mercredi 8 novembre 2017

Gauche raciste : racisme anti-blanc, antisémitisme

Contre le lynchage médiatique et les calomnies visant les antiracistes (23.11.2017)
«L'antifascisme exacerbé a ressuscité l'obsession de la 'race'» (02.10.2017)
Polémique «Nique la France» : derrière l'antiracisme des Indigènes de la République, le racisme anti-blanc (26.06.2017)
Bouvet : « Que des universitaires défendent Houria Bouteldja est un crime contre l'esprit » (23.06.2017)
Bensoussan relaxé : la victoire du véritable antiracisme face au communautarisme (13.03.2017)
«Le procès Bensoussan ou l'indignation à géométrie variable des pseudo-antiracistes» (27.01.2017)
Procès Bruckner : une défaite pour les «collabos» de l'islamisme (19.01.2017)
L'affaire Sarah Halimi et le tabou du «nouvel» antisémitisme (14.07.2017)
Goldnadel : «L'islamo-gauchisme a contaminé les esprits» (30.06.2017)
Alexandre Devecchio : «Houria Bouteldja ou la grande misère de l'antiracisme» (23.06.2017)
Damien Le Guay : « Pour combattre le racisme, il faut déradicaliser l'antiracisme » (31.03.2017)
Laurent Bouvet : l'islamisme, la gauche et le complexe colonial (22.07.2016)


Voir aussi : 
Alain Finkielkraut : « Edwy Plenel a été un compagnon de route, sourd et aveugle, de l’islamisme » 
https://www.causeur.fr/esprit-escalier-finkielkraut-levy-ramadan-tariq-actualite-147726

Antiracisme: le piège du droit à la différence (09.10.2017)

Le plan Kalergi : génocide des peuples européens

Dépitée Obono - Chroniques de l’Assemblée

La Gauche doit faire le ménage dans ses rangs

Le CCIF, anti-discrimination ou anti-république ?

L’honneur perdu de Sonia Nour

Bruckner : «Ils haïssent la France, non parce qu'elle opprime les musulmans, mais parce qu'elle les libère» (06.10.2017)

Politiques, journalistes, intellos : enquête sur les agents d'influence de l'islam (06.10.2017)

Manuel Valls : «L'islamisme, voilà l'ennemi» (06.10.2017)

La France insoumise de Mélenchon serait-elle une gauche soumise ?

Contre le lynchage médiatique et les calomnies visant les antiracistes (23.11.2017)

http://www.liberation.fr/debats/2017/11/23/contre-le-lynchage-mediatique-et-les-calomnies-visant-les-antiracistes_1612059

— 23 novembre 2017 à 17:16
L’affaire Tariq Ramadan, estime un groupe d’intellectuels, relance violemment les campagnes menées contre les représentants de l’antiracisme.
 Contre le lynchage médiatique et les calomnies visant les antiracistes
SIGNATAIRES : Bams, artiste, militante antiraciste; Ludivine Bantigny, historienne; Maxime Benatouil, membre de l’Union juive française pour la paix; Judith Bernard, metteure en scène, enseignante et journaliste; Daniel Blondet, militant syndicaliste, anti-impérialiste; Alima Boumediene, avocate, association Femmes plurielles; Rony Brauman, enseignant, essayiste; Déborah Cohen,historienne; Ismahane Chouder, coprésidente du Collectif des féministes pour l’égalité; Thomas Coutrot, économiste; Christine Delphy, sociologue et féministe; Eva Doumbia, metteure en scène, autrice, membre du collectif Décoloniser les arts; Annie Ernaux,écrivaine; Eric Fassin, sociologue; Bernard Friot, économiste et sociologue; Sylvain George, cinéaste; François Gèze, éditeur;Nacira Guénif, sociologue; Michelle Guerci, journaliste; Eric Hazan, éditeur; Nicolas Klotz, cinéaste; Stathis Kouvelakis,philosophe; Thierry Labica, enseignant-chercheur; Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire; Laurent Lévy, essayiste, militant antiraciste; Philippe Marlière, politiste; Gustave Massiah,économiste; Olivier Neveux, universitaire; Dimitri Nicolaïdis,enseignant école européenne de Bruxelles; Ugo Palheta, sociologue; Elisabeth Perceval, cinéaste; Nathalie Quintane, écrivaine; Lluis Sala Molins, philosophe et essayiste; Catherine Samary, économiste altermondialiste; Michèle Sibony, membre de l’Union juive française pour la paix; Julien Théry, historien; Rémy Toulouse, éditeur; Françoise Vergès, féministe antiraciste et Bernard Stiegler,philosophe.
Comme un mauvais jeu de dominos, un jeu ignoble et dangereux, les accusations calomnieuses sont tombées une à une sur les courants de l’antiracisme politique. La cascade vient de loin, de l’extrême droite, de la fachosphère, de sites xénophobes comme Fdesouche, mais aussi de courants proches de la «gauche» socialiste comme le Printemps républicain, et d’organes de presse tels Causeur, Valeurs actuelles, le Figaro ou Marianne. Des personnalités politiques misent leur va-tout sur les enjeux identitaires et autoritaires - et jouent gravement avec le feu.
Manuel Valls est de ceux-là, tombé au fond du trou après son élimination politique ; le voilà remis en selle, brandissant pour tout programme sa lame islamophobe. On ne s’étonnera pas de le voir fourbir les mêmes armes que son compère en réaction identitaire, Laurent Wauquiez. Ces deux-là appartiennent bien désormais au même univers idéologique, signe de la confusion où les étiquettes partisanes n’importent plus. C’est un masque qui ne devrait plus tromper grand monde : des politiques destructrices, offensives contre les droits sociaux, dont on essaie de détourner l’attention en adoptant la ligne faible mais terrible des rodomontades sur l’ennemi intérieur et le supposé choc des civilisations. Ces néoconservateurs surfent sur la même vague qui a porté Trump au pouvoir et qui ravage l’Europe, de la Hongrie à la Pologne et l’Autriche. Le rouleau compresseur néolibéral est désastreux pour le plus grand nombre mais ses effets s’abattent d’abord dans les quartiers populaires sur les populations noires, arabes, roms, musulmanes ou supposées telles. C’est dans ce contexte nauséabond que, depuis des années, un tombereau de calomnies déferle sur les représentant·e·s de l’antiracisme politique, dont le projet est précisément de combattre l’apartheid que connaissent les populations de ces quartiers. Dès son élection, il a visé Danièle Obono, députée de La France insoumise, sommée de crier «Vive la France !». Avant, il y eut l’acharnement contre les promotrices du camp d’été décolonial, puis le festival Nyansapo. Il s’est aggravé ces dernières semaines et s’obstine à nouveau contre Danièle Obono, parce qu’elle a osé reconnaître en Houria Bouteldja une camarade de luttes antiracistes. Victime d’une chasse aux sorcières, Houria Bouteldja, et, avec elle, le Parti des indigènes de la République, est devenue la personnalité à abattre. Cette atmosphère de lynchage profite éhontément de l’affaire Tariq Ramadan. Après les très graves accusations portées contre lui, justice devra être faite : le respect des victimes et la sérénité du procès à venir exigent qu’aucune récupération idéologique ne soit permise. Le combat fondamental contre le sexisme et les violences faites aux femmes ne peut servir l’agenda des promoteurs de haine identitaire.
Subissent la même traque celles et ceux qui ont croisé ou débattu avec Tariq Ramadan : de Pascal Boniface à Edwy Plenel et Mediapart, d’Edgar Morin à Alain Gresh, du CCIF à François Burgat. Nous sommes à leurs côtés pour qu’ils continuent à tenir, avec cohérence et courage et ténacité, une position de débat et de combat en défense des musulman·e·s victimes de stigmatisation mais aussi de celles et ceux qui endurent le racisme, l’antisémitisme, la négrophobie, l’islamophobie, les contrôles au faciès et la répression.
On ne comprend pas comment Jean-Luc Mélenchon a pu prendre part à cette traque. Les accusations d’antisémitisme qu’il a portées contre Houria Bouteldja sont inacceptables. Lorsqu’il était lui-même accusé de proximité avec des antisémites, Jean-Luc Mélenchon a déclaré un jour : «L’antisémitisme est un délit ; il doit être condamné comme tel. Accuser à tort quelqu’un d’être antisémite est aussi un délit.»
Ce vent mauvais est ravageur. Au-delà des diverses personnalités visées et d’éventuels désaccords que l’on peut avoir avec elles, ce sont l’antiracisme politique, la lutte contre les discriminations systémiques et l’islamophobie que l’on cherche à discréditer. Pourtant, ces combats s’inscrivent dans le camp de l’émancipation. C’est pourquoi, nous jugeons nécessaire de faire l’unité contre les calomnies, les lynchages médiatiques et la diffamation.



«L'antifascisme exacerbé a ressuscité l'obsession de la 'race'» (02.10.2017)

Par Gilles William Goldnadel
Publié le 02/10/2017 à 19h14

FIGAROVOX/CHRONIQUE - Depuis Charlottesville, les revendications antiracistes se sont multipliées aux Etats-Unis et en France. Gilles-William estime que l'antiracisme pervers et surmédiatisé aura conduit au renouveau de la «guerre des races».

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Il est président de l'association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.

Le résultat le plus patent et le plus efficace de l'antiracisme factice qui sévit depuis 50 ans aura été la guerre des races.

Je rappelle que celui-ci a interdit pendant longtemps l'utilisation du vocable de «race» sous peine d'excommunication. Aucune différenciation entre semblables n'étaient tolérables.

L'obsession du racisme aura abouti à l'obsession de la race, la couleur des uns étant synonyme de souffrance, celle des autres tout aussi systématiquement synonyme de racisme monopolistique.

Dans la réalité, et au fil des années, l'obsession du racisme aura abouti à l'obsession de la race, la couleur des uns étant systématiquement synonyme de souffrance, celle des autres tout aussi systématiquement synonyme de racisme monopolistique. Toute contestation de cet esprit de système étant ipso facto suspectée de racisme systémique.

L'autre caractéristique de l'antiracisme factice s'observant dans la forme hystérique et obsessionnelle de sa représentation médiatique.

Les États-Unis, comme toujours, ont lancé la mode culturelle de cet antiracisme et imprimé son mode de communication électronique et frénétique.

Les semaines écoulées depuis les événements de Charlottesville nous en ont livré quelques échantillons choisis: destructions de statues de généraux sudistes, interdiction d' «Autant en emporte le vent» à Memphis, contestation de Christophe Colomb, critiques contre Kate Bigelow, réalisatrice du film Détroit et incapable en tant que blanche de comprendre la souffrance noire (Libération 11 août), manifestations de footballeurs noirs américains refusant, un genou à terre, de saluer le drapeau national.

Le prétexte donné à ce dernier geste étant la violence policière blanche. Si nul ne saurait contester l'existence de celle-ci et encore moins l'excuser lorsqu'elle survient, le courage et l'honnêteté intellectuels commandent d'indiquer qu'il arrive aussi de voir des blancs violentés volontairement par des noirs.

Je rappelle ici mon article dans lequel je m'étonnais que nul n'ait cru devoir reprocher à Obama l'oubli du vocable «racisme» lorsque délibérément un homme noir à Dallas a assassiné quatre policiers blancs innocents pour venger la mort d'un noir. Ici sévit la guerre des races.

L'un des effets pervers de l'obsession antiraciste unilatérale aura été de redonner à de nombreux blancs américains (dont les plus pauvres sont les seuls qui ont vu leur espérance de vie diminuer ces dernières années) une conscience de race à nouveau exacerbée.

L'honnêteté oblige également à constater tristement que l'élection d'un président noir aux États-Unis, saluée, au-delà de ses réelles qualités intellectuelles intrinsèques, avec un empressement extatique que j'ai toujours considéré comme racialiste, n'aura en rien calmé la question raciale obsessionnelle. Tout au contraire.

Étrangement, ce président qui avait commencé brillamment son magistère en ignorant superbement sa différence, l'aura achevé huit ans plus tard en frayant avec les Black Matters , groupe racialiste radical s'il en est.

D'un excès l'autre: Ce n'est certainement pas le nouveau président américain qui calmera cette situation névrotique. Donald Trump, rejeté outrageusement dès le début par le pouvoir médiatique, a fait le choix stupide et affligeant de la fuite en avant.

Dans l'affaire «des genoux à terre», alors qu'il avait un beau sujet pour rassembler une majorité bigarrée autour du drapeau étoilé, celui-ci a préféré traiter les sportifs mutins de «fils de pute», donnant ainsi rétrospectivement raison à ses caricaturistes les plus caricaturaux.

Dernier exemple américain en date de l'illustration d'un excès médiatique consternant: des graffitis sur la porte de la chambrée de soldats noirs ont permis au discours antiraciste d'un officier blanc de grande éloquence de faire le tour du monde.

Ce discours était absolument nécessaire dans l'enceinte de la caserne, mais sa publicité planétaire totalement disproportionnée avec l'incident.

Sauf à permettre à tout raciste pervers de prendre le monde médiatique en otage complaisant en écrivant sa haine sur la porte d'une mosquée, d'une église, d'une synagogue , d'une chambrée ou de toilettes, l'exposition de la bêtise humaine ne saurait tolérer une malsaine surexposition.

Si le prêchi-prêcha antiraciste médiatisé présentait la moindre efficacité depuis qu'il est imposé par la fausse morale préfabriquée, les lignes qui précèdent n'auraient pas existé.

Et si le prêchi-prêcha antiraciste médiatisé présentait la moindre efficacité depuis qu'il est imposé par la fausse morale préfabriquée, les lignes qui précèdent n'auraient pas existé.

La France ne se trouve pas en meilleure situation. Les mauvais vents de Charlottesville n'auront pas mis un mois à franchir l'océan.

Les antiracistes de pacotille et les antinazis d'opérette n'ont pas non plus chômé: le Cran qui veut culbuter Colbert et dégommer Dugommier jusqu'à Mélenchon qui prétend que ce sont des antifas de rue qui ont chassé les nazis.

Cécile Pina (Figarovox 29 /9) révélait que des islamistes radicaux avaient été autorisés par l'université Lyon 2 à organiser une conférence à l'intérieur de son enceinte. Le pire était d'apprendre que Jean-Louis Bianco, es qualité de président de l'Observatoire de la laïcité, avait accepté d'envoyer un message aux participants, donnant ainsi son onction à la manifestation. Pour illustrer l'obscénité d'un tel encouragement, on précisera que le parti des Indigènes de la république fera partie de la joyeuse équipe.

Je rappelle ci-après, la contribution de la porte-parole de ce parti à la guerre des races: «Mohamed Merah c'est moi. Le pire c'est que c'est vrai. Comme moi, il est d'origine algérienne, comme moi il a grandi dans un quartier, comme moi il est musulman. Comme moi, il sait qu'il sera traité d'antisémite s'il soutient les palestiniens colonisés, d'intégriste s'il soutient le droit de porter le foulard. Mohamed Merah c'est moi et moi je suis lui.… Nous sommes des indigènes de la république. Je dis ce soir, je suis une musulmane fondamentale.»

« Il faut dénationaliser l'histoire de France. Je crois qu'il faut faire exploser cette identité française. … » Houria Bouteldja citée par Pierre-André Taguieff dans « L'islamisme et nous ».

Et encore ceci: «Il faut dénationaliser l'histoire de France. Je crois qu'il faut faire exploser cette identité française. …» Houria Bouteldja citée par Pierre-André Taguieff dans «L'islamisme et nous» (CNRS éditions 2017)

Une sympathisante de ce parti Indigène, Danielle Obono, est également député insoumise de la république. Invitée cette semaine sur BFM, elle répugnait, dans le cadre des lois antiterroristes en gestation, à considérer comme un signe de radicalisation, l'attitude d'un chauffeur de bus qui refuserait, comme cela arrive, de conduire après une femme. Evidemment, madame Obono , qui n'a rien contre le «Nique la France», aime à se dire féministe.

Joli succès de l'antiracisme d'extrême-gauche: Le parti mélancholique est en passe d'ajouter la guerre des races à la guerre des classes.

La rédaction vous conseille :

Polémique «Nique la France» : derrière l'antiracisme des Indigènes de la République, le racisme anti-blanc (26.06.2017)


Mis à jour le 26/06/2017 à 15h45 | Publié le 26/06/2017 à 15h30

FIGAROVOX/TRIBUNE - Défendant la liberté de dire «Nique la France» et s'interrogeant sur les raisons de déclarer «Vive la France», la député insoumise, Danièle Obono, a provoqué de vives réactions. Gilles-William Goldnadel dénonce cette attitude, souligne l'inanité idéologique d'une certaine gauche .

Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est président de l'association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.

L'affaire Obono est un tristement banal concentré de tout ce qui abrase quotidiennement et progressivement la société française.

Car dans le creux de cette affaire de mensonges, d'impunité, de victimisation, de culpabilisation, se niche le non-dit : celui de la haine du blanc.

C'est d'abord l'histoire d'une hypocrite imposture. Lorsqu'au micro d'une radio que je connais bien, la nouvelle député prétendument insoumise raconte qu'elle ne soutient l'expression «Nique la France!» qu'au nom de la sacro-sainte liberté d'expression, elle ment effrontément. Il suffit de lire la pétition qu'elle a signée en faveur du groupe rap qui avait mis en musique la formule consacrée pour se convaincre qu'elle adhère à l'idéologie anti- vieille France effrayante diffusée par ces Indigènes de la République indigents avec lesquels elle fraye.

Contrairement aux dénégations de son camarade Alexis Corbière, les tweets de la «camaradobono» sont moins mensongers qu'elle: «meufs , indigènes et salle comble, bougnoulesunited pour les 10 ans du PIR à St Denis , la classe» (8 mai 2015). Pour l'ambiance, je rappellerai également un autre de ses doux gazouillis: «la police vous parle tous les soirs à 20h ,manifgaza, Israël assassin, Hollande complice» ce tweet est daté du 19 juillet 2014, date mémorable d'une manifestation pro Hamas ou l'on entendit force slogans antijuifs.

