L'Éthiopie
annonce la fermeture de la sinistre prison de Maekelawi (05.01.2018)
Mohsen Sazegara:
«En Iran, la révolution ne va pas s'arrêter» (05.01.2018)
Khalifa Haftar,
un maréchal face au chaos libyen (05.01.2018)
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L'Éthiopie annonce la fermeture de la sinistre prison de
Maekelawi (05.01.2018)
Le gouvernement éthiopien prévoit
aussi la libération de prisonniers, parmi lesquels figureront des opposants
politiques au pouvoir.
Le premier ministre éthiopien,
Hailemariam Desalegn, a annoncé la fermeture de la prison de Maekelawi,
notoirement connue pour les actes de torture qu'elle abrite. Le centre de
détention devrait laisser place à un musée. Il a ajouté que nombre de
prisonniers politiques seraient prochainement libérés.
La fermeture est symbolique, tant
Maekelawi évoque la dérive violente de l'État, que dénoncent régulièrement les
ONG. Fisseha Tekle, chercheuse au sein d'Amnesty International évoque «une
chambre de torture, dont se servaient les autorités éthiopiennes pour
interroger brutalement tous ceux osant porter des opinions dissidentes, y
compris les manifestants pacifiques, les journalistes et les figures de
l'opposition.»
Les défenseurs des droits de
l'homme ont accueilli ces déclarations avec prudence. Ils demandent la fin de
la répression visant les voix dissidentes, ainsi qu'un accès aux médias
étrangers et à Internet, dont l'accès a été largement restreint depuis le mois
de décembre.
«Consensus national»
Suite à une erreur
d'interprétation ayant conduit à annoncer une amnistie de l'ensemble des
prisonniers, selon le cabinet du premier ministre, il a été précisé qu'une
partie seulement des détenus seraient graciés. Aucune précision n'a encore été
donnée sur l'identité et le nombre des dissidents concernés. C'est aussi la
première fois que le gouvernement reconnaît l'existence de prisonniers
politiques.
Le chef du gouvernement a ajouté
que ceux-ci seraient invités à participer à la coalition qui dirige le pays
depuis 1991, ce afin d'«établir un consensus national» et d' «élargir l'espace
démocratique». Hailemariam Desalegn dit vouloir «encourager la réconciliation
nationale». Le pays de plus de 100 millions d'habitants, connaît en effet,
depuis deux ans une grande agitation populaire. Le pouvoir a «réalisé que le
paysage politique ne cessait de changer, et qu'il devait accéder aux demandes
du peuple s'il voulait se maintenir», souligne Awol Allo, analyste politique à
l'Université de Keele en Grande-Bretagne, dans le Finantial Times.
» LIRE AUSSI - L'Éthiopie
rongée par les violences interethniques
Instabilité depuis 2015
Les manifestations, qui secouent
le pays depuis 2015, ont commencé après que le gouvernement a annoncé vouloir
étendre le périmètre d'Addis-Abeba sur plus d'un million d'hectares.
L'expansion urbaine aurait entraîné l'expulsion des agriculteurs dont les
terres entourent la capitale. La
population oromo, majoritairement rurale, a dès lors accusé le gouvernement de
vouloir l'exproprier de ses terres. Marginalisées face aux tigréens,
qui ont accaparé le pouvoir depuis 1991 au sein du Front démocratique
révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRD), les deux ethnies majoritaires du
pays, les oromo - qui comptent pour plus de 30% de la population du pays - et
les amhara, se sont unies dans la contestation du gouvernement.
Les étudiants ont embrayé avec
des manifestations qui se sont rapidement étendues dans la région d'Amhara.
Celles-ci ont été sévèrement réprimées: près de 940 personnes y auraient trouvé
la mort, selon la Commission éthiopienne des droits de l'Homme. La contestation
a continué de gronder malgré l'abandon du plan, conduisant
le gouvernement à décréter l'état d'urgence. Il a conduit à
l'arrestation de plus de vingt-mille personnes: contestataires, journalistes,
bloggeurs, ainsi que près de mille responsables politiques, parmi lesquels des
figures importantes de l'opposition, sont emprisonnés.
Journaliste
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Mohsen Sazegara: «En Iran, la révolution ne va pas s'arrêter»
(05.01.2018)
INTERVIEW - L'ancien conseiller
de Khomeini, passé à l'opposition, estime que la contestation actuelle, partie
des classes populaires, est plus profonde qu'en 2009.
Après avoir été proche de
l'ayatollah Khomeini et avoir été l'un des fondateurs du corps des gardiens de
la révolution, Mohsen
Sazegara, 62 ans, a basculé dans l'opposition démocratique au régime
des mollahs. Il vit aujourd'hui en exil aux États-Unis. Selon lui, les forces
armées pourraient rallier le peuple si la
répression frappe aujourd'hui trop fort en Iran.
Sur place, d'importantes forces de sécurité ont été déployées, ramenant un
calme apparent depuis le milieu de la semaine.
LE FIGARO. - Quel est le sens
de la révolte qui s'est allumée à travers toutes les provinces d'Iran?
Mohsen SAZEGARA. - Nous
nous attendions à une implosion de ce genre en Iran, mais pas aussi vite, pas
avant deux ans. Nous avons essayé d'être prêts en termes de programme et pour
aider à structurer le mouvement, mais tout s'est allumé en deux jours. Je ne
suis pas surpris car le système économique de ce régime est en train de
s'effondrer. Mais pourquoi la mèche s'est-elle allumée si vite, personne ne le
sait vraiment. Tout a commencé par une manifestation à Mashhad organisée devant
la mairie par une organisation locale qui voulait protester contre les prix
trop élevés. Je connais les gens qui ont lancé cette invitation, ils
attendaient quelques centaines de personnes et des milliers sont venus! Ils se
sont mis à crier «Mort au dictateur», et 24 heures plus tard, les
manifestations s'étendaient à tout l'Iran, toutes les villes se sont mises en
grève, partout! Ce mouvement est le mouvement des petites villes et des
campagnes, c'est une première. Le régime essaie de garder Téhéran sous contrôle
pour montrer que tout va bien. Les gardes révolutionnaires et les milices
bassidjis représentent une force de 450.000 hommes qui peuvent être déployés sur
le terrain. Mais ils en ont concentré 200.000 dans les grands centres urbains.
Le problème est qu'ils ne peuvent contrôler le reste. Je suis iranien mais je
vois poindre des manifestations dans des villes dont je ne connaissais pas le
nom et que je suis incapable de placer sur la carte! Les gens sont en colère!
« Les gens ont faim, ils sont
pauvres. Ils sont également furieux de la corruption des dirigeants du pays,
des gardiens de la révolution qui contrôlent à eux seuls 50 % du PNB du pays. »
Mohsen Sazegara
Sont-ils en colère pour
des seules raisons économiques ou également politiques?
Les gens ont faim, ils sont
pauvres. Ils sont également furieux de la corruption des dirigeants du pays,
des gardiens de la révolution qui contrôlent à eux seuls 50 % du PNB du
pays et possèdent des milliers d'entreprises et de banques. Ils montrent une
vraie haine de ce régime. Le Mouvement vert de 2009 était constitué des classes
moyennes supérieures, qui voulaient le droit au vote. Mais cette fois-ci, ce
sont les pauvres, les chômeurs, les classes moyennes et populaires qui se
rebellent. Dans son Manifeste, Marx parlait
du prolétariat qui n'avait plus rien à perdre sauf ses chaînes. En Iran, les
pauvres n'ont même plus de chaînes à voler. Pour cette raison, ce mouvement
s'appelle la Révolution nationale iranienne et crie: «l'Iran d'abord!» Les
protestataires disent non à Gaza, non à l'engagement en Syrie, au Yémen et au
Liban. La politique étrangère de ce mouvement est très claire: on ne veut plus
dépenser pour les autres pays. Rendez-nous l'argent. Je dirais que d'une
certaine manière, cela ressemble à la Révolution française. C'est pour cela
qu'ils brûlent les portraits du Guide et disent qu'il mérite la mort. La
troisième demande clé de la révolte, c'est un référendum sur le maintien de
la République
islamique. Il y a trente-huit ans, Khomeini avait organisé un
référendum semblable et les gens avaient voté oui! Mais maintenant, ils ont vu
ce qu'il en était. Je pense que si ce référendum avait lieu, 94 % des gens
diraient non à la République islamique.
C'est donc aussi pour vous un
rejet de la théocratie?
Exactement. Les gens veulent une
démocratie sécularisée. Comment ils y arriveront? À travers la désobéissance
civile et en essayant de faire passer l'armée de leur côté. Tout le monde sait
que les forces armées détestent ce régime et les gardiens de la révolution. Or
l'armée est trois fois plus grande que ces derniers. Tôt ou tard, les forces
armées rejoindront le peuple. Déjà aujourd'hui, nous savons que beaucoup de
militaires vont aux manifestations, en civil. Certaines de mes sources m'ont
dit avant-hier que, dans beaucoup de garnisons, les gardiens de la révolution
contrôlent les dépôts d'armes parce qu'ils ne font pas confiance aux militaires
et pensent qu'ils pourraient distribuer des armes.
Cette grogne militaire
concerne-t-elle aussi les généraux?
Je ne sais pas car les échelons
supérieurs sont souvent liés aux gardiens de la révolution, mais le corps
militaire au niveau des colonels ou des capitaines est avec le peuple. Leurs
salaires sont bas, ils sont pauvres, ils ne sont pas corrompus, ils
n'interviennent pas en politique et croient au nationalisme, pas à l'idéologie
religieuse. Les gens leur font confiance car ils n'ont pas fait de mal au
peuple contrairement aux gardiens de la révolution et aux milices bassidjis.
C'est donc un gros casse-tête pour le régime qui doit faire face au peuple tout
en surveillant l'armée. Même chose avec la police, qui, dans de nombreux cas,
laisse les gens faire ce qu'ils veulent dans les petites villes, comme le
montrent de nombreuses vidéos. Je pense que le pouvoir va essayer de contrôler
tout ça, en diminuant l'accès à Internet notamment. Il va dire que tout est
normal, mais pour moi, cette Révolution ne va pas s'arrêter.
«Le président Trump est assez
imprévisible mais pour l'instant, il réagit très bien. (…) En 2009, par
comparaison, Obama n'a rien fait pour le peuple iranien qui scandait son nom»
Mohsen Sazegara
Le régime peut faire comme en
2009: réprimer…
C'est vrai mais, en 2009, la
révolution ne s'est pas étendue au-delà des classes supérieures des grandes
villes. De plus, les leaders, Mousavi et Kharoubi, voulaient réformer le
régime, pas le changer. Aujourd'hui, c'est très différent. L'expansion du
mouvement est fantastique. De plus, les classes populaires ont fait surface:
tous ces millions de chômeurs éduqués qui n'ont pas de travail notamment.
Que pensez-vous de la réponse
de Donald Trump à cette situation?
Le président est assez
imprévisible mais pour l'instant, il réagit très bien. Les généraux qui sont
autour de lui, comme Mattis, se sont battus en Irak, ils connaissent la réalité
de l'Iran. En 2009, par comparaison, Obama n'a rien fait pour le peuple iranien
qui scandait son nom. Nous sommes allés trouver ses conseillers pour leur
demander de soutenir le Mouvement vert, mais il s'est tu! Et nous avons réalisé
ensuite qu'il envoyait des lettres au leader de l'Iran, pour essayer d'avoir un
accord stratégique avec lui! Je suis très sévère pour Obama.
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Khalifa Haftar, un maréchal face au chaos libyen (05.01.2018)
PORTRAIT - Personne
ne misait sur lui. Surtout pas la communauté internationale. Mais grâce à ses
succès militaires face à Daech, le maître de l'Est libyen, 74 ans, a
retourné la situation à son avantage et se présente maintenant comme l'homme du
recours.
C'était naguère le cœur battant
de Benghazi, deuxième ville de Libye. De Souk al-Hout (le marché aux poissons),
il ne reste plus que décombres et gravats, immeubles défoncés et façades
éventrées. La désolation. Tandis que les MiG de l'ANL (Armée nationale
libyenne) survolent l'agglomération à basse altitude, le capitaine qui nous
sert de guide dans cet amas de ruines prévient: «Surtout, ne rien toucher.
Avant de partir, Daech a tout miné, tout piégé.» Les habitants ne sont pas
autorisés à revenir, pour l'instant. Car une trentaine de djihadistes tiennent
encore un pâté de maisons et quelques ruelles dans le quartier tout proche
d'Akribich. Assiégés, privés d'électricité, sans eau ni vivres, ils n'ont plus
qu'une alternative: se rendre ou mourir. Avec une nette préférence pour la
dernière option, ticket d'entrée au paradis et à ses 69 vierges. «Ils n'ont
aucune chance, indique notre officier. Nous avons eu trop de pertes pour
sacrifier de nouvelles troupes. Ils vont finir par pourrir et tomber comme des
fruits mûrs.»
Voici ce qui subsiste du cœur de
Benghazi: Souk al-Hout (le marché aux poissons). Daech en avait fait son fief.
Haftar s'en est emparé, mais le quartier n'est plus qu'un champ de
ruines. - Crédits photo : Noel Quidu
A quoi ressemble une ville
(presque) libérée des islamistes, après trois ans de charia et de combats? A
une décharge publique, congestionnée par les embouteillages et asphyxiée par la
pollution, où le sachet plastique est le principal élément de décoration
urbaine, avec le béton et les ordures. Néanmoins, les magasins, fermés par les
barbus pendant leur règne, commencent à rouvrir, petit à petit. Au coucher du
soleil, on s'y rend en famille. Pour musarder plus que pour acheter: le salaire
moyen ne dépasse pas les 50 euros mensuels et l'inflation est galopante.
