Justine Augier: «Le printemps syrien ne peut être effacé»
(22.11.2017)
INTERVIEW - La romancière, qui
vient d'être récompensée par le prix Renaudot Essai 2017, retrace le combat de
Razan Zaitouneh, avocate et opposante syrienne, enlevée en 2013.
Romancière et essayiste, Justine
Augier vient de publier De l'ardeur (Actes Sud, septembre
2017), un récit consacré à une figure de l'opposition syrienne, Razan
Zaitouneh, et à l'histoire récente de la Syrie. Après avoir travaillé dans
l'humanitaire en Afghanistan, elle a vécu plusieurs années à Beyrouth.
LE FIGARO. - Vous avez
consacré votre livre à Razan Zaitouneh. Qui est-elle?
Justine AUGIER. -
Razan Zaitouneh est une dissidente syrienne, avocate spécialisée dans les
droits de l'homme et plus particulièrement dans la défense des prisonniers
politiques qu'elle a accompagnés dès 2000. Elle a dû quitter Damas où elle
vivait dans la clandestinité en 2013. Elle a été enlevée à Douma, dans la
banlieue de la capitale, probablement par un groupe salafiste, en décembre 2013
avec son mari et deux compagnons. Depuis, on est sans nouvelle d'eux.
Pourquoi avez-vous décidé
d'écrire sur cette figure de la révolution syrienne?
Je l'ai découverte par hasard en
visionnant un film documentaire où on la voyait quelques mois avant son
enlèvement. Elle y paraît extrêmement fatiguée. C'est une femme qui aurait aujourd'hui
40 ans, Elle est frêle physiquement mais une force se dégage d'elle. Son
enlèvement coïncide avec le moment où les derniers espoirs de révolution
disparaissent aussi. Plus j'en découvrais sur elle, plus j'étais convaincue
qu'elle était une figure dont il fallait parler. Car, au-delà de la révolution
syrienne, elle incarne un certain nombre de valeurs, un esprit de résistance
incroyable, une liberté et une éthique singulières.
Concrètement, qu'a-t-elle
accompli?
Elle est à l'origine d'un travail
de documentation sur les exactions commises en Syrie depuis 2000. Pendant des
années, elle a cherché à imposer un rapport à la vérité qui était une manière
de résister dans un régime cultivant la terreur et l'opacité.
Vous établissez un parallèle
entre Michel Seurat, le chercheur français enlevé en 1985 par le Hezbollah
libanais, décédé en captivité, et Razan Zaitouneh. Pourquoi?
Michel Seurat a, le premier,
analysé le contexte à l'époque de Hafez el-Assad, le père. Il a été le premier
à qualifier le régime d'État de barbarie et tous les outils d'analyse qu'il met
en place sont bons pour étudier la répression du soulèvement de 2011. Michel
Seurat et Razan Zaitouneh se ressemblent par leur appétit de
compréhension du réel dans sa complexité. Ce sont deux personnes profondément
libres dans le sens où elles cherchent à se faire leur propre idée. Ce qui est
triste, c'est que ces gens-là se font beaucoup d'ennemis. Ils sont traqués. Il
s'agit alors de les faire disparaître et, avec eux, une vision du monde qui ne
convient pas à ceux qui en défendent une plus simpliste.
«Le livre tente de mettre en
lumière un certain nombre de liens entre Razan et moi, entre ici et là-bas,
entre notre histoire et celle-là»
C'est un livre sur Razan Zaitouneh
mais n'est-ce pas aussi un récit sur le regard que l'on peut porter de France
sur un événement apparemment lointain et confus?
J'avais l'intime conviction,
peut-être parce que je vis à l'étranger depuis plusieurs années et parce que
j'ai fréquenté cette région ou d'autres pays en guerre, que cette histoire,
d'une certaine façon, nous concerne. Le livre tente de mettre en lumière un
certain nombre de liens entre Razan et moi, entre ici et là-bas, entre notre
histoire et celle-là. Je voulais permettre au lecteur de trouver sa place dans
cette histoire, et donc de le questionner sur la notion de responsabilité
individuelle et collective.
Le retour de Bachar el-Assad
s'est aujourd'hui imposé comme une sorte de mal nécessaire pour l'avenir de la
Syrie. Restera-t-il encore quelque chose du «printemps syrien» de 2011?
Aujourd'hui, il est difficile de
trouver des éléments auxquels se raccrocher pour espérer, mais il y a un
élément important: cette expérience révolutionnaire est en chaque Syrien qui
est descendu dans la rue et qui a réclamé sa liberté, sa dignité en 2011.
C'était le message d'origine, même s'il a été dévoyé ensuite. Cette expérience,
on ne peut pas l'effacer. Même si, aujourd'hui, ces personnes souhaitent un
retour à une vie normale, avec Bachar
el-Assad, puisque c'est le scénario qui s'impose, il faut continuer à
cultiver la mémoire du soulèvement révolutionnaire.
Concrètement, y a-t-il un
moyen d'agir pour que les exactions commises depuis toutes ces années ne
restent pas impunies?
Il y a le levier juridique. On ne
peut pas avoir recours à la Cour
pénale internationale à cause des vetos chinois et russe, mais dans
certains pays européens quand un citoyen est concerné dans une affaire
syrienne, on peut le juger devant les tribunaux de son pays C'est le cas en
France où deux affaires sont en cours d'instruction. Et certains pays, comme la
Suisse, ont aussi les compétences pour juger des cas universels. L'idée que
l'impunité ne soit pas totale est importante.
«Je me vois lui parler comme à
une amie. Pendant que j'écrivais le livre, j'étais obsédée par l'idée qu'il
fallait que je la rende humaine»
Justine Augier, parlant de Razan
Zaitouneh
Avez-vous eu, au cours de
l'écriture de votre livre, le sentiment que Razan Zaitouneh pourrait un jour
revenir?
En commençant à écrire, j'avais
la conviction que Razan ne reviendrait pas. Au début, quand je parlais avec ses
proches, je trouvais qu'il y avait chez eux une forme de folie dans leur espoir
de la revoir. Tout indiquait qu'elle ne reviendrait pas. En avançant dans
l'enquête, je me suis rapprochée d'eux. Je ne dirai pas que je partage cet
espoir, mais je le trouve admirable et très beau. Je me suis laissé émouvoir
par cet espoir.
Avez-vous imaginé votre
rencontre avec elle?
Je me vois lui parler comme à une
amie. Pendant que j'écrivais le livre, j'étais obsédée par l'idée qu'il fallait
que je la rende humaine. J'étais à l'affût des moindres détails. Je voulais
savoir quelle musique elle écoutait, d'où lui venait ce goût pour l'Italie,
quelles étaient ses lectures, tout ce qui rend un être présent et concret. Le
livre ne peut fonctionner que si la rencontre s'opère avec une femme incarnée.
Aujourd'hui le jury Renaudot
couronne votre livre. Quel sentiment cela vous procure-t-il?
La question de l'engagement a
toujours été au cœur de ma réflexion. J'ai d'abord travaillé dans l'humanitaire
avant de renoncer, car je trouvais cet engagement trop complexe en termes de
responsabilité et de conséquences de nos actions. Le seul rôle qui me restait
était de raconter, d'écrire. Et je suis aujourd'hui très heureuse d'avoir vu ce
livre être récompensé par le prix Renaudot. Cela tient évidemment à la
satisfaction de voir son travail reconnu, mais, dans ce cas précis, je suis
encore plus heureuse parce que c'est cette histoire-là. Le prix va contribuer à
la faire vivre un peu plus.
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Insatisfaits de leur travail, les Français souhaitent
majoritairement se reconvertir (23.11.2017)
Par Pierre
Zéau et Service
InfographieMis à jour le 23/11/2017 à 10h59 | Publié le 23/11/2017 à
06h00
Un sondage du groupe AEF révèle
que neuf Français sur dix souhaiteraient se reconvertir ou se sont déjà
reconvertis professionnellement. Une envie qui n'attend pas les années puisque
69% des moins de 30 ans y pensent déjà.
Alors que s'ouvre le salon de la
reconversion professionnelle ce jeudi à Paris, un sondage* réalisé par le groupe AEF dévoile que
28% des Français se sont déjà reconvertis, soit plus d'un Français sur quatre.
Ce changement d'horizon est généralement motivé par une des trois raisons
suivantes: se rapprocher de ses valeurs, rebondir après un licenciement ou
encore changer de poste par lassitude.
Deux tiers d'entre eux ont ainsi
totalement changé de métier et 14% ont fait le choix de devenir indépendant.
Autre enseignement à tirer de ce sondage, il apparaît que les cadres passent
plus facilement à l'action quand il s'agit de reconversion. Un tiers d'entre
eux s'est lancé, contre 23% de non-cadres.
Pour les sondés, être déterminé
est indispensable pour aller au bout de sa reconversion. Viennent ensuite la
«solidité du projet», l'accompagnement et la formation. Globalement, les
résultats de ces reconversions sont positifs, le sondage indique que 85% des
sondés se sentent plus épanouis ou ont un meilleur équilibre de vie depuis leur
changement radical de vie professionnelle.
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64% n'osent toujours pas
franchir le pas, 8% n'y ont même jamais pensé
Il existe un cap majeur entre
souhaiter se reconvertir et le faire vraiment. Prétextant souvent ne pas savoir
par où commencer, 64% des Français envisageant une reconversion n'arrivent pas
à se lancer. Les jeunes de moins de 30 ans sont les plus concernés par cette
catégorie. Peu de temps après leur entrée dans le monde du travail, 69% d'entre
eux souhaitent déjà réorienter leur carrière... sans pour autant s'en donner
les moyens.
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commencer
Enfin, seulement 8% des Français
n'ont jamais songé à se reconvertir. Si 27% d'entre eux se sentent tout
simplement épanouis dans leur métier, 49% sont immobilisés par manque
d'imagination. Ils n'ont pas la moindre idée de la direction à prendre.
D'autres encore estiment que le risque est trop élevé et que les démarches,
notamment d'inscription à une formation professionnelle, sont trop compliquées.
L'acte II de la révolution
sociale de la présidence Macron - la
réforme de la formation professionnelle - vise notamment à simplifier
ces procédures. En guise d'exemple, le congé individuel de formation (CIF) qui
permet au salarié de s'absenter longuement de son travail pour suivre une
formation tout en étant rémunéré, sera pleinement remplacé par le compte personnel
de formation (CPF). Ce dernier, mis en place en 2015, simplifie le dispositif
et crédite en nombre d'heures par année chaque employé souhaitant bénéficier
d'une formation qualifiante ou diplômante.
* L'étude est menée sur
un échantillon représentatif de 1000 actifs français, âgés de 18 ans et plus,
dont: 689 personnes en emploi ; 51% de cadres, 45% de non-cadres et 4% d'autres
statuts (autoentrepreneurs, artisans...) ; 70% de femmes et 30% d'hommes ; 80%
du secteur privé, 20% du secteur public.
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Un Américain construit sa propre fusée pour prouver que la
Terre est plate (22.11.2017)
VIDÉO - Mike Hughes en est
convaincu, la Terre n'est pas ronde, mais plate, et entourée d'un mur de glace.
Et il est prêt à risquer sa vie pour le prouver. Samedi, ce Californien de 61
ans décollera depuis le désert de Mojave à bord de sa fusée artisanale afin de
«mettre fin à l'idée que la Terre est ronde comme une balle».
Pour cet ancien chauffeur de
limousine, qui se qualifie lui-même de «show de téléréalité vivant», la Terre
serait «un disque, entourée d'un mur de glace», et la Nasa contrôlée par des
«francs-maçons partisans de l'idée d'une planète ronde» rapporte le Washington Post . Des idées
balayées depuis des siècles certes... mais pour prouver la soi-disant
supercherie, Mike Hughes a donc passé ces dernières années à construire une
fusée à vapeur à partir de matériaux de récupération. Coût de l'entreprise,
20.000 dollars (18.000 euros). Le mobil-home qui lui servira de pas de tir a
été acheté sur Craigslist, le Bon Coin américain.
«Mad» Mike espère ainsi atteindre
550 mètres d'altitude à près de 800km/h pour prendre en photo la Terre. «Je ne
crois pas la science, je connais l'aérodynamique, la dynamique des fluides et
la façon dont les choses évoluent dans l'air. Mais ce n'est pas de la science,
c'est juste une formule», a déclaré à AP l'apprenti ingénieur, parrainé
par un groupe de recherche sur la
Terre plate.
Hughes n'en est pas à son premier
coup d'essai. En 2014, il s'était envolé à 418 mètres de hauteur dans un engin
de sa fabrication. La fusée avait explosé en vol, l'excentrique américain ne
devant sa survie qu'à ses parachutes. «Je serais idiot de ne pas avoir peur»,
indique-t-il au Washington
Post. «Personne ne s'en sortira vivant de toute façon. J'aime faire des
choses extraordinaires que personne d'autre ne pourrait faire, et personne dans
l'histoire de l'humanité n'a conçu, construit et piloté sa propre fusée.»
Sa fusée décollera le 25 novembre
à Amboy, une ville fantôme de Californie. Le lancement sera retransmis en
direct sur sa chaîne YouTube ainsi,
entre 14h00 et 15h00 heure locale, soit 23h00 et minuit en France.
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Immigration : la politique d'intégration en souffrance et des
risques sanitaires en vue (23.11.2017)
Se fondant sur un rapport, le
président de la Haute Assemblée, Philippe Bas, estime que le contrat
d'intégration républicaine (CIR) est un échec. Il pointe la faiblesse des
formations linguistiques et le manque de contrôles médicaux.
«La politique d'intégration est
en grande souffrance». Tel est le sentiment du sénateur Les Républicains de la
Manche, Philippe Bas, par ailleurs président de la commission des lois de la
Haute Assemblée. Ancien secrétaire général de l'Élysée sous Chirac, ce
personnage public respecté pour son sens de l'État et des nuances, estime que
«la politique migratoire du gouvernement est aujourd'hui faite de demi-mesures
alors que les migrations en provenance des pays en crise continuent de
progresser».
Son collègue François-Noël
Buffet, sénateur LR du Rhône, lui apporte, dans son dernier avis sur le projet
de loi de finance 2018, de sérieux arguments. Le rapport Buffet précise, par
exemple, que «le contrat d'intégration républicaine (CIR) est un échec:
près de 40 % des étrangers qui suivent ses formations linguistiques n'atteignent pas le niveau
de français requis». Par ailleurs, «les visites médicales proposées aux
étrangers primo-arrivants ont été réduites de 76 % entre 2015 et 2017, ce
qui pose un grave problème de santé publique, notamment dans les universités».
L'asile, axe majeur
L'«intégration tranquille» est
pourtant censée constituer l'une des marques de fabrique de la nouvelle
politique promue par Emmanuel Macron en matière d'immigration. Elle est conçue
comme le pendant de sa fermeté affichée contre l'immigration irrégulière.
La commission des lois du Sénat
porte donc un regard assez désabusé sur ce dossier. Certes, le sénateur Buffet
concède que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a
naturellement vocation à animer concrètement cette action publique. Il rappelle
que cet organisme est «notamment responsable de la mise en œuvre du contrat
d'intégration républicaine, du contrôle médical des étrangers admis au séjour,
du regroupement familial et de l'accompagnement administratif des entreprises
recrutant un salarié étranger».
Seulement voilà: selon lui, «l'asile est devenu l'axe majeur de l'action de l'OFII,
celui qui concentre les réflexions stratégiques et les nouveaux moyens alloués.
Les missions de l'office changent de nature, ce qui semble fragiliser sa
fonction historique d'intégration des étrangers primo-arrivants». Pour les
conservateurs du Sénat, en matière d'intégration, il faudrait quasiment tout
revoir.
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La «filière orléanaise» du djihad devant la justice
(22.11.2017)
Parmi les neuf prévenus jugés
pour avoir participé à une filière d'acheminement de djihadistes vers la Syrie,
on retrouve des profils parfaitement intégrés, comme cet employé marié et père
de famille.
«Je pourrais vous faire un petit
coucou durant la semaine mais je ne vous promets rien.» Des mots inhabituels,
adressés par lettre par un prévenu au tribunal correctionnel de Paris qui juge,
depuis mercredi et jusqu'au 30 novembre, neuf personnes, toutes détenues,
accusées d'avoir participé à une filière d'acheminement de volontaires pour le
djihad syrien. Ils encourent dix ans de prison pour association de malfaiteurs
en relation avec une entreprise terroriste. Mercredi, huit étaient donc
présents, le neuvième ayant refusé de venir «faire coucou» au tribunal. Le
pittoresque mis à part, le procès de la «filière d'Orléans», ville des
prévenus, plonge l'observateur dans la préhistoire de l'engagement des partisans
de l'islam radical en Syrie, avant l'État islamique. La filière se développe
dès 2012. Un groupe de jeunes - la plupart ont une vingtaine d'années à
l'époque - se réunit autour d'une mosquée d'Orléans. Ils sont français,
certains sont binationaux (Algérie, Maroc…), d'autres, convertis parfois, ont
des origines familiales d'Afrique noire. Un prédicateur les endoctrine, tient
des réunions en soirée où il est question de djihad, de résistance au régime
honni de Bachar el-Assad. Le prédicateur ne figure pas au banc des prévenus.
Étranger, il a été expulsé du territoire français. Les premiers «volontaires»
partent au cours de cette même année 2012, ces Orléanais comptant parmi les
premiers djihadistes français à faire le voyage.
