée du récit détaillé de ma cliente», a déclaré Eric Morain, l’avocat de la seconde plaignante, à l’Agence France-Presse. «Elle attend sereinement de répondre aux enquêteurs et ne parlera plus», a-t-il ajouté. Désormais, Eric Morain tente de convaincre cinq autres femmes de témoigner, voire de déposer plainte à leur tour pour des faits de viol ou d’agression sexuelle.

Le quotidien Le Monde affirme avoir consulté cette seconde plainte et parle d’une Française de 45 ans convertie à l’islam, dont il a vérifié l’identité.

Violence inouïe

Le journal décrit une scène d’agression d’une violence inouïe, dont les faits remonteraient à octobre 2009 et ne seraient donc pas prescrits. Gifles au visage, aux bras, aux seins, coups de poing dans le ventre. Fellation et sodomie imposées de force, nouveaux coups, nouveau viol. «J’ai hurlé de douleur en criant stop!», dit-elle au quotidien. Puis, selon son témoignage, Tariq Ramadan la viole à nouveau, avec un objet cette fois. «Plus je hurlais et plus il tapait», raconte-t-elle. «Il m’a traînée par les cheveux dans toute la chambre pour m’amener dans la baignoire de la salle de bains pour m’uriner dessus», rapporte-t-elle, expliquant qu’elle n’a réussi à s’enfuir qu’au petit matin. Selon Le Monde, la plaignante a fourni des certificats médicaux à l’appui de son témoignage.

Sur les ondes de la radio française lundi matin, Henda Ayari a raconté l'indifférence de Tariq Ramadan le lendemain de l'agression, ce dernier affirmant qu'elle avait «bien cherché» ce viol en souhaitant le rencontrer, avant de lui parler de l'importance du port du voile. 

Plainte contre Tariq Ramadan : "Après, je culpabilisais" dit Henda Ayari : "d'ailleurs, il m'a dit que je n'avais que ce que je méritais"

Dénonciation d’une journaliste

Dans le magazine français Marianne, la journaliste Caroline Fourest déclarait jeudi qu’elle était au courant de la «double vie» de Tariq Ramadan, «à l’opposé de ses nombreux sermons sur la conception islamique de la sexualité», et attendait qu’une victime porte plainte pour pouvoir parler. «Dans le cas de Tariq Ramadan, il semble que nous soyons face à un comportement digne d’Harvey Weinstein, en peut-être plus violent», écrit-elle. «Une femme, Henda Ayari [la première plaignante] a eu le courage de porter plainte pour viol, agression sexuelle, harcèlement et intimidation. Bien sûr, Tariq Ramadan nie et va l’attaquer. Sur les réseaux sociaux, l’un de ses fidèles lieutenants y voit déjà un complot «sioniste international». Ce dont je peux témoigner, c’est que son récit, précis et terrifiant, ressemble énormément à celui de quatre autres femmes que j’ai rencontrées.»

L’Université britannique d’Oxford, où Tariq Ramadan est membre associé de la Faculté de théologie, a très peu réagi. «Nous sommes au courant de ces accusations et les prenons extrêmement au sérieux. A ce stade, nous ne sommes pas en position d’ajouter d’autres commentaires», pouvait-on lire dans un communiqué succinct daté du 21 octobre, ne figurant pas sur son site internet.

Une «campagne de calomnie» pour Tariq Ramadan

Au lendemain de la première plainte, Tariq Ramadan avait, via son avocat Me Yassine Bouzrou, opposé «un démenti formel à ces allégations» et à son tour porté plainte contre Henda Ayari pour «dénonciation calomnieuse».


Samedi soir, il a publié sur sa page Facebook, un message qui dénonce une «campagne de calomnie». Il affirme qu'une «nouvelle plainte sera déposée dans les prochains jours puisque mes adversaires ont enclenché la machine à mensonges».

