lundi 19 février 2018

Islamisme et politique 15.02.2018


L’Europe doit relever le défi des Balkans (15.02.2018)
Non, les Gaulois n'étaient pas des barbares (15.02.2018)
5G : les réseaux du futur se préparent dès maintenant (15.02.2018)
La Suisse divisée sur son lien avec l'Europe (15.02.2018)
«Cheddar Man» : l'ancêtre des Britanniques avait-il la peau noire ?
Migrants : la fronde des associations contre la circulaire Collomb (15.02.2018)
Pierre Vandier: «Les armes nucléaires reviennent au centre du jeu» (15.02.2018)
Un enfant sur six dans le monde vit dans une zone en conflit (15.02.2018)
Syrie : après avoir vaincu Daech, les Kurdes sous le feu de l'armée turque (11.02.2018)

Syrie : à Idlib, les rêves de la révolution sont enterrés au pied d'un mur de béton (15.02.2018)
La Russie ne parvient pas à sortir le Moyen-Orient de l'impasse syrienne (15.02.2018)
La Syrie, théâtre de nouvelles guerres entre puissances régionales (15.02.2018)
Jawad Bendaoud ou l'ère du vide (15.02.2018)
Ivan Rioufol : «Face à l'islam conquérant, la France recule» (15.02.2018)
Joseph Yacoub : «Ce qui peut permettre la survie du christianisme dans ce Proche-Orient qui l'a vu naître» (15.02.2018)
Le nombre de mineurs étrangers en France explose (15.02.2018)


L’Europe doit relever le défi des Balkans (15.02.2018)
Le 4 février dernier, une grande manifestation nationaliste à Athènes pour empêcher que la Macédoine ne s'appelle la Macédoine ! (AFP PHOTO / LOUISA GOULIAMAKI)
MONDOVISION. Federica Mogherini, la responsable de la diplomatie européenne, a rendu publique la nouvelle stratégie de l’UE pour les Balkans occidentaux. Il était temps.
Dans un monde idéal, l'Union européenne serait un pôle de stabilité pour les pays qui l'entourent, et serait capable d'aider à la sécurité et au développement dans des régions où ils font défaut. Dans ce monde idéal qui n'existe pas, cela s'appliquerait en particulier à la région des Balkans.
C'est évidemment loin d'être le cas, même si, de fait, tout espoir n'est pas perdu : l'UE, à condition qu'elle parvienne à retrouver sa direction, sa cohésion, et sa raison d'être, peut encore y parvenir. C'est essentiel, pour l'Europe elle-même autant que pour les peuples de cette région.
L'avenir européen des Balkans
La semaine dernière, Federica Mogherini, la responsable de la diplomatie européenne, a rendu publique la nouvelle stratégie de l'UE pour les Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine, Monténégro et Serbie), prélude à un sommet qui se tiendra en mai à Sofia – la Bulgarie assure la présidence tournante de l'Union – consacré à l'avenir européen des Balkans.
Les Européens de l'Ouest membres de l'UE ont (re)découvert les Balkans au début des années 1990. Le mur de Berlin venait d'être ouvert, le continent était tout à son bonheur d'être enfin réunifié après trois décennies de "rideau de fer", et le monde entrait dans un post-communisme forcément radieux.
Je me trouvais à Belgrade en janvier 1991, pour une réunion de la "dernière chance" des Non-Alignés pour empêcher le déclenchement, quelques jours plus tard, de la première guerre du Golfe, destinée, dans l'unité retrouvée de la "communauté internationale", à chasser le dictateur irakien Saddam Hussein du Koweït.
Pendant ce séjour à Belgrade, en attendant la fin des réunions ministérielles, j'entendais parler de dîner chez le correspondant de la BBC interrompus par des bagarres entre invités serbes et croates, je croisais un journaliste de la télévision croate qui venait de se faire traiter de "nazi" par un collègue serbe, et une Musulmane de Bosnie qui se sentait "encore" yougoslave mais tellement isolée… Mais le monde ne peut traiter qu'une seule crise à la fois, et trois jours plus tard, la guerre du Golfe éclatait.
Réapprendre la géographie de l'Europe
Six mois après, ces flashes décousus de Belgrade me revenaient en mémoire, alors que la Yougoslavie éclatait dans des guerres impitoyables. Il nous fallut réapprendre l'histoire et la géographie de l'Europe, ses lignes de partages passées entre Empires austro-hongrois et ottoman, entre catholicisme, orthodoxie et islam, revisiter la bataille de Kosovo Polje en 1389, ou apprendre à mettre un 'M' majuscule à Musulmans de Bosnie.
Ces années 1990 balkaniques, qui ont marqué la fin de l'innocence post-mur de Berlin, ont failli déchirer la France et l'Allemagne aux sympathies opposées puisées dans les profondeurs historiques. Elles ont morcelé une partie du continent, rajoutant ainsi une couche au mot "balkanisation".
Plus de deux décennies après la fin de ces guerres, cette région n'a toujours pas trouvé son équilibre, ni politique, ni économique, ni même dans ses frontières et ses recompositions. Et l'Europe, celle de l'UE, n'a pas été en état d'être réellement une force de proposition, tout juste capable de colmater les brèches et d'empêcher une nouvelle descente aux enfers, ce qui n'est pas si mal…
Un exemple : je me trouvais la semaine dernière à Athènes, à l'occasion d'un forum de "l'Obs", au lendemain de la grande manifestation nationaliste destinée à empêcher que la Macédoine ne s'appelle la Macédoine ! On a pu entendre le grand et vénérable compositeur Mikis Theodorakis, 93 ans, figure de la lutte contre la dictature des colonels, haranguer la foule contre un "mensonge historique tragique".
Macédoine grecque
L'objet du délit ? L'une des Républiques indépendantes issues de l'ex-Yougoslavie a voulu s'appeler la Macédoine, comme la province grecque qui a pour capitale Thessalonique. Face à l'opposition grecque, le gouvernement de Skopje a transigé en prenant le nom barbare, et en principe provisoire, de "Ex-République yougoslave de Macédoine", connue sous son acronyme anglais "FYROM"… Deux décennies plus tard, on en est encore là, et Athènes met toujours son véto à l'entrée de la Macédoine (celle de Skopje) dans l'Otan, comme le souhaitent les Américains, ainsi qu'à l'ouverture de négociations pour une éventuelle adhésion à l'Union européenne.
Le gouvernement d'Alexis Tsipras se montre plus pragmatique que ses prédécesseurs sur le sujet, et pourrait accepter un compromis qui porterait sur une qualification de la Macédoine : "haute", ou "du nord", ou quelque chose comme ça… Pour rendre le compromis acceptable, le gouvernement de Skopje vient de débaptiser son aéroport et une autoroute, effaçant le nom d'Alexandre le Grand, qui laissait entendre un "irrédentisme" macédonien et des vues sur l'ancien empire du grand homme, qui, n'oublions pas, incluait même la Perse…
Mais pour les manifestants d'Athènes la semaine dernière, c'est un compromis de trop. Et ils étaient plus nombreux à s'y opposer que pour dénoncer l'austérité ou la tutelle économique internationale sur la Grèce ces dernières années. Vu de l'extérieur, c'est assurément un peu difficile à comprendre.
Le sort du Kosovo
Ce n'est qu'un exemple, mais on pourrait les multiplier, en particulier autour du sort du Kosovo, né d'un conflit terrible, issu d'une amputation de la Serbie et pas de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie, et toujours au cœur de rivalités potentiellement explosives, sans oublier le rôle des gangs mafieux, etc. Pour juger de la complexité diplomatique du dossier, il suffit de rappeler que plusieurs membres de l'UE n'ont toujours pas reconnu le Kosovo…
Comment empêcher que les Balkans restent le "ventre mou" de l'Europe, source de déstabilisations multiformes ? En présentant sa stratégie, Federica Mogherini s'est prononcée pour l'adhésion de ces six Etats à l'Union européenne "pas dans un avenir lointain mais dans notre génération" (elle a 44 ans…). La promesse, il est vrai, leur avait été faite en 2003 lors d'un sommet à Thessalonique, et seule la Croatie, parmi les pays auxquels cette promesse avait été faite, a été intégrée dans l'Union.
Cette perspective ne fait évidemment pas l'unanimité, et les Balkans sont la "nouvelle Turquie", dont l'adhésion, aujourd'hui impensable, servait d'épouvantail il y a dix ans. Laurent Wauquiez, le tout nouveau président des Républicains, s'est précipité sur le sujet pour en faire un repoussoir.
Il faut dire que vu l'état de l'Union, et en particulier le bilan plus que mitigé de la dernière vague d'élargissement à l'Est, l'Europe des "27" (sans le Royaume Uni) n'est pas, dans son fonctionnement actuel, capable de "tourner" à 33, avec des règles d'unanimité paralysantes.
Le nouveau défi européen
Le défi auquel doit répondre l'Union dans les prochains mois et les prochaines années, et à la fois de se réinventer, et de proposer un avenir commun, d'une manière ou d'une autre, à ses voisins balkaniques.
Ne pas le faire serait une erreur politique qui se paierait d'une manière ou d'une autre, à coup de nationalisme, de jeux de puissances, lointaines comme la Russie ou la Chine déjà très présentes, ou régionales comme l'Albanie, la Bulgarie ou la Turquie, ou encore de déstabilisations économiques, mafieuses, criminelles…
Dans un monde idéal, l'Union européenne serait capable d'accompagner ses voisins balkaniques sur le chemin des réformes, de les aider à s'éloigner du nationalisme qui les ronge encore, et à coopérer entre eux et avec le reste de l'Europe. Mais l'Europe, qui n'est pas, depuis longtemps, un monde idéal, saura-t-elle relever ce défi ?
Pierre Haski


