mardi 9 janvier 2018

Islamisme et politique 05.01.2018

Macron veut «dépassionner» les débats autour de l'islam (04.01.2018)
Une policière disparaît dans la Seine lors d'un exercice (05.01.2018)
Erdogan à Paris : l'opposition compte sur Macron pour faire preuve de fermeté (05.01.2018) 
Macron accueille Erdogan à l'Élysée pour une visite controversée
La policière de Champigny raconte son agression (05.01.2018)
Facebook: Zuckerberg reconnaît avoir fait «trop d'erreurs» et veut corriger le tir (04.01.2018)
«Toute une partie de la gauche n'accepte pas la liberté d'expression à l'encontre de l'islam» (29.12.2017)
Une responsable d'Amnesty International poursuivie pour aide aux migrants (06.01.2018)
Attentats terroristes en France: 2015, «annus horribilis» (16.11.2015)
«L'éloquence, un facteur d'ascension sociale» (05.01.2018)
Éloquence: quand la crème des avocats s'écharpe (05.01.2018)
Éloquence : bientôt un grand oral au baccalauréat ? (05.01.2018)
L'éloquence ou le grand retour de l'arme oratoire (05.01.2018)
En Allemagne, des réfugiés déçus et prêts au retour en Syrie (05.01.2018)
Sheldon Adelson, des milliards pour Jérusalem (05.01.2018)
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USA: les géants technologiques au secours de la «neutralité du net» (05.01.2018)
Le prince héritier saoudien à Paris fin février (05.01.2018)
Londres : six mois après le drame, la colère des rescapés de la tour Grenfell (05.01.2018)
Natacha Polony : «Démocratie sous (bienveillant) contrôle» (05.01.2018)
Douvdevan, ces soldats israéliens infiltrés chez les Palestiniens (05.01.2018)


Macron veut «dépassionner» les débats autour de l'islam (04.01.2018)
Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 04/01/2018 à 22h27 | Publié le 04/01/2018 à 22h00
Jeudi, le chef de l'État a dit vouloir travailler sur la «structuration» de cette religion en France.
Emmanuel Macron aura finalement profité de la cérémonie des vœux aux religions, ce jeudi, pour délivrer son grand discours sur la laïcité. Une prise de parole touchant des dossiers précis comme l'islam, la gestion de l'immigration - «il faut savoir dire parfois qu'on ne peut pas prendre toute la part qu'on voudrait prendre, parce qu'on ne le peut pas» - la bioéthique, mais aussi un programme-cadre détaillant la vision fondamentale du président de la République sur le fait religieux. Jamais encore depuis le début du quinquennat, Emmanuel Macron ne s'était aussi systématiquement expliqué sur ce sujet sensible, souvent polémique et considéré comme un marqueur dans la culture politique française.
La grande nouveauté présidentielle apparaît dans la façon de traiter la question de l'islam. Emmanuel Macron entend ne pas se laisser enfermer dans la loi de 1905 établissant la séparation entre les religions et l'État.
«On voudrait, en parlant de laïcité, parler du seul sujet de la religion qu'est l'islam. C'est une erreur funeste pour l'islam et pour toutes les autres ­religions»
Il ne dit pas vouloir la réformer mais il affirme clairement qu'elle n'est pas forcément adaptée pour résoudre les questions nouvelles, posées à la France, par l'islam. «Cette loi 1905 fait partie d'un trésor qui est le nôtre», insiste-t-il, mais «elle n'a pas pensé le fait religieux avec et par l'islam, parce qu'il n'était pas présent dans notre société, comme il l'est aujourd'hui» au moment de son adoption. Il ajoute: «On voudrait, en parlant de laïcité, parler du seul sujet de la religion qu'est l'islam. C'est une erreur funeste pour l'islam et pour toutes les autres religions.»
D'où, reconnaît-il, «le tâtonnement» des autorités, comme des religions, sur la question de l'islam parce que le logiciel français en la matière a été façonné par des siècles de collaboration, puis de conflits, entre deux pouvoirs également organisés et centralisés, l'Église catholique et l'État: «La France s'est habituée dans son dialogue à une religion qui est structurée de manière beaucoup plus verticale, parce que c'est l'histoire de la France avec l'Église catholique. Il faut dire les choses aussi telles qu'elles sont: parce que les religions sont structurées différemment, nous tâtonnons.»
Ce qui explique sa proposition pour avancer avec l'islam: «Nous devons avoir un travail sur la structuration de l'islam en France, qui est la condition même pour que vous ne tombiez pas dans les rets des divisions de votre propre religion et de la crise qu'elle est en train de vivre sur le plan international.» Le tout en «tâtonnons ensemble, de manière ouverte et dépassionnée». Quant au terrorisme islamiste, le président précise: «Le rôle de l'État, dans ce contexte, n'est pas de combattre les croyances, mais de combattre les propos et les pratiques qui se placent en dehors de l'ordre public républicain.»
Les règles de la République
La vision qui guide ce premier grand chantier présidentiel en matière de laïcité est inspirée par sa conception même de l'apport - passé et actuel - des religions à la société française. Emmanuel Macron ne voit en effet aucune cassure entre le croyant et le citoyen. C'est la seconde grande nouveauté de ce discours programme: «La foi religieuse qui relève de l'intime ne disqualifie pas pour être citoyen, il serait fou de penser qu'en une même personne, les deux ne dialoguent pas constamment.» D'où cette conséquence: «La République ne demande à personne d'oublier sa foi, mais pour faire nation, il faut également savoir dépasser ses différences en les mettant au service de la communauté de citoyens.» Et encore : «Je ne demanderai jamais à quelques citoyens français que ce soit d'être modérément dans sa religion ou de croire modérément ou comme il le faudrait en son Dieu. Ça n'a que peu de sens. Mais je demanderai à chacun, constamment, d'absolument respecter toutes les règles de la République.»
Sans «renoncer à notre pacte laïc», le président Macron veut donc davantage intégrer «les apports religieux et philosophiques» dans un «dialogue sincère, dépassionné» pour la conduite des affaires de la nation. Car il récuse tout autant l'idée d'une «religion d'État» qui serait «substituée aux religions» que «les stratégies d'entrisme» ou autres «coups de force militants» d'inspiration religieuse.
Ce qui dicte cette proposition phare, troisième nouveauté de son intervention, touchant la prochaine révision des lois de bioéthique, pour se «donner le temps d'un vrai débat philosophique dans la société avant de légiférer» : «Durant cette année, je réunirai de manière régulière, non médiatisée parce que je veux que ce soit des séances de travail» à la fois, «le comité consultatif national d'éthique» mais aussi les «représentants» des religions qui seront «pleinement associés», pour «décanter une vision commune» sur les lois de bioéthique.

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Une policière disparaît dans la Seine lors d'un exercice (05.01.2018)

  • Mis à jour le 05/01/2018 à 17:19 

  • Publié le 05/01/2018 à 15:08
EN IMAGES - Une policière de la brigade fluviale a disparu lors d'un exercice vendredi en fin de matinée dans la Seine à Paris, au niveau de Notre-Dame.
Une policière de la brigade fluviale a disparu lors d'un exercice vendredi en fin de matinée dans la Seine à Paris, au niveau de Notre-Dame, a indiqué la préfecture de police. Des recherches étaient toujours en cours peu après 15h.

Dans l'après-midi, 112 pompiers dont 17 plongeurs, 20 «engins opérationnels sur l'eau» (bateaux pneumatiques, barges, bateaux), deux hélicoptères (un de la gendarmerie et un de la sécurité civile) et quatre équipes cynophiles étaient à la recherche de la policière. Un ballon captif équipé d'une caméra a également été utilisé en fin de matinée.
 «C'était un exercice prévu et encadré», a-t-on précisé du côté de la préfecture de police. «Vers 10H50 ce matin, à l'occasion d'un entraînement des plongeurs de la brigade fluviale, l'un des personnels engagés a fait surface et puis a soudainement disparu dans la Seine», a expliqué lors d'un point presse Philippe Caron, directeur des services techniques de la préfecture de police. «Les recherches ont été immédiatement engagées par les plongeurs, par l'équipage, par les collègues de la brigade fluviale et très rapidement par l'ensemble des moyens de la brigade des sapeurs pompiers de Paris», a-t-il poursuivi.
Vers 11h30, la plongeuse «n'est pas remontée lors d'un exercice», ont informé les secours. «Il s'agissait d'un exercice commun de la brigade fluviale et de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris. C'était un exercice prévu et encadré», a indiqué la préfecture de police. Un important dispositif a été déployé avec un hélicoptère, les pompiers, la brigade fluviale et un drone pour rechercher la policière, a précisé la préfecture de police.
La zone du secteur de Notre-Dame bouclée
Vendredi après-midi, deux bateaux des pompiers de Paris ainsi qu'un troisième de la préfecture de police allaient et venaient entre le pont Saint-Michel et celui de Notre-Dame. Un périmètre de sécurité a été déployé dans le secteur de Notre-Dame, au cœur de la capitale. Tous les ponts autour de la zone ont été bouclés. Un hélicoptère survolait également la zone. Une caméra thermique devait être utilisée pour tenter de repérer la policière.
Après les intempéries des derniers jours, le niveau de la Seine est monté à Paris, qui a été placé en «vigilance jaune» et où de premières mesures préventives ont été prises au bord du fleuve. Les conditions de recherches sont d'autant plus difficiles à cause de la crue.

Erdogan à Paris : l'opposition compte sur Macron pour faire preuve de fermeté (05.01.2018)

  • Mis à jour le 05/01/2018 à 15:26 

  • Publié le 05/01/2018 à 13:41

Macron accueille Erdogan à l'Élysée pour une visite controversée
Le président français Emmanuel Macron a accueilli vendredi à l'Élysée son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, qui espère renouer le dialogue avec l'Europe malgré les vives critiques sur la situation des droits de l'Homme dans son pays.

LE SCAN POLITIQUE - Malgré les critiques, Emmanuel Macron reçoit vendredi le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, à Paris. Vigilante, l'opposition compte notamment sur le chef de l'État pour réaffirmer le refus de la France sur l'entrée de la Turquie au sein de l'Union européenne.
Emmanuel Macron ne l'a jamais caché: il veut «parler à tout le monde». Et même avec ceux qui peuvent apparaître comme les moins fréquentables. C'est dans cette logique que le chef de l'État accueille vendredi à Paris son homologue, Recep Tayyip Erdoğan. Reçu à l'Elysée, il s'agit pour le président turc de sa première visite importante au sein de l'Union européenne depuis le putsch manqué de juillet 2016. La violente répression provoquée par le dirigeant à la suite de cette tentative se poursuit encore aujourd'hui, notamment par la multiplication des violations des droits de l'homme. Malgré tout, l'Elysée estime important de «maintenir le dialogue» sans pour autant «cacher les divergences».
La gauche condamne la visite
Sans surprise, l'annonce de la venue de Recep Tayyip Erdoğan en France a fait du bruit dans l'ensemble de la classe politique. Une grande partie de la gauche s'est même étonnée d'une telle visite. «La France doit parler avec tout le monde mais accueillir avec tapis rouge Erdogan est une faute politique. La realpolitik ne doit pas se faire contre les droits de l'homme», a jugé vendredi matin sur Sud Radio Rachid Temal, le coordinateur national du Parti socialiste. «Ce qui me trouble dans cette invitation c'est que nous allons être la première grande puissance européenne à recevoir Erdogan depuis le putsch et les nombreuses arrestations», a aussi indiqué vendredi matin sur RTL Luc Carvounas.
Cela peut «laisser encore croire qu'on peut entrouvrir la porte de l'Union européenne à la Turquie. Je pense que c'est une faute»
Luc Carvounas, candidat en lice pour le poste de premier secrétaire du Parti socialiste
Cela peut «laisser encore croire qu'on peut entrouvrir la porte de l'Union européenne à la Turquie. Je pense que c'est une faute», a estimé le député de Val de Marne, actuellement seul candidat en lice pour briguer la tête du Parti socialiste.
La droite reste vigilante
La question concernant l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne est également suivie de près par la droite. Même si beaucoup admettent que la rencontre entre le dirigeant turc et le président de la République va dans le bon sens, ils attendent du chef de l'État de la fermeté sur ce sujet. «La ligne rouge que nous fixons c'est qu'il n'est absolument pas question de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. C'est-à-dire ni de la Turquie, ni des Balkans. Nous ne voulons pas d'une Europe élargie. Nous attendons que le président de la République dise clairement les choses», a déclaré vendredi le vice-président des Républicains, Damien Abad sur France Info. Le député LR a également demandé à Emmanuel Macron de tenir «une exigence absolue sur la question des droits de l'homme, de la liberté de la presse et des journalistes emprisonnés.»
Un point de vue partagé par Nicolas Dupont-Aignan, invité sur France 2 vendredi. «Je suis pour qu'Emmanuel Macron clarifie sa position sur l'entrée de la Turquie au sein de l'Union européenne. Il faut qu'on arrête avec l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Les Français doivent savoir que les négociations d'adhésion continuent», a tenu à préciser le président de Debout La France. Même si l'Union européenne se montre très réticente à l'entrée de la Turquie suite aux violentes répressions, aucune décision définitive n'a encore été très tranchée pour le moment.
Emmanuel Macron semble encore loin de donner un tel signe dans ce sens. Bien qu'il affirme vouloir «éviter les ruptures» entre l'Union européenne et la Turquie, la qualifiant de «partenaire essentiel», le chef de l'État s'est toujours montré hostile à l'entrée du pays dans l'Union. «Avec un régime qui prend ces décisions-là, il n'y aura aucune avancée de l'adhésion à l'Union européenne» dans les prochaines années, déclarait-il notamment lors de la campagne présidentielle. Assez pour rassurer l'opposition?
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La policière de Champigny raconte son agression (05.01.2018)
  • Par  Le Figaro.fr 

  • Mis à jour le 05/01/2018 à 12:55 

  • Publié le 05/01/2018 à 10:38
La policière agressée le soir du réveillon du Nouvel an à Champigny-sur-Marne s'est confiée au Parisien . Ce soir-là, Laurie, la jeune gardienne de la paix de 25 ans, ainsi que l'officier qui l'accompagnait ont été agressés rue Benoît-Frachon, aux abords d'un hangar qu'ils étaient venus sécuriser. 
 «Je me suis protégée avec les mains et me suis roulée en boule. J’ai pris des coups au visage, au ventre et sur les jambes.»
Encore sous le choc, la jeune femme est incapable de se souvenir ni de la durée de l'agression ni du nombre de personnes qui s'en sont pris à elle. Elle se souvient seulement des deux garçons et des deux filles qui l'ont portée jusqu'à une voiture de police pour lui prêter assistance, rapporte le quotidien.  Les médecins de l'hôpital Saint-Camille de Bry-sur-Marne, lui prescrivent une ITT de sept jours et un arrêt de travail de huit.
De son côté, le capitaine B. qui l'accompagnait raconte dans son dépot de plainte : «Nous marchions de front, lorsque j'ai reçu un violent coup dans le dos, porté par un manche en bois, de type manche de pioche. Mon gilet pare-balles a absorbé une partie du choc et j'ai réussi à maintenir mon équilibre».
Un individu le frappe au tibia. Le capitaine tombe à terre. «Cinq ou six personnes extrêmement belliqueuses se sont alors avancées vers moi. Le premier était toujours menaçant, j'ai sorti mon arme de service.» Le capitaine B. a déclaré être incapable de reconnaître les assaillants. 