Il est, en tout état de cause, piquant de constater que ceux qui se sont empressés de voler au secours de la député insoumise par soumission idéologique et feint de croire à sa fable sur la liberté d'expression appartiennent précisément au camp de ceux qui traquent la phrase déviante. Un souvenir, à ce sujet, me revient. Je défendais un syndicat de policiers, émus par la chanson du groupe rap «Ministère Amer» intitulée «Sacrifice de poulets». Mathieu Kassovitz était venu fièrement défendre à la barre la liberté totale d'expression. Je lui demandai alors s'il défendait aussi celle de Jean-Marie Le Pen. Le silence qui s'ensuivit fut encore plus pesant que celui que prit Mme Obono pour confirmer sans enthousiasme qu'elle pouvait bien murmurer «Vive la France»…

L'affaire Obono symbolise également la complaisance médiatique qui accueille dans le cadre d'un psychodrame névrotique tous les débordements commis par les tenants de l'affrontement ethnique ou racial au nom de l'immigration souffrante. A fortiori, lorsque leurs militants invoquent le combat social-révolutionnaire. C'est ainsi qu'une pétition en faveur d'une Houria Bouteldja qui pose à côté du slogan «sionistes au goulag» a les honneurs du Monde.

On ne dira aussi jamais assez combien le chavezisme confortable de M. Mélenchon bénéficie également d'une bienveillance médiatique exceptionnelle.

On trouve ici la marque de l'obsession de la race propre à l'antiracisme gauchisant.

L'affaire Obono montre également clairement comment se met immédiatement en place non seulement le phénomène de victimisation raciale de l'intéressée mais également de culpabilisation raciste de celui qui ose mettre celle-ci en cause. On trouve ici la marque de l'obsession de la race propre à l'antiracisme gauchisant. C'est ainsi que le journaliste qui questionne une député qui vient de soutenir «Nique la France» sur un éventuel soutien à «Vive la France» n'est pas censé avoir questionné une militante racialiste issue de la LCR et du NPA mais, selon Mélenchon et autres, une malheureuse jeune femme noire…

Mais ce qu'il faut surtout comprendre, c'est que si je m'arrêtais là dans la description des causes de cette affaire symptomatique de la désagrégation de la société française, je n'aurais rien dit.

Car dans le creux de cette affaire de mensonges, d'impunité, de victimisation, de culpabilisation, se niche le non-dit: celui de la haine du blanc. C'est pour cela qu'on veut niquer le pays maudit dans lequel il est encore majoritaire, c'est pour cela que l'on veut tuer ses juifs qui ne sont plus depuis longtemps des métèques mais des super blancs, et c'est pour cela aussi que l'on déteste ses policiers forcément racistes.

Mieux qu'un dessin, une preuve: ce gazouillis de Daniel Simonnet, représentante insoumise parisienne: «Vive la France? Oui, sauf celle des vieux cons blancs qui exigent d'une jeune député noire de le dire!»

Mon imagination est impuissante à décrire la réaction médiatique ou judiciaire, si un obscur conseiller cantonal d'un parti très à droite, en réaction à quelque «Nique la France», avait invectivé électroniquement cette nouvelle France des «jeunes cons noirs».

M. Mélenchon , une réaction?

L'excellente Cécile Pina se demandait dans ces colonnes si on pouvait être député d'une nation que l'on déteste.

Je pose à mon tour une question plus existentielle: quelle sorte de nation est encore celle qui ne montre que faiblesse envers ceux qui la détestent et le professent?

La rédaction vous conseille :
Gilles William Goldnadel


Bouvet : « Que des universitaires défendent Houria Bouteldja est un crime contre l'esprit » (23.06.2017)

Par Vianney Passot
Mis à jour le 23/06/2017 à 11h37 | Publié le 23/06/2017 à 10h54

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - En réaction à un article de Jean Birnbaum sur les dérives de l'antiracisme, une vingtaine d'intellectuels a pris la défense, dans une tribune du Monde parue le 20 juin, de Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la République citée par Birnbaum. Laurent Bouvet réagit à cette affaire.


Laurent Bouvet est professeur de Science politique à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il a publiéL'Insécurité culturelle chez Fayard en 2015. Son dernier livre,La gauche Zombie, chroniques d'une malédiction politique, est paru le 21 mars 2017 aux éditions lemieux. Il est l'une des principales figures du Printemps Républicain.

FIGAROVOX.- Dans un article du Monde du 10 juin dernier, Jean Birnbaum analysait le malaise d'une partie de la gauche face à certaines dérives de l'antiracisme. Il citait notamment Houria Bouteldja, porte-parole du parti des Indigènes de la République, auteur du très controversé «Les Blancs, les Juifs et nous». En réaction à cet article, une vingtaine d'intellectuels a signé une tribune parue dans Le Monde du 20 juin pour prendre la défense de Houria Bouteldja. Que vous inspire cette tribune et comment expliquez-vous qu'une militante ouvertement raciste, qui semble faire l'unanimité contre elle, même au sein de la gauche, soit encore défendue par certains intellectuels?

Laurent BOUVET.- Cette tribune est le énième signe d'un dévoiement du combat antiraciste dans une partie de l'extrême-gauche et de la gauche (c'est vrai en France comme ailleurs). Cette fois, il s'agit principalement d'universitaires et de chercheurs qui défendent l'essayiste Houria Bouteldja comme une militante antiraciste et féministe. Or celle-ci, porte-parole du Parti des Indigènes de la République, tient de longues dates, dans ses interventions publiques comme dans ses livres, des propos ouvertement racistes, antisémites et homophobes.

Pour ses défenseurs, il ne saurait y avoir de racisme de la part des « dominés » ou des « oppressés ».

Mais elle le fait au nom de la «domination postcoloniale des Blancs», d'un «racisme d'État» en France ou encore d'une «intersectionnalité des luttes» des «dominés» de toute nature (sociale, raciale, religieuse, de genre…). Pour ses défenseurs, cela est donc légitime car il ne saurait y avoir de racisme de la part des «dominés» ou des «oppressés». Leur lutte est en effet à leurs yeux toujours légitime, quel qu'en soit le moyen, puisque menée au nom de «l'émancipation» de ces dominés ou oppressés.

C'est d'abord ce systématisme, qui sur le fond, pose problème. C'est une absurdité intellectuelle autant qu'historique. À la fois parce que le racisme comme le sexisme, l'antisémitisme comme l'homophobie, ne sont fonctions ni d'une origine sociale (les plus riches…) ni d'une origine géographique (l'Europe…) ni d'une origine ethno-raciale (les «Blancs»…) ni d'une origine religieuse (les Chrétiens…), ni d'un genre particulier (le «mâle hétérosexuel»…), et parce qu'en renvoyer toujours et uniquement la responsabilité historique et à des groupes aussi larges n'a aucun sens. Ne pas comprendre ni reconnaître que dans notre histoire commune, humaine, l'émancipation de l'individu, quelles que soient son origine ou ses différentes appartenances «identitaires», est avant tout le produit de ce que l'on appelle la Modernité occidentale, celle qui, en Europe sur plusieurs siècles, a conduit à «l'invention» des droits de l'Homme, à l'abolition de l'esclavage ou encore à forger les outils intellectuels et politiques de la lutte anticoloniale ou du féminisme entre autres, c'est commettre une grave faute au regard de la réalité des faits. Et c'est la commettre au nom d'une croyance ou d'une «vérité» qui leur serait supérieure.

Que des universitaires se commettent dans une telle déformation de la réalité au nom de leur vision politique et militante du monde est un crime contre l'esprit.

Que des universitaires, des chercheurs, des savants se commettent dans une telle déformation de la réalité au nom de leur vision politique et militante du monde est un crime contre l'esprit.

Politiquement, ils participent d'ailleurs à une dérive identitaire délétère pour la société. Plus encore, ils desservent le combat antiraciste ou le combat féministe qu'ils prétendent être le leur. En aggravant et en figeant, au nom de cet essentialisme identitaire qu'ils mettent sans cesse en exergue (nous ne pouvons être que ce que notre identité culturelle et sociale nous assigne comme place et rôle dans la société), les différences entre individus et groupes sociaux, ils participent à une fragmentation et au délitement de la société. Et accessoirement au triomphe d'autres promoteurs de ce «tout identitaire» qui eux s'appuient sur d'autres critères qu'ils jugent positifs que sont les racistes d'extrême droite par exemple. Ils se renvoient le ballon, ils sont les deux faces d'une même médaille, les deux pinces d'une même tenaille dont nous ne cessons de subir la pression.

Qui sont les Indigènes de la République, et que défendent-ils?

C'est un mouvement à la fois groupusculaire et très radical qui prétend défendre toute personne («indigène») issue de l'immigration et venant d'un pays colonisé par la France dans le passé. Ces «indigènes» étant traités comme au temps de la colonisation dans le cadre de leur immigration et de leur installation en France: racisme, «islamophobie», discriminations en tous genres… La dimension sociale est parfois mise en avant, comme c'est le cas dans le dernier livre d'Houria Bouteldja, pour expliquer que les situations de chômage ou de précarité vécues par les descendants d'immigrés sont avant tout dues à leur origine.

Ces gens sont obsédés par la race, par l'origine. Ils ne voient et conçoivent l'individu qu'au travers de ce prisme.

Bien évidemment, la «doctrine» du PIR conduit à une essentialisation identitaire tant des victimes dominées, que des bourreaux dominants. Chacun appartenant, en raison simplement de son origine, à tel ou tel groupe. Sans aucune possibilité d'en sortir. Ainsi, les soutiens de H. Bouteldja dans Libération écrivent-ils en défense de celle-ci: «Houria Bouteldja évoque ses propres déchirements comme indigène et Blanche ou, plus précisément, «blanchie»». Pour le dire autrement, ces gens sont obsédés par la race, par l'origine. Ils ne voient et conçoivent l'individu qu'au travers de ce prisme.

S'ils étaient laissés à eux-mêmes, dans leur réduit militant d'obsédés de la race qui multiplient ateliers «non mixtes» et manifestations des «racisé.e.s» et de «non blancs», le dommage serait très limité. Mais comme ils sont systématiquement relayés par une presse complaisante avec leur vision du monde (on peut citer Mediapart notamment), par des élus de l'extrême gauche (comme l'élu municipal de Saint-Denis Madjid Messaoudène qui leur ouvre les portes des salles de sa ville) ou par des universitaires et chercheurs qui partagent leur critique de la France et de l'État (ceux de la tribune précitée ou encore très souvent à Paris 8 Saint-Denis), ils sont devenus visibles dans l'espace public. Et leurs idées prennent du poids au sein d'une jeunesse précaire notamment. Même s'ils ont visiblement bien plus de difficultés à convaincre dans les quartiers sensibles que dans les amphis de Paris 8 ou les manifestations parisiennes.

À quel moment l'antiracisme a-t-il basculé dans les dérives actuelles?

Il est difficile de dater précisément un tel basculement. C'est un processus long qui s'est amplifié ces dernières années dans les grandes sociétés multiculturelles occidentales. Il y a plusieurs éléments à prendre en compte.

Pierre-André Taguieff avait déjà parfaitement repéré l'ambiguïté du combat antiraciste (qui partage avec le racisme des éléments communs dans la manière d'essentialiser l'individu) tel qu'il était mené dans les années 1980, par SOS Racisme notamment, dans son livre de 1988 La Force du préjugé.

Pour ma part, j'y ajouterai un élément de contexte plus général que j'appelle le tournant identitaire tel qu'il s'est dessiné aux États-Unis notamment à la fin des années 1960 et au début des années 1970 lorsque les considérations autour de critères identitaires minoritaires (race, sexe, orientation sexuelle, religion, pays d'origine, langue minoritaire…) sont devenues de plus en plus importantes dans les mobilisations politiques et sociales au nom d'un rattrapage historique, d'une reconnaissance de droits ou de valorisation de traits spécifiques de l'identité. Toutes les spécificités ont connu cette évolution, cette «identitarisation» si l'on veut qui est venue selon les cas remplacer, compléter ou transformer le rapport essentiellement social, de classe notamment, qui surdéterminait jusqu'ici les combats politiques, à gauche mais aussi à droite d'une certaine manière.

Ces dernières décennies, en France, il faut y ajouter la dérive plus marquée encore de toute une partie de la gauche, politique, intellectuelle et médiatique.

Ces dernières décennies, en France, il faut y ajouter la dérive plus marquée encore de toute une partie de la gauche, politique, intellectuelle et médiatique. L'abandon d'un projet de transformation ambitieux du capitalisme a conduit à un double effet. Premier effet, le maintien délétère, auprès de nos concitoyens, d'une sorte de geste «de gauche» principalement économiste voire économiciste, tendant soit à un «réformisme» social-libéral, en fait d'acceptation des injonctions à la libéralisation, notamment dans le cadre européen, soit à un anti-capitalisme rhétorique mais parfois très virulent (justifiant notamment un certain degré de violence sociale) dont le seul réel enjeu politique est le maintien d'un niveau élevé de dépenses publiques assurant notamment à la gauche partidaire, syndicale et associative, la permanence de ressources et d'un électorat suffisamment importants pour continuer de compter historiquement.

Le second effet est l'indulgence manifestée au sein de ces deux options d'abord économicistes envers les exigences identitaires les plus marquées, voire les plus caricaturales, issues des revendications de minorités organisées, d'activistes, d'entrepreneurs identitaires… qui ont servi à la fois de relais et d'excuse à l'abandon du projet de transformation du capitalisme. Si bien que la gauche, toutes tendances confondues, est devenue très largement aveugle aux enjeux de l'identité commune, majoritaire, celle d'une société, d'une nation et d'un peuple en proie à de transformations considérables dues à la mondialisation et à la construction européenne.

Tout ce qui pouvait de près ou de loin avoir à faire avec la Nation, les frontières, l'intégration à une culture nationale commune, la fierté d'être Français, devenait mécaniquement d'extrême droite.

Cette identité-là a elle-même ainsi été «identitarisée» selon le processus d'essentialisation décrit plus haut, en devant une identité culturelle particulière, celle des «petits Blancs», des «Français de souche», des «Occidentaux» voire des «chrétiens», parmi d'autres. Certes majoritaire (donc toujours déjà coupable envers les minorités) mais surtout captée, dans son principe même, dans son essence…, par l'extrême droite. La boucle infernale de la politique française pendant 30 ans était bouclée: le FN était le parti par définition selon cette logique identitaire de la majorité occidentale, blanche, chrétienne…qui compose la France (qualifiée de «moisie» au regard d'une histoire bien évidemment avant tout raciste, coloniale et esclavagiste), donc tout ce qui pouvait de près ou de loin avoir à faire avec la Nation, les frontières, l'intégration à une culture nationale commune, par l'école notamment, la fierté d'être Français, etc. devenait mécaniquement d'extrême-droite.

Le piège identitaire a broyé la gauche française à partir des années 1980 bien plus encore que ses échecs économiques - qui doivent être évalués eux au regard de ses succès. L'antiracisme, c'est cette histoire-là. Et pour dire les choses simplement, tant que la gauche n'en sortira pas, même dans ses marges, elle n'aura aucune chance de peser sur le destin du pays, quelle que soit son orientation économique.

Comment ces mouvements islamistes sont-ils parvenus, comme le rappelle Jean Birnbaum, à noyauter certains milieux d'extrême-gauche pourtant libertaires, au point de voir l'idéologie de la lutte des races prendre peu à peu le pas sur celle de la lutte des classes?

Aujourd'hui la complaisance dont je parlais plus haut est surtout marquée envers l'islam, considérée par toute une partie de la gauche, pas seulement de l'extrême-gauche, comme la religion par excellence des opprimés et des dominés. Les damnés de la terre sont aujourd'hui d'abord et avant tout les musulmans, et non plus les travailleurs, les prolétaires ou les ouvriers, pour cette gauche, et notamment les musulmans qui vivent dans les pays européens, issus de l'immigration et venus de pays anciennement colonisés. C'est ce qui a permis ces dernières années, alors que partout on assiste à une radicalisation de toute une partie de l'islam, sous des formes qui peuvent être plus ou moins violentes, cette interpénétration étonnante entre l'islamisme et le gauchisme.

On trouve désormais des exemples de cette collusion chaque jour, dont quelques-uns seulement sont médiatisés. Ainsi, le cas de la députée Danièle Obono de la France Insoumise dont on a parlé récemment, qui est de longue date proche du Parti des Indigènes de la République. On peut aussi citer cette affaire en cours à Saint-Denis d'un élu de la majorité municipale, Madjid Messaoudene dont je parlais plus haut, qui s'en prend à une principale de collège de la ville, Véronique Corazza, car celle-ci a simplement souligné le jeu trouble de cet élu avec les islamistes dans sa commune.

Jean Birnbaum rappelle que les Indigènes n'ont pas d'implantation réelle dans les quartiers ni de réelle force militante et ne doivent leur poids qu'à quelques universitaires adeptes de la culpabilisation postcoloniale. Cette querelle d'intellectuels est-elle représentative de ce qui se passe sur le terrain, à La Chapelle-Pajol ou dans les «territoires perdus de la République»?

C'est exactement ce que je soulignais plus haut: s'ils n'avaient pas de relais politiques, universitaires et médiatiques, personne ou presque n'entendrait parler de ces extrémistes de l'identité.

Les universitaires apportent la caution de leur savoir, de leur légitimité académique à ces dérives.

La responsabilité des intellectuels, au sens large, mais des universitaires et des chercheurs au sens plus étroit, est très importante. Car ils apportent la caution de leur savoir, de leur légitimité académique à ces dérives. Ils légitiment des constructions purement instrumentales et politiques au nom d'un savoir qui serait désormais au cœur des sciences sociales. Le détournement de la notion d'intersectionnalité des luttes en est un exemple frappant.

La bataille se joue aussi dans ce monde académique où l'on trouve des militants très radicaux sous les habits du chercheur ou du professeur. On a vu les dégâts que cela pouvait causer après les attentats terroristes notamment lorsque des sociologues en particulier sont intervenus pour disculper les terroristes de toute responsabilité à raison de leur origine sociale, de la laïcité qui contraindrait l'islam ou même de «l'islamophobie» qu'ils auraient subie dans la société française, et notamment de la part de l'État.

Les mêmes sont à l'œuvre pour expliquer qu'il ne se passe rien ou qu'on ne comprend jamais ce qui se passe lorsque des femmes par exemple, puisque vous citez La Chapelle-Pajol, se font harceler ou attaquer dans certains quartiers davantage que dans d'autres. Ce déni du réel qu'on avait vu aussi à l'œuvre à Cologne en Allemagne sur le même sujet pose de lourds problèmes. D'abord parce qu'il ne permet jamais de traiter efficacement les problèmes qui se posent et qui empoisonnent la vie de certains de nos concitoyens, ensuite parce qu'il paralyse tout débat au sein de la gauche et dans le monde intellectuel. Laissant la place libre aux entrepreneurs identitaires et aux tenants des visions les plus fausses autant que les plus extrémistes. On est donc perdant sur tous les tableaux.