Des profils parfaitement intégrés
Un mouvement les accueille à bras
ouverts: Jaish Muhammad, l'Armée de Mahomet, aussi connu comme la Katiba Jaish
Muhammad, la Brigade de l'armée de Mahomet (BAM), est, selon l'accusation,
proche de Jabhat al-Nosra, lui-même affilié à l'époque à al-Qaida. Le groupe a
été fondé par un Égyptien, vétéran du djihad en Afghanistan dans les années
1980 - il a aussi combattu en Libye et en Birmanie. L'homme a passé 12 ans dans
les geôles égyptiennes. Le BAM est actif dans le nord-ouest de la Syrie et
regroupe 150 à 200 combattants, venus d'Égypte, du Maghreb et bientôt de
France. Un des Orléanais devient en effet le bras droit de l'émir fondateur de
Jaish Muhammad. Au total, une vingtaine de jeunes de la région d'Orléans a fait
le voyage. Outre les neuf suspects jugés depuis mercredi, plusieurs autres ont
déjà été jugés en France. Un bilan encore plus inquiétant quand on considère
que certains de ces djihadistes, venus d'un Val de Loire peu connu comme un
fief de la radicalisation, présentent des profils parfaitement intégrés. Comme
c'est le cas de celui qui a été interrogé en premier, mercredi, par le
tribunal. Employé à la caisse primaire d'Assurance-maladie, marié civilement,
père d'un enfant, il passait en moyenne vingt-cinq minutes par jour avec son
ami d'enfance devenu bras droit de l'émir du BAM. Dans leurs échanges, selon un
code grossier, il était notamment question de matchs (combats), de crampons
(armes) ou d'entraîneur (l'émir). Grand absent du procès, cet ami d'enfance
serait encore dans la zone syro-irakienne. Au total, dix djihadistes orléanais
ne seraient pas rentrés, laissant planer une ombre sur le sort de ces
«revenants» en puissance.
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Immigration : le Sénat épingle la politique de Macron
(23.11.2017)
INFOGRAPHIE - Un avis de la
Commission des lois du Sénat critique l'action du gouvernement sur
l'immigration et prédit qu'il «sera dans l'incapacité de tenir ses engagements
en matière d'éloignement» des clandestins.
Soixante pages d'un rapport poil
à gratter, truffé de chiffres, de graphiques… Le point budgétaire du sénateur
LR du Rhône François-Noël Buffet, est impitoyable. Il justifie le rejet par la
commission des lois de la Haute Assemblée, présidée par Philippe Bas, des
crédits de la mission «Immigration, asile et intégration» du projet de loi de
finances pour 2018. Dans ce document révélé par Le Figaro, les sénateurs
dénoncent l'«écart entre les annonces du gouvernement et ses actes». Voici
pourquoi…
● Encore moins
d'éloignements financés que sous Hollande
«Dans le projet de loi de
finances pour 2018, environ 14.500 éloignements forcés sont budgétés, soit
moins que sous le mandat de François Hollande (15.161 éloignements forcés en
2014, 15.485 en 2015)», regrette le sénateur Buffet. Certes, le gouvernement a
communiqué le 12 juillet dernier sur un «plan» pour «garantir le droit
d'asile et mieux maîtriser les flux migratoires». Mais Philippe Bas estime, de
son côté, que «si le président de la République a annoncé, le 15 octobre
2017, son intention d'expulser les étrangers en situation irrégulière ayant
commis un délit, son gouvernement n'y consacre pas les moyens nécessaires». Les
crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière sont en baisse de
7 %.
● La circulaire Valls a
contribué à l'augmentation de 30 % des régularisations
«Derrière la fermeté de son
discours, le gouvernement n'envisage pas d'abroger la circulaire Valls du
28 novembre 2012, qui a pourtant contribué à l'augmentation des régularisations
d'étrangers en situation irrégulière de plus de 30 % en cinq ans», relève
le rapport Buffet. Par ailleurs, il indique qu'«en 2016, 227.923 titres de
séjour ont été accordés à des étrangers souhaitant résider durablement en
France, soit une augmentation de 4,78 % par rapport à 2015. L'immigration
régulière de longue durée est principalement familiale (38,83 % du flux en
2016) et étudiante (32,17 %). L'immigration de travail reste marginale
(10 %).»
● L'immigration
irrégulière aurait littéralement explosé en cinq ans
Le rapport précise: «Seul le
nombre de bénéficiaires de l'aide médicale d'État (AME) peut donner une
indication pertinente: il s'établit à 311.310 personnes au 31 décembre
2016, soit une hausse de près de 49 % par rapport au 31 décembre
2011. Dans les faits, le nombre d'étrangers en situation irrégulière est
probablement nettement supérieur (notamment parce que l'AME est attribuée sous
condition de résidence stable et ininterrompue en France pendant trois mois).»
● 75.000 expulsables sont
restés en France rien que l'an dernier
«92.076 mesures d'éloignement ont
été prononcées en 2016 et seules 18 % d'entre elles ont été réellement
exécutées, soit par un éloignement spontané, soit par un éloignement aidé, soit
par un éloignement forcé. Pour cette seule année 2016, 75.587 personnes se sont
maintenues sur le territoire français malgré la mesure d'éloignement prononcée
à leur encontre.» Il n'y aurait aucun suivi des déboutés du droit d'asile
(53.600 personnes pour la seule année 2016).
● La justice annule un
placement en rétention de clandestin sur cinq
Une loi votée sous François
Hollande ne laisse plus que 48 heures à la police pour étayer les dossiers
de rétention. Résultat: «En 2017, 19,30 % d'étrangers placés en centre de
rétention administrative (CRA) ont été libérés dès les quarante-huit premières
heures de rétention, alors qu'en 2016 seuls 6,35 % des retenus avaient été
libérés pendant les soixante-douze premières heures de rétention.» En clair, la
justice libère trois fois plus qu'avant.
Rédacteur en chef adjoint
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Rohingyas : les États-Unis reconnaissent le «nettoyage
ethnique» (22.11.2017)
Les États-Unis ont condamné le
«nettoyage ethnique» des forces de sécurité birmanes à l'encontre des Rohingyas
et réclament une enquête complète. Le Pape se rendra à la fin du mois au
Bangladesh pour y rencontrer des réfugiés.
Les États-Unis considèrent que
les violences ayant poussé plus de 600.000
Rohingyas à fuir la Birmanie depuis fin août, constituent «un
nettoyage ethnique». «Après une analyse minutieuse et approfondie des faits
disponibles, il est clair que la situation dans le nord de l'État de Rakhine
constitue un nettoyage ethnique contre les Rohingyas», a déclaré Rex Tillerson
dans un communiqué.
Le secrétaire d'État américain a
accusé les forces de sécurité birmanes d'être «responsables» de ce qu'il a
qualifié de «souffrance intolérable» des Rohingyas.
Bien que l'armée ait incriminé les «insurgés Rohingyas», Tillerson a déclaré
«qu'aucune provocation ne peut justifier les horribles atrocités qui ont
suivi». Des tirs sur des civils en fuite et leurs maisons brûlées, avaient
poussé ce peuple de religion musulmane à fuir ses villages. «Ceux qui ont
perpétré ces actes abominables doivent être tenus responsables», a-t-il ajouté.
Les États-Unis veulent l'instruction d'une enquête indépendante et envisagent
des «sanctions ciblées contre ceux qui seront jugés et tenus responsables de ces
actes d'épuration ethnique», a-t-il estimé.
VIDEO - Le calvaire des
enfants Rohingyas
La semaine dernière, Rex
Tillerson s'est rendu en Birmanie, où il a rencontré Aung
San Suu Kyi à Naypitaw, la capitale. Le secrétaire d'État avait
également rencontré Aung Hlaing, le chef des forces militaires basées à
Rakhine, où vit la population Rohingya. Ce déplacement du représentant
américain avait pour objectif d'augmenter la pression sur les militaires du
pays pour résoudre le conflit et rapatrier les
réfugiés qui ont fui vers le Bangladesh.
- Crédits photo : DOMINIQUE
FAGET/AFP
Des enfants dans le village de
Maungdaw / AFP - Crédits photo : ROMEO GACAD/AFP
» LIRE AUSSI - Le parcours chaotique des Rohingyas à travers
l'histoire
« Après une analyse minutieuse
et approfondie des faits disponibles, il est clair que la situation dans le
nord de l'État de Rakhine constitue un nettoyage ethnique contre les Rohingyas»
Rex Tillerson, secrétaire d'État
américain
Les États-Unis «réagissent»
face à la crise humanitaire
Les Rohingyas de l'État de
Rakhine fuient la persécution perpétrée par les militaires birmans et leurs
opérations dites «de déminage» et se dirigent vers le Bangladesh voisin,
cherchant refuge. En septembre, les Nations-unis
étaient arrivées à la conclusion d'une «épuration ethnique», mais les
États-Unis ont eu besoin de plus de temps pour analyser la situation et arriver
à la même conclusion.
Il y a quelques semaines, la chambre
des conseillers au Congrès américain avait adopté une résolution condamnant «le
nettoyage ethnique meurtrier et les atrocités observées sur les Rohingyas»
appelant Trump à imposer des sanctions disciplinaires à l'encontre des
responsables. «Des sanctions sévères envisagées qui ne concerneraient pas
l'économie du pays ou son armée» avaient affirmé les responsables américains,
«estimant que des sanctions plus globales et sévères ne seraient pas
productives. Les États-Unis envisagent des sanctions contre les individus
seulement incriminés dans ces massacres».
Des mesures avaient été
assouplies sous Barack Obama et l'administration américaine craint que le fait
de réprimander les dirigeants birmans sur la violence des Rohingyas ait une
incidence sur la stabilité du pays et son nouveau gouvernement constitué depuis
peu, dirigé depuis dix-huit mois par Aung
San Suu Kyi. De lourdes sanctions pourraient ralentir et inverser la
transition délicate du pays, et risqueraient de pousser la Birmanie à se
rapprocher de la Chine.
Le Pape en visite au
Bangladesh pour soutenir les exilés Rohingyas
Le pape François se déplacera à
Dacca, au Bangladesh, du 30 novembre au 2 décembre, pour y rencontrer des
réfugiés et écouter leurs témoignages. La rencontre du pape avec «un petit
groupe de Rohingyas» aura lieu dans le cadre d'une «rencontre interreligieuse
et oecuménique pour la paix», a précisé le porte-parole du Saint-Siège Greg
Burke.
Le pape François a décidé
d'ajouter à son programme une rencontre «privée» avec le chef de l'armée
birmane, le général Min Aung Hlaing.
L'archevêque de Rangoun, Charles
Bo, premier cardinal du pays depuis 2015, a été reçu samedi au Vatican par le
pape François qui lui a fait trois recommandations: éviter le mot Rohingya, en
parlant plutôt des «musulmans de l'État Rahkine», ajouter une discrète
rencontre avec le chef de l'armée birmane et organiser une table ronde
interreligieuse.
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Syrie : Poutine peine à fédérer ses alliés turc et
iranien (22.11.2017)
La Russie, l'Iran et la Turquie
veulent réunir un congrès syrien pour engager un dialogue politique mais Ankara
refuse d'y associer les Kurdes.
Envoyé spécial à Sotchi
Si Vladimir Poutine peut se
féliciter d'avoir infléchi le cours de la guerre en Syrie au profit de son allié Bachar
el-Assad, il est encore loin de détenir la clé qui ouvrira définitivement
la porte de la paix. Le sommet tripartite convoqué mercredi à Sotchi par le
président russe et réunissant ses homologues iranien et turc, Hassan Rohani et
Recep Tayyip Erdogan, a débouché sur l'annonce d'un nouveau cycle de
négociations politiques, sans parvenir à gommer les divergences relatives à son
organisation.
«Personne ne peut attendre de
nous que nous nous asseyons autour de la même table avec les terroristes»
Recep Tayyip Erdogan, président
de la Turquie
Selon le texte de la déclaration
commune, lu par le chef du Kremlin, les trois leaders «appellent» Damas et les
représentants de l'opposition à «participer d'une manière constructive au
congrès du dialogue national syrien». Cette plateforme de discussions,
parallèle voire concurrente avec le processus onusien de Genève qui pour sa
part reprendra officiellement le 28 novembre, devrait également débuter
dans la station balnéaire de la mer Noire. Mais aucune date n'a été annoncée à
Sotchi. Une tentative similaire, effectuée par Moscou il y a quelques semaines
et initialement programmée pour le 18 novembre, s'était soldée par un
échec.
Et pour cause: la Turquie, alliée
de circonstance de la Russie dans la crise syrienne, refuse, contrairement aux
souhaits de Moscou, toute participation du Parti de l'union démocratique (PYD)
à ces négociations. Cette formation, qui milite en
faveur de la création d'une région autonome kurde à la frontière sud
de la Turquie, est susceptible de menacer l'intégrité territoriale de son
voisin. Accusé de collaborer avec le PKK, le parti des travailleurs du
Kurdistan - interdit en Turquie -, le PYD est assimilé par Ankara à
une «organisation terroriste». Pour le Kremlin, le futur congrès du dialogue
national syrien «doit être inclusif», a précisé son porte-parole, Dmitri
Peskov, autrement dit ouvert à tous. La réplique de Recep Tayyip Erdogan a été
cinglante: «Personne ne peut attendre de nous que nous nous asseyons autour de
la même table avec les terroristes», a lancé le président turc lors de la
conférence de presse commune.
«Les bombes continuent de
s'abattre sur tout le pays»
Pour parvenir à ses fins, ce
dernier était arrivé à Sotchi en mettant en sourdine ses critiques adressés à
Bachar el-Assad, son ennemi juré du début du conflit et que Vladimir Poutine, à l'inverse, a ostensiblement reçu à Moscou,
lundi. Bien que les troupes turques aient achevé leur déploiement autour
des quatre «zones de désescalade» définies en coordination avec Téhéran et
Moscou, elles se retrouvent près d'Afrin, au nord de la Syrie, presque au
contact des groupes armés du PYD. «Nous devons nettoyer Afrin», avait
d'ailleurs menacé Erdogan à la veille du sommet de Sotchi, laissant redouter
l'explosion d'un nouveau point de tension dans un conflit interrégional où les
acteurs sont déjà légion.
L'établissement de ces zones de
désescalade avait été présenté comme le principal aboutissement de ce processus
de négociations tripartite qui avait formellement débuté le 23 janvier à
Astana (Kazakhstan). Mais «malgré ces accords, les bombes continuent de
s'abattre sur toute la Syrie», a alerté hier Médecins sans frontières. Le
13 novembre, des raids aériens, dont Moscou et Damas sont soupçonnés
d'être les initiateurs, ont fait 61 morts sur un marché d'Atareb, dans une
zone théoriquement protégée par le cessez-le-feu.
«L'Iran, la Russie et la Turquie
doivent continuer leurs efforts coordonnés pour s'assurer que les progrès dans
la réduction de la violence soient irréversibles», ont réaffirmé à Sotchi les
trois leaders. De son côté, le président iranien Hassan Rohani, après avoir
félicité les milices chiites du Hezbollah libanais pour leur appui apporté au
régime de Damas, a rappelé que «la lutte contre le terrorisme n'est pas
terminée», laissant transparaître la volonté de Téhéran de continuer à peser
militairement sur le conflit.
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Le trafic de drogue en haute mer, un défi pour le Pacifique
(22.11.2017)
REPORTAGE - La marine mexicaine,
qui a saisi 23 tonnes de cocaïne l'an dernier, est devenue un allié clé des
gardes-côtes américains.
Puerto Chiapas (Mexique)
Dans le petit port de pêche
mexicain de Puerto Chiapas, à quelques dizaines de kilomètres seulement de la
frontière avec le Guatemala, il n'est pas rare de voir passer les bateaux des
trafiquants. Sous leurs apparences de pêcheurs lambda, on les reconnaît
facilement à leurs moteurs dernière génération, peu répandus dans ce village
modeste de 8000 habitants.
«Mettons que je sois un pêcheur,
et que je trouve quelques kilos de cocaïne en allant pêcher. Évidemment que je
vais les prendre, c'est une chance, non ?»
Un marin
Le Chiapas est l'un des États les
plus paisibles du Mexique, et Puerto Chiapas ne fait pas exception. Mais les
locaux sont parfois rappelés à une autre réalité, celle de la position
stratégique de ce petit port dans le trafic transnational de stupéfiants.
Idéalement situé entre les lieux de production, l'Amérique du Sud, et celui de
consommation, les États-Unis, on estime que 80 % du trafic de drogue passe
au large de ses côtes. «Mettons que je sois un pêcheur, et que je trouve
quelques kilos de cocaïne en allant pêcher, commence à raconter un marin du
coin le sourire aux lèvres, révélant une dentition incomplète. Évidemment que
je vais les prendre, c'est une chance, non?» Ici, ce genre de trouvailles ne
surprend personne.
Coopération États-Unis-Mexique
C'est au large de Puerto Chiapas,
dans les eaux internationales de la partie est de l'océan Pacifique, que se
tient l'un des fronts principaux de la guerre contre la drogue, lancée au début
des années 1970 par le président américain Richard Nixon. L'an dernier, les
gardes-côtes américains ont saisi plus de 200 tonnes de cocaïne. La marine
mexicaine, qui participe elle aussi aux efforts, en a saisi plus de 23 tonnes,
cinq fois plus qu'en 2015, devenant un allié clé des États-Unis dans la lutte
contre le narcotrafic.
