Une sur Tariq Ramadan : Charlie Hebdo croule sous les menaces
de mort (03.11.2017)
Pékin promeut
"la paix" avec sa 1ère base militaire à l'étranger (04.11.2017)
Violences
sexuelles: des personnalités féminines réclament un «plan d'urgence»
(05.11.2017)
Arrestations en
Arabie saoudite : le prince Al-Walid voit le cours de son groupe chuter
(05.11.2017)
La dynastie
saoudienne bouleversée depuis 2015 (05.11.2017)
Mohammed Ben
Salman, l'homme derrière la purge anti-corruption (21.06.2017)
Spectaculaire vague
d'arrestations en Arabie saoudite (05.11.2017)
Importante saisie
de cocaïne en Guadeloupe (04.11.2017)
Washington craint
un attentat à Mogadiscio (04.11.2017)
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Dhabi, un musée de l'histoire de l'humanité (03.11.2017)
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siciliens à la crise et à la Mafia (02.11.2017)
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morts dans le bombardement israélien (03.11.2017)
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une relance de l'économie locale (02.11.2017)
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reprend à Daech la ville de Deir ez-Zor (03.11.2017)
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Tariq Ramadan et le
silence des compagnons de route de l'islamisme (03.11.2017)
Une sur Tariq Ramadan :
Charlie Hebdo croule sous les menaces de mort (03.11.2017)
Par Bruno Rieth
Publié le 03/11/2017 à 11:55
Depuis leur Une sur l'affaire
Tariq Ramadan, le rédaction de "Charlie Hedo" subit une campagne
d'insultes mais également des menaces de mort. Des messages à ne pas prendre à
la légère.
Depuis ce mercredi 1er novembre,
le journal Charlie Hebdo est victime d'une campagne d'insultes
et, plus grave, de menaces de mort. En cause leur Une sur l'affaire Tariq Ramadan,
affaire déclenchée par les témoignages de femmes qui accusent
l'"universitaire" d'agressions sexuelles. On y voit un Tariq Ramadan,
tout sourire, le braquemard en étendard, déclamant pour sa "défense" : "Je
suis le 6e pilier de l'islam". Un humour typique de Charlie
Hedbo.
Dans la journée, le mot-dièse #CharlieHebdo
se hisse dans les tendances du jour sur Twitter rapporte le journal 20minutes évoquant
une couverture qui a "suscité de vives réactions et a divisé les
internautes". On y retrouve les débats habituels qui tournent autour
de la supposée obsession de Charlie Hebdo contre l'islam.
Certains tentent tout de même de rappeler que le journal tape sur toutes les
chapelles et préfère les sujets politiques plutôt que religieux...
"Horrible la une de Charlie
Hebdo sur Tariq Ramadan, ils sont vraiment obsédés par l'Islam !!!"
C'est au-delà de ce débat que
d'autres utilisateurs se sont adonnés à un tout autre genre de messages :
"Moi fiché S ou pas,
Charlie Hebdo ça va vite s'arrêter" ;
"C'est pour quand le prochain attentat chez Charlie Hebdo s'il vous plaît
???" ;
"Charlie Hebdo sont un tas de déchets, et s'il faut d'autres tueries pour
le rappeler, je dis que ça ne nous ferait pas que du mal" ;
"Une erreur et on retiens (sic) la leçon mais vous voulez continuer à
jouer venez pas pleurer quand y' aura vos corps en morceaux" ;
"Ils méritent un deuxième round Charlie Hedbo de mes couilles ça ne leurs
(sic) a pas suffit"...
Voici ce qu'on peut lire, entre
autres, sur les réseaux sociaux. Certains de ces messages ont depuis été
supprimés, les autres sont toujours présents malgré les signalements.
Des appels au meurtre que le
politologue Laurent Bouvet et l'élu socialiste Amine Khatmi, tous les deux
membres du Printemps Républicain, ont vivement dénoncés.
Les réseaux islamistes se
déchainent à nouveau contre #CharlieHebdo dans
une indifférence quasi-générale ! @toujourscharlie #Liberté
La rédaction de Charlie Hebdo
croule sous les menaces de mort dans le silence quasi général de la presse
(sauf Marianne). Sérieusement ?
Des messages qu'il est possible
de signaler aux autorités compétentes, notamment la plateforme Pharos.
Ce n'est bien sûr pas la première
fois que Charlie Hebdo subit ce type de campagne. Des menaces
qui n'étaient pas forcément prises au sérieux avant le 7 janvier 2015, même si
les locaux de Charlie avaient déjà été détruits aux cocktails
molotov en 2011, obligeant l'équipe à aller squatter les couloirs de Libération. Leur
site internet avait également été piraté et, depuis 2012, Charb vivait sous
protection policière.
Jusqu'à ce qu'arrive ce mercredi
7 janvier, lorsque deux frangins armés de kalachnikovs ont interrompu une des
conférences de rédaction de Charlie Hebdo. De leur visite inopinée,
les Kouachi ont laissé derrière eux au tapis Charb, Cabu, Honoré, Tignous,
Wolinski, Bernard Maris, Elsa Cayat, Michel Renaud, un invité de la rédaction,
le correcteur Mustapha Ourrad, les deux policiers Franck Brinsolaro et Ahmed
Merabet ainsi que l'agent de maintenance Frédéric Boisseau.
Il serait peut-être judicieux,
cette fois, de ne pas prendre ces menaces à la légère.
Pékin promeut "la paix" avec sa 1ère base militaire
à l'étranger (04.11.2017)
Mis à jour le 04/11/2017 à 09h06 | Publié le 04/11/2017 à 09h02
Le président chinois, Xi Jinping,
a invité les soldats déployés sur la première base militaire de la Chine à
l'étranger, à Djibouti, à offrir une bonne image du pays à l'étranger. Dans un
message vidéo, il les a en outre chargés "de promouvoir la paix et la
stabilité régionales et internationales", rapporte le ministère de la
Défense.
LIRE AUSSI - La Chine veut installer sa marine à Djibouti
La Chine a inauguré cette base à
Djibouti le 1er août dernier, le jour même où l'Armée populaire de libération
fêtait son 90e anniversaire.
Cette installation, que Pékin
présente comme une base logistique, servira essentiellement à ravitailler les
navires de la marine chinoise engagés dans des missions de maintien de la paix
et humanitaires au large des côtes du Yémen et de la Somalie.
Djibouti, petit pays aride d'à
peine un mlllion d'habitants coincé entre l'Ethiopie, l'Erythrée et à la
Somalie, se trouve à l'entrée sud de la mer Rouge et héberge également des
bases française, américaine et japonaise. La création de cette base a suscité
l'inquiétude de certains pays, dont l'Inde qui craint gu'avec Djibouti, la
Chine n'étende un peu plus un "collier de perles" d'alliances qui
englobe déjà, autour de l'Inde, le Bangladesh, la Birmanie et le Sri Lanka.
LIRE AUSSI
Violences sexuelles: des personnalités féminines réclament un
«plan d'urgence» (05.11.2017)
Une centaine de femmes de la
société civile française, artistes, comédiennes, réalisatrices, écrivaines,
journalistes, médecins... demandent au président Emmanuel Macron de décréter
«un plan d'urgence contre les violences sexuelles», dans une tribune publiée
dans le Journal du dimanche.
«M. Macron, êtes-vous de notre
côté?» titre la tribune du Journal du Dimanche, parue ce 5
novembre, en mettant en exergue plusieurs visages de personnalités de la
culture française. Parmi elles, la comédienne Zabou Breitman, les chanteuses
Louane Emera (sacrée samedi soir aux NRJ Music Awards), l'humoriste Florence Foresti ou encore la metteur en scène Agnès Jaoui. Cette lettre ouverte,
adressée directement au président de la République, réclame l'instauration d'un
«plan d'urgence contre les violences sexuelles». Elle est signée par une
centaine de personnalités féminines de la société civile française, artistes,
comédiennes, réalisatrices, écrivaines, journalistes, médecins...
Cet appel, initié par des
militantes féministes, sera mis en ligne sur la plateforme Change sous la forme
d'une pétition déjà signée par une centaine de personnalités qui ont été «comme
tant d'autres, harcelées, agressées ou violées», selon ses initiatrices. Il est
possible de suivre cet appel avec le hashtag #1femmesur2.
Parmi les premières signataires: la réalisatrice Lisa Azuelos, les écrivaines Marie
Darrieussecq et Tatiana de Rosnay, la journaliste Rokhaya Diallo, l'actrice
Valérie Donzelli, la chanteuse Imany, les philosophes Sandra Laugier et
Michela Marzano ou encore la comédienne Anna Mouglalis.
Le texte rappelle qu'il fait
suite à l'afflux de témoignages arrivés dans la sphère publique depuis la
révélation du scandale Weinstein aux États-Unis. Il entend dénoncer
l' «insupportable déni collectif» dont sont victimes les femmes, dans «une
société qui(les) maltraite», selon ses auteures. «Une femme sur deux a déjà été
victime de violence sexuelle. Certaines ne sont plus là pour signer cette
tribune, mortes sous les coups. Certaines sont plus particulièrement concernées
parce qu'elles sont en situation de handicap, lesbiennes ou subissent le
racisme», soulignent les auteures.
Cinq mesures prioritaires sont
proposées: le doublement immédiat des subventions des associations accueillant
les femmes victimes, une formation obligatoire de l'ensemble des professionnels
en contact avec elles, la création d'un brevet de la non-violence sur le modèle
du brevet de la sécurité routière au collège, la formation obligatoire en
entreprise contre le harcèlement sexuel au travail et une vaste campagne
nationale de communication.
Voici la lettre ouverte publiée
dans les pages du JDD ce dimanche 5 novembre:
«Monsieur le Président,
Nous savons votre agenda chargé.
Vous n'avez pourtant pas pu passer à côté. Depuis des jours, plusieurs
centaines de milliers de messages sont apparus sur les réseaux sociaux pour témoigner
de l'ampleur des violences sexuelles que subissent les femmes en France.
Une femme sur deux a déjà été
victime de violence sexuelle. Certaines ne sont plus là pour signer cette
tribune, mortes sous les coups. Certaines sont plus particulièrement concernées
parce qu'elles sont en situation de handicap, lesbiennes ou subissent le
racisme. L'avez-vous en tête lorsque vous vous déplacez, rencontrez des
citoyennes et citoyens, présidez une réunion ou un dîner officiel? Nous sommes
une sur deux.
«Toutes, nous sommes témoins
du silence vertigineux de notre société. Un insupportable déni collectif. Au
fond, notre société maltraite les femmes».
Monsieur le Président,
signataires de cette lettre, nous avons été, comme tant d'autres, harcelées,
agressées ou violées. Comme tant d'autres, nous avons souvent dû faire face au
déni de nos entourages, à l'absence de prise au sérieux par les services de
l'État, à la tentative de notre société de nous faire croire que ce n'était pas
si grave ou qu'on avait bien dû faire quelque chose pour en arriver là. Toutes,
nous sommes témoins du silence vertigineux de notre société. Un insupportable
déni collectif. Au fond, notre société maltraite les femmes.
Monsieur le Président, tout cela,
vous le savez. Alors, pourquoi cette lettre? Parce que vous avez le pouvoir de
faire en sorte que ces violences sexuelles cessent. La puissance publique a
déjà réussi par le passé à changer des mentalités et des comportements qui nous
semblaient inamovibles tellement ils étaient ancrés dans nos habitudes. Qui
aurait dit il y a trente ans que nous réussirions à diviser par 4 le nombre de
morts sur les routes? Qui aurait dit il y a vingt ans que le tri du papier
semblerait aujourd'hui presque une évidence?
Monsieur le Président, dans la
rue, au travail comme à la maison, l'intolérance aux violences doit devenir la
norme. Décrétez un plan d'urgence. Maintenant.
1. Doublez immédiatement les
subventions des associations qui accueillent les femmes au téléphone ou
physiquement et doublez le nombre de places d'accueil pour les femmes victimes.
2. Organisez dès 2018, de manière systématique et obligatoire, une formation de tous les professionnel.le.s en contact avec des femmes victimes: enseignant.e.s, magistrat.e.s, policier.e.s, gendarmes, professionnel.le.s de santé, notamment de la santé au travail.
3. Créez au collège un brevet de la non-violence sur le modèle du brevet de la sécurité routière, obligatoire dès la rentrée prochaine.
4. Rendez obligatoire la formation des salarié.e.s et managers à la prévention du harcèlement sexuel au travail, instaurez une négociation obligatoire en entreprise sur ce sujet et protégez l'emploi des femmes victimes.
5. Lancez une campagne nationale de prévention aussi importante que celles sur la sécurité routière, campagne que vous pourriez venir présenter au JT d'une grande chaîne pour affirmer, en tant que chef de l'État, que les violences n'ont plus leur place dans notre pays.
Cela ressemble à un plan
d'attaque? C'en est un. Monsieur le Président, nous sommes face à une crise
grave. Êtes-vous de notre côté?»
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Arrestations en Arabie saoudite : le prince Al-Walid voit le
cours de son groupe chuter (05.11.2017)
Par Le
figaro.fr
Mis à jour le 05/11/2017 à 13h10 | Publié le 05/11/2017 à 12h34
INFOGRAPHIE - Le cours de Kingdom
Holding Company a a perdu environ 15% de sa valeur depuis le début de l'année.
Le prince Al-Walid a desintérêts dans plusieurs multinationales, dont Apple ou
Euro Disney. Il possède également plus de 200 hôtels dans le monde.
Le cours de Kingdom Holding
Company, société internationale d'investissement détenue à 95% par le prince et
milliardaire saoudien Al-Walid ben Talal, a chuté de 9,9% à l'ouverture
dimanche, au lendemain de son arrestation présumée.
