Deux
musulmans arrêtés après leur intrusion au carmel (17.11.2017)
Mis à jour le 17/11/2017 à 19h32 | Publié le 17/11/2017 à 19h29
À Verdun, ils se sont invités aux vêpres pour chanter en
arabe à voix haute et appeler les sœurs à se convertir à l'islam.
Les sœurs du carmel de Verdun doivent dorénavant être
vigilantes et surveiller les entrées de ceux qui viennent assister librement à
leur messe dans la chapelle, jouxtant leur monastère. Telles sont les consignes
passées par l'évêque de la ville, Mgr Gusching, après un épisode qui a
semé le trouble au sein la communauté la semaine dernière.
Le 10 novembre dernier, comme l'a révélé L'Est
républicain, deux hommes d'une trentaine d'années, vêtus normalement, ont
perturbé les vêpres en faisant leurs prières en arabe à haute voix, de sorte à
couvrir celles des carmélites. «Si vous ne vous convertissez pas, vous irez en
enfer», leur a lâché l'un d'eux. Puis, avant de quitter les lieux, l'un des
deux hommes a rédigé sur le livre d'or de l'église un long texte en arabe
s'achevant par «Allah Akbar».
Curieux tandem
«Ce sont des actes troublants et ces deux individus ont eu
un double comportement», relève Mgr Gusching. En effet, avant ces
provocations menaçantes, leur intrusion s'était pourtant faite avec courtoisie,
tout comme leur départ. Inconnus des occupantes du carmel, les deux visiteurs
avaient en effet engagé la conversation avec amabilité avec l'une des sœurs.
Aussi de les inviter, comme ils en avaient émis le désir, à assister à l'office
religieux. Puis, après leurs méfaits et juste avant de disparaître, ils ont
remercié l'une des religieuses pour son accueil. De manière aussi déroutante,
les deux hommes s'étaient déjà distingués la veille au sein de la mosquée de la
ville, située dans le même quartier, et en avaient d'ailleurs été chassés.
«L'un d'eux avait voulu diriger les prières», rapporte un témoin.
«Ce sont des actes troublants et ces deux individus ont
eu un double comportement»
Mgr Gusching
Retrouvés sans difficulté et arrêtés le 11 novembre,
les deux auteurs seront jugés le 28 avril prochain pour violences volontaires
aggravées. Des faits pour lesquels ils encourent trois ans d'emprisonnement et
45.000 euros d'amende. Cette audience permettra sans doute d'en savoir un
peu plus sur leur personnalité et leurs liens. «L'un d'eux, qui habite la
ville, s'est converti depuis peu et fréquentait la mosquée depuis trois mois.
Il ne posait pas de difficulté», relate encore le même témoin avant de
poursuivre: «Par Internet, il a rencontré une personne qui l'a rejoint à
Verdun. C'est cette dernière qui est l'auteur principal de ces agissements.»
Pour l'heure, ce curieux tandem a été laissé libre et placé sous contrôle
judiciaire. Dans son bref communiqué relatif à cette affaire, le procureur de
Verdun ne fait aucunement mention de radicalisme. Au carmel, tout en tenant
compte des consignes de sécurité de l'évêque, on indique vivre comme avant.
Dans la paix.
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Syrie: 26
morts dans un attentat de l'EI (17.11.2017)
Mis à jour le 18/11/2017 à 11h59 | Publié le 17/11/2017 à 19h12
Au moins 26 personnes ont été tuées aujourd'hui dans l'est
de la Syrie dans un attentat à la voiture piégée visant des déplacés, perpétré
par le groupe Etat islamique (EI) qui cherche à prouver sa force de frappe
malgré l'effondrement de son califat.
12 enfants figurent parmi les victimes de cet attentat, qui
a frappé un rassemblement de déplacés dans la province de Deir ez-Zor, où les
djihadistes perdent du terrain face à deux offensives qui cherchent à les
chasser de Syrie, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'Homme
(OSDH).
» LIRE AUSSI - Syrie : Damas reprend à Daech la ville de Deir
ez-Zor
«Des dizaines de personnes ont été blessées, et le bilan des
victimes pourrait être revu à la hausse, des blessés étant dans un état grave»,
a précisé son directeur Rami Abdel Rahmane. Fuyant les combats, les déplacés
étaient en route pour la province voisine de Hassaké, dans le nord-est syrien,
où des camps ont été installés pour les accueillir en territoire kurde, a
précisé M. Abdel Rahmane.
L'agence officielle Sana a également fait état d'un
«attentat à la voiture piégée» perpétré par l'EI contre «un rassemblement
de familles déplacées» de Deir ez-Zor, mais a fourni un bilan légèrement
moins élevé: 20 morts et 30 blessés.
Après une montée en puissance en 2014 et la conquête de
vastes territoires en Irak et en Syrie, l'EI est aujourd'hui acculé dans ses
derniers réduits à la frontière entre ces deux pays.
Dans la province de Deir ez-Zor, frontalière de l'Irak, deux
offensives distinctes cherchent à reprendre à l'EI les derniers territoires
sous son contrôle. D'un côté, les forces du régime sont
soutenues par l'aviation russe, de l'autre, les combattants kurdes et arabes des
Forces démocratiques syriennes (FDS), appuyés par Washington.
L'attentat a frappé les déplacés à un point de contrôle des
FDS, selon l'OSDH, alors que l'EI semble vouloir prouver que malgré les
défaites territoriales, il conserve sa capacité de nuisance.
LIRE AUSSI :
L'Iran
demande à la France de ne pas s'ingérer dans son programme balistique
(18.11.2017)
Mis à jour le 18/11/2017 à 11h33 | Publié le 18/11/2017 à 09h42
La France ne doit pas s'ingérer dans
le programme balistique iranien, a déclaré samedi Ali Akbar Velayati,
principal conseiller de l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la
Révolution.
Emmanuel Macron avait invité la veille Téhéran à adopter une
position "moins agressive" au Proche-Orient et à clarifier sa
stratégie balistique qui lui semble "non maîtrisée".
"Il n'est pas dans l'intérêt de M. Macron ni de la
France de s'ingérer dans les affaires de la République islamique, ce à quoi
nous sommes très sensibles", a déclaré Ali Akbar Velayati, cité par la
presse publique. "Sur les questions de défense et du programme balistique,
nous ne demandons la permission à personne (...) En quoi cela regarde Macron?
Qui est-il pour s'ingérer dans ces affaires?" a déclaré Ali Akbar
Velayati.
Guinée
Équatoriale: une élection à presque 100% (18.11.2017)
Mis à jour le 18/11/2017 à 11h27 | Publié le 18/11/2017 à 10h57
Le parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE), au
pouvoir depuis près de quarante ans dans le pays, a remporté une nouvelle fois,
sans surprise et avec des scores à la soviétique, les élections législatives,
sénatoriales et municipales du 12 novembre, selon les résultats officiels
rendus publics vendredi soir.
Le PDGE et ses 14 partis alliés obtiennent la totalité des
75 sièges de sénateurs et ont été élus à la tête de toutes les mairies du pays,
a annoncé le président de la Commission électorale nationale, Clemente Engonga Nguema
Onguene.
Ils remportent également 99 des 100 sièges de la Chambre des
députés, où un unique député de l'opposition, membre du parti Citoyens pour
l'innovation (CI) a été élu, dans la circonscription de la capitale Malabo.
Le CI, dont c'était la première participation à une élection
et qui espérait faire une entrée remarquée au parlement, obtient par ailleurs
un unique conseiller municipal, également à Malabo.
Quelque 300.000 électeurs équato-guinéens étaient appelés à
voter dans ce pays où le multipartisme a été introduit en 1991, mais dirigé
sans partage depuis 1979 par le président Teodoro Obiang Nguema, 74 ans,
recordman de longévité pour un président en Afrique.
LIRE AUSSI - Trois
ans de prison requis contre Teodorin Obiang
La victoire du PDGE, qui détient depuis des décennies tous
les rouages du pouvoir, ne faisait aucun doute. Il était opposé à une coalition
d'opposition regroupant l'Union du centre droit (UCD) et la Convergence pour la
démocratie sociale (CPDS), et au parti CI, dont le leader Gabriel Nse Obiang,
ex-lieutenant de l'armée revenu de 13 années d'exil en Espagne, a été interdit
de participer aux scrutins par la justice locale, après s'être déjà vu interdit
de prendre part à la présidentielle de 2016.
Des responsables de ces formations d'opposition ont dénoncé
de multiples «fraudes» et «irrégularités» le jour du vote le 12 novembre, alors
que l'accès à internet a été coupé le jour même et est resté très restreint
jusqu'à l'annonce des résultats vendredi soir.
La participation aux scrutins a été de 84% pour un total de
273.502 votants, a affirmé le président de la Commission électorale, également
ministre de l'Intérieur.
«Je remercie le peuple de Guinée Équatoriale pour sa
maturité politique et l'ordre qui a régné durant le vote. Il n'y a pas eu
d'incidents pendant le vote, le processus électoral s'est déroulé dans la
transparence», a déclaré M. Nguema Onguene lors de la lecture des résultats.
«Aucune protestation des résultats ni revendication n'a été
enregistrée», a-t-il affirmé.
L'Arabie
saoudite rappelle son ambassadeur à Berlin (18.11.2017)
Mis à jour le 18/11/2017 à 13h46 | Publié le 18/11/2017 à 12h41
L'Arabie saoudite va rappeler son ambassadeur à Berlin pour
protester contre des déclarations du ministre allemand des Affaires étrangères
laissant entendre que le premier ministre libanais démissionnaire Saad Hariri
était retenu contre son gré à Ryad, a annoncé samedi l'agence officielle
saoudienne SPA.
LIRE AUSSI - Saad
Hariri reçu par Emmanuel Macron
«L'Arabie saoudite a décidé de rappeler son ambassadeur en
Allemagne pour consultations et va remettre une lettre à l'ambassadeur
d'Allemagne auprès du royaume protestant contre ces déclarations
malencontreuses et injustifiées», a indiqué la SPA en citant un porte-parole du
ministère saoudien des Affaires étrangères.
Peu avant de quitter Ryad pour Paris, M. Hariri a affirmé,
dans un tweet adressé au ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar
Gabriel, qu'il ne lui était pas interdit de quitter l'Arabie saoudite.
«Dire que je suis retenu en Arabie saoudite et (qu'il m'est)
interdit de quitter le pays est un mensonge. Je suis en route pour l'aéroport»,
a-t-il écrit.
M. Hariri a quitté samedi l'Arabie saoudite pour se rendre
en France deux semaines après sa démission et d'intenses spéculations sur sa
liberté de mouvement.
Dans un communiqué diffusé samedi, le ministère allemand des
Affaires étrangères a «expressément salué (...) le voyage de M. Hariri à Paris
et son retour imminent au Liban».
Jeudi, M. Gabriel a déclaré lors d'une conférence de presse
à Berlin avec son homologue libanais Gebran Bassil que «le Liban risque de
retomber dans de graves confrontations politiques et peut-être militaires».
«Afin de prévenir ceci, nous avons en particulier besoin du
retour du premier ministre actuel», a-t-il souligné, en estimant que le Liban
«ne doit pas devenir un jouet de (...) la Syrie, de l'Arabie saoudite ou
d'autres».
«Le signal commun doit venir d'Europe que nous ne sommes
plus prêts à accepter en silence cet aventurisme qui s'est propagé ici ces
derniers mois», avait également déclaré M. Gabriel.
«Cet aventurisme a maintenant atteint son apogée avec cette
façon de procéder (...) avec le Liban», avait ajouté le ministre.
«Ces déclarations sont hasardeuses, basées sur des
informations erronées et ne servent pas la stabilité dans la région», a
commenté le porte-parole du ministère saoudien des Affaires étrangères, cité
par l'agence SPA.
«Elles ont provoqué l'étonnement de l'Arabie saoudite (...)
qui considère qu'elles ne représentent pas la position du gouvernement allemand
ami, qui est un partenaire sûr dans la lutte contre le terrorisme et
l'extrémisme et dans l'action pour établir la sécurité dans la région», a
ajouté le porte-parole.
«Nous avons en raison de la situation actuelle (au
Moyen-Orient) de grandes inquiétudes quant à la stabilité de la région et
appelons toutes les parties à réduire les tensions», a indiqué un porte-parole
du ministère, cité dans le communiqué.
«Parler de cela de façon ouverte est possible et naturel
entre partenaires internationaux proches», a-t-il ajouté.
Compiègne:
pompiers et policiers caillassés (18.11.2017)
Mis à jour le 18/11/2017 à 13h45 | Publié le 18/11/2017 à 13h05
Des pompiers, venus éteindre un incendie dans une concession
automobile, et des policiers qui les accompagnaient, ont été la cible de jets
de pierres et de canettes vendredi soir à Compiègne (Oise), ont indiqué
plusieurs sources concordantes qui précisent qu'il n'y a pas eu de blessés.
Peu après 21H00, au Clos-des-Roses, un quartier sensible de
Compiègne, "d'importants moyens ont été déployés suite à un feu qui
concernait 15 véhicules, dans l'enceinte du garage Peugeot" situé à
proximité de la caserne de pompiers de Compiègne, a indiqué le président du
Service départemental d'incendie et de secours (Sdis) de l'Oise Eric de
Valroger sur le compte Facebook du Sdis 60.
Une plainte va être déposée
Lors de leur intervention, "les sapeurs-pompiers ont
été pris à partie" par une vingtaine de personnes "qui les ont
caillassés avant de lancer des canettes dans leur direction ainsi que sur les
véhicules", a-t-il ajouté,précisant qu'une plainte allait être déposée
samedi.
"Les sapeurs-pompiers étaient sous couvert des forces
de police et aussi bien policiers que pompiers ont été visés par ces jets de
pierres et de canettes", a précisé le Centre opérationnel départemental
d'incendie et de secours (Codis) de l'Oise à l'AFP.
Des attaques contre les pompiers en hausse
Selon la préfecture de l'Oise, il n'y a pas eu de blessés,
ni dégâts sur les véhicules et les tensions se sont arrêtées
"rapidement" après l'intervention des forces de l'ordre.
"L'enquête est en cours pour déterminer l'origine de l'incendie, à ce
stade, on n'a pas d'éléments qui nous laisseraient penser qu'il puisse s'agir
d'une piste criminelle", a affirmé à l'AFP le parquet de Compiègne.
Le quartier "du Clos-des-Roses", connu pour son
trafic de stupéfiants, a déjà été le théâtre d'épisodes de tensions entre
certains habitants et les forces de l'ordre. Selon une note de l'Observatoire
national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) et des responsables
de la profession, le
nombre d'agressions contre les pompiers a augmenté de 17,6% en 2016 comparé à
2015, avec des violences qui ne se concentrent plus seulement dans les
quartiers sensibles.
Le
Louvre-Lens, des effets bénéfiques pour le tourisme (17.11.2017)
Par Claire
Bommelaer et Eric
Biétry-RivierreMis à jour le 17/11/2017 à 17h42 | Publié le 17/11/2017
à 17h36
Ouvert au public en décembre 2012 dans le bassin minier du
Pas-de-Calais, le Louvre-Lens est en passe de réussir le pari de la
démocratisation culturelle et du développement local.
Ils sont entrepreneurs, professeurs et Lensois avant
tout. Depuis
cinq ans, ils ressentent les effets du Louvre-Lens. Une aubaine pour
le tourisme mais aussi pour l'ouverture culturelle qui profite à tous.
• Sabine Heintze, professeur des écoles de la maternelle
Curie
Depuis son école, quelques mètres suffisent pour apercevoir
le Louvre-Lens, dont elle est une fervente défenseure. «Mon but est d'éveiller
les enfants à des choses qu'ils ne connaissent pas. Et de leur faire fréquenter
des lieux d'art et de culture», a-t-elle expliqué, à l'hebdomadaire L'Avenir
de l'Artois. La première fois, nous restons dans le jardin du musée. Quand
nous revenons pour la seconde fois, nous franchissons la porte, nous regardons
où est la billetterie, en essayant de comprendre comment on prend son
billet.» Dans
la Galerie du Temps, l'enseignante demande aux enfants ce que leur évoquent les
œuvres. Viennent ensuite, en classe, des séances de sculpture ou de
peinture. Puis, à la fin de l'année, chaque enfant invite un de ses parents ou
grands-parents au musée. Pour ces derniers, c'est d'ailleurs souvent une première.
«Les œuvres de la galerie sont changées tous les ans, et
leur accès est gratuit. Du coup, on n'hésite pas à retourner »
• Anthony Romon, supporteur du RC Lens
Il a beaucoup attendu l'ouverture de ce musée, qui s'est
fait attendre. Au moment de l'exposition «RC Louvre», il a prêté un drapeau de
foot «qui lui était cher» et a témoigné dans une vidéo. «C'était une idée
formidable de faire entrer le football au Louvre, se souvient-il. Les Panini et
les écharpes de supporteurs ont attiré des gens qui n'étaient jamais venus dans
les salles.» Certains sont revenus par la suite, en groupe ou en famille, voir
la Galerie du Temps. «Les œuvres de la galerie sont changées tous les ans, et
leur accès est gratuit. Du coup, on n'hésite pas à retourner.» Certains Lensois
ont du mal à pousser leurs pas jusqu'à Lille, surtout s'il s'agit d'aller
visiter un musée. «Le mot fait un peu peur. Mais pas à Lens, où les choses sont
accessibles», juge-t-il.
«J'avais, au moment de la Coupe du monde, créé un gâteau
spécial, Le mondial. Il m'a permis de doubler mes effectifs »
• Jean-Claude Jeanson, patron de la pâtisserie Jeanson
La pâtisserie est une institution de Lens, installée depuis
1939 sur la place de la mairie. «Mes parents et moi-même, comme tous les
Lensois, avons connu l'arrêt des mines, les deux chocs pétroliers, le départ
des industries. Mais la ville a su attirer la Coupe du monde de foot en 1998,
et, depuis, les bonnes nouvelles n'ont jamais cessé» , raconte Jean-Claude
Jeanson, son patron. Pour lui, le Louvre-Lens en est une: il fait partie de
ceux qui ont tiré leur épingle du jeu. «J'avais, au moment de la Coupe du
monde, créé un gâteau spécial, Le mondial. Il m'a permis de doubler mes
effectifs», poursuit-il. Dans le sillage du musée, il refait des propositions
de création, dont des coffrets prestige de chocolats. Ils se vendent bien, y
compris dans la boutique du musée.
En cinq ans, la pâtisserie a vu arriver une nouvelle
clientèle, étrangère et initiée à l'art. Le tourisme de mémoire a lui aussi
beaucoup progressé. «J'ai triplé mes surfaces commerciales grâce à cela, et je
me suis même diversifié en
rachetant le Derby, un PMU situé en face du Louvre», conclut Jean-Claude
Jeanson.
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Arabie
saoudite : les entreprises françaises face à la concurrence américaine
(17.11.2017)
Mis à jour le 17/11/2017 à 19h13 | Publié le 17/11/2017 à 19h03
L'Hexagone est présent dans l'armement et l'aviation civile,
mais aussi dans les secteurs clés du pays comme l'énergie et la chimie, sans
oublier le transport avec la RATP qui a remporté l'exploitation du réseau de
bus de Riyad en 2016.
L'Arabie, un eldorado négligé par les entreprises
françaises? Le royaume prévoit de gigantesques investissements
d'ici à 2030. Mais la France ne s'y précipite pas. «Une poignée seulement
de patrons du CAC 40 étaient présents au Davos du désert, le forum
économique organisé fin octobre à Riyad», regrette un diplomate français.
La France bénéficie d'une image positive dans le pays et le
fils préféré du roi reçoit parfois les conseils de Jacques
Attali. Mais «les entreprises françaises sont sans doute attentistes»,
pointe Sébastien Hénin, directeur général d'Alienor Capital, qui connaît bien
la région. Avec la chute des prix du pétrole, les budgets et une partie des
investissements ont été revus à la baisse dans le pays. Et y faire des affaires
peut s'avérer délicat, indépendamment de la vaste purge anticorruption lancée
début novembre. Le
premier ministre libanais, Saad Hariri, qui a été retenu à Riyad pour des
raisons d'ordre politique, en sait quelque chose. Il est propriétaire du
deuxième groupe de BTP du pays, Saudi Oger, mis en faillite il y a quelques
mois car l'État avait décidé de ne plus recourir à ses services, explique une
source anonyme.
Trump très apprécié des Saoudiens
Par ailleurs, «beaucoup de grandes entreprises françaises se
sont focalisées sur leur développement en Iran depuis quelques mois, ce qui les
détourne un peu de l'Arabie», souligne Sébastien Hénin. Une attitude à l'opposé
des entreprises américaines, «qui jouent sur du velours à Riyad, avec le
positionnement anti-Iran de Donald Trump, ce qui ravit les Saoudiens et est à
l'opposé des positions européennes», ajoute ce connaisseur du Moyen-Orient.
L'arrivée au pouvoir du nouveau président, beaucoup plus
apprécié des Saoudiens que Barack Obama, donne un coup de fouet aux relations
commerciales avec les États-Unis
L'arrivée au pouvoir du nouveau président, beaucoup
plus apprécié des Saoudiens que Barack Obama, donne un coup de fouet
aux relations commerciales avec les États-Unis. D'autant plus que Mohammed
Ben Salman est proche de son gendre et qu'il est fasciné par ce pays.
Les Français sont pourtant bien là. Dans l'eau, notamment.
Après avoir été en charge de l'approvisionnement de La Mecque, Saur, numéro
trois français, gère les sites de refroidissement et de dessalement de Jubail.
Veolia et Suez sont depuis des décennies en Arabie et Suez vient de s'y
renforcer avec l'achat de GE Water.
L'Hexagone, qui a remporté près de 2 milliards de
dollars de contrats lors de la visite de François Hollande en 2015, est aussi
présent dans l'armement ou l'aviation civile, avec Airbus. Dans les secteurs
clés du pays, l'énergie et la chimie, Air Liquide fournit de nombreux clients
en gaz tandis que Total a installé sa plus grande raffinerie à Jubail. Le plan
Vision 2030 ouvre des perspectives pour d'autres secteurs, comme le transport.
La RATP, qui a remporté l'exploitation du réseau de bus de Riyad en 2016,
espère gagner le contrat du métro de la capitale.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
18/11/2017. Accédez
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royaume saoudien veut mettre sa population au travail (17.11.2017)
Mis à jour le 17/11/2017 à 19h36 | Publié le 17/11/2017 à 19h34
Face au déclin de sa rente pétrolière, le royaume parie sur
des méga-projets futuristes et coûteux qui pourraient renforcer la
« saoudisation » de l'emploi.
Les sites de dessalement d'eau et de refroidissement gérés
par Saur à Jubail, sur la côte est de l'Arabie, emploient «62 % de
Saoudiens. Il y en avait moins de 30 % lorsque nous en avons pris la
gestion, en 2011», explique Pascal Grante, conseiller à la direction du numéro
trois français de l'eau. Saur
est déjà au-dessus des objectifs fixés par le gouvernement saoudien.
Il limitera même sans doute ses effectifs étrangers à un quart du personnel
d'ici quelques années.
La «saoudisation» est le mantra de ce pays, qui compte
31 millions d'habitants dont un tiers d'étrangers. Et pour cause. Plus de
30 % des jeunes de 16 à 30 ans sont chômeurs et 1,9 million de
personnes arriveront sur le marché du travail dans la prochaine décennie. Le
royaume s'est donc lancé, depuis le début des années 2000, dans un vaste
chantier de mise au travail des Saoudiens.
Ces derniers, pour 90 % d'entre eux, sont
fonctionnaires. Le chantier de la saoudisation vise le secteur privé, où les
entreprises emploient en moyenne deux étrangers pour un autochtone.
«Il s'agit, en effet, de remplacer une main-d'œuvre
étrangère qualifiée et bon marché par des travailleurs locaux, moins productifs
et plus chers»
Sébastien Hénin, directeur général d'Alienor capital
Le gouvernement fixe des quotas aux entreprises, difficiles
à respecter. «Il s'agit, en effet, de remplacer une main-d'œuvre étrangère
qualifiée et bon marché par des travailleurs locaux, moins productifs et plus
chers», résume Sébastien Hénin, directeur général d'Alienor capital, familier
du pays.
Et pas toujours motivés. Les Saoudiens, mal formés pour les
postes à responsabilité, rechignent à occuper les emplois manuels. Du coup,
certaines entreprises emploient des équipes en double, composées de Saoudiens
et d'étrangers venant d'Asie du Sud-Est (Philippines…) ou des États arabes
voisins.
Un tiers des cours consacrés à la religion
Mais le gouvernement veut afficher un recul du taux de
chômage et réduire les sorties de fonds du pays. Les entreprises ont donc
intérêt à jouer le jeu. Elles risquent sinon d'être évincées des contrats
publics ou de ne pas obtenir le renouvellement des permis de travail.
Faire travailler les Saoudiens est une nécessité. La
croissance démographique est forte et l'État-providence a vu ses
revenus chuter avec la baisse du prix du pétrole. Mais cela passe par une
transformation sociale. Le coût de la vie a tellement augmenté ces dernières
années que les ménages moyens ne subviennent plus à leurs besoins avec un seul
salaire. Fait inimaginable il y a dix ans, les femmes sont donc de plus en plus
nombreuses à travailler.
L'objectif de 30 % des femmes au travail sera atteint
«bien avant l'horizon 2030», expliquait en septembre au Figaro Abdulaziz
Alrasheed, vice-ministre des Affaires économiques. L'autorisation de conduire,
qui leur sera accordée en juin 2018, devrait accélérer le mouvement.
Elles sont d'autant plus attendues que si elles comptent
encore pour moins de 15 % de la population active, elles représentent
60 % des diplômés du supérieur. Or, la formation est un enjeu clé.
L'éducation bénéficie de l'un des plus gros budgets de l'État. Mais il y a là
aussi une révolution à mener. Au collège et à l'université, un tiers des cours
sont consacrés à l'étude de la religion, essentiellement dans sa forme
intégriste, le
wahhabisme. Autant dire que cela ne prépare pas les jeunes Saoudiens au
management ni aux métiers d'ingénieur ou de médecin.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
18/11/2017. Accédez
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Mis à jour le 17/11/2017 à 18h48 | Publié le 17/11/2017 à 18h41
INFOGRAPHIES - Face au déclin de sa rente pétrolière, le
royaume parie sur des mégaprojets futuristes et coûteux.
À Riyad, Jubail
D'innombrables feux blancs, jaunes ou orange scintillent
dans la nuit, de longues flammes sortent de hautes cheminées… Voici Jubail,
dans le désert, au bord du golfe Persique. Un site dix fois grand comme Paris
où raffineries, usines pétrochimiques et hauts-fourneaux se côtoient dans le
plus grand complexe pétrochimique au monde.