Facebook: Zuckerberg reconnaît avoir fait «trop d'erreurs» et veut corriger le tir (04.01.2018)

  • Mis à jour le 05/01/2018 à 17:31 

  • Publié le 04/01/2018 à 21:11
Le PDG de Facebook Mark Zuckerberg a publié jeudi des vœux en forme de mea culpa, reconnaissant notamment des «erreurs» dans la chasse aux contenus problématiques (propos haineux, «fake news»...) qui pullulent sur le réseau, des errements auxquels il promet de remédier en 2018.
«Chaque année, je relève le défi d'apprendre quelque chose de nouveau. J'ai visité tous les États américains, j'ai couru 365 milles (587 kilomètres), construit une intelligence artificielle chez moilu 25 livres et appris le mandarin.» C'est par ces mots que Mark Zuckerberg, cofondateur et PDG de Facebook, commence son, désormais traditionnel, post de début d'année, initié en 2009 et dans lequel il révèle sa résolution pour l'année à venir.
Pour 2018 cette dernière est plus sérieuse que les précédentes. Mark Zuckerberg a déclaré ce jeudi que son défi cette année sera de lutter contre les abus, la haine, les ingérences de certains pays et d'autres problèmes majeurs sur le réseau social qu'il a créé. «Facebook a beaucoup de travail à faire - que ce soit pour protéger notre communauté contre les abus et la haine, pour se protéger contre l'ingérence des États, ou pour s'assurer que le temps passé sur Facebook soit du temps bien dépensé», a-t-il écrit. «Mon défi personnel pour 2018 est de me concentrer sur la résolution de ces questions importantes. Nous n'empêcherons pas toutes les erreurs et tous les détournements (de Facebook) mais nous faisons à l'heure actuelle trop d'erreurs pour ce qui est de faire respecter nos règles (d'utilisation) et d'empêcher les mauvais usages de nos outils. Si nous réussissons cette année, nous finirons 2018 sur une bien meilleure trajectoire», espère-t-il avant de conclure: «Ce sera une année d'auto-amélioration».

Selon Mark Zuckerberg, «aujourd'hui, beaucoup de gens ne croient plus en l'idée» que la technologie puisse placer un peu de pouvoir entre leurs mains. Au contraire, dit-il, «avec l'essor d'une poignée de grosses entreprises technologiques - et avec des gouvernements qui usent de la technologie pour surveiller leurs citoyens - beaucoup de gens pensent désormais que la technologie ne fait que concentrer le pouvoir» entre les mains de quelques-uns, au lieu de le «décentraliser» vers les citoyens.

Mark Zuckerberg a condamné à plusieurs reprises les tentatives de la Russie pour influencer les élections à travers des messages et des publicités sur Facebook et a récemment promis l'an dernier les dépenses pour faire face au problème.
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«Toute une partie de la gauche n'accepte pas la liberté d'expression à l'encontre de l'islam» (29.12.2017)

  • Mis à jour le 06/01/2018 à 08:58 

  • Publié le 29/12/2017 à 12:42

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Ce samedi 6 janvier, le Printemps Républicain organise aux Folies Bergères une grande manifestation «Toujours Charlie», pour commémorer les attentats de janvier 2015. A cette occasion, Laurent Bouvet accorde au Figaro Vox un grand entretien.

Laurent Bouvet est professeur de Science politique à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il a publié L'Insécurité culturelle chez Fayard en 2015.

FIGAROVOX. - Le 6 janvier, aux Folies Bergères, pour commémorer les attentats de Charlie Hebdo, Le Printemps Républicain organise une grande manifestation intitulée, «Toujours Charlie». De quoi s'agit-il exactement?