» LIRE AUSSI - Spectaculaire vague d'arrestations en Arabie
saoudite
L'indice Tadawul All-Shares
(Tasi), la Bourse la plus importante des pays arabes, était également en
baisse, de 1,6%, une minute seulement après son ouverture, à la suite de
l'arrestation de princes et de dizaines de ministres dans une purge sans
précédent en Arabie saoudite. Le cours de Kingdom Holding Co - société
ayant des intérêts notamment dans les géants américains Citigroup, Apple ou le
parc d'attractions Euro Disney - n'ont pas chuté davantage car, selon le
règlement de la bourse saoudienne, les actions ne peuvent baisser de plus de
10% lors d'une session.
Depuis le début de l'année,
Kingdom Holding Co a perdu environ 15% de sa valeur mais la société a annoncé
plus tôt dimanche une hausse de ses profits pour le troisième trimestre et les
neuf premiers mois de l'année. Cette annonce intervient alors que 11 princes et
des dizaines de ministres, anciens et actuels, ont été arrêtés samedi soir en
Arabie saoudite, selon des médias, au cours d'une purge sans précédent das le
royaume ultra-conservateur. Parallèlement, les puissants chefs de la Garde
nationale saoudienne, une force d'élite intérieure, et de la Marine ont été
limogés.
Ces arrestations et limogeages
sont intervenus quelques heures après la création, par décret royal, d'une
commission anticorruption dirigée par le prince héritier et homme fort du
royaume, Mohammed
ben Salmane, âgé de 32 ans et surnommé «MBS».
Al-Walid ben Talal, une
fortune évaluée à 32 milliards de dollars
Le prince saoudien Al-Walid Ben
Talal détient notamment 50% des Four Seasons Hotel - dont l'hôtel George V dans
le VIIIe arrondissement de Paris, racheté en 1996 - 33,3 % des Mövenpick Hotels
& Resorts, et les Fairmont Hotels and Resorts, soit plus de 200 hôtels dans
le monde. En 2013, sa fortune est évaluée par Bloomberg à 26 milliards de
dollars, au 20e rang mondial. La même année, il accuse Forbes d'avoir
sous-estimé sa fortune, à 20 milliards de dollars.
En 2015, il s'engage à verser
l'intégralité de sa fortune, estimée alors à 32 milliards de dollars à sa
fondation Alwaleed Philantropies. «Toute ma fortune m'a été donnée par Dieu et
par ma grande nation. Cette fortune, je l'offre à l'humanité, et l'humanité n'a
ni religion, ni race, ni sexe», avait déclaré le prince, «cet engagement
philanthropique va aider à jeter des ponts entre les cultures, développer les
communautés, promouvoir les droits des femmes, aider les jeunes, fournir des secours
en cas de catastrophes naturelles et créer un monde plus tolérant».
Cette annonce du prince Al-Walid
s'est inscrit dans la campagne du «Giving Pledge» («la promesse de donner» en
français), une opération lancée par Bill Gates et Warren Buffet en 2010, afin
de demander aux plus grosses fortunes mondiales de s'engager à donner 50% ou
plus de leur fortune à des œuvres caritatives.
- Crédits photo : Service
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La dynastie saoudienne bouleversée depuis 2015 (05.11.2017)
Publié le 05/11/2017 à 14h08
INFOGRAPHIE - Le prince héritier
n'a cessé d'élargir son pouvoir depuis que son père, le roi Salman, a succédé
au trône en janvier 2015. Il contrôle aujourd'hui les principaux leviers du
gouvernement, de la défense à l'économie.
- Crédits photo : Service
Infographie du Figaro
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Mohammed Ben Salman, l'homme derrière la purge
anti-corruption (21.06.2017)
PORTRAIT - L'arrestation de
princes et de hauts-reponsables saoudiens dans la nuit de samedi à dimanche est
la marque du nouveau prince héritier, fils du roi Salman. Portrait d'un
milliardaire ambitieux qui prend le pari risqué d'accaparer les pouvoirs d'un
royaume peu habitué aux changements brusques.
L'irrésistible ascension du jeune
prince de 33 ans, volontiers impulsif et à l'ambition débordante, continue. Pas
moins de onze princes, quatre ministres en exercice et plus d'une trentaine
d'anciens hauts-responsables ont été arrêtés dans la nuit du samedi 4 à
dimanche 5 novembre dans le royaume. Leur arrestation a été décidée quelques
heures auparavant par un comité anti-corruption, créé à cette occasion par un
décret royal. Il est présidé par le fils du roi Salman, le prince Mohammed Bin
Salman (MBS), le nouvel homme fort du royaume et l'inspirateur de cette purge,
aussi importante que rare dans un pays qui a longtemps privilégié les
évolutions lentes aux changements brusques.
» LIRE AUSSI - Spectaculaire vague d'arrestations en Arabie
saoudite
En juin dernier, par 31 voix sur
34, le conseil de l'allégeance de la famille royale saoudienne a désigné MBS
prince héritier du royaume d'Arabie. Il remplace son cousin germain le prince
Mohammed Ben Nayef, ministre de l'Intérieur, l'homme de la lutte contre
al-Qaïda et Daech dans un pays lui aussi frappé par le terrorisme.
Un peu plus de deux ans après
l'accession de son père, le roi Salman, sur le trône, Mohammed Ben Salman a
réussi son pari d'écarter son rival de la course vers le pouvoir. MBS cumulait
les fonctions de ministre de la Défense et de vice-prince héritier. C'est lui
l'artisan de la guerre au Yémen où l'Arabie conduit une coalition arabe,
épaulée par les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne, contre les
rebelles houthistes proches de l'Iran. Une expédition militaire extrêmement
risquée. MBS est également le maître d'œuvre du programme baptisé «Arabie
2030», dont l'ambition est de sortir du tout pétrole et de donner du travail à
une jeunesse nombreuse et souvent désoeuvrée.
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«Rappelez plus tard»
Mohammed Ben Salman à Juan Carlos
d'Espagne
Depuis deux ans, Mohammed Ben
Salman n'a cessé d'élargir son pouvoir. Au sein de la famille régnante, comme
en dehors. MBS prit même le risque de briser le consensus au sein du clan
Saoud. Il isola son père d'une bonne partie de la famille. Il n'hésitait pas à
rabrouer d'anciens monarques comme Juan Carlos d'Espagne lorsque ce dernier
appelait Salman sur son portable. «Rappelez plus tard», répondait-il sans
ménagement envers l'ex-roi roi d'Espagne.
Sa nomination au poste de prince
héritier fut une surprise. À 60 ans, Mohammed Ben Nayef - MBN - faisait figure
de successeur naturel du roi Salman. MBN et son père avaient servi pendant 42
ans comme ministre de l'Intérieur. Leur clan avait tenu la maison des Saoud
notamment pendant les années de sang (2004-2006) lorsque les attaques
terroristes d'al-Qaïda avaient fait vaciller l'Arabie. Mais depuis l'accession
de Salman au pouvoir, les relations entre MBS et le prince héritier s'étaient
détériorées. Dès son arrivée aux affaires, le jeune MBS avait cherché à
marginaliser son cousin, qui avait notamment critiqué l'aventure militaire de l'Arabie
au Yémen.
Un partisan de la fermeté face
à l'Iran
Deux crocodiles dans un marigot:
il y en avait un de trop. Compte tenu de l'âge du roi, 81 ans, et de sa santé
déclinante, l'Arabie devrait à terme être dirigé par un très jeune roi. Une
mini-révolution dans ce pays où les monarques sont tous des sexagénaires depuis
plus de trente ans.
Ses interlocuteurs décrivent
Mohammed Ben Salman comme pragmatique et partisan d'une posture très ferme
contre l'Iran. Dans sa marche vers le pouvoir, MBS a su semble-t-il se rallier
une partie de l'establishment américain, l'allié stratégique de Riyad depuis
cinquante ans. Il était allé en visite aux États-Unis pendant plusieurs
semaines au printemps dernier, rencontrant Donald Trump et les cadres d'un
appareil sécuritaire qui ont longtemps parié sur Mohammed Ben Nayef pour
conduire aux destinées du royaume. Reste à savoir comment se fera la sortie de
l'ex-prince héritier. MBS n'a pas intérêt à l'humilier, et le clan Saoud sait
en général consoler les prétendants au trône qui subissent un revers de
fortune.
- Crédits photo : Service
Infographie du Figaro
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Menoret: «La jeunesse saoudienne ne se tient pas muette et résignée»
Spectaculaire vague d'arrestations en Arabie saoudite
(05.11.2017)
Mis à jour le 05/11/2017 à 14h12 | Publié le 05/11/2017 à 09h45
INFOGRAPHIE - Onze princes,
d'anciens membres du gouvernement et ministres en exercice ont été arrêtés à la
demande d'un nouvel organe de lutte contre la corruption.
La purge est sans précédent en
Arabie saoudite. Pas moins de onze princes, quatre ministres en exercice et
plus d'une trentaine d'anciens hauts-responsables ont été arrêtés dans la nuit
de samedi à dimanche dans le royaume, a rapporté la chaîne de télévision
al-Arabya.
» LIRE AUSSI - L'ascension fulgurante de Mohammed Ben Salman,
nouveau prince héritier d'Arabie saoudite
Leur arrestation a été décidée
quelques heures auparavant par un comité anti-corruption, créé à cette occasion
par un décret royal. Il est présidé par le fils du roi Salman, le
prince héritier Mohammed Bin Salman (MBS), l'homme fort du royaume et
l'inspirateur de cette purge, aussi importante que rare dans un pays qui a
longtemps privilégié les évolutions lentes aux changements brusques.
Le prince milliardaire Al-Walid
ben Talal, propriétaire de l'hôtel George V à Paris, figurerait parmi les
personnes arrêtées et qui font l'objet d'une enquête de la part de l'agence de
lutte contre la corruption. Si la nouvelle était confirmée, il s'agirait d'une
décision lourde de sens, frappant un personnage gravitant dans la sphère des
investisseurs internationaux. L'ancien ministre des Finances Ibrahim al Assaf a
également été interpellé. Des hommes d'affaires puissants, et liés parfois à
des industriels français comme Baqr Ben Laden, auraient également été arrêtés.
» LIRE AUSSI - La dynastie saoudienne bouleversée depuis 2015
Une source aéroportuaire a par
ailleurs indiqué à l'AFP que les forces de sécurité avaient cloué au sol des
avions privés à Jeddah, pour empêcher que certaines personnalités quittent le
territoire. Il s'agit de «préserver l'argent public, punir les personnes
corrompues et ceux qui profitent de leur position», a souligné l'agence de
presse officielle SPA.
Dans le même temps, le roi Salman
a relevé de ses fonctions le prince Mitaeb, ministre de la Garde nationale, le
ministre de l'Economie Adel Fakieh, et le patron de la Marine nationale.
Pari risqué
Fils de l'ancien roi Abdallah,
Mitaeb était le dernier des princes de la branche Abdallah à menacer MBS. La
Garde nationale, que de nombreuses sociétés étrangères ont équipé pendant des
décennies, était un puissant instrument de défense du pays, composée de ses
principales tribus. Elle est passée dans l'orbite de MBS, l'homme derrière ce
mini-tremblement de terre à la cour des Saoud.
Agé de 33 ans, Mohammed Bin
Salman a déjà écarté le prince héritier Mohammed Bin Nayef de la course au
trône. Le fils préféré du roi s'est lancé dans un ambitieux programme de
transformation de l'Arabie saoudite. Transformation économique en
misant sur l'après-pétrole. Mais aussi transformation sociale en
autorisant l'année prochaine les femmes à conduire leurs voitures. Ou
en déclarant la semaine dernière lors d'un sommet qui réunit des responsables
de la finance mondiale à Riyad qu'il
était temps de «moderniser l'islam». Une gageure dans un pays ultra
conservateur où la famille Saoud doit partager certains pouvoirs avec les
oulémas religieux. «Mais même cela, MBS semble vouloir le remettre en cause»,
analyse François Touazzi, expert de l'Arabie saoudite.
» LIRE AUSSI - Le pouvoir saoudien renforce son autorité dans le royaume
Son pari est risqué. Il s'est
fait de nombreux ennemis au sein de la famille régnante. Mais depuis bientôt
trois ans que son
père a succédé à Abdallah, MBS n'a cessé d'accaparer des pouvoirs.
Contrôlant les principaux leviers
du gouvernement, de la défense à l'économie, Mohammed bin Salman semble
chercher à étouffer les contestations internes avant tout transfert formel du
pouvoir par son père, le roi Salmane, âgé de 81 ans. Dans le même temps, il a
oeuvré pour renforcer son emprise politique sur le pouvoir, procédant notamment
en septembre à une vague d'arrestations de dissidents, dont des religieux influents
et des intellectuels.
Ce dimanche matin, le conseil des
religieux a réagi sur son compte Twitter en affirmant que la lutte contre la
corruption était «aussi importante que le combat contre le terrorisme». Et le
cours de bourse du groupe d'Al-Walid ben Talal chutait de près de 10%.
- Crédits photo : Service
Infographie du Figaro
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Importante saisie de cocaïne en Guadeloupe (04.11.2017)
Mis à jour le 04/11/2017 à 18h02 | Publié le 04/11/2017 à 17h57
Près de 750 kg de cocaïne ont été
saisis vendredi sur le port commercial de Jarry, en Guadeloupe, "sur un
conteneur en provenance de Paramaribo (Suriname) et à destination d'Anvers
(Belgique)", ont annoncé samedi les services de douane dans un communiqué.
» LIRE AUSSI - Le
«roi de la cocaïne» italien arrêté en Uruguay
La drogue, répartie en 33 sacs de
20 pains de cocaïne, était dissimulée dans 850 sacs de riz.