Mais, pour le royaume d'Arabie, cela ne suffit pas. La cité
de fer, d'eau et de pétrole, sortie du sable dans les années 1980, d'un petit
port de pêche, doit doubler de taille. Plus de 18 milliards de dollars
sont investis dans de nouvelles infrastructures, soit quelque 20.000 km de
tuyaux, une université, des dizaines d'usines et de raffineries, 50.000
logements et 55.000 emplois.
«L'économie saoudienne sera très probablement en
récession en 2017»
Pascal Devaux, économiste chez BNP Paribas
Un peu plus au nord, une autre ville, jumelle, Ras al-Khair,
dédiée au phosphate, zinc et autres minerais, grandit aussi. Aramco, le
gigantesque pétrolier saoudien, vient d'y lancer le plus grand chantier naval
du Golfe, capable de produire plus de 40 navires et superpétroliers par an.
Les chantiers pharaoniques, c'est en Arabie saoudite qu'on
les trouve aujourd'hui. Parcs éoliens géants, centrales solaires, TGV, sites
touristiques ou cité futuriste… Le royaume d'Arabie, poussé
par le prince héritier, Mohammed Ben Salman, impatient de voir évoluer le pays
qu'il dirigera bientôt, est lancé dans une nouvelle dynamique. Il y a
urgence. La rente pétrolière, abondante pendant des années, fond aujourd'hui.
Alors que les trois quarts des recettes d'exportation et des revenus publics
proviennent de l'or noir, l'effondrement de moitié du cours du brut depuis
l'été 2014 met le pays en difficulté. Avec un déficit de 17,3 % du PIB en
2016, il a dû faire face à des problèmes de trésorerie, au point de différer
certains paiements. «L'économie saoudienne sera très probablement en récession
en 2017», prévoit Pascal Devaux, économiste chez BNP Paribas. Autant dire que
l'État-providence, dans ce pays de 30 millions d'habitants, grand comme
quatre fois la France et membre du G20, est menacé.
Sophia, le robot non voilé
Les dirigeants arabes en sont bien conscients. En
particulier, Mohammed Ben Salman, dit MBS et fils favori du vieux roi Salman
Ben Abdelaziz al-Saoud, âgé de 81 ans. Doté déjà de nombreux pouvoirs (il
est notamment vice-premier ministre et ministre de la Défense), qu'il
vient de renforcer avec une purge qui a écarté début novembre une partie des
ministres et de la famille royale, MBS a lancé en avril 2016 le plan
Vision 2030 pour diversifier l'économie. Au menu, une exploitation accrue des
produits dérivés du pétrole, mais aussi des autres ressources du royaume:
minerais, énergie solaire et éolienne, tourisme. Et l'ouverture à des activités
jusqu'ici ignorées ou réprouvées. L'objectif est de réduire dès 2020 la
dépendance aux hydrocarbures en portant la contribution du secteur
manufacturier au PIB à 20 %, contre 10 % en 2012.
Mais, la révolution n'est pas qu'industrielle. Elle est
aussi sociale. Et elle mise sur l'innovation. Le pays où les
femmes, qui sortent intégralement couvertes de noir, n'auront le droit de
conduire qu'en 2018 et où elles sont soumises à la tutelle d'un homme,
est le premier au monde à avoir accordé, fin octobre, la citoyenneté à un robot
féminin, Sophia, non voilée!
Le prince Mohammed Ben Salman. - Crédits photo : FAYEZ
NURELDINE/AFP
MBS, du haut de ses 32 ans, a compris que la nouvelle
Arabie, où 70 % de la population a moins de 30 ans, devait se construire
avec sa jeunesse,- la plus grande utilisatrice de Twitter au monde - et avec
ses femmes. Lors d'un forum international à Riyad, le mois dernier, MBS a
promis de «retourner à un islam modéré, tolérant, ouvert sur le monde». Il
envisage l'ouverture de cinémas dans le pays. L'un de ses projets pharaoniques
est la création d'une gigantesque cité du divertissement qui comprendra un
parcours de safari, des courses automobiles, et sera 17 fois plus vaste
que le parc d'attractions Disneyland près de Paris.
«L'Arabie saoudite va revenir à ce que nous étions avant
1979: un pays à l'islam modéré, ouvert à toutes les religions et au monde»
Mohammed Ben Salman
Avec la fin du pactole de l'or noir, l'argent n'est plus à
portée de main comme avant. Le royaume va privatiser en partie son économie. À
commencer par son navire amiral, le géant pétrolier Aramco, dont le chiffre
d'affaires est estimé à 250 milliards de dollars, soit un tiers du PIB, et
dont il devrait céder 5 % du capital en 2018. L'opération pourrait
rapporter jusqu'à 100 milliards de dollars, qui seront placés dans un
fonds souverain, le Public Investment Fund (PIF). Celui-ci, qui détient déjà
230 milliards, investit en Arabie ou à l'étranger, dans des projets
parfois tout aussi pharaoniques. Il va ainsi miser 1,5 milliard de dollars
dans les activités spatiales de la société Virgin.
Riyad reçoit l'équivalent de «moins de 2 % de son PIB
de la part des investisseurs étrangers, soit cinq fois moins que certains pays
émergents», souligne Pascal Devaux. Le royaume tente donc de les séduire, en
organisant un «Davos du désert» ou des tournées des capitales pour ses ministres.
Mais, du projet à la réalisation, il y a un fossé. D'autres villes nouvelles,
imaginées il y a quinze ans en Arabie, n'ont jamais vu le jour.
Vue d'artiste de Neom. - Crédits photo : Neom
Cela n'empêche pas MBS de bâtir des plans sur la comète. Son
dernier projet, le plus démesuré, est Neom, ville du futur sur les bords de la
mer Rouge. Trois fois plus étendu que la Corse, ce paradis high-tech utilisera
le soleil, le vent et misera sur les nouvelles technologies. Les robots y
seront rois, les taxis voleront, les livraisons seront effectuées par des
drones, l'agriculture sera verticale… Ce futur paradis concernera des secteurs
aussi divers que l'énergie, l'eau, les biotechnologies, l'alimentation, le
numérique, les médias et les divertissements. Pour le construire, Riyad a
besoin de la modique somme de 500 milliards de dollars…
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
18/11/2017. Accédez
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Birmanie
: l'armée accusée de viols contre des femmes et filles Rohingyas (17.11.2017)
Mis à jour le 18/11/2017 à 13h55 | Publié le 17/11/2017 à 19h00
Un rapport de Human Rights Watch révèle que des soldats
birmans ont pratiqué des viols systématiques, souvent collectifs, depuis le
mois d'août mais aussi d'octobre à décembre 2016. Assurant qu'il s'agit de
crimes contre l'humanité, l'ONG demande des sanctions internationales contre la
Birmanie.
Les forces de sécurité birmanes ont violé des centaines de
femmes et filles rohingyas, selon un rapport de Human Rights Watch publié ce jeudi. Depuis août 2017,
l'armée birmane a poussé plus de 600.000 personnesde
cette minorité musulmane à fuir l'État
de Rakhine vers le Bangladesh voisin. «Le viol a été un outil important et
dévastateur dans la campagne de nettoyage
ethnique de l'armée birmane contre les Rohingyas», a dénoncé Skye
Wheeler, auteur du rapport.
Les auteurs du rapport intitulé «Mon corps n'était plus que
douleur»: Violences sexuelles systématiques contre les femmes et filles
rohingyas en Birmanie», se sont entretenus avec plus de 200 personnes
(survivants, témoins et humanitaires). Ils ont documenté deux vagues
d'attaques des forces birmanes contre des Rohingyas entre le 9 octobre
et le mois de décembre 2016, et à partir du 25 août 2017. Les organisations
humanitaires qui travaillent sur place ont fait état de centaines de victimes
de viol par des soldats et policiers birmans.
» LIRE AUSSI - Le parcours chaotique des Rohingyas à travers
l'histoire
Mais elles seraient bien plus nombreuses. Une part des
victimes qui ont parlé «ont ensuite été tuées». Pour les autres, un «sentiment
de honte», des «salles d'urgences de cliniques surpeuplées et offrant très peu
d'intimité», les empêche de se livrer. «Les deux tiers des victimes de viol
interrogées n'avaient pas informé les autorités ou les organisations
humanitaires de leur viol», précise le rapport.
À une seule exception près, tous les viols qui ont été
signalés à Human Rights Watch étaient collectifs. Les victimes affirment
qu'elles ont été réparties en plusieurs groupes, puis violées. Certaines ont
même décrit avoir assisté aux meurtres de leurs enfants, époux ou parents par
des militaires, avant de subir un viol.
Des réfugiés Rohingyas, après leur traversée du Naf pour
rejoindre le Bangladesh, le 12 novembre. - Crédits photo : Mohammad Ponir
Hossain/X03850
Une Rohingya prépare à manger dans un camp insalubre où
s'entasseraient 900.000 réfugiés. - Crédits photo : Navesh
Chitrakar/X02814
Des femmes et enfants dans un camp au Bangladesh, le 16
novembre 2017. - Crédits photo : Mohammad Ponir Hossain/X03850
Les conséquences sont dévastatrices pour ces femmes qui
«souffrent de profonds traumatismes psychiques et psychologiques», affirme Skye
Wheeler, chercheuse sur les situations d'urgence auprès de la division Droits
des femmes à Human Rights Watch, et auteure du rapport.
Violée par dix militaires, une mineure de 15 ans raconte
que, quand ils l'ont retrouvé, son frère et sa soeur ont cru qu'elle était
morte. Les victimes «ne reçoivent pas les soins médicaux dont elles ont
besoin», pointe le rapport. En conséquence, elles souffrent notamment
d'infections vaginales très graves qui pourraient même conduire à leur mort.
«Regardez-les ces femmes qui portent ces accusations,
est-ce que quiconque aurait envie de les violer ?»
Le ministre de la sécurité des frontières de l'État de
Rakhine
Les autorités birmanes ont déjà rejeté les accusations de
viols. En septembre, le ministre de la sécurité des frontières de l'État de
Rakhine avait démenti ces informations: «Où sont les preuves? Regardez-les ces
femmes qui portent ces accusations - est-ce que quiconque aurait envie de les
violer?». Fin 2016 déjà, le gouvernement birman avait rejeté les preuves de
viols généralisés fournis par Human Rights Watch, assurant qu'il s'agissait de
«faux viols». Par ailleurs, «de nombreuses enquêtes partiales et mal conduites
dans l'État de Rakhine leur ont permis de rejeter dans une large mesure les
allégations concernant ces abus», précise le rapport.
Une «campagne de nettoyage ethnique»
Fin septembre, devant le Conseil de sécurité de l'ONU, réuni
pour évoquer la situation dans l'ouest de la Birmanie, le secrétaire général,
Antonio Guterres, avait qualifié l'exode des Rohingyas de «cauchemar
humanitaire». Depuis, la situation ne s'est pas améliorée. Le Bangladesh
réfléchit même à une campagne de stérilisations volontaires pour limiter l'explosion
démographique dans les camps, où
s'entassent près d'un million de régugiés. Quelque 20.000 femmes rohingyas
seraient actuellement enceintes et 600 auraient accouché depuis leur arrivée au
Bangladesh, selon un décompte des autorités. Par ailleurs, les Rohingyas sont
également devenus les proies de trafiquants et certaines femmes sont droguées
et vendues comme prostituées, selon l'Organisation internationale pour les
migrations.
Human Rights Watch a constaté que les meurtres, viols,
arrestations arbitraires et destructions
d'habitations équivalaient à des crimes contre l'humanité au regard du droit international. Par ailleurs, les preuves
que ces actes représentent un «génocide contre la population rohingya ne
cessent de s'accumuler», est-il écrit dans le rapport, qui fait notamment état
de victimes égorgées ou brûlées vivantes. Human Rights Watch demande au Conseil
de sécurité de l'ONU, et aux gouvernements que cette situation préoccupe,
d'imposer un «embargo total sur les armes à destination de la Birmanie». Elle
réclame également que soit saisie la Cour pénale internationale.
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Zeev
Elkin, le glaive de Jérusalem (17.11.2017)
Par Cyrille
Louis
Publié le 17/11/2017 à 09h00
PORTRAIT - A 46 ans, ce membre du Likoud, originaire
d'Ukraine, incarne la ligne dure de la droite israélienne. Ministre de
Jérusalem depuis 2015, il se bat pour que la capitale auto-proclamée de l'Etat
hébreu maintienne son hégémonie face à la croissance de la population
palestinienne.
De notre correspondant à Jérusalem
C'est une règle d'or de la vie politique israélienne. Face
aux partisans d'un compromis territorial avec les Palestiniens, la droite
nationale et religieuse se présente comme la seule force capable de «défendre»
Jérusalem - c'est-à-dire de rendre irréversible l'unification imposée durant la
guerre de juin 1967. Le portefeuille de ministre de Jérusalem, aux
attributions mal définies mais à l'intitulé flatteur, a même été créé dans ce
but à la fin des années 1980. Son titulaire, Zeev Elkin, s'est tout récemment
illustré en présentant un projet de loi qui vise à garantir la supériorité
numérique de la population juive dans la ville.
Ce texte controversé, qui doit encore être approuvé par
Benyamin Netanyahou, propose de modifier le statut de deux quartiers
palestiniens isolés du reste de Jérusalem par le mur de séparation édifié en
2004. L'intention affichée est de placer ces faubourgs pauvres et surpeuplés
sous la coupe d'un conseil municipal distinct afin de développer les services
fournis à leur population. Mais chacun comprend, sous couvert d'une mesure en
apparence purement technique, qu'il s'agit d'ouvrir la voie au redécoupage des
limites administratives tracées il y a cinquante ans. En l'absence de
recensement, on estime qu'environ 140.000 Palestiniens vivent entre le quartier
de Kufr Aqab et le camp de réfugiés de Chouaffat. Un grand nombre d'entre eux
ont le statut de résident et bénéficient en théorie du droit de vote aux
élections locales ainsi que de l'assurance-maladie israélienne. Caractérisée
par une forte croissance démographique, cette population menace, aux yeux d'une
partie de la droite, la «majorité juive» que l'Etat d'Israël entend préserver
dans sa capitale autoproclamée.
Un homme de confiance pour Netanyahou
Né en 1971 à Kharkov (Ukraine), Zeev Elkin est arrivé en
Israël peu après la chute de l'Union soviétique et s'est lancé en politique il
y a une dizaine d'années. Son fort accent russe et son relatif manque de
charisme ne l'ont pas empêché de s'imposer comme une voix écoutée au sein du
Likoud. Incarnant une ligne «dure», il rejette la création d'un Etat
palestinien. Sa loyauté et son profil d'apparatchik efficace lui ont permis de
s'imposer peu à peu comme un homme de confiance auprès de Benyamin
Netanyahou, qui l'a récompensé en le nommant ministre de Jérusalem en
juin 2015.
Le plan d'Elkin répond à une préoccupation ancienne des
dirigeants israéliens. Confrontés à la croissance rapide de la population
palestinienne de Jérusalem-Est, ceux-ci redoutent que l'actuelle majorité juive
ne soit à terme remise en cause. Mais ils se divisent sur la solution à
apporter à ce problème. Certains, à gauche, appellent le gouvernement à se
«décharger» de plusieurs quartiers situés à la périphérie de la ville au
«profit» de l'Autorité palestinienne. D'autres, majoritairement à droite,
refusent toute concession territoriale. Entre les deux, Elkin propose
d'«exfiltrer» Kufr Aqab et le camp de Chouaffat hors de Jérusalem - sans pour
autant les affranchir de la tutelle israélienne. «Ce plan déplorable, s'il
venait à être adopté, reviendrait à repousser de force des milliers de
Palestiniens indigènes hors des limites de Jérusalem afin de falsifier les
caractéristiques démographiques, culturelles, religieuses et politiques de la
ville», dénonce Hanan Ashrawi, membre du comité exécutif de l'Organisation de
libération de la Palestine (OLP).
Le projet de loi n'est qu'une des pistes explorées par la
droite israélienne dans l'espoir de remporter la bataille démographique. Fin
octobre, un député du Likoud a simultanément proposé d'étendre les limites de
Jérusalem afin d'incorporer plusieurs blocs de colonies où réside une nombreuse
population juive. Cette piste a depuis lors été gelée sous forte pression de
l'Administration américaine, mais les dirigeants israéliens ne reculent pas sur
le fond. Vingt-quatre ans après la signature des accords d'Oslo, ils rejettent
plus que jamais un partage qui ferait de Jérusalem-Est la capitale d'un futur
Etat palestinien.
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En
Amérique, la plupart des États autorisent toujours le mariage des enfants
(17.11.2017)
Par Morgane
Rubetti
Mis à jour le 17/11/2017 à 18h28 | Publié le 17/11/2017 à 17h06
INFOGRAPHIE - Quelque 248.000 enfants et adolescents ont été
mariés entre 2000 et 2010 aux États-Unis, où la moitié des États n'a toujours
pas appliqué d'âge minimum pour le mariage.
Lorsqu'elle s'est mariée, Sherry Yvonne Johnson n'avait pas
tout à fait 12 ans. «Je suis aujourd'hui une survivante, une auteure, une
avocate à cause de cette histoire», confie-t-elle au Figaro. «Ma
mère avait l'habitude de se rendre dans une église chrétienne évangélique
appelée ‘La maison de la prière'. J'ai été violée la première fois à huit ans
par l'évêque de la paroisse. Puis par mon beau-père. Et enfin par le diacre
Sherry Johnson a épousé son violeur à 12 ans. «J'ai
divorcé à l'âge de 17 ans. Pendant notre relation, j'ai donné naissance à six
enfants.
Sherry Y. Johnson
de cette même église. Je suis tombée enceinte de ce dernier
à l'âge de neuf ans et j'ai accouché à dix. Je croyais pouvoir cacher le viol.»
La mère de Sherry, à l'époque très croyante, la force à épouser son violeur âgé
de 20 ans, pour sauver l'honneur et pour des raisons religieuses. Les autorités
de sa ville ont refusé le mariage, mais la commune voisine a accepté. «J'ai
divorcé à l'âge de 17 ans. Pendant notre relation, j'ai donné naissance à six
enfants.» L'histoire de Sherry est connue et a été relayée dans de nombreux médias anglosaxons. Son mariage a eu lieu en
1971 à Tempa en Floride. Difficile d'imaginer que marier une enfant de 11 ans
puisse encore être possible. Pourtant, 46 années plus tard, la législation de
cet État n'a aucunement été modifiée.
Aujourd'hui Sherry a 58 ans et attend toujours que sa mère reconnaisse les
faits. «Maman n'en parle jamais, c'est un sujet tabou. Mais elle m'a appelée la
semaine dernière. Cinquante ans après, elle s'est excusée pour ‘ce qu'elle a
fait' sans pour autant me donner d'explications», raconte-t-elle.
Tout comme Sherry, 248.000 enfants et
adolescents ont été mariés aux États-Unis entre 2000 et 2010, selon
l'association Unchained at last. Ces chiffres
ne différencient pas les mariages forcés après un viol ou dus à l'emprise d'une
religion. Alors que des pays comme le Zimbabwe, le Malawi ou El Salvador ont
récemment banni le mariage des enfants, les États-Unis gardent une législation
particulière à ce sujet. Certains, comme le New-Hampshire et la Caroline du
Nord, permettent le mariage à partir de 13 et 14 ans. Dans 25 États, la
loi ne prévoit aucun âge minimum. Des enfants peuvent se marier à
condition d'avoir la bénédiction de leurs parents et le consentement d'un juge.
L'âge minimum instauré dans la loi est d'ailleurs rarement définitif: la
totalité des États accordent des exceptions.
Toutes les classes sociales concernées
Une étude de 2016 du cabinet Pew Research a révélé que
les mariages de mineurs entre 15 et 18 ans étaient plus fréquents dans les
États du Sud, particulièrement en Virginie-Occidentale et au Texas. Heather Barr,
chercheuse auprès de la division Droits des femmes de l'association Human
Rights Watch, lutte pour convaincre ces États de modifier la législation.
Actuellement, son travail se concentre sur la Floride où un mineur de moins de
16 ans se marie tous les deux jours, selon le New York Times
«Être membre d'une communauté isolée peut parfois
renforcer le risque d'un mariage forcé. Mais les unions d'enfants ne se
déroulent pas exclusivement dans les communautés marginalisées».
Heather Barr
Contactée par Le Figaro, elle explique que ce
phénomène touche toutes les classes sociales, aussi bien dans les États plus
pauvres que les États riches. En revanche, son équipe a constaté de façon
anecdotique qu'«être membre d'une communauté isolée à cause de la religion, de
l'immigration ou de la langue peut parfois renforcer le risque d'un mariage
forcé. Mais les unions d'enfants ne se déroulent pas exclusivement dans les
communautés marginalisées».
Esther, une jeune fille issue de la communauté juive
hassidique de New York, n'a eu d'autre choix que d'épouser un homme à l'âge de
17 ans. À travers le site web de l'association Unchained at last, elle
s'insurge : «Je ne l'ai rencontré que pendant une demi-heure. Nous
avons été fiancés pendant quatre mois et nous n'avons pas eu le droit de nous
voir. Lors de notre nuit de noce, il m'a dit ‘si tu penses que tu es la
première, tu te trompes. J'ai déjà fréquenté des prostituées'». Il a abusé
d'elle et l'a obligée à avoir des rapports sexuels avec d'autres hommes. Après
neuf années d'une relation forcée, «j'ai su qu'il était temps de fuir». Un soir
de Shabbat, Esther est retournée chez ses parents. «Je leur ai tout raconté,
ils étaient anéantis. Dire «oui» a quelqu'un lorsqu'on est aussi jeune c'est
comme signer un contrat dans une langue que l'on ne comprend pas.»
Un abandon de l'éducation
Aux États-Unis, la volonté des parents de marier leur enfant
est souvent due à la grossesse précoce de leur fille. Pour
«sauver l'honneur» de la famille, certaines jeunes filles, comme Sherry, sont
même contraintes d'épouser leur violeur. Dans 77% des cas, ces
jeunes victimes sont unies à des hommes adultes. Parmi les enfants mariés de
force, les jeunes garçons représentent 15% tandis que les filles 85%.
«Certains juges conservateurs peuvent être en accord avec la volonté des
parents de marier leur fille enceinte car ils estiment que c'est dans son
intérêt. Mais ils n'ont sans doute pas connaissance des données qui prouvent à
quel point le mariage des enfants est nocif», déplore Heather Barr.
En effet, dans une tribune pour leWashington Post,
Fraidy Reiss, fondatrice de l'association Unchained at Last, a
insisté sur les troubles que peuvent causer ces mariages précoces: «Les femmes
qui se marient avant 18 ans ont plus de chances de développer divers troubles
psychologiques, quel que soit leur milieu socio-démographique d'origine. Et,
selon une étude internationale, les femmes qui s'unissent avant 18 ans ont
aussi trois fois plus de chances d'être battues par leur époux que celles qui
se marient après 21 ans». Ces mariages peuvent également mettre fin à leur
cursus scolaire. «Les Américaines qui se marient avant 19 ans ont 50 % plus
de chances d'abandonner l'école, et sont quatre fois moins susceptibles
d'aller à l'université que leurs conjoints.»
Quelques avancées ces dernières années
Au Texas, État le plus touché avec 34.793 enfants
mariés entre 2000 et 2010, selon Unchained at Last, l'âge légal a
également progressé de 14 à 18 ans pendant l'été 2017. Il reste néanmoins
possible de se marier dès 16 ans avec le consentement d'un juge.
Le premier octobre, une nouvelle loi a pris effet dans
le Connecticut bannissant le mariage en dessous de 16 ans.
Auparavant, l'âge minimum était de 13 ans.
De légers progrès qui ont du mal à être diffusés à travers
tous les États. En mai 2017, Chris Christie, le gouverneur républicain du New
Jersey, a refusé de signer la loi proposant d'abolir le mariage des enfants
et de fermer la porte à toute exception. Cette loi aurait pourtant fait de
l'État du New Jersey le premier du pays à interdire le mariage en dessous de 18
ans. Selon lui, cette décision aurait été contraire au respect des coutumes
religieuses. Actuellement dans l'Ohio, le sénateur Kenny Yuko
tente, non sans mal, de faire accepter sa proposition de loi dans laquelle il
souhaite instaurer un âge minimum de 16 ans.
En France, l'âge légal pour le mariage est de 18 ans. Seuls
les adolescents émancipés de l'autorité parentale peuvent se marier à partir de
16 ans. Les pays membres des Nations unies ont promis, dans le «Sustainable development goals», de bannir le mariage des
enfants avant 2030. Mais pour l'heure, dans le monde, 28 filles sont mariées
chaque minute.
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Prières
de rue : les musulmans maintiennent la pression à Clichy (17.11.2017)
Publié le 17/11/2017 à 19h23
L'interdiction de prier dans la rue a été respectée vendredi
à Clichy-la-Garenne. Mais un appel a déjà été lancé pour reprendre les prières
dès vendredi prochain, en dépit d'une nouvelle médiation qui doit se tenir
lundi.
Ce vendredi, une petite vingtaine de fourgonnettes de CRS
est postée aux abords de la mairie de Clichy-la-Garenne. Les forces de l'ordre
veillent au respect de l'interdiction
de prier dans la rue, édictée la veille par le préfet des Hauts-de-Seine.
Sur la place piétonne face à la mairie, les quelques fidèles qui n'étaient pas
au courant de la décision préfectorale sont renvoyés chez eux par le président
de l'association cultuelle qui appelle à ces prières sur la voie publique. «On
s'est engagé à ce qu'il n'y ait pas de prière aujourd'hui, il faut respecter
notre parole», leur répète Hamid Kazed, de l'Union des associations musulmanes
de Clichy (UAMC).
Les quelques fidèles présents jouent aussi l'apaisement.
«L'interdiction est légitime, reconnaît Samia Khies, une Clichoise musulmane
qui n'a jamais participé à ces prières de rue. C'est une place commerçante, les
gens doivent pouvoir circuler», ajoute-t-elle. Aïssa Berrada, un vieil homme à
la barbe blanche, approuve: «La France est un pays de droit, c'est normal que
la loi soit respectée», dit-il. Pourtant, il a participé à toutes les prières
de rue de ces huit derniers mois. «Le maire précédent nous a promis une
mosquée, il doit tenir parole», se justifie-t-il.
