lundi 2 octobre 2017

Islamisme et politique 29 septembre 2017

Quand Marseille était ciblée par des djihadistes (01.10.2017)
Par Jean Chichizola
Publié le 01/10/2017 à 21h04
La cité phocéenne, nommément visée par Daech, a été dans les derniers mois au cœur de deux opérations antiterroristes majeures visant dans les deux cas des islamistes identifiés qui préparaient des attaques.

«Regarde bien cette scène, François Hollande, elle va bientôt arriver sur tes propres citoyens dans les rues de Paris, dans les rues de Marseille, dans les rues de Nice, dans toute la France.» La vidéo de propagande date de juillet 2016, quelques jours après l'attentat de Nice. Par la voix d'un djihadiste français, qui égorge un prisonnier face à la caméra, Daech cible publiquement la Cité phocéenne aux côtés de la capitale et du chef-lieu des Alpes-Maritimes, déjà frappées par l'État islamique. Dans les dix-huit mois suivant, Marseille a été au cœur de deux opérations antiterroristes majeures visant dans les deux cas des islamistes identifiés, loin a priori du profil de l'assaillant de dimanche.
Le 20 novembre 2016, un Marocain de 26 ans est interpellé dans la ville en même temps que quatre autres individus arrêtés, eux, à Strasbourg. Le groupe est soupçonné d'avoir préparé des attentats à Paris mais également dans les Bouches-du-Rhône. Le 18 avril 2017, à six jours du premier tour de l'élection présidentielle, deux islamistes sont interpellés avec des armes et alors qu'ils venaient de préparer trois kilos de TATP (explosif utilisé dans de nombreux attentats) dont une partie déjà prête à l'emploi. Sans qu'un objectif précis ait pu être identifié, les cibles potentielles, à commencer par les bureaux de vote qui allaient ouvrir quelques jours plus tard, étaient nombreuses. Les suspects étaient en possession de clichés pris dans les rues de la ville, dans des lieux de rassemblement. Ils auraient également effectué des recherches sur Internet sur des bars. Si les deux hommes n'étaient pas originaires de Marseille, la ville était donc clairement visée. Ces menaces et ces deux projets d'attentats déjoués étaient particulièrement inquiétants car ils intervenaient dans un contexte où des attaques ou des menaces avaient déjà été observées.
Le 11 janvier 2016, un lycéen de 15 ans attaquait ainsi à la machette un professeur juifqui échappait de très peu à la mort. L'agresseur reconnaissait les faits et proclamait qu'il voulait «tuer un juif», tout en exprimant son soutien aux thèses de l'État islamique. Il a été condamné à sept ans de prison. Quatre mois plus tard, un homme était mis en examen pour apologie du terrorisme après s'être revendiqué de Daech et avoir affirmé qu'il voulait attaquer une synagogue à Marseille. Il a finalement été condamné à deux ans de prison par le tribunal correctionnel de Marseille.
Plus de 1200 radicalisés dans les Bouches-du-Rhône
Cette succession d'alertes est intervenue dans un département, les Bouches-du-Rhône, qui se distingue par le nombre de personnes signalées comme radicalisées. Au printemps 2017, le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) recensait plus de 1200 personnes (en octobre 2016, ils étaient un peu plus de 900). Ce qui en fait l'un des premiers départements de France touchés par ce phénomène aux côtés des départements d'Île-de-France et de quelques autres (comme le Nord avec Lille-Roubaix-Tourcoing, le Rhône avec Lyon ou les Alpes-Maritimes avec Nice). Dans le cadre de l'état d'urgence, une dizaine de lieux de prière musulmans ont été visés par une perquisition administrative. Enfin, le 1er février dernier, le ministère de l'Intérieur annonçait la fermeture d'une mosquée d'Aix-en-Provence, mettant en avant «une menace grave pour la sécurité et l'ordre public.»
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Une mosquée fermée à Aix-en-Provence (01.02.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 01/02/2017 à 17h24 | Publié le 01/02/2017 à 17h20
La mosquée Dar-es-Salam d'Aix-en-Provence a fait l'objet aujourd'hui d'une fermeture administrative dans le cadre de l'état d'urgence, son responsable prônant, selon le ministère de l'Intérieur, "une idéologie radicale appelant à la discrimination".
Il s'agit de la première mosquée fermée dans le cadre de l'état d'urgence dans le département des Bouches-du-Rhône. La décision de la fermeture de la mosquée Dar-es-Salam, dite mosquée du Calendal, "a été prise et notifiée, comme la loi le prévoit, par le préfet de police des Bouches-du-Rhône", a indiqué un communiqué du ministère de l'Intérieur.
L'imam de cette mosquée exerçait, selon le ministère, "un prosélytisme particulièrement actif voire agressif, exerçant une forme de pression sociale sur les habitants du quartier". Les autorités s'inquiétaient notamment de la fréquentation du lieu par "des individus adeptes d'un islam radical, entretenant des relations avec d'autres individus connus pour leur radicalisation et leur proximité avec des personnes prônant le djihad".

Natacha Polony : «Alstom, STX, l'utopie fédérale pour masquer les renoncements» (29.09.2017)
Par Natacha Polony
Mis à jour le 29/09/2017 à 19h29 | Publié le 29/09/2017 à 16h30
FIGAROVOX/CHRONIQUE - L'émergence d'une Europe indépendante face aux hyperpuissances américaine et chinoise est une nécessité.
Avoir le sens du symbole n'est pas donné à tous. Les médias ont relayé avec empressement ce discours sur l'Europe dans le lieu même où François Mitterrand, jadis, avait défendu le traité de Maastricht face à un Philippe Séguin déstabilisé par la découverte de la maladie du président. Vingt-cinq ans plus tard, Emmanuel Macron veut montrer son audace. Listes transnationales, budget commun, Commission à quinze membres… Telle est la lecture qu'il espère imposer: face aux «passions tristes», proposer le basculement dans un fédéralisme européen relèverait du courage.
Vraiment? S'opposer explicitement à la volonté exprimée par les peuples depuis des années relève du courage? On peut donc, aujourd'hui, expliquer que la démocratie ne vaut rien? Mais c'est pour la bonne cause: faire enfin advenir cette Europe «qui protège», cette Europe plus juste, plus indépendante, plus souveraine, qu'on nous promet pour demain… ou après-demain, pour nous faire accepter celle d'aujourd'hui qui en est l'exact opposé.
Les plus cruels constateront que le président français s'est fait plaisir à peu de frais. Le destin de ses propositions est tout tracé. Le tweet de Jean-Claude Juncker, président de la Commission, vaut un sourire en même temps qu'un coup de poignard: «Un discours très européen de mon ami Emmanuel Macron. L'Europe a besoin de courage. Merci pour votre soutien au travail des institutions UE.» Bref, une sympathique contribution qui fera l'objet d'un classement vertical, puisque le rôle d'un président français est de «soutenir» les institutions de l'Union européenne. Mais il y a plus grave que l'absence totale de considération démocratique ou que cet acharnement à vouloir construire l'Europe à partir d'une utopie au lieu de s'appuyer sur ces peuples qui veulent s'allier sans nier leurs différences et leurs divergences.
«Le discours européen d'Emmanuel Macron intervenait la semaine même où étaient scellés les sorts d'Alstom et de STX. Un hasard ? Sans doute pas»
En effet, bien plus grave est l'étrange contradiction entre ces considérations européennes, faites de projets de défense commune pour assurer la «souveraineté européenne», et la réalité d'une politique dont la première conséquence est d'organiser la transformation de la France et d e l'Europe en colonies américaines. Le discours européen d'Emmanuel Macron intervenait la semaine même où étaient scellés les sorts d'Alstom et de STX. Un hasard? Sans doute pas. Le revirement français vis-à-vis des acheteurs italiens de STX, après une nationalisation temporaire en grande pompe, permet de se concilier les voisins transalpins. Et que dire du cadeau fait à Siemens sous couvert d'«Airbus du ferroviaire» auquel même les commentateurs les plus complaisants ne font pas semblant de croire? Tout laisse accroire qu'Emmanuel Macron, dont l'ambition ultime est visiblement de rester dans l'histoire, non pas comme un président français (trop commun pour lui, presque vulgaire) mais comme le précurseur de l'Europe future, a voulu donner des gages à ceux dont il lui faudra emporter l'adhésion pour ce beau projet, ou du moins pour quelques-uns de ses aspects qui ne touchent pas au portefeuille germanique.
Une «agence européenne de l'innovation» vaut bien d'abandonner les TGV en feignant d'imaginer que c'est un géant «européen» qui naît, et non un géant allemand. Ce n'est pas la première fois que la France donne ce genre de gages sans rien obtenir en retour.