C'est le seul moment de la journée où l'on peut croiser des silhouettes féminines,
protégées des regards impies par plusieurs couches de foulards et autres
textiles. Car si Fellini a inventé La Cité des femmes, Benghazi a engendré la
cité des hommes. Non seulement le sexe faible y est quasiment invisible, mais
il est interdit de le photographier! Les soldats qui nous escortent sont
formels à ce sujet. On a beau combattre l'islamisme, on n'en demeure pas moins
musulman…
Un guerrier
L'artisan de ce (timide)
renouveau n'est autre que Khalifa Haftar, commandant de l'ANL et maréchal
depuis septembre 2016. Un cheval sur lequel personne n'aurait misé un
dinar. Qualifié de général de pacotille ou de militaire d'opérette par ses
détracteurs, il a fait mentir tous les Cassandre en réussissant un pari
osé: bouter
Daech hors de Benghazi cet été et faire main basse sur le
croissant pétrolier à l'automne. Il surveille désormais les quatre terminaux du
littoral (al-Sedra, Ras Lanouf, Zueitina, Brega), par lesquels transitent
75 % des exportations d'hydrocarbures. Le nerf de la guerre. En effet,
avec 48 milliards de barils, la Libye possède la neuvième réserve mondiale
de pétrole, et la première du continent africain. A la tête d'une armée de
75 000 hommes, Haftar n'est plus seulement le roitelet de la Cyrénaïque
(1), mais contrôle plus ou moins 80 % du territoire libyen, avançant ses
pions jusqu'aux portes de Tripoli. C'est là que réside son principal
concurrent, Fayez el-Sarraj, le président du GNA (Gouvernement d'union
nationale), qui n'existe plus que par le soutien de milices cryptomafieuses et
l'onction des Nations unies. Pour combien de temps?
8 décembre 2017, défilé des
cadets de l'ANL à l'Académie militaire de Tokra, dans les environs de Benghazi.
L'armée d'Haftar compte aujourd'hui 75.000 hommes. - Crédits photo : Noel
Quidu
La Libye n'a jamais été aussi
divisée
Car le maréchal ronge son frein.
Le 17 décembre, dans une allocution télévisée, il a déclaré que les
accords de Skhirat (Maroc), signés en 2015, n'étaient plus que «de l'encre sur
du papier». Ce qui n'est pas faux: ce texte, qui prévoyait un règlement
politique à la crise libyenne et la réconciliation des factions rivales, a
légalement expiré, sans avoir atteint ses objectifs. La Libye n'a jamais été
aussi divisée, aussi fragmentée. D'un côté, le GNA de Sarraj, à Tripoli,
reconnu par la communauté internationale ; de l'autre le parlement de
Tobrouk, à l'est, également reconnu par la communauté internationale, mais qui
refuse de voter la confiance à Sarraj! Exécutif contre législatif. Sans parler
des tribus et des ethnies (Touaregs et Toubous) qui jouent leur partition aux
confins sableux du pays. Au milieu de ce chaos, Haftar, qui a l'avantage d'être
adoubé par le parlement de Tobrouk, cherche ses marques. Va-t-il se contenter
d'arbitrer ce match aux prolongations interminables? Ou bien va-t-il s'imposer
comme l'homme du recours, quitte à lancer son armée à l'assaut de Tripoli? Une
hypothèse que les chancelleries occidentales souhaitent éviter. Ce n'est pas un
hasard si Emmanuel Macron a réuni Sarraj et Haftar au château de La
Celle-Saint-Cloud, le 25 juillet. Pour le chef de l'Etat, il s'agissait de
renouer le dialogue et de plaider en faveur d'une solution pacifique.
Des membres de l'armée nationale
libyenne ouvrent le feu au cours de combats dans le centre de Benghazi, le 9
novembre 2017. - Crédits photo : ABDULLAH DOMA/AFP
Mais Khalifa Haftar est un
guerrier. Jusqu'au bout des ongles. Longtemps coutumier des défaites, il tient
peut-être enfin sa victoire et donc sa revanche… Né en 1943, il intègre
l'Académie militaire royale de Benghazi à l'âge de 20 ans. Il se lie avec
un dénommé Mouammar Kadhafi et fomente avec lui le coup d'Etat qui renverse le
roi Idris Ier, le 1er septembre 1969. En 1973, il s'illustre pendant la
guerre du Kippour, ce qui lui vaut de recevoir la médaille du Sinaï pour avoir
franchi la ligne Bar-Lev à la tête de ses blindés. En 1978, le «Guide de la
Révolution» l'envoie compléter sa formation en URSS, à l'Ecole militaire
Frounze de Moscou. En 1986, le colonel Haftar commande le corps expéditionnaire
qui s'en va guerroyer au Tchad contre Hissène Habré. Un fiasco. Fait prisonnier
avec 350 camarades et lâché par Kadhafi, il bascule dans l'opposition. Avec
l'appui de la CIA, il rejoint et anime le FSNL (Front de salut national de la
Libye), basé au Tchad. Déclaré indésirable par le pouvoir tchadien en 1990,
Haftar et les membres du FSNL sont exfiltrés vers les Etats-Unis. On l'installe
dans une villa cossue de Virginie, sise à 10 kilomètres de Langley, le
siège de la CIA! Son nom revient ensuite dans deux tentatives (avortées) de
putsch anti-Kadhafi, en 1993 et 1996.
Secret et taiseux
En 2011, après vingt ans
d'exil et la chute de Mouammar Kadhafi,le voici de retour. Propulsé général, il
participe à la rébellion contre le régime honni. Suspecté d'être l'«homme des
Américains», il doit se faire oublier quelque temps. Avant de procéder à un
ultime come-back le 16 mai 2014. Ce jour-là, il déclenche l'opération
«Dignité». Il faut alors constituer une armée, l'équiper (avec l'aide de
l'Egypte et des Emirats arabes unis), en fédérer tous les volontaires
(ex-kadhafistes, officiers en sommeil, chefs de clans) et chasser les islamistes
de Benghazi et de la Cyrénaïque. Mission accomplie: hormis quelques poches de
résistance (2), les djihadistes ont aujourd'hui reculé sur tous les fronts. Au
passage, Haftar s'est rapproché de l'Occident, comme en témoigne la présence -
discrète - d'agents français de la DGSE (Direction générale de la sécurité
extérieure) sur l'aéroport de Benina, à Benghazi. Auprès de la population
reconnaissante, il passe pour un sauveur et un héros. Une aura entretenue par
le culte de la personnalité orchestré par ses supporters: la ville est parsemée
d'affiches géantes à son effigie, où il pose sous toutes les coutures (y
compris en tenue de pilote)!
L'un des énièmes check points
entre Benghazi et la base de Rajma, unique lieu où Khalifa Haftar se sent en
sécurité.
Si on peut admirer le maréchal en
photo, il est plus difficile de le voir en chair et en os. Secret et taiseux,
il reçoit peu de visiteurs et sort rarement de son QG de Rajma, à
25 kilomètres de Benghazi. Un site hautement sécurisé, placé sous la garde
de prétoriens tatillons et paranos, qui démontent et inspectent jusqu'aux
stylos des journalistes. Le syndrome Massoud (3), si l'on en croit le général
Ferjani Aoun, patron de la Sécurité: «La tête du maréchal est mise à prix par
les organisations terroristes. En 2014, il a échappé à un attentat kamikaze
(3 tonnes d'explosif dans un camion). Il s'en est sorti avec des blessures
minimes, mais nous avons compté 6 morts et 18 blessés. La prudence est de
rigueur.» Une fois le rendez-vous fixé pour l'interview, il faut s'armer de
patience. Rien n'est gagné, loin de là: en ces lieux, les mots comme le temps
n'ont pas la même valeur que dans nos contrées. Une heure, deux heures, trois
heures: on attend. Godot? Non, Haftar. Même si le spectacle relève du théâtre
de l'absurde, à mi-chemin entre Samuel Beckett et Alfred Jarry. Dans le salon
made in China où nous faisons antichambre, c'est un défilé permanent de quidams
venus solliciter qui une audience qui une prébende. Nous ne savons pas qui ils
sont. Ils ne savent pas qui nous sommes. Cela n'empêche pas l'affection: on se
salue avec moult salamalecs et force banalités. Un sosie de Kadhafi s'installe
à nos côtés. Au bout de trente minutes, le clone du «Guide» s'avère parler
français (est-ce une coïncidence?) et confie être un fan de Brigitte Bardot!
«À cause de l'embargo sur les
armes, nous avons dû combattre avec nos seuls moyens de l'armement récupéré sur
le champ de bataille un adversaire impitoyable et fanatique»
Les meilleures choses ayant une
fin, un officier d'ordonnance vient couper court à notre improbable papotage:
nous sommes convoqués (et fissa!) dans le bureau du maréchal. Raide et grave,
cheveux blancs et moustache noire, il nous reçoit dans son bureau, devant le
drapeau libyen. L'hypergalonné est vêtu d'un uniforme vert olive (au style
vaguement soviétique) et arbore un placard de décorations. Il commence par
rappeler les sacrifices de l'ANL et le bilan de sa croisade: «Nous avons payé
le prix du sang: entre 20 et 30.000 morts ou blessés. A cause de l'embargo sur les
armes (4), nous avons dû combattre avec nos seuls moyens - de l'armement
récupéré sur le champ de bataille - un adversaire impitoyable et fanatique. Un
ennemi souvent venu de l'étranger: des pays arabes, mais aussi d'Afrique
subsaharienne et même d'Europe. Si nous n'avions pas éradiqué le terrorisme en
Libye, toute l'Afrique du Nord, voire tout le Moyen-Orient, seraient
déstabilisés. C'est pourquoi je réclame ardemment la levée de cet embargo. Cela
nous permettrait de sécuriser et de stabiliser complètement le pays. Telle est
la condition sine qua non pour organiser des élections. En l'état actuel,
l'ordre n'est assuré que dans les secteurs où l'ANL est présente. Dans l'Ouest,
à Tripoli ou à Misrata, sous la prétendue administration du GNA, les milices font
la loi et prospèrent sur le crime: enlèvements, trafic de migrants, marché aux
esclaves. Sarraj, qui n'a aucune légitimité si ce n'est celle que lui accorde
l'ONU, est leur otage. Il faut mettre un terme à ces pratiques.»
Manifestation de soutien au maréchal
Haftar, le 17 décembre 2017, dans les rues de Benghazi. Spontanée ou
organisée? Dieu seul le sait. - Crédits photo : Esam Al-Fetori/REUTERS
«Sur le principe, je ne suis
pas opposé aux élections, mais le réalisme doit prévaloir : comment
garantir un scrutin dans les conditions actuelles ?»
Khalifa Haftar
De quelle manière compte-t-il s'y
prendre? La force ou le droit? «Sur le principe, explique-t-il, je ne suis pas
opposé aux élections, mais le réalisme doit prévaloir: comment garantir un
scrutin dans les conditions actuelles? C'est un vœu pieux. Nous devons classer
les priorités: d'abord la sécurité, ensuite la démocratie. Et quelle est
l'institution la plus apte à maintenir la sécurité, si ce n'est l'armée?
L'idéal serait un pouvoir militaire pendant une période transitoire. Le temps
de ramener l'ordre. Soyons clairs ; les accords de Skhirat sont caducs. Le
peuple est fatigué de la guerre et a besoin de changement. Et si la volonté
populaire me réclame, je ne décevrai pas ses attentes: je serai là!» Et
d'évoquer le général de Gaulle, qui figure dans son panthéon personnel, juste
derrière Omar al-Mokhtar, héros national pendu par les Italiens en 1931 (5), et
Khalid al-Walid, compagnon et général de Mahomet, surnommé l'«épée d'Allah».
L'homme providentiel: c'est à l'évidence le costume qu'il aimerait endosser. Il
y croit d'autant plus que, lors de son voyage estival à La Celle-Saint-Cloud,
affirme-t-il, le président Macron lui aurait glissé: «Vous me faites penser au
général de Gaulle!» Comparaison certes valorisante, mais un brin excessive.
Ainsi que le souligne le député Naserdin Mehana, député au parlement de
Tobrouk: «Heureusement que le maréchal était là: il nous a vraiment sauvés.
D'un point de vue militaire, c'est incontestablement the right man in the right
place. Mais la différence entre lui et de Gaulle, c'est que ce dernier ne
portait plus l'uniforme lorsqu'on est allé le chercher à Colombey. Il n'était
pas n° 1 de l'armée!»
Leader politique?
Dont acte. Mais il n'est pas
certain qu'Haftar ait envie du pouvoir. Chef de guerre? C'est indéniable: les
faits sont là. Leader politique? On peut en douter. Il ne goûte ni les bains de
foule ni les discours publics. Or, pour se dresser en porte-parole de ce
«peuple» qu'il invoque à tout bout de champ, encore faudrait-il aller à sa
rencontre! Une chose est sûre: pour les puissances impliquées dans le dossier
libyen, le maréchal est devenu incontournable. Un interlocuteur obligé. Il
multiplie les contacts avec l'étranger. Pas uniquement avec ses alliés égyptiens
et émiratis, mais aussi avec Moscou et l'Union européenne, en insistant sur la
lutte antidjihadiste. Des arguments qui font mouche. Si Londres et Rome
penchent toujours du côté de Sarraj, Paris, engagé dans une guerre
anti-terroriste au Sahel et conscient de sa dimension régionale, a choisi la
realpolitik. Les relations entre le maréchal et Jean-Yves Le Drian sont plus
que cordiales. Elles datent de l'époque où l'actuel ministre des Affaires
étrangères était à la Défense. Quant à l'assistance militaire française dans le
renseignement, c'est un secret de polichinelle depuis que trois
sous-officiers de la DGSE ont été tués dans le crash de leur hélicoptère à
Benghazi, en juillet 2016. Une coopération que Khalifa Haftar
résume à sa manière, abrupte et directe: «La France et son président sont avec
nous, pour la juste cause. Votre pays est un partenaire privilégié. Nous
saurons nous montrer reconnaissants.» A bon entendeur, salut!