J'espère que la prise de conscience, même tardive, de journalistes comme Jean Birnbaum pourra permettre d'avancer un peu et de faire reculer ce cancer identitaire qui a envahi le débat public.

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Bensoussan relaxé : la victoire du véritable antiracisme face au communautarisme (13.03.2017)

Par Caroline Valentin
Mis à jour le 13/03/2017 à 18h10 | Publié le 13/03/2017 à 16h56

FIGAROVOX/TRIBUNE- Le Tribunal correctionnel de Paris a relaxé Pascal Bruckner et Georges Bensoussan, accusés respectivement d'islamophobie et de provocation à la haine. Pour Caroline Valentin, ces «décisions salutaires» doivent mettre fin à la dénaturation de la lutte contre le racisme.


Caroline Valentin est coauteur de Une France soumise, Les voix du refus


En relaxant successivement Pascal Bruckner et Georges Bensoussan, le Tribunal correctionnel de Paris a redonné ses lettres de noblesse à la lutte contre le racisme et au-delà de celle-ci, à la notion de débat d'idées. Ces décisions salutaires viennent mettre un point que l'on espère final à la dénaturation calamiteuse dont le concept même de lutte contre le racisme, pourtant a priori plutôt élémentaire, faisait l'objet jusque-là dans le débat public, et à l'instrumentalisation de la justice par les associations communautaristes pour réduire leurs opposants au silence. Il est aujourd'hui clair que dénoncer l'intolérance, fut-elle le fait d'une minorité, ne constitue ni du racisme, ni de la diffamation. On est surpris qu'il ait fallu attendre aussi longtemps pour se l'entendre dire, en termes enfin clairs.

Ce rappel est d'autant plus salutaire que l'évidence en question n'en est aujourd'hui pas une pour tout le monde. La lutte contre le racisme a été tellement dévoyée que toute une partie de l'élite médiatique, politique et intellectuelle, dont le rôle premier est pourtant de penser ces concepts et de participer à leur nécessaire actualisation, en est arrivée à considérer qu'en matière de racisme et d'intolérance, la sévérité requise contre la population majoritaire n'était pas applicable à l'encontre des minorités. Considérées comme des victimes éternelles d'une ségrégation sociale que d'aucuns n'ont pas hésité à assimiler à l'Apartheid, leur manifestation de haine, leurs violences, leurs outrances sont analysées comme l'expression d'une souffrance qui justifie tout ou presque et les dispense de la maîtrise de soi pourtant indispensable à la vie en collectivité. Il s'agit en définitive d'effectuer une partition de l'humanité en deux groupes sur un critère ethnique, distinguant ceux qui peuvent et donc doivent gérer leur impulsivité et ceux que l'on dispense de cette exigence. Ainsi aboutit-on à créer, au nom de l'antiracisme, une distinction quasi anthropologique entre les citoyens ; l'Enfer est décidément pavé de bonnes intentions.

Les rapports de la CNCDH n'étudient que le racisme de la majorité vis-à-vis de la minorité.

Ce postulat idéologique affecte jusqu'aux enquêtes de la pourtant très respectée Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH). Cette dernière, qui dispose d'un mandat législatif pour l'exercice de sa mission, produit chaque année un rapport annuel sur le racisme, l'antisémitisme et les discriminations qui reçoit un large écho dans la presse. Comme l'explique toutefois Michèle Tribalat dans le livre Une France soumise. Les voix du refus publié en janvier dernier, dirigé par Georges Bensoussan, préfacé par Elisabeth Badinter et dont je suis coauteur, les rapports de la CNCDH n'étudient que le racisme de la majorité vis-à-vis de la minorité: dans le rapport publié en 2016, les auteurs indiquent qu' «il s'agit au premier chef des attitudes du groupe majoritaire à l'égard des différentes minorités qui composent la société, mais elles peuvent concerner les perceptions entre groupes minoritaires». Le racisme des minorités à l'égard du groupe majoritaire est donc exclu d'emblée. Par exemple, l'une des questions - posées à toute la population, minorités comprises - du sondage sur lequel repose l'analyse de la CNCDH est de demander aux sondés s'ils estiment qu'il est grave «d'être contre le mariage de ses enfants avec une personne d'origine maghrébine». Une réponse positive à cette question - oui, il est grave d'être contre le mariage de l'un de ses enfants avec un(e) maghrébin(e) - sera interprétée comme un signe de tolérance, y compris si le sondé est lui-même maghrébin (!).

Outre son fondement raciste, les conséquences de cette vision de la société reviennent à abandonner l'idée d'inculquer à toute une partie de nos concitoyens un interdit aujourd'hui inhérent à l'identité culturelle française, revenant à leur fermer les portes d'une intégration à la Nation sans laquelle une vie paisible et heureuse en France est en pratique impossible.

La France elle-même a fait ce chemin nécessaire vers l'interdit de l'essentialisation.

Pourtant, il est possible de changer ses repères culturels. La France elle-même a fait ce chemin nécessaire vers l'interdit de l'essentialisation. Jusqu'à la première moitié du XXème siècle, la société française était pénétrée d'un antisémitisme bon teint illustré notamment par la désolante affaire Dreyfus ; une personnalité aussi éminente que Coco Chanel pouvait tranquillement y déclarer qu' «il existe trois catégories: les Juifs, qui sont mes amis que j'adore et je l'ai prouvé, les Israélites, dont il faut se méfier comme de la peste, et les Youpins, qu'il faut exterminer tout de suite» sans déclencher d'indignation particulière. Mais la guerre et la Shoah sont arrivées et ont conduit les civilisations européennes qui avaient participé au conflit, et notamment la France, à se remettre profondément en question et à aboutir à ce qu'aujourd'hui, la condamnation du racisme, de l'antisémitisme et de toute autre forme d'essentialisation soit partie intégrante de notre identité culturelle.

Force est de constater qu'une partie de notre population issue de l'immigration, venant de cultures différentes avec leurs propres trajectoires historiques et arrivée en majorité bien après la Seconde Guerre mondiale, n'a pas intégré ces interdits. Pour différentes raisons - un prisme idéologique de gauche reposant sur une division binaire simpliste de l'humanité entre oppresseurs et opprimés, un mondialisme arrogant, un électoralisme cynique, une tendance culturelle à l'évitement des conflits, une médiocrité patente, -, l'élite intellectuelle, les acteurs de la lutte contre le racisme, les responsables politiques et l'École, qui n'est finalement que l'émanation de la société, n'ont à cet égard clairement pas rempli leur rôle. La propagande d'un islam politique offensif et agressif a prospéré sur ces indulgences, ces évitements et ses compromissions. L'enclavement géographique d'une partie de ces minorités, pas uniquement subi quoi qu'on en dise, les prive d'une expérience de l'Autre qui leur permettrait de réaliser l'illégitimité de leur haine. L'attachement traditionnel de ces minorités à l'islam comme référent culturel personnel les rend particulièrement réceptifs à un discours habile qui instrumentalise la religion et les hommes au service d'objectifs beaucoup plus politiques que spirituels, comme en témoigne par exemple l'ex Frère Musulman Farid Abdelkrim. Enfin, l'individualisme qui règne en France comme dans toutes les sociétés occidentales neutralise peu à peu le contrôle social, c'est-à-dire l'ensemble des réactions spontanées d'approbation ou de réprobation des individus dans l'espace public. Toute tentative de contenir l'expression du moi dans les limites de la décence commune est vue comme une insupportable atteinte aux droits et libertés fondamentaux. Ce contrôle social est pourtant l'outil majeur de constitution et de transmission des us, coutumes et mœurs propres à notre identité culturelle, et un vecteur d'intégration des minorités tout à fait essentiel.

Cet antiracisme dévoyé a creusé la tombe de notre modèle français d'intégration.

Cet antiracisme dévoyé a creusé la tombe de notre modèle français d'intégration, alors même que notre expérience, désormais séculaire, en matière d'accueil d'immigrés nous en avait confirmé la pertinence. L'impact dans les «quartiers» de la rhétorique haineuse des militants identitaires, dénoncée par Pascal Bruckner et qui, comme en a témoigné au procès de ce dernier Siham Habchi, ancienne présidente de «Ni putes ni soumises», «propagent (…) l'idéologie de l'opprimé et installent l'idée que ces jeunes ne sortiront jamais de leur condition et que les coupables sont la République et la France», est largement renforcé par le fait que ces militants sont généralement considérés comme des interlocuteurs respectables et représentatifs par les médias. Leurs propos les plus condamnables sont trop souvent tolérés sinon approuvés.

Il est plus que temps de mettre un terme à ce jeu de massacre et de regarder les choses en face. L'affaire Mehdi Meklat nous en a malheureusement donné l'occasion.

Tout a déjà été dit ou presque sur Mehdi Meklat, ce jeune journaliste du Bondy Blog, chroniqueur pendant 5 ans dans l'émission de Pascale Clark sur France Inter puis sur Arte, dont les tweets chargés de haine antisémite, homophobe, francophobe et misogyne ont refait surface il y a quelques semaines: la personnalité détestable de Mehdi Meklat révélée par ces tweets, la complaisance incompréhensible et révoltante dont une partie de l'intelligentsia médiatique a fait preuve envers cette petite frappe haineuse, inculte et ingrate.

Rien de tout cela n'était imprévisible.

Osons néanmoins une remarque: rien de tout cela n'était imprévisible. La position de Monsieur Meklat était totalement schizophrénique: son propos - et son gagne-pain - était de faire le procès à charge de la société française, accusée d'être incurablement raciste, éternellement colonialiste envers des minorités stigmatisées et reléguées socialement. Or c'est à cette même société qu'il devait sa réussite et son accès aux médias et au monde de l'édition. Il devenait ainsi la preuve vivante de l'inanité de son propre discours: auto missionné pour exprimer haine et rancœur, il se trouvait accueilli avec tendresse et bienveillance par «l'ennemi» et contraint de lui témoigner de la gratitude, de l'amitié, au risque d'être considéré comme un traître par ceux dont il prétendait porter la voix.
C'est là que les fameux tweets de Monsieur Meklat prennent toute leur signification. La vérité est que, comme Georges Bensoussan l'a déploré, comme «une France soumise..» le montre, est que cette partie des musulmans que Mehdi Meklat prétend représenter, sous l'effet conjugué de l'entre-soi géographique et d'un islam politique actif et fin stratège, s'est constituée en véritable contre-société qui se définit sur des bases identitaires. La victimisation communautaire et le rejet de l'identité culturelle française et de la société qui l'incarne y sont ses éléments de cohésion. Les individus qui composent ce groupe social revendiquent une identité africaine et musulmane non pas corrélative à leur identité française mais exclusive de celle-ci. Ce fondement identitaire se retrouve dans leur lecture fondamentaliste de la religion musulmane selon laquelle, comme l'indique Waleed Al-Husseini dans notre livre, «le musulman, l'oumma, le Dar al-Islam sont supérieurs à tout autre homme, groupe social ou nation non musulmane». Ce discours est également porté par Marwan Muhammad, président du Collectif contre l'Islamophobie en France (CCIF), association soutenue par Mehdi Meklat et son acolyte Badrou. Si tous les musulmans de France ne prennent fort heureusement pas au pied de la lettre cette logique essentialisante, celle-ci est en revanche au cœur de cette contre-société. Les membres de ce groupe s'interpellent par des «mon frère», «ma sœur» qui, sous des apparences bonhommes, sous-entendent bien la distinction très claire qu'ils souhaitent manifester entre eux et le reste de la société, en contradiction frontale sinon revendiquée avec les principes d'égalité et de fraternité universelles inhérents à l'identité culturelle française. La soumission au groupe y occupe une place essentielle, là encore en opposition avec les principes fondateurs de la société française que sont la liberté et l'émancipation.

Inégalité, soumission, victimisation, rejet de l'autre, influence d'un islam fondamentaliste salafiste politisé, attitude vindicative et revendicative, rejet de la société française...

Inégalité, soumission, victimisation, rejet de l'autre, influence d'un islam fondamentaliste salafiste politisé, attitude vindicative et revendicative, rejet de la société française et de toutes les valeurs qui la caractérisent, ce cocktail détonnant explique peut-être que toutes les formes d'essentialisation que sont le racisme, l'antisémitisme, la xénophobie, l'homophobie et le sexisme soient très prédominantes dans les codes culturels de ce groupe. L'affaire Mehdi Meklat n'en est malheureusement qu'une illustration parmi tant d'autres, trop d'autres: ainsi de la révélation des tweets racistes et homophobes de la jeune actrice Oulaya Amamra, du tweet au relent antisémite et complotiste de la réalisatrice Houda Benyamina, toutes deux par ailleurs couronnées lors de la dernière cérémonie des Césars et qui n'ont pas jugé utile de faire amende honorable. L'annulation du concert de Black M, prévu à l'occasion du centenaire de la bataille de Verdun en 2016, était dû exactement aux mêmes causes, savoir les paroles racistes, antisémites et homophobes de certaines chansons du groupe de rap Sexion d'Assaut dont il avait précédemment fait partie. Antisémitisme et références haineuses à Israël, homophobie, sexisme, injures, on retrouve tous ces marqueurs dans les fameuses éructations digitales de Monsieur Meklat ; les relayer, sachant que ses comptes Twitter étaient vraisemblablement populaires au sein de cette contre-société, ce n'était en définitive, pour Monsieur Meklat, qu'un moyen de faire allégeance à celle-ci et d'affirmer qu'il n'avait pas cessé d'être «l'un des leurs» malgré sa réussite médiatique et ses nouvelles accointances dans le «camp d'en face». Encore une fois, rien de très surprenant en somme.

Attention, cette contre-société n'inclut pas tous les musulmans vivant en France, ni même tous les musulmans vivant dans ces quartiers, loin de là. Ces - nombreux - Français ou étrangers de confession musulmane qui adhèrent au modèle républicain et vivent dans une démarche d'intégration culturelle, ceux que le sociologue Tarik Yildiz appelle les «musulmans discrets», sont fermement opposés à l'instrumentalisation qui est ainsi faite de leur religion à des fins politiques. Ces musulmans-là ont leurs porte-paroles, dont certains sont très présents, notamment sur les réseaux sociaux (Mohammed Louizi, Nadia Remadna, Malika Sorel-Sutter, Amine El Khatmi, Henda Ayari, Hocine Drouiche, l'imam Chalgoumi pour ne citer que quelques-uns d'entre eux). Mais l'invisibilité sociale qu'ils revendiquent, leur refus de faire l'objet d'une classification identitaire freinent leur coalition au sein de groupements et d'associations susceptibles d'être une rampe d'accès aux médias. Par ailleurs, les liens personnels, amicaux ou familiaux, qu'ils peuvent avoir avec des coreligionnaires plus vindicatifs, l'esprit de clan assez classique au sein des minorités culturelles de toute société et la peur de se retrouver ostracisés socialement freinent l'expression de leur réprobation. C'est le plus souvent en silence qu'ils souffrent d'un amalgame ravageur pour eux-mêmes et pour la cohésion sociale et la paix de la société tout entière. Les cris d'alerte que certains d'entre eux osent, malgré les menaces, lancer restent sans écho auprès de nos institutions et de nos médias dominants. Considérés par leurs coreligionnaires communautaristes comme des renégats, des «collabeurs» (l'expression existe), ils courent le risque d'être à terme rejetés par une société majoritaire dont le système de valeurs chancelle déjà sous l'impact de ces polémiques absurdes et de la pénurie de responsables politiques défendant la prévalence pourtant logique et légitime de l'identité culturelle française en France.

Il est aujourd'hui temps de mettre un terme à ces dérives.

Il est honteux, scandaleux, inacceptable que les tweets de Monsieur Meklat ne provoquent pas la levée de boucliers unanime qu'ils auraient dû susciter.

Dans la France de 2017, où vivent encore des témoins de la Seconde Guerre Mondiale, du nazisme, de la collaboration et des camps, il est honteux, scandaleux, inacceptable que les tweets de Monsieur Meklat ne provoquent pas la levée de boucliers unanime qu'ils auraient dû susciter.

De même, il est extrêmement alarmant que la polémique qui a entouré le procès de Georges Bensoussan et les débats sur la maladresse de la formulation utilisée par ce dernier aient si commodément permis de faire l'impasse sur le message fondamental, savoir l'existence de cet antisémitisme spécifique. Le sociologue algérien Smaïn Laacher l'avait pourtant confirmé dans le documentaire «Prof en territoire perdu de la république?» de Georges Benayoun. Les propos de Smaïn Laacher, auxquels d'ailleurs Georges Bensoussan avait fait explicitement référence, ont été accueillis dans un silence assourdissant. C'est ce même silence qui a suivi la publication le 31 janvier 2017 par le JDD d'un sondage Ipsos sur l'antisémitisme en France. Le compte rendu de ce sondage, qui traduit l'existence de préjugés antisémites plus importants chez les musulmans que dans l'ensemble de la population, cite l'écrivain algérien Boualem Sansal: ««Je constate avec regret que l'antisémitisme ne fait pas que s'étendre dans la communauté musulmane, il se fait âpre. Il se construit, se radicalise en même temps que l'islamisme se développe et se radicalise lui-même. (…) l'antisémitisme, qui, jusque-là se tenait un peu dans le vague, se donne, chez des jeunes en rupture avec la culture et l'identité françaises, de plus en plus d'images précises sur lesquelles prospère tout un discours d'exécration: le Crif, la Licra, des personnalités juives ou supposées telles, et même des synagogues. Il se donne aussi des héros connus pour leur position antisioniste, anti-Israël, et supposés viscéralement antisémites - Dieudonné, Soral, Houria Bouteldja…».