«Je suis depuis plusieurs jours la cible d'une campagne de calomnie qui fédère assez limpidement mes ennemis de toujours. Il est triste de voir nos adversaires réduits à soutenir l'imposture et la tromperie érigées en vertu», poursuit-il avant de conclure: «le droit doit maintenant parler, mon avocat est en charge de ce dossier, nous nous attendons à un long et âpre combat. Je suis serein et déterminé.»

A la suite du fleuve de témoignages dévoilés depuis deux semaines sur les réseaux sociaux, des rassemblements ont été organisés dimanche dans plusieurs villes de France contre le harcèlement et les violences faites aux femmes.


Une victime présumée de Tariq Ramadan : «Il a abusé de mes faiblesses» (28.10.2017)

>Faits divers|J.-M.Décugis|28 octobre 2017, 10h53|MAJ : 28 octobre 2017, 16h48|14

 La jeune plaignante avait contacté Tarik Ramadan via son site, pour solliciter des conseils théologiques.

Capture tariqramadan.com

Deux jeunes femmes ont déjà déposé plainte contre Tariq Ramadan. Une troisième, Yasmina*, nous confie avoir été harcelée et menacée par l'islamologue.

« Au début il me donnait des conseils religieux, et puis un jour il a réclamé ma photo. Il voulait savoir à quoi ressemblait celle avec laquelle il échangeait. Il m'a trouvée mignonne. A partir de là tout a dérapé, entre nous, c'est devenu pornographique. »

Yasmina* nous avait contactés il y a trois ans car elle voulait porter plainte pour « harcèlement sexuel et menaces » contre Tariq Ramadan. En 2013, elle avait sollicité, via le site du théologien, des conseils juridiques. Il lui avait répondu personnellement. Leur échange a duré jusqu'à fin 2015. « Il m'a fait venir une fois dans un hôtel de province mais je suis venue accompagnée. »

Yasmina affirme avoir été plus tard menacée. « Il disait qu'il avait des choses compromettantes sur moi. Il s'est servi de son aura dans la communauté et a abusé de mes faiblesses. »


Par peur de représailles, disait-elle, à l'époque, Yasmina recherchait un soutien médiatique. Disposant de nombreux échanges épistolaires assez scabreux avec l'islamologue, elle souhaitait que ceux-ci soient publiés pour qu'on se rende compte de « l'hypocrisie de cette éminence de l'islam ». Jeudi, nous avons recontacté Yasmina qui nous a déclaré réfléchir à porter plainte. « Je crains que cette affaire entache la relation que j'ai construite avec mon compagnon », confie-t-elle.

* Le prénom a été changé.


Une deuxième femme accuse Tariq Ramadan de viol (27.10.2017)
>Faits divers|Jean-Michel Décugis|27 octobre 2017, 19h42|47

La plaignante affirme que Tariq Ramadan aurait organisé une rencontre dans le hall de l’hôtel en marge de l’une de ses conférences (illustration). AFP PHOTO / MEHDI FEDOUACH

Une femme de 42 ans a porté plainte pour viol contre l’islamologue jeudi soir à Paris. Les faits présumés qu’elle dénonce remontent à 2009 et sont, selon son récit, d’une grande violence.

Les ennuis judiciaires de l’islamologue et théologien suisse Tariq Ramadan, âgé de 55 ans, continuent. Vendredi, une ex-salafiste de 40 ans, Henda Ayari, avait porté plainte contre le quinquagénaire pour viol auprès du procureur de la République de Rouen. Ce qui conduisait, en début de semaine, à l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris.

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Mais jeudi soir, selon nos informations, une deuxième femme, que l’on nommera Christelle, a aussi déposé plainte pour viol contre l’islamologue auprès du procureur de la République de Paris, via son avocat, Me Eric Morain. Cette femme de 42 ans, convertie à l’islam et souffrant d’un handicap aux jambes, dénonce dans sa plainte, que nous avons pu consulter, des scènes de violence sexuelle d’une grande brutalité.