Non, les Gaulois n'étaient pas des barbares (15.02.2018)
Vercingétorix se rend à César, par Henri-Paul Motte (1886).
Par Jean-Marc Bastière
Mis à jour le 15/02/2018 à 12h46 | Publié le 15/02/2018 à 07h00
DOSSIER - Une biographie de Vercingétorix et un essai sur les Celtes corrigent l'image barbare que Jules César avait donnée de ses adversaires dans «La Guerre des Gaules». Et montrent que la civilisation gauloise s'est développée en osmose avec le monde grec.
Vercingétorix, un guerrier éduqué par les druides
Longtemps, Vercingétorix n'a existé qu'à travers la plume de César qui dans La Guerre des Gaules fait de lui un portrait aussi partiel que partial. Il magnifie les qualités guerrières de son adversaire pour exalter ses propres mérites stratégiques. Aux yeux de César, les Gaulois étaient des Barbares que Rome devait dominer pour instaurer la paix. Cette conception sera remaniée par les historiens nationalistes du XIXe siècle pour qui les Gaulois étaient nos ancêtres et Vercingétorix leur chef flamboyant. Une sorte de «souverainiste» avant l'heure, un militant de l'indépendance nationale dont de Gaulle fera d'ailleurs l'apologie dans ses discours de guerre. Le grand perdant de ces représentations fut Vercingétorix lui-même, dont on ne savait presque rien.
C'est dire l'intérêt de cette biographie de Jean-Louis Brunaux. Les progrès de l'archéologie mais aussi la lecture des auteurs de l'Antiquité permettent de peaufiner l'idée que l'on se fait de ce chef arverne qui, selon Brunaux, fut très près de vaincre César. Le tableau que Brunaux campe de Vercingétorix jeune est captivant. Très grand et majestueux, «l'air terrible», Vercingétorix a vécu plusieurs années dans la proximité de César. Il l'a assisté dans sa lutte contre les Germains d'Arioviste qui avaient pénétré en Gaule... avant de prendre la tête de la révolte contre Rome.
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- Crédits photo : Gallimard
Comment s'est-il imposé? Fils du roi Celtill, il fut formé par les druides, qui constituent une classe sacerdotale dont les conceptions sont proches des pythagoriciens de la Grèce présocratique. Ils croient en la métempsychose et tentent de faire reculer la violence endémique des sociétés gauloises, notamment les sacrifices humains. En Gaule rien d'essentiel ne se décide sans eux. Vercingétorix n'est pas le rustre hirsute de l'image d'Épinal. Les mœurs des Gaulois ont tout de même évolué depuis l'époque où ils mirent Rome à sac et où ils combattaient nus et couverts d'or. Même si la notion moderne de nationalisme ne signifie rien en Gaule, Brunaux montre que Vercingétorix refuse l'acculturation au monde romain. D'une certaine manière, il est un anticolonialiste avant l'heure. «Il arriva trop tard dans un monde en mutation. Tous les nobles et les bourgeois du centre de la Gaule reniaient leurs valeurs ancestrales et aspiraient à vivre à la mode romaine (…). Quelques années plus tôt, il eût gagné son pari, rassembler les hommes et les cités autour d'un même projet politique qu'il définissait comme celui de la liberté commune.» 
Vercingétorix, de Jean-Louis Brunaux, Gallimard, 336 p., 22 €. En librairie le 22 février 2018.
«Le jeune chef gaulois arriva trop tard dans un monde en mutation»
Jean-Louis Brunaux
Nous avons rencontré Jean-Louis Brunaux, archéologue français spécialiste de la civilisation gauloise et auteur de Vercingétorix.
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- Crédits photo : C. Hélie/Gallimard
LE FIGARO. - Quelle est la spécificité de cette biographie par rapport à celles qui ont déjà été consacrées au personnage?
Jean-Louis BRUNAUX. - Il s'agit de donner vie aux Gaulois. Or Vercingétorix est le seul qui se prête à ce genre d'exercice. L'époque où il vécut est désormais bien connue à travers l'archéologie. Dans les biographies précédentes il est plus question de la Gaule et de César que du jeune chef arverne. J'ai donc voulu faire une vraie biographie, de la naissance à la mort du personnage.
Comment expliquer que César ait à ce point occulté des pans entiers de la vie de son adversaire?
La Guerre des Gaules est un ouvrage de propagande. C'est l'œuvre d'un grand littérateur qui réécrit l'histoire. César fait du chef gaulois un adversaire à sa mesure: la victoire est d'autant plus belle que l'ennemi est redoutable. Mais il se garde de dire qu'il entretenait des liens d'amitié et d'hospitalité avec le jeune Arverne. Un tel aveu aurait jeté quelque doute sur la réalité de sa conquête de la Gaule, qui fut moins une œuvre militaire qu'un chef-d'œuvre de diplomatie.
Vous insistez sur la puissance des Arvernes dont Vercingétorix était le chef. Que représentaient-ils dans le monde gaulois?
Les Arvernes, par leur situation géographique mais aussi par leur rôle dans l'histoire de la Gaule des cinq siècles précédant la conquête, jouent un rôle central. Longtemps ils furent les patrons de la Gaule: ils jouissaient d'un puissant réseau leur permettant de contrôler une grande partie du commerce avec les puissances méditerranéennes. Mais les événements de la deuxième guerre punique, avec le passage d'Hannibal en Gaule, offrirent à leurs concurrents éduens du Morvan la chance de s'allier avec Rome. Les Éduens, déclarés par le Sénat «Frères consanguins des Romains», devinrent le fer de lance de l'entreprise commerciale et impérialiste que Rome menait en Gaule. Les deux grandes puissances du centre - les Éduens, tenants de la romanité, les Arvernes, défenseurs des traditions gauloises - s'affrontèrent alors par l'intermédiaire de leurs peuples clients.
«César se garde de dire qu'il entretenait des liens d'amitié et d'hospitalité avec le jeune Arverne»
Jean-Louis Brunaux
Les druides, auxquels vous accordez beaucoup d'importance, sont-ils spécifiques au monde gaulois?
Les druides sont consubstantiels à la civilisation gauloise. Philosophes et savants, ils remplacèrent les cultes de type préhistorique par une religion d'État. Ils installèrent une nouvelle spiritualité proche du pythagorisme: l'écriture et l'image proscrites ; l'âme, immortelle, se réincarnant dans une succession de vies. Ils donnèrent des modèles aux institutions politiques, séparant la justice qu'ils exerçaient eux-mêmes du pouvoir régalien et prenant en charge l'éducation de la jeunesse. Les druides ne sont connus qu'en Gaule. Ce qui ne surprend pas: la civilisation gauloise s'est développée en osmose avec le monde grec, par l'intermédiaire de Marseille notamment. Et les druides se sont abreuvés du savoir grec, de la philosophie et des sciences principalement, tout en veillant scrupuleusement à leur indépendance et à leur particularisme.
Les Gaulois contemporains de Vercingétorix sont-ils différents de leurs ancêtres de l'époque de Brennus qui mit Rome à sac?
Entre les compagnons de Brennus qui prennent Rome vers - 380 et les guerriers de Vercingétorix, les différences sont minimes. Les uns et les autres cultivaient les mêmes traditions guerrières: animés d'une fureur belliqueuse, ils ne craignaient pas de mourir au combat. Cependant, en trois siècles, le monde avait changé. Les Gaulois de Brennus avaient conquis une grande partie de l'Italie et, en association avec Denys, le tyran de Syracuse, ils avaient failli abattre définitivement la cité romaine. Depuis, les Romains s'étaient relevés, avaient repris aux Gaulois toutes leurs terres d'Italie et tout le sud de la Gaule. Cependant, moralement, Rome ne s'était jamais remis de la honte infligée par Brennus, et César, trois siècles et demi plus tard, aura à cœur de laver cet affront.

Loin des stéréotypes, les Celtes étaient des penseurs et des artistes
Depuis longtemps, la Gaule a perdu la parole. Les vainqueurs n'ont pas seulement capturé ses ressources, ils se sont aussi emparés de sa mémoire. Ils ont parlé à sa place.
Ces Celtes, les Grecs les appellent Galates et les Romains Gaulois. Pour eux, ce sont des Barbares. Ils dorment dans la paille, ne mangent que de la viande, ne pensent qu'à la guerre. Leur fureur et leur sauvagerie effraient. Ces stéréotypes sont sans cesse repris dans les textes anciens.
Quand les Gaulois s'emparent de Rome, en 386 av. J.-C., c'est la plus grande humiliation que Rome ait subie sur son sol. En retour, la conquête de César est terriblement meurtrière. Au moins 20 % de morts et de déportés sur une population de 5 à 15 millions d'habitants.
Cette Gaule perdue n'a-t-elle plus rien à dire? Si, nous dit Laurent Olivier, conservateur en chef au Musée d'archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, même si elle n'est plus qu'une voix infime, qui creuse les silences.
Avec ce voyage au pays des Celtes et leurs «réinventions» successives depuis César, il se livre à une vertigineuse généalogie de la mémoire. C'est comme si on lisait un roman policier ponctué de diversions et de malentendus, de tâtonnements et parfois d'égarements.
Une proximité entre la pensée gauloise et le savoir grec
Au XIXe siècle, lorsqu'on commence à fouiller des tombes, on ne reconnaît pas d'abord les vestiges que les Gaulois avaient laissés, bien qu'on les eût directement sous les yeux. On les attribue à des cultures plus civilisées. Que leur armement fut comparable à celui des Grecs et des Romains, qu'ils portèrent des parures aussi délicates et raffinées, on ne veut pas le croire.
Jusqu'au début des années 1980, on crut même qu'ils vivaient dans des cabanes basses et obscures, au milieu de leurs immondices. On sait aujourd'hui qu'il existe aussi une proximité étroite de la pensée gauloise et du savoir grec - les savants gaulois partageaient sans doute avec les pythagoriciens l'idée que le monde est régi par les nombres.
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- Crédits photo : Seuil
C'est par la découverte du Nouveau Monde - et celle des «sauvages» des Amériques - que l'on redécouvre les Celtes. On observa notamment des parentés dans le fonctionnement social. Quelque chose de gaulois - d'antérieur à eux, même - survivait chez ces «primitifs».
Les pages consacrées à l'art gaulois, célébré par les surréalistes, sont vivifiantes. C'est en toute conscience que les Celtes auraient choisi la voie de la stylisation, en se distinguant de l'art classique des civilisations méditerranéennes. Plus qu'une technique, l'art gaulois aurait été une façon de penser les formes et le monde. Il aurait survécu au long des siècles, notamment à travers les œuvres gallo-romaines et l'art roman.
On redécouvre aussi l'historien de la IIIe République Camille Jullian. Même si certains de ses points de vue sont surannés, il nous a montré que les Gaulois pensaient et réfléchissaient. Cette réminiscence que l'on perçoit «monter des profondeurs» est une notion que cet historien de la Gaule partage avec Bergson, le philosophe de la mémoire. Ainsi les héritages du passé se transmettent-ils en se transformant.
«Le Pays des Celtes», de Laurent Olivier, Seuil, 336 p., 23 €.

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5G : les réseaux du futur se préparent dès maintenant (15.02.2018)
Par Elsa Bembaron
Publié le 15/02/2018 à 19h37
Au-delà des télécoms, l'arrivée de la cinquième génération de téléphonie mobile concerne tous les secteurs, de l'automobile à l'éducation en passant par l'industrie et la santé.
Pari gagné pour les Coréens: ils sont bien les premiers à avoir testé la 5G «grandeur nature». Certes, il s'agit d'une version particulière de la cinquième génération de téléphonie mobile, puisqu'elle ne répond pas complètement aux standards internationaux. Ces derniers sont encore en cours d'élaboration. Mais cette course technologique sur fond de Jeux olympiques témoigne bien des enjeux sous-jacents. Cela va bien au-delà des télécoms et concerne tous les secteurs, de l'automobile à l'éducation en passant par l'industrie, la santé…
Depuis quelques semaines, le rythme des annonces s'est accéléré. Fin décembre, l'organisme international de standardisation (3GPP) a publié une première norme pour la 5G. Ce qui permet de lancer les premières phases de tests avec ces nouvelles normes. La semaine dernière, Orange a annoncé qu'il lancerait les premiers tests dès la mi-2018 et jusqu'à la mi-2019 à Lille et à Douai. L'occasion d'expérimenter les nouveaux usages pour les entreprises, auxquelles la 5G s'adresse en priorité. Elle devrait notamment permettre d'apporter de la connectivité dans tous types de bâtiments, sans avoir besoin de câbles. Cela représente des gains potentiels énormes en termes de flexibilité, d'aménagement d'espaces, mais aussi pour de nouvelles applications professionnelles.
Les équipementiers télécoms, Nokia, Ericsson et leurs rivaux asiatiques, Huawei, ZTE et Samsung, sont sur les rangs pour déployer les réseaux du futur. Nokia et Qualcomm ont ainsi réalisé de premiers tests de transmission en Finlande. Qualcomm a annoncé avoir signé vingt-neuf partenariats avec des opérateurs télécoms, dont les trois coréens (KT, SKT et LG U+) et Orange.
Pour le moment, point de smartphones ni de tablettes équipés en 5G, à part quelques prototypes comme ceux présentés par Samsung en Corée ou Qualcomm
Mais pour le moment, point de smartphones ni de tablettes équipés en 5G, à part quelques prototypes comme ceux présentés par Samsung en Corée ou Qualcomm. «Les premiers terminaux dotés de la 5G arriveront en précommercialisation au début de l'année prochaine», pronostique Jean Varaldi, directeur business développement Qualcomm France. Juste à temps pour accompagner les premiers lancements commerciaux de la 5G. Les Français prévoient une commercialisation en 2020. Si Orange a déjà fait des annonces, Bouygues Telecom et SFR devraient rapidement dévoiler leurs projets dans la 5G. Pour leur part, les Coréens misent ainsi sur une première mise en service dès la fin de l'année 2019.
Pour autant, la course est déjà lancée pour les entreprises. L'usine de demain se prépare, elle sera probablement beaucoup plus modulaire, entièrement connectée et dénuée de tout câble. «De plus en plus de constructeurs automobiles prennent directement contact avec nous. La connectivité, particulièrement pour préparer la voiture autonome, est devenue un enjeu essentiel», ajoute Jean Varaldi. Les fabricants de composants sont en train de s'imposer parmi les équipementiers de premier rang pour l'automobile. La communication dite V2X (de véhicule à véhicule, entre véhicule et infrastructures routières ou avec le réseau) est un des enjeux majeurs de la 5G. Cela implique un taux de latence divisé par dix par rapport à la 4G, avec des capacités de connexions mille fois plus élevées, et des temps de connexion dix fois plus rapides.

Calendier pour la 5G
2018
Orange annonce pour le deuxième semestre les premières expérimentations en France, à Lille et à Douai.
2019
Premières commercialisations de la 5G attendues en Asie, notamment en Corée.
2020
Année du lancement de l'exploitation en France.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 16/02/2018.
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La Suisse divisée sur son lien avec l'Europe (15.02.2018)

