dimanche 5 novembre 2017

Islamisme et politique 04.11.2017

Une sur Tariq Ramadan : Charlie Hebdo croule sous les menaces de mort (03.11.2017)
Pékin promeut "la paix" avec sa 1ère base militaire à l'étranger (04.11.2017)
Violences sexuelles: des personnalités féminines réclament un «plan d'urgence» (05.11.2017)
Arrestations en Arabie saoudite : le prince Al-Walid voit le cours de son groupe chuter (05.11.2017)
La dynastie saoudienne bouleversée depuis 2015 (05.11.2017)
Mohammed Ben Salman, l'homme derrière la purge anti-corruption (21.06.2017)
Spectaculaire vague d'arrestations en Arabie saoudite (05.11.2017)
Importante saisie de cocaïne en Guadeloupe (04.11.2017)
Washington craint un attentat à Mogadiscio (04.11.2017)
Le Louvre Abu Dhabi, un musée de l'histoire de l'humanité (03.11.2017)
Le défi des patrons siciliens à la crise et à la Mafia (02.11.2017)
Tunnel de Gaza : 12 morts dans le bombardement israélien (03.11.2017)
Gaza veut croire à une relance de l'économie locale (02.11.2017)
Syrie : Damas reprend à Daech la ville de Deir ez-Zor (03.11.2017)
Proxima b, l'exoplanète la plus proche de nous, n'est probablement pas seule (03.11.2017)
Guillaume Lebeau, le témoignage saisissant d'un flic en colère (02.11.2017)
Saint-Martin : les profs déserteurs sanctionnés ? (03.11.2017)
Olivier Rey : «La qualité d'une civilisation ne se mesure pas, elle s'apprécie» (03.11.2017)
Tariq Ramadan et le silence des compagnons de route de l'islamisme (03.11.2017)



Une sur Tariq Ramadan : Charlie Hebdo croule sous les menaces de mort (03.11.2017)



Publié le 03/11/2017 à 11:55

Depuis leur Une sur l'affaire Tariq Ramadan, le rédaction de "Charlie Hedo" subit une campagne d'insultes mais également des menaces de mort. Des messages à ne pas prendre à la légère.
Depuis ce mercredi 1er novembre, le journal Charlie Hebdo est victime d'une campagne d'insultes et, plus grave, de menaces de mort. En cause leur Une sur l'affaire Tariq Ramadan, affaire déclenchée par les témoignages de femmes qui accusent l'"universitaire" d'agressions sexuelles. On y voit un Tariq Ramadan, tout sourire, le braquemard en étendard, déclamant pour sa "défense" : "Je suis le 6e pilier de l'islam". Un humour typique de Charlie Hedbo.



Dans la journée, le mot-dièse #CharlieHebdo se hisse dans les tendances du jour sur Twitter rapporte le journal 20minutes évoquant une couverture qui a "suscité de vives réactions et a divisé les internautes". On y retrouve les débats habituels qui tournent autour de la supposée obsession de Charlie Hebdo contre l'islam. Certains tentent tout de même de rappeler que le journal tape sur toutes les chapelles et préfère les sujets politiques plutôt que religieux...

"Horrible la une de Charlie Hebdo sur Tariq Ramadan, ils sont vraiment obsédés par l'Islam !!!"


C'est au-delà de ce débat que d'autres utilisateurs se sont adonnés à un tout autre genre de messages :

"Moi fiché S ou pas, Charlie Hebdo ça va vite s'arrêter" ;

"C'est pour quand le prochain attentat chez Charlie Hebdo s'il vous plaît ???" ;

"Charlie Hebdo sont un tas de déchets, et s'il faut d'autres tueries pour le rappeler, je dis que ça ne nous ferait pas que du mal" ;

"Une erreur et on retiens (sic) la leçon mais vous voulez continuer à jouer venez pas pleurer quand y' aura vos corps en morceaux" ;

"Ils méritent un deuxième round Charlie Hedbo de mes couilles ça ne leurs (sic) a pas suffit"...

Voici ce qu'on peut lire, entre autres, sur les réseaux sociaux. Certains de ces messages ont depuis été supprimés, les autres sont toujours présents malgré les signalements.


Des appels au meurtre que le politologue Laurent Bouvet et l'élu socialiste Amine Khatmi, tous les deux membres du Printemps Républicain, ont vivement dénoncés.


Les réseaux islamistes se déchainent à nouveau contre #CharlieHebdo dans une indifférence quasi-générale ! @toujourscharlie #Liberté


La rédaction de Charlie Hebdo croule sous les menaces de mort dans le silence quasi général de la presse (sauf Marianne). Sérieusement ?

Des messages qu'il est possible de signaler aux autorités compétentes, notamment la plateforme Pharos.

Ce n'est bien sûr pas la première fois que Charlie Hebdo subit ce type de campagne. Des menaces qui n'étaient pas forcément prises au sérieux avant le 7 janvier 2015, même si les locaux de Charlie avaient déjà été détruits aux cocktails molotov en 2011, obligeant l'équipe à aller squatter les couloirs de Libération. Leur site internet avait également été piraté et, depuis 2012, Charb vivait sous protection policière.

Jusqu'à ce qu'arrive ce mercredi 7 janvier, lorsque deux frangins armés de kalachnikovs ont interrompu une des conférences de rédaction de Charlie Hebdo. De leur visite inopinée, les Kouachi ont laissé derrière eux au tapis Charb, Cabu, Honoré, Tignous, Wolinski, Bernard Maris, Elsa Cayat, Michel Renaud, un invité de la rédaction, le correcteur Mustapha Ourrad, les deux policiers Franck Brinsolaro et Ahmed Merabet ainsi que l'agent de maintenance Frédéric Boisseau.
Il serait peut-être judicieux, cette fois, de ne pas prendre ces menaces à la légère.

Pékin promeut "la paix" avec sa 1ère base militaire à l'étranger (04.11.2017)

Mis à jour le 04/11/2017 à 09h06 | Publié le 04/11/2017 à 09h02

Le président chinois, Xi Jinping, a invité les soldats déployés sur la première base militaire de la Chine à l'étranger, à Djibouti, à offrir une bonne image du pays à l'étranger. Dans un message vidéo, il les a en outre chargés "de promouvoir la paix et la stabilité régionales et internationales", rapporte le ministère de la Défense.


La Chine a inauguré cette base à Djibouti le 1er août dernier, le jour même où l'Armée populaire de libération fêtait son 90e anniversaire.
Cette installation, que Pékin présente comme une base logistique, servira essentiellement à ravitailler les navires de la marine chinoise engagés dans des missions de maintien de la paix et humanitaires au large des côtes du Yémen et de la Somalie.

Djibouti, petit pays aride d'à peine un mlllion d'habitants coincé entre l'Ethiopie, l'Erythrée et à la Somalie, se trouve à l'entrée sud de la mer Rouge et héberge également des bases française, américaine et japonaise. La création de cette base a suscité l'inquiétude de certains pays, dont l'Inde qui craint gu'avec Djibouti, la Chine n'étende un peu plus un "collier de perles" d'alliances qui englobe déjà, autour de l'Inde, le Bangladesh, la Birmanie et le Sri Lanka.

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Violences sexuelles: des personnalités féminines réclament un «plan d'urgence» (05.11.2017)

Par Jean Talabot et AFP agenceMis à jour le 05/11/2017 à 13h14 | Publié le 05/11/2017 à 12h15

Une centaine de femmes de la société civile française, artistes, comédiennes, réalisatrices, écrivaines, journalistes, médecins... demandent au président Emmanuel Macron de décréter «un plan d'urgence contre les violences sexuelles», dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche.

«M. Macron, êtes-vous de notre côté?» titre la tribune du Journal du Dimanche, parue ce 5 novembre, en mettant en exergue plusieurs visages de personnalités de la culture française. Parmi elles, la comédienne Zabou Breitman, les chanteuses Louane Emera (sacrée samedi soir aux NRJ Music Awards), l'humoriste Florence Foresti ou encore la metteur en scène Agnès Jaoui. Cette lettre ouverte, adressée directement au président de la République, réclame l'instauration d'un «plan d'urgence contre les violences sexuelles». Elle est signée par une centaine de personnalités féminines de la société civile française, artistes, comédiennes, réalisatrices, écrivaines, journalistes, médecins...


Cet appel, initié par des militantes féministes, sera mis en ligne sur la plateforme Change sous la forme d'une pétition déjà signée par une centaine de personnalités qui ont été «comme tant d'autres, harcelées, agressées ou violées», selon ses initiatrices. Il est possible de suivre cet appel avec le hashtag #1femmesur2.

Parmi les premières signataires: la réalisatrice Lisa Azuelos, les écrivaines Marie Darrieussecq et Tatiana de Rosnay, la journaliste Rokhaya Diallo, l'actrice Valérie Donzelli, la chanteuse Imany, les philosophes Sandra Laugier et Michela Marzano ou encore la comédienne Anna Mouglalis.


Le texte rappelle qu'il fait suite à l'afflux de témoignages arrivés dans la sphère publique depuis la révélation du scandale Weinstein aux États-Unis. Il entend dénoncer l' «insupportable déni collectif» dont sont victimes les femmes, dans «une société qui(les) maltraite», selon ses auteures. «Une femme sur deux a déjà été victime de violence sexuelle. Certaines ne sont plus là pour signer cette tribune, mortes sous les coups. Certaines sont plus particulièrement concernées parce qu'elles sont en situation de handicap, lesbiennes ou subissent le racisme», soulignent les auteures.

Cinq mesures prioritaires sont proposées: le doublement immédiat des subventions des associations accueillant les femmes victimes, une formation obligatoire de l'ensemble des professionnels en contact avec elles, la création d'un brevet de la non-violence sur le modèle du brevet de la sécurité routière au collège, la formation obligatoire en entreprise contre le harcèlement sexuel au travail et une vaste campagne nationale de communication.

Voici la lettre ouverte publiée dans les pages du JDD ce dimanche 5 novembre:

«Monsieur le Président,

Nous savons votre agenda chargé. Vous n'avez pourtant pas pu passer à côté. Depuis des jours, plusieurs centaines de milliers de messages sont apparus sur les réseaux sociaux pour témoigner de l'ampleur des violences sexuelles que subissent les femmes en France.

Une femme sur deux a déjà été victime de violence sexuelle. Certaines ne sont plus là pour signer cette tribune, mortes sous les coups. Certaines sont plus particulièrement concernées parce qu'elles sont en situation de handicap, lesbiennes ou subissent le racisme. L'avez-vous en tête lorsque vous vous déplacez, rencontrez des citoyennes et citoyens, présidez une réunion ou un dîner officiel? Nous sommes une sur deux.

«Toutes, nous sommes témoins du silence vertigineux de notre société. Un insupportable déni collectif. Au fond, notre société maltraite les femmes».

Monsieur le Président, signataires de cette lettre, nous avons été, comme tant d'autres, harcelées, agressées ou violées. Comme tant d'autres, nous avons souvent dû faire face au déni de nos entourages, à l'absence de prise au sérieux par les services de l'État, à la tentative de notre société de nous faire croire que ce n'était pas si grave ou qu'on avait bien dû faire quelque chose pour en arriver là. Toutes, nous sommes témoins du silence vertigineux de notre société. Un insupportable déni collectif. Au fond, notre société maltraite les femmes.

Monsieur le Président, tout cela, vous le savez. Alors, pourquoi cette lettre? Parce que vous avez le pouvoir de faire en sorte que ces violences sexuelles cessent. La puissance publique a déjà réussi par le passé à changer des mentalités et des comportements qui nous semblaient inamovibles tellement ils étaient ancrés dans nos habitudes. Qui aurait dit il y a trente ans que nous réussirions à diviser par 4 le nombre de morts sur les routes? Qui aurait dit il y a vingt ans que le tri du papier semblerait aujourd'hui presque une évidence?

Monsieur le Président, dans la rue, au travail comme à la maison, l'intolérance aux violences doit devenir la norme. Décrétez un plan d'urgence. Maintenant.

1. Doublez immédiatement les subventions des associations qui accueillent les femmes au téléphone ou physiquement et doublez le nombre de places d'accueil pour les femmes victimes.

2. Organisez dès 2018, de manière systématique et obligatoire, une formation de tous les professionnel.le.s en contact avec des femmes victimes: enseignant.e.s, magistrat.e.s, policier.e.s, gendarmes, professionnel.le.s de santé, notamment de la santé au travail.

3. Créez au collège un brevet de la non-violence sur le modèle du brevet de la sécurité routière, obligatoire dès la rentrée prochaine.

4. Rendez obligatoire la formation des salarié.e.s et managers à la prévention du harcèlement sexuel au travail, instaurez une négociation obligatoire en entreprise sur ce sujet et protégez l'emploi des femmes victimes.

5. Lancez une campagne nationale de prévention aussi importante que celles sur la sécurité routière, campagne que vous pourriez venir présenter au JT d'une grande chaîne pour affirmer, en tant que chef de l'État, que les violences n'ont plus leur place dans notre pays.

Cela ressemble à un plan d'attaque? C'en est un. Monsieur le Président, nous sommes face à une crise grave. Êtes-vous de notre côté?»