Trêve
Si les meneurs acceptent de renoncer à la prière de rue
cette semaine, leur posture ressemble moins à une reddition qu'à une simple
trêve. L'avocat de l'UAMC a déjà fait savoir que l'association avait
l'intention d'en organiser une nouvelle vendredi 24 novembre. «On ne lâchera
pas», clame Me Arié Alimi. Dans ce contexte, la réunion de conciliation qui
doit se tenir lundi a déjà du plomb dans l'aile. Mais le maire LR de
Clichy-la-Garenne ne boude pas sa victoire du jour. «J'ai enfin été entendu par
la préfecture et le ministre de l'Intérieur, se félicite Rémi Muzeau. L'ordre
public a été respecté et les Clichois peuvent enfin bénéficier d'un retour à la
tranquillité».
LIRE AUSSI - Les prières de rue interdites à Clichy
Pourtant, le fond du différend demeure. Les activistes ne
veulent toujours pas entendre parler du nouveau centre culturel et cultuel de
la rue des Trois pavillons, fonctionnel depuis 2013. «Ce local est indigne»,
persiste Rabah Heyoun, le vice-président de l'UAMC. Il serait «trop petit»,
«amianté» et «trop excentré». Situé à 1,5 kilomètre du centre-ville, ce nouveau
lieu est certes beaucoup moins central que leur ancienne salle de prière de la
rue d'Estienne d'Orves. Mais Bahri Noureddine, le vice-président de
l'association gestionnaire de cet ancien gymnase, réfute en bloc tous les
autres griefs. «On se réjouit de cette salle, assure-t-il. Nous l'avons
totalement rénovée, et elle est bien évidemment conforme aux règles de sécurité
en vigueur».
En creux, le conflit est aussi alimenté par une concurrence
pour le partage de la direction de la salle, entre l'association gestionnaire
actuelle et l'UAMC. «En réalité, ce n'est pas une question de capacité, c'est
une question de pouvoir, estime le maire Rémi Muzeau. Mais ce n'est pas à nous
de trouver une solution à ce conflit qu'ils doivent régler entre eux».
Journaliste Web.
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Par Alice
Develey
Mis à jour le 17/11/2017 à 19h06 | Publié le 17/11/2017 à 19h01
Une association antiraciste veut bannir ce terme. Le
ministère de la Culture étudie la question.
Est-ce à la langue française d'assurer l'égalité dans notre
société? Pour les thuriféraires de
l'écriture inclusive, c'est évident. Mais faut-il aller plus loin? Et faire
le tri dans nos écrits, gommer des mots devenus interdits? Le 16 novembre,
le Conseil représentatif des associations noires de France (Cran)a
affirmé avoir obtenu gain de cause auprès du ministère de la Culture
pour remplacer le terme «nègre littéraire», qu'il juge «inapproprié», par celui
de «prête-plume».
«Le mot ne peut pas être interdit. Il ne s'agit pas ici
de judiciariser la langue mais de sensibiliser l'opinion»
Louis-Georges Tin, président du Cran
Dans un communiqué, le Cran déclare avoir reçu, le
13 novembre dernier, une lettre de Loïc Depecker, le délégué général à la
langue française, lui indiquant que «la ministre de la Culture avait accepté sa
proposition». Il s'agit seulement d'une «recommandation» nuance cependant Louis-Georges
Tin, le président du Cran, interrogé par Le Figaro. «Le mot ne
peut pas être interdit. Il ne s'agit pas ici de judiciariser la langue mais de
sensibiliser l'opinion.» Contacté, le ministère ne confirme pas mais dit
étudier la question.
Commencée en mars 2017, à l'initiative de Nelly Buffon,
fondatrice du site Enviedecrire.com, cette croisade linguistique n'est pas
neuve. En 2014, le Cran faisait débaptiser les pâtisseries «négro» et
«bamboula» et plus récemment obtenait le changement de nom du Bal nègre, salle
de spectacles parisienne, et du bar lyonnais la Première Plantation.
«Éradiquer le racisme»
L'association ne s'arrête pas là et «milite pour faire
interdire des dictionnaires le mot nègre», souligne Pierrette Crouzet-Daurat,
chef de la mission du développement et de l'enrichissement de la langue
française. Avec cette nouvelle annonce, le Cran reprend son bâton de pèlerin
rappelant «qu'il faut éradiquer le racisme dont le langage est malgré nous le
vecteur».
«Il n'y a pas en soi de langue raciste, mais des termes
qui ont un sens raciste»
L'académicien Frédéric Vitoux
Une analyse que ne partage pas Frédéric Vitoux. Pour
l'académicien, «il n'y a pas en soi de langue raciste, mais des termes qui ont
un sens raciste». S'il ne s'oppose pas à l'emploi du mot «prête-plume», il
rappelle que le «nègre littéraire fait partie de notre passé» et qu'il serait peut-être
excessif de «s'effrayer d'un mot dans les usages depuis plus de deux siècles».
Comment ferions-nous alors pour parler du Nègre du Narcissede
Conrad ou encore des Dix petits nègres d'Agatha Christie?
Emprunté à l'espagnol negro, «personne de race noire», le
«nègre» puise dès le XVIIe siècle ses origines dans le passé esclavagiste
et colonial de la France. Il désigne un siècle plus tard, selon le site France
Terme, «la personne chargée d'écrire un texte publié sous la signature d'une
autre personne». L'usage le conservera dans ce sens, le remplaçant parfois par
son équivalent anglais ghost writer. Un anglicisme qui risque là de faire
bondir les ardents défenseurs de la langue française.
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Le marché
de la drogue, prospère, pèse entre 3 et 4 milliards d'euros en France
(17.11.2017)
Mis à jour le 17/11/2017 à 20h43 | Publié le 17/11/2017 à 20h21
La Direction centrale de la police judiciaire estime qu'«il
faut 300 à 400 tonnes de haschisch pour satisfaire la consommation nationale».
Entre 3 et 4 milliards d'euros! Cette somme colossale
équivaudrait au marché de la drogue
en France. L'estimation a été révélée vendredi par les analystes du Service
d'information de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité
organisée (Sirasco). «Le trafic de stupéfiants, le plus rentable, est une
infraction “irradiante” car elle irrigue l'ensemble du territoire et structure
toute l'activité criminelle», observe le commissaire divisionnaire Thierry
Ourgaud, adjoint à la sous-direction de la lutte contre le crime organisé et la
délinquance financière (Sdcof). Précisant qu'Europol estime
le marché global à 24 milliards à l'échelle de l'Union, les experts du
renseignement criminel de la police nationale notent que le cannabis, à lui
seul, fait la moitié du chiffre d'affaires.
Porté par des circuits intégrés depuis le Maroc jusqu'à
sa diffusion et des stratégies commerciales agressives mêlant promotions et
opérations marketing, le commerce du haschisch gangrène la moitié des quartiers
de Marseille mais aussi de la région parisienne
Porté par des circuits intégrés depuis
le Maroc jusqu'à sa diffusion et des stratégies commerciales
agressives mêlant promotions sur les points de deal et opérations marketing, le
commerce du haschisch gangrène désormais la moitié des quartiers de Marseille
mais aussi de la région parisienne. Il est stimulé par la demande de 700.000
usagers quotidiens. «Il faut 300 à 400 tonnes de produits pour satisfaire la
consommation nationale», estime-t-on à la Direction centrale de la police
judiciaire, sachant que 70 tonnes ont été saisies en 2016: 52 tonnes de
résine et quelque 18 tonnes d'herbe, dont le marché a explosé de 600 %
depuis 2010. Minant la vie des riverains et à l'origine de 160 morts sur
fond de règlement de comptes, les trafics sont vecteurs de graves problèmes
sanitaires liés à l'évolution du taux de THC de la résine, qui a plus que
doublé en cinq ans en passant de 11 % en 2011 à 23 % l'année
dernière.
Sur le front de la cocaïne, dont le prix se stabilise aux
alentours de 34.000 euros le kilo et qui concerne environ 450.000 usagers
par an, les Antilles françaises et en particulier la Guyane sont désignées
comme «zones majeures d'envoi», principalement par voie aérienne. L'année
dernière, les services ont saisi 8,5 tonnes de produits et intercepté aux
aéroports pas moins 592 passeurs, certains prenant le risque de
transporter jusqu'à un kilo de poudre in corpore après ingestion. La DCPJ estime
qu'entre 12 et 20 tonnes sont «nécessaires pour satisfaire le marché français».
Soit une «cuillerée» au regard des 1.500 à 2.000 tonnes produites au Pérou, en
Colombie et en Bolivie.
Garanti par un niveau bas en transaction de rue
s'établissant depuis cinq ans autour de 35 euros le gramme, le négoce
d'héroïne est quant à lui vivace et morcelé. Entre 10 et 15 tonnes sont
acheminées quasi exclusivement d'Afghanistan pour arroser chaque année en
particulier l'est de la France et ses zones rurales, où elle fait des ravages.
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Vols de
fret, «jackpotting»... la dernière mue du grand banditisme (17.11.2017)
Publié le 17/11/2017 à 20h08
Le dernier rapport du Sirasco, le service de renseignement
sur la criminalité organisée de la police nationale, montre des malfaiteurs
toujours aussi actifs.
● Le vol de voiture en un clic
Les voleurs de voitures nouvelle génération n'agressent plus
les automobilistes. Adeptes de «modes opératoires de plus en plus sophistiqués
face aux évolutions technologiques mises en place par les constructeurs», ils
préfèrent le stratagème du «mouse jacking» dans trois vols d'automobiles sur
quatre.
«Exploitant la faiblesse informatique de certains véhicules
haut de gamme (comme le Range Rover Evoque), il nécessite un matériel
spécifique et l'acquisition de données constructeurs aisément accessibles sur
Internet afin de reprogrammer une clef de démarrage», précise le rapport qui
rajoute: «L'utilisation récemment constatée de brouilleurs électroniques
facilite encore plus l'accès à l'intérieur du véhicule en empêchant la
fermeture à distance.» En 2016, 168.515 véhicules ont été dérobés en France,
pour un préjudice estimé à 1,5 milliard d'euros pour les assurances.
● Les bandits ciblent le fret
L'époque des attaques de banques, à présent ultraprotégées
et ne disposant plus de numéraires en caisse, est révolue. Les hold-up, au
nombre de 300 en 2009, ont chuté à 52 l'année dernière. Cette dégringolade ne
signifie pas que les braqueurs ont jeté l'éponge. L'Office central de lutte
contre le crime organisé (Oclco) démantèle deux ou trois grosses équipes par
an.
Les malfaiteurs, opportunistes, ont reporté leur dévolu sur
les transports de fret à forte valeur ajoutée. Tout comme ils le faisaient avec
les fourgons blindés, ces professionnels passent à l'action après repérage, des
«tuyaux» obtenus auprès d'employés complices et avec des voitures volées.
Lourdement armés, ils ciblent les cargaisons de téléphones mobiles, de tablettes
numériques, de cosmétiques, de tabac ou de transports d'or comme récemment en région lyonnaise.
Avec des butins qui dépassent le million d'euros.
● Braquage 3.0 des distributeurs
Aujourd'hui, les braqueurs ne s'attaquent plus aux
distributeurs automatiques de billets à grand renfort d'explosifs. Moldaves ou
Roumains, ils leur préfèrent une clé USB et un ordinateur pour se livrer au
«jackpotting». «C'est le braquage 3.0», résume François-Xavier Masson, patron
de l'Office de lutte contre la cybercriminalité.
Ayant repéré une «faille» sur un modèle, le voleur dévisse le DAB et s'attaque à l'unité
centrale à l'aide d'une clé USB. Il lui suffit ensuite de connecter son
ordinateur, et le distributeur lui rend autant de billets qu'il le souhaite.
«Ils font bien attention de ne pas vider le DAB pour ne pas déclencher
d'alarme», souligne le commissaire Masson. La manœuvre prend une vingtaine de
minutes et peut rapporter jusqu'à 50.000 euros. Au total, 56 attaques
ont été menées en Europe.
● La mafia rouge se diversifie
La France reste un terrain de chasse pour les bandes
russophones et les «Vor y zakone», «voleurs dans la loi» reconnaissables aux
coupoles, corbeaux et poignards qu'ils ont tatoués. Organisant des cambriolages
et les vols en série à l'étalage lors de raids nocturnes, ces mafieux venus du
froid disposent d'une armée de petits «soldats» qui multiplient, sous les
ordres de lieutenants, des délits de «basse intensité» pour passer sous les
radars des services. Suivant leur propre code d'honneur, ils se diversifient
dans les escroqueries, extorsions et trafics de cigarettes.
Trente-cinq suspects ont été interpellés lundi en région
parisienne par l'Office central de lutte contre le crime organisé. Deux ans
d'enquête ont été nécessaires avant de mener le coup de filet qui a permis de
saisir 70.000 euros, des armes de poing, des véhicules et
200.000 euros d'avoirs criminels. La partie émergée du butin.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
18/11/2017. Accédez
à sa version PDF en cliquant ici
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Christophe
de Voogd : «Ricœur ou Machiavel, Macron doit choisir» (17.11.2017)
Publié le 17/11/2017 à 18h46
TRIBUNE - Le président entend-il promouvoir une «mémoire
équitable» ou une mémoire triée sur le volet qui ne serait pour lui qu'une arme
politique, s'interroge l'historien.
La forte teneur commémorative de l'actualité, entre 11 et
13 novembre, invite à un examen du rapport au passé de celui qui, par sa
fonction, est le grand officiant de notre mémoire collective. Monarchie
républicaine oblige, le président de la Ve République, quel qu'il soit,
doit donner sens aux dates cruciales de notre histoire, douloureusement
anciennes (1914-1918) ou cruellement récentes (2015-2016). Et l'on sait
comment, d'anniversaires des deux guerres mondiales en hommages aux victimes du
terrorisme, François Hollande est tombé dans une forme de «commémorationnite»
aiguë.
Mais, dans le cas d'Emmanuel Macron, le sujet prend un tour
nouveau et, pour tout dire, captivant. D'abord parce que le candidat a fait un
grand usage dans sa campagne électorale, d'Alger à Oradour, des enjeux
mémoriaux. Ensuite parce que, dès son arrivée à l'Élysée, il a nommé un proche,
Sylvain Fort, comme conseiller «discours et mémoire»: rapprochement qui semble
indiquer le désir présidentiel d'écrire son propre récit du passé - et sans
doute aussi de son quinquennat. Mais surtout parce que Macron est un véritable
spécialiste des relations entre histoire et mémoire.
Macron président suit-il la leçon de Ricœur philosophe…
et de Macron, spécialiste de la mémoire ? Il se pourrait bien que, derrière
cette question apparemment mineure, se joue une part substantielle du succès de
l'agenda présidentiel
L'on a à juste titre rappelé sa proximité biographique et intellectuelle avec le philosophe
Paul Ricœur dont il fut l'assistant. Or cette collaboration a surtout
eu pour objet le livre de Ricœur consacré à La Mémoire, l'histoire,
l'oubli ; et c'est à l'occasion de la publication de cet ouvrage en
2000 que le jeune Macron (il n'avait pas 23 ans) en donna, pour la revue Esprit,
une longue et savante lecture, sous le beau titre de «La lumière blanche du
passé».
C'est donc très légitimement à cette aune théorique que l'on
peut et doit mesurer sa pratique politique dans ce domaine. Macron président
suit-il la leçon de Ricœur philosophe… et de Macron, spécialiste de la mémoire?
Il se pourrait bien que, derrière cette question apparemment mineure, se joue
une part substantielle du succès de l'agenda présidentiel.
Car qu'est-ce, idéologiquement, que le «macronisme» sinon la
volonté de dépasser les clivages entre droite et gauche, entre groupes sociaux,
entre pays, entre cultures, qui sont autant de facteurs d'antagonisme ou
d'immobilisme? Et qui puisent leur énergie dans d'intenses guerres de mémoire.
L'exercice est plus aisé dans le cas franco-allemand
après soixante-dix ans d'efforts continus que sur le plan intérieur, notamment
lorsque les enjeux mémoriels se colorent de religion
D'où le grand projet d'une «réconciliation des mémoires»
d'une «mémoire apaisée», voire «partagée», qui a trouvé son aboutissement
dans le récent discours du Hartmannswillerkopf. À cette occasion,
le président a fait droit aux souvenirs de l'autre en évoquant l'humiliation
allemande après le traité de Versailles. Parfaite application d'une
recommandation de Ricœur: pratiquer la «culture de la considération», prendre
en compte les «récits de vie qui sont ceux de l'autre», seul moyen de remédier
aux «haines héréditaires».
Mais voilà: l'exercice est plus aisé dans le cas
franco-allemand après soixante-dix ans d'efforts continus que sur le plan
intérieur, notamment lorsque les enjeux mémoriels se colorent de religion,
comme on le mesure à la fracassante collision identitaire de la croix de Ploërmel et des prières de rue à Clichy.
Or force est de constater que le président reste bien
discret sur ces sujets. Force est aussi de relever son attachement
contradictoire au «roman national» à la Lavisse et à L'Histoire
mondiale de la France de Patrick Boucheron ; mais plus encore de
noter la confusion systématique dans ses discours entre «histoire» et
«mémoire». Certes, et contre la conception d'un Pierre Nora, «la mémoire est la
matrice de l'histoire», affirme Ricœur ; il n'en revient pas moins à cette
dernière, précise-t-il, d'accord sur ce point avec Nora, «de corriger, de
critiquer, voire de démentir la mémoire d'une communauté, lorsqu'elle se replie
sur ses souffrances propres au point de se rendre aveugle et sourde aux
souffrances des autres communautés».
Non pas «devoir de mémoire» (expression «lourde d'équivoque»
estime Ricœur, et pourtant usuelle chez Macron), mais «devoir de justice»: car
«que serait une mémoire heureuse qui ne serait pas une mémoire équitable?»
Voilà le sens profond, ricœurien, du fameux «en même temps» qui ne saurait se
comprendre comme un balancement rhétorique (et technocratique) sans conclusion
claire, et encore moins comme un désir de ménager la chèvre et le chou.
Il faudra évoquer «en même temps», lors de la
commémoration de l'esclavage, les deux grandes traites négrières :
l'occidentale et l'orientale ; et «en même temps» encore, l'esclavage des
Africains et des Européens dans l'Empire ottoman
Perspective philosophique qui a des conséquences très
pratiques. Même si l'expression de «crime contre l'humanité» à propos de la colonisation a probablement échappé au candidat
Macron, il était mal venu de conforter à Alger le discours victimaire de la
dictature en place. À Alger, c'était «en même temps» du FLN, des harkis et des
pieds-noirs qu'il fallait parler. Comme il faudra évoquer «en même temps», lors
de la commémoration de l'esclavage, les deux grandes traites négrières:
l'occidentale et l'orientale ; et «en même temps» encore, l'esclavage des
Africains et des Européens dans l'Empire ottoman. Telles sont les exigences
d'une «mémoire équitable».
À moins que Machiavel, autre grand inspirateur de Macron,
qui y a consacré son mémoire de maîtrise, ne vienne corriger les leçons de
Ricœur? Que la mémoire - sélective et orientée - ne soit pour lui, comme pour
tant de princes, des pharaons à Napoléon, qu'un instrument du pouvoir?
Ce serait regrettable car notre nouveau président a toutes
les armes, politiques et intellectuelles, mais aussi de caractère, pour
s'opposer aux redoutables guerres de mémoires qui hantent la France et ravagent
le monde.
* Normalien et docteur en histoire, Christophe de
Voogd enseigne à Sciences Po les idées politiques et les guerres de mémoires.
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Éric
Zemmour : «Cette France qui a rendu les armes alors que reviennent les soldats
de Daech…» (17.11.2017)
Par Eric
Zemmour
Publié le 17/11/2017 à 08h00
CHRONIQUE - Face aux djihadistes, en respectant
avec scrupules nos règles juridiques, prévues pour des délinquants de droit
commun, nous montrons à nos ennemis que nous sommes incapables d'un sursaut.
Ils reviennent. Les hommes, mais aussi les femmes et les
enfants. Les
soldats de Daech rentrent en France dans leur prétendue patrie.
Désillusionnés mais pas repentis. On les craint et on les surveille. Leur
retour tombe mal. Ou bien. En pleine commémoration du massacre du Bataclan. Il
y a deux ans déjà. Témoignages, chansons douces, lâchers de ballons.
Comment se reconstruire? interrogent les journaux. Pas
comment défendre et reconstruire la France. Non, se reconstruire
personnellement en tant que victime. Chacun veut bien être une victime mais
personne ne veut être un bourreau. La guerre, que proclamaient alors nos
dirigeants fiers-à-bras, est bien oubliée. Il n'y a plus de guerre par manque
de guerriers. Tout le monde est victime, même les criminels, même la mère du
criminel, même le frère du criminel.
C'est ce que nous a asséné, avec une emphase
indécente, l'avocat
Dupont-Moretti. Abdelkader Merah, le mentor de l'homme qui a assassiné des
enfants parce qu'ils étaient juifs, et des soldats français parce qu'ils
étaient musulmans, et donc «apostats», méritait donc la protection du droit.
C'est notre honneur, nous a ressassé l'avocat. C'est la meilleure manière de ne
pas tomber dans le piège que nous tendent les djihadistes, nous rassurent tous
les défenseurs de la justice et de l'Etat de droit.
Drôle de dialectique: les djihadistes nous tueraient
seulement pour montrer la face noire de notre démocratie ; sa face
hideuse, répressive, totalitaire. Vieille dialectique qui rappelle celle des
terroristes d'extrême gauche des années 1970. Dialectique marxiste qui
avait en commun avec nous un fondement philosophique occidental et
démocratique. Rien à voir avec les djihadistes qui tuent pour tuer, terrorisent
pour terroriser, massacrent pour effrayer, affaiblir, montrer leur force. Et
montrer la faiblesse de leurs ennemis.
En respectant avec scrupules nos règles juridiques, prévues
pour des délinquants de droit commun ; en croyant naïvement que chaque
djihadiste est un malade qu'il faut soigner, «déradicaliser», qu'il n'est qu'un
individu pris dans «une mauvaise passe» ; en refusant une remise en cause
de l'islam, qui n'est pas seulement une religion, mais aussi un système
juridico-politique, nous cultivons nos démons qui s'appellent un culte fétichiste
du droit et un psychologisme obsessionnel. Nous montrons à nos ennemis que nous
sommes incapables d'un sursaut, incapables de renoncer à la douceur féminine
mais émolliente de nos valeurs pacifiques. Ils ne nous en admirent nullement,
contrairement à ce que nous laisse croire un complexe de supériorité
désuet ; ils nous en méprisent encore davantage.
«Pas de liberté pour les ennemis de la liberté», avait clamé
Saint-Just, alors que «la patrie (était) en danger». Nous préférons proclamer à
la face de nos ennemis: «Vous n'aurez pas ma haine.»
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Natacha
Polony: «Islamisme, le débat confisqué» (17.11.2017)
Par Natacha
Polony
Mis à jour le 17/11/2017 à 16h54 | Publié le 17/11/2017 à 16h49
CHRONIQUE - Les récentes invectives entre
Mediapart et Charlie Hebdo sur l'islamisme ne doivent pas
occulter la responsabilité des citoyens, de quelque confession ou origine que
ce soit, de prendre part à ce débat démocratique.
Après les enfants d'Ozar Hatorah, le massacre deCharlie
Hebdo, l'Hyper Cacher, le Bataclan, Nice, après le père Hamel ou le couple
de policiers égorgés sous les yeux de leur petit garçon, rien ne serait pire
que de voir le
débat sur l'islamisme se résumer à des invectives de personnages en majesté,
mâchoire de fer ou moustache crispée. C'est pourtant bien l'exploit
d'Edwy Plenel, en accolant le nom de Manuel Valls à celui de Charlie Hebdo dans
une réponse ahurissante à la une ironique qui l'égratignait, que d'avoir
détourné cette confrontation nécessaire pour en faire un combat de coqs dont
désormais les citoyens risquent de se détourner avec dégoût et lassitude.
L'influence que Tariq Ramadan a acquise sur les jeunes
musulmans en France, leur affirmant qu'ils sont victimes d'un racisme d'État, a
des conséquences tragiques, et que nous payons tous
Et pourtant, qu'y a-t-il pour nous de plus essentiel que de
tenter de comprendre comment le milieu médiatico-politique a pu, pendant des
années, offrir une tribune à un homme dont tout le discours consistait à
inciter les musulmans, non pas à investir leur rôle de citoyen, mais à
s'imposer en tant que musulmans, en contradiction absolue avec l'universalisme
laïque de la République française?
La justice décidera de la culpabilité ou de l'innocence de
Tariq Ramadan pour les accusations de viol, mais la preuve est faite, à tout le
moins, qu'il est un Tartuffe. Or l'influence qu'il a acquise sur les jeunes
musulmans en France, leur affirmant qu'ils sont victimes d'un racisme d'État,
leur expliquant qu'ils n'ont pas à s'intégrer, leur présentant Mohamed Merah
comme la «victime d'un système qui l'avait déjà condamné», a des conséquences
tragiques, et que nous payons tous.
Ceux, donc, qui l'ont présenté comme un modéré, qui ont
accepté de discuter avec lui devant un public séparant hommes et femmes, qui
ont osé fustiger avec lui les dessinateurs de Charlie, avant même
qu'ils ne fussent en terre, sur le thème «L'humour ne justifie pas la haine»,
ceux-là ont contribué à fracturer un peu plus la société française, à faire
croire que l'on ne saurait être musulman et accepter la tradition française de
l'humour anticlérical, que l'on ne saurait être musulman et accepter que ceux
qui ne le sont pas ne se plient pas aux dogmes et aux interdits touchant au
Prophète, que l'on ne saurait être musulman et ne pas l'afficher dans l'espace
public, le brandir comme un étendard.
Un tel naufrage nous appelle à la responsabilité.
Responsabilité de rappeler qui meurt aujourd'hui, en France, pour ses idées ou
pour ce qu'il est. Responsabilité de ne jamais essentialiser des individus en
les assignant à leurs origines et leurs croyances
Edwy Plenel porte une responsabilité immense. Et il saisit
l'occasion d'un dessin grinçant, d'une mauvaise foi assumée, pour se parer de
l'aura des résistants, pour enrôler 150 personnalités qui n'avaient rien de
mieux à faire, la semaine où des menaces de mort contre Charlie
Hebdo et des délires antisémites et complotistes couvrent la Toile en
défense du Tartuffe démasqué, que de dénoncer une «campagne de délation»,
«diffamatoire», «haineuse», contre «le journal symbole d'une presse libre,
indépendante du pouvoir» (Mediapart, donc, et non Charlie Hebdo,
qui a payé le prix de la liberté), pour affirmer, enfin, que Charlie
participerait à une «guerre» contre «tous les musulmans». Guerre menée par
Valls et l'extrême droite.