Par Marion Moussadek
Mis à jour le 15/02/2018 à 19h07 | Publié le 15/02/2018 à 17h36
Berne et Bruxelles renégocient le cadre de leur relation. En jeu pour les Suisses : l'accès libre au marché unique.
À Genève
L'accord institutionnel avec l'Union européenne (UE) est «dans l'impasse». C'est la conclusion à laquelle le ministre suisse des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, est arrivé à l'issue d'une réunion du Conseil fédéral sur sa stratégie européenne qui s'est éternisée le 31 janvier dernier.
Cet accord institutionnel - qui viendrait chapeauter non pas l'ensemble de la relation bilatérale, mais les accords sectoriels d'accès au marché, comme celui de l'électricité - est un instrument qui doit ouvrir à la Suisse et à ses entreprises de nouvelles opportunités dans une UE à 500 millions de consommateurs. Fini, les sempiternelles renégociations dès que les conditions d'un secteur donné changent. Place à cet accord-cadre qu'Ignazio Cassis a renommé «accord d'accès au marché» pour le rendre plus parlant auprès du public. Aujourd'hui, c'est l'accord de libre-échange de 1972 qui régit le commerce entre la Suisse et les États membres de l'UE, et l'ensemble des accords conclus entre les deux zones économiques sont dits «bilatéraux II».
Mais ce pacte, que l'UE ambitionnait de signer d'ici au printemps 2018 est loin de l'être. Car qui dit accord institutionnel, dit application automatique du droit européen sur les sujets concernés. La Cour européenne de justice aurait ainsi le dernier mot sur tous les différends entre Berne et Bruxelles. En Suisse, on hurle à l'ingérence.
Autre point d'achoppement, et non des moindres, les dispositions sur le respect de la politique de concurrence. En Suisse, les compagnies d'électricité, dont les cantons ou les communes sont parfois seuls actionnaires, et les banques cantonales, qui, comme leur nom l'indique, peuvent être recapitalisées par les cantons en cas de déroute, redoutent la clause européenne visant à interdire toute aide de l'État lorsqu'elle fausse la concurrence.
Face aux atermoiements suisses, l'UE a perdu patience. Elle a voulu montrer que c'était elle qui tenait le couteau par le manche.
Cul-de-sac
D'abord, Bruxelles a refait basculer la Suisse sur la liste grise des paradis fiscaux alors même que Berne estimait avoir fait d'incommensurables efforts pour détricoter son secret bancaire. Depuis le 1er janvier, l'échange automatique d'informations a ainsi cours ; révolutionnaire dans ce pays feutré. Ensuite, la Commission européenne a accordé un régime d'équivalence à la Bourse de Zurich (Swiss Exchange) du bout des lèvres: Berne attendait un accès aux investisseurs européens illimité dans le temps mais on ne lui a octroyé qu'un an. La place financière suisse tremble devant ce simple sursis.
«Le Conseil fédéral reste convaincu qu'il faut un accord d'accès au marché car cela contribue à la prospérité suisse. Mais le gouvernement ne veut pas signer n'importe quel accord-cadre»
Le ministre suisse des Affaires étrangères, Ignazio Cassis
Échaudé, Ignazio Cassis a promis un «reset» selon ses propres termes, une remise à plat des rapports avec l'UE. Les partisans d'une ligne dure, comme le ministre des Finances Ueli Maurer (UDC, souverainiste), se sont braqués. Ils veulent geler tout accord institutionnel et parlent carrément de porter plainte contre l'UE. D'autres, plus raisonnables mais conscients du cul-de-sac, à l'instar du ministre de l'Économie Johann Schneider-Ammann (PLR, droite) veulent jouer la montre et observer comment l'UE parvient à ficeler le Brexit. «Le Conseil fédéral reste convaincu qu'il faut un accord d'accès au marché car cela contribue à la prospérité suisse. Mais le gouvernement ne veut pas signer n'importe quel accord-cadre», a résumé Ignazio Cassis.
Il promet ainsi de ne pas céder un iota sur les mesures dites «d'accompagnement», qui protègent les travailleurs contre les risques de sous-enchère salariale, mais qui, de tout temps, ont été considérées par l'UE comme une violation de la libre circulation du travail.
Pour calmer eurosceptiques et europhobes, Berne réfléchit à montrer les muscles à son tour. Le Conseil fédéral parle ainsi de revoir sa contribution au Fonds de cohésion européen, attendue à hauteur de 1,3 milliard de francs (1,13 milliard d'euros). Une goutte d'eau néanmoins face à l'hypothétique non-renouvellement de l'équivalence boursière fin 2018, qui affecterait la moitié du volume d'affaires du Swiss Exchange, soit environ 850 milliards de francs (738 milliards d'euros).

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  1. Actualité

  1. Sciences & Environnement
http://plus.lefigaro.fr/sites/default/files/imagecache/Petite/images/avatar-journalistes-defaut.jpg
Par Vincent Bordenave
Publié le 13/02/2018 à 20h00
Si ce n'est pas impossible, pour Céline Bon, paléogénéticienne au Musée de l'Homme, le nouveau buste de ce chasseur-cueilleur dévoilé la semaine dernière ressemble plus «à une opération de communication, qu'à un travail scientifique».
«Cheddar Man», c'est l'homme aux cheveux noirs, à la peau noire et aux yeux clairs dont toute l'Angleterre parle depuis une semaine. Cet homme dont le squelette a été découvert au début du siècle dernier (1903) dans des gorges proches du village de Cheddar (qui a donné son nom au célèbre fromage) est le plus vieil humain retrouvé en Grande-Bretagne. Âgé de 10.000 ans, il est en quelque sorte l'ancêtre des Britanniques: 10% de la population présente une ascendance génétique avec ce chasseur-cueilleur. Une reconstitution de son visage réalisée il y a quelques années seulement le montrait avec la peau claire et aux yeux marron. Mais mercredi dernier, le Musée d'histoire naturelle de Londres en a dévoilé une version «revisitée»... à la peau foncée et aux yeux clairs.
Avec son équipe, Chris Stringer, directeur des recherches au Muséum d'Histoire Naturelle de Londres, a utilisé de l'ADN prélevé au niveau du crâne du squelette pour reconstituer ce nouveau visage. «Il est très surprenant de voir qu'un Britannique, il y a 10.000 ans, pouvait avoir la peau très sombre et des yeux très bleus», commente-t-il. Tom Booth, un autre chercheur du muséum impliqué dans ces travaux, est plus explicite: «jusqu'à récemment, on pensait que la couleur de peau des hommes s'était rapidement éclaircie après leur arrivée en Europe il y a 45.000 ans. La peau claire permet de mieux absorber les rayonnements UV (qui permettent de synthétiser la vitamine D, NDLR), ce qui aide les hommes à lutter contre les carences dans les climats moins lumineux.»
Ces résultats ne surprennent pas forcément la communauté mais des chercheurs s'interrogent néanmoins sur la méthode utilisée. «Chris Stringer et son équipe sont des gens sérieux, mais objectivement, ça ressemble plus à une opération de communication qu'à autre chose.» Aucune publication scientifique n'est en effet associé à cette annonce fracassante. Le Musée d'Histoire Naturelle de Londres a dévoilé le nouveau buste et annoncé un documentaire diffusé sur Channel 4 (voir ci-dessous), mais aucune publication ne vient détailler les travaux effectués pour arriver à ces conclusions.
Autant la couleur des yeux est facilement identifiable, autant il est très difficile de définir avec certitude une couleur de peau à partir d'ADN ancien. «La couleur de peau est due à la concentration en mélanine (un pigment naturel produit dans les cellules épithéliales, NDLR)», explique Céline Bon. «De nombreuses mutations génétiques peuvent altérer sa production. On est exactement dans la même configuration qu'une usine dont la production est perturbée: de nombreuses pannes différentes peuvent avoir cette même conséquence.»
Il existe ainsi de nombreux marqueurs génétiques pouvant être associées à la peau claire. Mais il est plus difficile de démontrer que la production de mélanine se fait correctement. «En l'état des connaissances, il me paraît difficile de démontrer avec certitude qu'un individu avait la peau foncée.» On peut en revanche établir un niveau de probabilité en fonction de la finesse des analyses. Les travaux portant sur des restes de chasseurs-cueilleurs espagnols (La Brana), ou hongrois (Koros 1), datant approcximativement de la même période, laissaient déjà penser qu'ils avaient probablement la peau sombre. Mais sans certitude absolue.
Le squelette de Cheddar Man.
Le squelette de Cheddar Man. - Crédits photo : Lucie Goodayle
L'histoire de l'évolution de la pigmentation des populations humaines est éminemment complexe. «Nos ancêtres primates avaient la peau claire sous les poils», rappelle Céline Bon. «Avec la perte des poils, la peau s'est colorée pour mieux résister aux rayons UV. La modification de la couleur de peau est donc extrêmement ancienne. C'est impossible de dater précisément quand sont réapparues des populations aux couleurs de peau claire. La pigmentation des populations avant la sortie d'Afrique était déjà très diversifiée.»
Autre exemple, les Inuits ont la peau foncée alors qu'ils vivent dans un environnement pauvre en luminosité. Ils compensent le manque de vitamine D par une modification de leur régime alimentaire très riche en poisson. «C'est d'ailleurs pour la même raison que nos grands-mères mangeaient de l'huile de foie de morue en hiver», rappelle Céline Bon. Certaines théories proposent que l'agriculture a favorisé une alimentation pauvre en vitamine D, ce qui aurait entraîné l'éclaircissement de la peau. «La mutation responsable de la peau claire est néanmoins apparue bien avant», estime Céline Bon. «La relation de causalité entre ces deux événements n'est pas si évidente.»
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Migrants : la fronde des associations contre la circulaire Collomb (15.02.2018)

Par Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 15/02/2018 à 18h49 | Publié le 15/02/2018 à 17h28
Emmaüs et le Secours catholique, entre autres, craignent que les nouvelles équipes de contrôle ne mènent une traque aux clandestins. Le Conseil d'État doit prendre sa décision ce vendredi concernant la légalité de ces mesures.
Alors que le Conseil d'État doit trancher ce vendredi sur la légalité de la circulaire Collomb, les associations, comme Emmaüs ou le Secours catholique, font feu de tout bois contre ce texte. Jeudi, 200 manifestants se sont rassemblés devant le palais de justice de Rouen (Seine-Maritime) pour protester contre le recensement des migrants dans les centres d'hébergement d'urgence. Les associations craignent que les nouvelles équipes de contrôle, composées chacune de neuf opérateurs de l'État, ne mènent une traque aux clandestins.
Déjà, le 7 février, la venue d'une première équipe mobile dans un centre à Rouen a été perturbée par les salariés de l'association visitée. Mais ces actions demeurent symboliques, car dans les faits, en dehors de la Seine-Maritime et de rares points en région parisienne, la circulaire du 12 décembre est loin d'avoir une application concrète. Même là où elle est mise en pratique, les équipes viennent juste pour «rassurer».
«Résistance passive»
«Très peu de préfets se servent du texte. Prudents, ils attendent le délibéré du juge administratif», confie un haut fonctionnaire à Beauvau. Un préfet de région renchérit: «Beaucoup d'entre nous attendront la fin de l'hiver si le dispositif est validé, car la priorité est la mise à l'abri.» Gérard Collomb lui-même n'a-t-il pas parlé d'une circulaire de «bon sens»? Sans doute serait-elle mieux passée si sa publication avait été faite en mars plutôt qu'en période de grands froids…
«On doit prendre un certain nombre de mesures pour sortir du provisoire et donner un avenir»
Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur
Quoi qu'il en soit, les associations maintiennent la pression. Dès le mois de décembre, elles avaient appelé à la «résistance passive». Le Conseil d'État va-t-il vraiment les encourager? Le 13 juillet 2016, il avait estimé que «l'État n'était tenu d'assurer l'hébergement des personnes auxquelles une obligation de quitter le territoire (OQTF) avait été notifiée que pendant le temps strictement nécessaire à leur départ ou si leur situation relevait de circonstances exceptionnelles».
Pourtant les associations n'en démordent pas. Elles objectent que cette circulaire est contraire au Code de l'action sociale et des familles, qui n'établit pas de distinction entre les gens dans les centres d'hébergement. À les entendre, l'accueil serait «inconditionnel». Pour ces structures qui vivent de la manne de l'État, il est hors de question de recenser quiconque. Elles demandent donc purement et simplement le retrait de la circulaire.
Gérard Collomb persiste et signe: «L'inconditionnalité, c'est vrai. Mais l'inconditionnalité, c'est dans le moment, ce n'est pas quelque chose qui doit durer pendant dix ans. On doit prendre un certain nombre de mesures pour sortir du provisoire et donner un avenir», a-t-il expliqué, sur France Inter, le 11 février, alors que son projet de loi asile et immigration doit être discuté, en principe, en mars, en commission des lois à l'Assemblée. Pour bien des préfets, cette circulaire est «politiquement sensible mais juridiquement fondée».

