Colis piégés
en Grèce: un suspect arrêté (28.10.2017)
Mogadiscio:
double attentat à la voiture piégée (28.10.2017)
"Affaire
Théo": 300 personnes rassemblées à Bobigny (28.10.2017)
François d'Orcival
: «Là où l'État s'efface, le salafisme menace» (27.10.2017)
Ces
djihadistes français en Syrie qui touchaient encore leurs allocations sociales
(26.10.2017)
Turquie :
Osman Kavala, condamné au silence (27.10.2017)
À Gaza, le
chef des services de sécurité du Hamas échappe à une tentative d'assassinat
(27.10.2017)
Au Maroc,
les feux mal éteints d'al-Hoceima (27.10.2017)
Les soldats
du futur se préparent pour le «champ de bataille 3.0» (27.10.2017)
La Belgique
a demandé à la France la remise temporaire de Salah Abdeslam (27.10.2017)
Les préfets
face au casse-tête de la rétention des clandestins (28.10.2017)
Gilles Kepel
: «Le procès Merah, une radiographie de la contre-société salafiste»
(26.10.2017)
Olivier
Corel, Fabien Clain, Sabri Essid… les ombres fuyantes du procès d'Abdelkader
Merah (26.10.2017)
Chez les
Merah, laboratoire de la haine (26.10.2017)
Retour sur
les quatre semaines du procès d'Abdelkader Merah
L'islam
radical à l'assaut de l'entreprise (27.10.2017)
Guillaume
Perrault : «Parisiens, fuyons la capitale !» (26.10.2017)
Éric Zemmour
: «Derrière la campagne contre les porcs, c'est la porcherie qui flambe et que
l'on nous cache» (27.10.2017)
Mathieu
Bock-Côté : «Mon niqab au Canada» (27.10.2017)
Quand la
France se réchauffera : tout ce qui va changer dans nos vies (27.10.2017)
Guet-apens
contre la police à Sevran: 7 jeunes écroués (28.10.2017)
Police de
sécurité du quotidien : Collomb lance la «grande concertation» (28.10.2017)
Natacha
Polony : «Du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes» (27.10.2017)
Carles
Puigdemont, l'idéologue prêt à tout pour l'indépendance (27.10.2017)
Catalogne :
«Un risque d'affrontements dans les prochaines semaines»
Colis
piégés en Grèce: un suspect arrêté (28.10.2017)
La police grecque a annoncé samedi
l'arrestation d'un premier suspect, un Grec de 29 ans, dans l'affaire des colis
piégés ayant
ciblé au printemps les créanciers du pays, dont l'un avait blessé l'ancien
premier ministre et banquier central, Lucas Papademos. Intercepté dans la
matinée alors qu'il sortait d'un appartement loué sous un faux-nom dans le
centre d'Athènes, l'homme transportait notamment deux pistolets 9 mm, un
mécanisme de mise à feu à retardement, "des susbtances explosives et de la
poudre" et "divers matériaux de fabrication d'engins à retardement",
a précisé la police. Le suspect était connu des services de police pour
militantisme anti-autoritaire, selon une source policière.
Premier ministre entre 2011 et 2012,
au plus fort de la résistance du pays à la cure d'austérité imposée par l'Union
européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI), M. Papademos, 69
ans, avait été blessé le 25 mai par l'explosion d'une lettre piégée qu'il avait
ouverte alors qu'il circulait en voiture à Athènes. Cet attentat, non
revendiqué jusqu'à présent, suivait l'envoi en mars de paquets piégés au
ministère allemand des Finances et au bureau du FMI à Paris dont une employée
avait été légèrement blessée.
La Conspiration des Cellules de feu,
un groupe anarchiste grec, avait revendiqué l'envoi à Berlin et les enquêteurs
français lui ont imputé celui de Paris. Huit autres envois piégés -adressés
notamment au commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici et
au chef de file d'alors de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem- avaient été
interceptés dans la foulée dans un bureau de poste athénien.
Le groupe Conspiration des Cellules de
feu avait dans sa revendication affirmé agir dans le cadre d'un plan
"Nemesis" (justice en grec) visant "le système de pouvoir".
Le groupe, dont une dizaine de membres -la plupart très jeunes- purgent de
lourdes peines de prison, figure sur la liste des organisations terroristes
établie par Washington.
Mogadiscio:
double attentat à la voiture piégée (28.10.2017)
Au moins 14 personnes ont été tuées
samedi dans l'explosion à intervalle rapproché de deux véhicules piégés près
d'un hôtel du nord de la capitale somalienne Mogadiscio, où des coups de feu
ont aussi été entendus. Des tirs sporadiques ont toujours lieu, et deux
combattants islamistes shebab semblent se trouver à l'intérieur de l'hôtel Nasa
Hablod. Un haut responsable de la police et un ancien député figurent
parmi les victimes.
"Une voiture piégée a explosé à
l'entrée de l'hôtel Nasa Hablod et des coups de feu ont suivi. Nous n'avons pas
les détails, mais cela ressemble à une attaque coordonnée. Un minibus piégé a
aussi explosé à un carrefour proche", a expliqué un responsable de la
police.
Des témoins ont confirmé que des coups
de feu avaient suivi les deux explosions. Mais la zone était bouclée par les
services de sécurité, et il n'était pas possible de déterminer si des hommes
armés avaient pénétré dans l'hôtel. Les militants islamistes shebab ont pour
habitude de faire exploser des véhicules piégés à l'entrée d'hôtels ou de
bâtiments publics, avant de lancer un commando à l'intérieur pour faire le
maximum de victimes.
"Affaire
Théo": 300 personnes rassemblées à Bobigny (28.10.2017)
Environ 300 personnes se sont
rassemblées samedi à Bobigny pour demander "justice pour Théo", en
présence du jeune
homme gravement blessé lors de son interpellation à Aulnay-sous-Bois, et
pour "toutes les victimes de violences policières". "On attend
tous la justice de pied ferme", a lancé au mégaphone Théo, debout sur une
petite tribune installée dans un parc à quelques mètres du tribunal.
"Si je suis venu aujourd'hui,
c'est pour vous dire que, Dieu merci, je vais bien. Je peux encore vous
remercier. Il y en a d'autres qui ne peuvent pas le faire", a-t-il lancé.
"Il y en a qui sont partis dans des circonstances assez bizarres, d'autres
qui sont partis sous les coups de la police. Aujourd'hui, il y en a encore qui
sont frappés mais qui ne sont pas filmés, voilà pourquoi je dois m'exprimer en
leur nom", a-t-il ajouté.
On est "devant le tribunal de
Bobigny" pour "rappeler qu'on est toujours là, en attente de justice,
et qu'il faut que justice soit faite pour Théo et pour tous les autres", a
déclaré Mickaël, le frère de Théo, citant notamment les cas de Zyed et Bouna,
deux adolescents morts dans un transformateur électrique il y a douze ans
presque jour pour jour (27 octobre 2005), et Adama Traoré, mort lors de son
interpellation l'été dernier dans le Val-d'Oise.
"Quand on dit que la France est
le pays des droits de l'homme, c'est tous les hommes", a lancé la soeur de
Théo, Eleonore: "Il y a les agresseurs et les victimes. Quel que soit le
statut des personnes, l'uniforme n'est pas un bouclier d'invulnérabilité".
Dans la foule, des panneaux dénonçaient "l'impunité policière" ou
clamaient "La vie des noir.e.s compte".
Poitiers: une salariée d'un centre
social tuée
Une Guinéenne de 20 ans a été placée
en garde à vue, soupçonnée d'avoir tuée samedi à l'arme blanche une salariée
d'un centre d'accueil pour femmes à Poitiers. Les faits se sont déroulés vers 8
h 45 au sein du centre d'accueil pour femmes avec enfants "Cécile et
Marianne" géré par le département de la Vienne.
La suspecte, qui était hébergée dans
le centre avec sa fille, a été placée en garde à vue pour "homicide
volontaire".
La salariée, âgée de 39 ans,
originaire de Charente et sans enfant, vivait maritalement avec son compagnon
et ses deux enfants, selon un communiqué du conseil départemental.
"Les services de l'aide sociale à
l'enfance avaient effectué vendredi un signalement de cette personne pour mise
en danger de sa fille. Le juge a maintenu la jeune femme et sa fille dans le
lieu de vie", a précisé le département.
François
d'Orcival : «Là où l'État s'efface, le salafisme menace» (27.10.2017)
CHRONIQUE - Les
préfets chargés de sélectionner les villes candidates pour tester la police de
sécurité du quotidien doivent accorder la priorité à celles qu'il faut
reconquérir.
La police de sécurité du
quotidien? Trente
villes y sont déjà candidates pour servir de test. Un conseil aux préfets
chargés de la sélection: qu'ils accordent la priorité aux villes à reconquérir
- par exemple Garges-lès-Gonesse (42.000 habitants), en limite du Val-d'Oise et
de la Seine-Saint-Denis où le taux de délinquance, notamment avec le trafic de
stupéfiants dans ses «quartiers sensibles», est en train d'y incruster le
salafisme. Qui y prend garde?
Garges-lès-Gonesse, son taux de
chômage, son taux de délinquance, son trafic de stupéfiants…
Il suffit pourtant d'examiner ce qu'il
s'y est passé aux législatives de juin dernier pour le comprendre. Dans une
commune gérée par la droite, un professeur d'histoire-géographie, Samy Debah,
crée la surprise. Il se présentait pour la première fois, sans étiquette, avec
un programme aussi neutre que possible (combattre le chômage, promouvoir
l'école). Au premier tour, il arrive en tête, chez lui, à Garges (devant le
maire de Sarcelles et député PS de la circonscription, François Pupponi), il
devance les candidats de La France insoumise, du FN, du PCF. Au second tour, il
reste premier, à plus de 55 %! Battu par Pupponi dans le reste de la
circonscription, il proclame: «C'est une défaite qui a le goût de la victoire!»
À quoi doit-il son succès local? À sa véritable étiquette, celle de fondateur
du Collectif
contre l'islamophobie en France (CCIF), qui n'est autre que le cœur du
recrutement salafiste. Voilà la clé.
La population de Garges-lès-Gonesse a
quadruplé dans les années 1960-1980 ; le tiers de ses habitants ont
aujourd'hui moins de 20 ans, les deux tiers de ces enfants sont nés de
parents étrangers. Ses quartiers datent de la «république des grands
ensembles». Pendant cinquante ans, le PC tint tout, avec ses employés
municipaux, ses réseaux associatifs et culturels. En 1995, à bout de souffle,
il céda la commune à la droite. Une forte communauté musulmane s'était
implantée dans les quartiers (trois mosquées, deux lieux de prière) ; les
modérés qui s'en occupaient allaient être chassés par des radicaux qui se
substituaient aux communistes d'autrefois: éducation populaire, culturelle,
sportive, etc. Voilà pourquoi Samy Debah a pu dire, en juin dernier: «On
est dans une dynamique extraordinaire qu'on va développer dans l'avenir…» Là où
la République s'efface, le salafisme menace.
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Ces
djihadistes français en Syrie qui touchaient encore leurs allocations sociales
(26.10.2017)
Depuis 2008, un groupe entier de la
Brigade criminelle s'est spécialisé dans la traque du financement de l'État
islamique.
Frapper les djihadistes au
portefeuille pour mieux les faire tomber, un peu à la manière des barons de la
drogue ou des «figures» de la prohibition d'antan. Terriblement efficace, l'attaque
de l'islam radical et de ses réseaux sous l'angle financier est devenue l'un
des points forts de l'antiterrorisme. Depuis 2008, un groupe entier de la
Brigade criminelle travaille sur cette matière sensible et donne des résultats.
Venant en appui des sections antiterroristes dès le stade des perquisitions,
ces spécialistes de l'escroquerie, des abus de confiance de la banqueroute ou
encore des abus de biens sociaux passent au peigne très fin les facturettes,
les mandats, les bilans comptables et autres copies de chèques. Objectif:
utiliser toutes les techniques d'enquêtes pour trouver du renseignement.
«Daech ne peut plus rétribuer ses
combattants comme avant (...). Les familles et les entourages restés en France
sont donc sollicités pour faire acheminer de l'argent frais»
Stéphane, chef du groupe financier de
la Brigade criminelle
«Quand un individu rejoint une
filière, il coupe son téléphone, achète des billets et vide son compte car,
dans son esprit, il s'agit d'un départ sans retour», témoigne Stéphane, chef du
groupe financier dont le maître mot est: «suivre l'argent». Les fils sont
d'autant plus intéressants à tirer depuis la France que Daech est devenu
exsangue.
«En pleine déroute dans les zones de
combat, l'État islamique n'a plus de revenus propres depuis qu'il a perdu la
main sur le commerce du coton et du pétrole, décrypte ce policier en col blanc.
L'organisation ne peut donc plus rétribuer ses combattants comme avant alors
que ceux-ci doivent payer toujours leurs logements, leur nourriture et même
leur équipement. Les familles et les entourages restés en France sont donc
sollicités pour faire acheminer de l'argent frais.»
Les policiers ont débusqué des
escroqueries à la vente par correspondance, des kits permettant de fabriquer de
faux dossiers de crédit à la consommation, un peu à la manière d'Amedy Coulibaly, le tueur de l'Hyper Cacher, qui
avait financé l'achat de son arsenal en montant un dossier chez Cofidis. À
la faveur de recherches plus poussées, ils se sont aussi aperçus qu'environ
20 % des combattants français identifiés sur zone continuaient à recevoir
des allocations sociales. «Munis de leurs cartes avec photos, des parents
percevaient les fonds venant de Pôle emploi ou de la caisse d'allocation
familiale avant de les envoyer par mandat en direction des zones de combats via
la Turquie notamment», note Stéphane.
Un réseau international de collecteur
de fonds
Selon nos informations, 420 virements
frauduleux ont été mis au jour en 2016. Explorant le filon financier, le groupe
spécialisé de la Brigade criminelle a débusqué une tentaculaire affaire
internationale de collecteurs de fonds servant à financer l'État islamique.
Devant l'ampleur du dossier, la Direction générale de la sécurité intérieure
(DGSI), de la Sous-direction antiterroriste (Sdat), de l'Office central en
charge de la grande délinquance financière (Ocrgdf) mais aussi d'Europol ont
été aussi sollicités. Agissant dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte
depuis novembre 2015, les policiers ont identifié pas moins de 210
collecteurs turcs mais aussi libanais.
Au total, le trafic porterait sur un
montant global plus de 2 millions d'euros, dont 500.000 euros
seraient partis de France entre mi-2012 et mi-2017. Selon un dernier pointage,
190 expéditeurs français ont été identifiés. Depuis lors, l'Europe s'est
organisée pour donner l'alerte en cas de transfert de fonds suspects. Pour les
aides indûment obtenues, les policiers ont fait en sorte de couper le robinet
en communiquant aux organismes sociaux abusés le nom des bénéficiaires ayant
disparu du territoire national. Plus que jamais, ils pensent que le trépas de
Daech passera aussi par l'organisation de son asphyxie financière.
» À voir aussi:
Retrouvez l'intégralité de notre
dossier:
Turquie
: Osman Kavala, condamné au silence (27.10.2017)
Cet homme d'affaires turc a été arrêté
le 18 octobre dernier pour des motifs inconnus et est interrogé par la police
antiterroriste du président Erdogan. Mécène attentif aux multiples identités
qui forment la Turquie, il oeuvrait pour faire connaître le génocide arménien
dans son propre pays.
Notre correspondante à Istanbul
Sa grandeur d'esprit est à la hauteur
du désarroi qui secoue la société civile depuis son arrestation. «Osman Kavala
n'a jamais cessé de travailler en faveur de la réconciliation, du dialogue et
pour le soutien de l'Etat de droit en Turquie», avance Emma Sinclair-Webb, de
l'association Human Rights Watch. Mercredi 18 octobre au soir, le célèbre
mécène turc aux boucles rousses et aux yeux bleus venait d'atterrir à
l'aéroport Atatürk d'Istanbul quand la police est allée le cueillir dans
l'avion pour l'escorter jusqu'au siège de la section antiterroriste. Placé en
garde à vue, il ne sait toujours pas ce qui lui est reproché. «L'enquête reste
secrète», précise son avocat. Une perquisition a également eu lieu au siège de
sa fondation, Culture Anatolie (Anadolu Kültür), et son ordinateur a été
confisqué. Encore sous le choc, son épouse ose croire à un «malentendu» et
prêche la discrétion.
«Cette détention arbitraire illustre,
la dérive fascinante du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan qui cherche à
intimider tous ceux qui ont une orientation différente de la sienne.»
Frank Engel, député européen
«Je ne suis malheureusement pas
surpris», tranche le député européen Frank Engel en référence à la vague de
purges et d'arrestations qui ébranle le pays depuis le
putsch raté du 15 juillet 2016. «Cette détention arbitraire illustre,
dit-il, la dérive fascisante du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan qui
cherche à intimider tous ceux qui ont une orientation différente de la sienne.»
D'Osman Kavala, rencontré à Istanbul le 12 avril 2015 lors des
commémorations du centenaire dugénocide
arménien, il garde en mémoire «un homme extrêmement ouvert et généreux»
qu'il écouta défendre avec sensibilité un fait historique que les autorités
turques ont toujours nié. «En fait, aucune cause ne lui échappe», poursuit-il.
L'homme d'affaires hyperactif avait ouvertement soutenu, en 2013, les
manifestations de Gezi contre la destruction d'un parc en faveur d'un
projet immobilier. Plus récemment, au printemps 2017, il avait appelé à
boycotter le référendum sur le
renforcement des pouvoirs du Président. Passionné
d'art, Osman Kavala est aussi le directeur de Depo, une ex-fabrique de tabac
transformée en salle d'exposition. Cette semaine, un séminaire sur
l'intégration des petits réfugiés syriens dans le système éducatif turc devait
y avoir lieu. Quant à la question kurde, elle ne lui a jamais échappé. «Il
revenait justement de Gaziantep, dans le sud-est du pays, dans le cadre d'un
projet mené en partenariat avec l'Institut Goethe, quand il a été arrêté»,
précise le député.
Un tournant inquiétant
Né à Paris en 1957, Osman Kavala
incarne une Turquie ouverte sur le monde et occidentale que l'AKP (le parti
islamo-conversateur au pouvoir) entend aujourd'hui façonner à son image. C'est
après des études à Manchester qu'il était revenu à Istanbul à la mort de son
père, en 1982, pour piloter l'entreprise familiale. Fervent défenseur du
patrimoine de son pays, et de sa diversité culturelle, il avait alors cofondé
la maison d'édition Iletisim et n'a, depuis, jamais cessé de soutenir la
reconstruction de monuments historiques, y compris des églises arméniennes. Une
curiosité d'esprit et un sens de l'altruisme qui tranchent avec l'image que
donnent de lui les médias progouvernementaux: qualifié de «Soros rouge» par le
quotidien Günes, en allusion au philanthrope américain d'origine
hongroise (dont le nom est associé aux fameuses «révolutions de velours»), il
serait, prétend le journal pro-AKP Yeni Safak, «la figure clé du
financement du terrorisme». Ces derniers jours, une pléthore d'articles
l'accusent, pêle-mêle, d'avoir financé Gezi, flirté avec les
pro-Gülen (en référence au commanditaire présumé du putsch raté) et
donné de l'argent au PKK. «Ces accusations sans fondement entrent dans la
triste logique complotiste de la construction d'un ennemi public. Elles sont,
aussi, un message adressé aux autres ONG», estime Frank Engel. «Son arrestation
marque un tournant inquiétant dans la répression du mouvement de défense des
droits de l'homme en Turquie», se désole son ami Benjamin Abtan, président
d'European Grassroots Antiracist Movement (Egam).
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À
Gaza, le chef des services de sécurité du Hamas échappe à une tentative
d'assassinat (27.10.2017)
Tawfik Abou Naïm a été blessé vendredi
après-midi par l'explosion de sa voiture alors qu'il sortait d'une mosquée.
Correspondant à Jérusalem
Les lésions semblent légères mais l'affront
est cinglant. Tawfik Abou Naïm, chef des services de sécurité intérieure du
Hamas dans la bande de Gaza, a été blessé par l'explosion de son véhicule près
de la mosquée Abou al-Hussein, en lisière du camp de réfugiés de Nusseirat,
vendredi après la prière de la mi-journée. Rapidement évacué vers l'hôpital
al-Shifa, il a reçu dans l'après-midi la visite de plusieurs responsables
politiques dont le chef du mouvement islamiste, Ismaïl Haniyeh.
Le leader du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a
rendu visite à Tawfik Abou Naïm, à l'hôpital de Gaza, peu après l'explosion de
son véhicule. - Crédits photo : Handout ./REUTERS
Sur des photos prises à cette
occasion, il semble avoir été atteint par des éclats aux bras, à la tête et au
dos. Le ministère de l'Intérieur a dénoncé une «tentative d'assassinat manquée»
tandis que le Hamas dénonçait «un acte lâche perpétré par des ennemis du peuple
palestinien».