"La valeur de la marchandise
est estimée à plus de 30 millions d'euros sur le marché illicite de la revente
au détail des stupéfiants", précisent les douanes dans leur communiqué.
Ce chiffre fait de cette saisie
l'une des plus importante réalisée sur le sol guadeloupéen, avec celle du début
d'année 2017, qui comptait près 800 kg saisis par les douanes de Guadeloupe. Il
confirme "une nouvelle fois la sensibilité des lignes maritimes transitant
par les Antilles françaises à destination de l'Europe", selon les douanes.
Les ciblages de contrôle sont
faits selon un système d'analyse de risque automatique à partir des
déclarations de transport de marchandises, "bien en amont de leur arrivée
sur le territoire européen", expliquent encore les douanes.
Washington craint un attentat à Mogadiscio (04.11.2017)
Mis à jour le 04/11/2017 à 20h35 | Publié le 04/11/2017 à 20h32
La mission américaine en Somalie
a demandé samedi à tous ses membres non essentiels de quitter Mogadiscio
immédiatement, à la suite d'une menace contre eux à l'aéroport de la la
capitale somalienne. L'avertissement a été lancé quelques heures après
l'annonce des premières frappes par drones américains contre le groupe État
islamique (EI) en Somalie.
«En raison d'informations sur des
menaces spécifiques à l'aéroport international de Mogadiscio, la mission des
Etats-Unis en Somalie a demandé à tous ses employés américains non essentiels
de quitter Mogadiscio jusqu'à nouvel ordre», selon un communiqué publié
sur le site de la mission. La mission a répété que la situation en Somalie
était «extrémement instable» et que le niveau de menace contre les
Américains restait «critique».
» LIRE AUSSI - Somalie : la stratégie de
déstabilisation d'al-Chebab
Les Etats-Unis ont annoncé
vendredi avoir mené deux frappes contre le groupe EI en Somalie, la première
opération contre l'EI dans ce pays où agissent les islamistes somaliens shebab,
affiliés à al-Qaïda. «En coordination avec le gouvernement fédéral de Somalie,
les forces armées américaines ont mené deux frappes aériennes contre l'EI dans
le nord-est de la Somalie, tuant plusieurs terroristes», selon le Pentagone.
Le Louvre Abu Dhabi, un musée de l'histoire de
l'humanité (03.11.2017)
EN IMAGES - À travers 600 oeuvres
de l'Antiquité à aujourd'hui, le parcours en 12 étapes réparties dans les
quatre ailes signées Jean Nouvel, ose les rapprochements en décloisonnant les
mondes.
C'est une tout autre histoire que
veut nous raconter le
Louvre Abu Dhabi. Celle de l'humanité. Un ambitieux projet qui a obligé
l'équipe scientifique dirigée par Jean-François Charnier (15 personnes dont 6
conservateurs français aidés de ceux des Émirats arabes unis) à décloisonner
les civilisations et à les mettre en regard, pour faire s'interroger le
spectateur. Il leur a fallu replonger dans leurs manuels d'histoire de l'art,
d'Henri Focillon à Fernand Braudel, en passant par Marcel Mauss, pour élaborer
ce programme complexe en transversalités, pour montrer les jeux d'influences ou
de métissages entre les cultures. La démarche n'a jamais été proposée.
Jusque-là, il fallait courir les musées pour tenter les rapprochements et
établir des ponts entre les mondes. En cela, ce parcours chronologique - ou
plus exactement ce dialogue partant de la préhistoire à nos jours et présentant
des œuvres de toutes les cultures et les civilisations - est unique.
«C'est un récit inédit qui
explore l'histoire de l'art sous une nouvelle perspective et permet au visiteur
de retrouver sa propre identité en explorant les autres cultures»
Manuel Rabaté
On passe d'une section à l'autre
à travers les 23 galeries réparties en quatre ailes, à parcourir pour découvrir
12 thèmes universels. Pour l'ouverture, le visiteur a sous les yeux 600 œuvres:
300 de la collection permanente et 300 autres prêtées par les institutions
françaises. En 2014, Le Louvre Abu Dhabi avait dévoilé ses acquisitions, lors
d'une exposition intitulée «Naissance d'un musée» dans l'enceinte du Louvre. Il
s'est encore enrichi depuis l'achat de sa première œuvre en 2009: un Mondrian
abstrait adjugé 21,5 millions d'euros par Christie's, lors de la vente de la
collection Yves Saint Laurent & Pierre Bergé, au Grand Palais. Il y a une
dimension pédagogique évidente dans ce musée d'un autre type conçu pour
répondre aux attentes d'un monde globalisé. «C'est un récit inédit qui explore
l'histoire de l'art sous une nouvelle perspective et permet au visiteur de
retrouver sa propre identité en explorant les autres cultures», explique son
directeur, Manuel Rabaté. Voici, en avant-première, la visite en douze haltes,
correspondant aux douze thèmes du parcours.
Les premiers villages
Le parcours s'ouvre sur l'essor
de la figure humaine à partir du néolithique. D'un côté, une idole de l'île de
Chypre en terre cuite datée de l'âge du bronze ancien (2300-2000 av. J.-C.)
qui, par son abondance de gravures, pose de nombreuses questions restées sans
réponse. De l'autre, une statuette d'Asie centrale (fin du IIIe-début du IIe
millénaire av. J.-C.), l'une des plus belles de la série appelée «Princesses de
Bactriane», du complexe archéologique bactro-margien, défini également comme
civilisation de l'Oxus. Parmi la quarantaine recensée, cette Bactriane allie
chlorite verte pour le corps et la coiffe, calcite pour les chairs, dont seul
le visage est conservé. Sa dimension exceptionnelle (25 cm) - la moyenne est de
8 à 14 cm - et sa qualité plastique en font un chef-d'œuvre du genre.
Les premiers grands pouvoirs
On pense par exemple à
l'Égypte et ses pharaons qui gouvernent sur plus de 2000 km, le long
de la vallée du Nil, les deux pays que sont la Haute et Basse-Égypte. Pour
illustrer cette civilisation qui domine le monde antique pendant près de trois
mille ans, voici l'ensemble funéraire de la princesse Henouttaouy, fille de
pharaon (2e moitié du Xe siècle av. J.-C.-début de la XXIIe dynastie),
témoignant de l'incroyable hégémonie de la civilisation égyptienne avant
l'arrivée de la chrétienté.
Civilisations et empires
En dépit de la distance
géographique, les statues allant de la Rome antique à l'Inde présentent des
affinités stylistiques qui renvoient à la même source de l'art grec. Le lien
est visible entre le plissé du vêtement du Bodhisattva debout en schiste
(Pakistan actuel, région du Gandhara, II-IIIe siècle) et le modelé de la toge
de l'orateur romain en marbre (Italie, fin du Ier siècle-première moitié du IIe
siècle ap. J.-C.).
Religions universelles
Feuillet du Coran bleu. Afrique
du Nord, vers 880-950. - Crédits photo : Louvre Abu Dhabi, Abu Dhabi
Parmi les œuvres exposées dans
cette galerie dédiée à l'expansion des religions «universelles», ce remarquable
feuillet du Coran bleu (Afrique du Nord, vers 880-950 ap. J.-C.) sera présenté
en dialogue avec des textes sacrés des grandes religions du livre, ainsi que
des enseignements asiatiques. Celui-ci est calligraphié sur les deux faces et
présente quinze lignes d'inscription en caractères coufiques, dorée sur du
vélin teint en bleu. Le format oblong, dit «à l'italienne», caractéristique des
productions les plus anciennes notamment dans l'Occident musulman, s'adapte à
ce style où la ligne de base s'étire de façon démesurée par rapport aux hampes
hautes des lettres relativement compactes. Une pratique très en vogue entre le
IXe et le Xe siècle.
Les routes asiatiques des
échanges
Si
le bouddhisme naît en Inde au Ve siècle av. J.-C., il faut attendre
les premiers siècles, av. et ap. J.-C., pour rencontrer des vestiges majeurs.
Trois grands foyers émergent: la plaine du Gange et l'Inde centrale, puis le
Gandhara et le nord du plateau du Deccan. Suivant le trajet des routes de la
soie, l'art pariétal bouddhique parvient jusqu'en Chine, en s'adaptant aux
canons locaux. En marbre blanc, une tête de Bouddha de la Chine du Nord (du
Henan au Shandong) a été créée lors d'une période de désunion de l'empire
chinois. Après 316, des dynasties éphémères, largement métissées, dirigées par
des souverains tibétains, turcs, mongols ou toungouses se succèdent: la
dynastie des Wei du Nord (386-534 ap. J.-C.), qui promeut le bouddhisme en tant
que religion officielle, puis la dynastie des Qi du Nord (550-577 ap. J.-C.)
pendant laquelle aurait été fait ce Bouddha.
De la Méditerranée à
l'atlantique. Cosmographie
Astrolabe de Muhammad ibn Ahmad al-Battuti,
Afrique du Nord, 1726-1727. - Crédits photo : Louvre Abu Dhabi, Abu Dhabi
Le premier espace met en lumière
le rôle majeur joué par le bassin méditerranéen dans la diffusion des œuvres,
des techniques et des symboles entre l'Orient et l'Occident. Le second, celui
de la Cosmographie, est dédié au thème de la découverte des océans et au
changement de la perception du monde que cela implique. Inédit jusqu'ici, cet
astrolabe, instrument de navigation, est l'un des 24 astrolabes et quadrants
connus de Muhammad ibn Ahmad al-Battuti. Il est signé et daté 1726-1727. De
dimensions importantes, l'instrument est complet et en excellent état.
Le monde en perspective
Provenant du département des
peintures du Louvre, cet iconique Portrait de femme, dit La
Belle Ferronnière de Léonard de Vinci, peint à Milan vers 1495-1499,
est le point de départ d'une réflexion sur l'aube d'un monde nouveau dans les
arts.
À la cour des Princes
Au 17e siècle, l'art est plus que
jamais un outil au service du pouvoir. Les œuvres produites dans les grandes
cours autour du globe illustrent les conventions communes de la représentation
du prince. Les royaumes africains sont représentés dans cette galerie avec une
tête en bronze de roi Oba du Bénin datant de la première moitié du XIXe.
Un nouvel art de vivre
C'est le peintre fondateur de la
Royal Academy en 1768, Francis Cotes, qui donne le ton avec un double portrait
du couple Welby en 1769, dans une veine rococo, présenté à l'exposition
inaugurale de la Royal Academy. À l'opposé du globe, dans un monde au raffinement
tout aussi extrême, Kitagawa Utamaro perçoit l'élégance d'une Jeune
Mère jouant du shamisen(estampe vers 1798). L'artiste d'ukiyo-e le plus
apprécié à Edo rencontre un succès énorme au XVIIIe siècle au Japon puis en
Europe dès la fin du XIXe siècle.
Un monde moderne?
Les profondes transformations
politiques, sociales et techniques du XIXe siècle européen façonnent un monde
nouveau. Des sujets inédits bousculent le répertoire académique. Des toiles
majeures comme Les Enfants luttant, peinte par Paul Gauguin en
1888 (achat en 2010, collection Josefowitz), ou La Partie de bésigue,
par Gustave Caillebotte (acquisition dans la même collection un an plus tôt),
permettent de saisir la naissance de la figure de l'artiste moderne,
indépendant du monde officiel, et son corollaire de manifestes et de mouvements
qui font l'histoire des avant-gardes.
La modernité en question
La Lectrice soumise, René
Magritte, 1928. - Crédits photo : Louvre Abu Dhabi / Agence Photo F
/ADAGP, Paris 2017
La grande visibilité acquise en
Europe par les arts extra-occidentaux à partir du dernier tiers du XIXe siècle
a aussi influencé la construction de la modernité en peinture. Au début du XXe
siècle, Henri Matisse ou Paul Klee se sont inspirés de la dimension décorative
qui les caractérise si fortement pour repenser la question de la représentation
picturale. Acheté en 2009 sur le marché américain, cette huile, Douceur
d'Orient, peinte en 1938, est une œuvre des dernières années de la carrière
de Klee, emporté par la maladie en 1940. C'est une réminiscence de son séjour
tunisien de 1914 où il eut une vraie révélation de la couleur et une synthèse
de son apport esthétique au soir de sa vie. D'autres pépites à voir dans cette
section: La Lectrice soumise de René
Magritte de 1928 ou le Portrait d'une dame par
Picasso de 1928, à la gouache et encre de chine sur papier.
Une scène globale
Les œuvres contemporaines de la
dernière galerie, venues du monde entier, sont complétées par des œuvres de
commande installées in situ, comme For the Louvre Abu Dhabi de
l'Américaine Jenny Holzer, trois murs en pierre gravés de textes, ou Germination de
l'Italien Giuseppe Penone, une installation dont l'élément central est un arbre
en bronze qui interagit avec l'architecture à travers des miroirs dans les
branches qui reflètent la pluie de lumière, symbole de vie partagé
universellement par toutes les cultures.
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Le défi des patrons siciliens à la crise et à la Mafia
(02.11.2017)
Par Richard
Heuzé
Mis à jour le 02/11/2017 à 17h22 | Publié le 02/11/2017 à 17h11
INFOGRAPHIE - L'élection
de dimanche en Sicile sera un test pour les populistes. Sur l'île, si souvent
associée à Cosa Nostra, des entrepreneurs relèvent la tête.
