lundi 20 novembre 2017

islamisme et politique 19.11.2017

Les forces de l'ordre face à une nouvelle vague migratoire à la frontière italienne (19.11.2017)
Face à l'évolution des menaces, la sécurité passe au numérique (19.11.2017)
La ministre de la Justice détaille le futur projet de loi contre les violences sexuelles (19.11.2017)
Général Pierre de Villiers : «Nous ne sommes pas dans la comédie humaine, nous tirons à balles réelles» (17.11.2017)
Affaire Ramadan: Caroline Fourest entendue (20.11.2017)
Esclavage en Libye : manifestation à Paris, enquête ouverte à Tripoli (19.11.2017)
Macron demande à l'UE d'accueillir plus de réfugiés (20.11.2017)
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Libye: le désert de toutes les souffrances (05.08.2016)
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Les forces de l'ordre face à une nouvelle vague migratoire à la frontière italienne (19.11.2017)
Par Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 19/11/2017 à 21h04 | Publié le 19/11/2017 à 18h07
REPORTAGE - Plus de 43.000 illégaux ont été arrêtés depuis janvier dans les Alpes-Maritimes. À la gare de Menton-Garavan, les policiers de la PAF appuyés par les CRS contrôlent systématiquement les trains en provenance d'Italie.
Envoyé spécial à Nice

Où habitez-vous, monsieur?» «Pas loin.» «Mais où allez-vous?» «Là-bas.» «Comment ça, là-bas?» «Pas loin…» Boukari cultive l'art de la litote. Pressé de questions en gare de Cannes, ce jeune homme, qui se prétend guinéen, a été invité à descendre d'un train vers Paris. «Il n'a pas de papiers, classique», commente l'agent de la brigade des chemins de fer de la police aux frontières (PAF) qui l'apostrophe. Le billet Gênes-Vintimille trouvé dans la poche de l'interpellé suffira pour le renvoyer en Italie, puisqu'il trahit son parcours. «Heureusement que les Italiens les reprennent, se félicite le fonctionnaire, parce que les migrants nous racontent ce qu'ils veulent.» Les hommes et les femmes de la PAF ont l'expérience de ces situations délicates. Le préfet des Alpes-Maritimes, Georges-François Leclerc, leur répète à l'envi: «Ne mettez pas vos vies ni celle des migrants en danger. Je veux des procédures propres dans un cadre légal qui a été clarifié.» Il est vrai que grâce à la loi antiterroriste votée en octobre, les temps de contrôle dans la bande frontalière des 20  kilomètres, ainsi que dans et aux abords des gares de Nice et de Cannes ont été doublés. «On est passé de 6 heures à 12 heures autorisées, ce qui nous permet de couvrir toute la plage de passage des trains internationaux, de 7 heures à 19 heures», se félicite le commissaire Delphine Lallemand, coordinatrice en charge de la lutte contre l'immigration irrégulière au sein de la PAF des Alpes-Maritimes.
«Nous avons arrêté 300 passeurs depuis janvier. Il y a très peu de récidivistes. On n'en voit jamais le bout !»
le commandant Lætitia Baronchelli, chef de la brigade mobile
«Depuis quelques semaines, nous assistons quand même à une dégradation des conditions de contrôle des clandestins, avec des rébellions plus fréquentes et beaucoup de faux papiers saisis», reconnaît le major Michel Prudent, patron de la brigade des chemins de fer. Le rythme des contrôles n'a jamais été aussi soutenu. Déjà 43.000 migrants interpellés dans les Alpes-Maritimes depuis le 1er janvier (contre 37.000 pour toute l'année 2016). Un millier d'arrestations par semaine en moyenne! Et un passeur serré chaque jour. «Nous avons arrêté 300 passeurs depuis janvier. Il y a très peu de récidivistes. On n'en voit jamais le bout!», lâche le commandant Lætitia Baronchelli, chef de la brigade mobile de recherche qui traque sans relâche les réseaux. Le préfet Georges-François Leclerc prédit 50.000 arrestations au total à la fin 2017. Son département aura, à lui seul, stoppé la moitié des clandestins interpellés en France cette année. Car la PAF locale les renvoie à 97 % en Italie, sous couvert de «non-admission». Une procédure éclair qui revient à considérer que les illégaux arrêtés n'ont jamais foulé le sol français. Ce système expéditif s'applique exclusivement dans des points de passage autorisés (les PPA) fixés par arrêtés ministériels. Et ces points-là, disséminés aux endroits stratégiques, sont contrôlés 24 heures sur 24.
Des migrants cachés dans les placards techniques des wagons
La gare de Garavan constitue le point le plus important. C'est la première gare française après la frontière. «70% des interpellations ont lieu ici», affirme le commissaire Lallemand. Les migrants arrivés d'Italie se cachent parfois dans les placards techniques des wagons. «Ils étaient sept, l'autre jour, entassés dans ce réduit plein de fils électriques sous tension», confie, effaré, un agent de la PAF. Le record est de 108 migrants dans un train. Tous ceux qui sont expulsables sont dirigés vers le poste de Saint-Louis à Menton, avant leur remise aux autorités italiennes quelques centaines de mètres plus haut. La frontière est matérialisée par un grand triangle blanc peint sur le rocher. Matin et soir, c'est une noria indescriptible de voitures, de fourgons de police d'où sortent des silhouettes comme des ombres. «Les locaux de Saint-Louis ont été conçus pour 7000 éloignements d'illégaux par an au maximum. Alors imaginez avec un flux sept fois plus important…», déclare le commandant Hervé Bluteau, chef de poste chevronné. En attendant mieux, il faut tenir.
«L'État ne peut baisser la garde sur la frontière sud. Plus de 200.000 illégaux se pressent dans les centres d'accueil et d'hébergement italien dans l'espoir de franchir la frontière», rappelle le préfet de Nice. Le commissaire Jean-Philippe Nahon, directeur de la PAF des Alpes-Maritimes, dispose de 150 fonctionnaires et militaires à un instant T pour assurer une surveillance permanente des 162 kilomètres de frontière du département. Il peut s'appuyer notamment sur la Sécurité publique et un renfort de cinq unités de forces mobiles, CRS et gendarmes. Il doit aussi se concerter avec ses collègues des départements plus au nord, car quand Nice serre la vis, les passeurs reportent une partie des flux vers les Alpes-de-Haute-Provence jusqu'en Haute-Savoie.
Tunnels autoroutiers, péages, comme à La Turbie, voies ferroviaires, bords de mer, et jusqu'aux plus étroits sentiers de montagne menant vers la vallée de la Roya qui descend à Vintimille en Italie, tout est contrôlé. À Fangetto ou Breil-sur-Roya, le préfet a même fait rouvrir des postes frontières fermés depuis les années 1990 avec les accords de libre circulation de Schengen. Les militaires de l'opération «Sentinelle» patrouillent la nuit en tenue de camouflage, équipés de lunettes à infrarouge pour détecter les passeurs. La tension est palpable. Et pour cause! La vague migratoire venue d'Italie est en train de changer de visage. Et le risque sécuritaire s'amplifie. Depuis environ trois mois, un nouveau flux s'ajoute à la classique immigration subsaharienne, où les Soudanais étaient majoritaires. Cette fois, les migrants arrivent de Tunisie et d'Algérie. «Ce n'est plus le même public», alertent les autorités italiennes, qui confirment cette nouvelle route reliant le Maghreb à l'Italie, via la Sardaigne et la Sicile.
«Une multitude de petites embarcations transportant chacune vingt à trente personnes partent en même temps des côtes maghrébines, des bateaux fantômes, quasiment invisibles par les radars»
Un diplomate français en poste dans la région
«Rien à voir avec les départs massifs à deux cents ou trois cents dans un bateau surchargé, comme ceux opérés depuis les côtes libyennes. Cette fois, une multitude de petites embarcations transportant chacune vingt à trente personnes partent en même temps des côtes maghrébines, des bateaux fantômes, quasiment invisibles par les radars», explique un diplomate français en poste dans la région. Selon lui, «ces esquifs utilisent la technique du banc de poissons, s'éparpillant dans toutes les directions quand approche une vedette des gardes-côte. On trouve même un site Facebook qui organise les départs», révélait récemment un passeur. «Le 23 juillet dernier, affirme un officiel français, une amnistie en Tunisie a profité à 1645 prisonniers, tandis 1027 autres ont été libérés le 13 octobre. Ils provenaient des prisons de Mournaguia, Borj Amri et Siliana, dont les effectifs sont combles.» Ces délinquants notoires se sont mêlés aux jeunes migrants tunisiens frappés par le chômage qui les pousse à partir. Pas moins de 3000 migrants tunisiens seraient ainsi arrivés en Italie en septembre et octobre. «Il pourrait en réalité s'agir du double, car beaucoup de débarquements ont lieu sur des plages peu surveillées», avance une source bien renseignée. Et ceux-là, francophones, espèrent bien rester en France.
Comme au temps du «printemps arabe»
Dans la ville italienne de Vintimille, à deux pas de Menton, le climat s'est dégradé. Les migrants déambulent en ville, formant des grappes humaines par région ou par nationalité. Un demi-millier arpente les rues chaque jour, dans l'attente d'un passage vers la France, et autant attendent leur heure dans le centre de la Croix-Rouge où ils sont pris en charge sur le plan sanitaire. Comme au temps du «printemps arabe» en 2011, on trouve sur place des passeurs tunisiens provenant de Lyon, Marseille, Toulon. Ils prennent le relais des réseaux qui ont acheminé les migrants via Rome, Milan et Gênes. Les relevés des arrestations de la PAF française démontrent que les ressortissants tunisiens sont devenus majoritaires parmi les interpellés, passant de 16 % à 25 % en quelques semaines, devant les Soudanais.
«Après trois ans de pression migratoire ininterrompue, on n'en peut plus. Pourtant, les Italiens ont une grande tradition d'accueil» 
Francesca, commerçante dans le centre-ville de Vintimille
«Après trois ans de pression migratoire ininterrompue, on n'en peut plus. Pourtant, les Italiens ont une grande tradition d'accueil», assure Francesca, commerçante dans le centre-ville de Vintimille. Enrico Ioculano, le maire (Parti démocrate) de cette commune de 25.000 âmes, l'assure, de son côté: «La ville est épuisée.» Les violences sont devenues quotidiennes. Comme à Calaishier, désormais des rixes avec armes se produisent. Les autorités locales se plaignent de phénomènes d'alcoolisation massive. Des femmes sont harcelées et deux tentatives de viol ont suscité beaucoup d'émotion. Des menaces de mort ont été proférées contre le maire. La police fait même état d'«alertes à la bombe» visant notamment la gare. Le questeur d'Imperia, chef-lieu du secteur, a dû dépêcher des renforts de policiers et de militaires par centaines. Au point que Vintimille compte désormais un uniforme pour 45 habitants. Sans parler des forces de l'ordre en civil. Des expulsions d'illégaux au profil de délinquant ont débuté le 11 octobre et le ministre de l'Intérieur à Rome met la pression sur Tunis pour que cesse l'hémorragie des repris de justice vers l'Italie.
Il n'y a pas que cela. À Vintimille, parmi les nouveaux arrivants issus du Maghreb ont été repérés un certain nombre d'islamistes qui, curieusement, refusent toute assistance de la part des bénévoles de la Croix-Rouge. Ils déclinent toute offre d'hébergement temporaire, visiblement par crainte d'être identifiés. Aussi incroyable que cela puisse paraître, à la différence des ressortissants d'origine subsaharienne, dont les empreintes ont pour la plupart été relevées dans les hotspots italiens, ceux-là n'auraient jamais été signalisés. Ce qui démontrerait une arrivée en Europe totalement clandestine. De l'autre côté de la frontière, Nice resserre son dispositif. Et Paris se tient informé au jour le jour. Gérard Collomb décortique les notes et synthèses qui remontent du terrain. Il appelle régulièrement son homologue italien. Et l'Élysée suit la situation de très près. Combien de temps peut tenir la frontière sud? Une chose est sûre: la solution ne saurait être seulement policière.
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Face à l'évolution des menaces, la sécurité passe au numérique (19.11.2017)
Par Véronique Guillermard
Mis à jour le 19/11/2017 à 18h15 | Publié le 19/11/2017 à 17h44
Les industriels déploient des solutions high-tech numériques qui seront présentées à Milipol, le salon mondial de la sécurité, qui ouvre mardi à Paris.
C'est dans un contexte de menace terroriste toujours aussi vive que s'ouvre la 20e édition du salon Milipol (21-24 novembre), à Paris-Nord Villepinte. Rendez-vous mondial pour le Gotha de la sécurité, il met l'innovation technologique au cœur de ses manifestations. Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur, y est attendu mardi pour l'inaugurer.
Face à une menace atomisée, les technologies numériques se généralisent afin de détecter les signaux faibles, précurseurs d'attaques, freiner et/ou empêcher le passage à l'acte, accélérer la prise de décision et améliorer l'efficacité des interventions. «Beaucoup de produits et services intègrent les technologies numériques, de l'Intelligence artificielle à l'Internet des objets en passantpar le big data et la cybersécurité», souligne Marc Darmon, directeur général adjoint de Thales, en charge des systèmes d'information et de communication sécurisés. Ces logiciels intelligents de reconnaissance faciale, détection de comportement anormal, de traitement de grandes masses de données… sont intégrés dans des caméras de vidéosurveillance, des smartphones sécurisés, des clefs de cryptage, des centres de commandement, des drones. Ils sont déployés dans le monde physique et dans le monde virtuel où les entreprises sont la cible de plus de la moitié des cyberattaques.
Un marché qui attire les stars de la Silicon Valley
«Au-delà du cyber-espionnage et du vol de données, les entreprises sont confrontées à des cyber-sabotages, qui visent à rendre inopérants leurs systèmes de production», précise Marc Darmon, qui est aussi président du Conseil des industries de confiance et de sécurité (CICS).
Loin d'être des gadgets à la James Bond, ces bijoux high-tech, conjugués au renseignement humain indispensable - sont de précieux auxiliaires de sécurité pour les forces de l'ordre et les entreprises, dont les opérateurs d'importance vitale (transport, eau, énergie…). Leur effondrement pourrait paralyser le pays. Ce marché ultratechnologique attire les stars de la Silicon Valley qui maîtrisent la biométrie et le traitement de données massives. Google par exemple a créé Nest, une filiale sécurité. Facebook a développé un logiciel capable d'identifier un individu d'après sa façon de marcher de dos. Le monde des Gafa (Google, Facebook, Apple…) converge avec celui de la sécurité. Les spécialistes du domaine intègrent déjà des algorithmes de reconnaissance faciale développés par Facebook.
Face aux enjeux, les budgets ont augmenté, à plus de 500 millions d'euros dans le monde (voir ci-contre). «En 2015, les entreprises françaises ont investi dans le contrôle des accès et la protection physique de leurs sites. En 2016 et 2017, elles ont investi dans la vidéosurveillance», souligne Patrick Haas, président du cabinet de référence En Toute Sécurité. «La demande en systèmes robotiques est très forte. Ce sont souvent les mêmes que ceux utilisés par les militaires en opération extérieure tels que les drones terrestres de dépiégeage ou de déminage», relève Guénaël Guillerme, directeur général d'ECA, filiale robotique de Groupe Gorgé.
Un budget en augmentation
En France, le budget du ministère de l'Intérieur pour équiper les forces est passé de 300 à plus de 400 millions d'euros par an. Mais il est encore loin du milliard jugé nécessaire par la plupart des experts pour trouver «un bon équilibre entre l'investissement technologique et les ressources humaines qui, en parallèle, doivent être renforcées». Contrairement au ministère de la Défense, la Place Beauvau ne dispose pas d'un bras armé (la Direction générale de l'armement) pour analyser les besoins, mener une politique industrielle et programmer les commandes à l'industrie. Mais il s'organise, en liaison avec Matignon et Bercy. «Le travail d'analyse des technologies critiques est lancé. Industriels et administrations dialoguent via le Comité de filière (CoFIS, NDLR), dont la feuille de route comporte un volet politique industriel», souligne Marc Darmon.
Parallèlement, la frontière entre sécurités privée et publique devient poreuse. Après les attentats de 2015, la demande en agents privés a explosé. Ils ont participé à la sécurisation de l'Euro 2016. Au 1er semestre 2018, la loi (no 2017-258, 28 février 2017) qui autorise des agents privés à porter des armes doit entrer en vigueur. Sont concernés 2 000 agents sur une population de 160 .000. Triés sur le volet, ils réaliseront leur mission en binôme avec un policier. Cette mesure permettra de réaffecter une partie des 4 000 policiers, selon plusieurs estimations, qui sont employés à des gardes statiques.