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Arrestations en Arabie saoudite : le prince Al-Walid voit le cours de son groupe chuter (05.11.2017)

Par Le figaro.fr 

Mis à jour le 05/11/2017 à 13h10 | Publié le 05/11/2017 à 12h34

INFOGRAPHIE - Le cours de Kingdom Holding Company a a perdu environ 15% de sa valeur depuis le début de l'année. Le prince Al-Walid a desintérêts dans plusieurs multinationales, dont Apple ou Euro Disney. Il possède également plus de 200 hôtels dans le monde.

Le cours de Kingdom Holding Company, société internationale d'investissement détenue à 95% par le prince et milliardaire saoudien Al-Walid ben Talal, a chuté de 9,9% à l'ouverture dimanche, au lendemain de son arrestation présumée.


L'indice Tadawul All-Shares (Tasi), la Bourse la plus importante des pays arabes, était également en baisse, de 1,6%, une minute seulement après son ouverture, à la suite de l'arrestation de princes et de dizaines de ministres dans une purge sans précédent en Arabie saoudite. Le cours de Kingdom Holding Co - société ayant des intérêts notamment dans les géants américains Citigroup, Apple ou le parc d'attractions Euro Disney - n'ont pas chuté davantage car, selon le règlement de la bourse saoudienne, les actions ne peuvent baisser de plus de 10% lors d'une session.

Depuis le début de l'année, Kingdom Holding Co a perdu environ 15% de sa valeur mais la société a annoncé plus tôt dimanche une hausse de ses profits pour le troisième trimestre et les neuf premiers mois de l'année. Cette annonce intervient alors que 11 princes et des dizaines de ministres, anciens et actuels, ont été arrêtés samedi soir en Arabie saoudite, selon des médias, au cours d'une purge sans précédent das le royaume ultra-conservateur. Parallèlement, les puissants chefs de la Garde nationale saoudienne, une force d'élite intérieure, et de la Marine ont été limogés.


Ces arrestations et limogeages sont intervenus quelques heures après la création, par décret royal, d'une commission anticorruption dirigée par le prince héritier et homme fort du royaume, Mohammed ben Salmane, âgé de 32 ans et surnommé «MBS».

Al-Walid ben Talal, une fortune évaluée à 32 milliards de dollars

Le prince saoudien Al-Walid Ben Talal détient notamment 50% des Four Seasons Hotel - dont l'hôtel George V dans le VIIIe arrondissement de Paris, racheté en 1996 - 33,3 % des Mövenpick Hotels & Resorts, et les Fairmont Hotels and Resorts, soit plus de 200 hôtels dans le monde. En 2013, sa fortune est évaluée par Bloomberg à 26 milliards de dollars, au 20e rang mondial. La même année, il accuse Forbes d'avoir sous-estimé sa fortune, à 20 milliards de dollars.

En 2015, il s'engage à verser l'intégralité de sa fortune, estimée alors à 32 milliards de dollars à sa fondation Alwaleed Philantropies. «Toute ma fortune m'a été donnée par Dieu et par ma grande nation. Cette fortune, je l'offre à l'humanité, et l'humanité n'a ni religion, ni race, ni sexe», avait déclaré le prince, «cet engagement philanthropique va aider à jeter des ponts entre les cultures, développer les communautés, promouvoir les droits des femmes, aider les jeunes, fournir des secours en cas de catastrophes naturelles et créer un monde plus tolérant».

Cette annonce du prince Al-Walid s'est inscrit dans la campagne du «Giving Pledge» («la promesse de donner» en français), une opération lancée par Bill Gates et Warren Buffet en 2010, afin de demander aux plus grosses fortunes mondiales de s'engager à donner 50% ou plus de leur fortune à des œuvres caritatives.

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La dynastie saoudienne bouleversée depuis 2015 (05.11.2017)


Publié le 05/11/2017 à 14h08

INFOGRAPHIE - Le prince héritier n'a cessé d'élargir son pouvoir depuis que son père, le roi Salman, a succédé au trône en janvier 2015. Il contrôle aujourd'hui les principaux leviers du gouvernement, de la défense à l'économie.


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Mohammed Ben Salman, l'homme derrière la purge anti-corruption (21.06.2017)

Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 05/11/2017 à 13h14 | Publié le 21/06/2017 à 09h43

PORTRAIT - L'arrestation de princes et de hauts-reponsables saoudiens dans la nuit de samedi à dimanche est la marque du nouveau prince héritier, fils du roi Salman. Portrait d'un milliardaire ambitieux qui prend le pari risqué d'accaparer les pouvoirs d'un royaume peu habitué aux changements brusques.

L'irrésistible ascension du jeune prince de 33 ans, volontiers impulsif et à l'ambition débordante, continue. Pas moins de onze princes, quatre ministres en exercice et plus d'une trentaine d'anciens hauts-responsables ont été arrêtés dans la nuit du samedi 4 à dimanche 5 novembre dans le royaume. Leur arrestation a été décidée quelques heures auparavant par un comité anti-corruption, créé à cette occasion par un décret royal. Il est présidé par le fils du roi Salman, le prince Mohammed Bin Salman (MBS), le nouvel homme fort du royaume et l'inspirateur de cette purge, aussi importante que rare dans un pays qui a longtemps privilégié les évolutions lentes aux changements brusques.


En juin dernier, par 31 voix sur 34, le conseil de l'allégeance de la famille royale saoudienne a désigné MBS prince héritier du royaume d'Arabie. Il remplace son cousin germain le prince Mohammed Ben Nayef, ministre de l'Intérieur, l'homme de la lutte contre al-Qaïda et Daech dans un pays lui aussi frappé par le terrorisme.

Un peu plus de deux ans après l'accession de son père, le roi Salman, sur le trône, Mohammed Ben Salman a réussi son pari d'écarter son rival de la course vers le pouvoir. MBS cumulait les fonctions de ministre de la Défense et de vice-prince héritier. C'est lui l'artisan de la guerre au Yémen où l'Arabie conduit une coalition arabe, épaulée par les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne, contre les rebelles houthistes proches de l'Iran. Une expédition militaire extrêmement risquée. MBS est également le maître d'œuvre du programme baptisé «Arabie 2030», dont l'ambition est de sortir du tout pétrole et de donner du travail à une jeunesse nombreuse et souvent désoeuvrée.


«Rappelez plus tard»

Mohammed Ben Salman à Juan Carlos d'Espagne

Depuis deux ans, Mohammed Ben Salman n'a cessé d'élargir son pouvoir. Au sein de la famille régnante, comme en dehors. MBS prit même le risque de briser le consensus au sein du clan Saoud. Il isola son père d'une bonne partie de la famille. Il n'hésitait pas à rabrouer d'anciens monarques comme Juan Carlos d'Espagne lorsque ce dernier appelait Salman sur son portable. «Rappelez plus tard», répondait-il sans ménagement envers l'ex-roi roi d'Espagne.

Sa nomination au poste de prince héritier fut une surprise. À 60 ans, Mohammed Ben Nayef - MBN - faisait figure de successeur naturel du roi Salman. MBN et son père avaient servi pendant 42 ans comme ministre de l'Intérieur. Leur clan avait tenu la maison des Saoud notamment pendant les années de sang (2004-2006) lorsque les attaques terroristes d'al-Qaïda avaient fait vaciller l'Arabie. Mais depuis l'accession de Salman au pouvoir, les relations entre MBS et le prince héritier s'étaient détériorées. Dès son arrivée aux affaires, le jeune MBS avait cherché à marginaliser son cousin, qui avait notamment critiqué l'aventure militaire de l'Arabie au Yémen.

Un partisan de la fermeté face à l'Iran

Deux crocodiles dans un marigot: il y en avait un de trop. Compte tenu de l'âge du roi, 81 ans, et de sa santé déclinante, l'Arabie devrait à terme être dirigé par un très jeune roi. Une mini-révolution dans ce pays où les monarques sont tous des sexagénaires depuis plus de trente ans.

Ses interlocuteurs décrivent Mohammed Ben Salman comme pragmatique et partisan d'une posture très ferme contre l'Iran. Dans sa marche vers le pouvoir, MBS a su semble-t-il se rallier une partie de l'establishment américain, l'allié stratégique de Riyad depuis cinquante ans. Il était allé en visite aux États-Unis pendant plusieurs semaines au printemps dernier, rencontrant Donald Trump et les cadres d'un appareil sécuritaire qui ont longtemps parié sur Mohammed Ben Nayef pour conduire aux destinées du royaume. Reste à savoir comment se fera la sortie de l'ex-prince héritier. MBS n'a pas intérêt à l'humilier, et le clan Saoud sait en général consoler les prétendants au trône qui subissent un revers de fortune.

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Spectaculaire vague d'arrestations en Arabie saoudite (05.11.2017)


Mis à jour le 05/11/2017 à 14h12 | Publié le 05/11/2017 à 09h45

INFOGRAPHIE - Onze princes, d'anciens membres du gouvernement et ministres en exercice ont été arrêtés à la demande d'un nouvel organe de lutte contre la corruption.

La purge est sans précédent en Arabie saoudite. Pas moins de onze princes, quatre ministres en exercice et plus d'une trentaine d'anciens hauts-responsables ont été arrêtés dans la nuit de samedi à dimanche dans le royaume, a rapporté la chaîne de télévision al-Arabya.


Leur arrestation a été décidée quelques heures auparavant par un comité anti-corruption, créé à cette occasion par un décret royal. Il est présidé par le fils du roi Salman, le prince héritier Mohammed Bin Salman (MBS), l'homme fort du royaume et l'inspirateur de cette purge, aussi importante que rare dans un pays qui a longtemps privilégié les évolutions lentes aux changements brusques.

Le prince milliardaire Al-Walid ben Talal, propriétaire de l'hôtel George V à Paris, figurerait parmi les personnes arrêtées et qui font l'objet d'une enquête de la part de l'agence de lutte contre la corruption. Si la nouvelle était confirmée, il s'agirait d'une décision lourde de sens, frappant un personnage gravitant dans la sphère des investisseurs internationaux. L'ancien ministre des Finances Ibrahim al Assaf a également été interpellé. Des hommes d'affaires puissants, et liés parfois à des industriels français comme Baqr Ben Laden, auraient également été arrêtés.


Une source aéroportuaire a par ailleurs indiqué à l'AFP que les forces de sécurité avaient cloué au sol des avions privés à Jeddah, pour empêcher que certaines personnalités quittent le territoire. Il s'agit de «préserver l'argent public, punir les personnes corrompues et ceux qui profitent de leur position», a souligné l'agence de presse officielle SPA.

Dans le même temps, le roi Salman a relevé de ses fonctions le prince Mitaeb, ministre de la Garde nationale, le ministre de l'Economie Adel Fakieh, et le patron de la Marine nationale.

Pari risqué
Fils de l'ancien roi Abdallah, Mitaeb était le dernier des princes de la branche Abdallah à menacer MBS. La Garde nationale, que de nombreuses sociétés étrangères ont équipé pendant des décennies, était un puissant instrument de défense du pays, composée de ses principales tribus. Elle est passée dans l'orbite de MBS, l'homme derrière ce mini-tremblement de terre à la cour des Saoud.

Agé de 33 ans, Mohammed Bin Salman a déjà écarté le prince héritier Mohammed Bin Nayef de la course au trône. Le fils préféré du roi s'est lancé dans un ambitieux programme de transformation de l'Arabie saoudite. Transformation économique en misant sur l'après-pétrole. Mais aussi transformation sociale en autorisant l'année prochaine les femmes à conduire leurs voitures. Ou en déclarant la semaine dernière lors d'un sommet qui réunit des responsables de la finance mondiale à Riyad qu'il était temps de «moderniser l'islam». Une gageure dans un pays ultra conservateur où la famille Saoud doit partager certains pouvoirs avec les oulémas religieux. «Mais même cela, MBS semble vouloir le remettre en cause», analyse François Touazzi, expert de l'Arabie saoudite.

Son pari est risqué. Il s'est fait de nombreux ennemis au sein de la famille régnante. Mais depuis bientôt trois ans que son père a succédé à Abdallah, MBS n'a cessé d'accaparer des pouvoirs.

Contrôlant les principaux leviers du gouvernement, de la défense à l'économie, Mohammed bin Salman semble chercher à étouffer les contestations internes avant tout transfert formel du pouvoir par son père, le roi Salmane, âgé de 81 ans. Dans le même temps, il a oeuvré pour renforcer son emprise politique sur le pouvoir, procédant notamment en septembre à une vague d'arrestations de dissidents, dont des religieux influents et des intellectuels.

Ce dimanche matin, le conseil des religieux a réagi sur son compte Twitter en affirmant que la lutte contre la corruption était «aussi importante que le combat contre le terrorisme». Et le cours de bourse du groupe d'Al-Walid ben Talal chutait de près de 10%.

- Crédits photo : Service Infographie du Figaro
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Importante saisie de cocaïne en Guadeloupe (04.11.2017)


Mis à jour le 04/11/2017 à 18h02 | Publié le 04/11/2017 à 17h57

Près de 750 kg de cocaïne ont été saisis vendredi sur le port commercial de Jarry, en Guadeloupe, "sur un conteneur en provenance de Paramaribo (Suriname) et à destination d'Anvers (Belgique)", ont annoncé samedi les services de douane dans un communiqué.


La drogue, répartie en 33 sacs de 20 pains de cocaïne, était dissimulée dans 850 sacs de riz.