L'attaque menée contre ce proche
de Yahya Sinwar, nouvel homme fort du Hamas à Gaza, intervient
alors que le mouvement traverse un période de forte turbulence. Isolés et
affaiblis par le blocus israélo-égyptien, ses dirigeants se sont résignés le 17
septembre dernier à remettre les clés de l'enclave qu'ils contrôlent depuis dix
ans à l'Autorité palestinienne (AP) de Mahmoud Abbas.
» LIRE AUSSI - Gaza: le Hamas fait un pas en
direction de Mahmoud Abbas
Celle-ci doit en principe reprendre le
contrôle des trois points de passage vers Israël et l'Egypte en milieu de semaine
prochaine. Les habitants de l'enclave espèrent que ce transfert de compétence
sera rapidement suivi d'une amélioration de la situation humanitaire. Mais
certaines voix reprochent au Hamas d'avoir capitulé un peu vite alors que le
président Abbas reste très évasif sur la levée des restrictions imposées ces
derniers mois dans l'espoir de le faire céder.
Le Hamas déjà victime de djihadistes
Âgé d'une cinquantaine d'années,
Tawfik Abou Naïm a longuement séjourné dans les prisons israéliennes avant
d'être relâché en 2011 dans le cadre de l'accord sur la libération du soldat
israélien Gilad Shalit. De retour à Gaza, il s'est imposé dans l'orbite de
Yahya Sinwar et compte parmi les principaux acteurs du récent rapprochement avec l'Egypte. Résolu à tenir la
bride courte aux salafistes djihadistes qui prolifèrent dans l'enclave, il a
annoncé en mai 2016 le renforcement des contrôles à la frontière avec la
péninsule du Sinaï afin d'empêcher la circulation des combattants affiliés à
l'Etat islamique. «Nous n'accepterons jamais que notre territoire serve de base
arrière à ceux qui attaquent nos frères égyptiens», avait alors prévenu Tawfik
Abou Naïm, confiant vouloir écrire «une nouvelle page» dans la relation entre
le mouvement islamiste et son puissant voisin.
Le fait que le Hamas n'ait pas
immédiatement accusé Israël après la tentative d'assassinat perpétrée vendredi
midi est, en soi, révélateur. Les dirigeants du mouvement n'ignorent pas que
l'arrestation de nombreux salafistes djihadistes au cours des derniers mois a
créé un fort ressentiment. Une partie de la population de la bande de Gaza,
déçue par l'incapacité du mouvement islamiste à améliorer leur situation
matérielle ainsi qu'à vaincre Israël par les armes, se laisse séduire par le
discours encore plus radical des djihadistes. Le 17 aôut dernier, un membre de
la branche militaire du Hamas a été tué par la ceinture d'explosifs portée par
l'un d'entre eux à Rafah, dans le sud de l'enclave, alors que celui-ci tentait
de s'infiltrer en Egypte. L'attentat, sans précédent, avait aussitôt été
dénoncé par les brigades Ezzeddine al-Qassam comme «le fruit d'une pensée
tordue qui n'a rien à voir avec notre idéal de résistance».
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Au
Maroc, les feux mal éteints d'al-Hoceima (27.10.2017)
REPORTAGE - La mort effroyable d'un
vendeur de poisson, il y a un an, avait entraîné une vague de contestation qui
perdure.
Al-Hoceima
Le port d'al-Hoceima est désert. En
raison du temps et d'un mouvement de grève, les chalutiers sont à quai. Deux
petits étals proposent quand même la pêche de quelques marins sortis braver les
averses et la houle. «Crevettes, soles, rougets, calamars: poisson frais,
poisson d'aujourd'hui», lance un vendeur à quelques habitués. «Mouhcine Fikri?
C'était un type bien. Que Dieu le garde», dit le commerçant, en mémoire de cet
homme de 31 ans, mort à quelques kilomètres de là, il y a un an, le
28 octobre 2016. Son décès, survenu dans des circonstances terribles, a
lancé une
révolte qui ne s'est toujours pas apaisée.
«Le 28, on va baisser nos rideaux et
descendre dans la rue, c'est un devoir. Ceux qui sont en prison en ce moment
pour le peuple, on leur doit bien ça»
Yassinen un commerçant
En octobre et en novembre, pendant
deux mois, la pêche à l'espadon est théoriquement interdite. Mais dans les
faits, le commerce de l'espèce menacée battait son plein l'année dernière, et
des pêcheurs aux officiels, tout le monde y trouvait son compte. En cette nuit
menant au 29 octobre, les forces de l'ordre saisissent pourtant les poissons de
Mouhcine Fikri et les jettent dans un camion à benne pour les détruire. Entre
les policiers et les pêcheurs, les esprits s'échauffent. Dans la mêlée,
Mouhcine Fikri se jette dans le camion benne pour tenter de récupérer son
précieux chargement. Le
mécanisme est déclenché, il meurt broyé. Son supplice émeut al-Hoceima,
ville enclavée du nord du Maroc, frappée par le chômage et où
la débrouille, plus ou moins légale, est un impératif de vie. Mais dans la
cité et au-delà, le destin de Mouhcine est surtout perçu comme une
nouvelle illustration de la hogra, le mépris, qui frappe les habitants du Rif,
cette région à l'histoire frondeuse.
Sur le deuil et la colère naît un
mouvement de contestation, le hirak. Nasser Zefzafi, un chômeur de 39 ans,
l'incarne rapidement. Cet enfant du pays, très populaire, porte fort la voix
des habitants, leurs revendications économiques et sociales. Toute l'année est
émaillée de manifestations, certaines dégénérant en affrontements très
violents.
Les annonces de chantiers se
multiplient, les mosquées sont sollicitées dans
la remise au pas, lorsqu'un imam dénonce la contestation dans son très
officiel prêche du vendredi, le bouillant Zefzafi lui arrache le micro et
s'écrie: «Est-ce que les mosquées sont faites pour Dieu ou pour le makhzen?»,
un terme qui désigne les autorités. Quelques
jours plus tard, il est arrêté, beaucoup d'autres militants suivront, de
simples sympathisants aussi. Lors du ramadan à al-Hoceima, et dans les villages
alentour, manifestations et marches sont quotidiennes. Certaines tournent mal,
les arrestations se poursuivent.
Réponse sécuritaire
Un an après la mort de Mouhcine Fikri,
ce n'est pas seulement son supplice, mais tout le film de cette année que les
habitants d'al-Hoceima se rembobinent. Du côté des autorités, on veut montrer
que la réponse sécuritaire implacable s'accompagne d'une fermeté envers les
décideurs. Le roi Mohammed VI a limogé ce mardi trois ministres et
d'autres responsables. En cause, les errements et retards d'«al-Hoceima phare
de la Méditerranée», ce gigantesque plan de développement lancé en 2015 et non
abouti. La Cour des comptes s'est saisie du dossier.
Un nouveau gouverneur a été nommé fin
juin, des fonctionnaires ont été remerciés, les projets endormis ont repris ou
dépassent enfin le stade du cahier des charges. Dans la rue, de grands panneaux
annoncent ici un théâtre et un centre de musique, là une résidence. Et la
région devrait avoir enfin son université: les sites possibles sont en
discussion. Les rues résonnent du bruit du marteau-piqueur, on doit contourner
des tuyaux posés sur les trottoirs: les canalisations sont en pleine réfection.
Perché en haut d'une colline, le
centre d'oncologie a cristallisé toutes les frustrations, illustrant
parfaitement le dialogue de sourds entre les autorités et les habitants. Le
centre existait bien avant, mais sous-équipé. Aujourd'hui, le scanner 3D arrivé
en juillet fonctionne: «Le voilà, on l'a attendu longtemps, commente le Dr Abdallah
Eissa, radio-oncologue, on peut maintenant traiter des cancers de la sphère
ORL, digestifs, de la prostate… Avec cette technique, il est possible d'agir de
manière très localisée sans endommager d'autres organes.» Habiba El Jarmouni
apprécie: sa fille, désormais décédée, ayant souffert d'un cancer du poumon à
17 ans, elle a dû pendant toute sa maladie la conduire à Casablanca pour ses
traitements, un périple d'au moins dix heures de route. «Et moi j'avais les
moyens. Ce scanner, c'est une vraie amélioration pour ceux qui devaient se
déplacer à Fès ou à Oujda. Le hirak, c'est positif, c'était programmé depuis
longtemps, reconnaît-elle, mais ça traînait.»
Retour au port où les responsables
maritimes disent assurer désormais un contrôle tatillon et sensibiliser les
pêcheurs au respect du repos biologique pour l'espadon. Redouane n'a pas l'air
si convaincu: «C'est comme ça pendant deux mois, on ne pêche pas Abou sif
(l'espadon)». Pour l'instant, ni manifestation, ni rassemblement ne sont
annoncés pour le 28 octobre, mais beaucoup y pensent. «Bien sûr que j'irai,
pourquoi je n'irais pas? Je l'ai vu mourir, s'échauffe Redouane. J'irai et je
crierai pour la libération des détenus. On n'a rien à perdre.»
Me Rachid Belaali est un homme
méticuleux: sur une feuille de papier blanc, il énumère les dossiers des
militants du hirak poursuivis à al-Hoceima. La colonne de chiffres fait toute
la hauteur d'une feuille A4, rien que pour la première instance:
270 personnes, ils sont 90 en appel. Ils ne sont que trois avocats pour
tous ces dossiers. «Personne à al-Hoceima ne peut croire que le hirak est
habité par des motifs dangereux, leurs revendications sont légitimes», souligne
l'avocat. Les condamnations sont dures ici, 18 mois de prison en moyenne, sans
faits de violence établis pour la plupart, insiste-t-il. Les quelques grâces
royales n'ont rien apaisé, le signal est passé: les militants qui restent
libres se font très discrets, mais les idées et la détermination du hirak sont
intactes. Commerçant, Yassine, comme beaucoup, est décidé: «Le 28, on va
baisser nos rideaux et descendre dans la rue, c'est un devoir. Ceux qui sont en
prison en ce moment pour le peuple, on leur doit bien ça.»
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Les
soldats du futur se préparent pour le «champ de bataille 3.0» (27.10.2017)
ENQUÊTE - Pour l'armée de terre,
l'innovation rime avec l'«hyperconnection» de tous les acteurs du champ de
bataille : fantassins, blindés, drones, hélicoptères, satellites. Les
robots et les systèmes autonomes, déjà présents, seront monnaie courante sur
les théâtres d'opérations. Des évolutions qui créeront aussi de nouvelles
vulnérabilités.
D'un simple mouvement de la main, sans
prononcer une parole, le chef de section communique ses ordres. Parler avec des
gestes pour rester discret lors d'une opération militaire, l'habitude est aussi
ancienne que l'art de la guerre. Sauf qu'ici, celui qui mène ses hommes sur le
terrain ne s'adresse pas seulement à ceux qui se trouvent dans son champ de
vision, mais interagit avec ses équipes géolocalisées et fait remonter
l'information en temps réel vers le centre de commandement situé à distance.
Des capteurs placés dans l'un de ses gants analysent la position de ses doigts,
de son bras et de son corps. Et un logiciel décode ses gestes en langage
tactique: sans un être détecté, il peut ainsi transmettre des informations sur
les positions de l'adversaire, solliciter l'appui d'un hélicoptère, déclencher
des secours et les diriger vers un blessé.
«La complexité du milieu terrestre
liée à son hétérogénéité est un puissant aiguillon pour l'innovation. Seule
celle-ci permettra de réduire le “brouillard de la guerre”»
Général Jean-Marc Duquesne, délégué
général du GICAT
Cet «interpréteur de langage
tactique», conçu par Thales, n'est qu'une des multiples innovations élaborées
dans les laboratoires des grands groupes industriels ou des start-up du domaine
de la défense. L'explosion des technologies numériques s'apprête à transformer
la manière dont le combattant se déplace, communique, se protège et engage le
feu contre l'adversaire. Ces mutations accélérées ne concernent pas seulement
les marins ou les aviateurs, souvent perçus comme appartenant à des armées plus
«technologique», mais également les fantassins. «Le temps est révolu où l'armée
de terre était considérée comme peu technologique», déclarait récemment le chef
d'état-major de l'armée de terre, le général Jean-Pierre Bosser. Le défi de
l'innovation passe par une «approche intégrée et globale» entre ses principaux
acteurs, ce qui n'est pas toujours aisé: armée, Direction générale de
l'armement (DGA), grands groupes industriels, PME-ETI, start-up…
«La complexité du milieu terrestre
liée à son hétérogénéité est un puissant aiguillon pour l'innovation. Seule
celle-ci permettra de réduire ce que les militaires appellent le “brouillard de
la guerre”», estime le général Jean-Marc Duquesne - en «deuxième section» (2S),
c'est-à-dire ayant quitté l'uniforme -, délégué général du Groupement des
industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres
(GICAT). Dissiper le brouillard de la guerre… Fixées sur le casque, les
jumelles de vision nocturne augmentées, en fusionnant les images infrarouges et
thermiques, permettent déjà de voir dans l'obscurité totale. Grâce à elles, le
combattant immergé au cœur du «champ de bataille numérisé» pourra bientôt
«décamoufler» un ennemi embusqué, avoir devant les yeux en permanence toutes
les informations utiles (compas magnétique, GPS…) et enregistrer sa mission à
des fins de «retex» (retour d'expérience).
La protection des soldats du « champ
de bataille 3.0 » sera assurée par des essaims de drones opérant en réseau qui
signaleront d'éventuelles menaces et contribueront à déclencher la riposte
Traditionnellement, les militaires en
opération répètent l'action au moyen d'une simple caisse à sable. Celle-ci
cédera la place à un écran tactile affichant à la demande - tels des calques
successifs - toutes les données du champ de bataille: topographie, voies de
communication, positions amies et ennemies, portées des tirs selon l'armement
employé. La «caisse à sable numérique» mise au point par la société Nexter
permet de préparer une mission et de la conduire en temps réel. La machine
intègre des scénarios, accélère la boucle des décisions, diffuse des ordres aux
différentes entités sur le terrain - équipées de tablettes - et facilite leur
coordination, ce qui devrait notamment diminuer le risque de tirs fratricides.
Le système FÉLIN II, produit par
Safran Electronics & Défense, équipera les soldats de l'armée de terre. Il
intègre tous les équipements militaires modernes: optronique pour les
opérations de jour et de nuit, communication, protection... Le tout logé dans
une veste de combat.
Dans leur véhicule de combat,
surveillé par des caméras extérieures, les soldats du «champ de bataille 3.0»
pourront se concentrer sur leur mission. Leur protection sera assurée par des
essaims de drones opérant en réseau qui signaleront d'éventuelles menaces et
contribueront à déclencher la riposte. Dans la cabine, l'équipage sera équipé
de capteurs intégrés aux casques et détectant toute somnolence ou performances
«dégradées» - des matériels développés par une TPE française, Physip. Les
convois logistiques seront robotisés et comprendront des véhicules automatisés.
En cas de panne, un membre de
l'équipage, porteur de lunettes connectées munies d'une caméra (Renault Trucks
Défense), sera immédiatement mis en relation avec un expert technique qui
effectuera un télédiagnostic et la réparation à distance. Des puces
autoriseront le suivi en temps réel de l'usure des matériels. Une «maintenance
prédictive» devrait ainsi optimiser le plan de charge et le coût de
l'entretien. «À l'avenir, on pourrait aussi envisager d'appliquer cette
technologie au combattant, pour mesurer sa fatigue ou son stress», explique le
général (2S) Alain Bouquin, conseiller défense de Thales. Le cyber est une
priorité. «Se protéger contre des attaques, être résilient, n'est pas
suffisant», estime le général Bouquin, pour qui une «utilisation offensive est
nécessaire afin de pénétrer dans les systèmes de l'adversaire et les piéger».
Scorpion vise un saut technologique et
opérationnel : la connectivité, à l'horizon 2025, entre l'ensemble des acteurs
du combat aéroterrestre : fantassins, blindés, drones, hélicoptères,
satellites...
Les bases militaires et autres sites
sensibles, même les plus complexes, pourraient être surveillés par des drones
«rondiers» accomplissant leur mission de façon autonome. «Les robots et
systèmes sont déjà présents dans les armées. En 2030, ils seront devenus des
acteurs ordinaires dans le domaine des opérations militaires», souligne le
rapport «Chocs futurs» du Secrétariat général de la défense nationale (SGDSN).
Il faut «adapter nos équipements, anticiper les besoins et catalyser les bonnes
idées», résume le général Rémi Fouilland, le chef de la Section technique de
l'armée de terre (STAT).
Les fantassins pourraient également
être assistés à l'avenir d'un exosquelette qui les suivra dans toutes leurs
activités, réduisant ainsi la fatigue et la pénibilité durant la marche ou la
manutention de charges lourdes.
Dans le terrestre, la modernisation
est avant tout incarnée par Scorpion. Ce programme phare, dont les bases ont
été posées en 2000, prévoit
le renouvellement d'équipements souvent âgés de plus de 30 ans, comme
le véhicule de l'avant blindé (VAB) et l'engin blindé de reconnaissance AMX
10RC. Mais il vise aussi un saut technologique et opérationnel: la connectivité,
à l'horizon 2025, entre l'ensemble des acteurs du combat aéroterrestre:
fantassins, blindés, drones, hélicoptères, satellites…
Les travaux pour l'étape 2 de Scorpion
sont en cours afin d'intégrer les avancées en matière de robotique, de big data
et de communication. «C'est tout l'enjeu de la prochaine loi de programmation
militaire 2019-2025 en matière de recherche et développement», relève le
général Duquesne, en déplorant que le terrestre soit souvent à cet égard un
parent pauvre.
«Nos soldats seront-ils capables
d'aller au feu s'ils passent leur vie derrière des ordinateurs ?»
Le chef d'état-major de l'armée de
terre
L'indispensable construction d'une
armée «high-tech» l'expose en même temps à des failles potentielles. «Le
cyberespace est générateur de vulnérabilités nouvelles qui font de notre
souveraineté numérique un enjeu prioritaire», note ainsi la Revue stratégique
qui vient d'être présentée. Les révolutions technologiques - d'ailleurs
largement développées par le domaine civil -, si elles constituent de
formidables opportunités, menacent aussi la supériorité des armées
occidentales. Car elles deviennent accessibles aux ennemis «asymétriques»,
États faillis, groupes terroristes et même individus. Face aux géants américain
et chinois, les Européens ne sont pas les mieux organisés pour relever le défi.
«Nous devons être assez agiles pour
accompagner l'accélération des progrès technologiques et éviter tout
décrochage», souligne le «patron» de l'armée de terre, le général Bosser. Et de
pointer un autre écueil : «Nos soldats seront-ils capables d'aller au feu
s'ils passent leur vie derrière des ordinateurs?», s'interroge le chef
d'état-major de l'armée de terre, en insistant pour «marier haute technologie
et rusticité». «Action terrestre future», un document prospectif récent, «prône
un modèle d'équilibre» et relève que «la supériorité technologique continuera
de peser dans l'affrontement».
Emmanuel Macron plaide pour une Agence
européenne
Où placer le curseur entre le besoin
immédiat des forces et l'innovation sur le long terme? L'Onera,
le centre de recherche aérospatiale - qui s'intéresse aussi au
terrestre -, s'attache aux études amont. C'est le cas, par exemple, concernant
les réseaux de capteurs pour la surveillance et le renseignement ou la
détection des «départs de coups» - de la mitrailleuse au missile antichar. Des
recherches jugées indispensables pour anticiper les évolutions majeures - et
les programmes d'armement de demain.
«Ce n'est pas en améliorant la bougie
que l'on inventera l'électricité», dit le PDG de l'Onera, Bruno Sainjon. Avec
d'autres personnalités, il vient de lancer un appel pour une «initiative
européenne sur l'innovation de rupture». Une démarche inscrite dans le
sillage d'Emmanuel
Macron qui plaidait, fin septembre, pour une Agence européenne, à l'image
de la Darpa américaine (Defence advance research projects Agency), une agence
du Pentagone d'où sont sortis Internet et le GPS…La
ministre des Armées, Florence Parly, s'y est rendue la semaine dernière.
«Cela impliquerait de notre part un changement de logiciel, en acceptant
d'avoir 80 % d'échecs», remarque Cédric Perrin, vice-président (LR) de la
commission de la défense du Sénat.
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La
Belgique a demandé à la France la remise temporaire de Salah Abdeslam
(27.10.2017)
Le seul survivant des commandos du 13
novembre, incarcéré en France, sera jugé en décembre pour la fusillade survenue
à Bruxelles quelques jours avant son arrestation. Les modalités sur le
transfert du détenu ne sont, pour l'heure, pas arrêtées.
La Belgique a officiellement demandé à
la France que Salah Abdeslam, seul survivant des commandos djihadistes ayant
attaqué Paris le 13 novembre 2015, incarcéré en région parisienne, lui soit
remis pour être jugé à Bruxelles en décembre dans une autre affaire.