LAURENT BOUVET. - Il s'agit à la fois de commémorer, en dehors des cérémonies officielles, le 3ème anniversaire des attentats de janvier 2015 qui ont commencé le 7 janvier par Charlie Hebdo, et de dire que trois ans après, malgré les menaces et les renoncements, nous sommes «toujours Charlie!», c'est-à-dire en faveur de la liberté d'expression et contre toutes les formes d'intimidation, en particulier celles venant de tous ceux qui refusent cette liberté d'expression dès lors qu'elle concerne leur foi religieuse.
Pour ce faire, le Printemps républicain s'est associé avec le Comité Laïcité République et la LICRA, et des membres de l'équipe de Charlie Hebdo nous ont apporté leur soutien. Le sens de cette démarche est de rassembler très largement, et de montrer ainsi, au-delà des différences et clivages politiques notamment, qu'une très large majorité de nos concitoyens reste, trois ans après, «toujours Charlie» et très attachée à la liberté d'expression.
Concrètement, il s'agira d'une grande journée de témoignages et de débats, d'acteurs de terrain, d'intellectuels, de journalistes, d'artistes... qui viendront nous dire pourquoi ils sont «toujours Charlie». La journée se conclura par un spectacle inédit, fait de moments musicaux et de lectures de textes, dont la «Lettre aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes», le texte posthume de Charb. Cette journée se déroulera dans la salle des Folies Bergère à Paris (9ème arrondissement) en deux parties: les témoignages et les débats de 15h à 19h puis le spectacle de 20h30 à 23h. A cette occasion, nous révélerons aussi les résultats d'un sondage exclusif fait avec l'IFOP sur «les Français et Charlie, 3 ans après». Le programme, les informations et l'inscription (indispensable) à cette journée sont disponibles sur le site.
Trois ans après les attentats de janvier 2015, qu'est-ce qui a changé?
Toute une partie de la jeunesse de culture ou de confession musulmane se reconnaissait aisément dans une forme de radicalisation islamiste
A la fois beaucoup et peu! Beaucoup, parce que nous avons, collectivement, en tant que Français et plus largement en Europe d'ailleurs, pris conscience que la poussée de l'islamisme et du terrorisme qui lui est lié, telle qu'elle se déroulait dans le monde depuis des années, au moins depuis le 11 septembre 2001, et tout spécialement dans les pays musulmans, nous touchait directement à son tour. Les attentats de Toulouse et Montauban en 2012 étaient restés un événement isolé, perpétré par un seul homme, Mohammed Merah, et n'avaient pas soulevé la même prise de conscience que les actes des 7, 8 et 9 janvier 2015. On a découvert aussi que ces terroristes étaient des jeunes Français, élevés et éduqués en France. Et au-delà des attentats eux-mêmes que toute une partie de la jeunesse de culture ou de confession musulmane se reconnaissait aisément dans une forme de radicalisation islamiste même si bien évidemment, et heureusement, les passages à l'acte terroriste ou au djihadisme au Moyent-Orient restent des phénomènes limités.
Peu aussi, parce que malgré le choc terroriste et sa répétition en novembre 2015 à Paris puis en juillet 2016 à Nice notamment, malgré la prise de conscience collective, malgré les changements induits en termes de sécurité et de lutte contre le terrorisme ou la radicalisation, nous avons pu constater que les menaces contre Charlie Hebdo ou les propos antisémites, par exemple, n'avaient pas cessé, bien au contraire. Ces dernières semaines, la tension autour de quelques «unes» de Charlie a bien montré que toute une partie de cette jeunesse dont nous parlions à l'instant, et avec elle toute une partie de la gauche, n'accepte pas que la liberté d'expression, la liberté de caricature et finalement la liberté de la presse se fasse à l'encontre de la religion musulmane - tout en acceptant d'ailleurs très bien l'exercice de ces libertés à l'encontre des autres religions. Comme s'il existait une spécificité propre à l'islam, comme si cette religion et elle seule devait bénéficier d'un statut particulier en la matière. Que des croyants puissent penser ainsi, on peut le concevoir, mais qu'une partie de la gauche suive cette pente est proprement inconcevable.
Il y a tout juste un mois Edwy Plenel accusait Charlie Hebdo de faire la guerre aux musulmans…
Cette accusation, grave et irresponsable de la part du directeur de Mediapart (rappelons que les membres de la rédaction de Charlie Hebdo vivent en permanence sous protection policière depuis des années et qu'Edwy Plenel le sait parfaitement) a permis de mesurer combien toute une partie de la gauche s'est égarée depuis 2015.
C'est faire la courte échelle aux islamistes, dans les médias, sur des tribunes publiques, à l'université, dans les associations, dans les communes... qui revient à faire la guerre aux musulmans
Cette accusation de «faire la guerre aux musulmans» comme celle «d'islamophobie» à l'égard de ceux qui défendent la liberté d'expression sans préférence ni exception et qui se battent contre l'islamisme sous ses différentes formes est tout simplement indigne. Car c'est précisément aux côtés des musulmans qui refusent l'islamisme et ses diktats en matière religieuse comme en politique que se battent ceux qu'accuse Plenel. D'ailleurs, ses accusations ont été abondamment et complaisamment relayées par toute une «islamosphère», dont la proximité avec les thèses des Frères musulmans se manifeste désormais tous les jours. N'oublions pas que la hargne de Plenel s'est déployée quand on a pointé du doigt sa complaisance à l'égard de Tariq Ramadan et finalement de toute cette islamosphère, auxquels il identifie trop aisément les musulmans dans leur ensemble.
Bref, faire la guerre aux islamistes n'est pas faire la guerre aux musulmans. C'est faire la courte échelle aux islamistes, dans les médias, sur des tribunes publiques, à l'université, dans les associations, dans les communes... qui revient à faire la guerre aux musulmans.
Quelle est la vocation du Printemps Républicain créé en 2016. S'agit-il d'une association, d'un mouvement politique?
Il s'agit d'un mouvement de citoyens constitué sous la forme d'une association de loi 1901. Le Printemps républicain est né en mars 2016 d'un double constat. Celui, d'abord, d'une volonté de «faire quelque chose» de'un ensemble de gens, après les attentats de novembre 2015 et différentes «affaires» qui ont suivi où l'on a constaté que toute une partie de la gauche politique, syndicale, associative, dans les médias ou à l'université refusait de voir la réalité de l'idéologie islamiste à l'oeuvre sous des formes différentes, du terrorisme et du djihadisme bien évidemment mais jusque et y compris dans les discours et les manipulations organisées pour faire avancer un certain nombre d'idées dans le débat public, en particulier contre l'égalité hommes-femmes ou contre la liberté d'expression.
Toute une partie de la gauche politique, syndicale, associative, dans les médias ou à l'université refusait de voir la réalité de l'idéologie islamiste à l'oeuvre sous des formes différentes
Celui, ensuite, d'un vide politique, au sein de la gauche traditionnelle, et bien au-delà il faut le dire et le reconnaître, autour des enjeux dits culturels, à partir d'une position pleinement républicaine, c'est à dire à la fois démocratique (attachement à l'état de droit, aux libertés publiques, à l'action, l'éducation et la mobilisation des citoyens...) ; laïque (autour de la volonté de voir la laïcité restaurée dans son interprétation républicaine comme liberté de conscience, des cultes et de séparation entre l'Etat et les religions, et non plus dévoyée dans une interprétation libérale contraire à son esprit comme à sa lettre à coup de «liberté religieuse», de «coexistence des cultes et des croyances» ou de simple «neutralité de l'Etat») ; et sociale (il s'agit ici pour le Printemps républicain de réaffirmer l'indispensable dimension d'égalité entre les citoyens que ce soit dans l'exercice de leurs droits, dans l'accès aux services publics, sur tous les territoires de la République, à une école de qualité notamment et en termes de solidarité).
Le Printemps républicain prend sa place dans un ensemble, parmi de nombreuses organisations qui existaient déjà et se battent autour de principes proches, dont la LICRA et le CLR font partie comme tout le milieu laïque traditionnel, tout en essayant d'insuffler de nouvelles pratiques, militantes notamment, avec des adhérents jeunes très mobilisés - ainsi, l'organisation d'un événement comme «Toujours Charlie» repose pleinement sur cette force militante, sur des bénévoles, qui ont souvent fait l'expérience d'engagements partisans ou associatifs préalables mais décevants - autour d'un corpus théorique retravaillé et réaffirmé.
En 2017, le Printemps républicain est resté dans son rôle de vigie et de mobilisation, sur les réseaux sociaux notamment, lorsque les principes que j'évoquais plus haut ont été mis en cause. Nous avons ainsi, par exemple, joué un rôle majeur dans le dévoilement public des propos antisémites, homophobes et sexistes de Mehdi Meklat, et des complicités dont il a si longtemps bénéficié dans les médias. Mais c'était une année électorale, et le pluralisme politique qui est aussi un des principes fondateurs du Printemps républicain - comme le refus de subventions publiques ou la collégialité des décisions par exemple - nous a conduit à ne pas prendre parti dans toute la séquence électorale, des primaires aux législatives, en passant bien sûr par la présidentielle. Cela a limité notre activité. Ce ne sera pas le cas évidemment en 2018 où nous allons pouvoir reprendre un rythme plus soutenu, dont Toujours Charlie marque le démarrage.
Vous réclamez-vous de la gauche ou accueillez-vous des républicains de toutes les rives?
Nous venons, pour ce qui est de l'essentiel des fondateurs et des animateurs, sans aucun doute aussi des adhérents, de la gauche mais nous accueillons bien évidemment, dès lors qu'il y a accord avec les principes énoncés plus hauts (ceux inscrits dans notre «manifeste» fondateur en mars 2016), tous ceux qui veulent nous rejoindre. Nous ne demandons de papiers ou de pedigree à personne! La République ne se divise ni ne se confisque d'aucun côté politique. On peut avoir des divergences sur tel ou tel sujet, et des conceptions différentes de l'action publique, mais dès lors qu'elles sont débattues dans un cadre commun, dès lors que la querelle politique est comprise dans le cadre républicain, il n'y a aucune raison ni de la refuser ni d'y renoncer. C'est une question de respect des règles communes et d'éthique de la discussion politique. Bien sûr, ceux qui refusent de respecter ces règles républicaines et ne se conforment pas à cette éthique de la discussion, qui ne veulent pas s'appuyer sur une forme de raison commune en quelque sorte, ceux-là ne sont pas les bienvenus au Printemps républicain, et d'ailleurs nous les combattons dans l'espace public - sur les réseaux sociaux en particulier où les dérives en la matière sont hélas très fréquentes.
Je ne suis pas en revanche très favorable au terme «républicains de toutes les rives» qui me rappelle le «républicains des deux rives» des années 1990-2000. Car si l'accord doit se faire sur le cadre républicain lui-même, son exigence et sa rigueur, cela ne fait pas un programme politique pour autant, tel qu'il était envisagé à l'époque autour du «souverainisme», en tentant de faire pivoter vers la question européenne l'axe de la politique française. Cela a été un échec, un lourd échec. Nous avons clairement dépassé aujourd'hui cette phase et cette époque. Les conditions nouvelles de la politique, en France comme au-delà de nos frontières, avec la montée de populismes de différentes natures et de «mouvements» très centrés autour de leur chef, réponses imparfaites, insatisfaisantes et précaires aux nouveaux enjeux qui bousculent nos conceptions et les frontières politiques (idéologie islamiste, défi environnemental, transhumanisme, privatisation généralisée des données, transformations profondes de l'économie productive et du travail...) nous conduisent à revoir en profondeur la manière même dont nous pensons la politique.
L'idée républicaine est d'essence politique et non économique, sociale, culturelle ou religieuse
Et c'est là que l'idée républicaine, bien davantage que le régime ou les institutions qui l'incarnent, prend tout son sens. Et que contrairement à ce que l'on peut lire un peu partout aujourd'hui, elle est une idée neuve, une idée pour aujourd'hui et pour demain. Précisément parce qu'elle est d'essence politique et non économique, sociale, culturelle ou religieuse ; précisément parce qu'en faisant de nous des citoyens, elle nous ouvre des possibles, ici et maintenant, grâce à notre volonté commune, que nos identités et appartenances multiples, nos intérêts particuliers ou nos conceptions du monde, légitimement différentes, ne peuvent nous ouvrir.
La gauche républicaine n'est plus représentée par aucun parti politique... A terme le but n'est-il pas, malgré tout, de créer un parti?
Vous avez raison! La gauche républicaine n'est plus représentée non seulement par aucun parti politique mais pratiquement plus dans aucun parti politique. Et cela manque, profondément, au débat public. Le Printemps républicain entend bien participer à combler ce vide mais certainement pas en devenant un parti politique lui-même - pas dans un avenir proche en tout cas. Nous voulons au contraire essayer de sensibiliser et de mobiliser dans l'ensemble des partis et mouvements politiques autour des principes énoncés plus haut, de manière transversale. Notre terrain de lutte est le débat public, autour des idées et des grands enjeux politiques.
Certains vous soupçonnent d'être le comité de soutien non officiel de Manuel Valls.
On soupçonne le Printemps républicain de bien des choses! Dernièrement, on nous a attribué, entre autres, l'éviction de Rokhaya Diallo du Conseil national du numérique ou encore les difficultés à remplir les salles de sa tournée à venir de l'humoriste Yassine Belattar! C'est prêter bien du pouvoir à une association encore très jeune (nous n'avons pas deux ans) et constituée de simples citoyens qui s'engagent sur leur temps libre pour des idées et des principes - pas de lutte pour des places ou des gratifications matérielles au Printemps républicain.
Concernant les rumeurs régulièrement colportées et complaisamment entretenues, dans la presse notamment, sur notre proximité avec Manuel Valls, là encore, on nous prête décidément beaucoup. D'abord parce que, comme je vous l'ai dit plus haut, il y a au Printemps républicain des gens de différentes sensibilités politiques, de la France Insoumise à la République en Marche et même un peu au-delà vers la droite, qui n'accepteraient pas qu'on se range derrière tel ou tel, Manuel Valls ou un autre. Ensuite parce que si nous pouvons partager avec Manuel Valls des combats communs, autour de l'idée d'une gauche clemenciste (en référence à Clemenceau) notamment, nous ne l'avons pas soutenu aux primaires de la gauche, pas plus qu'un autre candidat, et pas plus qu'un autre encore à la présidentielle. Enfin parce que ce n'est pas notre vocation de soutenir tel ou tel responsable politique autrement que dans l'expression d'idées et de principes qui sont les nôtres. Ainsi, par exemple, nous soutenons publiquement les membres de la France Insoumise qui se battent, au sein de leur mouvement, pour la laïcité, contre les idées indigénistes (en référence aux Indigènes de la République) ou les accommodements pas toujours raisonnables avec des associations et des personnalités proches des islamistes, comme nous soutenons au gouvernement des ministres tels que Jean-Michel Blanquer ou Marlène Schiappa, et de la même manière que nous soutenons, à la LREM, les députés et militants qui se prononcent eux aussi en républicains pour la laïcité, et non pour sa version libérale.
Combat d'idées et non de personnes, combat de principe et non de posture. Voilà ce qu'est la politique pour le Printemps républicain.
Le film «L'Étoile de Noël» a été arrêté en pleine séance scolaire, à Langon, pour cause de laïcité. L'expression «joyeux Noël» est, elle -même, sujette à polémique. Que cela vous inspire-t-il? Ce type de controverse ne vient-il pas décrédibiliser le principe de laïcité?
La laïcité est mise en cause par des idéologies concurrentes, du côté d'un individualisme mal compris, et du côté de toutes les dérives et manipulations identitaires
D'abord, que le combat laïque est une chose sérieuse, car aujourd'hui la définition même de ce qui nous est commun - dont la laïcité comme principe philosophique et politique est un élément-clef en France - est mise en cause par des idéologies concurrentes, à la fois du côté d'un individualisme mal compris, réduit à son matérialisme plat voire cynique, noyé dans le consumérisme notamment, et du côté de toutes les dérives et manipulations identitaires, autour de craintes culturelles parfois justifiées mais aussi de constructions ou de reconstructions totalement imaginaires.
Ensuite, qu'il faut faire attention, quand on a une responsabilité éducative envers les enfants, de ne pas induire chez eux de confusion. Il me semble que lorsque l'on emmène sa classe voir un film intitulé «L'étoile de Noël» au cinéma, on sait à quoi s'attendre. Ou alors, il faut faire un autre métier. Et arrêter un film comme ça, en pleine séance, c'est vraiment ridicule. La laïcité, ce n'est certainement pas ça.
Enfin, qu'il faut raison garder et arrêter de monter en épingle la moindre contestation ou le moindre désagrément. Je ne vois pas le problème avec l'expression «joyeux Noël»! Que les croyants l'utilisent et que ceux qui ne croient pas en utilisent une autre comme «joyeuses fêtes» par exemple me paraît du simple bon sens. Nul ne devant être obligé ou contraint à faire l'un ou l'autre. C'est totalement ridicule.
Toutes ces controverses décrédibilisent surtout ceux qui s'y prêtent. La laïcité vaut infiniment mieux et les combats à mener en son nom, et il y en a, sont infiniment plus importants.
Aujourd'hui, c'est l'islam, et aucune autre religion, qui est susceptible de menacer la République. Pourquoi ne pas le dire clairement plutôt que de continuer à «gifler sa grand-mère»?
Je ne suis pas certain que l'islam en tant que religion menace la République. Que l'islam articule, différemment du christianisme, le théologique et le politique, en raison des conditions de naissance très différentes et des premiers siècles d'évolution de ces deux grandes religions prosélytes, c'est une évidence. Mais l'Histoire nous a aussi montré que l'islam s'adaptait à différentes civilisations et cultures au moins autant qu'il s'imposait à elles. Donc je ne peux en conclure que l'islam menace la République.
Après, qu'il y ait une partie de la population de culture ou de confession musulmane, en Europe, et en France, qui refuse clairement certains principes sur lesquels sont bâties nos sociétés, c'est une évidence. Ce sont des musulmans qui se réclament de lectures souvent littérales, fondamentalistes ou intégristes, de leurs principes religieux, parfois d'une inculture totale en la matière aussi d'après ce qu'en disent certains spécialistes, et qu'ils comprennent comme incompatibles avec toute autre conception du monde, que ce soit d'ailleurs au sein de l'islam ou en dehors. C'est précisément ça l'islamisme: une forme idéologique donnée à la religion et qui en déborde le cadre pour prétendre à une hégémonie dans tous les domaines de la vie humaine, et sur toute autre forme culturelle, religieuse, politique ou sociale.
Et il faut le dire clairement en effet, mais cela ne doit pas exclure tous les musulmans qui ont une autre lecture de leur religion, et qui par leur pratique la rendent tout à fait compatible avec la République, comme le font les autres citoyens à partir de leurs différentes identités et croyances. La République ne vise certainement pas à se substituer aux religions et aux croyances, elle vise à faire de chacun des citoyens qui la composent, un égal en droits et devoirs aux autres, quelle que soit son origine, son identité, sa foi, etc. Il n'y a a priori aucune incompatibilité d'aucune sorte dans la mesure où la République est le lieu du commun, face à tous les particuliers et les particularismes. Ce commun étant le résultat à la fois d'une histoire, complexe et parfois violente, riche de ses contradictions et de ses évolutions, et d'une projection dans un destin commun, riche lui de ses possibilités. Les communs restent différents entre peuples, pays, nations... En France, ce commun, c'est «la République, notre royaume de France» comme disait Péguy. Et si quelqu'un ne veut pas de ce commun et des principes qui le régissent, alors il ne peut être citoyen, qu'il soit athée, musulman, catholique ou témoin de Jéhovah...
Mais je comprends, à la citation de la célèbre expression de Marx que vous faites, que notre «grand-mère» serait le catholicisme ou du moins le christianisme, auxquel il serait plus aisé de s'en prendre qu'à l'islam.
Faire respecter par toutes les religions, sans aucune exception, les principes du commun, en la matière la laïcité, ce n'est certainement pas nier le passé de la France
Pour moi, faire respecter par toutes les religions, sans aucune exception, les principes du commun, en la matière la laïcité, n'est certainement pas nier le passé de la France. La laïcité elle-même est un principe qui vient de notre histoire, française, elle est née et s'est déployée dans un cadre irréductible à tout autre historiquement. Mais elle a permis précisément de mettre à distance la religion dominante, catholique, pour construire un commun ouvert à tous, sans prééminence religieuse. C'est au nom même de cette mise à distance qu'on peut aujourd'hui proposer ce cadre commun à d'autres croyants, issus d'autres religions et d'autres cultures. Il n'y a donc ni ambiguïté sur les différences à faire entre islam et catholicisme en matière historique et culturelle, ni ambiguïté sur l'égalité de traitement à réserver aux deux religions, comme aux autres, au regard de la laïcité.
Et je trouve aussi pitoyables qu'injustes les accusations que l'on entend parfois à propos des défenseurs de la laïcité qui s'en prendraient aux catholiques pour mieux pouvoir justifier de s'en prendre aux musulmans. Accusations qu'on trouve d'ailleurs aussi bien du côté catholique que musulman pour des raisons qui ne sont pourtant pas les mêmes. Faire respecter des principes communs, c'est précisément ne s'en prendre à personne. Comme si d'ailleurs, symétriquement, il n'y avait jamais aucune collusion anti-laïque ou anti-laïcité entre croyants de différentes religions, tout à fait d'accord pour dire que finalement un croyant sera toujours un meilleur homme qu'un non croyant - je n'ai pas oublié à ce propos la phrase, terrible, de Nicolas Sarkozy dans son discours de Latran en décembre 2007: «Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s'il s'en approche, parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance.»
Bref, essayons de rester à la fois rationnels et raisonnables en la matière, et de (re)faire de la laïcité le pilier du commun républicain dont nous avons tant besoin aujourd'hui. Cela nous permettra d'éviter bien des dérives et des dérapages identitaires.
Emmanuel Macron a promis de s'exprimer sur la laïcité en janvier. Qu'attendez-vous de ce discours?
Je dirais, sans doute comme tout le monde, une clarification de la position même du président de la République sur le sujet compte tenu des signes contraires qu'il a envoyés jusqu'ici, en montrant parfois sa préférence pour la vision libérale de la laïcité comme liberté religieuse et coexistence des religions (notamment quand il a renommé la même équipe à la tête de l'Observatoire de la laïcité), alors qu'il a aussi choisi des ministres comme J.-M. Blanquer et M. Schiappa qui ont eux clairement réaffirmé une conception républicaine de la laïcité.
Depuis une trentaine d'années, la vision libérale a largement progressé au sein de l'Etat lui-même
Mais, sur le fond, je ne suis pas certain que la position du président de la République soit elle-même déterminante en la matière. Il choisira peut-être telle ou telle position sur le sujet, ou peut-être restera-t-il dans une forme d'ambiguïté, mais sa fonction n'est assurément pas de définir la laïcité. Celle-ci échappe en effet à des choix politiques sur l'instant même si les institutions peuvent, en suivant telle ou telle conception, privilégier l'une par rapport à l'autre. Ainsi, depuis une trentaine d'années, la vision libérale a-t-elle largement progressé au sein de l'Etat lui-même, et chez nombre de ses hauts cadres comme chez bien des responsables politiques. C'est l'effet de multiples décisions, choix et orientations pris par plusieurs générations de responsables de l'Etat. Pourtant cela n'a pas empêché qu'une vision républicaine, moins sensible sans doute aux effets de la mondialisation dominée par le paradigme libéral de la tolérance et du multiculturalisme normatif qu'elle véhicule, subsiste et continue d'être transmise et défendue.
Aujourd'hui, alors que nous sommes entrés de plain-pied dans dans l'âge identitaire, pour les individus comme pour les religions, il n'est pas certain que cette laïcité d'ascendance républicaine soit pour autant la plus mal placée pour répondre aux défis qui se présentent à nous. Si le Printemps républicain peut servir à quelque chose, c'est bien démontrer l'utilité de celle-ci dans le débat public