"La valeur de la marchandise est estimée à plus de 30 millions d'euros sur le marché illicite de la revente au détail des stupéfiants", précisent les douanes dans leur communiqué.

Ce chiffre fait de cette saisie l'une des plus importante réalisée sur le sol guadeloupéen, avec celle du début d'année 2017, qui comptait près 800 kg saisis par les douanes de Guadeloupe. Il confirme "une nouvelle fois la sensibilité des lignes maritimes transitant par les Antilles françaises à destination de l'Europe", selon les douanes.

Les ciblages de contrôle sont faits selon un système d'analyse de risque automatique à partir des déclarations de transport de marchandises, "bien en amont de leur arrivée sur le territoire européen", expliquent encore les douanes.

Washington craint un attentat à Mogadiscio (04.11.2017)


Mis à jour le 04/11/2017 à 20h35 | Publié le 04/11/2017 à 20h32

La mission américaine en Somalie a demandé samedi à tous ses membres non essentiels de quitter Mogadiscio immédiatement, à la suite d'une menace contre eux à l'aéroport de la la capitale somalienne. L'avertissement a été lancé quelques heures après l'annonce des premières frappes par drones américains contre le groupe État islamique (EI) en Somalie.

«En raison d'informations sur des menaces spécifiques à l'aéroport international de Mogadiscio, la mission des Etats-Unis en Somalie a demandé à tous ses employés américains non essentiels de quitter Mogadiscio jusqu'à nouvel ordre», selon un communiqué publié sur le site de la mission. La mission a répété que la situation en Somalie était «extrémement instable» et que le niveau de menace contre les Américains restait «critique».


Les Etats-Unis ont annoncé vendredi avoir mené deux frappes contre le groupe EI en Somalie, la première opération contre l'EI dans ce pays où agissent les islamistes somaliens shebab, affiliés à al-Qaïda. «En coordination avec le gouvernement fédéral de Somalie, les forces armées américaines ont mené deux frappes aériennes contre l'EI dans le nord-est de la Somalie, tuant plusieurs terroristes», selon le Pentagone.

Le Louvre Abu Dhabi, un musée de l'histoire de l'humanité (03.11.2017)

Par Béatrice de Rochebouët
Publié le 03/11/2017 à 15h00

EN IMAGES - À travers 600 oeuvres de l'Antiquité à aujourd'hui, le parcours en 12 étapes réparties dans les quatre ailes signées Jean Nouvel, ose les rapprochements en décloisonnant les mondes.

C'est une tout autre histoire que veut nous raconter le Louvre Abu Dhabi. Celle de l'humanité. Un ambitieux projet qui a obligé l'équipe scientifique dirigée par Jean-François Charnier (15 personnes dont 6 conservateurs français aidés de ceux des Émirats arabes unis) à décloisonner les civilisations et à les mettre en regard, pour faire s'interroger le spectateur. Il leur a fallu replonger dans leurs manuels d'histoire de l'art, d'Henri Focillon à Fernand Braudel, en passant par Marcel Mauss, pour élaborer ce programme complexe en transversalités, pour montrer les jeux d'influences ou de métissages entre les cultures. La démarche n'a jamais été proposée. Jusque-là, il fallait courir les musées pour tenter les rapprochements et établir des ponts entre les mondes. En cela, ce parcours chronologique - ou plus exactement ce dialogue partant de la préhistoire à nos jours et présentant des œuvres de toutes les cultures et les civilisations - est unique.

«C'est un récit inédit qui explore l'histoire de l'art sous une nouvelle perspective et permet au visiteur de retrouver sa propre identité en explorant les autres cultures»
Manuel Rabaté

On passe d'une section à l'autre à travers les 23 galeries réparties en quatre ailes, à parcourir pour découvrir 12 thèmes universels. Pour l'ouverture, le visiteur a sous les yeux 600 œuvres: 300 de la collection permanente et 300 autres prêtées par les institutions françaises. En 2014, Le Louvre Abu Dhabi avait dévoilé ses acquisitions, lors d'une exposition intitulée «Naissance d'un musée» dans l'enceinte du Louvre. Il s'est encore enrichi depuis l'achat de sa première œuvre en 2009: un Mondrian abstrait adjugé 21,5 millions d'euros par Christie's, lors de la vente de la collection Yves Saint Laurent & Pierre Bergé, au Grand Palais. Il y a une dimension pédagogique évidente dans ce musée d'un autre type conçu pour répondre aux attentes d'un monde globalisé. «C'est un récit inédit qui explore l'histoire de l'art sous une nouvelle perspective et permet au visiteur de retrouver sa propre identité en explorant les autres cultures», explique son directeur, Manuel Rabaté. Voici, en avant-première, la visite en douze haltes, correspondant aux douze thèmes du parcours.

Les premiers villages

Le parcours s'ouvre sur l'essor de la figure humaine à partir du néolithique. D'un côté, une idole de l'île de Chypre en terre cuite datée de l'âge du bronze ancien (2300-2000 av. J.-C.) qui, par son abondance de gravures, pose de nombreuses questions restées sans réponse. De l'autre, une statuette d'Asie centrale (fin du IIIe-début du IIe millénaire av. J.-C.), l'une des plus belles de la série appelée «Princesses de Bactriane», du complexe archéologique bactro-margien, défini également comme civilisation de l'Oxus. Parmi la quarantaine recensée, cette Bactriane allie chlorite verte pour le corps et la coiffe, calcite pour les chairs, dont seul le visage est conservé. Sa dimension exceptionnelle (25 cm) - la moyenne est de 8 à 14 cm - et sa qualité plastique en font un chef-d'œuvre du genre.

Les premiers grands pouvoirs

On pense par exemple à l'Égypte et ses pharaons qui gouvernent sur plus de 2000 km, le long de la vallée du Nil, les deux pays que sont la Haute et Basse-Égypte. Pour illustrer cette civilisation qui domine le monde antique pendant près de trois mille ans, voici l'ensemble funéraire de la princesse Henouttaouy, fille de pharaon (2e moitié du Xe siècle av. J.-C.-début de la XXIIe dynastie), témoignant de l'incroyable hégémonie de la civilisation égyptienne avant l'arrivée de la chrétienté.

Civilisations et empires

En dépit de la distance géographique, les statues allant de la Rome antique à l'Inde présentent des affinités stylistiques qui renvoient à la même source de l'art grec. Le lien est visible entre le plissé du vêtement du Bodhisattva debout en schiste (Pakistan actuel, région du Gandhara, II-IIIe siècle) et le modelé de la toge de l'orateur romain en marbre (Italie, fin du Ier siècle-première moitié du IIe siècle ap. J.-C.).

Religions universelles

Feuillet du Coran bleu. Afrique du Nord, vers 880-950. - Crédits photo : Louvre Abu Dhabi, Abu Dhabi

Parmi les œuvres exposées dans cette galerie dédiée à l'expansion des religions «universelles», ce remarquable feuillet du Coran bleu (Afrique du Nord, vers 880-950 ap. J.-C.) sera présenté en dialogue avec des textes sacrés des grandes religions du livre, ainsi que des enseignements asiatiques. Celui-ci est calligraphié sur les deux faces et présente quinze lignes d'inscription en caractères coufiques, dorée sur du vélin teint en bleu. Le format oblong, dit «à l'italienne», caractéristique des productions les plus anciennes notamment dans l'Occident musulman, s'adapte à ce style où la ligne de base s'étire de façon démesurée par rapport aux hampes hautes des lettres relativement compactes. Une pratique très en vogue entre le IXe et le Xe siècle.

Les routes asiatiques des échanges

Si le bouddhisme naît en Inde au Ve siècle av. J.-C., il faut attendre les premiers siècles, av. et ap. J.-C., pour rencontrer des vestiges majeurs. Trois grands foyers émergent: la plaine du Gange et l'Inde centrale, puis le Gandhara et le nord du plateau du Deccan. Suivant le trajet des routes de la soie, l'art pariétal bouddhique parvient jusqu'en Chine, en s'adaptant aux canons locaux. En marbre blanc, une tête de Bouddha de la Chine du Nord (du Henan au Shandong) a été créée lors d'une période de désunion de l'empire chinois. Après 316, des dynasties éphémères, largement métissées, dirigées par des souverains tibétains, turcs, mongols ou toungouses se succèdent: la dynastie des Wei du Nord (386-534 ap. J.-C.), qui promeut le bouddhisme en tant que religion officielle, puis la dynastie des Qi du Nord (550-577 ap. J.-C.) pendant laquelle aurait été fait ce Bouddha.

De la Méditerranée à l'atlantique. Cosmographie

Astrolabe de Muhammad ibn Ahmad ­al-Battuti, Afrique du Nord, 1726-1727. - Crédits photo : Louvre Abu Dhabi, Abu Dhabi

Le premier espace met en lumière le rôle majeur joué par le bassin méditerranéen dans la diffusion des œuvres, des techniques et des symboles entre l'Orient et l'Occident. Le second, celui de la Cosmographie, est dédié au thème de la découverte des océans et au changement de la perception du monde que cela implique. Inédit jusqu'ici, cet astrolabe, instrument de navigation, est l'un des 24 astrolabes et quadrants connus de Muhammad ibn Ahmad al-Battuti. Il est signé et daté 1726-1727. De dimensions importantes, l'instrument est complet et en excellent état.

Le monde en perspective

Provenant du département des peintures du Louvre, cet iconique Portrait de femme, dit La Belle Ferronnière de Léonard de Vinci, peint à Milan vers 1495-1499, est le point de départ d'une réflexion sur l'aube d'un monde nouveau dans les arts.

À la cour des Princes

Au 17e siècle, l'art est plus que jamais un outil au service du pouvoir. Les œuvres produites dans les grandes cours autour du globe illustrent les conventions communes de la représentation du prince. Les royaumes africains sont représentés dans cette galerie avec une tête en bronze de roi Oba du Bénin datant de la première moitié du XIXe.

Un nouvel art de vivre

C'est le peintre fondateur de la Royal Academy en 1768, Francis Cotes, qui donne le ton avec un double portrait du couple Welby en 1769, dans une veine rococo, présenté à l'exposition inaugurale de la Royal Academy. À l'opposé du globe, dans un monde au raffinement tout aussi extrême, Kitagawa Utamaro perçoit l'élégance d'une Jeune Mère jouant du shamisen(estampe vers 1798). L'artiste d'ukiyo-e le plus apprécié à Edo rencontre un succès énorme au XVIIIe siècle au Japon puis en Europe dès la fin du XIXe siècle.

Un monde moderne?

Les profondes transformations politiques, sociales et techniques du XIXe siècle européen façonnent un monde nouveau. Des sujets inédits bousculent le répertoire académique. Des toiles majeures comme Les Enfants luttant, peinte par Paul Gauguin en 1888 (achat en 2010, collection Josefowitz), ou La Partie de bésigue, par Gustave Caillebotte (acquisition dans la même collection un an plus tôt), permettent de saisir la naissance de la figure de l'artiste moderne, indépendant du monde officiel, et son corollaire de manifestes et de mouvements qui font l'histoire des avant-gardes.

La modernité en question

La Lectrice soumise, René Magritte, 1928. - Crédits photo : Louvre Abu Dhabi / Agence Photo F /ADAGP, Paris 2017

La grande visibilité acquise en Europe par les arts extra-occidentaux à partir du dernier tiers du XIXe siècle a aussi influencé la construction de la modernité en peinture. Au début du XXe siècle, Henri Matisse ou Paul Klee se sont inspirés de la dimension décorative qui les caractérise si fortement pour repenser la question de la représentation picturale. Acheté en 2009 sur le marché américain, cette huile, Douceur d'Orient, peinte en 1938, est une œuvre des dernières années de la carrière de Klee, emporté par la maladie en 1940. C'est une réminiscence de son séjour tunisien de 1914 où il eut une vraie révélation de la couleur et une synthèse de son apport esthétique au soir de sa vie. D'autres pépites à voir dans cette section: La Lectrice soumise de René Magritte de 1928 ou le Portrait d'une dame par Picasso de 1928, à la gouache et encre de chine sur papier.

Une scène globale

Les œuvres contemporaines de la dernière galerie, venues du monde entier, sont complétées par des œuvres de commande installées in situ, comme For the Louvre Abu Dhabi de l'Américaine Jenny Holzer, trois murs en pierre gravés de textes, ou Germination de l'Italien Giuseppe Penone, une installation dont l'élément central est un arbre en bronze qui interagit avec l'architecture à travers des miroirs dans les branches qui reflètent la pluie de lumière, symbole de vie partagé universellement par toutes les cultures.

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Le défi des patrons siciliens à la crise et à la Mafia (02.11.2017)


Mis à jour le 02/11/2017 à 17h22 | Publié le 02/11/2017 à 17h11

INFOGRAPHIE - L'élection de dimanche en Sicile sera un test pour les populistes. Sur l'île, si souvent associée à Cosa Nostra, des entrepreneurs relèvent la tête.