Envoyé spécial à Palerme
Depuis treize ans, Giuseppe
Catanzaro bénéficie d'une protection policière permanente. C'est le prix, pour
cet industriel spécialisé dans le traitement des déchets urbains, de son
engagement contre le crime organisé. Ce patron décidé et pragmatique de 50 ans
préside depuis mars la Sicindustria, association d'un millier d'entreprises
employant 75.000 salariés. «L'État a su anéantir l'organisation militaire de
Cosa Nostra (la mafia sicilienne), affirme-t-il. L'arrestation en 1993 du
sanguinaire parrain Toto Riina et le démantèlement de sa structure criminelle
ont été une nouvelle Libération pour la Sicile (après le débarquement allié en
juillet 1943, NDLR)». Et d'assurer: «Qui veut investir et produire
aujourd'hui en Sicile peut le faire sans subir le chantage du crime organisé.»
«Les industriels doivent
comprendre qu'il n'est pas dans leur intérêt de céder à ceux qui troublent le
marché»
Giuseppe Catanzaro, un ndustriel
spécialisé dans le traitement des déchets urbains
La Sicile élit dimanche «il
Governatore» - le président - de cette région autonome à statut
spécial. Cette consultation cruciale constitue un test national à cinq mois des
prochaines élections législatives de mars 2018. Le centre droit conduit par un
ancien néofasciste et les populistes du «Mouvement cinq étoiles» (M5S)
s'affrontent dans un duel serré. Principal thème de campagne: la simplification
d'une administration envahissante.
Les industriels insulaires
espèrent des changements. Pour sa part, Giuseppe Catanzaro applique à la lettre
le code éthique édicté en 2002 par son prédécesseur à Sicindustria et devenu en
2007 la règle de comportement pour l'ensemble des membres de l'association:
tout entrepreneur cédant aux pressions mafieuses en payant le «pizzo» (le nom
de leur «impôt») est immédiatement radié de l'organisation patronale. Et
celle-ci se porte partie civile chaque fois qu'un chef d'entreprise dénonce une
extorsion. En dix ans, plusieurs centaines l'ont fait. «J'ai moi-même
accompagné des industriels au tribunal dans plus de 60 procès pour leur
témoigner notre solidarité, poursuit ce natif d'Agrigente, installé à Palerme.
Les industriels doivent comprendre qu'il n'est pas dans leur intérêt de céder à
ceux qui troublent le marché», martèle Giuseppe Catanzaro. Il s'agit pour lui
d'une «véritable révolution culturelle qui transforme la Sicile».
Avec ses 17.000 fonctionnaires
et 1.700 dirigeants, l'administration régionale est une hydre ingouvernable
gangrenée par le parasitisme
Quatrième région la plus peuplée
d'Italie avec cinq millions d'habitants, la
Sicile a payé à la crise économique un prix plus lourd qu'ailleurs. Le
PIB a reculé de 15 %. Le revenu annuel par habitant ne dépasse pas
17.000 euros (pour 26.500 euros en moyenne nationale). Cent mille
emplois ont été sacrifiés. Le chômage touche 22 % des actifs et plus d'un
jeune sur deux. Quelque 11.000 jeunes, dont une grande majorité de diplômés,
ont émigré l'an dernier, à la recherche d'un emploi introuvable dans l'île.
Pour Saverio Continella,
administrateur délégué du Credito Siciliano et dirigeant local de l'Association
bancaire italienne (ABI), la banque sicilienne émerge de trois années de crise
avec 9,5 milliards d'euros de créances douteuses, ces prêts susceptibles
de ne plus être remboursés, soit 15 % du niveau national
(65 milliards d'euros). «90 % des entreprises qui constituent notre
clientèle sont des PME employant moins de dix salariés. Depuis 2016, nous avons
suspendu le remboursement des traites pour 16.900 d'entre elles afin de les
accompagner dans le redressement de leurs comptes».
Tous les industriels interrogés
partagent la même conviction: «Le principal frein au développement vient de la
région.» La Sicile, comme quatre autres régions d'Italie, est régie depuis 1946
par un «statut spécial» qui lui confère un large degré d'autonomie
administrative et fiscale, ce que revendiquent la Vénétie et la Lombardie après
leur référendum du 22 octobre dernier. Avec
ses 17.000 fonctionnaires et 1.700 dirigeants, l'administration régionale
est une hydre ingouvernable gangrenée par le parasitisme, le clientélisme et
une inefficience qui permet à chaque autorité d'abuser de son pouvoir. «Obtenir
une autorisation de compatibilité environnementale ou faire approuver un plan
d'expansion économique peut prendre six ans», dénoncent plusieurs dirigeants.
Clientélisme
Quant aux quelque
15 milliards d'euros dont a bénéficié l'île pendant six ans, en provenance
de fonds européens ou nationaux, ils ont été saupoudrés en une myriade de
micro-projets distribués pour satisfaire les clientèles politiques, reproche un
patron. Corollaire, aucun grand projet d'infrastructure n'a été mis en chantier
depuis quinze ans. Un pont autoroutier entre Palerme et Agrigente s'est même
effondré en décembre 2014, dix jours après son inauguration. Les contrôles de
sécurité n'avaient pas été effectués. La carence des infrastructures est un
frein notable. Le train reliant les deux premières villes de Sicile, Palerme et
Catane, met trois heures pour parcourir 240 km. Il faut cinq heures en
voiture pour traverser la Sicile de part en part. Et Rome est à onze heures en
train direct depuis Palerme.
Ces contraintes de transport,
Giuseppe Russello n'a pas à les subir. Cet industriel de 55 ans dirige une
belle entreprise familiale fabriquant des intérieurs de wagons équipant les
trains du monde entier, ceux des FS italiennes aux géants du secteur
ferroviaire, Bombardier, Hitachi et autres. Sa société, Omer, fondée par son
père en 1981, s'étend sur 11.000 m² le long de l'autoroute de l'aéroport
de Palerme, à l'entrée de la localité de Carini rendue tragiquement célèbre par l'attentat
du 22 mai 1992 dans lequel le juge anti-mafia Giovanni Falcone, son épouse
et ses deux agents d'escorte ont été tués par la Mafia. L'usine spacieuse
est un modèle de rationalisme industriel, avec une multitude de robots et
plusieurs ateliers de recherche et développement. Elle emploie 200 salariés,
dont une trentaine d'ingénieurs. Du port de Palerme tout proche, embarquent ses
camions pour le continent et l'étranger. «Notre principal handicap, explique le
patron, est l'absence de tissu productif autour de nous qui nous permettrait
d'externaliser certaines de nos activités. La gestion publique des zones
industrielles, désastreuse jusqu'à ce jour, ne facilite pas l'implantation
d'activités performantes. Nous devons tout produire en interne.» Giuseppe
Russello dit posséder «le pessimisme de la raison et l'optimisme du cœur».
«Empêcher les jeunes de
partir»
Sergio Messina est du même avis.
Spécialiste des matières plastiques, il a développé une entreprise familiale,
Joeplast, fondée en 1979 par son père sur le pôle pétrochimique de Gela, dans
le sud de l'île, en plein cœur d'un fief mafieux. Il emploie 82 salariés et
réalise en Europe 54 % d'un chiffre d'affaires de 25 millions
d'euros. Il a fortement investi en technologie (4 à 5 millions d'euros par
an) pour intégrer sa production et se spécialiser dans l'emballage plastique
biodégradable, «l'avenir», dit-il. «Venir à bout des obstacles mis par une bureaucratie
qui complique tout nous impose d'inventer sans cesse des solutions, mais nous
sommes bien entraînés.» Il estime qu'un «changement des mentalités a pris corps
en Sicile: la Mafia est désormais davantage une nuisance d'image. Elle ne pose
plus de problèmes aux entreprises qui ont une bonne visibilité.»
Toujours près de Gela, dans un
secteur à grand développement industriel, Rosario Amarù (50 ans) a fait de la
société familiale un leader italien de la mécanique de précision. Il emploie
200 salariés: «Vivre en Sicile, sur cette terre la plus belle du monde, est un
combat de tous les jours. Réussir ici veut dire réussir n'importe où.» Sa
société produit quelque 3.000 pompes et compresseurs par an et croît de
30 % malgré la crise économique. Parce qu'il veut «tout faire pour
empêcher les jeunes de partir», il a mis gratuitement à leur disposition un
immeuble en pleine zone industrielle pour permettre à de jeunes architectes,
ingénieurs, informaticiens de développer des start-up.
«Il faudrait une croissance
plus soutenue, autrement dit des investissements publics et privés plus
importants, et une politique sociale qui fait toujours défaut»
Antonio La Spina, professeur de
sociologie politique
Après quatre ans de morosité, les
exportations reprennent à un rythme soutenu. L'agroalimentaire et l'industrie
qui en dépend constituent l'un des points forts. Au pied de l'Etna, Oranfresh,
une entreprise de 50 salariés, s'est spécialisée dans la production de
distributeurs de jus de fruits pressés instantanément. Son président, Salvatore
Torrisi, parle d'un véritable engouement dans le monde entier pour ces
appareils coûtant jusqu'à 10.000 euros l'un. Plus de 300 équipent des
sites français (à la Défense notamment), 800 en Chine. Malgré ses 76 ans, il
continue de parcourir le monde à la recherche de nouveaux contrats. «Nos brevets
font toute la différence.»
Pour le professeur de sociologie
politique Antonio La Spina, de l'université Luiss, «pour atténuer une pauvreté
plus forte qu'ailleurs en Italie, il faudrait une croissance plus soutenue,
autrement dit des investissements publics et privés plus importants, et une
politique sociale qui fait toujours défaut». C'est tout l'enjeu de l'élection
de ce dimanche dans l'île.
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Tunnel de Gaza : 12 morts dans le bombardement israélien
(03.11.2017)
Par Cyrille
Louis
Mis à jour le 03/11/2017 à 17h22 | Publié le 03/11/2017 à 16h33
Dix combattants du Djihad
islamique et deux du Hamas ont trouvé la mort dans l'explosion d'un ouvrage
lundi, aux abords du kibboutz Kissoufim. Cette destruction marque un succès de
taille pour l'armée israélienne.
Envoyé spécial à Gaza
Le Djihad islamique et le Hamas
ont sérieusement revu à la hausse vendredi matin le bilan du bombardement mené
lundi par l'armée israélienne contre un tunnel offensif aux abords du kibboutz
Kissoufim, non loin de la bande de Gaza. Sept
combattants palestiniens, qui sont apparemment morts asphyxiés alors qu'ils
tentaient de secourir des camarades frappés sur le site de l'explosion, avaient
jusqu'à présent été extraits de l'ouvrage. Le Djihad islamique, quatre jours
après l'attaque, s'est résigné à annoncer la mort de cinq autres miliciens
toujours coincés sous terre. Les autorités israéliennes refusent d'autoriser
l'accès des secours au tronçon de tunnel situé sur leur territoire tant que le
Hamas ne relâchera pas les dépouilles de deux soldats israéliens disparus
durant l'été 2014.
La localisation et la destruction
de l'ouvrage percé, plusieurs dizaines de mètres sous terre, depuis la localité
de Khan Younès vers la frontière avec l'État hébreu, marque un succès de taille
pour l'armée israélienne. Celle-ci investit d'importants moyens pour tenter de
conjurer la menace que représentent les
tunnels offensifs percés par les groupes armés palestiniens dans le
but d'infiltrer des combattants en territoire ennemi. Les unités du génie ont
commencé ces dernières semaines à bâtir une barrière souterraine le long de la
frontière, mais les médias israéliens estiment que cette parade ne sera pas
opérationnelle avant un an et demi. L'armée s'efforce, en attendant, de repérer
les ouvrages dont la construction est la plus avancée.
» LIRE AUSSI - Dans les entrailles d'un tunnel entre Gaza et Israël
Des secouristes asphyxiés
Malgré l'émotion soulevée dans la
bande de Gaza par la mort de douze combattants (dix du Djihad islamique et deux
du Hamas) lundi après-midi, les groupes armés palestiniens se sont jusqu'à
présent abstenus de toute riposte. L'Égypte a apparemment exercé de lourdes
pressions pour empêcher qu'une reprise des tirs de roquette vers Israël ne
fasse dérailler le
processus de réconciliation récemment engagé entre le Hamas, qui
contrôle le territoire côtier, et le Fatah du président Mahmoud Abbas. «La
résistance ne laissera pas l'ennemi sioniste changer les règles du jeu et se
réserve le droit de répondre à cette agression au moment opportun», confiait
mardi Khaled al-Batch, haut responsable du mouvement, tout en se refusant à
évoquer une riposte immédiate.
» LIRE AUSSI - Le Hamas prêt à se réconcilier avec le Fatah
Au cœur du cortège qui emmenait
les corps de trois combattants asphyxiés dans le tunnel vers le cimetière de
camp de réfugiés de Khan Younès, les nombreux sympathisants du Djihad islamique
semblaient se diviser sur la meilleure façon de répondre au bombardement
israélien. Certains, conscients que leur faction peut jouer les éléments
perturbateurs mais n'est pas en position de dicter ses vues au puissant Hamas,
appelaient au calme. «Cette lâche agression sioniste vise à l'évidence à faire
capoter notre marche vers la réconciliation, mais nous n'avons pas l'intention
de nous laisser faire», assurait Ahmed Zinada, un enseignant 25 ans. Ayman
Khadesh, l'un de ses voisins, estimait au contraire que «le rôle de la
résistance est de punir sans attendre cette agression caractérisée».
Alité au deuxième étage de
l'hôpital al-Aqsa, à Deir el-Balah, l'un des miliciens du Djihad islamique
blessé lors des opérations de secours peinait mardi à reprendre ses esprits.
Son frère, un gaillard à l'œil ombrageux, montait la garde à l'entrée de sa
chambre. «La plupart des victimes sont des secouristes qui ont été asphyxiés
sans parvenir à atteindre le site des explosions», expliquait-il, jetant de
temps à autre un regard anxieux au bout du couloir et vérifiant nerveusement la
présence de son revolver à sa ceinture. Dix-huit secouristes au total ont été
hospitalisés lundi après-midi pour des problèmes respiratoires. «Toutes les
victimes présentent des marques d'une violente asphyxie», expose le docteur
Nassim Hameida, chef des urgences, qui dit avoir transmis des échantillons au
ministère de la Santé dans l'espoir de déterminer si celles-ci ont été
provoquées par les fumées de l'explosion - ou par un gaz inconnu, comme le
soupçonnent les hommes du Djihad islamique.