(1) La Libye est subdivisée en
trois grandes provinces: la Cyrénaïque à l'est, la Tripolitaine à l'ouest, et
le Fezzan au sud.
(2) Ils ne tiennent plus que le
port de Derna (120 000 habitants), soumis au blocus de l'ANL.
(3) Ahmed Chah Massoud a été tué
le 9 septembre 2001 en Afghanistan dans un attentat kamikaze. Les deux
auteurs de cet assassinat étaient des islamistes tunisiens se faisant passer
pour des journalistes et munis de faux passeports.
(4) Décrété en 2011 par la
résolution 1970 du Conseil de sécurité de l'ONU.
(5) La Libye fut colonie
italienne de 1911 à 1947 (de facto, jusqu'en 1943 à cause de la Seconde Guerre
mondiale).
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Un quart d'heure de lecture par jour, l'initiative du lycée
d'Ankara fait des émules en France (07.01.2018)
REPORTAGE - L'association
« Silence on lit! » tente d'instaurer en France le rituel créé par le
lycée francophone d'Ankara. Objectif : généraliser cette bonne pratique
dans l'Éducation nationale.
Dans le quartier moderne
Mustafa-Kemal d'Ankara, comment ne pas remarquer ce grand ensemble blanc liseré
de rouge, aux couleurs de la Turquie: c'est le lycée francophone Tevfik-Fikret.
S'y pressent les enfants de la société turque attachée à un enseignement de
qualité, qui passe par l'apprentissage du français. Un lycée semblable à des
milliers d'autres dans le monde, avec ses classes, ses laboratoires, ses
terrains de sport, ses bons élèves et ses fumistes: sauf que tous les jours à
13 h 35, ce n'est pas le bruit de 1600 enfants et adolescents que
l'on entend, une meute s'ébrouant après une matinée studieuse, mais une
sonnerie puis le silence, porté par une musique douce: chut, on lit. En classe
ou au gymnase, on lit. Pas seulement les élèves, tout le monde lit: des
professeurs au personnel administratif. Des cuisines à la direction.
«Si un visiteur vient me voir
sans rendez-vous à cette heure-là, il attend jusqu'à ce que j'aie fini ma
lecture», raconte Ayse Basçavusoglu, la directrice du lycée Tevfik-Fikret.
Lecture pour tous: ce rituel du
lycée Tevkif-Fikret n'est pas observé occasionnellement, à la faveur par
exemple d'une semaine de la lecture, mais quotidiennement depuis seize ans.
C'est devenu un temps qui rythme les journées de travail, au même titre que le
cours d'histoire ou de mathématiques. Il est né un jour de 2001 où les
enseignants s'interrogeaient sur le moyen de promouvoir la lecture, qu'ils
jugeaient insuffisante ; l'une d'entre eux eut l'idée simple d'établir un
temps quotidien de lecture obligatoire. Celle-ci s'imposa aussitôt non comme
une contrainte, un allongement de la journée, mais comme une évidence. Et
désormais, comme une habitude.
«La première année, ce moment de
lecture avait été fixé à 10 minutes. Ce sont les élèves qui ont demandé qu'il
soit allongé à 15 minutes.»
La directrice de l'établissement
au cours de son quart d'heure de rituel quotidien. - Crédits photo :
Courtesy
«Un besoin premier pour donner
du sens à la vie»
Ce rituel, Ayse Basçavusoglu y
tient tout particulièrement. Elle dirige l'établissement depuis 1993 (il compte
deux sites, à Ankara et à Izmir). Ancienne élève du lycée Charles-de-Gaulle
d'Ankara, puis de Tevfik-Fikret, elle y fut interprète (pour le personnel non
francophone) puis professeur de français avant d'en prendre la direction. Cette
femme élégante, qui dégage une autorité naturelle, explique ses choix
pédagogiques: «La lecture n'est pas un loisir, mais un besoin premier pour
donner du sens à la vie.»
«Un livre se rapporte à nos
sens, on le touche d'abord, on sent le papier, et puis grâce à la vue on
commence à le lire»
Ayse Basçavusoglu, la directrice
du lycée Tevfik-Fikret
Son attachement à la lecture
s'enracine dans sa propre histoire: elle se souvient, enfant, de son père qui
ramenait chaque soir un livre à la maison. À huit ans, quoique orpheline, elle
était déjà riche d'une solide bibliothèque. Elle est aujourd'hui une lectrice
éclectique, formée aux classiques, amatrice de Fred Vargas et d'Amin Maalouf.
Elle veille à ce qu'à Tevfik-Fikret, lecture rime avec livre. Les élèves
peuvent choisir un ouvrage en turc ou en français, apporté par leurs soins ou
choisi à la bibliothèque de l'établissement, riche et variée. Quel qu'en soit
le genre littéraire - «à l'exception de la pornographie», tient-elle à
préciser. La lecture se pratique sous le signe de la liberté. En revanche, pas
question d'ouvrir un magazine, un manuel scolaire, encore moins une tablette
numérique.
«Un livre se rapporte à nos sens,
on le touche d'abord, on sent le papier, et puis grâce à la vue on commence à
le lire», explique-t-elle.
Depuis seize ans, elle a vu
passer les modes éditoriales: à Harry Potter a succédé Game
of Thrones. Mais elle se souvient aujourd'hui avec émotion de cet élève
réticent à l'exercice à qui le professeur avait mis entre les mains un livre de
poésie. Face à ce qui ressemblait à un pari de Pascal (lis et tu aimeras lire),
le récalcitrant l'ouvrit, se prit au jeu et demanda à garder le volume.
«La bande dessinée est autorisée,
ajoute Ayse Basçavusoglu. Car nous avons observé avec plaisir que les élèves
qui commencent par ce genre poursuivent au bout de quelques mois par la lecture
de “vrais” livres.»
Un personnel de sécurité des
établissements Tevfik Fikret, lit pendant le temps de lecture «SIlence on
lit». - Crédits photo : Courtesy
Le lycée Tevfik-Fikret est un des
fleurons de la francophonie en Turquie. Créé il y a cinquante ans, cet
établissement privé est lié avec la France par le label «FrancEducation»: son
diplôme de fin d'étude est reconnu comme équivalent du baccalauréat et les
liens sont anciens et étroits avec l'Institut français à Ankara (Éric Soulier
conseiller de coopération et d'action culturelle et Sébastien de Courtois). Ils
sont nombreux dans la vie politique turque, la diplomatie, la culture ceux qui
sont passés par Tevfik-Fikret. On trouve aussi bien l'écrivain Hakan
Günday (auteur de Encore, prix Médicis étranger 2015)
que Gülsüm Bilgehan, représentante de la Turquie au Conseil de l'Europe. Le nom
du lycée, celui d'un grand poète francophile de la fin de l'Empire ottoman,
comme les effigies d'Ataturk, apposées sur les casiers des élèves et les murs
du lycée, disent son attachement à la laïcité, l'égalité et la démocratie, dans
un pays en pleine tourmente.
La lecture quotidienne, entrée
dans les mœurs de Tevfik-Fikret, aurait donc pu rester une sympathique
spécificité d'un lycée d'excellence d'Ankara… C'était sans compter la visite en
2015 du cinéaste français Olivier
Delahaye, familier de la Turquie, et venu à Tevfik-Fikret présenter son
film Soleils. Aucun rapport avec la lecture, a priori.
Olivier Delahaye - Crédits
photo : JACK BRULOT/HÉLOÏSE D'ORMESSON
Ce jour-là, à 13 h 35,
la sonnerie retentit dans la salle des professeurs où il se trouve, et tout
naturellement tout le monde s'interrompt et prend un livre. «C'est le temps de
lecture», lui dit-on laconiquement. L'atmosphère de recueillement dans laquelle
est plongé le lycée le saisit. De retour en France, il n'a de cesse qu'il ne
fasse connaître cette initiative. Son propos parvient aux oreilles de Danièle
Sallenave, écrivain, membre de l'Académie française, qui a longtemps
enseigné la littérature à l'université. Elle est aujourd'hui très préoccupée
par le recul de la lecture en France. «Une pratique sinistrée »,
résume-t-elle. Non pas comme phénomène culturel mais comme «mécanisme»: en
France gagne un illettrisme qui ne dit pas son nom. Son cri d'alarme remonte à
dix ans: un essai intitulé Nous, on n'aime pas lire.
«De nombreuses personnes ne
peuvent pas déchiffrer plus de quelques lignes. Elles n'ont pas acquis la
pratique de la lecture suivie. Pis: celle-ci leur fait peur.»
«De la volonté, et aussi de la
méthode»
La venue d'Ayse Basçavusoglu à la
Foire du livre de Brive que préside l'académicienne à l'automne 2015 sert de
rampe de lancement. L'association des trois s'appellera «Silence on lit!».
«Le point d'exclamation est
important, soulignent-ils de concert: organiser un temps de lecture quotidienne
demande de la volonté, mais aussi de la méthode. Sinon, ça ne dure pas.»
Depuis deux ans, l'association se
structure. Elle a établi une charte qu'elle propose aux établissements
demandeurs. Olivier Delahaye a momentanément posé sa caméra et sillonne la
France en ambassadeur de cette initiative. Il passe de longs moments au
téléphone avec les recteurs d'académie, les directeurs d'établissement pour les
conseiller dans la mise en place.
«Certains professeurs
freinent. Certains confondent ce temps avec un allongement de l'enseignement du
français au détriment de leur discipline. D'autres nous voient comme un cheval
de Troie du ministère. Il faut rassurer»
Olivier Delahaye, cinéaste
«Certains professeurs freinent.
Certains confondent ce temps avec un allongement de l'enseignement du français
au détriment de leur discipline. D'autres nous voient comme un cheval de Troie
du ministère. Il faut rassurer.»
Près de 400 établissements sont
désormais membres de Silence on lit!. L'enthousiasme de Florence Robine,
rectrice de l'académie Metz-Nancy, a donné un coup d'accélérateur à son
installation dans la région Grand Est. Lorient, Vallauris, Nemours se sont
lancées. Un collège d'Oujda (Maroc) aussi. La mairie de Strasbourg étudie
l'idée d'instaurer ce temps de lecture non seulement dans les écoles de la
ville mais à l'Hôtel de ville pour le personnel municipal.
«Ce temps de silence, si
bénéfique, pourrait être généralisé aux collectivités et aux entreprises», rêve
Delahaye qui cite Blanchot: «Une œuvre littéraire est, pour celui qui sait y
pénétrer, un riche séjour de silence, une défense ferme et une haute muraille
contre cette immensité parlante qui s'adresse à nous en nous détournant de
nous.»
Et l'Éducation nationale? Cet
automne, Jean-Michel Blanquer a reçu Danièle Sallenave et Olivier Delahaye:
cette aventure insolite, née à Ankara, rejoint ses préoccupations. «Silence on
lit!» attend maintenant un soutien concret.
Après la distribution des Fables
de La Fontaine, promise
par le ministre en juin dernier, le moment est peut-être venu
d'organiser leur lecture.
Pour en savoir plus: www.silenceonlit.com
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1965. Il dirige le Figaro littéraire depuis 2006 mais fréquente les mots depuis
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Zineb El Rhazoui : «Quelles leçons ont été tirées de
l'attentat de Charlie Hebdo» ? (10.01.2017)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Survivante
de l'équipe de Charlie Hebdo, la journaliste considère que les
sympathisants du terrorisme islamiste bénéficient toujours de la complaisance
d'une partie des médias et des élus.
LE FIGARO. - Il y a tout juste
deux ans, les attentats de
Paris contre la rédaction de Charlie Hebdo puis à l'Hyper Cacher
ensanglantaient la France. Il y eut la grande manifestation du
11 janvier. Depuis, rien n'a changé?
Zineb EL RHAZOUI. - Si,
les Français vivent maintenant dans l'anxiété! On a l'impression - à raison -
que ça pourrait se reproduire n'importe où, n'importe quand. Le souci de la
sécurité fait désormais partie de notre quotidien et nos libertés se réduisent
depuis deux ans. Mais en contrepartie, aucune prise de conscience du potentiel
destructeur de l'islamisme n'a eu lieu. Les autorités publiques françaises
continuent à traiter le terrorisme comme une question de droit commun ou, pis,
comme un phénomène de violence exclusivement lié à l'existence de l'État
islamique. Certes, la destruction de l'État islamique et le renforcement de la
sécurité et du renseignement sont indispensables dans cette guerre contre le
terrorisme, mais celle-ci ne pourra être gagnée que lorsque nous identifierons
clairement l'ennemi: le fascisme islamique. Un fascisme ne peut être combattu
uniquement avec une approche sécuritaire, car il s'agit avant tout d'une
idéologie à invalider sur le plan intellectuel. Pour gagner cette guerre, il
est impératif de sortir des représentations telles que «pas d'amalgame» et
«l'islam religion de paix et d'amour».
Que reste-t-il de l'esprit
Charlie?