Si aucune des associations antiracistes majeures - MRAP, Ligue des Droits de l'Homme (LDH), SOS Racisme, Licra - ne s'est à ce jour saisie de ce combat, elles ont en revanche toutes répondu présent quand il s'est agi d'aller attaquer pour incitation à la haine un Georges Bensoussan qui en définitive avait uniquement fait leur travail à leur place. Leur présence à ce procès aux côtés du CCIF, sans doute l'une des pires associations de propagation de l'islamo-fascisme, était symboliquement aussi désastreuse que révélatrice du bourbier idéologique dans lequel l'antiracisme a sombré. Et ces associations n'ont pas encore fait leur aggiornamiento, si l'on en juge par la tribune louvoyante de Dominique Sopo, président de SOS Racisme, sur l'affaire Meklat, ou le silence de la LDH qui, à l'heure où j'écris ces lignes, ne s'est toujours pas exprimé sur l'affaire Meklat. «Ils y réfléchissent» paraît-il. Ils réfléchissent au point de savoir si «Faites entrer Hitler pour tuer des juifs», c'est vraiment de l'antisémitisme, ou si «vive les PD! Vive le Sida! avec François Hollande», c'est vraiment de l'homophobie … Consternant.

Cette bienveillante indifférence à la haine est un poison social violent.

Cette bienveillante indifférence à la haine est un poison social violent qui, en falsifiant le concept même de racisme dans l'intelligence collective, encourage sa désinhibition et attise les divisions. Si nous persistons à «ne pas voir ce que l'on voit», comme l'écrivait Charles Péguy, à ne pas faire le diagnostic de ce «fascisme vert», nous nous privons de la possibilité de réfléchir aux moyens de le combattre. Nous condamnons alors de facto une partie vraisemblablement croissante de nos concitoyens issus de l'immigration à une impossibilité de s'intégrer qui sera leur malheur, et le nôtre. C'est ce que notre expérience historique de plus vieux pays d'immigration d'Europe nous a appris. C'est aussi ce qui vient d'être confirmé par le chercheur Boussad Boucenna dans son livre Ces enfants d'immigrés qui réussissent où il démontre la corrélation entre la réussite professionnelle et le degré d'intégration des familles - et au passage, qu'il existe toute une population de musulmans qui ne se retrouvent pas du tout dans les discours vindicatifs des militants identitaires et de l'islam politique. Ce ne sont pas Tariq Ramadan, Marwan Muhammad, Les indigènes de la République ou le Bondy Blog qui vont donner à leurs partisans une place dans la société: c'est le reste de la communauté, encore très majoritaire sur le territoire, rappelons-le.

Ne nous y trompons pas: l'islam politique a un objectif affirmé de conquête. Sa stratégie consiste à détruire l'idée d'une nation et d'une république une et indivisible pour la morceler en une série de communautés aux intérêts distincts et potentiellement antagonistes, afin, dans un temps plus long, de susciter des conflits intercommunautaires dont ils espèrent un grand soir. Meklat et ses inspirateurs doivent être considérés pour ce qu'ils sont, les agents de la libanisation des esprits, préalable tactique à cette libanisation du pays. Les Français d'origine musulmane qui ont été emportés dans ce combat identitaire sont, il est vrai, des victimes. Mais ils sont moins des victimes du racisme de la société majoritaire que de la propagande identitaire pilotée par l'islam politique et catalysée par nos propres errements.

À chaque fois que nous décidons de nous taire alors que nous aurions dû parler ou agir, nous participons à la dégénérescence de notre patrimoine symbolique commun.

Il est urgent de retracer les lignes jaunes entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Les élites doivent assumer leur responsabilité en termes de cadrage, en ne laissant plus passer une occasion de fustiger publiquement et de manière répétée des comportements en contravention avec notre pacte républicain. Ils doivent s'atteler à désenclaver les quartiers et à s'engager à faire respecter toutes les lois, toujours et partout sur le territoire, y compris là où cela est le plus ardu. Ce sujet devrait être central dans la campagne présidentielle. Il ne l'est malheureusement pas. Les citoyens eux aussi ont un rôle qui ne se limite pas à l'exercice de leur droit de vote. Ils doivent également reprendre la main sur cet outil d'intégration très puissant qu'est le contrôle social, en étant conscients que chaque mauvais comportement s'exprimant dans l'espace public sans susciter de réactions d'indignations laisse une trace dans la définition commune de nos us et coutumes ; à chaque fois que nous décidons de nous taire alors que nous aurions dû parler ou agir, nous participons à la dégénérescence de notre patrimoine symbolique commun. L'action est le prix à payer pour être à la hauteur des valeurs que nous prétendons incarner.
Caroline Valentin


«Le procès Bensoussan ou l'indignation à géométrie variable des pseudo-antiracistes» (27.01.2017)
Par Céline Pina
Mis à jour le 27/01/2017 à 15h26 | Publié le 27/01/2017 à 12h35

FIGAROVOX/TRIBUNE - L'auteur des Territoires perdus de la République et récemment de La France soumise est accusé d'incitation à la haine raciale. Céline Pina défend Georges Bensoussan, victime de ce péché d'islamophobie qui instille le séparatisme dans le pays.

Ancienne conseillère régionale d'Ile-de-France, Céline Pina est essayiste et militante. Elle avait dénoncé en 2015 le salon de «la femme musulmane» de Pontoise et a récemment publiéSilence Coupable (éditions Kero, 2016). Avec Fatiha Boudjahlat, elle est la fondatrice de «Viv(r)e la République», mouvement laïque féministe et républicain appelant à lutter contre tous les totalitarismes et pour la promotion de l'indispensable universalité de nos valeurs républicaines.

De nombreux amis sont allés assister au procès intenté à Georges Bensoussan pour incitation à la haine raciale. Ils sont revenus choqués de cette audience. La phrase qui est reproché à Georges Bensoussan ; «l'antisémitisme on le tête au lait de sa mère» pour maladroite qu'elle puisse être, se réfère à une interview de Smain Laacher, sociologue algérien dit dans le documentaire sur les territoires perdus de la république où il dit: «Cet antisémitisme, il est déposé dans l'espace domestique. Il est quasi naturellement déposé sur la langue, dans la langue» (Smain Laacher, suite à la polémique déclenchée par ces propos avait porté plainte pour diffamation et déformation de ses propos, mais l'extrait du film étant explicite et clair, il a retiré sa plainte).

Outre que comme le remarque Martine Gozlan, dans un article remarquable dans Marianne, là où le sociologue n'est pas mis en cause pour ses propos, Georges Bensoussan, lui, est cloué au pilori, on n'a pas assisté à une discussion prenant en compte le fait que les propos étaient oraux, qu'ils étaient tiré d'une émission à dimension polémique, que s'ils méritaient d'être explicités et nuancés, ils ne valaient pas forcément procès mais à la mise en cause de l'honneur d'un homme.

On finit par accuser très facilement l'autre de raciste, moins pour lutter contre ce fléau, que pour se donner l'absolution de ne pas l'être soi-même.

Mes proches, présents à l'audience, ont souligné la qualité des interventions de la présidente du tribunal et l'agressivité comme le manque de nuance de la plaidoirie de la procureure. Mais surtout tous sont revenus avec le sentiment que le chantage islamiste, accusant tous les esprits libres de racisme, mettant la pression sur les associations antiracistes pour qu'elles intègrent la notion d'islamophobie (qui n'est autre que l'interdiction du blasphème), accusant toute personne d'origine arabo-musulmane dénonçant les ravages de cette idéologie politique, d'être traitre à sa communauté, faisait son chemin.

On en vient même au point où pour se rassurer sur ce que l'on est, on finit par accuser très facilement l'autre de raciste, moins pour lutter contre ce fléau, que pour se donner l'absolution de ne pas l'être soi-même, tant cette accusation est insupportable quand on croit à l'égalité des hommes et à l'inanité du concept de race. Mais tomber dans cette ornière est encore pire que le mal qui l'a creusé.
Ce qui a frappé une partie de l'assistance, c'était le sentiment que l'on jugeait moins les propos en cause, pourtant contestables par le fait même de leur généralité, que l'on n'instruisait le procès d'un homme en le réduisant à une phrase prononcée dans une émission, alors même que c'est l'intégralité de son travail intellectuel et de ses publications qui lui valent la haine du CCIF.

Car si c'est bien le parquet qui a poursuivi, la dénonciation émane du CCIF.

Georges Bensoussan n'a pas été ciblé au hasard, il vient de sortir un livre coup de poing, Une France soumise qui plus de 10 ans après Les territoires perdus de la République montre que l'emprise de l'Islam politique s'étend dans les mentalités. Il devient donc urgent de le discréditer pour discréditer les témoignages de cette avancée.

Devenir par exigence de pureté et de perfection l'allié de ceux que l'on combat doit interpeller.

N'oublions pas non plus qu'en exacerbant les tensions et en criminalisant tous ceux qui s'expriment sur ces sujets, non seulement on sème le trouble dans le camp laïque qui à force d'exigence de perfection de ses représentants finit par se désarmer voire à attaquer et dévorer ses propres enfants. Au point que l'on peut y voir une métaphore de la guerre d'Espagne ou à force d'exigence de pureté idéologique impossible à atteindre, les staliniens ont tranquillement fait le boulot des franquistes, épurant les rangs républicains jusqu'à la défaite, préférant livrer l'Espagne à la dictature que sauver la république.

Devenir par exigence de pureté et de perfection l'allié de ceux que l'on combat doit interpeller. La vie n'est pas manichéenne mais se retrouver aux côtés du CCIF et de Nacira Guenif dans un procès interrogeant la notion de racisme, cela pose quand même un peu question.

Enfin, la notion d'islamophobie, les attaques des intellectuels, la decredibilisation des acteurs du monde républicain et laïque, le chantage à la trahison exercé sur les citoyens d'origine arabo-musulmane vise à figer une représentation du monde où l'antagonisme et la règle: il y a eux et nous, et si vous n'êtes pas avec nous, vous êtes avec eux et vous trahissez l'Islam et vos origines. C'est ainsi que l'islam politique utilise le conditionnement de la religion pour empêcher les individus d'exercer leur libre arbitre en les plaçant dans une alternative réductrice: la soumission ou la trahison. En essayant de définir le camp laïque comme l'ennemi d'une seule religion, il nie la réalité de la situation: les intégristes catholiques sont combattus politiquement et sans que cela pose de problème de conscience à qui que ce soit et je trouve cela très bien. Mais surtout, ce que les représentants de l'islam politique essaient d'effacer, c'est la réalité: l'offensive terroriste qui vise à déstabiliser notre pays par le sang mais aussi par la propagande idéologique, dont l'aboutissement est l'utilisation des libertés démocratiques pour en faire des armes de censure.

Il s'agit d'installer le séparatisme et l'idée que la fraternité républicaine ne peut exister, en tuant l'exigence qui la permet : le dépassement de ses identités secondaires.

Ces conflits de loyauté, chauffés à blanc, ont pour but aussi de réagréger toute une communauté autour de valeurs qui l'empêchent de trouver sa place dans la société, il s'agit d'installer le séparatisme et l'idée que la fraternité républicaine ne peut exister, en tuant l'exigence qui la permet: le dépassement de ses identités secondaires (sexe, couleur de peau, appartenance religieuse, statut social...) pour devenir des citoyens égaux liés entre eux par les devoirs qu'ils partagent et les droits qu'ils acquièrent. Pour cela il faut rendre la liberté de parole et d'allégeance coûteuse et elle le sera d'autant plus si on laisse s'installer la représentation que là où l'allégeance à l'islam politique protège, vous intégre à un projet politique, religieux et culturel, le choix du combat républicain fait de vous une cible d'autant plus facile à atteindre que les snipers de votre propre camp peuvent faire le boulot avant même que vous n'ayez atteint la ligne de front.

C'est d'autant plus choquant que tandis qu'une phrase de Georges Bensoussan devient l'occasion d'une foire d'empoigne et d'une démonstration de vigilance des associations anti-raciste, le livre de Houria Bouteldja, égérie des indigènes de la République, véritable mine de la pensée raciste et séparatiste et ce dès le titre: les blancs, les juifs et nous, n'a été attaqué par aucune grande conscience de l'antiracisme alors que cette femme a été invitée sur tous les plateaux de télé pour promouvoir un racisme décomplexé. Bref au terme de cette journée d'audience, c'est l'impression d'un immense gâchis qui domine.

Délibéré le 7 mars.

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Procès Bruckner : une défaite pour les «collabos» de l'islamisme (19.01.2017)

Par Alexandre Devecchio
Publié le 19/01/2017 à 13h01

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Deux associations qui avaient attaqué Pascal Bruckner pour diffamation suite à des propos sur l'islamisme ont été déboutées par la justice. Pour Laurent Bouvet, c'est une victoire importante pour la liberté d'expression.

- Crédits photo : Vim/Vim/ABACA
Laurent Bouvet est professeur de Science politique à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il a publié L'Insécurité culturelle chez Fayard en 2015.

FIGAROVOX. - Pascal Bruckner comparaissait mercredi devant la 17e chambre pour des propos visant deux associations, selon lui, «complices idéologiques» des terroristes: «Les Indivisibles» de la militante antiraciste Rokhaya Diallo (qui n'en est plus membre) et «Les Indigènes de la République» d'Houria Bouteldja. Le philosophe avait déclaré sur le plateau de «28 Minutes», une émission d'Arte, qu'il fallait «faire le dossier des collabos, des assassins de Charlie» et accusé ces associations de «justifier idéologiquement la mort des journalistes de Charlie Hebdo». Que pensez-vous de cette décision? Est-ce une victoire de la liberté d'expression?

Laurent BOUVET. - Cette décision est importante. D'abord, en effet, parce qu'elle est une victoire de la liberté d'expression. Une liberté d'expression de tous ceux qui refusent de se laisser intimider par les entrepreneurs identitaires, comme les Indivisibles ou le PIR, qui utilisent tous les moyens possibles (des réseaux sociaux à la justice) pour faire progresser leur vision communautariste et séparatiste sur une base ethno-raciale dans la société française.

Cette décision met en évidence la continuité idéologique entre les formes les plus violentes, terroristes et djihadistes, et les formes les plus anodines de la dérive islamiste.

C'est aussi une décision importante parce qu'elle met en évidence un phénomène souligné notamment par Pascal Bruckner dans son propos incriminé: la continuité idéologique entre les formes les plus violentes, terroristes et djihadistes, et les formes les plus anodines de la dérive islamiste ou de l'islam politique. Il s'agit en effet d'une différence de degré mais pas de nature entre les unes et les autres. On peut rappeler ici les propos tenus par certains des entrepreneurs identitaires en novembre 2011, après la première attaque contre les locaux de Charlie Hebdo au cocktail molotov: «Il n'y a pas lieu de s'apitoyer sur les journalistes de Charlie Hebdo, que les dégâts matériels seront pris en charge par leur assurance, que le buzz médiatique et l'islamophobie ambiante assureront certainement à l'hebdomadaire, au moins ponctuellement, des ventes décuplées, comme cela s'était produit à l'occasion de la première «affaire des caricatures» -bref: que ce fameux cocktail molotov risque plutôt de relancer pour un tour un hebdomadaire qui, ces derniers mois, s'enlisait en silence dans la mévente et les difficultés financières».

Ce qui est réconfortant, c'est que la justice n'est pas dupe de la stratégie de ces gens.

Sur le fond, le mot «collabo» employé par Bruckner n'est-il pas excessif?

Le mot paraît fort parce qu'il renvoie à la Seconde Guerre mondiale et à l'Occupation, aux «collabos» français avec le nazisme. Mais au-delà de cette évocation historique, il dit bien ce qu'est cette continuité idéologique. Quand on justifie ainsi un premier acte de violence contre un journal comme Charlie Hebdo parce qu'on n'en apprécie pas le contenu, on joue un jeu dangereux dont la tuerie du 7 janvier 2015 sera l'aboutissement tragique. Si les frères Kouachi sont passés à l'acte, ce n'est bien évidemment pas en raison de telles déclarations mais elles font partie d'un contexte général, d'un contexte défavorable à la liberté d'expression dont Charlie Hebdo était déjà un symbole depuis l'affaire des caricatures de Mahomet.

Avec le recul, le débat déclenché par ce procès n'a-t-il pas été salutaire ?

Tout débat de ce genre est salutaire.

Tout débat de ce genre est salutaire. Il permet d'éclairer, publiquement, les positions des uns et des autres, de mettre à jour les stratégies de ces entrepreneurs identitaires comme les islamistes. Il permet de le faire de manière impartiale, devant la justice. Chacun peut alors comprendre, on peut l'espérer, où est non pas la vérité mais la défense de la liberté, d'un certain nombre de principes qui nous permettent de continuer, malgré nos différences et nos différends, de partager l'essentiel, notre commun. En France, en l'espèce, il s'agit de la laïcité, de la liberté d'expression et du droit à la caricature y compris à propos de la religion - du refus de toute idée de blasphème.

Lors du procès, Sihem Habchi, ancienne présidente de «Ni putes ni soumises» a évoqué un «fascisme vert», mais aussi un «fascisme blanc» - qui propage «l'idéologie de l'opprimé et installe l'idée que ces jeunes ne sortiront jamais de leur condition et que les coupables sont la République et la France». Certains intellectuels ont-ils aussi une responsabilité dans cette dérive?

Oui, cette forme d'explication de tous les phénomènes dans la société par le social, et plus précisément par les effets de domination sociale, caractéristique aujourd'hui de tout un pan des sciences sociales françaises fournit son carburant en quelque sorte aux entreprises identitaires. Elle permet en effet à tous ceux qui agissent politiquement sous le couvert de la religion - de l'islam politique tout spécialement - de justifier leur idéologie par une forme d'empirisme qui serait incontestable et imparable. Les jeunes qui versent dans le djihad, par exemple, seraient des dominés, des exclus et des discriminés à la fois, «victimes» (avant donc d'être coupables de quoi que ce soit) des inégalités et de «l'islamophobie» d'une société française décrite comme fermée et figée dans une identité spécifique (laïque, «blanche», occidentale, chrétienne, etc.).

Cette rencontre de la sociologie dite critique et des dérives idéologiques contemporaines conduisent à de bien étranges positionnements.

Cette rencontre de la sociologie dite critique et des dérives idéologiques contemporaines conduisent, au sein de la gauche radicale ou encore du féminisme notamment, à de bien étranges positionnements. Celui, par exemple, qui consiste à expliquer que l'émancipation des femmes musulmanes passe par la liberté de porter le voile. Une liberté non seulement totalement individualisée mais qui ne s'embarrasse même plus de la question de la domination masculine.

Bref, nous assistons là à un naufrage idéologique de toute une partie de la gauche, politique et intellectuelle qui, sous couvert de poursuite de la lutte pour l'émancipation et contre la domination, se retrouve à justifier les pires atteintes aux libertés. D'autant que cette fois, contrairement à ce qui a pu se passer au XXème siècle notamment, ces atteintes aux libertés se font au nom de la religion.