Envoyé spécial à Palerme

Depuis treize ans, Giuseppe Catanzaro bénéficie d'une protection policière permanente. C'est le prix, pour cet industriel spécialisé dans le traitement des déchets urbains, de son engagement contre le crime organisé. Ce patron décidé et pragmatique de 50 ans préside depuis mars la Sicindustria, association d'un millier d'entreprises employant 75.000 salariés. «L'État a su anéantir l'organisation militaire de Cosa Nostra (la mafia sicilienne), affirme-t-il. L'arrestation en 1993 du sanguinaire parrain Toto Riina et le démantèlement de sa structure criminelle ont été une nouvelle Libération pour la Sicile (après le débarquement allié en juillet 1943, NDLR)». Et d'assurer: «Qui veut investir et produire aujourd'hui en Sicile peut le faire sans subir le chantage du crime organisé.»

«Les industriels doivent comprendre qu'il n'est pas dans leur intérêt de céder à ceux qui troublent le marché»

Giuseppe Catanzaro, un ndustriel spécialisé dans le traitement des déchets urbains

La Sicile élit dimanche «il Governatore» - le président - de cette région autonome à statut spécial. Cette consultation cruciale constitue un test national à cinq mois des prochaines élections législatives de mars 2018. Le centre droit conduit par un ancien néofasciste et les populistes du «Mouvement cinq étoiles» (M5S) s'affrontent dans un duel serré. Principal thème de campagne: la simplification d'une administration envahissante.

Les industriels insulaires espèrent des changements. Pour sa part, Giuseppe Catanzaro applique à la lettre le code éthique édicté en 2002 par son prédécesseur à Sicindustria et devenu en 2007 la règle de comportement pour l'ensemble des membres de l'association: tout entrepreneur cédant aux pressions mafieuses en payant le «pizzo» (le nom de leur «impôt») est immédiatement radié de l'organisation patronale. Et celle-ci se porte partie civile chaque fois qu'un chef d'entreprise dénonce une extorsion. En dix ans, plusieurs centaines l'ont fait. «J'ai moi-même accompagné des industriels au tribunal dans plus de 60 procès pour leur témoigner notre solidarité, poursuit ce natif d'Agrigente, installé à Palerme. Les industriels doivent comprendre qu'il n'est pas dans leur intérêt de céder à ceux qui troublent le marché», martèle Giuseppe Catanzaro. Il s'agit pour lui d'une «véritable révolution culturelle qui transforme la Sicile».

Avec ses 17.000 fonctionnaires et 1.700 dirigeants, l'administration régionale est une hydre ingouvernable gangrenée par le parasitisme

Quatrième région la plus peuplée d'Italie avec cinq millions d'habitants, la Sicile a payé à la crise économique un prix plus lourd qu'ailleurs. Le PIB a reculé de 15 %. Le revenu annuel par habitant ne dépasse pas 17.000 euros (pour 26.500 euros en moyenne nationale). Cent mille emplois ont été sacrifiés. Le chômage touche 22 % des actifs et plus d'un jeune sur deux. Quelque 11.000 jeunes, dont une grande majorité de diplômés, ont émigré l'an dernier, à la recherche d'un emploi introuvable dans l'île.

Pour Saverio Continella, administrateur délégué du Credito Siciliano et dirigeant local de l'Association bancaire italienne (ABI), la banque sicilienne émerge de trois années de crise avec 9,5 milliards d'euros de créances douteuses, ces prêts susceptibles de ne plus être remboursés, soit 15 % du niveau national (65 milliards d'euros). «90 % des entreprises qui constituent notre clientèle sont des PME employant moins de dix salariés. Depuis 2016, nous avons suspendu le remboursement des traites pour 16.900 d'entre elles afin de les accompagner dans le redressement de leurs comptes».
Tous les industriels interrogés partagent la même conviction: «Le principal frein au développement vient de la région.» La Sicile, comme quatre autres régions d'Italie, est régie depuis 1946 par un «statut spécial» qui lui confère un large degré d'autonomie administrative et fiscale, ce que revendiquent la Vénétie et la Lombardie après leur référendum du 22 octobre dernier. Avec ses 17.000 fonctionnaires et 1.700 dirigeants, l'administration régionale est une hydre ingouvernable gangrenée par le parasitisme, le clientélisme et une inefficience qui permet à chaque autorité d'abuser de son pouvoir. «Obtenir une autorisation de compatibilité environnementale ou faire approuver un plan d'expansion économique peut prendre six ans», dénoncent plusieurs dirigeants.

Clientélisme

Quant aux quelque 15 milliards d'euros dont a bénéficié l'île pendant six ans, en provenance de fonds européens ou nationaux, ils ont été saupoudrés en une myriade de micro-projets distribués pour satisfaire les clientèles politiques, reproche un patron. Corollaire, aucun grand projet d'infrastructure n'a été mis en chantier depuis quinze ans. Un pont autoroutier entre Palerme et Agrigente s'est même effondré en décembre 2014, dix jours après son inauguration. Les contrôles de sécurité n'avaient pas été effectués. La carence des infrastructures est un frein notable. Le train reliant les deux premières villes de Sicile, Palerme et Catane, met trois heures pour parcourir 240 km. Il faut cinq heures en voiture pour traverser la Sicile de part en part. Et Rome est à onze heures en train direct depuis Palerme.

Ces contraintes de transport, Giuseppe Russello n'a pas à les subir. Cet industriel de 55 ans dirige une belle entreprise familiale fabriquant des intérieurs de wagons équipant les trains du monde entier, ceux des FS italiennes aux géants du secteur ferroviaire, Bombardier, Hitachi et autres. Sa société, Omer, fondée par son père en 1981, s'étend sur 11.000 m² le long de l'autoroute de l'aéroport de Palerme, à l'entrée de la localité de Carini rendue tragiquement célèbre par l'attentat du 22 mai 1992 dans lequel le juge anti-mafia Giovanni Falcone, son épouse et ses deux agents d'escorte ont été tués par la Mafia. L'usine spacieuse est un modèle de rationalisme industriel, avec une multitude de robots et plusieurs ateliers de recherche et développement. Elle emploie 200 salariés, dont une trentaine d'ingénieurs. Du port de Palerme tout proche, embarquent ses camions pour le continent et l'étranger. «Notre principal handicap, explique le patron, est l'absence de tissu productif autour de nous qui nous permettrait d'externaliser certaines de nos activités. La gestion publique des zones industrielles, désastreuse jusqu'à ce jour, ne facilite pas l'implantation d'activités performantes. Nous devons tout produire en interne.» Giuseppe Russello dit posséder «le pessimisme de la raison et l'optimisme du cœur».

«Empêcher les jeunes de partir»

Sergio Messina est du même avis. Spécialiste des matières plastiques, il a développé une entreprise familiale, Joeplast, fondée en 1979 par son père sur le pôle pétrochimique de Gela, dans le sud de l'île, en plein cœur d'un fief mafieux. Il emploie 82 salariés et réalise en Europe 54 % d'un chiffre d'affaires de 25 millions d'euros. Il a fortement investi en technologie (4 à 5 millions d'euros par an) pour intégrer sa production et se spécialiser dans l'emballage plastique biodégradable, «l'avenir», dit-il. «Venir à bout des obstacles mis par une bureaucratie qui complique tout nous impose d'inventer sans cesse des solutions, mais nous sommes bien entraînés.» Il estime qu'un «changement des mentalités a pris corps en Sicile: la Mafia est désormais davantage une nuisance d'image. Elle ne pose plus de problèmes aux entreprises qui ont une bonne visibilité.»

Toujours près de Gela, dans un secteur à grand développement industriel, Rosario Amarù (50 ans) a fait de la société familiale un leader italien de la mécanique de précision. Il emploie 200 salariés: «Vivre en Sicile, sur cette terre la plus belle du monde, est un combat de tous les jours. Réussir ici veut dire réussir n'importe où.» Sa société produit quelque 3.000 pompes et compresseurs par an et croît de 30 % malgré la crise économique. Parce qu'il veut «tout faire pour empêcher les jeunes de partir», il a mis gratuitement à leur disposition un immeuble en pleine zone industrielle pour permettre à de jeunes architectes, ingénieurs, informaticiens de développer des start-up.

«Il faudrait une croissance plus soutenue, autrement dit des investissements publics et privés plus importants, et une politique sociale qui fait toujours défaut» 

Antonio La Spina, professeur de sociologie politique

Après quatre ans de morosité, les exportations reprennent à un rythme soutenu. L'agroalimentaire et l'industrie qui en dépend constituent l'un des points forts. Au pied de l'Etna, Oranfresh, une entreprise de 50 salariés, s'est spécialisée dans la production de distributeurs de jus de fruits pressés instantanément. Son président, Salvatore Torrisi, parle d'un véritable engouement dans le monde entier pour ces appareils coûtant jusqu'à 10.000 euros l'un. Plus de 300 équipent des sites français (à la Défense notamment), 800 en Chine. Malgré ses 76 ans, il continue de parcourir le monde à la recherche de nouveaux contrats. «Nos brevets font toute la différence.»

Pour le professeur de sociologie politique Antonio La Spina, de l'université Luiss, «pour atténuer une pauvreté plus forte qu'ailleurs en Italie, il faudrait une croissance plus soutenue, autrement dit des investissements publics et privés plus importants, et une politique sociale qui fait toujours défaut». C'est tout l'enjeu de l'élection de ce dimanche dans l'île.

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Tunnel de Gaza : 12 morts dans le bombardement israélien (03.11.2017)

Mis à jour le 03/11/2017 à 17h22 | Publié le 03/11/2017 à 16h33

Dix combattants du Djihad islamique et deux du Hamas ont trouvé la mort dans l'explosion d'un ouvrage lundi, aux abords du kibboutz Kissoufim. Cette destruction marque un succès de taille pour l'armée israélienne.

Envoyé spécial à Gaza

Le Djihad islamique et le Hamas ont sérieusement revu à la hausse vendredi matin le bilan du bombardement mené lundi par l'armée israélienne contre un tunnel offensif aux abords du kibboutz Kissoufim, non loin de la bande de Gaza. Sept combattants palestiniens, qui sont apparemment morts asphyxiés alors qu'ils tentaient de secourir des camarades frappés sur le site de l'explosion, avaient jusqu'à présent été extraits de l'ouvrage. Le Djihad islamique, quatre jours après l'attaque, s'est résigné à annoncer la mort de cinq autres miliciens toujours coincés sous terre. Les autorités israéliennes refusent d'autoriser l'accès des secours au tronçon de tunnel situé sur leur territoire tant que le Hamas ne relâchera pas les dépouilles de deux soldats israéliens disparus durant l'été 2014.

La localisation et la destruction de l'ouvrage percé, plusieurs dizaines de mètres sous terre, depuis la localité de Khan Younès vers la frontière avec l'État hébreu, marque un succès de taille pour l'armée israélienne. Celle-ci investit d'importants moyens pour tenter de conjurer la menace que représentent les tunnels offensifs percés par les groupes armés palestiniens dans le but d'infiltrer des combattants en territoire ennemi. Les unités du génie ont commencé ces dernières semaines à bâtir une barrière souterraine le long de la frontière, mais les médias israéliens estiment que cette parade ne sera pas opérationnelle avant un an et demi. L'armée s'efforce, en attendant, de repérer les ouvrages dont la construction est la plus avancée.


Des secouristes asphyxiés

Malgré l'émotion soulevée dans la bande de Gaza par la mort de douze combattants (dix du Djihad islamique et deux du Hamas) lundi après-midi, les groupes armés palestiniens se sont jusqu'à présent abstenus de toute riposte. L'Égypte a apparemment exercé de lourdes pressions pour empêcher qu'une reprise des tirs de roquette vers Israël ne fasse dérailler le processus de réconciliation récemment engagé entre le Hamas, qui contrôle le territoire côtier, et le Fatah du président Mahmoud Abbas. «La résistance ne laissera pas l'ennemi sioniste changer les règles du jeu et se réserve le droit de répondre à cette agression au moment opportun», confiait mardi Khaled al-Batch, haut responsable du mouvement, tout en se refusant à évoquer une riposte immédiate.


Au cœur du cortège qui emmenait les corps de trois combattants asphyxiés dans le tunnel vers le cimetière de camp de réfugiés de Khan Younès, les nombreux sympathisants du Djihad islamique semblaient se diviser sur la meilleure façon de répondre au bombardement israélien. Certains, conscients que leur faction peut jouer les éléments perturbateurs mais n'est pas en position de dicter ses vues au puissant Hamas, appelaient au calme. «Cette lâche agression sioniste vise à l'évidence à faire capoter notre marche vers la réconciliation, mais nous n'avons pas l'intention de nous laisser faire», assurait Ahmed Zinada, un enseignant 25 ans. Ayman Khadesh, l'un de ses voisins, estimait au contraire que «le rôle de la résistance est de punir sans attendre cette agression caractérisée».

Alité au deuxième étage de l'hôpital al-Aqsa, à Deir el-Balah, l'un des miliciens du Djihad islamique blessé lors des opérations de secours peinait mardi à reprendre ses esprits. Son frère, un gaillard à l'œil ombrageux, montait la garde à l'entrée de sa chambre. «La plupart des victimes sont des secouristes qui ont été asphyxiés sans parvenir à atteindre le site des explosions», expliquait-il, jetant de temps à autre un regard anxieux au bout du couloir et vérifiant nerveusement la présence de son revolver à sa ceinture. Dix-huit secouristes au total ont été hospitalisés lundi après-midi pour des problèmes respiratoires. «Toutes les victimes présentent des marques d'une violente asphyxie», expose le docteur Nassim Hameida, chef des urgences, qui dit avoir transmis des échantillons au ministère de la Santé dans l'espoir de déterminer si celles-ci ont été provoquées par les fumées de l'explosion - ou par un gaz inconnu, comme le soupçonnent les hommes du Djihad islamique.