«Les relations avec les
Américains sont bonnes… L'intérêt est mutuel : ils ne veulent pas que la drogue
arrive dans leur pays, et pareil pour nous. Cela nous a obligés à nous
rapprocher énormément»
Un haut gradé de la marine
mexicaine
Pour James Passarelli, un
capitaine des gardes-côtes américains, Mexico
se trouve à l'épicentre de la bataille. «La marine mexicaine a fait des
efforts considérables ces dernières années pour accroître sa participation dans
les opérations antidrogue, pour moderniser, amplifier sa flotte et multiplier
les exercices conjoints en mer», explique-t-il.
La coopération entre les
États-Unis et le Mexique a pourtant essuyé quelques revers par le passé. En
2011, un membre haut placé des forces de l'ordre mexicaines a laissé fuiter des
informations qui lui avaient été remises par la DEA, l'agence antidrogue
américaine, révèle une enquête du site d'investigation ProPublica. Apprenant
l'existence d'un informateur, le cartel des Zetas avait alors exécuté plusieurs
dizaines - voire centaines - de personnes dans la petite ville d'Allende.
Depuis, les États-Unis ont opté
pour un rapprochement avec la marine mexicaine, jugée plus ouverte, plus
réactive, et surtout plus fiable. «Les relations sont bonnes… L'intérêt est
mutuel: ils ne veulent pas que la drogue arrive dans leur pays, et pareil pour
nous. Cela nous a obligés à nous rapprocher énormément», estime un haut gradé
de la marine mexicaine.
Les États-Unis ont beaucoup à
gagner de cette bonne entente. Le mois dernier, le président Donald Trump a
déclaré la consommation d'opiacés - qui a provoqué près de 60.000 décès
dans le pays en 2016 - «urgence
de santé publique» nationale.
Une tâche titanesque
«Tout le chemin que nous avons
parcouru sur cette question semble être quelque peu suspendu»
Le Mexique
Pourtant, la position sans
compromis adoptée par Trump sur les
négociations en cours autour de l'Aléna, l'accord de libre-échange
nord-américain, risque de contrecarrer ces ambitions. «Tout le chemin que nous
avons parcouru sur cette question semble être quelque peu suspendu», lâche-t-on
du côté mexicain. Plusieurs ministres ont d'ailleurs mis en garde: si les
États-Unis se retirent du traité, le Mexique réexaminera sa coopération en
matière de sécurité et d'immigration.
Selon un rapport de la DEA, les
niveaux de production de cocaïne n'ont jamais été aussi élevés, alors que les
Colombiens tentent de vendre un maximum de leur production avant que le
processus de paix entre le gouvernement et les Farc ne complique les choses. La
surface des plantations de coca dans le pays a doublé entre 2013
et 2015, pour atteindre 188 000 hectares l'an passé, entraînant une
hausse de production de 41 %.
L'étendue de la zone à surveiller
- à peu près la taille des États-Unis, ou un peu moins de 10 millions de
km2 d'océan - rend la tâche titanesque. Les budgets ne permettent
pas non plus d'agir sur tous les renseignements obtenus. Du côté américain, on
dit intervenir dans seulement 20 ou 30 % des cas. «Notre but aux
États-Unis, c'est de renforcer nos partenariats pour que les Mexicains puissent
conduire leurs propres opérations», explique le capitaine Passarelli.
Pour éviter d'être repérés, les
trafiquants ont recours à plusieurs méthodes et différents types
d'embarcations. Il y a d'abord les «pangas», bateaux rapides de bois et de
fibre de verre, d'une dizaine de mètres de long, et transportant entre 500 et 1 200 kg
de cocaïne. Ce sont les plus courants, car peu chers à fabriquer et souvent
utilisés comme bateaux de pêche dans la région.
«Les cartels sont constamment
en train d'expérimenter, d'essayer de nouvelles techniques, de nouvelles façons
de procéder»
James Passarelli, capitaine des
gardes-côtes américains
Au-dessus, on retrouve les
bateaux dits «profils bas», dont seulement une infime partie est visible à la
surface de l'eau. Ils sont de deux types: ceux tout en longueur, assez effilés
pour pouvoir passer au travers des vagues, et ceux qui misent sur la vitesse,
dotés de trois moteurs au lieu d'un ou deux. La plupart sont peints en bleu,
pour mieux se fondre dans la masse de l'océan, et certains contiennent les
échappements de fumée, pour éviter la vigilance accrue des équipes aériennes.
Enfin, on trouve les sous-marins
ou navires semi-submersibles qui naviguent juste en dessous de la surface de
l'eau et peuvent transporter jusqu'à sept tonnes de cocaïne. «Ceux-là sont plus
complexes et coûtent plusieurs millions à construire, mais en un voyage, ils
peuvent rapporter plus de 200 fois l'investissement consenti», raconte
Passarelli. «Les cartels sont constamment en train d'expérimenter, d'essayer de
nouvelles techniques, de nouvelles façons de procéder», explique le capitaine,
en service depuis plus de vingt-cinq ans. Et selon les autorités américaines et
mexicaines, les technologies récentes permettent au crime organisé de
s'aventurer de plus en plus loin en haute mer, jusqu'à parfois 1600 km au
large des côtes.
La présidence Trump
signera-t-elle la fin de cette précieuse collaboration? En tout cas, des deux
côtés de la frontière, on craint qu'a minima elle ne freine les ardeurs des
Mexicains à coopérer. «Ces négociations autour de l'Aléna pourraient
certainement nuire à notre entente, avec nos troupes moins enclines à
participer aux exercices et à partager leurs informations», conclut un vétéran
de la marine mexicaine.
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Ukraine : coup d'État fumeux dans la «République de
Louhansk» (23.11.2017)
Les séparatistes de l'est de
l'Ukraine se déchirent alors que Moscou pourrait vouloir rebattre les cartes
dans le Donbass.
Dans un isolement entretenu, la
République populaire autoproclamée de Louhansk (pro-russe), en guerre contre
l'Ukraine, connaît un épisode de crise majeur, qui pourrait déboucher sur un
affrontement de différentes factions séparatistes. Son dirigeant, Igor
Plotnitski, serait en passe d'être délogé par son ministre de l'Intérieur dans
ce qui s'apparente à un putsch, un duel qui révèle des frictions au sein des
organes de forces russes, véritables patrons des séparatistes.
Depuis
deux ans, Louhansk est devenu un trou noir de l'information, la presse
internationale y étant quasi systématiquement exclue. Mais depuis lundi, une
activité paramilitaire inhabituelle règne dans le second bastion séparatiste.
Depuis l'irruption de la guerre, Louhansk est connue pour l'opacité de sa scène
politique et par les règlements de comptes sanglants entre leaders pro-russes,
sur fond de contrebande. Homme fort depuis 2014, qui plus est après
l'assassinat de ses rivaux, Alexeï Mozgovoï et Alexander Bednov, Igor
Plotnitski avait déjà échappé à un attentat en août 2016. Cette fois, il
voit son autorité contestée par son ambitieux ministre de l'Intérieur, Igor
Kornet, qu'il a tenté de limoger lundi. Immédiatement, le centre-ville est
bouclé par des hommes armés non identifiés. Mardi, environ 150 soldats sans insignes
prennent position dans Louhansk. La télévision et la radio sont interrompues,
les écoles du centre fermées. La rumeur envoie déjà Plotnitski à Moscou.
Mouvement militaire
Mardi, la mission spéciale
d'observation de l'OSCE comptabilise «trente véhicules, incluant des blindés».
Le soir même, des témoins indiquent qu'un convoi militaire se dirige de la
République de Donetsk vers celle de Louhansk. «Les forces de Donetsk
soutiennent Kornet et leur déploiement signifie peut-être la fin du projet
Louhansk pour obtenir une République unifiée», analyse Iouri Zoria, un
journaliste de Louhansk exilé, fin connaisseur du dossier.
Jeudi, le coup d'État de Brumaire
continue à Louhansk, sous la neige. Les hommes d'Igor Kornet arrêtent le
procureur général, fidèle à Plotnitski. Le journal russe Novaya
Gazeta a des informations selon lesquelles Igor Plotnitski a fui, en
convoi motorisé, vers la Russie. La présence de forces spéciales de la
République de Donetsk est confirmée dans Louhansk, donnant une signification
politique à cette microrévolution en vase clos. Notoirement, Igor Plotnitski est
l'homme lige de Vladislav Sourkov, le conseiller spécial de Vladimir Poutine,
considéré comme le «président réel» de Donetsk et de Louhansk. Les organes de
police des deux embryons d'État sont eux liés au FSB russe, et les armées des
deux Républiques à l'armée russe. «Le coup pourrait être une tentative du FSB
de renforcer ses positions sur ce territoire», estime Iouri Zoria.
Par ailleurs, les
consultations sur le Donbass se multiplient cet automne, à Belgrade,
entre Vladislav Sourkov et Kurt Volker, le représentant spécial des États-Unis
pour l'Ukraine. Au cœur des négociations: la création d'une mission de maintien
de la paix de l'ONU dans le Donbass. «Une mission extrêmement compliquée»,
selon des diplomates en poste à Kiev, tant les positions russe et occidentale
divergent.
Moscou pourrait toutefois être
tenté de changer le visage de ses affidés dans le Donbass.
«Ce coup pourrait être une mise en scène afin de couvrir le déploiement de
troupes russes, ensuite proposées par Poutine comme des troupes de maintien de
la paix», avance une source proche du dossier. Le scénario dont ne veut pas
Kiev. Profitant des luttes intestines séparatistes, l'armée ukrainienne a
repris mercredi trois villages et des hauteurs stratégiques près de Debaltseve.
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« Moi, je te crois » : les Espagnoles s'émeuvent d'un procès
pour viol collectif (23.11.2017)
Des milliers d'Espagnoles se
mobilisent pour soutenir la victime présumée d'un viol collectif lors des fêtes
de San Fermin à Pampelune, à l'occasion du procès de ses agresseurs présumés.
Le verdict est attendu vendredi.
Entre eux, les cinq violeurs
présumés se surnommaient «La Horde». Ces Sévillans, âgés de 27 à 29 ans, sont
jugés depuis la mi-novembre devant le tribunal de Pampelune accusés d'avoir
collectivement abusé d'une jeune femme à l'occasion des fêtes de San Fermin en
2016, qui attirent chaque année des centaines de milliers de touristes dans la
ville. L'audience se déroule à huis clos. Mais les débats, où la parole de
cette dernière s'est trouvée mise en doute par la partie adverse, ont déclenché
une vague de soutien avec pour mot d'ordre «Moi, je te crois», dans le sillage
de l'affaire Weinstein aux États-Unis. Le parquet a requis 22 ans de réclusion
pour les cinq accusés. Le verdict est attendu ce vendredi.
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Weinstein
Il est aux alentours de trois
heures du matin, le 7 juillet 2016, lorsque la victime, âgée de 18 ans,
rencontre ses agresseurs présumés. Elle s'apprêtait à retrouver des amies qui
se reposaient dans une voiture. De son propre aveu, elle décide de les suivre,
pensant qu'ils allaient juste la raccompagner jusqu'au véhicule. Mais, une
heure plus tard, un couple la recueillera en pleurs recroquevillés sur un banc,
«en état de choc», constatent les policiers appelés sur place. Elle leur
raconte que les cinq hommes l'ont conduite dans une cage d'escalier puis
violée, filmant la scène avec leurs téléphones portables. Les médecins qui
l'examinent constateront «des lésions compatibles avec une agression sexuelle».
Des images «répugnantes»
Les violeurs présumés ont été
arrêtés dans
les heures qui suivent. Les accusés, placés en détention provisoire, nient
les faits. D'après eux, la jeune femme était consentante et leur aurait même
lancé un provocateur: «Je peux le faire avec deux, avec cinq, avec le nombre
qu'il faut.» Tout juste l'un d'eux reconnaît avoir volé le téléphone de la
victime. Mercredi, au troisième jour de l'audience, un prévenu a fini par
reconnaître qu'il n'y avait pas eu de «consentement verbal» de la victime.
Mais, d'après l'avocat de trois accusés, ce que l'on entend dans les vidéos
«n'implique ni le consentement ni l'interprétation contraire». Ces mêmes images
ont été qualifiées de «répugnantes» par l'accusation.
« Une victime a le droit
d'essayer de reconstruire sa vie. »
L'avocat de la plaignante, Carlos
Bacaicoa
Le pays entier suit de près le
déroulement du procès. Et la décision du juge d'intégrer au dossier une photo
de la victime, exhumée par un détective sur Instagram, a suscité un tollé. La
jeune femme posait à côté d'un T-Shirt arborant une phrase tirée d'une émission
de téléréalité: «Quoi que tu fasses, enlève ta culotte.» Le détective avait
enquêté pour savoir si la victime avait repris une vie normale après son viol
présumé. Seulement le juge a par ailleurs refusé d'y inclure les messages que
s'était échangés «La Horde» sur What's App. Ces
derniers ont filtré dans la presse, ils sont accablants. Après les faits,
les agresseurs présumés s'étaient notamment vantés du tour pris par leur
soirée. Deux semaines auparavant, ils avaient déjà émis le projet de partager
entre eux une même partenaire. L'un d'eux avait aussi suggéré de droguer leur
éventuelle victime.
Depuis, le slogan «Moi, je te
crois», inspiré
par l'écrivain Roy Galan, a fleuri sur les réseaux sociaux et dans la rue,
scandé par des milliers de femmes lors de rassemblements à Madrid, Barcelone,
Séville, Valladolid ou Gijon. «Ce qui est censé culpabiliser la victime de “La
Horde”, semer le doute sur sa condition morale, c'est qu'elle osait sortir dans
la rue, boire des verres avec ses amies, après avoir été violée, au lieu de
rester chez elle toutes fenêtres fermées et la tête couverte de cendres», s'est
emportée à la radio l'écrivaine Almudena Grandes. «Une victime
a le droit d'essayer de reconstruire sa vie et surtout de faire semblant qu'il
ne lui est rien arrivé», invoque pour sa part l'avocat de la plaignante, Carlos
Bacaicoa.
En 2017, au moins 14 plaintes
pour des attouchements, agressions et viols ont été déposées lors des fêtes de
la San Fermin à Pampelune. Un an plus tôt, 16 plaintes avaient été déposées,
dont cinq pour viol.
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«On ne peut pas prendre toute la misère du monde» : les
propos de Macron font polémique (22.11.2017)
LE SCAN POLITIQUE - En visite aux
Restos du cœur, le chef de l'État a clarifié sa position sur l'immigration en
reprenant une phrase célèbre attribuée à Michel Rocard. La gauche monte au
créneau.
«J'ai pas de solution pour te
changer la vie / Mais si je peux t'aider quelques heures, allons-y / Y a bien
d'autres misères, trop pour un inventaire / Mais ça se passe ici, ici et
aujourd'hui»... Loin de la bien connue Chanson des Restos des
Enfoirés, c'est un tout autre refrain qui a animé l'inauguration de la campagne
hivernale des Restos du cœur.
Mardi, Emmanuel Macron s'est
rendu au centre de la Grange-aux-Belles, dans le 10e arrondissement de Paris, à
l'occasion de l'ouverture de cette 33e campagne. Après sa visite, le chef de
l'État a discuté avec des personnes qui l'attendaient devant le centre. Il a
notamment eu un échange remarqué avec une femme ne parvenant pas à obtenir de
papiers, notamment filmé par franceinfo.
«Si vous n'êtes pas en danger et
cetera, il faut retourner dans votre pays. Je ne peux pas donner des papiers à
tous les gens qui n'en ont pas. Sinon comment je fais après? On prend notre
part mais on ne peut pas prendre toute la misère du monde, comme disait Michel
Rocard», a lancé Emmanuel Macron en citant une des phrases les plus célèbres -
et les plus polémiques - de l'ancien premier ministre socialiste.
» LIRE AUSSI - Ce que Rocard pensait de Valls et Macron
Le président a ensuite développé
son propos, expliquant que la France protégeait «tous les gens qui relèvent de
l'asile, qui ne sont pas en sécurité chez eux», mais que le pays ne pouvait pas
«accueillir tous les gens qui viennent sur des visas de commerce ou d'étudiant
et qui restent après». «Comment je fais après avec ceux qui sont déjà là et qui
n'arrivent pas à avoir de travail? Si vous n'êtes pas en danger, il faut
retourner dans votre pays. Au Maroc, vous n'êtes pas en danger», a-t-il
martelé.
«Nous ne pouvons pas nous
comporter autrement qu'en êtres humains»
Les propos du chef de l'État
n'ont pas manqué de susciter une nouvelle polémique. «Il fait du mauvais
Sarkozy, le président Macron. Avec ce type de propos très durs, très froids,
quasi cliniques, il est dans ce registre de président des riches. C'est
quelqu'un qui n'arrivera pas à se mettre au niveau de tous les Français», a
estimé le député Nouvelle Gauche Luc Carnouvas sur RTL.
«Lorsque les migrants se présentent à nos portes, nous ne pouvons pas nous
comporter autrement qu'en êtres humains et les accueillir!», a de son côté
insisté Adrien
Quatennens, député France insoumise du Nord.