Il
s'agit du procès d'une fusillade avec des policiers survenue à Bruxelles le 15
mars 2016, trois jours avant l'arrestation de Salah Abdeslam dans la
capitale belge. Il devra répondre avec un complice, Sofiane Ayari, arrêté en
même temps que lui, de «tentative d'assassinat dans un contexte terroriste sur
plusieurs policiers». Contre toute attente, Abdeslam a souhaité comparaître à
ce procès.
Sa «remise temporaire» à la Belgique
avait fait l'objet d'un accord début octobre entre le procureur fédéral belge
et le procureur de Paris. Pour concrétiser cet accord, le tribunal de première
instance de Bruxelles a délivré le 19 octobre un «mandat d'arrêt européen»
transmis quatre jours plus tard «aux autorités françaises compétentes», a
précisé le parquet fédéral dans un communiqué. Selon une source judiciaire,
c'est la cour d'appel de Paris qui en est le destinataire. Elle devrait statuer
dans les prochains jours.
Les modalités du transfert ne sont pas
arrêtées
«Aucun détail ni aucun commentaire ne
seront donnés sur les modalités exactes du transfert de Salah Abdeslam», a
souligné le parquet fédéral belge dans son bref communiqué. Lundi, la Direction
de l'Administration pénitentiaire française avait indiqué que rien n'était
encore «acté» pour le transfèrement du détenu. Celui-ci se fera sous haute
sécurité sachant que le Français d'origine marocaine est détenu en France dans
des conditions extrêmement rigoureuses, à l'isolement et sous vidéosurveillance
permanente. Le procès à Bruxelles doit se dérouler du 18 au 22 décembre.
» LIRE AUSSI - Salah Abdeslam, chauffeur des djihadistes à travers
l'Europe
Plusieurs
médias belges avaient évoqué la possibilité de faire venir Salah Abdeslam à
l'audience en hélicoptère quotidiennement depuis sa cellule de
Fleury-Mérogis. Mais une autre option est également sur la table: faire
séjourner le terroriste en Belgique le temps du procès. Seulement, la seule
prison de haute sécurité du pays se situe à Bruges, à environ 100 kilomètres de
Bruxelles. Les services de sécurité estimeraient que le trajet entre la ville
flamande et le tribunal est trop risqué pour transporter un détenu de cette
importance. Aucune de ces deux possibilités n'a été retenue à l'heure actuelle.
Le 15 mars 2016, au 60 rue du Dries à
Forest, commune de l'agglomération bruxelloise, six policiers, français et
belges, avaient essuyé des tirs d'armes automatiques en perquisitionnant un
logement supposé inhabité, où ils pensaient trouver des traces du passage des
djihadistes ayant frappé Paris le 13 novembre 2015, tuant 130 personnes. Trois
policiers avaient été blessés, et l'un des occupants du logement, un djihadiste
algérien, avait été tué dans l'échange de coups de feu, en couvrant la fuite de
deux autres hommes par l'arrière. Les deux fuyards, Salah Abdeslam et Sofiane
Ayari - un jeune d'origine tunisienne qu'il avait convoyé depuis Ulm, en Allemagne,
avec d'autres djihadistes en octobre 2015 -, seront finalement arrêtés ensemble
le 18 mars 2016 à Bruxelles.
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Les
préfets face au casse-tête de la rétention des clandestins (28.10.2017)
Par Jean-Marc
Leclerc et Service
InfographieMis à jour le 28/10/2017 à 16h24 | Publié le 27/10/2017 à
18h38
INFOGRAPHIE - Mis sous pression par le
ministre de l'Intérieur, les préfets se disputent le maigre quota des places en
centre de rétention. Ce qui peut aboutir à des situations ubuesques, selon la
police.
Pour la première fois depuis bien
longtemps, jeudi, il ne restait plus une seule place disponible dans l'ensemble
des centres de rétention administrative, les fameux CRA, qui accueillent les
clandestins en vue de leur éventuelle expulsion. Elles étaient toutes occupées:
1755 places au total, en incluant les 184 disponibles outre-mer.
- Crédits photo : infographie/le
figaro
Gérard Collomb pourrait se satisfaire
de la situation et estimer que son discours de fermeté face à l'immigration
illégale a finalement payé. Seulement voilà: cet état de fait témoigne au
contraire des limites de l'exercice. Il aura suffi de quelques jours seulement
pour démontrer à quel point les préfets manquent de moyens pour appliquer la
circulaire du ministre de l'Intérieur sur les éloignements d'illégaux. Car
la saturation quasiment immédiate des CRA signifie bien que l'expulsion
systématique de clandestins délinquants promise par Emmanuel Macron n'est qu'un
vœu pieux.
La circulaire mode d'emploi de Gérard
Collomb fut diffusée le 16 octobre dernier. Elle devait permettre de tirer
les leçons du scandale du tueur de Marseille, Ahmed Hanachi, cet islamiste qui
poignarda à mort deux jeunes femmes, le 1er octobre dernier, alors qu'il
aurait dû être expulsé en Tunisie, si l'administration avait fait son travail.
Depuis les larmes du préfet de la
région Rhône-Alpes, démis
de ses fonctions après ce ratage - tout autant attribué d'ailleurs à
son secrétaire général de préfecture, lui-même écarté -, l'administration
essaie, tant bien que mal, de faire vivre les consignes parisiennes. Avec une
certaine fébrilité.
Une guerre en coulisse
Un détenu de Grenoble placé dans un
CRA à Lille ; un clandestin interpellé à Briançon et escorté à Toulouse,
après être passé par Marseille, puis Montpellier: 1400 kilomètres parcourus,
mobilisant plusieurs équipes de fonctionnaires, pour être soumis in fine au bon
vouloir d'un magistrat de Gap. «Tout le monde se rue sur le maigre quota de
places disponibles, même si elles sont à l'autre bout du pays. Peu importe les
coûts et les conditions des transferts. Et je ne vous parle pas des effectifs
dévorés par ces missions d'escorte, surtout le week-end, au détriment de la
sécurité quotidienne dont on nous fait déjà tout un plat. C'est n'importe
quoi!», proteste le truculent Jean-Louis Martini, responsable régional de
Synergie-officiers dans la Cité phocéenne.
«Le temps est compté entre
l'arrestation et la présentation au juge des libertés qui peut remettre
l'individu dehors au seul prétexte que nous avons une heure de retard»
Jean-Louis Martini, responsable
régional de Synergie-officiers à Marseille
Un brigadier mobilisé sur un transfert
raconte: «Il faut respecter l'itinéraire Michelin, car le temps est compté
entre l'arrestation et la présentation au juge des libertés qui peut remettre
l'individu dehors au seul prétexte que nous avons une heure de retard.» En
France, 85 % des procédures d'éloignement échouent pour mille raisons.
«Le top en distance, renchérit
Jean-Louis Martini, c'est l'Ajaccio-Metz annulé in extremis il y a
24 heures! Il y avait aussi bataille entre Marseille et Nice pour une place
miraculeuse et c'est Nice qui l'a raflée, ruinant ainsi des heures de
procédures effectuées par les fonctionnaires marseillais. Voilà la réalité!»
Son syndicat a jeté un froid en demandant à ce «que les officiers ne soient
plus pris en otage par les préfets afin de régler leurs comptes avec le
ministre de l'Intérieur après l'éviction du préfet de Lyon».
Une guerre en coulisse, vraiment? «Ce
n'est pas du tout cela, assure un grand commis de l'État. Les préfets sont des
individualistes disciplinés et il ne leur viendrait pas l'esprit de se liguer
contre leur ministre. Ils s'impliquent pleinement, voilà tout!» Une nouvelle
doctrine aurait ainsi émergé sous Collomb, celle de l'éloignement pour «raison
d'ordre public». «Dès qu'un clandestin est muni de son passeport, s'il est
ressortissant d'un pays qui reprend ses nationaux, s'il est délinquant, qui
plus est un délinquant violent, l'administration le placera en CRA coûte que
coûte, en vue de son éloignement», explique un préfet. Idem pour les détenus
étrangers illégaux dangereux.
Gérard Collomb a promis 150 agents de
plus dans les services des étrangers des préfectures en 2018 et 200 places
supplémentaires en CRA d'ici à la fin de l'année. C'est insuffisant au regard
des 90.000 à 100.000 clandestins arrêtés chaque année. Le message de fermeté du
tandem Macron-Collomb peut porter utilement au-delà des frontières. Mais encore
faut-il qu'en interne, leur administration y croit également.
La création d'une nouvelle place en
centre de rétention coûterait 100.000 euros
«Sans places de rétention en nombre
suffisant, la politique migratoire de Macron est vouée à l'échec.» Le député LR
des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti, l'affirme. Il rappelle que dans le
projet de la droite à la présidentielle figurait la création de 1800
places en CRA, pour doubler le volume en le portant à 3600 places.
Concrètement, selon lui, il faudrait créer 600 places par an sur trois ans.
Coût d'investissement estimé: 100.000 euros par place, «ce qui imposerait
une masse budgétaire de 60 millions d'euros en 2018, 2019 et 2020». Il
évalue également le coût de fonctionnement de ces établissements à
6000 euros par place, pour un budget global de 10,8 millions d'euros
par an, une fois le programme terminé.
«Sans places de rétention en nombre
suffisant, la politique migratoire de Macron est vouée à l'échec»
Éric Ciotti, député LR des
Alpes-Maritimes
Le ministère de l'Intérieur en a-t-il
les moyens? Un expert en préfecture assure que «le problème des CRA est
identique à celui des prisons: nous payons l'imprévoyance ou l'idéologie des
années passées».
Selon lui, «la question des CRA est
plus simple à régler cependant. Car au lieu de construire des
établissements coûteux qui vont mettre trois ans à émerger, l'État peut acheter
des bâtiments tout faits et les aménager à moindre coût, comme des hôtels de
type Formule 1.» La solution a déjà été retenue pour le CRA de
Lyon-Saint-Exupéry.
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Gilles
Kepel : «Le procès Merah, une radiographie de la contre-société salafiste»
(26.10.2017)
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Pour
l'islamologue, le procès d'Abdelkader Merah révèle les failles de la haute
hiérarchie policière et de la justice en même temps que l'univers mental,
familial et culturel des djihadistes.
LE FIGARO. - Les meurtres de
Mohamed Merah ont inauguré une nouvelle ère de terreur…
Gilles KEPEL. - Les
assassinats par Mohamed Merah des enfants juifs et de leur professeur de
l'école Ozar Hatorah, après ceux de militaires français d'origine
arabo-musulmane et considérés comme «apostats», le 19 mars 2012, marquent la
fin de la sanctuarisation de la France depuis les attentats de Khaled Kelkal en
1995 et ceux du «gang des ch'tis» islamistes de Roubaix en 1996. Seize ans sans
le moindre attentat grâce aux services de renseignements français qui avaient
bien compris le logiciel pyramidal d'al-Qaida et étaient capables d'arrêter des
terroristes potentiels préventivement.
«Au carrefour entre la délinquance, le
salafisme et la prison, Merah est le prototype du djihadisme de troisième
génération qui va ensuite faire 239 morts en France, selon le même modèle, dans
les années 2015-2016»
Gilles Kepel
Le problème est qu'ils n'ont pas
anticipé que la prison deviendrait l'ENA du djihad. C'est notamment dans les
prisons que s'est mis en place ce que j'appelle le djihadisme de troisième
génération. Un djihadisme réticulaire qui se construit dans des allers-retours
avec le Moyen-Orient. Merah n'est pas du tout un loup solitaire, contrairement
à ce que prétendait l'ancien directeur central du renseignement intérieur,Bernard
Squarcini. Il a été socialisé dans le milieu salafiste djihadiste
toulousain, dont le point névralgique était la communauté d'Artigat régie
par l'«émir
blanc», Olivier Corel, où sont passées toutes les
«stars» du djihadisme français, comme les frères Clain, le clan de Sabri
Essid (demi-frère par alliance de Merah), ou encore l'Albigeois Thomas
Barnouin.
Merah a baigné dans cet univers et a
voyagé au Caire et au Proche-Orient vraisemblablement pour apprendre le
maniement des armes, comme le montre sa maîtrise de celles-ci lors des
meurtres. Au carrefour entre la délinquance, le salafisme et la prison, il est
le prototype du djihadisme de troisième génération qui va ensuite faire 239
morts en France, selon le même modèle, dans les années 2015-2016.
Pouvait-on alors imaginer la tuerie
de Charlie Hebdo?
À l'époque , le «Sham», la Syrie n'est
pas encore une terre de djihad vers où vont les jihadistes français.
L'aller-retour entre le territoire de l'Etat islamique de Daech et les
banlieues populaires (Molenbeek, Saint Denis et autres) va ensuite permettre
les tueries de Charlie Hebdo et de l'Hyper cacher et surtout
celles du 13 novembre, au Bataclan et ailleurs. Cette phase aurait peut-être pu
être évitée si on avait tiré plus vite les leçons de l'affaire Merah, pris au
sérieux le mécanisme du djihad de troisième génération dont il constitue le
prototype, au lieu de se fourvoyer avec la pseudo-théorie du «loup solitaire».
Mécanisme dont les bases ont été posés dès 2005 avec la publication, sur
Internet, du livre d'Abou Moussab Al-Souri, Appel à la résistance
islamique globale.
«Abdelkader Merah clame qu'il ne
reconnaît pas les lois françaises mais uniquement celles d'Allah, telles qu'il
les interprète. En ce sens, il est une « métonymie » de cette vision du monde,
qui reste présente aujourd'hui en France»
Gilles Kepel
Aujourd'hui le djihadisme de troisième
génération semble contenu par nos services…
Paradoxalement, alors que se
déroule le
procès Merah, cette phase-là de terreur semble avoir épuisé son modèle
opératoire. C'est, en effet, l'aller-retour avec Raqqa et les réseaux de
communication de l'État islamique qui rendait ce système possible. Les groupes
réticulaires, qui passaient sous les radars du renseignement, ont bénéficié
d'opportunités qui se sont traduites par les 239 morts déplorés entre la
tuerie de Charlie Hebdo et l'assassinat du père Hamel en
juillet 2016. Mais les djihadistes peu formés et structurés n'ont pas tenu la
distance. Les services de renseignement ont fini par comprendre le
fonctionnement de ce nouveau type de djihadisme et su le contrer, et la chute
de Raqqa le rend inopérant car la coordination via les messageries cryptées
avec les jihadistes dans l'Hexagone ne peut plus fonctionner.
C'est la fin d'une période, la
djihadosphère exprime son malaise et prépare le djihadisme de quatrième
génération, dans une certaine confusion pour l'instant. Même si, en termes
d'opérationnalité terroriste, le système a pris un coup décisif, la doxa
salafiste djihadiste est toujours là. C'est frappant dans les propos
d'Abdelkader Merah (le frère de l'assassin) qui ne regrette rien de sa
formation. Pour lui, ce procès est une tribune. Il clame qu'il ne reconnaît pas
les lois françaises mais uniquement celles d'Allah, telles qu'il les
interprète. En ce sens, Abdelkader Merah est une «métonymie» de cette vision du
monde, qui reste présente aujourd'hui en France.
Elle reste présente dans les
mentalités, et on a un aperçu de la manière dont elle s'est construite, depuis
l'œdipe familial, les violences domestiques, le trafic de stupéfiants, la
délinquance, jusqu'à être «sublimée» par la violence rédemptrice de l'idéologie
salafiste djihadiste. Mais on en voit aussi les limites: les individus qui la
portent ont été formés à la va-vite, contrairement à l'époque de Ben Laden qui
disposait d'une véritable organisation.
Que révèle ce procès?
«Ce mépris du travail de ceux qui
connaissent le terrain dans les quartiers populaires, de ceux qui ont étudié
l'idéologie salafiste djihadiste, a coûté très cher à la nation»
Gilles Kepel
C'est un procès profondément
frustrant. Il arrive bien trop tard, cinq ans - et plus d'un quinquennat -
après les faits. Les familles des victimes attendent des réponses, mais aussi
la nation tout entière. Dans une telle affaire, le procès devrait permettre de
socialiser le deuil, par un phénomène de catharsis. Hélas, il n'en prend pas la
direction… J'ai rarement vu un procès se passer si mal avec du brouhaha, des
insultes et des suspensions de séances - alors que la justice réclame la
sérénité. Il y a une vive réaction du public et des parties civiles, qui
s'estiment frustrés de la vérité, ce qui est compréhensible.
Bien sûr, cela tient d'abord à la
disparition du principal intéressé: celui qui devrait être là, c'est Mohamed
Merah. Pour des raisons qui restent incompréhensibles après l'audition du chef
du Raid de l'époque, Amaury de Hauteclocque, il a été tué alors qu'il aurait dû
être neutralisé vivant. Ce que le procès a confirmé, c'est que les
services de renseignement toulousains l'avaient tout à fait identifié et que
leur hiérarchie parisienne les a empêchés de travailler en leur
ordonnant notamment de privilégier la piste d'extrême droite. Un temps énorme a
été perdu du fait du dysfonctionnement de la haute hiérarchie policière de
l'époque. Ce mépris du travail de ceux qui connaissent le terrain dans les
quartiers populaires, de ceux qui ont étudié l'idéologie salafiste djihadiste,
a coûté très cher à la nation.
Ce procès s'apparente aussi à une
plongée dans l'univers mental, social et culturel des djihadistes.
S'il est frustrant sur le plan
politique et judiciaire, ce procès a une extraordinaire fonction révélatrice
sociale et psychologique. Celle de dire la réalité intime d'une cité populaire
à travers l'exacerbation de sa barbarie. Réalité dont nos dirigeants ainsi que
les classes moyennes et supérieures des centres-villes n'ont aucune idée. Le
procès Merah est une biopsie de cet univers.
«Il est frappant de constater qu'après
des décennies passées en France, sa mère parle toujours très mal français et
qu'il faut faire appel à un traducteur à la barre»
Gilles Kepel
Dans l'environnement où vivait Mohamed
Merah prospère une véritable contre-société en rupture culturelle profonde. Il
est frappant de constater qu'après des décennies passées en France, sa mère
parle toujours très mal français et qu'il faut faire appel à un traducteur à la
barre. Cette rupture très radicale avec la France aboutit à une coïncidence
troublante: le meurtre à l'école juive a lieu le 19 mars 2012, cinquante ans
jour pour jour après la mise en œuvre du cessez-le-feu dans la guerre
d'Algérie. Et Mohamed Merah recommence la guerre contre la France, mais cette
fois-ci sur son territoire. On se réjouit dans son entourage qu'il ait «mis la
France à genoux».
Dans cette contre-société, le
salafisme djihadiste fait feu de tout bois: il se greffe sur la délinquance non
pour la supprimer, mais la rationaliser aux fins du djihad, et il récupère en
la travestissant la mémoire de la guerre d'indépendance algérienne. Abdelkader
Merah peut à la fois se présenter comme un modèle religieux et reconnaître
avoir assisté au vol du T-MAX par son frère. Il prétend avoir été «otage de ce
vol», assure que cet acte «en tant que musulman» n'était pas «licite». Dans la
doctrine salafiste djihadiste cependant, il est licite de «faire du butin» sur
les kouffar, les «mécréants».
Rappelons aussi que dans ce quartier,
plusieurs dizaines de jeunes s'étaient rassemblés trois jours après la mort de
Merah pour honorer sa mémoire, mettant sur le même plan leur douleur et celle
des familles des victimes du tueur au scooter. Dans la nébuleuse djihadiste, ce
dernier est célébré comme un «martyr» emblématique et un modèle à imiter. Des
graffitis «Vive Merah», «Vengeance» ou «Nique la kippa» avaient alors été
nettoyés à la hâte.
«La famille de Mohammed Merah, dont il
est le produit imprévisible, c'est les Atrides à la mode salafiste», analyse
Gilles Kepel. - Crédits photo : uu
Le quartier des Izards n'est situé
qu'à quelques kilomètres du cœur du vieux Toulouse magnifiquement rénové avec
son célèbre Capitole: c'est la face sombre de la Ville rose. Comment a-t-on pu
ne pas voir à ce point cette réalité toute proche? Comment expliquer de telles
fractures au sein d'une même ville? Cela pose la question des échecs des
politiques urbaines. Il y a un énorme problème de gouvernance, de cohérence de
fonctionnement.
L'imposition fiscale massive des
classes moyennes a-t-elle servi à construire un gigantesque assistanat social
qui maintient des populations dans leur ghettoïsation et provoque leur désintégration,
ouvrant la voie aux dérives que documente ce procès et aboutissant, à travers
la délinquance et le mépris des valeurs de la société et de l'État, à
l'idéologie salafiste de rupture puis au passage à la violence djihadiste, tout
en «grattant» au maximum les allocations et autres services sociaux? L'un des
enjeux majeurs du mandat d'Emmanuel Macron est de repenser de fond en comble le
pacte social et l'organisation du travail pour éviter cette fracture qui sans
cela nous sera fatale.