Une responsable d'Amnesty International poursuivie pour aide aux migrants (06.01.2018)

  • Publié le 06/01/2018 à 16:58
Martine Landry, 73 ans, aurait facilité la venue en France de deux mineurs isolés Guinéens venus d'Italie. Jugée ce lundi devant le tribunal correctionnel de Nice, elle risque jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.
Tout s'est passé deux jours après la mise en examen de Cédric Herrou pour aide à l'immigration clandestine. Le 28 juillet dernier, deux migrants guinéens, venus d'Italie, sont arrivés à la frontière franco-italienne pour rejoindre la France. Ces mineurs isolés, âgés de 15 et 16 ans, ont expliqué leur situation aux policiers italiens. Ces derniers les ont renvoyés, à pied, vers le poste frontière français. S'y trouvait alors Martine Landry, membre d'Amnesty International et de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé). Jugée ce lundi devant le tribunal correctionnel de Nice, cette militante de 73 ans est accusée d'avoir «facilité l'entrée» de ces mineurs en situation irrégulière sur le sol français, selon l'acte d'accusation, consulté par Le Figaro. Elle les aurait «pris en charge et convoyé pédestrement du poste frontière côté Italie au poste frontière côté France», précise le document.
L'article L622-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
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Contactée par Le Figaro, Mireille Damiano, l'avocate de la septuagénaire, demande la relaxe pure et simple de sa cliente. «Il n'y a pas d'infraction, pas de délit de solidarité», assure-t-elle. «Martine Landry a accueilli ces jeunes une fois qu'ils avaient franchi la frontière, mais ne les a pas accompagnés d'Italie jusqu'en France. Elle se trouvait derrière le panneau “France”», conteste-t-elle. Et d'ajouter: «On est totalement surpris. Ma cliente a été entendue le 31 juillet par la police aux frontières de Menton. On a détaillé les raisons pour lesquelles elle se trouvait là: elle a accueilli ces mineurs pour leur permettre d'intégrer le circuit de l'Aide sociale à l'enfance (ASE)». Selon l'avocate, les deux jeunes Guinéens avaient été repérés par les autorités françaises quelques jours plus tôt lors de perquisitions effectuées au domicile de Cédric Herrou, où ils ont été logés pendant un temps. Leur minorité n'a «jamais été contestée», affirme-t-elle. Après être revenus en France, ces jeunes gens ont bénéficié de l'ASE.
Précédents
Ces poursuites interviennent dans un contexte de pression migratoire inédite. Selon la préfecture des Alpes-Maritimes, 50.000 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés en 2017 dans les Alpes-Maritimes. Martine Landry, elle, a pour habitude d'intervenir à la frontière franco-italienne. Chargée d'une mission d'observation en zone d'attente pour Amnesty International, elle participe également aux actions militantes de conseil aux demandeurs d'asile et d'accompagnement dans l'accès à leurs droits. Selon Amnesty, l'aide qu'elle a apporté aux migrants ce 28 juillet ne relevait «pas strictement» des missions évoquées ci-dessus. En revanche, son action «ne contrevient absolument pas à nos principes et nos recommandations sur cette question», ajoute l'association.
Ces derniers mois, d'autres militants ont été poursuivis pour le même type de délit. En août dernier, Cédric Herrou avait écopé de quatre mois de prison avec sursis pour «aide à l'entrée et à la circulation d'étrangers en situation irrégulière». Le 13 décembre, quatre retraités avaient également été condamnés à une amende de 800 euros avec sursis pour avoir transporté des migrants près de la frontière. Martine Landry, elle, risque jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende pour délit de solidarité.
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Attentats terroristes en France: 2015, «annus horribilis» (16.11.2015)

  • Mis à jour le 05/01/2018 à 12:56 

  • Publié le 16/11/2015 à 06:00
Du 7 janvier au 13 novembre, l'année 2015 a été ponctuée d'attaques terroristes sur le territoire français. Certaines ont été déjouées, mais six d'entre elles ont fait des victimes. 148 personnes ont trouvé la mort.
«Toujours pas d'attentats en France» «Attendez, on a jusqu'à la fin janvier pour présenter ses vœux»: le dernier dessin de Charb était terriblement prémonitoire. Il paraissait le 7 janvier 2015. Quelques heures après, son auteur périssait sous les balles des frères Kouachi. Le premier d'une longue série de victimes.
Chérif et Saïd Kouachi, Amedy Coulibaly, Sid Ahmed Ghlam, Yassin Salhi, Ayoub El Khazzani… Ces hommes, tous terroristes islamistes, ont tenté, et parfois réussi à semer la mort en France en 2015.
• 7 janvier 2015: la tuerie de Charlie Hebdo
Le 7 janvier 2015, à 11h30, les deux frères Kouachi pénètrent dans les locaux de Charlie Hebdo à Paris, armés de fusils d'assaut. Ils y assassinent 12 personnes dont huit membres de la rédaction: les dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski, la psychanalyste Elsa Cayat, l'économiste Bernard Maris. Le policier Franck Brinsolaro, le correcteur Mustafa Ourrad, un agent de sécurité Frédéric Boisseau, un policier Amhed Merabet, et Michel Renaud sont également tués. Les deux frères sont tués quelques jours plus tard par le GIGN dans une imprimerie où ils s'étaient retranchés, à Dammartin-en-Goële, au nord de Paris.

• 9 janvier: prise d'otages à l'Hyper Cacher
Le vendredi 9 janvier, un complice des frères Kouachi, Amedy Coulibaly entreprend une prise d'otages dans un Hyper Cacher situé porte de Vincennes, à Paris. Il tue quatre personnes avant d'être abattu par les forces de police. La veille, il avait tué une policière municipale à Montrouge.
L'État islamique revendique l'attaque.
• 19 avril: l'attentat manqué de Sid Ahmed Ghlam
Sid Ahmed Ghlam, étudiant en informatique de 24 ans, est arrêté dimanche 19 avril dans le 13e arrondissement de Paris, après avoir appelé le SAMU pour une blessure par balle.
La police soupçonne le jeune homme d'avoir projeté une attaque terroriste contre deux églises de Villejuif (Val-de-Marne). Il aura tout de même réussi à faire une victime: Aurélie Châtelain, 33 ans, retrouvée morte dans sa voiture. La jeune femme, qui a eu le malheur de se trouver sur le chemin du terroriste, a été abattue alors qu'elle tentait de résister au vol de sa voiture par ce dernier.
• 26 juin 2015: un patron décapité à Saint Quentin-Fallavier
Yassin Salhi, chauffeur-livreur dans une société de transports assomme, étrangle et décapite son patron. Il était en lien avec la mouvance salafiste.
Il envoie un selfie macabre avec la tête de sa victime à Sébastien Yunes un djihadiste français en Syrie, avant d'exposer la tête de sa victime avec un drapeau de l'état islamique sur un grillage dans une usine de produits industriels à Saint-Quentin Fallavier, en Isère. Puis il projette sa camionnette contre des bonbonnes de gaz, provoquant une explosion. Il est arrêté par la police.
L'État islamique revendique l'attaque.
• 21 août 2015: attaque d'un Thalys empêchée par des héros
Ayoub El Khazzani, un ressortissant marocain, muni d'une kalachnikov, ouvre le feu dans un train Thalys sur une ligne reliant Amsterdam à Paris. Plusieurs passagers parviennent à s'interposer et à le désarmer. Deux militaires américains sont blessés. François Hollande remet la légion d'honneur aux quatre hommes ayant mis fin à l'attaque. Le terroriste est arrêté par la police.
• 13 novembre 2015: massacre en plein Paris
La dernière de ces attaques est aussi la plus sanglante. Le vendredi 13 novembre, aux alentours de 21h20, une série d'attaques perpétrée par plusieurs terroristes débute, provoquant la mort de 129 personnes et faisant 300 blessés, dont 99 graves. La tuerie est revendiquée par l'État islamique. Sept terroristes sont tués pendant l'attaque. C'est l'attentat la plus grave en France depuis la Seconde guerre mondiale, et la première fois qu'ont lieu des attentats suicide.
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«L'éloquence, un facteur d'ascension sociale» (05.01.2018)
Par Marie-Estelle Pech
Mis à jour le 05/01/2018 à 21h00 | Publié le 05/01/2018 à 19h53
Romain Decharne, 32 ans, enseignant à Sciences Po, est le créateur de l'association Graines d'éloquence, qui organise des concours dans les lycées et collèges depuis 2014.
LE FIGARO. - Comment avez-vous eu l'idée de lancer cette association?
Romain DECHARNE. - Plus jeune, j'étais timide et stressé. Étudiant en droit, lorsque j'avais un exposé à rendre, je n'en dormais pas la veille. Je me suis débrouillé pour avoir accès à des cours d'éloquence en anglais, ce qui m'a beaucoup aidé à vaincre mes appréhensions. Les Anglais font beaucoup de matchs d'art oratoire en équipe. Avec une cinquantaine d'étudiants, nous avons décidé de lancer cette formule en français dans les lycées. Dès la première année, nous avions 150 candidats, au départ surtout parisiens. Nous organisons aussi régulièrement des procès, celui de Jésus, de Louis XVI, de Dark Vador… Nous sommes présents dans 150 lycées par le biais de clubs oratoires. Et nous avons lancé cette année ces mêmes clubs dans des collèges. Car plus on commence tôt, mieux c'est! Entre les concours et les clubs, nous touchons environ 20.000 élèves.
Quel type de population visez-vous?
Tout le monde! C'est ça qui est intéressant. Les préjugés sont en train de sauter. L'éloquence est traditionnellement perçue comme un sport de bourgeois, d'aristocrates et de lettrés. Qui concernerait exclusivement les avocats, les politiciens et les PDG. Et c'est vrai que ceux qui maîtrisent bien l'art oratoire, ce sont surtout des gens bien nés. D'autant plus que l'Éducation nationale ne fait pas le boulot. L'oral reste le parent pauvre. Nous nous sommes volontairement tournés vers des élèves d'origine populaire car savoir bien parler, c'est un facteur d'ascension sociale. Nous nous sommes implantés à Paris et à Londres, mais aussi dans les quartiers nord de Marseille, Tourcoing, Lille, en outre-mer, etc. Pour ma part, je fais payer des formations d'éloquence que je donne dans des entreprises, ce qui me permet de donner du temps bénévolement.
En quoi cet enseignement est-il essentiel à vos yeux?
Réussir un entretien d'embauche, un oral d'examen, négocier, interagir, réclamer une augmentation, tout passe par l'oral. Mais par-delà cette dimension utilitaire, ça crée du lien. Ce ne sont pas les concours qui nous intéressent en tant que tels. Nous nous sommes d'ailleurs vite rendu compte que la notion de compétition façon Sciences Po ou HEC pouvait faire fuir certains. Ce qui nous motive, c'est de faire progresser ces jeunes. Nos débats imposent des alliances entre élèves, qui doivent s'unir pour défendre à plusieurs une même cause à l'oral. Cela donne des mélanges détonants. Je pense à cette équipe du lycée Henri-IV qui s'est alliée avec une équipe d'un lycée du nord de Marseille. Des amitiés fortes se sont créées entre des jeunes qui n'avaient aucune chance de se rencontrer. Comme ce garçon du VIIe arrondissement de Paris avec ce garçon de banlieue déshéritée. En Seine-Saint-Denis, notamment, nous avons découvert des jeunes avec un potentiel incroyable que nous avons poussé à faire Sciences Po, par exemple, alors qu'ils pensaient s'orienter vers quelque chose de bien plus modeste.