Sur la même station, Aurélie
Filippetti a regretté un «mauvais symbole pour l'ouverture de la
campagne des Restos du cœur». «Il a toujours un double discours. À la fois,
dans les instances européennes, il dit qu'il faut accueillir plus de réfugiés,
et en même temps quand il se trouve face à une dame qui est aux Restos du cœur,
qui est dans la misère et qui a des difficultés à avoir des papiers alors
qu'elle souhaite vraiment les obtenir, il est dans la fermeture et le manque
d'empathie», a attaqué l'ancienne ministre de la Culture.
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«Le problème de l'islam» : Manuel Valls crée la polémique
(22.11.2017)
VIDÉO - Lors d'un débat organisé
par le quotidien espagnol El Pais, l'ex-premier ministre a évoqué
mercredi le «problème des musulmans» dans la société française. Réactions
indignées à gauche et malaise dans les rangs de LREM.
Manuel Valls se retrouve-t-il
isolé au sein du groupe des députés LREM? En multipliant les déclarations sur
la laïcité, en intervenant sur le débat qui oppose l'hebdomadaire
satirique Charlie Hebdo au fondateur de Mediapart, Edwy
Plenel, l'ex-premier ministre a irrité les élus de la majorité,
jusqu'au président de la République lui-même. Dénonçant avec force et fracas la
«complicité» qu'entretient, selon lui, une partie de la gauche avec l'islam
radical, le député de l'Essonne, en première ligne depuis longtemps sur les
sujets régaliens et identitaires, a déclaré que Mediapart devait «rendre
gorge». «Sur la laïcité, il ne faut rien laisser passer. Ce sont mes combats,
et il faut les continuer», affirmait Valls, en petit comité, mi-octobre.
L'élu de l'Essonne a été à
nouveau au cœur d'une polémique mercredi, alors qu'il participait à un débat
organisé par le quotidien espagnol El País, où il a déclaré, en
espagnol: «Tous les pays souffrent d'une crise d'identité culturelle à cause de
la mondialisation, de la crise politique, des réseaux sociaux, des problèmes
des réfugiés: des problèmes naissent dans nos sociétés, par exemple dans la
société française, le problème de l'islam, des musulmans. Tout cela nous
interroge sur ce que nous sommes.» Il n'en fallait pas plus pour que ces propos
sur le «problème de l'islam, des musulmans» soulève la polémique.
«Certains socialistes ont
rompu avec le PS justement parce qu'ils ne se reconnaissaient pas dans les
propos de Manuel Valls. Il ne doit pas crisper sur cette question»
Un parlementaire LREM
Stéphane Le Foll, ancien
porte-parole du gouvernement de Manuel Valls, l'accuse sur France 2 d'attiser
les braises. Didier Guillaume, le patron des sénateurs socialistes, lui
reproche, sur Public Sénat, de jeter de l'huile sur le feu: «Il n'y a pas de
problème avec l'islam et les musulmans en France. Il y a un problème avec le
salafisme, l'intégrisme, l'islam politique.» Plus inattendu, Wallerand de
Saint-Just, le trésorier du FN, a, lui aussi, fait part de sa désapprobation
sur Twitter: «Non, M.@manuelvalls, il n'y a pas un “problème des musulmans”, il
y a les problèmes que pose l'islam à la société française et que les
responsables politiques doivent traiter, comme ils doivent traiter les
conséquences de l'existence de toute religion.» En guise de réponse, Valls a
publié ses propos in extenso (ceux que nous avons reproduits plus haut),
dénonçant dans un tweet, des «polémiques outrancières».
Valls a fait de la laïcité et de
la défense de la République son cheval de bataille. Il s'était à plusieurs reprises déjà exprimé pour dénoncer les
pratiques de La France insoumise, se disant «soutenu» par des députés LREM.
L'ancien ministre de l'Intérieur occupait là un certain vide politique laissé
par l'exécutif et la majorité sur les thématiques identitaires.
En privé, certains députés
exprimaient pourtant déjà des réserves, voire un «malaise» au vu des prises de
position de leur collègue apparenté au groupe LREM. «Il incarne une laïcité de
repli, il s'exprime d'ailleurs en son nom propre et pas au nom du groupe»,
affirme Pierre Person, député de Paris, qui défend «la conception de la laïcité
comme liberté». «Certains socialistes ont rompu avec le PS justement parce
qu'ils ne se reconnaissaient pas dans les propos de Manuel Valls. Il ne doit
pas crisper sur cette question», mettait en garde un parlementaire LREM.
Des propos «parfois trop
clivants»
Vendredi, le président du MoDem,
François Bayrou, a pris aussi ses distances. «Contaminer le débat sur l'islam
au nom de l'islamisme, le débat sur la religion du plus grand nombre au nom de
l'extrémisme religieux, je ne le partage pas», a affirmé le maire de Pau dans
Le Parisien. Lundi, le responsable politique LREM de la commission des Affaires
sociales, Aurélien Taché, est à son tour monté au créneau pour dénoncer
«l'hystérisation», les propos «enflammés» de Valls. «La position de LREM n'est
pas le laïcisme intégral qui nie le fait culturel, mais la nécessité de faire
commun», précise auFigaro le député du Val-d'Oise, par ailleurs en
charge d'une mission sur la politique d'intégration.
«Mon discours dérange ceux
qui, finalement, n'ont pas le courage de s'attaquer au fond du problème, et
c'est tant mieux»
Manuel Valls, dans Le Monde
«Il ne faut pas afficher une
laïcité de combat, mais réaffirmer que c'est un bouclier», abonde la
porte-parole du groupe Aurore Bergé, alors que sa collègue Laëtitia Avia a
brocardé les propos «parfois trop clivants» de Manuel Valls . Face à ces
critiques, l'intéressé s'est exprimé dans Le Monde mardi pour
expliquer qu'il était de son «devoir» de «faire porter sa voix». «Mon discours
dérange ceux qui, finalement, n'ont pas le courage de s'attaquer au fond du
problème, et c'est tant mieux», a considéré l'ex-maire d'Évry, qui cherche
ainsi à faire sortir le président de la République de son silence.
Déjà opposé à Valls sous le
quinquennat précédent sur la question de l'explication du terrorisme, Macron ne
veut surtout pas «animer les divisions», ni «alimenter la polémique», selon
l'un de ses proches. Le sujet devrait toutefois être débattu en réunion de
groupe LREM, dans les prochaines semaines. «C'est aussi au mouvement de
s'emparer de ce sujet», somme Aurore Bergé. Au risque de faire apparaître des
clivages… irréconciliables.
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 23/11/2017. Accédez à sa version PDF
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CONTRE-POINT - L'ancien premier
ministre a évoqué dans les colonnes du quotidien espagnol El Pais le
« problème de l'islam dans la société ». Des propos jugés offensants par
certains.
Valls critiqué, Valls tronqué,
Valls jugé ; mais Valls valorisé. Pour avoir osé mettre des mots sur
des réalités qui dérangent, l'ancien
premier ministre se retrouve, une fois encore, au centre de la polémique.
Une preuve à tout le moins que sa voix porte toujours et que ce grand brûlé de
2017 compte encore dans le jeu politique.
«Sa voix fut la plus forte
pour dénoncer cette théorie de ce que l'on appelle “l'islamo-gauchisme”
consistant à faire des musulmans les prolétaires d'aujourd'hui»
Il y a une semaine, c'était de
Mediapart qu'il était la cible. Pour
avoir défendu Charlie Hebdocontre Edwy Plenel. Pour avoir remis
les pendules à l'heure en rappelant que ce n'était pas l'hebdomadaire qui
entretenait par ses dessins une supposée «islamophobie», mais bien ses
dessinateurs qui avaient été victimes de la barbarie islamiste. Ce jour-là,
Valls avait marqué un point. Car
sa voix fut la plus forte pour dénoncer cette théorie de ce que l'on appelle
«l'islamo-gauchisme» consistant à faire des musulmans les prolétaires
d'aujourd'hui, qu'il fallait défendre contre un État oppresseur et une société
intolérante. Sa
voix a porté parce que l'ancien premier ministre était sur son sujet de
prédilection ; sur le thème sur lequel ses convictions sont les plus
ancrées et les plus travaillées. D'un seul coup, Valls retrouvait les accents
d'une vigilance républicaine qui faisaient sa singularité lorsqu'il était à
Matignon.
Différence d'approches
«Valls n'a pas varié depuis
ses années Matignon. Après les attentats, il refusait déjà ce double simplisme
consistant à croire d'un côté que l'islam était par nature dangereux ou à
prétendre de l'autre qu'il n'y avait aucun rapport entre l'islamisme et
l'islam»
A-t-il été trop loin en évoquant,
dans le quotidien espagnol El Pais, «le
problème de l'islam, des musulmans, dans la société française» ? Cette
fois, ce sont les «modérés» qui se sont offusqués, l'accusant de pratiquer un
amalgame ; mais refusant de voir que parler d'«un problème de l'islam dans
la société», ce n'est pas dire que l'islam ou les musulmans en tant que tels
posaient un problème à la société.
Mais là non plus, Valls n'a pas
varié depuis ses années Matignon. Après les attentats, il refusait déjà ce
double simplisme consistant à croire d'un côté que l'islam était par nature
dangereux ou à prétendre de l'autre qu'il n'y avait aucun rapport entre
l'islamisme et l'islam. Dans El Pais, il n'a pas dit autre chose.
En estimant qu'il y avait de la paresse à ne pas vouloir demander aux musulmans
de faire eux-mêmes un travail de réflexion sur la place de l'islam dans la
République.
Des macronistes lui opposent la
nécessité d'un discours «apaisé» sur cette question. Mais «c'est une illusion
de croire que la société est apaisée sur ce sujet ou qu'on réglera les
problèmes en les ignorant», confie-t-il. Différence d'approches? Sur les
questions de laïcité d'une part, sur la nature de l'islamisme, le discours du
chef de l'État d'aujourd'hui a évolué par rapport à celui du ministre d'hier.
Pas au point cependant d'inciter Macron à intégrer davantage Valls à son
dispositif. À un proche lui conseillant de rappeler à Beauvau l'ancien ministre
de l'Intérieur, le chef de l'État a répondu par un sourire appuyé signifiant:
on va encore attendre un peu… Mais en six mois, Manuel Valls a d'ores et déjà
retrouvé un statut de «poids lourd», un capital précieux pour l'avenir.
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CHRONIQUE - Les
récentes invectives entre Mediapart et Charlie Hebdo sur
l'islamisme ne doivent pas occulter la responsabilité des citoyens, de quelque
confession ou origine que ce soit, de prendre part à ce débat démocratique.
Après les enfants d'Ozar Hatorah,
le massacre deCharlie Hebdo, l'Hyper Cacher, le Bataclan, Nice, après le
père Hamel ou le couple de policiers égorgés sous les yeux de leur petit
garçon, rien ne serait pire que de voir le
débat sur l'islamisme se résumer à des invectives de personnages en majesté,
mâchoire de fer ou moustache crispée. C'est pourtant bien l'exploit
d'Edwy Plenel, en accolant le nom de Manuel Valls à celui de Charlie Hebdo dans
une réponse ahurissante à la une ironique qui l'égratignait, que d'avoir
détourné cette confrontation nécessaire pour en faire un combat de coqs dont
désormais les citoyens risquent de se détourner avec dégoût et lassitude.
L'influence que Tariq Ramadan
a acquise sur les jeunes musulmans en France, leur affirmant qu'ils sont
victimes d'un racisme d'État, a des conséquences tragiques, et que nous payons
tous
Et pourtant, qu'y a-t-il pour
nous de plus essentiel que de tenter de comprendre comment le milieu
médiatico-politique a pu, pendant des années, offrir une tribune à un homme
dont tout le discours consistait à inciter les musulmans, non pas à investir
leur rôle de citoyen, mais à s'imposer en tant que musulmans, en contradiction
absolue avec l'universalisme laïque de la République française?
La justice décidera de la
culpabilité ou de l'innocence de Tariq Ramadan pour les accusations de viol,
mais la preuve est faite, à tout le moins, qu'il est un Tartuffe. Or
l'influence qu'il a acquise sur les jeunes musulmans en France, leur affirmant
qu'ils sont victimes d'un racisme d'État, leur expliquant qu'ils n'ont pas à
s'intégrer, leur présentant Mohamed Merah comme la «victime d'un système qui
l'avait déjà condamné», a des conséquences tragiques, et que nous payons tous.
Ceux, donc, qui l'ont présenté
comme un modéré, qui ont accepté de discuter avec lui devant un public séparant
hommes et femmes, qui ont osé fustiger avec lui les dessinateurs de Charlie,
avant même qu'ils ne fussent en terre, sur le thème «L'humour ne justifie pas
la haine», ceux-là ont contribué à fracturer un peu plus la société française,
à faire croire que l'on ne saurait être musulman et accepter la tradition
française de l'humour anticlérical, que l'on ne saurait être musulman et
accepter que ceux qui ne le sont pas ne se plient pas aux dogmes et aux
interdits touchant au Prophète, que l'on ne saurait être musulman et ne pas
l'afficher dans l'espace public, le brandir comme un étendard.
Un tel naufrage nous appelle à
la responsabilité. Responsabilité de rappeler qui meurt aujourd'hui, en France,
pour ses idées ou pour ce qu'il est. Responsabilité de ne jamais essentialiser
des individus en les assignant à leurs origines et leurs croyances
Edwy Plenel porte une
responsabilité immense. Et il saisit l'occasion d'un dessin grinçant, d'une
mauvaise foi assumée, pour se parer de l'aura des résistants, pour enrôler 150 personnalités
qui n'avaient rien de mieux à faire, la semaine où des menaces de mort
contre Charlie Hebdo et des délires antisémites et
complotistes couvrent la Toile en défense du Tartuffe démasqué, que de dénoncer
une «campagne de délation», «diffamatoire», «haineuse», contre «le journal
symbole d'une presse libre, indépendante du pouvoir» (Mediapart, donc, et
non Charlie Hebdo, qui a payé le prix de la liberté), pour
affirmer, enfin, que Charlie participerait à une «guerre» contre «tous les
musulmans». Guerre menée par Valls et l'extrême droite.
Et voilà bien la
perversité de cette réponse, qui permet de ne jamais répondre sur le fond, sur
la formidable manipulation qui consiste à instrumentaliser les «musulmans» pour
dire sa détestation du modèle républicain français, quitte à gommer toute
différence entre «musulmans» et «islamiste». Mais, ce faisant, Plenel dit
bien queCharlie Hebdo mènerait une guerre. Les frères Kouachi,
finalement, n'auraient fait que répondre. Que Riss, au nom de la rédaction de
Charlie, écrive: «Cette phrase, nous ne la pardonnerons jamais» est plus que
compréhensible, c'est légitime.
Mais la ruse fonctionne. Valls
est nommé, il répond. Sur le fond, sur sa défense de la laïcité, il est
irréprochable, mais peut-on réduire l'homme qui a incarné le «tournant libéral»
trahissant les promesses de campagne de François Hollande, l'homme qui a trahi
sa propre promesse de respecter le résultat de la primaire de gauche, à sa
seule défense de la laïcité? Et, dans ce contexte tragique, un homme politique
peut-il répondre par des mots - «je veux qu'ils rendent gorge» - qui
intensifient encore la violence et personnalisent ce qui relève de la défense
du bien commun?
Un tel naufrage nous appelle à la
responsabilité. Responsabilité de rappeler qui meurt aujourd'hui, en France,
pour ses idées ou pour ce qu'il est. Responsabilité de ne jamais essentialiser
des individus en les assignant à leurs origines et leurs croyances. Responsabilité
de donner la parole aux penseurs d'un islam réformé, défenseurs d'une
séparation entre théologique et politique. Responsabilité, de la part des
représentants du culte musulman, de dire si oui ou non ils estiment qu'il y
aurait en France une guerre contre les musulmans. Responsabilité, de la part
des politiques, de parler calmement mais clairement. Responsabilité, de la part
des citoyens, de quelque confession ou origine que ce soit, de prendre part à
ce débat démocratique pour définir ce qui nous unit, nos valeurs, notre
identité, et ce qui n'est pas négociable pour nous.
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Éditorial : «Ne pas se tromper d'adversaire» (22.11.2017)
Par Yves Thréard
Inquiétant pays que la France, où
l'on s'écharpe, en 2017, pour une croix surplombant une statue de
Jean-Paul II! Au nom de la séparation des Églises et de l'État, quelques
libres penseurs, ou qui se revendiquent comme tels, ont obtenu sa destruction.
Quand ce n'est pas une croix, ce sont des crèches ou des crucifix qui
suscitent, ici ou là, leur indignation. Iront-ils un jour jusqu'à réclamer en
justice que la route des calvaires et enclos paroissiaux bretons soit rayée de
la carte? Cette guerre d'un autre âge se trompe d'adversaire. Tant pis si
l'expression populaire les révulse: il est grand temps de replacer l'église au
centre du village. Autrement dit, de remettre les pendules à l'heure.
En s'attaquant à la France des
clochers, les militants d'une laïcité pure et dure défendent une cause absurde.
Alors que la République vit en paix avec ses racines chrétiennes, pourquoi
réveiller de vieux démons, provoquer une inutile polémique? Leur acharnement à
faire table rase de notre passé sert, en revanche, le jeu de ceux qui veulent
nous pousser à renier nos origines, à effacer nos traditions, à contester notre
culture.