Merah est aussi le produit de son
environnement familial…
Ce procès met en effet en
lumière la
dimension de névrose familiale que le djihad pousse au paroxysme. La
famille de Mohamed Merah, dont il est le produit imprévisible, c'est les
Atrides à la mode salafiste. Le père, Mohamed Benalel Merah, est trafiquant de
drogue, condamné et expulsé, polygame ; la mère, Zoulikha, entretient une
relation œdipienne particulièrement complexe avec ses fils.
Abdelkader, le prévenu, exerce une
forte influence intellectuelle depuis l'enfance sur Mohamed. Il
se fait surnommer «Ben Laden» dans la cité et ira jusqu'à poignarder son
frère aîné Abdelghani, et tentera de faire du fils de celui-ci un militant. Il
y a aussi Sabri Essid, le «demi-frère», djihadiste en Syrie. Et enfin la sœur,
Souad Merah, qui a tenté de rejoindre le «Califat» avec ses quatre enfants,
avant de se réfugier probablement en Algérie. La doctrine salafiste djihadiste
a permis l'interpénétration entre un drame familial multiforme et la
perpétration du crime le plus barbare au cœur de la société française.
Le témoignage de Zoulikha Merah, la
mère de Mohamed Merah, a fait couler beaucoup d'encre…
J'ai été frappé par la «prestation» de
la mère. Si la presse la présente comme une menteuse et une manipulatrice, pour
ceux qui détestent l'État français, elle apparaît au contraire comme «la voix
qui résiste à l'oppression», la mère qui aime son fils. Elle est d'ailleurs
encouragée dans ce jeu dangereux par l'avocat de la défense, qui n'hésite pas à
la comparer à Albert Camus et à citer la célèbre phrase de l'écrivain à propos
de la guerre d'Algérie: «Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère.»
«La mère de Merah, avec sa tenue
islamique ostensible, s'est servi du procès comme d'une tribune et a imposé à
la barre sa parole comme un discours alternatif à celui du peuple et de la
nation française»
Gilles Kepel
Il est tout de même difficile et
scabreux d'associer Mohamed Merah à une lutte de libération nationale. Cette
rhétorique rappelle celle des djihadistes qui légitiment leur combat en le
présentant comme une lutte de libération comparable à celle menée pour
l'indépendance de l'Algérie ou encore à la résistance antinazie. Que le
tribunal, même à son corps défendant, puisse donner le sentiment que ce type de
discours n'est plus un propos criminel, mais un discours qui a sa légitimité et
relativise les valeurs de la société française et de l'institution qui va juger
au nom du peuple français est extrêmement préoccupant.
La
mère de Merah, avec sa tenue islamique ostensible, s'est servi du procès
comme d'une tribune et a imposé à la barre sa parole comme un discours
alternatif à celui du peuple et de la nation française. Son fils, Abdelkader,
fait de même. Il a, en effet, passé son temps à le répéter: «Vous, Français,
vous avez vos valeurs. Nous, nous avons les nôtres.» Pour lui, il n'y a pas de
hiérarchie. Il anticipe sa condamnation mais ne reconnaît pas la justice qui
n'est pas la sienne.
L'un des fils conducteurs de ce procès
est la haine des protagonistes pour la France. Comment en est-on arrivé là?
La contre-société des cités a été
sanctifée par le salafisme. Même quand il ne prône pas la violence, il
rationalise le refus des valeurs sur lesquelles repose la nation. Cela pose la
question de savoir comment on peut encore faire société dans la multiplicité
des quartiers des villes de la République? D'où la nécessité de s'attaquer aux
causes profondes du terrorisme et pas seulement aux symptômes, même si les
mesures sécuritaires sont bien sûr nécessaires à court et moyen terme.
«On ne peut plus laisser des
territoires et des populations entières en marge de la société française et
continuer à subventionner la délinquance par le RSA»
Gilles Kepel
On ne peut plus laisser des
territoires et des populations entières en marge de la société française et
continuer à subventionner la délinquance par le RSA. Il faut intégrer les
outsiders dans l'univers des insiders, en particulier dans le monde du travail.
Si nous ne faisons pas cela, la contre-société salafiste continuera à grandir
avec les conséquences que l'on sait, jusqu'à une fracture irréfragable. Une
réflexion profonde doit aussi être menée sur le fonctionnement de la justice, y
compris dans sa dimension carcérale. Après ses erreurs tragiques en 2012, la
hiérarchie policière a été capable de se transformer et de remporter de vrais
succès.
Ce n'est pas le cas dans la justice:
la question de l'incarcération des djihadistes n'est toujours pas résolue,
comme on l'a vu avec la volte-face sur les «unités dédiées» à ceux-ci, qui ont
été supprimées après la tentative d'assassinat d'un surveillant dans celles-ci.
Aujourd'hui, les djihadistes voient la prison comme une étape valorisée, car
ils peuvent lire, approfondir leurs connaissances, faire du prosélytisme et
trouver de nouvelles recrues. Et on a vu l'échec des politiques hâtives de «déradicalisation»,
avec la
fermeture du centre en milieu ouvert pour djihadistes… La machine
judiciaire doit impérativement se repenser face au défi djihadiste, malgré les
pesanteurs d'un corps extrêmement institutionnalisé et hiérarchisé. Sur ces
questions, il est clair qu'elle n'a pas su identifier les compétences dont elle
aurait pourtant bien besoin…
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du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
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Olivier
Corel, Fabien Clain, Sabri Essid… les ombres fuyantes du procès d'Abdelkader
Merah (26.10.2017)
Plusieurs personnes, dont l'influence
sur le frère du terroriste est sans cesse rappelée, échappent toujours à la
justice.
La justice antiterroriste a la
réputation de ratisser large. Or, dans le dossier Merah, plusieurs personnes
dont l'influence sur Abdelkader est sans cesse rappelée au procès, dont le
verdict est attendu le 2 novembre, sont passées à travers les mailles du
filet. À commencer par Souad, sœur de Mohamed et Abdelkader Merah. De nombreux
témoignages décrivent l'ultra radicalité de cette femme qui, à Toulouse,
portait la burka. N'a-t-elle pas déclaré un jour qu'elle pourrait commettre un
attentat suicide avec ses propres enfants, afin qu'ils aillent tous ensemble au
paradis?
Ultra radicalisée, Souad Merah réside
actuellement en Algérie. Elle n'a jamais été mise en examen
Mariée à un certain Abdelouahed
El-Baghdadi, condamné la semaine dernière à Paris à neuf ans de prison pour
djihadisme, elle avait cherché à se rapprocher de lui quand il combattait en
Syrie. Officiellement,
elle est restée du côté turc de la frontière… Souad Merah réside
actuellement en Algérie. Elle n'a jamais été mise en examen.
D'autres noms ont été régulièrement
prononcés lors des débats devant la cour d'assises: Corel, Clain, Essid. Sabri
Essid est celui qui a mis Abdelkader Merah, petit voyou de la cité des
Izards, sur le chemin du salafisme. Ce prêcheur efficace, décrit par l'accusé
visiblement admiratif comme portant la barbe et une tenue traditionnelle,
roulant en Mercedes cabriolet, fascinait nombre de jeunes paumés du quartier,
qu'il envoyait en apprentissage à la mosquée tenue par ses amis. Un ancien
responsable du renseignement toulousain a évoqué à la barre son «fanatisme
incroyable», son inclination pour la «violence totale», son «discours
manichéen». Tout un symbole: Abdelkader Merah a arrangé le remariage de sa mère
avec le père de Sabri Essid, parti combattre en Syrie.
«Redoutables propagandistes»
Ce missionnaire extrémiste fait partie
de la garde rapprochée des frères Jean-Michel et Fabien «Omar» Clain, ce
dernier ayant prêté sa voix à Daech pour la revendication des
attentats du 13 novembre 2015. Ces «redoutables propagandistes», pour
reprendre les termes du policier toulousain, sont des rouages essentiels de la
filière d'Artigat, du nom du village ariégeois où habite son gourou, Olivier
Corel. De son vrai nom Abdel Ilat Al-Dandachi, Syrien né en 1946 et naturalisé
dans les années 1980, il est aussi connu comme l'«émir blanc». Il dispense un
enseignement jusqu'au-boutiste, fondé sur la haine des «mécréants» et le mépris
pour les autres mouvances jugées trop modérées. Abdelkader Merah était aussi un
familier de MM. Corel et Clain.
Soupçonné d'être la tête pensante d'un
réseau de formation de combattants islamistes, l'«Émir blanc» a bénéficié d'un
non-lieu en 2009, contrairement à Sabri Essid et Fabien Clain. C'est Olivier
Corel qui a envoyé ses messagers dans les quartiers défavorisés de Toulouse
pour y recruter des adeptes ; tandis que les frères Clain se voyaient
attribuer le secteur de la Reynerie, Sabri Essid s'occupait des Izards.
Alors que tous les regards convergent,
au procès d'Abdelkader Merah, dans la direction d'Artigat, Olivier
Corel n'a fait l'objet d'aucune poursuite dans le dossier. De même, Sabri
Essid et les frères Clain n'ont pas été renvoyés aux assises, ne serait-ce que
symboliquement puisque, s'ils sont encore en vie, ils se trouvent quelque part
entre la Syrie et l'Irak.
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trop in
Chez
les Merah, laboratoire de la haine (26.10.2017)
RÉCIT - Le procès d'Abdelkader Merah,
frère du «tueur au scooter», dresse le portrait terrifiant d'une famille
emportée par l'islam radical.
«La haine, écrivait Kierkegaard, c'est
l'amour qui a sombré.» Le naufrage aura été spectaculaire chez les Merah. Ce
n'est pas d'une famille qu'il s'agit, mais d'une sorte de laboratoire de la
détestation dont le procès d'Abdelkader Merah, 35 ans, explore les inquiétants recoins.
Il y a peut-être eu de l'amour dans le
foyer de Mohamed Merah père et de son épouse Zoulikha. Sans quoi on se demande
ce qui a sombré après leur divorce, survenu au milieu des années 1990. C'est à
partir de cet événement banal que tout part à vau-l'eau. L'épouse, que son
mari, condamné pour trafic de stupéfiants, brutalisait, se retrouve seule avec
ses trois garçons - Abdelghani, Abdelkader et Mohamed - et ses deux filles -
Souad et Aïcha. Les mâles se battent entre eux et battent leur mère. L'aîné, Abdelghani,
alcoolique et délinquant, tourne le dos à l'islam qui n'était que mollement
pratiqué dans le logement familial des Izards, quartier défavorisé de Toulouse.
Aïcha s'intègre à la société française - elle est coiffeuse.
«Pour nous, l'islam, c'était quelque
chose de moyenâgeux. Sabri Essid nous a montré qu'on pouvait être musulman et
avoir une belle voiture, une belle femme»
Abdelkader Merah
Mais les trois autres se font
récupérer par les salafistes qui écument les banlieues de la Ville rose. Le
véritable chef de la famille, c'est à présent Olivier Corel, l'«émir blanc»
d'Artigat, village d'Ariège d'où il professe un islam guerrier. Abdelkader Merah a
raconté comment l'un des émissaires de l'«émir», Sabri Essid, avait conquis les
Izards en 2006, débarquant au volant d'un coupé Mercedes, portant barbe,
cheveux longs et costume traditionnel. «Pour nous, explique celui qui est
accusé d'avoir été le complice de son frère cadet, l'islam c'était quelque
chose de moyenâgeux. Il nous a montré qu'on pouvait être musulman et avoir une
belle voiture, une belle femme.»
En 2006, le petit voyou Abdelkader Merah, qui avait crié «vive Ben Laden!» le 11 septembre 2001 à une époque où il
vivait comme un «mécréant», a entrepris de devenir un «émir», un «élu d'Allah»,
analyse un policier spécialiste de l'islamisme. Si cet ancien pensionnaire de
foyers pour enfants difficiles bat moins sa mère, il lui choisit un second mari
en la personne du père du pieux Sabri Essid - ce qui ne l'empêche pas de se
fâcher avec Zoulikha Aziri. Il ne fréquente plus son aîné qu'il avait, avant sa
conversion, attaqué à coups de couteau. Il est brouillé avec son cadet, le très
incontrôlable Mohamed - l'ordonnance de mise en accusation qualifie de
«troubles et complexes» les liens entre les deux salafistes. Il n'adresse plus
la parole à Souad, bien qu'elle partage ses convictions islamistes et porte la
burka. Inutile de préciser que ses relations avec Aïcha sont exécrables.
«Pour Kader, ce procès n'a aucune
valeur, il est fier de ce qu'a fait Mohamed car, selon lui, il est mort en
martyr»
Théodore, neveu d'Abdelkader Merah
La seule personne de la famille qui
l'intéresse, c'est son neveu Théodore, fils d'Abdelghani et d'Anne C.,
française non musulmane et qui, comble de la provocation pour des intégristes
barbus, a même un aïeul juif dans sa branche paternelle. Chez les Merah, on déteste
les Français, les juifs, les Américains, bref, tout ce qui s'apparente à un
«kouffar» (impie).
Théodore devient un enjeu, une cible à
convertir quand il atteint une dizaine d'années. Son «oncle Kader» lui bourre
le crâne de notions religieuses intolérantes et morbides, lui présente Olivier
Corel, mais sa mère tient bon et empêche le jeune garçon de se laisser duper.
Théodore est venu témoigner aux assises. Il est élève en classe préparatoire et
brigue une grande école de commerce. «Kader m'a beaucoup parlé, explique-t-il.
Il évoquait surtout le djihad spirituel, par la parole. Il se préparait à
mourir pour Dieu. Il voulait m'emmener faire le tour des morgues. Pour lui, ce
procès n'a aucune valeur, il est fier de ce qu'a fait Mohamed car, selon lui, il
est mort en martyr.»
«C'était comme un monstre à trois
têtes. Pour moi, c'était Souad la plus dangereuse, Kader n'aurait jamais commis
d'attentats»
Théodore, neveu d'Abdelkader Merah
«Mohamed m'a choqué en me montrant des
vidéos de décapitation, poursuit son neveu sur un ton mesuré. Lui, Souad et
Kader étaient dans la même idéologie, mais je n'ai jamais entendu Kader
l'appuyer au sujet du djihad armé. C'était comme un monstre à trois têtes. Pour
moi, c'était Souad la plus dangereuse, Kader n'aurait jamais commis
d'attentats.» Mais le jeune homme pense que l'aîné connaissait probablement le
dessein du cadet, et qu'il n'a rien fait pour le dissuader: «Si vous
n'intervenez pas, c'est que vous cautionnez», conclut Théodore, rescapé du
laboratoire de la haine.
En mars 2012, les attaques de Mohamed
Merah prennent la police de court. Certes, elle avait un œil sur cette fratrie radicalisée, mais il
lui aura fallu du temps, beaucoup trop de temps, pour démasquer le «tueur au
scooter». Le 11, il tue à Toulouse un militaire, Imad Ibn Ziaten, pour venger
ses «frères» tués par l'armée française en Afghanistan. La PJ penche pour un
règlement de comptes crapuleux, et interroge sans ménagement la famille du
défunt sur un éventuel intérêt du soldat assassiné pour les stupéfiants. La
mère de la victime, Latifa, musulmane, issue comme les frères Merah d'un milieu
très modeste, est venue à la barre des assises donner une leçon de tolérance
religieuse, de citoyenneté et d'intégration républicaine.
Produit d'une forme de haine
universelle
Le 15 mars 2012, Mohamed Merah
est à Montauban, et ouvre le feu sur un groupe de trois parachutistes: Loïc
Liber, grièvement blessé, Mohamed Legouad et Abel Chennouf, tués sur le coup.
Là encore, la police tâtonne, envisage la piste de l'extrême droite. La mère de
Caroline, veuve d'Abel Chennouf, a raconté comment, à la morgue, avec une
brutalité inouïe, on avait restitué à sa fille l'alliance en argent de son
époux, «couverte de sang», sans prendre la peine de la nettoyer.
Le 19 mars, Mohamed «Abou
Youssouf» Merah se présente à Toulouse devant l'école juive Ozar Hatorah, muni
d'un pistolet-mitrailleur Uzi et d'une autre arme de poing. L'Uzi s'enraye dès
la première rafale. Il dégaine sa seconde arme et tue Jonathan Sandler, ses
fils Gabriel et Arié, ainsi que la petite Myriam Monsonego. Il a filmé ses crimes
avec une caméra Gopro. Il est enfin identifié, localisé et, le 22 mars, il
tombe sous les balles du Raid, après avoir opposé une résistance farouche aux
forces de l'ordre.
Produit d'une forme de haine
universelle qui s'exprime librement chez sa mère et de la violence
intrafamiliale, Mohamed Merah s'est radicalisé en prison en 2008, deux ans
après la conversion de son frère aîné, qui l'encourage à prendre le chemin d'un
islam rigoriste et lui fournit de la documentation choisie. Il sort enragé
d'une période de détention, condamné pour divers délits sans envergure. Il
estime avoir été puni à tort pour un vol de sac à main, sentence qui avait de
surcroît révoqué le sursis assortissant plusieurs autres petites peines
prononcées auparavant.
«Mohamed était à fond dans la
religion. Il m'avait demandé combien de personnes on pouvait écraser avec un
camion»
Un policier entendu par la cour
d'assises
Dans une lettre à Abdelkader, il
écrit: «C'est une épreuve mais je sais précisément ce que je vais faire en
sortant. Je souhaite qu'Allah me venge de ces kouffars.» Ses codétenus
précisent qu'il commence à s'habiller en djellaba et à chausser des babouches,
interdisant qu'on écoute de la musique. «Mohamed Merah était à fond dans la
religion, selon un policier entendu par la cour d'assises. Il m'avait demandé
combien de personnes on pouvait écraser avec un camion.»
Plus tard, à l'instar de son frère
aîné parti pour plusieurs longs séjours au Caire - officiellement pour
«apprendre l'arabe littéraire afin de pouvoir lire le Coran» dans le texte -,
Mohamed Merah se rend en Afghanistan et au Pakistan où il reçoit
vraisemblablement le feu vert d'un émir pour massacrer à sa guise au nom d'une
branche d'al- Qaida, qui revendique les tueries d'«Abou Youssouf al Firansi»
(le Français).
Ce parcours, cinq ans après, n'étonne
plus. Mais en mars 2012, nul n'avait compris qu'un nouveau genre de terrorisme
venait de naître, pratiqué par un individu faussement isolé, abreuvé de haine
dès son plus jeune âge et, surtout, dont le but était de mourir les armes à la
main, comme si sa mort ne trahissait pas un ultime naufrage.
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Retour
sur les quatre semaines du procès d'Abdelkader Merah
Le procès d'Abdelkader Merah, 35 ans,
s'est ouvert lundi 2 octobre devant la cour d'assises spécialement composée de
Paris. Frère aîné de Mohamed Merah, il est accusé d'avoir aidé le terroriste
islamiste à assassiner sept personnes en mars 2012. Nos journalistes Stéphane
Durand-Souffland, Caroline Piquet, Julien Licourt et Alexis Feertchak couvrent
le procès.
- 17h07L'audience est suspendue
- 17h04Une avocate demande aux juges de rendre la
justice «au nom du peuple» et «des vivants»
- 17h03«Mais dîtes-moi, M. Abdelkader Merah, vous
en savez beaucoup !»
Abdelkader Merah est poursuivi pour
complicité des sept assassinats terroristes commis par son frère Mohamed Merah.
Un autre homme, Fettah Malki, comparaît également. Il a reconnu avoir fourni un
soutien logistique au "tueur au scooter".
REVIVEZ LE DIRECT
RÉCIT - Le
procès d'Abdelkader Merah, frère du «tueur au scooter», dresse le portrait
terrifiant d'une famille emportée par l'islam radical.
Plusieurs personnes, dont l'influence
sur le frère du terroriste est sans cesse rappelée, échappent toujours à la
justice.
Les services du renseignement
intérieur à Toulouse avaient recommandé de «judiciariser» le dossier du «tueur
au scooter» plus d'un an avant ses attaques terroristes. Une requête refusée
par deux fois.
- 19h09L'audience est levée
- 19h00L'avocate d'une victime met la lumière sur
l'association créée par Latifa Ibn Ziaten
- 18h38"Vous auriez pu dire au moins que
vous n'y êtes pour rien"
EN DIRECT - Abdelkader
Merah est poursuivi pour complicité des sept assassinats terroristes commis par
son frère Mohamed Merah. Un autre homme, Fettah Malki, comparaît également. Il
a reconnu avoir fourni un soutien logistique au "tueur au scooter".
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Mercredi, la cour d'assises de Paris a
entendu les témoignages bouleversants des proches des victimes de Mohamed
Merah.
Le juge d'instruction, cité comme
témoin par la défense du frère du tueur au scooter, a peiné à convaincre.
- 19h39L'audience est levée
- 19h29Lectures d'auditions non effectuées
jusqu'à maintenant
- 19h24La cour devra répondre à 82 questions
EN DIRECT - Abdelkader
Merah est poursuivi pour complicité des sept assassinats terroristes commis par
son frère Mohamed Merah. Un autre homme, Fettah Malki, comparaît également. Il
a reconnu avoir fourni un soutien logistique au "tueur au scooter".