Hélas, il y a une contradiction majeure à prétendre bâtir une défense commune garantissant la souveraineté européenne, c'est-à-dire son indépendance vis-à-vis des autres puissances, quand on a entériné depuis des années le dépeçage de l'industrie française. Dans un documentaire fondamental retraçant le scandale de la vente d'Alstom à General Electric, La Guerre fantôme (rediffusé sur LCP le 1er octobre), le général Henri Bentégeat, ancien chef d'état-major des armées, explique comment, après le refus de la France de suivre les États-Unis en Irak, ces derniers avaient suspendu les livraisons de pièces de rechange à la France. À six mois près, les avions ne pouvaient plus décoller du porte-avions Charles de Gaulle, faute de catapultes. Heureusement, à l'époque, 97 % de l'équipement français était produit par des entreprises nationales, ou européennes avec une forte participation française. Avec la vente d'Alstom à General Electric en 2014, les turbo-réducteurs du Charles de Gaulle sont à discrétion des États-Unis. À l'époque, le secrétaire général adjoint de l'Élysée chargé du dossier, Emmanuel Macron, avait estimé que cette vente ne regardait pas le gouvernement parce que «nous ne sommes pas au Venezuela».
L'émergence d'une Europe indépendante face aux hyperpuissances américaine et chinoise est une nécessité. La question est de savoir si nous voulons y parvenir sans les peuples, en imposant d'en haut un fédéralisme qui risque fort d'amplifier un peu plus l'unilatéralisme allemand, ou si nous voulons partir des peuples et des nations européennes, de leur histoire et de leur réalité. La souveraineté ne se décrète pas, elle se préserve à travers les outils de l'indépendance, parmi lesquels la puissance industrielle et militaire, l'autonomie alimentaire (que les traités de libre-échange mettent en danger), et l'équilibre entre les nations alliées. L'Europe et ses peuples plutôt que du lyrisme, attendent des actes, guidés par la volonté démocratique.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 30/09/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Le Maroc n'a jamais accueilli autant de touristes (29.09.2017)
Par Charles Gautier
Mis à jour le 29/09/2017 à 17h53 | Publié le 29/09/2017 à 17h50
Plus de 11 millions de voyageurs, dont 3,6 millions venant de France, ont visité le royaume en 2017.
«Le cap des 11 millions d'arrivées sera atteint cette année, ce sera un nouveau record pour le secteur touristique marocain!» Directeur général de l'Office national marocain du tourisme (ONMT), Abderrafia Zouitene est satisfait: d'année en année, l'intérêt pour le Maroc ne se dément pas. «Au total 3,6 millions de vacanciers viendront de France, souligne-t-il, un chiffre en hausse de 6 %, alors que la part de marché de la clientèle française a régressé de 37 % en 2010 à 30 % cette année.»
Le paradoxe n'est qu'apparent, puisque ce sont les autres pays qui ont sensiblement accru leur présence: de 12 % pour l'Allemagne, 41 % pour le Brésil et… 567 % pour la Chine. Ce n'est pas une surprise. «La suppression des visas par Sa Majesté a incité les Chinois à venir en nombre, alors qu'ils n'ont pas de vols directs, explique Abderrafia Zouitene. Ils étaient 16.000 l'an dernier et plus de 100.000 cette année.»
Premier contributeur de devises
Perçue comme une destination sûre, le Maroc semble avoir une bonne marge de progression: le tourisme, à Fez, Marrakech ou Ouarzazate (très prisée des Français), est pour l'instant essentiellement culturel. La capacité d'attraction touristique du Maroc sera renforcée par la stratégie de développement du tourisme balnéaire, notamment sur la côte méditerranéenne du pays. Toutefois, il faudra encore du temps pour concurrencer Agadir, qui reste l'un des deux grands pôles touristiques du pays avec Marrakech: un peu plus de 2 millions de nuitées y ont été enregistrées à la fin juin, dont plus de 450.000 touristes allemands, premiers clients de la station.
«L'apparition d'une classe moyenne accroît aussi le tourisme intramarocain. Il est en hausse de 30%»
Abderrafia Zouitene, directeur général de l'Office national marocain du tourisme
Dakhla, au Sahara occidental, prisée des amateurs de kitesurf, sera quant à elle desservie à partir du 26 octobre par Transavia, la compagnie low-cost du groupe Air France-KLM. Profitant de l'engouement pour le Maroc, la compagnie a décidé d'ouvrir quatre nouvelles lignes cette année. Cela portera sur l'année le nombre de sièges disponibles à 1,3 million, soit 36 % de plus qu'en 2016.
Mais, de plus en plus, au Maroc, les touristes sont… marocains. «L'apparition d'une classe moyenne accroît aussi le tourisme intramarocain. Il est en hausse de 30 %, poursuit le responsable de l'ONMT. Plus globalement 230.000 touristes africains viendront cette année.» Dans ce contexte, le tourisme, qui a rapporté l'an dernier 6,5 milliards de dollars, est le premier contributeur de devises du pays et participe à hauteur de 9 % au PIB.
Les infrastructures s'adaptent. Au nord du pays, la ligne TGV Tanger-Kénitra, inaugurée l'année prochaine, facilitera encore les déplacements et participera au développement de la région de Tanger, actuellement deuxième pôle économique du pays, qui rêve de supplanter un jour Marrakech. Le Maroc continue de séduire: à la veille de son centenaire, fêté l'année prochaine, l'Office national marocain du tourisme n'oublie pas une occasion de rappeler que le royaume a été présenté, lors du forum de Davos en 2014, comme le troisième pays le plus accueillant au monde.
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Procès d'Abdelkader Merah: qu'est-ce qu'une cour d'assises spéciale ? (29.09.2017)
Par Etienne Jacob
Mis à jour le 29/09/2017 à 22h02 | Publié le 29/09/2017 à 19h14
INFOGRAPHIE - Le frère de Mohamed Merah sera jugé, ce lundi, par cette juridiction spécifique, qui statue notamment sur les crimes en matière de terrorisme ou de trafic de stupéfiants.
Il y a plus de cinq ans, sept personnes dont trois enfants d'une école juive étaient froidement exécutés par Mohamed Merah au nom du djihad : le frère du tueur, Abdelkader, 35 ans, est jugé à partir de ce lundi pour «complicité» dans cette affaire. Le procès se tiendra devant la cour d'assises spéciale de Paris. Le Figaro revient en trois points sur cette juridiction d'exception en France, qui statue notamment sur les crimes en matière de terrorisme.
• Histoire
En 1986, plusieurs terroristes du groupe Action directe sont jugés par la cour d'assises de Paris. Cette dernière est composée de neuf jurés citoyens, tirés au sort pour l'occasion. Au cours d'une des audiences, les accusés profèrent des menaces à l'encontre des jurés. Le lendemain, cinq d'entre eux sont absents du procès, qui est reporté à une date ultérieure.
À la suite de cet événement, la loi du 9 septembre 1986 est votée. Elle permet d'étendre le champ d'action de la cour d'assises spéciale - créée en 1982 pour juger les crimes commis par les militaires - aux crimes et délits commis en matière de terrorisme.
Son champ d'action a, depuis, été à nouveau élargi:
- au trafic de stupéfiants
- à la prolifération d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs
- à l'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation: trahison, espionnage et atteinte à la défense nationale.
• Composition
Contrairement à la cour d'assises, la cour d'assises spéciale est uniquement composée de magistrats professionnels. Ici, pas de jurés tirés au sort, pour éviter de reproduire les événements de 1986.
On compte un président et quatre assesseurs en première instance, six en appel. «Les assesseurs sont désignés soit parmi les conseillers de la cour d'appel, soit parmi les présidents, vice-présidents ou juges du tribunal de grande instance du lieu de tenue des assises. Lorsqu'elle juge des mineurs âgés de 16 ans au moins, deux des assesseurs sont désignés parmi les juges des enfants du ressort de la cour d'appel», précise le sénateur Michel Mercier (MoDem) dans un rapport rendu fin 2016.
Le nombre d'assesseurs a été réduit en février 2017 pour permettre d'«audiencer un plus grand nombre d'affaires terroristes et d'améliorer le fonctionnement du tribunal de grande instance de Paris, qui serait substantiellement moins mobilisé pour composer les cours d'assises», expliquait le Sénat en janvier.
Infographie Le Figaro. - Crédits photo : Service Infographie Le Figaro
• Fréquence
Tous les jugements de la cour d'assises spéciale ont lieu à Paris «afin de permettre une centralisation du traitement de ces affaires», selon le Sénat. L'instance traite «un peu moins d'une dizaine d'affaires par an», indiquait l'ex-procureur de la République, Ulrika Weiss, en janvier dernier. La cause: des audiences longues, «entre 2 et 12 semaines», selon Michel Mercier. Selon l'ancien Garde des sceaux, la cour spécialement composée devrait ainsi juger «au moins sept dossiers» en 2017.