Quelques innovations du salon
● Un drône de veille 24 heures sur 24

- Crédits photo : Volt
Présenté par Drone Volt, Hercules 5UF est une station autonome, destinée à la surveillance d'espaces et événements sensibles (sites industriels, infrastructures, réseaux routiers…). Équipé d'une caméra, le drone permet une vision aérienne globale, en temps réel, sécurisée 24 heures sur 24.
● Des drones sous-marins pour sécuriser les ports

- Crédits photo : ECA
ECA présente Umis for Security, un dispositif complet  de surveillance des ports. Umis s'intègre dans le système  de surveillance radar des ports  et gère en parallèle des drones aériens (IT 180), des drones  de surface (Inspector MK2)  et sous-marins. Les radars terrestres des ports «voient» les mouvements à la surface du plan d'eau. Ils ne voient pas dans les angles morts, par exemple ceux créés par  les tankers et paquebots géants. Un petit bateau, progressant  en parallèle, peut entrer dans  un port sans être repéré. Les radars terrestres ne peuvent repérer une activité sous l'eau, par exemple des plongeurs ennemis. En combinant l'action de trois types de drones, il est possible de cartographier le fond de la mer, de repérer des mouvements sous-marins  - en les différenciant de gros poissons - et de voir dans  les angles morts, en survolant  les lieux. Cibles pour des actions terroristes, les ports, tout comme les événements organisés  en bord de mer, doivent mieux protéger leurs voies d'accès.
● Des barrières anti-camions-béliers

- Crédits photo : Pitagone
La société belge Pitagone, dont l'exportateur français est HTDS, présente des barrières anti-camions-béliers. Elles peuvent se poser sur n'importe quelle surface et sont capables de résister à l'impact d'un véhicule de 7,5 tonnes lancé à 48 km/h.

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La ministre de la Justice détaille le futur projet de loi contre les violences sexuelles (19.11.2017)

  • Mis à jour le 19/11/2017 à 12:33 

  • Publié le 19/11/2017 à 09:56
La garde des Sceaux Nicole Belloubet détaille dimanche plusieurs mesures qui pourraient figurer dans le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, annoncé en octobre dernier par la secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa.
Après plusieurs affaires polémiques soulevant la question de l'âge du consentement sexuel, la ministre de la Justice annonçait en milieu de semaine une loi sur le sujet au printemps prochain. Le chef de l'État Emmanuel Macron doit s'exprimer sur la question le 25 novembre prochain. Ce dimanche, Nicole Belloubet revient sur ce projet de loi censé mieux protéger les femmes et les mineurs des violences sexuelles. Dans une interview accordée au Parisien , la garde des sceaux le détaille en cinq points.
• Un âge légal en dessous duquel on ne peut pas être consentant
C'est une des mesures phares du projet de loi: la création d'une «présomption de non-consentement». Autrement dit, un âge en dessous duquel on considère qu'un enfant ne peut consentir à un acte sexuel. Cette décision de légiférer à ce sujet est apparue après deux affaires récentes laissant supposer que deux mineures de 11 ans avaient donné leur accord pour avoir des relations sexuelles avec des adultes, choquant une partie de l'opinion publique. Le gouvernement souhaite donc fixer un âge seuil, en dessous duquel, «il n'y aura pas à discuter s'il y a eu contrainte, menace, surprise ou violence comme c'est le cas aujourd'hui pour définir un viol».
Alors quel âge? 13, 14 ou 15 ans? «A titre personnel», la garde des Sceaux penche pour un seuil à 13 ans. Elle l'avait annoncé lundi, elle le répète ce dimanche. «Cela ne me semblerait pas absurde du tout», affirme-t-elle. «L'âge de 13 ans n'est pas inconnu en France, c'est l'âge qui a été préconisé par le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes», rappelle la ministre, soulignant qu'elle souhaite «avancer vite» sur ce sujet. Pour bon nombre d'internautes, cet âge serait trop bas. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #MoiÀ13ans est apparu cette semaine pour contester ce seuil. Par ailleurs, cette présomption sera-t-elle «irréfragable»? Autrement dit, sera-t-elle incontestable ou laissera-t-on une marge d'appréciation au juge dans certains cas? Ces questions doivent encore être arbitrées. Le seuil de 15 ans (de la majorité sexuelle) demeurerait, c'est-à-dire qu'en deçà de 15 ans, une atteinte sexuelle serait punie.
• L'allongement du délai de prescription pour les viols sur mineurs
Actuellement, la prescription concernant les viols sur mineurs est fixée à 20 ans après la majorité. C'est-à-dire qu'un justiciable violé pendant son enfance a jusqu'à l'âge de 38 ans (18 + 20 ans) pour porter plainte. De nombreuses victimes estiment que ce délai est trop court. Un rapport rendu au printemps dernier préconisait de l'allonger à 30 ans et de donner ainsi la possibilité de porter plainte jusqu'à 48 ans. «Je me range assez à la proposition de la mission», a déclaré la garde des Sceaux. «Sous réserve des arbitrages définitifs», cette proposition devrait figurer au prochain projet de loi.
• La création d'une infraction pour «outrage sexiste»
Punir le harcèlement de rue. C'est une des promesses phares de Marlène Schiappa, la secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes. De son côté, la ministre de la Justice est d'accord pour s'orienter vers la «piste contraventionnelle», c'est-à-dire un système d'amende. Mais plutôt que de parler de harcèlement de rue, Nicole Belloubet préfère le terme «d'outrage sexiste». Reste le problème de la preuve qu'il faudra apporter. «Il y a des situations dans lesquelles les auteurs seront pris sur le fait et d'autres où la preuve pourra être apportée via des témoignages ou parce que la scène aura été filmée par exemple», pense la ministre.
• Ouvrir une enquête même si les faits sont prescrits
C'est «une piste de réflexion», affirme cette fois-ci la ministre de la Justice. Étendre la possibilité à tous les parquets de France d'ouvrir une enquête, même si les faits sont prescrits, comme c'est le cas à Paris. «Il faut regarder ce que cette généralisation impliquerait pour les parquets», ajoute Nicole Belloubet. «Je comprends que porter plainte et que cela puisse donner suite à une enquête, c'est important pour la personne qui a subi des violences, même prescrites. C'est une manière de prendre en compte cette parole qui se libère».
• Accompagner les victimes de violences sexuelles
La ministre en avait déjà parlé en début de semaine après avoir constaté la hausse des plaintes déposées en octobre pour violences sexuelles après l'affaire Weinstein et la mobilisation sur les réseaux sociaux: elle aimerait «creuser la piste de la pré-plainte en ligne». «Cela permettrait à la victime, de chez elle, de poser un premier acte. Lorsqu'elle ira à la gendarmerie ou au commissariat, ceux qui vont l'accueillir sauront de quoi il est question et elle pourra être entendue par des gens qui ont été spécialement formés à cette écoute», ajoute-t-elle, tout en rappelant que la formation des professionnels reste importante.
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Général Pierre de Villiers : «Nous ne sommes pas dans la comédie humaine, nous tirons à balles réelles» (17.11.2017)
Par Alexandre Devecchio
Mis à jour le 17/11/2017 à 14h31 | Publié le 17/11/2017 à 07h00
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - À la suite d'un grave désaccord avec le président de la République sur la question budgétaire, il avait démissionné de son poste de chef d'état-major des armées, provoquant la première crise du quinquennat Macron. Dans Servir (Fayard), Pierre de Villiers explique les raisons profondes de cette rupture. Il y dit aux Français la vérité sur l'état de nos forces armées et sur l'ampleur des menaces qui pèsent sur notre pays.
«Poète revendicatif», c'est ainsi que l'avait qualifié Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement, après sa démission fracassante du poste de chef d'état-major des armées cet été. S'il aime citer Vigny («L'honneur, c'est la poésie du devoir»), Pierre de Villiers ne revendique rien. Celui qui a officié au Kosovo et en Afghanistan apparaît comme un serviteur de l'Etat d'une extraordinaire humilité. Le 17 juillet 2017, deux jours avant d'annoncer sa décision au président de la République, il a rangé son casoar, ces plumes blanches et rouges comme le sang, dans sa boîte. Comme le veut la tradition, ce symbole saint-cyrien lui avait été remis quarante ans plus tôt, à son entrée dans la célèbre école militaire. Il le gardait précieusement sur son bureau. «Quel gâchis d'en être arrivés là, alors que nous aurions pu faire autrement!», se dit-il. Pour autant, il n'en conçoit aucune amertume. Son livre n'est pas un règlement de comptes. «Trop jeune pour écrire [ses] Mémoires», il veut se tourner vers l'avant. Alors que la situation géopolitique mondiale est plus complexe et tendue que jamais, que la menace islamiste continue de peser sur notre pays, il souhaite montrer que la France a encore un rôle à jouer. A condition de savoir conserver et rénover notre modèle d'armée avant qu'il ne soit trop tard.
LE FIGARO MAGAZINE .- Au début du livre, vous expliquez que vos relations avec le président Macron ont toujours été des relations de confiance. Pourquoi avoir démissionné?
Général Pierre DE VILLIERS .- J'ai toujours veillé à la notion de franchise et de vérité que tout subordonné doit à son chef. Le vrai courage, c'est de lui dire la vérité. Le 19 juillet, deux raisons m'ont conduit à démissionner. La première: une divergence de fond sur les arbitrages budgétaires en ce qui concerne l'effort de défense en 2017 et 2018. L'annulation de crédits de 850 millions d'euros a des conséquences immédiates sur la vie des soldats, en termes d'équipement notamment. J'ai alors considéré en responsabilité ne plus être en mesure d'assurer la pérennité du modèle d'armée auquel je croyais pour garantir la protection de la France et des Français, aujourd'hui et demain. La deuxième raison tient aux propos tenus par le président de la République le 13 juillet à l'hôtel de Brienne, qui ont dégradé le lien de confiance qui doit unir le président de la République et le chef d'état-major des armées. Lien qui est fondamental compte tenu de la période que nous vivons, alors que nous sommes sous pression double avec le retour des Etats puissances et le terrorisme islamiste qui nous a frappés sur notre sol et que nous combattons en «défense de l'avant» à l'extérieur.
«La problématique budgétaire est fondamentale, mais il s'agit d'un livre qui la dépasse: c'est un livre de stratégie tourné vers l'avenir»
Pourtant, je n'ai pas écrit ce livre en réaction à ma démission. Je le porte dans mes tripes depuis longtemps. Je l'aurais écrit si j'étais parti à l'été 2018 comme prévu, suite à ma prolongation en juin dernier. J'estime qu'à l'aune de mon expérience - sept ans et demi à la tête des armées, dont quatre ans comme numéro deux et trois ans et demi comme numéro un -, j'ai une expérience et une vision à faire valoir. La problématique budgétaire est fondamentale, mais il s'agit d'un livre qui la dépasse: c'est un livre de stratégie tourné vers l'avenir. Je n'ai pas encore l'âge d'écrire mes Mémoires.
Revenons à la question budgétaire. Vous écrivez que depuis 2007 et la révision générale des politiques publiques, l'armée a tout donné…
Le costume est au plus juste, nous sommes à l'os. Pour vous donner quelques chiffres, nous avons perdu en effectifs 40.000 militaires entre 2008 et 2014. Sur cette même période, nous avons supprimé 50 formations de l'armée de terre, 17 bases aériennes et désarmé 20 bateaux. Bien sûr, il y a des chantiers à terminer, à repenser: la coopération européenne, l'amélioration du système d'acquisition de nos équipements, aller plus loin en termes d'externalisation. Mais il est difficile d'imaginer qu'il soit possible de faire des gains substantiels, par la rationalisation et la transformation, au-delà de ce que nous sommes en train d'effectuer. L'Allemagne va passer de 1,2 à 1,5 % du PIB en quatre ans. Demain, nous serons peut-être derrière l'Allemagne (qui n'a pas le même PIB que nous) en termes de budget. Cela donne à réfléchir. Quand on fait des efforts, il faut qu'il y ait un retour sur efficacité. Nous avons le sentiment que les armées se sont transformées en profondeur et de manière exemplaire depuis vingt ans, alors que les menaces n'ont cessé d'augmenter. C'est cet effet ciseaux qui a conduit à ma divergence avec le président de la République sur les budgets 2017 et 2018.
La vie quotidienne des soldats s'est-elle dégradée?
«La condition première pour gagner au combat, ce sont les forces morales»
La condition première pour gagner au combat, ce sont les forces morales. Les forces morales dépendent de la vie quotidienne: l'alimentation, l'habillement, les conditions de vie. Mais surtout, j'aurais dû commencer par là, la qualité de l'arrière. Je pense à l'échec du logiciel Louvois qui a fait que, pendant de longs mois, de nombreux hommes ont été privés de solde correcte ; ce problème n'est pas totalement réglé. Les familles ont été fragilisées par l'absence, environ deux cents jours par an, par l'imprévisibilité de l'emploi du temps, par le célibat géographique qui s'est banalisé. Il faut veiller à ne pas perdre le soutien des familles. Quand la famille tient, le moral tient.
Vous déplorez que les «diplômés financiers» ne comprennent rien à la chose militaire…
L'opposition systématique à Bercy ne m'intéresse pas. Les militaires n'ont pas le monopole du service. La souveraineté économique est fondamentale, autant que la souveraineté de défense. Mais, alors qu'ils n'ont pas connu le service militaire, nos élites, nos dirigeants, en tout cas les plus jeunes, doivent faire l'effort de connaître la réalité de nos armées. Je veux faire comprendre les enjeux de défense et de stratégie. Lorsque j'étais chef d'état-major des armées, j'ai voulu donner la parole aux militaires qui sont confrontés à la violence de la guerre. Dans l'histoire de France, lorsque les militaires ne se sont pas exprimés sur les questions stratégiques, les conséquences ont souvent été tragiques. Il faut penser l'action dans la durée.
J'ai été, juste avant de quitter mon poste, invité à m'exprimer devant la dernière promotion de l'ENA dans le cadre d'une journée consacrée à la défense. Cela a été un exercice extrêmement intéressant. J'ai senti que j'ai répondu à une attente profonde des jeunes énarques: les tripes, le cœur. Pour emmener des gens au combat, il faut se poser la question de ce qui fait le sens d'une armée aujourd'hui: quelles sont les valeurs de la France? Comment peut-on mourir pour la France? L'aspect trop souvent sacrifié aux enjeux de l'économie et de la finance, c'est l'humain. Le pilier central de ma carrière militaire a été la valeur d'humanité. Nous ne sommes pas dans la comédie humaine. Nous tirons à balles bien réelles.
Le monde d'aujourd'hui est-il de plus en plus dangereux?
«L'islamisme radical ne s'arrêtera pas avec la défaite de Daech au Levant»
Je ne sais pas s'il est plus dangereux, je sais simplement qu'il est dangereux et plus imprévisible. La guerre a changé de visage. Les délais de résolution des crises se sont allongés. Ils sont, non plus de six mois ou un an, mais d'une quinzaine d'années en moyenne. Nous devons également faire face à la dissémination des conflits: le terrorisme est partout, cela nécessite une approche transrégionale. Quand on étudie les grandes défaites dans l'histoire de France, on constate qu'il y a trois facteurs simultanés: une myopie collective, sur fond de difficultés économiques et sociales, avec la complicité des chefs militaires. Je veux dire la vérité. L'islamisme radical ne s'arrêtera pas avec la défaite de Daech au Levant. Lorsque j'étais chef d'état-major des armées, tous les matins à 8 heures on me présentait le point sur la situation ; il y avait en moyenne quatre ou cinq attentats quotidiens dans le monde entier, avec toujours la même origine: l'islamisme radical. La chute de Mossoul et de Raqqa ne marque pas la fin de l'islamisme radical. Celui-ci a deux types de vecteurs: les réseaux, parfois commandés depuis cette zone - c'était le cas des attaques du Bataclan dont nous avons commémoré le deuxième anniversaire - mais aussi des individus fanatisés, en particulier sur le net, qui agissent à titre plus individuel. Pour ceux-ci, il y a trois zones de fragilité et de prosélytisme: la prison, les mosquées radicales, les réseaux sociaux. On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas.
Des attentats de l'ampleur de ceux du 13 novembre peuvent-ils se reproduire?
Dans ce livre, j'insiste sur le fait que la protection des Français doit être globale. Elle ne se limite pas à l'opération Sentinelle. La France est une puissance maritime. Nous avons des dispositifs pour défendre nos côtes. Nous avons aussi un dispositif de protection aérienne extrêmement performant. Quand j'étais chef d'état-major des armées, il n'y avait pas une semaine au cours de laquelle ces dispositifs n'étaient pas activés. Enfin, nous sommes à la pointe de la cyberdéfense. Nous avons pris cette orientation en 2008 et cela se poursuit à travers les différents quinquennats. Cette guerre a aussi un coût en hommes et en équipements, et nous devons la mener parce qu'en face de nous, nous avons des Etats puissances qui ont cette capacité et des terroristes islamistes tout à fait performants. Nous sommes aussi opérationnels dans l'espace, avec nos satellites. Dans la protection à terre, il y a la protection de nos emprises militaires, c'est pour cela que j'ai soutenu avec force la nécessité de crédits supplémentaires dès 2017 et 2018, car oui, nous pouvons toujours être attaqués, a fortiori au moment de la défaite de Daech en Irak ou en Syrie. Que vont faire les terroristes qui ne sont pas morts? Où vont-ils aller? Vont-ils rentrer en France? Vont-ils rejoindre d'autres terrains d'engagement? En Libye, au Sinaï, au Yémen, en Asie? Plus que jamais, notre territoire national doit être protégé. On ne pourra pas éradiquer dans le monde entier une idéologie en quelques semaines ou mois. Les dispositifs de protection doivent résolument s'inscrire dans la durée car cette menace est et sera durable. Nous avons gagné une bataille, pas encore la guerre.
«Les États réarment. Certains pays tels que la Russie ou la Chine augmentent depuis dix ans leur budget de la défense de 5 à 10 %»
L'autre danger est le retour des «Etats puissances»…
Oui, les Etats réarment. Certains pays tels que la Russie ou la Chine augmentent depuis dix ans leur budget de la défense de 5 à 10 %. En 2017, les Etats-Unis vont terminer en budget exécuté probablement près de 700 milliards de dollars. En France, nous étions à plus de 5 % du PIB en 1964, aujourd'hui nous en sommes à 1,5 %. Depuis 2015, nous avons arrêté de descendre la pente, nous nous sommes stabilisés et commençons à imaginer la remonter. Les grandes puissances s'affrontent, de manière indirecte, dans tous les champs. Toutes ces tensions interétatiques avec les stratégies des différents Etats, mettent en fusion certaines zones géographiques. Il y a encore quelques mois, en Syrie, sur une zone de 20 kilomètres, il y avait des Américains, des Russes, des Turcs, des pays présents au titre de leur stratégie.
Il y a un troisième facteur de danger, souvent la conséquence des deux précédents: les migrations incontrôlées. Les phénomènes migratoires ne simplifient pas la situation stratégique mondiale. Il faut les prendre en compte, avec les drames humanitaires que cela peut causer.
Macron croit en la souveraineté européenne et encourage la création d'une armée européenne.
«Quand on est en France, on a tendance à dénigrer notre pays. Or elle est perçue comme un grand pays à l'international»
Quand on est en France, on a tendance à dénigrer notre pays. Or elle est perçue comme un grand pays à l'international. Je crois au concept d'indépendance nationale et à l'autonomie stratégique. Cependant, dans mon livre, je consacre effectivement un chapitre à ce que j'appelle «le partage du fardeau». La défense de la France passe aussi par la coopération internationale, seule solution au mal mondial qu'est le terrorisme. Nous les militaires, l'Europe, nous la pratiquons de manière concrète. C'est une coopération, qui n'est pas une coopération-fusion. La France, le Royaume-Uni et l'Allemagne représentent 60 % du budget total des 28 pays. J'ai beaucoup œuvré pour rassembler ces trois nations dans des coopérations en opérations, en équipements, en matière de formation, de logistique, de santé. Soyons pragmatiques, peut-être moins idéologues: ce que nous avons déjà bâti est une base solide.
Votre livre s'achève par un chapitre consacré à la jeunesse.