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EN DIRECT - Le
frère aîné de Mohamed Merah est poursuivi pour complicité des sept assassinats
terroristes commis par son frère. Un autre homme, Fettah Malki, comparaît
également. Il a reconnu avoir fourni un soutien logistique au «tueur au
scooter».
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- 19h07L'audience est suspendue
- 18h57Désaccord sur des éléments de la
reconstitution
- 18h42"Si j'appartenais à al-Qaida, je le
revendiquerais", dit Abdelkader Merah
Le coaccusé d'Abdelkader Merah
reconnaît toutefois avoir fourni le pistolet-mitrailleur utilisé à l'école
juive Ozar Hatorah en 2012.
EN DIRECT - Abdelkader
Merah est poursuivi pour complicité des sept assassinats terroristes commis par
son frère Mohamed Merah. Un autre homme, Fettah Malki, comparaît également. Il
a reconnu avoir fourni un soutien logistique au "tueur au scooter".
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- 16h29L'audience est suspendue
- 16h17"La taqya, j'ai appris ce que c'était
pendant le procès"
- 16h07"Je n'ai pas l'impression d'être un
gros bandit"
Prosélyte mais pas djihadiste,
«musulman orthodoxe» mais pas «musulman terroriste», il joue de subtilités et
de biais.
EN DIRECT -
Abdelkader Merah, qui est poursuivi pour complicité des sept assassinats
terroristes commis par son frère Mohamed Merah, est interrogé ce vendredi sur
son engagement religieux. Un autre homme, Fettah Malki, comparaît également
pour avoir fourni un soutien logistique au "tueur au scooter".
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- 18h16Après une journée houleuse, ce live prend
fin
- 18h04Vive querelle à propos du... planning, le
juge obligé de surseoir !
- 17h50"Vous êtes le mal absolu. Vous n'avez
le droit à rien", dit Eric Dupond-Moretti à propos de son client
EN DIRECT - Abdelkader
Merah est poursuivi pour complicité des sept assassinats terroristes commis par
son frère Mohamed Merah. Un autre homme, Fettah Malki, comparaît également pour
avoir fourni un soutien logistique au "tueur au scooter".
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- 19h40L'audience est levée
- 19h37Les vidéos de Mohamed Merah ne seront pas
diffusées
- 19h32La défense ne veut pas non plus de la
diffusion des images
VIDÉO - Appelée à
témoigner ce mercredi au procès de son fils, Zoulikha Aziri assure qu'Abdelkader est
allé en Égypte «en vacances» et ne parlait «jamais» d'islam radical à la
maison.
Abdelkader Merah est poursuivi pour
complicité des sept assassinats terroristes commis par son frère Mohamed Merah.
Un autre homme, Fettah Malki, comparaît également. Il a reconnu avoir fourni un
soutien logistique au "tueur au scooter".
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- 20h05L'audience est suspendue
- 19h59La question embarrassante de l'avocate
générale
- 19h44L'avocate générale s'intéresse aux SMS
envoyés depuis le téléphone du couple Merah
EN DIRECT - Abdelkader
Merah est poursuivi pour complicité des sept assassinats terroristes commis par
son frère Mohamed Merah.
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- 20h35Fin de ce live
- 20h12Abdelkader Merah pas très coopératif
- 19h46"Les attentats de 2012 sont devenus
un modèle"
- 21h29L'audience est lévée
- 21h12Un numéro de téléphone d'Aïcha Merah
trouvé en prison
- 20h55Aïcha Merah indique avoir coupé les ponts
avec sa famille
Abdelkader Merah est accusé d'avoir
sciemment facilité "la préparation" des crimes de son frère Mohamed
en l'aidant notamment à dérober le scooter utilisé lors des assassinats de sept
personnes, dont trois enfants juifs, entre les 11 et 19 mars 2012 à Toulouse et
Montauban.
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Aucune question ne déstabilise
l'accusé qui joue d'intelligence pour se défausser.
EN DIRECT - Abdelkader
Merah est poursuivi pour complicité des sept assassinats terroristes commis par
son frère Mohamed Merah. Un autre homme, Fettah Malki, comparaît également. Il
a reconnu avoir fourni un soutien logistique au "tueur au scooter".
REVIVEZ LE DIRECT
- 18h46L'audience est suspendue
- 18h46La défense fustige les questions posées
par les autres parties
- 18h30L'avocate générale met en doute les dires
d'Abdelkader Merah sur le vol du scooter
VIDÉO - Après 15
jours de débats, la complicité d'Abdelkader avec son frère n'a pas été établie.
- 17h02L'audience est levée
- 16h53"Mohamed Merah n'a jamais été
méchant" : un témoin choque les avocats de la partie civile
- 16h36Quand Mohamed Merah cherchait à se
procurer un scooter T-Max
EN DIRECT -
Abdelkader Merah est jugé pour complicité d'assassinat, au côté de Fettah
Malki, délinquant toulousain, poursuivi pour avoir fourni des armes au «tueur
au scooter», Mohamed Merah. En cette neuvième journée d'audience, l'accusation
va tenter de démontrer qu'Abdelkader a apporté un réel soutien logistique à son
frère.
REVIVEZ LE DIRECT
Le frère du tueur, Abdelkader Merah,
est jugé depuis début octobre pour complicité d'assassinat, au côté de Fettah
Malki, délinquant toulousain, poursuivi pour avoir fourni des armes au «tueur
au scooter». Retrouvez ici les différents propos de cette huitième journée
d'audience.
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- 18h09L'audience est suspendue
- 17h40Le témoin "à l'amnésie
sélective" cuisiné par les avocats des parties civiles
- 17h03Abdelkader Merah ne se souvient plus non
plus
VIDÉO - Trois
policiers ont tenté, lundi à l'audience, d'établir qu'Abdelkader Merah
connaissait les projets meurtriers de son frère.
Agent de maintenance, il était au
volant du fourgon de l'établissement quand il a vu Mohamed Merah attaquer
l'école et tuer un enseignant et trois enfants juifs. Mardi matin, il a
témoigné à la barre la cour d'assises au procès d'Abdelkader Merah, qui
comparaît pour «complicité».
EN DIRECT - Abdelkader Merah est
poursuivi pour complicité de sept assassinats terroristes commis par son frère.
Un autre homme, Fettah Malki, comparaît également.
REVIVEZ LE DIRECT
- 20h18L'audience est suspendue
- 19h50L'avocate générale demande à ce que la
défense parle "sur un autre ton" au témoin
- 19h48L'avocat de la défense s'attaque au
travail de la police sur la téléphonie
VIDÉO - Trois
policiers ont tenté, lundi à l'audience, d'établir qu'Abdelkader Merah
connaissait les projets meurtriers de son frère.
VIDÉO - Un
policier a dû convenir qu'il n'avait pas d'élément matériel prouvant
l'implication directe de l'accusé dans les tueries de 2012.
EN DIRECT - Abdelkader Merah est
poursuivi pour complicité de sept assassinats terroristes commis par son frère.
Un autre homme, Fettah Malki, comparaît également.
REVIVEZ LE DIRECT
- 17h10L'audience est suspendue
- 17h10Durant les négociations, "Mohamed
Merah n'a jamais évoqué de complicité", déclare l'ex-patron du Raid
- 16h58Tension entre les parties civiles et un
avocat de la défense
VIDÉO - L'avocat
d'Abdelkader Merah a révélé, jeudi après-midi, devant la cour d'assises de
Paris, avoir reçu une lettre anonyme menaçant ses enfants d'«une balle dans la
tête» si l'accusé n'était pas condamné.
VIDÉO - Le frère
du terroriste qui a tué sept personnes en 2012 ainsi qu'un petit délinquant
algérien sont accusés d'avoir été ses complices.
EN DIRECT - Abdelkader
Merah, 35 ans, est jugé depuis lundi par la cour d'assises spéciale de Paris.
Aujourd'hui, la cour se penche sur le profil de l'accusé.
REVIVEZ LE DIRECT
- 21h29Une deuxième journée de procès tendue
- 20h40"Croyez-moi, cette enquête, les
enquêteurs l'ont faite avec leurs tripes", dit le policier
- 20h10Merah, un loup solitaire qui a bénéficié
d'aide, dit un policier
Personnalité complexe, le frère aîné
du « tueur au scooter » était un petit voleur buveur et cogneur avant
de se «convertir».
VIDÉO - L‘aîné de
Mohamed Merah comparaît depuis lundi devant la justice. Il est soupçonné
d'avoir aidé «le tueur au scooter» dans son entreprise mortifère. Il encourt la
réclusion criminelle à perpétuité. Portrait.
EN DIRECT - Suivez le procès du frère de Mohamed Merah jugé pour «complicité d'assassinats»
EN DIRECT - Suivez le procès du frère de Mohamed Merah jugé pour «complicité d'assassinats»
EN DIRECT - Abdelkader
Merah, 35 ans, est jugé à partir de ce lundi par la cour d'assises spéciale de
Paris pour «complicité d'assassinats». Suivez le live de notre journaliste sur
place, Caroline Piquet.
REVIVEZ LE DIRECT
- 18h13L'audience est levée
- 18h11Le petit tacle du président
- 17h58Le ton monte entre l'avocate générale et
l'accusé Fettah Malki
INFOGRAPHIE - Il y a un
peu plus de cinq ans, Mohammed Merah assassinait sept personnes, parmi
lesquelles des militaires, un enseignant et trois enfants. À partir de lundi 2
octobre, son frère Abdelkader comparaît devant la justice pour complicité
d'assassinats.
L'islam
radical à l'assaut de l'entreprise (27.10.2017)
EXCLUSIF - Dans un livre qu'il vient
de publier, Denis Maillard raconte au travers d'expériences vécues tant dans
des groupes publics que privés les offensives, souvent couronnées de succès,
des prosélytes d'un islam rigoriste. Extraits.
• Le fondamentalisme musulman au cœur
du problème
C'est précisément d'une «neutralité
peu compromettante» qu'a usée le ministère du Travail pour la rédaction
de son
guide du fait religieux. Pouvait-il agir autrement? Non, sauf à être accusé
de parti pris ou, pire, d'islamophobie. Car il ne faut pas se voiler la face,
c'est principalement d'islam qu'on parle lorsqu'on évoque ce fameux «fait
religieux» au travail. Il suffit d'ailleurs qu'un problème surgisse concernant
une autre religion et chacun est comme soulagé ; le cas est immédiatement
mis en exergue comme la preuve d'un traitement égal de toutes les religions.
Pourtant c'est bien l'islam qui taraude les esprits. Pour de bonnes ou de
mauvaises raisons. Quoi qu'il en soit, le déni n'est pas de mise: le fait religieux
musulman doit être nommé, dépassionné et problématisé, surtout si l'on veut le
comprendre et permettre aux entreprises d'y apporter une réponse.
• Quand les dirigeants de la RATP
tombent des nues
Fin novembre 2015. Deux semaines
après les attentats de Paris et du Stade de France, la RATP est en crise. L'un
des assassins du Bataclan, Samy Amimour, est un ancien machiniste de la Régie.
[…] En poste depuis moins d'un an, la nouvelle présidente, Elisabeth Borne,
découvre alors des pratiques qu'elle ne soupçonnait pas et qui viennent
démentir ses premières déclarations: «Aucun écart n'a été signalé depuis mon
arrivée, a-t-elle martelé. Si c'est le cas, tout ce qui est sanctionnable doit
être sanctionné.» Dans les couloirs du siège, les cadres du département bus et
tramways n'en mènent pas large. Ils connaissent la réalité du terrain. Ils
savent que, depuis quelque temps, Pavillons-sous-Bois est l'un de ces centres
(il y en aurait deux autres en région parisienne) où le management a dû battre
en retraite face à la force des revendications communautaires et religieuses.
Pièces collectives fermées et inaccessibles à la direction (avec des soupçons
de trafic), refus de certains machinistes de serrer la main aux femmes et même
de toucher le volant après elles, autobus immobilisés pendant que les
conducteurs font leurs prières… Les coups de canif à la sacro-sainte laïcité,
règle d'airain dans les services publics, sont devenus légion […]
Qu'il s'agisse des manifestations de
piété, des relations entre les hommes et les femmes, de l'intégration de
nouveaux salariés ou encore de la peur du terrorisme, la RATP condense dans une
même entreprise toutes les thématiques propres à l'expression de la religion au
travail
Pourtant, dès 2005, une clause de
neutralité avait été introduite dans le contrat de travail. En 2011, un premier
code éthique avait même été publié. Mais l'initiative eut une portée plus
symbolique que réelle. C'est l'époque où le syndicat Force ouvrière est
surnommé «Force orientale» tant il apparaît poreux aux demandes communautaires.
[…] Entre le printemps 2013 et l'été 2014, Force ouvrière suspend l'adhésion de
près de 200 de ses syndiqués. Motif: ces agents ne se conforment pas aux
valeurs laïques de l'entreprise et du syndicat. […] Force ouvrière paiera le
prix de cette décision. A la fin de 2014, le syndicat ne recueille que
9,6 % des voix et perd de peu sa représentativité à la RATP. Au profit
d'un nouveau syndicat apparu récemment, le syndicat antiprécarité (SAP-RATP).
Le nouveau venu rafle plus de 50 % des voix sur deux centres bus: dans le
XVIIIe arrondissement de Paris et… aux Pavillons-sous-Bois, dépôt où avait
travaillé Samy Amimour, le terroriste du Bataclan. Rebaptisé par certains
agents le «Syndicat pour musulmans», le SAP inquiète la direction. […] En 2017,
l'entreprise le reconnaît: lorsqu'un manager était alerté par un problème lié à
l'affirmation religieuse, sa hiérarchie lui demandait généralement de se
débrouiller pour le régler et de se concentrer en priorité sur la qualité de
service. C'est en réalité autant à une banalisation des mœurs banlieusardes au
sein d'une partie de l'entreprise qu'à son «islamisation» qu'on a assisté à la
RATP à partir des années 2000. […] Qu'il s'agisse des manifestations de piété,
des relations entre les hommes et les femmes, de l'intégration de nouveaux
salariés ou encore de la peur du terrorisme, la RATP condense dans une même
entreprise toutes les thématiques propres à l'expression de la religion au
travail. […] Depuis les attentats, les dirigeants ont pris la mesure de la
situation. […] Interrogés, certains agents décrivent leurs collègues
notoirement religieux plus discrets désormais et moins enclins à revendiquer
des aménagements spécifiques à leur croyance.
» LIRE AUSSI - Quand les salafistes font de l'entrisme à la RATP
L'entreprise suédoise d'ameublement
IKEA a choisi d'autoriser ses employés à porter des signes religieux
distinctifs. Elle en a même fait un argument dans ses campagnes de
recrutement. - Crédits photo : _ISA
• Ikea
L'entreprise suédoise a clairement
pris parti pour la liberté religieuse. Ainsi, ses vendeuses sont autorisées à
porter le voile. Quelles que soient leurs croyances religieuses, tous les
salariés d'Ikea peuvent afficher un signe religieux distinctif, sous réserve
que leur visage ne soit pas dissimulé, qu'ils puissent être identifiés comme
faisant partie de l'entreprise grâce à un badge et un uniforme reconnaissable
et que les règles de sécurité et d'hygiène soient respectées. Ce qui correspond
certes strictement au code du travail, mais cherche avant tout à respecter
l'identité de chacun.
• La polémique sur le burkini s'invite
dans l'entreprise
La dispute s'est invitée également au
sein de certaines entreprises, notamment les centres de vacances gérés par des
entreprises du tourisme international. Avant 2016, celles-ci avaient peu
réfléchi aux questions religieuses, la liberté des clients représentant jusqu'à
présent la règle. C'était compter sans la «fièvre hexagonale» qui pousse alors
des baigneurs à se plaindre aux responsables de sites ou aux maîtres-nageurs,
et à nourrir leurs commentaires sur Tripadvisor de remarques sur le burkini:
les uns pour le dénoncer, les autres pour demander qu'on fasse respecter leur
droit de se vêtir comme bon leur semble. Au-delà de nos frontières, les médias
étrangers se sont également emparés de cette affaire, le cas français étant
montré du doigt comme islamophobe ou, au contraire, salué une nouvelle fois
comme la pointe du combat pour la liberté de conscience. Dans certains pays
comme l'Australie, des associations confessionnelles ont fait ouvertement
campagne contre la France!
• Les jours fériés en question
Reste que les jours fériés, mais aussi
le dimanche, deviennent de plus en plus source d'interrogations dans le monde
du travail: pourquoi la religion catholique monopolise-t-elle les jours de
congé au détriment des autres religions, qui doivent se contenter des miettes
que les accords d'entreprise veulent bien leur attribuer? Jamais en retard
d'une innovation, le think tank Terra Nova a proposé récemment que l'on alloue
deux jours fériés aux religions juive et musulmane. Sous ses dehors de bon
sens, ce genre de proposition montre, au contraire, que la confusion est
maximale entre ce qui relève de la foi et ce qui touche aux traditions
historiques ; entre le cultuel et le culturel. Au regard des méandres de
l'histoire rappelés plus haut, il serait anachronique de repeupler soudainement
le calendrier avec des jours de même type accordés à d'autres religions. Si
pareille décision venait à être prise, les problèmes ne manqueraient pas de
survenir: comment procéder? Quels critères choisir? Le nombre de croyants sur
le territoire? L'assiduité des fidèles aux offices ou… le désordre que ces
religions provoquent?
Le halal est une contrainte pour les
employeurs mais représente aussi un formidable marché. En 2009, déjà, ce
Leclerc de Vitry-sur-Seine s'était adapté à la demande. - Crédits photo :
© Lahcène ABIB / SIGNATURES
• Le casse-tête du ramadan
Le ramadan, ce mois de jeûne annuel
dans l'islam, pose d'autres questions aux entreprises. Elles concernent moins
les jours de congé que l'aménagement des horaires. Surtout si le ramadan a
lieu, comme cela a été le cas ces dernières années, durant les mois d'été,
marqués par de fortes chaleurs et des journées plus longues qu'en hiver: les
croyants demandent généralement à arriver et à partir plus tôt, au risque de
désorganiser le service ou la production. La plupart du temps, ce type
d'aménagement est laissé à la libre appréciation des managers et des chefs
d'équipe ou de chantier, qui doivent répondre à un certain nombre de
contraintes: combien de personnes sont concernées? La modification des horaires
de certains est-elle compatible avec l'activité de tous? Le service des clients
est-il correctement assuré? Quels sont les risques courus?
Même si les aménagements demandés ne
sont pas acceptés par les entreprises, le jeûne a quand même lieu. Il y va de
l'identité religieuse du croyant. Car le ramadan est devenu depuis quelques
années, comme la consommation halal, le marqueur de l'identité musulmane. Les
croyants, souvent issus de l'immigration, restaurent en quelque sorte leur
fierté à travers l'ascèse d'un mois de privation. Le croyant démontre aux yeux
de ses coreligionnaires sa maîtrise de lui-même, qui équivaut à une
reconnaissance en bonne et due forme de sa piété et de son intégration dans la
communauté. Ainsi, selon son rigorisme, celui-ci va s'infliger une pratique
ascétique plus ou moins poussée. On voit, par exemple, régulièrement fleurir
sur les sites Internet spécialisés des questions liés à la possibilité ou non
d'avaler sa salive durant le ramadan…
Quoi qu'en disent les croyants,
l'épreuve physique que représente un mois de jeûne fait souvent sentir ses
effets sur le travail, surtout s'il est manuel. Et c'est avant tout la qualité
de ce travail et la dangerosité due à la fatigue qui doivent servir de critère
pour apprécier l'impact du ramadan. La religion n'a pas à interférer avec la
manière de réaliser ses tâches ou les résultats de celles-ci.
• Halal ou haram: le code du travail à
l'épreuve
Octobre 2010, dans le sillage de
l'affaire de la crèche Baby Loup, les croyances religieuses au travail
commencent à occuper les esprits et les journées de nombreux managers. Dans
cette petite entreprise de transport et de livraison de la banlieue rouennaise,
un chauffeur manutentionnaire refuse, au nom de sa religion, de décharger, de
porter et, in fine, de livrer aux clients des caisses contenant de l'alcool. Ne
pouvant lui proposer un autre emploi dans l'entreprise et pensant ramener le
jeune homme à la raison, le patron conciliant demande à un imam de la commune
de venir lui expliquer que son travail ne contrevient pas aux règles de
l'islam. Le religieux s'exécute et l'affaire semble réglée. Il n'en est rien!