Refusant d'engager des
tractations pour obtenir le droit d'accéder au site où plusieurs victimes
demeurent enterrées, le Hamas et le Djihad islamique ont organisé jeudi un
large rassemblement en hommage aux disparus dans la ville de Khan Younès. Si
les dirigeants palestiniens semblaient dans l'immédiat opter pour la retenue,
ils se réservent le droit de réclamer vengeance à tout moment. D'après les
médias israéliens, l'armée considère pour sa part qu'il est encore trop tôt
pour considérer que l'incident est terminé.
Des membres des forces de
sécurité palestiniennes, fidèles au Hamas, rendent hommage aux combattants tués
dans le tunnel de Gaza dans la ville de Khan Younès. - Crédits photo :
IBRAHEEM ABU MUSTAFA/REUTERS
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Gaza veut croire à une relance de l'économie locale
(02.11.2017)
Par Cyrille
Louis
Mis à jour le 02/11/2017 à 18h47 | Publié le 02/11/2017 à 18h37
REPORTAGE - L'accord de
réconciliation entre le Fatah et le Hamas a permis de supprimer des taxes
imposées par les islamistes palestiniens.
Envoyé spécial à Gaza
Younès Daoud, l'un des principaux
importateurs de biens de consommation courante dans la bande de Gaza, a
économisé 15.000 dollars durant la seule journée du 1er novembre. Pour la
première fois depuis huit ans, le commerçant n'a pas eu à payer les taxes
levées par le Hamas sur la totalité des marchandises importées d'Israël via le
terminal frontalier de Kerem Shalom. Cet impôt, qui représentait jusqu'à
25 % du prix pour une voiture neuve et 17 % pour les denrées
alimentaires, vient d'être supprimé dans le cadre de l'accord de réconciliation
conclu entre le mouvement islamiste et le Fatah du président Mahmoud Abbas.
L'effet conjugué du blocus
israélien, du boycott imposé au Hamas par une large partie de la communauté
internationale et de la succession des confrontations militaires a fait fuir
les investisseurs
La reprise de contrôle par l'Autorité palestinienne (AP),
mardi, des trois points de passage reliant l'enclave à l'Égypte et Israël,
constitue le premier acte tangible de ce processus. «J'avais gelé toutes mes
commandes depuis près d'une semaine afin de tirer le bénéfice maximum de ce
changement de régime», sourit Younès Daoud à l'entrée de son vaste entrepôt.
Les commerçants de Gaza, bien
qu'exténués par dix ans de blocus israélo-égyptien et échaudés par plusieurs
tentatives de réconciliation restées sans lendemain, affichaient mardi un
espoir prudent. La fin de la contribution exigée par le Hamas, en complément
des taxes dues à Israël et à l'AP, n'est à leurs yeux qu'un premier pas. Ils
espèrent que le gouvernement de Ramallah reviendra très vite sur l'amputation
substantielle, décidée au printemps, des salaires versés aux fonctionnaires de
Gaza.
Cette mesure, adoptée pour faire
pression sur le Hamas, a entraîné une baisse de la consommation. «J'ai constaté
une réduction immédiate de mon chiffre d'affaires», assure Rami Abou Jamous,
qui venait d'ouvrir son magasin de cosmétique mais n'a pas perdu espoir pour
autant. «Si la fin de l'emprise du Hamas se confirme, dit-il, je prévois
d'augmenter sensiblement le volume de mes commandes. Après ces années de
marasme, Gaza pourrait connaître enfin une ère de prospérité.»
40 % des habitants de
Gaza sont au chômage
La situation économique,
prometteuse à l'époque où Yasser Arafat s'efforçait d'implanter son proto-État
dans la bande de Gaza, n'a cessé de se dégrader lors de la seconde intifada et
depuis la prise de pouvoir du Hamas. L'effet conjugué du blocus israélien, du
boycott imposé au Hamas par une large partie de la communauté internationale et
de la succession des confrontations militaires a fait fuir les investisseurs.
Selon la Banque mondiale, 40 % des habitants de Gaza sont au chômage
(60 % chez les 18-25 ans) et 80 % bénéficient de l'aide humanitaire.
«Pour la première fois depuis dix
ans, je me remets à respirer», sourit toutefois Walid Namr Bassal, qui était à
la fin des années 1990 l'un des chausseurs les plus réputés de Gaza. Comme de
nombreux commerçants, il a profité mardi du retrait du Hamas pour renouveler
son stock et espère relancer son affaire moribonde. «Nous prions pour que les
hauts fonctionnaires de l'Autorité palestinienne se réinstallent vite parmi
nous, car eux ont les moyens de s'acheter d'élégantes chaussures en cuir,
dit-il. Pas comme les gens du Hamas, qui portent des sandales pour montrer à
tout le monde qu'ils vivent modestement…»
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conseille :
Syrie : Damas reprend à Daech la ville de Deir ez-Zor
(03.11.2017)
Mis à jour le 03/11/2017 à 19h21 | Publié le 03/11/2017 à 17h45
VIDÉO - Les djihadistes ne
contrôlent plus qu'al-Boukamal, à la frontière avec l'Irak, où se jouera
l'ultime bataille contre ce qui reste de l'État islamique.
En deux mois, l'armée syrienne,
appuyée par l'aviation russe et ses alliés iraniens et du Hezbollah libanais,
a repris
Deir ez-Zor, la dernière grande ville contrôlée par Daech en Syrie.
Vendredi matin, les démineurs cherchaient à neutraliser les nombreux engins
explosifs que les djihadistes ont laissés derrière eux.
Pour Damas, comme pour Daech,
Deir ez-Zor revêtait une importance capitale. C'est la porte de l'Irak, et la
province éponyme abrite les principaux puits de pétrole de Syrie
Ces derniers jours, les combats
se déroulaient dans plusieurs quartiers de l'est de la ville, où, jusqu'à la
fin, le dernier carré de combattants de Daech a utilisé des tireurs d'élite et
envoyé des femmes kamikazes contre les positions loyalistes. Les rares
journalistes présents sur place ont relevé de nombreux dégâts dans ces
quartiers, avec des immeubles effondrés et des façades entièrement détruits.
«Sept cents civils ont fui les
forces d'Assad pour rejoindre Hwejet Gate, mais les forces kurdes (présentes
non loin de Deir ez-Zor, NDLR) ne leur ont pas permis de passer», s'alarmait,
de son côté, sur son compte Twitter, Omar Abou Leyla, un porte-parole des rebelles
modérés dans la région.
Pendant trois ans, les troupes de
Damas ont été assiégées dans un réduit de Deir ez-Zor qu'elles tenaient
absolument à préserver et dans lequel vivaient encore 90.000 personnes, selon
l'ONU. «Chaque mois, nous héliportions les salaires des fonctionnaires de Deir
es-Zor», confiait la semaine dernière à Damas le gouverneur de la banque
centrale, Duraid Durgham. «Le maintien de Deir ez-Zor dans l'orbite de Damas
relève du miracle», reconnaît sur Twitter Hassan Hassan, spécialiste de la
Syrie aux États-Unis. Pour Damas, comme pour Daech, Deir ez-Zor revêtait une
importance capitale. C'est la porte de l'Irak, et la province éponyme abrite
les principaux puits de pétrole de Syrie.
«Bataille sandwich»
Appuyées par les États-Unis, les
forces arabo-kurdes ont tenté, elles aussi, depuis leur fief plus au nord, de
s'approcher de Deir ez-Zor. «Les Kurdes ne pouvaient pas contrôler une ville
arabe», insiste Nawaf Bashir, un responsable tribal, joint à Damas. Ont-ils
pour autant renoncé à avancer jusqu'à al-Boukamal, dernière ville tenue par
Daech en Syrie à la frontière avec l'Irak? Les prochaines semaines le diront.
Ces derniers jours, les forces syriennes et leurs alliés se sont approchés
d'al-Boukamal. Elles ne seraient plus qu'à 40 km. «On va lancer une
bataille sandwich pour reprendre al-Boukamal», affirme un proche de Bachar
el-Assad. Les troupes irakiennes progressent actuellement vers le poste
frontière à partir d'al-Qaïm, ville proche d'al-Boukamal, que Bagdad encercle
actuellement. Dans ces confins désertiques entre l'Irak et la Syrie se jouera
l'ultime bataille pour mettre un terme au contrôle territorial exercé par l'EI
sur ces pays.
Damas a-t-il capturé des
djihadistes étrangers à Deir ez-Zor, où pendant longtemps des Français avaient
trouvé refuge ?
Ces dernières années, Daech
faisait transiter par al-Boukamal ses combattants. C'est là que de nombreux
djihadistes, notamment étrangers, ont trouvé refuge, profitant d'un accord
conclu entre les forces kurdes et des tribus proches des djihadistes pour quitter
Raqqa, il y a trois semaines.
À Deir ez-Zor, trois ans de siège
imposés par Daech avaient provoqué d'importantes pénuries alimentaires.
Beaucoup d'habitants saluent le retour de l'État. Mais beaucoup d'autres ont
peur de revoir les loyalistes. L'armée syrienne dit avoir confisqué de grandes
quantités d'armes à Daech. Y a-t-il, parmi celles-ci, des pièces occidentales
que les djihadistes ont réussi à confisquer aux rebelles modérés qui en avaient
reçu de leurs alliés européens ou du Golfe? La semaine dernière, le ministère
de l'Information à Damas montrait des grenades de fabrication française reprises
à Daech lors de la récente bataille d'al-Mayadin, à 50 km à l'est de Deir
ez-Zor. Autre question: Damas a-t-il capturé des djihadistes étrangers à Deir
ez-Zor, où pendant longtemps des Français avaient trouvé refuge?
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Proxima b, l'exoplanète la plus proche de nous, n'est
probablement pas seule (03.11.2017)
La découverte d'un ou deux
anneaux de poussières autour de l'étoile Proxima du Centaure trahirait la
présence d'autres planètes, cachées.
Combien de planètes orbitent
autour de Proxima du Centaure, l'étoile la plus proche de notre Soleil? Au
moins une, voilà qui est sûr. Détectée
en 2016, Proxima b est une petite planète rocheuse orbitant très près de
son étoile (elle est 20 fois plus près de la naine rouge que la Terre du Soleil
; elle en fait le tour en 11 jours seulement). De nouvelles observations
réalisées à l'aide du plus grand réseau de radiotélescopes au monde, Alma,
laissent néanmoins penser qu'elle ne serait pas seule...
Les astronomes n'ont pas (encore)
détecté de nouvelle exoplanète, mais un anneau de poussières froides situé des centaines de
fois plus loin. «C'est un indice très fort de la présence d'autres planètes»,
assure Julien Morin, astronome au laboratoire Univers et Particules de
l'université de Montpellier.
Nous retrouvons en effet dans le
Système solaire une couronne de débris similaire entre les orbites de Mars et Jupiter. Ce serait
l'influence gravitationnelle des planètes géantes, Jupiteren particulier, qui
empêcherait ces poussières de s'accréter pour former un corps unique. Un
scénario similaire, qui reste à établir, pourrait expliquer la présence de cet
anneau autour de Proxima du Centaure. De futures modélisations pourraient
permettre de prédire quel type de système planétaire pourrait produire une
telle structure.
Un système solaire en
miniature?
Les astronomes estiment que la
masse de cet anneau est de l'ordre du centième de celle de la Terre. Il serait
composé de morceaux de roches et de glace dont la taille pourrait varier entre
quelques millimètres et quelques dizaines de kilomètres. La température de ces
objets dépasserait difficilement les -230°C, des températures comparables à
celles que l'on retrouve dans le Système solaire dans la ceinture de Kuiper, un
nuage d'objets glacés dont les orbites se situent au-delà de Neptune, la
planète la plus éloignée du Soleil.
Un deuxième anneau, plus ténu
encore, pourrait encercler Proxima du Centaure. Il serait dix fois plus loin.
Le signal est encore trop faible pour que les astronomes puissent conclure
définitivement quant à l'existence de ce 2e anneau. Son existence ne ferait que
renforcer la ressemblance de ce système planétaire voisin avec le nôtre. «Ce
serait en quelque sorte un modèle réduit de notre Système solaire», s'amuse
Julien Morin. Et son exploration ne fait que commencer.
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Guillaume Lebeau, le témoignage saisissant d'un flic en
colère (02.11.2017)
Mis à jour le 03/11/2017 à 16h52 | Publié le 02/11/2017 à 12h01
EXCLUSIF - À visage découvert, un
policier de la BAC de Gennevilliers, en banlieue parisienne, exprime dans un
livre, au nom de ses collègues, la lassitude d'une profession sous le feu
permanent des projecteurs. Extraits.
Il y a un an, à
Viry-Châtillon, quatre
policiers étaient pris à partie par une quinzaine d'individus à coups
de pierre et de cocktails Molotov. Ils manquèrent de mourir brûlés vifs. Face à
la mollesse de la réaction des autorités politiques (Bernard Cazeneuve,
ministre de l'Intérieur, parla de «sauvageons» pour qualifier les
criminels), un
mouvement de révolte se développa au sein de la police pour réclamer
plus de considération, plus de respect et plus de moyens pour se défendre.