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Journaliste éducation pour le service société du Figaro.
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Éloquence: quand la crème des avocats s'écharpe (05.01.2018)

Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 05/01/2018 à 19h47 | Publié le 05/01/2018 à 19h10
La Conférence des avocats du barreau de Paris, la plus prestigieuse de France, est devenue malgré elle une sorte de méritocratie dénoncée par ses détracteurs comme une caste aux privilèges iniques et défendue avec passion par ses partisans, qui soulignent l'importance de l'art de la rhétorique devant les cours d'assises.
Plus de cent ans d'éloquence et une flamme intacte portée d'année en année par la Conférence du stage et ses douze «secrétaires», vainqueurs d'une épreuve qui court sur dix mois de joutes oratoires. Jugés par leurs pairs, ils sont la jeune garde qui doit perpétuer l'art de la défense pénale. Depuis 1991, la «Conférence du stage» est obligatoire dans tous les barreaux de France, mais celle de Paris est la plus prestigieuse compte tenu de la concurrence.
Chaque année, à partir du mois de janvier, une trentaine de séances réunit 200 candidats qui se pressent à la bibliothèque de l'ordre des avocats de Paris pour tenter leur chance. Ils n'étaient que 120 il y a quinze ans. Lors du premier tour, deux sujets publiés quinze jours à l'avance sont proposés aux candidats. En juin, ils ne sont plus que 36 autorisés à passer le second tour. Un second tour où les sujets et les positions rhétoriques (affirmative ou négative) sont imposés et où le temps de préparation n'excède pas cinq heures. «Impossible de préparer des discours types avant d'avoir les sujets, car cela s'entend», souligne Jérémie Boccara, troisième secrétaire de la promotion 2017. En revanche, tous commencent à s'entourer de coachs et de conseils pour les aider à passer cette épreuve, sans doute la plus exigeante. «C'est de l'éloquence d'urgence», comme le sera la défense qu'ils devront pratiquer, pendant un an. En novembre, ils ne seront plus que 24 à passer le troisième tour. Un tour de «confirmation», comme le souligne Jérémie Boccara.
L'engouement pour la Conférence augmente en même temps que le nombre d'élèves avocats, toujours plus nombreux. Mais elle témoigne aussi du regain du droit pénal, occulté un temps par le prestige du droit des affaires. Si ce concours d'éloquence est né sous Louis XIV, la Conférence des avocats du barreau de Paris a été fondée en 1878 sous forme d'une association d'avocats. Avec le temps, elle est devenue malgré elle une sorte de méritocratie dénoncée par ses détracteurs comme une caste aux privilèges iniques.
«En ­mathématiques, 2 et 2 font 4. Avec les mots, 2 et 2 peuvent faire 3, ou 5, ou 7. Ils disparaissent à l'instant où ils ont été prononcés. Mais on ne les oublie jamais »
Pierre-Olivier Sur, avocat
En 2013, la pression de la base des pénalistes était montée d'un cran contre l'institution multiséculaire de la Conférence du stage. Les 1500 pénalistes de base du barreau de Paris dénonçaient ce privilège des secrétaires de se partager, pendant leur année de magistère, les 100 dossiers criminels susceptibles d'être traités aux assises. À côté de la commission d'office et des comparutions immédiates auxquelles ces derniers sont par ailleurs astreints. En moyenne, les secrétaires traiteront quatre gros dossiers au minimum par mois. Pierre-Olivier Sur, alors bâtonnier de Paris, avait fait redescendre la pression en plaidant que «ce concours permet d'évaluer la capacité de conviction devant une cour d'assises, d'autant plus essentielle que ces procès sont fondés sur l'oralité. Cela peut être aussi pour certains un formidable ascenseur social».
Longtemps centré sur les questions de droit et la doctrine, le concours est redevenu, à partir des années 1980, ce qu'il était il y a trois siècles, l'art de la rhétorique. Les sujets frisent l'absurde: «Y a-t-il un pilote dans l'avion?», «Faut-il tout annuler?», «L'aube est-elle une promesse?»,«Doit-on rester en famille?», «La messe est-elle dite?». «La règle du pénal, c'est de plaider le dossier par les faits et la vie des gens. À nous de convaincre que nous appartenons tous à la même famille humaine», rappelle Jérémy Boccara. «Les mots pèsent sur l'émotion. En mathématiques, 2 et 2 font 4. Avec les mots, 2 et 2 peuvent faire 3, ou 5, ou 7. Et d'après Einstein, telle est la Vérité! Les mots disparaissent à l'instant même où ils ont été prononcés. Mais paradoxalement, on ne les oublie jamais», sourit Pierre-Olivier Sur, qui fut lui-même douzième secrétaire de la Conférence.
Pour autant, l'éloquence à l'ancienne n'est plus de mise : «Aujourd'hui, il faut être efficace et humble, parler aux gens avec des images qu'ils peuvent comprendre. C'est ainsi qu'Éric Dupont-Moretti a bouleversé la plaidoirie aux assises», affirme Jérémie Boccara, qui souligne que dans certaines chambres, notamment en matière de terrorisme, «la marge de manœuvre pour convaincre les magistrats est devenue très étroite. Mais il est hors de question d'abandonner la défense de ces clients-là».

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Éloquence : bientôt un grand oral au baccalauréat ? (05.01.2018)

Par Caroline Beyer
Mis à jour le 05/01/2018 à 19h09 | Publié le 05/01/2018 à 18h43
En Italie, l'épreuve de l'éloquence est la plus redoutée par les candidats à l'Esame di stato ou di maturità, l'équivalent du bac français.
De l'éloquence au baccalauréat? Le ministre de l'Éducation y est visiblement favorable. Dans le cadre de la réforme du bac, actuellement discutée, il s'est souvent référé au colloquio* italien.
Ce grand oral pluridisciplinaire fait partie des quatre grandes épreuves - dont trois écrites - de l'Esame di stato ou di maturità, l'équivalent de notre baccalauréat en Italie. Il porte sur toutes les matières et les programmes de l'année écoulée. Pesant pour 30 % dans la note finale, c'est l'épreuve la plus redoutée par les élèves. En quoi consiste-t-elle? Le candidat présente un mémoire réalisé sur un thème de son choix pendant l'année. Ce travail doit faire appel à plusieurs disciplines et illustrer le parcours de l'élève au cours de ses années lycée. Face à lui, un jury composé de sept professeurs lui pose ensuite des questions libres. Les examinateurs l'invitent enfin à corriger à l'oral les erreurs commises dans les épreuves écrites. Au total, une quarantaine de minutes.
Le modèle est-il transposable en France? «Ce serait comme un retour aux sources», relève Albert-Jean Mougin, vice-président du Snalc (Syndicat national des lycées et des collèges). Il rappelle qu'en 1809, date de sa première édition, le baccalauréat consistait en un entretien autour d'une discipline, avec des professeurs de l'université. En 1830, une première épreuve écrite facultative est introduite. Elle deviendra obligatoire en 1840. L'objectif est alors de rendre plus difficile l'examen, afin de faire concurrence à l'École polytechnique. «Parallèlement, on prend conscience qu'un exposé solide vient avant tout de la maîtrise de l'écrit. Et que l'oral vient confirmer l'écrit», ajoute Albert-Jean Mougin. C'est d'ailleurs le principe des admissions (écrites), suivies de l'admissibilité (orale), à l'œuvre dans les concours d'entrée dans les grandes écoles.
«On a voulu donner la pa­role aux élèves, en renonçant en ­parallèle à leur donner les mots !»
Albert-Jean Mougin, vice-président du Snalc (Syndicat national des lycées et des collèges)
Un tel grand oral au bac pourrait-il faire la différence, permettre à certains, qui n'en auraient pas eu l'occasion dans une évaluation uniquement écrite, de tirer leur épingle du jeu? Il pourrait alors permettre de compenser l'écrit. Mais peut-on être éloquent sans une parfaite maîtrise de l'écrit? «Je ne le crois pas», affirme le vice-président du Snalc. La société actuelle, qui voit émerger des noms de youtubeurs ou d'artistes de rap, contribue pourtant à forger cette illusion.
Quelle est la place de l'oral dans l'enseignement primaire et secondaire? Depuis une trentaine d'années, il est régulièrement recommandé de développer cette expression. «Mais l'éloquence, ce n'est pas le bavardage! Or le culte de la libre expression, à l'œuvre depuis de nombreuses années dans l'Éducation nationale, a favorisé ce bavardage, s'indigne Albert-Jean Mougin. On a voulu donner la parole aux élèves, en renonçant en parallèle à leur donner les mots!» ajoute-t-il, évoquant «une confusion» et «une baisse des exigences». «L'écrit doit rester la base de notre enseignement», conclut-il.
D'ailleurs, le baccalauréat italien, qui doit faire sa réforme en 2018, pourrait bien, selon les pistes évoquées, mettre fin à la primauté du colloquio sur les épreuves écrites…
* Entretien

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L'éloquence ou le grand retour de l'arme oratoire (05.01.2018)

Par Marie-Estelle Pech
Mis à jour le 05/01/2018 à 18h58 | Publié le 05/01/2018 à 17h53
ENQUÊTE - Lycéens, étudiants, cadres… les Français sont en quête de formations pour apprendre la rhétorique. Un atout qu'ils jugent indispensable pour réussir dans l'univers professionnel.
La France redécouvrirait-elle sa tradition d'éloquence? La voix chevrotante d'un Malraux devant le Panthéon, celle d'un Bossuet enfiévré par ses oraisons funèbres à l'incomparable lyrisme inspirent toujours, même là où on ne les attend pas. Sortie en novembre, la comédie française Le Brio a attiré plus de  1 million de spectateurs: professeur à la fac de droit Panthéon-Assas, Pierre Mazard, joué par Daniel Auteuil, humilie publiquement Neïla, une étudiante banlieusarde incarnée par Camélia Jordana. Pour se défendre des accusations de racisme portées contre lui, il est poussé à l'aider à gagner le concours d'éloquence de fin d'année et lui apprend la rhétorique.
Au printemps 2017, le documentaire À voix haute. La force de la parole a quant à lui remporté un important succès auprès de la critique au point que certains lui prédisent des prix pour les César 2018. Le réalisateur a suivi pendant plusieurs semaines la transformation de jeunes étudiants participant au concours d'art oratoire Eloquentia et préparés par l'avocat Bertrand Périer (voir ci-contre). Initialement implanté à l'université Paris-VIII (Seine-Saint-Denis) en 2012, ce concours se développe désormais au sein d'autres universités.
Longtemps, les cours d'éloquences ont été réservés aux formations de droit ou de sciences politiques; À Sciences Po, les étudiants de première année bénéficient ainsi traditionnellement de huit heures de formation, aux notions de rhétorique et moyens de persuasion. Partout en France, les concours de la Conférence du stage, créés au XIXe siècle, prisés par les jeunes avocats, sont valorisés dans leurs CV. Mais depuis cinq ans, on assiste à un intérêt renouvelé pour l'art du bien-parler dans des lieux plus inattendus, les amphis des universités de lettres et de sciences. Et même dans les collèges et les lycées. Les ouvrages consacrés à la rhétorique occupent quant à eux des rayons entiers chez les libraires: «l'art de convaincre», «comment persuader en dix leçons», etc.
«C'est la première étape qui permet d'organiser sa pensée» 
Pauline Duchêne, responsable d'un diplôme universitaire (DU) d'« argumentation, expression, éloquence 
De fait, les salariés sont très demandeurs. Selon l'édition 2017 de l'étude menée par la Fédération de la formation professionnelle auprès de ses entreprises adhérentes, 55 % d'entre elles délivrent des formations en «développement des compétences comportementales» et en «communication interpersonnelle», autant de domaines où la formation à l'expression orale occupe une place centrale. Au point, précise une responsable de formation d'une entreprise parisienne, que ces stages de quelques jours «font souvent office de deuxième carrière, voire de principal débouché pour les comédiens», très sollicités pour les animer.
Si les organismes privés pullulent sur ce marché en expansion, les universités de sciences humaines entendent faire connaître leur voix originale. Responsable d'un diplôme universitaire (DU) d'«argumentation, expression, éloquence», créé il y a six ans à l'université Paris-X (Nanterre), Pauline Duchêne, professeur de littérature latine, compte dans ses cours suivis par une quarantaine de personnes des cadres d'entreprise, des personnes issues du management, du marketing, du milieu artistique. Et surtout, bien sûr, des étudiants en droit ou  en sciences politiques. S'inspirant des techniques des rhéteurs de l'Antiquité, elle leur apprend comment organiser son discours,  argumenter, réfléchir à l'«éthos», l'image que l'on souhaite donner à son interlocuteur, repérer les failles dans l'argumentation adverse…
«Le fait que les étudiants s'inscrivent à notre formation alors qu'ils n'ont aucun bénéfice immédiat à en attendre est significatif» 
Juliette Dross, Responsable du concours Fleurs d'éloquence de l'université Paris-Sorbonne
Elle réactualise le cursus préparatoire à l'éloquence, qui a joué un rôle central dans la formation de la culture en France et en Europe, de l'Empire romain jusqu'à la fin du XIXe siècle. Et cela passe d'abord par l'écrit: «C'est la première étape qui permet d'organiser sa pensée», explique-t-elle, même si les étudiants bénéficient aussi de mises en pratique à l'oral. Il ne s'agit pas d'étudier des discours de Cicéron, précise-t-elle, mais «de donner des cléset d'acquérir des réflexes». Parmi ces personnes qu'elle forme dans le cadre de la formation continue, beaucoup lui expliquent ne pas réussir à faire connaître leur compétence dans leur milieu professionnel. D'autres, récemment promus chefs d'équipe, «lui disent aussi ne pas être à l'aise à l'oral quand ils doivent faire un discours». Tous affirment avoir été très insuffisamment préparés à l'oral pendant leur scolarité, y compris dans des cursus parfois prestigieux.
C'est ce que constate Juliette Dross, maître de conférences en langue et littérature latines et responsable du concours Fleurs d'éloquence de l'université Paris-Sorbonne créé il y a dix ans. Quelque 150 étudiants ingénieurs de l'UTC de Compiègne, partenaire de la Sorbonne et étudiants en lettres et en histoire de l'art, dissertent sur «Y a-t-il des classes moyennes» ou «La réalité peut-elle être virtuelle?». «Le fait que les étudiants s'inscrivent à notre formation alors qu'ils n'ont aucun bénéfice immédiat à en attendre est significatif. Ils ont conscience qu'ils n'ont pas été formés à la prise de parole», explique-t-elle. La création annoncée d'un grand oral pluridisciplinaire au bac en 2021 pourrait bien changer la donne.