Refusant d'engager des tractations pour obtenir le droit d'accéder au site où plusieurs victimes demeurent enterrées, le Hamas et le Djihad islamique ont organisé jeudi un large rassemblement en hommage aux disparus dans la ville de Khan Younès. Si les dirigeants palestiniens semblaient dans l'immédiat opter pour la retenue, ils se réservent le droit de réclamer vengeance à tout moment. D'après les médias israéliens, l'armée considère pour sa part qu'il est encore trop tôt pour considérer que l'incident est terminé.

Des membres des forces de sécurité palestiniennes, fidèles au Hamas, rendent hommage aux combattants tués dans le tunnel de Gaza dans la ville de Khan Younès. - Crédits photo : IBRAHEEM ABU MUSTAFA/REUTERS

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Gaza veut croire à une relance de l'économie locale (02.11.2017)

Mis à jour le 02/11/2017 à 18h47 | Publié le 02/11/2017 à 18h37

REPORTAGE - L'accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas a permis de supprimer des taxes imposées par les islamistes palestiniens.

Envoyé spécial à Gaza

Younès Daoud, l'un des principaux importateurs de biens de consommation courante dans la bande de Gaza, a économisé 15.000 dollars durant la seule journée du 1er novembre. Pour la première fois depuis huit ans, le commerçant n'a pas eu à payer les taxes levées par le Hamas sur la totalité des marchandises importées d'Israël via le terminal frontalier de Kerem Shalom. Cet impôt, qui représentait jusqu'à 25 % du prix pour une voiture neuve et 17 % pour les denrées alimentaires, vient d'être supprimé dans le cadre de l'accord de réconciliation conclu entre le mouvement islamiste et le Fatah du président Mahmoud Abbas.

L'effet conjugué du blocus israélien, du boycott imposé au Hamas par une large partie de la communauté internationale et de la succession des confrontations militaires a fait fuir les investisseurs

La reprise de contrôle par l'Autorité palestinienne (AP), mardi, des trois points de passage reliant l'enclave à l'Égypte et Israël, constitue le premier acte tangible de ce processus. «J'avais gelé toutes mes commandes depuis près d'une semaine afin de tirer le bénéfice maximum de ce changement de régime», sourit Younès Daoud à l'entrée de son vaste entrepôt.

Les commerçants de Gaza, bien qu'exténués par dix ans de blocus israélo-égyptien et échaudés par plusieurs tentatives de réconciliation restées sans lendemain, affichaient mardi un espoir prudent. La fin de la contribution exigée par le Hamas, en complément des taxes dues à Israël et à l'AP, n'est à leurs yeux qu'un premier pas. Ils espèrent que le gouvernement de Ramallah reviendra très vite sur l'amputation substantielle, décidée au printemps, des salaires versés aux fonctionnaires de Gaza.

Cette mesure, adoptée pour faire pression sur le Hamas, a entraîné une baisse de la consommation. «J'ai constaté une réduction immédiate de mon chiffre d'affaires», assure Rami Abou Jamous, qui venait d'ouvrir son magasin de cosmétique mais n'a pas perdu espoir pour autant. «Si la fin de l'emprise du Hamas se confirme, dit-il, je prévois d'augmenter sensiblement le volume de mes commandes. Après ces années de marasme, Gaza pourrait connaître enfin une ère de prospérité.»

40 % des habitants de Gaza sont au chômage

La situation économique, prometteuse à l'époque où Yasser Arafat s'efforçait d'implanter son proto-État dans la bande de Gaza, n'a cessé de se dégrader lors de la seconde intifada et depuis la prise de pouvoir du Hamas. L'effet conjugué du blocus israélien, du boycott imposé au Hamas par une large partie de la communauté internationale et de la succession des confrontations militaires a fait fuir les investisseurs. Selon la Banque mondiale, 40 % des habitants de Gaza sont au chômage (60 % chez les 18-25 ans) et 80 % bénéficient de l'aide humanitaire.

«Pour la première fois depuis dix ans, je me remets à respirer», sourit toutefois Walid Namr Bassal, qui était à la fin des années 1990 l'un des chausseurs les plus réputés de Gaza. Comme de nombreux commerçants, il a profité mardi du retrait du Hamas pour renouveler son stock et espère relancer son affaire moribonde. «Nous prions pour que les hauts fonctionnaires de l'Autorité palestinienne se réinstallent vite parmi nous, car eux ont les moyens de s'acheter d'élégantes chaussures en cuir, dit-il. Pas comme les gens du Hamas, qui portent des sandales pour montrer à tout le monde qu'ils vivent modestement…»

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Syrie : Damas reprend à Daech la ville de Deir ez-Zor (03.11.2017)

Mis à jour le 03/11/2017 à 19h21 | Publié le 03/11/2017 à 17h45

VIDÉO - Les djihadistes ne contrôlent plus qu'al-Boukamal, à la frontière avec l'Irak, où se jouera l'ultime bataille contre ce qui reste de l'État islamique.

En deux mois, l'armée syrienne, appuyée par l'aviation russe et ses alliés iraniens et du Hezbollah libanais, a repris Deir ez-Zor, la dernière grande ville contrôlée par Daech en Syrie. Vendredi matin, les démineurs cherchaient à neutraliser les nombreux engins explosifs que les djihadistes ont laissés derrière eux.

Pour Damas, comme pour Daech, Deir ez-Zor revêtait une importance capitale. C'est la porte de l'Irak, et la province éponyme abrite les principaux puits de pétrole de Syrie

Ces derniers jours, les combats se déroulaient dans plusieurs quartiers de l'est de la ville, où, jusqu'à la fin, le dernier carré de combattants de Daech a utilisé des tireurs d'élite et envoyé des femmes kamikazes contre les positions loyalistes. Les rares journalistes présents sur place ont relevé de nombreux dégâts dans ces quartiers, avec des immeubles effondrés et des façades entièrement détruits.

«Sept cents civils ont fui les forces d'Assad pour rejoindre Hwejet Gate, mais les forces kurdes (présentes non loin de Deir ez-Zor, NDLR) ne leur ont pas permis de passer», s'alarmait, de son côté, sur son compte Twitter, Omar Abou Leyla, un porte-parole des rebelles modérés dans la région.

Pendant trois ans, les troupes de Damas ont été assiégées dans un réduit de Deir ez-Zor qu'elles tenaient absolument à préserver et dans lequel vivaient encore 90.000 personnes, selon l'ONU. «Chaque mois, nous héliportions les salaires des fonctionnaires de Deir es-Zor», confiait la semaine dernière à Damas le gouverneur de la banque centrale, Duraid Durgham. «Le maintien de Deir ez-Zor dans l'orbite de Damas relève du miracle», reconnaît sur Twitter Hassan Hassan, spécialiste de la Syrie aux États-Unis. Pour Damas, comme pour Daech, Deir ez-Zor revêtait une importance capitale. C'est la porte de l'Irak, et la province éponyme abrite les principaux puits de pétrole de Syrie.

«Bataille sandwich»

Appuyées par les États-Unis, les forces arabo-kurdes ont tenté, elles aussi, depuis leur fief plus au nord, de s'approcher de Deir ez-Zor. «Les Kurdes ne pouvaient pas contrôler une ville arabe», insiste Nawaf Bashir, un responsable tribal, joint à Damas. Ont-ils pour autant renoncé à avancer jusqu'à al-Boukamal, dernière ville tenue par Daech en Syrie à la frontière avec l'Irak? Les prochaines semaines le diront. Ces derniers jours, les forces syriennes et leurs alliés se sont approchés d'al-Boukamal. Elles ne seraient plus qu'à 40 km. «On va lancer une bataille sandwich pour reprendre al-Boukamal», affirme un proche de Bachar el-Assad. Les troupes irakiennes progressent actuellement vers le poste frontière à partir d'al-Qaïm, ville proche d'al-Boukamal, que Bagdad encercle actuellement. Dans ces confins désertiques entre l'Irak et la Syrie se jouera l'ultime bataille pour mettre un terme au contrôle territorial exercé par l'EI sur ces pays.

Damas a-t-il capturé des djihadistes étrangers à Deir ez-Zor, où pendant longtemps des Français avaient trouvé refuge ?

Ces dernières années, Daech faisait transiter par al-Boukamal ses combattants. C'est là que de nombreux djihadistes, notamment étrangers, ont trouvé refuge, profitant d'un accord conclu entre les forces kurdes et des tribus proches des djihadistes pour quitter Raqqa, il y a trois semaines.

À Deir ez-Zor, trois ans de siège imposés par Daech avaient provoqué d'importantes pénuries alimentaires. Beaucoup d'habitants saluent le retour de l'État. Mais beaucoup d'autres ont peur de revoir les loyalistes. L'armée syrienne dit avoir confisqué de grandes quantités d'armes à Daech. Y a-t-il, parmi celles-ci, des pièces occidentales que les djihadistes ont réussi à confisquer aux rebelles modérés qui en avaient reçu de leurs alliés européens ou du Golfe? La semaine dernière, le ministère de l'Information à Damas montrait des grenades de fabrication française reprises à Daech lors de la récente bataille d'al-Mayadin, à 50 km à l'est de Deir ez-Zor. Autre question: Damas a-t-il capturé des djihadistes étrangers à Deir ez-Zor, où pendant longtemps des Français avaient trouvé refuge?

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Proxima b, l'exoplanète la plus proche de nous, n'est probablement pas seule (03.11.2017)

Par Tristan Vey
Publié le 03/11/2017 à 17h07

La découverte d'un ou deux anneaux de poussières autour de l'étoile Proxima du Centaure trahirait la présence d'autres planètes, cachées.

Combien de planètes orbitent autour de Proxima du Centaure, l'étoile la plus proche de notre Soleil? Au moins une, voilà qui est sûr. Détectée en 2016, Proxima b est une petite planète rocheuse orbitant très près de son étoile (elle est 20 fois plus près de la naine rouge que la Terre du Soleil ; elle en fait le tour en 11 jours seulement). De nouvelles observations réalisées à l'aide du plus grand réseau de radiotélescopes au monde, Alma, laissent néanmoins penser qu'elle ne serait pas seule...


Les astronomes n'ont pas (encore) détecté de nouvelle exoplanète, mais un anneau de poussières froides situé des centaines de fois plus loin. «C'est un indice très fort de la présence d'autres planètes», assure Julien Morin, astronome au laboratoire Univers et Particules de l'université de Montpellier.

Nous retrouvons en effet dans le Système solaire une couronne de débris similaire entre les orbites de Mars et Jupiter. Ce serait l'influence gravitationnelle des planètes géantes, Jupiteren particulier, qui empêcherait ces poussières de s'accréter pour former un corps unique. Un scénario similaire, qui reste à établir, pourrait expliquer la présence de cet anneau autour de Proxima du Centaure. De futures modélisations pourraient permettre de prédire quel type de système planétaire pourrait produire une telle structure.

Un système solaire en miniature?

Les astronomes estiment que la masse de cet anneau est de l'ordre du centième de celle de la Terre. Il serait composé de morceaux de roches et de glace dont la taille pourrait varier entre quelques millimètres et quelques dizaines de kilomètres. La température de ces objets dépasserait difficilement les -230°C, des températures comparables à celles que l'on retrouve dans le Système solaire dans la ceinture de Kuiper, un nuage d'objets glacés dont les orbites se situent au-delà de Neptune, la planète la plus éloignée du Soleil.

Un deuxième anneau, plus ténu encore, pourrait encercler Proxima du Centaure. Il serait dix fois plus loin. Le signal est encore trop faible pour que les astronomes puissent conclure définitivement quant à l'existence de ce 2e anneau. Son existence ne ferait que renforcer la ressemblance de ce système planétaire voisin avec le nôtre. «Ce serait en quelque sorte un modèle réduit de notre Système solaire», s'amuse Julien Morin. Et son exploration ne fait que commencer.

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Guillaume Lebeau, le témoignage saisissant d'un flic en colère (02.11.2017)


Mis à jour le 03/11/2017 à 16h52 | Publié le 02/11/2017 à 12h01

EXCLUSIF - À visage découvert, un policier de la BAC de Gennevilliers, en banlieue parisienne, exprime dans un livre, au nom de ses collègues, la lassitude d'une profession sous le feu permanent des projecteurs. Extraits.

Il y a un an, à Viry-Châtillon, quatre policiers étaient pris à partie par une quinzaine d'individus à coups de pierre et de cocktails Molotov. Ils manquèrent de mourir brûlés vifs. Face à la mollesse de la réaction des autorités politiques (Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, parla de «sauvageons» pour qualifier les criminels), un mouvement de révolte se développa au sein de la police pour réclamer plus de considération, plus de respect et plus de moyens pour se défendre. Parmi les leaders de ces «flics de base» regroupés dans une structure baptisée MPC (Mobilisation des policiers en colère), Guillaume Lebeau, 31 ans, membre de la BAC de Gennevilliers. Malgré les pressions, les menaces et les convocations de sa hiérarchie et de l'IGPN, ce «lanceur d'alerte» d'un nouveau genre a tenu à bout de bras pendant plusieurs semaines ce mouvement inédit qui bénéficia d'un incroyable soutien de l'opinion publique.