Parmi les leaders de ces «flics de base» regroupés dans une structure baptisée
MPC (Mobilisation des policiers en colère), Guillaume Lebeau, 31 ans,
membre de la BAC de Gennevilliers. Malgré les pressions, les menaces et les
convocations de sa hiérarchie et de l'IGPN, ce «lanceur d'alerte» d'un nouveau
genre a tenu à bout de bras pendant plusieurs semaines ce
mouvement inédit qui bénéficia d'un incroyable soutien de l'opinion
publique.
«Colère de flic», de Guillaume
Lebeau avec la collaboration de David Ponchelet, Flammarion, 288 p.,
19,90 €. - Crédits photo : Service Presse
Un an après, constate-t-il
pourtant, rien n'a changé ou presque. Les
commissariats n'ont jamais été aussi vétustes, les
moyens techniques et administratifs de poursuivre les délinquants
aussi chiches, la réputation des policiers aussi souvent traînée injustement
dans la boue. Il a donc décidé de parler à nouveau. Dans un livre. «Colère de
flic», dont nous publions des extraits exclusifs, est un témoignage édifiant
sur les conditions de travail de ceux qui sont chargés de notre protection et
de notre sécurité. Un brûlot acide mais non amer, qui n'a d'autre objet que
d'éclairer et de réveiller les consciences. À commencer par celles de nos
gouvernants.
Le fléau des mineurs
délinquants
L'incendie
du bus 235, les
émeutes urbaines, les incivilités du quotidien: ce sont très souvent des
mineurs qui sont les auteurs de ces faits. C'est mon constat de flic de
terrain, même s'il n'est pas politiquement correct. Le vrai problème dans les
cités, dans celle du Luth comme dans les autres, ce sont les mineurs. À
Gennevilliers, 70 % de la population délinquante, mon lot quotidien, est
constituée de jeunes de moins de 18 ans. Ils occasionnent des tapages,
font du motocross dans la cité, volent des scooters, ou incendient des
voitures. Un 14 juillet, une école est même partie en fumée, étrange
manière de célébrer la fête nationale. Ce sont des actes gratuits. Ils veulent
simplement dégrader, casser, «faire chier», pour dire les choses sans fard.
Lorsqu'on parvient à les interpeller, ils ne reconnaissent pas les faits. Ils
veulent montrer que leur cité est plus dangereuse que les autres.
En février 2017, 2000 personnes,
principalement des jeunes des cités, s'étaient rassemblées à Bobigny pour
soutenir le jeune Théo, victime de la police lors d'un contrôle d'identité.
L'occasion aussi de s'en prendre, une fois de plus, aux forces de
l'ordre. - Crédits photo : © Jérémie JUNG / SIGNATURES
Dans le secteur de Gennevilliers,
S. et D. sont deux jeunes aux parcours symptomatiques. La première fois
que j'interpelle S., il a 12 ans. Il conduit un scooter sans casque. En
nous voyant, il tente de prendre la fuite en courant. Nous le rattrapons et le
conduisons au poste. Il est relâché le soir même. Quelques jours plus tard, un
autre membre de sa bande, D., 12 ans également, jette sous nos yeux une
canette de soda par terre. On lui explique que ce n'est pas propre, en lui demandant
de la mettre dans une poubelle. Du haut de ses 12 ans, D. refuse,
s'énerve et nous insulte copieusement. Il n'a pas ses papiers d'identité sur
lui. Direction le commissariat, où son père vient finalement le chercher. Une
semaine plus tard, nous sommes avertis qu'un groupe de jeunes brise des vitres
de voitures pour voler tout ce qui se trouve à l'intérieur. Arrivés sur les
lieux, nous appréhendons quatre mineurs, dont S. et D. Ainsi, très
régulièrement, et même plusieurs fois par semaine, ces deux-là et leurs
acolytes pratiquent ce qu'on appelle des vols à la roulotte dans le quartier.
Interpellés, ils sont toujours relâchés rapidement. Tous les deux ont des
parents qui vivent des minima sociaux (je ne les blâme pas, lorsque j'étais
enfant, ma mère les percevait aussi, j'ai grandi comme cela, la plupart de mes
amis d'enfance également). S. vit avec sa mère. Lorsque nous l'appelons,
lors des premières interpellations, la mère de S. nous insulte presque,
persuadée que son fils n'a rien fait. Les petits frères suivent le même chemin.
«Les jeunes délinquants des
cités détruisent le tissu économique des quartiers, en rendant en particulier
la vie des commerçants impossible»
Au fil des ans, S. et D.
sont devenus des petits caïds du quartier. Si un vol se produit, nous pensons
immédiatement à eux. Et nous nous trompons rarement: dans leurs «caches», nous
retrouvons souvent le matériel volé, des téléphones, des GPS, etc. Nous
les avons appréhendés au minimum pour une vingtaine de vols. Ils n'ont jamais été
réellement condamnés pour ces faits. Tout juste ont-ils eu droit à quelques
rappels à la loi. Ils
se sont enfoncés peu à peu dans la délinquance et sont désormais passés à la
vitesse supérieure: le trafic de stupéfiants. Non sans mal, ils ont
récupéré un «terrain de vente» de drogue. Cagoulés et armés, ils ont mené
plusieurs expéditions punitives pour déloger les plus grands. À l'approche de
la majorité, ils ont fini par faire quelques courtes peines de prison, mais
dérisoires au regard de leurs méfaits.
À l'image de S. et D., ce sont
bien les mineurs qui pourrissent la vie de toute la cité, mais ce sont aussi
ceux contre lesquels nous avons le moins de pouvoir. L'ordonnance
du 2 février 1945 part du principe que les mineurs sont innocents, qu'il
faut faire de la prévention et non de la répression. Nous, policiers de
terrain, sommes obligés de constater que des milliers «d'innocents» agressent
les gens au quotidien et malgré tout se baladent dans la nature. Nous les
arrêtons le matin, ils ressortent le soir. Souvent pour mieux recommencer le
lendemain. Ils ont un sentiment d'impunité, car ils savent pertinemment qu'ils
ne risquent rien ou pas grand-chose. Pour eux, c'est presque un jeu.
Les jeunes délinquants des cités
détruisent également le tissu économique des quartiers, en rendant en
particulier la vie des commerçants impossible. Il y a deux ans, un boulanger du
Luth a été menacé. Les jeunes l'obligeaient à stocker leur shit dans sa
boutique. Le boulanger a refusé, alerté la police et même déposé plainte contre
les jeunes dealers qui voulaient l'obliger à devenir complice de leur trafic.
Nous avons fait notre boulot: nous les avons interpellés. Mais dans la mesure
où ils avaient moins de 18 ans, ils étaient protégés par l'ordonnance de
1945. Il a donc fallu les remettre en liberté le soir même. Dans les jours qui
ont suivi, ils ont organisé une expédition punitive contre le boulanger
indocile: la boulangerie a été saccagée, la vitrine cassée et le boulanger
aspergé de gaz lacrymogène. Le commerçant nous a bien sûr rappelés pour nous
reprocher de ne rien avoir fait pour le protéger. Nous n'avons pu que lui
répondre que nous avions fait notre travail, en mettant les suspects à
disposition de la justice, et que nous ne pouvions rien faire d'autre. Si cela
se reproduisait, nous procéderions exactement de la même manière. Les
commerçants dans son cas n'ont, en réalité, que deux solutions: se soumettre au
trafic ou déménager. L'épicerie-boulangerie de la cité change souvent de
propriétaire…
[…] Nous sommes nombreux dans la
police à souhaiter que l'ordonnance de 1945 soit réétudiée afin que les mineurs
puissent être jugés comme des majeurs. Née d'une intention louable, elle a
aujourd'hui des effets pervers qui méritent une profonde réforme. Plus d'un
demi-siècle plus tard, le contexte n'est pas le même. Les mineurs de 2017 ne
sont pas ceux de 1945. Comment permettre à nos concitoyens de se sentir en
sécurité dans ces conditions?
«À Gennevilliers, certains
bars sont uniquement fréquentés par des hommes. Si une femme entrait, elle
serait vite cataloguée et essuierait des critiques acerbes»
Le poids de l'islam
Lorsque j'ai découvert
Gennevilliers en 2005, l'omniprésence de la religion musulmane m'a frappé. Cela
peut engendrer des difficultés. Certains hommes refusent par exemple d'être
contrôlés par une femme policière. Il arrive qu'ils tentent d'interdire aux
collègues féminines de parler ou refusent de leur dire un simple bonjour. Nous
leur demandons systématiquement pourquoi. Ils rétorquent que leur religion le
leur interdit. Schéma inverse à l'accueil du commissariat: lorsqu'une femme
musulmane se présente, par exemple pour déclarer la perte de son permis de
conduire, elle peut refuser de parler au policier qui est de permanence,
exigeant d'avoir affaire à une femme.
Gennevilliers ne constitue pas
une exception. Les affaires de ce genre sont de plus en plus fréquentes. À
Caen, en mai 2017, une policière a été blessée lors d'une intervention.
Les forces de l'ordre avaient été appelées après une série de rixes. Un homme
de 35 ans a tenté de prendre la fuite, les collègues l'ont poursuivi.
L'homme s'est alors retourné, a détaché la ceinture de son pantalon et a frappé
la policière, la blessant à l'avant-bras. Amené au commissariat, il a expliqué
qu'il n'avait pas supporté d'être contrôlé par une femme en période de ramadan,
période pendant laquelle hommes et femmes doivent s'abstenir de relations du
lever au coucher du soleil.
Dans certains quartiers, en
France, en 2017, les femmes vivent un quotidien difficile. Ce n'est pas une
fake news. Dans le quartier Chapelle-Pajol, entre les Xe et
XVIIIe arrondissements, les femmes ne peuvent plus se déplacer seules sans
essuyer insultes et remarques de la part des hommes. Depuis 2016, les habitants
ont constaté l'arrivée de groupes de dizaines d'hommes seuls, vendeurs à la
sauvette, dealers, migrants et passeurs. Ils occupent les rues, harcelant les
femmes. Porter
une jupe est devenu périlleux. Passer devant un café «réservé aux hommes»
l'est également.
Ces difficultés, dont les médias
se font de plus en plus l'écho, levant ainsi le tabou et ouvrant le débat, ne
sont en réalité pas nouvelles: elles existent à Gennevilliers depuis que j'y
travaille, dans une moindre mesure cependant. À Gennevilliers, de fait,
certains bars sont uniquement fréquentés par des hommes. Les femmes n'osent pas
s'y aventurer. L'ambiance y est très particulière. Si une femme entrait, elle
serait vite cataloguée et essuierait des critiques acerbes.
«Si la police en avait les
moyens, et surtout si le pouvoir politique en avait le courage, il faudrait
renverser la donne et harceler les harceleurs»
À mon sens, c'est une grave
erreur de laisser dériver ainsi certaines zones du territoire. L'unique réponse
face à ces comportements devrait être la tolérance zéro. Si la police en avait
les moyens, et surtout si le pouvoir politique en avait le courage, il faudrait
renverser la donne et harceler les harceleurs: mener des contrôles d'identité
en permanence, ne laisser passer aucune infraction, de la contravention au
délit: du simple jet de détritus au tapage, en passant par les faux documents
administratifs ou les petits trafics et la vente à la sauvette. Chaque
infraction devrait être verbalisée et faire l'objet d'une poursuite
systématique devant les tribunaux compétents. Pour ce genre d'action, il faut
non seulement plus de policiers sur le terrain, mais aussi un renforcement des
systèmes de vidéosurveillance. Ces dernières années, Gennevilliers s'est dotée
de nombreuses caméras. Pour nous, policiers, il s'agit d'un outil extrêmement
utile et efficace. La vidéo permet de repérer et de traiter plus efficacement
la grande mais surtout la petite délinquance, la plus difficile à vivre au
quotidien pour les habitants. Enfin, il est indispensable que les peines
prononcées soient exécutées. […]
L'interdiction
du voile, c'est la parfaite illustration d'un double discours.
Officiellement, le voile est donc proscrit, mais dans les faits qui applique
vraiment cette loi? À chaque fois que j'ai été témoin de tentatives pour
l'appliquer, cela s'est mal terminé. Contrôler une femme voilée génère
automatiquement des tensions. Généralement, face à l'attroupement que cela
provoque, les collègues doivent abréger le contrôle. Récemment une note
administrative a été diffusée, nous enjoignant de réduire les contrôles,
notamment aux abords des mosquées. La note exige du «discernement dans
l'application de la loi». Jusqu'où doit aller ce «discernement»? Devons-nous
purement et simplement fermer les yeux?
Le faux procès du contrôle au
faciès
L'image du policier raciste est
tenace, notamment en raison des accusations
de contrôle au faciès. Disons les choses simplement: à Gennevilliers,
statistiquement parlant, il y a une forte population étrangère. Alors
nécessairement, nous sommes amenés à contrôler proportionnellement davantage
d'étrangers. Mais on ne «s'amuse» pas à contrôler un individu en raison de la
couleur de sa peau. Ce n'est pas une infraction.
À une époque, je travaillais dans
une brigade qui s'occupait entre autres des interpellations d'étrangers en
situation irrégulière. C'est une évidence: pour effectuer ces interpellations,
nous ne contrôlons pas prioritairement les personnes ayant l'apparence d'un
Européen de l'espace Schengen. Lorsque nous opérions à la gare de
Gennevilliers, nous tentions quand même d'assurer une sorte d'équilibre pour ne
pas donner l'impression que seuls les non-Européens étaient ciblés et que nous
faisions effectivement du contrôle au faciès. Alors nous contrôlions aussi les
Européens de passage, en sachant pertinemment qu'il y avait peu de chances que
nous trouvions des sans-papiers parmi eux.