La semaine suivante, l'employé se présente avec un autre imam pour lequel la
manutention d'alcool est bel et bien proscrite… Coupant court aux querelles
théologiques sur les quais de chargement de ses camionnettes, l'entreprise
licencie le manutentionnaire au motif qu'il refuse d'exécuter son contrat de
travail qui n'a pas été modifié par son employeur. […]
Certaines manières de vivre et de
consommer dépassent largement les habituelles demandes de menus halal à la
cantine de l'entreprise. Dans le monde du travail, elles rendent impossible la
coexistence avec les autres collègues
Ce cas est, sur le fond, totalement
identique à celui que nous avons eu à connaître dans une entreprise d'aide à
domicile: chargée de faire les courses de plusieurs personnes âgées
dépendantes, la salariée qui s'acquitte de cette tâche est une jeune femme
voilée qui manifeste ainsi sa foi. Cette situation ne pose de problème à aucune
des clientes. Un jour, au cours d'une visite de supervision pour savoir si tout
se passe bien, l'une d'elles fait part de son incompréhension: sur la liste de
ses courses figurent parfois quelques tranches de jambon blanc. Or le jambon
manque à chaque fois à l'appel et elle ne comprend pas pourquoi. Interrogée, la
jeune salariée reconnaît qu'elle évite d'acheter le jambon, se justifiant par
le fait que sa religion lui interdit de toucher du porc. […] De telles manières
de vivre et de consommer dépassent largement les habituelles demandes de menus
halal à la cantine de l'entreprise. Dans le monde du travail, elles rendent
impossible la coexistence avec les autres collègues. […] En 1987, Gilles Kepel
avait proposé de parler d'une «extension du domaine du halal» pour qualifier
cette transformation des formes héritées de la croyance dont il voyait les
premières manifestations dans «les banlieues de l'islam» *. […] A cette
explication toujours pertinente, nous souhaitons ajouter une autre évolution
majeure liée à la modification des repères de la foi telle que nous la voyons à
l'œuvre dans le monde du travail. Il s'agit d'une certaine rigidité identitaire
de ces nouveaux croyants qui les pousse à se conformer à des normes et des
rites encadrant leur existence et lui redonnant un sens.
• La tentation théologique
La tentation théologique est donc un
piège pour l'entreprise. Car l'objet de cette dernière, nous aurons à y
revenir, n'est pas la coexistence des croyances, mais l'organisation commune du
travail en vue de la production. Le piège est d'autant plus grand qu'il se
trouvera toujours une personne plus instruite en théologie (ou plus radicale)
pour porter la contradiction, comme l'a illustré notre exemple. C'est
d'ailleurs la stratégie déployée aujourd'hui par les salafistes. Mettant en
exergue la laïcité, ils dénient à la France le fait d'être un pays chrétien,
c'est-à-dire appartenant aux «Gens du Livre». Ce faisant, cet islam militant
confond à dessein le cadre politique général et le cadre religieux individuel
que la France distingue depuis la Révolution. Plus fondamentalement, le recours
à l'argument théologique est une contradiction puisqu'il suppose de prendre
appui sur des raisons religieuses pour en atténuer la portée. Or ce n'est pas
le rôle d'un DRH. C'est en revanche celui des autorités musulmanes, qui devront
tôt ou tard prendre à bras-le-corps les aspirations diffuses à la pureté
religieuse des fidèles. Mais hors de l'enceinte de l'entreprise. Car choisir ce
cadre pour y discuter théologie est bien la pire des solutions.
Chez Webhelp, opérateur international
de centres d'appels, implanté à Saint-Avold, en Moselle, le port du voile est
accepté pour les salariées qui font du télétravail. (Image d'illustration) -
Crédits photo : Fred MARVAUX/REA
• Le voile
En quoi ce voile est-il si ennuyeux?
Qui gêne-t-il réellement? Au-delà du fait que l'immense majorité des salariés
(83 %) estime que l'entreprise doit rester un endroit neutre et ne pas
prendre en considération les revendications d'ordre religieux, ce sont
essentiellement les relations avec les clients qui apparaissent aujourd'hui
comme le foyer central des problèmes liés au voile: les clients se plaignent.
Quelles sont, dès lors, les marges de
manœuvre d'un chef d'entreprise dont la clientèle refuserait de travailler avec
une de ses salariées parce qu'elle porte un voile? Demander à la salariée de le
retirer présente plusieurs risques: celui d'aller au conflit et au
licenciement ; celui aussi d'être accusé de discrimination ou
d'islamophobie par certaines associations. Cela est régulièrement le cas avec
le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), passé maître dans l'art
d'utiliser ce type de contentieux pour faire avancer sa cause et fournissant aux
femmes en question avocats et conseils en communication. […]
• La barbe
Comment différencier celle du
salafiste de celle du hipster, ou celle du franc-maçon de celle du tatoueur
gay? Comment différencie-t-on un signe acceptable d'un signe inacceptable? On
chasse un signe par la porte, il se présente par la fenêtre, et il est rare en
cette matière qu'un DRH soit sémiologue… Et parle en quelque sorte le langage
des signes. Le cas s'est d'ailleurs présenté début 2016, quelques semaines
après les attentats du 13 novembre: quatre agents de sécurité de
l'aéroport d'Orly ont été licenciés pour avoir refusé de raser leur barbe comme
le stipulait le règlement de leur entreprise. Alors que ces barbes n'avaient
visiblement pas poussé en une nuit, leur employeur, l'agence Securitas, s'est
prudemment retranché derrière son «code référentiel», qui stipule que les
agents doivent être glabres. Les agents, pour leur part, ont fait d'eux-mêmes
le lien entre barbe et religion, refusant de se raser parce que, à leurs yeux,
cela portait atteinte à leur liberté religieuse.
Confrontés eux aussi à la montée des
revendications religieuses, les syndicats, CGT et FO en tête, ont mis du temps
à arrêter une stratégie face à l'islam rigoriste. - Crédits photo :
JACQUES DEMARTHON/AFP
• Les fichés S
«Peut-on connaître nos fichés S?»
C'est ce type de dilemme que nous confient ces derniers temps plusieurs DRH.
L'un d'entre eux, responsable dans une entreprise de transport, a brusquement
compris après l'attentat de Nice le danger potentiel lié à la libre circulation
de ses camions, dont plusieurs centaines sillonnent chaque jour les différentes
villes de France. Impossible pour lui de connaître tous les chauffeurs et
encore moins les intérimaires embauchés pour pallier les absences des titulaires.
Récemment, l'un de ces chauffeurs a d'ailleurs découvert des documents de
propagande de l'Etat islamique oubliés par son dernier occupant dans le
vide-poche d'un camion. L'intérimaire en question s'est empressé de prévenir
son chef. Reste à savoir comment procéder avec le chauffeur incriminé?
«Concernant ce cas, la police nous a expliqué que le chauffeur était fiché S et
particulièrement surveillé, explique le DRH. Ils ont pu l'arrêter grâce à la
découverte faite dans son camion. Mais peut-on connaître nos fichés S?
poursuit-il, et comment identifier les signes de radicalisation?»
Depuis que l'une de ses salariées a
été arrêtée pour terrorisme, la DRH d'une entreprise de soins à la personne est
aux prises avec les mêmes interrogations. L'onde de choc a impacté toute
l'entreprise. Comment aborder cette question, en parler avec les salariés?
Comment, là aussi, détecter les signes susceptibles d'alerter sur la
radicalisation d'un salarié? […] Il faut donc se garder de la confusion des
concepts: porter un voile relève du fait religieux, faire l'apologie du
terrorisme constitue la preuve d'une radicalisation.
Toutefois, la tolérance à l'expression
du fait religieux doit être appréciée selon le contexte de l'entreprise et le
secteur dans lequel elle évolue: la production nucléaire ou le transport de
voyageurs, par exemple, ne développent pas la même sensibilité au fait
religieux et aux risques de radicalisation qu'une enseigne de distribution ou
une PME sous-traitante d'un groupe informatique. Chez les premières, la ligne
rouge est plus vite franchie et le travail avec la police et les services de
renseignement est permanent.
«Vous donnez bien aux gays, pourquoi
pas à nous ?»
La représentante d'une organisation
caritative musulmane au DRH de son entreprise
• La limite des politiques de
diversité
«Vous donnez bien aux gays, pourquoi
pas à nous?» La femme qui s'adresse ainsi au DRH de cette entreprise de
nettoyage, très engagée dans la promotion de la diversité, est la responsable
d'une association qui vient en aide aux plus démunis dans son quartier. Elle
est musulmane pratiquante et a créé cette association d'obédience soufie avec
d'autres croyantes de l'entreprise. La conversation, qui tourne au dialogue de
sourds, a débuté quelques semaines plus tôt, lorsque cette femme a sollicité un
entretien avec le directeur de la RSE (responsabilité sociale des entreprises)
afin de demander une subvention pour son association. Celui-ci a refusé au
motif qu'il ne pouvait pas soutenir une association confessionnelle. La femme
s'entête, invoque la discrimination. Elle prend argument que l'entreprise a
déjà accordé des subventions à d'autres associations de femmes et même à une
association qui soutient les gays et aurait fait défiler un char lors de la Gay
Pride!… Tout cela est vrai, mais rien de religieux, lui rétorque le directeur.
Il lui demande alors de rencontrer le DRH, car il ne veut rien avoir à faire
avec les problèmes de croyances. En bout de course, c'est à ce dernier de
«gérer le fait religieux».
• «Peut-on être soi-même au travail?»
Dans un monde du travail sans repères
fixes, l'individu religieux va se rassurer avec les limites et les cadres que
lui procure sa foi. Sauf que la stricte observance des rites qui en découlent
le met au ban d'un monde commun du travail. C'est précisément l'exemple que
nous avons eu à connaître au mois d'avril 2017, à Paris, lors d'un forum
sur la vision du travail portée par les moins de 30 ans: dans la salle,
une cinquantaine de jeunes de toute origine et de tout statut, étudiants, actifs,
chômeurs, débattent autour d'une question: «Peut-on être soi-même au travail?»
Majoritairement, ils répondent par la négative et s'en désolent: on ne peut pas
aller en baskets ou en survêtement au travail, ce n'est pas normal! On ne veut
pas se déguiser, on veut rester nous-mêmes! Etc. Le débat tourne en rond et
porte sur des questions vestimentaires sans intérêt. Parmi tous ces débatteurs,
plusieurs jeunes femmes sont voilées et on sent bien, petit à petit, que,
derrière le port du survêtement, c'est aussi la question du voile qui a du mal
à se frayer un chemin dans la discussion. Tel l'éléphant au milieu de la pièce,
tout le monde le voit, mais personne n'en parle…
Quand la religion s'invite dans
l'entreprise. Malaise dans le travail, de Denis Maillard, Fayard,
232 p., 18 €. - Crédits photo : éditeur
L'une des jeunes femmes va enfin
crever l'abcès en énumérant toutes les discriminations qui l'empêchent d'être
elle-même au travail et lui interdisent, selon elle, l'accès à l'emploi: sa
couleur de peau - elle est noire -, le choix de ses vêtements et… son voile.
Tout n'est pas sur le même plan, tente-t-on d'argumenter: «Votre peau, vous ne
pouvez pas l'ôter, elle fait partie de vous, mais, votre voile, vous pouvez
bien l'enlever? - C'est exactement la même chose, rétorque-t elle. Mon voile
fait partie de moi, comme la couleur de ma peau. Ma religion, c'est moi!»
Poursuivant la conversation un peu plus tard en aparté, celle-ci explique
qu'elle a tenté de faire des études en ressources humaines, mais qu'elle a bien
vu que sa religion, qui organise l'ensemble de sa vie, l'empêche d'être
embauchée ou même d'obtenir un stage. Elle a donc décidé d'orienter ses études
différemment et prévoit de créer sa propre entreprise pour rester elle-même et
pouvoir embaucher des femmes voilées…
* Les Banlieues de l'islam.
Naissance d'une religion en France, de Gilles Kepel, Seuil, «Points»,
432 p., 10,50 €.
La rédaction vous conseille :
Guillaume
Perrault : «Parisiens, fuyons la capitale !» (26.10.2017)
ANALYSE - Le
mouvement entre Paris et les provinces semble sur le point de s'inverser : les
Parisiens délaissent la capitale qui devient invivable, pour les métropoles de
France, explique Guillaume Perrault.
- Crédits photo : figaro
Guillaume Perrault est grand reporter
à FigaroVox et au Figaro. Maître de conférences à Sciences Po, il enseigne
l'histoire politique française et les institutions politiques. Son nouvel
ouvrage, «Conservateurs, soyez fiers!», vient de paraître chez Plon.
En 1846, à Lille, lors de
l'inauguration du chemin de fer qui allait relier la grande ville du nord à
Paris, Berlioz interpréta une cantate qu'il avait composée pour l'événement à
la demande de la municipalité, intitulée «Le Chant des chemins de fer». En
digne homme du XIXe siècle, le grand compositeur ne doutait pas qu'il
saluait là le progrès. Depuis lors, en tout cas, le nombre de Lillois
montés à Paris, comme on disait jadis, n'a cessé de croître.
Or, aujourd'hui, le mouvement entre
Paris et les provinces semble sur le point de s'inverser. Déjà, certains
Bordelais vouent aux gémonies le TGV qui, désormais, relie leur ville
magnifique à la capitale en deux heures. Les Parisiens affluent sur les rives
de la Garonne, contribuant à la flambée des prix de l'immobilier. Aussi un
mouvement de mauvaise humeur est-il apparu. «Parisien,
rentre chez toi»: cet autocollant, qui représente un TGV devant le
centre-ville de Bordeaux, s'observe en de rares endroits, ces jours-ci, dans la
ville de Montaigne. Des Bordelais de vieille souche et non dénués d'humour ont
créé le «Front de libération bordeluche (bordelais en argot) face au
parisianisme» (FLBP), actif sur les réseaux sociaux.
L'auteur de ces lignes, Parigot tête
de veau, comprend la mauvaise humeur des Bordeluches
L'auteur de ces lignes, Parigot tête
de veau, comprend la mauvaise humeur des Bordeluches. Voilà des années que les
catégories populaires et même les classes moyennes ont dû quitter le
centre-ville de leur agglomération (sauf les bienheureux qui bénéficient d'un
logement social). La même boboïsation s'observe, au reste, dans toutes les
métropoles de France, hormis Marseille. Cette dramatique uniformisation
sociologique et culturelle est simplement plus avancée à Bordeaux qu'ailleurs.
Non, amis bordeluches, les Parisiens
ne vont pas rentrer chez eux. Le temps est révolu où les habitants de la
capitale regardaient de haut le reste du pays, jugaient leur sort enviable et
s'écriaient après François Villon: «Il n'est bon bec que de Paris.» Rien n'est
plus éloigné d'eux, désormais, que les manifestations de condescendance ingénue
du Parisien pour le provincial qui abondaient depuis des siècles. On lisait
ainsi, en 1855, sous la plume du journaliste Edmond Texier: «Ne croyez pas à la
cigarette de la femme! C'est un mensonge, un truc, une ficelle pour prendre les
gens des départements (…). Toutes les lorettes font semblant d'adorer la
cigarette. Il y en a même un grand nombre qui s'entraînent au cigare afin
d'agir plus vivement sur l'imagination des provinciaux que l'Exposition
universelle va amener l'été prochain à Paris.» Tout cela est bien fini.
Désormais, c'est le Parisien qui fait
pitié à tous les autres Français.
Désormais, c'est le Parisien qui fait
pitié à tous les autres Français. Qui la capitale peut-il encore faire rêver?
Ses rues sont d'une saleté repoussante, les couloirs du métro et du RER
rivalisent de puanteur, et les SDF se multiplient. Un sentiment de
clochardisation gagne les esprits.
Qui la capitale peut-il encore faire
rêver ? Ses rues sont d'une saleté repoussante, les couloirs du métro et du RER
rivalisent de puanteur
Pendant ce temps, Anne Hidalgo se
flatte de transformer la vie des automobilistes parisiens en enfer, ouvre un
camp de naturistes dans le bois de Vincennes (gageons qu'il va falloir ordonner
aux militaires de Vigipirate d'en assurer la protection) et insulte les
Parisiens qui la critiquent. Saluons donc la persévérance du site d'information
Delanopolis, animé par Serge Federbusch, également contributeur au FigaroVox,
qui fait plus pour dénoncer les folies du maire que tout le groupe LR du
Conseil de Paris.
Au risque de heurter, la conclusion
s'impose: il vaudrait mieux pour la capitale que le préfet ait encore le
dernier mot sur les élus, comme c'était le cas avant 1977. Les Parisiens en âge
d'en conserver le souvenir peuvent-ils sérieusement prétendre qu'ils étaient
malheureux quand l'État, et non un maire, dirigeait Paris? Sont-ils plus
écoutés aujourd'hui par ceux qui décident de leur sort? La décentralisation,
appliquée à la capitale, se révèle une catastrophe qui les livre à l'arbitraire
d'un tyranneau.
Seuls les impératifs professionnels
retiennent encore de nombreux habitants de la capitale à leur ville, comme le
serf reste attaché à sa terre contre son gré. Les retraités, eux, épluchent les
annonces immobilières pour gagner nos belles provinces. Et ils ont raison.
Parisiens, fuyons la capitale!
Retrouvez Guillaume Perrault sur
Twitter: https://twitter.com/GuilPerrault
Cet article est publié dans l'édition
du Figaro du 27/10/2017. Accédez à sa version PDF
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CHRONIQUE - Le torrent médiatique de
« Balance ton porc » ne saccage pas seulement toute raison et
cohérence intellectuelle. Il réduit à presque rien tout le reste de
l'actualité.
C'est un torrent qui emporte tout. Qui
dévaste tout, qui détruit tout, qui ravage tout. Qui envahit tout. Le torrent
de la parole libérée. La parole qui dénonce, la parole qui accuse, la parole
qui menace. L'incroyable tsunami de «Balance
ton porc» nous plonge soudain dans le monde décrit il y a des années
par l'écrivain Philippe Muray qui avait prophétisé que le temps du
néopuritanisme féministe succéderait à celui de la libération sexuelle des
années 1970, et qu'il s'achèverait dans une fureur répressive et
inquisitoriale: «À l'envie de pénis, succédera l'envie de pénal.»
Nous y sommes. Et plus rien d'autre
n'existe ni n'importe. Comme si (alors même que l'affaire
Weinstein partait des Etats-Unis, et même d'Hollywood, qui n'a jamais
eu la réputation d'être un monastère), la France était devenue un enfer où des
«porcs» par millions harcelaient et violaient en liberté des pauvres victimes
féminines, forcément victimes, qui n'avaient aucun moyen légal de se défendre.
Les mêmes militantes féministes - qui, il y a quelques semaines, nous
expliquaient doctement que les
incessants harcèlements de rues par les migrants Porte de la Chapelle se
régleraient par un élargissement des trottoirs - ne proposent nullement
l'agrandissement des chambres d'hôtel où Weinstein et ses émules français
reçoivent leurs proies. Il est vrai que ceux-ci sont occidentaux et riches,
tandis que ceux-là sont africains et pauvres.
«Cette furie médiatique ne saccage pas
seulement la raison. Elle réduit à rien tout le reste»
Mais le torrent médiatique de «Balance
ton porc» ne saccage pas seulement toute raison et cohérence intellectuelle. Il
réduit à presque rien tout le reste de l'actualité. Soudain, la
sécession catalane devient anecdotique. On évoque à peine les efforts
- largement vains d'ailleurs - d'Emmanuel Macron pour limiter les
effets délétères des travailleurs détachés. Les menaces
nucléaires venues de la Corée du Nord ont disparu. La
défaite de Daech? On s'en moque. On a déjà oublié que les
Allemands de Siemens ont racheté nos TGV. Les
ambitions mondiales de la Chine, proclamées haut et fort désormais par le
chef du Parti communiste chinois, n'ont qu'une importance insignifiante. Le
développement de sa marine, en particulier, et de son armée en
général, son impérialisme économique mis en place à travers «la
route de la soie», n'intéresse personne. Pas plus que le réveil programmé
de la
puissance militaire japonaise. Ou l'invasion
continue de migrants venus d'Afrique, et qui passés par la Libye, se
déversent sur les côtes italiennes, en sachant très bien qu'ils seront non
seulement sauvés, mais jamais renvoyés dans leur pays.
Tout cela est insignifiant.
Négligeable. Marginal. Il est vrai qu'il ne s'agit que de paix et de guerre. Un
sujet bien moins important que de savoir si tel député ou ancien ministre a
posé sa main sur la cuisse d'une jeune femme ou si une actrice a pleuré en
comprenant qu'un producteur l'avait invité dans sa chambre d'hôtel pas
seulement pour évoquer son prochain rôle. Si on était amateur de complots, on
dirait que cette campagne médiatique contre les porcs est bien utile pour ne
pas voir la porcherie qui flambe. Mais ce n'est pas notre genre.
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Bock-Côté : «Mon niqab au Canada» (27.10.2017)
TRIBUNE - Le multiculturalisme radical
vanté par Justin Trudeau réussit l'exploit de faire de ce vêtement l'étendard
de la liberté individuelle et de la diversité, critique l'universitaire
montréalais*, figure de la vie intellectuelle québécoise.
Le gouvernement du Québec dirigé par
Philippe Couillard, vient d'adopter, le 18 octobre, une loi qui oblige ceux
qui offrent ou reçoivent des services publics à le faire à visage découvert.
Plusieurs voient dans cette législation, sans trop se tromper, un dispositif juridique pour limiter la présence du niqab dans
l'espace public.