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Pierre Vandier: «Les armes nucléaires reviennent au centre du jeu» (15.02.2018)
Par Alain Barluet
Mis à jour le 15/02/2018 à 19h24 | Publié le 15/02/2018 à 19h18
INTERVIEW - Pour le contre-amiral, ancien commandant du porte-avions «Charles-de-Gaulle», l'espoir d'un désarmement complet s'éloigne et la dissuasion nucléaire conserve toute sa pertinence.
Pierre Vandier est contre-amiral, actuellement adjoint du préfet maritime de la Méditerranée. Pilote de l'aéronavale, il a commandé le porte-avionsCharles-de-GaulleIl vient de publier La Dissuasion au troisième âge nucléaire (Éditions du Rocher).
LE FIGARO. - Officier général d'active, vous vous attaquez au sujet le plus sensible du domaine stratégique, la dissuasion nucléaire. Parlez-vous au nom de l'institution militaire?
Pierre VANDIER. - Non, j'indique au début de mon livre que mes propos sont le fruit d'une réflexion personnelle. Pilote de la force aéronavale nucléaire (FANu) puis commandant du porte-avions Charles-de-Gaulle, j'ai été confronté à ces questions lors des missions d'entraînement à la mise en œuvre de l'arme nucléaire aéroportée. Cela fait longtemps que je réfléchis sur le sujet de la dissuasion et il m'apparaissait utile d'y revenir maintenant, alors que l'on observe de nombreux signaux qui montrent un grand retour sur le devant de la scène de ces questions. Nous avons vécu toute une période, depuis la fin de la guerre froide, marquée par l'espoir d'un désarmement nucléaire. Cette période semble se terminer à mesure que les dispositifs de contre-prolifération sont contournés - comme c'est le cas avec la Corée du Nord - et que les grandes puissances procèdent au renouvellement de leurs composantes.
Après le «premier âge» de la dissuasion, à partir de 1945, vous évoquez un «deuxième âge», celui du désarmement, qui débute avec la chute du mur de Berlin, en 1989. Cette période est-elle close?
La perspective d'un désarmement complet s'éloigne de jour en jour. De nouveaux acteurs arrivent et refusent les règles du jeu précédentes, celles qui établissaient un accord entre pays dotés et pays non dotés d'armes nucléaires au travers d'un traité international, le TNP (traité sur la non-prolifération). On constate également un délitement des accords qui permettaient de réduire le nombre des armes nucléaires ou qui limitaient la course aux armements, notamment dans le domaine balistique. Tout ceci ne fonctionne plus de façon satisfaisante. La fenêtre d'opportunité d'un désarmement nucléaire global est probablement derrière nous. L'heure est aujourd'hui au renouvellement des capacités. Certains pays sont même en train d'envisager un élargissement de leurs arsenaux nucléaires avec de nouvelles têtes ou de nouveaux types de vecteurs.
«Grâce aux armes nucléaires, on a ainsi évité de reproduire les affrontements sanglants tels qu'on les a connus au XXe siècle.» 
Pierre Vandier
La dissuasion nucléaire n'a donc pas été délégitimée par les menaces «asymétriques»?
Non. De mon point de vue, la stratégie de la dissuasion reste entièrement pertinente car elle interdit de raisonner a priori sur le succès d'une guerre totale contre une puissance nucléaire. C'est une bonne nouvelle! Grâce aux armes nucléaires, on a ainsi évité de reproduire les affrontements sanglants tels qu'on les a connus au XXe siècle. Le terrorisme, aussi néfaste qu'il soit, ne peut être considéré comme une menace existentielle par les États qui ont connu des centaines de milliers voire des millions de morts pendant le XXe siècle. Il ne s'agit pas de minimiser la menace terroriste mais de constater que la dissuasion contribue efficacement à maintenir la violence à un niveau somme toute assez bas par rapport à d'autres périodes de l'histoire. Sans la dissuasion, on assisterait assez naturellement à des conflits entre puissances, comme au XIXe et au XXe siècles. On voit bien que face à la Corée du Nord, les États-Unis hésitent à se lancer dans un conflit qui, par le fait nucléaire, ne peut plus être envisagé comme limité.
Le «troisième âge» de la dissuasion met en corrélation les conflits régionaux et le jeu stratégique des grandes puissances…
Oui. Le «premier âge» était caractérisé par un dialogue entre grandes puissances nucléaires. Le nouvel âge nucléaire sera marqué par des discussions entre puissances régionales qui vont se superposer aux rapports entre grandes puissances. C'est l'inquiétude qu'exprimait la stratégiste Thérèse Delpech lorsqu'elle soulignait l'arrivée de nouveaux acteurs dont la mécompréhension de la «grammaire» nucléaire et les intérêts particuliers modifiaient le grand jeu, ce qu'elle appelait la «piraterie stratégique». L'arme nucléaire permet en effet à des pays secondaires d'accéder au rang de puissances régionales, ce qu'ambitionnent clairement les Nord-Coréens et les Iraniens.
«La France sera à l'avenir confrontée à une palette de situations beaucoup plus diverses qui résultent notamment de la globalisation de l'économie et des intérêts des nations.»
Pierre Vandier
Les armes nucléaires tactiques reprennent de l'importance, côté américain comme russe…
Cela traduit un besoin de ces grands acteurs de disposer de suffisamment de «doigts» pour jouer sur tous les claviers stratégiques en même temps. Il leur faut à la fois avoir une capacité de dissuasion classique - du premier âge - et avoir de nouveaux outils adaptés à leurs enjeux régionaux qui deviennent beaucoup plus complexes.
Dans le cas de la Corée du Nord, on voit bien que l'arrivée de ce nouvel acteur, au-delà des rodomontades anti-américaines, modifie surtout, pour les alliés des États-Unis, la perception de leur sécurité en Asie. Disposer d'armes de puissance plus faible a, pour un pays comme les États-Unis, l'objectif de rappeler à la Corée du Nord qu'elle ne pourra pas espérer gagner une guerre limitée, y compris couverte par la menace d'emploi de son arsenal nucléaire, sans craindre à son tour une riposte proportionnée.
À bien des égards, on retrouve dans cette situation celle qu'ont connue les Européens pendant les années 1980, pendant laquelle les Soviétiques avaient déployé des SS-20 en Europe de l'Est. Le maintien d'une capacité de dissuasion régionale par les Américains les avait conduits alors à mettre en place des missiles Pershing en Europe de l'Ouest.
Vous parlez de «sanctuarisation agressive»?
Un scénario particulièrement critique survient lorsqu'un État parvient à assurer une stratégie agressive de conquête territoriale par la menace d'une rétorsion nucléaire en cas d'intervention en réaction à sa conquête. D'une certaine manière, c'est ce qu'a fait la Russie en Crimée en 2014, lorsqu'elle a rappelé très clairement cette possibilité après s'être emparée de Sébastopol. Les démonstrations volontairement ambiguës qui ont été réalisées par les forces russes dans les mois suivants - vols d'avions bombardiers à long rayon d'action, tirs de missiles aux profils volontairement démonstratifs - participent à cette sanctuarisation des gains territoriaux par l'ombre portée de leur dissuasion nucléaire.
Quels sont les impératifs pour la France?
La France sera à l'avenir confrontée à une palette de situations beaucoup plus diverses qui résultent notamment de la globalisation de l'économie et des intérêts des nations. Au premier âge de la dissuasion, les menaces concernaient essentiellement le territoire métropolitain. La situation est aujourd'hui plus floue. On ne voit plus aujourd'hui en Europe une puissance de rang suffisant capable d'envahir la France. Pour autant, cela ne veut pas dire que la dissuasion est inutile. Par ses territoires ultramarins, la France se trouve de fait au contact de la plupart des grands rapports de forces actuels et à venir, dans lesquels le fait nucléaire restera central car susceptible de maintenir ou bouleverser les équilibres de puissance conventionnelle.
Face aux procédés de sanctuarisation agressive, la question centrale est de parvenir à bâtir une stratégie qui réponde à la mise en cause éventuelle de nos intérêts par ce type de procédé. Les deux composantes de notre dissuasion, très complémentaires sur le plan stratégique et sur le plan technique, offrent une palette très complète d'options qui permettent de faire face à ces nouvelles situations géopolitiques.

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Un enfant sur six dans le monde vit dans une zone en conflit (15.02.2018)
Par Ottilia Ferey
Publié le 15/02/2018 à 16h43
INFOGRAPHIES - Au moins 357 millions d'enfants vivent dans des zones de conflit, selon un rapport de l'ONG Save the Children rendu public ce jeudi. Un chiffre record qui met en évidence les violences dont sont victimes les plus jeunes.
Un enfant sur six dans le monde vit dans une zone de conflit. Le chiffre total s'élève à 357 millions, soit une augmentation de 75% depuis le début des années 1990. Il n'y a jamais eu autant d'enfants exposés à cette situation et confrontés au risque d'être tués ou victimes d'autres formes de violences, estime l'ONG Save the Children dans un rapport rendu public ce jeudi.
Nombre d'enfants impactés par les conflits dans le monde par pays. Source: rapport de Save the Children
La Syrie, l'Afghanistan et la Somalie figurent parmi les pays les plus dangereux pour les mineurs, précise l'ONG. En Syrie, la guerre perdure et a été marquée par un manque de respect cruel pour le droit international humanitaire (DIH). La situation dans ce pays est le plus grand facteur contribuant aux aggravations des tendances mondiales en matière d'enfants et de conflits armés.

Les dix pays les plus dangeureux pour les enfants en 2016. Source: rapport de Save the Children
Au vu des récents conflits au Moyen-Orient, en Afrique et en Birmanie, les chiffres de 2017 ne devraient pas être revus à la baisse. En 1995, 66 pays connaissaient des conflits. En 2016, ce chiffre est tombé à 52. Cependant, les guerres aujourd'hui se concentrant davantage sur des zones à forte densité, le nombre d'enfants impactés a donc considérablement augmenté.
Un enfant soldat relâché au Soudan du Sud.
Un enfant soldat relâché au Soudan du Sud. - Crédits photo : STEFANIE GLINSKI/AFP
Au cours des 20 dernières années, des dizaines de milliers de garçons et de filles ont par exemple été recrutés dans des groupes armés pour remplir divers rôles, que ce soit en tant que combattants, messagers, porteurs ou domestiques. L'ONU avance un chiffre de 49.640 cas vérifiés d'enfants recrutés ou utilisés par les forces et groupes armés de 2005 à 2016.
Un garçon à vélo dans les ruines de la ville de Mossoul en Irak. - Crédits photo : Felipe Dana/AP
La violence sexuelle, arme de guerre redoutable
La violence sexuelle contre les adultes et les enfants a aussi été utilisée comme une tactique de guerre à travers tous les continents, de l'Afghanistan à la Syrie, en passant par la Colombie, le Myanmar ou encore la République centrafricaine. Entre 1989 et 2009, 35% des conflits ont ainsi impliqué certaines formes de violence sexuelle contre les enfants. Ce phénomène étant sous-déclaré, les chiffres réels sont susceptibles d'être beaucoup plus élevés. Au moins 17.515 cas de violence sexuelle contre des filles et des garçons ont été signalés et confirmés entre 2005 et 2016 dans un échantillon de pays touchés par un conflit. Rien qu'en 2003 au Congo, plus de 250 femmes et filles de la région du Sud-Kivu ont dû avoir recours à une intervention chirurgicale pour réparer les blessures causées par le viol. Dans son dernier rapport, le secrétaire général de l'ONU a recensé 856 cas pour 2016, dont plus d'un tiers a été signalé en Somalie.
Selon les chiffres des Nations unies, plus de 73.000 enfants ont été tués ou mutilés dans le cadre de 25 conflits depuis 2005, année où les statistiques ont commencé à être collectées, lit-on dans le rapport. Depuis 2010, le nombre de cas vérifiés par l'ONU d'enfants tués ou mutilés a grimpé de près de 300%, ajoute Save the Children. Pour les organisations humanitaires, le nombre réel d'enfants tués ou mutilés est sans doute nettement plus élevé, étant donné les difficultés pour vérifier les comptes rendus dans les zones de conflit.
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Syrie : après avoir vaincu Daech, les Kurdes sous le feu de l'armée turque (11.02.2018)
Par Delphine Minoui
Mis à jour le 11/02/2018 à 20h01 | Publié le 11/02/2018 à 19h45
REPORTAGE - Après trois semaines d'offensive, les rebelles syriens appuyés par les militaires turcs ont repris plusieurs villages aux milices kurdes. Pour l'armée turque, qui a perdu samedi onze soldats et un hélicoptère, cette opération militaire est à haut risque.
http://i.f1g.fr/media/figaro/370x230/2018/02/11/INF83cca4e2-0f1b-11e8-8c8d-d16d3f1b496d-370x230.jpg
Envoyée spéciale à Hatay  (frontière turco-syrienne)
La voiture file le long d'un ruban de bitume, caressant un champ d'oliviers, avant de s'arrêter au passage d'un troupeau de moutons à quelques encablures de la Syrie. Soudain, c'est la guerre à travers le pare-brise: les convois militaires turcs, les avions de chasse qui égratignent le ciel et l'écho des tirs d'artillerie lourde sur les forces kurdes des YPG, positionnées à Afrine, de l'autre côté de la frontière.
Une guerre dans la guerre syrienne, aussi complexe que risquée, qui déborde chaque jour un peu plus sur le territoire turc: samedi, un hélicoptère turc a été abattu par les milices kurdes de Syrie à quelques kilomètres de ce paysage bucolique. Les deux soldats qui étaient dans l'appareil sont morts sur le coup. Trois semaines après le lancement de l'offensive «Rameau d'olivier», visant à déloger les milices kurdes de cette enclave syrienne, 25 militaires turcs ont déjà perdu la vie (dont 11 pour la seule journée de samedi). Les civils, aussi, sont rattrapés par le conflit: dans les villes frontalières de Kilis et Reyhanli, plusieurs personnes ont péri sous des tirs de roquettes en provenance de Syrie.
Dans ses discours, le président Erdogan est impassible. Les auteurs des tirs «vont payer le prix», a-t-il encore martelé ce week-end à Istanbul, lors d'un discours télévisé. Depuis le 20 janvier, date du début des opérations, il a fait de ce conflit une affaire de prestige national. Les soldats turcs, déclarait-il récemment, sont en train «d'écrire l'histoire» et feront de même «le long des frontières». Le message adressé aux Kurdes syriens est clair: pas question de les laisser unir les trois cantons d'Afrine, de Kobané et de Jazira en un bloc continu. L'offensive, qui vise à décourager les velléités indépendantistes des Kurdes de Turquie du PKK, ambitionne également de créer, côté syrien, une zone tampon permettant, à terme, aux réfugiés syriens (ils sont 3,5 millions en Turquie) de retourner dans leur pays.
La mise en garde vise aussi le Pentagone: le projet de former une force de gardes-frontières, composée en partie des YPG kurdes - soutenues par Washington dans sa guerre contre Daech, et considérées par Ankara comme une émanation du PKK - avait, dès le début du mois de janvier, provoqué l'ire de la Turquie. Désormais, les déclarations oscillent entre provocation et danger d'escalade: le vice-premier ministre turc, Bekir Bozdag, a averti que des soldats turcs pourraient prendre pour cible leurs homologues américains qui soutiennent les «terroristes». Les Turcs ont également prévenu qu'ils seraient prêts à pousser jusqu'au district de Manbij, où 2.000 commandos américains sont actuellement déployés aux côtés des YPG.
«Nous n'avons qu'un objectif : récupérer les villes injustement occupées depuis deux ans par les forces YPG et aider les populations déplacées à rentrer chez elles afin de préserver l'unité de la Syrie»
Abou Riad Hamadin, porte-parole des rebelles syriens engagés dans l'opération « Rameau d'olivier »
À ce jour, Ankara estime avoir «neutralisé» plus de 1.000 miliciens kurdes. Des informations invérifiables de source indépendante dans cette guerre de communication que se livrent la Turquie et les forces YPG. L'offensive turque, menée conjointement avec les rebelles de l'Armée syrienne libre, consiste en un pilonnage des positions YPG par l'armée turque, assorti d'une progression terrestre des combattants syriens, puis d'une prise de contrôle des parcelles reconquises.
«Nous avons libéré une vingtaine de villages frontaliers et repris plusieurs montagnes stratégiques comme Bursaya et Sarqaya», avance Abou Riad Hamadin, le porte-parole des quelque 25.000 rebelles syriens engagés dans l'opération «Rameau d'olivier». Engoncé dans sa tenue camouflage, il s'exprime sur Skype depuis Azaz, ville frontalière syrienne d'où est piloté l'essentiel des opérations militaires. À ceux qui lui reprochent de servir les intérêts turcs, il n'a qu'une réponse: «Nous n'avons qu'un objectif: récupérer les villes injustement occupées depuis deux ans par les forces YPG et aider les populations déplacées à rentrer chez elles afin de préserver l'unité de la Syrie».
La résistance kurde est féroce
Il fait référence aux 16 localités passées en 2016 sous le contrôle des milices kurdes, dont Tall Rifaat, au sud d'Afrine, après d'intenses bombardements russes. À l'époque, quelque 150.000 habitants (des populations arabes pour l'essentiel) avaient fui les combats pour se réfugier à Azaz, au nord. «Les Turcs nous assurent qu'ils entendent sécuriser la région et qu'ils n'ont pas l'intention de rester ici. Nous voulons les croire», poursuit-il. Pour l'heure, précise-t-il, «la coopération est excellente: au-delà de l'appui aérien, nous bénéficions de l'aide des forces spéciales qui nous accompagnent sur le terrain».
Mais la résistance est féroce. Et le paysage accidenté. «Les combattants YPG ont érigé des fortifications qui compliquent notre avancée. Sans compter tous ces tunnels qu'ils ont creusés dans les montagnes», ajoute Abou Riad Hamadin, pourtant habitué aux terrains difficiles: la plupart de ses hommes ont combattu contre Daech, notamment dans le cadre de l'opération «Bouclier de l'Euphrate», menée de pair avec la Turquie. Abdullah Khalil est l'un d'eux. À la tête d'un bataillon de 200 rebelles, il ne peut oublier «tous ces compagnons de combats tués à cause des attentats suicides djihadistes».
«Si Erdogan veut sortir la tête haute, il pourrait être tenté de se contenter de contrôler la zone tampon, et laisser Assad reprendre le chef-lieu d'Afrine»
Une source diplomatique occidentale
Si la bataille d'Afrine semble moins dangereuse, il faut pourtant compter avec le jusqu'au-boutisme des miliciens kurdes, eux aussi rodés à la guerre contre l'EI. «Ils utilisent des missiles TOW et disposent de nombreux tireurs embusqués», avance Abdullah Khalil. «Le temps, brumeux, n'est pas à notre avantage: il réduit la visibilité et complique encore plus la bataille, d'autant plus que nous voulons éviter les pertes civiles», poursuit-il, en accusant les forces YPG d'utiliser les civils comme boucliers humains. Sans pouvoir confirmer cette information, plusieurs sources contactées séparément évoquent, elles, la difficulté de fuir la région d'Afrine, à cause des prix exorbitants - environ 500 dollars par personne - réclamés par les passeurs.
Si cette bataille est si complexe, c'est qu'elle implique une multitude d'acteurs - notamment le régime de Damas, accusé de fournir de l'aide aux combattants kurdes, mais aussi la Russie. La semaine dernière, Moscou a freiné l'avancée des Turcs en bloquant pour quelques jours leur accès à l'espace aérien après qu'un de ses avions de chasse eut été abattu dans la province voisine d'Idlib. De ces différents enjeux dépendra la prise - ou pas - de la ville d'Afrine, située à plus d'une dizaine de kilomètres des combats actuels.
«Cette bataille urbaine pourrait s'avérer longue et très coûteuse pour Erdogan, vu le risque de confrontation avec les Russes, mais aussi les Américains. S'il veut sortir la tête haute, il pourrait être tenté de se contenter de contrôler la zone tampon, et laisser Assad reprendre le chef-lieu d'Afrine. Une façon de limiter les dégâts et de dire: “Regardez, je ne suis pas contre les Kurdes, je ne combats que le PKK”, afin de ménager son image à l'approche du scrutin présidentiel de 2019», estime une source diplomatique occidentale.