Servir, du général d'armée Pierre de Villiers, Fayard, 256 p., 20,90 €. - Crédits photo : ,
Le sentiment d'appartenance nationale, en particulier chez les jeunes, est réapparu ces dernières années. Comme chef d'état-major des armées, j'allais voir les jeunes sur le terrain, pas pour faire des cocktails mondains, mais pour les regarder les yeux dans les yeux. J'allais courir avec eux. Au premier kilomètre, il y a une certaine réserve. Au deuxième, ils commencent à parler. Au troisième, ils s'essoufflent et, au quatrième, la vérité sort de leurs tripes. Nous incorporons 50.000 jeunes par an, représentatifs de toute la jeunesse de la nation. Ils viennent chercher dans l'armée un sens à leur vie, des valeurs qu'ils ne trouvent plus dans la société, notamment les valeurs collectives: la fraternité, la famille. L'autorité, la discipline, l'exigence également. Nous sommes une institution qui a conservé le principe d'ascension sociale. Ils viennent chercher l'effort, la valeur travail, pas les 35 heures et les loisirs. Les valeurs de la République sont aussi fondamentales dans l'armée. La liberté, liberté chérie, qu'on ne mesure que quand on la perd, on se bat pour elle chaque jour. L'égalité qui est représentée par l'uniforme. Chez nous, il n'y a pas de vedette, pas de discrimination positive non plus. La balle au combat peut atteindre n'importe qui. Enfin, il y a la fraternité, parce qu'on n'arrive jamais à rien seul. Nous faisons de ces jeunes parfois déstructurés des héros, des héros parce qu'ils se battent pour leur chef, pour leur drapeau, pour leur pays. La jeunesse est l'avenir de la France et nous avons une belle jeunesse. Le dernier chapitre, je l'intitule «Aimons notre jeunesse, elle nous le rendra». Oui, aimons notre jeunesse, elle nous le rendra.
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Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
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Affaire Ramadan: Caroline Fourest entendue (20.11.2017)

Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 20/11/2017 à 15h56 | Publié le 20/11/2017 à 15h51
L'essayiste Caroline Fourest a annoncé aujourd'hui avoir été entendue par les enquêteurs dans le cadre de l'affaire Tariq Ramadan, en précisant leur avoir remis de nombreux documents confortant le récit d'une des femmes ayant porté plainte pour viol.
Dans un message publié sur son compte Facebook, la journaliste et essayiste dit avoir été "enfin entendue" par les enquêteurs, "à la demande de la seconde plaignante". L'audition s'est déroulée ce lundi, a-t-elle précisé à l'AFP.
L'islamologue suisse Tariq Ramadan est visé par deux plaintes pour viol en France, l'un émanant d'une ex-salafiste devenue militante féministe et laïque qui a déposé une plainte en octobre. Une seconde plainte a été déposée fin octobre et jointe à l'enquête préliminaire ouverte à Paris pour "viol, agression sexuelle, violences et menaces de mort.
Cette seconde plaignante accuse M. Ramadan de l'avoir violée dans un hôtel à Lyon. "J'ai pu verser au dossier de nombreux SMS, mails et captures d'écran confirmant que son récit n'avait pas varié depuis 2009. Et que d'autres femmes ont parlé sur des blogs avant qu'ils ne soient hackés ou fermés", a ajouté la journaliste sur Facebook.
L'essayiste, qui avait consacré un livre à charge au "Frère Tariq" dès 2004, avait déjà affirmé fin octobre avoir été alertée dès 2009 par trois femmes, victimes, selon elle, de "sévices particulièrement violents, traumatisants et dégradants" de ce "gourou". L'islamologue et théologien controversé, populaire dans les milieux musulmans conservateurs, conteste les accusations, se disant victime d'une "campagne de calomnie".
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Esclavage en Libye : manifestation à Paris, enquête ouverte à Tripoli (19.11.2017)

  • Mis à jour le 19/11/2017 à 18:14 

  • Publié le 19/11/2017 à 17:57
EN IMAGES - Un rassemblement a été organisé samedi soir à Paris en réaction à un documentaire de CNN montrant des migrants vendus aux enchères en Libye. Ce dimanche, les autorités libyennes ont ouvert une enquête.
Environ un millier de personnes ont manifesté samedi à Paris contre des cas d'esclavage en Libye. Cette manifestation - non déclarée en préfecture - intervient en réaction à la diffusion d'un reportage de CNN dans lequel on voit des migrants vendus aux enchères. Le documentaire a également fait réagir le gouvernement libyen qui a annoncé dimanche ouvrir une enquête.
À Paris, La préfecture de police a dénoncé dans un communiqué le caractère illégal du rassemblement. «Sans qu'aucune déclaration n'ait été faite, plusieurs associations ont organisé une manifestation et un cortège depuis l'ambassade de Libye jusqu'en direction du second site diplomatique de ce pays», dans l'ouest de la capitale, a-t-elle indiqué.

Les manifestants ont répondu à l'appel de plusieurs associations, et de Claudy Siar, vice-président du Conseil représentatif des Français d'outre-mer. Le 16 novembre, l'homme également connu pour officier sur RFi et avoir été délégué ministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer avait publié une vidéo sur Twitter dans lequel il invitait les Français à «se lever» contre l'esclavage. Samedi, il a remercié les manifestants qui ont suivi son appel et a regretté les débordements.
Partie depuis le consulat libyen, la foule est allée jusqu'à l'Arc de Triomphe, place de l'Étoile. Selon un témoin, quelques jeunes ont alors lancé des projectiles en direction des forces de l'ordre, qui ont riposté en tirant des grenades lacrymogènes. La préfecture de police a précisé qu'il n'y avait pas eu de dégradation. Une seule personne a été interpellée dans la soirée.