Le niqab est devenu un enjeu
symbolique fort au Québec: est-il légitime de le proscrire ou, du moins, d'en
contenir la présence dans la vie publique? Dans le contexte québécois, la loi
adoptée le 18 octobre demeure minimaliste et s'inscrit dans une querelle
politique s'étalant sur plus d'une décennie, pour encadrer l'expression des
signes religieux ostentatoires dans la vie publique. Les partis d'opposition
sont très sévères envers cette loi faiblarde, qui n'ose même pas affirmer le
principe de la laïcité auxquels les Québécois sont attachés.
Depuis quelques années déjà, Justin
Trudeau et une bonne partie de la classe politique canadienne voient dans leur
ouverture au niqab une expression de leur supériorité morale et de la grandeur
du multiculturalisme canadien
Il n'en fallut pas plus, toutefois,
pour que Justin Trudeau et plusieurs représentants des provinces anglophones du
Canada ne dénoncent avec une extrême sévérité la loi québécoise et se portent à
la défense du niqab, à la fois au nom de la liberté religieuse et au nom du
droit de la femme de se vêtir comme elle l'entend. Justin Trudeau l'a dit à sa
manière: «Une société qui ne veut pas que les femmes soient forcées d'être
voilées, peut-être devrait-elle se poser des questions sur ne pas forcer les
femmes à ne pas porter le voile.» En d'autres mots, le niqab ne serait qu'un
vêtement féminin parmi d'autres.
Chercher à l'encadrer ou le proscrire
relèverait du néocolonialisme et du paternalisme. Celui qui exprime des
réserves devant le niqab ne témoigne pas du simple bon sens, mais révèle
bêtement ses préjugés contre la différence. La déclaration du premier ministre
n'est pas surprenante. Depuis quelques années déjà, Justin Trudeau et une bonne
partie de la classe politique canadienne voient dans leur ouverture au niqab
une expression de leur supériorité morale et de la grandeur du
multiculturalisme canadien. Trudeau pense d'ailleurs à engager une démarche
pour invalider la loi québécoise.
Lors des élections fédérales de 2015,
qui portèrent Justin Trudeau et le Parti libéral au pouvoir à Ottawa, les
tribunaux canadiens jugèrent que, contrairement à ce que soutenait le
gouvernement conservateur du moment, Zunera Ishaq, une femme d'origine
pakistanaise, était en droit de prêter son serment de citoyenneté en niqab lors
de la cérémonie de naturalisation en vigueur au Canada. Justin Trudeau ne fut
pas le seul à applaudir cette décision de justice. Zunera Ishaq fut même
présentée par certains politiciens comme unemilitante exemplaire des droits et
des libertés.La première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne, déclara que
c'était «un honneur» de la rencontrer. Certes, ils étaient nombreux, chez les
Canadiens, et surtout chez les Québécois, à se désoler de cet emballement
médiatique en faveur du niqab, mais ils étaient justement invités à se réjouir
que les droits des minorités ne soient pas soumis à la tyrannie de la majorité.
Il fallait un certain culot, à notre
époque, pour faire du niqab l'étendard de la liberté individuelle, de
l'émancipation féminine et de la diversité
Depuis, la classe politique a fait du
zèle pour montrer son ouverture à l'islam le plus militant. La première
ministre de l'Alberta, Rachel Notley, s'est voilée dans une vidéo pour
témoigner de son respect à l'endroit de la communauté musulmane de sa province.
Des ministres fédérales firent de même. On est en droit d'y voir une
manifestation caricaturale du multiculturalisme, qui repose sur l'inversion du devoir
d'intégration. Ce n'est plus à l'immigré de prendre le pli identitaire de la société
d'accueil, mais à cette dernière de transformer ses institutions et ses
mentalités pour s'accommoder à la diversité. À en croire les partisans du
multiculturalisme, il faut mener sans cesse un travail de déconstruction
culturelle pour permettre à la diversité de s'épanouir de manière ostentatoire.
Cela nous donne une bonne idée de la
vraie nature du multiculturalisme canadien. Dans un entretien au New
York Times, en décembre 2015, Justin Trudeau avait précisé sa conception du
pays: le Canada serait le premier pays vraiment postnational. La formule
frappait: «Il n'y a pas d'identité centrale au Canada», a-t-il déclaré. Au cœur
de la citoyenneté canadienne, on ne trouve rien d'autre que le culte des droits
de l'homme et le multiculturalisme qui est inscrit dans la Constitution. Le
Canada prend très au sérieux l'affirmation selon laquelle nous serions tous des
immigrants, ce qui, par ailleurs, le pousse à voir dans le peuple québécois une
communauté culturelle parmi d'autres. On accusera les Québécois de
«suprémacisme ethnique» s'ils rappellent qu'ils sont une nation et décident
d'agir en conséquence.
Cet épisode politique devrait
relativiser le regard enamouré que portent bien des Français sur le Canada de
Justin Trudeau. Loin d'être le modèle de l'identité heureuse et de la diversité
réconciliée, le Canada impose en fait le multiculturalisme au bulldozer
juridique et idéologique
C'est ce que disait Justin Trudeau en
2013. Il a alors comparé la charte de la laïcité portée à l'époque par le
gouvernement du Québec à… la ségrégation jadis en vigueur aux États-Unis. On
devine dès lors le regard porté par les principaux promoteurs de l'idéologie
canadienne sur la France, qui passe pour un contre-exemple absolu dont le
modèle politique serait terriblement régressif. C'est un peu comme si la
laïcité était intraduisible dans l'univers mental du multiculturalisme et des
Anglo-Saxons. Devant le niqab, le Canada officiel ne veut voir qu'une manière
parmi d'autres de se vêtir pour une femme. Il consent ainsi à
l'instrumentalisation de sa citoyenneté par les communautarismes qui formulent
leurs revendications dans le langage des droits individuels et des droits des
minorités.
Cet épisode politique devrait
relativiser le regard enamouré que portent bien des Français sur le Canada de
Justin Trudeau. Loin d'être le modèle de l'identité heureuse et de la diversité
réconciliée, le Canada impose en fait le multiculturalisme au bulldozer
juridique et idéologique en ne tolérant tout simplement pas la possibilité
qu'on ne s'enthousiasme pas pour lui. Il se prend même pour un modèle
universel, censé inspirer la planète entière et servir de phare pour
l'humanité. Il fallait un certain culot, à notre époque, pour faire du niqab
l'étendard de la liberté individuelle, de l'émancipation féminine et de la
diversité. Il en fallait encore plus pour diaboliser ceux qui témoignent de
leur malaise devant son imposition dans l'espace public en les présentant comme
des individus suspects de sentiments antidémocratiques. Le Canada l'a fait.
* Sociologue et chargé
de cours à HEC Montréal. Le récent ouvrage de Mathieu Bock-Côté «Le
Multiculturalisme comme religion politique» (Éditions du Cerf, 2016) a été
salué par la critique.
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Quand
la France se réchauffera : tout ce qui va changer dans nos vies (27.10.2017)
ENQUÊTE - D'ici à 2050, l'élévation
des températures pourrait bouleverser le paysage français et nos habitudes de
vie, avec des conséquences sur l'agriculture, le logement, l'énergie et le
monde animal. Voici comment.
Malgré le bourdonnement incessant de la
ville, de nombreux Parisiens ont ouvert en grand les fenêtres de leurs
logements. Il est 4h30 du matin et il fait déjà 24 °C. Nous sommes à
Paris, le dimanche 30 octobre 2050. Comme toujours depuis maintenant une
vingtaine d'années, l'été s'étire toujours un peu plus et l'automne semble
encore très loin. Autrefois gris et pluvieux, novembre a des allures de début
septembre. Les hivers sont de plus en plus doux et les vagues de chaleur qui
plombent désormais systématiquement les mois de juillet et d'août ont été une
nouvelle fois particulièrement éprouvantes. La France s'est lentement habituée
à l'élévation progressive de ses températures. La plupart de ses habitants se
sont dotés de systèmes de climatisation pour lutter contre la fournaise et
beaucoup ont bénéficié de l'aide de l'Etat pour améliorer l'isolation de leurs
habitations.
Le Mont-Saint-Michel sera-t-il entouré
d'oliviers en 2050? - Crédits photo : Pascal Goetgheluck pour Le Fiagaro
Magazine
Le paysage de notre pays n'est plus
tout à fait le même, mais sa métamorphose est subtile. La France n'est pas sous
les eaux, mais l'élévation du niveau de la mer, en Camargue, en Charente, en
Vendée, en Gironde, dans les Hauts-de-France et le Cotentin menace sérieusement
plusieurs villes et espaces naturels du littoral. Sur l'île de Sein (Finistère)
désormais à fleur d'eau, la situation est très inquiétante pour certains
habitants menacés qui songent à partir. La crainte des inondations (élévation
de 1 mètre du niveau des océans à l'horizon 2100 si les émissions de gaz à
effet de serre ne sont pas réduites d'ici là) a contraint de nombreuses
municipalités côtières à modifier leurs plans d'occupation des sols (POS) et à
modifier leurs règles d'urbanisme. Le paysage agricole n'est plus celui des
années 2000, avec ses immenses champs à perte de vue. Des vignes toujours plus
nombreuses s'épanouissent en région parisienne et en Normandie.
A cause du manque d'eau, les grandes
exploitations de maïs ont peu à peu disparu des Landes et du Sud-Ouest et ont
été remplacées par des parcelles plus petites où céréales et légumineuses
dominent. La Beauce meurt de soif et a dit adieu à son blé fourrager. Les haies
ont fait leur retour et, avec elles, le petit gibier de plaine qui avait
disparu. Au sud de la Loire, les incendies de forêts sont toujours meurtriers
et destructeurs et les forestiers tentent de trouver des solutions pour
accompagner le développement du pin maritime dont la zone de répartition ne
cesse de s'étendre.
- Crédits photo : Infographie Le
Figaro Magazine
Dans les Alpes, la mer de Glace
n'existe plus que sur de vieilles cartes postales et seules les plus hautes
stations peuvent encore espérer avoir de la neige en hiver. Inexorablement, la
France se prépare à devenir un pays méditerranéen. Bien entendu, ce scénario
n'est pour l'instant qu'une projection. «Mais il est plus que probable que la
France de 2050 ressemble à cela, assure le climatologue Jean Jouzel, ancien
vice-président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du
climat (Giec). La conférence de Paris de 2015, ou COP21, s'est fixée pour
objectif de contenir le réchauffement entre 1,5 et 2 °C d'ici à 2100 par
une limitation des gaz à effet de serre. Mais si rien n'est fait, au rythme actuel,
nous sommes nombreux à penser que nous ne disposons plus que de vingt à
vingt-cinq ans avant d'atteindre un point de non-retour.»
De fait, si l'on en croit les très
sérieuses études du Centre national de recherches météorologiques (CNRM) et de
l'Institut Pierre-Simon-Laplace (IPSL), en collaboration avec l'Institut
national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), qui s'appuient
notamment sur le cinquième rapport du Giec, la France doit s'attendre à
l'horizon 2021-2050 à «une hausse des températures moyennes, toutes saisons
confondues, comprise entre 0,6 et 1,3 °C.» Mais «en été, dans le sud-est
de la France, les écarts pourraient atteindre 1,5 à 2 °C.» Parallèlement,
précise le ministère de la Transition écologique et solidaire, notre pays
devrait connaître «une augmentation du nombre de jours de vagues de chaleur en
été comprise entre 0 et 5 jours sur l'ensemble du territoire, voire de 5 à 10
jours dans des régions du quart sud-est. Et une diminution des jours
anormalement froids en hiver sur l'ensemble de la France métropolitaine, entre
1 et 4 jours en moyenne, et jusqu'à 6 jours au nord-est du pays.»
- Crédits photo : Infographie Le
Figaro Magazine
«D'ici à 2050, l'éprouvant été 2017
pourrait être un été normal dans le sud de l'Europe», avance Serge Planton,
chercheur au CNRM/Météo-France. Pire encore: «Les désastres liés au changement
climatique, tels que les canicules, pourraient aussi affecter deux tiers des
Européens d'ici à 2100», selon une étude publiée dans la revue The Lancet
Planetary Health. Tout aussi pertinent, d'après l'Institut suisse pour l'étude
de la neige et des avalanches et l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, le
manteau neigeux hivernal des Alpes réduirait de 30 % d'ici à la fin du siècle,
et cela même si la hausse de la température mondiale est limitée à 2 °C.
Dans le cas où les émissions de gaz à effet de serre ne diminueraient pas, «la
réduction atteindrait jusqu'à 70 %».
Particulièrement exposée,
l'agriculture française sait qu'elle va devoir faire face. D'après l'Académie
américaine des sciences, «chaque augmentation de 1 °C de la température
moyenne dans le monde réduirait d'environ 6 % le rendement du blé. Pour le
riz, la baisse serait de 3,2 % et pour le maïs, de 7,4 %.» Autre problème
soulevé, et non des moindres, l'élévation des températures risque aussi de
peser sur l'humidité des sols. Selon le rapport ClimSec de Météo-France, une
aggravation continue des sécheresses dites agricoles semble très probable au
cours du XXIe siècle sur l'ensemble du pays, avec une «accentuation
rapide» du phénomène à partir des années 2050, tandis que le nord de la France
pourrait être plus particulièrement touché pendant l'automne et l'hiver.
- Crédits photo : Infographie Le
Figaro Magazine
De son côté, le monde viticole est
déjà très conscient de ce qui l'attend. «Car même une faible hausse des
températures peut affecter grandement un vignoble, assure Alexandre Bain,
vigneron à Tracy-sur-Loire (Nièvre). Tous les domaines risquent d'être
concernés par le changement climatique qui peut rendre les vins plus puissants
et moins complexes avec des taux d'alcool plus élevés ainsi qu'un manque
d'acidité.» Selon les régions, les effets pourront être différents avec, au
sud, un manque d'eau et de plus grandes sécheresses et, au nord, une
multiplication des accidents météorologiques (grêle, gel, pluie). Parmi les
scénarios évoqués, certains tablent sur un bouleversement des AOC, une
migration de certains cépages déjà existants et la plantation de nouveaux,
mieux adaptés aux températures plus chaudes ou plus résistants aux maladies de
la vigne, comme l'oïdium et le mildiou, favorisées par l'élévation des
températures.
Autre problème pour les cultures, des
insectes nuisibles comme la chrysomèle du maïs ou la mineuse de la tomate
pourraient menacer notre pays à la faveur d'hivers moins froids. La chenille
processionnaire du pin, allergène et jusque-là cantonnée au sud de la France,
est, elle, déjà largement présente au nord de la Loire et ne cesse de
progresser, tout comme le moustique tigre, potentiellement porteur de la dengue
et du chikungunya.
- Crédits photo : Infographie Le
Figaro Magazine
«Comme tous les milieux naturels en
France, la forêt est aussi très concernée par la question climatique, assure
Myriam Le Gay, chef du département recherche, développement, innovation à
l'Office national des forêts (ONF). Certaines espèces implantées depuis des
centaines d'années et jusqu'alors prospères deviennent, dans certaines zones,
inadaptées et vulnérables au climat actuel. C'est notamment le cas du chêne
pédonculé dans la forêt de Vierzon ou des sapinières méridionales dans l'Aude.
Mais le temps des arbres n'est pas celui des hommes. Si tous les experts
s'accordent sur la réalité du réchauffement climatique, beaucoup d'incertitudes
demeurent. Il est encore difficile de formuler des conclusions, mais il est
certain, compte tenu du lien étroit que les forêts entretiennent avec le
climat, que de tels changements aussi rapides ne pourront se faire sans
conséquences.»
- Crédits photo : Infographie Le
Figaro Magazine
En mer, sur les côtes bretonnes par
exemple, balistes et sars, des poissons de Méditerranée, font désormais partie
du paysage local, tout comme la blennie paon. «Inconnu en Bretagne jusqu'en
1986, selon les travaux de la station de biologie marine du Muséum national
d'histoire naturelle, à Concarneau (Finistère), ce poisson semble constituer un
bon révélateur de la modification du climat marin en France.» Selon l'Office
national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), les chevreuils,
confrontés à des printemps de plus en plus précoces, pourraient voir leur
population diminuer. Autres effets inattendus: le réchauffement devrait rendre
les décollages et les atterrissages des avions plus difficiles en raison du
manque de portance lié à la chaleur. L'augmentation de la température des eaux
et la réduction du débit des cours d'eau, dans lesquels les centrales
nucléaires puisent pour se refroidir, auront aussi un impact sur leur
fonctionnement.
«Dans l'idéal, si nous voulons éviter
tout cela et sans jouer inutilement les Cassandre, lance Jean Jouzel, il
faudrait atteindre le pic d'émissions de gaz à effet de serre en 2020, puis
entre 2020 et 2050 les diviser par trois à l'échelle planétaire.
C'est difficile mais ce n'est pas encore impossible. Tout le monde peut encore
agir. A travers des gestes, des décisions quotidiennes et simples en matière de
choix des moyens de transport, d'isolation de l'habitat,
d'alimentation, etc., nous pouvons nous-mêmes influer sur une bonne moitié
des émissions en France. Beaucoup d'entreprises aussi ont compris qu'elles ont
une carte à jouer en termes d'innovations technologiques.» Réalité inéluctable,
selon l'immense majorité des experts et scientifiques internationaux, le
réchauffement climatique pourrait aussi ne pas être une fatalité.
- Crédits photo : Infographie Le
Figaro Magazine
Climatosceptiques contre
«climatoréalistes»
Pour l'immense majorité de la
communauté scientifique, la réalité du réchauffement climatique démontré par
les travaux du Giec n'est plus mise en doute, mais ses causes et ses
conséquences font toujours débat. Certains spécialistes, comme le géophysicien
français Vincent Courtillot et l'ancien ministre et géochimiste Claude Allègre,
ne sont pas tout à fait convaincus par l'hypothèse de l'origine humaine de ce
phénomène et avancent notamment l'existence de cycles d'origine naturelle pour
l'expliquer. D'autres sont en désaccord sur ses conséquences socio-économiques,
technologiques et environnementales, ainsi que sur la nature des actions à
mener pour y remédier. Si Donald
Trump a déclaré que le réchauffement climatique était un «canular inventé par
les Chinois», la Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre,
défend désormais les accords mondiaux sur le climat. De son côté, le président
russe Vladimir Poutine a remis en cause la part de l'homme dans le changement
du climat. L'Union européenne s'est clairement engagée contre les émissions de
gaz à effet de serre, mais les Etats-Unis (à l'origine de 25 % de ces
émanations), l'Australie, très dépendante du charbon, le Canada et l'Inde
(troisième pollueur mondial) s'inquiètent pour l'instant davantage du coût
financier de la lutte contre le réchauffement que de ses conséquences directes
sur l'environnement.
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du nord sous très haute tension
Guet-apens
contre la police à Sevran: 7 jeunes écroués (28.10.2017)
Sept jeunes hommes, dont trois
mineurs, soupçonnés d'avoir participé en juillet à un guet-apens à Sevran
(Seine-Saint-Denis) au cours duquel un policier avait été roué de coups, ont
été mis en examen et écroués, a-t-on appris aujourd'hui auprès du parquet de
Bobigny. Neuf
personnes étaient en garde à vue depuis leur interpellation mardi dans
plusieurs communes du département. Sept d'entre elles ont été présentées à un
juge vendredi.
» LIRE AUSSI - Sevran: «roué de coups» un policier fait usage de
son arme
Les prévenus ont été mis en examen et
écroués pour "tentative de meurtre en bande organisée",
"association de malfaiteurs" et "violences sur personne
dépositaire de l'autorité publique". Parmi eux, figure un jeune homme de 18
ans, qui avait porté plainte auprès de l'Inspection générale de la police
nationale (IGPN) après avoir été blessé par balle par le policier lorsque
celui-ci avait tiré pour tenter de faire fuir ses agresseurs. Ce motard d'une
compagnie de sécurité et d'intervention (CSI) avait fait feu à huit reprises
pour se dégager dans la nuit du 14 au 15 juillet.
A l'époque, le parquet de Bobigny
avait rapporté que le policier blessé avait été appelé en renfort vers 00H30,
avec cinq autres motards. Un équipage du commissariat de Sevran venait d'essuyer
des jets de projectiles lors d'une intervention sur un feu de containers
"volontairement déclenché". A leur arrivée, les six policiers de la
CSI avaient à leur tour été pris à partie par une "cinquantaine
d'individus", "armés de barres de fer, de blocs de pierre et de
bouteilles en verre".
Cinq d'entre eux avaient pu
s'échapper. Revenant sur les lieux peu après, ils avaient trouvé leur collègue
au sol, "le visage en sang, le casque cassé et la visière arrachée".
Un jeune homme avait été découvert à quelques pas de distance, une blessure par
balle au ventre.
Police
de sécurité du quotidien : Collomb lance la «grande concertation» (28.10.2017)
Pour le ministre de l'Intérieur, cette
«police sur mesure» permettra «davantage de coopération avec les élus, la
justice, la police municipale, les associations, les sécurités privées ou
encore les services sociaux».