Ceux-là portent l'étendard de
l'islam radical. Ils sont de plus en plus nombreux et profitent de toutes les
occasions pour gagner du terrain. Quand leurs armes ne sont pas mortelles, ils
utilisent celles de notre arsenal législatif pour les retourner contre nous et
notre conception de la liberté: défense des droits de l'homme, de l'égalité, de
l'exercice des cultes… Ainsi se sont introduits le voile, le burkini et les
prières de rue ; ont été tolérées beaucoup de revendications à caractère
communautariste. Ces marques relèvent pourtant d'un obscurantisme bien peu
compatible avec notre laïcité. Et on ne peut que regretter qu'elles trouvent
des avocats parmi les agitateurs publics d'une certaine gauche.
Dans ce climat de haine
antifrançaise et anti-occidentale, il est donc incompréhensible de voir des
esprits prétendument libres tirer contre leur camp.
Les «Libres-Penseurs», ces militants
qui pourchassent les symboles religieux
La Fédération de la Libre-Pensée
est à l'initiative des multiples actions en justice contre les croix ou les
crèches, au nom du strict respect de la laïcité.
Qui en veut aux croix, crèches et
statues catholiques papales ou mariales? Qui est le mauvais ange qui rôderait
sournoisement en France repérant et dénonçant toute anomalie à la laïcité et
colmatant la moindre fissure du mur de séparation entre le civil et le
religieux selon l'esprit et la lettre de la loi de 1905? Pourquoi cet
étranger veilleur, s'il existait, se serait subitement réveillé ces derniers
temps alors que le terroir nommé «fille aînée de l'Église» par les papes
fourmille de symboles religieux forcément catholiques puisque les protestants
refusent l'imagerie religieuse?
Il n'y a ni conspiration ni
mystère. Seulement la ténacité d'une des plus anciennes associations françaises
qui œuvre à visage totalement découvert. Elle s'appelle la «Libre-Pensée». Elle
fut fondée en 1866. Elle a un siège, non loin du Panthéon, dans le Ve
arrondissement de Paris. Elle publie une revue intitulée La
Raison et regroupe 5000 adhérents qui forment une fédération
nationale. Elle dispose d'antennes de militants bénévoles dans chaque département.
Et vit d'un budget annuel de 150.000 euros fondé sur les cotisations des
adhérents, sans aucune subvention.
«10% des libres-penseurs sont
des francs-maçons»
Son slogan très en vue sur le
site Internet dit tout: «Ni Dieu, ni Maître ; à bas la calotte ; vive
la sociale.» Il agrège trois slogans. Le premier «ni Dieu, ni maître», récupéré
par les anarchistes, fut inventé par Auguste Blanqui, socialiste
révolutionnaire mort en 1881. C'est ainsi qu'il avait baptisé son journal. Le
deuxième, «À bas la calotte» est un mot d'ordre révolutionnaire lancé en 1792
explicitement anticlérical. Quant au troisième terme de cette trinité laïque,
«vive la sociale», il se réfère à l'insurrection populaire de la Commune de
Paris en 1871.
Militant passionné, Christian
Eyschen est le porte-parole de l'Association internationale de la libre-pensée.
Il est aussi le vice-président de la Fédération française. Il ne cache pas son
appartenance à la Franc-Maçonnerie: «Je suis membre du Grand Orient mais il n'y
a pas de relations institutionnelles entre la Franc-Maçonnerie et la
Libre-Pensée. Il peut y avoir des rapprochements et des convergences mais la
Libre-Pensée n'est pas le bras profane de la Franc-Maçonnerie. On estime que
seulement 10% des libres-penseurs sont des francs-maçons».
Créer de la jurisprudence
En revanche, beaucoup plus que la
Franc-Maçonnerie dont les options philosophiques varient selon les obédiences,
la Libre-Pensée entretient un corps de doctrine très arrêté. «Premier principe,
nous défendons sur le plan institutionnel la séparation entre l'Église et
l'État. Si chacun bénéficie de la liberté de conscience, celle de croire ou de
ne pas croire, les institutions publiques doivent obéir au principe de laïcité.
Notre fer de lance est donc la loi de 1905», précise Christian Eyschen.
Le deuxième principe est
«philosophique» et consiste à «mener la lutte contre les religions et les
contenus religieux». C'est ainsi que le site de l'association propose un mode
d'emploi très précis sur la façon de se faire «complètement rayer des registres
de baptême»! Troisième principe: «nous sommes contre la guerre» donc
«pacifistes», ce qui peut être compatible avec «la résistance». Enfin, dit-il,
«nous sommes contre toute forme d'exploitation de l'homme par l'homme, donc
contre le capitalisme et contre le libéralisme».
«Nous reconnaissons la
paternité de la Libre-Pensée dans toutes les affaires récentes : crèches de
Noël, Ploërmel, croix des cimetières»
Christian Eyschen, porte-parole
de l'Association internationale de la libre-pensée
Après les principes, il y a surtout les travaux pratiques.
Dès qu'une entorse au principe de la laïcité est signalée par le réseau
départemental des militants de la Libre-Pensée, un recours au tribunal
administratif local est systématiquement envisagé avec les conseils des experts
juridiques de l'association. Elle poursuivra sans aucun état d'âme jusqu'au
Conseil d'État. Sauf dans le cas où l'association serait sûre de perdre. La
machine est parfaitement rodée. La Libre-Pensée gagne le plus souvent.
«Nous ne défendons que la loi
de séparation de 1905. Nous ne sommes pas des éradicateurs»
Christian Eyschen
«Nous créons ainsi de la
jurisprudence, constate Christian Eyschen. Oui, nous reconnaissons la paternité
de la Libre-Pensée de toutes les affaires récentes: crèches de Noël, croix de
Ploërmel, croix des cimetières, statue de la Vierge». Tout en corrigeant: «nous
ne sommes pas contre les crèches éphémères sur des marchés de Noël mais on ne
peut pas installer un emblème religieux dans un bâtiment public. D'ailleurs,
l'Église ne le demande pas. Ce sont les politiques qui instrumentalisent la
religion.»
Même combat de principe contre les
statues de la Vierge Marie, celle de Jean-Paul II et sa croix à Ploërmel, ou les croix
sur les portes de cimetières construits après 1905: «Cela ne nous poserait pas
de problème si ces statues ou croix étaient installées sur un terrain privé,
pointe Christian Eyschen. Nous ne défendons que la loi de séparation de 1905.
Nous ne sommes pas des éradicateurs.»
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 23/11/2017. Accédez à sa version PDF
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Croix, crèches, statues... quand la laïcité s'égare
(22.11.2017)
ENQUÊTE - À un mois de Noël,
alors que resurgissent les sempiternels débats sur les crèches dans les
mairies, la décision du Conseil d'État, qui a jugé il y a un mois la croix de
Ploërmel contraire à la loi de 1905, déchaîne les passions.
Il y a ceux qui veulent
«déboulonner» des croix, comme celle qui surmonte une statue de Jean-Paul II à
Ploërmel, dans le Morbihan. Ceux qui, telle cette marque de yaourt grec,
effacent les croix orthodoxes sur les étiquettes, par «respect pour la
diversité religieuse». Ceux qui, comme Jean-Luc Mélenchon, ne peuvent plus
«supporter la présence» du drapeau européen, y voyant la Vierge Marie. Ou
encore ceux qui remettent le «prix international de la laïcité 2017» à la
figure de proue des Femen, ces militantes aux seins nus qui avaient mimé un
avortement dans l'église de la Madeleine à Paris…
À un mois de Noël, alors que
resurgissent les sempiternels débats sur les crèches dans les mairies, la
décision du Conseil d'État, qui
a jugé la croix de Ploërmel contraire à la loi de 1905, déchaîne les
passions. Sur les réseaux sociaux, plus de 179.000 tweets s'en sont
offusqués, avec le hashtag #MontreTaCroix. «Cessons d'avoir honte de notre
identité! clame le collectif Touche pas à ma croix, qui organise une
manifestation, ce dimanche à Ploërmel. Pour le maintien de la statue et de sa
croix, nous appelons à l'unité des Français.»
«Le droit de la laïcité est le
même pour tous. Pourquoi un chrétien aurait-il plus de droits qu'un autre,
athée ou d'une autre religion?»
Nicolas Cadène, rapporteur
général à l'Observatoire de la laïcité
À l'Observatoire de la laïcité,
qui conseille le gouvernement et le Parlement dans la gestion des faits
religieux, on observe «une sensibilité accrue, et des tensions toujours très
fortes depuis deux ans» : «On a formé plus de 220.000 acteurs de terrain,
explique le rapporteur général Nicolas Cadène. Les problèmes remontent
désormais plus facilement. Mais le droit de la laïcité est le même pour tous.
Pourquoi un chrétien aurait-il plus de droits qu'un autre, athée ou d'une autre
religion? La laïcité, c'est ce qui fait qu'il n'y a plus de majorité à opposer
à différentes minorités de citoyens de notre pays.» La laïcité «n'a en rien la
dignité d'un principe philosophique, assène
pour sa part le philosophe Rémi Brague, dans un entretien au FigaroVox.
C'est une cote mal taillée, résultat d'une longue série de conflits et de
compromis. D'où une grande latitude dans l'interprétation. Certains “laïcards”
rêvent d'en finir avec le christianisme, en lui donnant le coup de grâce tant
attendu depuis le XVIIIe siècle. Ils exploitent la trouille que bien des
gens ont de l'islam pour essayer de chasser de l'espace public toute trace de
la religion chrétienne».
«Un cheval de Troie»
Derrière ces multiples actions en
justice contre les croix ou les crèches, on
retrouve en fait toujours la même organisation: la Fédération de la
libre-pensée. «Quelle est la religion qui menace vraiment la séparation des
Églises et de l'État? C'est la plus ancienne sur le sol français, la plus
nombreuse, la plus organisée: l'Église catholique», peut-on lire sur son site
Internet, dans un article intitulé «La Charia catholique». À propos des prières
de rues de fidèles musulmans, en revanche, les libres-penseurs dénoncent une
«provocation de la municipalité» de Clichy…
«On fait semblant de
considérer que le danger, ce sont les crèches ou une croix, et en même temps,
face à des prières de rues qui durent pendant huit mois, la République se
tait !»
Laurent Wauquiez
Si l'Église fait plutôt profil
bas, le diocèse de Vannes fait remarquer que, dans l'affaire de Ploërmel, la
décision du Conseil d'État «suscite un émoi bien compréhensible, au-delà de la
population locale». «L'Église ne peut que déplorer ce qui risque d'accroître la
tendance à rendre toujours moins visibles les signes chrétiens dans une société
qui souffre déjà d'un manque de repères, souligne Mgr Raymond Centène, évêque
de Vannes. Parmi ces repères, ceux qui nous viennent de l'histoire sont
particulièrement importants parce qu'ils ont contribué à façonner notre unité
dans le respect d'une diversité légitime et féconde.»
Pour Mgr Pascal Wintzer,
archevêque de Poitiers, «beaucoup s'inquiètent des violences commises au nom de
l'islam, et cela exacerbe une suspicion sur toutes les religions. Les faits de
pédophilie qui frappent l'Église catholique ajoutent à la critique». Sur
l'affaire de Ploërmel, analyse le politologue Laurent Bouvet, «les réactions
vives qui ont suivi la décision du Conseil d'État n'ont à la fois pas grand
sens, du point de vue du droit - le Conseil d'État n'ayant fait qu'appliquer la
loi de 1905 -, et sont à prendre très au sérieux du point de vue de
l'inquiétude culturelle qu'elles induisent».
À droite de l'échiquier
politique, on fait remarquer que le Conseil d'État est plus prompt à interdire
les crèches dans les mairies que le burkini sur les plages. «On fait semblant
de considérer que le danger, ce sont les crèches ou une croix, et en même
temps, face à des prières de rues qui durent pendant huit mois, la République
se tait!, s'insurge Laurent Wauquiez, candidat à la présidence des
Républicains. On ne peut pas mettre sur le même plan des signes hérités de nos
traditions chrétiennes et des provocations organisées par l'intégrisme
islamique. Les vrais défenseurs de la laïcité devraient ouvrir les yeux pour
voir où sont nos ennemis. Cette laïcité, elle est en train d'être utilisée
comme un cheval de Troie pour sans cesse tester la République!»
«La digue qui protège contre
de nouvelles guerres de religion»
Si la justice a autorisé la
crèche du département de la Vendée, y voyant un «usage local», elle a retoqué
celles qui ont été installées en 2016 dans
le hall du siège de la région Auvergne-Rhône-Alpes, dans l'hôtel de ville
d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), ou à la mairie de Béziers. Dans cette ville,
le maire, proche du FN, Robert Ménard, a déjà annoncé qu'il passerait outre et
mettrait en place, en décembre, une crèche avec «une dimension plus culturelle
et festive».
À gauche, l'ancien premier
ministre Manuel Valls s'indigne aussi. «Aujourd'hui, il n'y a pas de péril
catholique, ça se saurait!, clame-t-il. Avec un peu d'intelligence, on peut
arriver à s'entendre sur la place des religions dans la société. À condition de
ne pas agiter des grands mots.» Pour l'essayiste Malika Sorel (auteur de Décomposition
française: comment en est-on arrivé là?), «la question n'est pas d'agiter
de grands mots ou pas, mais de dire la vérité». «Il y a urgence, alerte-t-elle.
C'est la décomposition française qui menace! “Comment on peut éviter la
partition?” se demandait François Hollande lui-même, dans le livre Un
président ne devrait pas dire ça. Une partition en factions qui vont lutter
les unes contre les autres pour garder leurs privilèges ou en obtenir aux
dépens des autres. La laïcité, c'est la digue qui protège la France de
nouvelles guerres de religion. Il faut que chaque citoyen la respecte, à
commencer par les politiques eux-mêmes».
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Les entreprises peuvent désormais interdire les signes
religieux à deux conditions (23.11.2017)
Dans un arrêt rendu mercredi, la
Cour de cassation a confirmé qu'une entreprise privée pouvait interdire le port
de signes religieux aux salariés. À condition qu'ils soient en contact avec les
clients et que cette interdiction soit inscrite dans le règlement intérieur.
C'était une décision très
attendue sur le sujet controversé du fait religieux en entreprise. Mercredi, la
Cour de cassation - la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français -
a rendu un arrêt confirmant qu'une entreprise privée pouvait interdire le port
de signes religieux aux salariés en contact avec les clients.
La Cour de cassation se
prononçait sur le licenciement d'une ingénieure d'une SSII (Micropole). La
salariée en question avait toujours porté le voile dans le cadre de son
travail, mais son employeur lui avait demandé de le retirer après qu'un client
- incommodé par son voile - ait refusé son intervention. La salariée n'avait
pas voulu retirer son voile et il s'en était suivi un licenciement contesté en
justice. Ayant perdu en appel, la salariée s'était pourvue en cassation où elle
a eu gain de cause car rien n'était prévu dans le règlement intérieur de
Micropole. La société avait en effet seulement interdit «par oral» à son
ingénieure de porter le foulard islamique chez les clients.
Deux conditions
incontournables pour interdire les signes religieux
Avec la décision de la Cour de
cassation rendue mercredi, une entreprise peut désormais licencier un salarié
qui refuserait de retirer un signe religieux ostentatoire. Mais l'entreprise ne
peut le faire - et c'est là un point primordial - que si elle a au préalable
édicté une règle écrite générale de neutralité interdisant le port de signes
visibles de convictions religieuses (mais aussi politiques ou philosophiques)
dans son règlement intérieur. «L'entreprise devra toutefois consulter un
inspecteur du travail pour faire valider son règlement intérieur», précise
Déborah David, avocate en droit du travail.
Autre élément central, l'arrêt de
la Cour de cassation ne vaut que pour les salariés en contact avec les clients.
Dans une entreprise privée, l'employeur ne peut toujours pas interdire - de
façon générale et absolue - le droit d'exprimer sa religion au sein de
l'entreprise. Et ce, en vertu de la liberté d'opinion.
«Cet arrêt va faire jurisprudence
et je pense que les entreprises attendaient un tel arrêt pour clarifier la
situation dans le secteur privé», estime Déborah David. Concernant le secteur
public, les choses étaient déjà très claires: les agents publics, qui
travaillent pour une institution publique administrative, ont un devoir strict
de neutralité. Quant aux entreprises privées qui exercent une mission de
service public, la question a été réglée suite à l'affaire de la crèche
Baby-Loup où une salariée voilée avait finalement été licenciée.
Obligation de reclassement
avant le licenciement
La décision de la Cour de cassation
s'inscrit dans la lignée de celle rendue en mars par la Cour de justice de l'Union
européenne (CJUE) dans une affaire similaire de voile en entreprise.
«Par cette décision attendue, la chambre sociale tire les conséquences en droit
français des deux arrêts rendus le 14 mars 2017 par la Cour de justice de
l'Union européenne en ce qui concerne la liberté de religion dans
l'entreprise», écrit d'ailleurs la Cour de cassation sur son site internet.
La CJUE avait notamment expliqué que la liberté d'entreprendre permettait
d'imposer des restrictions en matière religieuse dans les entreprises.
Par ailleurs, une clause de
neutralité religieuse dans l'entreprise est justifiée «s'il n'était pas
possible à l'employeur, face au refus de la salariée d'ôter un signe religieux,
de lui proposer un poste de travail n'impliquant pas de contact visuel avec les
clients, plutôt que de procéder à son licenciement», explique la Cour de
cassation dans son arrêt sur l'affaire Micropole. «La Cour de cassation va plus
loin que la CJUE en instaurant une ‘obligation' de reclassement avant le
licenciement», conclut Déborah David.