» Retrouvez ci-dessous des procès célèbres jugés par la cour d'assises spéciale de Paris:


Seyran Ates : «Face à l'extrémisme islamiste, mobiliser les citoyens européens» (29.09.2017)
Par Seyran Ates
Publié le 29/09/2017 à 17h24
TRIBUNE - La féministe allemande* s'inquiète de la progression d'un islam radical et prosélyte, et demande aux Européens de se mobiliser pour défendre les droits de la conscience.
La rentrée laisse à l'Européenne que je suis un goût amer et un lourd sentiment d'inquiétude. Car l'été qui s'achève a vu se multiplier les drames qui devraient, enfin, alerter nos dirigeants et alerter aussi chacun d'entre nous sur les menaces de plus en plus graves qui pèsent sur le continent européen. Agressions et accidents, expliqués ou non, attentats, revendiqués ou non, deviennent fréquents dans plusieurs pays européens, Allemagne et France notamment. Moins médiatisée mais aussi spectaculaire, la progression régulière, dans un nombre croissant de villes, de véritables communautés de culture extra-européenne, proches souvent des Frères musulmans, faisant fi des lois nationales pour imposer dans leurs quartiers leurs propres préceptes, ne peut qu'inquiéter. Tout comme, sur un autre registre, l'évolution du régime turc vers une dictature économiquement ouverte mais politiquement et idéologiquement hostile à nos valeurs ; et pourtant formellement, toujours alliée.
Parce que (...) j'ai osé me dresser contre les extrémistes et les fondamentalistes religieux, je vis depuis plusieurs années maintenant dans la peur constante d'être attaquée
Parce que je suis particulièrement sensible à toutes les formes d'extrémisme, de droite ou de gauche, parce que je défends un islam compatible avec les valeurs européennes et les droits de l'homme, et que j'ai osé me dresser contre les extrémistes et les fondamentalistes religieux, je vis depuis plusieurs années maintenant dans la peur constante d'être attaquée. Et je sais que la notoriété n'a de sens qu'au regard du drame et des pressions quotidiennes que subissent de plus en plus de citoyennes et de citoyens européens.
Qu'importe que ces menaces aient des sources religieuses, politiques, culturelles, qu'elles soient fondées sur la haine ou tout simplement sur la bêtise! Elles ont en commun de mettre à mal les valeurs de l'Europe des Lumières, de discriminer et de menacer nos libertés ; elles corrompent activement de plus en plus d'esprits et notamment parmi les plus jeunes et les plus faibles. La menace est claire: c'est la dislocation progressive de notre modèle européen, celui des droits individuels et de la liberté de conscience.
L'absence de sanctions à l'endroit des prêches extrémistes et des associations prônant, auprès de plus jeunes notamment, la haine de notre modèle culturel et social est simplement inexplicable
Ce sombre panorama et ses causes devraient être en tête de l'agenda de la Commission et de nos gouvernements. Mais face à cette montée historique des périls, le silence des autorités européennes devient flagrant, trop flagrant. L'absence de sanctions à l'endroit des prêches extrémistes et des associations prônant, auprès de plus jeunes notamment, la haine de notre modèle culturel et social est simplement inexplicable. La tolérance de fait pour certaines pratiques inacceptables. La question de l'emprise économique de certains États du Golfe en est-il le facteur explicatif ? Le constat, dans ce cas, n'en est que plus grave. Les récentes déclarations du président Emmanuel Macron, qui paraît décidé à nommer les choses, marquent-elles un début de rupture?
La plupart des mesures à prendre sont connues. Il s'agit d'interdire les extrémismes de tout bord dont la multiplication est l'objectif des puissances qui veulent diviser l'Europe et les Européens. Il s'agit notamment de lutter contre les installations de mosquées ou d'associations, apparemment bien sous tous rapports, au prosélytisme actif et portant des versions extrémistes de l'islam radical, de surcroît financé par l'étranger. L'heure est à la mobilisation des citoyens européens. Nous n'avons pas d'autre choix que de lutter contre ces extrémismes. Nous ne pouvons laisser les extrémistes s'imposer et gouverner nos vies.
Nous connaissons l'histoire ; nous connaissons aussi les intentions de certains. Nous ne pouvons pas dire que nous ne savons pas. Nous devons nous battre afin que nos concitoyens et surtout nos enfants ne vivent pas dans la peur et la contrainte. Il est temps pour les citoyens de prendre leur avenir en main, de prendre des initiatives. Et d'agir. Avant qu'il ne soit trop tard.
*Avocate et auteure allemande, Seyran Ates milite pour les droits des femmes et pour un islam pacifique et réformé. Elle a notamment écrit le livre à succèsL'Erreur multiculturelle.
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Apple veut se faire le champion de la vie privée (29.09.2017)
Apple revendique que la vie privée est un droit fondamental. - Crédits photo : GIUSEPPE CACACE/AFP
Tech & Web | Par Elisa Braun
Publié le 29/09/2017 à 06h00
L'entreprise vient de publier plusieurs pages dédiées à la confidentialité sur son site Internet et entend ainsi se démarquer de la concurrence.
Face à Google ou encore Facebook, Apple aime se présenter comme le défenseur de la vie privée. L'entreprise vient de mettre en ligne plusieurs pages dédiées à la confidentialité et la sécurité des données sur son site Internet. Elle y détaille quelles informations sont collectées, comment s'opposer à la transmission des données ou encore comment empêcher le piratage. Ce martelage intervient alors qu'Apple lance ses nouveaux modèles de smartphones, l'iPhone 8 et l'iPhone X. Ce dernier propose notamment le système de reconnaissance faciale pour déverrouiller l'appareil mais aussi pour sécuriser des paiements. Plusieurs risques de cybersécurité ont été pointés au sujet de cette nouvelle fonctionnalité.
«Nous pensons que le respect de la vie privée est un droit fondamental (…). Que vous preniez une photo, posiez une question à Siri ou cherchiez un itinéraire, vous savez qu'Apple ne recueillera pas vos informations personnelles pour les vendre à des annonceurs», affirme l'entreprise sur son site Internet. Elle se distingue en cela de Facebook et Google, dont le modèle économique repose sur cette vente de données alors que le sien s'appuie avant tout sur la vente d'appareils et d'applications via l'App Store.
Rassurer les consommateurs
Apple doit avant tout rassurer ses clients. Avec les nouvelles versions de système d'exploitation - iOS11 pour les iPhone et iPad et High Sierra pour les ordinateurs - Apple étend sa collecte de données. L'entreprise enregistre désormais des informations de navigation de Safari. Il ne s'agit pas, selon l'entreprise, de commercialiser l'historique de navigation, mais de collecter des informations liées aux bugs et problèmes divers problèmes rencontrés par les utilisateurs. Plus sensibles encore, les données d'utilisation de l'application Santé de l'iPhone seront également collectées. Là encore, Apple affirme sa vigilance: il ne s'agit pas de relever les informations médicales de chacun, mais plutôt de voir quelles sont les fonctionnalités de l'application les plus utilisées.
Le deuxième volet de protection de la vie privée d'Apple repose sur une sorte d'intelligence artificielle, l'«Intelligent Tracking Prevention». Avec ce système, Apple bloque le pistage des utilisateurs de Safari à des fins publicitaires. Le géant américain, qui pèse 15% du marché des navigateurs avec Safari, bannit déjà par défaut les «cookies tiers», ceux placés dans le mobile ou l'ordinateur de l'internaute par le serveur d'un domaine distinct de celui du site visité. Il bannit désormais les cookies first party, ceux qui sont déposés par les sites visités par l'internaute: leur action sera limitée à 24 heures et ils seront supprimés au bout de 30 jours sans nouvelle visite. Le monde de la publicité en ligne a très mal réagi à cette annonce. Six syndicats professionnels, dont la puissante Association of National Advertisers (ANA) et l'Internet Advertising Bureau (IAB), ont dénoncé, dans une lettre ouverte à Apple, un «sabotage» du modèle économique d'Internet.
Confidentialité différentielle
Pour achever de rassurer les plus sceptiques et démontrer qu'elle respecte la vie privée de ses utilisateurs, Apple a plusieurs arguments techniques. Elle a recours à la «differential privacy», depuis 2016. «La confidentialité différentielle consiste à ajouter des informations aléatoires à vos données avant que ces dernières ne soient analysées par Apple, ce qui nous empêche de faire le lien entre ces données et votre appareil», écrit l'entreprise. Elle peut ainsi savoir qu'un site se ferme anormalement sans pour autant identifier qui l'a fréquenté. Google utilise également cette technologie pour son navigateur Chrome, à des fins statistiques. Uber y a également trouvé son intérêt. «Cette technologie reste encore réservée aux entreprises ayant des équipes de recherche et d'ingénieurs conséquentes», Lukasz Olejnik, consultant indépendant en cybersécurité, en vie privée et chercheur.