Plusieurs personnalités, comme le comédien Omar Sy, le footballeur Didier Drogba ou l'ancienne Miss France Sonia Rolland, avaient relayé les appels à manifester: «Soyons solidaires et au rdv pour protester contre cette torture et cette violence», avait tweeté Omar Sy.
Cette manifestation intervient après la diffusion d'un documentaire de la chaîne américaine CNN la semaine dernière. On y voit notamment, sur une image de mauvaise qualité prise par un téléphone portable, deux jeunes hommes. Le son est celui d'une voix mettant aux enchères «des garçons grands et forts pour le travail de ferme. 400... 700...» avant que la journaliste n'explique: «ces hommes sont vendus pour 1200 dinars libyens - 400 dollars chacun».
Tripoli ouvre une enquête
Ce reportage a provoqué l'indignation de leaders africains. Le président en exercice de l'Union africaine (UA), le Guinéen Alpha Condé, et le gouvernement sénégalais notamment ont vivement réagi face à la vente de migrants-esclaves, tout comme le président nigérien Mahamadou Issoufou, qui a demandé que le sujet soit mis à l'ordre du jour du sommet Union africaine - Union européenne des 29 et 30 novembre à Abidjan.
Ce dimanche, le vice-premier ministre du gouvernement libyen d'union nationale (GNA) a annoncé l'ouverture d'une enquête. Le vice-premier ministre du gouvernement d'union libyen, Ahmed Metig, avait déjà publié un communiqué sur Facebook pour exprimer «son mécontentement» quant à «la réapparition du commerce d'esclaves dans la banlieue de Tripoli». Ahmed Metig avait indiqué qu'il chargerait «une commission d'enquêter sur ces informations de presse afin d'appréhender et soumettre les responsables à la justice».
Le gouvernement a également déclaré suivre «avec grande attention les rapports des médias sur l'exploitation des migrants clandestins par des criminels», a indiqué le ministère des Affaires étrangères du GNA. Les faits décrits, qualifiés d'actes «inhumains et contraires à la culture et aux traditions du peuple libyen», «font l'objet d'une enquête», a-t-on poursuivi. «Si ces allégations sont confirmées, toutes les personnes impliquées dans ces crimes seront punies», a promis le ministère.
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Macron demande à l'UE d'accueillir plus de réfugiés (20.11.2017)
Par Le Figaro.fr avec Reuters
Mis à jour le 20/11/2017 à 17h07 | Publié le 20/11/2017 à 16h58
Emmanuel Macron a exhorté aujourd'hui ses partenaires européens à une plus grande coopération dans l'accueil des réfugiés, à l'heure où les rapports se multiplient sur les exactions commises à leur dépens, notamment en Libye. "Une mission Ofpra/HCR vient de se rendre au Niger après le Tchad pour protéger les réfugiés y compris ceux évacués de Libye. J’appelle nos partenaires à rejoindre la France dans cette mobilisation pour éviter les horribles exactions subies sur les routes migratoires.", a-t-il écrit sur Twitter.
Le chef de l'Etat avait souhaité fin juillet la mise en place de "hot spots" au Niger, au Tchad et en Libye afin "d'éviter aux gens de prendre des risques fous" en traversant la Méditerranée pour rejoindre l'Europe "alors qu'ils ne sont pas tous éligibles à l'asile". L'option de la Libye avait par la suite été abandonnée compte tenu de la situation sécuritaire préoccupante dans ce pays plongé dans le chaos et miné par les rivalités, six ans après la chute de Mouammar Kadhafi.
La mise en place de ces "missions de protection", visant à identifier en amont les migrants éligibles à l'asile, avait été soutenue par l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et la France lors d'un mini-sommet Europe-Afrique sur les migrations le 28 août. La France s'était d'ailleurs engagée à accueillir 3.000 réfugiés qui se trouvent au Tchad et au Niger d'ici 2019.

Esclaves en Libye : le Niger demande un débat au sommet UE-UA (18.11.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 18/11/2017 à 16h32 | Publié le 18/11/2017 à 16h05
Le président nigérien Mahamad Issoufou, qui s'était «indigné» jeudi de la vente aux enchères de migrants-esclaves en Libye, a demandé à ce que le sujet soit mis à l'ordre du jour du sommet Union Africaine - Union-Européenne des 29 et 30 novembre à Abidjan.
«Fortement choqué, M. Issoufou a demandé personnellement au président ivoirien Alassane Ouattara que ce sujet soit inscrit à l'ordre du jour du sommet», a affirmé à l'AFP sous couvert d'anonymat un proche de la présidence nigérienne.
Le ministre nigérien des Affaires étrangères Ibrahim Yacouba a confirmé cette demande sur son compte Twitter: «Le président du Niger (...) a demandé que cette question soit inscrite à la prochaine réunion UE-UA à Abidjan. Il nous a instruit de rester mobilisés, en lien avec tous les pays africains».
Le président nigérien s'était insurgé dès jeudi, affirmant: «La vente aux enchères de migrants comme esclaves en Libye m'indigne profondément. J'en appelle aux autorités libyennes et aux organisations internationales, afin que tout soit mis en oeuvre pour que cesse cette pratique d'un autre âge, que nous croyions à jamais révolue».
Salif Traoré, le leader du célèbre groupe ivoirien Magic System, a également appelé les dirigeants Africains à agir.
«Il est temps que nos gouvernants s'engagent pour améliorer les conditions de vie des jeunes en Afrique en vue de les maintenir sur place, car ces jeunes fuient la misère de leurs différents pays», a-t-il déclaré.
«C'est une double indignation, un cri de coeur: je suis indigné de voir les enfants d'Afrique mourir sous les océans en essayant de trouver des lendemains meilleurs», a-t-il ajouté, y voyant «une humiliation pour l'Afrique».
Le sujet de l'immigration sera au coeur du Festival des musiques urbaines d'Abidjan (Femua) qui se tiendra en avril 2018, a annoncé le leader de Magic System.
Vendredi, le président en exercice de l'Union africaine (UA), le Guinéen Alpha Condé, et le gouvernement sénégalais ont aussi fait part de leur indignation.
Le président Alpha Condé «exprime son indignation face au commerce abject de migrants qui prévaut en ce moment en Libye et condamne fermement cette pratique d'un autre âge», selon un communiqué de la présidence guinéenne.
L'UA «invite instamment les autorités libyennes à ouvrir une enquête, situer les responsabilités et traduire devant la justice les personnes incriminées» et «à revoir les conditions de détention des migrants», poursuit le texte.
«Ces pratiques modernes d'esclavage doivent cesser et l'Union africaine usera de tous les moyens à sa disposition pour que plus jamais pareille ignominie ne se répète», promet la présidence de l'UA.
Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a vivement dénoncé mardi la détérioration des conditions de détention des migrants en Libye, jugeant «inhumaine» la coopération de l'Union européenne avec ce pays.
À Dakar, le gouvernement sénégalais a «appris avec une vive indignation la vente sur le territoire libyen de migrants originaires d'Afrique subsaharienne», indique un communiqué officiel.


Libye: le désert de toutes les souffrances (05.08.2016)
Par Sébastien Rouxel et Tom WescottMis à jour le 18/08/2016 à 12h20 | Publié le 05/08/2016 à 08h49
REPORTAGE - Ils seraient entre 200.000 et 1 million à attendre sur les côtes libyennes pour embarquer sur des rafiots de malheur vers l'Europe et un espoir de vie meilleure. La traversée de la mer est dangereuse. Avant, celle de la Libye l'est tout autant. Rackets, esclavage, détentions, malnutrition et maladies sont le quotidien de ceux qui, depuis la frontière nigériane, gagnent Zouara, le nouveau port d'embarquement pour le Vieux Continent.
Voilà plusieurs heures que 23 hommes et femmes sont entassés dans la benne d'un pick-up parti du Niger. Parmi eux, Joseph, 24 ans, visage creusé par la fatigue et la soif. La chaleur est étouffante, tous peinent à respirer entre leurs lèvres desséchées. Le véhicule qui les conduit à travers les dunes de sable du Sahara transporte bien des bidons d'eau, mais il faut se restreindre: si le Toyota venait à tomber en panne au milieu du désert, les bidons seraient vides au bout de trois ou quatre jours. Alors il faut traverser les étendues de sable le plus vite possible, et le pick-up continue de tracer des sillons dans la poussière. Peu à peu, deux silhouettes apparaissent à l'horizon. Le véhicule s'approche et l'on peut désormais distinguer deux militaires se tenant debout avec, à leur droite, un drapeau libyen accroché à ce qui semble être une échelle, à leur gauche, des pneus et des barils qu'ils utilisent pour bloquer la route. Derrière eux, un fil destiné, sans doute, à marquer symboliquement la limite entre le Niger et la Libye: il s'agit du poste-frontière de Tumu, étape importante du long périple que certains ont entrepris il y a déjà plusieurs semaines. Ils viennent du Mali, du Sénégal ou du Ghana, et tous se sont rejoints au Niger, l'un des pays les plus pauvres d'Afrique, pour se rendre en Libye dont les côtes se trouvent à moins de 300 kilomètres de Lampedusa, l'une des portes d'entrée de l'Europe. «J'ai quitté ma maison au Ghana il y a trois semaines […] Je suis parti parce qu'il n'y a pas d'argent, de travail ou d'opportunités sur place», explique Joseph. Comme lui, ils sont plus de 2 000, chaque jour, à franchir illégalement cette frontière dans le but d'améliorer leurs conditions de vie, et avec l'espoir, pour beaucoup, de gagner le Vieux Continent.

Au poste-frontière de Tumu, entre la Libye et le Niger, ce sont des miliciens issus des tribus toubous qui font office de douaniers. Ils ne sont ni payés ni formés par les forces loyalistes. Mais ils contrôlent de façon exclusive cette partie de la route du Sahara, profitant du trafic d'êtres humains et de la contrebande de marchandises. Cette situation catastrophique dure depuis cinq ans, quand les soldats de Kadhafi ont abandonné les lieux, comme en témoignent, des carcasses de véhicules et d'hélicoptères laissés tels quels, puis démontés pièce par pièce. - Crédits photo : © Lorenzo Meloni / Magnum Photos.
Depuis 2011, date de la chute du régime de Kadhafi,la Libye est devenue un espace de transit important de l'immigration clandestine. Rejab Agey Mohamed, le chef du département chargé de combattre l'immigration illégale dans la ville de Mourzouk, au sud du pays, fait état des difficultés que connaît la région: «Depuis 2011, il n'y a plus véritablement d'Etat, et aucun soutien de la part des gouvernements à l'ouest ou à l'est.» Aujourd'hui, trois administrations différentes dirigent officiellement la Libye. La première est installée à Tripoli et se présente comme la garante de la révolution de 2011. Elle est qualifiée d'«islamiste» par le second gouvernement dont le Parlement se situe à Tobrouk. Ce dernier est essentiellement composé de modérés et d'anciens kadhafistes. Enfin, un gouvernement d'union nationale, dirigé par Fayez el-Sarraj, s'est formé suite à l'accord signé entre l'ONU et des députés issus des deux administrations rivales pour mettre fin aux effusions de sang. La présence de Daech dans les régions autour de Syrte et de Nofilia entretient cependant le chaos qui règne dans le pays. L'Etat libyen a ainsi totalement disparu: les fonctionnaires ne sont plus payés régulièrement, les populations souffrent de l'inflation. «Les frontières sont totalement ouvertes. La route qu'empruntent les migrants pour se rendre au nord de la Libye est incontrôlable, et nous ne pouvons rien faire pour les arrêter», ajoute Rejab.
Retour à Tumu. Depuis que les soldats de Mouammar Kadhafi ont abandonné leurs postes en 2011, des membres des tribus toubous jouent les gardes-frontières dans cette zone, mais ils ne sont ni payés ni entraînés. Cette population, marginalisée et dépouillée de sa citoyenneté par le dictateur libyen, a vu, depuis 2007, son accès à l'éducation et la santé interdit. Dans le sud, la majorité des passeurs est issue de ces tribus. Selon un activiste toubou, «beaucoup voient le trafic comme la seule option pour gagner leur vie […] La plupart voudraient une vraie carrière, mais ils n'ont pas accès à l'éducation et aucun travail sérieux ici». Le contrôle presque exclusif de la route du Sahara leur a permis de mettre en place un trafic d'êtres humains qui générerait entre 250 et 300 millions d'euros annuels.

Pour ces hommes, tout est à refaire. Ce groupe de Somaliens a été arrêté par les forces libyennes après le naufrage de leur embarcation dans les eaux territoriales du pays. Ils espéraient rejoindre l'Italie. Depuis janvier 2016, plus de 110 000 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe en traversant la Méditerranée, d'après l'Organisation internationale pour les migrations. Ils proviennent pour la plupart du Nigeria, de Somalie, de Gambie, de Guinée, du Sénégal ou du Maroc, selon l'Agence des Nations unies pour les réfugiés. - Crédits photo : © Lorenzo Meloni / Magnum Photos.
A travers le Sahara, les passeurs conduisent ces migrants jusqu'à la ville de Sebha, la plus importante dans le sud de la Libye. Les camions et les pick-up qui les transportent sont surchargés des affaires que chaque passager a pu conserver ou qu'il a pu récupérer au cours de son périple. Chaque migrant doit payer environ 250 dinars libyens (165 euros) ainsi qu'un supplément en fonction du poids de ce qu'il souhaite emporter avec lui dans cette traversée du Sahara. S'il est moins médiatisé que la meurtrière Méditerranée, le désert aurait tué autant de migrants que cette dernière depuis le début de l'année, selon l'Organisation internationale des migrations (OIM), même si elle avoue que ces terres inhospitalières rendent difficile la collecte de données fiables, qui sont probablement sous-évaluées.
Chaque jour, plus de 2000 réfugiés réussissent à passer la frontière
L'arrivée à Sebha ne constitue pas pour autant un soulagement. Certains migrants reconnaissent même qu'il s'agit de la pire étape de leur périple vers le nord du pays. «Sebha est un endroit horrible», selon Sammy, un électricien nigérian de 35 ans. «Quand je suis arrivé là-bas, l'intermédiaire nigérien a dit que je devais lui donner de l'argent pour contribuer au voyage. On m'a pris mon passeport et on m'a emprisonné. Ils m'ont réclamé 2 000 dollars, j'ai été obligé d'appeler ma mère et de lui demander de vendre tous mes biens, y compris le générateur utilisé par la famille. Mais cela faisait seulement l'équivalent de 300 dinars (200 euros).» Alors Sammy a dû «travailler comme un esclave» pendant huit mois pour régler cette dette montée de toutes pièces. Mais parfois, les passeurs s'impatientent. Fartuun, Somalienne de 21 ans, en a fait l'expérience et a frôlé la mort alors qu'elle traversait la Libye pour se rendre en Europe. Un membre de l'OIM explique que, le pays étant alors en guerre, la jeune femme préférait se cacher pour assurer sa sécurité. Elle considérait que travailler l'aurait exposée et mise en danger. Ne payant donc pas les passeurs assez rapidement, «ceux-ci ont confisqué ses documents de voyage et ont menacé de la signaler aux autorités si elle essayait de s'échapper», raconte-t-elle. Elle a été retenue contre son gré pendant six mois et, victime de violences répétées, elle est tombée gravement malade avant d'être secourue par l'OIM.