«Pour comprendre ce dossier, il faut appréhender l’emprise psychologique et religieuse sous laquelle se trouvaient ces femmes», explique Me Eric Morain. Une dépendance qui pourrait s’apparenter à un phénomène sectaire. Le conseil de Christelle affirme en effet avoir reçu ces derniers jours plusieurs autres témoignages de victimes présumées qui oscillent entre le viol, l’agression sexuelle et le harcèlement. A chaque fois, celles-ci décriraient un mode opératoire quasi-identique qui passerait d’abord par des échanges religieux dérapant ensuite sur des conversations d’ordre sexuel avant la prise de rendez-vous.

«Toi tu m’as fait attendre, tu vas prendre cher»

Tout comme pour Henda Ayari, les faits dénoncés par cette nouvelle plaignante se déroulent dans la chambre d’un grand hôtel, mais cette fois en province, courant automne 2009. Christelle affirme qu’après des échanges d’ordre religieux avec le théologien sur les réseaux sociaux durant plusieurs mois, celui-ci lui aurait organisé une rencontre dans le hall de l’hôtel en marge de l’une de ses conférences. Prétextant vouloir se mettre à l’abri de regards indiscrets, Tariq Ramadan aurait alors invité la jeune femme à boire un thé dans sa chambre pour prolonger plus sereinement leur discussion.

Après avoir servi une tasse à sa visiteuse, l’islamologue se serait alors jeté sur elle par-derrière en lui administrant de fortes claques au visage et sur le corps ainsi que des coups dans le ventre. «Toi tu m’as fait attendre, tu vas prendre cher», aurait-il lancé à sa victime présumée. La plaignante affirme avoir d’abord subi une fellation d’une grande brutalité. «Je ne comprenais rien, j’avais les larmes aux yeux», explique-t-elle dans sa plainte. Elle déclare ensuite avoir été contrainte à un acte sexuel particulièrement violent. «J’ai hurlé de douleur en criant stop», confie-t-elle.

Christelle décrit d’autres contraintes sexuelles, notamment à l’aide d’un objet. Selon elle, Tariq Ramadan se serait agrippé à ses jambes, provoquant ainsi chez elle de vives douleurs. Pour terminer, le théologien aurait traîné sa victime par les cheveux à travers toute la chambre afin de la conduire dans la baignoire de la salle de bains, où il l’aurait humiliée.

Un SMS très troublant

De ces sévices présumés, la plaignante affirme avoir gardé aujourd’hui de nombreuses séquelles, lui causant des souffrances quotidiennes. Christelle aurait été contrainte de passer la nuit dans le même lit que son agresseur, qui aurait suspendu ses habits en hauteur pour l’empêcher de s’enfuir. Ce n’est finalement qu’au petit matin que Christelle serait parvenue à se sauver alors que Tariq Ramadan était occupé dans la salle de bains.

«Je suis rentrée comme un robot», déclare la plaignante, qui dit disposer d’un certificat médical de l’hôpital local attestant notamment d’ecchymoses et blessures. Christelle évoque un SMS particulièrement troublant de Tariq Ramadan dans lequel celui-ci aurait ensuite fait allusion à «une nuit romantique et tendre».

Dans sa plainte, la quadragénaire décrit ensuite une longue descente aux enfers ponctuée par une dépression, la perte de son logement et une tentative de suicide par médicament.

Joint ce vendredi soir, Me Yassine Bouzrou, avocat de Tariq Ramadan, n’a pas souhaité faire de commentaire sur cette nouvelle plainte. Concernant les accusations de Henda Ayari, le pénaliste avait opposé dès samedi un démenti formel, et porté plainte mardi pour dénonciation calomnieuse.



Une dizaine de caricatures représentant le prophète Mahomet... et le monde musulman s'embrase.
Il a suffit qu'un journal danois, puis norvégien et enfin le quotidien français France-Soir publient ces dessins pour qu'à Gaza, par exemple, et en Cisjordanie, deux groupes armés palestiniens menacent de prendre pour cible tout Français, Danois ou Norvégien qui passerait par là. Dans ces territoires d'ailleurs, la représentation de l'Union européenne est désormais fermée.

