Contre le lynchage médiatique et les calomnies visant les antiracistes (23.11.2017)
«L'antifascisme
exacerbé a ressuscité l'obsession de la 'race'» (02.10.2017)
Polémique «Nique la
France» : derrière l'antiracisme des Indigènes de la République, le racisme
anti-blanc (26.06.2017)
Bouvet :
« Que des universitaires défendent Houria Bouteldja est un crime contre
l'esprit » (23.06.2017)
Bensoussan
relaxé : la victoire du véritable antiracisme face au communautarisme
(13.03.2017)
«Le procès
Bensoussan ou l'indignation à géométrie variable des pseudo-antiracistes»
(27.01.2017)
Procès
Bruckner : une défaite pour les «collabos» de l'islamisme (19.01.2017)
L'affaire Sarah
Halimi et le tabou du «nouvel» antisémitisme (14.07.2017)
Goldnadel :
«L'islamo-gauchisme a contaminé les esprits» (30.06.2017)
Alexandre Devecchio
: «Houria Bouteldja ou la grande misère de l'antiracisme» (23.06.2017)
Damien Le
Guay : « Pour combattre le racisme, il faut déradicaliser
l'antiracisme » (31.03.2017)
Laurent Bouvet :
l'islamisme, la gauche et le complexe colonial (22.07.2016)
Voir aussi :
Alain Finkielkraut : « Edwy Plenel a été un compagnon de route, sourd et aveugle, de l’islamisme »
https://www.causeur.fr/esprit-escalier-finkielkraut-levy-ramadan-tariq-actualite-147726
Voir aussi :
Alain Finkielkraut : « Edwy Plenel a été un compagnon de route, sourd et aveugle, de l’islamisme »
https://www.causeur.fr/esprit-escalier-finkielkraut-levy-ramadan-tariq-actualite-147726
Antiracisme: le piège du droit à la différence (09.10.2017)
Le plan Kalergi : génocide des peuples européens
Dépitée Obono - Chroniques de l’Assemblée
La Gauche doit faire le ménage dans ses rangs
Le CCIF, anti-discrimination ou anti-république ?
L’honneur perdu de Sonia Nour
Bruckner : «Ils haïssent la France, non parce qu'elle opprime les musulmans, mais parce qu'elle les libère» (06.10.2017)
Politiques, journalistes, intellos : enquête sur les agents d'influence de l'islam (06.10.2017)
Manuel Valls : «L'islamisme, voilà l'ennemi» (06.10.2017)
La France insoumise de Mélenchon serait-elle une gauche soumise ?
Contre le lynchage médiatique
et les calomnies visant les antiracistes (23.11.2017)
— 23 novembre 2017 à 17:16
L’affaire Tariq Ramadan,
estime un groupe d’intellectuels, relance violemment les campagnes menées
contre les représentants de l’antiracisme.
Contre le lynchage
médiatique et les calomnies visant les antiracistes
SIGNATAIRES : Bams, artiste,
militante antiraciste; Ludivine Bantigny, historienne; Maxime
Benatouil, membre de l’Union juive française pour la paix; Judith
Bernard, metteure en scène, enseignante et journaliste; Daniel
Blondet, militant syndicaliste, anti-impérialiste; Alima
Boumediene, avocate, association Femmes plurielles; Rony
Brauman, enseignant, essayiste; Déborah Cohen,historienne; Ismahane
Chouder, coprésidente du Collectif des féministes pour
l’égalité; Thomas Coutrot, économiste; Christine
Delphy, sociologue et féministe; Eva Doumbia, metteure
en scène, autrice, membre du collectif Décoloniser les arts; Annie
Ernaux,écrivaine; Eric Fassin, sociologue; Bernard
Friot, économiste et sociologue; Sylvain George, cinéaste; François
Gèze, éditeur;Nacira Guénif, sociologue; Michelle
Guerci, journaliste; Eric Hazan, éditeur; Nicolas
Klotz, cinéaste; Stathis Kouvelakis,philosophe; Thierry
Labica, enseignant-chercheur; Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire; Laurent
Lévy, essayiste, militant antiraciste; Philippe Marlière, politiste; Gustave
Massiah,économiste; Olivier Neveux, universitaire; Dimitri
Nicolaïdis,enseignant école européenne de Bruxelles; Ugo Palheta, sociologue; Elisabeth
Perceval, cinéaste; Nathalie Quintane, écrivaine; Lluis
Sala Molins, philosophe et essayiste; Catherine Samary, économiste
altermondialiste; Michèle Sibony, membre de l’Union juive
française pour la paix; Julien Théry, historien; Rémy
Toulouse, éditeur; Françoise Vergès, féministe
antiraciste et Bernard Stiegler,philosophe.
Comme un mauvais jeu de dominos,
un jeu ignoble et dangereux, les accusations calomnieuses sont tombées une à
une sur les courants de l’antiracisme politique. La cascade vient de loin, de
l’extrême droite, de la fachosphère, de sites xénophobes comme Fdesouche, mais
aussi de courants proches de la «gauche» socialiste comme le Printemps
républicain, et d’organes de presse tels Causeur, Valeurs
actuelles, le Figaro ou Marianne. Des personnalités
politiques misent leur va-tout sur les enjeux identitaires et autoritaires - et
jouent gravement avec le feu.
Manuel Valls est de ceux-là,
tombé au fond du trou après son élimination politique ; le voilà remis en
selle, brandissant pour tout programme sa lame islamophobe. On ne s’étonnera
pas de le voir fourbir les mêmes armes que son compère en réaction identitaire,
Laurent Wauquiez. Ces deux-là appartiennent bien désormais au même univers idéologique,
signe de la confusion où les étiquettes partisanes n’importent plus. C’est un
masque qui ne devrait plus tromper grand monde : des politiques destructrices,
offensives contre les droits sociaux, dont on essaie de détourner l’attention
en adoptant la ligne faible mais terrible des rodomontades sur l’ennemi
intérieur et le supposé choc des civilisations. Ces néoconservateurs surfent
sur la même vague qui a porté Trump au pouvoir et qui ravage l’Europe, de la
Hongrie à la Pologne et l’Autriche. Le rouleau compresseur néolibéral est
désastreux pour le plus grand nombre mais ses effets s’abattent d’abord dans
les quartiers populaires sur les populations noires, arabes, roms, musulmanes
ou supposées telles. C’est dans ce contexte nauséabond que, depuis des années,
un tombereau de calomnies déferle sur les représentant·e·s de l’antiracisme
politique, dont le projet est précisément de combattre l’apartheid que
connaissent les populations de ces quartiers. Dès son élection, il a visé
Danièle Obono, députée de La France insoumise, sommée de crier «Vive la France
!». Avant, il y eut l’acharnement contre les promotrices du camp d’été
décolonial, puis le festival Nyansapo. Il s’est aggravé ces dernières semaines
et s’obstine à nouveau contre Danièle Obono, parce qu’elle a osé reconnaître en
Houria Bouteldja une camarade de luttes antiracistes. Victime d’une chasse aux
sorcières, Houria Bouteldja, et, avec elle, le Parti des indigènes de la
République, est devenue la personnalité à abattre. Cette atmosphère de lynchage
profite éhontément de l’affaire Tariq Ramadan. Après les très graves
accusations portées contre lui, justice devra être faite : le respect des
victimes et la sérénité du procès à venir exigent qu’aucune récupération
idéologique ne soit permise. Le combat fondamental contre le sexisme et les
violences faites aux femmes ne peut servir l’agenda des promoteurs de haine
identitaire.
Subissent la même traque celles
et ceux qui ont croisé ou débattu avec Tariq Ramadan : de Pascal Boniface à
Edwy Plenel et Mediapart, d’Edgar Morin à Alain Gresh, du CCIF
à François Burgat. Nous sommes à leurs côtés pour qu’ils continuent à tenir,
avec cohérence et courage et ténacité, une position de débat et de combat en
défense des musulman·e·s victimes de stigmatisation mais aussi de celles et
ceux qui endurent le racisme, l’antisémitisme, la négrophobie, l’islamophobie,
les contrôles au faciès et la répression.
On ne comprend pas comment
Jean-Luc Mélenchon a pu prendre part à cette traque. Les accusations
d’antisémitisme qu’il a portées contre Houria Bouteldja sont inacceptables.
Lorsqu’il était lui-même accusé de proximité avec des antisémites, Jean-Luc
Mélenchon a déclaré un jour : «L’antisémitisme est un délit ;
il doit être condamné comme tel. Accuser à tort quelqu’un d’être
antisémite est aussi un délit.»
Ce vent mauvais est ravageur.
Au-delà des diverses personnalités visées et d’éventuels désaccords que l’on
peut avoir avec elles, ce sont l’antiracisme politique, la lutte contre les
discriminations systémiques et l’islamophobie que l’on cherche
à discréditer. Pourtant, ces combats s’inscrivent dans le camp de
l’émancipation. C’est pourquoi, nous jugeons nécessaire de faire l’unité contre
les calomnies, les lynchages médiatiques et la diffamation.
«L'antifascisme exacerbé a ressuscité l'obsession de la
'race'» (02.10.2017)
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Depuis
Charlottesville, les revendications antiracistes se sont multipliées aux
Etats-Unis et en France. Gilles-William estime que l'antiracisme pervers et
surmédiatisé aura conduit au renouveau de la «guerre des races».
Gilles-William Goldnadel est
avocat et essayiste. Il est président de l'association France-Israël. Toutes
les semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.
Le résultat le plus patent et le
plus efficace de l'antiracisme factice qui sévit depuis 50 ans aura été la
guerre des races.
Je rappelle que celui-ci a
interdit pendant longtemps l'utilisation du vocable de «race» sous peine
d'excommunication. Aucune différenciation entre semblables n'étaient
tolérables.
L'obsession du racisme aura
abouti à l'obsession de la race, la couleur des uns étant synonyme de
souffrance, celle des autres tout aussi systématiquement synonyme de racisme
monopolistique.
Dans la réalité, et au fil des
années, l'obsession du racisme aura abouti à l'obsession de la race, la couleur
des uns étant systématiquement synonyme de souffrance, celle des autres tout
aussi systématiquement synonyme de racisme monopolistique. Toute contestation
de cet esprit de système étant ipso facto suspectée de racisme systémique.
L'autre caractéristique de
l'antiracisme factice s'observant dans la forme hystérique et obsessionnelle de
sa représentation médiatique.
Les États-Unis, comme toujours,
ont lancé la mode culturelle de cet antiracisme et imprimé son mode de
communication électronique et frénétique.
Les semaines écoulées depuis les
événements de Charlottesville nous en ont livré quelques échantillons choisis:
destructions de statues de généraux sudistes, interdiction d' «Autant en
emporte le vent» à Memphis, contestation de Christophe Colomb, critiques contre
Kate Bigelow, réalisatrice du film Détroit et incapable en tant que blanche de
comprendre la souffrance noire (Libération 11 août), manifestations de
footballeurs noirs américains refusant, un genou à terre, de saluer le drapeau
national.
Le prétexte donné à ce dernier
geste étant la violence policière blanche. Si nul ne saurait contester
l'existence de celle-ci et encore moins l'excuser lorsqu'elle survient, le
courage et l'honnêteté intellectuels commandent d'indiquer qu'il arrive aussi
de voir des blancs violentés volontairement par des noirs.
Je rappelle ici mon article dans
lequel je m'étonnais que nul n'ait cru devoir reprocher à Obama l'oubli du
vocable «racisme» lorsque délibérément un homme noir à Dallas a assassiné
quatre policiers blancs innocents pour venger la mort d'un noir. Ici sévit la
guerre des races.
L'un des effets pervers de
l'obsession antiraciste unilatérale aura été de redonner à de nombreux blancs
américains (dont les plus pauvres sont les seuls qui ont vu leur espérance de
vie diminuer ces dernières années) une conscience de race à nouveau
exacerbée.
L'honnêteté oblige également à
constater tristement que l'élection d'un président noir aux États-Unis, saluée,
au-delà de ses réelles qualités intellectuelles intrinsèques, avec un
empressement extatique que j'ai toujours considéré comme racialiste, n'aura en
rien calmé la question raciale obsessionnelle. Tout au contraire.
Étrangement, ce président qui
avait commencé brillamment son magistère en ignorant superbement sa différence,
l'aura achevé huit ans plus tard en frayant avec les Black Matters , groupe
racialiste radical s'il en est.
D'un excès l'autre: Ce n'est
certainement pas le nouveau président américain qui calmera cette situation
névrotique. Donald Trump, rejeté outrageusement dès le début par le pouvoir
médiatique, a fait le choix stupide et affligeant de la fuite en avant.
Dans l'affaire «des genoux à
terre», alors qu'il avait un beau sujet pour rassembler une majorité bigarrée
autour du drapeau étoilé, celui-ci a préféré traiter les sportifs mutins de
«fils de pute», donnant ainsi rétrospectivement raison à ses caricaturistes les
plus caricaturaux.
Dernier exemple américain en date
de l'illustration d'un excès médiatique consternant: des graffitis sur la porte
de la chambrée de soldats noirs ont permis au discours antiraciste d'un
officier blanc de grande éloquence de faire le tour du monde.
Ce discours était absolument
nécessaire dans l'enceinte de la caserne, mais sa publicité planétaire
totalement disproportionnée avec l'incident.
Sauf à permettre à tout raciste
pervers de prendre le monde médiatique en otage complaisant en écrivant sa
haine sur la porte d'une mosquée, d'une église, d'une synagogue , d'une
chambrée ou de toilettes, l'exposition de la bêtise humaine ne saurait tolérer
une malsaine surexposition.
Si le prêchi-prêcha
antiraciste médiatisé présentait la moindre efficacité depuis qu'il est imposé
par la fausse morale préfabriquée, les lignes qui précèdent n'auraient pas
existé.
Et si le prêchi-prêcha
antiraciste médiatisé présentait la moindre efficacité depuis qu'il est imposé
par la fausse morale préfabriquée, les lignes qui précèdent n'auraient pas
existé.
La France ne se trouve pas en
meilleure situation. Les mauvais vents de Charlottesville n'auront pas mis un
mois à franchir l'océan.
Les antiracistes de pacotille et
les antinazis d'opérette n'ont pas non plus chômé: le Cran qui veut culbuter
Colbert et dégommer Dugommier jusqu'à Mélenchon qui prétend que ce sont des
antifas de rue qui ont chassé les nazis.
Cécile Pina (Figarovox 29 /9)
révélait que des islamistes radicaux avaient été autorisés par l'université
Lyon 2 à organiser une conférence à l'intérieur de son enceinte. Le pire était
d'apprendre que Jean-Louis Bianco, es qualité de président de l'Observatoire de
la laïcité, avait accepté d'envoyer un message aux participants, donnant ainsi
son onction à la manifestation. Pour illustrer l'obscénité d'un tel
encouragement, on précisera que le parti des Indigènes de la république fera
partie de la joyeuse équipe.
Je rappelle ci-après, la
contribution de la porte-parole de ce parti à la guerre des races: «Mohamed
Merah c'est moi. Le pire c'est que c'est vrai. Comme moi, il est d'origine
algérienne, comme moi il a grandi dans un quartier, comme moi il est musulman.
Comme moi, il sait qu'il sera traité d'antisémite s'il soutient les
palestiniens colonisés, d'intégriste s'il soutient le droit de porter le
foulard. Mohamed Merah c'est moi et moi je suis lui.… Nous sommes des indigènes
de la république. Je dis ce soir, je suis une musulmane fondamentale.»
« Il faut dénationaliser
l'histoire de France. Je crois qu'il faut faire exploser cette identité
française. … » Houria Bouteldja citée par Pierre-André Taguieff dans «
L'islamisme et nous ».
Et encore ceci: «Il faut
dénationaliser l'histoire de France. Je crois qu'il faut faire exploser cette
identité française. …» Houria Bouteldja citée par Pierre-André Taguieff dans
«L'islamisme et nous» (CNRS éditions 2017)
Une sympathisante de ce parti
Indigène, Danielle Obono, est également député insoumise de la république. Invitée
cette semaine sur BFM, elle répugnait, dans le cadre des lois antiterroristes
en gestation, à considérer comme un signe de radicalisation, l'attitude d'un
chauffeur de bus qui refuserait, comme cela arrive, de conduire après une
femme. Evidemment, madame Obono , qui n'a rien contre le «Nique la France»,
aime à se dire féministe.
Joli succès de l'antiracisme
d'extrême-gauche: Le parti mélancholique est en passe d'ajouter la guerre des
races à la guerre des classes.
La rédaction vous
conseille :
- Polémique
«Nique la France»: derrière l'antiracisme des Indigènes de la République,
le racisme anti-blanc
- Bouvet:
«Que des universitaires défendent Houria Bouteldja est un crime contre
l'esprit»
- L'affaire
Sarah Halimi et le tabou du «nouvel» antisémitisme
- Goldnadel:
«L'islamo-gauchisme a contaminé les esprits»
- Alexandre
Devecchio: «Houria Bouteldja ou la grande misère de l'antiracisme»
Polémique «Nique la France» : derrière l'antiracisme des
Indigènes de la République, le racisme anti-blanc (26.06.2017)
Mis à jour le 26/06/2017 à 15h45 | Publié le 26/06/2017 à 15h30
FIGAROVOX/TRIBUNE - Défendant la
liberté de dire «Nique la France» et s'interrogeant sur les raisons de déclarer
«Vive la France», la député insoumise, Danièle Obono, a provoqué de vives
réactions. Gilles-William Goldnadel dénonce cette attitude, souligne l'inanité
idéologique d'une certaine gauche .
Gilles-William Goldnadel est
avocat et écrivain. Il est président de l'association France-Israël. Toutes les
semaines, il décrypte l'actualité pour FigaroVox.
L'affaire Obono est un tristement
banal concentré de tout ce qui abrase quotidiennement et progressivement la
société française.
Car dans le creux de cette
affaire de mensonges, d'impunité, de victimisation, de culpabilisation, se
niche le non-dit : celui de la haine du blanc.
C'est d'abord l'histoire d'une
hypocrite imposture. Lorsqu'au micro d'une radio que je connais bien, la
nouvelle député prétendument insoumise raconte qu'elle ne soutient l'expression
«Nique la France!» qu'au nom de la sacro-sainte liberté d'expression,
elle ment effrontément. Il suffit de lire la pétition qu'elle a signée en
faveur du groupe rap qui avait mis en musique la formule consacrée pour se
convaincre qu'elle adhère à l'idéologie anti- vieille France effrayante
diffusée par ces Indigènes de la République indigents avec lesquels elle fraye.
Contrairement aux dénégations de
son camarade Alexis Corbière, les tweets de la «camaradobono» sont moins
mensongers qu'elle: «meufs , indigènes et salle comble, bougnoulesunited
pour les 10 ans du PIR à St Denis , la classe» (8 mai 2015). Pour
l'ambiance, je rappellerai également un autre de ses doux gazouillis: «la
police vous parle tous les soirs à 20h ,manifgaza, Israël assassin, Hollande
complice» ce tweet est daté du 19 juillet 2014, date mémorable d'une
manifestation pro Hamas ou l'on entendit force slogans antijuifs.