«Le fascisme islamique, dans
ses expressions non criminelles, est de plus en plus décomplexé en France»
C'est une question que je me pose
souvent. À quoi a servi la mort de mes collègues, des victimes de l'Hyper
Cacher, celles des
terrasses, du Bataclan, de la promenade des Anglais à Nice… Le fascisme
islamique, dans ses expressions non criminelles, est de plus en plus décomplexé
en France. Ce qu'attendent les victimes des attentats et leurs proches, ce que
réclame la société française qui a payé un très lourd tribut à cette idéologie,
c'est que le procès des coupables ait enfin lieu. Je ne parle pas seulement du
procès des terroristes en tant qu'individus, car la plupart d'entre eux ont été
éliminés, mais
du procès de l'islamisme en tant que fascisme, de ses idéologues et de
leurs complices, qui jouissent non seulement de l'impunité morale, mais qui
continuent en outre, de façon déterminée et imperturbable, leur œuvre de
«normalisation» de l'islamisme au sein de la société française.
Selon vous, les sympathisants
de l'islamisme réussissent à intimider journalistes et politiques?
«Le principal cheval de bataille
des théoriciens de l'islamisme français, c'est de convaincre la société que
tout refus de leur idéologie équivaudrait à du racisme. Malheureusement, une
grande partie des médias et de la classe politique est tombée dans ce piège»
Les idéologues de l'islamisme en
France sont souvent des personnes ayant pignon sur rue, et surtout
insoupçonnables de tout lien opérationnel avec le terrorisme. Ces idéologues,
qui prennent souvent le soin de bien «condamner» le terrorisme avant de
justifier les attentats, travaillent de longue haleine à affaiblir les défenses
intellectuelles des Français contre l'idéologie du fascisme islamique.
L'essentiel de leur entreprise consiste à faire l'amalgame - ce stratagème se
révèle très efficace - entre l'antiracisme et l'acceptation tous azimuts d'une
idéologie en profonde contradiction avec les valeurs françaises. Le principal
cheval de bataille des théoriciens de l'islamisme français, c'est de convaincre
la société que tout refus de leur idéologie équivaudrait à du racisme. Malheureusement,
une grande partie des médias et de la classe politique est tombée dans ce
piège. Je pense que politiques et médias en France pêchent plus par médiocrité
intellectuelle que par véritable attirance pour le fascisme islamique.
Toutefois, je tiens à ajouter qu'une partie de la classe politique s'est
consciemment alliée aux islamistes de façon cynique pour de vils petits calculs
électoraux.
Dans votre livre, vous
dénoncez les «collaborationnistes» de l'islam politique. N'est-ce pas un peu
excessif?
Comment qualifier autrement les
forces vives de la nation qui choisissent de se mettre au service d'une
idéologie qui a pour aboutissement le crime de masse? Ces politiques,
intellectuels, associations et médias qui adoubent les concepts des islamistes
sans le moindre esprit critique leur servent de caution, de certificat de
«fréquentabilité». C'est grâce à eux que les islamistes sont parvenus à
convaincre une partie de la société française qu'ils étaient ses éternelles
victimes, tout en lui faisant oublier que, partout ailleurs dans le monde, ils
sont des persécuteurs. C'est grâce à leurs collaborationnistes français que les
islamistes ont pu se positionner comme des interlocuteurs crédibles du débat
public tout en faisant oublier la nature archaïque et totalitaire de leur
projet de société.
«Il n'y a qu'un seul et unique
moyen de réussir une déradicalisation, c'est de libérer la critique de l'islam»
Ceux qui ouvrent les yeux et
font le bon diagnostic semblent souvent résignés. N'est-il pas déjà trop tard?
Que faire?
Il n'est jamais trop tard pour
bien faire, même si des années de compromissions et de laisser-faire nous ont
légué une situation explosive aujourd'hui. Si nous n'agissons pas, nous
continuerons à produire des terroristes et à saper les mécanismes intellectuels
qui nous permettront de nous défendre contre leur idéologie impérialiste. Dès
qu'on s'interroge sur le lien entre terrorisme et islam, les boucliers se
lèvent pour rappeler que «tous les musulmans ne sont pas des terroristes».
Personne n'a jamais prétendu le contraire! Cet amalgame n'est pas fait en
France. La réaction civilisée des Français après les attentats de
janvier 2015 l'a démontré hautement. En revanche, tous les attentats
terroristes qui ont ensanglanté la France ces deux dernières années ont été
commis au nom de l'islam.
Ce n'est pas en refoulant sans
cesse ce lien entre le terrorisme et la religion islamique que nous réussirons
à traiter le problème. Pointer l'islam du doigt n'est pas raciste, puisque
l'islam n'est pas une race mais une religion née il y a quinze siècles dans le
désert d'Arabie. Soustraire l'islam à la raison critique serait raciste, en
revanche, parce que cela reviendrait à déroger à l'universalisme en considérant
les musulmans comme une masse humaine incapable de prétendre aux fondements
intellectuels de notre civilisation. Je ne cesse de le marteler: il n'y a qu'un
seul et unique moyen de réussir une
«déradicalisation», c'est de libérer la critique de l'islam.
* A récemment publié Détruire
le fascisme islamique(Ring, 2016)
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 11/01/2017. Accédez à sa version
PDF en cliquant ici
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Journaliste au Figaro et
responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
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Saint-Etienne: 10 policiers blessés pendant une
course-poursuite (09.01.2018)
Par Le Figaro.fr - Mis à jour le
09/01/2018 à 14h20 | Publié le 09/01/2018 à 14h11
Selon les informations de France
bleu Saint-Etienne Loire, dix policiers ont été blessés la nuit dernière à
Saint-Etienne lors d'une course poursuite avec un automobiliste.
Ce dernier a heurté une voiture
de police et s'est enfui. Puis, il est rentré dans deux autres véhicules.
L'homme a été arrêté et placé en garde à vue.
Les policiers ont été appelés à
un rassemblement national aujourd'hui devant les commissariats pour dénoncer
les violences subies par les policiers.
«Je ne suis pas islamophobe», dit le maire de Beaucaire
(09.01.2018)
Par Le Figaro.fr avec AFP - Mis à
jour le 09/01/2018 à 11h01 | Publié le 09/01/2018 à 10h48
Le maire Front national de
Beaucaire (Gard) Julien Sanchez s'est défendu aujourd'hui d'être
"islamophobe" après avoir supprimé les
menus de substitution au porc à la cantine et décidé d'instituer du porc tous
les lundis.
"Quand on défend les valeurs
de la République et qu'on refuse certains passe-droit ou du communautarisme
dans les lieux publics, on est islamophobe. Je ne suis pas islamophobe, je n'ai
pas peur de qui que ce soit et je n'ai pas la volonté d'exclusion de qui que ce
soit", a assuré Sanchez sur franceinfo. "Moi je dis simplement: quel est le
problème avec le porc ? S'il y avait un problème médical je pourrais le comprendre
mais il n'y a pas de problème médical", a estimé Sanchez, en soulignant
que le porc "n'a pas de particularités particulièrement allergènes".
» LIRE AUSSI : Le
«vivre-ensemble» au menu des cantines
"C'est uniquement
l'intrusion du fait religieux dans l'espace scolaire. Pour moi, l'école est un
sanctuaire", a relevé Sanchez, avant de s'interroger : "parce
que certains ne veulent pas en manger, on l'enlève totalement ?" Quelque
150 élèves demi-pensionnaires sur 600 bénéficiaient de ces repas de
substitution au porc à Beaucaire.
Evoquant notamment une mesure de
soutien à l'agriculture française, Sanchez a précisé que du porc était
désormais proposé tous les lundis depuis la rentrée de janvier 2018. "On a
décidé que ce serait le lundi comme cela chacun peut s'organiser", a-t-il
expliqué, arguant que les élèves "peuvent aussi ne pas manger l'entrée si
l'entrée est à base de porc" ou "le plat, si le plat est à base de
porc".
LIRE AUSSI :
Attentats : débats sur les contours du futur parquet
antiterroriste (07.01.2018)
Le périmètre de cette structure
sera fixé par la Direction des affaires criminelles. Aujourd'hui, plus 500
individus sont en détention pour faits de terrorisme.
Un contentieux de masse et si
spécifique que s'est imposée l'idée d'un parquet spécialisé à compétence
nationale. Le 18 décembre dernier, Nicole
Belloubet, la garde des Sceaux, a annoncé la création d'un parquet
national antiterroriste. Il revient désormais à la Direction des affaires
criminelles et des grâces d'en proposer les contours d'ici au mois de mars
prochain.
Tous les acteurs reconnaissent
les défauts de la «cellule C1» mise en place au parquet de Paris en 1986, alors
que sévissait le terrorisme basque, corse et de manière infinitésimale le
terrorisme islamiste. L'ampleur actuelle de ce contentieux exige aujourd'hui
une adaptation en profondeur. La France compte 2 370 ressortissants qui
ont été impliqués sur les terrains d'opération. Aujourd'hui, plus 500 individus
sont en détention pour faits de terrorisme et l'on compte 244
personnes ainsi que plus d'une soixantaine de mineurs revenus de Syrie et
d'Irak.
Le premier clan préconise un
parquet spécialisé qui resterait dans le ressort parisien, comme le parquet
national financier créé en 2014
Deux clans de grands juristes et
de hauts magistrats rivalisent de propositions pour déterminer le périmètre de
cette future structure. Le premier préconise un parquet spécialisé qui
resterait dans le ressort parisien, comme le parquet national financier créé en
2014. Un procureur, épaulé de trois autres magistrats de même rang, animerait
une équipe d'une vingtaine de «parquetiers». De quoi répondre à trois défis
majeurs: l'internationalisation d'un contentieux qui implique une entraide
judiciaire croissante entre les États et les structures européennes. Mais aussi
la nécessité d'assurer la remontée d'information - souvent de très basse
intensité - en provenance de la province. Enfin s'assurer d'un dialogue d'égal
à égal avec les grandes agences de renseignement, jugées trop autonomes par
rapport aux magistrats du parquet anti-terroriste actuel. Ses jeunes substituts
sont certes compétents mais absorbés par le suivi quotidien des affaires,
depuis les gardes à vue jusqu'aux audiences, sans oublier les relations avec
l'instruction et les juges de la liberté et de la détention. En ligne de mire
aussi, le traumatisme de l'affaire Merah. Identifié par les services, il n'a
jamais été «judiciarisé».
Conséquences politiques
D'autres magistrats penchent vers
une structure complètement autonome élevée au rang d'un parquet général
pilotant trois parquets spécialisés respectivement dédiés à l'antiterrorisme, à
la criminalité organisée et au blanchiment d'argent. Cette solution est
défendue par François
Molins, le procureur de Paris, qui gère depuis 2015 les attentats, qui
ont fait 241 victimes en France. Il a pour lui la légitimité d'une action que
nul ne lui dispute et qui lui permet d'exiger un renforcement substantiel de
ses effectifs et de ses pouvoirs.
Cette solution aurait
actuellement le vent en poupe, mais beaucoup s'inquiètent des conséquences
politiques d'une structure aussi autonome. Nicole Belloubet l'a promis, «il ne
s'agit pas de créer une juridiction d'exception mais de mettre en place une
structure efficace et plus lisible», a-t-elle affirmé lors de son annonce. «La
création d'un parquet général spécialement dédié en ferait une structure
complètement dérogatoire de l'organisation judiciaire actuelle et encourrait le
risque de critiques de constitutionnalité», soulignent de bons connaisseurs de
la lutte contre le terrorisme. De nombreux spécialistes font aussi remarquer
qu'il «n'existe, en France, aucun lien avéré entre le terrorisme et la grande
criminalité organisée. Aussi pourquoi les lier?». Derrière ces divergences, le
choix entre une solution simple et pragmatique ou la création d'un
superprocureur à la française.
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Attentats de janvier 2015 : une enquête complexe qui
prendra peut-être fin cet été (07.01.2018)
VIDÉO - À défaut d'avoir pu
d'identifier le commanditaire des attaques, le travail d'expertises et de
recoupements se concentre sur des personnages de second plan.
La justice tente depuis trois ans
de remonter le film de la tragédie des
attentats islamistes de janvier 2015. Les auteurs principaux sont
morts. Les frères Kouachi, qui menèrent l'attaque contre Charlie Hebdo,
le 7 janvier 2015, ont péri sous les balles des forces de l'ordre. Tout
comme Amedy Coulibaly, qui tua une policière municipale, Clarissa
Jean-Philippe, à Montrouge (Hauts-de-Seine), le 8 janvier 2015, avant de
s'en prendre, le 9, aux clients de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes.
À ce jour, pas moins de 14
personnes sont mises en examen dans ces affaires, principalement des membres
présumés des réseaux logistiques. Ce travail d'expertises et de recoupements se
concentre sur des personnages de second plan, à défaut d'avoir pu
d'identifier le
commanditaire des attaques, dont la trace se perd quelque part entre la
Syrie et l'Irak… s'il est toujours en vie.
Série d'arrestations
Les enquêteurs considèrent qu'Amedy
Coulibaly a été un intermédiaire des Kouachi pour les fournir en
armes. Les deux frères avaient beau nettoyer leur matériel, des recherches
d'ADN ont permis de retrouver, en mai dernier, dans la graisse d'un fusil
d'assaut des tueurs de Charlie Hebdo, l'empreinte génétique de
Chérif Kouachi mêlée à celle d'Amedy Coulibaly.