Et voilà bien la
perversité de cette réponse, qui permet de ne jamais répondre sur le fond, sur
la formidable manipulation qui consiste à instrumentaliser les «musulmans» pour
dire sa détestation du modèle républicain français, quitte à gommer toute
différence entre «musulmans» et «islamiste». Mais, ce faisant, Plenel dit
bien queCharlie Hebdo mènerait une guerre. Les frères Kouachi,
finalement, n'auraient fait que répondre. Que Riss, au nom de la rédaction de
Charlie, écrive: «Cette phrase, nous ne la pardonnerons jamais» est plus que
compréhensible, c'est légitime.
Mais la ruse fonctionne. Valls
est nommé, il répond. Sur le fond, sur sa défense de la laïcité, il est
irréprochable, mais peut-on réduire l'homme qui a incarné le «tournant libéral»
trahissant les promesses de campagne de François Hollande, l'homme qui a trahi
sa propre promesse de respecter le résultat de la primaire de gauche, à sa
seule défense de la laïcité? Et, dans ce contexte tragique, un homme politique
peut-il répondre par des mots - «je veux qu'ils rendent gorge» - qui
intensifient encore la violence et personnalisent ce qui relève de la défense
du bien commun?
Un tel naufrage nous appelle à la responsabilité.
Responsabilité de rappeler qui meurt aujourd'hui, en France, pour ses idées ou
pour ce qu'il est. Responsabilité de ne jamais essentialiser des individus en
les assignant à leurs origines et leurs croyances. Responsabilité de donner la
parole aux penseurs d'un islam réformé, défenseurs d'une séparation entre
théologique et politique. Responsabilité, de la part des représentants du culte
musulman, de dire si oui ou non ils estiment qu'il y aurait en France une
guerre contre les musulmans. Responsabilité, de la part des politiques, de
parler calmement mais clairement. Responsabilité, de la part des citoyens, de
quelque confession ou origine que ce soit, de prendre part à ce débat
démocratique pour définir ce qui nous unit, nos valeurs, notre identité, et ce
qui n'est pas négociable pour nous.
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Par Paul
Thibaud
Mis à jour le 17/11/2017 à 16h45 | Publié le 17/11/2017 à 16h34
FIGAROVOX/TRIBUNE - L'exécutif ne traite pas les
problèmes sérieux que pose l'islam dans notre pays, argumente le philosophe*.
Emmanuel
Macron a livré à Abu Dhabi une vision de l'islam surprenante: «Ceux qui
veulent faire croire, où que ce soit dans le monde, que l'islam se construit en
détruisant les autres monothéismes sont des menteurs et vous trahissent.» Pour
accorder une telle caution à la seconde religion de France et se porter garant
de sa nature pacifique, il faut oublier la geste militaire musulmane commencée
à Médine au temps même du Prophète.
Ce bricolage flatteur est destiné à plusieurs publics: les
habitants de la péninsule arabique invités à se détourner de
l'intégrisme ; les intolérants, éventuellement terroristes, qui sévissent
ailleurs ; et enfin les Européens que nous sommes, enclins à des préjugés
qui les trompent, selon Emmanuel Macron. Dans ces trois directions, notre
président a adressé une injonction de tolérance, qui malheureusement est aussi
une dénégation, donc l'indice d'un désarroi: si on remplace une réalité gênante
par une image complaisante, c'est parce qu'on ne sait pas comment faire face à
la réalité.
S'il en est ainsi, c'est parce que nos responsables ne sont
pas conscients des ressources d'une
laïcité dont ils se réclament et dont ils ont la charge. La laïcité
française, avant d'être un principe (la «séparation» à quoi on la réduit
couramment), est le règlement d'un conflit à épisodes qui, ouvert depuis 1789,
avait des racines dans le régime de chrétienté antérieur. Parce qu'elle est
enracinée dans l'histoire nationale et qu'elle est elle-même historique, notre
laïcité s'est montrée à la fois stable au fond et évolutive quant à ses
modalités. C'est dans les années 1920 qu'on a donné aux évêques autorité sur
l'usage des lieux de culte devenus propriété publique. C'est depuis 1959 que la
loi Debré permet, sous contrôle et grâce à des subventions, aux établissements
religieux de contribuer au service public de l'éducation.
Pour faire entrer l'islam dans la laïcité, mieux vaut
faire fond sur les musulmans eux-mêmes
Quant à la stabilité de notre laïcité, elle a tenu à des
traits socioculturels plus ou moins explicites. L'explicite, c'est le
ralliement progressif du catholicisme aux principes essentiels de la
démocratie: l'égalité des sexes (hors de son régime interne), la liberté de
conscience, la légitimité éminente de l'État démocratique et la valeur
spirituelle non pas du nationalisme, mais du dévouement à la patrie. Ce qui est
moins explicite, c'est l'enracinement de cet accord dans les mœurs, dans une
manière de faire société qui rend sensible la concorde nationale: les
catholiques et les laïcs ne font pas sociétés à part, les manifestations du
religieux sont cantonnées dans l'espace et dans le temps. Réciproquement, la participation
des hommes de religion à certains débats publics est admise, elle le serait
sans doute plus naturellement si notre laïcité était plus «mature».
L'islam peut-il trouver sa place dans ce schéma, donc avoir
ses lieux de culte, participer à une socialité ouverte et aux grands débats,
accepter et même défendre les principes essentiels de la démocratie nationale?
Puisque les lieux de culte chrétiens sont un héritage historique entretenu avec
l'argent public, il est légitime que les musulmans soient aidés à aménager les
leurs (baux à long terme, subventions à leurs associations culturelles). Mais,
de la part des musulmans, le comportement «participatif» inhérent à la laïcité
n'est pas assuré. Ce qu'indique la présence accrue du voile féminin et des tenues
musulmanes intégrales. Ces vêtures sont contraires à la laïcité non pas parce
qu'elles sont imposées (comment savoir?) ou contraires à la dignité des femmes
(comment juger?), mais parce qu'elles participent d'un désir de se mettre à
part, qu'on peut soupçonner d'exprimer une extériorité quant aux valeurs «de
référence». Les lois sur le voile à l'école et la burqa dans les rues sont donc
légitimes, mais, les débats sur le «burkini» l'ont montré, la légalisation des
comportements bute sur des limites, en particulier juridiques. Pour faire
entrer l'islam dans la laïcité, mieux vaut faire fond sur les musulmans
eux-mêmes.
L'islam de France n'existera jamais si on ne lui
donne pas le moyen de s'identifier différemment de l'islam en France
Pour faire entrer l'ensemble du catholicisme dans la culture
franco-républicaine, il a fallu de nombreux conflits où le rôle de ceux qui
s'identifiaient comme catholiques tout en participant du libéralisme ambiant et
en récusant les comportements de guerre civile a été essentiel, surtout dans
les élections. L'équivalent de cette force intermédiaire serait «l'islam
de France» souvent invoqué, mais qui n'existe pas, et qu'on ne sait pas
comment faire advenir, puisque cela supposerait ce qui fait largement défaut,
l'intrication de l'islam dans la culture nationale.
On dit parfois que, de nombreux musulmans souhaitant
s'intégrer, le problème disparaîtra peu à peu. Cette insouciance est mauvaise
conseillère, surtout parce qu'elle conduit à instituer l'islam comme un bloc.
Dans ces conditions, au Conseil français du culte musulman (CFCM), par exemple,
les musulmans en passe de s'intégrer seront considérés comme inauthentiques,
réduits au silence et marginalisés. L'islam de France n'existera jamais si
on ne lui donne pas le moyen de s'identifier différemment de l'islam
en France. Il faut pour cela que, faute d'une interpénétration spontanée,
l'État républicain prenne l'initiative, qu'il réserve les nombreuses aides
nationales ou locales dont le culte musulman bénéficie aux communautés qui ne
se contentent pas de réclamer d'être reconnues, mais refusent le séparatisme
musulman. On n'imagine pas que des imams excluent ceux qui tiennent au voile et
à la viande hallal, mais certains pourraient désapprouver le «séparatisme» dont
ces conduites participent, identifiant ainsi un islam de France effectif, qui
serait aidé alors que les autres bénéficieraient simplement des libertés
communes.
Ajoutons que l'islam devrait pouvoir participer, comme les
autres confessions, aux débats de société (sur la bioéthique, la filiation, la
famille…). Cette voie d'intégration délibérative bute souvent non sur la
tradition laïque et républicaine, mais sur un dogmatisme nouveau,
individualiste, qui récuse au fond l'existence même d'institutions et ne veut
connaître qu'un «vivre ensemble» sans autres règles que le jeu des désirs et
des volontés actuels. On voit donc que la difficulté d'intégrer l'islam tient
aussi aux faiblesses et aux doutes de la société française et, sur les
questions culturelles, à sa crainte d'ouvrir la délibération.
* Ancien directeur de la revue «Esprit», Paul
Thibaud a été président de l'Amitié judéo-chrétienne.
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Comment
la France parraine une sortie de crise dans l'affaire Hariri (16.11.2017)
Mis à jour le 18/11/2017 à 10h27 | Publié le 16/11/2017 à 18h55
INFOGRAPHIE - L'Arabie saoudite va laisser partir son allié
Saad Hariri. Le premier ministre libanais, qui a déclaré sa démission le 4
novembre dernier, est attendu à Paris samedi pour établir une feuille de route
afin de consolider une sortie de crise, avant de s'envoler pour le Liban.
Envoyé spécial à Riyad
La crise a été contenue, mais il reste à traiter les
racines. Saad Hariri, le premier ministre libanais démissionnaire, confiné à
Riyad depuis dix jours, a accepté l'invitation
qu'Emmanuel Macron lui a transmise à venir en France. C'est Jean-Yves
Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, en visite à Riyad pour finaliser
l'affaire avec les autorités saoudiennes, qui l'a annoncé jeudi matin. «Il peut
partir quand il veut», a assuré peu après son homologue saoudien, Adel
al-Joubeir.
Saad Hariri devrait arriver samedi à Paris pour y séjourner
quelques jours avec sa famille avant de regagner Beyrouth, a déclaré le
président libanais, Michel Aoun. L'intéressé a été moins précis: «je vous le
dirai plus tard», a répondu Hariri depuis sa résidence où il venait de recevoir
Jean-Yves Le Drian.
«Soit Hariri maintient sa démission, ce qui est probable,
soit il estime qu'il peut corriger les dérives qu'il a dénoncées»
Un diplomate français
Depuis près de deux semaines, son sort faisait l'objet
d'informations contradictoires. Le
président Aoun accusait l'Arabie de le «détenir»
à Riyad, où il aurait été gardé, toujours selon Michel Aoun, par des
mercenaires privés. Ce que dément Riyad, d'où le chef du gouvernement libanais
avait annoncé sa démission fracassante le 4 novembre, un an après être
parvenu à former un gouvernement avec le Hezbollah dans un pays où Saoudiens et
Iraniens s'affrontent par relais interposés.
Finalement, la détermination française a payé. Emmanuel
Macron a eu deux entretiens téléphoniques mardi et mercredi avec le prince
héritier Mohammed
Ben Salman, nouvel homme fort de l'Arabie. «Le président et MBS ont aussi
échangé par SMS», confie une source informée. De son côté, Jean-Yves Le Drian a
eu une heure d'entretien en tête-à-tête mercredi soir avec MBS, tandis que
François Gouyette, l'ambassadeur de France à Riyad, a vu deux fois Saad Hariri.
«Il pourrait aller mieux», glisse un autre de ses visiteurs.
Que fera Hariri maintenant qu'il est libre? «C'est lui qui
décide, souligne un diplomate français. Soit il maintient sa démission, ce qui
est probable, soit il estime qu'il peut corriger les dérives qu'il a
dénoncées.» Celles-ci portent sur la mainmise du Hezbollah et de son parrain
iranien sur la gestion du Liban. Les prochains jours de Saad Hariri en Arabie
puis à Paris seront mis à profit pour établir «une feuille de route» afin de
consolider une sortie de crise.
Si on veut contrer le Hezbollah, nous devons renforcer
les institutions étatiques libanaises, c'est-à-dire l'armée et les forces de
sécurité intérieure, proches du camp Hariri»
Une source diplomatique française
Saoudiens et Français resteront à la manœuvre. En invitant
Hariri à Paris, Macron a offert une porte de sortie au prince héritier. Mais
Riyad campe sur une position très dure contre le Hezbollah et l'Iran. Pour
éviter que la tension croissante au Liban ne se traduise par des dérapages,
Paris compte transmettre des messages aux Iraniens, aux Saoudiens mais aussi
aux différents responsables libanais. «Si on veut contrer le Hezbollah et son
appareil militaire, souligne-t-on de source diplomatique française, nous devons
renforcer les institutions étatiques libanaises, c'est-à-dire l'armée, les
forces de sécurité intérieure, proches du camp Hariri, et plus largement les
groupes politiques qui veulent rééquilibrer la situation.» Mais Paris ne veut
pas de déstabilisation du Liban, donc pas d'attaque frontale ou d'actions
saoudiennes qui pourraient envenimer la situation, comme l'expulsion des
expatriés libanais vivant dans le Golfe.
La France compte ramener son allié saoudien à une «vision
moins négative». Mais Riyad estime avoir été «trompé» au Liban. «Lorsqu'il y a
un an Michel Aoun a été accepté par tout le monde comme président de la
République, les Saoudiens nous avaient dit OK, mais on n'y croit pas, confie un
diplomate français. Aujourd'hui, ils trouvent que Hariri a été une couverture
plus qu'un rempart contre l'expansionnisme du Hezbollah.» Au fil des mois, la
rancœur a grossi. Proche du pouvoir, le journaliste Adwan al-Ahmari en fait une
description cinglante. «Saad Hariri a été une marionnette entre les mains du
Hezbollah», qui l'a forcé par exemple à accepter l'envoi d'un nouvel
ambassadeur chez le président syrien Bachar el-Assad, l'ennemi de l'Arabie.
«Si les Saoudiens ont laissé partir Hariri à Paris, c'est
qu'il a signé une reconnaissance de dette envers l'Arabie, comme les princes
devront s'y résoudre s'ils veulent retrouver la liberté»
Un homme d'affaires installé à Riyad
Mais au-delà du Liban et de la Syrie, le royaume a d'autres
griefs. «Il y a huit mois environ, ajoute Adwan al-Ahmari, les Saoudiens ont
convoqué Hariri pour lui montrer des preuves des actions de déstabilisation du
Hezbollah au Yémen, à Bahreïn et au Koweït». Le message était clair: «On vous
aide au Liban, alors agissez chez vous contre le Hezbollah!» Et puis le
4 novembre encore est survenu un tir de missile, intercepté au-dessus de
l'aéroport de Riyad, à partir du territoire yéménite, «un acte de guerre»,
selon l'Arabie. C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, estiment
plusieurs sources françaises et saoudiennes. Riyad et Paris sont convaincus
qu'il s'agit d'un missile iranien, opéré par les houthistes, grâce à la
coopération d'experts du Hezbollah.
Si l'Arabie a donné l'impression de maltraiter son allié
Saad Hariri, c'est aussi que le prince héritier a des reproches à lui adresser.
«Hariri a la nationalité saoudienne, il a donc été traité comme les princes
saoudiens corrompus», relève un homme d'affaires à Riyad, allusion à l'arrestation
de nombreux membres de la famille royale, ainsi que des hommes d'affaires
fortunés, ce même 4 novembre.
Le comité anticorruption accuse le premier ministre libanais
de s'être copieusement engraissé en Arabie. Saad Hariri était lié en affaires
avec le prince Abdel Aziz Ben Fahd, fils de l'ancien roi Fahd, et le magnat
Bakr Ben Laden, tous deux mis aux arrêts au Ritz Carlton de Riyad. «Si les
Saoudiens ont laissé partir Saad à Paris, c'est qu'il a signé une
reconnaissance de dette envers l'Arabie, comme les princes devront s'y résoudre
s'ils veulent retrouver la liberté», croit savoir l'homme d'affaires. Pour financer
ses réformes, MBS souhaite faire revenir dans les caisses de l'État les
milliards de la corruption. Mais sur ce volet de la crise, Paris est beaucoup
plus silencieux. Rafic Hariri, père de Saad et premier ministre assassiné en
2005 à Beyrouth, était très proche de l'ancien président de la République
Jacques Chirac. Bref, une crise aux multiples ramifications.
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Pierre de Villiers : «Nous ne sommes pas dans la comédie humaine, nous
tirons à balles réelles» (17.11.2017)
Mis à jour le 17/11/2017 à 14h31 | Publié le 17/11/2017 à 07h00
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - À la suite d'un grave désaccord
avec le président de la République sur la question budgétaire, il avait
démissionné de son poste de chef d'état-major des armées, provoquant la
première crise du quinquennat Macron. Dans Servir (Fayard),
Pierre de Villiers explique les raisons profondes de cette rupture. Il y dit
aux Français la vérité sur l'état de nos forces armées et sur l'ampleur des
menaces qui pèsent sur notre pays.
«Poète revendicatif», c'est ainsi que l'avait qualifié Christophe
Castaner, le porte-parole du gouvernement, après sa
démission fracassante du poste de chef d'état-major des armées cet
été. S'il aime citer Vigny («L'honneur, c'est la poésie du devoir»), Pierre de
Villiers ne revendique rien. Celui qui a officié au Kosovo et en Afghanistan
apparaît comme un serviteur de l'Etat d'une extraordinaire humilité. Le
17 juillet 2017, deux jours avant d'annoncer sa décision au président de
la République, il a rangé son casoar, ces plumes blanches et rouges comme le sang,
dans sa boîte. Comme le veut la tradition, ce symbole saint-cyrien lui avait
été remis quarante ans plus tôt, à son entrée dans la célèbre école militaire.
Il le gardait précieusement sur son bureau. «Quel gâchis d'en être arrivés là,
alors que nous aurions pu faire autrement!», se dit-il. Pour autant, il n'en
conçoit aucune amertume. Son
livre n'est pas un règlement de comptes. «Trop jeune pour écrire [ses]
Mémoires», il veut se tourner vers l'avant. Alors que la situation géopolitique
mondiale est plus complexe et tendue que jamais, que la menace islamiste
continue de peser sur notre pays, il souhaite montrer que la France a encore un
rôle à jouer. A condition de savoir conserver et rénover notre modèle d'armée
avant qu'il ne soit trop tard.
LE FIGARO MAGAZINE .- Au début du livre, vous expliquez que vos relations
avec le président Macron ont toujours été des relations de confiance. Pourquoi
avoir démissionné?
Général Pierre DE VILLIERS .- J'ai toujours
veillé à la notion de franchise et de vérité que tout subordonné doit à son
chef. Le vrai courage, c'est de lui dire la vérité. Le 19 juillet, deux
raisons m'ont conduit à démissionner. La première: une divergence de fond sur
les arbitrages budgétaires en ce qui concerne l'effort
de défense en 2017 et 2018. L'annulation de crédits de
850 millions d'euros a des conséquences immédiates sur la vie des soldats,
en termes d'équipement notamment. J'ai alors considéré en responsabilité ne
plus être en mesure d'assurer la pérennité du modèle d'armée auquel je croyais
pour garantir la protection de la France et des Français, aujourd'hui et
demain. La deuxième raison tient aux propos
tenus par le président de la République le 13 juillet à l'hôtel de Brienne,
qui ont dégradé le lien de confiance qui doit unir le président de la
République et le chef d'état-major des armées. Lien qui est fondamental compte
tenu de la période que nous vivons, alors que nous sommes sous pression double
avec le retour des Etats puissances et le terrorisme islamiste qui nous a
frappés sur notre sol et que nous combattons en «défense de l'avant» à
l'extérieur.
«La problématique budgétaire est fondamentale, mais il
s'agit d'un livre qui la dépasse: c'est un livre de stratégie tourné vers
l'avenir»
Pourtant, je n'ai pas écrit ce livre en réaction à ma
démission. Je le porte dans mes tripes depuis longtemps. Je l'aurais écrit si
j'étais parti à l'été 2018 comme prévu, suite à ma prolongation en juin
dernier. J'estime qu'à l'aune de mon expérience - sept ans et demi à la tête
des armées, dont quatre ans comme numéro deux et trois ans et demi comme numéro
un -, j'ai une expérience et une vision à faire valoir. La problématique
budgétaire est fondamentale, mais il s'agit d'un livre qui la dépasse: c'est un
livre de stratégie tourné vers l'avenir. Je n'ai pas encore l'âge d'écrire mes
Mémoires.
Revenons à la question budgétaire. Vous écrivez que
depuis 2007 et la révision générale des politiques publiques, l'armée a tout
donné…
Le costume est au plus juste, nous
sommes à l'os. Pour vous donner quelques chiffres, nous avons perdu en
effectifs 40.000 militaires entre 2008 et 2014. Sur cette même
période, nous avons supprimé 50 formations de l'armée de terre, 17 bases
aériennes et désarmé 20 bateaux. Bien sûr, il y a des chantiers à terminer, à
repenser: la coopération européenne, l'amélioration du système d'acquisition de
nos équipements, aller plus loin en termes d'externalisation. Mais il est
difficile d'imaginer qu'il soit possible de faire des gains substantiels, par
la rationalisation et la transformation, au-delà de ce que nous sommes en train
d'effectuer. L'Allemagne va passer de 1,2 à 1,5 % du PIB en quatre ans.
Demain, nous serons peut-être derrière l'Allemagne (qui
n'a pas le même PIB que nous) en termes de budget. Cela donne à réfléchir.
Quand on fait des efforts, il faut qu'il y ait un retour sur efficacité. Nous
avons le sentiment que les armées se sont transformées en profondeur et de
manière exemplaire depuis vingt ans, alors que les menaces n'ont cessé
d'augmenter. C'est cet effet ciseaux qui a conduit à ma divergence avec le
président de la République sur les budgets 2017 et 2018.
La vie quotidienne des soldats s'est-elle dégradée?
«La condition première pour gagner au combat, ce sont les
forces morales»
La condition première pour gagner au combat, ce sont les
forces morales. Les forces morales dépendent de la vie quotidienne:
l'alimentation, l'habillement, les conditions de vie. Mais surtout, j'aurais dû
commencer par là, la qualité de l'arrière. Je pense à l'échec du logiciel
Louvois qui a fait que, pendant de longs mois, de nombreux hommes ont été
privés de solde correcte ; ce problème n'est pas totalement réglé. Les
familles ont été fragilisées par l'absence, environ deux cents jours par an,
par l'imprévisibilité de l'emploi du temps, par le célibat géographique qui
s'est banalisé. Il faut veiller à ne pas perdre le soutien des familles. Quand
la famille tient, le moral tient.
Vous déplorez que les «diplômés financiers» ne
comprennent rien à la chose militaire…
L'opposition systématique à Bercy ne m'intéresse pas. Les
militaires n'ont pas le monopole du service. La souveraineté économique est
fondamentale, autant que la souveraineté de défense. Mais, alors qu'ils n'ont
pas connu le service militaire, nos élites, nos dirigeants, en tout cas les
plus jeunes, doivent faire l'effort de connaître la réalité de nos armées. Je
veux faire comprendre les enjeux de défense et de stratégie. Lorsque j'étais
chef d'état-major des armées, j'ai voulu donner la parole aux militaires qui
sont confrontés à la violence de la guerre. Dans l'histoire de France, lorsque
les militaires ne se sont pas exprimés sur les questions stratégiques, les
conséquences ont souvent été tragiques. Il faut penser l'action dans la durée.
J'ai été, juste avant de quitter mon poste, invité à
m'exprimer devant la dernière promotion de l'ENA dans le cadre d'une journée
consacrée à la défense. Cela a été un exercice extrêmement intéressant. J'ai
senti que j'ai répondu à une attente profonde des jeunes énarques: les tripes,
le cœur. Pour emmener des gens au combat, il faut se poser la question de ce
qui fait le sens d'une armée aujourd'hui: quelles sont les valeurs de la
France? Comment peut-on mourir pour la France? L'aspect trop souvent sacrifié
aux enjeux de l'économie et de la finance, c'est l'humain. Le pilier central de
ma carrière militaire a été la valeur d'humanité. Nous ne sommes pas dans la
comédie humaine. Nous tirons à balles bien réelles.
Le monde d'aujourd'hui est-il de plus en plus dangereux?
«L'islamisme radical ne s'arrêtera pas avec la défaite de
Daech au Levant»
Je ne sais pas s'il est plus dangereux, je sais simplement
qu'il est dangereux et plus imprévisible. La guerre a changé de visage. Les
délais de résolution des crises se sont allongés. Ils sont, non plus de six
mois ou un an, mais d'une quinzaine d'années en moyenne. Nous devons également
faire face à la dissémination des conflits: le terrorisme est partout, cela
nécessite une approche transrégionale. Quand on étudie les grandes défaites
dans l'histoire de France, on constate qu'il y a trois facteurs simultanés: une
myopie collective, sur fond de difficultés économiques et sociales, avec la
complicité des chefs militaires. Je veux dire la vérité. L'islamisme radical ne
s'arrêtera pas avec la défaite de Daech au Levant. Lorsque j'étais chef
d'état-major des armées, tous les matins à 8 heures on me présentait le
point sur la situation ; il y avait en moyenne quatre ou cinq attentats
quotidiens dans le monde entier, avec toujours la même origine: l'islamisme
radical. La chute
de Mossoul et de Raqqa ne
marque pas la fin de l'islamisme radical. Celui-ci a deux types de vecteurs:
les réseaux, parfois commandés depuis cette zone - c'était le cas des attaques
du Bataclan dont nous avons commémoré le deuxième anniversaire - mais aussi des
individus fanatisés, en particulier sur le net, qui agissent à titre plus
individuel. Pour ceux-ci, il y a trois zones de fragilité et de prosélytisme:
la prison, les mosquées radicales, les réseaux sociaux. On ne pourra pas dire
qu'on ne savait pas.
Des attentats de l'ampleur de ceux du 13 novembre
peuvent-ils se reproduire?