Apple chiffre également de bout en bout iMessage et Facetime et tâche de conserver le plus possible les informations sensibles sur les appareils plutôt que sur les serveurs d'Apple. Même si Touch ID a capturé votre empreinte, Apple n'y a pas accès. De la même manière, Apple ne collectera pas les informations sur les visages des utilisateurs avec Face ID. L'entreprise se défend également d'avoir une porte dérobée, c'est-à-dire un système qui permette de contourner le coffre fort pour accéder aux données. «Je crois que la position d'Apple sur la vie privée n'est pas seulement une question de compétitivité mais aussi de stratégie. C'est un message cohérent, et à ma connaissance, ce n'est pas uniquement une affaire de communication. Je dirais même qu'Apple est la plus grande entreprise qui adopte l'approche de protection de la vie privée par design.», note Lukasz Olejnik.
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L'Arabie saoudite cherche partenaires pour sortir du «tout-pétrole» (28.09.2017)
Le vieux centre-ville de Djedda, en 2015. - Crédits photo : AMEL PAIN/EPA/MAXPPP
Conjoncture | Par Armelle Bohineust
Mis à jour le 28/09/2017 à 19h01
Le royaume, fragilisé financièrement, mise sur le tourisme, les mines et les énergies renouvelables.
Levées de fonds records, femmes au volant, nouveaux métiers… le royaume wahhabite vit une petite révolution. «Nous avons fait beaucoup de réformes dans le gouvernement pour être capables d'avancer», s'est félicité ce jeudi Abdulaziz Alrasheed, vice-ministre des Affaires économiques, venu à Paris présenter le plan Vision 2030 lancé l'an dernier. Son objectif? Inciter les institutions et les entreprises françaises à conclure des partenariats avec Riyad.
La métamorphose en cours est largement portée par le prince héritier du trône, Mohammed Ben Salman. Le fils préféré du roi Salman, âgé de 31 ans, cumule les pouvoirs, et il est décidé à moderniser le pays. Une évolution inéluctable: l'État saoudien doit en effet réduire sa dépendance à l'or noir s'il veut garder sa place parmi les grandes puissances mondiales.
Son économie a été laminée par le plongeon des prix du pétrole
Son économie a été laminée par le plongeon des prix du pétrole. Et pour cause: les cours ont chuté de 115 dollars le baril, mi-2014, à 28 dollars début 2016, au plus bas, et oscillent depuis plusieurs semaines autour de 50 dollars. Résultat, Riyad a vu son déficit public s'envoler à 17,8 % du PIB en 2015. Il en est réduit à puiser dans ses réserves, engrangées lorsque l'or noir flirtait avec les sommets, et à se tourner vers les marchés, ce qui est une nouveauté. En même temps qu'il s'efforce de libéraliser l'économie du pays et de changer les us et coutumes de la population.
Après avoir collecté le montant record de 17,5 milliards de dollars l'an dernier, Riyad a de nouveau tout récemment levé 12,5 milliards de dollars. Et les autorités ont confirmé leur projet d'introduire en Bourse, dans le cadre de Vision 2030, 5 % du capital du géant pétrolier public Aramco, la vache à lait du royaume valorisée 2000 milliards de dollars.
Opportunités pour les entreprises françaises
Les Saoudiens, habitués à vivre grassement des fonds publics tirés du pétrole - un moyen pour l'État d'acheter la paix sociale -, sont confrontés depuis plusieurs mois à une politique d'austérité inédite. Les subventions sur les prix du carburant, de l'eau et de l'électricité ont été réduites et les primes des fonctionnaires, rabotées.
Soucieux de développer l'entrepreneuriat, le royaume mise sur le secteur privé et les partenariats avec des entreprises étrangères. Deux aéroports sont en construction dans le cadre de partenariats public-privé. Et Riyad encourage les nouvelles activités.
«Nous voulons développer le thermalisme dans le Sud, à Gizan. Des entreprises françaises pourraient nous aider»
Abir Abusulayman, inspectrice au ministère de l'Éducation et guide touristique
Le tourisme fait partie des priorités du gouvernement qui voudrait tripler, à 30 millions de pèlerins, le nombre de fidèles visitant les lieux saints. Il encourage les jeunes - les deux tiers de la population ont moins de 30 ans - à dépenser pour leurs loisirs. Avec quatre sites inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco, il souhaite aussi encourager les Saoudiens et les étrangers à voyager dans le pays. «Nous voulons développer le thermalisme dans le Sud, à Gizan. Des entreprises françaises pourraient nous aider», détaille Abir Abusulayman, inspectrice au ministère de l'Éducation et guide touristique.
Le royaume mise sur les énergies renouvelables, ses richesses minérales (or, uranium…), et veut produire la moitié de ses équipements militaires. «Il y a un énorme potentiel éloigné des énergies traditionnelles low-costs», pointe Abdulaziz Alrasheed.
Le changement en marche est aussi social. L'objectif de 30 % des femmes au travail sera atteint «bien avant l'horizon 2030», avance-t-il. D'autant que le dernier pays au monde à refuser aux femmes le droit de conduire vient enfin de bouger. Le royaume a passé cette semaine un décret les autorisant à prendre le volant en juin 2018.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 29/09/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Le Liban se prépare à explorer ses hydrocarbures offshore (28.09.2017)

Le président libanais, Michel Aoun, lors  d'une visite d'État, mardi, à Paris. - Crédits photo : STEPHANE MAHE/AFP
Conjoncture | Par Sunniva Rose
Mis à jour le 28/09/2017 à 18h19
Beyrouth vient de se doter d'un cadre légal. Mais avec plusieurs années de retard sur les pays de la région.
Avec quatre ans de retard, le Liban s'est doté la semaine dernière du cadre légal qui lui permet de se lancer dans la course à l'exploitation de gaz. Alors qu'Israël couvre ses besoins nationaux depuis 2013 en exploitant un gisement au large de Haïfa et que l'Égypte ambitionne de devenir un exportateur de gaz depuis la découverte d'un méga-gisement en 2015, aucun forage n'a encore eu lieu dans les eaux libanaises.
Pourtant, près d'une cinquantaine de compagnies avaient été sélectionnées dès 2013 pour participer à l'appel d'offres d'attribution des licences d'exploration. Une procédure restée lettre morte à cause du blocage politique causé par la démission du premier ministre de l'époque, Najib Mikati. Il a fallu attendre octobre 2016 et l'élection de Michel Aoun à la présidence après une longue vacance pour que le Parlement vote deux décrets en janvier, suivis par la loi fiscale régissant les hydrocarbures le 19 septembre dernier. Les compagnies ont jusqu'au 12 octobre pour déposer leur offre, elles paieront 20 % de taxes à l'État, en plus de royalties variables entre 4 % et 12 %.
L'enjeu est de taille pour le Liban, qui affichait une dette en 2016 de 148 % du PIB. Mais aucun expert ne s'aventure à chiffrer ses réserves tant que les forages n'ont pas commencé. Selon une étude de 2010 de l'US Geological Survey, le bassin levantin renfermerait 1,7 milliard de barils de pétrole et 3452 milliards de mètres cubes de gaz naturel.
 «Israël paie plus pour son propre gaz, extrait à quelques kilomètres de ses côtes, que certains pays européens pour le gaz russe»
Mona Sukkarieh, de Middle East Strategic Perspectives
Avant de pouvoir profiter de ces hypothétiques pétrodollars, le Liban doit résoudre un défi majeur: trouver des clients. Pendant les quatre ans de blocage, son voisin et ennemi, Israël, a avancé à grands pas, signant l'an dernier un accord de 10 milliards de dollars de fourniture de gaz à la Jordanie. La perte de ce marché exaspère Diana Kaissy de l'ONG Initiative pour le pétrole et le gaz: «La Jordanie était notre client le plus simple, car un gazoduc existe déjà entre les deux pays.» Si les marchés régionaux restent les plus logiques, les pays de la Méditerranée orientale lorgnent aussi l'Europe, qui cherche à réduire sa dépendance au gaz russe. Mais le manque d'infrastructures pour transporter le gaz du bassin levantin le rend peu compétitif. «Israël paie plus pour son propre gaz, extrait à quelques kilomètres de ses côtes, que certains pays européens pour le gaz russe», souligne Mona Sukkarieh, de Middle East Strategic Perspectives.