Il est, en tout état de cause,
piquant de constater que ceux qui se sont empressés de voler au secours de la
député insoumise par soumission idéologique et feint de croire à sa fable sur
la liberté d'expression appartiennent précisément au camp de ceux qui traquent
la phrase déviante. Un souvenir, à ce sujet, me revient. Je défendais un
syndicat de policiers, émus par la chanson du groupe rap «Ministère Amer»
intitulée «Sacrifice de poulets». Mathieu Kassovitz était venu fièrement
défendre à la barre la liberté totale d'expression. Je lui demandai alors s'il
défendait aussi celle de Jean-Marie Le Pen. Le silence qui s'ensuivit fut
encore plus pesant que celui que prit Mme Obono pour confirmer sans
enthousiasme qu'elle pouvait bien murmurer «Vive la France»…
L'affaire Obono symbolise
également la complaisance médiatique qui accueille dans le cadre d'un
psychodrame névrotique tous les débordements commis par les tenants de
l'affrontement ethnique ou racial au nom de l'immigration souffrante. A
fortiori, lorsque leurs militants invoquent le combat social-révolutionnaire.
C'est ainsi qu'une pétition en faveur d'une Houria Bouteldja qui pose à côté du
slogan «sionistes au goulag» a les honneurs du Monde.
On ne dira aussi jamais assez
combien le chavezisme confortable de M. Mélenchon bénéficie également d'une
bienveillance médiatique exceptionnelle.
On trouve ici la marque de
l'obsession de la race propre à l'antiracisme gauchisant.
L'affaire Obono montre également
clairement comment se met immédiatement en place non seulement le phénomène de
victimisation raciale de l'intéressée mais également de culpabilisation raciste
de celui qui ose mettre celle-ci en cause. On trouve ici la marque de
l'obsession de la race propre à l'antiracisme gauchisant. C'est ainsi que le
journaliste qui questionne une député qui vient de soutenir «Nique la France»
sur un éventuel soutien à «Vive la France» n'est pas censé avoir
questionné une militante racialiste issue de la LCR et du NPA mais, selon
Mélenchon et autres, une malheureuse jeune femme noire…
Mais ce qu'il faut surtout
comprendre, c'est que si je m'arrêtais là dans la description des causes de
cette affaire symptomatique de la désagrégation de la société française, je
n'aurais rien dit.
Car dans le creux de cette
affaire de mensonges, d'impunité, de victimisation, de culpabilisation, se
niche le non-dit: celui de la haine du blanc. C'est pour cela qu'on veut niquer
le pays maudit dans lequel il est encore majoritaire, c'est pour cela que l'on
veut tuer ses juifs qui ne sont plus depuis longtemps des métèques mais des
super blancs, et c'est pour cela aussi que l'on déteste ses policiers forcément
racistes.
Mieux qu'un dessin, une preuve:
ce gazouillis de Daniel Simonnet, représentante insoumise parisienne: «Vive
la France? Oui, sauf celle des vieux cons blancs qui exigent d'une jeune député
noire de le dire!»
Mon imagination est impuissante à
décrire la réaction médiatique ou judiciaire, si un obscur conseiller cantonal
d'un parti très à droite, en réaction à quelque «Nique la France», avait
invectivé électroniquement cette nouvelle France des «jeunes cons noirs».
M. Mélenchon , une réaction?
L'excellente Cécile Pina se
demandait dans ces colonnes si
on pouvait être député d'une nation que l'on déteste.
Je pose à mon tour une question
plus existentielle: quelle sorte de nation est encore celle qui ne montre que
faiblesse envers ceux qui la détestent et le professent?
La rédaction vous
conseille :
- La
France insoumise dénonce le «racisme ambiant» à l'encontre de Danielle
Obono
- Bouvet:
«Que des universitaires défendent Houria Bouteldja est un crime contre
l'esprit»
- «Nique
la France»: peut-on être député d'une nation que l'on déteste?
Gilles William Goldnadel
- Petit
rappel de la litanie raciste d'Houria Bouteldja à une Insoumise amnésique
- Danièle
Obono critiquée pour sa défense d'une responsable des indigènes de la
République
- «Les
ambiguïtés d'Elisabeth Badinter» ou la rhétorique intellectuelle des
islamo-gauchistes
- Un
« camp décolonial » interdit aux Blancs se tient à nouv
Bouvet : « Que des universitaires défendent Houria
Bouteldja est un crime contre l'esprit » (23.06.2017)
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - En
réaction à un article de Jean Birnbaum sur les dérives de l'antiracisme, une
vingtaine d'intellectuels a pris la défense, dans une tribune du Monde parue
le 20 juin, de Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la République
citée par Birnbaum. Laurent Bouvet réagit à cette affaire.
Laurent Bouvet est professeur
de Science politique à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il
a publiéL'Insécurité culturelle chez Fayard en 2015. Son dernier
livre,La
gauche Zombie, chroniques d'une malédiction politique, est paru le 21
mars 2017 aux éditions lemieux. Il est l'une des principales figures du
Printemps Républicain.
FIGAROVOX.- Dans un article du
Monde du 10 juin dernier, Jean Birnbaum analysait le malaise d'une partie de la
gauche face à certaines dérives de l'antiracisme. Il citait notamment Houria
Bouteldja, porte-parole du parti des Indigènes de la République, auteur du très
controversé «Les Blancs, les Juifs et nous». En réaction à cet article, une
vingtaine d'intellectuels a signé une tribune parue dans Le Monde du 20 juin
pour prendre la défense de Houria Bouteldja. Que vous inspire cette tribune et
comment expliquez-vous qu'une militante ouvertement raciste, qui semble faire
l'unanimité contre elle, même au sein de la gauche, soit encore défendue par
certains intellectuels?
Laurent BOUVET.- Cette
tribune est le énième signe d'un dévoiement du combat antiraciste dans une
partie de l'extrême-gauche et de la gauche (c'est vrai en France comme
ailleurs). Cette fois, il s'agit principalement d'universitaires et de
chercheurs qui défendent l'essayiste Houria Bouteldja comme une militante
antiraciste et féministe. Or celle-ci, porte-parole du Parti des Indigènes de
la République, tient de longues dates, dans ses interventions publiques comme
dans ses livres, des propos ouvertement racistes, antisémites et homophobes.
Pour ses défenseurs, il ne
saurait y avoir de racisme de la part des « dominés » ou des «
oppressés ».
Mais elle le fait au nom de la
«domination postcoloniale des Blancs», d'un «racisme d'État» en France ou
encore d'une «intersectionnalité des luttes» des «dominés» de toute nature
(sociale, raciale, religieuse, de genre…). Pour ses défenseurs, cela est donc
légitime car il ne saurait y avoir de racisme de la part des «dominés» ou des
«oppressés». Leur lutte est en effet à leurs yeux toujours légitime, quel qu'en
soit le moyen, puisque menée au nom de «l'émancipation» de ces dominés ou
oppressés.
C'est d'abord ce systématisme,
qui sur le fond, pose problème. C'est une absurdité intellectuelle autant
qu'historique. À la fois parce que le racisme comme le sexisme, l'antisémitisme
comme l'homophobie, ne sont fonctions ni d'une origine sociale (les plus riches…)
ni d'une origine géographique (l'Europe…) ni d'une origine ethno-raciale (les
«Blancs»…) ni d'une origine religieuse (les Chrétiens…), ni d'un genre
particulier (le «mâle hétérosexuel»…), et parce qu'en renvoyer toujours et
uniquement la responsabilité historique et à des groupes aussi larges n'a aucun
sens. Ne pas comprendre ni reconnaître que dans notre histoire commune,
humaine, l'émancipation de l'individu, quelles que soient son origine ou ses
différentes appartenances «identitaires», est avant tout le produit de ce que
l'on appelle la Modernité occidentale, celle qui, en Europe sur plusieurs
siècles, a conduit à «l'invention» des droits de l'Homme, à l'abolition de
l'esclavage ou encore à forger les outils intellectuels et politiques de la
lutte anticoloniale ou du féminisme entre autres, c'est commettre une grave
faute au regard de la réalité des faits. Et c'est la commettre au nom d'une
croyance ou d'une «vérité» qui leur serait supérieure.
Que des universitaires se
commettent dans une telle déformation de la réalité au nom de leur vision
politique et militante du monde est un crime contre l'esprit.
Que des universitaires, des
chercheurs, des savants se commettent dans une telle déformation de la réalité
au nom de leur vision politique et militante du monde est un crime contre
l'esprit.
Politiquement, ils participent
d'ailleurs à une dérive identitaire délétère pour la société. Plus encore, ils
desservent le combat antiraciste ou le combat féministe qu'ils prétendent être
le leur. En aggravant et en figeant, au nom de cet essentialisme identitaire
qu'ils mettent sans cesse en exergue (nous ne pouvons être que ce que notre
identité culturelle et sociale nous assigne comme place et rôle dans la
société), les différences entre individus et groupes sociaux, ils participent à
une fragmentation et au délitement de la société. Et accessoirement au triomphe
d'autres promoteurs de ce «tout identitaire» qui eux s'appuient sur d'autres
critères qu'ils jugent positifs que sont les racistes d'extrême droite par exemple.
Ils se renvoient le ballon, ils sont les deux faces d'une même médaille, les
deux pinces d'une même tenaille dont nous ne cessons de subir la pression.
Qui sont les Indigènes de la
République, et que défendent-ils?
C'est un mouvement à la fois groupusculaire
et très radical qui prétend défendre toute personne («indigène») issue de
l'immigration et venant d'un pays colonisé par la France dans le passé. Ces
«indigènes» étant traités comme au temps de la colonisation dans le cadre de
leur immigration et de leur installation en France: racisme, «islamophobie»,
discriminations en tous genres… La dimension sociale est parfois mise en avant,
comme c'est le cas dans le dernier livre d'Houria Bouteldja, pour expliquer que
les situations de chômage ou de précarité vécues par les descendants d'immigrés
sont avant tout dues à leur origine.
Ces gens sont obsédés par la
race, par l'origine. Ils ne voient et conçoivent l'individu qu'au travers de ce
prisme.
Bien évidemment, la «doctrine» du
PIR conduit à une essentialisation identitaire tant des victimes dominées, que
des bourreaux dominants. Chacun appartenant, en raison simplement de son
origine, à tel ou tel groupe. Sans aucune possibilité d'en sortir. Ainsi, les
soutiens de H. Bouteldja dans Libération écrivent-ils en
défense de celle-ci: «Houria Bouteldja évoque ses propres déchirements comme
indigène et Blanche ou, plus précisément, «blanchie»». Pour le dire autrement,
ces gens sont obsédés par la race, par l'origine. Ils ne voient et conçoivent
l'individu qu'au travers de ce prisme.
S'ils étaient laissés à
eux-mêmes, dans leur réduit militant d'obsédés de la race qui multiplient
ateliers «non mixtes» et manifestations des «racisé.e.s» et de «non blancs», le
dommage serait très limité. Mais comme ils sont systématiquement relayés par
une presse complaisante avec leur vision du monde (on peut citer Mediapart notamment),
par des élus de l'extrême gauche (comme l'élu municipal de Saint-Denis Madjid
Messaoudène qui leur ouvre les portes des salles de sa ville) ou par des
universitaires et chercheurs qui partagent leur critique de la France et de
l'État (ceux de la tribune précitée ou encore très souvent à Paris 8
Saint-Denis), ils sont devenus visibles dans l'espace public. Et leurs idées
prennent du poids au sein d'une jeunesse précaire notamment. Même s'ils ont
visiblement bien plus de difficultés à convaincre dans les quartiers sensibles
que dans les amphis de Paris 8 ou les manifestations parisiennes.
À quel moment l'antiracisme
a-t-il basculé dans les dérives actuelles?
Il est difficile de dater
précisément un tel basculement. C'est un processus long qui s'est amplifié ces
dernières années dans les grandes sociétés multiculturelles occidentales. Il y
a plusieurs éléments à prendre en compte.
Pierre-André Taguieff avait déjà
parfaitement repéré l'ambiguïté du combat antiraciste (qui partage avec le
racisme des éléments communs dans la manière d'essentialiser l'individu) tel
qu'il était mené dans les années 1980, par SOS Racisme notamment, dans son
livre de 1988 La Force du préjugé.
Pour ma part, j'y ajouterai un
élément de contexte plus général que j'appelle le tournant identitaire tel
qu'il s'est dessiné aux États-Unis notamment à la fin des années 1960 et au
début des années 1970 lorsque les considérations autour de critères
identitaires minoritaires (race, sexe, orientation sexuelle, religion, pays
d'origine, langue minoritaire…) sont devenues de plus en plus importantes dans
les mobilisations politiques et sociales au nom d'un rattrapage historique,
d'une reconnaissance de droits ou de valorisation de traits spécifiques de
l'identité. Toutes les spécificités ont connu cette évolution, cette
«identitarisation» si l'on veut qui est venue selon les cas remplacer,
compléter ou transformer le rapport essentiellement social, de classe
notamment, qui surdéterminait jusqu'ici les combats politiques, à gauche mais
aussi à droite d'une certaine manière.
Ces dernières décennies, en
France, il faut y ajouter la dérive plus marquée encore de toute une partie de
la gauche, politique, intellectuelle et médiatique.
Ces dernières décennies, en
France, il faut y ajouter la dérive plus marquée encore de toute une partie de
la gauche, politique, intellectuelle et médiatique. L'abandon d'un projet de
transformation ambitieux du capitalisme a conduit à un double effet. Premier
effet, le maintien délétère, auprès de nos concitoyens, d'une sorte de geste
«de gauche» principalement économiste voire économiciste, tendant soit à un
«réformisme» social-libéral, en fait d'acceptation des injonctions à la
libéralisation, notamment dans le cadre européen, soit à un anti-capitalisme
rhétorique mais parfois très virulent (justifiant notamment un certain degré de
violence sociale) dont le seul réel enjeu politique est le maintien d'un niveau
élevé de dépenses publiques assurant notamment à la gauche partidaire,
syndicale et associative, la permanence de ressources et d'un électorat
suffisamment importants pour continuer de compter historiquement.
Le second effet est l'indulgence
manifestée au sein de ces deux options d'abord économicistes envers les
exigences identitaires les plus marquées, voire les plus caricaturales, issues
des revendications de minorités organisées, d'activistes, d'entrepreneurs
identitaires… qui ont servi à la fois de relais et d'excuse à l'abandon du
projet de transformation du capitalisme. Si bien que la gauche, toutes
tendances confondues, est devenue très largement aveugle aux enjeux de
l'identité commune, majoritaire, celle d'une société, d'une nation et d'un
peuple en proie à de transformations considérables dues à la mondialisation et
à la construction européenne.
Tout ce qui pouvait de près ou
de loin avoir à faire avec la Nation, les frontières, l'intégration à une
culture nationale commune, la fierté d'être Français, devenait mécaniquement
d'extrême droite.
Cette identité-là a elle-même
ainsi été «identitarisée» selon le processus d'essentialisation décrit plus
haut, en devant une identité culturelle particulière, celle des «petits
Blancs», des «Français de souche», des «Occidentaux» voire des «chrétiens»,
parmi d'autres. Certes majoritaire (donc toujours déjà coupable envers les
minorités) mais surtout captée, dans son principe même, dans son essence…, par
l'extrême droite. La boucle infernale de la politique française pendant 30 ans
était bouclée: le FN était le parti par définition selon cette logique
identitaire de la majorité occidentale, blanche, chrétienne…qui compose la
France (qualifiée de «moisie» au regard d'une histoire bien évidemment avant
tout raciste, coloniale et esclavagiste), donc tout ce qui pouvait de près ou
de loin avoir à faire avec la Nation, les frontières, l'intégration à une
culture nationale commune, par l'école notamment, la fierté d'être Français,
etc. devenait mécaniquement d'extrême-droite.
Le piège identitaire a broyé la
gauche française à partir des années 1980 bien plus encore que ses échecs
économiques - qui doivent être évalués eux au regard de ses succès.
L'antiracisme, c'est cette histoire-là. Et pour dire les choses simplement,
tant que la gauche n'en sortira pas, même dans ses marges, elle n'aura aucune
chance de peser sur le destin du pays, quelle que soit son orientation
économique.
Comment ces mouvements
islamistes sont-ils parvenus, comme le rappelle Jean Birnbaum, à noyauter
certains milieux d'extrême-gauche pourtant libertaires, au point de voir
l'idéologie de la lutte des races prendre peu à peu le pas sur celle de la
lutte des classes?
Aujourd'hui la complaisance dont
je parlais plus haut est surtout marquée envers l'islam, considérée par toute
une partie de la gauche, pas seulement de l'extrême-gauche, comme la religion
par excellence des opprimés et des dominés. Les damnés de la terre sont
aujourd'hui d'abord et avant tout les musulmans, et non plus les travailleurs,
les prolétaires ou les ouvriers, pour cette gauche, et notamment les musulmans
qui vivent dans les pays européens, issus de l'immigration et venus de pays
anciennement colonisés. C'est ce qui a permis ces dernières années, alors que
partout on assiste à une radicalisation de toute une partie de l'islam, sous
des formes qui peuvent être plus ou moins violentes, cette interpénétration
étonnante entre l'islamisme et le gauchisme.
On trouve désormais des exemples
de cette collusion chaque jour, dont quelques-uns seulement sont médiatisés.
Ainsi, le cas de la députée Danièle Obono de la France Insoumise dont on a
parlé récemment, qui est de longue date proche du Parti des Indigènes de la
République. On peut aussi citer cette affaire en cours à Saint-Denis d'un élu
de la majorité municipale, Madjid Messaoudene dont je parlais plus haut, qui
s'en prend à une principale de collège de la ville, Véronique Corazza, car
celle-ci a simplement souligné le jeu trouble de cet élu avec les islamistes
dans sa commune.
Jean Birnbaum rappelle que les
Indigènes n'ont pas d'implantation réelle dans les quartiers ni de réelle force
militante et ne doivent leur poids qu'à quelques universitaires adeptes de la
culpabilisation postcoloniale. Cette querelle d'intellectuels est-elle
représentative de ce qui se passe sur le terrain, à La Chapelle-Pajol ou dans
les «territoires perdus de la République»?
C'est exactement ce que je
soulignais plus haut: s'ils n'avaient pas de relais politiques, universitaires
et médiatiques, personne ou presque n'entendrait parler de ces extrémistes de
l'identité.
Les universitaires apportent
la caution de leur savoir, de leur légitimité académique à ces dérives.
La responsabilité des
intellectuels, au sens large, mais des universitaires et des chercheurs au sens
plus étroit, est très importante. Car ils apportent la caution de leur savoir,
de leur légitimité académique à ces dérives. Ils légitiment des constructions
purement instrumentales et politiques au nom d'un savoir qui serait désormais
au cœur des sciences sociales. Le détournement de la notion
d'intersectionnalité des luttes en est un exemple frappant.
La bataille se joue aussi dans ce
monde académique où l'on trouve des militants très radicaux sous les habits du
chercheur ou du professeur. On a vu les dégâts que cela pouvait causer après
les attentats terroristes notamment lorsque des sociologues en particulier sont
intervenus pour disculper les terroristes de toute responsabilité à raison de
leur origine sociale, de la laïcité qui contraindrait l'islam ou même de «l'islamophobie»
qu'ils auraient subie dans la société française, et notamment de la part de
l'État.
Les mêmes sont à l'œuvre pour
expliquer qu'il ne se passe rien ou qu'on ne comprend jamais ce qui se passe
lorsque des femmes par exemple, puisque vous citez La Chapelle-Pajol, se font
harceler ou attaquer dans certains quartiers davantage que dans d'autres. Ce
déni du réel qu'on avait vu aussi à l'œuvre à Cologne en Allemagne sur le même
sujet pose de lourds problèmes. D'abord parce qu'il ne permet jamais de traiter
efficacement les problèmes qui se posent et qui empoisonnent la vie de certains
de nos concitoyens, ensuite parce qu'il paralyse tout débat au sein de la
gauche et dans le monde intellectuel. Laissant la place libre aux entrepreneurs
identitaires et aux tenants des visions les plus fausses autant que les plus
extrémistes. On est donc perdant sur tous les tableaux.