Dans ce livre, j'insiste sur le fait que la protection des
Français doit être globale. Elle ne se limite pas à l'opération Sentinelle. La
France est une puissance maritime. Nous avons des dispositifs pour défendre nos
côtes. Nous avons aussi un dispositif de protection aérienne extrêmement
performant. Quand j'étais chef d'état-major des armées, il n'y avait pas une
semaine au cours de laquelle ces dispositifs n'étaient pas activés. Enfin, nous
sommes à la pointe de la cyberdéfense. Nous avons pris cette orientation en
2008 et cela se poursuit à travers les différents quinquennats. Cette guerre a
aussi un coût en hommes et en équipements, et nous devons la mener parce qu'en
face de nous, nous avons des Etats puissances qui ont cette capacité et des
terroristes islamistes tout à fait performants. Nous sommes aussi opérationnels
dans l'espace, avec nos satellites. Dans la protection à terre, il y a la
protection de nos emprises militaires, c'est pour cela que j'ai soutenu avec
force la nécessité de crédits supplémentaires dès 2017 et 2018, car
oui, nous pouvons toujours être attaqués, a fortiori au moment de la défaite de
Daech en Irak ou en Syrie. Que vont faire les terroristes qui ne sont pas
morts? Où vont-ils aller? Vont-ils rentrer en France? Vont-ils rejoindre
d'autres terrains d'engagement? En Libye, au Sinaï, au Yémen, en Asie? Plus que
jamais, notre territoire national doit être protégé. On ne pourra pas éradiquer
dans le monde entier une idéologie en quelques semaines ou mois. Les
dispositifs de protection doivent résolument s'inscrire dans la durée car cette
menace est et sera durable. Nous avons gagné une bataille, pas encore la
guerre.
«Les États réarment. Certains pays tels que la Russie ou
la Chine augmentent depuis dix ans leur budget de la défense de 5 à 10 %»
L'autre danger est le retour des «Etats puissances»…
Oui, les Etats réarment. Certains pays tels que la Russie ou
la Chine augmentent depuis dix ans leur budget de la défense de 5 à 10 %.
En 2017, les Etats-Unis vont terminer en budget exécuté probablement près de
700 milliards de dollars. En France, nous étions à plus de 5 %
du PIB en 1964, aujourd'hui nous en sommes à 1,5 %. Depuis 2015, nous
avons arrêté de descendre la pente, nous nous sommes stabilisés et commençons à
imaginer la remonter. Les grandes puissances s'affrontent, de manière
indirecte, dans tous les champs. Toutes ces tensions interétatiques avec les
stratégies des différents Etats, mettent en fusion certaines zones
géographiques. Il y a encore quelques mois, en Syrie, sur une zone de
20 kilomètres, il y avait des Américains, des Russes, des Turcs, des pays
présents au titre de leur stratégie.
Il y a un troisième facteur de danger, souvent la
conséquence des deux précédents: les migrations incontrôlées. Les phénomènes
migratoires ne simplifient pas la situation stratégique mondiale. Il faut les
prendre en compte, avec les drames humanitaires que cela peut causer.
Macron croit en la souveraineté européenne et encourage
la création d'une armée européenne.
«Quand on est en France, on a tendance à dénigrer notre
pays. Or elle est perçue comme un grand pays à l'international»
Quand on est en France, on a tendance à dénigrer notre pays.
Or elle est perçue comme un grand pays à l'international. Je crois au concept
d'indépendance nationale et à l'autonomie stratégique. Cependant, dans mon
livre, je consacre effectivement un chapitre à ce que j'appelle «le partage du
fardeau». La défense de la France passe aussi par la coopération
internationale, seule solution au mal mondial qu'est le terrorisme. Nous les
militaires, l'Europe, nous la pratiquons de manière concrète. C'est une
coopération, qui n'est pas une coopération-fusion. La France, le Royaume-Uni et
l'Allemagne représentent 60 % du budget total des 28 pays. J'ai beaucoup
œuvré pour rassembler ces trois nations dans des coopérations en opérations, en
équipements, en matière de formation, de logistique, de santé. Soyons
pragmatiques, peut-être moins idéologues: ce que nous avons déjà bâti est une
base solide.
Votre livre s'achève par un chapitre consacré à la
jeunesse.
Servir, du général d'armée Pierre de Villiers,
Fayard, 256 p., 20,90 €. - Crédits photo : ,
Le sentiment d'appartenance nationale, en particulier chez
les jeunes, est réapparu ces dernières années. Comme chef d'état-major des
armées, j'allais voir les jeunes sur le terrain, pas pour faire des cocktails
mondains, mais pour les regarder les yeux dans les yeux. J'allais courir avec
eux. Au premier kilomètre, il y a une certaine réserve. Au deuxième, ils
commencent à parler. Au troisième, ils s'essoufflent et, au quatrième, la
vérité sort de leurs tripes. Nous incorporons 50.000 jeunes par an,
représentatifs de toute la jeunesse de la nation. Ils viennent chercher dans
l'armée un sens à leur vie, des valeurs qu'ils ne trouvent plus dans la société,
notamment les valeurs collectives: la fraternité, la famille. L'autorité, la
discipline, l'exigence également. Nous sommes une institution qui a conservé le
principe d'ascension sociale. Ils viennent chercher l'effort, la valeur
travail, pas les 35 heures et les loisirs. Les valeurs de la République
sont aussi fondamentales dans l'armée. La liberté, liberté chérie, qu'on ne
mesure que quand on la perd, on se bat pour elle chaque jour. L'égalité qui est
représentée par l'uniforme. Chez nous, il n'y a pas de vedette, pas de
discrimination positive non plus. La balle au combat peut atteindre n'importe
qui. Enfin, il y a la fraternité, parce qu'on n'arrive jamais à rien seul. Nous
faisons de ces jeunes parfois déstructurés des héros, des héros parce qu'ils se
battent pour leur chef, pour leur drapeau, pour leur pays. La jeunesse est
l'avenir de la France et nous avons une belle jeunesse. Le dernier chapitre, je
l'intitule «Aimons notre jeunesse, elle nous le rendra». Oui, aimons notre
jeunesse, elle nous le rendra.
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Deux ans
après l'assaut de Saint-Denis, des habitants sont à la rue (18.11.2017)
Par Caroline
Piquet
Publié le 18/11/2017 à 14h07
Si une partie des sinistrés de l'assaut du Raid ont fini par
obtenir un logement durable, une vingtaine de foyers restent dans une situation
précaire. Certains ont même été priés de quitter leur logement et sont
aujourd'hui sans domicile.
C'était il y a deux ans jour pour jour. Le
18 novembre 2015, le Raid prenait d'assaut l'immeuble du 48 rue de la
République à Saint-Denis, dans lequel logeaient le terroriste Abdelhamid
Abaaoud et deux de ses complices. Réveillés par les tirs, les habitants de
cet immeuble avaient attendu pendant plusieurs heures avant de pouvoir être
évacués au petit matin. Dans la foulée, ils avaient été mis à l'abri pendant
dix jours dans un gymnase avant d'être relogés temporairement dans des hôtels
ou des résidences sociales.
Depuis, 27 familles sur les 47 concernées ont été relogées
durablement, selonFrance
Bleu. L'association Droit au logement, elle, met en avant d'autres
chiffres: seuls 17 ménages auraient été relogés de manière pérenne sur les 46,
avance Marie Hiban, militante au Dal. La situation ne serait pas stabilisée
pour une bonne partie des sinistrés. Certains auraient même vu leur quotidien
se dégrader. Depuis septembre, cinq habitants - des hommes célibataires - ont
été priés de quitter leurs logements provisoires. «Je dors dans une voiture»,
raconte à France Bleu Norredine Borgane, Marocain d'une trentaine d'années.
«Cela fait quinze jours maintenant, il fait froid, je demande juste un logement
pour dormir».
L'État promet de réexaminer la situation des sinistrés
Même chose pour Laïd, 62 ans, qui dort aussi dans sa voiture
depuis deux mois. La ville et la préfète pour l'égalité des chances de
Seine-Saint-Denis Fadela Benrabia lui avaient annoncé la mauvaise nouvelle dans
un courrier cosigné au début de l'été. Motif invoqué: le sexagénaire n'a pas
fait le nécessaire pour retrouver un emploi. Il attend aussi d'être régularisé.
«Je suis un réfugié antiterroriste. Et nous, on nous jette», se
plaint-il au Parisien . Kahina, 32 ans, devra
pour sa part quitter son logement situé dans une résidence près de la gare de
Saint-Denis avant le 15 décembre. Sans ressources, cette Algérienne qui a perdu
son travail après l'assaut ne paie plus son loyer depuis mars dernier, confie-t-elle
dans Le Parisien, ajoutant que sa
régularisation est également au point mort.
Dans un communiqué, la Ville de Saint-Denis a expliqué que
ces anciens habitants du 48 n'avaient pas respecté leurs engagements: «absence
de contacts avec les services de la Ville ou de l'État, non-présentation
pendant plusieurs semaines à l'hôtel financé par l'Etat». Toutefois, la ville a
demandé à l'État de «tenir ses engagements en relogeant de façon digne et
adaptée toutes les familles». Comme depuis le début sur ce dossier, la ville et
l'État ne cesse de se renvoyer les responsabilités pour savoir qui doit prendre
en charge les sinistrés. Interrogée par France Bleu ce vendredi, Fadela
Benrabia s'est engagée à «réexaminer», «avec la ville», «chacune des
situations».
«Les habitants semblent avoir été oubliés»
«Deux ans après, les habitants semblent avoir été
oubliés», dénonce le DAL dans un communiqué. Tous demandent «un relogement, la
régularisation des sans-papiers, la reconnaissance de leur statut de victimes
(du terrorisme) et réparation». Les sinistrés dénoncent aussi une
quasi-absence de suivi psychologique alors même que la préfète s'y était
engagée. Dans l'espoir de se faire entendre, d'anciens habitants se sont réunis
vendredi soir devant l'immeuble et ont installé plusieurs toiles de tentes pour
y passer la nuit. Ce samedi matin, ils poursuivaient leur mobilisation avec un
nouveau rassemblement au pied du batiment, aujourd'hui laissé à l'abandon et
fermé.
Malgré le traumatisme, les autorités considèrent ces
sinistrés comme des «victimes collatérales d'une intervention policière» et non
comme des victimes du terrorisme. Dans ces cas précis, seuls les préjudices
corporels (blessures) et matériels sont pris en compte. Les
autorités avaient tout de même fait un geste il y a un an en promettant que le
préjudice moral serait indemnisé . Aujourd'hui, l'Etat assure que les
«indemnisations pour préjudice moral et matériel ont été versées» aux habitants
et que «les expertises psychiatrie ont toutes été réalisées». Zoublir, installé
avec sa famille depuis février dernier dans un logement social, dit avoir reçu
7000 euros pour le préjudice matériel mais attend toujours de savoir si le
préjudice moral de ses enfants sera reconnu.
Volonté d'être parties civiles au procès de Jawad, «le
logeur de Daech»
Mais tous n'ont pas été indemnisés si on en croit le Dal.
«Certains habitants n'ont encore rien reçu», nous assure un de ses militants,
Simon Le Her. «On attend par ailleurs les résultats des expertises
psychologiques», reprend Simon Le Her. Le militant craint que le suivi ne soit
pas à la hauteur. «Si l'expertise considère que le préjudice n'est pas encore
consolidé (autrement dit que la situation psychologique de la victime n'est pas
encore stable), des provisions seront versées. Mais, s'interroge-t-il, y
aura-t-il un suivi sur le long terme pour évaluer leur état psychologique afin
de conclure les dossiers un jour?»
De son côté, Me Méhana Mouhou, qui dit défendre une
vingtaine d'habitants regroupés en collectif, abonde: aucun de ses clients n'a
reçu «la moindre particule de centime d'indemnisation». Il annonce qu'il veut
se constituer parties civiles lors du procès de Jawad Bendaoud, poursuivi pour
avoir hébergé Abdelhamid Abbaoud. Le cas du «logeur de Daech» a été disjoint de
l'enquête principale, toujours en cours, sur les attentats de Paris. Il sera
jugé en correctionnelle début 2018 avec deux autres protagonistes pendant trois
semaines. Une période relativement longue, prévue pour entendre les dizaines de
parties civiles dans l'enquête sur les attentats qui pourraient se présenter,
et leurs avocats. «Le but», assure Me Mouhou, «c'est que mes clients soient
reconnus comme victimes de terrorisme».
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Une
lettre dévoile l'état psychologique d'Abdeslam (17.11.2017)
Par Le
Figaro.fr
Mis à jour le 17/11/2017 à 08h52 | Publié le 17/11/2017 à 08h21
Selon les informations de L'Express, Salah
Abdeslam n'a pas souhaité répondre au nombreuses questions posées par
le juge d'instruction mercredi dernier. Depuis sa mise en examen il y a un
an et demi, le terroriste se mue dans le silence. Le logisticien présumé des
attentats du 13 novembre 2015dévoile pourtant un côté de sa
psychologie au travers certains courriers qu'il aurait adressé à ses proches.
» LIRE AUSSI : Salah Abdeslam muet lors d'une nouvelle audition
Dans une lettre envoyée à son cousin et consultée par nos
confrères de L'Express, Salah Abdeslam met en lumière un homme
totalement obsédé par sa vision extrêmiste de l'islam. Il mentionne
ainsi «Allah» à 17 reprises en 31 lignes. «J'espère que
ce nouveau départ [...] te permettra de délaisser les désobéissances envers
Allah et de t'accrocher à ce qu'il nous a ordonné», félicitant son cousin
pour son mariage. Il poursuit ensuite en évoquant son rapport serein
vis-à-vis de la mort. «La vie terrestre n'est qu'un passage dans ce
monde» écrit-t-il.
Abdeslam termine sa lettre par une injonction répétée trois
fois de suite à son cousin: «La prière. La prière. La prière!!!». Ces
mots sont accompagnés de panneaux danger, pour souligner l'obligation
impérative de s'y soumettre.
Affaire
Ramadan : une conversation avec une des plaignantes transmise au parquet
(16.11.2017)
Mis à jour le 16/11/2017 à 17h40 | Publié le 16/11/2017 à 17h27
Une conversation privée entre l'islamologue Tariq Ramadan et
une des deux femmes qui a porté plainte pour viol contre lui, ayant eu lieu
plus d'un an après les faits présumés, a été transmise au parquet hier, a-t-on
appris aujourd'hui de source proche du dossier. Cet échange sur le réseau
social Facebook, au cours duquel l'accusation de viol n'est pas évoquée, se
tient à l'initiative de Henda Ayari, une ancienne salafiste devenue militante
féministe et laïque qui a déposé une plainte contre Tariq Ramadan en
octobre. Il a lieu le 5 juin 2013, alors que, selon Mme Ayari, le viol dont
elle dit avoir été victime dans un hôtel parisien s'est produit au printemps
2012.
Lors d'une conférence de presse fin octobre, ses avocats, Me
Jonas Haddad et Grégoire Leclerc, avaient déclaré que leur cliente était restée
en contact avec Tariq Ramadan, notamment via messagerie, jusqu'à la mi-2013.
Une seconde plainte avait été déposée fin octobre et jointe à l'enquête
préliminaire ouverte à Paris pour "viol, agression sexuelle, violences et
menaces de mort".
"Des personnes qui te haïssent m'ont monté la
tête"
Dans la conversation envoyée au parquet, et dont l'AFP a eu
connaissance, Henda Ayari écrit à T. Ramadan qu'elle souhaite "avoir de
(ses) nouvelles". "Des personnes qui te haïssent m'ont monté la tête
contre toi en te faisant passer pour un monstre pervers et sans coeur",
ajoute-t-elle, en réponse à T. Ramadan qui lui demande pouquoi elle le
recontacte. "Une certaine personne m'a vraiment montée contre toi et m'a
dit des choses très graves sur toi, je l'ai crue et je le regrette car par la
suite j'ai constaté que c'était une folle et une hystérique",
poursuit-elle plus tard, sans nommer cette personne.
Le lendemain, elle envoie d'autres messages, restés sans
réponse, à l'islamologue, notamment pour lui demander de ne pas la bloquer sur
Facebook. "Ne me prive pas de ta page et laisse-moi juste lire tes beaux
écrits que j'ai toujours aimé tant lire pour méditer dessus", lui
réclame-t-elle.
"Dans de nombreuses affaires de viol, il est très
fréquent que la victime et la personne qui est accusée continuent à
correspondre. S'il n'y a que ça, c'est léger comme argument. Vu le contenu des
messages dévoilés, cela ne fait que confirmer le phénomène d'emprise que nous
avions évoqué dès le départ", a réagi auprès de l'AFP Me Haddad, ajoutant
que la conversation était "complètement sortie de son contexte". Les
avocats de Tariq Ramadan n'ont pas souhaité commenter cette conversation.
LIRE AUSSI :
L'histoire
de l'immigration sur la bonne voie (16.11.2017)
Par Claire
Bommelaer
Mis à jour le 16/11/2017 à 16h12 | Publié le 16/11/2017 à 15h53
Dix ans après des débuts difficiles, le musée parisien
affiche une fréquentation en hausse. Ses salles seront refaites d'ici à 2019.
Le Musée de l'histoire de l'immigration vient de fêter son
dixième anniversaire, sans tambour ni trompette. Est-ce le signe de la maturité
pour cet établissement? Après
des débuts difficiles - il aura fallu attendre sept ans pour
qu'il soit inauguré officiellement par François Hollande -, le Palais de
la porte Dorée affiche une satisfaction tranquille. «Nous avançons et nous
sommes bien dans ce que nous faisons», indique Hélène Orain, sa directrice. En
dix ans, la fréquentation du musée a quadruplé, à 200.000 visiteurs. Et
sa dernière exposition, «Ciao
Italia!», qui racontait l'épopée de l'immigration italienne entre 1860 et
1960, avec ses drames et ses réussites, a séduit 91.700 visiteurs. C'est
un record pour la maison.
«Nous ne sommes pas là pour prendre position dans des
débats d'actualité, même si nous voulons changer le regard que la société porte
sur l'immigration»
Hélène Orain, directrice du musée de l'histoire de
l'immigration
Lancé avec la volonté de prendre acte que la France s'est
aussi bâtie grâce à son immigration, le musée a ouvert ses portes, en octobre
2007, dans un climat passionnel. Le Parlement envisageait alors d'instaurer des
tests ADN lors des regroupements familiaux, avec l'assentiment du ministère de
l'Immigration. Ce dernier exerçant la tutelle conjointe du musée, deux membres
du conseil scientifique avaient démissionné. Trois ans plus tard, le musée sera
à nouveau instrumentalisé par l'actualité. Poussés par la CGT,
500 sans-papiers vont occuper le rez-de-chaussée pendant plusieurs
semaines. Devant les grandes banderoles affichées sur la façade, le grand
public a fini par prendre ses distances. Et on a vu pendant de longs mois les
couloirs de ce splendide bâtiment des années 1930 à moitié désertés.
Un premier tournant est opéré avec la nomination à la tête
du conseil d'administration de Mercedes Erra, présidente exécutive de Havas
Worldwide. Femme d'affaires et de communication, elle-même fille d'immigrés
espagnols, Mme Erra va s'attacher à attirer des mécènes. Et à porter une
parole positive sur l'établissement. Inspirée par la présentation d'Ellis
Island, le formidable musée de l'immigration américaine à New York, une
nouvelle «galerie des dons» est ouverte, en 2014.
Mémoires individuelles et histoire nationale
À travers des objets personnels, dont les bottes du poilu
Lazare Ponticelli, l'immigration d'un pays donné est racontée. Ce mode d'accès
simple et efficace, qui croise mémoires individuelles et histoire nationale,
fait un tabac chez les écoliers. La galerie, une réussite évitant toutes
polémiques, complète le parcours permanent, centré sur l'histoire des grandes
vagues migratoires (économiques, postcoloniales, pour faits de guerres…). À
partir des collections, de témoignages, d'archives, il décline des grands
thèmes communs à tous, le voyage, la langue, l'obtention ou non des papiers. On
voit que tous les secteurs économiques (automobile, mines, services…) et toutes
les régions françaises ont été touchés par l'immigration. Ici où là, des
artistes contemporains, comme Kader Attia ou Barthélémy Toguo, se chargent
d'aborder les rives de la complexité - celles de l'intégration des
populations étrangères ou du déchirement ressenti par tout migrant. «Nous ne
sommes pas là pour prendre position dans des débats d'actualité, même si nous
voulons changer le regard que notre société porte sur l'immigration et agir sur
ses représentations», explique la directrice.
Ce regard sur l'immigration et sur les immigrés est par
essence mouvant dans le temps. Qui se souvient du rejet massif des Italiens ou
des Polonais, au début du XXe siècle? Aujourd'hui, les bateaux de
migrants et la question des réfugiés de guerre syriens font la une et soulèvent
d'autres questionnements. Benjamin Stora, à la tête du conseil d'orientation du
musée, veut en tenir compte. Il vient de charger l'historien Patrick Boucheron
de refaire les salles du musée, à l'horizon 2019. Professeur au collège de
France, ce dernier a notamment corédigé une Histoire mondiale de la
France controversée, à rebours d'un certain roman national. On ne
connaît pas encore son projet, qui sera soumis à un vaste comité d'experts.
Mais on parierait bien sur le retour des discussions passionnelles dans les
murs du Palais de la porte Dorée.
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«Les
islamistes ne sont pas les musulmans, et Edwy Plenel n'est pas leur prophète»
(15.11.2017)
Mis à jour le 16/11/2017 à 11h24 | Publié le 15/11/2017 à 13h21
FIGAROVOX / TRIBUNE - «L'islamisme n'est pas en soi une
chose grave», a déclaré la journaliste de Mediapart, Jade Lindgaard, dans l'émission
«C à vous» du samedi 11 novembre 2017. Fatiha Boudjahlat dénonce l'amalgame
entre musulmans et islamistes.
Fatiha Boudjahlat est enseignante, cofondatrice avec
Céline Pina du mouvement Viv(r)e la République.
Jade Lindgaard, co-présidente de la Société des journalistes
de Mediapart était reçue dans l'émission «C dans l'air» du dimanche 11 novembre
2017. On a retenu d'elle cette sortie «L'islamisme n'est pas en soi une chose
grave». Pourtant, la même journaliste expliquait, dans la même émission, que le
travail de journalisme ne consistait pas à dire que telle chose était grave et
telle autre, non. C'est toute l'incohérence dogmatique de Mediapart: donner des
leçons de journalisme, d'éthique, de justice, du beau, du bon, du vrai, et se
dispenser de les respecter quand ses journalistes le décident.
Mediapart est un média d'opinion et un média
d'investigation, qui se revendique comme antisystème, qui a réalisé de belles
enquêtes courageuses, qui a mis au jour tant de scandales et de malversations.
On ne peut qu'être attristé de la voir enrôler dans la croisade lancée par son
co-fondateur, qui a brouillé l'image et la crédibilité de ce média par son
militantisme idéologique effréné. Les journalistes pouvaient-ils se dissocier
de Plenel?
En France, les morts sont du côté des laïques et du côté
de Charlie Hebdo. Les tueurs sont du côté des islamistes
Cela aurait été plus courageux que de s'en prendre aux
fraudeurs fiscaux. Le courage n'est pas du côté de celui qui soutient les
islamistes. En France, les morts sont du côté des laïques et du côté de Charlie
Hebdo. Les tueurs sont du côté des islamistes. Il aurait fallu défendre la
liberté de la presse et la liberté d'expression tout le temps, et Plenel,
seulement quand il a raison.
Mediapart précise avoir interviewé deux fois Tariq Ramadan,
et lui avoir consacré une longue enquête fouillée et objective. Mais comme le
CSA recense les interventions des politiques, nous devrions comptabiliser les
heures que Plenel a consacré à défendre Tariq Ramadan, le nombre de tribunes partagées
avec lui lors de conférences autant politiques que religieuses. Le nombre de
tweets en sa faveur, dont celui parlant de sa beauté qui expliquerait la
jalousie dont il serait la victime. Les tribunes des journalistes de Mediapart,
dont une classant Valls comme recours social-national (histoire de juste
suggérer le national-socialisme...) et l'hyperpersonnalisation de Plenel
justifient que l'on s'interroge sur Mediapart dans son ensemble.
Jade Lindgaard dénonce dans cette émission «l'aura maléfique
construite» autour de la figure de Ramadan. Mais nous dénonçons leur
construction méthodique de son aura angélique, l'apposition par Plenel d'une
auréole sur celui qu'il présente encore maintenant comme «un intellectuel
spirituel». Comment ne pas nous étonner que la puissance d'analyse de Mediapart
soit à ce point à éclipse? Tariq Ramadan n'est pas islamologue. Il est
islamiste. Il ne produit pas du sens. Il produit du religieux. De la norme. De
l'ultra-orthodoxie. Plenel, donc Mediapart, dans un mélange des genres dont il
est comptable, ont consacré à la défense et à la normalisation de l'islamisme
une surface médiatique, un temps, un réseau intellectuel disproportionné avec
ce que pèse en France ce courant politico-religieux d'extrême-droite.
En s'engageant dans le combat contre cette islamophobie
d'islamistes, Mediapart concourt à façonner à son goût la figure du musulman
selon ses critères
C'est que Mediapart s'engage dans la lutte contre
l'islamophobie. Sans vouloir comprendre que l'islamophobie vise d'abord à
coaliser les musulmans autour de leurs leaders les plus radicaux. Parce que
comme l'explique le philosophe américain Michael Walzer, dans une société
démocratique, les groupes religieux ne peuvent assurer leur existence qu'en
tant qu'associations volontaires. Les leaders de ces groupes ont plus à
craindre de l'indifférence de leurs membres que de l'intolérance des gens de
l'extérieur. Indifférence que les leaders doivent briser par une intolérance
qu'il s'agit de créer, d'exagérer, de provoquer parce qu'elle a pour effet,
même fantasmée, de conserver ces groupes sous leur férule. En s'engageant dans
le combat contre cette islamophobie d'islamistes, Mediapart concourt à façonner
à son goût la figure du musulman selon ses critères. On se rappelle de la
photographie de leur rédaction, étonnamment monochromatique. Eux savent
pourtant ce qu'est un authentique musulman et un bon arabe: c'est un islamiste.
Ils sont dans l'orientalisme religieux.
Plenel surcompense son rendez-vous raté avec l'histoire. Il
se rêvait Jean Moulin, Zola, Schindler... aussi longtemps qu'Israël n'existait
pas. Il a décidé de se consacrer aux nouveaux «juifs des années trente», les
musulmans. Les juifs de maintenant ne l'intéressent guère, l'antisémitisme
qu'ils subissent ne le mobilise guère, pas plus que la rédaction de Mediapart.
Y a t -il seulement dans notre pays une Sarah Halimi du côté des musulmans? Ou
un Ilan Halimi? Ah si, le CCIF a rapporté le vol d'un câble de cuivre dans une
mosquée. Un jet de lardons sur une autre aussi. Pour combien de tags
antisémites? Combien d'agressions anti musulmanes? Pour combien d'agressions
anti-juives? Mediapart ne devrait pas être économe de sa capacité d'indignation
et de condamnation: Tous les crimes haineux devraient nous mobiliser. Ces musulmans,
Plenel les veut et ne les reconnaît que comme islamistes, dans la radicalité
religieuse et politique.