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Journaliste éducation pour le service société du Figaro.
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En Allemagne, des réfugiés déçus et prêts au retour en Syrie (05.01.2018)

Par Nicolas Barotte
Mis à jour le 05/01/2018 à 21h34 | Publié le 05/01/2018 à 19h53
REPORTAGE - Beaucoup se sentent isolés et seule une minorité a réussi à trouver un travail ou une formation.
Correspondant à Berlin
Il attend dans le couloir de l'association Moabit-Hilft. Il ne veut surtout pas donner son nom. Christiane Beckmann, l'un des piliers du lieu, le rassure et le convainc de parler. Il vient de Syrie, il est arrivé il y a deux ans en Allemagne et, bien qu'il ait obtenu son titre de séjour, il pense à repartir à Damas. Alors que le débat sur la politique migratoire continue de diviser les partis politiques et s'est installé au cœur des débats entre la CDU/CSU et le SPD, il est un exemple même des limites de l'intégration.
«J'ai tellement de frustration ici. Je préférerais mourir en Syrie que rester», raconte-t-il en arabe, le visage fatigué par une dépression latente. «Depuis deux ans, il n'y a eu que des mauvais moments», assure-t-il. Impossible de savoir s'il quittera vraiment le pays. Il dit ne pas craindre pour sa vie s'il retourne en Syrie et ne croit pas aux menaces du régime: «Assad dit beaucoup de choses folles.» Mais il opine aussi de la tête quand on évoque le futur de ses enfants comme une raison de rester.
«En Syrie, tout le monde vit avec tout le monde. La famille et les amis passaient à la maison. En Allemagne, il faut s'appeler à l'avance. Pas un voisin ne nous a invités… On ne les connaît pas»
Un réfugié syrien de 38 ans
Dans cette association créée au plus fort de la crise de 2015 dans le quartier de Moabit à Berlin, pour répondre en urgence aux carences de l'administration débordée et aider les réfugiés, les bénévoles croisent de plus en plus de migrants déçus et de Syriens prêts, comme lui, à repartir. «Beaucoup se sentent isolés en Allemagne. J'ai vu des hommes pleurer», raconte Christiane Beckmann. «Lui, il a de la chance d'avoir un logement et sa famille», dit-elle.
Cet homme de 38 ans a commencé à fréquenter Moabit-Hilft pour obtenir des vêtements pour sa famille: son épouse et ses deux enfants, dont un bébé, l'ont accompagné dans la fuite. Avec 1.300 euros d'aides sociales, il a seulement de quoi survivre à Berlin. Mais c'est surtout la froideur des relations sociales qui lui pèsent. «En Syrie, tout le monde vit avec tout le monde. La famille et les amis passaient à la maison. Ici, en Allemagne, il faut s'appeler à l'avance», poursuit-il. «Pas un voisin ne nous a invités… D'ailleurs, on ne les connaît pas.»
En Syrie, «j'étais masseur, spécialisé dans le sport», continue-t-il. Mais il ne peut travailler en Allemagne: «On me dit qu'il faut parler la langue.» Il n'y parvient pas. L'allemand est trop difficile à apprendre à son âge et les cours proposés sont insuffisants pour lui permettre d'atteindre le niveau minimum requis. Il se sent inutile.
Plus d'un million de migrants, dont 700.000 Syriens, sont arrivés entre 2015 et aujourd'hui. Mais seulement 200.000 ont trouvé un emploi ou une formation
Plus de deux ans après la vague migratoire, l'intégration des réfugiés est lente. Plus d'un million de migrants, dont 700.000 Syriens, sont arrivés entre 2015 et aujourd'hui. Mais seulement 200.000 ont trouvé un emploi ou une formation. Le programme fédéral proposant des «jobs à un euro», censé faciliter l'accès à de menus travaux, s'est aussi révélé un échec.
Sur le plan politique et social, la pression de l'extrême droite a modifié le climat: la CSU voudrait réduire les prestations accordées aux réfugiés. La suspension du regroupement familial pour les réfugiés bénéficiant d'une «protection subsidiaire», ce qui est le cas de nombreux Syriens, freine la capacité de beaucoup d'entre eux à construire une vie. L'idée du retour des migrants dans leur pays fait son chemin, voire même celle de pouvoir expulser les Syriens n'obtenant pas l'asile. La CDU ne veut prolonger l'interdiction d'expulsion que jusqu'à l'été 2018. Le SPD s'oppose aux conservateurs sur tous ces points.
Le gouvernement allemand a mis en place des programmes d'aides pour les réfugiés qui souhaiteraient se réinstaller dans leur pays d'origine. En 2016, 54.000 d'entre eux ont bénéficié de ces programmes qui accordent de 300 euros à plus de 1.000 euros. La plupart est originaire des Balkans. Le programme spécifique de l'OIM (Organisation internationale pour les migrations) pour le Kurdistan et le nord de l'Irak a bénéficié à 215 personnes entre le 1er juin 2015 et le 30 juin 2017. La Syrie, zone de guerre, ne fait pas partie de ces programmes. Mais une poignée de Syriens a déjà cherché un soutien financier pour retourner par exemple en Irak: 43 en 2017 contre 26 en 2016, selon des chiffres communiqués par l'Office des migrations. Presque le double.

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Sheldon Adelson, des milliards pour Jérusalem (05.01.2018)
Par Philippe Gélie
Publié le 05/01/2018 à 06h00
PORTRAIT - Magnat de l'immobilier et des casinos à travers le monde, principal financier du parti républicain, ce milliardaire américain de 84 ans a convaincu Donald Trump de transférer l'ambassade des États-Unis dans la Ville sainte. Il est aussi le principal soutien à Israël.
Le roi des casinos a remporté son pari le plus audacieux. Derrière la décision de Donald Trump d'amorcer le transfert de l'ambassade des États-Unis en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem se cache un petit octogénaire combatif et immensément riche, Sheldon Adelson. Fondateur et principal actionnaire de la Sands Corporation, propriétaire d'hôtels-casinos géants de Las Vegas à Macao et Singapour, ce «self-made-man» avait misé une fortune sur l'ancien promoteur new-yorkais durant la campagne de 2016. Il vient d'empocher la mise sur ce qui lui tient le plus à cœur, le soutien à Israël.
Né dans une famille d'immigrés juifs sans le sou
Si l'argent a rapproché le magnat du jeu et le 45e président, ils ne sont pas tout à fait à égalité en la matière. Alors que Trump a hérité de 300 millions de dollars, Adelson est né à Boston dans une famille d'immigrés juifs sans le sou. Son père, arrivé de Lituanie, était chauffeur de taxi ; sa mère, venue d'Angleterre, tenait un atelier de tricot. Les parents et leurs quatre enfants dormaient dans la même chambre, Sheldon souvent sur le sol. Mais le gamin avait le virus des affaires. À 12 ans, il emprunte 200 dollars à un oncle pour acheter une concession de distribution de journaux. À 16 ans, le même oncle lui prête 10.000 dollars pour se lancer dans les machines à bonbons. Trentenaire, il «pèse» déjà 5 millions de dollars et professe: «Le prochain pas doit être plus osé que le précédent.»
Il frise la faillite en 2008-2009
À 84 ans, Sheldon se trouve à la tête de la 18e fortune du monde, 38,4 milliards de dollars, selon la dernière estimation de Forbes. Avec l'orgueil des outsiders, il se flatte d'avoir créé ou participé à la naissance de plus de 50 entreprises «en cassant les codes et en bouleversant le statu quo». Lors de la crise immobilière de 2008-2009, il avait frisé une nouvelle fois la faillite, sa fortune fondant de 93 %, à 3,5 milliards. Mais deux ans plus tard, il s'était refait grâce à ses investissements en Asie. Depuis, plusieurs procès l'opposent à des intermédiaires chinois, qu'il avait promis d'associer à ses casinos, et qui lui réclament plus de 550 millions de dollars. Son groupe a, en outre, payé une amende de 9 millions en 2016, admettant avoir versé des pots-de-vin à des dirigeants étrangers.
Issu d'une famille démocrate, Sheldon Adelson est aujourd'hui farouchement républicain, quoiqu'un peu atypique. L'avortement, le mariage gay, les armes ou l'immigration ne le préoccupent guère. Seuls trois sujets l'intéressent: Israël, la lutte contre la drogue et les impôts. Son combat contre la légalisation du cannabis, dans lequel il a injecté 6,4 millions de dollars en 2016, remonte à la mort de son fils Mitchell d'une overdose. Sa seconde épouse, Miriam, médecin, est aussi à la tête de cliniques luttant contre l'addiction en Israël et aux États-Unis. Quant aux impôts, lorsque Barack Obama avait jugé anormal qu'il ne paie qu'un taux de 9,8 % grâce à ses placements à l'étranger, il avait investi 60 millions de dollars sur les républicains qui tentaient de battre le président sortant en 2012.
Il prône l'annexion pure et simple des Territoires occupés
À propos d'Israël, on fait difficilement plus radical que Sheldon Adelson: contre la solution de deux États, dans laquelle il voit «un tremplin vers la destruction du peuple juif», il prône l'annexion pure et simple des Territoires occupés. Son journal gratuit, Israël Hayom, lancé en 2007, soutient aveuglément Benyamin Nétanyahou. Il a rompu avec l'Aipac, lobby pro-israélien aux États-Unis, à cause de sa défense d'un plan d'aide aux Palestiniens - «un peuple qui n'existe pas». Ayant donné 25 millions de dollars à la campagne de Trump, puis 5 millions à sa cérémonie d'investiture, le premier contributeur républicain - de loin - et le premier à l'avoir adoubé avec le Las Vegas Review Journal, a fait le siège de la Maison-Blanche jusqu'à l'annonce du transfert de l'ambassade.
Après la mort de son père, trop pauvre, puis trop malade pour se rendre dans l'État juif, Sheldon Adelson avait fait le voyage en portant les chaussures paternelles. Désormais, sa ferveur et ses milliards comptent dans la géopolitique du Proche-Orient.
Correspondant à Washington
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Comprendre le malaise socio-économique des Iraniens (06.01.2018)