J'espère que la prise de
conscience, même tardive, de journalistes comme Jean Birnbaum pourra permettre
d'avancer un peu et de faire reculer ce cancer identitaire qui a envahi le
débat public.
La rédaction vous
conseille :
- Bensoussan
relaxé: la victoire du véritable antiracisme face au communautarisme
- «Le
procès Bensoussan ou l'indignation à géométrie variable des
pseudo-antiracistes»
- Procès
Bruckner: une défaite pour les «collabos» de l'islamisme
Bensoussan relaxé : la victoire du véritable antiracisme
face au communautarisme (13.03.2017)
FIGAROVOX/TRIBUNE- Le Tribunal
correctionnel de Paris a relaxé Pascal Bruckner et Georges Bensoussan, accusés
respectivement d'islamophobie et de provocation à la haine. Pour Caroline
Valentin, ces «décisions salutaires» doivent mettre fin à la dénaturation de la
lutte contre le racisme.
Caroline Valentin est coauteur
de Une
France soumise, Les voix du refus
En relaxant successivement Pascal
Bruckner et Georges Bensoussan, le Tribunal correctionnel de Paris a redonné
ses lettres de noblesse à la lutte contre le racisme et au-delà de celle-ci, à
la notion de débat d'idées. Ces décisions salutaires viennent mettre un point
que l'on espère final à la dénaturation calamiteuse dont le concept même de
lutte contre le racisme, pourtant a priori plutôt élémentaire, faisait l'objet
jusque-là dans le débat public, et à l'instrumentalisation de la justice par
les associations communautaristes pour réduire leurs opposants au silence. Il
est aujourd'hui clair que dénoncer l'intolérance, fut-elle le fait d'une
minorité, ne constitue ni du racisme, ni de la diffamation. On est surpris
qu'il ait fallu attendre aussi longtemps pour se l'entendre dire, en termes
enfin clairs.
Ce rappel est d'autant plus
salutaire que l'évidence en question n'en est aujourd'hui pas une pour tout le
monde. La lutte contre le racisme a été tellement dévoyée que toute une partie
de l'élite médiatique, politique et intellectuelle, dont le rôle premier est
pourtant de penser ces concepts et de participer à leur nécessaire
actualisation, en est arrivée à considérer qu'en matière de racisme et
d'intolérance, la sévérité requise contre la population majoritaire n'était pas
applicable à l'encontre des minorités. Considérées comme des victimes
éternelles d'une ségrégation sociale que d'aucuns n'ont pas hésité à assimiler
à l'Apartheid, leur manifestation de haine, leurs violences, leurs outrances
sont analysées comme l'expression d'une souffrance qui justifie tout ou presque
et les dispense de la maîtrise de soi pourtant indispensable à la vie en
collectivité. Il s'agit en définitive d'effectuer une partition de l'humanité
en deux groupes sur un critère ethnique, distinguant ceux qui peuvent et donc
doivent gérer leur impulsivité et ceux que l'on dispense de cette exigence.
Ainsi aboutit-on à créer, au nom de l'antiracisme, une distinction quasi
anthropologique entre les citoyens ; l'Enfer est décidément pavé de bonnes
intentions.
Les rapports de la CNCDH
n'étudient que le racisme de la majorité vis-à-vis de la minorité.
Ce postulat idéologique affecte
jusqu'aux enquêtes de la pourtant très respectée Commission Nationale
Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH). Cette dernière, qui dispose d'un
mandat législatif pour l'exercice de sa mission, produit chaque année un rapport
annuel sur le racisme, l'antisémitisme et les discriminations qui reçoit un
large écho dans la presse. Comme l'explique toutefois Michèle Tribalat dans le
livre Une France soumise. Les voix du refus publié en janvier
dernier, dirigé par Georges Bensoussan, préfacé par Elisabeth Badinter et dont
je suis coauteur, les rapports de la CNCDH n'étudient que le racisme de la
majorité vis-à-vis de la minorité: dans le rapport publié en 2016, les auteurs
indiquent qu' «il s'agit au premier chef des attitudes du groupe
majoritaire à l'égard des différentes minorités qui composent la société, mais
elles peuvent concerner les perceptions entre groupes minoritaires». Le
racisme des minorités à l'égard du groupe majoritaire est donc exclu d'emblée.
Par exemple, l'une des questions - posées à toute la population, minorités
comprises - du sondage sur lequel repose l'analyse de la CNCDH est de
demander aux sondés s'ils estiment qu'il est grave «d'être contre le
mariage de ses enfants avec une personne d'origine maghrébine». Une réponse
positive à cette question - oui, il est grave d'être contre le mariage de l'un
de ses enfants avec un(e) maghrébin(e) - sera interprétée comme un signe de
tolérance, y compris si le sondé est lui-même maghrébin (!).
Outre son fondement raciste, les
conséquences de cette vision de la société reviennent à abandonner l'idée
d'inculquer à toute une partie de nos concitoyens un interdit aujourd'hui
inhérent à l'identité culturelle française, revenant à leur fermer les portes
d'une intégration à la Nation sans laquelle une vie paisible et heureuse en
France est en pratique impossible.
La France elle-même a fait ce
chemin nécessaire vers l'interdit de l'essentialisation.
Pourtant, il est possible de
changer ses repères culturels. La France elle-même a fait ce chemin nécessaire
vers l'interdit de l'essentialisation. Jusqu'à la première moitié du XXème
siècle, la société française était pénétrée d'un antisémitisme bon teint
illustré notamment par la désolante affaire Dreyfus ; une personnalité
aussi éminente que Coco Chanel pouvait tranquillement y déclarer qu' «il
existe trois catégories: les Juifs, qui sont mes amis que j'adore et je l'ai
prouvé, les Israélites, dont il faut se méfier comme de la peste, et les
Youpins, qu'il faut exterminer tout de suite» sans déclencher
d'indignation particulière. Mais la guerre et la Shoah sont arrivées et ont
conduit les civilisations européennes qui avaient participé au conflit, et
notamment la France, à se remettre profondément en question et à aboutir à ce
qu'aujourd'hui, la condamnation du racisme, de l'antisémitisme et de toute
autre forme d'essentialisation soit partie intégrante de notre identité
culturelle.
Force est de constater qu'une
partie de notre population issue de l'immigration, venant de cultures différentes
avec leurs propres trajectoires historiques et arrivée en majorité bien après
la Seconde Guerre mondiale, n'a pas intégré ces interdits. Pour différentes
raisons - un prisme idéologique de gauche reposant sur une division binaire
simpliste de l'humanité entre oppresseurs et opprimés, un mondialisme arrogant,
un électoralisme cynique, une tendance culturelle à l'évitement des conflits,
une médiocrité patente, -, l'élite intellectuelle, les acteurs de la lutte
contre le racisme, les responsables politiques et l'École, qui n'est finalement
que l'émanation de la société, n'ont à cet égard clairement pas rempli leur
rôle. La propagande d'un islam politique offensif et agressif a prospéré sur
ces indulgences, ces évitements et ses compromissions. L'enclavement
géographique d'une partie de ces minorités, pas uniquement subi quoi qu'on en
dise, les prive d'une expérience de l'Autre qui leur permettrait de réaliser
l'illégitimité de leur haine. L'attachement traditionnel de ces minorités à
l'islam comme référent culturel personnel les rend particulièrement réceptifs à
un discours habile qui instrumentalise la religion et les hommes au service
d'objectifs beaucoup plus politiques que spirituels, comme en témoigne par
exemple l'ex Frère Musulman Farid Abdelkrim. Enfin, l'individualisme qui règne
en France comme dans toutes les sociétés occidentales neutralise peu à peu le
contrôle social, c'est-à-dire l'ensemble des réactions spontanées d'approbation
ou de réprobation des individus dans l'espace public. Toute tentative de
contenir l'expression du moi dans les limites de la décence commune est vue
comme une insupportable atteinte aux droits et libertés fondamentaux. Ce
contrôle social est pourtant l'outil majeur de constitution et de transmission
des us, coutumes et mœurs propres à notre identité culturelle, et un vecteur
d'intégration des minorités tout à fait essentiel.
Cet antiracisme dévoyé a
creusé la tombe de notre modèle français d'intégration.
Cet antiracisme dévoyé a creusé
la tombe de notre modèle français d'intégration, alors même que notre
expérience, désormais séculaire, en matière d'accueil d'immigrés nous en avait
confirmé la pertinence. L'impact dans les «quartiers» de la rhétorique haineuse
des militants identitaires, dénoncée par Pascal Bruckner et qui, comme en a
témoigné au procès de ce dernier Siham Habchi, ancienne présidente de «Ni putes
ni soumises», «propagent (…) l'idéologie de l'opprimé et installent
l'idée que ces jeunes ne sortiront jamais de leur condition et que les
coupables sont la République et la France», est largement renforcé par le
fait que ces militants sont généralement considérés comme des interlocuteurs
respectables et représentatifs par les médias. Leurs propos les plus
condamnables sont trop souvent tolérés sinon approuvés.
Il est plus que temps de mettre
un terme à ce jeu de massacre et de regarder les choses en face. L'affaire
Mehdi Meklat nous en a malheureusement donné l'occasion.
Tout a déjà été dit ou presque
sur Mehdi Meklat, ce jeune journaliste du Bondy Blog, chroniqueur pendant 5 ans
dans l'émission de Pascale Clark sur France Inter puis sur Arte, dont les
tweets chargés de haine antisémite, homophobe, francophobe et misogyne ont
refait surface il y a quelques semaines: la personnalité détestable de Mehdi
Meklat révélée par ces tweets, la complaisance incompréhensible et révoltante
dont une partie de l'intelligentsia médiatique a fait preuve envers cette
petite frappe haineuse, inculte et ingrate.
Rien de tout cela n'était
imprévisible.
Osons néanmoins une remarque:
rien de tout cela n'était imprévisible. La position de Monsieur Meklat était
totalement schizophrénique: son propos - et son gagne-pain - était de
faire le procès à charge de la société française, accusée d'être incurablement
raciste, éternellement colonialiste envers des minorités stigmatisées et
reléguées socialement. Or c'est à cette même société qu'il devait sa réussite
et son accès aux médias et au monde de l'édition. Il devenait ainsi la preuve
vivante de l'inanité de son propre discours: auto missionné pour exprimer haine
et rancœur, il se trouvait accueilli avec tendresse et bienveillance par
«l'ennemi» et contraint de lui témoigner de la gratitude, de l'amitié, au
risque d'être considéré comme un traître par ceux dont il prétendait porter la
voix.
C'est là que les fameux tweets de
Monsieur Meklat prennent toute leur signification. La vérité est que, comme
Georges Bensoussan l'a déploré, comme «une France soumise..» le montre, est que
cette partie des musulmans que Mehdi Meklat prétend représenter, sous l'effet
conjugué de l'entre-soi géographique et d'un islam politique actif et fin
stratège, s'est constituée en véritable contre-société qui se définit sur des
bases identitaires. La victimisation communautaire et le rejet de l'identité
culturelle française et de la société qui l'incarne y sont ses éléments de
cohésion. Les individus qui composent ce groupe social revendiquent une
identité africaine et musulmane non pas corrélative à leur identité française
mais exclusive de celle-ci. Ce fondement identitaire se retrouve dans leur
lecture fondamentaliste de la religion musulmane selon laquelle, comme
l'indique Waleed Al-Husseini dans notre livre, «le musulman, l'oumma,
le Dar al-Islam sont supérieurs à tout autre homme, groupe social ou nation non
musulmane». Ce discours est également porté par Marwan Muhammad, président
du Collectif contre l'Islamophobie en France (CCIF), association soutenue par
Mehdi Meklat et son acolyte Badrou. Si tous les musulmans de France ne prennent
fort heureusement pas au pied de la lettre cette logique essentialisante,
celle-ci est en revanche au cœur de cette contre-société. Les membres de ce
groupe s'interpellent par des «mon frère», «ma sœur» qui, sous
des apparences bonhommes, sous-entendent bien la distinction très claire qu'ils
souhaitent manifester entre eux et le reste de la société, en contradiction
frontale sinon revendiquée avec les principes d'égalité et de fraternité
universelles inhérents à l'identité culturelle française. La soumission au
groupe y occupe une place essentielle, là encore en opposition avec les
principes fondateurs de la société française que sont la liberté et
l'émancipation.
Inégalité, soumission,
victimisation, rejet de l'autre, influence d'un islam fondamentaliste salafiste
politisé, attitude vindicative et revendicative, rejet de la société
française...
Inégalité, soumission,
victimisation, rejet de l'autre, influence d'un islam fondamentaliste salafiste
politisé, attitude vindicative et revendicative, rejet de la société française
et de toutes les valeurs qui la caractérisent, ce cocktail détonnant explique
peut-être que toutes les formes d'essentialisation que sont le racisme,
l'antisémitisme, la xénophobie, l'homophobie et le sexisme soient très
prédominantes dans les codes culturels de ce groupe. L'affaire Mehdi Meklat
n'en est malheureusement qu'une illustration parmi tant d'autres, trop
d'autres: ainsi de la révélation des tweets racistes et homophobes de la jeune
actrice Oulaya Amamra, du tweet au relent antisémite et complotiste de la
réalisatrice Houda Benyamina, toutes deux par ailleurs couronnées lors de la
dernière cérémonie des Césars et qui n'ont pas jugé utile de faire amende
honorable. L'annulation du concert de Black M, prévu à l'occasion du centenaire
de la bataille de Verdun en 2016, était dû exactement aux mêmes causes, savoir
les paroles racistes, antisémites et homophobes de certaines chansons du groupe
de rap Sexion d'Assaut dont il avait précédemment fait partie. Antisémitisme et
références haineuses à Israël, homophobie, sexisme, injures, on retrouve tous
ces marqueurs dans les fameuses éructations digitales de Monsieur Meklat ;
les relayer, sachant que ses comptes Twitter étaient vraisemblablement
populaires au sein de cette contre-société, ce n'était en définitive, pour Monsieur
Meklat, qu'un moyen de faire allégeance à celle-ci et d'affirmer qu'il n'avait
pas cessé d'être «l'un des leurs» malgré sa réussite médiatique et ses
nouvelles accointances dans le «camp d'en face». Encore une fois, rien de très
surprenant en somme.
Attention, cette contre-société
n'inclut pas tous les musulmans vivant en France, ni même tous les musulmans
vivant dans ces quartiers, loin de là. Ces - nombreux - Français ou étrangers
de confession musulmane qui adhèrent au modèle républicain et vivent dans une
démarche d'intégration culturelle, ceux que le sociologue Tarik Yildiz appelle
les «musulmans discrets», sont fermement opposés à l'instrumentalisation qui
est ainsi faite de leur religion à des fins politiques. Ces musulmans-là ont
leurs porte-paroles, dont certains sont très présents, notamment sur les
réseaux sociaux (Mohammed Louizi, Nadia Remadna, Malika Sorel-Sutter, Amine El
Khatmi, Henda Ayari, Hocine Drouiche, l'imam Chalgoumi pour ne citer que
quelques-uns d'entre eux). Mais l'invisibilité sociale qu'ils revendiquent,
leur refus de faire l'objet d'une classification identitaire freinent leur
coalition au sein de groupements et d'associations susceptibles d'être une
rampe d'accès aux médias. Par ailleurs, les liens personnels, amicaux ou
familiaux, qu'ils peuvent avoir avec des coreligionnaires plus vindicatifs,
l'esprit de clan assez classique au sein des minorités culturelles de toute
société et la peur de se retrouver ostracisés socialement freinent l'expression
de leur réprobation. C'est le plus souvent en silence qu'ils souffrent d'un
amalgame ravageur pour eux-mêmes et pour la cohésion sociale et la paix de la
société tout entière. Les cris d'alerte que certains d'entre eux osent, malgré
les menaces, lancer restent sans écho auprès de nos institutions et de nos
médias dominants. Considérés par leurs coreligionnaires communautaristes comme
des renégats, des «collabeurs» (l'expression existe), ils courent le risque
d'être à terme rejetés par une société majoritaire dont le système de valeurs
chancelle déjà sous l'impact de ces polémiques absurdes et de la pénurie de
responsables politiques défendant la prévalence pourtant logique et légitime de
l'identité culturelle française en France.
Il est aujourd'hui temps de
mettre un terme à ces dérives.
Il est honteux, scandaleux,
inacceptable que les tweets de Monsieur Meklat ne provoquent pas la levée de
boucliers unanime qu'ils auraient dû susciter.
Dans la France de 2017, où vivent
encore des témoins de la Seconde Guerre Mondiale, du nazisme, de la collaboration
et des camps, il est honteux, scandaleux, inacceptable que les tweets de
Monsieur Meklat ne provoquent pas la levée de boucliers unanime qu'ils auraient
dû susciter.
De même, il est extrêmement
alarmant que la polémique qui a entouré le procès de Georges Bensoussan et les
débats sur la maladresse de la formulation utilisée par ce dernier aient si
commodément permis de faire l'impasse sur le message fondamental, savoir
l'existence de cet antisémitisme spécifique. Le sociologue algérien Smaïn Laacher
l'avait pourtant confirmé dans le documentaire «Prof en territoire perdu de la
république?» de Georges Benayoun. Les propos de Smaïn Laacher, auxquels
d'ailleurs Georges Bensoussan avait fait explicitement référence, ont été
accueillis dans un silence assourdissant. C'est ce même silence qui a suivi la
publication le 31 janvier 2017 par le JDD d'un sondage Ipsos sur
l'antisémitisme en France. Le compte rendu de ce sondage, qui traduit
l'existence de préjugés antisémites plus importants chez les musulmans que dans
l'ensemble de la population, cite l'écrivain algérien Boualem Sansal: ««Je
constate avec regret que l'antisémitisme ne fait pas que s'étendre dans la
communauté musulmane, il se fait âpre. Il se construit, se radicalise en même
temps que l'islamisme se développe et se radicalise lui-même. (…)
l'antisémitisme, qui, jusque-là se tenait un peu dans le vague, se donne, chez
des jeunes en rupture avec la culture et l'identité françaises, de plus en plus
d'images précises sur lesquelles prospère tout un discours d'exécration: le
Crif, la Licra, des personnalités juives ou supposées telles, et même des
synagogues. Il se donne aussi des héros connus pour leur position antisioniste,
anti-Israël, et supposés viscéralement antisémites - Dieudonné, Soral, Houria
Bouteldja…».
Si aucune des associations
antiracistes majeures - MRAP, Ligue des Droits de l'Homme (LDH), SOS Racisme,
Licra - ne s'est à ce jour saisie de ce combat, elles ont en revanche toutes
répondu présent quand il s'est agi d'aller attaquer pour incitation à la haine
un Georges Bensoussan qui en définitive avait uniquement fait leur travail à
leur place. Leur présence à ce procès aux côtés du CCIF, sans doute l'une des
pires associations de propagation de l'islamo-fascisme, était symboliquement aussi
désastreuse que révélatrice du bourbier idéologique dans lequel l'antiracisme a
sombré. Et ces associations n'ont pas encore fait leur aggiornamiento, si l'on
en juge par la tribune louvoyante de Dominique Sopo, président de SOS Racisme,
sur l'affaire Meklat, ou le silence de la LDH qui, à l'heure où j'écris ces
lignes, ne s'est toujours pas exprimé sur l'affaire Meklat. «Ils y
réfléchissent» paraît-il. Ils réfléchissent au point de savoir
si «Faites entrer Hitler pour tuer des juifs», c'est vraiment de l'antisémitisme,
ou si «vive les PD! Vive le Sida! avec François Hollande», c'est
vraiment de l'homophobie … Consternant.