Plenel fait l'amalgame entre des personnes pratiquant un
culte honorable, beau, exigeant, avec une métastase politique prétendant
conquérir et éliminer tout ce qui n'est pas elle
Dans l'hostilité et l'étanchéité vis-à-vis de la France et
de la République. Plenel fait l'amalgame entre des personnes pratiquant un
culte honorable, beau, exigeant, avec une métastase politique prétendant
conquérir et éliminer tout ce qui n'est pas elle. Ce ne sont pas les musulmans
qui ont assassiné tant de nos compatriotes. Ce sont les islamistes. Et on ne
doit plus distinguer ceux qui portent les armes de ceux qui arment en mots ceux
qui s'arment tout court. Plenel le bourgeois blanc pénitent s'est livré à une
bien coupable appropriation culturelle quand il a expliqué que l'excellente Une
de Charlie le caricaturant, ce qui est un peu leur cœur de métier, visait les
musulmans à travers lui. Il a épousé les codes de communication des islamistes,
puisqu'il a lancé une fatwa contre Charlie en portant une telle accusation à
leur encontre. Edwy Plenel n'est pas l'islam. Edwy Plenel n'est pas les
musulmans. Edwy Plenel n'est pas Zola. Edwy Plenel n'est pas Jean Moulin. Edwy Plenel
est celui que l'antisémite et homophobe Mehdi Meklat a qualifié de «petit
papa». Il est un bourgeois militant de l'indigénisme et de l'islamisme.
L'islamisme est une chose grave en elle-même. L'islamisme a tué en France. Des
enfants. Des jeunes. Des juifs. Des musulmans. Des chrétiens. Des athées. Des
laïques. Des indifférents. Des fonctionnaires, des journalistes. Des Français
et des non-Français.
Jade Lindgaard déclarait aussi qu'il fallait comprendre et
expliquer l'islamisme. Mais avec quelle distance et quelle crédibilité
Mediapart peut-il le faire quand il fait l'amalgame entre les islamistes et les
musulmans? Ce n'est pas une différence de degré dans la piété qui distingue
l'islam de l'islamisme. C'est une différence de nature. L'islamisme n'est pas
l'islam. Les islamistes ne sont pas Les Musulmans. Et Edwy PLenel n'est pas
leur prophète. Et s'ils me critiquent, je la jouerai comme Edwy: Ce seront les
musulmans, les femmes, les «racisés», les Franc-comtois, les enseignants, les
fonctionnaires, les frisés, les gauchers que j'accuserai Edwy de viser au
travers moi.
À VOIR AUSSI - Mediapart contre Charlie Hebdo: un débat
médiatique et politique
Fatiha Boudjahlat
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Chantal
Delsol: «Une Europe qui n'ait pas honte d'elle-même» (16.11.2017)
Par Chantal
Delsol
Publié le 16/11/2017 à 16h33
FIGAROVOX/TRIBUNE - La philosophe appelle à
signer la Déclaration de Paris, un manifeste d'intellectuels néoconservateurs
qui plaident pour donner de la chair à l'idée européenne.
Faire changer l'Europe: c'est peut-être un projet
insurmontable et chimérique: mais c'est sans doute la seule opportunité qui
s'offre à nous si nous voulons que l'Union européenne survive. Aujourd'hui
cette institution oppressive et arrogante, aussi peu démocratique que possible,
fait fuir les peuples qu'elle avait tant fait rêver, il y a peu d'années. Il
est étrange que ses dignitaires ne tirent pas leçon des échecs récents que
l'institution a essuyés. On a répondu au Brexit par des injures et des propos
véhéments sur la pauvreté d'esprit d'une moitié de la population britannique.
C'est court, et même assez minable. Mais la répétition inéluctable de ce genre
de scénario ne fera qu'enfoncer davantage l'institution, et anticiper davantage
son effondrement - que pourtant personne ne veut.
Un certain nombre d'intellectuels européens, appartenant à
l'ensemble de nos pays, signent une déclaration qui s'intitule «Une Europe en
laquelle nous pouvons croire». Issue d'un colloque qui s'est tenu à Paris en
juin dernier, elle est dite Déclaration de Paris. Sur le site dédié, thetrueeurope.eu, la
déclaration figure pour l'instant en onze langues. Il faut comprendre que
l'Europe «en laquelle nous pouvons croire» n'est pas celle que nous avons
devant les yeux. Mais l'affirmation marque en tout premier lieu que les
signataires ne sont pas des antieuropéens. Ils aiment l'Europe et l'affirment
dans le prologue, mais non pas d'un amour administratif: par le cœur et par les
tripes, en raison de la culture commune et de l'histoire commune, même parfois
éprouvante.
L'Europe n'est pas définissable seulement par un Maudit
Passé, une mémoire sombre, des crimes impardonnables
C'est
affaire de vérité et de mensonge: l'institution européenne nous décrit une
«fausse Europe» - sans histoire, sans racine, sans réalité: une sorte de
fantôme idéologique. Le but des signataires est de donner de la chair à
l'idée européenne, afin de la rendre pour ainsi dire humaine, et en même temps
de lui restituer sa réalité. L'Europe n'est pas née de rien. Elle a des racines
qu'il faut nommer sans honte. Elle n'est pas seulement ancrée dans l'avenir
nébuleux d'un monde sans frontières ni appartenances, comme on voudrait nous le
faire croire. Elle n'est pas définissable seulement par un Maudit Passé, une
mémoire sombre, des crimes impardonnables. Elle a des fondements qui lui sont
propres, et constituent sa fierté: l'idée d'universalité qui provient des Grecs
et des chrétiens, l'invention de l'État de droit et de la démocratie, la
création des universités comme espaces de la pensée critique, l'abolition de
l'esclavage et l'émancipation des femmes.
L'universalisme abstrait de cette «fausse Europe», illustré
entre autres exemples par les monuments stylisés et imaginaires de notre
monnaie, est donné pour une nouvelle religion. Et c'est bien le cas: il nous
faudrait oublier tout ce que nous sommes pour ne nous identifier qu'à une sorte
de religion de l'avenir, épargnée par la diversité des cultures, définie par la
totale liberté individuelle dans un monde sans frontières. Mais les frontières
racontent les existences comme les définitions nous identifient - un fleuve
sans berges n'est plus fleuve et devient marécage. Aucune communauté humaine ne
se sent une vocation de marécage. Les frontières décrivent les appartenances
dont nous avons besoin pour vivre, parce que nous sommes des humains limités,
et non des anges lâchés dans l'éther.
Les signataires de la Déclaration de Paris sont
néoconservateurs. Ils récusent l'engagement systématique des instances
européennes pour un libéralisme libertaire, sans que les peuples aient voix au
chapitre
Les signataires de la Déclaration de Paris sont
néoconservateurs. Ils récusent l'engagement systématique des instances
européennes pour un libéralisme libertaire, sans que les peuples aient voix au
chapitre. Ils regrettent cette fausse liberté qui engendre l'isolement des
individus, désormais reliés par les seuls réseaux sociaux et tenus en laisse
par l'État. Ils sont libéraux au sens de l'économie de marché, mais récusent
une société de marché, où tout est à vendre y compris l'invendable. Ils
demandent de faire la part à une forme de souci patriotique que l'universalisme
européen récuse absolument. Il est naturel qu'un gouvernement se préoccupe de
l'intérêt de la société qu'il a en charge. Ouvrir les portes à l'immigration
s'impose au nom de cette hospitalité universelle dont parlait Kant - mais à
condition et de telle sorte que l'accueilli s'adapte à la maison d'accueil et
ne la détruise pas.
Les signataires de la Déclaration de Paris en appellent à
une Europe démocratique, face à la technocratie résumée dans la phrase bien
connue, Tina (There is no alternative) - il n'y a pas d'alternative… Ils ne
croient pas au monopole de la connaissance technique, mais bien davantage à la
sagesse pratique et à la décision responsable. Ils en appellent à une Europe
plus spirituelle, et non plus engluée dans le divertissement et la consommation
-seules des aspirations plus élevées nous permettrons de sortir du
matérialisme.
La Déclaration de Paris sera publiée par les Éditions du
Cerf en janvier prochain. Le think tank Thomas More en organisera la
communication et l'exploitation en vue des prochaines élections européennes.
Les signatures seront ouvertes. On ne sauvera pas l'Europe sans sa profonde
mise en cause.
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Comment
l'âge du consentement sexuel est revenu au centre du débat (16.11.2017)
Publié le 16/11/2017 à 13h54
En moins de trois mois, trois affaires de relations
sexuelles entre une mineure et un adulte ont replacé l'âge du consentement
sexuel au premier plan. Le gouvernement a annoncé qu'un projet de loi est en
préparation. S'il est accepté par le Parlement, il entrera dans la loi en 2018.
Alors que l'affaire Weinstein a aidé à libérer la
parole des personnes victimes de harcèlement sexuel dans le monde entier,
en France, l'âge du consentement sexuel des mineurs fait l'objet d'un débat
houleux. Relancée après trois affaires de relation sexuelles entre des mineurs
et des adultes, dont deux où le «viol» n'a pas été retenu, la question est
remontée jusqu'au gouvernement qui s'est engagé à modifier la
législation. Le Figaro fait le point.
• 27 septembre: une relation sexuelle entre une fillette
de 11 ans et un homme de 28 ans non considérée comme un «viol»
Les faits datent du 24 avril 2017 à Montmagny, dans le
Val-d'Oise. Un homme de 28 ans aborde à deux reprises Sarah, une fillette de 11
ans. Elle le suit jusqu'à son immeuble. Dans l'ascenseur, l'homme embrasse
l'enfant et arrivés au neuvième étage, ils ont plusieurs relations sexuelles.
La famille de la jeune fille, qui la retrouve, selon leurs
mots, «désespérée» et «tétanisée», décide de porter plainte. Cependant, selon
les enquêteurs, ces actes sexuels ne sont pas des viols car l'enfant n'a pas
été contrainte physiquement. Le 27 septembre, le ministère public, qui s'appuie
sur l'article 227-25 du Code pénal, estime «qu'il n'y a eu ni
violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise». En conséquence, le parquet
décide de ne pas retenir le viol et poursuit l'homme pour «atteinte sexuelle
sur mineur de moins de 15 ans». Ce père de deux enfants est par ailleurs placé
sous contrôle judiciaire depuis mai.
Pourtant, pour l'avocate de la plaignante, Me Carine
Diebolt, «tous les critères qui fondent l'agression sexuelle» peuvent être retenus
dans ce dossier. «Aujourd'hui, on ne devrait même pas avoir ce débat-là quand
il s'agit d'un enfant», a-t-elle poursuivi, demandant une évolution de la loi.
Le
procès qui devait se tenir le 27 septembre a été renvoyé au 13 févrierprochain,
le temps d'examiner la demande de requalification en «viol» soulevée par la défense.
• 11 novembre: un homme accusé de viol sur une mineure de
11 ans acquitté
Jugé devant la Cour d'assises de Seine-et-Marne, un homme de
30 ans, accusé
du viol d'une fillette de 11 ans en août 2009, a été acquitté. Selon les
jurés, il n'y a pas eu de contraintes. Les éléments constitutifs du viol, «la
contrainte, la menace, la violence et la surprise, n'étaient pas établis», a
rapporté, le 11 novembre dernier, la procureure de Meaux, Dominique Laurens. À
l'époque, la jeune fille de 11 ans se rend dans un parc avec l'accusé de 11 ans
son aîné. Ce dernier explique qu'ils ont eu une relation sexuelle consentie, et
affirme que la jeune fille lui a menti sur son âge, explique son avocat Me
Samir Mbarki. Les faits ne sont découverts qu'en 2010, alors que la fillette
est tombée enceinte.
Cet acquittement a été un «second traumatisme» pour la jeune
femme, âgée aujourd'hui de 20 ans, selon son avocate, Me Laure Habeneck.
Pourtant selon Me Mbarki, il n'a fait que plaider le droit. «À charge pour le
législateur de changer la loi. Ce n'est ni à l'avocat, ni à l'accusé de porter
la responsabilité de cette défaillance légale».
• 15 novembre: un professeur accusé d'entretenir une
relation avec une élève de 14 ans
Un professeur de mathématiques de 31 ans sera jugé le 27
novembre à Fontainebleau, en Seine-et-Marne, pour avoir eu pendant plusieurs
mois une relation avec une collégienne de 14 ans, a indiqué mercredi le
procureur.
Le 5 novembre, c'est le beau-père de l'adolescente qui a
emmené de force l'enseignant au commissariat après avoir appris leur histoire,
présentée comme une «relation amoureuse» par la jeune fille. Le professeur se
trouvait dans sa voiture, stationnée à proximité du domicile familial, a relaté
Guillaume Lescaux, le procureur de Fontainebleau. Les deux hommes ont été
placés en garde à vue et sont poursuivis: l'enseignant pour corruption de
mineur de moins de 15 ans et atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans
par personne abusant de l'autorité de ses fonctions, et le beau-père pour
violences et séquestration.
Selon Le Parisien, le professeur et son élève se
seraient rapprochés en février dernier, en dialoguant via Instagram, et
auraient entamé une relation en juin. «Même quand il y a consentement, un
adulte ne peut pas avoir de relations sexuelles avec un mineur de moins de 15
ans. Et, quand on est en position d'autorité, le consentement n'est possible qu'à
partir de 18 ans», rappelle le magistrat.
» LIRE AUSSI - Fixer un âge minimum pour le consentement sexuel
• Qu'en dit le gouvernement?
Le débat est sur la table. Et le gouvernement affiche la
volonté de faire changer les choses. «Nous réfléchissons à une chose nouvelle,
qui est une présomption de non-consentement à l'acte sexuel en deçà d'un
certain âge. Nous avons une réflexion à conduire très rapidement sur l'âge, qui
peut être 15, 14, 13 ans», a affirmé la garde des Sceaux Nicole
Belloubet, sur CNews, mercredi.
Une déclaration qui s'inscrit dans la continuité de ce
qu'avait annoncé Marlène
Schiappa, secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes,
après l'affaire de Champs-sur-Marne. Elle avait déclaré qu'un «projet de loi
est en cours d'élaboration, notamment sur la présomption irréfragable de
non-consentement des enfants».
Si l'âge de la majorité sexuelle devrait rester 15 ans,
comme l'a affirmé Nicole Belloubet, le gouvernement planche sur la question du
non-consentement. «Nous cherchons quelle est la meilleure des solutions du
point de vue du seuil d'âge», a précisé la ministre qui estime que 13 ans
semble être l'âge le plus adapté. S'il est retenu, cela suivrait les
préconisations le Haut-commissariat à l'Égalité entre les femmes et les hommes.
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Le 25
décembre devient un jour férié en Ukraine (16.11.2017)
Par Pierre
Avril
Mis à jour le 16/11/2017 à 17h51 | Publié le 16/11/2017 à 15h51
Pour le Parlement, décréter le Noël catholique comme jour
férié lui permet de prendre ses distances avec Moscou. Le Noël orthodoxe, le 7
janvier, était jusqu'à présent férié et le restera.
De notre correspondant à Moscou
Pour la première fois dans l'histoire de l'Ukraine
contemporaine, le 25 décembre sera jour férié dans le pays. Jeudi matin, la
Rada (le Parlement) a voté un texte reconnaissant officiellement cette date
comme la fête de Noël, à côté de celle, plus traditionnelle, du 7 janvier, qui
marque le Noël orthodoxe. Une initiative destinée à minimiser l'empreinte de
l'héritage soviétique dans cette république en conflit ouvert avec son voisin
russe et à renforcer les liens avec l'Occident romain.
Aujourd'hui, près de 11.000 communautés catholiques et
protestantes ukrainiennes célèbrent Noël en vertu de notre propre calendrier
grégorien (25 décembre), contre les 23.000 communautés orthodoxes obéissant au
calendrier julien imposé par Moscou. Les communautés catholiques représentent
30 % de l'ensemble des chrétiens du pays. «Il s'agit d'une part significative
des croyants ukrainiens», relèvent les députés en leur accordant le privilège
d'un jour non travaillé. La loi pourrait être effective dès la fin de l'année.
» LIRE AUSSI - En Russie, la timide renaissance du Noël orthodoxe
«Cette décision historique nous permettra de nous
détacher du calendrier de Moscou et des standards impériaux russes»
Olexandre Tourtchinnov, secrétaire du Conseil de sécurité et
de défense
«Nous ne disons pas aux églises quand et comment fêter leurs
fêtes religieuses, mais le fait de passer au calendrier grégorien est un signe
d'européanisation», s'est félicitée Irina Podoliak, député du parti
nationaliste Autodéfense. «Cette décision historique nous permettra de nous
détacher du calendrier de Moscou et des standards impériaux russes», s'est
réjoui, pour sa part, le secrétaire du Conseil de sécurité et de défense,
Olexandre Tourtchinnov. Au risque de creuser le conflit confessionnel historiquement
vivace au sein de la société ukrainienne.
Un conflit qui remonte à l'URSS
Historiquement divisée entre sa partie occidentale, plus
proche du monde latin, et sa partie orientale, influencée par les valeurs
orthodoxes russes, l'Ukraine est aujourd'hui en guerre larvée avec son grand
voisin de l'Est. Les églises ukrainiennes ont toujours été traversées par ce
conflit. Lors de la révolution de Maïdan, en 2014, il s'est exacerbé. D'un
côté, l'Église orthodoxe, rattachée au patriarcat de Kiev, ainsi que l'Église
gréco-catholique s'étaient rapprochées des manifestants pro-européens, tandis
que l'Église orthodoxe, liée au patriarcat de Moscou, soutenait naturellement
les idées de ses parrains russes. Aujourd'hui, seule la date du 7 janvier
réunit ces multiples courants confessionnels, à l'exception de l'Église romaine
ukrainienne.
L'origine du conflit calendaire remonte, quant à elle, à la
période communiste. En 1923, alors qu'elle était durement réprimée et placée
sous l'éteignoir du pouvoir bolchevique, l'Église russe avait refusé de suivre
la recommandation du Concile orthodoxe mondial fixant au 25 décembre, plutôt
qu'au 7 janvier (calendrier julien), la fête de la naissance du Christ. «Seuls
les pays qui étaient sous influence de l'URSS ont suivi le pas et aujourd'hui
c'est justement la Fédération russe, héritière de l'Union soviétique, qui a
annexé notre Crimée et occupe une grande part du Donbass
ukrainien. Celle-ci n'a jamais reconnu les aspirations européennes de
l'Ukraine indépendante et l'une de ces aspirations est justement de revenir aux
valeurs chrétiennes sur laquelle est basée la civilisation européenne», a
déclaré à la tribune de la Rada, le député Evguenni Rybtchinsky.
Un patriarcat de Kiev silencieux
L'historien russe des religions, Roman Lounkine, critique
une vision trop politisée de l'histoire. «En 1923, l'Église orthodoxe n'était
pas encore totalement soumise au parti communiste et a pris sa décision d'une
manière autonome. En son sein même, il y avait des religieux qui ne voulaient
pas épouser le calendrier grégorien, et l'Église a donc préféré s'en tenir au
statut quo pour ne pas fragiliser davantage l'institution à une période
critique de son histoire», explique cet expert.
«Jésus-Christ est né une seule fois et si l'on célèbre
l'événement en de multiples occasions, ce dernier va se transformer en farce
qui perdra tout sens religieux
L'archevêque Kliment, porte-parole de l'Église orthodoxe
attachée au patriarcat de Moscou
Engagés dans une entreprise de révisionnisme historique, les
députés ukrainiens songent également à commémorer le 8 mai la capitulation du
pouvoir nazi - et non plus le 9 mai comme à Moscou. L'initiative religieuse a
suscité la colère des églises orthodoxes. «Les sondages montrent que la
majorité des Ukrainiens continuent à fêter Noël le 7 janvier contre seulement
2% des organisations religieuses attachées au 25 décembre. Jésus-Christ est
né une seule fois et si l'on célèbre l'événement en de multiples occasions, ce
dernier va se transformer en farce qui perdra tout sens religieux. Les députés,
dont la cote politique est très basse, cherchent simplement à ruiner
l'influence de l'Église dans la société», dénonce l'archevêque Kliment,
porte-parole de l'Église orthodoxe attachée au patriarcat de Moscou.
L'Église orthodoxe rattachée au patriarcat de Kiev s'est
refusée à tout commentaire: «En tant qu'Ukrainien, je ne vois pas de problèmes
au fait d'avoir un jour férié supplémentaire. Mais pour la majorité des
Ukrainiens qui sont orthodoxes, le Noël reste le 7 janvier», explique une
source, sous couvert d'anonymat.
Seule l'Église romaine ukrainienne, qui revendique un peu
moins d'un million de fidèles, se réjouit ouvertement. «Même si les motivations
des députés sont autres, je peux vous assurer que tous nos paroissiens sans
exception sont contents. Ils ne seront plus obligés de demander un congé
spécial à leur employeur pour fêter Noël», a déclaré le porte-parole du diocèse
de Lviv (ouest), Alexandre Khoutsy.
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Zimbabwe
: la chute de Mugabe, héros de l'indépendance devenu vieux despote (15.11.2017)
Par Tanguy
Berthemet
Mis à jour le 15/11/2017 à 19h49 | Publié le 15/11/2017 à 19h15
VIDÉO - Le chef de l'État, sénile et fatigué, a perdu son
dernier combat politique en écartant son vice-président Emmerson Mnangagwa.
Une chose semblait certaine. Robert Mugabe, inusable
président du Zimbabwe depuis trente-sept ans, allait mourir sur scène. À 93
ans, les
jours du despote semblaient certes comptés. Le chef de l'État, sénile et
fatigué, ne ressemblait plus au «Camarade Bob», le héros de la guerre
d'indépendance. La seule question pour tous était finalement celle
de sa succession, quand Dieu se serait décidé à agir. Les vieux amis,
lassés de ses frasques, n'auront finalement pas attendu la volonté divine, en
chassant de son trône le dictateur décrépit. Derrière cette révolution de
palais, se dresse Emmerson Mnangagwa, vice-président déchu il y a une semaine,
fidèle des années de lutte armée et homme des basses œuvres des décennies de
pouvoir.
«Les présidents qui s'accrochent font tous les mêmes
fautes. Ils veulent survivre à la mort, ils se croient rois et veulent
s'imposer pour toujours, via un héritier, et écoutent les mauvais génies»
Ahmedou Ould Abdallah, ancien ministre des Affaires
étrangères mauritanien
Robert Mugabe a perdu son dernier combat politique pour
avoir oublié ce qui avait fait sa force: sa capacité à unir les siens et à
faire peur aux autres. Sous son joug, la Zanu-PF, son parti, s'était approprié
tout le riche Zimbabwe, ne laissant que des miettes aux contestataires.
Autocrate de la vieille école, Mugabe savait cependant partager avec ses
alliés. Mais, le temps passant, le «vieux» s'est replié de plus en plus, pour
ne plus voir que sa famille. «Les présidents qui s'accrochent font tous les
mêmes fautes. Ils veulent survivre à la mort, ils se croient rois et veulent
s'imposer pour toujours, via un héritier, et écoutent les mauvais génies»,
explique l'ancien ministre des Affaires étrangères mauritanien Ahmedou Ould
Abdallah. Pour le Zimbabwéen, ce
mauvais génie fut son épouse, Grace. Cette ancienne dactylo, de quarante
ans sa cadette, longtemps perçue comme une simple arriviste très dépensière,
s'est piquée de politique. Appuyée sur un époux qui lui cède tout, elle se rêve
présidente au point d'obtenir la chute en 2014 de Joice Mujuru, la
vice-présidente et rivale. Dès lors un combat à mort s'engage avec l'autre
grand prétendant à l'héritage, Emmerson Mnangagwa. On pense que Mugabe, dont
l'œil reste étonnamment vif dans son visage ridé, arbitre intelligemment ce
duel, divisant une fois de plus pour régner tranquille. Il n'en était rien.
Mnangagwa est sèchement limogé. La puissante association des anciens
combattants est choquée ; effarée par la peur de perdre ses privilèges,
elle se range derrière Mnangagwa. Robert Mugabe vient lui-même de miner le
pilier de son pouvoir, et d'entraîner sa perte.
Robert Mugabe a beau être tombé comme un vulgaire tyran
africain, il n'en est pas un. Mercredi, les putschistes, qui refusent l'idée du
coup d'État, assuraient d'ailleurs, contre toute évidence, que «son Excellence»
était toujours maître à bord. Des précautions qui montrent que Robert Mugabe,
dernier «père de la Nation» encore en vie, a toujours une sorte d'aura, certes
délavée, mais réelle. Bien des Zimbabwéens, comme ses pairs, lui savent gré de
ses années de lutte contre le régime raciste de Ian Smith. Cette guerre juste
fait pardonner les dérives du régime et réduit à peu de chose les critiques
occidentales. Robert Mugabe ne manquait jamais de souligner, sous les
applaudissements, le manque de discernement des «impérialistes», prompts à le
vilipender, mais oublieux des temps de l'apartheid.
La Zanu, plus menacée que menaçant
En 2000, la réforme (agraire), pourtant rejetée par
référendum, est imposée de force. (…) L'économie du pays, grenier de la région,
ne s'en remettra jamais.
Le verbe a de toute façon toujours été la force du
président. Avec sa froide détermination. Le petit Shona, né dans une famille
catholique pauvre de la Rhodésie d'alors, est bon élève. Cela le conduit à des
études supérieures en Afrique du Sud, puis dans des universités de plusieurs
pays d'Afrique. Il finit, en 1960, par s'installer au Ghana, tout juste
indépendant, dont il rentre marié et léniniste. Le parti qu'il fonde, la future
Zanu (Union nationale africaine du Zimbabwe), est vite interdit. En 1964,
Robert Mugabe est arrêté, puis incarcéré, tout comme Joshua Nkomo, le leader
ndébélé. Il est libéré dix ans plus tard et fuit au Mozambique pour se lancer
dans la lutte armée.
Les guerres et les pressions diplomatiques conduisent Ian
Smith à négocier et à accepter, après bien des soubresauts, des élections
libres pour 1980. Robert Mugabe, débarrassé, par des «accidents» étranges, de
ses rivaux au sein de la Zanu, les gagne haut la main grâce au vote shona.
Nommé premier ministre, il ne lâchera plus les rênes, s'attachant à les tenir
toujours plus courtes.
Les Ndébélés, une ethnie qui se pose en contrepoids aux
Shonas, seront vite des cibles. Dans les années 1980, une répression militaire
sauvage s'abat sur le sud du pays. La 5e division, formée en Corée du
Nord, cause plusieurs dizaines de milliers de morts, arrachant toutes traces
d'opposition politique. Emmerson Mnangagwa, alors ministre de la Sécurité
nationale, est dans l'ombre de ce massacre. La minorité blanche, qui contrôle
encore très largement l'économie, devient ensuite le problème le plus immédiat.