Cette affaire interroge aussi deux concepts qui ont été banalisés par les médias: celui d'«islamophobie» et de «racisme d'État»…?
Exactement. Le déploiement dans le débat public ces dernières années, sous l'impulsion de ces entrepreneurs identitaires (on pense aussi pour «l'islamophobie» au CCIF notamment) et de certains intellectuels et chercheurs, de tels «concepts» est le signe le plus frappant du naufrage dont je parlais à l'instant. Qu'ils soient repris tels quels par certains médias qui les propagent sans les interroger en dit long aussi sur la capitulation d'une partie de la presse.

Ces «concepts» d'islamophobie et de racisme d'État ne sont pourtant que des instruments au service d'un combat idéologique.

Ces «concepts» ne sont pourtant que des instruments au service d'un combat idéologique. Ils servent en particulier, c'était tout l'enjeu de ce procès, à tenter de décrédibiliser et de disqualifier - c'est le cas aussi à l'Université - tous ceux qui refusent cette nouvelle doxa identitaire qui divise et catégorise les uns et les autres en fonction de leur religion, de la couleur de leur peau ou d'ailleurs aussi de leur genre. Le processus est simple: toute critique de l'islamisme, de l'islam politique, des délires «décoloniaux»… est une critique «islamophobe» ou raciste. Il s'agit d'une pensée par amalgame: toute critique de l'islamisme est une critique de l'islam, donc des musulmans ; toute critique du séparatisme racialiste «décolonial» est une critique de la lutte contre le racisme, une pratique de «blanc» héritier du colonialisme et de l'esclavage, donc nécessairement favorable à ceux-ci. Fausse transitivité et syllogismes permanents sont à la base de ces procès permanents intentés à quiconque se risque à la critique - une belle démonstration au passage que l'idée même de critique serait réservée à certains chercheurs et interdite à d'autres en fonction de l'orientation politique de ce qu'ils disent!

Ultime étape, l'attribution de ces caractères discriminatoires généralisants à l'État lui-même.

Ultime étape, l'attribution de ces caractères discriminatoires généralisants à l'État lui-même. On retrouve là, au niveau institutionnel, exactement le même processus que celui appliqué aux individus ; un processus qui se situe toujours à la croisée de l'entreprise idéologique identitaire et de sciences sociales au service, plus ou moins conscient, de celle-ci. L'État est lui-même «islamophobe» et raciste, comme il est «colonial» dans la double mesure où il a pu l'être par le passé (transitivité dans le temps) et où il ne peut concrètement guérir par ses politiques publiques toutes les meurtrissures identitaires contemporaines (transitivité dans l'action ou l'inaction plus exactement). L'État est donc non seulement responsable mais coupable, et il doit être à ce titre dénoncé, attaqué et, dans la version la plus violente, abîmé ou détruit. On retrouve ici à la fois un discours assez classique de l'ultra-gauche, en partie issu de l'anarchisme bien évidemment, mais encore toute une rhétorique - souvent élaborée des agents publics d'ailleurs! - anti-républicaine et très hostile au modèle laïque français. Une rhétorique qui va le plus souvent puiser dans le libéralisme culturel à l'anglo-saxonne un modèle alternatif.

La contradiction, au sein de cette gauche radicale ou critique, entre d'un côté cette quête incessante d'un idéal libéral, individualiste, séparatiste et différentialiste en matière identitaire, et de l'autre un antilibéralisme militant en matière économique, est une source perpétuelle d'interrogation ; en même temps qu'elle est un obstacle, ce dont on ne peut que se féliciter, à la diffusion de telles idées au sein d'une population plus large, au-delà des meetings et rassemblement de ces associations identitaires, des séances de séminaire et les colloques de ces chercheurs ou des pages des médias qui en livrent complaisamment le feuilleton.
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Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio

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L'affaire Sarah Halimi et le tabou du «nouvel» antisémitisme (14.07.2017)

Par Caroline Valentin
Mis à jour le 14/07/2017 à 16h56 | Publié le 14/07/2017 à 14h03

FIGAROVOX/DECRYPTAGE - Kobili Traoré, l'homme qui a battu et défenestré Sarah Halimi le 4 avril à Paris, a été mis en examen pour homicide volontaire. A ce stade, le caractère antisémite du meurtre n'est pas retenu. Pour Caroline Valentin, cette affaire est symptomatique du déni français autour de l'antisémitisme arabo-musulman.

Caroline Valentin est coauteur d' Une France soumise, Les voix du refus (éd. Albin Michel, 2017).

Dans la nuit du 4 avril 2017, à Paris, Sarah Halimi, une femme de confession juive de 65 ans, est sauvagement assassinée. Son meurtrier, Kobili Traoré, un musulman radicalisé d'origine malienne au casier judiciaire long comme le bras, s'acharne sur elle pendant 40 longues minutes, d'abord dans le salon de de Sarah Halimi, puis sur son balcon. Il hurle «Allah Akbar», insulte sa victime, la traite de «grosse pute», de «sheitane» (démon en arabe). Plusieurs voisins entendent puis assistent, de leurs fenêtres ou de la cour, épouvantés, au massacre. Dans l'excellent article que Noémie Halioua a consacré à cette affaire dans le dernier numéro de Causeur, elle rapporte le témoignage de l'un d'entre eux: «la première chose qui m'a réveillé, c'est des gémissements d'un être vivant en souffrance. C'était de la torture. Au début, je pense que c'est un animal ou un bébé. Mais après, en ouvrant le rideau et en ouvrant la fenêtre, je comprends que c'est une femme qui gémit sous les coups qu'elle reçoit. A chaque coup, j'entends un gémissement, elle n'a même plus de force pour pousser un cri». Kobili Traoré tape tellement fort que son poing droit est tuméfié. Puis, apercevant dans la cour la lumière des lampes torche de la police, il hurle «attention, il y a une vieille dame qui va se suicider», saisit sa victime - encore vivante - par les poignets et la fait basculer par-dessus la balustrade de son balcon. Sarah Halimi gît dans la cour, morte, ensanglantée.

Sarah Halimi connaissait Kobili Traoré, il était son voisin, il la menaçait constamment, elle avait peur de lui. Cinq ans auparavant, la sœur de ce dernier avait bousculé l'une des filles de Sarah Halimi en la traitant de «sale juive». Quelques jours après la mort de Sarah Halimi, les quelque cinq-cent personnes qui participent à la marche blanche organisée à Belleville en sa mémoire défileront sous les - «désormais traditionnels» relève Noémie Halouia - «morts aux juifs» et «nous on a les kalash» qui fusent des cités voisines.

«Désormais traditionnels» … Oui, car les précédents sont désormais nombreux. Les «morts aux juifs» avaient déjà rythmé les défilés des manifestations «pro-palestiniennes» organisées, malgré leur interdiction, en juillet 2014 notamment à Paris et en Ile-de-France. Dans le même registre, les réactions qui ont suivi les meurtres de six personnes dont trois enfants juifs en 2012 par Mohammed Merah: l'imam bordelais Tareq Oubrou a expliqué avoir dû passer des semaines de prêche sur ce cas en raison de l'empathie pour Mohammed Merah que manifestaient les fidèles de sa mosquée ; le frère de Mohammed Merah, Abdelghani, a, quant à lui, témoigné des you-yous qui ont accompagné la mort de son frère et des félicitations que certains voisins sont venus présenter à leur mère, regrettant que Mohammed n'ait pas tué davantage de juifs. Mais cela remonte encore plus loin: Entre 1999 et 2000, année de la Seconde Intifada, le nombre d'actes antisémites a été multiplié par neuf, passant de 82 à 744. Depuis, il reste à un niveau extraordinairement élevé compte tenu du faible nombre de juifs en France, oscillant selon les années entre 400 et 900 environ, en fonction, surtout, des soubresauts du conflit israélo-palestinien. En 2002, la publication de «Les territoires perdus de la République», montre avec force témoignage la prééminence, l'ampleur et la violence de la haine à l'encontre des juifs dans certains quartiers sensibles. Ce ne sont ici que quelques exemples, parmi tant d'autres preuves qui s'accumulent depuis près de vingt ans maintenant. Pourtant, aucune de ces alertes n'a réussi à briser l'omerta politique et médiatique.

le rapport de l'Institut Montaigne sur « l'islam de France » publié en septembre 2016 indique que « l'antisémitisme était un marqueur d'appartenance » pour un quart des musulmans

Le meurtre atroce de Sarah Halimi n'a pas davantage rompu ce silence. La France est alors en pleine campagne présidentielle, les quatre candidats en tête des sondages sont dans un mouchoir de poche. Il faut soigner ses électeurs et, disons-le tout net, les juifs sont bien moins nombreux que les musulmans - moins de 500 000 contre près de 6 millions. De surcroît, le rapport de l'Institut Montaigne sur «l'islam de France» publié en septembre 2016 indique que «l'antisémitisme était un marqueur d'appartenance» pour un quart des musulmans et le sondage Fondapol de novembre 2014, que «Les musulmans répondants sont deux à trois fois plus nombreux que la moyenne à partager des préjugés contre les juifs. La proportion est d'autant plus grande que la personne interrogée déclare un engagement plus grand dans la religion.»

En ce début avril 2017, Emmanuel Macron est mis en difficulté par l'affaire Mohammed Saou. On vient tout juste de découvrir que ce référent «En Marche» du Val d'Oise a notamment partagé des posts Facebook de Marwan Muhammad, fondateur de «l'effrayant» - comme le dit Alain Finkielkraut - CCIF (Comité contre l'islamophobie en France, organe proche des Frères musulmans qui sont l'une des têtes de pont de l'islam fondamentaliste politique en France) ; qu'il soutient le régime d'Erdogan en Turquie ; qu'il a déclaré qu'il «n'a jamais été et ne serait jamais Charlie». Emmanuel Macron louvoie, écarte provisoirement Saou de ses fonctions tout en louant son travail remarquable et reporte la décision le concernant à celle de la commission éthique de son mouvement … Décision dont on n'entendra évidemment jamais parler. (Le même Saou vient d'ailleurs d'être réintégré dans ses fonctions départementales.) François Fillon, empêtré dans ses affaires de famille et de costumes, n'ose plus bouger une oreille de peur de perdre les quelques centaines de milliers de voix qui pourraient faire la différence pour une qualification au second tour. Jean-Luc Mélenchon fait de grandes déclarations sur la laïcité mais brigue sans aucune vergogne le vote communautariste musulman et s'entoure de qui il faut pour cela. (Pour preuve, quelques semaines plus tard, on apprendra que Danièle Obono, fraîchement élue députée de la France Insoumise, est proche du Parti des Indigènes de la République, groupuscule identitaire dont la porte-parole, Houria Bouteldja, s'est notamment illustrée en déclarant «Mohamed Merah, c'est moi, et moi, je suis lui». Ces révélations n'entameront en rien l'enthousiasme du soutien dont Madame Obono bénéficie de la part de Jean-Luc Mélenchon.) Dans cette collection de tartuffes, il n'y a que Marine Le Pen, pourtant l'héritière d'un parti fondé notamment par des antisémites à peine repentis, pour condamner - à une petite reprise, et sans non plus en faire son cheval de bataille - ce crime et demander que l'on aborde enfin le sujet de «l'antisémitisme islamiste».

Qu'on aborde enfin ce sujet? Effectivement, il serait temps. Mais qui osera encore le faire? Georges Bensoussan, historien de la Shoah, spécialiste du monde arabe, a payé très cher de l'avoir évoqué lors de l'émission «Répliques» d'Alain Finkielkraut au début du mois d'octobre 2015: tribunes extraordinairement violentes se multipliant pour condamner le soi-disant «racisme» des propos de Georges Bensoussan, émanant non seulement de l'habituelle police de la pensée politique innervée par la gauche universitaire mais également de cette frange d'intellectuels juifs (tels Bernard Schalscha dans la Règle du Jeu) qui estime sans doute qu'à force de faire comme si cet antisémitisme n'existait pas, il finirait bien par disparaître ; mise en garde du CSA adressée à France Culture ; et, finalement, procès à l'initiative du Parquet qui verra les principales associations antiracistes, y comris la Licra , communier avec l'islam politique représenté par le CCIF dans la dénonciation des propos de l'historien.

La relaxe de ce dernier est exemplaire, en particulier eu égard à sa motivation limpide. En soulignant qu'il s'agissait pour l'historien non pas d'exprimer une haine mais au contraire une inquiétude, d'appeler «non pas à une séparation de la fraction supposée avoir fait sécession, à son rejet, son bannissement ou son éradication, mais au contraire à sa réintégration dans la nation française», le tribunal a remis en quelque sorte les pendules de l'antiracisme à l'heure et entendu Alain Finkielkraut qui, s'exprimant à la barre, avait déploré «un antiracisme dévoyé qui demande de criminaliser une inquiétude au lieu de combattre la réalité sur laquelle elle se fonde»: lutter contre le racisme, permettre l'intégration au sein de la nation de populations de cultures étrangères, cela commence par combattre ce qui constitue un obstacle à cette intégration et, en la matière, la fatalité n'existe pas.

Cet antisémitisme n'est pas né du conflit israélo-palestinien, il s'en nourrit. Ce conflit ne crée pas cette haine, il n'augmente pas son intensité

Il semble qu'il soit en vérité aujourd'hui politiquement très difficile de faire coexister, dans un même discours, lutte contre le racisme et contre l'antisémitisme. Les principaux coupables du second se recrutent parmi les principales victimes du premier. L'apparition de cet antisémitisme, nouveau sous nos cieux, s'inscrit dans une recrudescence puissante du fondamentalisme musulman qui n'épargne pas la France. Cette recrudescence ne se traduit pas que par des attentats effroyables mais, comme le dit Elisabeth Badinter, par l'apparition d' «une seconde société» qui «tente de s'imposer insidieusement à notre République, tournant le dos à celle-ci, visant explicitement le séparatisme voire la sécession.»

L'hostilité de cette contre-société ne concerne pas uniquement la laïcité, elle vise beaucoup plus largement nos principes de liberté, d'égalité et de fraternité. Car point d'égalité dans une contre-société fondamentaliste qui se définit sur un principe identitaire, pour laquelle l'individu musulman, la oumma, le dar al islam sont supérieurs à tout autre individu, communauté ou nation non musulmane. Point de fraternité universelle mais une fraternité réduite à une communauté des croyants qui se définit en conflit avec l'Occident en général et la France en particulier. Point de liberté dans un groupe qui fonctionne sur un mode clanique, imposant à chacun de ses membres la soumission à Dieu, à l'islam, à ses dogmes et à ses combats, en ce compris le positionnement conflictuel vis-à-vis de la civilisation occidentale. Cet islam politique ne reconnaît pas une seule et même humanité mais des humanités différentes. Certains hommes valent plus que d'autres à ses yeux. Et dans les formes paroxystiques de ce fondamentalisme religieux, certains hommes ne valent rien.

On comprend dès lors très bien pourquoi l'antisémitisme prospère au sein de cet islam fondamentaliste. Il n'est qu'une des formes d'un rejet de l'autre qui est consubstantiel à cet islamisme et qui se décline aussi sous la forme de racisme, de xénophobie, d'homophobie, de sexisme.

La haine du juif reste cependant la plus intense. D'aucuns attribuent celle-ci au conflit israélo-palestinien, à la politique israélienne et notamment à la poursuite des installations israéliennes en territoire palestinien. Mais ils ne savent pas ou prétendent ne pas savoir qu'il plonge ses racines dans une histoire beaucoup plus ancienne. Dans son livre de référence «Juifs en pays arabes - Le grand déracinement: 1850-1975», Georges Bensoussan rapporte la violence de cet antisémitisme dans les pays arabes et ce, de temps immémoriaux ; il explique comment, du Maghreb à l'Irak et de l'Egypte au Yémen, la vie de dhimmitude des juifs dans le monde arabe n'avait rien à envier, en termes d'oppression subie, de misère imposée, de sous-citoyenneté, d'humiliations et occasionnellement de pogroms, à celle des juifs dans l'empire des tsars. Cet antisémitisme n'est pas né du conflit israélo-palestinien, il s'en nourrit. Ce conflit ne crée pas cette haine, il n'augmente pas son intensité ; en revanche, en lui procurant le soutien de toute une gauche qui, comme le démontre Jean Birnbaum, ne comprend décidément rien au fait religieux, il légitime son expression. En mettant ses réseaux, sa culture, sa verve, son accès aux médias, sa place privilégiée à l'université et dans le monde de la recherche au service des combats arabo-musulmans, tant en France qu'à l'étranger, la gauche - extrême, morale, «antiraciste» par psittacisme plutôt que par conviction - n'est pas seulement bête, elle est extraordinairement néfaste. Elle fournit à nos adversaires (dont elle se refuse à voir qu'ils sont aussi, et d'une certaine manière surtout, les siens) une façade humaniste que leurs motifs et leurs buts n'ont pas. Nos alliances avec l'Arabie Saoudite ou le Qatar, nos interventions militaires ratées au Moyen-Orient, la colonisation des XIXème et XXème siècles sont elles aussi instrumentalisées pour justifier ce qui est présenté comme une résistance légitime à l'oppression. Mais encore une fois, ce sont nos cerveaux occidentaux qui sont sensibles à ces disputatio brillantes, argumentées, rationnelles ; dans l'esprit conquérant de l'islam politique, le combat contre l'Occident n'a pas besoin de ces justifications.

Le soutien de ces «idiots utiles» est en grande partie la cause du silence de l'Etat sur l'antisémitisme des «quartiers». Car malgré sa faible représentativité électorale, cette gauche est extrêmement influente dans les corps intermédiaires, elle a ses entrées dans un grand nombre de médias, est passée maître dans l'art de manipuler des éléments de langage droits-de-l'hommistes dégoulinants de pathos. Aujourd'hui, il est permis de dire certaines choses qui, il y a vingt ans, dix ans, voire même cinq ans eurent valu à leurs auteurs le pilori de la part de la gauche morale: on peut dire qu'il est possible d'être d'extrême-droite sans être antisémite ; on peut même dire qu'il existe un antisémitisme d'extrême-gauche ; mais on ne peut pas encore dire qu'il existe un antisémitisme arabo-musulman. Pour en parler, il est plus prudent de faire référence au «nouvel» antisémitisme et rester dans les allusions, les périphrases et les sous-entendus. A la moindre erreur, à la moindre référence trop directe, la cabale obscurantiste de ces inquisiteurs modernes se déchaîne et le contrevenant est immédiatement envoyé rôtir dans l'enfer du racisme, sans qu'aucun gage de sa moralité et des motivations réelles, aussi irrécusable soit-il, ne puisse l'en sortir. Car répondre à des accusations aussi graves et se justifier demande des explications longues, à étapes, incompatibles avec l'immédiateté des médias et leur incapacité à traduire la subtilité et la complexité. Et on le sait bien, le démenti a beaucoup moins d'impact que l'accusation: une fois que le doute plane, c'est mort, et nos responsables politiques l'ont compris depuis longtemps.