Cette bienveillante
indifférence à la haine est un poison social violent.
Cette bienveillante indifférence
à la haine est un poison social violent qui, en falsifiant le concept même de
racisme dans l'intelligence collective, encourage sa désinhibition et attise
les divisions. Si nous persistons à «ne pas voir ce que l'on voit»,
comme l'écrivait Charles Péguy, à ne pas faire le diagnostic de ce «fascisme
vert», nous nous privons de la possibilité de réfléchir aux moyens de le
combattre. Nous condamnons alors de facto une partie vraisemblablement
croissante de nos concitoyens issus de l'immigration à une impossibilité de
s'intégrer qui sera leur malheur, et le nôtre. C'est ce que notre expérience
historique de plus vieux pays d'immigration d'Europe nous a appris. C'est aussi
ce qui vient d'être confirmé par le chercheur Boussad Boucenna dans son
livre Ces enfants d'immigrés qui réussissent où il démontre la
corrélation entre la réussite professionnelle et le degré d'intégration des
familles - et au passage, qu'il existe toute une population de musulmans qui ne
se retrouvent pas du tout dans les discours vindicatifs des militants
identitaires et de l'islam politique. Ce ne sont pas Tariq Ramadan, Marwan
Muhammad, Les indigènes de la République ou le Bondy Blog qui vont donner à
leurs partisans une place dans la société: c'est le reste de la communauté,
encore très majoritaire sur le territoire, rappelons-le.
Ne nous y trompons pas: l'islam
politique a un objectif affirmé de conquête. Sa stratégie consiste à détruire
l'idée d'une nation et d'une république une et indivisible pour la morceler en
une série de communautés aux intérêts distincts et potentiellement
antagonistes, afin, dans un temps plus long, de susciter des conflits
intercommunautaires dont ils espèrent un grand soir. Meklat et ses inspirateurs
doivent être considérés pour ce qu'ils sont, les agents de la libanisation des
esprits, préalable tactique à cette libanisation du pays. Les Français
d'origine musulmane qui ont été emportés dans ce combat identitaire sont, il
est vrai, des victimes. Mais ils sont moins des victimes du racisme de la
société majoritaire que de la propagande identitaire pilotée par l'islam
politique et catalysée par nos propres errements.
À chaque fois que nous
décidons de nous taire alors que nous aurions dû parler ou agir, nous
participons à la dégénérescence de notre patrimoine symbolique commun.
Il est urgent de retracer les
lignes jaunes entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Les élites
doivent assumer leur responsabilité en termes de cadrage, en ne laissant plus
passer une occasion de fustiger publiquement et de manière répétée des
comportements en contravention avec notre pacte républicain. Ils doivent
s'atteler à désenclaver les quartiers et à s'engager à faire respecter toutes
les lois, toujours et partout sur le territoire, y compris là où cela est le
plus ardu. Ce sujet devrait être central dans la campagne présidentielle. Il ne
l'est malheureusement pas. Les citoyens eux aussi ont un rôle qui ne se limite
pas à l'exercice de leur droit de vote. Ils doivent également reprendre la main
sur cet outil d'intégration très puissant qu'est le contrôle social, en étant
conscients que chaque mauvais comportement s'exprimant dans l'espace public
sans susciter de réactions d'indignations laisse une trace dans la définition
commune de nos us et coutumes ; à chaque fois que nous décidons de nous taire
alors que nous aurions dû parler ou agir, nous participons à la dégénérescence
de notre patrimoine symbolique commun. L'action est le prix à payer pour être à
la hauteur des valeurs que nous prétendons incarner.
Caroline Valentin
- Angot,
Zemmour : soit le CSA ne fait rien, soit il en fait trop
- L'affaire
Sarah Halimi et le tabou du «nouvel» antisémitisme
- Georges
Bensoussan : «Nous entrons dans un univers orwellien où la vérité c'est le
mensonge»
- Ce
que révèle le discours de Tariq Ramadan sur l'excision
«Le procès Bensoussan ou l'indignation à géométrie
variable des pseudo-antiracistes» (27.01.2017)
FIGAROVOX/TRIBUNE - L'auteur des Territoires
perdus de la République et récemment de La France soumise est
accusé d'incitation à la haine raciale. Céline Pina défend Georges Bensoussan,
victime de ce péché d'islamophobie qui instille le séparatisme dans le pays.
Ancienne conseillère régionale
d'Ile-de-France, Céline Pina est essayiste et militante. Elle avait dénoncé en
2015 le salon de «la femme musulmane» de Pontoise et a récemment publiéSilence
Coupable (éditions Kero, 2016). Avec Fatiha Boudjahlat, elle est la
fondatrice de «Viv(r)e
la République», mouvement laïque féministe et républicain appelant à
lutter contre tous les totalitarismes et pour la promotion de l'indispensable
universalité de nos valeurs républicaines.
De nombreux amis sont allés
assister au procès intenté à Georges Bensoussan pour incitation à la haine
raciale. Ils sont revenus choqués de cette audience. La phrase qui est reproché
à Georges Bensoussan ; «l'antisémitisme on le tête au lait de sa mère» pour
maladroite qu'elle puisse être, se réfère à une interview de Smain Laacher,
sociologue algérien dit dans le documentaire sur les territoires perdus de la
république où il dit: «Cet antisémitisme, il est déposé dans l'espace
domestique. Il est quasi naturellement déposé sur la langue, dans la langue»
(Smain Laacher, suite à la polémique déclenchée par ces propos avait porté
plainte pour diffamation et déformation de ses propos, mais l'extrait du film
étant explicite et clair, il a retiré sa plainte).
Outre que comme le remarque
Martine Gozlan, dans un article remarquable dans Marianne, là où le sociologue
n'est pas mis en cause pour ses propos, Georges Bensoussan, lui, est cloué au
pilori, on n'a pas assisté à une discussion prenant en compte le fait que les
propos étaient oraux, qu'ils étaient tiré d'une émission à dimension polémique,
que s'ils méritaient d'être explicités et nuancés, ils ne valaient pas forcément
procès mais à la mise en cause de l'honneur d'un homme.
On finit par accuser très
facilement l'autre de raciste, moins pour lutter contre ce fléau, que pour se
donner l'absolution de ne pas l'être soi-même.
Mes proches, présents à
l'audience, ont souligné la qualité des interventions de la présidente du
tribunal et l'agressivité comme le manque de nuance de la plaidoirie de la
procureure. Mais surtout tous sont revenus avec le sentiment que le chantage
islamiste, accusant tous les esprits libres de racisme, mettant la pression sur
les associations antiracistes pour qu'elles intègrent la notion d'islamophobie
(qui n'est autre que l'interdiction du blasphème), accusant toute personne
d'origine arabo-musulmane dénonçant les ravages de cette idéologie politique,
d'être traitre à sa communauté, faisait son chemin.
On en vient même au point où pour
se rassurer sur ce que l'on est, on finit par accuser très facilement l'autre
de raciste, moins pour lutter contre ce fléau, que pour se donner l'absolution
de ne pas l'être soi-même, tant cette accusation est insupportable quand on
croit à l'égalité des hommes et à l'inanité du concept de race. Mais tomber
dans cette ornière est encore pire que le mal qui l'a creusé.
Ce qui a frappé une partie de
l'assistance, c'était le sentiment que l'on jugeait moins les propos en cause,
pourtant contestables par le fait même de leur généralité, que l'on
n'instruisait le procès d'un homme en le réduisant à une phrase prononcée dans
une émission, alors même que c'est l'intégralité de son travail intellectuel et
de ses publications qui lui valent la haine du CCIF.
Car si c'est bien le parquet qui
a poursuivi, la dénonciation émane du CCIF.
Georges Bensoussan n'a pas été
ciblé au hasard, il vient de sortir un livre coup de poing, Une France
soumise qui plus de 10 ans après Les territoires perdus de la
République montre que l'emprise de l'Islam politique s'étend dans les
mentalités. Il devient donc urgent de le discréditer pour discréditer les
témoignages de cette avancée.
Devenir par exigence de pureté
et de perfection l'allié de ceux que l'on combat doit interpeller.
N'oublions pas non plus qu'en
exacerbant les tensions et en criminalisant tous ceux qui s'expriment sur ces
sujets, non seulement on sème le trouble dans le camp laïque qui à force
d'exigence de perfection de ses représentants finit par se désarmer voire à
attaquer et dévorer ses propres enfants. Au point que l'on peut y voir une
métaphore de la guerre d'Espagne ou à force d'exigence de pureté idéologique
impossible à atteindre, les staliniens ont tranquillement fait le boulot des
franquistes, épurant les rangs républicains jusqu'à la défaite, préférant
livrer l'Espagne à la dictature que sauver la république.
Devenir par exigence de pureté et
de perfection l'allié de ceux que l'on combat doit interpeller. La vie n'est
pas manichéenne mais se retrouver aux côtés du CCIF et de Nacira Guenif dans un
procès interrogeant la notion de racisme, cela pose quand même un peu question.
Enfin, la notion d'islamophobie,
les attaques des intellectuels, la decredibilisation des acteurs du monde
républicain et laïque, le chantage à la trahison exercé sur les citoyens
d'origine arabo-musulmane vise à figer une représentation du monde où
l'antagonisme et la règle: il y a eux et nous, et si vous n'êtes pas avec nous,
vous êtes avec eux et vous trahissez l'Islam et vos origines. C'est ainsi que
l'islam politique utilise le conditionnement de la religion pour empêcher les
individus d'exercer leur libre arbitre en les plaçant dans une alternative réductrice:
la soumission ou la trahison. En essayant de définir le camp laïque comme
l'ennemi d'une seule religion, il nie la réalité de la situation: les
intégristes catholiques sont combattus politiquement et sans que cela pose de
problème de conscience à qui que ce soit et je trouve cela très bien. Mais
surtout, ce que les représentants de l'islam politique essaient d'effacer,
c'est la réalité: l'offensive terroriste qui vise à déstabiliser notre pays par
le sang mais aussi par la propagande idéologique, dont l'aboutissement est
l'utilisation des libertés démocratiques pour en faire des armes de censure.
Il s'agit d'installer le
séparatisme et l'idée que la fraternité républicaine ne peut exister, en tuant
l'exigence qui la permet : le dépassement de ses identités secondaires.
Ces conflits de loyauté, chauffés
à blanc, ont pour but aussi de réagréger toute une communauté autour de valeurs
qui l'empêchent de trouver sa place dans la société, il s'agit d'installer le
séparatisme et l'idée que la fraternité républicaine ne peut exister, en tuant
l'exigence qui la permet: le dépassement de ses identités secondaires (sexe,
couleur de peau, appartenance religieuse, statut social...) pour devenir des
citoyens égaux liés entre eux par les devoirs qu'ils partagent et les droits
qu'ils acquièrent. Pour cela il faut rendre la liberté de parole et
d'allégeance coûteuse et elle le sera d'autant plus si on laisse s'installer la
représentation que là où l'allégeance à l'islam politique protège, vous intégre
à un projet politique, religieux et culturel, le choix du combat républicain
fait de vous une cible d'autant plus facile à atteindre que les snipers de
votre propre camp peuvent faire le boulot avant même que vous n'ayez atteint la
ligne de front.
C'est d'autant plus choquant que
tandis qu'une phrase de Georges Bensoussan devient l'occasion d'une foire
d'empoigne et d'une démonstration de vigilance des associations anti-raciste,
le livre de Houria Bouteldja, égérie des indigènes de la République, véritable
mine de la pensée raciste et séparatiste et ce dès le titre: les blancs, les
juifs et nous, n'a été attaqué par aucune grande conscience de l'antiracisme
alors que cette femme a été invitée sur tous les plateaux de télé pour
promouvoir un racisme décomplexé. Bref au terme de cette journée d'audience,
c'est l'impression d'un immense gâchis qui domine.
Délibéré le 7 mars.
La rédaction vous
conseille :
- Procès
Bruckner: une défaite pour les «collabos» de l'islamisme
- Céline
Pina: «Deux ans après Charlie Hebdo, toujours et encore le même déni»
- Céline
Pina: «Marwan Muhammad, porte-parole des musulmans, pardon... des
islamistes»
- Attaques
contre Chevènement: l'odieux clientélisme de la gauche antiraciste
- Des
territoires perdus de la République aux territoires perdus de la nation
Procès Bruckner : une défaite pour les «collabos» de
l'islamisme (19.01.2017)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Deux
associations qui avaient attaqué Pascal Bruckner pour diffamation suite à des
propos sur l'islamisme ont été déboutées par la justice. Pour Laurent Bouvet,
c'est une victoire importante pour la liberté d'expression.
- Crédits photo : Vim/Vim/ABACA
Laurent Bouvet est professeur
de Science politique à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il
a publié L'Insécurité
culturelle chez Fayard en 2015.
FIGAROVOX. - Pascal Bruckner
comparaissait mercredi devant la 17e chambre pour des propos visant deux
associations, selon lui, «complices idéologiques» des terroristes: «Les
Indivisibles» de la militante antiraciste Rokhaya Diallo (qui n'en est plus
membre) et «Les Indigènes de la République» d'Houria Bouteldja. Le philosophe
avait déclaré sur le plateau de «28 Minutes», une émission d'Arte, qu'il
fallait «faire le dossier des collabos, des assassins de Charlie» et
accusé ces associations de «justifier idéologiquement la mort des
journalistes de Charlie Hebdo». Que pensez-vous de cette décision? Est-ce
une victoire de la liberté d'expression?
Laurent BOUVET. - Cette
décision est importante. D'abord, en effet, parce qu'elle est une victoire de
la liberté d'expression. Une liberté d'expression de tous ceux qui refusent de
se laisser intimider par les entrepreneurs identitaires, comme les Indivisibles
ou le PIR, qui utilisent tous les moyens possibles (des réseaux sociaux à la
justice) pour faire progresser leur vision communautariste et séparatiste sur
une base ethno-raciale dans la société française.
Cette décision met en évidence
la continuité idéologique entre les formes les plus violentes, terroristes et
djihadistes, et les formes les plus anodines de la dérive islamiste.
C'est aussi une décision
importante parce qu'elle met en évidence un phénomène souligné notamment par
Pascal Bruckner dans son propos incriminé: la continuité idéologique entre les
formes les plus violentes, terroristes et djihadistes, et les formes les plus
anodines de la dérive islamiste ou de l'islam politique. Il s'agit en effet
d'une différence de degré mais pas de nature entre les unes et les autres. On
peut rappeler ici les propos tenus par certains des entrepreneurs identitaires
en novembre 2011, après la première attaque contre les locaux de Charlie Hebdo
au cocktail molotov: «Il n'y a pas lieu de s'apitoyer sur les journalistes
de Charlie Hebdo, que les dégâts matériels seront pris en charge par leur
assurance, que le buzz médiatique et l'islamophobie ambiante assureront
certainement à l'hebdomadaire, au moins ponctuellement, des ventes décuplées,
comme cela s'était produit à l'occasion de la première «affaire des
caricatures» -bref: que ce fameux cocktail molotov risque plutôt de relancer
pour un tour un hebdomadaire qui, ces derniers mois, s'enlisait en silence dans
la mévente et les difficultés financières».
Ce qui est réconfortant, c'est
que la justice n'est pas dupe de la stratégie de ces gens.
Sur le fond, le mot «collabo»
employé par Bruckner n'est-il pas excessif?
Le mot paraît fort parce qu'il
renvoie à la Seconde Guerre mondiale et à l'Occupation, aux «collabos» français
avec le nazisme. Mais au-delà de cette évocation historique, il dit bien ce
qu'est cette continuité idéologique. Quand on justifie ainsi un premier acte de
violence contre un journal comme Charlie Hebdo parce qu'on n'en apprécie pas le
contenu, on joue un jeu dangereux dont la tuerie du 7 janvier 2015 sera
l'aboutissement tragique. Si les frères Kouachi sont passés à l'acte, ce n'est
bien évidemment pas en raison de telles déclarations mais elles font partie
d'un contexte général, d'un contexte défavorable à la liberté d'expression dont
Charlie Hebdo était déjà un symbole depuis l'affaire des caricatures de
Mahomet.
Avec le recul, le débat
déclenché par ce procès n'a-t-il pas été salutaire ?
Tout débat de ce genre est
salutaire.
Tout débat de ce genre est
salutaire. Il permet d'éclairer, publiquement, les positions des uns et des
autres, de mettre à jour les stratégies de ces entrepreneurs identitaires comme
les islamistes. Il permet de le faire de manière impartiale, devant la justice.
Chacun peut alors comprendre, on peut l'espérer, où est non pas la vérité mais
la défense de la liberté, d'un certain nombre de principes qui nous permettent
de continuer, malgré nos différences et nos différends, de partager
l'essentiel, notre commun. En France, en l'espèce, il s'agit de la laïcité, de
la liberté d'expression et du droit à la caricature y compris à propos de la
religion - du refus de toute idée de blasphème.
Lors du procès, Sihem Habchi,
ancienne présidente de «Ni putes ni soumises» a évoqué un «fascisme vert», mais
aussi un «fascisme blanc» - qui propage «l'idéologie de l'opprimé et
installe l'idée que ces jeunes ne sortiront jamais de leur condition et que les
coupables sont la République et la France». Certains intellectuels ont-ils
aussi une responsabilité dans cette dérive?
Oui, cette forme d'explication de
tous les phénomènes dans la société par le social, et plus précisément par les
effets de domination sociale, caractéristique aujourd'hui de tout un pan des
sciences sociales françaises fournit son carburant en quelque sorte aux
entreprises identitaires. Elle permet en effet à tous ceux qui agissent
politiquement sous le couvert de la religion - de l'islam politique tout
spécialement - de justifier leur idéologie par une forme d'empirisme qui serait
incontestable et imparable. Les jeunes qui versent dans le djihad, par exemple,
seraient des dominés, des exclus et des discriminés à la fois, «victimes»
(avant donc d'être coupables de quoi que ce soit) des inégalités et de
«l'islamophobie» d'une société française décrite comme fermée et figée dans une
identité spécifique (laïque, «blanche», occidentale, chrétienne, etc.).
Cette rencontre de la
sociologie dite critique et des dérives idéologiques contemporaines conduisent
à de bien étranges positionnements.
Cette rencontre de la sociologie
dite critique et des dérives idéologiques contemporaines conduisent, au sein de
la gauche radicale ou encore du féminisme notamment, à de bien étranges
positionnements. Celui, par exemple, qui consiste à expliquer que
l'émancipation des femmes musulmanes passe par la liberté de porter le voile.
Une liberté non seulement totalement individualisée mais qui ne s'embarrasse
même plus de la question de la domination masculine.
Bref, nous assistons là à un
naufrage idéologique de toute une partie de la gauche, politique et
intellectuelle qui, sous couvert de poursuite de la lutte pour l'émancipation
et contre la domination, se retrouve à justifier les pires atteintes aux
libertés. D'autant que cette fois, contrairement à ce qui a pu se passer au
XXème siècle notamment, ces atteintes aux libertés se font au nom de la
religion.
Cette affaire interroge aussi
deux concepts qui ont été banalisés par les médias: celui d'«islamophobie» et
de «racisme d'État»…?
Exactement. Le déploiement dans
le débat public ces dernières années, sous l'impulsion de ces entrepreneurs
identitaires (on pense aussi pour «l'islamophobie» au CCIF notamment) et de
certains intellectuels et chercheurs, de tels «concepts» est le signe le plus
frappant du naufrage dont je parlais à l'instant. Qu'ils soient repris tels
quels par certains médias qui les propagent sans les interroger en dit long
aussi sur la capitulation d'une partie de la presse.