C'est l'un des grands chantiers
sécuritaires promis par Emmanuel Macron durant la campagne de l'élection
présidentielle. Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a lancé samedi depuis
La Rochelle la «grande concertation» sur la police de sécurité du quotidien
(PSQ), «police
sur-mesure», dont les premières expérimentations sont annoncées en janvier 2018.
C'est «un projet de société», «son véritable but est de construire dans notre
pays une société réconciliée, une société rassemblée, une société apaisée», a
lancé le ministre de l'Intérieur lors de son discours.
» LIRE AUSSI - Une police de sécurité du quotidien à géométrie
variable
Il a énuméré les grands axes du projet
que l'exécutif s'est employé à préciser ces derniers mois. La concertation
avait été annoncée lundi dernier par Emmanuel Macron lors de son discours sur
la sécurité à l'Élysée après avoir été initialement prévue en septembre.
Celle-ci s'achèvera le 20 décembre, la conclusion sera livrée «dans les cinq
jours» afin que les premières expérimentations se déroulent «dès janvier 2018»,
a dit le ministre.
La concertation se fera à trois
niveaux. Le premier sera celui des 250.000 policiers et gendarmes à qui seront
envoyés des questionnaires. Le deuxième niveau sera local avec des réunions
organisées par les préfets qui accueilleront les policiers et gendarmes, les
élus locaux, les «autres acteurs de la sécurité» et des transports, les
représentants de l'autorité judiciaire et des experts. Enfin, au niveau
national, le ministère consultera les organisations syndicales, le conseil de
la fonction militaire de la gendarmerie, des organisations syndicales de
policiers municipaux, des professionnels de la sécurité privée, des entreprises
de transport collectif et des associations d'élus.
Une police «mieux équipée» et «plus
connectée»
La PSQ sera une «police sur-mesure»
avec la «déconcentration de certaines décisions» et une «association plus
étroite des maires», a dit Gérard Collomb. Ce sera une police «mieux équipée»
et «plus connectée» avec 30.000 véhicules qui seront livrés d'ici cinq ans,
60.000 gilets pare-balles d'ici fin 2018 et 115.000 tablettes numériques. Le
ministre souhaite une «police
plus partenariale» avec «davantage de coopération avec les élus, la
justice, la police municipale, les associations, les sécurités privées ou
encore les services sociaux». Enfin, la police de sécurité du quotidien sera
une «police recentrée sur ses missions» avec une réforme de la procédure
pénale.
«J'ai volontairement évoqué ces questions
sans aborder la problématique des effectifs», a dit dans son discours le
ministre de l'Intérieur, expliquant que «le défi (..) n'est pas seulement
quantitatif mais surtout qualitatif». Il a rappelé que 10.000 postes de
policiers et gendarmes seraient créés durant le quinquennat, dont 1.850 dès
2018. À l'issue de la «grande concertation», la PSQ doit être expérimentée dans
une quinzaine
de sites début 2018. Une trentaine de villes se sont portées candidates:
Lille, Lens, Roubaix, Toulouse ou encore Aulnay-sous-Bois.
» LIRE AUSSI - Police de sécurité du quotidien: les défis de Gérard
Collomb
Promesse de campagne du candidat
Emmanuel Macron, le projet est né dans le contexte brûlant du mouvement de
mécontentement des policiers qui étaient descendus dans la rue après l'attaque
au cocktail Molotov à Viry-Châtillon (Essonne) et de «l'affaire Théo». La PSQ
ne sera pas «le retour de la police de proximité» instaurée par Lionel Jospin
puis supprimée par Nicolas Sarkozy avait dit à l'Élysée Emmanuel Macron devant
500 policiers et gendarmes. Son rôle ne sera pas de «jouer au foot avec les
jeunes», avait-il ajouté. L'argument avait été déjà utilisé par Nicolas Sarkozy
quand il avait mis fin à la police de proximité, à partir de 2002. «Il nous dit
que ce n'est pas le retour de la police de proximité d'il y a vingt ans. OK.
Mais alors c'est quoi en vrai? Je suis incapable de vous le dire après avoir
écouté Emmanuel Macron. Il ouvre une consultation, une concertation. En
réalité, il n'en sait rien», avait réagi Guillaume Larrivé (Les Républicains).
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Polony : «Du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes» (27.10.2017)
CHRONIQUE - Comme ses voisines
européennes, l'Espagne a renoncé à offrir à ses citoyens un horizon
démocratique commun, pour leur imposer une pure gestion de la globalisation et
de ses conséquences.
Nos politiques assistent, dans une
sorte de stupeur gênée, à la dislocation d'un État européen voisin, et leur
silence ne fait que souligner l'absence totale de réflexion, d'un bout à
l'autre de l'échiquier, sur ce qui structure et perpétue les communautés
politiques. La
Catalogne et l'Espagne se déchirent, et rien. Pas un mot. Tout au plus une
déclaration contrainte d'Emmanuel Macron assurant Madrid de son soutien, au nom
de la solidarité entre États et de la peur diffuse d'une contagion.
Il est pourtant parfaitement aberrant
de tenter un quelconque parallèle entre la configuration espagnole et nos
indépendantismes tapageurs. D'abord parce que l'Espagne est une monarchie
composée de multiples nations dont l'histoire n'a pu être effacée par la
volonté centralisatrice du franquisme. Ensuite parce que l'actuelle catastrophe
s'explique très largement par la façon dont le parti de Mariano Rajoy a
volontairement mis à bas le consensus voté en 2006 dans le respect absolu de la
Constitution par les Parlements catalans et espagnols.
Mais au-delà de l'analyse des
responsabilités (que les médias français seraient bien inspirés de rappeler, en
évoquant par exemple le mensonge effarant du gouvernement de José Maria Aznar
et Mariano Rajoy en 2004, faisant accuser les Basques d'ETA des attentats de la
gare d'Atocha pour espérer remporter les élections ; n'importe quel homme
politique est disqualifié à vie par un tel cynisme), la question est bien de
comprendre pourquoi les Catalans ne savent plus articuler leur identité
catalane avec leur hispanité. Simple question d'égoïsme fiscal? L'explication
est tellement tentante. Mais alors, que dire de l'Allemagne et de son obsession
de ne pas payer pour les voisins européens? Car tel est bien l'enjeu: il n'est
de démocratie possible que comme expression d'un «demos», d'un peuple, dans le
cadre d'une loi fondamentale qui organise les modalités de cette expression. Un
peuple, c'est-à-dire une communauté politique rassemblée par une volonté de
dessiner un destin commun et par ce qu'Ernest Renan appelait un «legs de
souvenir».
«C'est bien tout le paradoxe des
sociétés libérales que de déployer un individualisme sans bornes, de détruire
toute transmission culturelle au nom de la liberté de se construire soi-même,
pour s'étonner ensuite de la fragilisation des liens d'appartenance»
Pourquoi une part du peuple catalan ne
se reconnaît-elle plus comme une composante du peuple espagnol? Pourquoi les
peuples du continent européen ne sont-ils pas effleurés par l'idée de se
considérer comme un peuple européen, malgré les proclamations et les
injonctions de certains de leurs dirigeants? Le sentiment de partager avec son
voisin davantage qu'une promiscuité fortuite est le produit d'une histoire et
d'une organisation sociale. Et c'est bien tout le paradoxe des sociétés
libérales que de déployer un individualisme sans bornes, considéré comme le
stade ultime de l'émancipation, de détruire toute transmission culturelle au
nom de la liberté de se construire soi-même, pour s'étonner ensuite de la
fragilisation des liens d'appartenance et de leur recomposition à travers des
identités essentialisées. Ce n'est pas seulement un affaiblissement des
États-nations que provoque cette idéologie de réduction des individus au statut
de monades réduites à leur dimension économique, c'est également, en réaction,
une aspiration à des liens communautaires sans lesquels l'être humain ne peut
s'accomplir pleinement.
L'Espagne n'est pas seulement un État
dont une part des dirigeants n'a pas tout à fait soldé le passé franquiste, et
dont la Constitution porte la trace des compromis qu'il a fallu accepter pour
que l'armée veuille bien permettre la transition démocratique, elle est aussi
une nation qui, comme ses voisines européennes, a renoncé à offrir à ses
citoyens un horizon démocratique commun, pour leur imposer une pure gestion de
la globalisation et de ses conséquences économiques et humaines. Faut-il
s'étonner de voir des gens se rêver enfin un horizon démocratique, l'espoir de
recommencer à zéro, dans un nouveau pacte national? Ce qui n'empêche pas les
illusions, puisque chacun met dans ce pacte ce qui convient à sa vision du
monde, les troupes de Carles Puigdemont aspirant à s'inscrire dans un espace
économique européen qu'ils plébiscitent, quand la CUP imagine une société
décroissante et antilibérale.
Mais si la situation française n'a
rien à voir, il n'est pas anodin que la
Corse ait vu la victoire, aux élections récentes, des nationalistes, tandis
que le FN faisait un score parfaitement dérisoire. La colère, le sentiment de
dépossession démocratique qui minent la confiance entre les peuples et leurs
gouvernants incitent à imaginer de nouveaux liens démocratiques, plus proches,
plus vivants. Cette aspiration-là est noble, tant qu'elle articule les strates
identitaires et n'exclut pas au nom d'une identité essentialisée.
Dans ce contexte, le rôle des
politiques est d'imaginer les formes d'organisation démocratiques qui rendront
aux citoyens la pleine possession de leur destin plutôt que de les enfermer
dans des Constitutions et des traités dont l'unique but est de les maintenir dans
le droit chemin.
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Carles
Puigdemont, l'idéologue prêt à tout pour l'indépendance (27.10.2017)
PORTRAIT - S'il peut donner
l'impression d'un homme irrésolu, le président de la Generalitat a toujours été
un militant déterminé de la cause indépendantiste.
Carles Puigdemont a cessé ses
allers-retours entre Barcelone et sa villa de Gérone dans le nord de la
Catalogne. L'homme qui menace de mettre fin à cinq siècles d'histoire commune
entre l'Espagne et la Catalogne ne quitte plus la Maison des Canons, le palais
gothique qui sert de résidence aux présidents de la Généralité, le gouvernement
autonome catalan, dans le centre historique de Barcelone. Ce palais est relié
avec le Palau, le siège du gouvernement catalan par un pont au-dessus de la
rue: le président n'a même plus besoin de fouler le sol pour se rendre à son
travail. Et peut-être échappe-t-il par là même à tout contact avec la réalité.
» À lire aussi: «EN DIRECT - La Catalogne sera directement gouvernée
par Mariano Rajoy et ses ministres»
Avec sa frange qui évoque plus un
vieux chanteur folk qu'un politicien retors, ses manières affables, Puigdemont
peut donner l'impression d'un personnage irrésolu, sorte de Hamlet catalan
L'issue de la crise catalane repose
sur les épaules d'un homme mystérieux. Presque inconnu voici quelques années
encore, et dont aujourd'hui le monde entier cherche à évaluer la personnalité,
Carles Puigdemont
reste une énigme. Ses atermoiements de ces dernières semaines ont pu le
faire passer pour un personnage hésitant. Après avoir défié Madrid en
organisant un référendum illégal le 1er octobre, puis tenu les résultats
de cette consultation comme un mandat politique pour conduire la Catalogne à l'indépendance,
Carles Puigdemont n'a depuis cessé de louvoyer. Après avoir annoncé le
10 octobre l'indépendance catalane pour la suspendre aussitôt, semant la
confusion jusque dans les rangs de ses partisans, il a multiplié depuis des
interventions confuses, appelant au dialogue, tout en refusant toutes les
ouvertures du gouvernement espagnol, pour finalement refuser d'appeler à des
élections qui constituaient pourtant une solution acceptable pour toutes les
parties.
Avec sa frange qui évoque plus un
vieux chanteur folk qu'un politicien retors, ses manières affables et un peu
réservées, Puigdemont
peut donner l'impression d'un personnage irrésolu, sorte de Hamlet catalan
hésitant à franchir le pas de l'indépendance. Il a d'ailleurs souvent été
présenté comme un aimable amateur. Selon ses notices biographiques, ce fils de
pâtissier né dans une famille sans tradition politique aurait commencé des
études de philologie avant de se consacrer au journalisme, de devenir sur le
tard élu local et d'arriver un peu par hasard à la tête de la Généralité.
Mais Puigdemont est peut-être beaucoup
plus déterminé qu'il n'y paraît. Son parcours n'est hésitant qu'en apparence.
Sa carrière suit en fait un itinéraire plus linéaire: celui d'un
indépendantiste dont la vie entière a été consacrée à une cause dont il est
resté le défenseur inflexible. Carles Puigdemont naît le 29 décembre 1962 à
Amer, un petit village près de Gérone, dans une région qui constitue l'un des
bastions de l'indépendantisme.
Tout sauf un exalté
Deuxième enfant d'une fratrie de huit
frères, sa famille possède une pâtisserie localement réputée, et très impliquée
dans la politique locale: son arrière-grand-père et son oncle ont été maires de
la ville. Le jeune Carles grandit dans les dernières années du franquisme,
baigné dans la martyrologie catalane. Il porte le prénom de son grand-père,
réfugié en France pendant le grand exode des Républicains espagnols et qui
disparaît sans laisser de traces pendant l'occupation nazie en 1943. Il milite
adolescent dans les Juventuts nacionalistats, un mouvement de jeunesse
nationaliste catalan. Il entame des études en philologie catalane à
l'université de Gérone, partie intégrante de la politique linguistique qui sert
de base au mouvement indépendantiste.
Sa carrière de journaliste est aussi
celle d'un militant. Il collabore, puis dirige les journaux et des médias
largement subventionnés par la Generalitat, El Punt, avant de
fonder l'Agence de nouvelles catalanes et le site anglophone Catalonia
Today. En 1993, une année sabbatique l'emmène à l'étranger, mais toujours
pour s'imprégner des expériences nationalistes et indépendantistes dans
plusieurs régions européennes.
«Carles Puigdemont apparaît soudain
comme le personnage qu'il a sans doute toujours été : un idéologue déterminé,
prêt à tout pour parvenir à l'objectif de sa vie, celui de l'indépendance»
Mais il est tout sauf un exalté.
Puigdemont incarne les valeurs traditionnelles de la société catalane, goût du
travail, rigueur, attachement à la famille. Il représente une nouvelle
génération d'indépendantistes, qui va donner au mouvement séparatiste catalan
ses caractéristiques actuelles: celle de militants maîtrisant les techniques de
communication modernes, rompus aux réseaux sociaux, et convaincus de la
nécessité d'apparaître devant l'opinion internationale et notamment européenne,
drapés dans le manteau inattaquable d'un mouvement pacifiste, proeuropéen et
libre-échangiste. Le tout en se présentant avec beaucoup d'habileté comme la
victime de forces rétrogrades, celle de la vieille Espagne qui n'aurait abjuré
que du bout des lèvres les démons du franquisme.
Son entrée en politique s'explique
alors beaucoup mieux. Devenu en 2011 maire de Gérone, ville dont il a milité
pour le changement de son nom espagnol de Gerona pour sa version catalane de
Girona, il prend la tête de l'association des maires indépendantistes. Il
devient président de la Généralité en janvier 2016 grâce au soutien
de l'aile
dure des nationalistes, notamment la CUP (Candidature de l'unité
populaire), groupe d'extrême gauche antisystème, qui ne partage avec le Parti
démocratique européen catalan (PDECAT) de Puigdemont que l'idéal de
l'indépendance.
Plus que l'otage de ces encombrants
alliés, avec lesquels il a peu de points communs, Carles Puigdemont apparaît
soudain comme le personnage qu'il a sans doute toujours été: un idéologue
déterminé, prêt à tout pour parvenir à l'objectif de sa vie, celui de
l'indépendance de la Catalogne. Contre une telle conviction, demi-mesures et
négociations n'ont que peu de prise. Au rendez-vous de l'histoire, les
hésitations de Puigdemont n'auraient ainsi été que des manœuvres visant à
laisser à l'Espagne la responsabilité apparente de la rupture.
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FOCUS - Le
parlement catalan a prononcé l'indépendance de la Catalogne, à laquelle le
gouvernement a riposté en destituant le gouvernement catalan et en convoquant
des élections anticipées le 21 décembre. Selon la chercheuse Barbara Loyer,
Madrid et Barcelone sont désormais «dans une impasse».
Après plusieurs années de tensions
avec Madrid, la Catalogne a franchi le Rubicon. Le parlement catalan a déclaré,
ce vendredi, l'indépendance avant que le premier ministre espagnol, Mariano
Rajoy, ne destitue le gouvernement catalan. Des élections anticipées seront par
ailleurs organisées en Catalogne le 21 décembre prochain.
En quelques heures, le destin d'une
région historiquement tiraillée entre ses volontés d'indépendance et ses
racines espagnoles a basculé. Pourtant, la déclaration du parlement catalan
revêt des enjeux politiques et géopolitiques complexes, et augure d'un bras de
fer avec Madrid duquel il n'y aura qu'un seul vainqueur.
● La déclaration d'indépendance
de la Catalogne est-elle symbolique?
La résolution adoptée par le parlement
catalan constitue «la République catalane, comme État indépendant et souverain,
de droit, démocratique et social». En principe, la situation est claire: la
Catalogne se proclame comme un État à part entière au même titre que l'Espagne
ou la France. Seulement, aucun État européen ne semble prêt à reconnaître la
Catalogne comme entité indépendante. Le président du Conseil européen, Donald
Tusk, a indiqué que cette déclaration ne «change rien» pour l'Union européenne,
et Washington a affiché son soutien à Madrid.
«Madrid n'a pas pris la mesure de
l'ampleur de la grogne en Catalogne et ils ont été pris au piège»
Barbara Loyer, directrice de
l'Institut français de géopolitique à Paris 8
Toutefois, comme le souligne Barbara
Loyer, directrice de l'Institut français de géopolitique à Paris 8, cette
résolution «n'a rien de symbolique». «La feuille de route des autorités
catalanes est assez claire. Ils se sont inspirés du modèle slovène - la
Slovénie est devenue indépendante en 1991. Madrid n'a pas pris la mesure de
l'ampleur de la grogne en Catalogne et ils ont été pris au piège», analyse la
chercheuse. Selon elle, les dirigeants favorables à l'indépendance n'ont pas
agi à l'aveugle et ont étudié depuis «plusieurs années les modalités que
devrait prendre la République autonome de Catalogne. En cela, ce n'est
absolument pas symbolique mais réel».
● Comment sortir de l'impasse?
Quelques heures après la déclaration
d'indépendance du parlement catalan, le gouvernement espagnol a démis de ses
fonctions le président de la Catalogne, Carles Puigdemont, et dissous la
Generalitat. Pour Barbara Loyer, «Madrid et Barcelone ont opté, depuis le début
de la crise, pour l'option la plus radicale». «Jusqu'en 2010, une négociation
avec la Catalogne était possible pour lui accorder plus d'autonomie, mais le
gouvernement espagnol n'a pas répondu aux attentes des Catalans et leurs
velléités d'indépendance se sont accrues. Aujourd'hui, le risque est de ne pas
pouvoir revenir en arrière», analyse-t-elle.
Dans les rues de Barcelone, des centaines
de personnes se sont rassemblées pour célébrer cette déclaration
d'indépendance. «Une partie des Catalans pensent que c'est acté. Le risque est
là car Madrid ne va pas laisser faire», poursuit la chercheuse. Selon elle, «le
risque d'affrontements est important dans les prochaines semaines car la
société civile est fragmentée». «Je ne vois pas comment il est possible de
sortir de cette impasse», indique-t-elle.
● Comment Madrid peut-elle
reprendre la main?
Après avoir destitué le président de
la région, Carles Puigdemont, et ses conseillers, le gouvernement espagnol va
tenter par tous les moyens de reprendre la main dans ce dossier. Seulement, la
tâche sera difficile tant une frange de la population catalane se satisfait de
cette déclaration d'indépendance. «Une marge de négociation entre Madrid et
Barcelone est possible, mais la marge de manœuvre est mince», tempère Barbara
Loyer, spécialiste des relations Espagne-Europe.
«L'enjeu est que le parlement espagnol
permette aux autorités catalanes d'organiser un véritable référendum
d'autodétermination
Barbara Loyer, directrice de
l'Institut français de géopolitique à Paris 8
Selon elle, «l'enjeu est que le
parlement espagnol entérine une réforme de la Constitution afin de permettre
aux autorités catalanes d'organiser un véritable référendum
d'autodétermination. Cela permettra de connaître le
nombre de personnes favorables à l'indépendance». Le 1er octobre dernier,
un vote organisé par le gouvernement régional de Catalogne avait recueilli 90%
de scrutins favorables à l'indépendance sur plus de deux millions de votants -
soit seulement 42% des inscrits sur les listes électorales. «Je n'ai pas de
boule de cristal, mais si Madrid et la Catalogne campent sur leurs positions,
sans véritable référendum, il y a un risque d'affrontements importants. Et
personne ne sait sur quoi cela peut déboucher», conclue Barbara Loyer.
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