Les expertises menées sur les
armes de Coulibaly ont, quant à elles, permis de réaliser une série
d'arrestations en avril 2017, avec une double filière d'approvisionnement
identifiée. D'un côté, un réseau lillois, animé
par un certain Claude Hermant, spécialiste de la revente d'armes
démilitarisées en provenance des pays de l'Est ou des Balkans. Bien connu des
services de police, ce personnage sulfureux, lié notamment aux milieux
d'extrême droite, prétend être un «informateur» des gendarmes. Sept de ses
armes sont passés entre les mains de Coulibaly. Elles ont été saisies dans
l'Hyper Cacher mais aussi dans l'appartement de Gentilly (Hauts-de-Seine) où
celui-ci avait préparé son ultime attaque. Le dossier dans lequel Hermant est
poursuivi a été disjoint de la procédure principale.
En revanche, l'un de ses
complices présumés, Samir L., petit voyou originaire de Roubaix, est bien mis
en examen dans l'affaire de l'Hyper Cacher. Il était l'un des contacts présumés
d'Hermant dans les milieux du grand banditisme. C'est ce Roubaisien qui aurait
acheté les armes pour le compte de Coulibaly. Celles-ci auraient été livrées
par au moins deux hommes de main, arrêtés et placés en détention depuis.
Filière belge
Une filière belge a également été
mise au jour. Elle gravite autour d'un garagiste d'origine kurde, Metin K.,
entendu dès 2015, mais mis en examen seulement en juin 2017, avec son
lieutenant présumé, d'origine italienne. Dans leur entourage, la police a pu
identifier nombre de suspects. Deux d'entre eux, interpellés, étaient associés
dans un garage de Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Une ville où Saïd
Kouachi était domicilié. Mais établir de possibles connexions entre les uns et
les autres est une chose, déterminer le degré de connaissance du projet
terroriste pour chacun en est une autre.
«Il y a comme une toile
d'araignée entre les terroristes, qui les relie au plan local mais aussi
international»
Me Samia Maktouf, conseil de
parties civiles dans l'affaire de l'Hyper Cacher
Bien des zones d'ombre restent
donc à éclaircir. Conseil de parties civiles dans l'affaire de l'Hyper Cacher,
Me Samia Maktouf l'assure: «Il y a comme une toile d'araignée entre les
terroristes, qui les relie au plan local mais aussi international.» L'expertise
en cours des communications des membres du réseau pourrait l'étayer, mais elle
se heurterait à des problèmes de «cryptage». L'avocate est convaincue que des
djihadistes arrêtés en Syrie et en Irak depuis la chute de Mossoul et de Raqqa
pourraient apporter des réponses et qu'il faut les juger en France.
Son confrère Thibault de
Montbrial tire une autre leçon de cette enquête: «On a longtemps opposé
al-Qaida dans la péninsule arabique (Aqpa), qui a revendiqué l'attaque
contre Charlie Hebdo, et l'organisation État islamique (EI), qui a
endossé les attentats contre Clarissa Jean-Philippe et contre l'Hyper Cacher.
Mais finalement, les investigations démontrent que, sur le terrain, les hommes
de main travaillent ensemble.» L'enquête pourrait se clôturer d'ici à l'été.
Sauf rebondissements.
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Être ou ne pas être Charlie : la nouvelle guerre des gauches
(07.01.2018)
VIDÉO - L'union intellectuelle et
politique de façade autour de Charlie a rapidement volé en
éclats. Plus particulièrement au sein de la gauche qui se déchire entre
multiculturalistes et universalistes, trois ans après le drame.
Le 11 janvier 2015, au fond
de leur lit d'hôpital, le corps encore meurtri par
les balles des djihadistes, le cœur brisé par la perte de leurs
collègues et amis, Riss et Fabrice Nicolino trouvent matière à espérer. Ils
voient dans la plus grande manifestation de l'histoire de France depuis la
Libération le signe d'un profond sursaut.
Le slogan «#jesuisCharlie» a
rassemblé quatre millions de personnes dans toute la France et semble faire
consensus. Certes, le fameux hashtag, repris en boucle de manière pavlovienne
par les médias, peut ressembler à une injonction. Mais «être “Charlie”» ne
signifie pas nécessairement partager la ligne éditoriale de l'hebdomadaire
satirique, ni aimer tous ses dessins, ni même le lire. C'est, comme l'a
écrit Philippe
Lançon, rescapé de Charlie Hebdo: «Refuser qu'on tue ceux
qui le font». «Être
Charlie»,
ce jour-là, c'est aussi défendre une certaine idée de la liberté, du bien
commun et de la France. C'est enfin, comme l'a joliment résumé la journaliste
Sonia Mabrouk, «une pulsion de vie face au dessein mortifère des islamistes».
Mais l'union intellectuelle et
politique de façade autour de Charlie vole rapidement en
éclats. En particulier à gauche. Celle-ci se déchire en deux camps. Celui des
multiculturalistes, «antiracistes» autoproclamés, qui voient dans «le musulman»
d'aujourd'hui «le juif» d'hier et qui font de la lutte contre l'«islamophobie»
une priorité. Et celui des universalistes qui voient dans l'islamisme un
totalitarisme et dans la notion d'«islamophobie» une «escroquerie intellectuelle»
visant à rétablir un délit de blasphème.
Cette fracture vient de loin. En
1989, déjà, lors de l'affaire du foulard islamique de Creil, ces deux camps
s'étaient affrontés. Dans un appel commun, publié dans Le Nouvel
Observateur, Régis Debray, Élisabeth Badinter et Alain Finkielkraut avaient
dénoncé un «Munich de l'école républicaine». En face, Harlem Désir, alors
président de SOS Racisme, s'alarmait du «retour en force» des «idées
assimilationnistes». Un an plutôt, François Mitterrand avait été réélu en
partie grâce au travail idéologique de l'association. Le PS abandonnait alors
notre modèle historique d'assimilation hérité précisément deux siècles plus tôt
de la Révolution de 1789. L'affrontement autour de Charlie est une conséquence
de cet abandon et une des nombreuses répliques de la controverse de Creil.
Querelle idéologique
«Blasphémer de matière
systématique sur Mahomet, personnage central de la religion d'un groupe faible
et discriminé, devrait être qualifié d'incitation à la haine»
Emmanuel Todd
C'est le 17 janvier 2015 à
Brétigny-sur-Orge que commence la nouvelle guerre des gauches. Edwy
Plenel et Tariq Ramadan y font meeting commun contre
«l'islamophobie». L'auteur de Pour les musulmans précise que
lui n'aurait pas publié de «caricatures qui offensent n'importe quelle
religion». La rédaction de Charlie Hebdo le vit comme une trahison.
En avril 2015, le petit livre rouge d'Emmanuel Todd, Qui est Charlie?,
vient définitivement achever l'esprit du 11 janvier. Le démographe voit
dans la marche républicaine une manifestation «islamophobe». «Blasphémer de
matière systématique sur Mahomet, personnage central de la religion d'un groupe
faible et discriminé, devrait être qualifié d'incitation à la haine», écrit-il.
Le Printemps républicain naît en mars 2016, autour de Laurent Bouvet, de la
volonté de faire entendre une autre voix: celle d'une gauche
anti-communautariste. Le point d'orgue de cette querelle idéologique est
l'affrontement entre Mediapart et Charlie Hebdo, en novembre
dernier, après
les caricatures du journal satirique visant Ramadan, puis Plenel. Le
directeur de Mediapart réagit en accusant Charlie d'avoir
déclaré «la guerre aux musulmans». Trois mots inacceptables pour
Riss. Le directeur de Charlie Hebdo réplique dans un
édito implacable en dénonçant «l'appel au meurtre» de Plenel, coupable, selon
lui, d'adouber «ceux qui demain voudront finir le boulot des frères Kouachi».
«Une partie de la gauche est
devenue la complice la plus active de ceux qui cherchent à détruire la laïcité»
Élisabeth Badinter
«Une partie de la gauche est
devenue la complice la plus active de ceux qui cherchent à détruire la
laïcité», a déclaré Élisabeth
Badinter durant la journée d'hommage, Toujours Charlie, organisée
par le Printemps républicain ce samedi. Trois ans après la tuerie du
7 janvier, les deux gauches sont plus que jamais irréconciliables. Alors
que Valls entendait
incarner la gauche républicaine, Hollande n'a jamais su trancher entre la ligne
laïque de son premier ministre et la ligne «Terranoviste» qui avait contribué à
son élection. Le PS en est peut-être mort. Chez Mélenchon, on est également
tiraillé entre le jacobinisme d'un Alexis Corbière et l'islamo-gauchisme d'une Danièle
Obono. La France insoumise a parfois des allures de gauche soumise.
Enfin, Macron est-il Charlie? Durant toute la campagne, le candidat est resté
ambivalent sur cette question. Récemment, il se serait dit vigilant face au
risque de «radicalisation de la laïcité». Mais, bien qu'il ait annoncé qu'il
allait s'exprimer officiellement sur le sujet en janvier, «le maître des
horloges» reste pour l'heure évasif…
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Charlie Hebdo s'inquiète du coût de sa protection (07.01.2018)
VIDÉO - Bureaux ultra-sécurisés à
l'adresse gardée secrète, protection rapprochée... Depuis l'attentat de 2015,
les journalistes et dessinateurs de l'hebdomadaire satirique exercent leur
métier dans des conditions difficiles.
Trois ans après l'attaque
à la kalachnikov ayant tué une grande partie de sa rédaction, le
journal satirique Charlie Hebdo dévoile dans son dernier
numéro les conditions de travail difficiles dans lesquelles exercent ses
journalistes et dessinateurs. Pour assurer sa sécurité, la
rédaction a déménagé dans des bureaux ultra-sécurisés à l'adresse
gardée secrète. Si certains membres de l'hebdomadaire bénéficient d'une
protection rapprochée assurée par la police nationale, le journal doit recourir
à une société privée pour veiller sur ses locaux et protéger les autres salariés
de Charlie. En ajoutant le coût des travaux pour sécuriser les
bureaux (sas, blindage, panic room…), «ces investissements atteignent entre 1
et 1,5 million d'euros par an, entièrement
à la charge du journal», écrit Riss, directeur de la publication, dans
son éditorial.
«Est-il normal pour un journal
d'un pays démocratique qu'un exemplaire sur deux vendus en kiosque finance la
sécurité des locaux et des journalistes qui y travaillent ?»
Riss, directeur de la publication
de « Charlie Hebdo »
«Chaque semaine, au moins 15.000
exemplaires doivent être vendus uniquement pour payer la sécurisation de Charlie
Hebdo.» L'hebdomadaire parvient à assurer ces dépenses grâce aux millions
d'euros récoltés avec le «numéro des survivants», publié après l'attaque du
7 janvier 2015. Mais «qu'arrivera-t-il le jour où nos réserves seront
épuisées? prévient Riss. Est-il normal pour un journal d'un pays démocratique
qu'un exemplaire sur deux vendus en kiosque finance la sécurité des locaux et
des journalistes qui y travaillent?» En attendant, la rédaction vit dans une
«boîte de conserve», avec, à chaque instant, la peur que l'horreur recommence.
À ce jour, Charlie Hebdo vend
chaque semaine entre 30.000 et 40.000 exemplaires chez les marchands de
presse, auxquels s'ajoutent 40.000 abonnés. On est loin des 260.000 abonnements
souscrits au lendemain de l'attentat dans une vague de solidarité et de forte
émotion. Mais ces chiffes sont encore largement supérieurs à ce que Charlie pouvait
vendre avant janvier 2015: 30.000 exemplaires, dont 10.000 abonnements.
Toutefois, les volumes baissent lentement. Il y a un an, le journal satirique
vendait 100.000 exemplaires par semaine, soit 30.000 de plus
qu'aujourd'hui.
Matelas financier
L'hebdomadaire peut compter sur
un épais matelas financier, avec près de 20 millions d'euros en
trésorerie, selon les informations de BFM Business. Cette somme a été collectée
grâce aux importants chiffres d'affaires de 2015 (63,6 millions d'euros)
et de 2016 (19,4 millions d'euros), pour un profit net après impôts de
17 millions d'euros. La
quasi-totalité de ce bénéfice a été bloquée en banque pour
constituer «une réserve statutaire obligatoire consacrée au maintien ou au
développement de l'entreprise», comme l'exige le statut d'entreprise solidaire
de presse créé après l'attentat. Aucun dividende n'a été reversé aux deux
actionnaires du journal, Riss et Éric Portheault. La promesse d'ouvrir le
capital à d'autres actionnaires, énoncée
fin 2015, n'a pas encore été tenue.
«Politiquement, “être Charlie”
ne fait plus recette»
Agathe André, présidente de
l'association Dessinez Créez Liberté
Charlie Hebdo a
utilisé une petite partie de ses réserves (1,15 million d'euros) pour
éponger ses pertes passées. Une autre partie a financé le
lancement fin 2016 d'une édition allemande. Cette dernière a été
stoppée en novembre, faute d'un lectorat suffisant. Le projet d'une fondation
pour la défense du dessin de presse semble être resté au point mort.
L'association Dessinez Créez Liberté, lancée avec SOS-Racisme pour sensibiliser
les écoliers à la liberté d'expression, a, elle, du plomb dans l'aile. Charlie
Hebdo dénonce l'attitude du ministère de l'Éducation nationale, qui se
serait dérobé à ses promesses après les attentats du Bataclan. «Politiquement,
“être Charlie” ne fait plus recette», regrette la présidente de l'association,
Agathe André.
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Hebdo»?
Le sobre hommage de Macron à Charlie Hebdo et
l'Hyper Cacher (07.01.2018)
VIDÉO - Trois ans après les
attentats, le chef de l'État s'est rendu dimanche sur les lieux des attaques de
janvier 2015, sans prononcer de discours.