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Le cimetière de Prinçay dans
la Vienne pourra garder sa croix
Le tribunal administratif de
Poitiers a validé jeudi la présence d'une croix sur le portail du cimetière de
ce village de la Vienne, contestée par le fils d'un défunt.
Le portail du cimetière de
Prinçay pourra
donc garder sa croix. Le tribunal administratif de Poitiers, annonce La
Nouvelle République, a validé jeudi la présence d'une croix sur le portail
du cimetière de ce village de la Vienne, contestée par le fils d'un défunt.
C'est sans doute la
fin d'une longue querelle byzantine entre cet homme, un retraité
habitant Périgueux, et la municipalité de Prinçay. En 2014, Philippe Bonn, dont
le père a été inhumé en 2002 dans ce cimetière, assigne la municipalité en
justice, exigeant le retrait de la croix. Sa motivation: son «attachement»,
clame-t-il, à la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État.
La loi de 1905 autorise l'entretien,
la restauration voire le remplacement des signes religieux existant
préalablement à la loi
Y avait-il une croix sur l'ancien
portail en bois, «tout déglingué», de ce cimetière en 2002, lors des obsèques
de son père? Philippe Bonn ne s'en souvient plus. «Reste qu'en 2012 ou 2013,
quand je suis allé sur sa tombe, raconte-t-il, la commune avait changé le
portail, qui est maintenant en métal et surmonté d'une croix.» Le tribunal
administratif avait pris l'avis du Conseil d'État avant de statuer. Dans cet
avis rendu en juillet, les Sages avaient précisé que la loi de 1905 autorise
l'entretien, la restauration voire le remplacement des signes religieux
existant préalablement à la loi. Or, un courrier de la préfète l'atteste, ce
cimetière existait déjà en 1859, et tous les cimetières créés avant la loi de
1905, affirme-t-elle, comportaient une croix à leur entrée.
«Rassurer d'autres
collectivités»
Début novembre, le rapporteur
public avait préconisé de rejeter la demande de Philippe Bonn. Il a donc été suivi.
«On est très content de cette décision pragmatique, même si ce n'est pas une
grosse surprise, indique Me Romain Bernier, avocat de la mairie de Prinçay.
S'il n'y a pas d'appel, cela va créer une jurisprudence, donc rassurer d'autres
collectivités qui sont dans le même cas. Mais attention! Cette décision n'est
pas transposable aux croix des cimetières postérieurs à 1905.»
Philippe Bonn a été condamné à
indemniser la commune pour ses frais de justice, à hauteur de 1200 euros. Il
dispose de deux mois pour faire appel. Il n'a pas encore pris sa décision,
attendant, dit-il, «de prendre connaissance officiellement du jugement et de
ses attendus pour (s)e prononcer».
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Corps calciné dans l'Aude: la victime décédée avant d'être
brûlée (23.11.2017)
L'homme dont le corps en feu a
été découvert dans l'Aude est décédé soit par asphyxie par strangulation, soit
à la suite d'une hémorragie crânienne, avant d'être brûlé, a indiqué
aujourd'hui le procureur de Narbonne. "L'autopsie a permis de constater
qu'il n'y avait aucune brûlure des voies respiratoires, ce qui confirmerait que
l'individu était déjà décédé lors de l'immolation. Des analyses complémentaires
sont cependant en cours pour valider définitivement ce premier résultat",
a ajouté David Charmatz.
» Lire aussi - Corps brûlé dans l'Aude: enquête pour homicide
Les causes du décès peuvent être
de deux ordres, soit "une asphyxie par strangulation, des traces ayant été
mises en évidence avec notamment une double fracture du cartilage
tyroïdien" ou bien "une hémorragie crânienne, liée à un important
traumatisme crânio-facial côté droit", selon le procureur. Aucun
projectile métallique n'a été trouvé à l'intérieur du corps.
Le cadavre avait été découvert
mardi vers 21H00 par les pompiers qui avaient été alertés pour un canapé en feu
sur un parking, à proximité du gouffre de l'Oeil Doux, dans le massif de la
Clape.
C'est après avoir éteint cet
incendie qu'ils ont constaté qu'un corps partiellement brûlé se trouvait sur le
meuble. Les légistes ont par ailleurs mis en évidence plusieurs contusions, le
nez de la victime ayant été cassé et les régions orbitaires tuméfiées, selon M.
Charmatz.
Les recherches de la gendarmerie
sont actuellement focalisées sur l'identification de la victime, "un
homme, de type caucasien, de corpulence mince, d'environ 1,72m pour un poids compris
entre 50 et 65 kilogrammes" et âgé de 30 à 50 ans. Des analyses ADN de
l'individu sont en cours.
Un policier qui avait giflé un migrant condamné (23..11.2017)
Un policier français qui avait
giflé un migrant en 2016 dans un centre de rétention près de Calais, dans le
nord de la France, a été condamné jeudi à six mois de prison ferme, a-t-on
appris auprès du parquet de Boulogne-sur-Mer. Cet agent de la police aux
frontières (PAF) assurait l'escorte d'un migrant jusqu'à la salle de jugement
d'un centre de rétention administrative, a relaté le parquet. Il lui était
reproché d'avoir, juste avant le passage devant le juge des libertés et de la
détention, giflé le migrant, sous les yeux d'une greffière qui a ensuite
témoigné contre lui.
"C'était un geste malheureux
de protection, il n'a pas voulu gifler", a assuré de son côté son avocat
Antoine Deguines. "Cette personne était assez agitée, elle se relevait
tout le temps, il a craint un coup de tête et a allongé le bras qui est allé
sur le visage de la personne". En prononçant ces six mois ferme, le
tribunal a suivi les réquisitions du Parquet, qui avait relevé que ce geste
avait été commis alors que le migrant était menotté. Le quadragénaire s'est
également vu interdit de détenir une arme pendant cinq ans et interdit de
fonction publique pendant deux ans avec sursis.
Il avait déjà été condamné pour
violences sur concubine et le sursis qui avait alors été prononcé, de quatre
mois, a été révoqué.
Tweet antisémite de Gérard Filoche : le parquet de Paris
ouvre une enquête (18.11.2017)
Sous le coup d'une procédure
d'exclusion du bureau national du PS, Gérard Filoche est visé par une enquête
pour «provocation à la haine ou à la violence». Il avait partagé vendredi sur
Twitter un photomontage à caractère antisémite visant Emmanuel Macron.
Le parquet de Paris a ouvert ce
lundi une enquête à l'encontre de Gérard Filoche après un tweet à caractère
antisémite visant Emmanuel Macron qui vaut à cette figure du PS d'être sous le
coup d'une procédure d'exclusion de son parti, selon une source proche du
dossier. L'enquête a été ouverte pour «provocation à la haine ou à la violence
à l'égard d'une personne en raison de son origine ou de son appartenance à une
ethnie, une nation, une race ou une religion», a précisé une source judiciaire.
Elle a été confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la
personne (BRDP).
Une image d'Emmanuel Macron les
bras levés devant un globe terrestre, le bras orné d'un brassard ressemblant à
un accoutrement nazi où la croix gammée a été remplacée par le signe dollar,
sur fond de drapeaux américain et israélien et de photos de Patrick Drahi,
Jacob Rothschild et Jacques Attali: ce visuel diffusé sur Twitter sur le compte
de Gérard Filoche était accompagné de quelques mots: «un sale type, les
Français vont le savoir tous ensemble bientôt». Le tweet, diffusé vendredi
soir, avait été rapidement effacé. Il «a été retiré, il ne sera plus là, j'ai
fait mes excuses», avait réagi samedi Gérard Filoche. «Qu'est-ce qu'on veut de
plus?» avait-il ajouté, rappelant être un des fondateurs de SOS Racisme.
Nombreuses réactions
politiques
Le même photomontage avait déjà
été diffusé en février sur le site Égalité et Réconciliation, d'Alain Soral, ce
qui vaut à l'essayiste d'extrême droite d'être poursuivi. Il doit comparaître
le 24 janvier devant le tribunal correctionnel. Le tweet de Gérard Filoche a
suscité de très vives réactions. Le PS a condamné samedi «avec la plus grande
fermeté ce tweet, insupportable, inexcusable et inacceptable» qui «porte
atteinte aux valeurs mêmes du socialisme» et «constitue à ce titre un motif
d'exclusion». «Nous prendrons une décision rapide», avait assuré le
coordinateur du parti Rachid Temal.
La maire de Paris Anne Hidalgo a
demandé sur Twitter l'exclusion de Gérard Filoche du parti socialiste. «Il y a
bien longtemps que le PS aurait dû exclure Gérard Filoche (...) et il faut
attendre un tweet innommable et antisémite pour engager une procédure
d'exclusion», a tweeté l'ancien Premier ministre Manuel Valls. La Licra (Ligue
internationale de lutte contre le racisme et l'antisémitisme) et le Conseil
représentatif des institutions juives de France (Crif) ont annoncé qu'ils
allaient porter plainte. Jacques Attali a également indiqué dans le JDD qu'il
allait saisir la justice.
François Kalfon, proche d'Arnaud
Montebourg et classé plutôt à la gauche du PS, a lui aussi exprimé sa
stupéfaction devant l'utilisation de ce visuel. «Je suis halluciné», a-t-il
déclaré sur France Info. «Cette image est totalement abjecte et cette tendance,
qui existe à gauche, de confusion du monde de l'argent et des juifs, ça nous
renvoie aux années sombres», selon lui.
«Ça pose un grave problème
d'appartenance au parti socialiste et (...) je souhaite que (Gérard Filoche)
puisse s'en expliquer devant nos instances, parce que je ne reconnais pas le Gérard
Filoche que je connais, je ne sais pas ce qui s'est passé, a-t-il précisé.
Le compte de la rédaction du
Figaro.fr. Sur Twitter : @Le_Figaro
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Hamon découvre en direct à la radio le tweet antisémite de Gérard Filoche
Ivan Rioufol : «L'erreur de Merkel, une leçon pour
Macron» (23.11.2017)
CHRONIQUE - En voulant rédimer
son pays de son passé antisémite, la chancelière allemande a introduit une
autre judéophobie en accueillant une civilisation conquérante. Elle paie cette
folie humanitariste.
Pour avoir voulu ignorer les
problèmes posés à l'Allemagne par l'immigration et l'islam, Angela Merkel a mis
un genou à terre. Dimanche
soir, la chancelière a reconnu son incapacité à constituer une coalition,
après l'irruption
de l'afD, parti populiste, comme troisième force (12,6 % des voix) aux
législatives du 24 septembre. Le FDP (10,7 %), libéral et
eurosceptique, a également participé à l'asphyxie de la vieille stratégie
centriste et myope. Des élections anticipées pourraient avoir lieu en 2018.
Ceux qui présentaient Merkel comme indéboulonnable doivent admettre le lien
entre son échec et sa décision d'accueillir plus d'un million de réfugiés
musulmans en 2015. Les belles âmes avaient applaudi «Mère Angela». Il ne
fallait pourtant pas être devin pour prévoir une montée des inquiétudes
identitaires. L'afD et le FDP sont les expressions politiques d'une Allemagne
qui se réveille.
«Angela Merkel n'a pas perçu
la différence entre l'islam et l'islamisme, entre la religion et l'idéologie
politique. De cette fausse perception sur la politisation de l'islam ont
découlé de nombreuses erreurs»
Alice Schwarzer, rédactrice en
chef du magazine allemand Emma
Le choc des réalités a eu raison
des illusionnistes. Ils assuraient que l'Allemagne, hantée par son passé nazi,
saurait gagner sa rédemption grâce à son ouverture à l'Autre et au vivre
ensemble. Le journal Le Monde voyait en Merkel «la fierté de
l'Europe». Le Point titrait: «L'incroyable Madame Merkel. Si
seulement elle était française…» Très vite, les regards se détournèrent des
signes antisémites ou christianophobes observés chez des nouveaux hôtes.
Les provocations du sultan
Erdogan furent laissées sans réplique. Après la nuit du Nouvel An 2016, les
autorités mirent quatre jours avant de dévoiler les 1200 agressions de femmes
commises, à Cologne et Hambourg, par des centaines de jeunes Maghrébins. Le
19 décembre 2016, après l'attentat au camion qui tua 12 personnes sur le
marché de Noël de Berlin, le sénateur vert Till Steffen refusa la publication
de l'avis de recherche du conducteur djihadiste, Anis Amri, pour éviter les
«amalgames» et les «discriminations». Vains dénis. Les faits sont têtus.
Emmanuel Macron, qui assure
qu'une économie assainie suffit à répondre
aux défis posés par l'immigration, l'islam et le terrorisme, ne peut
que constater l'erreur de son raisonnement: la montée des exaspérations dans
une Allemagne florissante le démontre. L'Autriche avait déjà confirmé la faille
du jugement présidentiel, avec l'élection récente de Sebastian
Kurz, issu de la droite conservatrice. Les citoyens savent discerner les
dangers qu'occultent leurs dirigeants. En voulant rédimer son pays de son passé
antisémite, Merkel a introduit une autre judéophobie en accueillant une
civilisation conquérante. La chancelière paie cette folie humanitariste. Dans
un entretien au Figaro, la
féministe allemande Alice Schwarzer disait d'elle: «Elle n'a pas perçu
la différence entre l'islam et l'islamisme, entre la religion et l'idéologie
politique. De cette fausse perception sur la politisation de l'islam ont
découlé de nombreuses erreurs.»
Ces erreurs sont partagées par le
président français, quand il laisse entendre que l'islamisme trahit l'islam, ou
que cette religion totalisante est naturellement compatible avec la République.
Ces naïvetés de salon sont des lâchetés. Elles ne risquent pas de rassurer une
opinion inquiète des faiblesses et des reculs du pouvoir. D'autant que le chef
de l'État se garde, pour l'instant, de commenter les atteintes portées à la
laïcité par des
prières de rue et par les exigences de visibilité islamique. Cette
prudence s'ajoute à ses impasses sur la politique migratoire et à son attrait
pour le prêt-à-penser. Ces éléments annoncent les déconvenues, y compris sur la
refondation d'une Europe souveraine et supranationale que prône Macron.
L'affront que subit Merkel, il le vivra à son tour s'il ne fait rien pour
corriger sa politique trop datée. Est-il si compliqué d'écouter les gens,
plutôt que sa caste?
Pente despotique
En
septembre, à la Sorbonne, Macron avait lâché ses coups contre ceux qui
ne partagent pas sa vision d'une Europe postnationale. À entendre le président
ce jour-là, des esprits tristes défendraient un «nationalisme», un
«identitarisme», un «souverainisme de repli». «Ils mentent au peuple», avait-il
même déclaré, en ajoutant en langage automatique: «Je ne laisserai rien à ceux
qui promeuvent la haine ou le repli national.» Mais de telles menaces n'ont
jamais eu d'autres buts que de délégitimer la contradiction. Cette manière
d'engager le débat en éliminant l'adversaire est dictatoriale. C'est d'ailleurs
avec la vieille méthode soviétique que les 500 membres de La République en
marche (LREM) ont élu, samedi, Christophe
Castaner comme délégué général du mouvement présidentiel. Castaner,
candidat unique désigné par Macron, a recueilli l'unanimité des voix (moins
deux) à l'issue d'un vote à main levée. «C'est ça, le nouveau monde!», a
commenté Castaner, qui n'en manque pas une. Ce retour au centralisme et au
jacobisme, dont les maires sont les cibles, signe l'imposture de la
«révolution» macronienne.
Cette pente vers un despotisme
mal éclairé est une régression démocratique et un danger pour la France. Les
fausses certitudes de Macron risquent d'accélérer la dilution de l'État-nation
dans une mondialisation déjà dépassée. Or l'autoritarisme présidentiel, qui a
mis au pas son parti unique, ne rencontre pas d'obstacles politiques sérieux.
Et moins encore au sein d'un gouvernement transparent. Édouard Philippe a
certes eu raison, mardi, de
demander à ses ministres de bannir l'écriture «inclusive», qui déforme les
mots pour leur donner un sexe. Mais cette bravoure ne fâchera que des
féministes hystériques et leurs chapons. Le choix de Jean-Michel Blanquer de
porter plainte, ce même jour, contre le syndicat SUD-éducation 93, qui veut
organiser des stages d'antiracisme interdits aux Blancs (!), a été aussi une
heureuse riposte (voir mon blog). Cependant, ce front contre la sottise ne peut
suffire à rassurer sur la lucidité du pouvoir.
Posture absurde
Une succession de faits révèle le
visage du Camp du Bien: le Tartuffe héberge son lot de sexistes, de racistes,
d'antisémites. Mardi, le PS a exclu Gérard
Filoche, cofondateur de SOS-Racisme, qui avait retweeté un montage digne
des caricatures d'avant-guerre sur «la juiverie internationale». En
comparaison, le FN recentré fait figure d'enfant de chœur. C'est pourtant en
référence à son passé dépassé que
deux banques lui retirent leur confiance et que Laurent
Wauquiez a refusé, lundi, la main tendue la veille par Marine Le Pen. La
posture devient absurde.