En Suisse, le porte-parole de la mosquée de Genève n'est pas en reste qui rappelle que la représentation du prophète est rigoureusement interdite dans la religion musulmane.

Au nom de la liberté d'expression, des quotidiens européens ont à leur tour publié les dessins, en rappelant qu'à part le code pénal, rien ne saurait interdire qu'on prenne une confession, quelle qu'elle soit, pour cible de la satire.

Pour débattre des la question, Infrarouge a invité: (liste provisoire)
  • Marc Bonnant, avocat
  • Tariq Ramadan, philosophe et islamologue
  • Hervé Loichemol, metteur en scène de théâtre
  • Hafid Ouardiri, porte-parole de la mosquée de Genève
  • Philippe Baud, prêtre, Centre catholique d'études, Lausanne
  • Alex Ballaman, dessinateur de presse La Liberté
  • Jacques Waardenburg, professeur honoraire à l'université de Lausanne et enseignant à l'université de Fribourg
  • Nadia Karmous, présidente des femmes musulmanes de Suisse


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a. t. sur https://www.youtube.com/watch?v=BHRXW3vRVHQ

brrr Dahmani: 1/Le Coran fut écrit à Médine. Il est truffé d'appels aux meurtres contre les mécréants. Il est dangereux et constitue le socle qui relie l'ouma tout entière.
2/Ce texte, son authenticité en tant que prétendument 'inspiré par un dieu, n'est attestée que par l'affirmation de Mahomet et n'a au départ profité qu'à lui et sa bande de "fidèles". Aucune preuve ne peut corroborer le fait que la communication avec Dieu soit authentique.
3/Je ne reviendrai pas sur les innombrables incohérences et erreurs qui foisonnent dans ce bouquin. -terre plate - Allah qui voile les yeux, bouche les oreilles, etc..., qui donc décide de ceux qui seront mécréants et des autres qui lui seront fidèles, donc qui dessine le destin de chacun MAIS qui punit de l'enfer ceux qui ne croient pas. (Sourate 2 Versets 6 et 7: "certes les infidèles ne croient pas, cela leur est égal, que tu les avertisses ou non : ils ne croiront jamais.  "Allah a scellé leurs cœurs et leurs oreilles ; et un voile épais leur couvre la vue ; et pour eux il y aura un grand châtiment." Pourquoi donc un châtiment puisque c'est Allah qui les a rendus "aveugles et sourds"
4/ le caractère politique évident de ce texte: Croire en Dieu, DONC AU PROPHETE, qui sera l'unique bénéficiaire de ladite foi si Allah répond aux abonnés absents, et lui permettra de conquérir des territoires, le monde (illusion évidemment mais Mahomet ne savait pas à l'époque que le Monde était si vaste).* .... Ne me faites pas rire avec vos preuves détenues par BHL. Le monde ne cesse de découvrir, de progresser alors que votre coran est un boulet qui vous maintient au pré-Moyen Age.  Comment un texte farfelu, qui ne tient que par l'affirmation d'un homme qui fut (sur sa seule parole) en contact (sans témoin) avec un dieu problématique, qui promet le paradis et ses vierges à ses adeptes comme unique salaire, à percevoir quand ils seront morts et ne pourront donc pas se rendre compte de la supercherie, comment des hommes, des femmes, ont-ils pu croire à ces sornettes? Tel est le vrai miracle du coran.  *La liste des arguments pourrait être plus longue, beaucoup plus longue, mais ce n'est pas le sujet ici; je ne faisais que montrer l'aspect baratineur de Ramadan qui prend ses ouailles pour des cons et qui n'a pas tout à fait tort, en tous cas pour certains d'entre eux. Ramadan exploite ces textes et en tire les avantages que chacun peut constater au grand jour; comme le prophète il a de nombreux "soumis", fascinés comme le cobra face au joueur de flute.

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