«Colère de flic», de Guillaume Lebeau avec la collaboration de David Ponchelet, Flammarion, 288 p., 19,90 €. - Crédits photo : Service Presse

Un an après, constate-t-il pourtant, rien n'a changé ou presque. Les commissariats n'ont jamais été aussi vétustes, les moyens techniques et administratifs de poursuivre les délinquants aussi chiches, la réputation des policiers aussi souvent traînée injustement dans la boue. Il a donc décidé de parler à nouveau. Dans un livre. «Colère de flic», dont nous publions des extraits exclusifs, est un témoignage édifiant sur les conditions de travail de ceux qui sont chargés de notre protection et de notre sécurité. Un brûlot acide mais non amer, qui n'a d'autre objet que d'éclairer et de réveiller les consciences. À commencer par celles de nos gouvernants.

Le fléau des mineurs délinquants

L'incendie du bus 235les émeutes urbaines, les incivilités du quotidien: ce sont très souvent des mineurs qui sont les auteurs de ces faits. C'est mon constat de flic de terrain, même s'il n'est pas politiquement correct. Le vrai problème dans les cités, dans celle du Luth comme dans les autres, ce sont les mineurs. À Gennevilliers, 70 % de la population délinquante, mon lot quotidien, est constituée de jeunes de moins de 18 ans. Ils occasionnent des tapages, font du motocross dans la cité, volent des scooters, ou incendient des voitures. Un 14 juillet, une école est même partie en fumée, étrange manière de célébrer la fête nationale. Ce sont des actes gratuits. Ils veulent simplement dégrader, casser, «faire chier», pour dire les choses sans fard. Lorsqu'on parvient à les interpeller, ils ne reconnaissent pas les faits. Ils veulent montrer que leur cité est plus dangereuse que les autres.

En février 2017, 2000 personnes, principalement des jeunes des cités, s'étaient rassemblées à Bobigny pour soutenir le jeune Théo, victime de la police lors d'un contrôle d'identité. L'occasion aussi de s'en prendre, une fois de plus, aux forces de l'ordre. - Crédits photo : © Jérémie JUNG / SIGNATURES

Dans le secteur de Gennevilliers, S. et D. sont deux jeunes aux parcours symptomatiques. La première fois que j'interpelle S., il a 12 ans. Il conduit un scooter sans casque. En nous voyant, il tente de prendre la fuite en courant. Nous le rattrapons et le conduisons au poste. Il est relâché le soir même. Quelques jours plus tard, un autre membre de sa bande, D., 12 ans également, jette sous nos yeux une canette de soda par terre. On lui explique que ce n'est pas propre, en lui demandant de la mettre dans une poubelle. Du haut de ses 12 ans, D. refuse, s'énerve et nous insulte copieusement. Il n'a pas ses papiers d'identité sur lui. Direction le commissariat, où son père vient finalement le chercher. Une semaine plus tard, nous sommes avertis qu'un groupe de jeunes brise des vitres de voitures pour voler tout ce qui se trouve à l'intérieur. Arrivés sur les lieux, nous appréhendons quatre mineurs, dont S. et D. Ainsi, très régulièrement, et même plusieurs fois par semaine, ces deux-là et leurs acolytes pratiquent ce qu'on appelle des vols à la roulotte dans le quartier. Interpellés, ils sont toujours relâchés rapidement. Tous les deux ont des parents qui vivent des minima sociaux (je ne les blâme pas, lorsque j'étais enfant, ma mère les percevait aussi, j'ai grandi comme cela, la plupart de mes amis d'enfance également). S. vit avec sa mère. Lorsque nous l'appelons, lors des premières interpellations, la mère de S. nous insulte presque, persuadée que son fils n'a rien fait. Les petits frères suivent le même chemin.

«Les jeunes délinquants des cités détruisent le tissu économique des quartiers, en rendant en particulier la vie des commerçants impossible»

Au fil des ans, S. et D. sont devenus des petits caïds du quartier. Si un vol se produit, nous pensons immédiatement à eux. Et nous nous trompons rarement: dans leurs «caches», nous retrouvons souvent le matériel volé, des téléphones, des GPS, etc. Nous les avons appréhendés au minimum pour une vingtaine de vols. Ils n'ont jamais été réellement condamnés pour ces faits. Tout juste ont-ils eu droit à quelques rappels à la loi. Ils se sont enfoncés peu à peu dans la délinquance et sont désormais passés à la vitesse supérieure: le trafic de stupéfiants. Non sans mal, ils ont récupéré un «terrain de vente» de drogue. Cagoulés et armés, ils ont mené plusieurs expéditions punitives pour déloger les plus grands. À l'approche de la majorité, ils ont fini par faire quelques courtes peines de prison, mais dérisoires au regard de leurs méfaits.

À l'image de S. et D., ce sont bien les mineurs qui pourrissent la vie de toute la cité, mais ce sont aussi ceux contre lesquels nous avons le moins de pouvoir. L'ordonnance du 2 février 1945 part du principe que les mineurs sont innocents, qu'il faut faire de la prévention et non de la répression. Nous, policiers de terrain, sommes obligés de constater que des milliers «d'innocents» agressent les gens au quotidien et malgré tout se baladent dans la nature. Nous les arrêtons le matin, ils ressortent le soir. Souvent pour mieux recommencer le lendemain. Ils ont un sentiment d'impunité, car ils savent pertinemment qu'ils ne risquent rien ou pas grand-chose. Pour eux, c'est presque un jeu.

Les jeunes délinquants des cités détruisent également le tissu économique des quartiers, en rendant en particulier la vie des commerçants impossible. Il y a deux ans, un boulanger du Luth a été menacé. Les jeunes l'obligeaient à stocker leur shit dans sa boutique. Le boulanger a refusé, alerté la police et même déposé plainte contre les jeunes dealers qui voulaient l'obliger à devenir complice de leur trafic. Nous avons fait notre boulot: nous les avons interpellés. Mais dans la mesure où ils avaient moins de 18 ans, ils étaient protégés par l'ordonnance de 1945. Il a donc fallu les remettre en liberté le soir même. Dans les jours qui ont suivi, ils ont organisé une expédition punitive contre le boulanger indocile: la boulangerie a été saccagée, la vitrine cassée et le boulanger aspergé de gaz lacrymogène. Le commerçant nous a bien sûr rappelés pour nous reprocher de ne rien avoir fait pour le protéger. Nous n'avons pu que lui répondre que nous avions fait notre travail, en mettant les suspects à disposition de la justice, et que nous ne pouvions rien faire d'autre. Si cela se reproduisait, nous procéderions exactement de la même manière. Les commerçants dans son cas n'ont, en réalité, que deux solutions: se soumettre au trafic ou déménager. L'épicerie-boulangerie de la cité change souvent de propriétaire…

[…] Nous sommes nombreux dans la police à souhaiter que l'ordonnance de 1945 soit réétudiée afin que les mineurs puissent être jugés comme des majeurs. Née d'une intention louable, elle a aujourd'hui des effets pervers qui méritent une profonde réforme. Plus d'un demi-siècle plus tard, le contexte n'est pas le même. Les mineurs de 2017 ne sont pas ceux de 1945. Comment permettre à nos concitoyens de se sentir en sécurité dans ces conditions?

«À Gennevilliers, certains bars sont uniquement fréquentés par des hommes. Si une femme entrait, elle serait vite cataloguée et essuierait des critiques acerbes»

Le poids de l'islam

Lorsque j'ai découvert Gennevilliers en 2005, l'omniprésence de la religion musulmane m'a frappé. Cela peut engendrer des difficultés. Certains hommes refusent par exemple d'être contrôlés par une femme policière. Il arrive qu'ils tentent d'interdire aux collègues féminines de parler ou refusent de leur dire un simple bonjour. Nous leur demandons systématiquement pourquoi. Ils rétorquent que leur religion le leur interdit. Schéma inverse à l'accueil du commissariat: lorsqu'une femme musulmane se présente, par exemple pour déclarer la perte de son permis de conduire, elle peut refuser de parler au policier qui est de permanence, exigeant d'avoir affaire à une femme.

Gennevilliers ne constitue pas une exception. Les affaires de ce genre sont de plus en plus fréquentes. À Caen, en mai 2017, une policière a été blessée lors d'une intervention. Les forces de l'ordre avaient été appelées après une série de rixes. Un homme de 35 ans a tenté de prendre la fuite, les collègues l'ont poursuivi. L'homme s'est alors retourné, a détaché la ceinture de son pantalon et a frappé la policière, la blessant à l'avant-bras. Amené au commissariat, il a expliqué qu'il n'avait pas supporté d'être contrôlé par une femme en période de ramadan, période pendant laquelle hommes et femmes doivent s'abstenir de relations du lever au coucher du soleil.

Dans certains quartiers, en France, en 2017, les femmes vivent un quotidien difficile. Ce n'est pas une fake news. Dans le quartier Chapelle-Pajol, entre les Xe et XVIIIe arrondissements, les femmes ne peuvent plus se déplacer seules sans essuyer insultes et remarques de la part des hommes. Depuis 2016, les habitants ont constaté l'arrivée de groupes de dizaines d'hommes seuls, vendeurs à la sauvette, dealers, migrants et passeurs. Ils occupent les rues, harcelant les femmes. Porter une jupe est devenu périlleux. Passer devant un café «réservé aux hommes» l'est également.

Ces difficultés, dont les médias se font de plus en plus l'écho, levant ainsi le tabou et ouvrant le débat, ne sont en réalité pas nouvelles: elles existent à Gennevilliers depuis que j'y travaille, dans une moindre mesure cependant. À Gennevilliers, de fait, certains bars sont uniquement fréquentés par des hommes. Les femmes n'osent pas s'y aventurer. L'ambiance y est très particulière. Si une femme entrait, elle serait vite cataloguée et essuierait des critiques acerbes.

«Si la police en avait les moyens, et surtout si le pouvoir politique en avait le courage, il faudrait renverser la donne et harceler les harceleurs»

À mon sens, c'est une grave erreur de laisser dériver ainsi certaines zones du territoire. L'unique réponse face à ces comportements devrait être la tolérance zéro. Si la police en avait les moyens, et surtout si le pouvoir politique en avait le courage, il faudrait renverser la donne et harceler les harceleurs: mener des contrôles d'identité en permanence, ne laisser passer aucune infraction, de la contravention au délit: du simple jet de détritus au tapage, en passant par les faux documents administratifs ou les petits trafics et la vente à la sauvette. Chaque infraction devrait être verbalisée et faire l'objet d'une poursuite systématique devant les tribunaux compétents. Pour ce genre d'action, il faut non seulement plus de policiers sur le terrain, mais aussi un renforcement des systèmes de vidéosurveillance. Ces dernières années, Gennevilliers s'est dotée de nombreuses caméras. Pour nous, policiers, il s'agit d'un outil extrêmement utile et efficace. La vidéo permet de repérer et de traiter plus efficacement la grande mais surtout la petite délinquance, la plus difficile à vivre au quotidien pour les habitants. Enfin, il est indispensable que les peines prononcées soient exécutées. […]

L'interdiction du voile, c'est la parfaite illustration d'un double discours. Officiellement, le voile est donc proscrit, mais dans les faits qui applique vraiment cette loi? À chaque fois que j'ai été témoin de tentatives pour l'appliquer, cela s'est mal terminé. Contrôler une femme voilée génère automatiquement des tensions. Généralement, face à l'attroupement que cela provoque, les collègues doivent abréger le contrôle. Récemment une note administrative a été diffusée, nous enjoignant de réduire les contrôles, notamment aux abords des mosquées. La note exige du «discernement dans l'application de la loi». Jusqu'où doit aller ce «discernement»? Devons-nous purement et simplement fermer les yeux?

Le faux procès du contrôle au faciès

L'image du policier raciste est tenace, notamment en raison des accusations de contrôle au faciès. Disons les choses simplement: à Gennevilliers, statistiquement parlant, il y a une forte population étrangère. Alors nécessairement, nous sommes amenés à contrôler proportionnellement davantage d'étrangers. Mais on ne «s'amuse» pas à contrôler un individu en raison de la couleur de sa peau. Ce n'est pas une infraction.

À une époque, je travaillais dans une brigade qui s'occupait entre autres des interpellations d'étrangers en situation irrégulière. C'est une évidence: pour effectuer ces interpellations, nous ne contrôlons pas prioritairement les personnes ayant l'apparence d'un Européen de l'espace Schengen. Lorsque nous opérions à la gare de Gennevilliers, nous tentions quand même d'assurer une sorte d'équilibre pour ne pas donner l'impression que seuls les non-Européens étaient ciblés et que nous faisions effectivement du contrôle au faciès. Alors nous contrôlions aussi les Européens de passage, en sachant pertinemment qu'il y avait peu de chances que nous trouvions des sans-papiers parmi eux.