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Pierre Vermeren : «L'esclavage au Maghreb à la lumière de la
longue durée» (23.11.2017)
TRIBUNE - Les images de migrants
africains vendus commes esclaves sur un marché en Libye ont saisi d'effroi. Ce
drame ne peut être compris sans expliquer l'histoire millénaire de la traite
transsaharienne et de l'esclavage en Afrique du Nord, argumente l'universitaire
Pierre Vermeren, ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé d'histoire
et professeur d'histoire du Maghreb contemporain à Paris I-Panthéon-Sorbonne.
Le reportage de la chaîne de
télévision CNN sur la
vente de migrants africains noirs sur un « marché aux esclaves» en Libye
dévoile une réalité impensable. Aux yeux de nos contemporains les plus
attentifs, c'est pourtant la dernière manifestation d'un trafic d'êtres humains
à très grande échelle qui se déroule sous nos yeux depuis des années, qui a
déjà envoyé par le fond de la Méditerranée des dizaines de milliers de femmes,
d'hommes et d'enfants, depuis les années 1990. Les milliers de familles
d'Afrique qui envoient leurs enfants mineurs seuls en Europe, et les filières
de la traite des prostituées nigérianes, en sont les scandales les plus
saillants. Et, de façon plus générale, pour les historiens de l'Afrique et du
bassin méditerranéen, ces tragédies sont la dernière manifestation en date du
phénomène bimillénaire de la traite transsaharienne et de l'esclavage.
De l'Antiquité au début du
XXe siècle, le Sahara est demeuré un des espaces mondiaux de la traite
esclavagiste, notamment grâce au dromadaire, introduit au début de notre
premier millénaire en Afrique du Nord. Si toutes les sociétés ont été à une
époque ou à une autre esclavagistes, l'Afrique du Nord a été constamment
irriguée, jusqu'à l'aube du XXe siècle, par un commerce transsaharien de
trois types de «produits»: les hommes, les métaux (or et cuivre) et les
sous-produits de la chasse (ivoire, plumes d'autruche, fourrures).
Des routes caravanières
immémoriales les ont transportés vers la Méditerranée, au départ du fleuve
Sénégal, de Tombouctou, d'Agadès, du Bornou (lac Tchad) ou du Darfour. Au nord,
dans les têtes de pont du marché caravanier (Sijilmassa, Marrakech, le Mzab,
Ghadamès, Tripoli ou Le Caire), des marchés aux esclaves vendaient les
arrivants noirs à leurs nouveaux maîtres. Ces esclaves noirs étaient auparavant
la propriété d'Africains qui les avaient asservis à l'occasion de guerres entre
royaumes. Ces propriétaires d'esclaves les vendaient à des marchands
arabo-berbères spécialisés dans la traite, nomades, ou parfois installés dans
les villes du Sahel.
Le commerce des esclaves à
travers le Sahara, qui commence dès l'Antiquité, ne s'est jamais vraiment
ralenti du VIIe siècle au XVIIIe siècle. La traite transsaharienne
touchait chaque année quelques milliers d'hommes et de femmes.
Le commerce des esclaves à
travers le Sahara, qui commence dès l'Antiquité, ne s'est jamais vraiment
ralenti du VIIe siècle au XVIIIe siècle. La traite transsaharienne
touchait chaque année quelques milliers d'hommes et de femmes, soit, sur plus
d'un millénaire, plusieurs millions de personnes (le chiffre de
10 millions a été avancé). Précisons qu'il existait par ailleurs une
traite à destination du Moyen-Orient, empruntant l'océan Indien et l'actuel
Soudan, mais cette traite ne concerne pas le Maghreb, objet de notre réflexion.
A l'époque ottomane, la traite
transsaharienne a perduré. Par ailleurs, les grandes villes du Maghreb, du XVI
au XIXe siècle, recouraient aussi aux esclaves blancs et chrétiens
convertis de force à l'islam dans l'enfance, mamelouks pour les hommes, ou
parfois circassiennes (Tcherkesses) pour les femmes, en provenance des Balkans
et du Caucase. En outre, jusqu'au début du XVIIIe siècle, d'autres
esclaves provenaient de la course sur les navires européens. Des corsaires,
agissant pour le compte des États (Maroc) ou des Régences (Alger, Tripoli),
faisaient prisonniers équipages et passagers des navires européens, qu'ils
capturaient en mer, et les réduisaient en servitude. Des corsaires opéraient
aussi, jusqu'au XVIIe siècle, des razzias sur les côtes du Languedoc ou de
l'Italie. Ces esclaves européens donnaient lieu à des rançons juteuses pour les
corsaires et leurs commanditaires. En Europe, les Franciscains, en particulier,
s'étaient spécialisés depuis le Moyen Age dans le rachat des esclaves chrétiens
en Berbérie.
La traite saharienne vers
l'Afrique du Nord s'est poursuivie jusqu'au début du XXe siècle. Ainsi,
les Français ont fermé le marché aux esclaves noirs de Marrakech en 1912.
Plusieurs raisons ont concouru à la permanence de cette si longue traite.
Surmortalité et mutilation
La première est la surmortalité
des esclaves enferrés durant la traversée du Sahara (estimée à 20 %), et à
la suite de mutilations comme la castration des hommes. Au milieu du
XIXe siècle, le consul anglais de Tunis demande par courrier au bey, qui
dirige la Régence, de faire cesser les castrations systématiquement réalisées
sur les esclaves noirs avant leur arrivée sur les marchés d'esclaves du Maghreb
(le diplomate relève que ces castrations sont salement cicatrisées par de
l'huile ou du sable chauds). On ne peut exclure que la castration des hommes
noirs assurait une rente pérenne aux marchands d'esclaves, rendant
indispensable le renouvellement de cette population.
Mais il faut ajouter que, comme
dans toute société esclavagiste, la prohibition du métissage était la règle,
surtout avec des non-croyants, ce qui rendait impensable leur union avec des
femmes musulmanes. Dans le cas des femmes, il est à noter qu'au sein de
l'Empire ottoman, odalisques et concubines serviles du harem étaient
principalement blanches, comme nous le verrons, ce qui n'était pas le cas de
l'Empire chérifien (Maroc), de plus en tourné vers l'Afrique depuis la perte de
l'Andalousie en 1492.
La prohibition des mariages
entre Maghrébins et esclaves noires est une autre explication de la pérennité
de la traite, puisque, de ce fait, la descendance des esclaves est rare.
La prohibition des mariages entre
Maghrébins et esclaves noires est une autre explication de la pérennité de la
traite, puisque, de ce fait, la descendance des esclaves est rare ; quand
bien même elle aurait lieu, ces enfants perdent leur statut servile dès lors
que leur père est musulman. C'est d'ailleurs assez généralement le cas au
Maroc, notamment dans les familles aristocratiques, où le métissage - fruit de
cet héritage - est bien plus visible que dans le reste du Maghreb et au
Moyen-Orient, malgré l'importance de la traite.
Enfin, la possibilité offerte à
l'esclave de se convertir à l'islam ouvre au changement de statut: l'affranchissement
pur et simple ; ou le maintien dans une condition semi-servile proche du
servage, pratiqué dans les oasis du nord du Sahara. Ces «harratine» ou leurs
descendants, attachés à leur terre et soumis à leur maître arabe ou berbère,
peuplent encore de nombreuses oasis du grand Sud marocain et la Mauritanie. Eux
aussi, quoi qu'ils en soient, disparaissaient des marchés aux esclaves. Pour
toutes ces raisons, la traite se poursuivait afin d'alimenter les marchés.
La traite a davantage façonné les
sociétés sahariennes et oasiennes que l'Afrique du Nord pastorale et
montagnarde, pour des raisons économiques et sociales. Dans ces régions du sud,
des groupes tribaux, des villes et des oasis se sont spécialisés sur le très
long terme dans la traite, et la protection de ses routes. Ainsi, le royaume
des Rostémides au IXe siècle, en Berbérie centrale, installe des berbères
Zénètes venus des confins de la Libye le long des routes sahariennes. Ces
futurs «Touarègues» ont été constamment au contact des royaumes sahéliens, en
charge de ce commerce Sud-Nord. Enfin, les cours princières, les familles
aristocratiques et les grandes villes ont toujours usé d'esclaves. Au
XVIIe siècle, le sultan Alaouite du Maroc, Moulay Ismaël, forge une armée
de 40 000 esclaves noirs, les Abid, qui met le Royaume en coupe réglée
fiscale, attisant la haine des tribus, qui massacrent les Abid à la mort du
sultan.
Les choses changent du tout au
tout entre le milieu du XIXe siècle et celui du XXe siècle. La traite
est interdite au Congrès de Vienne (1815). L'esclavage est supprimé dans
l'Empire britannique (1833). Sous pression de Londres, la régence de Tunis
abolit l'esclavage en 1846, un an avant l'Empire ottoman. En 1848, la France
abolit l'esclavage dans toutes ses possessions d'outre-mer, Algérie comprise.
Toutefois, si la police des mers assurée par la Royal Navy puis la pression
française au Sahara permettent d'endiguer la traite, l'esclavage ne disparaît
pas du jour au lendemain. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le
gouvernement général d'Alger rappelle régulièrement la loi, comme en métropole
pour le travail des enfants.
Néanmoins, l'imprégnation
culturelle anti-esclavagiste devient réalité en Tunisie et en Algérie, tour à
tour ottomanes, françaises et républicaines, puis indépendantistes et
socialistes à partir, respectivement, de 1956 et 1962. Dans ces deux pays,
l'esclavage est peu à peu devenu un fait étranger. Il en demeure pourtant un
rapport très particulier, voire raciste, envers les subsahariens. Cette
question fait aujourd'hui au Maghreb l'objet de nombreux débats, autocritiques
et remises en cause, tant les étudiants et immigrés africains, en nombre
croissant, se plaignent du racisme. Mais si la condition noire reste délicate
en Algérie et en Tunisie, au moins l'esclavage est prohibé.
Au Maroc, les familles
urbaines, peu à peu privées de leurs esclaves, ont eu recours aux « petites
bonnes » (dès 7-8 ans) venues de la campagne, encore présentes par dizaines de
milliers au tournant du XXIe siècle, et dénoncées comme le plus gros scandale
du Maroc.
Les choses sont assez différentes
au Maroc, et très différentes en Mauritanie et en Libye. La colonisation
tardive de ces pays, au début du XXe siècle, fait que la possession
d'esclaves y a été tardivement prohibée. La France l'interdit au Maroc en 1922
par exemple. Certes en Libye, l'abolition fut ottomane dès 1847, mais est-elle
jamais sortie des villes littorales? Toujours est-il que des faits avérés
d'esclavage ou certains dérivés ont traversé tout le XXe siècle. Au Maroc,
les familles urbaines, peu à peu privées de leurs esclaves, ont eu recours aux
«petites bonnes» (dès 7-8 ans) venues de la campagne, encore présentes par
dizaines de milliers au tournant du XXIe siècle, et dénoncées comme le
plus gros scandale du Maroc. Une poignée d'intellectuels comme l'historien
Mohammed Ennaji, de journalistes et d'ONG ne cessent de combattre préjugés et
atavismes en ce domaine.
En Mauritanie, la situation est
plus dramatique. Dans ce pays partagé entre populations arabes et populations
noires, l'esclavage n'a jamais totalement disparu. Plusieurs scandales y
défrayent la chronique judiciaire, d'anciens esclaves dénonçant le scandale de
l'esclavage qu'ils ont connu, et cherchant gain de cause, ce qui leur vaut
parfois un emprisonnement arbitraire.
En dépit de son socialisme
proclamé, Kadhafi a maintenu sa société dans une situation sociale et tribale
archaïque, qui peut expliquer les brutales résurgences actuelles.
Enfin, la Libye est un cas
atypique. Sous Kadhafi, le pays a alterné l'accueil et le renvoi brutal de
centaines de milliers de migrants et travailleurs africains noirs. Kadhafi se
présentait parfois en grand chef africain, et il jouissait d'une incroyable
popularité en Afrique centrale et saharienne, pétrodollars obligent. Mais en
dépit de son socialisme proclamé, Kadhafi a maintenu sa société dans une
situation sociale et tribale archaïque, qui peut expliquer les brutales
résurgences actuelles.
Dans les sociétés arabo-berbères,
le discours et les pratiques anti-esclavagistes ont été importés de l'empire
ottoman, d'Angleterre et de la France coloniale. Cela a pu discréditer,
retarder, voire empêcher des mouvements abolitionnistes autochtones. Après les
indépendances, les Maghrébins ont rejeté leurs racines et leur passé africains.
Ce n'est plus le cas. La prise de conscience des élites et des pouvoirs est
assez générale.
- Crédits photo : Belin
Reste à revenir sur cette
histoire, à faire tomber les préjugés charriés par la langue et par une mémoire
fraîche (au Maghreb les termes de khel ou de ‘azi, généralement adressés aux
Noirs, signifient «nègres» ou «esclaves»), alors que s'imposent de nouvelles
nécessités géopolitiques et la vive conscience de ces anachronismes.
Pierre Vermeren est membre du
laboratoire Sorbonne-Identités, relations internationales et civilisations de
l'Europe (Sirice), qui regroupe Paris I-Panthéon-Sorbonne, Paris IV
Paris-Sorbonne et le CNRS. Il est l'auteur de nombreux ouvrages salués par la
critique, dont Le Choc des décolonisations - De la guerre d'Algérie
aux printemps arabes (Odile Jacob, 2015) et Histoire du Maroc
depuis l'indépendance (La Découverte, coll. «Repères», 5e édition,
2016).
Cet article est publié dans
l'édition du Figaro du 24/11/2017.
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Le Yémen face à la «pire crise humanitaire de la planète»
(23.11.2017)
VIDÉO - Dans ce pays, en proie à
un blocus total depuis le 4 novembre, près de dix millions de personnes ont besoin
d'une aide humanitaire d'urgence, alertent les ONG. Alors que l'eau potable et
la nourriture manquent, des épidémies de choléra et de diphtérie se répandent.
Les ONG continuent d'alerter sur
la situation au Yémen. En proie à une guerre civile depuis 2014 qui a fait plus
de 10.000 morts - sur fond de rivalité irano-saoudienne -, ce pays désertique
ancré dans le golfe d'Aden fait face à une grave crise humanitaire et
sanitaire, qui s'est accentuée depuis
l'instauration d'un blocus total par la coalition emmenée par l'Arabie saoudite
depuis le 4 novembre. «La situation empire chaque jour, témoigne au Figaro Liny
Suharlim, directrice de l'ONG Acted pour le Yémen. Les pénuries de carburants
ont des implications profondes sur les secteurs de l'eau, de l'assainissement,
de la santé et de la sécurité alimentaire en raison de la hausse des coûts de
transport. Les gens sont donc dans l'obligation de moins manger, de moins boire
et de ne pas se soigner».
Près de dix millions nécessitent
une aide d'urgence, selon l'ONG Acted. - Crédits photo : Khaled
Abdullah/REUTERS
La coalition sous commandement
saoudien est intervenue au Yémen pour stopper la progression des rebelles
yéménites Houthis face aux forces gouvernementales. Elle avait imposé un blocus
total au Yémen après le tir d'un missile balistique par les rebelles - qui
contrôlent en partie Hodeida et Sanaa - en direction de l'Arabie saoudite.
L'engin avait été intercepté au-dessus de l'aéroport international de Riyad. Le
9 novembre, le Conseil de sécurité de l'ONU avait exprimé son inquiétude devant
la «situation humanitaire catastrophique» et avait souligné l'«importance de
garder tous les ports et aéroports du Yémen en état de fonctionnement».
Épidémies de choléra et de
diphtérie
- Crédits photo : Le Figaro
Sous la pression internationale,
l'Arabie saoudite a finalement décidé, mercredi, d'alléger le blocus afin de
permettre l'acheminement de produits humanitaires. La réouverture prévue ce
jeudi du port de Hodeida et de l'aéroport de Sanaa pour l'aide humanitaire a
été saluée, mais ils ont des capacités limitées pour accueillir des vivres et
du matériel. La coalition a souligné, dans son communiqué, sa volonté
d'«alléger les souffrances du peuple yéménite». De son côté, le porte-parole
Farhan Haq au siège de l'ONU à New York s'est montré sceptique, indiquant
«suivre ces développements sur le terrain pour voir si cela se fera».
Les organisations humanitaires et
les agences de l'ONU ont dénoncé, depuis plusieurs semaines, une mesure de
punition collective qui aggrave la crise humanitaire dans ce pays de 27
millions d'habitants, dont sept millions sont au bord de la famine et près d'un
million affectés par
une épidémie de choléra. «Si le blocus se poursuit, l'accès limité à l'eau
potable conduira à la propagation du choléra: d'ici à dix jours, l'eau pourrait
venir à manquer avec pour conséquences une augmentation dramatique du nombre de
maladies liées à l'eau et des cas de choléra», juge la directrice d'Acted pour
le Yémen. Des cas mortels de diphtérie ont également été signalés en raison de
la faible couverture par vaccination des enfants de moins de cinq ans. Selon le
Comité international de la Croix-Rouge (CICR), deux millions et demi
d'habitants sont privés d'accès à l'eau potable.
Les premières victimes: les
enfants
Le risque de famine selon les
régions au Yémen. Infographie Acted. - Crédits photo : Acted
Le Yémen dépend à 90% des
importations maritimes pour son approvisionnement alimentaire. «La plupart des
22 gouvernorats du Yémen sont menacés par la famine dans les prochains jours,
il n'y a presque aucune exception», explique Liny Suharlim de l'ONG Acted.