Après un raid à Tripoli, dans un fief de trafiquants et de passeurs, la police libyenne a saisi des dizaines de passeports, vrais et faux confondus, des liasses d'argent liquide, de la drogue, des médicaments, des téléphones portables et des armes. Une part immense de la Libye est devenue une vaste passoire où les groupuscules armés, les passeurs, les contrebandiers, les tribus rivales et les islamistes font la loi. - Crédits photo : © Lorenzo Meloni / Magnum Photos.
Sebha s'avère une zone de non-droit, aucune autorité n'y a d'emprise si ce n'est celle de la tribu qui règne sur place, dont Ahmed fait partie: «Nous contrôlons la zone, et aucun membre d'une autre tribu ne peut entrer […] Même l'armée n'a pas le droit d'y aller.» Il confirme également l'existence des entrepôts où sont enfermés les migrants. Aucun gouvernement ne peut agir ici, notamment du fait de rivalités et d'affrontements entre tribus toubous et arabes depuis la chute du régime de Kadhafi.
Après de nombreuses étapes, certains réussissent à atteindre le littoral. Ils se dirigent principalement vers Misrata ou Tripoli, la capitale du pays. Issiaka Abdou, coordinateur d'un projet pour Médecins sans frontières, explique néanmoins qu'une véritable «chasse aux sorcières» est menée depuis plusieurs mois contre les migrants dans ces deux villes. Ils se sont donc peu à peu dirigés vers Zouara. Mais, une fois arrivés, leur périple n'est pas terminé. Ils doivent travailler et gagner suffisamment d'argent pour payer leur place dans des canots pneumatiques, et parfois même des pirogues en bois, censés les amener jusqu'en Europe. Dès le matin, «400 ou 500 migrants sont entassés dans un même lieu et attendent qu'on leur propose un travail», précise Issiaka Abdou. Les populations locales les utilisent comme une main-d'œuvre peu coûteuse, et parfois gratuite puisque certains ne sont pas payés. Elles leur demandent de réaliser des tâches physiques et éprouvantes. Selon la proximité qu'ils ont avec les passeurs, ils doivent rassembler 800 à 2 000 dinars libyens, soit 530 à 1 320 euros environ. Cette somme est d'autant plus difficile à gagner que ces migrants représentent une cible de choix pour des agresseurs. Rejetés par les populations locales, en situation illégale et sans repères, ils se font régulièrement attaquer et doivent donner tout ce qu'ils possèdent.
Depuis 2014, plus de 10.000 migrants sont morts noyés en mer Méditerranée
Depuis peu, cette «chasse aux sorcières» qu'évoque l'humanitaire s'est étendue à Zouara. Les populations locales ont contribué à l'enfermement des migrants dans des centres de détention, véritables prisons où ils s'entassent à plus de 3 000 par centre. Ceux qui y échappent doivent trouver un endroit où dormir pour survivre. Ils occupent généralement des logements abandonnés et délabrés depuis longtemps, où les conditions sanitaires déplorables multiplient les risques de maladies. L'accès aux soins médicaux, pourtant gratuits en Libye, leur est aussi refusé: «Les médecins ont du mal à être au contact de ces migrants, car ils les considèrent comme une source de contamination. Ils se protègent avec des masques et des gants quand ils vont les voir», selon Issiaka Abdou. Ce sont finalement les ONG comme Médecins sans frontières qui leur prodiguent des soins.
Ceux qui ont réuni l'argent nécessaire peuvent entreprendre la traversée de la Méditerranée à bord de frêles embarcations, souvent en piteux état. «Nous sommes partis hier pour l'Italie. On ne savait pas que le bateau n'était pas bon», raconte une rescapée à VOA Afrique, filiale francophone du service de diffusion internationale Voice of America. «Le bateau était en train de couler, on a appelé à l'aide pour que l'on vienne nous sauver», ajoute-t-elle. Tous n'ont cependant pas la chance d'être secourus, et les eaux séparant l'Afrique et l'Europe ont déjà fait environ 3 000 victimes depuis le début de l'année, en témoigne le naufrage de deux embarcations de fortune, le 27 mai dernier, coûtant la vie à plus de 800 migrants. Hommes, femmes et enfants ne se découragent pas pour autant, et les traversées continuent sur la cruelle Méditerranée.

Dans cette cellule d'un centre de détention surpeuplé de Tripoli, des centaines de réfugiés subsahariens, qui fuient guerres, régimes corrompus et difficultés économiques, s'entassent en attendant que les autorités statuent sur leur sort. - Crédits photo : © Lorenzo Meloni / Magnum Photos.
Selon OIM, ils seraient environ 235.000 à attendre sur les côtes libyennes, mais les chiffres toujours aussi difficiles à collecter pourraient grimper jusqu'à 700.000 migrants, voire 1 million. Par ailleurs, les décisions prises en mars dernier risquent d'encourager les nouveaux migrants à emprunter la route menant au littoral libyen: la Serbie et la Slovénie ont annoncé que seuls les immigrés clandestins qui prévoient de demander asile ou ceux qui souhaitent franchir la frontière pour des raisons humanitaires pourraient circuler sur leur territoire, fermant ainsi la «route des Balkans» empruntée par 850.000 migrants en 2015. L'accord signé entre l'Union européenne et la Turquie induit également la fermeture d'une voie d'accès à l'Europe. Les migrants clandestins qui ne demandent pas asile ou dont la demande a été rejetée seront dorénavant renvoyés vers la Turquie. La Libye représente donc la dernière grande route que les migrants économiques en situation illégale peuvent encore emprunter, et toute négociation avec l'Europe semble compromise. Aucune administration n'a pour le moment suffisamment de légitimité politique pour négocier un traité tel que celui d'Ankara.
Le terrorisme profite également de cette situation pour se renforcer dans la région. L'un des points de passage vers l'Europe est la ville de Syrte, sur le littoral libyen, contrôlée par l'Etat islamique. En raison de sa loyauté envers l'ancien régime, elle a connu des destructions même après la mort du dictateur, puis a été privée de tout pouvoir. Profitant de cette situation, un groupe djihadiste s'est implanté dans la ville avant de se rallier à Daech après la proclamation du califat en juin 2014. Le groupe terroriste a ensuite étendu son influence sur la région autour de Syrte. Cette route migratoire représente une opportunité pour l'Etat islamique qui peut continuellement grossir ses rangs. «Lorsque les camions de migrants passent à Syrte, l'Etat islamique les arrête. Il propose de grosses sommes d'argent aux clandestins pour les convaincre de rejoindre ses troupes», explique un membre de la Chambre des opérations à Misrata, dont les forces encerclent la région. Certains musulmans sont kidnappés et forcés à apprendre le maniement des armes puis à travailler pour l'organisation terroriste. Si l'offensive des troupes libyennes à Syrte, en mai 2016, contribue à déstabiliser l'Etat islamique dans la région, sa présence en Libye est loin d'être remise en cause. Les soldats ayant lancé l'assaut sont fidèles à des gouvernements différents, celui de Tobrouk et celui de Fayez el-Sarraj. Chacun semble vouloir asseoir sa légitimité politique à travers la réussite de cette opération militaire. Elle pourrait donc, de ce fait, ne pas aboutir.
Cette crise migratoire n'est donc pas qu'un simple symptôme du chaos qui règne dans le pays. Des problématiques de différentes natures s'y mêlent, et il est difficile de les distinguer. Avoir une politique extérieure commune, réfléchir à l'avenir de l'espace Schengen, lutter contre la menace terroriste et trouver une solution à cette crise migratoire sont autant de défis que l'Europe doit relever. Mais la solution ne peut pas être simplement européenne, puisque ces problèmes sont également liés aux dangers qui menacent l'Afrique. Et les migrants qui entreprennent ce périple.
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L'ombre de Kadhafi plane toujours sur le chaos libyen (15.10.2017)

Par Jenna Le Bras
Mis à jour le 15/10/2017 à 18h07 | Publié le 15/10/2017 à 17h50
ENQUÊTE - Avec l'annonce de la libération de Seïf al-Islam, le fils invisible de l'ex-Guide libyen, les partisans de Mouammar Kadhafi sont convaincus que leur retour est inévitable. Qu'ils soient hors ou à l'intérieur du pays, ils rêvent, à la faveur du chaos, d'une restauration de l'ancien régime.
Le Caire
La cérémonie s'est tenue dans un hôtel cossu du Caire fin juin. Plusieurs figures de l'ancien régime, des militaires et des partisans en exil de Mouammar Kadhafi s'étaient réunis. «On a fêté ça dignement», se gargarise un ancien proche du défunt colonel. Le 9 juin dernier, la brigade Abou Bakr al-Sadiq a publié un communiqué affirmant avoir «relâché Seïf al-Islam Kadhafi conformément à une nouvelle loi d'amnistie». Cette grâce édictée par le gouvernement de l'Est libyen est un signal d'ouverture supplémentaire de la part du maréchal Khalifa Haftar, qui a aussi permis récemment le retour en Libye de milliers de kadhafistes et même désigné Mabrouk Sahban - l'un des commandants les plus fidèles de Kadhafi - chef du centre d'opérations attaché à Syrte pour lutter contre les différents groupes d'insurgés.
Après cette annonce, nombreux sont les partisans de l'ancien régime, jusqu'alors divisés sur la légitimité du fils Kadhafi, à lui avoir exprimé leur soutien. Ces six dernières années, ils s'étaient scindés en trois groupes distincts s'accusant les uns les autres d'être des traîtres pour leur pays: les partisans de Seïf al-Islam ; les soutiens de Haftar et ceux voulant le retour quasi à l'identique de la Djamahiriyya libyenne. Des tensions qui sont désormais de l'ordre du passé, assurent-ils: «Seïf met tout le monde d'accord.» Pourtant, Seïf al-Islam n'a toujours pas donné signe de vie. Si certains observateurs soupçonnent un coup de communication de ses anciens geôliers qui le sauraient mort, d'autres, qui le pensent bien en vie, doutent néanmoins de sa capacité à remonter sur la scène politique libyenne.
«L'existence de centres d'entraînement de kadhafistes est avérée notamment dans la région de Derna»
Claudia Gazzini, analyste pour Libya International Crisis Group
«Le peuple libyen ne va pas lui laisser le choix», lâche pourtant Taher Dahech - ancien pilier du régime Khadafi -, à la tête du Comité révolutionnaire international (CRI). Le groupe rassemble les partisans du Guide et fait office de jugulaire de l'idéologie kadhafiste. Ses membres opèrent pour le retour de l'ancien régime depuis 2012 et revendiquent 30.000 militants. «Cela comprend les anciens restés fidèles à Kadhafi, les comités révolutionnaires et les cellules dormantes», précise-t-il, avec «la majorité des effectifs dans les populations tribales». Ils se targuent par exemple d'avoir dans leur camp les tribus des Warchefanas, des Warfallas, des Tahounas, des Awfiyas et des Thawargas, soit près de 400.000 fidèles discrets. En septembre 2015, le Conseil suprême des tribus libyennes (CST) - rassemblant essentiellement les tribus restées fidèles à Kadhafi - a d'ailleurs choisi Seïf al-Islam comme le représentant légitime du pays. Si le conseil n'a pas de réel poids institutionnel, il possède néanmoins un pouvoir symbolique fort sur une portion importante de la population notamment dans le Fezzan et la Tripolitaine.
Hors Libye, les partisans «verts» sont aussi entre 15.000 et 20.000, prêts à rentrer au moindre frémissement en leur faveur. Plusieurs milliers d'hommes ont également été recrutés dans l'optique de disposer d'une armée qualifiée prête à reprendre le pouvoir au moment opportun. «L'existence de centres d'entraînement de kadhafistes est avérée notamment dans la région de Derna», confirme Claudia Gazzini, analyste pour Libya International Crisis Group, «ils sont aussi entraînés en Égypte et certains déjà de retour en Libye. Ces soldats ont par exemple pris part à la bataille de Syrte avant de se rediriger vers le croissant pétrolier.»
«Ils prennent leurs rêves pour des réalités ! Ils ne sont pas crédibles. Ce sont des jeux du passé»
Un diplomate familier du terrain
«On fait de l'entrisme», concède Franck Pucciarelli, porte-parole du CRI. Du lobbying qui se joue aussi en dehors des frontières libyennes via des réseaux officieux de politiques autrefois proches du Guide, des partisans fortunés qui financent des actions et des médias qui diffusent des campagnes de réhabilitation. Mais ce dont les kadhafistes sont les plus fiers, c'est l'ouverture d'un nouveau front en Afrique de l'Ouest: au Sénégal, au Tchad, au Bénin, 16 pays au total qu'ils veulent investir dans l'espoir de raviver des populations nostalgiques du Guide qui ont longtemps profité de ses largesses financières.
«L'objectif, c'est de montrer aux dirigeants occidentaux la légitimité de Kadhafi. Il a toujours une image forte. Et il y a un terrain favorable pour nous en Afrique à la dénonciation des pratiques de la CPI (qui poursuit actuellement Seïf al-Islam pour crimes contre l'humanité, NDLR)», rappelle Pucciarelli. Un noyautage qui s'illustre sur le terrain par l'émergence de rassemblements «verts». Ils sont certes peu fournis, quelques dizaines de personnes seulement, mais «ne cessent de s'accroître», tente de convaincre le coordinateur régional Oscar Zoumenou, basé au Bénin. «Je ne saurais dire combien nous sommes mais le réservoir de soutien est énorme. Nous recevons des demandes d'adhésion tous les jours.»
«Ces antennes africaines existent depuis longtemps, ce n'est pas difficile de les réactiver», confirme un observateur présent en Libye. Mais une politique de reprise du pouvoir ne peut se faire seulement avec des réseaux en Afrique, affirme-t-il. «Ils prennent leurs rêves pour des réalités!», assure aussi un diplomate familier du terrain, «ils ne sont pas crédibles. Ce sont des jeux du passé.»
«Les figures familières d'avant 2011 comme Seïf al-Islam paraissent attrayantes car “les nouvelles têtes” ont été incapables de livrer un mode de gouvernance ou une vie économique acceptables» 
Jalal Harchaoui, spécialiste de l'impact international de la crise libyenne
La nostalgie, c'est pourtant le fonds de commerce des kadhafistes, qui se pourlèchent des échecs répétés des différents pouvoirs mis en place depuis 2011. Des débâcles auxquelles ils avouent ne pas être étrangers, se prévalant d'être responsables de sabotages et déstabilisations locales. Un chaos libyen, dont ils se posent juge et partie, leur ayant permis de récupérer des soutiens récents de Libyens qui regrettent la vie sous le colonel. «Sans l'exagérer ou la surestimer, il ne fait aucun doute que la mouvance kadhafiste est plus importante aujourd'hui qu'il y a un ou deux ans», confirme Jalal Harchaoui, spécialiste de l'impact international de la crise libyenne. «Les Libyens sont fatigués de la guerre civile et surtout du refus chronique de leurs diverses élites d'envisager la moindre compromission. La Libye est tendue et profondément divisée. Dans un tel contexte, les figures familières d'avant 2011 comme Seïf al-Islam paraissent attrayantes car “les nouvelles têtes” qui ont dominé la scène politique depuis 2011 ont été incapables de livrer un mode de gouvernance ou une vie économique acceptables», note le chercheur.
Nombreux brandissent d'ailleurs avec fierté les vidéos des marches exaltées qui ont éclaté à l'annonce de la libération de Seïf al-Islam. On y voit des hommes agiter des drapeaux à la couleur du Guide en scandant «Kadhafi! Soutien à Seïf al-Islam!» à Ghât, Awbari ou Bani Walid. Des zones traditionnellement acquises au colonel mais où, jusqu'à il y a encore peu, ses partisans se terraient par peur des représailles. Un engouement nouveau mais limité - quelques centaines de personnes tout au plus - revendiqué par Abd el-Baset, exilé en Égypte, qui a gardé des très fortes connexions avec les supporteurs de l'ancien régime dans le pays. Il était l'une des courroies de transmission du projet politique de Seïf al-Islam avant 2011, son conseiller média et l'un de ses porte-parole. L'un de ceux aussi qui l'ont accompagné jusqu'aux derniers instants avant sa capture lors sa fuite de Tripoli le 19 novembre 2011. «Quelques jours plus tôt, Seïf nous a réunis et nous a dit qu'il fallait réfléchir à des solutions en urgence pour la Libye. Tripoli était sur le point de tomber», se remémore-t-il.
«Si des élections ont lieu, avec une figure comme Seïf al-Islam, les kadhafistes sont en mesure de les remporter»
Mustafa Fetouri, professeur en sciences politiques
Seïf le pondéré, prêt à jouer le jeu de la transition démocratique et à prendre la suite de son père «ne s'imaginait pas qu'il se ferait arrêter». Une information appuyée par le rapport parlementaire du député conservateur Crispin Blunt publié l'année dernière affirmant que Seïf al-Islam aurait «peut-être pu permettre la mise en œuvre de réformes en Libye». «Seïf a une légitimité de par son identité mais aussi par les sept dernières années de chaos en Libye. Sa popularité est restée importante, c'est la communauté internationale qui impose aujourd'hui son retrait. Si la nation veut son retour, on ne pourra pas nous imposer le contraire», insiste el-Baset. Une capacité nuancée mais pas totalement écartée par les observateurs sur le terrain.
«Les hauts responsables sont certainement finis, ils ne pourront pas revenir sur le devant de la scène avant plusieurs années , affirme Mustafa Fetouri, professeur en sciences politiques basé à Tripoli.  En revanche, si les partisans lambda parviennent à s'organiser, ils peuvent faire quelque chose. Les soutiens locaux à l'intérieur du pays sont encore nombreux, il suffit juste de les réactiver avec une proposition politique. Si des élections ont lieu, avec une figure comme Seïf al-Islam, les kadhafistes sont en mesure de les remporter.». Ils seraient aussi en mesure de «faire monter les enchères», assurent les spécialistes, notamment grâce à leur emprise sur le sud du pays qui échappe aux deux pouvoirs concurrents à Tobrouk et Tripoli, sans toutefois apparaître comme une réelle troisième force. Il y a quelques jours, le représentant spécial de l'ONU en Libye, Ghassan Salamé, a assuré que le processus politique en cours devait être «ouvert à tous, y compris aux anciens partisans de Kadhafi». Reste à savoir si les kadhafistes sont capables de saisir l'opportunité.