Ces «concepts» d'islamophobie
et de racisme d'État ne sont pourtant que des instruments au service d'un
combat idéologique.
Ces «concepts» ne sont pourtant
que des instruments au service d'un combat idéologique. Ils servent en
particulier, c'était tout l'enjeu de ce procès, à tenter de décrédibiliser et
de disqualifier - c'est le cas aussi à l'Université - tous ceux qui refusent
cette nouvelle doxa identitaire qui divise et catégorise les uns et les autres
en fonction de leur religion, de la couleur de leur peau ou d'ailleurs aussi de
leur genre. Le processus est simple: toute critique de l'islamisme, de l'islam
politique, des délires «décoloniaux»… est une critique «islamophobe» ou
raciste. Il s'agit d'une pensée par amalgame: toute critique de l'islamisme est
une critique de l'islam, donc des musulmans ; toute critique du
séparatisme racialiste «décolonial» est une critique de la lutte contre le
racisme, une pratique de «blanc» héritier du colonialisme et de l'esclavage,
donc nécessairement favorable à ceux-ci. Fausse transitivité et syllogismes
permanents sont à la base de ces procès permanents intentés à quiconque se
risque à la critique - une belle démonstration au passage que l'idée même de
critique serait réservée à certains chercheurs et interdite à d'autres en fonction
de l'orientation politique de ce qu'ils disent!
Ultime étape, l'attribution de
ces caractères discriminatoires généralisants à l'État lui-même.
Ultime étape, l'attribution de
ces caractères discriminatoires généralisants à l'État lui-même. On retrouve
là, au niveau institutionnel, exactement le même processus que celui appliqué
aux individus ; un processus qui se situe toujours à la croisée de l'entreprise
idéologique identitaire et de sciences sociales au service, plus ou moins
conscient, de celle-ci. L'État est lui-même «islamophobe» et raciste, comme il
est «colonial» dans la double mesure où il a pu l'être par le passé
(transitivité dans le temps) et où il ne peut concrètement guérir par ses
politiques publiques toutes les meurtrissures identitaires contemporaines
(transitivité dans l'action ou l'inaction plus exactement). L'État est donc non
seulement responsable mais coupable, et il doit être à ce titre dénoncé,
attaqué et, dans la version la plus violente, abîmé ou détruit. On retrouve ici
à la fois un discours assez classique de l'ultra-gauche, en partie issu de
l'anarchisme bien évidemment, mais encore toute une rhétorique - souvent
élaborée des agents publics d'ailleurs! - anti-républicaine et très hostile au
modèle laïque français. Une rhétorique qui va le plus souvent puiser dans le
libéralisme culturel à l'anglo-saxonne un modèle alternatif.
La contradiction, au sein de
cette gauche radicale ou critique, entre d'un côté cette quête incessante d'un
idéal libéral, individualiste, séparatiste et différentialiste en matière
identitaire, et de l'autre un antilibéralisme militant en matière économique,
est une source perpétuelle d'interrogation ; en même temps qu'elle est un
obstacle, ce dont on ne peut que se féliciter, à la diffusion de telles idées
au sein d'une population plus large, au-delà des meetings et rassemblement de
ces associations identitaires, des séances de séminaire et les colloques de ces
chercheurs ou des pages des médias qui en livrent complaisamment le feuilleton.
La rédaction vous
conseille :
- Non,
on ne pouvait pas et on ne peut pas ne pas être Charlie
- Attaques
contre Chevènement: l'odieux clientélisme de la gauche antiraciste
- Gilles
Clavreul contre Tariq Ramadan et les Indigènes de la République: le
dessous des cartes
- Michel
Houellebecq: comment peut-on être islamophobe?
Journaliste au Figaro et
responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
Ses derniers articles
- Laurent
Bouvet : «Il faut distinguer la question de la laïcité et celle de
l'insécurité culturelle»
- Tariq
Ramadan et le silence des compagnons de route de l'islamisme
- Rémi
Brague : «Certains ‘laïcards' exploitent la peur de l'islam pour en finir
avec le christia
L'affaire Sarah Halimi et le tabou du «nouvel» antisémitisme
(14.07.2017)
FIGAROVOX/DECRYPTAGE - Kobili
Traoré, l'homme qui a battu et défenestré Sarah Halimi le 4 avril à Paris, a
été mis en examen pour homicide volontaire. A ce stade, le caractère antisémite
du meurtre n'est pas retenu. Pour Caroline Valentin, cette affaire est
symptomatique du déni français autour de l'antisémitisme arabo-musulman.
Caroline Valentin est coauteur d'
Une France soumise, Les voix du refus (éd. Albin Michel, 2017).
Dans la nuit du 4 avril 2017, à
Paris, Sarah Halimi, une femme de confession juive de 65 ans, est sauvagement
assassinée. Son meurtrier, Kobili Traoré, un musulman radicalisé d'origine
malienne au casier judiciaire long comme le bras, s'acharne sur elle pendant 40
longues minutes, d'abord dans le salon de de Sarah Halimi, puis sur son balcon.
Il hurle «Allah Akbar», insulte sa victime, la traite de «grosse pute», de
«sheitane» (démon en arabe). Plusieurs voisins entendent puis assistent, de
leurs fenêtres ou de la cour, épouvantés, au massacre. Dans
l'excellent article que Noémie Halioua a consacré à cette affaire dans le
dernier numéro de Causeur, elle rapporte le témoignage de l'un d'entre eux:
«la première chose qui m'a réveillé, c'est des gémissements d'un être vivant en
souffrance. C'était de la torture. Au début, je pense que c'est un animal ou un
bébé. Mais après, en ouvrant le rideau et en ouvrant la fenêtre, je comprends
que c'est une femme qui gémit sous les coups qu'elle reçoit. A chaque coup,
j'entends un gémissement, elle n'a même plus de force pour pousser un cri».
Kobili Traoré tape tellement fort que son poing droit est tuméfié. Puis,
apercevant dans la cour la lumière des lampes torche de la police, il hurle
«attention, il y a une vieille dame qui va se suicider», saisit sa victime -
encore vivante - par les poignets et la fait basculer par-dessus la balustrade
de son balcon. Sarah Halimi gît dans la cour, morte, ensanglantée.
Sarah Halimi connaissait Kobili
Traoré, il était son voisin, il la menaçait constamment, elle avait peur de
lui. Cinq ans auparavant, la sœur de ce dernier avait bousculé l'une des filles
de Sarah Halimi en la traitant de «sale juive». Quelques jours après la mort de
Sarah Halimi, les quelque cinq-cent personnes qui participent à la marche
blanche organisée à Belleville en sa mémoire défileront sous les - «désormais
traditionnels» relève Noémie Halouia - «morts aux juifs» et «nous on a les
kalash» qui fusent des cités voisines.
«Désormais traditionnels» … Oui,
car les précédents sont désormais nombreux. Les «morts aux juifs» avaient déjà
rythmé les défilés des manifestations «pro-palestiniennes» organisées, malgré
leur interdiction, en juillet 2014 notamment à Paris et en Ile-de-France. Dans
le même registre, les réactions qui ont suivi les meurtres de six personnes
dont trois enfants juifs en 2012 par Mohammed Merah: l'imam bordelais Tareq
Oubrou a expliqué avoir dû passer des semaines de prêche sur ce cas en raison
de l'empathie pour Mohammed Merah que manifestaient les fidèles de sa mosquée ;
le frère de Mohammed Merah, Abdelghani, a, quant à lui, témoigné des you-yous
qui ont accompagné la mort de son frère et des félicitations que certains
voisins sont venus présenter à leur mère, regrettant que Mohammed n'ait pas tué
davantage de juifs. Mais cela remonte encore plus loin: Entre 1999 et 2000,
année de la Seconde Intifada, le nombre d'actes antisémites a été multiplié par
neuf, passant de 82 à 744. Depuis, il reste à un niveau extraordinairement
élevé compte tenu du faible nombre de juifs en France, oscillant selon les
années entre 400 et 900 environ, en fonction, surtout, des soubresauts du
conflit israélo-palestinien. En 2002, la publication de «Les territoires perdus
de la République», montre avec force témoignage la prééminence, l'ampleur et la
violence de la haine à l'encontre des juifs dans certains quartiers sensibles.
Ce ne sont ici que quelques exemples, parmi tant d'autres preuves qui
s'accumulent depuis près de vingt ans maintenant. Pourtant, aucune de ces
alertes n'a réussi à briser l'omerta politique et médiatique.
le rapport de l'Institut
Montaigne sur « l'islam de France » publié en septembre 2016 indique que «
l'antisémitisme était un marqueur d'appartenance » pour un quart des musulmans
Le meurtre atroce de Sarah Halimi
n'a pas davantage rompu ce silence. La France est alors en pleine campagne
présidentielle, les quatre candidats en tête des sondages sont dans un mouchoir
de poche. Il faut soigner ses électeurs et, disons-le tout net, les juifs sont
bien moins nombreux que les musulmans - moins de 500 000 contre près de 6
millions. De surcroît, le rapport de l'Institut Montaigne sur «l'islam de
France» publié en septembre 2016 indique que «l'antisémitisme était un marqueur
d'appartenance» pour un quart des musulmans et le sondage Fondapol de novembre
2014, que «Les musulmans répondants sont deux à trois fois plus nombreux que
la moyenne à partager des préjugés contre les juifs. La proportion est
d'autant plus grande que la personne interrogée déclare un engagement plus
grand dans la religion.»
En ce début avril 2017, Emmanuel
Macron est mis en difficulté par l'affaire Mohammed Saou. On vient tout juste
de découvrir que ce référent «En Marche» du Val d'Oise a notamment partagé des
posts Facebook de Marwan Muhammad, fondateur de «l'effrayant» - comme le dit
Alain Finkielkraut - CCIF (Comité contre l'islamophobie en France, organe
proche des Frères musulmans qui sont l'une des têtes de pont de l'islam
fondamentaliste politique en France) ; qu'il soutient le régime d'Erdogan en
Turquie ; qu'il a déclaré qu'il «n'a jamais été et ne serait jamais Charlie».
Emmanuel Macron louvoie, écarte provisoirement Saou de ses fonctions tout en
louant son travail remarquable et reporte la décision le concernant à celle de
la commission éthique de son mouvement … Décision dont on n'entendra évidemment
jamais parler. (Le même Saou vient d'ailleurs d'être réintégré dans ses
fonctions départementales.) François Fillon, empêtré dans ses affaires de
famille et de costumes, n'ose plus bouger une oreille de peur de perdre les
quelques centaines de milliers de voix qui pourraient faire la différence pour
une qualification au second tour. Jean-Luc Mélenchon fait de grandes
déclarations sur la laïcité mais brigue sans aucune vergogne le vote
communautariste musulman et s'entoure de qui il faut pour cela. (Pour preuve,
quelques semaines plus tard, on apprendra que Danièle Obono, fraîchement élue
députée de la France Insoumise, est proche du Parti des Indigènes de la République,
groupuscule identitaire dont la porte-parole, Houria Bouteldja, s'est notamment
illustrée en déclarant «Mohamed Merah, c'est moi, et moi, je suis lui». Ces
révélations n'entameront en rien l'enthousiasme du soutien dont Madame Obono
bénéficie de la part de Jean-Luc Mélenchon.) Dans cette collection de
tartuffes, il n'y a que Marine Le Pen, pourtant l'héritière d'un parti fondé
notamment par des antisémites à peine repentis, pour condamner - à une petite
reprise, et sans non plus en faire son cheval de bataille - ce crime et
demander que l'on aborde enfin le sujet de «l'antisémitisme islamiste».
Qu'on aborde enfin ce sujet?
Effectivement, il serait temps. Mais qui osera encore le faire? Georges
Bensoussan, historien de la Shoah, spécialiste du monde arabe, a payé très cher
de l'avoir évoqué lors de l'émission «Répliques» d'Alain Finkielkraut au début
du mois d'octobre 2015: tribunes extraordinairement violentes se multipliant
pour condamner le soi-disant «racisme» des propos de Georges Bensoussan, émanant
non seulement de l'habituelle police de la pensée politique innervée par la
gauche universitaire mais également de cette frange d'intellectuels juifs (tels
Bernard Schalscha dans la Règle du Jeu) qui estime sans doute qu'à force de
faire comme si cet antisémitisme n'existait pas, il finirait bien par
disparaître ; mise en garde du CSA adressée à France Culture ; et, finalement,
procès à l'initiative du Parquet qui verra les principales associations
antiracistes, y comris la Licra , communier avec l'islam politique représenté
par le CCIF dans la dénonciation des propos de l'historien.
La relaxe de ce dernier est
exemplaire, en particulier eu égard à sa motivation limpide. En soulignant
qu'il s'agissait pour l'historien non pas d'exprimer une haine mais au contraire
une inquiétude, d'appeler «non pas à une séparation de la fraction supposée
avoir fait sécession, à son rejet, son bannissement ou son éradication, mais au
contraire à sa réintégration dans la nation française», le tribunal a remis en
quelque sorte les pendules de l'antiracisme à l'heure et entendu Alain
Finkielkraut qui, s'exprimant à la barre, avait déploré «un antiracisme dévoyé
qui demande de criminaliser une inquiétude au lieu de combattre la réalité sur
laquelle elle se fonde»: lutter contre le racisme, permettre l'intégration au
sein de la nation de populations de cultures étrangères, cela commence par
combattre ce qui constitue un obstacle à cette intégration et, en la matière,
la fatalité n'existe pas.
Cet antisémitisme n'est pas né
du conflit israélo-palestinien, il s'en nourrit. Ce conflit ne crée pas cette
haine, il n'augmente pas son intensité
Il semble qu'il soit en vérité
aujourd'hui politiquement très difficile de faire coexister, dans un même
discours, lutte contre le racisme et contre l'antisémitisme. Les principaux
coupables du second se recrutent parmi les principales victimes du premier.
L'apparition de cet antisémitisme, nouveau sous nos cieux, s'inscrit dans une
recrudescence puissante du fondamentalisme musulman qui n'épargne pas la
France. Cette recrudescence ne se traduit pas que par des attentats effroyables
mais, comme le dit Elisabeth Badinter, par l'apparition d' «une seconde
société» qui «tente de s'imposer insidieusement à notre République, tournant le
dos à celle-ci, visant explicitement le séparatisme voire la sécession.»
L'hostilité de cette
contre-société ne concerne pas uniquement la laïcité, elle vise beaucoup plus
largement nos principes de liberté, d'égalité et de fraternité. Car point
d'égalité dans une contre-société fondamentaliste qui se définit sur un
principe identitaire, pour laquelle l'individu musulman, la oumma, le dar al
islam sont supérieurs à tout autre individu, communauté ou nation non
musulmane. Point de fraternité universelle mais une fraternité réduite à une
communauté des croyants qui se définit en conflit avec l'Occident en général et
la France en particulier. Point de liberté dans un groupe qui fonctionne sur un
mode clanique, imposant à chacun de ses membres la soumission à Dieu, à
l'islam, à ses dogmes et à ses combats, en ce compris le positionnement
conflictuel vis-à-vis de la civilisation occidentale. Cet islam politique ne
reconnaît pas une seule et même humanité mais des humanités différentes.
Certains hommes valent plus que d'autres à ses yeux. Et dans les formes
paroxystiques de ce fondamentalisme religieux, certains hommes ne valent rien.
On comprend dès lors très bien
pourquoi l'antisémitisme prospère au sein de cet islam fondamentaliste. Il
n'est qu'une des formes d'un rejet de l'autre qui est consubstantiel à cet
islamisme et qui se décline aussi sous la forme de racisme, de xénophobie,
d'homophobie, de sexisme.
La haine du juif reste cependant
la plus intense. D'aucuns attribuent celle-ci au conflit israélo-palestinien, à
la politique israélienne et notamment à la poursuite des installations
israéliennes en territoire palestinien. Mais ils ne savent pas ou prétendent ne
pas savoir qu'il plonge ses racines dans une histoire beaucoup plus ancienne.
Dans son livre de référence «Juifs en pays arabes - Le grand déracinement:
1850-1975», Georges Bensoussan rapporte la violence de cet antisémitisme dans
les pays arabes et ce, de temps immémoriaux ; il explique comment, du Maghreb à
l'Irak et de l'Egypte au Yémen, la vie de dhimmitude des juifs dans le monde
arabe n'avait rien à envier, en termes d'oppression subie, de misère imposée,
de sous-citoyenneté, d'humiliations et occasionnellement de pogroms, à celle
des juifs dans l'empire des tsars. Cet antisémitisme n'est pas né du conflit
israélo-palestinien, il s'en nourrit. Ce conflit ne crée pas cette haine, il
n'augmente pas son intensité ; en revanche, en lui procurant le soutien de
toute une gauche qui, comme le démontre Jean Birnbaum, ne comprend décidément
rien au fait religieux, il légitime son expression. En mettant ses réseaux, sa
culture, sa verve, son accès aux médias, sa place privilégiée à l'université et
dans le monde de la recherche au service des combats arabo-musulmans, tant en
France qu'à l'étranger, la gauche - extrême, morale, «antiraciste» par
psittacisme plutôt que par conviction - n'est pas seulement bête, elle est
extraordinairement néfaste. Elle fournit à nos adversaires (dont elle se refuse
à voir qu'ils sont aussi, et d'une certaine manière surtout, les siens) une
façade humaniste que leurs motifs et leurs buts n'ont pas. Nos alliances avec
l'Arabie Saoudite ou le Qatar, nos interventions militaires ratées au
Moyen-Orient, la colonisation des XIXème et XXème siècles sont elles aussi
instrumentalisées pour justifier ce qui est présenté comme une résistance
légitime à l'oppression. Mais encore une fois, ce sont nos cerveaux occidentaux
qui sont sensibles à ces disputatio brillantes, argumentées, rationnelles ;
dans l'esprit conquérant de l'islam politique, le combat contre l'Occident n'a
pas besoin de ces justifications.
Le soutien de ces «idiots utiles»
est en grande partie la cause du silence de l'Etat sur l'antisémitisme des
«quartiers». Car malgré sa faible représentativité électorale, cette gauche est
extrêmement influente dans les corps intermédiaires, elle a ses entrées dans un
grand nombre de médias, est passée maître dans l'art de manipuler des éléments
de langage droits-de-l'hommistes dégoulinants de pathos. Aujourd'hui, il est
permis de dire certaines choses qui, il y a vingt ans, dix ans, voire même cinq
ans eurent valu à leurs auteurs le pilori de la part de la gauche morale: on
peut dire qu'il est possible d'être d'extrême-droite sans être antisémite ; on
peut même dire qu'il existe un antisémitisme d'extrême-gauche ; mais on ne peut
pas encore dire qu'il existe un antisémitisme arabo-musulman. Pour en parler,
il est plus prudent de faire référence au «nouvel» antisémitisme et rester dans
les allusions, les périphrases et les sous-entendus. A la moindre erreur, à la
moindre référence trop directe, la cabale obscurantiste de ces inquisiteurs
modernes se déchaîne et le contrevenant est immédiatement envoyé rôtir dans
l'enfer du racisme, sans qu'aucun gage de sa moralité et des motivations
réelles, aussi irrécusable soit-il, ne puisse l'en sortir. Car répondre à des
accusations aussi graves et se justifier demande des explications longues, à
étapes, incompatibles avec l'immédiateté des médias et leur incapacité à
traduire la subtilité et la complexité. Et on le sait bien, le démenti a
beaucoup moins d'impact que l'accusation: une fois que le doute plane, c'est
mort, et nos responsables politiques l'ont compris depuis longtemps.