Le meurtre de Sarah Halimi doit être compris comme une alarme qui nous rappelle à nous-mêmes, à ce qui nous définit. Cette inertie est indigne de nous.

«Plus une société s'éloigne de la vérité, plus elle hait ceux qui la disent» nous prévenait George Orwell. L'incapacité politique de désigner cet antisémitisme pour ce qu'il est interdit d'en faire l'analyse historique, anthropologique et religieuse et par voie de conséquence, d'entreprendre les actions spécifiques et ciblées qui seraient nécessaires pour le vaincre. La France s'enfonce chaque jour un peu plus dans une politique multiculturaliste à relents - involontairement, mais inévitablement - racialistes. Racialistes pour ne pas dire racistes car cette attitude culturaliste qui prétend être inspirée par le respect de cultures différentes n'est rien d'autre que l'abandon à bas bruit de notre modèle d'intégration, jugé inaccessible pour ces populations, présumées, par nos responsables politiques chaperonnés par une partie de nos associations antiracistes, comme incapables de sortir de leurs modes de pensée et de fonctionnements archaïques. On a renoncé à aider ces populations, à leur tendre la main. En abandonnant les juifs, on a aussi abandonné ces dernières et, ce faisant, nous nous sommes perdus nous-mêmes.

Le meurtre de Sarah Halimi doit être compris comme une alarme qui nous rappelle à nous-mêmes, à ce qui nous définit. Cette inertie est indigne de nous. La France, pays des Lumières, berceau des valeurs universelles des droits de l'homme, ne peut pas être un pays où les juifs se font agresser et tuer, parce que juifs, dans l'indifférence générale. Nous sommes tous héritiers d'une histoire, nous sommes tous comptables d'un héritage qui va de Salomon de Troyes à la France de Vichy en passant par l'émancipation des juifs en 1791 (que la France a été la première en Europe à consentir) et par l'affaire Dreyfus. Par respect pour ce que nous sommes, pour ce que nous nous targuons de représenter, nous n'avons pas le droit d'assister sans réagir à la montée de la haine contre nos concitoyens juifs. Il en va de notre admiration pour la France et, en définitive, de notre fierté d'être français.

Goldnadel : «L'islamo-gauchisme a contaminé les esprits» (30.06.2017)

Mis à jour le 30/06/2017 à 20h07 | Publié le 30/06/2017 à 09h00

FIGAROVOX/INTERVIEW - L'avocat et essayiste Gilles-William Goldnadel est l'un des premiers à avoir dénoncé les alliances troubles entre une certaine gauche et des islamistes radicaux. Selon lui, l'idéologie «rouge-verte» s'est largement diffusée dans le monde intellectuel, politique et médiatique, au point de dépasser dangereusement l'audience des quelques groupuscules extrémistes d'origine.

Dans une tribune publiée dans Le Monde sous le titre: «Vers l'émancipation, contre la calomnie. En soutien à Houria Bouteldja et à l'antiracisme politique», un collectif de militants associatifs, d'universitaires et de sociologues a pris la défense de la porte-parole des Indigènes de la République. Il répondait à un article de Jean Birnbaum publié quelques jours plus tôt dans Le Monde qui soulignait le racisme derrière l'antiracisme affiché par Houria Bouteldja. Que vous inspire cette controverse?

Il faut savoir qu'Houria Bouteldja et son Parti des Indigènes de la République incarnent ce qui se fait de plus racialiste et anti-occidental dans la galaxie islamiste. Ce sont eux qui ont édité un petit livre dont le titre est Nique la France! Ils sont tout sauf hypocrites. La race existe, et le métissage est abhorré. Le Blanc occidental est détestable parce qu'il est coupable d'avoir asservi les autres races. Le juif est particulièrement honni, d'ailleurs Mme Bouteldja s'exhibe sur une photographie à côté du slogan «Les sionistes au goulag».

QuandLe Monde - qui ne publie pas toutes les pétitions, loin s'en faut - accepte d'en publier une en soutien à Mme Bouteldja, cela indique précisément que ses thèses ont droit de cité dans son univers policé. Le Mondene publierait pas une pétition en faveur de Marine Le Pen, mais la position des Indigènes, pourtant clairement raciste anti-occidentale, est défendable, donc respectable. C'est dans cette indulgente bienveillance que la haine creuse son nid.

Vous avez été l'un des premiers à dénoncer les dangers de l'islamo-gauchisme. Que signifie exactement ce concept?

Effectivement, j'ai diagnostiqué il y a près de trente ans cette pathologie qui corrode la société européenne. L'islamo-gauchisme a très peu à voir avec l'islam et tout avec le gauchisme. Il faut y voir la complaisance coupable d'une grande partie de la gauche à l'égard de la radicalité islamique. Les pires errements coupables sont tolérés au nom des souffrances subies et des culpabilités occidentales. Dans ce cadre plus névrotique que raisonné, tout esprit critique est aboli envers les premiers et la sévérité est de rigueur à l'égard des seconds. Dans le creux de cette idéologie réflexe, il faut moins déceler de l'amour pour les populations islamiques qu'une haine inconsciente envers l'Occident coupable non seulement de la colonisation, mais encore du plus grand génocide traumatique de tous les temps.

Ce qui est piquant, ou plutôt urticant, pour les islamo-gauchistes, c'est précisément cette appellation dont ils nient farouchement toute réalité: ils veulent bien évoquer à tout propos le fascisme, pourtant mort et enterré, mais l'islamo-gauchisme, non merci! Bref, le déni.

«En réalité, l'islamo-gauchisme, par capillarité, a irrigué toute la société française, en particulier intellectuelle et médiatique, et a profondément contaminé les esprits»
Gilles-William Goldnadel

Quelles sont les différentes associations qui gravitent autour de cette mouvance?

Bien entendu, de nombreuses organisations peuvent être rangées sous cette appellation peu flatteuse. Des Insoumis de Mélenchon, autant par opportunisme électoral que par héritage de Jules Guesde, qui déjà considérait Dreyfus coupable parce qu'il n'était pas du camp des pauvres… Jusqu'à la Ligue des droits de l'homme, autrefois laïcarde mais qui défend aujourd'hui bec et ongles le voile et qui montre plus de sollicitude envers les droits des terroristes islamistes que pour ceux des victimes. Il faut y voir ici ce que j'ai baptisé «xénophilie» et que je définis comme la dilection pour l'Autre.

Mais, en réalité, l'islamo-gauchisme, par capillarité, a irrigué toute la société française, en particulier intellectuelle et médiatique, et a profondément contaminé les esprits, bien au-delà du pré carré du gauchisme militant. Peu de salles de rédaction ont été épargnées.

N'est-ce pas un peu excessif? Les Indigènes de la République sont groupusculaires…

Les Indigènes ne pèsent que du poids que veulent bien leur donner les psychodrames névrotiques qu'on leur offre. Ceci posé, ils sont un symbole et un symptôme. Guidés par la radicalité arabo-islamique, ils arrivent par exemple à embarquer des jeunes Noirs dans le cadre du souvenir de l'esclavage. En occultant la responsabilité de la traite arabique dans celui-ci, ou en cachant que la Mauritanie continue, aujourd'hui encore, de pratiquer l'esclavage des Noirs. Mais le racisme anti- blanc est un excellent ciment.

Au-delà même de la question de l'islam, une certaine gauche semble haïr la France. En témoignent les récents propos de Danièle Obono, députée de la France insoumise, défendant sur une radio nationale le droit de dire «Nique la France» tout en s'interrogeant sur les raisons de dire «Vive la France»…

C'est la France occidentale qui leur est détestable. Mais, encore une fois, dans le creux de cette détestation, au-delà de la victimisation raciale de celle qui«nique la France» et dans la culpabilisation pour racisme de ceux qui osent le lui reprocher, se niche profondément le racisme anti-blanc, celui de la vieille France profonde, celle que l'on dit rance.

«L'antiracisme gauchisant a définitivement dévoyé l'antiracisme»
Gilles-William Goldnadel

Cela traduit-il une dérive plus large de l'antiracisme?

L'antiracisme gauchisant a définitivement dévoyé l'antiracisme. Son obsession du racisme occidental trahit son obsession de la race orientale ou noire. Le Blanc n'existe pas sauf pour opprimer, il ne peut donc souffrir. L'Arabe ou le Noir ne peuvent être racistes puisqu'ils en sont victimes. En raison de cette tautologie obsessionnelle et délirante, l'antiracisme aura réussi le triste prodige de faire renaître chez l'Occidental une conscience de sa blanchitude psychologique qu'il avait enterrée depuis 1945.
Ceux qui défendent Houria Bouteldja sont aussi ceux qui traînent Zemmour devant les tribunaux. Comment expliquez-vous ce paradoxe?

Cette idéologie a dans son ADN une morale à géométrie variable: les mêmes qui revendiquent religieusement la liberté d'expression vont traquer policièrement chez leurs adversaires fascisés le tréma ou le point-virgule. N'essayez pas de trouver une logique rationnelle là où j'ai diagnostiqué une névrose obsessionnelle.

Pourquoi ces mouvements ne sont-ils jamais inquiétés par la justice?

Vous allez me transformer en avocat irrespectueux. Le parquet s'est saisi d'office pour poursuivre Georges Bensoussan, qui avait osé mettre en cause l'antisémitisme islamique, alors qu'il a refusé de poursuivre les distributeurs d'ouvrages islamiques promulguant l'assassinat des juifs… L'idéologie contre laquelle je mets en garde depuis trop longtemps a infusé puis s'est diffusée. Elle peut se manifester à des degrés divers, du militantisme agressif là-bas jusqu'à la complaisance ou la passivité ici.

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Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio

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Alexandre Devecchio : «Houria Bouteldja ou la grande misère de l'antiracisme» (23.06.2017)
Par Alexandre Devecchio
Mis à jour le 23/06/2017 à 21h04 | Publié le 23/06/2017 à 20h58

ANALYSE - Pour les sentinelles de l'antiracisme, les minorités ethniques sont forcément victimes, tandis que les Français et les juifs sont forcément coupables.

Défendre le racisme au nom même du combat contre le racisme, un paradoxe absurde, une équation impossible? Pas pour les nouvelles sentinelles de l'antiracisme et les intellectuels engagés dans la lutte contre la «domination postcoloniale des Blancs».

Ceux qui habituellement traquent les moindres dérapages des Onfray, ceux qui poursuivent Zemmour devant les tribunaux, s'érigent ici en avocat de l'égérie des Indigènes de la République 

En témoigne la tribune publiée ce lundi dans Le Monde sous le titre: «Vers l'émancipation, contre la calomnie. En soutien à Houria Bouteldja et à l'antiracisme politique», signée par un collectif de militants associatifs, d'universitaires et de sociologues. Ceux qui habituellement traquent les moindres «dérapages» des Onfray, Gauchet et autres «néo-réacs», ceux qui poursuivent Zemmour devant les tribunauxs'érigent ici en avocat de l'égérie des Indigènes de la République: «Racisme, antisémitisme, homophobie, écrivent-ils, Houria Bouteldja est la cible privilégiée des accusations les plus insensées, qui sont autant de calomnies», qualifiant son livre d'«important, complexe et tiraillé», avant de conclure: «La haine qu'Houria Bouteldja suscite est à la mesure de son courage».

Les pétitionnaires répondaient à un article de Jean Birnbaum publié quelques jours plus tôt dans Le Monde des idées: «La gauche déchirée par le racisme antiraciste». L'auteur d'Un silence religieux (Seuil) y soulignait les ambiguïtés du discours d'Houria Bouteldja. En lisant le dernier essai de la porte-parole du PIR (Parti des Indigènes de la République), les ambiguïtés se dissipent d'elles-mêmes. Nous avons, en effet, affaire à un manifeste néoraciste. Son titre, Les Blancs, les Juifs et nous, est éloquent. Son contenu encore plus. Celle qui prétend lutter contre l'«islamophobie» et dont le mouvement est à l'origine des camps d'été décoloniaux interdits aux Blancs y fustige le «racisme républicain» et le «philosémitisme béat» du «peuple blanc, propriétaire de la France». Elle y revendique également d'appartenir à «(sa) race, à l'Algérie, à l'islam». On pourrait croire à des provocations marginales réservées à ceux qui suivent les moindres mouvements groupusculaires. Mais si les Indigènes de la République ne sont qu'une poignée, leur discours se diffuse bien au-delà de leurs militants: c'est toute une partie de la gauche qui désormais reprend leur rhétorique. Jean Birnbaum n'écrivait pas autre chose. Il a vu juste et les faits sont têtus.

Cette logique victimaire a des conséquences dévastatrices. Elle assigne à résidence identitaire la jeunesse désintégrée des banlieues. Elle nourrit son ressentiment à l'égard de la France

Quelques jours plus tard, Danièle Obono, nouvelle députée de La France insoumise (élue de Paris), défendait sur une radio nationale le droit de dire «Nique la France» tout en s'interrogeant sur les raisons de dire«Vive la France» !Elle a reçu le soutien d'une partie de la gauche. Sans surprise. Cette gauche qui se revendique du «postcolonialisme» et du «post-marxisme» va de Clémentine Autain à Edwy Plenel en passant par Rokhaya Diallo et Alain Gresh. Une nébuleuse rouge-verte pour qui «la lutte des races» a remplacé «la lutte des classes». Elle défend les «colonisés», qui subissent l'oppression du «mâle blanc occidental», «les musulmans», nouveau prolétariat, victimes d'un État français «raciste et islamophobe». C'est ce que l'on appelle l'«islamo-gauchisme».

Feu identitaire

«SOS-racisme est en usage courant un appel au secours. SOS-racisme nous appelle à sauver le racisme moribond en France, lapsus révélateur»
Jean Baudrillard

Cette logique victimaire a des conséquences dévastatrices. Elle assigne à résidence identitaire la jeunesse désintégrée des banlieues. Elle nourrit son ressentiment à l'égard de la France. Elle entretient le déni de l'antisémitisme des «quartiers» et du racisme anti-Blancs. Dans ce système de pensée, en effet, les minorités ethniques sont forcément victimes tandis que les «sous-chiens» (Houria Bouteldja avait qualifié ainsi les Français de souche) et les juifs sont forcément coupables. Il y a quelques mois, par exemple, il ne s'est trouvé aucune association antiraciste pour poursuivre Mehdi Meklat. L'icône de la diversité de la gauche branchée qui, sur Twitter, disait vouloir «casser les jambes» d'Alain Finkielkraut et en appelait au retour de Hitler a été rapidement oubliée. Enfin, dans son dernier livre, Un racisme imaginaire (Grasset), le philosophe Pascal Bruckner montre comment cet apparent antiracisme fait le jeu de l'islam radical. Et comment ce dernier avance sous l'étendard de la lutte contre l'«islamophobie».

Ironie du sort, il y a trente ans des voix s'élevaient déjà pour annoncer des phénomènes comme celui d'Houria Bouteldja. C'est Jean Baudrillard qui écrivait, en 1990: «SOS-racisme est en usage courant un appel au secours. SOS-racisme nous appelle à sauver le racisme moribond en France, lapsus révélateur.» C'est surtout, en 1993, Paul Yonnet, qui, dansVoyage au cœur du malaise français, lançait l'alerte : «Le néo-antiraciste ne pouvait - et ne peut - qu'attiser le feu identitaire.» On ne les a pas écoutés et Jean Birnbaum, lui-même, a longtemps criminalisé l'inquiétude des sonneurs de tocsin. Avant de rompre par un essai rédempteur le silence religieux de la gauche morale.

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Damien Le Guay : « Pour combattre le racisme, il faut déradicaliser l'antiracisme » (31.03.2017)

Par Vianney Passot
Publié le 31/03/2017 à 20h14

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN- A l'occasion de la publication de son dernier ouvrage La guerre civile qui vient est déjà là, Damien Le Guay a accordé un entretien fleuve à FigaroVox. Pour lui, le désir inavouable d'une guerre civile qui trancherait le noeud gordien des identités irréconciliables est peut-être déjà dans les esprits.

Philosophe, Damien Le Guay est président du Comité national d'éthique du funéraire, membre du comité scientifique de la SFAP et enseignant à l'espace éthique de l'AP-HP. Auteur de nombreux essais, il a notamment publié La face cachée d'Halloween (Le Cerf, 2002) ; La cité sans Dieu (Flammarion, 2010) ; Le fin mot de la vie - contre le mal mourir en France (Le Cerf, 2015) et Les morts de notre vie (avec Jean-Philippe de Tonnac, Albin Michel, 2015). Il vient de publier La guerre civile qui vient est déjà là (éd. du Cerf, 2017)

FIGAROVOX.- Votre dernier ouvrage s'intitule La guerre civile qui vient est déjà là. De quelle guerre civile parlez-vous?

Damien LE GUAY.- Le propos du livre est le suivant: les guerres civiles, avant d'être un affrontement violent entre des concitoyens, sont d'abord idéologiques. Elles se développent au sein de la culture commune afin de faire prévaloir la haine contre la concorde, en justifiant les raisons de se détester les uns les autres. Avant les kalachnikovs, l'armement des esprits. Les idées peuvent être des armes de guerre quand elles rendent impossibles la conciliation nationale, l'oubli de ses traumatismes mémoriels et l'intégration à un «principe spirituel» et au «désir de vivre ensemble» - selon ce que dit Renan de la Nation. Ceux qui disent qu'existent en France un «racisme structurel», une situation «d'apartheid territorial, social, ethnique», une «islamophobie» partout présente, devraient s'interroger sur leur part de responsabilité dans le climat de guerre civile que nous constatons en France - et dont témoignent, depuis janvier 2015, les 239 personnes mortes dans les différents attentats.

Les problèmes à régler pour revivifier cette grande solidarité nationale des uns pour les autres, sont moins insolvables que ne sont insurmontables les blocages idéologiques.

