vendredi 13 octobre 2017

La traite négrière fut pratiquée par les Arabes jusque dans les années 60 (Leni Riefensthal)


La traite négrière pratiquée par les Arabes a perduré jusqu’à une époque fort récente. Voici un témoignage saisissant, que nous trouvons dans les Mémoires de la célèbre cinéaste allemande Leni Riefenstahl, parus en allemand en 1987. Leni Riefenstahl a réalisé, entre autres, ces inoubliables documentaires que sont Le Triomphe de la volonté (1934) et Les Dieux du stade, sur les jeux olympiques de Berlin en 1936.

En 1956, Leni Riefensthal était allée en Afrique pour y tourner un film. Quelques semaines auparavant, elle avait lu dans un journal munichois un article qui l’avait accrochée, titré « Un missionnaire découvre un trafic d’esclaves en Afrique ». Voici ce qu’on pouvait y lire :

« Au bout de longs mois d’un véritable travail de détective, cet ecclésiastique belge a réussi à débusquer une vaste organisation illégale de marchands d’esclaves : chaque année, jusqu’à cinquante mille Noirs sont encore déportés et vendus comme esclaves dans des pays arabes. Le prix d’un Noir en bonne santé et très costaud s’élevait à 1000 dollars américains, variant jusqu’à 2000 dollars ! Les paiements s’effectuent aussi en armes et en munitions. C’est ainsi qu’une femme vaut trois fusils, un homme jeune et fort une caisse de cartouches, un adolescent bien bâti un pistolet ou une baïonnette. 

Des bandes armées de marchands d’esclaves s’infiltrent de nuit dans les villages, pénètrent dans les cases, capturent les habitants terrorisés. Le tri de la “marchandise” a lieu immédiatement, sur place : les enfants, les malades et les personnes âgées sont laissées au village alors que les prisonniers vendables sont enchaînés les uns aux autres par les pillards d’hommes, poussés et bousculés comme un troupeau de bovins. On abat sans pitié celui qui tombe d’épuisement. Le centre de ce trafic de chair humaine est situé dans la montagne du Tibesti, une région escarpée inatteignable en voitures et en camions, à la frontière entre la Libye et l’ancienne Afrique Équatoriale Française. C’est là qu’aboutissent les caravanes des trafiquants d’esclaves et leur “ivoire noir”, en provenance du Tchad, du centre du Maroc, de l’Ouganda, du Soudan. Là, les acheteurs, les “grossistes”, ont tous la peau blanche. On dit que beaucoup d’entre eux sont des déserteurs de la Légion Étrangère. Leurs cargaisons humaines sont ensuite transférées de nuit par des pistes secrètes jusqu’à la mer Rouge, à pieds ou sur des camions. De là, embarquement vers l’Arabie sur des daus de mariniers arabes qui attendent  dans des criques abritées des regards. » (Mémoires de Leni Riefenstahl, 1987, Grasset, 1997, pp. 525, 526).

L’article bouleversa Leni Riefenstahl, qui écrivit alors à la Société anti-esclavagiste de Londres pour en savoir davantage : « J’appris par exemple que l’esclavage continuait aussi d’être pratiqué en Éthiopie, alors qu’il y avait été aboli par une loi punissant la vente d’êtres humains de la peine capitale. Beaucoup des Noirs qui tombaient aux mains des trafiquants d’esclaves croyaient en fait se rendre avec eux en pèlerinage à la Mecque – c’est ce qu’on leur avait fait croire au départ. Ils ne se rendaient compte que trop tard de leur affreuse destinée. Le pire leur était réservé pendant la traversée de la mer Rouge. Parqués tous ensemble en fond de cale dans les rafiots arabes, dissimulés sous des brassées de branches de mangroves et enchaînés par les pieds et les mains, ils étaient lestés par avance avec des pierres, pour couler à pic au cas où il faudrait se débarrasser d’eux :  ils étaient rejetés à la mer par des écoutilles spéciales dès que le bateau se trouvait pris en chasse ou stoppé par des vedettes de la police anglaise. « Nous n’avons encore jamais réussi  à prendre sur le fait un seul de ces bateaux d’esclaves, m’a expliqué par la suite un officier de police anglais. Dès que nous mettons le pied sur un de ces daus arabes, les criminels font fonctionner sans hésiter leurs écoutilles qui tuent. Nous arrivons toujours trop tard. » (page 526).