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Des voix s'élèvent pour dénoncer l'esclavage de migrants en Libye (20.11.2017)

  • Publié le 20/11/2017 à 13:34

VIDÉO - La diffusion, par CNN, d'images montrant des migrants africains vendus aux enchères en Libye, a déclenché une indignation générale et l'ouverture d'une enquête sur de tels faits, déjà dénoncés il y a quelques mois par l'ONU.
Après des mois de mise en garde par les ONG, c'est un reportage de CNN qui a attiré l'attention de l'opinion publique sur la situation dramatique des migrants en Libye. Entassés dans des centres de détention, battus et humiliés, des images de la chaîne américaine ont démontré qu'ils sont également vendus comme esclaves. Cette vidéo a déclenché une indignation et l'ouverture d'une enquête contre cette pratique, révélée par des témoignages il y a plusieurs mois.
• Un reportage de CNN montrant une vente d'esclaves
Les images ont été diffusées lundi 13 novembre par la chaîne de télévision américaine. Dans un reportage sur le parcours et les conditions de vie des migrants africains arrivés en Libye, CNN dévoile une vidéo filmée avec un téléphone et montrant un homme en train d'appeler au plus offrant en échange de «garçons grands et forts pour le travail de ferme». «400», «700», clame-t-il au gré des offres de ceux qui entendent acheter les jeunes hommes qui leur sont présentés, pour quelques centaines de dollars.
«L'un des hommes en train d'être vendu est Nigérian», explique la chaîne dans un article publié le 14 novembre pour accompagner le reportage. Après avoir reçu ces images, des journalistes de CNN se sont rendus en Libye pour vérifier son authenticité et rendre compte de la situation dans le pays. «Nous avons vu une douzaine de personnes finir “sous le marteau” en l'espace de six à sept minutes», affirme la chaîne.
Les reporters ont tenté d'échanger avec deux de ces hommes qui venaient d'être vendus aux enchères. «Ils étaient tellement traumatisés par ce qu'ils venaient de vivre qu'ils ne pouvaient pas parler, et ils avaient tellement peur qu'ils étaient méfiants avec tous ceux qu'ils rencontraient.»
• Indignation générale
Ces images ont suscité de vives réactions. Le président de l'Union africaine (UA), Alpha Condé, a notamment exprimé «son indignation face au commerce abject de migrants qui prévaut en ce moment en Libye» et a invité les autorités libyennes à ouvrir une enquête. Le président nigérien Mahamadou Issoufou a demandé à ce que le sujet soit mis à l'ordre du jour du sommet Union Africaine - Union européenne des 29 et 30 novembre en Côte d'Ivoire.
À ces réactions directes s'est ajoutée la déclaration du haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, qui ne réagissait pas directement au reportage de CNN. Le 14 novembre, Zeid Ra'ad Al Hussein a dénoncé cet «esclavage des temps modernes», ajoutant que la communauté internationale ne peut plus «prétendre que la situation ne peut être réglée qu'en améliorant les conditions de détention». Le haut-commissaire a notamment dénoncé l'aide de l'Union européenne, et en particulier de l'Italie, aux gardes-côtes libyens pour empêcher les traversées de migrants en Méditerranée en les ramenant en Libye.
Le haut-commissaire s'exprimait alors que 13 pays européens et africains, dont la Libye, réunis en Suisse, venaient de décider d'améliorer les conditions des migrants dans les centres de détention en Libye tout en promouvant des alternatives à cette solution, rappelle l'AFP. «Nous savons que dénoncer ne suffit pas, il faut agir», a rétorqué sur le sujet le ministre italien des Affaires étrangères, directement impliqué dans ces accords avec la Libye.
• Une enquête ouverte en Libye
CNN indique sur son site avoir transmis ses images aux autorités libyennes, qui lui ont promis de lancer une enquête. Dimanche, le vice-premier ministre du gouvernement libyen d'union nationale (GNA) a effectivement annoncé l'ouverture d'une enquête sur ces cas «inhumains». «Si ces allégations sont confirmées, toutes les personnes impliquées dans ces crimes seront punies», a promis le ministère des affaires étrangères.
Autre conséquence concrète, en France, où un Collectif contre l'esclavage et les camps de concentration en Libye s'est créé. Il a appelé, avec plusieurs associations, à une manifestation à Paris contre ces cas d'esclavage, organisée samedi. Un millier de personnes y ont participé
• Une situation dénoncée par les ONG depuis des mois
Si l'ampleur des réactions est inédite, les révélations sur la maltraitance et le trafic visant les migrants en Libye ne l'est pas. En avril, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) alertait sur des «marchés aux esclaves» découverts sur la route qu'empruntent les migrants africains pour gagner la Libye, y compris dans le sud du pays. Deux mois plus tard, l'OIM informait les Nations unies de cas de torture commis en Libye sur des migrants séquestrés. Là encore, les violences atroces étaient utilisées pour soutirer de l'argent à leurs familles. En octobre, le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) évoquait des cas de «travail forcé» et d'«exploitation sexuelle», des coups à répétition et des privations de nourriture.
En juillet dernier, les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne se sont accordés sur une coopération renforcée entre l'Europe et la Libye - déjà à l'œuvre depuis mars -, à la fois pour renforcer les contrôles des gardes-côtés libyens, mais aussi pour bloquer les routes du sud du pays. Quelques semaines plus tard, Emmanuel Macron apportait par ailleurs son soutien à la mise en place de centre d'examen de demandes d'asile en Libye afin de limiter les départs. Une solution finalement abandonnée fin août, face à l'insécurité dans le pays. L'accord concernant le contrôle des frontières libyennes, quant à lui, reste effectif.
Déjà à cette période, les ONG mettaient en garde sur les risques d'un tel accord. «Si l'Union européenne veut coopérer avec la Libye, il faut qu'il y ait des conditions fixées», notamment le fait d'«exiger que les textes internationaux protégeant les réfugiés soient signés», ainsi que les accords sur l'interdiction de la torture, faisait alors valoir au Figaro Jean-François Dubost, responsable du programme Protection des populations au sein d'Amnesty International.
Le reportage de CNN constitue néanmoins la première preuve visuelle de ventes de migrants comme esclaves sur le sol libyen.
• Des mesures déjà lancées
Face aux alertes sur cette situation, une procédure d'évacuation de certains réfugiés vers la France a été organisée depuis plusieurs semaines. Dans un procédure nouvelle, le HCR a rencontré plusieurs migrants d'une trentaine de centres de détention en Libye et en a identifié plusieurs en situation d'extrême vulnérabilité pouvant prétendre au statut de réfugiés. Cette démarche est directement liée à l'engagement pris par Emmanuel Macron, au début du mois d'octobre, d'accueillir 10.000 réfugiés d'ici à 2019, dont 3000 issus des «missions de protection avancées» de l'Office français de protection de réfugiés et apatrides au Niger et au Tchad.
Un premier groupe de 25 réfugiés - 15 femmes, six hommes et quatre enfants - a ainsi été évacué vers le Niger, le 11 novembre dernier. Ce lundi, le directeur général de l'Ofpra a confirmé qu'ils seraient accueillis en France, «au plus tard en janvier». «L'enjeu maintenant est que d'autres pays, Européens, Américains, Canadiens, se joignent à cette démarche», a-t-il ajouté.
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Des migrants vendus sur des «marchés aux esclaves» en Libye (19.04.2017)
Par Yohan Blavignat
Publié le 19/04/2017 à 20h18
L'organisation internationale pour les migrations (OIM) a recueilli des témoignages de migrants qui attestent de l'existence de «marchés aux esclaves» au sud de la Libye, dans des zones difficiles d'accès.
La Libye, en proie à une guerre civile et à une grave crise politique et institutionnelle, abriterait des pratiques dignes de l'antiquité. Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), une institution rattachée à l'ONU, un nombre croissant de migrants transitant par ce pays sont vendus sur ce qu'ils appellent des «marchés aux esclaves» avant d'être soumis au travail forcé ou à l'exploitation sexuelle.
L'organisation se base sur les témoignages de nombreux migrants revenus de Libye. Contacté par Le Figaro, Giuseppe Loprete, chef de mission de l'OIM au Niger, a en effet relaté les dires d'un groupe de personnes qui ont «pour la première fois indiqué clairement l'existence de ce marché». «Beaucoup de migrants avaient auparavant raconté des histoires similaires, dramatiques, marquées par des violences, des abus et de l'exploitation. Eux-mêmes se définissaient comme des esclaves», a-t-il poursuivi. Mais ces témoignages n'étaient pas aussi concrets que ceux recueillis la semaine passée.
Concrètement, des migrants originaires d'Afrique de l'Ouest, interrogés par l'OIM, disent avoir été achetés et revendus dans des garages et des parkings de la ville de Sabha, une localité du sud de la Libye par laquelle passent de nombreux candidats à l'exil. Ils sont vendus entre 200 et 300 dollars et retenus deux à trois mois, en moyenne, a déclaré pour sa part Othman Belbeisi, qui dirige la mission de l'OIM en Libye. «Les migrants sont vendus sur le marché comme s'ils étaient une matière première», a-t-il dit à la presse. «La traite d'êtres humains est de plus en plus fréquente chez les passeurs dont les réseaux sont de plus en plus puissants en Libye.»
Des migrants piégés par les trafiquants
Originaires surtout du Nigeria, du Sénégal et de Gambie, les migrants sont capturés alors qu'ils font route vers le nord de la Libye d'où ils comptent gagner l'Europe en traversant la Méditerranée. Tout au long de ce périple, ils sont la proie de groupes armés et de réseaux de passeurs qui tentent parfois de leur extorquer de l'argent. La plupart des migrants sont utilisés comme travailleurs journaliers dans les secteurs de la construction et de l'agriculture. Certains sont rémunérés mais d'autres sont contraints de travailler sans percevoir de salaire.
«En ce qui concerne les femmes, on nous a signalé beaucoup de mauvais traitements, de viols et des cas de prostitution forcée»
Othman Belbeisi, chef de mission de l'OIM en Libye
«En ce qui concerne les femmes, on nous a signalé beaucoup de mauvais traitements, de viols et des cas de prostitution forcée», a rapporté Othman Belbeisi. L'OIM explique s'être entretenue avec un migrant de nationalité sénégalaise qui dit avoir été retenu dans un logement de Sabha avec 100 autres migrants. Régulièrement battus, ils ont dû contacter leurs familles pour obtenir les fonds exigés par leurs ravisseurs pour les relâcher. Incapables de réunir les rançons, certains migrants auraient été tués ou affamés. Lorsque des migrants mouraient ou étaient libérés, ils étaient immédiatement remplacés par d'autres.
«Ce que l'on sait, c'est que les migrants qui tombent entre les mains des passeurs sont exposés à la malnutrition, aux abus sexuels, voire au meurtre», dit dans un communiqué Mohammed Abdiker, directeur de l'OIM aux Opérations et situations d'urgence. «On nous a parlé de charniers dans le désert». Joint par Le Figaro, Médecins sans frontières dit «ne pas avoir vu ces “marchés” sur le terrain» car ils se situent dans des zones difficiles d'accès, mais l'ONG assure que c'est «quelque chose dont on entend parler régulièrement».
La Libye, terreau fertile aux trafics en tout genre
Marwa Mohamed, chercheuse pour Amnesty International en Libye, contactée par Le Figaro, confirme l'existence de documents attestant de ce «trafic souterrain à ciel ouvert» qui existerait depuis «des années sans que personne ne s'en émeuve». «Il y a des endroits publics, où les acheteurs se rendent, mais cela se fait aussi par Internet ou par téléphone, précise-t-elle. De toute façon, ça se fait dans des zones où l'autorité du pouvoir central est inexistante.» Selon elle, les migrants sont la population la plus touchée, mais il y a aussi des détenus qu'ils conservent dans des centres de détention pour être vendus à leurs familles ou à des acheteurs libyens.
«L'État est inexistant, il n'y a pas d'institutions à proprement parler et il y a de nombreuses zones de non droit»
Marwa Mohamed, chercheuse pour Amnesty International en Libye
«La Libye est un terreau fertile à ce genre de trafic. L'État est inexistant, il n'y a pas d'institutions à proprement parler et il y a de nombreuses zones de non droit, notamment dans le sud où s'étend le désert. Par ailleurs, la situation économique est catastrophique dans ce pays, et les trafiquants font tout pour gagner de l'argent», poursuit Marwa Mohamed. Une analyse confirmée par Giuseppe Loprete: «Le sud de la Libye n'est pas sous contrôle en ce moment. Il y a des groupes armés, des réseaux criminels, des trafiquants... Et les migrants qui veulent rejoindre l'Europe vont directement dans la gueule du loup sans comprendre la gravité de la situation.»
La Libye est la principale porte d'entrée vers l'Europe pour les migrants. Ces trois dernières années, 150.000 d'entre eux sont parvenus à traverser la Méditerranée. Depuis le début de l'année, on estime à 26.886 le nombre de migrants arrivés en Italie, soit plus de 7.000 que le nombre enregistré l'année dernière sur la même période. On sait que 600 autres sont morts en mer, mais on ignore le nombre de ceux qui périssent en tentant d'atteindre les côtes libyennes.
(Avec Reuters)
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Yazidis: un «génocide» toujours «en cours» selon l'ONU (16.06.2016)
Par Laeticia Doncieux
Mis à jour le 16/06/2016 à 23h04 | Publié le 16/06/2016 à 20h24
Le rapport de la commission d'enquête de l'ONU sur les droits de l'homme en Syrie affirme que «l'Etat islamique continue de chercher à détruire de multiples façons» cette communauté.
Selon Paulo Pinheiro, le président de la commission mandatée par le conseil des droits de l'homme de l'ONU, un «génocide» perpétré par le groupe État islamique contre les Yazidis, «est en cours». L'EI «soumet chaque femme, enfant et homme yazidis qu'il capture aux atrocités les plus horribles», a-t-il déclaré. Les Yazidis sont un groupe ethnique regroupé principalement dans le nord-ouest de l'Irak. Ils pratiquent une religion monothéiste, empreinte d'éléments de l'islam et du christianisme, et sont qualifiés «d'hérétiques» par l'EI.
Ce rapport dénonce en particulier la situation des Yazidis en Syrie, qui seraient environ 3200 à y être prisonniers de Daech. Il se fonde sur des témoignages de différents rescapés, et affirme que «l'EI continue de chercher à détruire les Yazidis de multiples façons», à les «éliminer». Il indique que «des milliers de femmes et de filles sont toujours prisonnières et victimes d'abus et sont souvent soumises à l'esclavage», alors que les garçons se retrouvent «endoctrinés et utilisés dans les combats».
D'après les déclarations d'un autre enquêteur de l'ONU, «les survivantes qui se sont échappées de leur captivité en Syrie décrivent comment elles ont enduré des viols brutaux, souvent de façon quotidienne, et ont été punies si elles essayaient de s'échapper». Le rapport dénonce également «la façon dont le groupe terroriste a procédé au transfert forcé des Yazidis en Syrie après les attaques menées dans la région du Sinjar (fief des Yazidis) au nord de l'Irak le 3 août 2014».
De nombreux témoignages de rescapés
La continuation de ce génocide dénoncé par l'ONU est aussi confirmée par Patrick Desbois, un prêtre catholique qui enquête sur la situation des Yazidis et s'appuie sur de nombreux témoignages de rescapés. Une jeune fille de 24 ans a ainsi raconté avoir été enfermée avec d'autres dans une ferme à côté de Raqqa par des soldats de Daech. Elle indique que ces soldats ont décidé de quitter le bâtiment, en y laissant les jeunes filles enfermées, pour aller se cacher dans la forêt aux alentours, quand ils ont aperçu des drones de la coalition internationale signifiant que des bombardements allaient avoir lieu. «C'est vous qu'ils vont tuer» leur ont-ils dit.
Une fois les bombardements terminés, les femmes qui avaient réussi à s'enfuir par les fenêtres, qui avaient explosé lors des bombardements, sont allées se réfugier dans la forêt. Là, les soldats les ont à nouveau capturées et emmenées dans une autre ferme transformée en prison. S'appuyant sur de nombreux témoignages similaires à celui-ci, Patrick Desbois affirme qu'un génocide contre les Yazidis continue bel et bien d'avoir lieu.
Dans un communiqué publié ce jeudi, le président de la commission des droits de l'homme de l'ONU a également appelé le conseil de Sécurité à agir en prenant des mesures afin de protéger cette communauté, ainsi qu'à saisir la Cour pénale internationale.
Le parlement européen et les États-Unis avaient par ailleurs déjà dénoncé ce génocide début 2016.