Je constate, dans ce livre, que les problèmes à régler pour revivifier cette grande solidarité nationale des uns pour les autres, sont moins insolvables que ne sont insurmontables les blocages idéologiques, les crispations culturelles qui empêchent de les examiner tranquillement et de les régler au mieux. Il faudrait, en premier lieu déradicaliser l'antiracisme si nous voulons lutter contre tous les racismes. Il faut dépolluer les idées généreuses (les droits de l'homme, la reconnaissance de l'autre, la lutte contre les préjugés..) pour empêcher qu'elles deviennent, comme aujourd'hui, des armes de destruction massive du débat intellectuel. Quand, dans les procès contre George Bensoussan ou Pascal Bruckner, les associations «antiracistes» y compris la LICRA, attaquent ceux qui dénoncent l'antisémitisme, il y là une coupable erreur de perspective. Une erreur, un blocage, une armature défensive, un système de protection qui, depuis trente ans, hystérisent les débats, pénalisent les opinions et rendent impossible les réformes intellectuelles et morales indispensables avec la montée des antagonismes que nous constatons. Je ne prédis pas ni ne souhaite une guerre civile armée mais constate que de nombreuses fractures culturelles augmentent la partition de la France, la sécession culturelle de certains et l'hostilité d'autres. Là est le danger qu'il faudrait pouvoir régler entre gens de bonnes volonté avant qu'il ne soit trop tard.

Que dire de ce blocage idéologique? Comment l'appréhender?

Il y a d'abord un problème global de reconnaissance des faits.

Il y a d'abord un problème global de nomination, d'énonciation et de reconnaissance des faits. Les faits têtus, simples, évidents sans le prisme déformant de la diversité heureuse - notre idéologie dominante - qui pratique depuis tant d'année l'euphémisme, l'excuse sociologique, la minoration et la dissimulation. Ainsi les réalités culturelles nous échappent - y compris ses nombreuses insécurités, peurs, crispations et nœuds de haine. Comment, dès lors, pouvons-nous «dire bêtement la vérité bête», selon le mot d'ordre de Péguy? Il faudrait, pour cela, mettre la vérité avant l'idéologie, l'exposition des faits avant l'interprétation. Tout cela semble impossible aujourd'hui. Ceux qui critiquent l'Islam sont des islamophobes ; ceux qui évoquent un «racisme anti-blanc» sont racistes. De toutes les manières, comme l'explique Marie Darrieussecq, il ne peut pas y avoir de «racisme anti-blanc» car le racisme fut inventé par les blancs pour «justifier la colonisation» des non-blancs. Nous vivons dans un champ de mines idéologiques, avec des snipers antiracistes un peu partout, qui intimident, obligent à la prudence et conduisent à l'autocensure.

L'antiracisme est une belle idée devenue folle quand elle devient une arme de guerre idéologique.

Ensuite, quand il est question d'Islam ou d'intégration, le débat est impossible. La liste est longue des intellectuels qui furent jetés dans l'enfer mutique des pestiférés «fascistes». Je pense à Paul Yonnet ou Pierre-André Taguieff. L'antiracisme est une belle idée devenue folle quand elle devient une arme de guerre idéologique. Comment, dès lors, entendre le rejet par les français d'un Islam qu'ils considèrent à 58% comme «une menace contre la république»? Comment accompagner ceux des musulmans qui veulent se débarrasser des «fous de Dieu» qui font régner un ordre moral dans les quartiers? Comment, avec Galheb Bencheikh, s'opposer à un «islam consulaire» et «aux responsables musulmans» qui ont «laissés se développer un discours haineux»? Comment lutter contre un antisémitisme (que dire?) «des quartiers» quand Georges Bensoussan, grand spécialiste de cette question, est trainé devant les tribunaux, quand il le dénonce? Il faudrait que l'antiracisme retrouve la raison et le bon sens, abandonne son magistère inquisitorial et aide à la résolution des problèmes plutôt que de les aggraver en hystérisant le débat. Le pire est que cette haine dans le débat, la constitution d'une immense forteresse médiatico-idéologique pour lutter contre ceux qui feraient le «jeu du Front National» ne fait qu'accroitre le vote Front National.

Les soldats antiracistes alimentent le mal qu'ils cherchent à combattre sans jamais se remettre en cause.

Les soldats antiracistes alimentent le mal qu'ils cherchent à combattre sans jamais se remettre en cause. Les alliances contre nature devraient faire réfléchir! Il faut lutter contre les raisons de la fièvre, contre cette grandissante «insécurité culturelle» (Laurent Bouvet), plutôt que de prendre la pose valorisante de l'antifascisme! Pour ces hyper-vigilants, prêts à en découdre avec tous ceux qu'ils qualifient généreusement de «racistes», le temps des remises en cause est venu! Mais, si nous considérons le peu de conséquences liées à l'affaire Medhi Meklat, (un «jeune» de banlieue qui, sur les réseaux sociaux, tenait des milliers de propos racistes, antisémites, homophobes et sexistes), alors même qu'il avait été promu par les médias du gauchisme culturel et en particulier France-Inter (dans l'émission de Pascale Clark), on se dit que les blocages idéologiques et une certaine culture de l'impunité persistent envers et contre tout!

Comment en sommes-nous arrivés là?

Après 1945, pour rompre avec les horreurs totalitaires, l'Europe s'est forgée une nouvelle identité. Une identité sans identité claire, une posture en creux, avant tout dans l'accueil, dans une sorte d'effacement des propositions nationales. Elle aura comme principes ceux des Droits de l'Homme, comme religion celle de l'humanité (comme le dit Pierre Manent), comme objectif celui de se régénérer par un généreux principe diversitaire. L'Europe a pour ambition d'être un territoire sans substance, une terre vierge sans «racines chrétiennes» - car les affirmer reviendrait à «stigmatiser» les nouveaux-venus. Mais cette posture «d'altérité radicale» et de «vacuité substantielle» (selon la formule d'Ulrich Beck) a rendu difficile, pour la France, l'énonciation d'une proposition nationale - proposition opposable au nouveaux-venus et jouant le rôle de «règlement de copropriété» afin que tout le monde s'y conforme.

L'héritage des enfants de mai-68, plutôt que de changer de société, l'a changée de l'intérieur, étapes après étapes. Nulle violence mais un entrisme culturel.

Il faut aussitôt ajouter l'héritage des enfants de mai-68 qui, plutôt que de changer de société, l'ont changée de l'intérieur, étapes après étapes. Nulle violence mais un entrisme culturel. Nuls pavés mais un grignotage des Appareils Idéologique d'Etat - comme on disait Althusser -: l'Ecole, les médias, les arts. Cette révolution douce, constante, silencieuse, faite dans l'épaisseur de l'Etat (quand il transmet la culture par l'instruction publique, la pilote par des actions volontaires, l'expose dans des musés), a mis en place un nouveau logiciel culturel multiculturel avec la promotion de nouvelles minorités, une racialisation des différences, l'effacement des religions et la remise en cause des «assignations» sexuelles. Multiculturalisme qui, comme le montre si bien Mathieu Bock-coté, finit par relativiser «la culture d'accueil» (la française), par affaiblir le principe national, la nécessité des frontières et tous les processus «violents» d'intégration.

Au manque de clairvoyance des politiques s'est ajoutée la montée en puissance d'une guerre civile culturelle.

Au manque de clairvoyance des politiques face à ces bouleversements telluriques, à leur manque de courage politique, de lucidité s'est ajouté d'une part l'installation d'un enseignement négatif à l'égard de l'héritage reçu et d'autre part une montée en puissance d'une guerre civile culturelle pour lutter contre tous ceux qui critiquent ou refusent cette nouvelle religion diversitaire.

Qu'est-ce qui alimente cette idéologie aujourd'hui?

La première chose, (déjà dénoncée par d'autres mais sans que rien ne change dans l'enseignement), tient à un nouveau devoir historique: celui d'une repentance nationale sans fin. Cette promotion négative de la noirceur historique (l'esclavagisme, le colonialisme, le sexisme, l'homophobie..) tend à détricoter l'idée même d'un nécessaire «récit national». Mais si nous n'avons pas un même récit historique, un même imaginaire nationale, comment faire corps, être unis, être membre d'un même corps politique et être capable de participer, ensemble, à ce «plébiscite de tous les jours»?

Une guerre civile tend à disqualifier ceux qu'il faut expulser du monde commun. Ils n'appartiennent pas à la même communauté et il est indigne de parler avec eux qui ne sont « rien ».

Ajoutons à cela, un principe d'exclusion dans le débat, de disqualification mis en avant par ceux-là même qui, pour promouvoir une générosité de gauche, sont intransigeant vis-à-vis de ceux qui la critiquent. Pensons, en particulier, à Geoffroy de Lagasnerie, jeune sociologue en vogue sur le service public, qui expliquait, sur France Inter, que «la pensée est de gauche», que seuls sont des intellectuels «les intellectuels de gauche» et que les autres (les Finkielkraut, Gauchet ou Onfray) ne font que «du bruit, des injures et du rien». Leurs pensées «n'existent pas». Il ne faut même pas débattre avec eux. Cette violence participe d'une guerre civile culturelle. Tant que les adversaires seront des ennemis, et les autres des «riens» avec lesquels il ne faut pas débattre, qu'il faut même exclure, comment pourrions-nous vivre ensemble et, par le débat, régler nos différents? Une guerre civile tend à disqualifier ceux qu'il faut expulser du monde commun. Ils n'appartiennent pas à la même communauté et il est indigne de parler avec eux qui ne sont «rien». Ceux qui tiennent de pareils discours et ceux qui en font la promotion médiatique alimentent tous un climat de guerre civile culturel.

Autre symptôme de cette guerre civile culturelle : l'enseignement, dans nos universités, des « études postcoloniales ».

Autre symptôme de cette guerre civile culturelle: l'enseignement, dans nos universités, des «études postcoloniales». Hourya Bentouhami, maitre de conférences à Toulouse, expliquait doctement à la radio, quand il était question de la nation, que l'accès à l'universel revient à accéder «à un universel blanc». Dès lors, «pour être français, il faut être blanc». Pour un noir ou un arabe, l'accès à la nationalité française conduit à «une haine de soi». «Les noirs doivent se détester». «Se dire» français, pour un noir, «c'est se dédire», c'est reproduire le geste de l'esclave quand il adopte la culture du colonisé. Comment, dans ces conditions, pour les noirs ou les arabes devenir français si, dans l'université, on leur dit qu'ils ne doivent pas le faire sinon à se détester eux-mêmes? Comment aimer ses concitoyens s'ils sont «blancs» - dotés donc d'une mentalité de colonisateur?

Comment peut-on dépasser ces animosités culturelles?

D'abord signalons que la radicalité augmente en France. Dans l'enquête de l'Institut Montaigne, il était indiqué qu'un tiers des musulmans de France vivait à la marge de la république en mettant au-dessus des lois communes l'Islam. Une étude du CNRS, d'il y a quelques jours, sur les jeunes entre 14 et 16 ans, précise que 32% des jeunes musulmans sont des fondamentalistes - en ceci qu'ils considèrent qu'existe une seule religion «vraie religion» et qu'ils mettent la religion au-dessus de la science. Mais, plus inquiétant encore, 44 % des jeunes fondamentalistes musulmans considèrent qu'il est possible «de lutter les armes à la main pour sa religion». Si on ajoute à cela les «100 mollenbeck» en France, tels qu'indiqués par le ministre de la ville et le risque de guerre civile évoqué par Patrick Calvar - Directeur Général de la Sécurité Intérieure - à l'Assemblée Nationale, nous comprenons mieux qu'existe bel et bien un risque de «partition» en France. Risque reconnu par François Hollande dans ses confidences à deux journalistes.

Certains excusent par avance ceux qui haïssent leur pays et même ceux qui iraient jusqu'à l'attaquer les armes à la main.

Mais surtout, dans mon livre, je dénonce ces irresponsables qui ne cessent de mettre de l'huile sur le feu. Quand Manuel Valls parle en 2015 d'un «apartheid» en France, il légitime l'image du noir opprimé et du blanc oppresseur, et par-là même justifie la révolte de ceux qui se révolterait contre un système structurellement injuste. Quand Emmanuel Todd parle «d'hystérie contre l'islam» concernant les manifestations post-attentats de Charlie Hebdo, disant que l'islam est la religion des pauvres et que l'antisémitisme n'est que la conséquence de l'islamophobie, quand François Burgat dit que la France est une «machine à radicaliser», quand Edwy Plénel et Vincent Peillon disent que l'islamophobie a pris la place de l'antisémitisme des années 1930, quand Nacira Guénif, professeur à Paris VIII, dit qu'il existe un «racisme structurel» en France et que «l'Etat est l'acteur principal de ce racisme», que disent-ils tous? Qu'il est légitime de s'en prendre à la France, de dénoncer un système injuste. Ils excusent par avance ceux qui haïssent leur pays et même ceux qui iraient jusqu'à l'attaquer les armes à la main.

Les racistes et les antiracistes ultras partagent la même conclusion : les cultures ne se mélangent pas.

J'en arrive à la conclusion que les racistes et les antiracistes ultras partagent la même conclusion: les cultures ne se mélangent pas, ne peuvent pas se mélanger, que chacun appartient à sa culture d'origine et ne doit pas l'abandonner. Il y là l'illustration d'un miroir inversé entre racisme et antiracisme. Or, cette conclusion va à l'encontre du principe même de la nation. Quand Marie-Antoinette arrive en France, à la frontière, elle brûle ses vêtements, passe nue en France et est rhabillée par la France. Se dévêtir et recevoir de nouveaux habits de son nouveau pays. Le geste reste le même. Toujours le même. Si nous y renonçons, nous renonçons au partage du «leg indivis» de Renan. Si nous nous regardons en chiens de faïence, on doit faire le deuil de la nation. Et ce deuil lui-même, n'est pas acceptable par ceux-là même qui éprouvent une forte «insécurité culturelle».

Quelles sont les perspectives qui s'offrent à nous?

Avant que de dénoncer le FN (qui est avant tout un baromètre) et de chasser à coup d'oukase la lepénisation des esprits, considérons la fièvre de l'identité malheureuse et la demande d'ordre qui en découle.

« L'ordre fait la liberté, et le désordre fait la servitude »
Charles Péguy

On en revient à Péguy: «L'ordre fait la liberté, et le désordre fait la servitude». Le désordre des élites libertaires, qui considèrent que nous allons nécessairement vers l'ubérisation des consciences et l'interchangeabilité des êtres dans la mondialisation heureuse, génère un désordre et une angoisse culturelle. D'où le conflit sournois, mais puissant, entre une France mondialisée urbano-diplômée, et cette France périphérique (celle analysée par Christophe Guilluy) qui subit de plein fouet toutes ces perturbations et paye les pots cassés de cette révolution. Faute de mieux, elle se réfugie dans un vote populiste, protestataire à outrance. Guérir la fièvre est plus important que de lutter contre le baromètre.

La réponse à ces problématiques vient-elle du politique?

Oui. La culture est une question politique. Et la nation est avant tout une question culturelle. Or, la posture économiste des élites mondialisées s'est imposée un peu partout. Pour parvenir à «l'identité heureuse» (Juppé) il «suffirait» d'améliorer l'économie, qui améliorera le social, qui améliorera le culturel, qui améliorera le «vivre-ensemble». Il nous faut reconsidérer l'importance centrale de la culture, loin des mépris et des méprises.

La culture est avant tout une couche d'ozone protectrice, l'air commun que nous respirons ensemble.

La culture est avant tout une couche d'ozone protectrice, l'air commun que nous respirons ensemble, la dette que nous payons à ceux dont nous sommes les héritiers et l'avenir que nous envisageons ensemble. Si on ne saisit pas la nature stabilisatrice de la culture, sa capacité à nous assurer, nous réassurer dans un monde incertain, nous ne la comprenons pas. Il y a donc un lien direct entre culture et nation, un génie particulier français, loin des «cultures en France» défendues par M Macron. Remettons la culture au cœur des débats.

Quels sont les options de nos politiques?

Soit ils retricotent la proposition nationale et renouent avec l'histoire et le récit commun. Soit ils acceptent une dilution nationale dans le grand tout mondialisé en allant vers toujours plus d'Europe et toujours plus de globalisation. Cette pente-là est déjà la nôtre. Soit, ils se résolvent, de guerre lasse, à l'idée qu'une guerre civile est malheureusement inévitable pour régler, par la violence, ce qu'ils ne peuvent résoudre autrement. Ce désir inavouable d'une guerre civile qui trancherait le nœud gordien des identités impossibles et d'une nation honteuse d'elle-même, est-il là? Sans doute. Sait-on jamais!

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Laurent Bouvet : l'islamisme, la gauche et le complexe colonial (22.07.2016)

Mis à jour le 22/07/2016 à 19h43 | Publié le 22/07/2016 à 19h23

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Dans un entretien fleuve, Laurent Bouvet décrypte les origines et les rouages de l'islamo-gauchisme. A la recherche d'un nouveau prolétariat, cette gauche aveuglée voit dans les islamistes des damnés de la terre à défendre.

Laurent Bouvet est professeur de Science politique à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il a publié L'Insécurité culturelle chez Fayard en 2015.

FIGAROVOX. - Comment expliquez-vous la difficulté d'une partie des intellectuels de gauche à penser l'islamisme voire simplement à prononcer son nom? La communauté musulmane est-elle devenue le nouveau prolétariat d'une certaine gauche?

Il y a sans doute plusieurs explications possibles à ce qui est chez certains intellectuels, journalistes, chercheurs… de l'aveuglement, plus ou moins volontaire, et chez d'autres, peu nombreux en fait, un choix déterminé, politique voire idéologique. Je privilégierai ici comme explication structurelle ce que l'on pourrait nommer le complexe colonial.

Dans le cas français spécialement et européen plus largement, la colonisation a particulièrement concerné des populations de religion musulmane. Depuis la décolonisation d'une part et la fin des grands récits de l'émancipation nationaliste ou anti-impérialiste d'autre part, une forme de pensée, et les désormais incontournables «études» qui vont avec dans le monde universitaire, post-coloniale s'est développée. Elle est appuyée sur une idée simple: l'homme blanc, européen, occidental, chrétien (et juif aussi) est resté fondamentalement un colonisateur en raison de traits qui lui seraient propres (comme par essence): raciste, impérialiste, dominateur, etc. Par conséquent, les anciens colonisés sont restés des dominés, des victimes de cet homme blanc, européen, occidental, judéo-chrétien.