Tensions dans la région
Plusieurs routes d'acheminement vers l'Europe sont à l'étude, toutes compliquées par les tensions de la région. La Turquie ne reconnaît pas la République de Chypre, et le Liban et Israël, qui n'ont pas de relations diplomatiques, se disputent leurs frontières maritimes. «Le gaz ne sera jamais correctement exploité en Méditerranée orientale tant qu'il n'existe pas de solution politique», insiste Laury Haytayan, de l'Institut de gouvernance des ressources naturelles. Une solution pourrait venir du partage des deux usines de liquéfaction de gaz égyptiennes. Selon Mona Sukkarieh, «la compagnie italienne ENI espère faire de l'Égypte un hub régional d'exportation, par lequel transiterait le gaz chypriote, israélien, et peut-être libanais». Encore faudrait-il que le Liban accepte de partager des infrastructures avec Israël.
Pour éviter ces complications, le Liban pourrait se contenter d'alimenter son marché local, qui a des besoins criants en électricité. Mais la demande limitée, estimée à 5,6 milliards de mètres cubes par an, pourrait freiner le développement des réservoirs découverts, ce qui obligerait les compagnies à réfléchir à des solutions à l'exportation.

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À Gaza, la jeunesse palestinienne sombre dans l'abîme (28.09.2017)
Des Palestiniens fument le narguilé sur la plage, un soir de septembre, pendant une coupure d'éléctricité, à Gaza. Ces coupures interviennent une vingtaine d'heures par jour en moyenne. - Crédits photo : /ZUMA Press/ZUMA/REA//ZUMA Press/ZUMA/REA
International | Par Cyrille Louis
Publié le 28/09/2017 à 18h25
REPORTAGE - Plus d'un million de jeunes vivent reclus dans la bande de Gaza. Les restrictions aux libertés imposées par le Hamas et le marasme économique aggravé par le blocus israélien font d'eux une génération perdue. Privés d'emploi et de perspectives, ils ressassent leur désespoir.
De notre envoyé spécial à Gaza.
Leur monde se résume à un morceau de trottoir où chaque jour ressemble désespérément à la veille. Vissés à des chaises de plastique blanc, Khaled, Mohammed et Abdel Rahman passent leur temps à parler de tout et de rien en pianotant sur leur smartphone. Faute de 3G, un routeur alimenté par une batterie portative fournit la connexion Internet qui constitue leur seul lien avec le reste du monde. Le salon de coiffure situé un peu plus loin, contraint d'allumer son groupe électrogène lorsqu'un client se présente, leur permet de recharger leur portable durant les coupures d'électricité - c'est-à-dire une vingtaine d'heures par jour en moyenne. Ainsi s'organise, rétrécie et monotone, l'existence des trois jeunes gens dans le faubourg populaire de Shajaya, à l'est de la bande de Gaza. «L'extérieur, c'est comme l'avenir: je n'y pense pas», rigole Khaled Sukkar, 20 ans, qui vivote en faisant commerce de vêtements usagers. «Nos pères et nos grands-pères, au même âge, gagnaient dix fois plus en travaillant chez les Israéliens», embraye Abdel Rahman comme s'il évoquait un âge d'or. Par contraste, ses copains et lui disent appartenir à une «génération perdue».
«Avec un tel réservoir de main-d'œuvre qualifiée et une natalité qui tend à décroître, tous les ingrédients sont en théorie réunis pour que la bande de Gaza connaisse une forte croissance économique»
Anders Thomsen, chef du Fonds des Nations unies pour la population dans les territoires palestiniens (UNFPA)
D'un bout à l'autre de l'étroit territoire côtier résonne la même plainte, comme portée par un écho lancinant. Plus de la moitié des quelque deux millions d'habitants qui s'entassent sur cette bande de quarante kilomètres de long ont moins de vingt-cinq ans, et la majorité d'entre eux n'ont jamais mis un pied dehors. Isolés par le blocus israélien depuis que les islamistes du Hamas se sont imposés par les armes en juin 2007, ainsi que par la fermeture quasi permanente du terminal égyptien de Rafah après l'été 2013, ils ont surtout connu la répétition des guerres, le recul des libertés et le marasme de l'économie. Malgré un niveau d'éducation remarquablement élevé, le chômage atteint chez ces jeunes un taux record de 60 % - et culmine à 73 % parmi les nouveaux diplômés. «Avec un tel réservoir de main-d'œuvre qualifiée et une natalité qui tend à décroître, tous les ingrédients sont en théorie réunis pour que la bande de Gaza connaisse une forte croissance économique, observe Anders Thomsen, chef du Fonds des Nations unies pour la population dans les territoires palestiniens (UNFPA). Mais les multiples entraves qui pèsent sur son développement menacent de transformer ces atouts en fardeau.»
Des diplômés, chauffeurs de taxi
Shayma al-Naji, 24 ans, ne saurait mieux dire. Contrairement à Khaled et ses copains, la jeune femme avait à première vue toutes les clés pour réussir. Fille d'un ancien policier de haut rang, elle a décroché sans peine son diplôme d'architecture à l'université islamique de Gaza au printemps 2015, puis s'est aussitôt mise en quête d'un emploi. «C'est alors que les choses ont commencé à se gâter», raconte Shayma, qui arbore une élégante blouse à fleurs, a les ongles soigneusement vernis de rouge et porte un voile noir dont s'échappe une longue mèche brune. «À Gaza, trop de gens ont été élevés avec la conviction qu'une femme ne doit pas travailler - ou alors à un poste subalterne, témoigne-t-elle, si bien que les rares stages qui m'ont été proposés ont tous débouché sur une impasse.» Ses camarades de promotion, remarque-t-elle, ne sont guère plus chanceux. La plupart sont au chômage, et plusieurs se sont résignés à travailler comme chauffeurs de taxi pour ne pas rester à la charge de leur famille. «Être jeune à Gaza, c'est avant tout se sentir inutile, se lamente Shayma. Chaque matin, je me réveille en me demandant ce que je vais bien pouvoir faire de ma journée. On nettoie la maison, on passe des heures à bavarder ou à surfer sur Facebook. Puis je sors traîner avec mes copines et on ressasse ensemble notre dépression…»
Contrairement à certaines de ces amies qui, dit-elle, espèrent donner un sens à leur vie en trouvant un mari, la jeune femme ne songe qu'à quitter la bande de Gaza. Issue d'un milieu plutôt ouvert, elle n'a pas eu à se battre pour convaincre ses parents de la laisser solliciter, avec succès, une bourse pour partir étudier en Hongrie. «Ils voient bien que mon avenir ici est totalement bouché», assure-t-elle. Deux de ses sœurs, un peu plus âgées qu'elle, l'ont d'ailleurs précédée en s'établissant en Grande-Bretagne. Pour Shayma, cependant, la partie n'est pas encore gagnée. L'ambassade de Hongrie à Tel-Aviv a récemment approuvé sa demande de visa, mais les autorités israéliennes tardent à lui délivrer le permis requis pour quitter le territoire. «Hélas, je ne connais pas grand monde, reconnaît la jeune femme, et sans wasta [entregent, en arabe], les choses sont ici très difficiles…»
Coups de matraque
Ce besoin de fuir Gaza, partagé par de nombreux jeunes, reste pour l'immense majorité un rêve inaccessible. Après la guerre de l'été 2014, ils furent des dizaines à risquer leur vie en escaladant la clôture de séparation vers Israël ou à brûler leurs économies pour se faufiler en Égypte via les rares tunnels de contrebande encore fonctionnels dans l'espoir de gagner ensuite l'Europe. «Les gens de ma génération, contrairement à celle de nos parents, ne croient plus que la situation des Palestiniens va s'arranger», glisse Ahmed Kraia, 22 ans. Jean délavé et T-shirt moulant, cet étudiant tout juste diplômé de l'université al-Azhar n'a pas trouvé de travail mais espère décrocher une bourse pour poursuivre son cursus en France. En attendant, il passe de longues heures sur Facebook à échanger avec de vagues connaissances qui ont sauté le pas et vivent aujourd'hui en Europe. «Ils se déplacent d'une ville à l'autre, vont au cinéma ou assistent à des concerts sans que rien semble entraver leur liberté», soupire le jeune homme. À Gaza, au contraire, le dernier cinéma a fermé en 1998 et le Hamas voit d'un mauvais œil les rares concerts organisés par des groupes de rap locaux.