Les policiers travaillent aujourd'hui dans des conditions déplorables comme le montre les clichés (ci-dessus et ci-dessous) rassemblés par l'Union des policiers nationaux indépendants (UPNI). - Crédits photo : UPNI

Un matériel défaillant

- Crédits photo : upni

Si l'on croit l'adage selon lequel un bon ouvrier doit avoir de bons outils, nous sommes de bien piètres policiers. Nos outils de travail sont en mauvais état, technologiquement dépassés et bien souvent tellement usagés qu'ils ne servent à rien. C'est le cas de nos casques: les visières en Plexiglas sont tellement rayées qu'on ne voit plus au travers. Comme pour le reste du matériel, il faut des mois pour en obtenir des neufs. Alors on bricole, on se débrouille… Les délinquants doivent bien rigoler quand ils se rendent compte que notre «bélier» qui sert à enfoncer les portes est en réalité un poteau de stationnement sur lequel nous avons dû, nous-mêmes, souder des poignées de fortune. Mais le système D ne marche pas toujours: on ne peut quand même pas fabriquer des voitures à pédales! Or nos véhicules de service, des Renault Kangoo ou Peugeot Expert, sont loin de correspondre à nos besoins. Ces voitures sont totalement inadaptées aux missions des policiers. Pire, à l'heure d'internet et de la communication instantanée, nous disposons d'un système radio qui n'a pas changé en… vingt-trois ans! Détail amusant, il s'appelle Acropol. Un nom qui évoque à lui seul l'Antiquité…

Le rôle trouble des syndicats

Au départ, c'est un ancien collègue de Gennevilliers, avec qui j'ai eu l'occasion de travailler à plusieurs reprises, qui m'a donné envie de prendre une part active dans le syndicalisme. Il était délégué chez nous, motivé (oui, il y en a!), passait régulièrement à Gennevilliers alors qu'il n'y était plus officiellement affecté et tentait vraiment d'aider les collègues. Il m'a demandé si cela m'intéresserait de devenir délégué local. J'ai accepté la mission. Comme je ne suis pas de nature à faire les choses à moitié, j'ai fait remonter tous les soucis que nous rencontrions: du jour «enfant malade» refusé sans motif, aux problèmes d'effectifs ou de matériel, en passant par les dossiers disciplinaires… Malheureusement, je n'ai que trop rarement vu des retombées positives de mon action. En parallèle, j'ai constaté que de jeunes délégués syndicaux bénéficiaient de passe-droit: renforts saisonniers, mutations facilitées, prise de grade sans avoir l'ancienneté requise…

Mon sentiment personnel est que les syndicalistes détachés à plein-temps sont déconnectés du terrain. À force de côtoyer les hautes sphères, ils font trop de compromis, offrent trop de contreparties en échange de la résolution de cas individuels qui n'ont rien à voir avec l'intérêt général des policiers.

Les syndicats ont pourtant un poids considérable dans les différentes instances. On peut même parler de cogestion avec l'administration, avec tous les effets pervers que cela peut entraîner. Se considérant comme des partenaires privilégiés de l'administration, les syndicats «épargnent» à la hiérarchie les réelles difficultés que rencontrent les hommes de terrain. En octobre 2016, j'étais convoqué chez le préfet à la suite du mouvement de grogne des policiers. Ni le préfet ni le directeur de la police n'étaient au courant des problèmes que nous rencontrions pourtant depuis belle lurette. Nous avions cependant largement fait remonter ces difficultés aux syndicats. Exemple concret: pour les dossiers de mutation, nous n'avons plus accès aux classements à l'issue des décisions, alors que c'était le cas auparavant.

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Saint-Martin : les profs déserteurs sanctionnés ? (03.11.2017)

Par Paul de Coustin et Angélique NégroniMis à jour le 03/11/2017 à 19h40 | Publié le 03/11/2017 à 19h21

La ministre des Outre-mer Annick Girardin s'est dite « choquée » par les enseignants qui n'ont pas regagné l'île après Irma.

«La vie a repris» à Saint-Martin, a affirmé vendredi la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, deux mois après le passage dévastateur de l'ouragan Irma. Un des signes du retour à la normale est la réouverture «totale et complète», lundi 6 novembre, des 21 établissements scolaires que compte la partie française de l'île, selon l'académie de Guadeloupe, dont dépendent les écoles de Saint-Martin. Alors que l'ensemble des élèves pourront retrouver le chemin des salles de classe, la ministre a vivement critiqué les enseignants qui, en raison de la catastrophe, ont quitté l'île franco-néerlandaise. «J'ai constaté (…), en les croisant et en échangeant avec eux, des enseignants quittant l'île. C'est quelque chose qui m'a beaucoup choquée», a-t-elle dit sur RTL, réagissant à un chiffre estimant que 140 professeurs sur 800 étaient partis. «J'estimais qu'à partir du moment où on avait protégé sa famille (…) les enseignants, après quelques jours ou quelques semaines de sas, devaient être présents, puisqu'ils sont payés, sur Saint-Martin!» a-t-elle ajouté. Pour l'ancienne ministre de la Fonction publique, «il y avait un devoir d'être présent». «C'est de l'abandon de poste», a-t-elle complété.

Des sanctions

Selon Annick Girardin, l'État pourrait prendre des sanctions à l'encontre de ces enseignants. «Je ne suis pas la seule à l'imaginer. Nous verrons. (…) Je ne suis pas ministre de l'Éducation nationale, mais je plaiderai pour», s'est avancée la ministre des Outre-mer.

Parmi les 127 absents, 62 ont quitté l'île mais se sont manifestés, sans donner de date de retour

Selon l'académie de Guadeloupe, les chiffres soumis à l'approbation de la ministre ne sont pas exacts. Sur les 755 professeurs «recensés comme étant opérationnels», 628 enseignants ont déjà repris ou vont reprendre leur activité ce lundi. Parmi les 127 absents, 62 ont quitté l'île mais se sont manifestés, sans donner de date de retour: 37 sont en Guadeloupe, 2 en Martinique et 23 en métropole. L'académie compte également 52 enseignants actuellement en arrêt maladie. Il reste donc 13 enseignants dont on est aujourd'hui sans nouvelles et qui continuent à être payés sans être en poste. «Leur cas sera réglé au cas par cas selon les procédures existantes», explique-t-on prudemment au ministère de l'Éducation nationale.

Au total, 85 % des postes sont pourvus, l'académie espérant atteindre les 90 % lundi, un taux «suffisant, car 20 % des élèves sont partis pour être scolarisés en métropole». Pour assurer le maximum de cours, un système de rotation a été mis en place pour plusieurs mois dans certaines écoles, avec des cours le matin pour certains élèves, l'après-midi pour d'autres.

Après le passage de l'ouragan, de nombreux enseignants ont perdu leurs logements. L'académie de Guadeloupe a mis en place, du 27 septembre au 4 octobre dernier, un «dispositif d'aide au retour des personnels de l'Éducation nationale» pour ceux qui ont préféré quitter l'île. 300.000 euros d'aides ont été alloués à ce plan. Pour reloger les enseignants sans domicile, le parc immobilier saisonnier a été mobilisé. Annick Girardin est attendue ce lundi à Saint-Martin, pour une visite officielle en compagnie du premier ministre, Édouard Philippe, et du ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer.

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Olivier Rey : «La qualité d'une civilisation ne se mesure pas, elle s'apprécie» (03.11.2017)

Par Vincent Tremolet de Villers
Mis à jour le 03/11/2017 à 19h01 | Publié le 03/11/2017 à 09h00

Pangloss règne en maître, et les livres montrant à grand renfort de courbes et de tableaux que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles se succèdent en librairie. Olivier Rey n'est pas convaincu par ces batteries statistiques. Il considère que les nombres ne pourront jamais nous éclairer complètement sur une époque.

Un certain nombre d'ouvrages (Sapiens, de Yuval Noah Harari, La Part d'ange en nous, de Steven Pinker, Non, ce n'était pas mieux avant, de Johann Norberg) établissent, par la statistique, le progrès de la prospérité et le recul de la violence. Ces chiffres peuvent-ils témoigner d'une amélioration de nos sociétés?

Quand le monde s'est fait nombre, d'Olivier Rey, Stock, 328 p., 19,50 €. - Crédits photo : ,

De tels chiffres ont une vertu: ils nous rappellent les maux très réels qui grevaient le passé, ils nous invitent à ne pas négliger les bienfaits de la modernité. Cependant, la publicité dont bénéficient les ouvrages que vous citez tient au fait qu'ils sont d'abord des outils de propagande, destinés à rassurer des populations que l'évolution de la situation rend de plus en plus inquiètes. Il s'agit, à grand renfort de courbes et de tableaux, de faire douter les gens de ce qu'ils voient, de ce qu'ils entendent et de ce qu'ils ressentent. Il y aurait, d'un côté, les faits attestés, selon lesquels le monde va de mieux en mieux ; et de l'autre, des angoisses infondées, engendrées par des prophètes de malheur. Remarquons quand même que ce sont des études scientifiques qui, par exemple, disent que le climat se dérègle, que les espèces vivantes disparaissent, que les sols se dégradent, que la terre est sollicitée au-delà de ses capacités de régénération, etc. S'il est des statistiques gaillardes, il en est d'autres, atterrantes. Et ce sont des sensibilités non pas pathologiquement dépressives mais, au contraire, tout à fait saines qui constatent la difficulté croissante à mener une vie qui ait un sens, à élever des enfants, à s'inscrire dans une histoire, à envisager l'avenir avec confiance. Orwell, dans Un peu d'air frais, roman beaucoup moins célèbre que 1984, mais qui mérite tout autant d'être lu, s'interroge: la vie de la plupart des Anglais, avant la Grande Guerre, était plus rude que celle de leurs successeurs ; pourtant, «les gens avaient alors quelque chose qu'ils n'ont pas aujourd'hui. Quoi? C'est simplement que l'avenir ne leur apparaissait pas terrifiant. […] Ils ne sentaient pas le sol se dérober sous leurs pieds.» Cette impression du sol qui se dérobe sous nos pieds s'aggrave sans cesse. Prétendre, statistiques à l'appui, que «contrairement à ce qu'on croit, le monde ne s'est jamais aussi bien porté», comme le font Norberg et consorts, contribue moins à dissiper nos inquiétudes qu'à attirer le discrédit sur la statistique. Comment se fier aux nombres, si ceux-ci ignorent ce qui est, pour la plupart d'entre nous, de l'ordre de l'évidence?

Le philosophe Michel Serres affirme que «le tabac tue plus en France que le terrorisme», ce qui est indéniable. En quoi ces comparaisons nous renseignent-elles?

Michel Serres va même plus loin: il affirme que «les citoyens contemporains ont une chance sur 10 millions de mourir du terrorisme, alors qu'ils ont une chance sur 700.000 d'être tués par la chute d'un astéroïde». J'ignore sur quelles bases il arrive à de telles évaluations. À supposer même qu'elles soient justes, la comparaison n'a de toute façon guère de sens. L'être humain est, pour reprendre la formule d'Aristote, le «vivant politique» : c'est au sein de cette vie partagée que l'humanité se développe et s'accomplit. Or, une météorite, aussi meurtrière soit-elle, ne remet pas en cause la vie commune, alors que le terrorisme, aussi limités soient ses effets objectifs, y attente gravement. Mettre sur le même plan les morts causées par les chutes d'astéroïdes, le tabac, les accidents de voiture ou le terrorisme, c'est ranger dans la même catégorie vaches, tables et tour Eiffel au prétexte que les unes et les autres ont quatre pieds. Dans un premier temps, on s'émerveille de rapprochements aussi audacieux. Dans un second, on se dit qu'on avait eu raison de n'y avoir jamais procédé soi-même. La lucidité nécessaire pour résister au terrorisme réclame à la fois que nous n'exagérions pas les risques qu'il fait courir, et que nous reconnaissions la nocivité spécifique dont il est porteur - dont le nombre de morts qu'il provoque ne rend absolument pas compte.

La querelle des embouteillages à Paris et de la pollution qu'ils provoquent donne lieu à une bataille de chiffres infinie. Que révèle ce dialogue de sourds?

Il montre que les chiffres sont devenus indispensables au débat, puisque chaque parti est tenu de s'appuyer sur des études quantitatives pour défendre ses positions. Il montre aussi que les chiffres, à eux seuls, ne peuvent permettre de trancher un débat, puisque chaque parti parvient à en produire qui servent sa cause. Pourquoi de telles contradictions entre des mesures réputées objectives? Les études peuvent être «travaillées» afin de répondre aux souhaits de ceux qui les commandent ; et, sans aller jusque-là, il est assez aisé de sélectionner, parmi toutes les mesures qu'il est possible d'effectuer, celles qui fourniront des résultats propres à conforter la position qu'on cherche à défendre. Ensuite, chaque camp tient les chiffres qu'il avance pour les seuls pertinents. Il en va toujours ainsi quand une controverse atteint un certain degré d'intensité: chaque parti n'est plus sensible qu'aux arguments qui servent sa cause, et devient sourd à ceux qui la contredisent. C'est pourquoi les chiffres sont impuissants à faire triompher un point de vue. En revanche, sans chiffres, on est à peu près assuré de perdre. C'est un peu comme l'artillerie à la guerre: on ne gagne pas en se contentant de tirer au canon, mais sans canons, on se trouve fort démuni.

Le fact-checking et le data journalism sont parfois tentés de résoudre toutes les controverses politiques par les chiffres. En quoi cette ambition est-elle discutable?