À partir des années 1970, à l'occasion de la crise économique qui commence et de l'installation de l'immigration issue des anciens pays colonisés, cette pensée postcoloniale va phagocyter en quelque sorte la pensée de l'émancipation ouvrière classique et de la lutte des classes qui s'est développée depuis la Révolution industrielle et incarnée dans le socialisme notamment. La figure du «damné de la terre» va ainsi se réduire peu à peu à l'ancien colonisé, immigré désormais, c'est-à-dire à celui qui est différent, qui est «l'autre», non plus principalement à raison de sa position dans le processus de production économique ou de sa situation sociale mais de son pays d'origine, de la couleur de sa peau, de son origine ethnique puis, plus récemment, de sa religion. Et ce, au moment même où des lectures renouvelées et radicalisées de l'islam deviennent des outils de contestation des régimes en place dans le monde arabo-musulman.

Toute une partie de la gauche, politique, associative, syndicale, intellectuelle…, orpheline du grand récit

Toute une partie de la gauche va trouver dans ce combat pour ces nouveaux damnés de la terre sa raison d'être alors qu'elle se convertit très largement aux différentes formes du libéralisme.

socialiste et communiste, va trouver dans ce combat pour ces nouveaux damnés de la terre sa raison d'être alors qu'elle se convertit très largement aux différentes formes du libéralisme. Politique avec les droits de l'Homme et la démocratie libérale contre les résidus du totalitarisme communiste ; économique avec la loi du marché et le capitalisme financier contre l'étatisme et le keynésianisme ; culturel avec l'émancipation individuelle à raison de l'identité propre de chacun plutôt que collective. En France, la forme d'antiracisme qui se développe dans les années 1980 sous la gauche au pouvoir témoigne bien de cette évolution.

À partir de là, on peut aisément dérouler l'histoire des 30-40 dernières années pour arriver à la situation actuelle. Être du côté des victimes et des dominés permet de se donner une contenance morale voire un but politique alors que l'on a renoncé, dans les faits sinon dans le discours, à toute idée d'émancipation collective et de transformation de la société autrement qu'au travers de l'attribution de droits individuels aux victimes et aux dominés précisément. À partir du moment où ces victimes et ces dominés sont incarnés dans la figure de «l'autre» que soi-même, ils ne peuvent en aucun cas avoir tort et tout ce qu'ils font, disent, revendiquent, etc. est un élément de leur identité de victime et de dominé. Dans un tel cadre, l'homme blanc, européen, occidental, judéo-chrétien… ne peut donc jamais, par construction, avoir raison, quoi qu'il dise ou fasse. Il est toujours déjà coupable et dominateur.

Pour toute une partie de la gauche, chez les intellectuels notamment, tout ceci est devenu une doxa. Tout questionnement, toute remise en question, toute critique étant instantanément considérée à la fois comme une mécompréhension tragique de la société, de l'Histoire et des véritables enjeux contemporains, comme une atteinte insupportable au Bien, à la seule et unique morale, et comme le signe d'une attitude profondément réactionnaire, raciste, «islamophobe», etc. C'est pour cette raison me semble-t-il que l'on retrouve aujourd'hui dans le débat intellectuel et plus largement public, une violence que l'on avait oubliée depuis l'époque de la Guerre froide. Tout désaccord, toute nuance, tout questionnement est immédiatement disqualifié.

Cette doxa a-t-elle été ébranlée par le retour du «tragique» dans l'histoire auquel nous assistons depuis les attentats de 2001 aux Etats-Unis?

L'avènement depuis une quinzaine d'années sur le sol occidental (et son intensification en France particulièrement ces dernières années) d'un terrorisme islamiste qui prolonge le djihad mené dans les pays arabes en particulier n'a pratiquement pas entamé cette doxa. Dans un tel cadre, le terroriste est d'abord et avant tout perçu lui aussi comme une victime même si son acte est condamné en tant que tel. Victime de la situation sociale dans laquelle se trouvent les populations issues de l'immigration (ghettos urbains, chômage de masse…), victime de la manière dont il est traité comme croyant, victime de «l'islamophobie» de la «laïcité à la française», du «racisme d'État»…, victime même, comme on l'a vu après l'attentat de Nice, d'une société

Il est pour le moins étrange que ce soient les mêmes qui nient tout caractère islamiste à un acte terroriste et qui appellent à ne pas faire d'amalgame entre l'auteur de l'acte et l'ensemble des musulmans.

occidentale pervertissant l'individu (bisexualité, divorce, alcoolisme, dépression…). Dans un tel schéma, l'islamiste n'est donc jamais responsable de sa manière de croire et de pratiquer l'islam, comme le terroriste n'est jamais pleinement responsable de ses actes. C'est la société occidentale qui est d'abord et avant tout à blâmer, c'est «nous» qui sommes les véritables responsables de ce qui nous arrive. On peut souligner, d'ailleurs, à ce propos, qu'il est pour le moins étrange pour ne pas dire cocasse que ce soient souvent les mêmes qui nient tout caractère islamiste à un acte terroriste et qui appellent à ne surtout pas faire d'amalgame entre l'auteur de l'acte et l'ensemble des musulmans.

Difficile dès lors de débattre sereinement et surtout efficacement de l'attitude à adopter face au terrorisme islamiste, des politiques à mettre en place, des changements à introduire dans nos lois comme dans nos habitudes. Ne serait-ce que puisque face à cette forme de déni du réel que pratique une partie de la gauche, se construit une force qui va jusqu'à rejeter la possibilité même de l'existence de Français musulmans et elle aussi construite sur la mise en avant d'une identité (française, européenne, blanche, occidentale, chrétienne…) revendiquée comme «seule et vraie». Dérive que l'on trouve aujourd'hui en partie à droite et à l'extrême-droite. Or on ne peut se satisfaire d'un débat opposant, comme c'est malheureusement trop souvent le cas aujourd'hui, une gauche du déni à une droite du rejet. Pas seulement parce qu'il est vicié intellectuellement mais parce qu'il ne peut conduire qu'au pire.

Comment expliquer le glissement historique d'une gauche largement anticléricale quand elle faisait face à l'Eglise à une gauche très défensive quand il s'agit d'appliquer le cadre de la laïcité à l'Islam?

Outre, très largement, pour les raisons que je viens de décrire, parce qu'une partie de cette gauche sécularisée pendant des décennies avait trouvé un substitut religieux dans la croyance idéologique communiste notamment - on peut rappeler d'ailleurs en passant que l'idéologie et la religion fonctionnent de la même marnière comme représentation inversée de la réalité chez Marx. L'effondrement des grands récits idéologiques du XXe siècle a laissé cette gauche dans le désarroi. Ne plus pouvoir opposer de Vérité au réel lui était d'une certaine manière insupportable. D'où la transformation rapide, dans les années 1990-2000, de la pensée postcoloniale en une forme idéologique autonome et surdéterminante (alors qu'auparavant elle pouvait encore être incluse dans le récit communiste global).

Le rapport de cette gauche à l'Église est resté le même que celui de la période précédente, alliant d'une forme d'anticléricalisme viscéral à la condamnation du caractère rétrograde de l'Église sur les questions de mœurs en particulier - on l'a bien vu au moment du «mariage pour tous». La laïcité n'étant ici ni discutée ni discutable

L'effondrement des grands récits idéologiques du XXe siècle a laissé cette gauche dans le désarroi. Ne plus pouvoir opposer de Vérité au réel lui était insupportable.

d'une certaine manière. Même si sur d'autres sujets, l'Église est plutôt considérée comme une alliée à gauche. C'est le cas en ce qui concerne l'accueil des migrants par exemple.

En revanche, le rapport à l'islam est lui nouveau historiquement. Cette religion, y compris dans ses formes les plus radicales, n'est pas considérée d'abord et avant tout comme une religion, comme un possible «opium du peuple», mais comme un des traits identitaires spécifiques des victimes et des dominés du monde postcolonial. Ce qui conduit à des choses étranges sur le plan philosophique, comme la défense du voile islamique au nom de la liberté individuelle par des responsables ou des militants politiques se réclamant du marxisme. On repense ici, par exemple, à l'épisode de la jeune candidate du NPA portant le voile aux régionales de 2010 en région PACA qui avait été défendue pour ce motif par Olivier Besancenot notamment.

On assiste donc, très largement au sein de la gauche, toutes familles politiques confondues, à ce deux poids deux mesures étonnant sur la laïcité. Comme si celle-ci était à géométrie variable selon la religion concernée. Ainsi, autre exemple, nombre d'élus de gauche sont-ils prompts à souhaiter publiquement aux musulmans de bonnes fêtes à l'occasion de la fin du Ramadan sans le faire pour d'autres religions. Or il me semble difficile d'adapter ainsi son attitude en fonction de telle ou telle religion. Il me semble difficile d'accueillir une cérémonie de rupture du jeûne dans une mairie alors qu'on n'y interdit la crèche de Noël pour prendre un autre exemple. La laïcité devrait simplement enjoindre aux élus à ne pas se mêler, dans le cadre de leurs fonctions, de religion.

Que pensez-vous des références nombreuses à la Seconde Guerre mondiale, au régime de Vichy pour parler de l'état d'urgence ou au parallèle entre les musulmans et les juifs?

Je suis toujours très circonspect sur les évocations historiques de ce genre au regard de la situation actuelle. D'autant plus qu'elles servent beaucoup, depuis quelques années, avec l'explosion de l'usage des réseaux sociaux, à disqualifier l'adversaire. C'est le fameux point Godwin qui veut que dans une conversation sur un réseau social, à un moment donné, dans le cadre d'un désaccord, on vous traite de nazi.

Concernant l'état d'urgence, nul besoin d'évoquer Vichy. Il suffit simplement de comparer ce qu'est l'état d'urgence dans un grand pays démocratique, dans un état de droit ancien et solide comme la France, à celui qui vient d'être décrété par Erdogan en Turquie. L'évocation sans plus de précaution dans le débat politique français de Vichy ces dernières semaines à propos de l'état d'urgence ou de l'usage du 49.3 par le

Concernant l'état d'urgence, nul besoin d'évoquer Vichy. Il suffit simplement de comparer ce qu'il est à celui qui vient d'être décrété par Erdogan en Turquie.

gouvernement est tout simplement ridicule. Elles témoignent, plus profondément, me semble-t-il, du désarroi d'une partie, réduire et extrême, de la gauche qui n'a plus que ça pour tenter de se faire entendre parce que son poids politique est tellement réduit qu'elle est tout simplement inaudible. C'est la même logique que la violence symbolique et parfois physique qui sourd régulièrement de cette extrême-gauche, sur les réseaux sociaux, dans les manifestations…

Quant au parallèle entre juifs et musulmans comme boucs émissaires, là aussi, attention. Outre la comparaison historique oiseuse qui consiste à faire des musulmans d'aujourd'hui ce qu'étaient les juifs hier à l'époque nazie, la situation n'est pas du tout comparable. Personne n'extermine en masse les musulmans ou n'a même décidé de le faire. Et les morts musulmans aujourd'hui dans le monde en raison de la guerre ou du terrorisme le sont d'abord sous les coups d'autres musulmans. Je ne suis pas certain qu'une telle comparaison serve le propos de ceux qui s'y risquent.

En France, aujourd'hui, s'il y a bien des formes de racisme anti-musulman qui s'expriment, et parfois des actes qui se commettent, outre qu'ils sont répréhensibles et réprimés - je pense notamment aux outils mis en place avec la DILCRA notamment depuis 4 ans pour améliorer les signalements et conduire à des poursuites pénales -, il n'y a pas eu de musulman qui ait été assassiné à raison de sa religion en France - à l'exception des militaires tués par Merah en 2012 et du policier abattu boulevard Richard-Lenoir par les frères Kouachi en janvier 2015. Encore ont-ils été tués sans doute davantage parce qu'ils portaient l'uniforme qu'à raison de leur confession supposée. Et en tout cas, il ne s'agit pas de crimes «islamophobes». Tous les musulmans morts dans l'attentat de Nice par exemple n'ont pas été visés en tant que tels. Dans le cas de l'antisémitisme, outre les paroles et les actes, nombreux, les victimes de Merah dans l'école juive en 2012 ou de Coulibaly à l'Hyper Cacher en janvier 2015 l'ont été parce qu'elles étaient juives et visées comme telles.

Le conflit israélo-palestinien ou les traces de la Guerre d'Algérie entretiennent-ils cette islamo-gauchisme? La concurrence victimaire est-elle devenue le moteur de celui-ci?

Il y a, incontestablement, au sein de cette gauche extrême dont on parlait plus haut, la tentation de rejouer en permanence les conflits coloniaux ou d'importer en France des conflits extérieurs, comme celui entre Israël et les Palestiniens. On le voit à l'occasion des manifestations comme celles de l'été 2014 en faveur de Gaza ou dans les campagnes de boycott des produits israéliens par exemple. C'est heureusement limité. Et s'il ne se trouvait pas toujours des responsables médiatiques, politiques ou syndicaux pour donner du crédit ou soutenir ces actions gauchistes, elles n'auraient aucun écho.

La loi du marché s'applique aussi à la concurrence victimaire. C'est ce qui échappe à toute cette gauche qui se prétend antilibérale parce qu'elle conteste la mondialisation économique.

Disons, pour simplifier, qu'il existe une forme de gauchisme culturel qui dépasse de loin les frontières du gauchisme politique. Ce ne serait pas plus gênant que ça si le folklore auquel ça conduit ne débouchait pas aujourd'hui, alors que les circonstances historiques sont particulièrement graves, sur une dégradation du débat public, sur une violence verbale et symbolique souvent odieuse, en tout cas hors de proportion avec la réalité des faits. Il faut donc y être attentif et ne pas s'y laisser prendre, ce qui n'est pas toujours facile, sur les réseaux sociaux notamment.

La concurrence victimaire renvoie à ce que j'ai dit plus haut en rapport avec la pensée post-coloniale. Dans une telle conception où l'on ne voit l'autre que comme une victime de ce que l'on est soi-même, alors il ne peut y avoir que de la concurrence entre victimes pour obtenir telle visibilité médiatique, telle reconnaissance publique, tel droit particulier, telle subvention, etc. Le libéralisme ne s'arrête pas au post-colonialisme. La loi du marché s'applique aussi à la concurrence victimaire. C'est ce qui échappe visiblement à toute cette gauche qui se prétend fortement antilibérale parce qu'elle conteste la mondialisation économique ou la déréglementation du travail mais qui est très libérale dès lors qu'il s'agit des questions identitaires et culturelles.

Face à la question de l'islamisme mais aussi de l'immigration musulmane, la dimension culturelle de l'Islam est-elle un impensé?

C'est une question fondamentale mais à laquelle je ne peux pas répondre car je n'ai pas la connaissance nécessaire pour le faire.

Je ne peux que formuler une hypothèse. Pour moi, de ce que j'en sais et de ce que je peux en comprendre, l'islam comme religion (au sens donc cultuel et culturel), n'est pas a priori incompatible avec ce que l'on peut

La partie qui se joue n'est pas entre l'islam et l'Occident mais entre l'islamisme et le refus de l'islamisme.

appeler la modernité occidentale - celle qui s'est déployée depuis cinq siècles sur le socle de la société judéo-chrétienne qu'on trouvait en Europe. C'est-à-dire avec la liberté individuelle (y compris de ne pas croire), l'égalité de droits, en particulier entre hommes et femmes, la démocratie, l'état de droit, etc. Il n'y a donc pas de fatalité et pas de «choc de civilisation» en soi.

Évidemment, aujourd'hui, dans toute une partie de l'islam, cette modernité occidentale est condamnée et attaquée pour ce qu'elle véhicule de valeurs et comme modèle de société. Il me semble donc que la partie qui se joue aujourd'hui n'est pas entre l'islam et l'Occident mais entre l'islamisme et le refus de l'islamisme, aussi bien au sein des populations musulmanes que non musulmanes, en Occident comme dans le monde arabo-musulman.

Dans votre livre L'insécurité culturelle , vous défendez la notion de «commun» pour que la communauté nationale se retrouve autour de valeurs partagées. Concrètement, une proximité culturelle minimale n'est-elle pas aussi une condition nécessaire de cette communauté de valeurs?

Oui, pour qu'il y ait du commun, il faut qu'il y ait une proximité culturelle et pas seulement principielle ou institutionnelle. C'est une évidence.

Pour qu'il y ait du commun, il faut qu'il y ait une proximité culturelle et pas seulement principielle ou institutionnelle.

La question étant ce que l'on met dans le terme «culturel». Une culture n'est pas quelque chose de figé, ce n'est pas une essence. C'est un ensemble de références, de valeurs, d'habitudes, etc. mouvant et cumulatif. C'est un lien entre ceux qui en partagent l'essentiel mais c'est aussi un lieu de débat ou d'affrontement sur le sens qu'on peut lui donner.

On parlait à l'instant de l'islam. Or ce qui le caractérise, au-delà du fait que c'est une religion, un lien entre les croyants dans le même dieu, c'est aussi son extraordinaire diversité culturelle à travers le monde. C'est d'ailleurs ce que veulent réduire les islamistes en imposant une seule vision de l'islam.
Au-delà encore, pour moi, une culture, la culture, c'est précisément le mouvement et la mixité, le contraire même de la fixité et de l'essence. C'est d'ailleurs ce que nous enseigne notre propre histoire, occidentale, européenne, puisqu'on a commencé par ça. La possibilité du désaccord et de la vie en commun malgré ce désaccord, puis de son dépassement à travers une nouvelle forme culturelle qui inclut les anciens désaccords, c'est toute l'histoire de notre culture occidentale.

Le commun permet précisément l'existence de différences parce qu'on accepte le cadre d'ensemble dans lequel elles peuvent s'exprimer. C'est donc à la fois le fruit d'un effort, d'une volonté, je n'ose dire générale, et en même temps le résultat d'un long processus historique fait de heurts et d'affrontements. Il faut à la fois le vouloir, et faire ce qu'il faut pour, et en même temps ne pas l'envisager comme quelque chose de figé et de fixé une fois pour toutes. C'est pourquoi d'ailleurs, en France, la République est l'expression historique la plus achevée de ce commun, englobant et dépassant à la fois l'Histoire longue de la France qui l'a précédée. On peut citer Péguy quand il intitulait un de ses Cahiers: «La République, une et indivisible, notre royaume de France».

Journaliste au Figaro.fr

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