Un projet de réforme agraire va lentement faire monter la tension entre la
présidence et les fermiers blancs qui font la fortune du Zimbabwe. En 2000, la
réforme, pourtant rejetée par référendum, est imposée de force. Mugabe jette
«ses» vétérans à l'assaut des terres, tandis que les barons du régime
s'emparent des plus belles propriétés. L'économie du pays, grenier de la
région, ne s'en remettra jamais. Des milliers de fermiers et d'hommes
d'affaires partent en exil, bientôt suivis par 3 millions de miséreux.
L'hyperinflation, 165.000 % en 2007, va conduire à la ruine et à la
paupérisation les campagnes, avec un taux de chômage de plus de 80 %.
Largement battu au premier tour, il lance ses sbires
contre ses détracteurs, terrorisant les électeurs jusqu'à l'emporter avec 90 %
des voix
Le régime se coupe ainsi de sa base, affamée et dégouttée
par les promesses non tenues. Le mariage en grande pompe du président en 1996
avec la jeune Grace, sa maîtresse de longue date, avait déjà laissé des traces.
La première femme, «Maman Sally», très estimée, était tout juste disparue. Les
saillies du président contre les Blancs «racistes», contre les Américains et
les Européens qui l'ont placé sous sanction, font encore sourire, mais les
errements du vieux combattant dérangent de plus en plus. Les
élections de 2008, contre Morgan Tsvangirai, vont enlever à Mugabe ce qui
lui reste de respect. Largement battu au premier tour, il lance ses sbires
contre ses détracteurs, terrorisant les électeurs jusqu'à l'emporter avec
90 % des voix. Son opposant a préféré abandonner pour mettre fin aux
violences. À la manœuvre, on trouve Emmerson Mnangagwa.
Isolé et autiste, le pouvoir s'enferme dans une fuite en
avant, tandis que le Camarade Bob se tasse sous le poids des ans. La chronique
politique se limite depuis, mais uniquement hors d'un Zimbabwe, où la presse
est muselée, à une suite de scandales où des généraux se trouvent impliqués
dans des trafics divers, des ministres dans des contrats léonins, et aux photos
d'un Mugabe endormi dans des réunions ou des meetings. Cette dérive aura fini
par transformer la Zanu en zombie, plus menacée que menaçant. Pour ne pas être
emportés, les barons du parti n'avaient d'autre choix que de tuer le père.Au
moins symboliquement. Ils viennent de le faire.
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Polémique Charlie
Hebdo-Mediapart : «Edwy Plenel a tort sur toute la ligne» (15.11.2017)
Mis à jour le 15/11/2017 à 21h27 | Publié le 15/11/2017 à 17h22
INTERVIEW - Le nouveau président de la Licra, Mario Stasi,
prend position dans l'affrontement entre les deux médias. Et demande à Emmanuel
Macron de s'exprimer.
L'avocat vient de prendre la tête de la Licra (Ligue internationale
de lutte contre le racisme et l'antisémitisme) qui célèbre ses quatre-vingt-dix
ans, compte 6000 adhérents et élargit son audience via les réseaux sociaux. Il
veut mettre l'accent sur l'éducation à l'antiracisme en multipliant les
interventions auprès des écoliers et collégiens.
LE FIGARO. - Une intense polémique oppose Charlie Hebdo
au directeur du site Mediapart, Edwy Plenel. L'hebdomadaire satirique accuse
Plenel de «condamner à mort une deuxième fois» sa rédaction en affirmant que
celle-ci a déclaré «la guerre aux musulmans». Querelle médiatique à gauche ou
débat de fond sur l'islam et la laïcité?
Mario STASI. - C'est une question de fond. Charlie
Hebdo ne mène aucune guerre contre les musulmans mais condamne les
extrémismes religieux d'où qu'ils viennent. Edwy Plenel, avec sa rhétorique
habituelle, fait semblant de confondre musulmans et intégristes musulmans. Lui
et ceux qui le soutiennent sont dans un combat idéologique. A minima, c'est
irresponsable dans une société où des drames humains, comme l'attentat
contre Charlie Hebdo, ont été la conséquence d'écrits et de
dessins. Mais je crois plus sûrement que c'est volontaire. Edwy Plenel a tort,
sur toute la ligne.
» LIRE AUSSI - Ramadan, Plenel, Charlie
Hebdo: la polémique en quatre actes
Riss, le directeur de Charlie Hebdo, dénonce un «appel au
meurtre», Manuel Valls accuse Edwy Plenel de «complicité intellectuelle» avec
le terrorisme. Ont-ils raison?
Oui, dans les deux cas.
Après les menaces de mort contre Charlie Hebdo,
Laurent Wauquiez, le candidat à la présidence LR, a estimé qu'Emmanuel Macron
devait s'exprimer sur le sujet. Êtes-vous d'accord?
«La Licra regrette que le président n'ait pas encore
prononcé un discours fondateur sur les valeurs de la République»
Mario Stasi
Une parole forte, et aussi claire que celle de Manuel Valls,
est en effet attendue pour défendre la liberté d'expression, le droit au
blasphème, la République laïque. Et pour condamner le communautarisme
totalement opposé à l'idéal républicain. La Licra regrette qu'un tel discours
n'ait pas encore été prononcé. Mais ce discours fondateur sur les valeurs de la
République, le chef de l'État l'aura certainement. C'est le moment.
Est-ce trop tard? Emmanuel Macron est souvent décrit
comme «mal à l'aise» avec ce débat.
Quelle est la finalité du combat antiraciste, tel que le
conçoit la Licra? Ne pas rester dans l'incantation mais obtenir des résultats.
Quand le président, avec sa culture économique, se préoccupe des banlieues, ne
veut plus de l'assistanat mais des résultats, comme sur l'emploi, c'est le même
objectif: faire cesser la fragmentation, le repli identitaire.
Dès votre arrivée à la tête de la Licra, la semaine
dernière, vous avez écrit à Jean-Luc Mélenchon pour lui demander de clarifier
ses positions à l'égard du Parti des indigènes de la République, que vous
qualifiez de «groupuscule extrémiste dont la doctrine (est) exclusivement
vertébrée par le racisme et l'obsession des Juifs». Une députée La France
insoumise, Danièle Obono, avait en effet pris la défense de ce mouvement et de
sa porte-parole. Quel est le sens de votre démarche?
Arrêter de mettre la poussière sous le tapis. Quand une députée se dit «camarade» d'une responsable d'un
mouvement identitaire, raciste, antisémite et homophobe, qui prône la
communautarisation de la société pour fracasser le socle républicain, elle
engage son parti. La réponse de Jean-Luc Mélenchon est enfin une clarification.
Jean-Luc Mélenchon condamne le Parti des indigènes de la
République mais il ne désavoue pas pour autant «sa» députée Danièle Obono?
Il a fait la moitié du chemin. Au sein de La France
insoumise, les tensions sont fortes sur ces sujets.
«Quand il n'y a plus un enfant juif dans les écoles
publiques de Seine-Saint-Denis, c'est la conséquence de l'islamo-gauchisme»
Mario Stasi
«Islamo-gauchisme»: le terme vous convient-il?
Quand on se sert des musulmans pour les transformer en
nouveaux damnés de la terre, quand on mène un combat qui dessert la République
en mélangeant habilement la guerre contre les extrémistes et la pseudo-guerre
contre les musulmans, c'est ce qu'on fait. C'est ce qu'Edwy Plenel défend. Et
quand il n'y a plus un enfant juif dans les écoles publiques de
Seine-Saint-Denis, c'est la conséquence de l'islamo-gauchisme.
La Licra a été très critiquée pour avoir été partie
civile, au côté du sulfureux Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF),
dans le procès contre l'historien
Georges Bensoussan qui avait déclaré «dans les familles arabes
en France (…) l'antisémitisme, on le tète avec le lait de sa mère». C'était une
erreur?
Cette affaire appartient au passé et nous vaut encore des
menaces de mort… Il est criminel de dire que nous entretenons une quelconque
connivence avec le CCIF! La Licra combat l'antisémitisme et le racisme sous
toutes leurs formes quand bien même elle risque de se retrouver sur le banc des
parties civiles au côté du CCIF ou d'autres associations dont elle ne partage
aucune valeur. Avec Georges Bensoussan, nous avons eu un différend. Avec le
CCIF, nous sommes en totale opposition. Nous n'avons pas interjeté appel de la
relaxe de Georges Bensoussan.
En 2014, vous avez obtenu une condamnation pour racisme
«anti-Blanc». C'était une première.
Si le racisme «anti-Blanc» est de toute évidence moins
discriminant que le racisme anti-Noir ou anti-musulman, il existe bien
Si le racisme «anti-Blanc» est de toute évidence moins
discriminant que le racisme anti-Noir ou anti-musulman, il existe bien. Il
représente 2 à 3 % des plaintes dont nous sommes saisis.
Le retour des djihadistes en France inquiète. Quel traitement
doivent-ils recevoir?
Ce sont des adultes responsables qui doivent être traités
sur un plan judiciaire au cas par cas. Pour
les hommes qui ont combattu, c'est de l'intelligence avec l'ennemi. Pour les
femmes, il faudra apprécier le degré de contrainte, contrainte qui reste à
prouver…
La ministre des Armées avait dit: «Si des djihadistes
périssent à Raqqa, c'est tant mieux». Êtes-vous d'accord?
Sont-ils des soldats? Des soldats de la terreur, sans aucun
doute. Je ne vais pas pleurer.
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Comment
sauver nos cathédrales ? (15.11.2017)
Par Claire
Bommelaer
Mis à jour le 15/11/2017 à 19h44 | Publié le 15/11/2017 à 15h24
ENQUÊTE - Faire payer l'entrée dans les édifices religieux
en France reste une question complexe. Pourtant, en Europe, certains l'ont
fait.
C'est une des conséquences de la sécularisation et du
tourisme de masse. De plus en plus de personnes visitent les cathédrales comme
autant de musées - d'autant que leur accès est gratuit, du moins en
France. Tandis que l'État peine à entretenir les 87 cathédrales dont il a
la charge, des voix, à
commencer par celle de Stéphane Bern, s'élèvent pour faire du flux de
visiteurs - près de 14 millions chaque année à Notre-Dame, à Paris,
800.000 à la cathédrale de Reims, un million à celle de Strasbourg - une
source de revenus. L'idée, qui met le doigt sur le manque criant d'argent pour
l'entretien du patrimoine religieux, séduit autant qu'elle rebute: selon le
sondage du Figaro du 14 novembre, 50 % des sondés
sont pour, et autant contre. Le débat devrait, en toute logique, être abordé
vendredi 17 novembre par Françoise Nyssen, lors de la présentation de son
plan en faveur du patrimoine.
L'affaire est plus compliquée qu'elle n'en a l'air. La loi
de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État a fait de la première
l'affectataire des lieux, et du second, le propriétaire des murs. L'Église
anime les lieux, l'État les entretient. Or, précise la loi, l'affectation doit
être «gratuite, exclusive et permanente».
«Les cathédrales, alors même qu'elles font partie du
patrimoine culturel de la France, sont avant tout des lieux de prière et de
culte dont l'accès doit être libre, rappelle la Conférence des évêques de
France. En notre époque de bruit et de tribulations, les cathédrales
constituent des lieux de paix et d'intériorité, proposés à tous. Rendre leur
accès payant entamerait la dimension de gratuité que comporte la proposition de
la foi, la rencontre avec Dieu.»
Fermez le ban? Pas tout à fait. Parce qu'elles ont parfois
plus de mille ans, les
cathédrales sont des gouffres financiers pour la puissance publique. L'État
consacre déjà 40 millions d'euros par an à leur entretien, soit la majeure
partie des crédits consacrés aux monuments historiques. Il sait que la tâche
est infinie et que personne ne pourra jamais réparer définitivement des façades
et des vitraux agressés par le temps.
«Les cathédrales, alors même qu'elles font partie du
patrimoine culturel de la France, sont avant tout des lieux de prière et de
culte dont l'accès doit être libre»
La Conférence des évêques de France
Petit à petit, et avec l'assentiment tacite de l'Église, il
a rendu payant l'accès aux trésors des cathédrales (entre 4 et 5 euros).
Il faut dépenser 10 euros pour l'accès aux tours de Notre-Dame de Paris
(elles aussi gérées par l'État), 8 euros pour celles de Reims. Au
Puy-en-Velay, tant le musée que le cloître sont payants. Ici où là, plusieurs
cathédrales organisent même des visites spécifiques, à raison de 6 ou
8 euros.
Sujet tabou il y a une dizaine d'années, l'organisation de
concerts, y compris profanes, a également permis d'arrondir les fins de mois
des grands édifices catholiques. L'argent récolté sert en général à payer le
personnel d'accueil ou à régler les factures de chauffage. Ce système arrange
tout le monde. D'autant qu'en Europe les églises sont allées bien plus loin
dans l'introduction de l'argent privé. En Italie, en Espagne ou au Portugal,
l'entrée de la plupart des églises est devenue payante, au nom de l'endettement
colossal des trois pays et de l'incapacité de l'Église à faire face aux nécessaires
restaurations. L'entrée pour la cathédrale de Séville ou la mosquée-cathédrale
de Cordoue est fixée à 8 euros. En Allemagne, les grands édifices
comparables aux cathédrales, dont le Dom à Berlin, se visitent également
moyennant finances. Si on peut entrer librement à la Basilique Saint-Pierre de
Rome, pour la montée des marches il en coûte 5 euros.
«Tout est une question d'organisation et d'harmonie»
En Angleterre, pays où le clergé est propriétaire des murs
et qui est majoritairement protestant, les tarifs sont même très élevés. Il
faut compter 18 livres pour pénétrer dans l'abbaye de Westminster
- laquelle ne reçoit aucune subvention publique - et 22 livres
pour la cathédrale Saint-Paul - tickets que l'on peut d'ailleurs acheter
en ligne, avec des créneaux horaires dédiés. En principe, les visites de
Saint-Paul se font tard le dimanche, afin d'éviter les allers et venues
touristiques lors de la grand-messe. Mais la plupart du temps, tout le monde
doit cohabiter. «Tout est une question d'organisation et d'harmonie, souligne
Édouard de Lamaze, président de l'Observatoire du patrimoine religieux. On peut
instaurer un ticket d'entrée pour Notre-Dame de Paris ou pour les grandes
églises dites touristiques, mais à certains moments de la journée ou de la
semaine. Il faut trouver un terrain d'entente, et pas seulement pour les
cathédrales.»
Il y a plus de 50.000 édifices catholiques en France,
dont 90 % se situent dans des zones rurales ou dans de très petites
communes. «C'est sans doute là, bien plus que dans les grands monuments, qu'il
faut inventer un système, poursuit Édouard de Lamaze. Les maires, à qui
appartiennent les murs, n'ont plus d'argent, et les églises rurales se
dégradent à grande vitesse.» Selon lui, des visites organisées et payantes,
certains jours de la semaine, permettraient non seulement de faire face au coût
d'entretien mais aussi de valoriser les lieux. Dans ce cercle vertueux, fidèles
et touristes n'auraient plus à être opposés, ni même maires et curés, qui ont,
depuis 1905, largement enterré la hache de guerre.
De quoi vit Notre-Dame de Paris?
Bien que son entrée soit libre, Notre-Dame de Paris peut
compter sur plusieurs sources de revenus. L'État consacre 2 millions d'euros
par an à l'entretien des murs. Il mène actuellement plusieurs grandes campagnes
de restauration, dont une autour de la flèche.
S'ajoutent les offrandes, les quêtes, le denier du culte,
l'achat des cierges ou de cartes postales, à raison de 6 millions d'euros par
an. Ils sont consacrés à la rémunération des 67 salariés, au ménage, au
chauffage ou à l'électricité ( 800 € par jour).
Par ailleurs, la visite du trésor de la cathédrale - en
dehors de la couronne du Christ, considérée comme un objet de culte - est
payante (4€), ainsi que l'accès aux tours (10€). Mais c'est le Centre des
monuments nationaux qui perçoit les recettes des tours (407.000 visiteurs, en
2016), et non pas Notre-Dame.
Il faudrait infiniment plus d'argent pour entretenir la
cathédrale, qui vient de fêter ses 850 ans et dont certains arcs-boutants sont
très fragilisés.
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Ivan
Rioufol : «La parole se libère contre les idées fausses» (16.11.2017)
Par Ivan
Rioufol
Mis à jour le 16/11/2017 à 16h41 | Publié le 16/11/2017 à 16h33
CHRONIQUE - L'indignation des élus de Clichy face aux
prières de rue ou la levée de boucliers contre Edwy Plenel sont, dans le rejet
des dénis et le retour au bon sens, les premiers pas vers une émancipation des
esprits.
Le vent tournerait-il? Le déconomètre, qui s'emballe depuis
près de quarante ans, a du plomb dans l'aile. Vendredi dernier, une
centaine d'élus de Clichy (Hauts-de-Seine) ont manifesté leur indignation
devant les prières de rue. Elles y sont organisées illégalement depuis huit
mois par des fidèles qui se plaignent de l'éloignement de leur mosquée. La
suite dira si, après ce premier face-à-face tendu, le ministre de l'Intérieur
sortira de sa torpeur. Tout aussi réjouissante est l'avoinée
qui s'abat sur le journaliste Edwy Plenel, patron de Mediapart. L'ami de
Tariq Ramadan, accusé de viols, était le symbole sacralisé du journalisme
moralisateur. Même à gauche, les outrances du faux curé commencent à être
comprises pour ce qu'elles ont toujours été: des complaisances avec le
totalitarisme coranique. Manuel Valls mène l'assaut contre ce drôle
d'«antiraciste». Mercredi, l'ex-premier ministre a accusé Plenel de «complicité
intellectuelle» avec le terrorisme. La «parole libérée» est une glasnost à la
française qui déborde des rangs des seules néoféministes.
Les résistants de la 25e heure découvrent la lune. Hier
encore, beaucoup étaient avec la meute quand il s'agissait de marginaliser les
premiers lanceurs d'alerte, forcément réactionnaires et infréquentables. Votre
serviteur se souvient des inepties des procureurs d'alors. Mais Schopenhauer
avait prévenu: «Toute vérité franchit trois étapes: d'abord elle est
ridiculisée. Ensuite elle subit une forte pression. Puis elle est considérée
comme ayant toujours été une évidence.» Reste la satisfaction d'être moins
seul, et celle de ne s'être pas trompé sur cette presse militante qui nie les
faits, sur cette gauche perdue qui croit retrouver les vertus du communisme,
Allah en plus, dans l'islamisme en guerre contre l'Occident. Cependant, les
persistantes réticences à regarder en face les faux gentils, la fracture
identitaire, la guerre civile qui vient, la grande mascarade du macronisme,
sont des encouragements pour continuer d'enfoncer les clous…
Ce qui survient, dans ce rejet des dénis et ce retour au bon
sens, sont les premiers pas vers une émancipation des esprits. Les
mobilisations populaires contre le maintien d'une croix à Ploërmel ou d'une crèche
à Béziers sont d'autres expressions d'une même exaspération contre des
institutions trop brutales. La
démission du général d'armée Pierre de Villiers, en juillet, n'a pas été
une «tempête dans un verre d'eau», comme l'a dit le chef de l'État avec dédain.
Le soldat a fait comprendre qu'il y avait une limite à ne pas franchir par le
pouvoir, quand la survie de la nation était en jeu. C'est la logique
technocratique et financière, qui a rempilé en mai, que l'ex-chef d'État-major
des armées a dénoncé après l'annonce d'une coupe claire de 850 millions
d'euros dans un budget de la Défense déjà sacrifié. «Quels Français
accepteraient de voler dans des avions Caravelle ou de rouler sur l'autoroute
en 2 CV?»,questionne
Villiers (1). Il rappelle aux oublieux que la France est en guerre.
Pour commémorer les attentats islamistes du 13 novembre
2015 à Paris (130 morts, 683 blessés), Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur,
a allumé, lundi soir, une bougie sur le rebord de sa fenêtre ; il a posté
l'image sur Twitter. Un peu plus tôt sur les lieux des tragédies, Macron, les
yeux mouillés, avait participé à un lancé de ballons biodégradables et
multicolores. Mais ce n'est pas avec de tels signes puérils que la nation
impressionnera l'ennemi. Il n'est pas seulement disséminé en Irak et en Syrie.
Il est à l'intérieur du pays ; il veut tuer au nom du Prophète. «La menace
est endogène», confirme le patron de la Sécurité intérieure (DGSI), Laurent
Munez. Cette insécurité, nombreux sont les citoyens qui la comprennent comme un
choc des cultures entre le monde libre et l'islam des interdits. Cependant,
cette lecture conflictuelle est refusée par le chef de l'État, empli d'idées
fausses et dangereuses. Les sonneurs de tocsin ont encore du pain sur la
planche.
Fuite en avant
Le chef de l'État, qui feint l'autoritarisme, ne se
confronte pas aux sources du djihadisme. Il voit ce phénomène, plus
commodément, comme la conséquence de difficultés économiques et sociales
surmontables par l'argent, voire comme le résultat du réchauffement climatique.
L'autre jour, à Abu Dhabi, Macron a déclaré, s'adressant aux musulmans: «Ceux
qui veulent faire croire que l'islam se construit en détruisant d'autres monothéismes
sont des menteurs et vous trahissent.» Pourtant, c'est l'islam conquérant qui
éradique les chrétiens d'Orient ou les juifs des terres d'islam. C'est le même
suprématisme salafiste qui a déclaré la guerre à la France et recrute dans les
cités. Quand Macron, mardi, excuse la radicalisation en accusant la République
d'avoir «démissionné» dans «nombre de nos territoires en difficulté», il
condamne les Français à payer leur tribut à une idéologie qui réclame et
obtient leur soumission. Comment accepter cette humiliation?
La «politique de la ville», relancée mardi par le
président, est construite, comme depuis plus de trente ans, sur l'achat de la
paix civile
La «politique de la ville», relancée mardi par le président,
est construite, comme depuis plus de trente ans, sur l'achat de la paix civile:
une fuite en avant qui a englouti 100 milliards d'euros, déversés sur des
«quartiers sensibles» qui réclament toujours plus. Leur nombre ne cesse
d'ailleurs d'augmenter, sous le flot d'une immigration ininterrompue. 1514
«quartiers prioritaires» sont recensés. C'est vers eux qu'iront encore les
attentions du gouvernement. Macron assume une discrimination positive en faveur
de cette «France de demain». Il la préfère au «monde ancien» dont il veut se
défaire. Dans cette politique si peu équitable, la France rurale et
périphérique est plus invisible que jamais. Il est peu probable qu'elle se
laissera mépriser encore longtemps.
Société civile: l'arnaque
La révolte gagne même la macronie. Mardi, une centaine
d'adhérents de la République en marche ont annoncé leur départ du mouvement,
coupable d'«arrogance», de «mépris», de «déni de la démocratie». De fait,
l'appel à la société civile lancé par le candidat Macron se révèle être une
arnaque. La rupture des élites avec le peuple, que le macronisme était censé
résorber, s'est perpétuée et accentuée.
La grande mascarade
Macron, la grande mascarade: sous ce titre, argumenté par
une longue introduction, sont rassemblés les blocs-notes qui vont de janvier
2016 au 13 octobre 2017. En vente depuis mercredi dans les bonnes
librairies (L'Artilleur).
(1) «Servir», Fayard
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
17/11/2017.
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Notre
Père : les fidèles ne seront plus «soumis» à la tentation (15.11.2017)
Mis à jour le 16/11/2017 à 13h01 | Publié le 15/11/2017 à 20h21
INFOGRAPHIES - Après des années de discussions sur la bonne
traduction, la nouvelle version de la prière entrera en vigueur au début du
mois prochain.
À partir du samedi 2 décembre 2017, à la tombée de
la nuit, Dieu ne «soumettra» plus l'homme à la tentation. Ce qu'Il était censé
faire depuis le 29 décembre 1965! Ce jour-là, l'Église de France avait
décidé de traduire la
phrase latine du Notre Père alors en usage «ne nos
inducas in tentationem» par «ne nous soumets pas à la tentation». Une formule
qui a pu laisser croire à des générations de chrétiens que Dieu tendait une
sorte de chausse-trape à l'homme: tout en lui commandant d'accomplir le bien,
il le «soumettait» à la tentation du mal...
Cette contradiction a fini par devenir un vrai malentendu
dans la tête de bon nombre de fidèles. Au point que l'Église catholique a
décidé - un demi-siècle plus tard - de changer à nouveau la
traduction du Notre Père. C'est ainsi que le 3 décembre 2017,
premier dimanche de la nouvelle année liturgique et premier dimanche du temps
de l'Avent (il commence la veille, le samedi, à la fin du jour), les
catholiques francophones devront prononcer le Notre Père avec cette formule:
«Ne nous laisse pas entrer en tentation.»
«Cette modification est attendue parce que la phrase
actuelle était mal comprise. Elle laissait supposer que Dieu tente l'être
humain alors que Dieu veut que l'homme soit un être libre»
Mgr Guy de Kerimel, 'évêque de Grenoble-Vienne
- Crédits photo : Infographie Le Figaro
Pour aider à la mémorisation de cette phrase, des dizaines
de milliers de petites images avec la dernière version du Notre Père seront
distribuées dans les églises. Et la Conférence des évêques de France, qui
présentait cette nouveauté mercredi matin à Paris, a aussi édité un petit
livre: La prière du Notre Père, un regard renouvelé (Bayard,
Cerf, Mame), préfacé par Mgr Guy de Kerimel. L'évêque de Grenoble-Vienne
reconnaissait, mercredi à Paris: «Au début, il y a aura sans doute des
cafouillages dans les assemblées, mais cette modification est attendue parce
que la phrase actuelle “ne nous soumets pas à la tentation” était mal comprise.
Elle laissait supposer que Dieu tente l'être humain alors que Dieu veut que
l'homme soit un être libre.»
Mais ce prélat, président de la commission épiscopale pour
la liturgie et la pastorale sacramentelle, et donc en charge de ce dossier pour
l'épiscopat, tenait aussitôt à préciser: «Dieu ne tente pas», mais «Dieu ne
nous retire pas toujours de la tentation ou de l'épreuve» car «Il peut se
servir de la tentation pour exercer et fortifier la liberté de l'homme». Mais
ce travail de libération, «Dieu ne le fait pas à notre place» parce qu'«Il
respecte la liberté de l'être humain». En revanche, «Il soutient ceux qui
s'appuient sur Lui».