  • Publié le 06/01/2018 à 08:00

Bien que la croissance du pays soit repartie à la hausse depuis l'accord sur le nucléaire de 2015, les Iraniens qui ont manifesté ces derniers jours ne voient pas leur quotidien s'améliorer.
Malgré le relatif retour au calme en Iran, les raisons qui ont poussé des milliers de personnes à descendre dans la rue ces derniers jours sont toujours présentes. À la différence de la «vague verte» de 2009 née d'une contestation politique, la colère qui s'est emparée le 28 décembre de la rue iranienne est avant tout l'expression d'un malaise socio-économique qui ne date pas d'hier et exacerbé par des espoirs déçus nés de l'accord sur le nucléaire de 2015.
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Pour les Iraniens, cet accord marque la fin de dix ans de gel économique et signe le retour de l'Iran dans le système économique mondial. À l'époque, il soulève beaucoup d'espoirs. «Avec la levée des sanctions économiques, les Iraniens ont cru que leur sort allait s'améliorer. Mais aujourd'hui, huit mois après avoir reconduit Hassan Rohani au pouvoir, ils ont le sentiment que rien ne change» explique au Figaro Thierry Coville, chercheur à l'Iris et spécialiste de l'Iran.
D'après un sondage publié au mois de juin par l'Université du Maryland et l'institut de sondage IranPoll basé à Toronto, et cité par Slate, 64% de la population iranienne juge la situation économique du pays comme mauvaise et 34% très mauvaise. Preuve du pessimisme ambiant, en mai dernier, 77% des personnes interrogées estimaient que leur situation économique s'était détériorée ou n'avait pas évoluée depuis quatre ans. «Malgré l'accord sur le nucléaire qui a permis d'améliorer la situation macroéconomique du pays, une partie de la population, parmi les plus modeste, se sent délaissée» souligne Thierry Coville.
Une croissance en hausse et une inflation en baisse
Pourtant, plusieurs indicateurs sont au vert. Avant la levée des sanctions, la République islamique connaissait une croissance proche de zéro. Aujourd'hui, le Fonds monétaire international (FMI) estime que l'économie iranienne, fortement dépendante du pétrole, devrait croître de 3,5 % en 2017 et que la croissance devrait s'accélérer légèrement en 2018 et 2019 pour atteindre respectivement 3,8 % et 4 % du PIB.
Autre indicateur positif, selon les estimations de la Banque mondiale, le taux d'inflation pour 2016 est passé sous la barre des 10 % sous l'effet du durcissement de la politique monétaire. Un chiffre inédit depuis 25 ans, alors qu'il a frôlé les 40% en 2013. «L'environnement macro-économique s'améliore depuis 2016 du fait de l'accord sur le nucléaire. L'Iran peut exporter maintenant tout son pétrole alors qu'avant elle n'en exportait que 50%, souligne Thierry Coville. Mais parallèlement les tensions sociales sont fortes» ajoute-t-il.
Chômage endémique
En Iran, le chômage est en effet très élevé. Il touche officiellement 12% de la population active selon le FMI. «Mais selon d'autres indicateurs, ce serait plus autour de 16 à 18%» selon Thierry Coville qui précise que «chaque année 800.000 personnes arrivent sur le marché du travail, contre 150.000 en France». Le chômage concerne surtout les jeunes diplômés. Et il y en a beaucoup en Iran. «Chaque année, ce sont 700.000 nouveaux diplômés qui ne trouvent pas de travail» ajoute le spécialiste.
Autre raison du mécontentement qui s'est manifesté dans les rues iraniennes début janvier: le sentiment de corruption. «Les gens ne font confiance aux institutions publiques. Ils ont l'impression qu'elles ne travaillent que pour certains groupes privilégiés, et donc ne sont pas justes, et ne font pas véritablement leur travail» explique Thierry Coville.
Un budget d'austérité
Dans ce contexte, la présentation d'un budget d'austérité mi-décembre par le président iranien Hassan Rohani aux députés, a jeté le feu aux poudres. Parmi les mesures qui ont déclenché la colère d'une partie des Iraniens, l'augmentation des prix des carburants ou encore les réductions des budgets sociaux. «Ceux qui ont été manifester sont les classes les plus pauvres, sans doute les 30% qui ne vont pas voter et qui vivent une situation sociale déjà très difficile, à qui l'on demande en plus de faire un effort. Ils vivent ces décisions comme une injustice» poursuit Thierry Coville.
«L'objectif de Rohani est de limiter l'inflation, de stabiliser l'économie de ce pays qui se libéralise, d'attirer les investisseurs étrangers. Je pense que son programme économique est bon. Mais il a négligé la dimension sociale et le timing est mauvais. Après des années d'efforts, les gens en ont ras le bol et les réformes mettent du temps à se mettre en place» conclut l'expert.

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USA: les géants technologiques au secours de la «neutralité du net» (05.01.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec AFP 

  • Mis à jour le 05/01/2018 à 22:23 

  • Publié le 05/01/2018 à 22:22
L'organisation Internet Association, qui compte parmi ses membres des géants comme Google, Facebook ou Microsoft, va participer aux poursuites contre la fin de la "neutralité du net".
La Commission fédérale des communications (FCC), régulateur américain du secteur, s'est prononcée mi-décembre pour la fin de ce principe qui oblige les fournisseurs d'accès internet (FAI) à traiter tous les contenus en ligne de la même manière.
Sans donner de détail, l'Internet Association a laissé entendre qu'elle interviendrait dans les recours que plusieurs procureurs devraient lancer prochainement, notamment dans les Etats de Washington et de New York.
Michael Beckerman, président de l'organisation dont Amazon est également membre, a estimé que la décision de la FCC "va à l'encontre de la volonté d'une majorité bipartisane d'Américains et ne parvient pas à préserver un internet libre et ouvert".
"Avec les groupes qui sont nos adhérents, (l'association) continuera à faire pression pour rétablir par voie législative des protections fortes et applicables pour la neutralité du net", a-t-il ajouté.
Les partisans de la "neutralité" craignent que les FAI soient tentés de faire payer plus cher pour un débit plus rapide ou bloquent certains services leur faisant concurrence, comme la vidéo à la demande, la téléphonie par internet ou les moteurs de recherche.
Le débat sur le sujet, très vif, dure depuis une dizaine d'années aux Etats-Unis.
La FCC a estimé que le principe de neutralité faisait obstacle aux investissements. Avec cette décision, "nous restaurons la liberté d'internet" et "nous aidons les consommateurs et la concurrence", avait déclaré Ajit Pai, son président.
Aucun recours ne pouvait être déposé jusqu'à ce que la directive de la commission soit publiée, ce qui est le cas depuis cette semaine. Des parlementaires ont par ailleurs engagé des initiatives pour invalider la décision de la FCC.

Le prince héritier saoudien à Paris fin février (05.01.2018)
  • Par  Le Figaro.fr avec Reuters 

  • Mis à jour le 05/01/2018 à 18:37 

  • Publié le 05/01/2018 à 18:24
Le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohamed Ben Salman, se rendra à Paris fin février, début mars pour y rencontrer le président français Emmanuel Macron, a annoncé vendredi le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al Jubeir."Nous pensons à une date fin février, début mars, une date qui n'a pas encore été arrêtée mais qui le sera dans les prochaines semaines", a-t-il déclaré sur CNews.
Le chef de l'Etat français, qui revendique depuis son arrivée au pouvoir de "parler à tout le monde", avait effectué début novembre une visite surprise à Ryad pour rencontrer le prince héritier, Mohamed Ben Salman ("MBS"), en plein regain de tensions entre l'Iran et l'Arabie saoudite.

Londres : six mois après le drame, la colère des rescapés de la tour Grenfell (05.01.2018)
Par marina Daras
Mis à jour le 05/01/2018 à 19h35 | Publié le 05/01/2018 à 19h25
Les survivants de l'incendie de cet immeuble de Londres sont toujours logés à l'hôtel. La catastrophe, l'une des plus meurtrières de l'après-guerre au Royaume-Uni, avait profondément choqué le pays.
Londres
Malgré les promesses du gouvernement, la plupart des familles victimes de l'incendie de la tour Grenfell de Londres n'ont toujours pas retrouvé de logement permanent, plus de six mois après la catastrophe. Le feu était parti d'un réfrigérateur défectueux situé au quatrième étage et s'était rapidement étendu au reste de l'immeuble via un revêtement isolant hautement inflammable, tuant 53 adultes et 18 enfants. La catastrophe de Grenfell est l'une des plus meurtrières qu'ait connues le Royaume-Uni depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et a profondément choqué le pays.
Mais, plus de six mois plus tard, moins d'une cinquantaine de foyers ont été relogés de manière permanente et près de 150 familles vivent toujours dans des logements temporaires ou des hôtels sans savoir quand ils pourront retrouver un rythme de vie normal. Le traumatisme perdure pour ces familles rescapées. «Il leur est impossible de faire leur deuil», raconte Moyra Samuels, l'une des codirigeantes du groupe de soutien aux victimes Justice4Grenfell. «Six mois plus tard, ils sont encore dans des conditions extrêmement précaires. Ils ne peuvent pas cuisiner, ils ne peuvent pas recevoir. Imaginez comment ils ont passé les fêtes de Noël dans ces conditions. Certains partagent encore des lits parce que pour une famille de cinq personnes, le gouvernement ne procure que deux chambres. Beaucoup ont perdu leur travail à cause de cela et il y a eu quelques tentatives de suicide.»
«Les habitants n'ont plus confiance. Ils pensent que s'ils acceptent un logement temporaire qui ne répond pas à leurs besoins, ils seront obligés d'y rester et on les abandonnera là-bas»
Robert Atkinson, élu travailliste au conseil municipal de l'arrondissement de Kensington et Chelsea
Seulement quelques jours après la catastrophe, la première ministre britannique, Theresa May, avait pourtant promis aux rescapés qu'ils seraient relogés convenablement, sous trois semaines, et dans des conditions similaires, c'est-à-dire dans le même quartier ou un quartier voisin, avec la même surface habitable et le même loyer que leur précédent logement. Des promesses qu'il lui était impossible d'honorer, notamment à cause du cruel manque de logements sociaux, mais aussi parce que dans un quartier aussi riche que celui de Kensington et Chelsea, le loyer moyen représente 96 % d'un revenu moyen national.
Mais, pour Robert Atkinson, qui siège au conseil municipal de l'arrondissement de Kensington et Chelsea en tant que membre de l'opposition travailliste, si le relogement est si laborieux, c'est aussi parce que les habitants du quartier ont perdu toute confiance envers les autorités locales. «Ils ont peur. Ils ne font plus confiance au conseil municipal et au gouvernement. Ils pensent que s'ils acceptent un logement temporaire qui ne répond pas à leurs besoins, ils seront obligés d'y rester et on les abandonnera là-bas. Ils sont convaincus que rester dans les hôtels va obliger le gouvernement à leur trouver des logements permanents adéquats plus rapidement.»
«Si j'avais assez d'argent, je déménagerais. Mais on n'a nulle part où aller. Je ne peux pas trouver d'appartement près de l'école de mes enfants qui ne soit pas dix fois trop cher pour moi»
Husnara Begum, habitante d'un logement similaire à ceux de la Tour Grenfell
Le problème autour du relogement des victimes n'est que la partie découverte de l'iceberg et cache en réalité une crise du logement sans précédent qui trouve ses origines dans les années 80. Margaret Thatcher avait à l'époque lancé une politique du logement qui se voulait révolutionnaire. Avec le «Right to Buy», le droit d'acheter, les habitants des logements sociaux pouvaient, après avoir vécu un certain nombre d'années dans un appartement fourni par l'État, acheter ce logement à un prix très réduit.
Mais les années suivantes ont vu la vente de logements publics excéder le nombre de constructions d'immeubles, créant ainsi une pénurie. La demande dépassant l'offre, le prix de l'immobilier et les loyers ont augmenté et les autorités locales ne peuvent plus se permettre d'acheter ou de construire des logements sociaux. Il y a donc de moins en moins de logements disponibles et le gouvernement peine énormément à reloger les rescapés.
Husnara Begum habite à quelques pas de la tour Grenfell, dans un logement similaire où des travaux d'urgence ont eu lieu pour retirer au plus vite le revêtement inflammable qui le recouvrait. Elle accuse les autorités locales de faire une politique à deux vitesses, privilégiant les plus riches et poussant les plus pauvres hors de la capitale. «Si j'avais assez d'argent, je déménagerais directement, sans me poser de question, affirme Husnara. Je suis bien trop inquiète pour la sécurité de mes enfants. Mais on n'a nulle part où aller. Je ne peux pas trouver d'appartement près de l'école de mes enfants qui ne soit pas dix fois trop cher pour moi. Je suis donc obligée de rester dans un immeuble où je ne me sens pas en sécurité. C'est une honte.»