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Syrie : à Idlib, les rêves de la révolution sont enterrés au pied d'un mur de béton (15.02.2018)
Par Delphine Minoui
Mis à jour le 15/02/2018 à 19h42 | Publié le 15/02/2018 à 19h06
REPORTAGE - «J'ai l'impression d'avoir atteint un cul-de-sac. Il n'y a plus aucune échappatoire, aucun endroit sûr où se réfugier», lâche un Syrien en pointant du doigt l'épaisse muraille de trois mètres de haut qui verrouille la frontière turque.
Envoyée spéciale à Atmeh (province d'Idlib, Syrie)
C'est un mur de désolation. Une barrière de béton, où tous les rêves ont fini par se briser. Au pied de ce mur, érigé le long de la frontière qui sépare la province syrienne d'Idlib de la Turquie, le printemps 2011 a des airs de vieil homme déprimé. Épuisé d'avoir fui les combats. Perdu dans la boue des champs d'oliviers. Défiguré par la peur.
«J'ai l'impression d'avoir atteint un cul-de-sac. Il n'y a plus aucune échappatoire, aucun endroit sûr où se réfugier»
Ali Obeydi, au camp de déplacés d'Atmeh
«Regardez! Regardez! Une roquette est tombée ici même! Elle a perforé la tente de mes voisins», s'époumone Ali Obeydi. Le nouveau locataire du camp de déplacés d'Atmeh, dans le Nord-Ouest syrien, gesticule comme un asticot au milieu de ce gigantesque village de tentes adossé au territoire turc. Il y a quinze jours, il y a déposé son baluchon après avoir fui les bombardements aériens russo-syriens sur sa ville, Marat en-Noman, plus au sud.
Comme lui, plus de 200.000 habitants de la province d'Idlib ont échoué ici en un mois. Mais la guerre les a rattrapés: la semaine dernière, trois personnes sont mortes à Atmeh sous les tirs de roquettes des milices kurdes YPG -qui visaient vraisemblablement les soldats turcs. Une guerre dans la guerre, au cœur de ce dernier bastion de l'opposition syrienne, déjà pris en étau entre le déluge de feu du régime et l'hégémonie croissante des djihadistes. «J'ai l'impression d'avoir atteint un cul-de-sac. Il n'y a plus aucune échappatoire, aucun endroit sûr où se réfugier», lâche Ali Obeydi en pointant du doigt l'épaisse muraille de trois mètres de haut qui verrouille la frontière.
Arrivée massive de militants et de combattants
Que de choses ont changé en sept ans! «Au début du soulèvement, révolutionnaires et déserteurs de l'armée syrienne jouaient à saute-mouton à travers les rangées d'oliviers en faisant allègrement la navette entre la Syrie et la Turquie. C'était le temps de l'espoir et de la solidarité internationale. Quand la révolution a basculé dans la guerre, Atmeh s'est métamorphosé en lieu d'accueil pour populations déplacées. Pour contenir l'afflux de réfugiés sur leur territoire, les Turcs ont fini par fermer la frontière, avant de construire ce rempart, il y a deux ans», raconte Qoutaiba, un professeur d'anglais natif d'Idlib.
«On a vite déchanté: le paysage politique y est particulièrement conservateur (…) Ici, notre franc-parler et nos slogans libéraux déplaisent»
Abou Abdallah, ex-activiste d'Alep
Depuis 2016, la population de cette région rebelle -aujourd'hui estimée à 2,6 millions de personnes- a quasiment doublé avec l'arrivée massive de militants et de combattants évacués de force d'autres villes rebelles assiégées, affamées et bombardées par le régime et ses alliés: Daraya, Homs, Alep-Est… Le ventre vide, mais la tête bien remplie, ils pensaient y redonner vie à leurs utopies. «On a vite déchanté: le paysage politique y est particulièrement conservateur, et la plupart des factions de l'Armée syrienne libre se sont rapidement fait dévorer par les groupes les plus radicaux. Ici, notre franc-parler et nos slogans libéraux déplaisent. Surtout depuis que Hayat Tahrir al-Cham (dominée par l'ancien Front al-Nosra, branche d'al-Qaida en Syrie) a pris le contrôle, l'été dernier, d'une trentaine de localités», murmure Abou Abdallah (un nom d'emprunt), un ex-activiste d'Alep, à quelques mètres de la longue paroi de béton.
Au pied de ce mur, la révolution est en deuil. Pas un drapeau de l'opposition ni un graffiti anti-Assad à la ronde. Partout, les façades sont noircies de slogans religieux, préconisant d'arrêter la cigarette, de vivre modestement et de s'en remettre à Dieu. Sur les rares posters qui ornent les villages alentour, on reconnaît les logos d'ONG islamiques. Ici, la religion est le nouvel étendard: un voile sombre qui étouffe les derniers rêves de liberté.
«Ignorance et obscurantisme»
Pour pénétrer à Idlib, contrôlé par le «gouvernement de salut», considéré comme la nouvelle vitrine politique de Hayat Tahrir al-Cham, il a fallu se plier à certaines conditions: porter un foulard, ne pas rester trop longtemps sur place, et éviter de photographier les combattants -de jeunes barbus aux cheveux longs et en treillis qui, en aparté, se revendiquent fièrement d'al-Nosra. «Vous êtes les bienvenus. Dans cette région, les gens avaient l'habitude d'être kidnappés. Notre gouvernement, formé à l'automne dernier, est composé d'intellectuels et de professeurs. Il est là pour vous accueillir et vous montrer la vérité», déclare Ibrahim Kadwan, porte-parole du «gouvernement de salut» à notre petit groupe de reporters turcs et étrangers entrés sur le territoire syrien avec l'aval d'Ankara. On aimerait le croire. Mais les échos qui proviennent des autres villes de la province d'Idlib sonnent différemment.
«Pour contenir l'afflux de réfugiés sur leur territoire, les Turcs ont fini par fermer la frontière, avant de construire ce rempart, il y a deux ans»
Qouteiba, professeur d'anglais originaire d'Idlib
«Ils se comportent comme des bandits. Ils veulent faire basculer Idlib dans l'ignorance et l'obscurantisme. Ces gens-là n'ont aucune légitimité, mais ils veulent tout contrôler: les conseils locaux, les tribunaux, la douane, le système éducatif, les factions armées. Leur vision de l'islam ne représente pas nos valeurs», trépigne Firas al-Joundi, le ministre de la Santé du gouvernement intérimaire, organe de l'opposition soutenu par l'Occident qui administre les «zones libres» du pays.
En décembre dernier, les hommes de Hayat Tahrir al-Cham l'ont violemment chassé des bureaux de son ministère, situés dans la ville de Marat en-Noman. «Ils ont tout saisi: l'argent, les meubles, les ordinateurs», raconte-t-il à travers une connexion vidéo établie sur Skype. Les yeux cernés de fatigue, il parle avec un nœud dans la gorge. Les nouveaux locaux de son ministère, qu'il venait d'inaugurer, ont récemment été pulvérisés, cette fois-ci par les frappes aériennes du régime et de son allié russe. Légèrement blessé dans l'attaque, Firas al-Joundi a perdu son chauffeur et sa maison, mitoyenne du bâtiment.
Au sud d'Idlib, la menace vient aussi du ciel. Depuis la fin 2017, un déluge de feu et de fer s'abat quasi quotidiennement sur les marchés, les hôpitaux et les installations civiles. Malgré l'instauration de «zones de désescalade», négociées à l'automne à Astana entre la Turquie, la Syrie, l'Iran et la Russie, des attaques au gaz chimique ont également été perpétrées par le régime, notamment dans la ville de Saraqeb, selon les médecins locaux.
Tactique machiavélique
Pendant ce temps, l'armée syrienne poursuit son offensive terrestre. Après avoir repris, début janvier, la base militaire d'Abou Douhour avec l'appui des forces alliées russes et iraniennes, elle cherche à se rapprocher de la ville d'Idlib. «Non seulement Bachar el-Assad ne fait rien pour freiner l'hégémonie djihadiste, mais en plus il s'attaque délibérément aux populations civiles et aux dernières formes de résistance modérée», déplore Yasser al-Hadji, porte-parole du gouvernement provisoire, en dénonçant une tactique machiavélique pratiquée depuis sept ans en toute impunité. «À terme, le régime a malheureusement toutes ses chances de reprendre Idlib avec l'aide de ses alliés au nom de sa présupposée lutte contre le terrorisme», prédit l'intellectuel et opposant syrien Motaz Morad.
«Non seulement Bachar el-Assad ne fait rien pour freiner l'hégémonie djihadiste, mais en plus il s'attaque délibérément aux populations civiles et aux dernières formes de résistance modérée»
Yasser al-Hadji, porte-parole du gouvernement provisoire
Condamnés au piège d'Idlib, les opposants modérés résistent avec acharnement. Face aux bombes et aux menaces, ils manifestent, brandissent des drapeaux et crient inlassablement leur colère dès qu'une occasion se présente. «La peur n'est plus un obstacle. On a déjà tout subi», souffle un étudiant qui préfère taire son nom. À la mi-décembre, des combattants armés agissant au nom du «gouvernement de salut» ont fait irruption dans l'université d'al-Dana, expulsant les enseignants, coupant l'Internet et plaçant les portes sous scellés. Refusant de se laisser démonter, étudiants et professeurs ont aussitôt riposté en improvisant leurs cours en plein air, juste devant l'entrée principale.
Fatigue et usure
«Les islamistes veulent nous imposer la ségrégation entre les sexes. Ils veulent remplacer les programmes de droit par la charia, abolir les cours de philosophie. Pas question de se laisser dicter toutes ces idées rétrogrades. Nous n'avons pas demandé le renversement le régime pour ça!», trépigne l'étudiant. La mobilisation a débouché sur une minivictoire: l'université vient d'obtenir l'autorisation de rouvrir pour la période des examens. La suite reste néanmoins inquiétante: les bâtiments seront de nouveau condamnés à fermer si les professeurs ne respectent pas les nouvelles règles en vigueur, a déjà averti le «gouvernement de salut».
«J'ai tout donné pour cette révolution. Aujourd'hui, je me sens étranger dans mon propre pays»
Ahmad, un ex-activiste de l'enclave assiégée de Daraya
À mesure que dure le bras de fer, la fatigue et l'usure gagnent du terrain. «J'ai tout donné pour cette révolution. Aujourd'hui, je me sens étranger dans mon propre pays», concède Ahmad, un ex-activiste de l'enclave assiégée de Daraya, installé à Atmeh depuis plus d'un an. Militant de la première heure, il n'a plus qu'une idée en tête: quitter son pays. Mais la Turquie, saturée par ses 3,5 millions de réfugiés, lutte sévèrement contre les tentatives d'incursion clandestine sur son territoire. Reste le passage au poste-frontière officiel de Bab al-Hawa, où seuls les membres des ONG approuvées par Ankara peuvent passer. L'organisation pour laquelle il travaille y a inscrit son nom. «Il me faut désormais cultiver la patience», dit-il. Au pied de ce mur, Ahmad a déposé ses dernières illusions. Avec l'espoir de les faire revivre, une fois passé de l'autre côté.