Le pas lourd et le regard ému.
Trois ans après les attentats djihadistes contre Charlie Hebdo et
l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes, Emmanuel Macron s'est rendu dimanche
matin sur les lieux des attaques pour rendre hommage aux victimes. Le chef de
l'État était accompagné de son épouse, Brigitte Macron, de quatre membres du
gouvernement, Gérard Collomb (Intérieur), Nicole Belloubet (Justice), Françoise
Nyssen (Culture) et Benjamin Griveaux (porte-parole), ainsi que de la maire de
Paris, Anne Hidalgo.
Lecture du nom des morts, dépôt
de gerbes, minute de silence et Marseillaise… Comme lors de la
commémoration des attaques du 13 novembre 2015, le chef de l'État a fait dans
la sobriété, ne prenant à aucun moment la parole. «Les familles ont été claires
sur leur souhait d'avoir un hommage très sobre. Cela nous a semblé normal de
respecter cela», explique-t-on dans l'entourage du président de la République.
Que ce soit devant les anciens
locaux de Charlie Hebdo, dans le XIe, quelques mètres plus loin sur
le boulevard Richard-Lenoir, où le
policier Ahmed Merabet avait été tué après l'attaque contre le
journal, ou devant l'Hyper Cacher, Emmanuel Macron a pris le temps de glisser
quelques mots à l'oreille des familles des victimes.
«C'est un hommage nécessaire. Non
seulement pour les familles, mais aussi pour la France, puisque ces attentats
ont été dirigés contre tout le pays», estime, émue, Gala Romanov, la veuve
de Michel
Renaud. Le journaliste était à la rédaction du journal satirique le 7
janvier 2015 pour rendre à Cabu des dessins qu'il lui avait prêtés. Aucun des
deux hommes ne survivra à l'attaque.
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janvier, 13h05: l'insoutenable huis clos avec Coulibaly
La commémoration a également été
suivie de près par les habitants du quartier. «J'ai regardé l'hommage à la
télévision, et j'ai pleuré. Tous les matins, je passe devant les anciens locaux
et je leur dis “salut”», raconte une retraitée du coin.
- Crédits photo : CHRISTOPHE
ARCHAMBAULT/AFP
La
veille, un premier hommage avait été rendu aux Folies Bergère à Paris,
à l'initiative de trois associations:le Printemps républicain, le Comité
Laïcité République et la Ligue internationale contre le racisme et
l'antisémitisme (Licra). L'ancien premier ministre Manuel Valls, Anne Hidalgo,
la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, et le président de
l'Assemblée nationale, François de Rugy, étaient notamment présents. Le but de
la journée: rendre hommage aux victimes, mais aussi raviver la flamme de
«l'esprit Charlie». Selon un sondage Ifop présenté samedi aux Folies Bergère,
seuls 61 % des Français se disent «toujours Charlie», soit une baisse de
10 points par rapport à janvier 2016. «Il y avait une très forte émotion qui,
forcément, retombe un peu avec le temps, c'est normal», tempère François de
Rugy.
Aux Folies Bergère, il a aussi
été question du combat pour la laïcité, souvent «menacée», selon les différents
intervenants de la journée. La philosophe Élisabeth Badinter, présente sur
scène, a notamment remercié Le Figaro - au même titre
que Marianne - pour «ouvrir ses colonnes aux avocats de la
laïcité».
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Après des tags antisémites, une épicerie casher incendiée à Créteil
(09.01.2018)
VIDÉO - Les tags avaient été
découverts la semaine dernière. Le propriétaire, dont le commerce a été
complètement détruit, se dit «écœuré». La piste criminelle est privilégiée.
Après avoir été la cible
d'inscriptions de croix gammées mercredi dernier, une épicerie casher de
Créteil (Val-de-Marne) a été incendiée dans la nuit de lundi à mardi. «La piste
criminelle est privilégiée», a précisé la procureure de Créteil, Laure Beccuau.
Le feu a été signalé entre quatre
et cinq heures du matin dans ce magasin du centre commercial Kennedy, situé
dans le quartier du Mont-Mesly. «Il y a, a priori, de très gros dégâts», selon
la procureure. L'épicerie est complètement détruite et les rayons à l'intérieur
sont carbonisés, a constaté l'AFP. D'après des informations du Parisien,
confirmées par la préfecture de police auprès du Figaro, «le rideau
du commerce a été brisé par un ou plusieurs individus, avant d'y mettre le
feu.» C'est maintenant le service départemental de la police judiciaire du
Val-de-Marne qui est en charge de l'enquête.
» LIRE AUSSI - Collomb
condamne des tags antisémites en région parisienne
Le propriétaire des lieux, un
musulman de 44 ans, a été brièvement hospitalisé après avoir fait un malaise en
découvrant l'étendue des dégâts. Il a affirmé à l'AFP être «écoeuré». D'après
lui, les deux communautés vivent dans le «respect» à Créteil. «On essaie de
créer un conflit qui n'existe pas en France. Qu'on arrête la polémique!»,
a-t-il lancé.
L'enseigne «Promo & Destock»
fait partie des deux magasins casher dont les rideaux métalliques ont été
tagués avec des croix gammées rouges le 3 janvier dernier. Le Bureau national
de vigilance contre l'antisémitisme avait alors parlé de criminels ayant
«souhaité marquer à leur manière l'anniversaire de l'attentat
antijuif» de
l'Hyper Cacher de Vincennes. Le
ministre de l'Intérieur avait fait part de sa «profonde indignation» face à ces
«inscriptions antisémites». Depuis, l'enquête a été confiée au commissariat de
Créteil.
Une volonté de semer «la
terreur»
Cet incident intervient trois ans
jour pour jour après l'attaque djihadiste d'Amedy Coulibaly contre l'Hyper
Cacher - un supermarché de l'est parisien - qui avait causé la mort de trois
clients et d'un employé juifs. Ce qu'a déploré l'ambassadrice d'Israël, Aliza
Bin Noun, sur son compte Twitter: «Trois ans après le massacre de l'Hypercacher
je condamne l'incendie d'une épicerie cacher à Créteil. Cette nouvelle attaque
contre la communauté juive est une provocation honteuse et prouve l'importance
de la poursuite du combat contre l'antisémitisme».
Albert Elharrar, président de la
communauté juive de Créteil a également fait part de sa vive émotion: «C'est
quelque chose qui nous remue. On essaie de vivre et d'oublier, de trouver la
quiétude, mais il y a des éléments qui sèment la terreur», a-t-il regretté à
l'AFP. Alors que le propriétaire est de confession musulmane, Albert Elharrar y
voit la volonté, pour les auteurs de l'incendie, de «sanctionner à leur manière
le gérant musulman de ce commerce et de le punir pour avoir osé ouvertement
déclarer qu'il n'avait lui, un musulman, aucun problème à vendre des produits
casher et israéliens destinés à la clientèle juive».
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Égypte : Noël sous tension pour les coptes (07.01.2018)
REPORTAGE - Endeuillés par une
année meurtrière, les chrétiens d'Égypte ont célébré Noël sous haute surveillance
policière.
Le Caire
Retransmise en direct à la
télévision égyptienne, la cérémonie s'est voulue grandiose, même si elle a
littéralement essuyé les plâtres. Devant une foule de 8200 fidèles, le pape
copte orthodoxe Tawadros II, très proche des autorités actuelles, est apparu
souriant et a salué «sa reconnaissance et sa gratitude envers les forces armées
qui servent la nation, maintiennent la sécurité et la stabilité du pays».
À ses côtés de nombreux
officiels, les représentants de l'institution musulmane al-Azhar et Abdel
Fattah al-Sissi. Le président égyptien est devenu coutumier de cet événement:
il est le premier chef d'État à se rendre aux messes de Noël copte et ce pour
la troisième année consécutive. Dans l'église flambant neuve de la Nativité, la
plus grande du Moyen-Orient, sortie de terre dans la
nouvelle capitale administrative en construction, il a assuré que
«l'inauguration partielle de cette cathédrale est un message de paix et d'amour
de l'Égypte, pas seulement au pays et à la région mais au monde entier».
«Toute cette propagande fait
oublier que 15 églises ont été fermées récemment car c'est plus simple pour les
autorités de les fermer plutôt que de les protéger»
Ishak Ibrahim, militant de la
défense des droits des chrétiens
Naguib Gibrail faisait partie des
chanceux triés sur le volet présents dans la nef: «Je suis extrêmement content.
Cette cérémonie prouve que l'Égypte ne fait qu'une, que musulmans et chrétiens
sont ensemble. Le président al-Sissi l'avait promis et il l'a fait. Nous avons
beaucoup souffert du terrorisme l'année passée, mais nous sommes heureux d'être
témoins de ça et contents de célébrer ce Noël en dépit des incidents récents»,
assure cet avocat.
Pour Ishak Ibrahim, pourtant,
cette cérémonie était «une mauvaise idée». «On envoie un message de bonheur, ce
n'est pas approprié une semaine après une
tuerie de masse contre des chrétiens, dit-il. Et toute cette
propagande fait oublier que 15 églises ont été fermées récemment car c'est plus
simple pour les autorités de les fermer plutôt que de les protéger. Cela fait
oublier les 24 incidents sectaires qui ont eu lieu depuis octobre 2016.
Cela fait oublier les refus de permis des autorités pour la construction de
nouvelles églises», assure ce militant de la défense des droits des chrétiens.
«Je n'ai pas souhaité y aller, je ne veux pas participer à cette mascarade»,
explique-t-il.
D'autres, comme Ishak, se sont
aussi rendus dans leur église habituelle pour célébrer la naissance de Jésus,
par manque de places disponibles ou juste par fidélité à leur communauté. Dans
le centre-ville du Caire, l'église de Bab el-Louk a été barricadée comme un
bunker. Le pâté de maison est bouclé depuis la veille. Devant un portail de
sécurité métallique, plusieurs hommes en armes guettent les va-et-vient et
balancent des mamnou' («interdit») à toutes les gueules qui ne leur reviennent
pas.
Depuis un an, plus de 107
chrétiens ont perdu la vie dans des attentats d'envergure, beaucoup ont aussi
dû fuir leur maison du Nord-Sinaï pour échapper aux exécutions ciblées
C'est finalement en plein service
que le père Nader surgit sur le perron: «Laissez entrer!», s'agace-t-il.
«Désolé, mais les policiers ont des instructions, il y a énormément de
sécurité», s'excuse le religieux qui disparaît aussi vite. Il n'est pas
9 heures du matin, mais le lieu de culte voit ses premiers fidèles
arriver.
Un nuage entêtant de myrrhe
flotte dans l'air et s'élève dans la coupole marquetée. Les mains sont levées
vers le ciel et, sous les voiles des femmes, la ferveur prend un visage
paisible. Sous le regard des douze apôtres légèrement souriants, on s'échange
des vœux en silence, balaye du bout des doigts le sol avant de les porter à sa
bouche et ferme les yeux en recevant les éclaboussures d'eau bénite. Une porte
s'entrouvre laissant entrer un vent d'air frais.
Dehors, des sirènes de police
retentissent. «N'ayez pas peur, Dieu veille sur vous», assure l'homme qui
officie. Depuis un an, la communauté copte est victime d'attaques ciblées de la
part de l'organisation de l'État islamique: plus de 107 chrétiens ont perdu la
vie dans des attentats d'envergure, beaucoup ont aussi dû fuir leur maison du
Nord-Sinaï pour échapper aux exécutions ciblées dont ils sont victimes. Ces
récentes attaques s'inscrivent dans un cycle de violences entamé en 2013
avec la
destitution par l'armée du président islamiste Mohammed Morsi, qui a
renforcé l'insurrection djihadiste dans le pays. Des centaines de policiers, de
soldats et de civils ont été tués.
«On est un peu tout le temps
dans l'attente de la bombe, de la balle ou du couteau du terroriste»
Ramy, copte
«Le contexte est difficile, mais
pour nous ça ne change rien et, pour les fidèles, les derniers événements
grandissent leur ferveur, ça les motive encore plus à se réunir, à prier,
assure le prêtre Nader. Bien sûr, nous sommes profondément désolés pour les
martyrs, mais il faut être persévérant dans sa foi. Nous n'avons pas peur, on
s'en remet à Dieu et on prie quoi qu'il arrive. En vérité, ceux qui ont les
jambes qui flageolent le plus, ce sont les policiers dehors», assure-t-il.
Sur le bitume, ce sont 230.000
policiers qui participent au plan de protection des 2626 églises à travers le
pays. Si beaucoup se disent satisfaits de ces mesures, d'autres notent que la
police a rarement empêché des attaques contre les coptes dans le passé. «Ce
n'est pas le nombre qui fait la sécurité, c'est la préparation. Ce n'est pas
tout d'avoir des armes, il faut savoir s'en servir», tranche Ramy, agacé par
l'attaque de l'organisation de l'État islamique survenue la semaine dernière
dans une église de Helwan. L'assaillant a tué dix personnes et a été poursuivi
et arrêté par un badaud du voisinage.