Les policiers travaillent
aujourd'hui dans des conditions déplorables comme le montre les clichés
(ci-dessus et ci-dessous) rassemblés par l'Union des policiers nationaux
indépendants (UPNI). - Crédits photo : UPNI
Un matériel défaillant
- Crédits photo : upni
Si l'on croit l'adage selon
lequel un bon ouvrier doit avoir de bons outils, nous sommes de bien piètres
policiers. Nos outils de travail sont en mauvais état, technologiquement
dépassés et bien souvent tellement usagés qu'ils ne servent à rien. C'est le
cas de nos casques: les visières en Plexiglas sont tellement rayées qu'on ne
voit plus au travers. Comme pour le reste du matériel, il faut des mois pour en
obtenir des neufs. Alors on bricole, on se débrouille… Les délinquants doivent
bien rigoler quand ils se rendent compte que notre «bélier» qui sert à enfoncer
les portes est en réalité un poteau de stationnement sur lequel nous avons dû,
nous-mêmes, souder des poignées de fortune. Mais le système D ne marche pas
toujours: on ne peut quand même pas fabriquer des voitures à pédales! Or nos
véhicules de service, des Renault Kangoo ou Peugeot Expert, sont loin de
correspondre à nos besoins. Ces voitures sont totalement inadaptées aux
missions des policiers. Pire, à l'heure d'internet et de la communication
instantanée, nous disposons d'un système radio qui n'a pas changé en…
vingt-trois ans! Détail amusant, il s'appelle Acropol. Un nom qui évoque à lui
seul l'Antiquité…
Le rôle trouble des syndicats
Au départ, c'est un ancien
collègue de Gennevilliers, avec qui j'ai eu l'occasion de travailler à
plusieurs reprises, qui m'a donné envie de prendre une part active dans le
syndicalisme. Il était délégué chez nous, motivé (oui, il y en a!), passait
régulièrement à Gennevilliers alors qu'il n'y était plus officiellement affecté
et tentait vraiment d'aider les collègues. Il m'a demandé si cela
m'intéresserait de devenir délégué local. J'ai accepté la mission. Comme je ne
suis pas de nature à faire les choses à moitié, j'ai fait remonter tous
les soucis que nous rencontrions: du jour «enfant malade» refusé sans
motif, aux problèmes d'effectifs ou de matériel, en passant par les dossiers
disciplinaires… Malheureusement, je n'ai que trop rarement vu des retombées
positives de mon action. En parallèle, j'ai constaté que de jeunes délégués syndicaux
bénéficiaient de passe-droit: renforts saisonniers, mutations facilitées, prise
de grade sans avoir l'ancienneté requise…
Mon sentiment personnel est que
les syndicalistes détachés à plein-temps sont déconnectés du terrain. À force
de côtoyer les hautes sphères, ils font trop de compromis, offrent trop de
contreparties en échange de la résolution de cas individuels qui n'ont rien à
voir avec l'intérêt général des policiers.
Les syndicats ont pourtant un
poids considérable dans les différentes instances. On peut même parler de
cogestion avec l'administration, avec tous les effets pervers que cela peut
entraîner. Se considérant comme des partenaires privilégiés de
l'administration, les syndicats «épargnent» à la hiérarchie les réelles
difficultés que rencontrent les hommes de terrain. En octobre 2016,
j'étais convoqué chez le préfet à la suite du mouvement de grogne des
policiers. Ni le préfet ni le directeur de la police n'étaient au courant des
problèmes que nous rencontrions pourtant depuis belle lurette. Nous avions
cependant largement fait remonter ces difficultés aux syndicats. Exemple
concret: pour les dossiers de mutation, nous n'avons plus accès aux classements
à l'issue des décisions, alors que c'était le cas auparavant.
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Saint-Martin : les profs déserteurs sanctionnés ?
(03.11.2017)
Par Paul
de Coustin et Angélique
NégroniMis à jour le 03/11/2017 à 19h40 | Publié le 03/11/2017 à 19h21
La ministre des Outre-mer Annick
Girardin s'est dite « choquée » par les enseignants qui n'ont pas
regagné l'île après Irma.
«La vie a repris» à Saint-Martin,
a affirmé vendredi la
ministre des Outre-mer, Annick Girardin, deux mois après le
passage dévastateur de l'ouragan Irma. Un des signes du retour à la normale
est la réouverture «totale et complète», lundi 6 novembre, des
21 établissements scolaires que compte la partie française de l'île, selon
l'académie de Guadeloupe,
dont dépendent les écoles de Saint-Martin. Alors que l'ensemble des élèves
pourront retrouver le chemin des salles de classe, la ministre a vivement
critiqué les enseignants qui, en raison de la catastrophe, ont quitté l'île
franco-néerlandaise. «J'ai constaté (…), en les croisant et en échangeant avec
eux, des enseignants quittant l'île. C'est quelque chose qui m'a beaucoup
choquée», a-t-elle dit sur RTL, réagissant à un chiffre estimant que
140 professeurs sur 800 étaient partis. «J'estimais qu'à partir du
moment où on avait protégé sa famille (…) les enseignants, après quelques jours
ou quelques semaines de sas, devaient être présents, puisqu'ils sont payés, sur
Saint-Martin!» a-t-elle ajouté. Pour l'ancienne ministre de la Fonction
publique, «il y avait un devoir d'être présent». «C'est de l'abandon de poste»,
a-t-elle complété.
Des sanctions
Selon Annick Girardin, l'État
pourrait prendre des sanctions à l'encontre de ces enseignants. «Je ne suis pas
la seule à l'imaginer. Nous verrons. (…) Je ne suis pas ministre de l'Éducation
nationale, mais je plaiderai pour», s'est avancée la ministre des Outre-mer.
Parmi les 127 absents, 62
ont quitté l'île mais se sont manifestés, sans donner de date de retour
Selon l'académie de Guadeloupe,
les chiffres soumis à l'approbation de la ministre ne sont pas exacts. Sur les
755 professeurs «recensés comme étant opérationnels», 628 enseignants ont déjà
repris ou vont reprendre leur activité ce lundi. Parmi les 127 absents, 62
ont quitté l'île mais se sont manifestés, sans donner de date de retour: 37
sont en Guadeloupe, 2 en Martinique et
23 en métropole. L'académie compte également 52 enseignants actuellement
en arrêt maladie. Il reste donc 13 enseignants dont on est aujourd'hui
sans nouvelles et qui continuent à être payés sans être en poste. «Leur cas
sera réglé au cas par cas selon les procédures existantes», explique-t-on
prudemment au ministère de l'Éducation nationale.
Au total, 85 % des postes
sont pourvus, l'académie espérant atteindre les 90 % lundi, un taux
«suffisant, car 20 % des élèves sont partis pour être scolarisés en
métropole». Pour assurer le maximum de cours, un système de rotation a été mis
en place pour plusieurs mois dans certaines écoles, avec des cours le matin
pour certains élèves, l'après-midi pour d'autres.
Après
le passage de l'ouragan, de nombreux enseignants ont perdu leurs logements.
L'académie de Guadeloupe a mis en place, du 27 septembre au 4 octobre
dernier, un «dispositif d'aide au retour des personnels de l'Éducation
nationale» pour ceux qui ont préféré quitter l'île. 300.000 euros d'aides
ont été alloués à ce plan. Pour reloger les enseignants sans domicile, le parc
immobilier saisonnier a été mobilisé. Annick Girardin est attendue ce lundi à
Saint-Martin, pour une visite officielle en compagnie du premier ministre,
Édouard Philippe, et du ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel
Blanquer.
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Olivier Rey : «La qualité d'une civilisation ne se mesure
pas, elle s'apprécie» (03.11.2017)
Pangloss règne en maître, et les
livres montrant à grand renfort de courbes et de tableaux que nous vivons dans
le meilleur des mondes possibles se succèdent en librairie. Olivier Rey n'est
pas convaincu par ces batteries statistiques. Il considère que les nombres ne
pourront jamais nous éclairer complètement sur une époque.
Un certain nombre d'ouvrages (Sapiens,
de Yuval Noah Harari, La Part d'ange en nous, de Steven Pinker, Non,
ce n'était pas mieux avant, de Johann Norberg) établissent, par la
statistique, le progrès de la prospérité et le recul de la violence. Ces
chiffres peuvent-ils témoigner d'une amélioration de nos sociétés?
Quand le monde s'est fait
nombre, d'Olivier Rey, Stock, 328 p., 19,50 €. - Crédits
photo : ,
De tels chiffres ont une vertu:
ils nous rappellent les maux très réels qui grevaient le passé, ils nous
invitent à ne pas négliger les bienfaits de la modernité. Cependant, la
publicité dont bénéficient les ouvrages que vous citez tient au fait qu'ils
sont d'abord des outils de propagande, destinés à rassurer des populations que
l'évolution de la situation rend de plus en plus inquiètes. Il s'agit, à grand
renfort de courbes et de tableaux, de faire douter les gens de ce qu'ils
voient, de ce qu'ils entendent et de ce qu'ils ressentent. Il y aurait, d'un
côté, les faits attestés, selon lesquels le monde va de mieux en mieux ; et de
l'autre, des angoisses infondées, engendrées par des prophètes de malheur.
Remarquons quand même que ce sont des études scientifiques qui, par exemple,
disent que le
climat se dérègle, que les
espèces vivantes disparaissent, que les sols se dégradent, que la terre est
sollicitée au-delà de ses capacités de régénération, etc. S'il est des
statistiques gaillardes, il en est d'autres, atterrantes. Et ce sont des
sensibilités non pas pathologiquement dépressives mais, au contraire, tout à fait
saines qui constatent la difficulté croissante à mener une vie qui ait un sens,
à élever des enfants, à s'inscrire dans une histoire, à envisager l'avenir avec
confiance. Orwell,
dans Un peu d'air frais, roman beaucoup moins célèbre que 1984,
mais qui mérite tout autant d'être lu, s'interroge: la vie de la plupart des
Anglais, avant la Grande Guerre, était plus rude que celle de leurs
successeurs ; pourtant, «les gens avaient alors quelque chose qu'ils n'ont
pas aujourd'hui. Quoi? C'est simplement que l'avenir ne leur apparaissait pas
terrifiant. […] Ils ne sentaient pas le sol se dérober sous leurs pieds.» Cette
impression du sol qui se dérobe sous nos pieds s'aggrave sans cesse. Prétendre,
statistiques à l'appui, que «contrairement à ce qu'on croit, le monde ne s'est
jamais aussi bien porté», comme le font Norberg et consorts, contribue moins à
dissiper nos inquiétudes qu'à attirer le discrédit sur la statistique. Comment
se fier aux nombres, si ceux-ci ignorent ce qui est, pour la plupart d'entre
nous, de l'ordre de l'évidence?
Le philosophe Michel Serres
affirme que «le tabac tue plus en France que le terrorisme», ce qui est
indéniable. En quoi ces comparaisons nous renseignent-elles?
Michel
Serres va même plus loin: il affirme que «les citoyens contemporains ont
une chance sur 10 millions de mourir du terrorisme, alors qu'ils ont une
chance sur 700.000 d'être tués par la chute d'un astéroïde». J'ignore sur
quelles bases il arrive à de telles évaluations. À supposer même qu'elles
soient justes, la comparaison n'a de toute façon guère de sens. L'être humain
est, pour reprendre la formule d'Aristote, le «vivant politique» : c'est
au sein de cette vie partagée que l'humanité se développe et s'accomplit. Or,
une météorite, aussi meurtrière soit-elle, ne remet pas en cause la vie
commune, alors que le terrorisme, aussi limités soient ses effets objectifs, y
attente gravement. Mettre sur le même plan les morts causées par les chutes
d'astéroïdes, le tabac, les accidents de voiture ou le terrorisme, c'est ranger
dans la même catégorie vaches, tables et tour Eiffel au prétexte que les unes
et les autres ont quatre pieds. Dans un premier temps, on s'émerveille de
rapprochements aussi audacieux. Dans un second, on se dit qu'on avait eu raison
de n'y avoir jamais procédé soi-même. La lucidité nécessaire pour résister au
terrorisme réclame à la fois que nous n'exagérions pas les risques qu'il fait
courir, et
que nous reconnaissions la nocivité spécifique dont il est porteur -
dont le nombre de morts qu'il provoque ne rend absolument pas compte.
La querelle des embouteillages
à Paris et de la pollution qu'ils provoquent donne lieu à une bataille de
chiffres infinie. Que révèle ce dialogue de sourds?
Il montre que les chiffres sont
devenus indispensables au débat, puisque chaque
parti est tenu de s'appuyer sur des études
quantitatives pour défendre ses positions. Il montre aussi que les
chiffres, à eux seuls, ne peuvent permettre de trancher un débat, puisque
chaque parti parvient à en produire qui servent sa cause. Pourquoi de telles
contradictions entre des mesures réputées objectives? Les études peuvent être
«travaillées» afin de répondre aux souhaits de ceux qui les commandent ;
et, sans aller jusque-là, il est assez aisé de sélectionner, parmi toutes les
mesures qu'il est possible d'effectuer, celles qui fourniront des résultats
propres à conforter la position qu'on cherche à défendre. Ensuite, chaque camp
tient les chiffres qu'il avance pour les seuls pertinents. Il en va toujours
ainsi quand une controverse atteint un certain degré d'intensité: chaque parti
n'est plus sensible qu'aux arguments qui servent sa cause, et devient sourd à
ceux qui la contredisent. C'est pourquoi les chiffres sont impuissants à faire
triompher un point de vue. En revanche, sans chiffres, on est à peu près assuré
de perdre. C'est un peu comme l'artillerie à la guerre: on ne gagne pas en se
contentant de tirer au canon, mais sans canons, on se trouve fort démuni.
Le fact-checking et le data
journalism sont parfois tentés de résoudre toutes les controverses politiques
par les chiffres. En quoi cette ambition est-elle discutable?