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La Russie ne parvient pas à sortir le Moyen-Orient de l'impasse syrienne (15.02.2018)
Par Isabelle Lasserre
Mis à jour le 15/02/2018 à 17h49 | Publié le 15/02/2018 à 17h22
DÉCRYPTAGE - La réunion de Sotchi a tourné au fiasco, douchant les espoirs de la Russie, qui pensait pouvoir faire mieux que ses adversaires occidentaux.
Depuis la chute de Raqqa et les succès remportés par la coalition internationale et ses alliés locaux contre Daech, certains espéraient que la Syrie entrerait dans une nouvelle phase, celle de la reconstruction et de la transition politique. Mais la guerre, qui dure depuis 2011, est au contraire repartie de plus belle, entraînant dans son tourbillon de nouveaux acteurs, ouvrant de nouveaux fronts, comme si l'éclipse de la menace djihadiste avait créé un appel d'air. Du bruit de ses canons, la guerre a balayé la dernière tentative de médiation diplomatique, celle de la Russie et de ses alliés turc et iranien, réunie fin janvier au bord de la mer Noire.
Après l'échec des négociations de Genève organisées sous la houlette des Nations unies, la réunion de Sotchi a tourné au fiasco, douchant les espoirs de la Russie, qui pensait pouvoir faire mieux que ses adversaires occidentaux. Le sommet a au contraire été suivi par une recrudescence de l'offensive militaire du régime contre deux enclaves rebelles et par la poursuite de l'attaque turque contre les Kurdes, dans le nord du pays. Moscou a redécouvert qu'il est plus facile de gagner la guerre que la paix. Surtout au Moyen-Orient.
«Les Russes ont voulu rassembler leurs amis et ceux qui sont acquis à leur cause. Il s'agit davantage d'un arrangement que d'un vrai projet diplomatique»
Jean-Claude Cousseran, diplomate
Sur le papier, le Kremlin conserve les atouts d'un possible faiseur de paix. Déclenchée en septembre 2015, son intervention militaire en Syrie est une réussite. L'opération, pourtant lancée sans l'aval des grandes puissances, a servi ses objectifs et ses intérêts dans la région. «La Russie avait été mise à l'écart après l'annexion de la Crimée. Elle a retrouvé un statut international et rétabli une sorte de relation spéciale avec les États-Unis», explique Julien Nocetti, spécialiste de la Russie à l'Ifri, à l'occasion d'un colloque organisé par la Fondation pour la recherche stratégique et la BnF.
En déployant à peine 5000 hommes sur le terrain, la Russie a sauvé le régime de Bachar el-Assad et s'est imposée au cœur de l'équation régionale. «Elle s'est donné une forte capacité d'intervention, grâce à son aviation, sans courir de grands dangers collatéraux», précise le diplomate Jean-Claude Cousseran pendant ce même colloque. Et sans s'attirer de réelles antipathies. Au contraire, la Russie parle à tout le monde dans la région: Turquie, Iran, Arabie saoudite, Israël… C'est un autre levier sur lequel s'appuie le Kremlin pour tenter de transformer la victoire militaire en succès diplomatique.
Mais la capacité d'influence politique de la Russie au Levant a aussi des limites. «Les Russes ont voulu rassembler leurs amis et ceux qui sont acquis à leur cause. Il s'agit davantage d'un arrangement que d'un vrai projet diplomatique», constate Jean-Claude Cousseran. La paix de Moscou n'a convaincu ni l'opposition syrienne ni les Kurdes. «Le but des Russes est de conserver la maîtrise des horloges pour diriger l'agenda. Mais il existe un décalage entre l'ambition de puissance de Moscou et les réalités du terrain», explique Julien Nocetti.
La compétition stratégique entre la Russie et les États-Unis en Syrie pourrait en revanche être relancée. L'élan prorusse de Donald Trump appartient en effet au passé
Comme ils avaient pensé pouvoir introduire un coin entre Moscou et Téhéran, alliés en Syrie, les Occidentaux avaient espéré que la Russie influencerait Bachar el-Assad, dont elle a sauvé la tête et le régime. Mais la question de la loyauté du président syrien vis-à-vis du parrain russe reste entière. «Le soutien de l'Iran et de la Russie à Bachar est demeuré inconditionnel… Cette fuite en avant a vidé de toute substance le dialogue national» que la Russie prétendait susciter entre les parties syriennes, selon le spécialiste Jean-Pierre Filiu.
«La Russie, poursuit-il, a trop lié son crédit au rétablissement d'Assad pour exercer sur lui une pression sérieuse.» Le grand écart permanent auquel est contrainte la Russie pour garder ses alliés dans la région est une autre source de tension pour le Kremlin, à l'heure où Israël et l'Iran s'affrontent sur le territoire syrien. Enfin, la Russie sait qu'elle n'aura pas les moyens de jouer un rôle majeur dans la reconstruction du pays, pour des raisons économiques.
Privés de leviers assez solides pour faire pression sur la Russie et sur l'Iran, conscients de l'échec des pourparlers de l'ONU, les États-Unis et l'Europe ont fini par donner la priorité de leur politique syrienne au combat contre Daech. Il n'est pas sûr que les difficultés rencontrées par la Russie pour fournir une porte de sortie politique à la crise lui permettent de reprendre la main diplomatique sur le dossier. La compétition stratégique entre la Russie et les États-Unis en Syrie pourrait en revanche être relancée. L'élan prorusse de Donald Trump appartient en effet au passé.
Les dénis d'accès organisés en Syrie par l'installation de systèmes antiaériens - missiles S400 et S300 - ont des conséquences politiques et stratégiques pour les Occidentaux. Les Russes se sont ouvert un boulevard au Moyen-Orient en provoquant une rupture des équilibres régionaux. Ils ont aussi prouvé à l'Europe qui désarme et aux États-Unis qui les sous-estiment que «la puissance des armes n'est pas obsolète», dit Julien Nocetti. Mais l'impasse syrienne demeure entière.