«Tout le monde accepterait sans hésiter d'aller travailler en Israël y compris certains membres du Hamas qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts»
Jouman Abou Jazar, 28 ans, habitant de Rafah
Un tel marasme, partout ailleurs, pousserait sans doute la jeunesse à se révolter. Mais ici? Jouman Abou Jazar, 28 ans, esquisse un sourire amer. En janvier dernier, cet habitant de Rafah a participé à une rare manifestation de rue pour dénoncer la pénurie d'électricité. «Nous étions plus de trois mille, assure-t-il, mais la police du Hamas nous a vite dispersés à coups de matraque.» La violence de cette réaction a, au moins provisoirement, fait taire les instincts frondeurs. Mais le ras-le-bol s'exprime désormais à voix haute dans les rues de Gaza. «Nous sommes pour ainsi dire déjà morts. Alors qu'avons-nous à perdre?», interroge Jouman. À l'entendre, «tout le monde accepterait sans hésiter d'aller travailler en Israël - y compris certains membres du Hamas qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts». Comme beaucoup ici, il a commencé à travailler dès l'âge de douze ans et gagnait, il y a encore quelques années, très convenablement sa vie dans les tunnels de contrebande percés vers l'Égypte. Creuser, vider le sable, transporter de la farine ou des cigarettes… Jusqu'à ce que la brusque destruction de ces ouvrages, en 2013, par l'armée égyptienne, ne ruine cette industrie. «Rafah, désormais, c'est une ville morte», déplore le jeune homme, qui se dit chauffeur de taxi mais passe en réalité le plus clair de son temps à refaire le monde dans le garage tenu par l'un de ses copains.
Rêve d'évasion
Les jeunes sympathisants islamistes semblent, eux-mêmes, avoir du mal à plaider la cause du Hamas. Sans surprise, ils réservent leurs critiques les plus sévères à l'Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas, qui a récemment décidé de réduire l'alimentation en électricité et de bloquer le transfert de médicaments vers les hôpitaux de Gaza. «Bien qu'à titre personnel je n'aie pas à me plaindre de mon sort, je comprends que de nombreux Palestiniens en arrivent à penser qu'il n'y a pas d'avenir pour eux à Gaza», admet cependant le journaliste Hamza Redouan, 24 ans, qui travaille pour une station de radio affiliée au Hamas. Comme la plupart des jeunes, il dit se sentir enfermé et confie que son rêve serait de partir poursuivre ses études en France - pour mieux revenir par la suite, assure-t-il. «La situation est incontestablement plus dure qu'il y a dix ans, poursuit le jeune homme. Je me rappelle du vent d'espoir soulevé, à l'époque, par le départ des Israéliens. Les gens ne pensaient qu'à construire une Palestine libre, prospère et libérée de la corruption incarnée par l'Autorité de Ramallah. Mais avec le recul, je me demande si le Hamas n'a pas commis une erreur en prenant le contrôle du gouvernement et en s'enfermant dans un bras de fer stérile avec l'Autorité palestinienne - plutôt que de se concentrer sur la résistance à l'occupation.»
«Selon nos projections, un million de jeunes actifs vont arriver sur le marché palestinien du travail d'ici à 2030»
Anders Thomsen, de l'UNFPA
Maintenue en respiration artificielle par l'aide étrangère, la bande de Gaza n'en sombre pas moins irrésistiblement dans l'abîme. Une autoroute flambant neuve, financée par le Qatar, est en cours d'achèvement mais les tonnes d'eaux usées déversées dans la mer teintent les flots d'immondes reflets bruns. L'usine de dessalement inaugurée au printemps par l'Unicef, qui devait alimenter des dizaines de milliers d'habitants à Khan Younis, fonctionne au ralenti, faute d'électricité. «Selon nos projections, un million de jeunes actifs vont arriver sur le marché palestinien du travail d'ici à 2030», prévient Anders Thomsen, de l'UNFPA qui met en garde contre une «catastrophe humanitaire» si les contraintes qui entravent l'économie de Gaza ne sont pas levées d'ici là. Sur le trottoir de Shajaya, Khaled, Mohammed et Abdel Rahman haussent les épaules. «Au rythme où on s'enfonce, interrogent-ils, à quoi bon regarder vers l'avenir?»
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L'inquiétante faiblesse du niveau scolaire en Afrique (28.09.2017)
Par Tanguy Berthemet
Mis à jour le 28/09/2017 à 17h36 | Publié le 28/09/2017 à 17h17
La Banque mondiale a publié une longue étude sur l'école dans les pays en voie de développement. Elle démontre qu'en dépit d'un taux de scolarité élevé, le niveau réel des élèves demeure trop faible, notamment sur le continent africain.
L'école est sans doute la meilleure solution pour sortir de la misère mais à condition qu'elle remplisse son rôle. Or, dans un rapport publié lundi, la Banque mondiale souligne les immenses carences de cette institution dans les pays les plus pauvres. Personne n'ignorait que les performances des écoles primaires dans les États en voie de développement étaient loin de celles des États riches. Mais les données de la Banque mondiale démontrent que le gouffre qui sépare ces deux mondes est bien plus important que prévu. Une très mauvaise nouvelle quand on sait que le niveau de vie à l'âge adulte dépend directement du niveau d'éducation réel.
L'Afrique souffre particulièrement. Si le taux de scolarité en primaire a explosé sur le continent au cours des 30 dernières années, pour atteindre presque 90%, les progrès des élèves n'ont pas suivi. «Pour un trop grand nombre d'enfants, scolarisation n'est pas synonyme d'apprentissage», résume brutalement Paul Romer, l'économiste en chef de la Banque mondiale. Les chiffres sont parfois effarants. Ainsi, au Niger, à peine 3% des enfants de CM2 auraient un niveau de langue satisfaisant, les résultats en mathématique n'étant pas meilleurs. Le niveau au Mali n'est guère plus brillant. Ces difficultés ne semblent pas être l'apanage d'un héritage colonial, les pays anglophones ne s'illustrant pas plus. Le Malawi affiche de très mauvais scores: plus de 90% des élèves en fin de CE1 ne sont pas capables de lire un mot. Au Ghana, le chiffre est de 80%. Plus surprenant, le Kenya, la Tanzanie ou l'Ouganda sont aussi très à la traîne. «Lorsqu'on a demandé récemment à des élèves de troisième année du primaire au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda de lire en anglais ou en swahili une phrase du genre «le nom du chien est Fido», trois quarts n'ont pas compris ce que cela voulait dire», précise le document. Ce résultat est d'autant plus catastrophique que 77% des petits Africains ne finissent jamais le collège quand plus de 85% bouclent ce cycle en Europe de l'Est.
Faire en sorte que les élèves mangent bien et soient en bonne santé
Le niveau de lecture cache certes des disparités importantes. Sans surprise, les enfants issus des milieux favorisés réussissent bien mieux. Ainsi au Togo, 30% des plus aisés sont sous le niveau moyen attendu en lecture en 6e contre 90% des pauvres. Chez ces derniers, seuls 1% (des filles exclusivement) ont un niveau considéré comme élevé. Ce que l'étude met en revanche en lumière est ce clivage riches-pauvres ne fonctionne pas pour tous les pays. Malgré son économie dynamique, le Kenya obtient de mauvais résultats au contraire du pauvre Burundi. Ce petit pays d'Afrique centrale peut se targuer d'une certaine réussite. Plus de 60% des enfants pauvres sont, toujours en 6e, au-dessus du niveau attendu, les jeunes filles pauvres sont même plus de 70% et devant leurs compatriotes favorisées (65%).
Le Burundi démontre que les raisons de cet échec scolaire, si elles sont grandes parties liées au manque de moyens, sont d'origines multiples mais sont curables. Le faible salaire des professeurs, et donc leur manque d'engagement, est souligné. Lors des inspections en Ouganda, près de 50 % des maîtres n'étaient pas dans leur classe, 30% n'étant même pas dans l'école. Des chiffres qui sont les mêmes au Mozambique, ou de 30% au Sénégal. Une aide aux professeurs est donc l'une des solutions prônées par la Banque mondiale pour renverser la tendance.
Mais pour les experts, outre augmenter les moyens, la piste principale consiste à mettre en place une coordination entre les différents acteurs ainsi que des évaluations pour connaître le niveau réel des élèves. Le rapport remet aussi au goût du jour des idées aussi simples qu'anciennes: faire en sorte que les élèves mangent et soient en bonne santé. Une étude britannique a démontré que des élèves convenablement nourris faisaient plus de progrès que ceux auxquels on avait fourni des livres de classe et du matériel. Une autre analyse a permis de mettre en avant que le traitement des parasitoses - qui ont aussi parfois un effet sur les performances cognitives - faisait baisser de 25% l'absentéisme. Ce traitement ne coûte que 3,20 dollars par élève et par an.
Journaliste
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À Paris, la Préfecture de police crée un «think-tank» pour cultiver son savoir-faire (28.09.2017)
Par Christophe Cornevin
Mis à jour le 28/09/2017 à 20h39 | Publié le 28/09/2017 à 19h28
La Préfecture de police a enregistré pas moins de 7600 événements à gérer dans les rues de la capitale en 2016, soit quasiment le double qu'en 2014.