Piège grammatical
- Crédits photo : Ce tableau de correspondance entre le
Notre Père et ses sources juives dans l'Ancien Testament a été établi pour La
Bible des Familles de Marie-Noëlle Thabut que vient de publier Artège Le Sénevé
Précisément par la prière... du Notre Père. Le
Christ, selon la tradition des Évangiles, l'a directement enseignée aux apôtres
qui lui demandaient «comment» prier. L'évangéliste Luc écrit: «Voici donc
comment vous devez prier: Notre Père qui es aux cieux...» Mais c'est alors que
commença le problème de la traduction car «la seule source écrite dont nous
disposons est en langue grecque, explique le père Édouard Cothenet, exégète,
alors que pour être comprise du peuple, cette prière a probablement été
prononcée en araméen. L'hébreu, à l'époque, étant plutôt d'usage à la
synagogue». Et même si certaines églises orientales prononcent aujourd'hui
encore cette prière en araméen, la langue du Christ, elles le récitent sur la
base du texte canonique grec.
- Crédits photo : Ce tableau de correspondance entre le
Notre Père et ses sources juives dans l'Ancien Testament a été établi pour La
Bible des Familles de Marie-Noëlle Thabut que vient de publier Artège Le Sénevé
Pour «rendre le texte grec», les spécialistes se heurtent
donc à une vraie «complexité», note Mgr de Kerimel. D'autant que «le verbe
grec, eispherein, est bien traduit par le latin “ne nos inducas in tentationem”
que l'on peut traduire “ne nous conduis pas en tentation”. De ce point de vue,
«la traduction œcuménique qui prévalait jusqu'à présent, “ne nous soumets pas à
la tentation”, n'est donc pas une erreur». Sauf qu'il existe un piège
grammatical dans l'interprétation du verbe «soumettre». Cette subtilité grecque
remonte à l'araméen et à l'hébreu. Selon le contexte, ce même verbe peut
revêtir trois sens: «soumettre», «mettre à l'épreuve» ou «tenter».
Conclusion de Mgr de Kerimel: «Pour sortir de l'ambiguïté,
les traducteurs de la traduction officielle liturgique de la Bible
- publiée en 2013 par Mame - ont finalement préféré proposer “ne nous
laisse pas entrer en tentation”. Même l'Église protestante unie de France a elle
aussi adopté, en 2016, cette nouvelle façon de prier le Notre Père.
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Israël ne
tolérera pas un axe chiite en Syrie (16.11.2017)
Mis à jour le 16/11/2017 à 17h57 | Publié le 16/11/2017 à 17h52
L'État hébreu accuse l'Iran de profiter de la guerre et des
nouveaux rapports de forces militaires pour déployer ses forces et celles du
Hezbollah dans le sud du pays.
Depuis le début de la guerre en Syrie, Israël voit son
«problème iranien» grossir de mois en mois. La paix qui s'annonce à l'horizon
après la
chute de Daech et la «victoire» de Bachar el-Assad n'est pourtant pas
de nature à le réduire. «Nous sommes très nerveux. L'armée iranienne s'est
installée en Syrie. Le Hezbollah, bras armé de Téhéran, y agit ouvertement.
Quant aux milices chiites qui ont participé à la guerre, nous craignons
qu'elles soient intégrées à l'armée syrienne.» La consolidation de l'influence
iranienne au Levant est considérée comme un «game changer», un changement de
donne, par Sima Shine, ancienne responsable du Mossad. «En cas de nouvelle
guerre avec le Hezbollah, Israël devra affronter deux fronts iraniens», résume
l'ex-officier de renseignement, qui travaille aujourd'hui dans le très réputé
Institut pour les études de sécurité nationale (INSS).
Israël accuse son grand ennemi iranien de tirer profit de la
guerre et des nouveaux rapports de forces militaires pour déployer dans le sud
de la Syrie ses forces et celles du Hezbollah, qui
s'est aguerri et a acquis de nouvelles capacités offensives. Mais depuis la
crise déclenchée par la
démission du premier ministre libanais, Saad Hariri, probablement
orchestrée par l'Arabie saoudite sunnite pour contrer l'Iran et le Hezbollah
chiites, la question est d'une actualité brûlante.
«Les Israéliens se sont faits à l'idée d'une implantation
du Hezbollah au Liban. Mais ils ne toléreront pas une présence militaire près
du plateau du Golan»
Frédéric Encel, géopolitologue
Pendant toute la guerre, Israël avait édicté deux lignes
rouges en Syrie: le transfert d'armes au Hezbollah et la création de «cellules
terroristes» à la frontière. Tsahal a mené à plusieurs reprises des frappes
contre des convois destinés au bras armé de l'Iran dans la région. Mais
aujourd'hui, le danger se rapproche. «Les Israéliens se sont faits à l'idée
d'une implantation du Hezbollah au Liban, où le soutien des populations chiites
lui donne une certaine légitimité. Mais ils ne toléreront pas une présence
militaire près du plateau du Golan. Car tout le nord du pays serait alors
menacé par des attaques et des infiltrations», explique Frédéric Encel, qui
vient de publier Mon dictionnaire géopolitique (PUF).
Les Iraniens, poursuit le spécialiste, ont visiblement
décidé de s'installer en Syrie, où «des officiers et des milices chiites
établissent des bases pérennes dans la région de Damas, à 30 kilomètres de
la frontière israélienne». Le premier ministre Benyamin Nétanyahou a réaffirmé
qu'il se réservait le droit de frapper dans le sud de la Syrie pour faire
respecter les intérêts israéliens. «Nous ne permettrons pas la consolidation
d'un axe chiite en Syrie comme base avancée pour des opérations», a prévenu son
ministre de la Défense, Avigdor
Lieberman. Tel-Aviv réclame la création d'une zone tampon de
50 kilomètres de large dans laquelle les forces iraniennes et leurs alliés
n'auront pas le droit de pénétrer.
«Entre l'Iran et la Russie, ce n'est plus seulement un
mariage de raison mais une relation stratégique»
Sima Shine, ancienne responsable du Mossad
Le renforcement de l'influence iranienne n'est pas le seul
sujet d'inquiétude pour les dirigeants israéliens. La consolidation de l'axe
russo-iranien en est un autre. «Ce n'est plus seulement un mariage de raison
mais une relation stratégique. L'Iran s'installe dans la région. Ses liens avec
la Russie ne sont plus seulement militaires mais aussi économiques», explique
Sima Shine.
Dans cette nouvelle configuration régionale, Israël se
cherche des alliés. «On ne va pas faire le sale travail pour tout le monde,
mais toute pression supplémentaire contre l'Iran est la bienvenue», commente un
diplomate israélien. Celle qui vient d'Arabie saoudite. Et celle qui vient de
Washington, où Donald Trump a fait de l'Iran son principal ennemi dans la
région et menacé
de «déchirer» l'accord
sur le nucléaire. Les responsables israéliens n'ont jamais digéré le
compromis passé en juillet 2015 entre l'Iran et la communauté
internationale, qui n'a fait que mettre entre parenthèses pendant une dizaine
d'années le programme atomique iranien. «Briser cet accord n'est pas possible.
Mais on pourrait ouvrir deux nouveaux chapitres, sur le programme balistique et
les menaces de l'hégémonie iranienne dans la région», commente Sima Shine.
«Macron comble de manière intelligente la place vacante
laissée par les Américains. C'est le bon moment pour faire de la France un
arbitre dans la guerre froide qui oppose l'axe sunnite à l'axe chiite»
Frédéric Encel
Au sein de l'Union européenne, Emmanuel Macron a été le seul
dirigeant à évoquer publiquement la nécessité d'ouvrir des discussions avec les
Iraniens sur ces deux sujets. Mais les Israéliens doutent qu'il ait les moyens
de l'imposer à ses partenaires européens. La proposition a été accueillie très
froidement par Federica Mogherini, la chef de la diplomatie de l'UE. Depuis,
Benyamin Nétanyahou aurait, selon certaines sources, refusé de la recevoir.
Forte de ses liens culturels et historiques avec les acteurs de la région, la
France multiplie les initiatives pour tenter d'apaiser les tensions entre
l'Iran et l'Arabie saoudite et se poser en médiateur dans la crise libanaise.
Mais sa capacité d'exercer des pressions sur Téhéran est limitée.
Sensible aux dangers que représente l'influence iranienne au
Levant, aux avant-postes de la lutte contre la prolifération nucléaire, elle
veut aussi sauver un accord qu'elle a contribué à durcir et dont elle s'estime
aujourd'hui garante. Elle aimerait aussi se placer sur un futur marché très
lucratif. Paris aurait ainsi refusé de faire pression, comme le demandait
Israël, sur les empreintes bancaires contrôlées par l'Iran au Liban. «Emmanuel
Macron ne veut pas lâcher la proie pour l'ombre. Mais il comble de manière
intelligente la place vacante laissée par les Américains. C'est le bon moment
pour faire de la France une puissance de recours, un arbitre dans la guerre
froide qui oppose l'axe sunnite à l'axe chiite», estime Frédéric Encel.
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Paris :
l'ancienne librairie La Hune ravagée par un incendie (16.11.2017)
Par AFP
agence
Mis à jour le 16/11/2017 à 18h15 | Publié le 16/11/2017 à 17h57
VIDÉO - Un important incendie s'est déclaré jeudi dans
l'ancienne librairie La Hune dans le quartier de Saint-Germain-des-Près à Paris
faisant sept blessés légers.
Un spectaculaire incendie a ravagé jeudi après-midi une
librairie d'arts et de tirages photographiques au 16, rue de l'Abbaye, dans le
quartier Saint-Germain-des-Prés, en plein cœur historique et artistique de
Paris, selon les pompiers.
Vers 17 heures, alors que l'incendie était «en passe d'être
circonscrit», un porte-parole des pompiers faisait état d'un bilan «provisoire»
de sept blessés légers, dont un pompier.
Le feu s'est déclaré peu avant 16 heures dans cette
librairie renommée, La Hune, située
à proximité de l'église Saint-Germain, non loin des célèbres cafés Les Deux
Magots et le Café de Flore, dégageant un épais panache de fumée noire visible
dans une grande partie de la capitale.
Le feu a touché deux niveaux, «avec propagation à des
habitations», a précisé le porte-parole des pompiers. Une cinquantaine de
pompiers et une dizaine d'engins ont été déployés, a-t-il ajouté.
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Entre le
Liban et l'Arabie, cinq points pour comprendre l'affaire Hariri (16.11.2017)
Par Alexis
Feertchak
Mis à jour le 16/11/2017 à 15h09 | Publié le 16/11/2017 à 14h36
VIDÉO - Près de deux semaines après l'annonce de sa
démission, le premier ministre libanais a accepté l'invitation d'Emmanuel
Macron de venir en France. Les autorités libanaises estiment qu'il est retenu
captif à Riyad. En toile de fond, la rivalité entre Téhéran et le royaume des
Saoud.
Saad Hariri, le
premier ministre libanais démissionnaire, retenu depuis douze jours à Riyad en
Arabie saoudite, a accepté l'invitation d'Emmanuel Macron de venir en France.
Le président français a ajouté que ce n'était pas un exil politique, mais «un
acte d'amitié».
Hariri avait annoncé sa démission le 4 novembre, refusée
par le président libanais, Michel Aoun. Cet événement fait l'effet d'un
séisme dans un petit pays dont le fonctionnement politique complexe est pris
dans la tourmente de l'affrontement entre l'Arabie Saoudite et l'Iran. Le
Figaro fait le point.
● À la surprise générale, Saad Hariri démissionne
depuis l'Arabie Saoudite
Quand les Libanais ont découvert
l'intervention télévisée en Arabie saoudite de leur premier ministre,
beaucoup ne l'ont pas reconnu. Généralement calme, souriant et modéré, Saad
Hariri, qui dispose aussi de la nationalité saoudienne, apparaissait nerveux
tout en tenant un discours virulent contre la «mainmise» sur le Liban de l'Iran
et de son allié historique, le parti chiite Hezbollah, qu'il accuse d'avoir
«créé un État dans l'État». Le fils de l'ancien premier ministre Rafic Hariri,
assassiné au Liban en 2005, annonce aussi craindre pour sa vie.
Les
médias libanais puis internationaux en ont rapidement conclu que Hariri était
retenu à Riyad et que sa démission lui avait été imposée. Celle-ci est
intervenue au moment où le jeune
prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, alias MBS, organisait
une vague
d'arrestation sans précédent contre une soixantaine de dignitaires saoudiens.
● Les autorités libanaises demandent son retour et
refusent sa démission
À Beyrouth, le dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a,
dès le lendemain, accusé l'Arabie Saoudite d'avoir contraint Saad Hariri à
démissionner, puis de le retenir de force à Riyad. Le président
du Liban, Michel Aoun, et celui du Parlement, Nabih Merri - respectivement
chrétien et chiite comme l'exige la constitution libanaise - ont quant à eux
refusé cette démission, estimant qu'elle était inconstitutionnelle, puisque
prononcée de l'étranger. «Nous
le considérons comme en captivité et détenu», a lâché Michel Aoun le 15
novembre.
La communauté sunnite, à laquelle doit appartenir le premier
ministre, réclame aussi dans sa majorité le retour de Saad Hariri. «Il s'est
formé une très large unité au sein de la population libanaise et notamment
autour du parti de la famille Hariri, dont seules quelques voix dissidentes ont
nié la situation du premier ministre», explique au Figaro Gérard
Corm, professeur à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth et ancien ministre
libanais des Finances. Pour Raphaël Gourrada, membre du Cercle des chercheurs
sur le Moyen-Orient (CCMO), la «troïka présidentielle» [l'équilibre
confessionnel des pouvoirs entre le président, le premier ministre et le
parlement, NDLR] a résisté et, même s'il existe «une cacophonie entre les
alliés d'Hariri, les élites ne sont pas tombées dans le panneau».
● Pourquoi le pouvoir saoudien fait pression sur
Beyrouth
Depuis sa création en 1982, le Hezbollah chiite est la bête
noire de Riyad puisque le «Parti de Dieu», en arabe, est l'allié indéfectible
de l'Iran. Mais, «depuis deux ans, l'Arabie saoudite avait lâché du lest au
Liban, acceptant même l'alliance
entre Michel Aoun, partisan d'un rapprochement avec le Hezbollah, et Saad Hariri,
qui acceptait de devenir son premier ministre», explique Raphaël Gourrada.
Cette page se tourne avec «MBS»
qui, devenu en juin dernier le nouveau prince héritier saoudien, soutient
une diplomatie beaucoup plus offensive dans la région. «Quoi de mieux pour
celui qui se veut l'homme fort de Riyad que de brandir la menace de l'Iran?»,
commente le chercheur.
Après la guerre
saoudienne au Yémen contre les rebelles Houthissoutenus par Téhéran et
le blocus
saoudien contre le Qatar, accusé par Riyad de se rapprocher de l'Iran, Mohammed
ben Salmane chercherait en forçant la démission de Saad Hariri à faire tomber
le gouvernement libanais d'union nationale, qui comprend des représentants du
Hezbollah. La manœuvre est risquée. Pour Pierre Berthelot, chercheur à
l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), «BMS est coincé car les
sunnites ne sont pas en mesure de rivaliser par les armes avec le Hezbollah».
Depuis la fin de la Guerre civile, tous les groupes armés ont été désarmés au
Liban, sauf la puissante organisation chiite qui fait l'objet d'«une vénération
dans le Sud pour sa lutte contre Israël» et qui a «l'appui de beaucoup de
chrétiens depuis son accord avec le président Aoun l'année dernière», ajoute
Raphaël Gourrada. «L'affaire Hariri se retourne en fait contre l'Arabie
saoudite qui l'a manigancée et apporte indirectement de l'eau au moulin du
Hezbollah», lâche l'ancien ministre Gérard Corm.
● Quelle issue à la crise?
Dans une seconde
intervention télévisée le 12 novembre, Saad Hariri a nuancé ses propos et
a déclaré qu'il allait «très bientôt rentrer dans son pays». Le dirigeant
sunnite a même pu laisser croire qu'il pourrait revenir sur sa démission. «Si
Hariri revenait, sera-t-il complètement libre de reprendre ses fonctions?», se
demande Pierre Berthelot. Saad Hariri est aussi un homme d'affaires. Son groupe
Saudi Oger connaît des difficultés financières. «On peut imaginer une forme de
chantage des Saoudiens», ajoute le chercheur.
«Riyad a réussi à diviser les sunnites. Ceux qui exigent un
dirigeant plus dur vis-à-vis du Hezbollah, comme l'ancien ministre de la
Justice, Achraf Rifi, sont en position de force», commente Pierre Berthelot.
«Mais au Liban, il faut toujours un compromis: si les sunnites choisissent un
profil moins modéré que Saad Hariri, les chiites et beaucoup de chrétiens s'y
opposeront», ajoute le chercheur qui estime qu'un premier ministre intérimaire
pourrait être nommé, en attendant les élections législatives de juin prochain.
● Quelle place pour la France dans la résolution de
la crise?
Emmanuel Macron, qui a rencontré
le prince héritier saoudien dès le 9 novembre après un voyage aux Émirats
Arabes Unis, a été très actif depuis le début de l'affaire Hariri. Par un
mandat de la Société des Nations reçu en 1920, la France a administré le Liban
jusqu'à son indépendance en 1943. «Par ses liens historiques et culturels, la
France jouit d'une place privilégiée au Liban et joue traditionnellement un
rôle de médiateur dans les négociations politiques», note Raphaël Gourrada, qui
qualifie de «victoire diplomatique» la
proposition d'Emmanuel Macron d'accueillir quelques jours Saad Hariri à Paris.
«Paris contribue à la désescalade, mais ce sera vraiment une
victoire diplomatique quand la crise sera résolue, ce qui est encore loin
d'être le cas», modère Pierre Berthelot qui note que «Mohammed ben Salmane a
sans doute voulu adresser un signe de bonne volonté». «Paris a tout intérêt à
calmer les ardeurs du prince héritier saoudien, car plus la crise s'envenime,
plus elle sera pressée par Riyad de choisir son camp», ajoute-t-il. Pour le chercheur
de l'IPSE, la France dispose à l'échelle locale libanaise d'une indéniable
influence, mais connaît aussi ses limites à l'échelle de tout le Moyen-Orient.
«Paris pourrait privilégier une action concertée avec d'autres pays», conclut
Pierre Berthelot, évoquant la Russie et les États-Unis. «La Russie, peut-être
plus que les États-Unis», abonde Raphaël Gourrada car «Washington a réduit
mécaniquement son influence en se mettant à dos l'Iran».
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Marrakech,
plaisirs augmentés au Royal Mansour (14.11.2017)
Mis à jour le 15/11/2017 à 08h00 | Publié le 14/11/2017 à 16h50
L'hôtel du roi s'agrandit et propose des visites exclusives
dans la médina.
De notre envoyée spéciale à Marrakech
Véritable mirage au cœur de Marrakech, le «jardin»
réenchante l'environnement du Royal
Mansour. D'inspiration arabo-andalouse, l'espace verdoyant fait écho aux
traditionnels grands jardins de la ville et aux paysages agricoles du Maroc.
Luis Vallejo a réaménagé ce 1,5 ha à l'ombre du palais, en le livrant au
tintement des cours d'eau et aux fragrances de jasmin, de daturas et de fleurs
d'oranger. Une trame d'oliviers borde la muraille et ponctue les chemins. Çà et
là, palmiers, grenadiers, dattiers donnent à l'ensemble une force vertigineuse.
La nouvelle piscine, de 600 m2, occupe le cœur de cette oasis. Elle est
entourée de sept pavillons de 45 à 80 m2, réservables à la journée pour ceux
qui souhaitent profiter de soins et se restaurer de façon plus intime. Les murs
sont recouverts d'un effet pisé: on croirait l'ensemble surgi des sables. De
confortables sofas semés de coussins multicolores s'offrent autant à l'ombre
des arbres qu'aux rayons du soleil. Dans une ambiance musicale élégamment
balnéaire créée par Béatrice Ardisson, le visiteur nage autour d'une île
imaginaire dont chaque rivage l'appelle. De l'autre côté du jardin, le nouveau
restaurant propose une carte bucolique en harmonie avec le cadre: ceviche
parfumé, salades bio et légumes cuits en croûte de paille, fondants et sucrés à
souhait.
À quelques minutes à pied de la place Djema'a el-Fna et à
l'ombre de la magnifique mosquée Kutubiyya, l'hôtel est infiniment silencieux
Avant les tentations de ce jardin, tout juste éclos,
certains auraient pu se sentir enfermés dans cette bulle dorée qu'est le Royal
Mansour. Pour autant, la médina miniature couleur ocre que le roi du Maroc a
fait édifier il y a maintenant sept ans garde intact son pouvoir mystérieux.
Sans poussière ni klaxons, à quelques minutes à pied de la place Djema'a el-Fna
et à l'ombre de la magnifique mosquée Kutubiyya, l'hôtel est infiniment
silencieux. Un labyrinthe de galeries souterraines permet au personnel de
circuler et d'apparaître comme par magie dans chacun des cinquante-trois riads.
Ces bâtisses construites sur trois niveaux se referment sur le visiteur comme
l'écrin sur le diamant: organisés autour d'un patio central, pourvues de
terrasses qu'agrémentent bassins et cheminées extérieures, elles surplombent un
salon richement meublé et des chambres capitonnées dont on ne voudrait jamais
sortir. Les zelliges, ces carreaux d'argile émaillés, recouvrent les murs, les
luminaires ajourés du décorateur Yahya tamisent les espaces. Heureusement,
l'attrait de La Grande Table Marocaine, sur laquelle Yannick Alléno explore
magistralement la richesse du terroir, est certain. On goûte avec délectation à
l'épaule d'agneau fondante.
Plus loin, le spa d'un blanc pérenne se déploie autour d'une
vasque remplie de roses odorantes. Rkia, l'une des onze thérapeutes qui masse
pieds nus pour étendre ses racines, a le don d'évacuer les énergies négatives.
Dans la bulle dorée du Royal Mansour. - Crédits photo :
Royal Mansour Marrakech
Difficile de se soustraire à un tel sortilège. Pourtant, le
Royal Mansour propose une escapade qui mérite d'être vécue. Départ en side-car,
à travers la médina. Destination: l'atelier-résidence
de Serge Lutens. Cette maison inhabitée, dont la visite est ouverte aux
seuls clients de l'hôtel, est le secret le mieux gardé de la ville. Le fameux
parfumeur, âgé de 76 ans aujourd'hui, a bâti ici au cours des quarante
dernières années un édifice baroque et profond qui semble enfoui dans la terre
de la médina. On y respire autant qu'on y regarde les parois de brique enduite,
les plafonds en nid d'abeille or et marron, les patios labyrinthiques et les
couloirs exigus dont la dentelle semble s'étendre sur plusieurs hectares. Au
premier étage se découvre, comme le cœur de cet organisme vivant, la pièce où
le maître parfumeur conserve ses fragrances. Dans des armoires profondes, de
simples Tupperware abritent les essences de bois de cèdre, de cendre, de fleurs
multiples et des centaines d'autres parfums, prêts à être assemblés. Cette
maison est enivrante comme l'art de Genet et celui des peintres orientalistes
auquel elle donne asile.
Royal Mansour, à partir de 1 000 €
la nuit, à deux avec le petit déjeuner. Visite de l'atelier Serge Lutens, à
partir de 622 €. Spécial Leading Hotels of the World (LHW), séjour«Mon
Marrakech by Yves Saint Laurent»: 2 nuits avec petits déjeuners, accès au
nouveau Musée Yves Saint Laurent, au Musée berbère et au Jardin Majorelle,
dîner à La Grande Table Marocaine, accueil et transferts VIP, à partir de
2350 € pour deux. Tél.: 00 212 529 80 80 80 et royalmansour.secretbox.fr
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Une
planète de la taille de la Terre découverte à 11 années-lumière (16.11.2017)
Publié le 16/11/2017 à 19h00
Un télescope européen installé au Chili a découvert une
planète comparable à la Terre, autour d'une des étoiles les plus proches du
Soleil.
Un télescope de l'observatoire austral européen (ESO) au
Chili a fait une bien belle découverte: une planète rocheuse d'une taille
comparable à celle de la Terre tournant autour de l'étoile Ross 128,
extrêmement proche de notre Soleil, à seulement 11 années lumière. Et en plus,
cette nouvelle terre orbite dans la zone dite habitable autour de son étoile, à
une distance où la température est assez tempérée pour permettre l'existence
d'eau sous forme liquide, un prérequis à l'apparition de la vie telle qu'on la
connaît sur Terre.
C'est la deuxième planète de type «terrestre» la plus proche
de nous, derrière Proxima b, découverte autour de Proxima du Centaure, à
seulement 4 années lumières.
«C'est une très belle cible pour la recherche de traces de
vie ailleurs dans l'univers, et la prochaine génération de télescope géant
comme l'ELT européen en construction au Chili devrait être capable de
l'observer directement et nous donner des informations sur la composition de
son atmosphère», s'enthousiasme Xavier Bonfils, chargé de recherche à
l'Institut de Planétologie et d'Astrophysique de Grenoble (Université
Grenoble-Alpes/CNRS) et premier auteur de la publication qui décrit la
découverte dans la revue Astronomy & Astrophysics.
La nouvelle planète au nom de code Ross 128b est un peu plus
lourde que la Terre: sa masse est au moins 35% plus grande, ce qui fait qu'elle
est très probablement rocheuse. La quantité de lumière qu'elle reçoit de son
étoile fait qu'elle doit avoir une température de surface «tempérée», proche de
ce qu'on connaît sur Terre, entre -60°C et 20°C.
Malgré les similarité avec notre Terre, l'étoile autour de
laquelle tourne Ross 128b est tout de même très différente de notre Soleil.
C'est en effet un tout petit astre, une naine rouge, qui est très peu lumineuse
et peu chaude. C'est pour cette raison que la planète peut avoir une
température «tempérée» alors qu'elle est 20 fois plus proche de son étoile que
ne l'est la Terre du Soleil, et en fait le tour en seulement 9,9 jours. Point
positif pour les chances d'y trouver de la vie, la petite étoile est très
stable, sans éruptions visibles qui pourraient disperser son atmosphère,
contrairement à Proxima b, plus proche mais dont l'étoile est moins «calme».
«Nous ciblons spécifiquement ces petites étoiles, qui sont
très nombreuses et nous donnent les meilleures chances, avec la technique de
détection que nous utilisons, de trouver des exoplanètes de la taille de la
Terre,» explique Xavier Bonfils. Et malgré cela, la détection n'a pas été
évidente. «Cela fait 15 ans qu'on observe cette étoile avec le spectrographe
HARPS monté sur le télescope de 3,60 m de la Silla au Chili. Et il a fallu
cumuler de nombreuses observations et améliorer notre technique de traitement
des données» rapporte l'astrophysicien français.
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Journaliste au Figaro - Rubriques Sciences, Santé et
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@cyrillevan sur Twitter
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