Le meurtre de Sarah Halimi
doit être compris comme une alarme qui nous rappelle à nous-mêmes, à ce qui
nous définit. Cette inertie est indigne de nous.
«Plus une société s'éloigne de la
vérité, plus elle hait ceux qui la disent» nous prévenait George Orwell.
L'incapacité politique de désigner cet antisémitisme pour ce qu'il est interdit
d'en faire l'analyse historique, anthropologique et religieuse et par voie de
conséquence, d'entreprendre les actions spécifiques et ciblées qui seraient
nécessaires pour le vaincre. La France s'enfonce chaque jour un peu plus dans
une politique multiculturaliste à relents - involontairement, mais
inévitablement - racialistes. Racialistes pour ne pas dire racistes car cette
attitude culturaliste qui prétend être inspirée par le respect de cultures
différentes n'est rien d'autre que l'abandon à bas bruit de notre modèle
d'intégration, jugé inaccessible pour ces populations, présumées, par nos
responsables politiques chaperonnés par une partie de nos associations
antiracistes, comme incapables de sortir de leurs modes de pensée et de
fonctionnements archaïques. On a renoncé à aider ces populations, à leur tendre
la main. En abandonnant les juifs, on a aussi abandonné ces dernières et, ce
faisant, nous nous sommes perdus nous-mêmes.
Le meurtre de Sarah Halimi doit
être compris comme une alarme qui nous rappelle à nous-mêmes, à ce qui nous
définit. Cette inertie est indigne de nous. La France, pays des Lumières,
berceau des valeurs universelles des droits de l'homme, ne peut pas être un
pays où les juifs se font agresser et tuer, parce que juifs, dans
l'indifférence générale. Nous sommes tous héritiers d'une histoire, nous sommes
tous comptables d'un héritage qui va de Salomon de Troyes à la France de Vichy
en passant par l'émancipation des juifs en 1791 (que la France a été la
première en Europe à consentir) et par l'affaire Dreyfus. Par respect pour ce
que nous sommes, pour ce que nous nous targuons de représenter, nous n'avons
pas le droit d'assister sans réagir à la montée de la haine contre nos
concitoyens juifs. Il en va de notre admiration pour la France et, en définitive,
de notre fierté d'être français.
Goldnadel : «L'islamo-gauchisme a contaminé les esprits»
(30.06.2017)
Mis à jour le 30/06/2017 à 20h07 | Publié le 30/06/2017 à 09h00
FIGAROVOX/INTERVIEW - L'avocat
et essayiste Gilles-William Goldnadel est l'un des premiers à avoir dénoncé les
alliances troubles entre une certaine gauche et des islamistes radicaux. Selon
lui, l'idéologie «rouge-verte» s'est largement diffusée dans le monde
intellectuel, politique et médiatique, au point de dépasser dangereusement
l'audience des quelques groupuscules extrémistes d'origine.
Dans une tribune publiée
dans Le Monde sous le titre: «Vers l'émancipation, contre la
calomnie. En soutien à Houria Bouteldja et à l'antiracisme politique», un
collectif de militants associatifs, d'universitaires et de sociologues a pris
la défense de la porte-parole des Indigènes de la République. Il répondait à un
article de Jean Birnbaum publié quelques jours plus tôt dans Le Monde qui
soulignait le racisme derrière l'antiracisme affiché par Houria Bouteldja. Que
vous inspire cette controverse?
Il
faut savoir qu'Houria Bouteldja et son Parti des Indigènes de la République
incarnent ce qui se fait de plus racialiste et anti-occidental dans la galaxie
islamiste. Ce sont eux qui ont édité un petit livre dont le titre est Nique
la France! Ils sont tout sauf hypocrites. La race existe, et le métissage est
abhorré. Le Blanc occidental est détestable parce qu'il est coupable d'avoir
asservi les autres races. Le juif est particulièrement honni, d'ailleurs
Mme Bouteldja s'exhibe sur une photographie à côté du slogan «Les
sionistes au goulag».
QuandLe Monde - qui
ne publie pas toutes les pétitions, loin s'en faut - accepte d'en publier une
en soutien à Mme Bouteldja, cela indique précisément que ses thèses ont
droit de cité dans son univers policé. Le Mondene publierait pas
une pétition en faveur de Marine Le Pen, mais la position des Indigènes,
pourtant clairement raciste anti-occidentale, est défendable, donc respectable.
C'est dans cette indulgente bienveillance que la haine creuse son nid.
Vous avez été l'un des
premiers à dénoncer les dangers de l'islamo-gauchisme. Que signifie exactement
ce concept?
Effectivement, j'ai diagnostiqué
il y a près de trente ans cette pathologie qui corrode la société
européenne. L'islamo-gauchisme a
très peu à voir avec l'islam et tout avec le gauchisme. Il faut y voir la
complaisance coupable d'une grande partie de la gauche à l'égard de la
radicalité islamique. Les pires errements coupables sont tolérés au nom des souffrances
subies et des culpabilités occidentales. Dans ce cadre plus névrotique que
raisonné, tout esprit critique est aboli envers les premiers et la sévérité est
de rigueur à l'égard des seconds. Dans le creux de cette idéologie réflexe, il
faut moins déceler de l'amour pour les populations islamiques qu'une haine
inconsciente envers l'Occident coupable non seulement de la colonisation, mais
encore du plus grand génocide traumatique de tous les temps.
Ce qui est piquant, ou plutôt
urticant, pour les islamo-gauchistes, c'est précisément cette appellation dont
ils nient farouchement toute réalité: ils veulent bien évoquer à tout propos le
fascisme, pourtant mort et enterré, mais l'islamo-gauchisme, non merci! Bref,
le déni.
«En réalité,
l'islamo-gauchisme, par capillarité, a irrigué toute la société française, en
particulier intellectuelle et médiatique, et a profondément contaminé les
esprits»
Gilles-William Goldnadel
Quelles sont les différentes
associations qui gravitent autour de cette mouvance?
Bien entendu, de nombreuses
organisations peuvent être rangées sous cette appellation peu flatteuse. Des
Insoumis de Mélenchon, autant par opportunisme électoral que par héritage de
Jules Guesde, qui déjà considérait Dreyfus coupable parce qu'il n'était pas du
camp des pauvres… Jusqu'à la Ligue des droits de l'homme, autrefois laïcarde
mais qui défend aujourd'hui bec et ongles le voile et qui montre plus de
sollicitude envers les droits des terroristes islamistes que pour ceux des
victimes. Il faut y voir ici ce que j'ai baptisé «xénophilie» et que je définis
comme la dilection pour l'Autre.
Mais, en réalité,
l'islamo-gauchisme, par capillarité, a irrigué toute la société française, en
particulier intellectuelle et médiatique, et a profondément contaminé les
esprits, bien au-delà du pré carré du gauchisme militant. Peu de salles de
rédaction ont été épargnées.
N'est-ce pas un peu excessif?
Les Indigènes de la République sont groupusculaires…
Les
Indigènes ne pèsent que du poids que veulent bien leur donner les psychodrames
névrotiques qu'on leur offre. Ceci posé, ils sont un symbole et un
symptôme. Guidés par la radicalité arabo-islamique, ils arrivent par exemple à
embarquer des jeunes Noirs dans le cadre du souvenir de l'esclavage. En
occultant la responsabilité de la traite arabique dans celui-ci, ou en cachant
que la Mauritanie continue, aujourd'hui encore, de pratiquer l'esclavage des
Noirs. Mais le racisme anti- blanc est un excellent ciment.
Au-delà même de la question de
l'islam, une certaine gauche semble haïr la France. En témoignent les récents
propos de Danièle Obono, députée de la France insoumise, défendant sur une
radio nationale le droit de dire «Nique la France» tout en s'interrogeant sur
les raisons de dire «Vive la France»…
C'est la France occidentale qui
leur est détestable. Mais, encore une fois, dans le creux de cette détestation,
au-delà de la victimisation raciale de celle qui«nique
la France» et dans la culpabilisation pour racisme de ceux qui osent
le lui reprocher, se niche profondément le racisme anti-blanc, celui de la
vieille France profonde, celle que l'on dit rance.
«L'antiracisme gauchisant a
définitivement dévoyé l'antiracisme»
Gilles-William Goldnadel
Cela traduit-il une dérive
plus large de l'antiracisme?
L'antiracisme gauchisant a
définitivement dévoyé l'antiracisme. Son obsession du racisme occidental trahit
son obsession de la race orientale ou noire. Le Blanc n'existe pas sauf pour
opprimer, il ne peut donc souffrir. L'Arabe ou le Noir ne peuvent être racistes
puisqu'ils en sont victimes. En raison de cette tautologie obsessionnelle et
délirante, l'antiracisme aura réussi le triste prodige de faire renaître chez l'Occidental
une conscience de sa blanchitude psychologique qu'il avait enterrée depuis
1945.
Ceux qui défendent Houria
Bouteldja sont aussi ceux qui traînent Zemmour devant les tribunaux. Comment
expliquez-vous ce paradoxe?
Cette idéologie a dans son ADN une
morale à géométrie variable: les mêmes qui revendiquent religieusement la
liberté d'expression vont traquer policièrement chez leurs adversaires fascisés
le tréma ou le point-virgule. N'essayez pas de trouver une logique rationnelle
là où j'ai diagnostiqué une névrose obsessionnelle.
Pourquoi ces mouvements ne
sont-ils jamais inquiétés par la justice?
Vous allez me transformer en
avocat irrespectueux. Le parquet s'est saisi d'office pour poursuivre Georges
Bensoussan, qui avait osé mettre en cause l'antisémitisme islamique, alors
qu'il a refusé de poursuivre les distributeurs d'ouvrages islamiques
promulguant l'assassinat des juifs… L'idéologie contre laquelle je mets en
garde depuis trop longtemps a infusé puis s'est diffusée. Elle peut se
manifester à des degrés divers, du militantisme agressif là-bas jusqu'à la
complaisance ou la passivité ici.
La rédaction vous
conseille :
- Bouvet:
«Que des universitaires défendent Houria Bouteldja est un crime contre
l'esprit»
- Alexandre
Devecchio: «Houria Bouteldja ou la grande misère de l'antiracisme»
- Pascal
Bruckner: «L'antiracisme est devenu un marché judiciaire»
- Goldnadel:
de quoi l'islamo-gauchisme est-il le nom?
Journaliste au Figaro et
responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
Ses derniers articles
- Laurent
Bouvet : «Il faut distinguer la question de la laïcité et celle de
l'insécurité culturelle»
- Tariq
Ramadan et le silence des compagnons de route de l'islamisme
- Rémi
Brague : «Certains ‘laïcards' exploitent la peur de l'islam pour en finir
avec le christianisme»
Sur le même sujet
- Accusations
de viols contre Tariq Ramadan : comment l‘affaire a éclaté
- Tariq
Ramadan : double discours et double personnalité ?
- «L'épée
fit l'islam, et non l'inverse»
- «Les
ambiguïtés d'Elisabeth Badinter» ou la rhétorique intellectuelle des
islamo-gauchi
Alexandre Devecchio : «Houria Bouteldja ou la grande misère
de l'antiracisme» (23.06.2017)
ANALYSE - Pour les sentinelles de
l'antiracisme, les minorités ethniques sont forcément victimes, tandis que les
Français et les juifs sont forcément coupables.
Défendre le racisme au nom même
du combat contre le racisme, un paradoxe absurde, une équation impossible? Pas
pour les nouvelles sentinelles de l'antiracisme et les intellectuels engagés
dans la lutte contre la «domination postcoloniale des Blancs».
Ceux qui habituellement
traquent les moindres dérapages des Onfray, ceux qui poursuivent Zemmour devant
les tribunaux, s'érigent ici en avocat de l'égérie des Indigènes de la
République
En témoigne la tribune publiée ce
lundi dans Le Monde sous le titre: «Vers
l'émancipation, contre la calomnie. En soutien à Houria Bouteldja et à
l'antiracisme politique», signée par un collectif de militants associatifs,
d'universitaires et de sociologues. Ceux qui habituellement traquent les
moindres «dérapages» des Onfray, Gauchet et autres «néo-réacs», ceux
qui poursuivent Zemmour devant les tribunauxs'érigent ici en avocat de
l'égérie des Indigènes de la République: «Racisme, antisémitisme, homophobie,
écrivent-ils, Houria Bouteldja est la cible privilégiée des accusations les
plus insensées, qui sont autant de calomnies», qualifiant son livre
d'«important, complexe et tiraillé», avant de conclure: «La haine qu'Houria
Bouteldja suscite est à la mesure de son courage».
Les pétitionnaires répondaient à
un article de Jean Birnbaum publié quelques jours plus tôt dans Le
Monde des idées: «La
gauche déchirée par le racisme antiraciste». L'auteur d'Un silence
religieux (Seuil) y soulignait les ambiguïtés du discours d'Houria
Bouteldja. En lisant le dernier essai de la porte-parole du PIR (Parti des
Indigènes de la République), les ambiguïtés se dissipent d'elles-mêmes. Nous
avons, en effet, affaire à un manifeste néoraciste. Son titre, Les
Blancs, les Juifs et nous, est éloquent. Son contenu encore plus. Celle qui
prétend lutter contre l'«islamophobie» et dont le mouvement est à l'origine des
camps d'été décoloniaux interdits aux Blancs y fustige le «racisme républicain»
et le «philosémitisme béat» du «peuple blanc, propriétaire de la France». Elle
y revendique également d'appartenir à «(sa) race, à l'Algérie, à l'islam». On
pourrait croire à des provocations marginales réservées à ceux qui suivent les
moindres mouvements groupusculaires. Mais si les Indigènes
de la République ne sont qu'une poignée, leur discours se diffuse bien
au-delà de leurs militants: c'est toute une partie de la gauche qui désormais
reprend leur rhétorique. Jean Birnbaum n'écrivait pas autre chose. Il a vu
juste et les faits sont têtus.
Cette logique victimaire a des
conséquences dévastatrices. Elle assigne à résidence identitaire la jeunesse
désintégrée des banlieues. Elle nourrit son ressentiment à l'égard de la France
Quelques jours plus tard, Danièle
Obono, nouvelle députée de La France insoumise (élue de Paris), défendait
sur une radio nationale le droit de dire «Nique
la France» tout
en s'interrogeant sur les raisons de dire«Vive
la France» !Elle
a reçu le soutien d'une partie de la gauche. Sans surprise. Cette gauche qui se
revendique du «postcolonialisme» et du «post-marxisme» va de Clémentine Autain
à Edwy Plenel en passant par Rokhaya Diallo et Alain Gresh. Une nébuleuse
rouge-verte pour qui «la lutte des races» a remplacé «la lutte des classes».
Elle défend les «colonisés», qui subissent l'oppression du «mâle blanc
occidental», «les musulmans», nouveau prolétariat, victimes d'un État français
«raciste et islamophobe». C'est ce que l'on appelle l'«islamo-gauchisme».
Feu identitaire
«SOS-racisme est en usage
courant un appel au secours. SOS-racisme nous appelle à sauver le racisme
moribond en France, lapsus révélateur»
Jean Baudrillard
Cette logique victimaire a des
conséquences dévastatrices. Elle assigne à résidence identitaire la jeunesse
désintégrée des banlieues. Elle nourrit son ressentiment à l'égard de la
France. Elle entretient le déni de l'antisémitisme des «quartiers» et du
racisme anti-Blancs. Dans ce système de pensée, en effet, les minorités
ethniques sont forcément victimes tandis que les «sous-chiens» (Houria
Bouteldja avait qualifié ainsi les Français de souche) et les juifs sont
forcément coupables. Il y a quelques mois, par exemple, il
ne s'est trouvé aucune association antiraciste pour poursuivre Mehdi Meklat. L'icône
de la diversité de la gauche branchée qui, sur Twitter, disait vouloir «casser
les jambes» d'Alain Finkielkraut et en appelait au retour de Hitler a été
rapidement oubliée. Enfin, dans son dernier livre, Un racisme
imaginaire (Grasset), le
philosophe Pascal Bruckner montre comment cet apparent antiracisme fait le jeu
de l'islam radical. Et comment ce dernier avance sous l'étendard de la
lutte contre l'«islamophobie».
Ironie du sort, il y a trente ans
des voix s'élevaient déjà pour annoncer des phénomènes comme celui d'Houria
Bouteldja. C'est Jean Baudrillard qui écrivait, en 1990: «SOS-racisme est en
usage courant un appel au secours. SOS-racisme nous appelle à sauver le racisme
moribond en France, lapsus révélateur.» C'est surtout, en 1993, Paul Yonnet,
qui, dansVoyage au cœur du malaise français, lançait l'alerte : «Le
néo-antiraciste ne pouvait - et ne peut - qu'attiser le feu
identitaire.» On ne les a pas écoutés et Jean Birnbaum, lui-même, a longtemps
criminalisé l'inquiétude des sonneurs de tocsin. Avant de rompre par un essai
rédempteur le silence religieux de la gauche morale.
La rédaction vous
conseille :
- Laurent
Bouvet: «Que des universitaires défendent Houria Bouteldja est un crime
contre l'esprit»
- L'islamisme,
la gauche et le complexe colonial
- Damien
Le Guay: «Pour combattre le racisme, il faut déradicaliser l'antiracisme»
Journaliste au Figaro et
responsable du FigaroVox. Me suivre sur Twitter : @AlexDevecchio
Ses derniers articles
- Laurent
Bouvet : «Il faut distinguer la question de la laïcité et celle de
l'insécurité culturelle»
- Tariq
Ramadan et le silence des compagnons de route de l'islamisme
- Rémi
Brague : «Certains ‘laïcards' exploitent la peur de l'islam pour en finir
avec le christian
Damien Le Guay : « Pour combattre le racisme, il
faut déradicaliser l'antiracisme » (31.03.2017)
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN- A
l'occasion de la publication de son dernier ouvrage La guerre civile
qui vient est déjà là, Damien Le Guay a accordé un entretien fleuve
à FigaroVox. Pour lui, le désir inavouable d'une guerre civile
qui trancherait le noeud gordien des identités irréconciliables est peut-être
déjà dans les esprits.
Philosophe, Damien Le Guay est
président du Comité national d'éthique du funéraire, membre du comité
scientifique de la SFAP et enseignant à l'espace éthique de l'AP-HP. Auteur de
nombreux essais, il a notamment publié La
face cachée d'Halloween (Le Cerf, 2002) ; La
cité sans Dieu (Flammarion, 2010) ; Le
fin mot de la vie - contre le mal mourir en France (Le Cerf, 2015)
et Les
morts de notre vie (avec Jean-Philippe de Tonnac, Albin Michel,
2015). Il vient de publier La
guerre civile qui vient est déjà là (éd. du Cerf, 2017)
FIGAROVOX.- Votre dernier
ouvrage s'intitule La guerre civile qui vient est déjà là. De
quelle guerre civile parlez-vous?
Damien LE GUAY.- Le
propos du livre est le suivant: les guerres civiles, avant d'être un
affrontement violent entre des concitoyens, sont d'abord idéologiques. Elles se
développent au sein de la culture commune afin de faire prévaloir la haine
contre la concorde, en justifiant les raisons de se détester les uns les
autres. Avant les kalachnikovs, l'armement des esprits. Les idées peuvent être
des armes de guerre quand elles rendent impossibles la conciliation nationale,
l'oubli de ses traumatismes mémoriels et l'intégration à un «principe
spirituel» et au «désir de vivre ensemble» - selon ce que dit Renan de la Nation.