Entre les mouvements de foules liées à l'Euro 2016 et aux grandes festivités, les manifestations revendicatives en pagaille sur fond de COP21 ou encore de loi travail, les voyages officiels à risques ou encore les parades en tout genre, le pavé parisien frise la surchauffe. Au bord même de l'asphyxie en particulier le week-end, ce dernier est par ailleurs en pleine métamorphose due, d'abord, à l'augmentation exponentielle du nombre des événements à gérer. En 2016, la Préfecture de police en a enregistré pas moins de 7600 dans les rues de la capitale. Soit quasiment le double qu'en 2014, quand 3500 événements y avaient été recensés. Et six fois plus qu'au début des années 2000, lorsque la police parisienne agitait déjà le spectre d'un «Paris asphyxié» avec 1200 manifestations annuelles.
Forte de 5500 fonctionnaires qui enchaînent les services, la DOPC, réputée pour son savoir-faire, a décidé de passer au crible ses méthodes en mettant sur pied en janvier dernier la cellule «Synapse»
«Aujourd'hui, la capitale concentre à elle seule plus de 65 % du maintien de l'ordre sur le territoire national», précise Alain Gibelin, patron de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) qui doit gérer jusqu'à 40 événements certains samedis. Au-delà de cette inflation, la physionomie même des rassemblements a évolué en raison de l'augmentation significative de manifestations de ressortissants étrangers… pour des problématiques strictement liées à l'international. «C'est la conséquence des réseaux sociaux, en particulier Facebook, Skype ou Twitter, qui offrent la possibilité aux Maliens, aux Guinéens ou aux “combattants congolais” de réagir en direct à ce qui se passe dans leur pays», décrypte Alain Gibelin qui se souvient encore de ce jour «particulier» de fin juin 2009 où «plus de 800 personnes s'étaient soudain massées en un quart d'heure, sans explication, place de la Concorde». Vérifications faites, il s'agissait de fans de Michael Jackson qui s'étaient donné rendez-vous par Internet à l'annonce de la mort de leur idole pour faire un «moon walk» collectif en son hommage. Depuis lors, le nombre de ces rassemblements spontanés ne cesse de croître au point qu'environ 10 % des manifestations parisiennes ne sont pas déclarées. Ce qui limite de fait la part réservée aux phases de préparation et de concertation. Et oblige les responsables du maintien de l'ordre à acter sur un plan judiciaire le déroulement de chaque événement, seconde après seconde, afin de s'assurer de sa légalité.
E 2016 à Lyon, un policier filme la manifestation intersyndicale contre la loi El Khomry.- Crédits photo : © Pluquet / Alpaca / Andia.fr/© Pluquet / Alpaca / Andia.fr
Forte de 5500 fonctionnaires qui enchaînent les services, la DOPC, réputée pour son savoir-faire, a décidé de passer au crible ses méthodes en mettant sur pied en janvier dernier la cellule «Synapse». Animée par des experts de l'ordre public, des policiers de terrain invitant à leur côté des stagiaires sortis de Sciences-Po Paris ou de Polytechnique, cette structure assez haut de gamme se veut «immergée dans l'opérationnel» pour ne jamais fournir d'expertise «hors sol». Appelée à durer dans le temps, elle adopte les méthodes de travail d'un think-tank. Ses premiers retours d'expérience, objets de communication en milieu universitaire pour «prendre du recul et enfin faire entendre la voix de la police dans le débat», permettent surtout aux praticiens de prendre du recul et d'échanger les pratiques tant en France qu'à l'étranger.
Cet été, des émissaires de la cellule «Synapse» couvriront la Coupe de monde en Russie toujours aux fins de comparer les méthodes
Ainsi, le «Retex» de la manifestation parisienne du 1er mai, où un CRS a été transformé en torche, à proximité de la Bastille, a permis de valider la technique dite de «cisaillement» ayant pour objet d'isoler la nébuleuse des casseurs greffés en tête de cortège. Une autre analyse menée sur le système de «nasse» policière autour d'émeutiers, autrement appelé «encagement aux fins d'immobilité», a administré la preuve de son efficacité. Mais les analystes de «Synapse» regrettent que ce système, parfaitement limité dans le temps et dans l'espace, soit encore entouré d'un vide juridique à la différence de la Grande-Bretagne où la pratique du «kettling» (enchaudronnement) est bien formalisée. Le travail de «Synapse» n'est pas étranger à une nouvelle tactique des forces de l'ordre parisiennes visant à rester à distance d'un groupe à risques, pour ne plus pouvoir devenir une cible, tout en restant suffisamment près afin d'intervenir dès que la situation vire à l'aigre. Toute la difficulté est de maintenir le curseur au bon endroit. «C'est la technique du hussard et du cavalier qui observent du haut de colline et peuvent la dévaler en quelques instants pour fondre sur l'adversaire», précise un jeune commissaire qui revient d'une mission menée cet été au G20 de Hambourg, où il a observé, avec un vif intérêt, l'emploi de «haut-parleurs très puissants pour expliquer en temps réel la manœuvre et prévenir les manifestants institutionnels, journalistes et badauds de l'imminence d'une intervention: ceux qui restent sont prévenus qu'ils le sont à leurs risques et périls…» Si les gaz sont prohibés outre-Rhin, l'emploi de puissants canons à eau et le recours aux charges armées de bâtons de défense sont monnaie courante.
En 2015 à Montréal, la police utilise le système de «nasse» autour d'émeutiers lors d'une manifestation contre les violences policières. - Crédits photo : Christinne Muschi/REUTERS
Cet été, des émissaires de la cellule «Synapse» couvriront la Coupe de monde en Russie toujours aux fins de comparer les méthodes. «En général, les retours d'expérience démystifient la petite musique selon laquelle l'emploi de la force serait plus musclé en France qu'ailleurs», assure un responsable. Les missions des «Synapse» semblent indispensables tant l'ordre public à Paris est surveillé comme le lait sur le feu. À la veille de quitter ses fonctions en mars 2001, Philippe Massoni, emblématique préfet de police resté huit ans en poste, confiait au Figaro avoir faire sien ce mot de Napoléon: «Je suis plus inquiet d'un rhume à Paris que d'une épidémie en province.» Jamais cette préoccupation n'a autant été d'actualité.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 29/09/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Immigration : une disposition du projet de loi sur le droit d'asile va faire débat (28.09.2017)
Par Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 28/09/2017 à 20h52 | Publié le 28/09/2017 à 19h03
Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, prépare un projet de loi sur l'immigration censé faciliter l'expulsion des clandestins.
Dans son audace réformatrice, le gouvernement s'aventure très loin sur la question de l'asile. Le projet de loi Collomb contient en effet une disposition qui permettrait à l'Office français pour les réfugiés et les apatrides (Ofpra) de juger irrecevable un dossier si le demandeur «peut être réadmis dans un pays tiers sûr», c'est-à-dire un pays de rebond «sûr» par lequel il aurait transité. «Sûr» signifie que le pays en question veille au respect minimum des libertés et de l'état de droit.
En Europe, cela se pratique déjà. Aux termes de l'accord passé entre l'UE et Ankara, quand un Syrien ou un Irakien, par exemple, accoste en Grèce, Athènes peut le renvoyer en Turquie, sans même examiner au fond sa demande d'asile, puisque la Grèce a déclaré la Turquie pays «sûr». Un dispositif dit d'«examen de recevabilité» auquel d'ailleurs l'Ofpra n'a pas souhaité participer.
Des opérations de «relocalisation»
Ce qui n'empêche pas ses officiers de protection de participer à des opérations de «relocalisation» en France depuis la Grèce ou à de «réinstallation» en France depuis la Turquie. Mais là, il s'agit bien d'examiner au fond la demande d'asile.
La notion même de «pays tiers sûr» n'existe pas en droit français. La France ne connaît que la notion de «pays d'origine sûre», dont la liste est établie par le gouvernement, au sein même du conseil d'administration de l'Ofpra. Si le concept de pays tiers ou de rebonds «sûrs» devait être inscrit dans la loi française pour une application dans l'Hexagone ou en outre-mer, un débat constitutionnel se ferait jour immédiatement.
Il pourrait s'agir d'une rupture avec le principe - inscrit dans la Constitution de la Ve République de 1958 et confirmé en 1993 par le Conseil constitutionnel - qui veut que toute personne étrangère présente sur le territoire français a le droit de demander l'asile. La seule exception à ce principe est l'accord de Dublin qui permet de renvoyer un demandeur du statut de réfugié dans le pays européen où il a formulé sa première demande. Exemple: un Africain qui se serait d'abord présenté au guichet italien avant d'arriver en France.

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Gérard Collomb veut faciliter l'expulsion des clandestins (28.09.2017)
Par Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 28/09/2017 à 20h48 | Publié le 28/09/2017 à 19h26
Pour organiser leur départ, le ministre de l'Intérieur veut notamment porter à trois mois le délai de rétention administrative.