En général, les débats politiques n'opposent pas des gens qui ont complètement raison à des gens qui ont complètement tort. Chaque parti détenant une part de vérité, chacun est capable de faire valoir des chiffres, plus ou moins exacts, propres à appuyer ses dires - l'habileté consistant à choisir les données favorables à sa cause. D'où la difficulté, déjà évoquée, à résoudre une controverse par des chiffres. Par ailleurs, ce n'est pas par des calculs que l'on détermine ce qui est souhaitable: c'est seulement une fois le souhaitable déterminé que les calculs sont susceptibles d'intervenir, pour aider à fixer les moyens à déployer pour l'atteindre et vérifier leur efficacité. Voilà pourquoi, si des statistiques fiables peuvent et doivent éclairer la politique, elles ne sauraient en aucun cas s'y substituer. Prétendre déduire la politique d'états de fait et de données quantitatives, c'est simplement dissimuler les choix qui, avant les moyens à mettre en œuvre, élisent les fins que ces moyens doivent permettent de poursuivre. On comprend que les gouvernants soient tentés de procéder ainsi. Cela leur permet de pallier tant bien que mal le peu de confiance qui leur est accordé, d'abriter leurs décisions derrière des apparences objectives, et de donner à leurs actes l'autorité qui ne leur est pas reconnue à titre personnel.

Si les chiffres ne sont pas suffisamment éclairants, à quoi se mesure la qualité d'une civilisation?

Je présume que la qualité d'une civilisation fait partie de ces choses qui ne se mesurent pas, mais s'apprécient. Que l'on songe à la qualité d'un vin: elle ne se mesure pas (sauf dans les guides qui attribuent des notes), mais se goûte. De plus, dans le cas des civilisations, qui est le meilleur juge de leur qualité: ceux qui vivent en son sein ou bien ceux qui, plus tard, jugent de ce qu'elle a légué?
À titre personnel, il me semble que le plus grand enjeu d'une civilisation humaine réside dans l'articulation harmonieuse et féconde de la dimension horizontale - ce qui se vit ici et maintenant, dans la trame des jours - avec la dimension verticale - ce qui ouvre cette vie sur ce qui la dépasse. Une civilisation accomplie sait faire du présent une rencontre entre le passé dont elle est issue et l'avenir qu'elle prépare, entre ce qui passe et l'éternel. Je reconnais qu'à cette aune, notre civilisation, qui combine son dédain du passé et l'incapacité croissante à se donner un avenir (car avec quoi le penser, si ce n'est avec les ressources héritées du passé), et qui se veut sortie de la religion, ne fait pas bonne figure.

La nostalgie est-elle selon vous un sentiment mortifère?

Cela dépend de la façon dont elle est vécue. Le mot «nostalgie» a été forgé pour désigner le mal du pays dont les mercenaires suisses étaient la proie, durant les longues années où ils servaient à l'étranger. Les hommes ont beau ne pas être, comme les plantes, assignés à un lieu, ils ont néanmoins des racines. Ils sont capables de s'arracher du cadre qui les a vus naître et dans lequel ils ont grandi, de changer de milieu et de coutumes, mais ces changements, cet arrachement ne vont pas sans souffrance. Si la nostalgie, quand son empire est trop grand, devient paralysante et mortifère, l'imperméabilité à la nostalgie est un signe d'inhumanité. Peut-être les transhumains qu'on nous annonceseront-ils immunisés contre cet affect: raison supplémentaire pour préférer demeurer humain. Se retourner, regretter ce qui n'est plus, cela fait partie de notre être.

La nostalgie, comme toute chose, a ses dangers. Elle a aussi ses vertus. Sans elle, nous serions de purs opportunistes, prêts à accepter n'importe quoi pourvu que cela nous permette de tirer au mieux notre épingle du jeu. Avec elle, nous nous rappelons qu'il n'y a pas de vie humaine qui vaille sans attachement à des êtres, à des lieux, à des paysages, à des usages, à des souvenirs… Comme l'a écrit Simone Weil dans L'Enracinement:«Une vie humaine sans fidélité est quelque chose de hideux.» Réciproquement, une fidélité confère dignité à toute vie humaine.

Le passé n'est-il pas toujours idéalisé par ceux qui ne l'ont pas vécu?

Le passé peut être l'objet de toutes sortes de projections. Il lui arrive d'être idéalisé, il lui arrive également d'être calomnié. À tout prendre, je crois l'idéalisation moins grave que la calomnie, qui joint à la déformation du réel le péché d'ingratitude. Car d'où viendrait notre hypothétique supériorité sur les temps passés, sinon de ce que l'humanité a appris en les traversant? C'est pourquoi, «quels que puissent être nos efforts, la plus longue vie bien employée ne nous permettra jamais de rendre qu'une partie imperceptible de ce que nous avons reçu» (Auguste Comte). Je note aussi que l'idéalisation du passé ne constitue pas forcément une entrave à l'action. Elle peut aussi la stimuler: au lieu qu'un passé décrié invite à se satisfaire d'un présent incroyablement supérieur à tout ce qui l'a précédé, un passé idéalisé peut, par l'admiration qu'on lui voue, inspirer de grandes choses, en fouettant le désir de se montrer à la hauteur.

«Celui qui ne couche pas avec son époque est un impuissant» disait, en substance, Roger Nimier. Refuser d'embrasser en bloc la modernité, est-ce être romantique, décliniste, impuissant?

Coucher avec son époque, il me semble que tout le monde est obligé de le faire, bon gré mal gré. La question qui se pose n'est donc pas de coucher ou non, mais, faut-il passer tout son temps à l'horizontale? Je pense à Ouranos, sans cesse étendu sur Gaïa au point d'empêcher celle-ci d'accoucher. Il fallut que Cronos, de l'intérieur du ventre de sa mère, tranche à la serpe le sexe de son père pour qu'Ouranos s'écarte, qu'un espace advienne entre le ciel et la terre où la vie puisse s'épanouir et fructifier. Enfanter suppose de ne pas être impuissant, mais aussi de ne pas passer l'intégralité de son temps à forniquer. Pour faire des enfants à son époque, il faut aussi savoir s'en détacher.

L'attitude féconde ne consiste certes pas à refuser tout contact avec le monde tel qu'il va. C'est en lui qu'il nous est donné de vivre, c'est en lui que notre existence doit s'accomplir. Pour autant, le prendre pour mesure de toute chose, c'est retirer à la pensée les points d'appui extérieurs dont elle a besoin pour s'élever, c'est s'exposer sans défense aux pires déchéances. Contre l'invitation permanente à se vautrer sur le présent, ce sont les exemples du passé qui nous remettent sur nos jambes. Sans fidélité à ce qui nous a précédés, notre marche se condamne à n'être qu'un rampement sans fin.

Olivier Rey, les chiffres et les lettres
Au départ, Olivier Rey est mathématicien. Après l'École polytechnique, il entre au CNRS, mais, en 2009, il quitte la section mathématiques pour rejoindre celle de philosophie (qu'il enseigne à Paris I). Son romanAprès la chute (PGDR, 2014) a été remarqué par Michel HouellebecqUne question de taille (Stock, 2014), essai sur l'hubris contemporaine, était un puissant éloge de la mesure. Quand le monde s'est fait nombre (Stock, 2016), son dernier livre, souligne la sécheresse d'une époque impuissante à se définir autrement que par des pourcentages. Ce philosophe pense son temps sans complaisance: il s'étonne de l'autocélébration d'un présent qui méprise son passé et restaure la nécessité d'une cosmogonie.

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Tariq Ramadan et le silence des compagnons de route de l'islamisme (03.11.2017)

Par Alexandre Devecchio
Mis à jour le 04/11/2017 à 14h42 | Publié le 03/11/2017 à 19h57
ANALYSE - Alexandre Devecchio s'interroge sur le silence de Mediapart, et plus largement d'une certaine gauche à propos de l'affaire Ramadan. Pour lui, cette discrétion témoigne d'une forme de complaisance, voire de complicité idéologique, avec le prédicateur et ses thèses islamistes.


- Crédits photo : Le Cerf
Alexandre Devecchio est journaliste au Figaro, en charge du FigaroVox. Il vient de publier Les Nouveaux enfants du siècle, enquête sur une génération fracturée (éd. du Cerf, 2016) et est coauteur de Bienvenue dans le pire des mondes (éd. Plon, 2016).

C'était le 17 janvier 2015 à Brétigny-sur-Orge. L'événement organisé par diverses associations communautaires et le duo d'invités improbable. Tout sourire, Edwy Plenel et Tariq Ramadan communient devant un public presque exclusivement musulman parmi lesquels de nombreuses femmes voilées et quelques barbus en baskets-djellaba. L'islamiste, proche des Frères musulmans, et le trotskiste, ancien membre de la Ligue communiste révolutionnaire, faisaient cause commune contre les «discriminations » et l'«islamophobie». Au même moment, les Français pleuraient encore leurs morts: ceux de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher, la policière de Montrouge. Deux jours plus tôt, ils étaient des millions à s'être levés pour défendre la liberté d'expression et protester contre le terrorisme islamiste. Mais Plenel et Ramadan n'étaient pas Charlie. Ce soir-là, le fondateur de Mediapart s'épancha sur l'«enfance malheureuse des frères Kouachi» et précisa que lui n'aurait pas publié de «caricatures qui offensent n'importe quelle religion». Le 23 janvier, invité sur le plateau du «Petit journal », il enfoncera le clou, suggérant que les détracteurs de Ramadan seraient racistes.

Il faisait publiquement l'apologie de la charia, ne cachait pas sa volonté d'instaurer un moratoire sur la «lapidation des femmes» ou encore de réislamiser la jeunesse des banlieues

Le prédicateur est aujourd'hui sous le feu des projecteurs pour des accusations de viol. Cela relève de la chronique judiciaire et il serait injuste de tenir Plenel pour complice de violences présumées dont il ignorait tout. Mais le silence pudique de Mediapart, et plus largement d'une certaine gauche sur cette affaire, témoigne de la complaisance, voire de la complicité idéologique de celle-ci avec Ramadan et ses thèses islamistes. Même les néoféministes les plus impitoyables à l'égard du «mâle blanc hétérosexuel», à l'exception de Caroline Fourest, sont restées muettes, ou presque, sur le cas Ramadan. La vision du monde du petit-fils d'Hassan el-Banna (fondateur de la confrérie des Frères musulmans) était pourtant connue de tous. Bien que souvent accusé de double discours, il faisait publiquement l'apologie de la charia, ne cachait pas sa volonté d'instaurer un moratoire sur la «lapidation des femmes» ou encore de réislamiser la jeunesse des banlieues. Celui qui se rêvait en Mohammed Ben Abbes, le président de Houellebecq qui islamisait pacifiquement la France dans Soumission, pourrait finir en Tartuffe de Molière. Mais jusqu'aux récentes révélations sur ses mœurs il a conservé un véritable prestige auprès de sa base militante comme auprès de politiques, d'intellectuels ou de faiseurs d'opinion avertis. C'est la prestigieuse université d'Oxford qui lui déroule le tapis rouge. C'est le philosophe Edgar Morin qui cosigne un ouvrage avec lui. C'est Clémentine Autain qui appelle à se rendre à un meeting commun lors des régionales 2015 juste après la tuerie du Bataclan.

Comme il y avait ceux qui préféraient avoir tort avec Sartre plutôt que raison avec Aron, il y a ceux qui préfèrent avoir tort avec Ramadan qu'avoir raison avec les «néoréactionnaires»

«Nous étions cons! Cons et dangereux!», avait dit Yves Montand pour résumer le parcours de sa génération et justifier sa rupture avec le Parti communiste. Comme il y a eu des compagnons de route du stalinisme autrefois, il y a aujourd'hui des compagnons de route de l'islamisme. Comme il y avait ceux qui préféraient avoir tort avec Sartre plutôt que raison avec Aron, il y a ceux qui préfèrent avoir tort avec Ramadan qu'avoir raison avec les «néoréactionnaires», en réalité les nouveaux antitotalitaires. Pour Jacques Julliard, la «glaciation islamiste» est la troisième «glaciation intellectuelle» après la «glaciation stalinienne» et «la glaciation maoïste». «On a vu ressurgir chez certains intellectuels le même type d'argumentation qui avait cours dans les précédentes glaciations: la théorie de l'encerclement par l'impérialisme, l'érection de l'islam en “religion des pauvres”, le ressentiment érigé en moteur de l'histoire, etc.», écrit-il. Parmi les responsables de cet aveuglement, il faut distinguer les «cons» et les «dangereux». Il y a les idiots utiles. Au nom d'un antiracisme dévoyé et parce qu'il ne fallait pas «faire le jeu du FN», ces derniers n'ont pas voulu voir que les victimes d'hier pouvaient être les bourreaux d'aujourd'hui, que l'islam, «religion des pauvres et des minorités», pouvait être le bras armé de la terreur. Il y a aussi ceux que Zineb El Rhazoui appelle les «collaborationnistes du fascisme islamique», les islamo-gauchistes, une nébuleuse qui va des Indigènes de la République à certains députés de La France insoumise en passant par Rokhaya Diallo et Alain Gresh. Ceux-là rêvent de «convergence des luttes»: entre les prolétaires et les musulmans, les ouvriers et les immigrés. Pour eux, l'utopie messianique communiste et l'utopie millénariste islamique convergent dans une même lutte entre «dominés» et «dominants». Trotski et les Frères musulmans, le féminisme et la charia, Plenel et Ramadan.

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