Ceux qui disent qu'existent en France un «racisme structurel», une situation
«d'apartheid territorial, social, ethnique», une «islamophobie» partout
présente, devraient s'interroger sur leur part de responsabilité dans le climat
de guerre civile que nous constatons en France - et dont témoignent, depuis
janvier 2015, les 239 personnes mortes dans les différents attentats.
Les problèmes à régler pour
revivifier cette grande solidarité nationale des uns pour les autres, sont
moins insolvables que ne sont insurmontables les blocages idéologiques.
Je constate, dans ce livre, que
les problèmes à régler pour revivifier cette grande solidarité nationale des
uns pour les autres, sont moins insolvables que ne sont insurmontables les
blocages idéologiques, les crispations culturelles qui empêchent de les
examiner tranquillement et de les régler au mieux. Il faudrait, en premier lieu
déradicaliser l'antiracisme si nous voulons lutter contre tous les racismes. Il
faut dépolluer les idées généreuses (les droits de l'homme, la reconnaissance
de l'autre, la lutte contre les préjugés..) pour empêcher qu'elles deviennent,
comme aujourd'hui, des armes de destruction massive du débat intellectuel.
Quand, dans les procès contre George Bensoussan ou Pascal Bruckner, les associations
«antiracistes» y compris la LICRA, attaquent ceux qui dénoncent
l'antisémitisme, il y là une coupable erreur de perspective. Une erreur, un
blocage, une armature défensive, un système de protection qui, depuis trente
ans, hystérisent les débats, pénalisent les opinions et rendent impossible les
réformes intellectuelles et morales indispensables avec la montée des
antagonismes que nous constatons. Je ne prédis pas ni ne souhaite une guerre
civile armée mais constate que de nombreuses fractures culturelles augmentent
la partition de la France, la sécession culturelle de certains et l'hostilité
d'autres. Là est le danger qu'il faudrait pouvoir régler entre gens de bonnes
volonté avant qu'il ne soit trop tard.
Que dire de ce blocage
idéologique? Comment l'appréhender?
Il y a d'abord un problème
global de reconnaissance des faits.
Il y a d'abord un problème global
de nomination, d'énonciation et de reconnaissance des faits. Les faits têtus,
simples, évidents sans le prisme déformant de la diversité heureuse - notre
idéologie dominante - qui pratique depuis tant d'année l'euphémisme, l'excuse
sociologique, la minoration et la dissimulation. Ainsi les réalités culturelles
nous échappent - y compris ses nombreuses insécurités, peurs, crispations et
nœuds de haine. Comment, dès lors, pouvons-nous «dire bêtement la vérité bête»,
selon le mot d'ordre de Péguy? Il faudrait, pour cela, mettre la vérité avant
l'idéologie, l'exposition des faits avant l'interprétation. Tout cela semble
impossible aujourd'hui. Ceux qui critiquent l'Islam sont des islamophobes ;
ceux qui évoquent un «racisme anti-blanc» sont racistes. De toutes les
manières, comme l'explique Marie Darrieussecq, il ne peut pas y avoir de
«racisme anti-blanc» car le racisme fut inventé par les blancs pour «justifier
la colonisation» des non-blancs. Nous vivons dans un champ de mines
idéologiques, avec des snipers antiracistes un peu partout, qui intimident,
obligent à la prudence et conduisent à l'autocensure.
L'antiracisme est une belle
idée devenue folle quand elle devient une arme de guerre idéologique.
Ensuite, quand il est question
d'Islam ou d'intégration, le débat est impossible. La liste est longue des
intellectuels qui furent jetés dans l'enfer mutique des pestiférés «fascistes».
Je pense à Paul Yonnet ou Pierre-André Taguieff. L'antiracisme est une belle
idée devenue folle quand elle devient une arme de guerre idéologique. Comment,
dès lors, entendre le rejet par les français d'un Islam qu'ils considèrent à
58% comme «une menace contre la république»? Comment accompagner ceux des
musulmans qui veulent se débarrasser des «fous de Dieu» qui font régner un
ordre moral dans les quartiers? Comment, avec Galheb Bencheikh, s'opposer à un
«islam consulaire» et «aux responsables musulmans» qui ont «laissés se
développer un discours haineux»? Comment lutter contre un antisémitisme (que
dire?) «des quartiers» quand Georges Bensoussan, grand spécialiste de cette
question, est trainé devant les tribunaux, quand il le dénonce? Il faudrait que
l'antiracisme retrouve la raison et le bon sens, abandonne son magistère
inquisitorial et aide à la résolution des problèmes plutôt que de les aggraver
en hystérisant le débat. Le pire est que cette haine dans le débat, la
constitution d'une immense forteresse médiatico-idéologique pour lutter contre
ceux qui feraient le «jeu du Front National» ne fait qu'accroitre le vote Front
National.
Les soldats antiracistes
alimentent le mal qu'ils cherchent à combattre sans jamais se remettre en
cause.
Les soldats antiracistes
alimentent le mal qu'ils cherchent à combattre sans jamais se remettre en
cause. Les alliances contre nature devraient faire réfléchir! Il faut lutter
contre les raisons de la fièvre, contre cette grandissante «insécurité
culturelle» (Laurent Bouvet), plutôt que de prendre la pose valorisante de
l'antifascisme! Pour ces hyper-vigilants, prêts à en découdre avec tous ceux
qu'ils qualifient généreusement de «racistes», le temps des remises en cause
est venu! Mais, si nous considérons le peu de conséquences liées à l'affaire
Medhi Meklat, (un «jeune» de banlieue qui, sur les réseaux sociaux, tenait des
milliers de propos racistes, antisémites, homophobes et sexistes), alors même
qu'il avait été promu par les médias du gauchisme culturel et en particulier
France-Inter (dans l'émission de Pascale Clark), on se dit que les blocages
idéologiques et une certaine culture de l'impunité persistent envers et contre
tout!
Comment en sommes-nous arrivés
là?
Après 1945, pour rompre avec les
horreurs totalitaires, l'Europe s'est forgée une nouvelle identité. Une
identité sans identité claire, une posture en creux, avant tout dans l'accueil,
dans une sorte d'effacement des propositions nationales. Elle aura comme
principes ceux des Droits de l'Homme, comme religion celle de l'humanité (comme
le dit Pierre Manent), comme objectif celui de se régénérer par un généreux
principe diversitaire. L'Europe a pour ambition d'être un territoire sans
substance, une terre vierge sans «racines chrétiennes» - car les affirmer
reviendrait à «stigmatiser» les nouveaux-venus. Mais cette posture «d'altérité
radicale» et de «vacuité substantielle» (selon la formule d'Ulrich Beck) a
rendu difficile, pour la France, l'énonciation d'une proposition nationale -
proposition opposable au nouveaux-venus et jouant le rôle de «règlement de
copropriété» afin que tout le monde s'y conforme.
L'héritage des enfants de
mai-68, plutôt que de changer de société, l'a changée de l'intérieur, étapes
après étapes. Nulle violence mais un entrisme culturel.
Il faut aussitôt ajouter
l'héritage des enfants de mai-68 qui, plutôt que de changer de société, l'ont
changée de l'intérieur, étapes après étapes. Nulle violence mais un entrisme
culturel. Nuls pavés mais un grignotage des Appareils Idéologique d'Etat -
comme on disait Althusser -: l'Ecole, les médias, les arts. Cette révolution
douce, constante, silencieuse, faite dans l'épaisseur de l'Etat (quand il
transmet la culture par l'instruction publique, la pilote par des actions
volontaires, l'expose dans des musés), a mis en place un nouveau logiciel
culturel multiculturel avec la promotion de nouvelles minorités, une
racialisation des différences, l'effacement des religions et la remise en cause
des «assignations» sexuelles. Multiculturalisme qui, comme le montre si bien
Mathieu Bock-coté, finit par relativiser «la culture d'accueil» (la française),
par affaiblir le principe national, la nécessité des frontières et tous les
processus «violents» d'intégration.
Au manque de clairvoyance des
politiques s'est ajoutée la montée en puissance d'une guerre civile culturelle.
Au manque de clairvoyance des
politiques face à ces bouleversements telluriques, à leur manque de courage
politique, de lucidité s'est ajouté d'une part l'installation d'un enseignement
négatif à l'égard de l'héritage reçu et d'autre part une montée en puissance
d'une guerre civile culturelle pour lutter contre tous ceux qui critiquent ou
refusent cette nouvelle religion diversitaire.
Qu'est-ce qui alimente cette
idéologie aujourd'hui?
La première chose, (déjà dénoncée
par d'autres mais sans que rien ne change dans l'enseignement), tient à un
nouveau devoir historique: celui d'une repentance nationale sans fin. Cette
promotion négative de la noirceur historique (l'esclavagisme, le colonialisme,
le sexisme, l'homophobie..) tend à détricoter l'idée même d'un nécessaire
«récit national». Mais si nous n'avons pas un même récit historique, un même
imaginaire nationale, comment faire corps, être unis, être membre d'un même
corps politique et être capable de participer, ensemble, à ce «plébiscite de
tous les jours»?
Une guerre civile tend à
disqualifier ceux qu'il faut expulser du monde commun. Ils n'appartiennent pas
à la même communauté et il est indigne de parler avec eux qui ne sont « rien ».
Ajoutons à cela, un principe
d'exclusion dans le débat, de disqualification mis en avant par ceux-là même
qui, pour promouvoir une générosité de gauche, sont intransigeant vis-à-vis de
ceux qui la critiquent. Pensons, en particulier, à Geoffroy de Lagasnerie,
jeune sociologue en vogue sur le service public, qui expliquait, sur France
Inter, que «la pensée est de gauche», que seuls sont des intellectuels «les
intellectuels de gauche» et que les autres (les Finkielkraut, Gauchet ou
Onfray) ne font que «du bruit, des injures et du rien». Leurs pensées
«n'existent pas». Il ne faut même pas débattre avec eux. Cette violence
participe d'une guerre civile culturelle. Tant que les adversaires seront des
ennemis, et les autres des «riens» avec lesquels il ne faut pas débattre, qu'il
faut même exclure, comment pourrions-nous vivre ensemble et, par le débat,
régler nos différents? Une guerre civile tend à disqualifier ceux qu'il faut
expulser du monde commun. Ils n'appartiennent pas à la même communauté et il
est indigne de parler avec eux qui ne sont «rien». Ceux qui tiennent de pareils
discours et ceux qui en font la promotion médiatique alimentent tous un climat
de guerre civile culturel.
Autre symptôme de cette guerre
civile culturelle : l'enseignement, dans nos universités, des « études
postcoloniales ».
Autre symptôme de cette guerre
civile culturelle: l'enseignement, dans nos universités, des «études
postcoloniales». Hourya Bentouhami, maitre de conférences à Toulouse,
expliquait doctement à la radio, quand il était question de la nation, que
l'accès à l'universel revient à accéder «à un universel blanc». Dès lors, «pour
être français, il faut être blanc». Pour un noir ou un arabe, l'accès à la
nationalité française conduit à «une haine de soi». «Les noirs doivent se
détester». «Se dire» français, pour un noir, «c'est se dédire», c'est
reproduire le geste de l'esclave quand il adopte la culture du colonisé.
Comment, dans ces conditions, pour les noirs ou les arabes devenir français si,
dans l'université, on leur dit qu'ils ne doivent pas le faire sinon à se
détester eux-mêmes? Comment aimer ses concitoyens s'ils sont «blancs» - dotés
donc d'une mentalité de colonisateur?
Comment peut-on dépasser ces
animosités culturelles?
D'abord signalons que la
radicalité augmente en France. Dans l'enquête de l'Institut Montaigne, il était
indiqué qu'un tiers des musulmans de France vivait à la marge de la république
en mettant au-dessus des lois communes l'Islam. Une étude du CNRS, d'il y a
quelques jours, sur les jeunes entre 14 et 16 ans, précise que 32% des jeunes
musulmans sont des fondamentalistes - en ceci qu'ils considèrent qu'existe une
seule religion «vraie religion» et qu'ils mettent la religion au-dessus de la
science. Mais, plus inquiétant encore, 44 % des jeunes fondamentalistes
musulmans considèrent qu'il est possible «de lutter les armes à la main pour sa
religion». Si on ajoute à cela les «100 mollenbeck» en France, tels qu'indiqués
par le ministre de la ville et le risque de guerre civile évoqué par Patrick
Calvar - Directeur Général de la Sécurité Intérieure - à l'Assemblée Nationale,
nous comprenons mieux qu'existe bel et bien un risque de «partition» en France.
Risque reconnu par François Hollande dans ses confidences à deux journalistes.
Certains excusent par avance
ceux qui haïssent leur pays et même ceux qui iraient jusqu'à l'attaquer les
armes à la main.
Mais surtout, dans mon livre, je
dénonce ces irresponsables qui ne cessent de mettre de l'huile sur le feu.
Quand Manuel Valls parle en 2015 d'un «apartheid» en France, il légitime
l'image du noir opprimé et du blanc oppresseur, et par-là même justifie la
révolte de ceux qui se révolterait contre un système structurellement injuste.
Quand Emmanuel Todd parle «d'hystérie contre l'islam» concernant les
manifestations post-attentats de Charlie Hebdo, disant que l'islam est la
religion des pauvres et que l'antisémitisme n'est que la conséquence de
l'islamophobie, quand François Burgat dit que la France est une «machine à
radicaliser», quand Edwy Plénel et Vincent Peillon disent que l'islamophobie a
pris la place de l'antisémitisme des années 1930, quand Nacira Guénif,
professeur à Paris VIII, dit qu'il existe un «racisme structurel» en France et
que «l'Etat est l'acteur principal de ce racisme», que disent-ils tous? Qu'il
est légitime de s'en prendre à la France, de dénoncer un système injuste. Ils
excusent par avance ceux qui haïssent leur pays et même ceux qui iraient
jusqu'à l'attaquer les armes à la main.
Les racistes et les
antiracistes ultras partagent la même conclusion : les cultures ne se mélangent
pas.
J'en arrive à la conclusion que
les racistes et les antiracistes ultras partagent la même conclusion: les
cultures ne se mélangent pas, ne peuvent pas se mélanger, que chacun appartient
à sa culture d'origine et ne doit pas l'abandonner. Il y là l'illustration d'un
miroir inversé entre racisme et antiracisme. Or, cette conclusion va à
l'encontre du principe même de la nation. Quand Marie-Antoinette arrive en
France, à la frontière, elle brûle ses vêtements, passe nue en France et est
rhabillée par la France. Se dévêtir et recevoir de nouveaux habits de son
nouveau pays. Le geste reste le même. Toujours le même. Si nous y renonçons,
nous renonçons au partage du «leg indivis» de Renan. Si nous nous regardons en
chiens de faïence, on doit faire le deuil de la nation. Et ce deuil lui-même,
n'est pas acceptable par ceux-là même qui éprouvent une forte «insécurité
culturelle».
Quelles sont les perspectives
qui s'offrent à nous?
Avant que de dénoncer le FN (qui
est avant tout un baromètre) et de chasser à coup d'oukase la lepénisation des
esprits, considérons la fièvre de l'identité malheureuse et la demande d'ordre
qui en découle.
« L'ordre fait la liberté, et
le désordre fait la servitude »
Charles Péguy
On en revient à Péguy: «L'ordre
fait la liberté, et le désordre fait la servitude». Le désordre des élites
libertaires, qui considèrent que nous allons nécessairement vers l'ubérisation
des consciences et l'interchangeabilité des êtres dans la mondialisation
heureuse, génère un désordre et une angoisse culturelle. D'où le conflit
sournois, mais puissant, entre une France mondialisée urbano-diplômée, et cette
France périphérique (celle analysée par Christophe Guilluy) qui subit de plein
fouet toutes ces perturbations et paye les pots cassés de cette révolution.
Faute de mieux, elle se réfugie dans un vote populiste, protestataire à
outrance. Guérir la fièvre est plus important que de lutter contre le
baromètre.
La réponse à ces
problématiques vient-elle du politique?
Oui. La culture est une question
politique. Et la nation est avant tout une question culturelle. Or, la posture
économiste des élites mondialisées s'est imposée un peu partout. Pour parvenir
à «l'identité heureuse» (Juppé) il «suffirait» d'améliorer l'économie, qui
améliorera le social, qui améliorera le culturel, qui améliorera le
«vivre-ensemble». Il nous faut reconsidérer l'importance centrale de la
culture, loin des mépris et des méprises.
La culture est avant tout une
couche d'ozone protectrice, l'air commun que nous respirons ensemble.
La culture est avant tout une
couche d'ozone protectrice, l'air commun que nous respirons ensemble, la dette
que nous payons à ceux dont nous sommes les héritiers et l'avenir que nous
envisageons ensemble. Si on ne saisit pas la nature stabilisatrice de la culture,
sa capacité à nous assurer, nous réassurer dans un monde incertain, nous ne la
comprenons pas. Il y a donc un lien direct entre culture et nation, un génie
particulier français, loin des «cultures en France» défendues par M Macron.
Remettons la culture au cœur des débats.
Quels sont les options de nos
politiques?
Soit ils retricotent la
proposition nationale et renouent avec l'histoire et le récit commun. Soit ils
acceptent une dilution nationale dans le grand tout mondialisé en allant vers
toujours plus d'Europe et toujours plus de globalisation. Cette pente-là est
déjà la nôtre. Soit, ils se résolvent, de guerre lasse, à l'idée qu'une guerre
civile est malheureusement inévitable pour régler, par la violence, ce qu'ils
ne peuvent résoudre autrement. Ce désir inavouable d'une guerre civile qui
trancherait le nœud gordien des identités impossibles et d'une nation honteuse
d'elle-même, est-il là? Sans doute. Sait-on jamais!
La rédaction vous
conseille :
- Bensoussan
relaxé: la victoire du véritable antiracisme face au communautarisme
- Laurent
Bouvet: l'islamisme, la gauche et le complexe colonial
- Mathieu
Bock-Côté: «L'homme sans civilisation est nu et condamné au désespoir»
- Des
territoires perdus de la République aux territoires perdus de la nation
Laurent Bouvet : l'islamisme, la gauche et le complexe
colonial (22.07.2016)
Par Alexis
Feertchak
Mis à jour le 22/07/2016 à 19h43 | Publié le 22/07/2016 à 19h23
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Dans
un entretien fleuve, Laurent Bouvet décrypte les origines et les rouages de
l'islamo-gauchisme. A la recherche d'un nouveau prolétariat, cette gauche
aveuglée voit dans les islamistes des damnés de la terre à défendre.
Laurent Bouvet est professeur
de Science politique à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il
a publié L'Insécurité
culturelle chez Fayard en 2015.
FIGAROVOX. - Comment
expliquez-vous la difficulté d'une partie des intellectuels de gauche à penser
l'islamisme voire simplement à prononcer son nom? La communauté musulmane
est-elle devenue le nouveau prolétariat d'une certaine gauche?
Il y a sans doute plusieurs
explications possibles à ce qui est chez certains intellectuels, journalistes,
chercheurs… de l'aveuglement, plus ou moins volontaire, et chez d'autres, peu
nombreux en fait, un choix déterminé, politique voire idéologique. Je
privilégierai ici comme explication structurelle ce que l'on pourrait nommer le
complexe colonial.
Dans le cas français spécialement
et européen plus largement, la colonisation a particulièrement concerné des
populations de religion musulmane. Depuis la décolonisation d'une part et la
fin des grands récits de l'émancipation nationaliste ou anti-impérialiste
d'autre part, une forme de pensée, et les désormais incontournables «études»
qui vont avec dans le monde universitaire, post-coloniale s'est développée.