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La Syrie, théâtre de nouvelles guerres entre puissances régionales (15.02.2018)
Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 15/02/2018 à 19h42 | Publié le 15/02/2018 à 19h28
INFOGRAPHIE - Israéliens et Turcs interviennent de plus en plus sur le sol syrien pour peser sur l'issue du conflit.
Empêcher les Kurdes d'être autonomes dans le nord de la Syrie. Et au sud, contrer l'avancée de l'Iran et de ses satellites. Maintenant que Daech a été vaincu territorialement dans l'est du pays, les conflits les plus inquiétants par leurs risques de débordements n'opposent pas Bachar el-Assad à ses opposants, mais des puissances régionales ou des voisins de la Syrie, soucieux de garantir leurs intérêts sécuritaires, d'ici à la fin de la guerre.
Sept ans après le début des violences, le conflit a muté. Des guerres dans la guerre sont apparues, dont les vainqueurs pourraient être la Russie, incontestable maîtresse du terrain
Autour de l'enclave d'Afrine, dans le Nord-Ouest syrien, depuis quatre semaines, des bombardements turcs visent à éradiquer les infrastructures militaires des Kurdes du PYD, tandis qu'au sud, les récentes attaques de l'aviation israélienne montrent que l'État hébreu refuse que le Hezbollah et l'Iran s'y installent durablement pour ouvrir un second front, après le Sud-Liban. Sept ans après le début des violences, le conflit a muté. Des guerres dans la guerre sont apparues, dont les vainqueurs pourraient être la Russie, incontestable maîtresse du terrain, et Bachar el-Assad, qui apparaît, à court terme du moins, comme un moindre mal pour Ankara et Tel-Aviv.
Samedi, aux premières heures de la journée, on a frôlé une nouvelle guerre régionale, lorsqu'un drone iranien décolla de la base T4 dans le centre de la Syrie. Une imitation d'un drone américain RQ Modèle 170, tombé en Iran en 2011. L'avion sans pilote fut neutralisé 90 secondes seulement après son entrée au-dessus du territoire israélien. En riposte, huit avions de Tsahal frappèrent de nombreuses cibles en Syrie. Mais contrairement à ce qui se passait jusque-là, les appareils israéliens furent accrochés par une vingtaine de missiles. Pour la première fois depuis 1982, Tsahal perdit un avion F-16. Aussitôt Damas et son allié libanais du Hezbollah chantèrent la fin de l'invincibilité aérienne israélienne.
«Le message était fort»
L'État hébreu est-il tombé dans le piège tendu par ses ennemis iraniens pour redéfinir les règles d'engagement israélien chez son voisin syrien? Les stratèges de Tsahal s'en défendent. La promptitude avec laquelle Damas riposta s'expliquerait par une décision prise au plus haut niveau par les dirigeants russes, iraniens et syriens. Désormais, la violation de la souveraineté aérienne syrienne ne resterait plus impunie.
Des troupes russes se trouvaient non loin de la base T4. Samedi soir, furieux, Vladimir Poutine téléphona à Benyamin Nétanyahou. «Les Russes auraient pu empêcher le lancement du drone iranien, mais ils ont choisi de ne rien faire. Leur message était fort, et on l'a entendu», confia un haut responsable militaire israélien au journaliste israélien Ronen Bergman, cité dans le New York Times. Selon Bergman, l'appel entre Poutine et Nétanyahou permit d'éviter d'autres ripostes israéliennes.
«À partir de 2016, les Israéliens demandèrent aux Américains et aux Russes que les milices chiites pro-iraniennes ne puissent s'approcher à moins de 60 km de la frontière nord de l'État hébreu»
Elizabeth Tsurkov, chercheuse
Depuis septembre, l'engagement israélien s'est accru en Syrie. Au-delà des frappes contre des convois d'armes du Hezbollah, non loin de la frontière avec le Liban, des raids israéliens visent désormais des cibles en profondeur du territoire contre des bases militaires du régime qui abritent des agents iraniens ou pro-iraniens. L'État hébreu en est arrivé à la conclusion que ni les Russes, ni les Américains ne voulaient repousser les menaces iraniennes sur sa frontière nord.
«À partir de 2016, les Israéliens demandèrent aux Américains et aux Russes que les milices chiites pro-iraniennes ne puissent s'approcher à moins de 60 km de la frontière nord de l'État hébreu», souligne la chercheuse Elizabeth Tsurkov, basée en Israël. Selon elle, «Moscou ne s'engagea seulement, et à titre temporaire, que sur une non-présence de combattants étrangers à moins de 5 à 7 km d'Israël». Les attaques répétées d'Israël contre l'armée syrienne ont fini par irriter Moscou, qui donna son feu vert aux ripostes d'Assad.
Soutien d'Israël
Un autre changement s'est produit dans le sud de la Syrie. Des rebelles ont reconnu qu'Israël avait accru son soutien auprès d'eux. Soutien en armes, munitions et argent pour s'en procurer sur le marché noir. Au moins sept factions en profitent, dont Liwa Foursan al-Jolan et Firqat Ahrar Naawa. Des rebelles aidés par la CIA jusqu'à ce que Donald Trump ferme, fin 2017, le Military Operations Command d'Amman qui payait les salaires de milliers d'insurgés anti-Assad du Front Sud. Israël prit le relais, mais ses supplétifs échouèrent à éloigner les milices pro-iraniennes de sa frontière. Moscou en fut également irrité.
«Plus que le départ d'Assad, la priorité stratégique turque maintenant que Daech a été soumis, c'est d'empêcher l'émergence d'une zone autonome kurde dans le Nord»
Julien Barnes-Dacey, de l'European Council on Foreign Relations
Jusqu'au début de la révolte contre Assad en 2011, la frontière nord avec la Syrie fut la plus sûre d'Israël. Aujourd'hui encore, le régime syrien n'est pas perçu par l'État hébreu comme une menace directe, seulement sa dépendance à l'Iran. «Dans le débat qui agite le milieu sécuritaire en Israël, estime Mme Tsurkov, certains font valoir que la priorité est que le régime reprenne le contrôle du Sud, aussi longtemps que les pro-iraniens en seront écartés».
C'est dans des termes voisins que la Turquie analyse la situation dans le nord-ouest de la Syrie, où elle intervient militairement. «Plus que» le départ d'Assad, la priorité stratégique turque maintenant que Daech a été soumis, c'est d'empêcher l'émergence d'une zone autonome kurde dans le Nord», insiste Julien Barnes-Dacey, de l'European Council on Foreign Relations. Avant l'offensive turque, Ankara et Moscou se sont discrètement mis d'accord sur de nouvelles lignes de déconfliction.
Risque d'enlisement
L'opération turque permet à la Russie de réaliser trois objectifs, affiche sans détour la page Facebook du Centre de Hmeimimin en Syrie: «Affaiblir l'influence américaine en Syrie, pousser les Kurdes à négocier avec Damas et renforcer la coopération russo-turque.» Mais Moscou ne pourra atteindre ses buts que si l'offensive turque ne se transforme pas en une confrontation longue et élargie entre Ankara et les Kurdes syriens, comme celle qui oppose le PKK et les Turcs en Irak.
Ankara affiche une hostilité inégalée envers les États-Unis qui ont armé ses ennemis kurdes
Rien n'est moins sûr. Autour d'Afrine, les combattants kurdes résistent, et les exigences syriennes pour que Damas vole au secours des Kurdes sont encore inacceptables par ces derniers. Bref, le risque d'enlisement existe. D'autant que la Turquie veut aller plus à l'est, jusqu'à Manbij, où des troupes américaines sont stationnées, faisant planer le risque d'affrontements entre alliés.
Ankara affiche une hostilité inégalée envers les États-Unis qui ont armé ses ennemis kurdes. Avant d'arriver à Ankara jeudi, Rex Tillerson a cherché à apaiser les Turcs en affirmant depuis Beyrouth que les États-Unis n'avaient livré aucune arme lourde aux Kurdes. Mais Washington n'a pas l'intention de lâcher ses alliés kurdes syriens. En restant en Syrie, les États-Unis entendent empêcher que l'Iran, le Hezbollah et Damas sortent vainqueurs du conflit. Les récentes frappes américaines, tuant plusieurs dizaines de supplétifs d'Assad - parmi lesquels cinq employés russes d'une société de sécurité privée - sont un message clair, adressé aux milices pro-iraniennes et à la Turquie de ne pas s'aventurer trop près des 2000 soldats américains, déployés dans le Nord-Est syrien.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 16/02/2018.
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Jawad Bendaoud ou l'ère du vide (15.02.2018)
Par Alexandre Devecchio
Mis à jour le 15/02/2018 à 21h18 | Publié le 15/02/2018 à 21h14
ANALYSE - Celui qu'on appelle le «logeur de Daech» est le visage de la désintégration de certaines banlieues françaises.
«Je parie à 80 % que je vais être condamné. Il y a l'opinion publique, les familles des victimes…», avait-il lancé. La justice lui a fait perdre son pari. «Le logeur de Daech» et délinquant multirécidiviste est libre, relaxé par le tribunal correctionnel de Paris. «Il n'est pas prouvé que Jawad Bendaoud a fourni un hébergement à des terroristes […] afin de les soustraire aux recherches», a déclaré la présidente Isabelle Prévost-Desprez.
Le doute profite à l'accusé, quel qu'il soit. C'est, au choix, la grandeur de l'État de droit moderne ou sa faiblesse. Le soin de l'expliquer appartient aux chroniqueurs judiciaires. Mais, au-delà des questions qu'il pose sur la justice, ce procès, situé entre celui du frère Merah et celui de Salah Abdeslam, aura au moins eu une extraordinaire fonction révélatrice sociale et psychologique. Celle de mettre en lumière l'effroyable vide que la société a laissé se creuser dans certains quartiers. De dire l'état de décérébration profond de jeunes criminels de cité qui servent parfois de trait d'union entre la délinquance et le djihadisme.
L'itinéraire de Jawad Bendaoud et son attitude durant le procès sont particulièrement éclairants. En 2008, Bendaoud est condamné à 8 ans d'emprisonnement pour avoir tué «accidentellement» à coups de hachoir son meilleur ami âgé de 16 ans. L'objet de la dispute? Un simple portable… Il est relâché en 2013 pour bonne conduite. Entre 2013 et 2015, il écope de pas moins de 13 condamnations pour trafic de stupéfiants, détention d'armes aggravée en réunion, violences conjugales ou encore violences aggravées en réunion…
Si l'absence de tout sens moral, l'indigence intellectuelle et l'indifférence complète à l'égard de l'Autre étaient punissables par la loi, Jawad Bendaoud aurait mérité la perpétuité
Bendaoud est «le caïd» de la rue du Corbillon à Saint-Denis, ce lieu où la police est intervenue contre les terroristes, n'hésitant pas, selon certains habitants, à «faire régner la terreur dans son quartier». Marchand de sommeil, il y dispose d'un squat, qu'il loue pour se «faire un billet». Sans se poser de question. «C'est comme dans toutes les cités de France, la curiosité est un vilain défaut», expliquera-t-il au tribunal. C'est ainsi qu'il devient le logeur de Hamid Abaaoud et Chakib Akrouh, deux des islamistes djihadistes impliqués dans les massacres du 13 novembre 2015.
Durant les audiences, Jawad Bendaoud se montrera profondément insensible au sort des 400 blessés et 130 tués durant ce vendredi sanglant. «Moi je suis comme le gars de l'imprimerie dans laquelle les frères Kouachi se sont planqués, j'ai pas choisi», ose-t-il. Ou encore: «Je voulais monter un nouveau point de vente de cocaïne, mais maintenant personne ne voudra s'associer avec moi.» Des «punchlines» involontairement comiques, mais qui font rire jaune. Et qui révèlent un nihilisme et un relativisme effrayant. Si l'absence de tout sens moral, l'indigence intellectuelle et l'indifférence complète à l'égard de l'Autre étaient punissables par la loi, Jawad Bendaoud aurait mérité la perpétuité.
«Ces gosses n'ont aucune empathie. Ils sont tous soudés par l'obsession morbide du tout, tout de suite», écrivait Morgan Sportès à propos du «gang des barbares» dans son livre consacré à l'affaire Ilan Halimi. Après la lecture de cette œuvre, Simon Leys, qui fut l'un des premiers intellectuels à dénoncer la Révolution culturelle chinoise, s'interrogea: «Existe-t-il encore une civilisation européenne?» Bendaoud est le visage de la désintégration de certaines banlieues. Le pantin déculturé de l'ère du vide. L'enfant du consumérisme et de la téléréalité. Sur Twitter et Facebook, sa vidéo filmée par BFMTV, juste avant son interpellation, en a fait, pour un instant, la nouvelle star. Pour la justice, c'est un délinquant, pas un terroriste. Certes. Mais, comme les tueurs du 13 novembre se sont installés chez Jawad, c'est sur un terreau favorable, celui de notre néant culturel et moral, que s'installe l'idéologie islamiste.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 16/02/2018.
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Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
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Ivan Rioufol : «Face à l'islam conquérant, la France recule» (15.02.2018)

Par Ivan Rioufol
Publié le 15/02/2018 à 17h32
CHRONIQUE - Si rien ne vient briser l'hégémonie prise dans les cités par les Frères musulmans et le salafisme, la France deviendra vite méconnaissable et invivable.
La France recule sous les assauts de l'islam conquérant. Il crée le désordre dans la laïcité, la mixité, l'indivisibilité nationale. Il sème la discorde jusque dans l'école. Il fracture la nation. Partout, cette idéologie minoritaire exige sa visibilité, pose ses exigences, bouscule la République bonne fille. Emmanuel Macron promet d'aborder la question de l'islam avant la fin du premier semestre. Dimanche, il a dit vouloir «poser les jalons de toute l'organisation de l'islam de France». Bien. Mais sa prudence est un renoncement à affronter l'esprit totalitaire. Or il est à la source de l'épreuve de force. Un conseiller sur ce dossier, Hakim el-Karoui, constate (L'Opinion, lundi) que «les islamistes ont gagné la bataille de la norme, qu'il s'agisse du port du voile ou de la consommation de la viande hallal». Faudrait-il s'en satisfaire? Quand el-Karoui affirme dans la foulée qu'il faut «lutter contre l'islamophobie», en avalisant ce mot brandi par les islamistes et leurs caniches, il rend les armes.
Les alertes des musulmans qui se sont libérés des interdits coraniques ne sont pas entendues du pouvoir
La démocratie française est en train de perdre la guerre que l'islam radical lui a déclarée. Les alertes des musulmans qui se sont libérés des interdits coraniques ne sont pas entendues du pouvoir. Les musulmanes qui dénoncent l'oppression sexiste symbolisée par le voile protestent dans le vide. L'État «humaniste» ne s'émeut que de ceux qui surjouent les plaintes, dans un permanent chantage. L'apaisement promu par les autorités banalise l'infiltration islamiste. La candidate enturbannée de The Voice, la jolie et talentueuse Mennel Ibitssem, a eu ses défenseurs subjugués, en dépit des révélations sur sa proximité avec les Frères musulmans. Elle a eu ses avocats pour plaider son jeune âge (22 ans) et son droit à l'erreur. Mais bien peu se sont interrogés sur l'instrumentalisation prosélyte de sa présence sur TF1. L'indignation des réseaux sociaux a contraint la chanteuse à se retirer du télé-crochet. Cependant, nombreux sont ceux qui s'inquiètent de la réaction colérique de la jeunesse musulmane.
Faudrait-il se résoudre à vivre dans la crainte des humeurs d'une contre-société gangrenée par la dictature islamique et sa haine de l'Occident? Près de la moitié des jeunes musulmans sont attirés par les valeurs de la charia. Si rien ne vient briser l'hégémonie prise dans les cités par les Frères musulmans et le salafisme, la France deviendra vite méconnaissable et invivable. Réformer l'organisation de cette religion ne sera jamais suffisant. Réciter, avec Macron, des mantras sur «l'islam compatible avec la démocratie» demeurera mensonger tant que ne sera pas nommé et combattu le totalitarisme qui enfièvre l'islam. Cet islam-là ne réclame pas de croire en son Dieu, ce qui serait respectable. Il prétend imposer à tous ses lois et sa Constitution. Comme l'explique Mohamed Louizi *, «l'islamisme (ou islam politique) est l'instrumentalisation de la foi musulmane, depuis la nuit de la mort du Prophète, à des fins de conquête du pouvoir politique». Louizi réclame un islam «dépolitisé, désarmé et non violent». Bel objectif.
Les droits de l'homme sont mis au service de la pensée totalitaire
En attendant, les droits de l'homme sont mis au service de la pensée totalitaire. C'est en leur nom, en effet, que les islamistes combattent la démocratie. Leur statut de minorité, reconnu par l'idéologie «antiraciste», leur offre la posture victimaire qui permet les abus de droit et les outrances. Dernièrement, la sénatrice PS des Bouches-du-Rhône Samia Ghali a insinué que Tariq Ramadan pourrait être suspecté non pour ses viols mais parce qu'il est musulman. Dans cette pensée complotiste, tout est fait pour persuader de la violence de la France, au point d'avoir convaincu le pouvoir de sa propre culpabilité. Plus l'islam radical humilie l'État, plus celui-ci se couche. Le préalable à toute réaction de la République est donc de s'extraire de ce piège dialectique qui empêche de mettre un coup d'arrêt à cette subversion sectaire. C'est elle que le gouvernement doit combattre, plutôt que d'envisager des accommodements avec la loi de 1905.
Les délateurs et leurs soutiens
Pour Macron, qui menace d'aller faire la guerre en Syrie, la tentation est grande d'acheter la paix intérieure en cédant à l'ennemi. Or rien ne peut justifier de transiger avec ceux qui veulent détruire la nation. Il a déjà été rappelé ici les similitudes qui unissent l'islamisme au communiste et au nazisme: le même culte de la force, la même détestation du monde libre, le même goût pour la table rase au profit d'un peuple supérieur. L'antisémitisme, le sexisme, la violence terroriste, commencent certes à ébranler l'opinion. Mais si le chef de l'État a pu se désoler dernièrement: «On est en train de perdre la bataille», il ne parlait que du climat. Or c'est un affrontement permanent qui se consolide, attisé par la passivité de nombreux organismes publics. L'Observatoire de la laïcité, par exemple, ne voit toujours rien de l'entrisme des Frères musulmans. Quant au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), il est ouvertement utilisé par ceux qui voudraient imposer le délit de blasphème. Se réveillera-t-il?
La guerre civile est dans les têtes de ces fanatiques
L'expérience vécue par votre serviteur ces jours-ci illustre la prétention hégémonique du courant islamiste. Pour avoir qualifié, vendredi dernier sur CNews, le voile de la chanteuse Mennel de «signe politique» et avoir redit que l'islam n'était pas seulement «une religion» mais un «corpus politique, une idéologie totalitaire», j'ai observé l'islamosphère se déchaîner sur Twitter pour obtenir du CSA qu'il sanctionne mes propos. La délation, lancée par une «journaliste», Feïza Ben Mohamed, a été relayée par le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), Dômes et Minarets et autres censeurs du même creuset. Le journaliste Jean-Michel Aphatie a soutenu la dénonciation, tandis que le réalisateur Dominique Farrugia m'insultait sur C8. Pour sa part, la militante anti-islamiste Henda Ayari, épuisée par la violence ordurière des attaques, s'est retirée un temps du combat. La guerre civile est dans les têtes de ces fanatiques et de leurs «collabos» à front de taureau.
La fronde des musulmanes
L'islamisme, vaincu par les femmes? Cette fois, c'est de La Mecque (Arabie saoudite) que vient la fronde, qui a déjà atteint l'Iran. Sous le hashtag MosqueMeToo (mosquée moi aussi), des musulmanes dénoncent la violence et les viols qu'elles ont subis lors de leur pèlerinage, alors qu'elles étaient voilées. Voilà ce que dit la sourate 5, verset 6, dans un douteux amalgame: «Si l'un de vous revient du lieu où il a fait ses besoins, ou si vous avez touché aux femmes et que vous ne trouvez pas d'eau, alors recourez à la terre pure, passez-en sur vos visages et sur vos mains»…
* «Libérer l'islam de l'islamisme», Fondapol, janvier 2018.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 16/02/2018.
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Joseph Yacoub : «Ce qui peut permettre la survie du christianisme dans ce Proche-Orient qui l'a vu naître» (15.02.2018)
Par Thierry Oberlé
Publié le 15/02/2018 à 17h09
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le professeur honoraire à l'université catholique de Lyon explique à quelles conditions les Chrétiens d'Orient demeurés dans la région peuvent espérer un futur meilleur.