Leni Riefenstahl partit alors pour l’Afrique en décembre 1955, afin de réaliser un film, La Cargaison nègre. Voici ce qu’elle écrit (pages 544-545) :

« Dans notre film, le casting des rôles d’esclaves était particulièrement important. Il nous fallait de grands Noirs très musculeux, car plus la “marchandise” était musclée, plus le gain était élevé pour les trafiquants. Je m’étais imaginée que l’attribution de ces rôles serait très facile ; la réalité fut toute différente. Les indigènes d’Afrique de l’Est sont le plus souvent minces, et mêmes maigres : il n’y a qu’à voir les Massaïs, les Sambourous, les Tourcanes, etc. Les marchands d’esclaves se choisissaient plutôt leur “matière première” au Congo, au Soudan et en Afrique centrale.

Certains des policiers que j’avais aperçus dans les rues à Nairobi et à Mombassa correspondaient au type d’hommes que je recherchais, par leur haute taille et leurs corps massifs. J’avais engagé la conversation avec plusieurs d’entre eux, et découvert à mon grand étonnement qu’aucun d’entre eux n’était originaire du Kenya ou du Tanganyika. Ils provenaient à peu près tous de la même région : un petit village près du lac Victoria, non loin de la frontière ougandaise. La plupart appartenait à l’ethnie yalao.

Comme je n’avais trouvé à Lamou personne qui fût apte à interpréter un de mes rôles d’esclaves, je me décidai à partir en avion jusqu’à la frontière ougandaise en compagnie d’un Arabe traducteur, le fils du maire de Lamou. Je voulais aller examiner mes éventuels acteurs de plus près. Ce voyage allait se révéler une des aventures les plus excitantes que j’aie vécues en Afrique.

Le pilote anglais fit escale à Malindi pour se ravitailler et déjeuner. Comme j’entraînais notre interprète Abdullah avec nous, l’Anglais s’y opposa énergiquement : « Non, l’Arabe ne peut pas venir déjeuner avec nous. S’il passe la porte de l’hôtel, le patron l’abattra. »

Indignée et incrédule, je le laisser éructer. Abdullah me toucha le bras, et murmura : « Miss Leni… Nous autres, Arabes, nous sommes habitués à être traités de cette manière. Allez au restaurant de l’hôtel avec le pilote, il y a ici un petit boui-boui arabe où on m’acceptera. » Ecœurée, je déclarais tout de go au pilote qu’il pouvait bien y aller tout seul, dans son hôtel. Puis je lui tournai le dos, pris Abdullah par le bras, et partis déjeuner avec lui.

J’étais complètement remontée par cet incident. Abdullah avait déjà effectué plusieurs années d’études universitaires à Mombassa et allait conclure son doctorat au Caire. Il me parla du délire chez certains Anglais d’appartenance à une classe supérieure. Je compris alors pourquoi Six, à l’époque, n’avait pas voulu faire monter les deux Massaïs dans sa voiture. Cette rencontre avec le jeune étudiant arabe scella une amitié qui dure encore aujourd’hui.

L’avion pouvait nous emporter de Kissoumou au lac Victoria, où nous prîmes des informations sur les villages où vivent les Yalaos. Pas de piste d’atterrissage plus loin. Laissant le pilote à Kissoumou, nous louâmes alors une voiture, Abdullah et moi, pour traverser une zone de brousse africaine très dense. Ce que je vécus en traversant les villages me bouleversa comme une tragédie : en apercevant Abdullah, les Noirs s’enfuyaient pris de panique. Ils nous prenaient tous deux pour des trafiquants de chair humaine. Il ne me restait plus qu’à le confier à un chef de tribu, et à tenter ma chance toute seule. »

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