Quelques minutes avant le début
de la messe nocturne, des tanks et de longs corridors de sécurité ont aussi été
installés devant l'église de la Vierge Marie à Dokki. À l'entrée, pièces
d'identité et croix tatouées sur le poignet font office de pass d'entrée. À
l'intérieur, les mêmes fronts posés contre les bancs de prière en bois, les
mêmes nuages d'encens, les mêmes chants, les mêmes mains tendues vers la voûte
ornée de dorures. S'étendant traditionnellement jusque tard dans la nuit, la
messe de Noël, cette année, a été raccourcie et ne s'est tenue que jusqu'à
minuit, ou 23 heures dans les zones les plus à risque. «Les fidèles ont
aussi interdiction de rester devant le lieu de culte, avant et après la cérémonie»,
précise l'un des religieux. «On est contents de fêter Noël, mais il intervient
dans le sang et les “booms”», se désole encore Ramy. «On est un peu tout le
temps dans l'attente de la bombe, de la balle ou du couteau du terroriste,
explique-t-il. J'ai le sentiment que si ce n'est pas moi, ce sera mon
frère ; si ce n'est pas ce soir, ce sera demain.»
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Jenna Le Bras
Françoise de Bourbon Lobkowicz, au nom du Liban (08.01.2018)
Cette descendante de Saint Louis
vient de célébrer les 30 ans de son association Malte-Liban, dont l'objet
est de recueillir les fonds nécessaires pour promouvoir les opérations de l'Ordre
de Malte au Liban
«Avoir peur? C'est impossible.
J'avais peur pour les autres, pas pour moi.» C'est ce que répond Françoise de
Bourbon-Lobkowicz quand on lui demande si l'idée de faire demi-tour aurait pu
traverser son esprit, lorsqu'elle menait des convois de médicaments vers les
victimes de bombardements au Sud-Liban, en 1985.
Héritière d'un nom qui porte
l'histoire de France, mariée avec un prince de Bohême, Édouard de Lobkowicz, à
Notre-Dame de Paris… Au premier abord, la fondatrice de l'association
caritative de soutien à l'Ordre de Malte au Liban, avec ses bracelets en or qui
cliquettent au poignet, fait bien plus princesse qu'amazone de l'humanitaire.
Il faut dire que princesse,
Françoise de Bourbon-Lobkowicz l'est. Il sied d'ailleurs de l'appeler ainsi. À
bientôt 90 ans, cette descendante directe de Saint Louis et Louis XIV
a clairement hérité de la piété de l'un et de la force d'esprit de l'autre.
Petit détail, elle entend mal. «Depuis la violente agression dont j'ai été
victime, je suis de plus en plus sourde.» C'était en 1996, dans les rues de
Paris. Une agression probablement liée au poste d'ambassadeur de l'Ordre
souverain de Malte au Liban qu'occupait alors son époux. Elle fait donc répéter
ses interlocuteurs en riant de ce léger handicap. Françoise de
Bourbon-Lobkowicz rit beaucoup. Elle a pourtant côtoyé le pire.
8 juin 1928 : Naissance à
Paris7 janvier 1960 : Mariage avec le Prince Edouard de Lobkowicz à Notre-Dame
de Paris1979 : Rencontre le pape Jean-Paul II1980 : S'installe au Liban avec
son époux1987 : Crée l'association Malte Liban1990-1995 : Participe à la
délégation du Saint Siège aux Nations Unies à New-York2 août 1995 : Victime
d'une agression à ParisJanvier 2016 : Met en ligne le site de son association
Malte Liban
C'est un matin très tôt, durant
l'Occupation, que son père fut arrêté par les nazis puis déporté au camp de
Dachau, en Bavière. «Il les a tellement insultés qu'ils n'ont pas osé emmener
le reste de la famille», affirme-t-elle en regardant une photo de ses parents
accrochée au mur dans son appartement des beaux quartiers de Paris. «Le prince
de Bourbon est un exemple pour tous, et je dois m'incliner devant une telle
personnalité», écrivit alors son codétenu Léon Blum. Un «rouge» qui complimente
le sang bleu! À la Libération, son père rentre sain et sauf.
«Comme je parlais allemand, je
suis partie avec le Secours catholique en Autriche, car il y avait l'exode des
Hongrois qui fuyaient la révolution de 1956. Et après avoir pris des risques
là, je suis allée à Berlin-Ouest pour soigner ceux qui fuyaient l'URSS.»
L'actuel président du Sénat,
Gérard Larcher, loue «une femme avec une foi exceptionnelle qui a consacré sa
vie aux autres». Quand son mari est nommé au Liban en 1980, elle s'investit
spontanément pour ce pays meurtri. Françoise de Bourbon-Lobkowicz parle
beaucoup du Liban, son pays de cœur, déchiré par la guerre et les
bouleversements régionaux depuis des années.
Elle raconte comment elle a
accompagné son mari sur le terrain pour la construction et le développement des
douze centres médico-sociaux de l'Ordre de Malte. Des centres ouverts à tous,
fidèles à la formule de Pasteur, que l'Ordre de Malte a faite sienne «Je ne te
demande pas quelle est ta race ou ta religion, mais quelle est ta souffrance.»
Dans les récits qu'elle fait avec
passion, les réfugiés affluent, les médicaments manquent, les civils
s'entraident miraculeusement et les balles sifflent. «Quand on a eu une
kalachnikov pointée dans le dos, on en oublie la date», dit-elle, dans une
pirouette, pour justifier un trou de mémoire. Le pape Jean-Paul II, à
l'origine de la nomination de son mari, déclarait que ce pays était un message
au monde entier («La disparition du Liban serait sans aucun doute l'un des
grands remords du monde. Sa sauvegarde est l'une des tâches les plus urgentes
et les plus nobles, que le monde d'aujourd'hui se doit d'assumer», avait-il
notamment déclaré). La princesse l'a pris au pied de la lettre. Elle est
devenue un messager. «C'est impossible de ne pas être sensible à
6000 années d'histoire. Tous les conquérants sont passés là! Quand on
touche à ce pays, on touche aux racines culturelles du monde», tranche-t-elle.
«Évoquer nos religions pour
trouver nos points communs»
En 1987, Françoise de
Bourbon-Lobkowicz crée donc l'association Malte Liban grâce à laquelle elle
récolte des fonds - auprès de donateurs surtout français - pour promouvoir les
opérations de l'Ordre de Malte au Liban au service des pauvres et des malades.
Trente années plus tard, les
résultats sont au rendez-vous: les centres soignent plus de
200.000 personnes par an grâce aux dons de particuliers et d'organisations
comme la Fondation Pierre Fabre ou encore le ministère français des Affaires
étrangères. Françoise de Bourbon-Lobkowicz tient à souligner la diversité de
l'origine des fonds. Elle est très touchée par les plus modestes, accompagnés
de lettres sur lesquelles il est parfois sobrement marqué: «Nous donnons
10 euros. Priez!», mais apprécie évidemment aussi les dons de «gens très
fortunés». «Cela ne suffit jamais», déplore-t-elle cependant.
«Tous les jours, ses
infirmières travaillent voilées avec la croix de l'ordre de Malte sur la
poitrine. Elles en sont très fières !»
Françoise de Bourbon-Lobkowicz
Comme elle est peu prolixe pour
égrener ses propres actes de bravoure, elle qui, aujourd'hui encore, se rend
toujours sur le terrain pour visiter les centres, s'informer de leurs besoins,
témoigner de leur quotidien, il faut interroger l'actuel ambassadeur de l'Ordre
de Malte au Liban et président de l'association, Charles-Henri d'Aragon, pour
en savoir plus. «Ils ont construit ces centres afin de protéger les chrétiens
là où ils étaient le plus menacés, pour recréer du lien avec les autres
communautés, principalement musulmanes.» La princesse aime d'ailleurs parler de
Mme Rabab Sadr, une personnalité chiite très respectée qui gère l'un des
centres près de Cana. «La seule chose qui l'intéresse, c'est d'évoquer nos
religions pour trouver nos points communs. Tous les jours, ses infirmières
travaillent voilées avec la croix de l'ordre de Malte sur la poitrine. Elles en
sont très fières!»
Son engagement, Françoise de
Bourbon-Lobkowicz l'a aussi porté aux Nations unies, entre 1990 et 1995, comme
membre de la délégation du Saint-Siège. «On y voyait très bien le jeu
international contre le Liban», glisse-t-elle. Les mêmes tensions
internationales qui apparurent dans la lutte contre Daech. D'ailleurs, quand
l'État islamique s'approcha d'un centre de l'ordre de Malte, au nord du pays,
«il fallut littéralement ligoter la princesse pour l'empêcher d'y aller»,
assure, sourire en coin, d'Aragon. Elle avait peur pour les autres. Pas pour
elle.
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L'île de Ngor, le refuge de France Gall au Sénégal, perd sa
bienfaitrice (09.01.2018)
VIDÉOS - La chanteuse possédait
une maison sur cette petite île face à Dakar. Elle y avait montré son amour par
sa générosité et son investissement dans des œuvres caritatives. À l'annonce de
son décès, les habitants du village étaient en deuil.
À trois minutes de pirogue de
Dakar, la petite île de NGor, surnommée «NGor la belle», pleurait dimanche la
chanteuse française France Gall, qui y possédait une maison. Les ruelles de
l'îlot de tranquillité face à l'océan Atlantique étaient pratiquement vides.
Dans un quartier résidentiel de
la capitale sénégalaise, son restaurant, le Noflaye Beach, a gardé les volets
baissés. «Pour cause de décès de France Gall, le restaurant est fermé pour deux
jours», indique une affiche. À travers la porte de l'établissement, situé en
bord de mer, le gérant, visiblement ému, refuse de parler aux journalistes.
«C'est trop douloureux», lâche-t-il simplement.
» LIRE AUSSI - France Gall, le destin d'une muse française en dix dates
Abdoulaye Diallo, artiste peintre
qui tient une galerie d'art sur l'île, la connaissait bien. Ensemble, ils avaient
créé l'Association des Amis
de l'île de Ngor, action/école pour venir en aide aux plus
démunis. «Elle était d'une générosité extraordinaire et très discrète. C'était
la première à participer pour faire avancer l'île et pour participer aux
actions caritatives», se souvient-il.
Cette générosité discrète a
beaucoup marqué les habitants de Ngor. Sans jamais revendiquer ses actions,
France Gall s'engageait avec ferveur pour aider les plus démunis. En 2007,
trois classes étaient créées par la chanteuse dans l'école maternelle du
village. Le lundi 8 janvier, au lendemain de son décès, «les élèves lui ont
rendu hommage en chanson», rapporte Samba Diop, pêcheur et guide du village.
En 1987, France Gall rendait déjà
hommage au Sénégal. Écrite par Michel Berger, sa chanson Babacar demeure
aujourd'hui encore l'une des plus appréciées de la chanteuse. Elle est inspirée
d'une histoire vécue par l'interprète de Résiste quand elle
était en mission humanitaire dans le pays.
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elle l'a... Les plus grands tubes de France Gall
Ainsi, c'est l'une des leurs que
pleurent aujourd'hui les habitants de Ngor. «Elle appréciait la qualité des
relations humaines ici; la gentillesse et la tolérance des gens de ce village»,
raconte Joel Mornet son voisin depuis six ans.
Pour l'auteur-compositeur Youssou
N'Dour, France Gall était «une sœur pour nous au Sénégal.» Elle
était celle qui avait «montré et démontré son amour pour le pays, et son
attachement pour la ville de Dakar et pour l'île de Ngor».
Dimanche 7 janvier, le site
d'information Dakaractu titrait dans un dernier
hommage: «France Gall, la Française la plus sénégalaise est décédée».
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Cent femmes défendent la "liberté d'importuner" des hommes
(09.01.2018)
Par Julie
Mazuet | Le 09 janvier 2018
Dans une tribune au Monde,
un collectif de cent femmes - dont l'actrice Catherine Deneuve et l'écrivain
Catherine Millet - s'insurge contre les dérives du mouvement «Me Too».
Il y a eu les révélations
fracassantes sur le producteur américain Harvey Weinstein, la libération de la
parole des femmes à l'échelle mondiale, le mouvement
«Time's Up» lancé par plus de 300 actrices hollywoodiennes en soutien
aux victimes de harcèlement et d'agressions sexuels et la cérémonie engagée
des Golden Globes avec
son dress
code «toutes et tous en noir». Restera, peut-être aussi, la tribune
au Monde d'un collectif de cent femmes qui s'insurge contre
les dérives du mouvement «Me Too».
Cent femmes, parmi lesquelles la
star Catherine Deneuve, la dessinatrice Stéphanie Blake, l'animatrice Brigitte
Lahaie ou encore l'actrice Ingrid Caven (retrouvez la liste ici), ont adhéré à ce long texte, co-écrit par cinq femmes,
et intitulé : «Nous défendons une liberté d'importuner, indispensable à la
liberté sexuelle.»
"Haine des hommes"
«La liberté de dire non à une
proposition sexuelle ne va pas sans la liberté d'importuner», peut-on y lire.
«Nous sommes aujourd’hui suffisamment averties pour admettre que la pulsion
sexuelle est par nature offensive et sauvage, mais nous sommes aussi
suffisamment clairvoyantes pour ne pas confondre drague maladroite et agression
sexuelle.»
Sans renier la «nécessaire» et
«légitime prise de conscience des violences
sexuelles exercées sur les femmes», les adhérentes craignent que cet
affranchissement ne se retourne contre les principales intéressées, à savoir
les femmes. «Nous ne nous reconnaissons pas dans ce féminisme qui, au-delà de
la dénonciation des abus de pouvoir, prend le visage d’une haine des hommes et
de la sexualité», développent les signataires.
"Puritanisme"
Pour continuer la lutte contre
les violences faites aux femmes, sans pour autant tomber dans un «puritanisme»
qui consisterait à enchaîner les femmes à «un statut d'éternelles victimes» et
de «pauvres petites choses» à la merci des hommes, le collectif estime «qu'il
est plus judicieux d’élever nos filles de sorte qu’elles soient suffisamment
informées et conscientes pour pouvoir vivre pleinement leur vie sans se laisser
intimider ni culpabiliser». Quid de nos garçons ?