Une chanteuse arrêtée pour «incitation à la débauche» en Égypte (19.11.2017)

  • Mis à jour le 19/11/2017 à 16:38 

  • Publié le 19/11/2017 à 15:16
VIDÉO - L'artiste pop Shyma, 21 ans, a été arrêtée ce samedi. Son clip a été jugé trop osé et suggestif par les autorités égyptiennes. Elle s'expose à une peine d'un an de prison.
Le clip de sa chanson Andy Zoroof (ou «J'ai des problèmes») ne passe pas. La jeune chanteuse égyptienne Shyma a été arrêtée ce samedi pour un clip particulièrement suggestif pour lequel elle est suspectée «d'incitation à la débauche».
Des plaintes ont même été déposées au sujet de cette vidéo, ont également indiqué des responsables de la police. Sur les images, Shyma apparaît dans ce qui semble représenter une salle de classe, léchant une pomme et simulant une fellation sur une banane, ou versant du lait dessus d'un air langoureux, devant un tableau sur lequel on pouvait lire «Classe #69» et les lettres «vag».
«La chanteuse Shyma présente une leçon de dépravation aux jeunes», a dénoncé le journal égyptien Youm7 dans un article après la publication de la vidéo. Il n'était pas clair dans l'immédiat si la chanteuse sera formellement inculpée.
Une danseuse condamnée à un an de prison pour le même motif
Dans une déclaration sur les réseaux sociaux, Shyma écrit ne pas avoir anticipé ces réactions contre son clip. «Je présente mes excuses à tous ceux qui ont été dérangés par le clip et l'ont considéré indécent», a écrit la chanteuse, âgée de 21 ans selon sa page Facebook.
Elle ajoute ne pas «s'être imaginée que tout cela allait arriver» et qu'elle ferait «l'objet d'une attaque aussi virulente de la part de tout le monde, en tant que jeune chanteuse (...) qui a rêvé depuis son plus jeune âge de devenir chanteuse».
Un tribunal égyptien avait déjà, en 2015, condamné à un an de prison une danseuse accusée «d'incitation à la débauche» pour un clip suggestif jugé indécent.
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Tireur de Libé: «un homme violent» (enquêteur) (20.11.2017)
  • Par  Le Figaro.fr avec Reuters 

  • Mis à jour le 20/11/2017 à 14:40 

  • Publié le 20/11/2017 à 14:33
Abdelhakim Dekhar, jugé aux assises pour son périple armé en novembre 2013 à Paris au cours duquel il avait grièvement blessé un homme, a été présenté aujourd'hui par un policier comme une personne violente, affabulatrice et mégalomane. Ce policier qui a participé à l'enquête a décrit «un décalage» chez Abdelhakim Dekhar «entre sa vie rêvée de Robin des Bois, et sa vie beaucoup plus médiocre, aux conséquences dramatiques».
L'accusé avait démarré son parcours armé à BFMTV le 15 novembre 2013, où il avait menacé avec un fusil à pompe un rédacteur en chef. Trois jours après, il avait grièvement blessé par balle un assistant photographe au quotidien Libération. Il avait ensuite tiré sur l'immeuble de la Société générale dans le quartier d'affaires de la Défense. Sa traque avait duré cinq jours.
Le policier a décrit ce matin une personnalité bien différente de celle qu'a voulu montrer Abdelhakim Dekhar, vendredi, au premier jour de son procès. Celui-ci s'était présenté comme un homme désespéré, après la mort de son frère, la séparation d'avec sa compagne et en conséquence, l'éloignement d'avec ses enfants: il voulait mettre en scène son suicide mais n'avait jamais voulu «s'en prendre à la personne humaine», affirmait-il.
L'enquêteur a parlé «d'un homme violent quand les choses ne vont pas dans son sens», qui avait «une relation conflictuelle avec une grande partie de sa famille». Quand il était jeune, il s'était montré «très violent avec son père et sa mère»; il avait mis «un coup de poing au visage» à sa sœur.

Oleg Sentsov : Tavernier, Bruckner, Carrère demandent à Moscou la libération du cinéaste (20.11.2017)

  • Publié le 20/11/2017 à 12:54

Le réalisateur originaire de Crimée purge une peine de vingt ans de camp en Sibérie pour s'être opposé à l'annexion de la péninsule par la Russie. En France, écrivains, réalisateurs, metteurs en scène demandent dans une tribune la libération du cinéaste dont l'état de santé est préoccupant.
La mobilisation s'intensifie en France pour obtenir la libération du metteur en scène Oleg Sentsov, condamné à une peine de vingt ans de prison en Russie. Le cinéaste de 41 ans, né à Simferopol en Crimée, s'est opposé à l'annexion de ce territoire par Moscou. Il purge actuellement sa peine dans un centre de détention à Iakoutsk, en Sibérie.
Oleg Sentsov a été arrêté en mai 2014. En août 2015, il était condamné par la justice russe, en compagnie du militant écologiste Alexandre Koltchenko, pour «organisation d'un groupe terroriste». Selon les rapports du FSB, les services secrets russes, le réalisateur aurait coordonné les activités d'un groupe ultranationaliste ukrainien qui prévoyait d'attaquer les organisations prorusses et les infrastructures de la péninsule.
La communauté internationale, l'Ukraine, l'Union européenne et les États-Unis en tête, a condamné cette décision de justice ; l'ONG Amnesty internationale s'est pour sa part alarmée de l'«iniquité flagrante» du procès devant «un tribunal militaire russe». Les possibilités de recours sont également limitées par le fait que, bien qu'Ukrainien, Oleg Sentsov est considéré comme Russe par la Moscou car né en Crimée.
«Physiquement, bien sûr, personne ne me touche. Mais tu sais parfaitement que ce système peut punir et harceler de manière perverse, sans utiliser la force brute»
Oleg Sentsov, dans un courrier adressé à un proche en septembre
En France, l'arrestation et la condamnation du réalisateur ont suscité une vague de protestations et une mobilisation qui se poursuivent aujourd'hui. Des réalisateurs, parmi lesquels Michel Hazanavicius, Tonie Marshall et Bertrand Tavernier, mais aussi des écrivains, philosophes et autres journalistes ont signé une pétition publiée lundi dans le quotidien Libération appelant à libérer «d'urgence» Oleg Sentsov. «Nous venons seulement d'apprendre que son état de santé se dégrade, il faut agir vite», expliquent les signataires, qui soulignent que «le cinéma mondial, jusqu'en Russie, appelle à la libération de cet homme injustement condamné». Le texte rapporte également des déclarations du prisonnier qui font craindre pour sa santé. «Physiquement, bien sûr, personne ne me touche. Mais tu sais parfaitement que ce système peut punir et harceler de manière perverse, sans utiliser la force brute», explique Sentsov dans un courrier daté de septembre.
La tribune est notamment signée par Stéphane Braunschweig, le directeur de l'Odéon, les écrivains Pascal Bruckner, Emmanuel Carrère et Raphaël Glucksmann, les réalisateurs Krzysztof Warlikowski, Michel Hazanavicius, Tonie Marshall et Bertrand Tavernier. Une soirée de soutien au cinéaste est prévue ce lundi soir au Théâtre de l'Odéon, à Paris.
En septembre, les éditions L'Harmattan ont publié Récits, un recueil de textes courts de Oleg Sentsov, qui vient éclairer le travail encore peu connu du réalisateur. Son premier long-métrage Gaamer avait été présenté et récompensé en 2012 au festival du film de Rotterdam. Il raconte la vie d'un jeune ukrainien qui parvient à s'extraire de ses conditions de vie difficiles en devenant un joueur de jeux vidéo professionnel. Un récit largement inspiré de la propre vie du réalisateur qui a financé son film grâce à ses gains dans l'e-sport. Au moment de son arrestation, il s'apprêtait à tourner un nouveau long-métrage.
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Liban : pourquoi la crise ne fait que commencer (20.11.2017)