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Natacha Polony : «Démocratie sous (bienveillant) contrôle» (05.01.2018)
Par Natacha Polony
Mis à jour le 05/01/2018 à 18h30 | Publié le 05/01/2018 à 17h45
CHRONIQUE - Dans son offensive contre les «fake news», Emmanuel Macron entretient une dangereuse confusion entre «faits» et «vérité». Au risque d'étouffer le débat et d'éteindre l'esprit critique, piétinant les fondements de la démocratie.
La nouvelle année s'ouvre sur une diligence toute particulière du chef de l'État vis-à-vis de ces quelques lignes imprimées sur le papier, et de toutes celles qui les entourent. Vis-à-vis des idées qu'elles portent, des informations qu'elles diffusent et même de la vérité dont elles tenteraient de rendre compte. 2018 s'ouvre par les vœux d'Emmanuel Macron à la presse et le moins qu'on puisse dire est qu'il y a lieu de méditer ce discours présidentiel, tant il révèle une conception bien particulière de la liberté de pensée qui constitue le cœur de la société démocratique.
On ne peut que se féliciter de voir le chef de l'État se pencher sur la question cruciale de la responsabilité des diffuseurs dans la propagation de contenus mensongers. On sait Facebook plus prompt à censurer un nu féminin qu'à s'émouvoir d'injures et de menaces de mort ou de contrevérités évidentes. L'idée d'imposer une responsabilité à ces multinationales, fût-ce uniquement en période électorale, a tout pour convaincre de la noblesse du combat mené.
Pour autant, le long discours d'Emmanuel Macron ne se réduit pas à cette annonce. Et celle-ci même n'a pas tant pour cible les Gafam que les «services secrets étrangers» qui en auraient usé. Bref, il s'agit de convaincre les Français que le seul danger qui guette la démocratie serait la volonté russe de manipuler les élections. Et cette volonté perverse passerait autant par les réseaux sociaux que par une chaîne de télévision, Russia Today , contre laquelle tant de médias bienveillants nous ont déjà mis en garde. Le citoyen avisé s'étonnera pourtant: nombre de médias étrangers diffusent en France sans que l'on s'en émeuve. Et tous n'émanent pas de belles démocraties libérales. Mais la Russie, nous dit notre président, a cherché à influencer les élections, américaines et européennes (certains ont même vu la main de la Russie sur la Catalogne ; bientôt sur la Corse, et même sur les comices agricoles…). Emmanuel Macron reprend sans le moindre recul l'obsession russe qui permet à l'establishment américain de ne surtout pas se demander pourquoi des citoyens de l'Amérique désindustrialisée ont pu voter pour Donald Trump, malgré ses turpitudes. Et curieusement, notre président si soucieux de démocratie ne paraît pas troublé par les tricheries démontrées du Parti démocrate pour éliminer Bernie Sanders au profit de Hillary Clinton. Toutes les manipulations ne se valent pas.
Quand le président et d'autres affirment que le protectionnisme, c'est la guerre, est-ce un fait ? Une vérité ? Ou un dogme ?
Mais ce qui frappe surtout, quand on analyse le discours d'Emmanuel Macron, qui se targue pourtant de maîtriser les concepts et de les agencer en une pensée complexe, est cette confusion qu'il entretient entre faits et vérité, qui justifierait un contrôle des médias dits «alternatifs». Il existe sur le Net le pire et le meilleur. Comme dans les médias traditionnels. À qui appartient-il de distinguer? Tel est bien le cœur de l'équilibre démocratique, que de considérer que des citoyens éduqués, émancipés par des savoirs universels, sont capables d'exercer leur esprit critique.
Un président qui fustige la «tentation des démocraties illibérales» devrait sans doute garder à l'esprit le fondement même du libéralisme politique. Mais plus encore, il semble profondément dangereux de réduire la «vérité» aux «faits» et les «faits» à ce qu'en jugerait un «CSA repensé» ou quelque autre instance (ce «conseil de l'ordre des journalistes» voulu par un Jean-Luc Mélenchon oubliant que les conseils de l'ordre furent créés sous Vichy pour «purifier» les corporations et qu'en matière de journalisme, ils peuvent facilement virer au tribunal idéologique). S'il est des faits objectivement mensongers, comme la présence d'armes de destruction massive en Irak (mais qui s'en est ému, quand la majorité des médias, même en France, approuvait l'intervention?), d'autres sont sujets à débat. Quand le président et d'autres affirment que le protectionnisme, c'est la guerre, est-ce un fait? Une vérité? Ou un dogme? La campagne référendaire du traité de Maastricht avait vu fleurir ce genre d'affirmation: la monnaie unique, c'est la prospérité, la fin du chômage. Vraiment? Et pendant tant d'années, on accusait ceux qui s'alarmaient de voir baisser le niveau scolaire de répandre des mensonges (les «fake news» n'existaient pas encore) puisque le ministère contrôlait les chiffres.
Le fondement de la démocratie est de pouvoir débattre des faits et de leur interprétation, de défendre, non pas une supposée vérité, mais le bien commun défini par l'ensemble des citoyens. Et le rôle des médias est d'apporter par le pluralisme des arguments contradictoires. La tentation complotiste, ou la simple recherche de paroles alternatives, naissent de l'étouffement du débat et de l'interdit qui pèse sur certains sujets (qui aurait osé, dans les années 1990, prétendre que l'immigration n'était pas forcément «une chance» mais un fait sur lequel le peuple avait son mot à dire? Qui aurait osé s'interroger sur le rôle du libre-échange dans la désindustrialisation des pays occidentaux?). Le contrôle qu'entend instaurer le président, pour le bien du peuple égaré, fera renaître de façon plus violente le rejet d'un système économique exsangue, imposé à toute force depuis tant d'années à coup de doctes théories médiatiquement autorisées.
Journaliste
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Douvdevan, ces soldats israéliens infiltrés chez les Palestiniens (05.01.2018)

Par Cyrille Louis
Mis à jour le 06/01/2018 à 13h14 | Publié le 05/01/2018 à 18h58
La série télévisée israélienne à succès Fauda met en scène les Douvdevan, les soldats d'une unité d'élite agissant « undercover » en Cisjordanie. L'unité fut créée en 1986, à la veille de la première intifada, pour infiltrer les villages palestiniens et y mener des opérations spéciales en laissant une empreinte aussi réduite que possible.
Envoyé spécial à Kafr Kassem
Une chaleur de plomb étouffe Kafr Kassem. Devant la vieille mosquée du village, techniciens et maquilleuses s'activent tandis que les comédiens guettent désespérément un souffle d'air. La localité arabe, située à une quinzaine de kilomètres de Tel-Aviv, est ce jour-là le décor d'une scène censée se dérouler à Ramallah. Mais la fraîcheur dont jouissent, en ce début d'automne, les collines de Cisjordanie se fait encore attendre. On se demande comment les acteurs font pour supporter leur keffieh ou leur niqab. Eux rigolent en passant de l'hébreu à l'arabe, sans y penser. Un assistant du réalisateur, terrifié à l'idée que les péripéties de la prochaine saison soient éventées avant l'heure, grommelle contre les journalistes qui rôdent autour du tournage. «Action!» Les héros de la série Fauda, combattants d'une unité d'élite de l'armée israélienne, se sont grimés en Palestiniens pour se fondre dans la petite foule au sortir de la prière. Sans doute prévoient-ils d'interpeller un suspect, mais la situation, soudain, leur échappe. Un jeune homme, le visage masqué par un keffieh, se jette sur eux armé d'un couteau. Démasqués, les militaires sortent leurs armes, abattent l'assaillant. Une voiture déboule sur la place pour leur prêter secours, mais elle est à son tour assaillie par une nuée de Palestiniens…
L'une des originalités de «Fauda» réside peut-être dans le fait que, sans jamais banaliser le terrorisme, nous montrons les Palestiniens comme des êtres humains avec une famille, des sentiments
Avi Issacharoff, coscénariste de la série «Fauda»
La deuxième saison de Fauda, dont la diffusion a commencé la semaine dernière sur la chaîne satellitaire israélienne Yes, est l'événement télévisuel de ce début d'année. La fiction met en scène, sans jamais en citer le nom, des combattants de l'unité d'élite Douvdevan. Celle-ci fut créée en 1986, à la veille de la première intifada, pour infiltrer les villes et les villages de Cisjordanie et y mener des opérations spéciales en laissant une empreinte aussi réduite que possible. Fauda, qui signifie «chaos» en arabe, est aussi le terme employé au sein de l'unité pour sonner l'alarme en cas de coup dur - quand, par exemple, l'un des soldats «undercover» («infiltrés») est confondu par des Palestiniens. La première saison, diffusée il y a deux ans, a rencontré un si large succès que l'opérateur Netflix en a aussitôt racheté les droits. Elle collectionne depuis lors les récompenses et vient d'être primée meilleure série de l'année par le New York Times. À dire vrai, ce n'est pas la première fois que la petite industrie télévisuelle israélienne accouche d'une belle réussite. La série Hatufim, diffusée en 2010 par la deuxième chaîne, inspira le succès planétaire de Homeland. Mais l'engouement du public israélien, habituellement rétif aux programmes centrés sur un conflit dont beaucoup ne veulent plus entendre parler, a surpris jusqu'aux auteurs de Fauda. Et ce d'autant plus que la plupart des dialogues sont en arabe, sous-titrés en hébreu.
La série est née d'une rencontre, ou plutôt de retrouvailles, entre deux hommes qui écumèrent, adolescents, les bars de Jérusalem, se perdirent de vue puis renouèrent après avoir passé trois ans de service militaire au sein des mêmes unités «undercover». Silhouette massive, Lior Raz a la boule à zéro, le visage mangé par une barbe grisonnante et un regard transperçant perpétuellement sur le qui-vive. Avi Issacharoff, visage hâlé et anneau à l'oreille, offre un physique plus anguleux. Mais il a aussi le contact plus rond. Tous deux ont grandi dans des familles juives orientales - les parents de l'un vécurent en Irak et en Algérie, ceux de l'autre au Kurdistan irakien et en Ouzbékistan. Ils ont entendu parler arabe à la maison et se sont perfectionnés par la suite. Visiblement cabossé après trois années de service, Raz a voyagé puis enchaîné les petits boulots avant d'envisager une carrière d'acteur et de prendre des cours d'art dramatique. Plus «sage», Issacharoff est devenu journaliste et a tiré profit de sa maîtrise de l'arabe pour devenir l'un des plus fins observateurs du conflit israélo-palestinien, d'abord au quotidien Haaretzpuis pour les sites Times of Israel et Walla. Jusqu'au jour où les deux compères eurent l'idée d'exorciser les souvenirs et les traumatismes de leurs années passées sous l'uniforme en écrivant Fauda.
«Nous ne faisons pas un documentaire»
«La série parle avant tout du coût psychologique que paient forcément, tôt ou tard, les gens qui vivent dans une zone de guerre - quel que soit le camp auquel ils se rattachent», résume Lior Raz, qui sait de quoi il parle. Sa petite amie de l'époque, Iris Azulai, fut poignardée à mort par un Palestinien de Bethléem un jour d'octobre 1990 alors qu'elle marchait dans une rue de Jérusalem. Ce drame a inspiré un épisode de Fauda, au cours duquel la fiancée d'un soldat «undercover» meurt lors d'un attentat suicide dans une boîte de nuit de Tel-Aviv. L'auteur de l'attaque, découvre-t-on bientôt, n'est autre que la jeune veuve d'un Palestinien proche du Hamas tué le soir de son mariage lorsqu'une opération de l'unité d'élite a mal tourné. «L'une des originalités de Fauda réside peut-être dans le fait que, sans jamais banaliser le terrorisme, nous montrons les Palestiniens comme des êtres humains avec une famille, des sentiments - et non pas comme des monstres», explique Avi Issacharoff. La première saison met en scène un vétéran de l'unité, Doron Kabilyo, qui reprend du service pour traquer Abou Ahmad alias «la panthère», un chef de la branche armée du Hamas qu'il pensait avoir tué des années plus tôt. Son chemin croise alors celui d'une jeune médecin palestinienne, Shirin al-Abed, qui est interprétée par l'actrice franco-libanaise Laëtitia Eïdo, dont il tombe amoureux. «Nous ne cherchons pas à résoudre le conflit mais à montrer au public israélien ce qui se passe de l'autre côté du mur, alors qu'il a depuis bien longtemps choisi de détourner le regard», précise Avi Issacharoff.
«Nous ne cherchons pas à résoudre le conflit mais à montrer au public israélien ce qui se passe de l'autre côté du mur, alors qu'il a depuis bien longtemps choisi de détourner le regard»
Avi Issacharoff, coscénariste de la série «Fauda»
Fauda, quel que soit son succès en Israël mais aussi dans le monde arabe, a bien sûr ses détracteurs. Côté palestinien, ils regrettent que la série ne s'attarde guère à décrire le quotidien de l'occupation militaire imposée depuis un demi-siècle à la Cisjordanie. La première saison ne montre à peu près rien des files d'attente aux checkpoints, des incursions de routine menées en pleine nuit au beau milieu des villages palestiniens, des démolitions punitives ordonnées en riposte à des attaques terroristes ni des brimades et des humiliations au jour le jour. Elle ne dit pas un mot des frustrations ni du désespoir sur lesquels prospérèrent les groupes armés, et qui nourrissent les passages à l'acte individuels à coup de couteau ou de voitures-béliers. «Ce n'était pas le propos, nous ne faisons pas un documentaire», balaie Lior Raz, qui s'abstient d'ailleurs d'employer le mot «occupation». Comme tout le lexique adopté pour décrire le conflit israélo-palestinien, celui-ci s'est au fil des ans chargé d'un poids politique écrasant. La gauche et les Palestiniens l'emploient à tout bout de champ pour décrire le quotidien des Palestiniens, y compris dans la bande de Gaza, dont l'État hébreu s'est retiré en 2005 mais qu'il continue de soumettre à un blocus hermétique. La droite le boycotte au contraire, jugeant qu'Israël ne saurait «occuper» un territoire qui lui appartient, à ses yeux, en vertu de la Bible. «Notre job, élude prudemment le scénariste-acteur, c'est de décrire une réalité, celle dans laquelle on vit, avec deux populations différentes qui cohabitent sur la même terre et qui sont régulièrement aspirées par des cycles de violence.»
À petites touches, cependant, et en donnant l'impression de ne pas y toucher, la série explore et révèle les dégradés d'un conflit qui dévore de l'intérieur chacune des deux sociétés. L'interrogatoire, par un agent du Shin Bet, d'un sympathisant du Hamas qui finira par livrer Abou Ahmad dans l'espoir que sa fille gravement malade soit soignée dans un hôpital israélien, témoigne de l'emprise exercée par l'État hébreu sur les Palestiniens. D'autres scènes racontent la méfiance généralisée dans une société où nul ne peut être sûr que son cousin, son voisin ou son meilleur ami ne collaborent pas avec l'ennemi. La société palestinienne n'est pas épargnée et Fauda croque avec justesse la pression sociale imposée à tous au nom du devoir de «résistance». Quelques heures seulement après la mort du jeune frère d'Abou Ahmad, sa veuve éplorée est ainsi réprimandée par un cheikh du Hamas qui la somme de conserver sa dignité face au «martyr». L'extrême violence employée, de part et d'autre, est également dépeinte sans fioriture. Mais par-delà tout ce qui oppose Israéliens et Palestiniens, c'est peut-être une certaine fascination mutuelle ainsi que les liens indissolubles dans lesquels sont pris les deux peuples qui sont restitués avec le plus de justesse.
«Pour être un bon “Mousta'arib”, il faut avant tout aimer la langue et la culture arabe», sourit Lior Raz, utilisant le terme par lequel les Palestiniens désignent les soldats de Douvdevan. Au début de la première saison, une scène exprime de façon troublante ce lien invisible. Doron Kabilyo, sur le point de réintégrer son unité le temps d'une opération, ressort d'un placard le vieux keffieh noir et blanc qui lui servait jadis à se couler dans son rôle. Lentement, il l'enroule autour de son visage jusqu'à ne plus apercevoir que son regard, puis il respire un grand coup - comme s'il venait de humer les odeurs de son enfance. «Après la diffusion de la première saison, glisse l'acteur, on m'a dit que le nombre de jeunes Israéliens qui veulent apprendre l'arabe avait brusquement explosé.»
* La première saison de la série sort en France le 10 janvier en DVD.

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