Les correcteurs de l'édition dénoncent «l'ubérisation» de
leur statut (09.01.2018)
«Sous-salariés», «tarifs
dérisoires»... Les correcteurs du monde de l'édition, soutenus par l'académie
Goncourt, se réunissent ce mardi 9 janvier devant le siège du Syndicat national
de l'édition. Ils dénoncent la précarisation de leur statut.
«Deliveroo de l'édition,
coursiers de la langue française», les correcteurs ont prévu de manifester ce
mardi matin 9 janvier devant le siège du Syndicat national de l'édition (SNE) à
Paris. Ils dénoncent la précarisation croissante de leur statut et exigent la
fin de «l'ubérisation de l'édition».
«Nos conditions de travail sont
extrêmement précaires: travailleurs à domicile, isolés, nous avons le plus
grand mal à faire valoir nos droits», a expliqué à l'AFP Michèle
Fernandez, membre du collectif des correcteurs précaires qui appelle à cette
manifestation. Une incompréhension d'autant plus grande pour les correcteurs,
que, «sans préparateurs, sans correcteurs compétents et formés comme nous le
sommes, les livres ne peuvent être publiés», rappellent ces derniers dans un
communiqué.
Le SNE, organe professionnel
représentatif des éditeurs, a de son côté annoncé lundi 8 janvier qu'une
réunion aurait lieu ce mardi entre la Commission sociale du SNE et les
organisations sociales représentatives pour discuter de «la refonte et la
sécurisation» du statut des travailleurs à domicile dans l'édition de livres.
Le SNE a souligné que quatre réunions sur ce thème ont déjà eu lieu depuis
octobre 2017. «Fruit d'une concertation sérieuse et constructive, ces
discussions devraient permettre une avancée concrète dans l'évolution du statut
des travailleurs à domicile (TAD) dans l'édition de livres», affirme le SNE.
«Nos CDI nous contraignent à une
rémunération fluctuante et à des périodes de chômage imposé non rémunéré et non
indemnisé. Aucune obligation de salaire mensuel minimum n'est faite aux
employeurs», déplorent les correcteurs qui ont lancé une pétition pour dénoncer
leurs conditions de travail. Cette dernière a recueilli plus de 7.500
signatures dont celles de nombreux écrivains et de tous les membres de
l'académie Goncourt.
Longtemps salariés des maisons
d'édition, les correcteurs (au nombre d'environ 700 en France) sont aujourd'hui
poussés vers l'autoentrepreneuriat pour travailler à des tarifs réduits,
dénonce également le collectif.
«Les maisons d'édition nous
laissant sans travail pour le confier à des autoentrepreneurs qui n'ont d'autre
choix que d'accepter des tarifs horaires dérisoires, dans des conditions
relevant du salariat déguisé», explique encore Michèle Fernandez.
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À Bagdad, l'haltérophilie au féminin renverse les clichés
(08.01.2018)
REPORTAGE - La banlieue chiite de
Sadr City est plus réputée pour ses attentats sanglants que pour les exploits
de ses sportives. C'est pourtant dans ce quartier ultraconservateur de Bagdad
qu'une équipe de jeunes filles soulève de la fonte avec à sa tête Huda,
championne d'Irak d'haltérophilie.
À Bagdad
Les mains sont blanchies par la
magnésie, cette poudre qui permet une meilleure prise. Le regard est fixe. Le
visage rougi. Les muscles bandés dans la préparation de l'effort à venir. Elle
expire bruyamment, deux fois, dans l'air déjà saturé de sueur. Crispe le
visage. Un cri. Alors Huda Salem, 20 ans, soulève soixante-dix kilos de fonte.
Sa silhouette massive, musclée, moulée dans un caleçon de sport, se détache sur
les parois du gymnase.
Derrière elle, sur le mur du
fond, des lettres géantes rappellent que «Dieu est le plus grand». Allah akbar,
la devise du drapeau irakien. La scène se passe à Sadr City, banlieue
déshéritée du nord-est de Bagdad. Le quartier est plus renommé pour ses
attentats que pour ses exploits sportifs. Habité quasi exclusivement par une
population chiite, Sadr City est régulièrement visé par des groupes extrémistes
sunnites, comme l'organisation État islamique (EI).
Le quartier est aussi et surtout
un bastion des conservateurs - l'une des rares zones de la capitale irakienne
où les femmes portent systématiquement l'abaya, le voile intégral noir,
par-dessus leur hijab. Ce n'est pas pour rien qu'il s'appelle Sadr City, du nom
du controversé leader politique et religieux Moqtada Sadr, ennemi
juré de l'armée américaine dans les années 2000. Avant 2003, l'endroit
s'appelait «Saddam City», en hommage à Saddam Hussein. Avant cela encore,
«Madinat al Thawra», la ville de la révolution. Mais seuls les vieux s'en
souviennent.
Plus de deux millions de
personnes s'entassent dans cette banlieue délabrée. Alors, entraîner des jeunes
filles à soulever de la fonte, au nez et à la barbe - c'est le cas de le dire -
des interdits sociaux, il fallait oser
Le quartier, construit au début
des années 1960, se voulait un espace de vie moderne, rationalisé, construit
selon un plan en damier et divisé en «secteurs». Raté. Les familles s'entassent
- les conflits successifs ont fait affluer des vagues de déplacés. Des
habitations sauvages - presque des bidonvilles - ont vu le jour. L'électricité
est une vaste plaisanterie, le tout à l'égout, une utopie. Plus de deux
millions de personnes s'entassent dans cette banlieue délabrée. Alors,
entraîner des jeunes filles à soulever de la fonte, au nez et à la barbe - c'est
le cas de le dire - des interdits sociaux, il fallait oser.
Le «Professeur Abbas» entend
garder ses filles sous une autorité incontestée et sans partage. Et, à ce
titre, tient à ce que les athlètes soient célibataires. Être mariée ou fiancée,
c'est incompatible, assure-t-il
L'idée est venue d'un homme.
Originaire du quartier. La cinquantaine, grisonnant, râblé, Abbas Ahmed Abbas a
le visage sévère et des lunettes dont les reflets empêchent de distinguer bien
les yeux. Il les ôte promptement - accès de coquetterie inattendu - si on sort
un appareil photo. Il dirige ses filles d'une main de fer. Pas de numéro de
téléphone - l'appareil en lui-même est admis, pas la carte SIM -, pas de petit
copain, pas d'e-mail ni de réseaux sociaux. «Tout ça, c'est dangereux»,
assène-t-il sans plus d'explication.
Il entend garder ses filles sous
une autorité incontestée et sans partage. Et, à ce titre, tient à ce que les
athlètes soient célibataires. Être mariée ou fiancée, c'est incompatible,
assure-t-il. Une des jeunes filles avoue néanmoins avoir un «amoureux» dont
elle montre furtivement le portrait, loin des yeux et des oreilles de celui
qu'on appelle ici, respectueusement, Ustad Abbas. «Professeur Abbas».
«Au début j'étais entraîneur de
l'équipe nationale masculine d'haltérophilie et, dans ce cadre, je voyageais à
l'étranger», se souvient-il. «Dans les compétitions, je voyais les filles
étrangères, asiatiques, arabes… C'est ça qui m'a donné l'idée de créer une
équipe féminine.» C'était en 2011. Aujourd'hui, il entraîne neuf jeunes femmes
âgées de 16 à 20 ans. Tous les jours sauf le vendredi - jour de repos musulman
-, les athlètes se retrouvent dans une ancienne base militaire reconvertie en
palestre de fortune.
Le salaire de la sueur
Les haltères sont vétustes, les
tatamis élimés, les murs écaillés - sauf celui qui arbore le drapeau national.
Peu ou pas d'aide gouvernementale, même si les athlètes reçoivent un salaire de
l'État - 500 dollars par mois et 700 dollars pour Huda Salem, star de
l'équipe, championne nationale. Elle peut soulever jusqu'à 111 kg en
épaulé-jeté, technique qui consiste à tirer l'haltère depuis le sol jusqu'aux
épaules, puis à la pousser au-dessus de la tête, bras tendus.
Ce record personnel date des Jeux
asiatiques, tenus au Turkménistan en avril 2017. Huda s'y est classée
quatrième dans sa catégorie. «Bientôt, inch'Allah, je soulèverai davantage.»
Avant l'effort, elle crie le nom de l'imam Ali ou de l'imam Hussein, deux
figures centrales de l'islam chiite. «Je les invoque, c'est comme une bénédiction,
une façon de me donner de la force.»
Chacune, ici, est libre de
s'habiller comme elle veut. Libre également de se couvrir ou non la tête
Les filles, toutes originaires de
Sadr City, partagent la salle de sport avec d'autres clubs sportifs du
quartier. Des clubs masculins, donc. Cela ne pose pas de problème. Un vent de
liberté, un rapport serein au corps et au sexe opposé - du moins plus serein
qu'il l'est d'ordinaire dans la société irakienne - semblent prévaloir entre
les murs du gymnase.
Chacune, ici, est libre de
s'habiller comme elle veut - manches longues ou courtes, par exemple. Libre
également de se couvrir ou non la tête. Zohra laisse son chignon à l'air libre
tandis que Khadija arbore un petit bonnet. Deux adolescents - dont le fils
d'Abbas - s'entraînent parfois avec elles. En toute tranquillité. «C'est
normal, c'est le sport. On est ici pour s'entraîner, pas pour autre chose»,
lâche Huda en haussant les épaules, comme pour montrer que la question des
rapports hommes-femmes n'a, ici, que peu d'importance.
C'est pourtant la tendance
inverse qui semble prévaloir dernièrement en Irak. Les femmes y ont vu de facto
leurs libertés restreintes au cours des dernières années. Dernier exemple en
date: en novembre 2017, des députés ont proposé de légaliser le mariage
des fillettes chiites à partir de 9 ans, provoquant un tollé dans le pays et à
l'étranger. La loi actuelle, qui date de 1959, interdit officiellement le
mariage avant 18 ans.
«On va voir les parents, on
leur explique, et ils voient qu'il ne se passe rien de choquant ni de
répréhensible ici»
Abbas Ahmed Abbas, professeur
d'haltérophilie
L'équipe d'Abbas Ahmed Abbas
apparaît comme un ovni dans ce contexte. Une majorité d'Irakiens ignore même
son existence. Mais, à Sadr City, les choses se passent étonnamment bien - la
plupart du temps, du moins. Entraîneur et athlètes connaissent les codes, les
limites à ne pas dépasser. «Les familles des filles sont d'accord pour qu'elles
viennent s'entraîner», explique le coach, même s'il avoue devoir composer avec
les sensibilités du quartier. «On va voir les parents, on leur explique, et ils
voient qu'il ne se passe rien de choquant ni de répréhensible ici.» Abbas a
même un minivan dans lequel il transporte les sportives, de la maison au
gymnase, du gymnase à la maison.
Parfois pourtant, comme
aujourd'hui, Huda rentre à pied avec sa petite sœur Hadeel, 17 ans, elle aussi
membre de l'équipe. Leurs parents habitent à moins de cinq cents mètres de la
salle d'entraînement. Une fois changées, avant de sortir du gymnase, les deux
sœurs au teint cuivré enfilent un hijab et une chemise longue sur leurs jeans.
Rien de plus - pas d'abaya.
Un père, milicien en
survêtement
Sortie dans la rue. Retour à la
réalité. D'immenses panneaux font la promotion de milices chiites. Sur l'un
d'eux, un combattant, la tête couverte de vert émeraude - couleur de l'islam -,
affronte seul une armée indistincte brandissant des drapeaux américains,
britanniques et israéliens. Un peu partout, le visage agrandi de Moqtada Sadr
flotte sur des drapeaux - l'œil torve mais les traits étonnamment poupins sous
l'inévitable turban noir.
La famille Salem habite une
maison de briquettes nues écrasée entre deux autres masures dans une rue de
terre battue. Deux étages, un toit-terrasse. Des colombes qui roucoulent dans
leur cage. Les filles regagnent leur chambre, au premier. Au mur, un ours en
peluche géant rapporté d'une compétition à Doha. Et l'inévitable portrait de
l'imam Hussein, stylisé, beau et tragique, les yeux fardés de khôl rivés à
jamais sur l'écran plat qui, en face, diffuse des clips dignes de MTV - version
monde arabe - que Hadeel regarde passionnément.
Et puis, dans deux boîtes, il y a
les - nombreuses - médailles. Le père des deux sœurs fouille parmi les rubans,
exhibe les récompenses. Salem Ne'am, grand et maigre, la cinquantaine bien
tassée, ne pourrait pas être plus fier de ses filles. Lui-même adore le sport,
il a été entraîneur de football, continue de s'habiller en survêtement, suit
passionnément les matchs - la question classique ici, Real ou Barça, est
rapidement soulevée.
Mais M. Ne'am, à l'image de
l'Irak, est pétri de contrastes. Il est également membre des milices chiites
Hashd al-Shaabi, plus connues pour leurs idées conservatrices que pour leur
soutien au sport féminin. En 2014, il a même pris les armes pour se battre
contre l'EI qui approchait dangereusement de Bagdad, raconte-t-il simplement,
assis par terre dans le salon où son fils cadet sert le thé. La décoration
elle-même est à l'image des nuances de la société irakienne: la pièce est
tapissée de photos de football et de Huda en compétition. Et, collé sur la
porte du frigo, Moqtada Sadr, en version sticker, observe la championne d'un
œil sombre.
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