Selon cette dernière, 21 millions de personnes ont besoin d'une aide
humanitaire. Près de dix millions nécessitent une aide d'urgence. Des chiffres
alarmants qui font dire à la directrice d'Acted pour le Yémen qu'il s'agit de
«la pire crise humanitaire de la planète». Concrètement, plusieurs milliers de
Yéménites pourraient mourir de faim chaque jour dans les trois, quatre
prochains mois si les ports restent fermés, selon le Réseau des systèmes
d'alerte précoce contre la famine (FEWS NET).
» LIRE AUSSI - Quels sont les véritables enjeux de la guerre au
Yémen?
Quinze millions de Yéménites
étaient déjà en situation de crise alimentaire avant le blocus, a souligné
mardi le FEWS NET dans un communiqué. Les premières victimes de cette guerre
sont «les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées», poursuit Liny
Suharlim. Selon Acted, 27.000 enfants supplémentaires souffrent de malnutrition
chaque mois. «La vie de 150.000 enfants est directement menacée si les
organisations humanitaires ne sont pas en mesure de réapprovisionner les
stocks», indique-t-elle. Afin de ne pas laisser un peuple mourir de faim, elle
préconise donc de trouver «une solution politique rapidement» pour mettre fin à
cette guerre, et appelle les parties à reprendre les pourparlers de paix «tout
en permettant un accès humanitaire sans entrave sur le terrain».
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Esclavage en Libye: les autorités locales sous pression
(23.11.2017)
Par Maryline Dumas et Service
InfographieMis à jour le 23/11/2017 à 18h45 | Publié le 23/11/2017 à
18h27
INFOGRAPHIE - Le phénomène est
ancien, mais les violences liées au trafic de migrants provoquent cette fois
des condamnations internationales.
Comme pour Aylan,
Kurde de 3 ans photographié mort sur une plageturque en septembre
2015, les images de CNN, montrant ce qui ressemble à une vente
aux enchères de migrants en Libye, ont fait le tour du monde. Comme pour Aylan,
tout le monde savait, mais peu a été fait jusqu'ici. Comme pour Aylan, les
réactions s'enchaînent, promettant des mesures.
Mercredi, Emmanuel
Macron a dénoncé des «crimes
contre l'humanité»: «La dénonciation par la France est sans appel.» Paris a
demandé une réunion «expresse» du Conseil de sécurité des Nations unies pour
évoquer le sujet. Le même jour, le Rwanda a proposé, par l'intermédiaire de sa
ministre des Affaires étrangères, d'accueillir 30.000 migrants prisonniers
en Libye. Avant eux, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'était
déclaré «horrifié». Le Niger, dont un certain nombre de citoyens se trouvent
justement en Libye, a demandé un débat sur l'esclavage en Libye au prochain
sommet Union européenne-Union africaine, qui doit avoir lieu à la fin du mois.
«On s'en prend à Tripoli qui
est, peut-être, le gouvernement le plus faible des trois qui existent
aujourd'hui en Libye»
Jalel Harchaoui, chercheur
spécialisé sur la Libye à l'université Paris-VIII
Le gouvernement libyen d'union
nationale, reconnu par la communauté internationale et qui contrôle les
territoires où ont lieu la plupart des «ventes», selon CNN, a quant à lui
annoncé l'ouverture d'une enquête. Devant l'Assemblée nationale, mercredi,
Jean-Yves Le Drian a signalé que les autorités libyennes avaient «plusieurs
fois (été) alertées». Le ministre des Affaires étrangères a exigé que cette
enquête soit rapide sous peine d' «engager une procédure internationale de
sanction».
Une phrase qui agace. Les Libyens
montrent, depuis la diffusion du reportage mi-novembre, leur solidarité avec
les migrants en publiant sur les réseaux sociaux des selfies avec des migrants
subsahariens. Jalel Harchaoui, chercheur spécialisé sur la Libye à l'université
Paris-VIII, a bien résumé, pour RFI, ce que ressent la population: «On s'en prend
à Tripoli qui est, peut-être, le gouvernement le plus faible des trois qui
existent aujourd'hui en Libye (depuis 2014, le territoire libyen est morcelé
entre différentes autorités politiques et militaires, NDLR). Il y a un côté
paradoxal: si ce gouvernement-là pouvait garantir de bonnes conditions pour les
migrants, il pourrait faire la même chose pour les citoyens libyens, et on sait
tous que ce n'est pas le cas.»
«Les migrants ont tous
confirmé le risque d'être vendu comme esclave sur des places ou dans des
garages à Sebha, soit par leur chauffeur, soit par des locaux.»
Extrait d'un rapport de de
l'Organisation internationale pour les migrations
Autre paradoxe: ces réactions en
chaîne alors que l'esclavagisme en Libye existe depuis longtemps et sous
différentes formes. Pour le site InfoMigrants, le journaliste Léonard Vincent
rappelle: «Ceux qui ont un peu de mémoire se souviennent par exemple des
centaines de migrants africains enfermés dans les prisons de Kadhafi et qui
rachetaient leur liberté en travaillant pour leurs gardiens.» En 2013, Le Figaro avait
rencontré John, un Nigérien, qui se postait à un grand carrefour de Tripoli
pour chercher du travail à la journée. «Ici, on nous traite comme des esclaves.
Parfois, sur les chantiers, ils nous battent. D'autres, en fin de journée,
refusent de nous payer», expliquait-il déjà.
Deux ans plus tard, le directeur
d'un centre de détention officiel, à l'ouest de la capitale, nous détaillait
sans complexe comment il évitait la «surpopulation»: «Des patrons, des
entreprises viennent chercher des employés qui ont été arrêtés. On les libère
après la signature d'un papier.» La méthode est généralisée et, au passage, les
gardes touchent une commission. Enfin, en avril dernier, l'Organisation
internationale pour les migrations (OIM) publiait un rapport titré: «L'OIM découvre des “marchés aux esclaves” qui mettent
en péril la vie des migrants en Afrique du Nord.» Le document cite notamment un
employé de l'organisation au Niger qui évoque des témoignages de migrants de
retour de Libye: «Ils ont tous confirmé le risque d'être vendu comme esclave
sur des places ou dans des garages à Sebha (Sud libyen, NDLR), soit par leur
chauffeur, soit par des locaux.»
Des responsables libyens
accusent d'ailleurs les pays d'origine des migrants de ne faire aucun effort
dans le cadre des procédures de rapatriement
Selon le gouvernement français,
entre 800.000 migrants et un million, principalement d'origine
subsaharienne, se trouvent de façon illégale en Libye. Si le phénomène est
particulièrement ancien, les flux vers l'Europe ont très largement augmenté en
2015, à la suite de la crise de l'été 2014, qui a mené à une division de facto
du pays. En à peine trois ans, près de 450.000 migrants sont ainsi entrés
en Italie, la plupart étant partis de Libye.
Les mesures prises, elles,
semblent minimes. L'Union européenne organise, depuis quelques mois, des
formations des garde-côtes libyens qui ont permis, entre autres, de
faire baisser le nombre d'arrivées en Italie cette année. Une coopération jugée
«inhumaine» par Zeid Ra'ad Al Hussein, haut-commissaire de l'ONU aux Droits de
l'homme: les quelque 20.000 migrants interceptés en mer cette année ont
été ramenés en Libye sans solution pérenne. Si l'OIM a largement accéléré les
retours volontaires - passant de 2775 en 2016 à plus de 11.000 entre janvier et
novembre 2017 -, c'est loin d'être suffisant. Des responsables libyens accusent
d'ailleurs les pays d'origine des migrants de ne faire aucun effort dans le
cadre de ces procédures de rapatriement. Au printemps dernier, des Marocains
ont, par exemple, attendu plus de quatre mois l'autorisation de Rabat pour rentrer
chez eux.
La situation est encore plus
compliquée pour les personnes qui pourraient prétendre au statut de réfugié,
non reconnu en Libye. La plupart de celles-ci restent bloquées, sans issue. Ce
n'est que le 13 novembre dernier que l'ONU a, pour la première fois, exfiltré
des réfugiés originaires de la Corne de l'Afrique. Ils étaient au nombre de 25.
Ils pourraient être accueillis en France. Paris a annoncé en octobre
l'ouverture d'un corridor humanitaire avec l'Afrique qui devrait bénéficier à
3.000 migrants avant fin 2019. Un chiffre bien loin de répondre aux
besoins du terrain. Les images de CNN seront-elles suivies d'action ou
tomberont-elles dans l'oubli comme la photo du petit Aylan?
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Guerre au Yémen : «L'effondrement de la société va secouer la
région et le monde» (23.11.2017)
INTERVIEW - Laurent Bonnefoy,
chercheur CNRS au CERI/Sciences Po, vient de publier Le Yémen : de
l'Arabie heureuse à la guerre (Éditions Fayard). Il presse la
communauté internationale d'agir dans ce conflit qui dure depuis trois ans et
qui a fait au moins 10.000 morts.
«Plus
de 20 millions de personnes, dont plus de 11 millions d'enfants, ont un besoin
urgent d'assistance humanitaire». Ce cri d'alarme lancé la semaine dernière
par des ONG et les agences de l'ONU à propos de la situation au Yémen montre à
quel point la catastrophe est proche. La guerre civile yéménite est un conflit
qui oppose depuis juillet 2014 les rebelles chiites Houtis et les forces
fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh - qui contrôlent Sanaa et le nord
avec le soutien présumé de l'Iran - au gouvernement d'Abdrabbo Mansour Hadi,
élu en 2012 à la suite de la révolution yéménite et soutenu par l'Arabie
saoudite. Selon les chiffres officiels, cette guerre a fait plus de 10.000
morts et
au moins 2000 personnes sont mortes dans la pire épidémie de choléra de
l'histoire.
Début novembre, l'Arabie
saoudite, qui soutient le gouvernement réfugié à Aden, a mis en place un blocus
destructeur après un tir de missile en provenance du Yémen et intercepté près
de Riyad. Concrètement, les ports, aéroports et accès routiers vers ce pays
sont fermés et cette décision empêche l'approvisionnement en nourriture et
autres produits de premières nécessités. L'ONU a dénoncé, début novembre, «la
plus grande famine» de ces dernières décennies. Face aux critiques, la
coalition saoudienne s'est engagée, mercredi, à alléger le blocus afin
de laisser passer l'aide humanitaire. Pour Laurent Bonnefoy, chercheur CNRS au
CERI/Sciences Po et auteur de Le Yémen: de l'Arabie heureuse à la
guerre (Éditions Fayard), cette guerre est «une catastrophe
humanitaire» dont les conséquences pourraient «dépasser les frontières du
Moyen-Orient».
LE FIGARO. - Quelle est la
situation, à l'heure actuelle, pour la population yéménite après la mise en
place d'un blocus par le royaume saoudien?
- Crédits photo : Laurent
Bonnefoy
LAURENT BONNEFOY. - Les
chiffres de la situation humanitaire sont terrifiants. Plus de 20 millions
de personnes ont besoin d'urgence d'une assistance humanitaire sur une
population totale de 30 millions d'habitants. Ce blocus, imposé depuis trois
ans et modifié épisodiquement - un allégement a été annoncé mercredi - a eu
pour effet de dégrader davantage une situation déjà difficile. Le Yémen est
structurellement dépendant de l'importation de nourriture et de médicaments. Il
y a certes eu des filets de sécurité qui ont permis d'éviter le pire. La
population s'est organisée pour survivre, via l'économie de contrebande ou
grâce à l'agriculture vivrière. Mais plus le temps passe et plus on a de
chances de voir la catastrophe annoncée depuis 2015 effectivement se réaliser.
Riyad se targue de contrôler les entrées et les sorties du territoire yéménite
et prétend gérer la crise humanitaire au mieux, notamment à travers l'action du
Centre humanitaire du roi Salman. C'est grâce à cette institution créée en 2015
que le royaume vend à la communauté internationale, chiffres à l'appui, qu'il
fait tout pour aider la population. Tout indique pourtant qu'il ne gère pas
correctement cette crise car il ne s'agit pas d'un acteur neutre mais bien
d'une partie prenante au conflit, accusée de commettre des crimes de guerre, et
parce que gérer une telle crise humanitaire ne s'improvise pas mais exige une
réelle expérience.
On résume souvent, dans les
médias, la guerre au Yémen à une rivalité régionale entre l'Arabie saoudite et
l'Iran. Est-ce si simple que cela?
«L'engagement saoudien peut
être lu comme le résultat de la montée en puissance du prince héritier Mohammed
Ben Salmane»
Laurent Bonnefoy, chercheur CNRS
au CERI
Bien sûr que non. La guerre au
Yémen est complexe et se situe principalement autour d'enjeux locaux. Au
départ, le conflit s'est construit autour d'une rivalité entre élites
politiques, apparue dans le sillage «du printemps arabe». Progressivement, à
compter de 2014, ces enjeux locaux ont été tordus par des acteurs régionaux
pour servir leur grille de lecture simpliste fondée sur l'idée d'une confrontation
entre puissances régionales en terrain yéménite. L'Arabie saoudite, notamment,
s'est engagée militairement en soutien au gouvernement issu de la révolution de
2011. La campagne a pris la forme de milliers de bombardements sur la rébellion
houthiste, soutenue par l'ancien président Saleh démis par le «printemps» et
considérée comme alliée à l'Iran. L'engagement saoudien peut être lu comme le
résultat de la montée en puissance du prince héritier Mohammed Ben Salmane qui
a cherché au Yémen à se légitimer dès son accession au rang de ministre de la
défense en janvier 2015. Cette guerre était une manière pour lui de prouver sa
valeur face aux princes plus expérimentés. Par ailleurs, la rivalité n'est
certes pas absente. Les élites saoudiennes lisent les problématiques régionales
à l'aune de cette rivalité, même s'il ne s'agit que d'une lecture forcément
partielle.
De son côté, l'Iran joue un rôle
bien plus limité au Yémen. Il ne bombarde pas, ni n'a envoyé d'hommes. Un
soutien financier et technique aux houthistes est probable mais ne constitue
pas le ferment de la rébellion quand bien même celle-ci s'inscrit de façon
évidente dans une symbolique et un univers politique chiite. Au-delà d'une
dimension confessionnelle, l'Iran voit sans doute dans ce conflit un moyen de
pousser l'Arabie saoudite à s'enliser dans une guerre qu'elle ne peut pas
gagner. Et d'ailleurs, cela se fait à moindre coût pour les dirigeants
iraniens.
Quelles pourraient être les
conséquences d'une guerre au Yémen qui s'éternise?
«Le Yémen est depuis longtemps
un territoire dans lequel les groupes djihadistes ont une assise territoriale
et trouvent un certain appui»
Laurent Bonnefoy, chercheur CNRS
au CERI
L'effondrement de la société
yéménite ne se produit pas à huis clos et risque bien d'avoir des conséquences
sérieuses pour la région et le monde. Ce pays se trouve sur «la route du
pétrole», tout d'abord, et les effets restent encore bien incertains. En outre,
la crise humanitaire génère des flux de réfugiés significatifs: 400.000
Yéménites ont déjà fui leur pays et ce n'est qu'un début, avec des routes qui
vont se structurer progressivement. Enfin, le Yémen est depuis longtemps un
territoire dans lequel les groupes djihadistes ont une assise territoriale et
trouvent un certain appui. Or la situation de guerre, notamment parce qu'elle
brise les institutions étatiques mais aussi parce qu'elle légitime la lecture
confessionnelle et violente, renforce les mouvements djihadistes. Il ne fait
pas de doute que le Yémen continuera d'être, dans le contexte de la lutte
contre al-Qaida, un front important. Rappelons que c'est notamment la branche
yéménite de cette organisation qui avait commandité l'attentat contre Charlie
Hebdo. Rien n'indique qu'elle se soit affaiblie, bien au contraire. Pire,
le Yémen représente du fait de sa pauvreté, de sa croissance démographique,
mais aussi de la faiblesse de ses ressources, particulièrement en eau, un défi
que nous serions bien inspirés de traiter avec intelligence. Je dirais même
qu'il est un laboratoire dans lequel s'observent des enjeux que d'autres pays
pourraient bientôt connaître.
» LIRE AUSSI - Quels sont les véritables enjeux de la guerre au
Yémen?
Comment expliquez-vous le
silence de la communauté internationale?
Il est d'une part lié à la
complexité du conflit. On ne comprend probablement pas réellement ce qui se
passe au Yémen ce qui conduit sans doute les médias à ne pas beaucoup en
parler. Les images et les repères manquent. Mais davantage que cachée, c'est surtout
une guerre qui est ignorée. Nos dirigeants n'ont peut-être pas envie de trop en
parler car cela conduirait notamment les puissances occidentales à revoir leurs
politiques et leurs alliances au Moyen-Orient. Une appréhension lucide de la
guerre au Yémen amènerait en effet à critiquer la stratégie aventureuse de
l'Arabie saoudite et des Émirats Arabes Unis au Yémen, et à faire pression sur
ces derniers pour qu'ils changent de politique. L'on comprend que cela se
ferait selon toute vraisemblance aux dépens de quelques contrats d'armement
passés avec ces monarchies... Nous n'y avons peut-être pas intérêt non plus
parce que cela remettrait en cause nos alliances créées à l'aide de contrats
d'armement.
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