Joseph Yacoub est professeur honoraire de l'Université catholique de Lyon, ancien titulaire de la chaire Unesco «Mémoire, cultures et interculturalité». Il vient de publier Une diversité menacée: les chrétiens d'Orient face au nationalisme arabe et à l'islamisme(Editions Salvator, 2018, 224 p. 20€).

LE FIGARO. - L'Orient se vide de ses populations chrétiennes. Vont-elles disparaître?
Joseph YACOUB. - L'histoire de la région, constamment troublée, nourrit en permanence les craintes et avive des peurs anciennes. Les mouvements de départ se succèdent depuis 1880 au rythme de périodes de grande instabilité et de persécutions. Ces mouvements de départ ont atteint aujourd'hui leur paroxysme. On ne voit pas de signes qui permettent d'espérer un retour des chrétiens d'Orient qui ont fui la région mais, aussi paradoxal que cela paraisse, nous assistons, dans le même temps, à un renouvellement du christianisme oriental. Si la chrétienté se meure sur place, elle ressuscite en diaspora. En France ces communautés se sont organisées et structurées avec des églises, un personnel religieux, des associations, des cours de langue. Elles viennent en Occident sur un terrain qui favorise leur promotion grâce à la liberté et au climat de tolérance. Ici, il y a de l'espérance. En retour, ces communautés aident leurs coreligionnaires restés en Orient.
Le nationalisme arabe n'a pas su, selon vous, intégrer les cultures non musulmanes et non arabes. Comment expliquez-vous cet échec?
Les régimes arabes ont ignoré l'enracinement dans la terre orientale du christianisme
En érigeant en priorité la période arabo-musulmane et en évinçant tout ce qui précédait l'apparition de l'islam au VIIe siècle, les nationalistes arabes ont choisi délibérément de ne pas inscrire l'histoire dans sa continuité. Ce refus de l'héritage des Phéniciens, des Babyloniens, de la civilisation gréco-romaine et de la chrétienté orientale s'est accompagné d'une volonté d'arabisation et de non-reconnaissance des minoritaires avec à la clé une assimilation forcée. Les régimes arabes ont ignoré l'enracinement dans la terre orientale du christianisme. L'être chrétien oriental est absent de la pensée nationaliste dans son existence comme dans son essence alors que l'être musulman arabe est entièrement présent. Le chrétien, lui, n'est reconnu que formellement.
Existe-t-il un lien entre le génocide des Arméniens et des Assyro-Chaldéens-Syriaques en 1915 et la tragédie actuelle des chrétiens d'Irak et de Syrie?
Ce qui s'est produit récemment en Irak et en Syrie rappelle en effet la tragédie de 1915. Les chrétiens de la région relèvent tous ce lien. Ce sont les mêmes méthodes. Il s'agit d'une même volonté d'éradication et de destruction d'un groupe, de sa culture et de son écosystème.
Les ravages de l'islamisme ont accéléré la disparition des chrétiens d'Orient. Ce phénomène est-il réversible?
Daech est la dérive nihiliste barbare de courants intégristes qui existent et vont continuer à prospérer avec le retour du religieux dans des sociétés fortement délabrées. Face à ces mouvements bien implantés, une lassitude est perceptible chez les chrétiens d'Orient. Que Daech soit abattu est un progrès mais n'y aura-t-il pas, demain, d'autres tendances qui vont imposer à leur tour la charia? L'avenir des derniers chrétiens d'Orient va dépendre de la capacité des musulmans et des Arabes à résister à ces mouvements islamiques en présentant un autre modèle. En Orient, le fondamentalisme a toujours coexisté avec les courants réformistes et modernistes. Il y a toujours eu un balancement. Le XIXe et le XXe siècle sont marqués par des contributions d'intellectuels qui appellent à une véritable égalité des individus, à une séparation du politique et du religieux, à la nécessité de réformes ou à la remise en cause de la nécessité du port du voile par les femmes. Les idées libérales des printemps arabes ont vite été balayées par les fondamentalistes, mais ces pays ont aussi une tradition d'ouverture - même si son échelle est réduite.
L'État devrait, pour apaiser ses chrétiens, inscrire dans la Constitution le christianisme oriental au même titre que l'islam
Quelles sont les attentes des chrétiens d'Orient aujourd'hui?
La réponse concerne à la fois l'État et la société dans tous les pays de la région. L'État devrait, pour apaiser ses chrétiens, inscrire dans la Constitution le christianisme oriental au même titre que l'islam. Partout au Proche-Orient, l'islam est la religion d'État. Les représentations anthropologiques et les mentalités qu'elles génèrent sont également à remettre en question. Comment voit-on le chrétien ou le yazidi? Comme un infidèle ou un adorateur du diable! Si ce travail n'est pas commencé, l'exode continuera.
Vous défendez la diversité culturelle que vous distinguez du multiculturalisme. En quoi ces deux notions diffèrent-elles?
La diversité culturelle est le constat d'une réalité sociologique alors que lemulticulturalisme est un choix politique et idéologique. La gestion et l'aménagement de la diversité devraient être basés sur un projet commun avec des valeurs s'appuyant sur la nation et la cohésion sociale. En France, Ernest Renan, Paul Valéry et Chateaubriand ont écrit sur ces questions. Pour ma part, je viens d'ailleurs, de l'Orient, j'ai choisi la France comme ma patrie, préférant la cohésion nationale mais cela ne m'empêche pas d'être différent sur certains aspects. Je refuse en revanche qu'on définisse la France comme une société multiculturelle. Le multiculturalisme juxtapose les communautés de manière inquiétante et favorise le repli sur soi. En Syrie, cette juxtaposition a conduit à l'atomisation.
Je pleure la Syrie qui n'a pas su gérer sa diversité et regarder son histoire en face
Quel regard portez-vous justement sur la guerre en Syrie, votre pays de naissance?
Je pleure la Syrie qui n'a pas su gérer sa diversité et regarder son histoire en face. Pour la propagande du régime, elle était «le cœur battant de l'arabisme» alors qu'elle est multiple. Son état de crise permanente et sa fragilité étaient masqués depuis l'indépendance par l'autoritarisme et l'emprise des Moukhabarats, les services spéciaux. Ceux-ci contraignaient la population à intérioriser ses sentiments. Ce cadre a explosé pour générer une guerre sans fin avec sans cesse de nouveaux acteurs.
Les revendications identitaires des Kurdes risquent-elles de créer un nouvel hégémonisme sur le territoire qu'ils revendiquent?
Il faut distinguer d'une part le peuple kurde et d'autre part leurs revendications politiques. Les Kurdes ont beaucoup souffert de l'arabisation et de la répression en Irak et en Syrie. Ils ont droit au respect et à la dignité, mais leurs revendications politiques conduisent à une kurdisation de la société que les Assyriens et les Syriaques n'acceptent pas. Historiquement, la région revendiquée par les autorités provisoires kurdes de Syrie n'est ni kurde, ni arabe: c'est la Haute Mésopotamie, berceau multiethnique du christianisme et creuset de civilisations.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 16/02/2018.
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Le nombre de mineurs étrangers en France explose (15.02.2018)

Par Emmanuel Galiero
Mis à jour le 15/02/2018 à 19h56 | Publié le 15/02/2018 à 19h35
Le coût annuel de leur accueil atteindrait 1,5 milliard dans six mois. L'État livrera ses solutions le 6 mars.
La courbe est exponentielle. De l'aveu même des départements, le coût de la prise en charge des mineurs étrangers non accompagnés (MNA) ne cesse d'augmenter. Compte tenu du nombre d'accueils enregistrés chaque semaine, les collectivités estiment que la facture pourrait atteindre 1,5 milliard dans six mois, alors qu'elle était évaluée à 1 milliard en septembre dernier.
Dans les Hautes-Alpes, la situation devient préoccupante. «Les chiffres avaient déjà été multipliés par vingt entre 2016 et 2017 et le flux continue, crescendo. On ne sait pas comment nous allons finir 2018», s'alarme Jean-Marie Bernard, président de ce département de 140.000 habitants, qui compte 1300 MNA. En plein mois de février et malgré les neiges hivernales, les arrivées sont aussi importantes qu'au mois d'août.
Le coût de la prise en charge d'un mineur étranger au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE) atteint 50.000 euros par jeune et par an, alors que la contribution de l'État ne dépasse pas 1250 euros par mineur. Chaque année, les départements assument ainsi 25.000 cas, soit 1,25 milliard d'euros.
Avant la mobilisation de cette aide ASE, les départements sont également contraints de financer une période d'accueil-évaluation, chiffrée à 400 millions d'euros par an. En 2017, sur 50.000 étrangers accueillis, 25.000 ont atteint l'ASE. Mais la gestion des évaluations est rendue très compliquée parce que le système n'est pas coordonné entre départements. Autrement dit, si un migrant se voit refuser un accès aux ASE dans une collectivité, il peut toujours tenter sa chance dans une autre.
«Les MNA suscitent un flux migratoire incontrôlé qui pèse sur les finances des départements et qui désorganise l'aide sociale à l'enfance, mission à laquelle nous sommes très attachés. Pour maîtriser ce phénomène, il est temps de mettre en œuvre une politique régalienne ambitieuse», réclame Pierre Monzani, directeur de l'Association des départements de France.
Pression sur le gourvernement
Les élus locaux souhaitent remettre la charge de 400 millions d'euros, dédiée à l'accueil-évaluation, entre les mains de l'État. Ils estiment qu'elle concerne directement l'immigration, l'une de ses missions régaliennes. Quant aux 700 millions restants, le précédent gouvernement avait mis en place un système de couverture des dépenses prévoyant une aide de l'État à hauteur de 30 %, à partir de 13.000 mineurs traités.
Au-delà d'une contribution plus importante de l'État, les conseils départementaux comptent sur une action plus efficace du gouvernement contre les filières d'immigration
Au-delà d'une contribution plus importante de l'État, les conseils départementaux comptent sur une action plus efficace du gouvernement contre les filières d'immigration. Elles seraient impliquées dans 95 % des cas de mineurs étrangers isolés, selon Pierre Monzani. L'effet pervers des mécanismes d'aide apparaît comme une évidence sur le terrain.
Le 6 mars, le premier ministre recevra le président des départements de France, où ce problème aigu sera abordé. Édouard Philippe a commandé un rapport sur ces mineurs isolés pour évaluer précisément l'ampleur du phénomène et proposer des solutions. Cette mission a été conjointement menée par les services de l'État et les départements.
Selon une récente note issue de ces travaux, révélée mardi, deux scénarios sont envisagés pour décharger les collectivités. Le premier conserve le principe de l'évaluation décentralisée des migrants, en augmentant les moyens financiers jusqu'à 106 millions d'euros pour 60.000 individus. La seconde piste consisterait à confier l'évaluation et la mise à l'abri des jeunes migrants à l'État. Ce projet ne pourrait s'amorcer qu'à partir de 2019. Il impliquerait la construction de centres d'hébergement et l'organisation de plateformes interdépartementales. Coût prévu: 125 millions d'euros par an pour 50.000 jeunes étrangers.
Favorables à la seconde option, les départements de France mettent la pression sur le gouvernement. Ils exigent des solutions et clament, unanimes: «Qui serait assez fou pour discuter d'un contrat financier sans connaître les moyens de maîtriser des dépenses majeures qui s'imposent aux départements alors qu'elles échappent à tout contrôle de leur part ?»
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 16/02/2018.
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