En général, les débats politiques
n'opposent pas des gens qui ont complètement raison à des gens qui ont
complètement tort. Chaque parti détenant une part de vérité, chacun est capable
de faire valoir des chiffres, plus ou moins exacts, propres à appuyer ses dires
- l'habileté consistant à choisir les données favorables à sa cause. D'où la
difficulté, déjà évoquée, à résoudre une controverse par des chiffres. Par
ailleurs, ce n'est pas par des calculs que l'on détermine ce qui est
souhaitable: c'est seulement une fois le souhaitable déterminé que les calculs
sont susceptibles d'intervenir, pour aider à fixer les moyens à déployer pour
l'atteindre et vérifier leur efficacité. Voilà pourquoi, si des statistiques
fiables peuvent et doivent éclairer la politique, elles ne sauraient en aucun
cas s'y substituer. Prétendre déduire la politique d'états de fait et de
données quantitatives, c'est simplement dissimuler les choix qui, avant les
moyens à mettre en œuvre, élisent les fins que ces moyens doivent permettent de
poursuivre. On comprend que les gouvernants soient tentés de procéder ainsi.
Cela leur permet de pallier tant bien que mal le peu de confiance qui leur est
accordé, d'abriter leurs décisions derrière des apparences objectives, et de
donner à leurs actes l'autorité qui ne leur est pas reconnue à titre personnel.
Si les chiffres ne sont pas
suffisamment éclairants, à quoi se mesure la qualité d'une civilisation?
Je présume que la qualité d'une
civilisation fait partie de ces choses qui ne se mesurent pas, mais
s'apprécient. Que l'on songe à la qualité d'un vin: elle ne se mesure pas (sauf
dans les guides qui attribuent des notes), mais se goûte. De plus, dans le cas
des civilisations, qui est le meilleur juge de leur qualité: ceux qui vivent en
son sein ou bien ceux qui, plus tard, jugent de ce qu'elle a légué?
À titre personnel, il me semble
que le plus grand enjeu d'une civilisation humaine réside dans l'articulation
harmonieuse et féconde de la dimension horizontale - ce qui se vit ici et
maintenant, dans la trame des jours - avec la dimension verticale - ce qui
ouvre cette vie sur ce qui la dépasse. Une civilisation accomplie sait faire du
présent une rencontre entre le passé dont elle est issue et l'avenir qu'elle
prépare, entre ce qui passe et l'éternel. Je reconnais qu'à cette aune, notre
civilisation, qui combine son dédain du passé et l'incapacité croissante à se
donner un avenir (car avec quoi le penser, si ce n'est avec les
ressources héritées du passé), et qui se veut sortie de la religion, ne fait
pas bonne figure.
La nostalgie est-elle selon
vous un sentiment mortifère?
Cela dépend de la façon dont elle
est vécue. Le mot «nostalgie» a été forgé pour désigner le mal du pays dont les
mercenaires suisses étaient la proie, durant les longues années où ils
servaient à l'étranger. Les hommes ont beau ne pas être, comme les plantes,
assignés à un lieu, ils ont néanmoins des racines. Ils sont capables de
s'arracher du cadre qui les a vus naître et dans lequel ils ont grandi, de
changer de milieu et de coutumes, mais ces changements, cet arrachement ne vont
pas sans souffrance. Si la nostalgie, quand son empire est trop grand, devient
paralysante et mortifère, l'imperméabilité à la nostalgie est un signe
d'inhumanité. Peut-être les
transhumains qu'on nous annonceseront-ils immunisés contre cet affect:
raison supplémentaire pour préférer demeurer humain. Se retourner, regretter ce
qui n'est plus, cela fait partie de notre être.
La nostalgie, comme toute chose,
a ses dangers. Elle a aussi ses vertus. Sans elle, nous serions de purs
opportunistes, prêts à accepter n'importe quoi pourvu que cela nous permette de
tirer au mieux notre épingle du jeu. Avec elle, nous nous rappelons qu'il n'y a
pas de vie humaine qui vaille sans attachement à des êtres, à des lieux, à des
paysages, à des usages, à des souvenirs… Comme l'a écrit Simone Weil dans L'Enracinement:«Une
vie humaine sans fidélité est quelque chose de hideux.» Réciproquement, une
fidélité confère dignité à toute vie humaine.
Le passé n'est-il pas toujours
idéalisé par ceux qui ne l'ont pas vécu?
Le
passé peut être l'objet de toutes sortes de projections. Il lui arrive d'être
idéalisé, il lui arrive également d'être calomnié. À tout prendre, je crois
l'idéalisation moins grave que la calomnie, qui joint à la déformation du réel
le péché d'ingratitude. Car d'où viendrait notre hypothétique supériorité sur
les temps passés, sinon de ce que l'humanité a appris en les traversant? C'est
pourquoi, «quels que puissent être nos efforts, la plus longue vie bien
employée ne nous permettra jamais de rendre qu'une partie imperceptible de ce
que nous avons reçu» (Auguste Comte). Je note aussi que l'idéalisation du passé
ne constitue pas forcément une entrave à l'action. Elle peut aussi la stimuler:
au lieu qu'un passé décrié invite à se satisfaire d'un présent incroyablement
supérieur à tout ce qui l'a précédé, un passé idéalisé peut, par l'admiration
qu'on lui voue, inspirer de grandes choses, en fouettant le désir de se montrer
à la hauteur.
«Celui qui ne couche pas avec
son époque est un impuissant» disait, en substance, Roger Nimier. Refuser
d'embrasser en bloc la modernité, est-ce être romantique, décliniste,
impuissant?
Coucher avec son époque, il me
semble que tout le monde est obligé de le faire, bon gré mal gré. La question
qui se pose n'est donc pas de coucher ou non, mais, faut-il passer tout son
temps à l'horizontale? Je pense à Ouranos, sans cesse étendu sur Gaïa au point
d'empêcher celle-ci d'accoucher. Il fallut que Cronos, de l'intérieur du ventre
de sa mère, tranche à la serpe le sexe de son père pour qu'Ouranos s'écarte,
qu'un espace advienne entre le ciel et la terre où la vie puisse s'épanouir et
fructifier. Enfanter suppose de ne pas être impuissant, mais aussi de ne pas
passer l'intégralité de son temps à forniquer. Pour faire des enfants à son
époque, il faut aussi savoir s'en détacher.
L'attitude féconde ne consiste
certes pas à refuser tout contact avec le monde tel qu'il va. C'est en lui
qu'il nous est donné de vivre, c'est en lui que notre existence doit
s'accomplir. Pour autant, le prendre pour mesure de toute chose, c'est retirer
à la pensée les points d'appui extérieurs dont elle a besoin pour s'élever,
c'est s'exposer sans défense aux pires déchéances. Contre l'invitation
permanente à se vautrer sur le présent, ce sont les exemples du passé qui nous
remettent sur nos jambes. Sans fidélité à ce qui nous a précédés, notre marche
se condamne à n'être qu'un rampement sans fin.
Olivier Rey, les chiffres et
les lettres
Au départ, Olivier Rey est
mathématicien. Après l'École polytechnique, il entre au CNRS, mais, en 2009, il
quitte la section mathématiques pour rejoindre celle de philosophie (qu'il
enseigne à Paris I). Son romanAprès la chute (PGDR, 2014) a
été remarqué par Michel
Houellebecq. Une question de taille (Stock, 2014), essai
sur l'hubris contemporaine, était un puissant éloge de la mesure. Quand
le monde s'est fait nombre (Stock, 2016), son dernier livre, souligne
la sécheresse d'une époque impuissante à se définir autrement que par des
pourcentages. Ce philosophe pense son temps sans complaisance: il s'étonne de
l'autocélébration d'un présent qui méprise son passé et restaure la nécessité
d'une cosmogonie.
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Tariq Ramadan et le silence des compagnons de route de
l'islamisme (03.11.2017)
ANALYSE - Alexandre Devecchio
s'interroge sur le silence de Mediapart, et plus largement d'une certaine
gauche à propos de l'affaire Ramadan. Pour lui, cette discrétion témoigne d'une
forme de complaisance, voire de complicité idéologique, avec le prédicateur et
ses thèses islamistes.
- Crédits photo : Le Cerf
Alexandre Devecchio est
journaliste au Figaro, en charge du FigaroVox. Il vient de publier Les Nouveaux enfants du siècle, enquête
sur une génération fracturée (éd. du Cerf, 2016) et est coauteur de Bienvenue
dans le pire des mondes (éd. Plon, 2016).
C'était le 17 janvier 2015 à
Brétigny-sur-Orge. L'événement organisé par diverses associations
communautaires et le duo d'invités improbable. Tout sourire, Edwy Plenel et
Tariq Ramadan communient devant un public presque exclusivement musulman parmi
lesquels de nombreuses femmes voilées et quelques barbus en baskets-djellaba.
L'islamiste, proche des Frères musulmans, et le trotskiste, ancien membre de la
Ligue communiste révolutionnaire, faisaient cause commune contre les
«discriminations » et l'«islamophobie». Au même moment, les Français
pleuraient encore leurs morts: ceux de Charlie Hebdo et
de l'Hyper
Cacher, la policière de Montrouge. Deux jours plus tôt, ils étaient des
millions à s'être levés pour défendre la liberté d'expression et protester
contre le terrorisme islamiste. Mais Plenel et Ramadan n'étaient pas Charlie.
Ce soir-là, le fondateur de Mediapart s'épancha sur l'«enfance malheureuse des
frères Kouachi» et précisa que lui n'aurait pas publié de «caricatures qui
offensent n'importe quelle religion». Le 23 janvier, invité sur le plateau
du «Petit journal », il enfoncera le clou, suggérant que les détracteurs
de Ramadan seraient racistes.
Il faisait publiquement
l'apologie de la charia, ne cachait pas sa volonté d'instaurer un moratoire sur
la «lapidation des femmes» ou encore de réislamiser la jeunesse des banlieues
Le prédicateur est aujourd'hui
sous le feu des projecteurs pour des accusations
de viol. Cela relève de la chronique judiciaire et il serait injuste de
tenir Plenel pour complice de violences présumées dont il ignorait tout. Mais
le silence pudique de Mediapart, et plus largement d'une certaine gauche sur
cette affaire, témoigne de la complaisance, voire de la complicité idéologique
de celle-ci avec Ramadan et ses thèses islamistes. Même les néoféministes les
plus impitoyables à l'égard du «mâle blanc hétérosexuel», à l'exception de
Caroline Fourest, sont restées muettes, ou presque, sur le cas Ramadan. La vision
du monde du petit-fils d'Hassan el-Banna (fondateur de la confrérie des Frères
musulmans) était pourtant connue de tous. Bien que souvent
accusé de double discours, il faisait publiquement l'apologie de la charia,
ne cachait pas sa volonté d'instaurer un moratoire sur la «lapidation des
femmes» ou encore de réislamiser la jeunesse des banlieues. Celui qui se rêvait
en Mohammed Ben Abbes, le président de Houellebecq qui islamisait pacifiquement
la France dans Soumission, pourrait finir en Tartuffe de Molière.
Mais jusqu'aux récentes révélations sur ses mœurs il a conservé un véritable
prestige auprès de sa base militante comme auprès de politiques,
d'intellectuels ou de faiseurs d'opinion avertis. C'est la prestigieuse
université d'Oxford qui lui déroule le tapis rouge. C'est le philosophe Edgar
Morin qui cosigne un ouvrage avec lui. C'est
Clémentine Autain qui appelle à se rendre à un meeting commun lors des
régionales 2015 juste après la tuerie du Bataclan.
Comme il y avait ceux qui
préféraient avoir tort avec Sartre plutôt que raison avec Aron, il y a ceux qui
préfèrent avoir tort avec Ramadan qu'avoir raison avec les «néoréactionnaires»
«Nous étions cons! Cons et dangereux!»,
avait dit Yves Montand pour résumer le parcours de sa génération et justifier
sa rupture avec le Parti communiste. Comme il y a eu des compagnons de route du
stalinisme autrefois, il y a aujourd'hui des compagnons de route de
l'islamisme. Comme il y avait ceux qui préféraient avoir tort avec Sartre
plutôt que raison avec Aron, il y a ceux qui préfèrent avoir tort avec Ramadan
qu'avoir raison avec les «néoréactionnaires», en réalité les nouveaux
antitotalitaires. Pour Jacques
Julliard, la «glaciation islamiste» est la troisième «glaciation
intellectuelle» après la «glaciation stalinienne» et «la glaciation maoïste».
«On a vu ressurgir chez certains intellectuels le même type d'argumentation qui
avait cours dans les précédentes glaciations: la théorie de l'encerclement par
l'impérialisme, l'érection de l'islam en “religion des pauvres”, le
ressentiment érigé en moteur de l'histoire, etc.», écrit-il. Parmi les
responsables de cet aveuglement, il faut distinguer les «cons» et les
«dangereux». Il y a les idiots utiles. Au nom d'un antiracisme dévoyé et parce
qu'il ne fallait pas «faire le jeu du FN», ces derniers n'ont pas voulu voir
que les victimes d'hier pouvaient être les bourreaux d'aujourd'hui, que
l'islam, «religion des pauvres et des minorités», pouvait être le bras armé de
la terreur. Il y a aussi ceux que Zineb
El Rhazoui appelle les «collaborationnistes du fascisme
islamique», les islamo-gauchistes, une nébuleuse qui va des Indigènes de la
République à certains députés de La France insoumise en passant par Rokhaya
Diallo et Alain Gresh. Ceux-là rêvent de «convergence des luttes»: entre les
prolétaires et les musulmans, les ouvriers et les immigrés. Pour eux, l'utopie
messianique communiste et l'utopie millénariste islamique convergent dans une
même lutte entre «dominés» et «dominants». Trotski et les Frères musulmans, le
féminisme et la charia, Plenel et Ramadan.
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