Par Sibylle Rizk
Mis à jour le 20/11/2017 à 10h21 | Publié le 19/11/2017 à 20h03
DÉCRYPTAGE - L'arrivée à Paris du premier ministre libanais est une étape dans la crise au Liban, un pays perméable aux fractures politiques régionales.
Le Liban est depuis son indépendance en 1943 exposé aux vicissitudes de la géopolitique compliquée du Moyen-Orient, en commençant par la création de l'État d'Israël qui s'est traduite par un afflux massif de réfugiés palestiniens sur son sol jusqu'à la récente guerre en Syrie, en passant par l'occupation israélienne de son sud…
Depuis 2005, et l'assassinat de l'ancien premier ministre Rafic Hariri qui marque de façon spectaculaire la fin de la phase de la tutelle syrienne instaurée au pays du Cèdre à la fin de la guerre civile de 1975-1990 avec le couvert international, l'instabilité institutionnelle est chronique. Elle traduit la perméabilité totale du pays aux guerres plus ou moins froides que se livrent les puissances régionales et internationales au Moyen-Orient. Le Liban commençait à retrouver un semblant de «normalité» institutionnelle depuis le compromis qui a permis l'élection de Michel Aoun il y a un an et la formation du gouvernement de Saad Hariri. La démission de ce dernier fait voler en éclats cet équilibre fragile - plutôt favorable à l'axe Iran-Hezbollah - et soumet à nouveau le pays au bras de fer par procuration entre Riyad et Téhéran dans la région.
•Saad Hariri va-t-il maintenir sa démission?
L'intervention de la France tire l'Arabie saoudite d'un mauvais pas, en lui permettant officiellement de démentir l'accusation selon laquelle elle retient en otage le premier ministre libanais, comme l'en accusent le président Michel Aoun et le Hezbollah, et que les autorités libanaises envisageaient de porter devant le Conseil de sécurité de l'ONU. On ignore toutefois si Saad Hariri, qui se rend à Beyrouth mercredi, pour la Fête de l'indépendance du 22  novembre, va maintenir sa démission ou engager des négociations pour revenir dessus, comme il l'a laissé entendre. Le mystère qui continue d'entourer les motivations exactes du coup d'éclat saoudien complique l'analyse des scénarios possibles. D'autant que l'impact de sa démission surprise a eu des effets contradictoires: d'un côté, l'humiliation du leader du Courant du futur porte durablement atteinte à son image, au point que certains prédisent la fin de sa carrière politique. De l'autre, le regain de popularité dont il est l'objet, savamment encouragé par le Hezbollah, qui a joué à son avantage la carte du patriotisme bafoué des Libanais, est potentiellement un nouvel atout pour lui. Il est donc possible que le chef de l'État accepte la démission de Saad Hariri et le charge illico de former un autre gouvernement, si ce dernier a un feu vert saoudien en ce sens.
À défaut, il faudra qu'émerge une nouvelle personnalité sunnite en mesure d'assumer la fonction réservée à cette communauté, selon les usages libanais. «Nous ne sommes pas des moutons», avait vertement déclaré le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, en réponse à l'hypothèse d'un remplacement de Saad par son frère aîné Bahaa que Riyad semble avoir voulu pousser auprès du clan Hariri. Mais la marge d'autonomie par rapport à Riyad est très limitée voire inexistante pour quiconque voudrait prétendre au leadership sunnite au Liban. Et l'Arabie saoudite a clairement fait comprendre qu'elle n'était plus prête à laisser le champ libre au Hezbollah au Liban.
•Pourquoi les Libanais sont-ils si inquiets?
Même les critiques les plus virulents du Hezbollah - dénoncé comme un État dans l'État, doté d'une puissance militaire autonome - en conviennent: «couper les mains» de l'allié de l'Iran au Liban et dans la région est bien plus facile à promettre qu'à faire, sans menacer l'ensemble du pays. Le parti est très solidement implanté dans la population chiite, qui représente environ le tiers des Libanais, à travers un réseau autonome de services sociaux, tout en étant représenté au Parlement et au gouvernement. D'où l'inquiétude qui a saisi les Libanais dès que ces mots inhabituellement durs ont été prononcés par Saad Hariri, lors de l'annonce de sa démission le 4 novembre. D'autant qu'ils concordent avec le durcissement de ton des États-Unis envers l'Iran, en écho à celui d'Israël.
L'idée qui prévalait ces dernières années au Liban était que les effets de dissuasion réciproques sont suffisamment forts pour inciter le Hezbollah et Israël à éviter tout risque d'embrasement. La montée en puissance de l'Iran dans la région, et notamment la façon dont évolue le conflit syrien - les forces pro-iraniennes, dont le Hezbollah, ont pris pied, à la frontière israélienne - couplée au changement de dynamique impulsé par Donald Trump, qui a décidé de remettre partiellement en cause l'accord nucléaire avec Téhéran, crée une nouvelle donne. Et il n'en faut pas plus pour imaginer un scénario de guerre israélienne contre le Hezbollah sous couvert américano-saoudien. Sachant que Tel-Aviv ne fait plus mystère de son offre de coopération avec les pays du Golfe pour contrer la montée en puissance de l'Iran, leur ennemi commun. De l'avis de tous les experts, une telle guerre serait bien plus meurtrière pour le Liban que celle de 2006 et la probabilité qu'elle déclenche une déflagration régionale serait grande.
•L'Arabie saoudite pourrait-elle jouer de l'arme économique?

Lors de son intervention télévisée le 12 novembre, Saad Hariri a clairement laissé entendre que le Liban avait tout intérêt à rester dans les bonnes grâces de l'Arabie saoudite étant donné l'importante communauté libanaise qui vit dans le royaume, également l'un des plus gros clients des maigres exportations libanaises. Au total, entre 300.000 et 400.000 Libanais (pour une population résidente d'environ 4 millions) sont établis dans les pays du Golfe. Cette diaspora, couplée à d'autres sur tous les continents, est un poumon financier essentiel pour le Liban: les capitaux qui entrent dans le système bancaire, dont une bonne partie de remises des expatriés, sont indispensables au refinancement de la dette colossale de ce petit pays très peu productif. Menacer de fermer ce robinet est en soi un signal négatif pour le modèle financier libanais déjà qualifié d'insoutenable par les organisations internationales. Au-delà de ses aspects économiques, c'est une nouvelle fois la vulnérabilité de l'État libanais lui-même que met ainsi en lumière cette crise, comme le souligne le spécialiste du Moyen-Orient Peter Harling, qui compare le Liban à un «avion sans pilote».
La classe politique libanaise est passée maîtresse dans l'art d'instrumentaliser les tensions géopolitiques pour polariser l'opinion publique selon des lignes de clivages confessionnelles et perpétuer ainsi sa mainmise sur des institutions étatiques asservies à des objectifs clientélistes. «Nous devons briser les chaînes qui lient le parrain extérieur au zaïm libanais (chef en arabe) et ce dernier aux membres de sa communauté pour rétablir les bases d'une citoyenneté véritable», revendique un activiste, lors d'une réunion entre plusieurs mouvements de contestation, nés de la crise des poubelles de l'été 2015, qui envisagent d'entrer plus résolument dans l'arène politique à l'occasion des législatives de 2018.
•Comment peut évoluer l'attitude du Hezbollah?
C'est probablement parce qu'il paraît plus fort que jamais au Liban, après avoir en partie gagné son pari militaire à haut risque en venant au secours de Bachar el-Assad en Syrie, que le Hezbollah est redevenu la cible directe de l'Arabie saoudite.
Riyad dénonce en particulier son soutien aux houthistes yéménites qui ont lancé un missile sur la capitale saoudienne: une déclaration de guerre, selon les autorités du royaume. Et sur la scène libanaise, les tenants de la ligne dure contre l'Iran n'ont cessé de reprocher à Saad Hariri son choix de cohabiter avec le parti chiite, accusé d'avoir assassiné son père, Rafic Hariri, et d'impliquer le Liban malgré lui dans l'expansionnisme iranien. Un compromis dont le Hezbollah est le seul gagnant estiment-ils, citant notamment en exemple le rapprochement avec les autorités syriennes initié par le chef de la diplomatie libanaise.
Pour l'instant, le chef du parti chiite a choisi de temporiser. Car la protection des institutions libanaises dont il bénéficie jusque-là - notamment pour limiter l'effet des sanctions financières américaines à son encontre - est de plus en plus fragile.

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Journaliste
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Italie : vers une nouvelle «guerre des mafias» (19.11.2017)
Par Richard Heuzé
Mis à jour le 19/11/2017 à 22h08 | Publié le 19/11/2017 à 19h46
En Italie, la mort du «parrain des parrains», Toto Riina, attise les convoitises au sein de Cosa Nostra.
Toto Riina sera enterré cette semaine dans le cimetière de sa ville natale de Corleone, à 50 km de Palerme. En secret, sans messe, ni office religieux. «Nous en avons convenu avec le préfet de police. Riina, comme tous les mafieux, était excommunié. Son nom ne sera même pas inscrit sur sa tombe. Hors de question d'en faire un lieu de pèlerinage», explique l'archevêque Mgr Michele Pennisi. Le corps du parrain décédé vendredi à l'hôpital de Parme, après vingt-quatre ans d'incarcération, a été autopsié samedi. Selon les premières constatations, sa mort serait naturelle. La famille a pu se recueillir un bref instant auprès du corps: Ninetta Bagarella, sa femme pendant quarante-trois ans, fille d'un autre boss, et deux de leurs quatre enfants, l'aînée, Maria Concetta et son frère Salvo. «Circulez. Nous n'avons rien à dire. Nous vous dénoncerons. Respectez notre douleur», ont-ils lancé avec arrogance aux journalistes devant l'hôpital.
Tous les regards convergent vers Matteo Messina Denaro, le dernier des grands chefs de clan encore en liberté, en cavale depuis 1993
Déjà on s'interroge sur l'avenir. Jusqu'au dernier jour, Toto Riina était le chef incontesté de la Mafia. En témoignent des enregistrements réalisés à son insu en prison de conversations avec un autre détenu. Si la structure pyramidale de Cosa Nostra a été démantelée par la police, la «Pieuvre» avec son potentiel de rackets, d'extorsions et de trafics de stupéfiants représente encore trop d'intérêts pour que les mafieux la laissent à l'abandon.
Dans l'ordre de succession, Salvo Riina, le fils aîné de Toto, 40 ans dont huit déjà passés en prison, assigné à résidence à Padoue, loin de la Sicile, paraît bien placé, même s'il est surveillé de près par la police. Tous les regards convergent vers Matteo Messina Denaro, le dernier des grands chefs de clan encore en liberté, en cavale depuis 1993. «S'il est encore en Sicile, il se cache certainement à l'ouest de la Sicile autour de Trapani», sa ville natale, déclarait vendredi à la presse étrangère Gaspare Mutolo, le premier repenti de Mafia, ancien chauffeur de Toto Riina et son exécuteur des basses œuvres avec 22 assassinats sur la conscience, tous par étranglement.
«Le temps des grands capi comme Riina et Provenzano est révolu. On va retourner aux années 1980 où des truands n'ayant pas le même charisme étaient aux commandes»
Federico Cafiero De Raho, le nouveau procureur national antimafia
«Si Messina Denaro est à Trapani, nous le prendrons», affirme le chef de la police nationale, Franco Gabrielli. Mais il ne croit guère qu'il puisse encore commander aux quatre-vingt «familles» de Palerme. Le chef de police de Palerme, Renato Cortese, se dit lui convaincu qu'une «guerre de mafias» va reprendre tôt ou tard.
Déjà le 28 mai, un petit truand,Giuseppe Dainotti, a été assassiné sur la route de l'aéroport. Il venait d'être remis en liberté, comme 330 autres mafieux, libérés cette année après avoir purgé leur peine. Une réserve criminelle potentielle. Un ancien lieutenant de Riina, Giovanni Griffazzi, dit «Le Messie», 68 ans dont 25 en prison, aujourd'hui revenu à Corleone, a le pedigree d'un chef.
Mais pour le nouveau procureur national antimafia Federico Cafiero De Raho, «le temps des grands capi comme Riina et Provenzano est révolu. Leur arrestation n'a pas empêché la mafia de continuer à opérer. On va retourner aux années 1980 où des truands n'ayant pas le même charisme étaient aux commandes». Le procureur de Palerme Franco Lo Voi estime pour sa part qu'il est «trop tôt pour donner des noms».

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Christophe Castaner, l'homme clé de la Macronie (11.08.2017)
Par Marcelo Wesfreid
Mis à jour le 18/11/2017 à 11h20 | Publié le 11/08/2017 à 19h25
PORTRAIT - Ce proche du président de la République a été le visage de l'exécutif durant les premiers mois du quinquennat. Sur tous les fronts, le voilà à la tête du parti macroniste.
Comme tous les miraculés, il a l'énergie redoublée de ceux qui ont senti passer le vent du boulet. Il y a presque deux ans, Christophe Castaner s'est cru mort politiquement. Aux régionales de décembre 2015, il est envoyé au front. Personne, au PS, ne veut prendre la tête de liste en Paca, jugée ingagnable pour la gauche. François Hollande demande au député des Alpes-de-Haute-Provence de se lancer. Arrivé troisième avec 16 % des voix au premier tour, Castaner prend une décision difficile: il retire sa liste pour éviter une victoire du FN. Résultat, le Républicain Christian Estrosi l'emporte. «À cette époque, j'ai dû être protégé par quatre gardes du corps», se souvient Castaner, menacé par des camarades en désaccord. «Cette expérience m'a libéré du PS», ajoute-t-il.
Aujourd'hui, Christophe Castaner revit. Le voilà dans un rôle central. Nommé porte-parole du gouvernement et secrétaire d'État aux Relations avec le Parlement, au début du quinquennat, ce proche d'Emmanuel Macron a été élu samedi 18 novembre délégué général du parti de la République en marche. La confirmation de son rôle clé dans la Macronie.
«J'essaie de ne pas changer. Je sais toutefois que ce que je dis peut faire des dégâts si je suis dans l'à-peu-près»
Christophe Castaner
Les Français ont appris à connaître ce quinqua barbu, s'exprimant pêle-mêle sur le président («Emmanuel Macron a fait le choix de ne pas devenir le commentateur des commentateurs»), les APL, le statut de la première dame («rendons publics tous les moyens qui sont mis à disposition du conjoint du chef de l'État»), la nationalisation de STX, l'admission postbac («un système totalement idiot»), le général Pierre de Villiers («un poète revendicatif»). Il a fait le buzz par ses nombreux lapsus («ramadan» au lieu de «bataclan») et par ses vidéos sur son compte Facebook, dans lesquelles il se filme dans sa voiture, à la sortie du conseil des ministres.
Dans une galaxie macroniste dominée par un président qui fuit les médias et des ministres néophytes, sa parole est quasiment la seule à irriguer. Plus marquant encore, le porte-parole n'a pas sa langue dans la poche. «C'est ce que je suis, commente ce pilier de l'aventure d'En marche! J'essaie de ne pas changer. Je sais toutefois que ce que je dis peut faire des dégâts si je suis dans l'à-peu-près.» Depuis l'investiture, il dit ressentir une «tension» presque «physique», masquée derrière un sourire décontracté, quand il exprime la voie officielle.
Remotiver les élus
Cet homme du Sud à l'accent chantonnant se lève quand tout le monde dort encore. À 5 heures du matin, Christophe Castaner tente de deviner les questions du jour. Il épluche les quotidiens nationaux, la presse régionale. Il s'informe des mots les plus recherchés sur Twitter. Il analyse les notes sur l'opinion publique que lui envoie le Service d'information du gouvernement (SIG), dont il a la tutelle. Cette administration s'occupe de la communication gouvernementale et des discrets sondages commandés par l'exécutif.
«Il est même devenu une sorte de président de groupe bis»
Un député de la majorité
Son autre casquette n'est pas de tout repos. À l'Assemblée, le secrétaire d'État aux Relations avec le Parlement tente de mettre du liant entre le gouvernement et les députés. Pendant la traversée du désert de Richard Ferrand, il est même devenu une sorte de «président de groupe bis», selon un député.
Si l'opposition a un temps pointé son absence au banc, on le voit souvent à la buvette des parlementaires. Opération: remotivation des élus. Il oriente des députés avant des passages à la télévision. Envoie des SMS d'encouragement à des orateurs inexpérimentés qui ont raté leur intervention. «Christophe est un porteur de burettes, résume Arnaud Leroy, membre du conseil d'administration sortant de La République en marche, en référence à ces récipients d'huile qu'on verse sur les moteurs. Il est là depuis le départ, connaît tout le monde, transmet les messages.»
«Je me méfie des ors de la République, de la griserie du pouvoir, confie Christophe Castaner. J'espère qu'ils ne m'emporteront pas.» Cet été, il s'est reposé en Corse. Au programme du porte-flingue de Macron: un polar par jour de congé. Dans ces livres, les balles ne font pas mal. La vie n'est qu'une succession de hauts et de bas. Avec ses soubresauts permanents.
À compter d'aujourd'hui et pour trois ans, il est délégué général de La République en marche. Lors du Conseil du parti à Chassieu près de Lyon, il a été élu à l'unanimité des présents moins deux abstentions, a précisé le parti dans un communiqué.
[Une première version de cet article avait été publié le 11 août 2017. Il a été mis à jour le 18 novembre]

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