Elle est appuyée sur une idée simple: l'homme blanc, européen, occidental,
chrétien (et juif aussi) est resté fondamentalement un colonisateur en raison
de traits qui lui seraient propres (comme par essence): raciste, impérialiste,
dominateur, etc. Par conséquent, les anciens colonisés sont restés des dominés,
des victimes de cet homme blanc, européen, occidental, judéo-chrétien.
À partir des années 1970, à
l'occasion de la crise économique qui commence et de l'installation de
l'immigration issue des anciens pays colonisés, cette pensée postcoloniale va
phagocyter en quelque sorte la pensée de l'émancipation ouvrière classique et
de la lutte des classes qui s'est développée depuis la Révolution industrielle
et incarnée dans le socialisme notamment. La figure du «damné de la terre» va
ainsi se réduire peu à peu à l'ancien colonisé, immigré désormais, c'est-à-dire
à celui qui est différent, qui est «l'autre», non plus principalement à raison
de sa position dans le processus de production économique ou de sa situation
sociale mais de son pays d'origine, de la couleur de sa peau, de son origine
ethnique puis, plus récemment, de sa religion. Et ce, au moment même où des
lectures renouvelées et radicalisées de l'islam deviennent des outils de
contestation des régimes en place dans le monde arabo-musulman.
Toute une partie de la gauche,
politique, associative, syndicale, intellectuelle…, orpheline du grand récit
Toute une partie de la gauche
va trouver dans ce combat pour ces nouveaux damnés de la terre sa raison d'être
alors qu'elle se convertit très largement aux différentes formes du
libéralisme.
socialiste et communiste, va
trouver dans ce combat pour ces nouveaux damnés de la terre sa raison d'être
alors qu'elle se convertit très largement aux différentes formes du
libéralisme. Politique avec les droits de l'Homme et la démocratie libérale
contre les résidus du totalitarisme communiste ; économique avec la loi du
marché et le capitalisme financier contre l'étatisme et le keynésianisme ;
culturel avec l'émancipation individuelle à raison de l'identité propre de
chacun plutôt que collective. En France, la forme d'antiracisme qui se
développe dans les années 1980 sous la gauche au pouvoir témoigne bien de cette
évolution.
À partir de là, on peut aisément
dérouler l'histoire des 30-40 dernières années pour arriver à la situation
actuelle. Être du côté des victimes et des dominés permet de se donner une
contenance morale voire un but politique alors que l'on a renoncé, dans les
faits sinon dans le discours, à toute idée d'émancipation collective et de
transformation de la société autrement qu'au travers de l'attribution de droits
individuels aux victimes et aux dominés précisément. À partir du moment où ces
victimes et ces dominés sont incarnés dans la figure de «l'autre» que soi-même,
ils ne peuvent en aucun cas avoir tort et tout ce qu'ils font, disent,
revendiquent, etc. est un élément de leur identité de victime et de dominé.
Dans un tel cadre, l'homme blanc, européen, occidental, judéo-chrétien… ne peut
donc jamais, par construction, avoir raison, quoi qu'il dise ou fasse. Il est
toujours déjà coupable et dominateur.
Pour toute une partie de la
gauche, chez les intellectuels notamment, tout ceci est devenu une doxa. Tout
questionnement, toute remise en question, toute critique étant instantanément
considérée à la fois comme une mécompréhension tragique de la société, de
l'Histoire et des véritables enjeux contemporains, comme une atteinte
insupportable au Bien, à la seule et unique morale, et comme le signe d'une
attitude profondément réactionnaire, raciste, «islamophobe», etc. C'est pour
cette raison me semble-t-il que l'on retrouve aujourd'hui dans le débat
intellectuel et plus largement public, une violence que l'on avait oubliée
depuis l'époque de la Guerre froide. Tout désaccord, toute nuance, tout
questionnement est immédiatement disqualifié.
Cette doxa a-t-elle été
ébranlée par le retour du «tragique» dans l'histoire auquel nous assistons
depuis les attentats de 2001 aux Etats-Unis?
L'avènement depuis une quinzaine
d'années sur le sol occidental (et son intensification en France
particulièrement ces dernières années) d'un terrorisme islamiste qui prolonge
le djihad mené dans les pays arabes en particulier n'a pratiquement pas entamé
cette doxa. Dans un tel cadre, le terroriste est d'abord et avant tout perçu
lui aussi comme une victime même si son acte est condamné en tant que tel.
Victime de la situation sociale dans laquelle se trouvent les populations
issues de l'immigration (ghettos urbains, chômage de masse…), victime de la
manière dont il est traité comme croyant, victime de «l'islamophobie» de la
«laïcité à la française», du «racisme d'État»…, victime même, comme on l'a vu
après l'attentat de Nice, d'une société
Il est pour le moins étrange
que ce soient les mêmes qui nient tout caractère islamiste à un acte terroriste
et qui appellent à ne pas faire d'amalgame entre l'auteur de l'acte et
l'ensemble des musulmans.
occidentale pervertissant
l'individu (bisexualité, divorce, alcoolisme, dépression…). Dans un tel schéma,
l'islamiste n'est donc jamais responsable de sa manière de croire et de
pratiquer l'islam, comme le terroriste n'est jamais pleinement responsable de
ses actes. C'est la société occidentale qui est d'abord et avant tout à blâmer,
c'est «nous» qui sommes les véritables responsables de ce qui nous arrive. On
peut souligner, d'ailleurs, à ce propos, qu'il est pour le moins étrange pour
ne pas dire cocasse que ce soient souvent les mêmes qui nient tout caractère
islamiste à un acte terroriste et qui appellent à ne surtout pas faire
d'amalgame entre l'auteur de l'acte et l'ensemble des musulmans.
Difficile dès lors de débattre
sereinement et surtout efficacement de l'attitude à adopter face au terrorisme
islamiste, des politiques à mettre en place, des changements à introduire dans
nos lois comme dans nos habitudes. Ne serait-ce que puisque face à cette forme
de déni du réel que pratique une partie de la gauche, se construit une force
qui va jusqu'à rejeter la possibilité même de l'existence de Français musulmans
et elle aussi construite sur la mise en avant d'une identité (française,
européenne, blanche, occidentale, chrétienne…) revendiquée comme «seule et
vraie». Dérive que l'on trouve aujourd'hui en partie à droite et à
l'extrême-droite. Or on ne peut se satisfaire d'un débat opposant, comme c'est
malheureusement trop souvent le cas aujourd'hui, une gauche du déni à une
droite du rejet. Pas seulement parce qu'il est vicié intellectuellement mais
parce qu'il ne peut conduire qu'au pire.
Comment expliquer le
glissement historique d'une gauche largement anticléricale quand elle faisait
face à l'Eglise à une gauche très défensive quand il s'agit d'appliquer le
cadre de la laïcité à l'Islam?
Outre, très largement, pour les
raisons que je viens de décrire, parce qu'une partie de cette gauche
sécularisée pendant des décennies avait trouvé un substitut religieux dans la
croyance idéologique communiste notamment - on peut rappeler d'ailleurs en
passant que l'idéologie et la religion fonctionnent de la même marnière comme
représentation inversée de la réalité chez Marx. L'effondrement des grands
récits idéologiques du XXe siècle a laissé cette gauche dans le désarroi. Ne
plus pouvoir opposer de Vérité au réel lui était d'une certaine manière
insupportable. D'où la transformation rapide, dans les années 1990-2000, de la
pensée postcoloniale en une forme idéologique autonome et surdéterminante
(alors qu'auparavant elle pouvait encore être incluse dans le récit communiste
global).
Le rapport de cette gauche à
l'Église est resté le même que celui de la période précédente, alliant d'une
forme d'anticléricalisme viscéral à la condamnation du caractère rétrograde de
l'Église sur les questions de mœurs en particulier - on l'a bien vu au moment
du «mariage pour tous». La laïcité n'étant ici ni discutée ni discutable
L'effondrement des grands
récits idéologiques du XXe siècle a laissé cette gauche dans le désarroi. Ne
plus pouvoir opposer de Vérité au réel lui était insupportable.
d'une certaine manière. Même si
sur d'autres sujets, l'Église est plutôt considérée comme une alliée à gauche.
C'est le cas en ce qui concerne l'accueil des migrants par exemple.
En revanche, le rapport à l'islam
est lui nouveau historiquement. Cette religion, y compris dans ses formes les
plus radicales, n'est pas considérée d'abord et avant tout comme une religion,
comme un possible «opium du peuple», mais comme un des traits identitaires
spécifiques des victimes et des dominés du monde postcolonial. Ce qui conduit à
des choses étranges sur le plan philosophique, comme la défense du voile
islamique au nom de la liberté individuelle par des responsables ou des
militants politiques se réclamant du marxisme. On repense ici, par exemple, à
l'épisode de la jeune candidate du NPA portant le voile aux régionales de 2010
en région PACA qui avait été défendue pour ce motif par Olivier Besancenot
notamment.
On assiste donc, très largement
au sein de la gauche, toutes familles politiques confondues, à ce deux poids
deux mesures étonnant sur la laïcité. Comme si celle-ci était à géométrie
variable selon la religion concernée. Ainsi, autre exemple, nombre d'élus de
gauche sont-ils prompts à souhaiter publiquement aux musulmans de bonnes fêtes
à l'occasion de la fin du Ramadan sans le faire pour d'autres religions. Or il
me semble difficile d'adapter ainsi son attitude en fonction de telle ou telle
religion. Il me semble difficile d'accueillir une cérémonie de rupture du jeûne
dans une mairie alors qu'on n'y interdit la crèche de Noël pour prendre un
autre exemple. La laïcité devrait simplement enjoindre aux élus à ne pas se
mêler, dans le cadre de leurs fonctions, de religion.
Que pensez-vous des références
nombreuses à la Seconde Guerre mondiale, au régime de Vichy pour parler de
l'état d'urgence ou au parallèle entre les musulmans et les juifs?
Je suis toujours très circonspect
sur les évocations historiques de ce genre au regard de la situation actuelle.
D'autant plus qu'elles servent beaucoup, depuis quelques années, avec
l'explosion de l'usage des réseaux sociaux, à disqualifier l'adversaire. C'est
le fameux point Godwin qui veut que dans une conversation sur un réseau social,
à un moment donné, dans le cadre d'un désaccord, on vous traite de nazi.
Concernant l'état d'urgence, nul
besoin d'évoquer Vichy. Il suffit simplement de comparer ce qu'est l'état
d'urgence dans un grand pays démocratique, dans un état de droit ancien et
solide comme la France, à celui qui vient d'être décrété par Erdogan en
Turquie. L'évocation sans plus de précaution dans le débat politique français
de Vichy ces dernières semaines à propos de l'état d'urgence ou de l'usage du
49.3 par le
Concernant l'état d'urgence,
nul besoin d'évoquer Vichy. Il suffit simplement de comparer ce qu'il est à celui
qui vient d'être décrété par Erdogan en Turquie.
gouvernement est tout simplement
ridicule. Elles témoignent, plus profondément, me semble-t-il, du désarroi
d'une partie, réduire et extrême, de la gauche qui n'a plus que ça pour tenter
de se faire entendre parce que son poids politique est tellement réduit qu'elle
est tout simplement inaudible. C'est la même logique que la violence symbolique
et parfois physique qui sourd régulièrement de cette extrême-gauche, sur les
réseaux sociaux, dans les manifestations…
Quant au parallèle entre juifs et
musulmans comme boucs émissaires, là aussi, attention. Outre la comparaison
historique oiseuse qui consiste à faire des musulmans d'aujourd'hui ce
qu'étaient les juifs hier à l'époque nazie, la situation n'est pas du tout
comparable. Personne n'extermine en masse les musulmans ou n'a même décidé de
le faire. Et les morts musulmans aujourd'hui dans le monde en raison de la
guerre ou du terrorisme le sont d'abord sous les coups d'autres musulmans. Je
ne suis pas certain qu'une telle comparaison serve le propos de ceux qui s'y
risquent.
En France, aujourd'hui, s'il y a
bien des formes de racisme anti-musulman qui s'expriment, et parfois des actes
qui se commettent, outre qu'ils sont répréhensibles et réprimés - je pense
notamment aux outils mis en place avec la DILCRA notamment depuis 4 ans pour
améliorer les signalements et conduire à des poursuites pénales -, il n'y a pas
eu de musulman qui ait été assassiné à raison de sa religion en France - à
l'exception des militaires tués par Merah en 2012 et du policier abattu
boulevard Richard-Lenoir par les frères Kouachi en janvier 2015. Encore ont-ils
été tués sans doute davantage parce qu'ils portaient l'uniforme qu'à raison de
leur confession supposée. Et en tout cas, il ne s'agit pas de crimes
«islamophobes». Tous les musulmans morts dans l'attentat de Nice par exemple
n'ont pas été visés en tant que tels. Dans le cas de l'antisémitisme, outre les
paroles et les actes, nombreux, les victimes de Merah dans l'école juive en 2012
ou de Coulibaly à l'Hyper Cacher en janvier 2015 l'ont été parce qu'elles
étaient juives et visées comme telles.
Le conflit israélo-palestinien
ou les traces de la Guerre d'Algérie entretiennent-ils cette islamo-gauchisme?
La concurrence victimaire est-elle devenue le moteur de celui-ci?
Il y a, incontestablement, au
sein de cette gauche extrême dont on parlait plus haut, la tentation de rejouer
en permanence les conflits coloniaux ou d'importer en France des conflits
extérieurs, comme celui entre Israël et les Palestiniens. On le voit à
l'occasion des manifestations comme celles de l'été 2014 en faveur de Gaza ou
dans les campagnes de boycott des produits israéliens par exemple. C'est
heureusement limité. Et s'il ne se trouvait pas toujours des responsables
médiatiques, politiques ou syndicaux pour donner du crédit ou soutenir ces
actions gauchistes, elles n'auraient aucun écho.
La loi du marché s'applique
aussi à la concurrence victimaire. C'est ce qui échappe à toute cette gauche
qui se prétend antilibérale parce qu'elle conteste la mondialisation
économique.
Disons, pour simplifier, qu'il
existe une forme de gauchisme culturel qui dépasse de loin les frontières du
gauchisme politique. Ce ne serait pas plus gênant que ça si le folklore auquel
ça conduit ne débouchait pas aujourd'hui, alors que les circonstances
historiques sont particulièrement graves, sur une dégradation du débat public,
sur une violence verbale et symbolique souvent odieuse, en tout cas hors de
proportion avec la réalité des faits. Il faut donc y être attentif et ne pas
s'y laisser prendre, ce qui n'est pas toujours facile, sur les réseaux sociaux
notamment.
La concurrence victimaire renvoie
à ce que j'ai dit plus haut en rapport avec la pensée post-coloniale. Dans une
telle conception où l'on ne voit l'autre que comme une victime de ce que l'on
est soi-même, alors il ne peut y avoir que de la concurrence entre victimes
pour obtenir telle visibilité médiatique, telle reconnaissance publique, tel
droit particulier, telle subvention, etc. Le libéralisme ne s'arrête pas au
post-colonialisme. La loi du marché s'applique aussi à la concurrence
victimaire. C'est ce qui échappe visiblement à toute cette gauche qui se
prétend fortement antilibérale parce qu'elle conteste la mondialisation économique
ou la déréglementation du travail mais qui est très libérale dès lors qu'il
s'agit des questions identitaires et culturelles.
Face à la question de
l'islamisme mais aussi de l'immigration musulmane, la dimension culturelle de
l'Islam est-elle un impensé?
C'est une question fondamentale
mais à laquelle je ne peux pas répondre car je n'ai pas la connaissance
nécessaire pour le faire.
Je ne peux que formuler une
hypothèse. Pour moi, de ce que j'en sais et de ce que je peux en comprendre,
l'islam comme religion (au sens donc cultuel et culturel), n'est pas a
priori incompatible avec ce que l'on peut
La partie qui se joue n'est
pas entre l'islam et l'Occident mais entre l'islamisme et le refus de
l'islamisme.
appeler la modernité occidentale
- celle qui s'est déployée depuis cinq siècles sur le socle de la société
judéo-chrétienne qu'on trouvait en Europe. C'est-à-dire avec la liberté
individuelle (y compris de ne pas croire), l'égalité de droits, en particulier
entre hommes et femmes, la démocratie, l'état de droit, etc. Il n'y a donc pas
de fatalité et pas de «choc de civilisation» en soi.
Évidemment, aujourd'hui, dans
toute une partie de l'islam, cette modernité occidentale est condamnée et
attaquée pour ce qu'elle véhicule de valeurs et comme modèle de société. Il me
semble donc que la partie qui se joue aujourd'hui n'est pas entre l'islam et
l'Occident mais entre l'islamisme et le refus de l'islamisme, aussi bien au
sein des populations musulmanes que non musulmanes, en Occident comme dans le
monde arabo-musulman.
Dans votre livre L'insécurité culturelle ,
vous défendez la notion de «commun» pour que la communauté nationale se
retrouve autour de valeurs partagées. Concrètement, une proximité culturelle
minimale n'est-elle pas aussi une condition nécessaire de cette communauté de
valeurs?
Oui, pour qu'il y ait du commun,
il faut qu'il y ait une proximité culturelle et pas seulement principielle ou
institutionnelle. C'est une évidence.
Pour qu'il y ait du commun, il
faut qu'il y ait une proximité culturelle et pas seulement principielle ou
institutionnelle.
La question étant ce que l'on met
dans le terme «culturel». Une culture n'est pas quelque chose de figé, ce n'est
pas une essence. C'est un ensemble de références, de valeurs, d'habitudes, etc.
mouvant et cumulatif. C'est un lien entre ceux qui en partagent l'essentiel
mais c'est aussi un lieu de débat ou d'affrontement sur le sens qu'on peut lui
donner.
On parlait à l'instant de
l'islam. Or ce qui le caractérise, au-delà du fait que c'est une religion, un
lien entre les croyants dans le même dieu, c'est aussi son extraordinaire
diversité culturelle à travers le monde. C'est d'ailleurs ce que veulent
réduire les islamistes en imposant une seule vision de l'islam.
Au-delà encore, pour moi, une
culture, la culture, c'est précisément le mouvement et la mixité, le contraire
même de la fixité et de l'essence. C'est d'ailleurs ce que nous enseigne notre
propre histoire, occidentale, européenne, puisqu'on a commencé par ça. La
possibilité du désaccord et de la vie en commun malgré ce désaccord, puis de
son dépassement à travers une nouvelle forme culturelle qui inclut les anciens
désaccords, c'est toute l'histoire de notre culture occidentale.
Le commun permet précisément
l'existence de différences parce qu'on accepte le cadre d'ensemble dans lequel
elles peuvent s'exprimer. C'est donc à la fois le fruit d'un effort, d'une
volonté, je n'ose dire générale, et en même temps le résultat d'un long
processus historique fait de heurts et d'affrontements. Il faut à la fois le
vouloir, et faire ce qu'il faut pour, et en même temps ne pas l'envisager comme
quelque chose de figé et de fixé une fois pour toutes. C'est pourquoi
d'ailleurs, en France, la République est l'expression historique la plus
achevée de ce commun, englobant et dépassant à la fois l'Histoire longue de la
France qui l'a précédée. On peut citer Péguy quand il intitulait un de ses
Cahiers: «La République, une et indivisible, notre royaume de France».
Journaliste au Figaro.fr
Ses derniers articles
- Révolution
de 1917 : un siècle après, les Russes blancs n'oublient pas
- Révolution
bolchevique : la douloureuse mémoire des Russes blancs
- Donald
Trump au Japon : entre mise en scène et «diplomatie du golf»