La droite en rêvait, Gérard Collomb le fait! Le ministre de l'Intérieur prépare un projet de loi sur l'immigration censé faciliter l'expulsion des clandestins. Parallèlement, il veut accélérer le traitement des dossiers des demandeurs d'asile, par humanité mais aussi par souci d'«efficacité» et de «crédibilité». Ce texte, sans doute présenté fin octobre ou début novembre, devrait être définitivement adopté au premier semestre 2018.
Pour mieux lutter contre l'immigration irrégulière, le gouvernement envisage donc d'allonger à 90 jours, contre 45 aujourd'hui, la durée de la rétention pour les étrangers en attente d'expulsion. Ces dispositions figurent dans le chapitre III du projet relatif à «la mise en œuvre des décisions d'éloignement».
En cas de refus d'embarquement du clandestin dans l'avion du retour, comme cela est très souvent le cas, cette mesure pourrait même être «prorogée d'office de quinze jours» à compter du constat de l'obstruction faite par l'étranger expulsable. Le juge des libertés et de la détention (JLD) pourrait cependant intervenir à tout moment pour mettre fin à cette rétention.
75 % des illégaux restent en France. Pour les déboutés du droit d'asile, le ratio est encore plus faible : ils ne sont même pas un sur dix à repartir
Concrètement, il s'agit pour l'administration de disposer d'un temps suffisant pour rendre l'expulsion effective. Avec quasiment trois mois de délai, la France se rapproche de la fourchette basse de la moyenne européenne. En Allemagne, les autorités peuvent pratiquer, pour leur part, une rétention de six mois. «C'est qu'il faut parfois des mois pour déterminer de façon précise l'origine des migrants concernés, vérifier leur situation administrative et obtenir les laissez-passer consulaires de leur pays d'origine, sans lesquels rien n'est possible», explique un préfet. En France, l'an dernier, sur 91.000 clandestins interpellés, seuls 31.000 se sont vu délivrer une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et moins de 25.000 ont effectivement quitté le territoire, dont 13.000   de manière contrainte. En clair: 75 % des illégaux restent en France. Pour les déboutés du droit d'asile, le ratio est encore plus faible: ils ne sont même pas un sur dix à repartir.
«Aides sous condition»
L'Allemagne, souvent citée en exemple par Emmanuel Macron, a pu réaliser au premier semestre de cette année, autant d'expulsions de clandestins que le France pour toute l'année 2016.
Pour convaincre les pays les plus «récalcitrants» de reprendre leurs nationaux, l'hôte de l'Élysée a nommé début septembre un ambassadeur ad hoc, Pascal Teixeira da Silva. Ce diplomate est déjà à pied d'œuvre dans les pays concernés. Il peut laisser miroiter à leurs dirigeants que la France conditionnera désormais ses aides au développement à leur bonne volonté. Mais la partie n'est pas gagnée.
Saura-t-il convaincre la puissante Chine qui ne reprend personne ou presque, ou encore l'Afghanistan? Et les pays africains? La Turquie, pour sa part, coopère avec l'Europe, en tant que pays de rebond, mais contre espèces sonnantes et trébuchantes.
«Derrière cette histoire d'aides sous condition, la France ne s'apprête-t-elle pas tout simplement à sortir son carnet de chèques pour payer certains de ces retours, comme on céderait à une pression plus ou moins amicale?», interroge perfidement un sénateur Les Républicains. Une chose est certaine: le gouvernement déploie des trésors d'énergie pour faire bouger les lignes. Dans son projet de loi, Beauvau imagine de porter le régime de «retenue administrative» pour vérification du droit au séjour d'un étranger en France de 16 heures à 24 heures. Ce qui pourrait alors furieusement ressembler à une garde à vue déguisée. Le sujet va faire débat…
Concernant l'asile, le texte contient surtout des dispositions techniques pour réduire les délais d'instruction. Les préfectures devront ainsi faire diligence. En s'assurant, par exemple, du choix de la langue du demandeur dès le premier rendez-vous, pour gagner du temps. Sur ce dossier, il est vrai, l'État n'a que trop tardé à agir.

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Manifestations : la nouvelle stratégie anticasseurs de la police (28.09.2017)
Par Christophe Cornevin
Publié le 28/09/2017 à 20h10
Confronté, lors de certaines manifestations, à des émeutiers très violents et organisés, le ministère de l'Intérieur affine sa riposte.
Alors que les réformes du Code du travail, de l'assurance-chômage et des retraites augurent d'une possible montée en puissance de la contestation sociale et que Jean-Luc Mélenchon caresse le rêve chimérique de réunir un million de manifestants sur les Champs-Élysées, les forces de l'ordre phosphorent pour changer leur tactique de maintien de l'ordre. Selon nos informations, Gérard Collomb a adressé dès le 26 juin dernier un courrier aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie, ainsi qu'au préfet de police de Paris, afin que soit menée une réflexion «à droit constant» sur la prise en charge des violences dans les rassemblements au sein desquels s'insinuent casseurs et professionnels de l'émeute. «Le ministre de l'Intérieur, particulièrement attaché à la liberté absolue de manifester, travaille au plus près avec les organisateurs, confie un conseiller. Ces derniers nous ont fait part de leur inquiétude pour l'intégrité physique des personnes au sein des cortèges mais aussi pour leur propre image, qui risque de se retrouver écornée par l'irruption de 150 personnes incontrôlées. Nos forces devaient tirer tous les enseignements, partager leurs pratiques et adapter leur posture.» Certaines idées encore à l'ébauche au sein des directions ne figurent pas dans la note de dix pages remise le 28 juillet dernier au ministre d'État. Au dernier stade des réflexions, une nouvelle organisation des dispositifs se dessine.
● Des «Live Tweet» et des panneaux lumineux en remplacement des haut-parleurs pour gérer les cortèges

- Crédits photo : Tweeter
Soucieux de moderniser la diffusion de l'information au sein même des cortèges, les forces de l'ordre entendent miser davantage sur les réseaux sociaux sur le modèle de ce qu'a mis en place la préfecture de police de Paris. Objectif? Expliquer la «manœuvre» des forces engagées, détailler en temps réel les incidents émaillant les manifestations, localiser les jets de projectiles, les échauffourées et les victimes éventuelles. «Il faut que les manifestants de bonne foi sachent ce qui se passe, puissent partir par une voie d'évacuation balisée afin que l'usage de la force ne se concentre que sur les fauteurs de troubles, déclare-t-on au cabinet du directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN). Pour l'heure, nous fonctionnons encore avec le système archaïque des sommations au haut-parleur: les dix premiers rangs entendent, le reste du défilé reçoit soudain du lacrymogène sans avoir été prévenu. Nous voulons cesser ce genre d'incompréhension car notre but n'est jamais d'agir avec surprise mais avec un maximum de pédagogie pour faire baisser le niveau de violence.» Les stratèges, dans une démarche «pédagogique», imaginent d'installer le long des parcours de grands panneaux à messages variables comme on en voit le long des autoroutes. «Nous pourrions même utiliser les murs d'affichages lumineux des municipalités pour alerter la majorité pacifique d'un cortège du déclenchement d'une opération de police sur tel ou tel point du parcours», renchérit le contrôleur général Thierry Ferré, conseiller en charge des doctrines auprès du directeur général de la police nationale. Enfin, le lancement d'une fusée rouge censé ordonner les dispersions est suranné. Un chef d'unité le constate: «Personne dans un cortège ne sait plus ce que cela veut dire.»
● Pour identifier les casseurs, des agents de police scientifique et des procéduriers intègrent les dispositifs
Face à des émeutiers de plus en plus organisés, furtifs et équipés comme pour aller à la guerre, les stratèges de l'ordre public commencent à déployer au sein même des dispositifs des experts en police scientifique pour récupérer «à chaud», au cœur de l'action des indices, des pièces à conviction voire des effets personnels comme des anoraks abandonnés par leurs adversaires sur le champ de bataille. Lors du saccage d'une concession Jaguar en marge d'une manifestation de Nuit debout au printemps 2016 dans le XIXe arrondissement, la police parisienne a ainsi réussi à récupérer de l'ADN sur des pavés. Intégrés à la manœuvre même en «mode dégradé», c'est-à-dire lors de situations tendues, ces techniciens d'identification criminelle auraient aussi pour mission de «coller» au plus près des émeutiers pour faire des vidéos susceptibles de nourrir un dossier judiciaire.
«Si on ne veut pas se contenter de subir, il faut être proactif dans l'interpellation ciblée»
Le contrôleur général Thierry Ferré
Lors des émeutes qui ont éclaté à Persan-Beaumont (Val-d'Oise)après la mort d'Adama Traoré, où policiers et gendarmes ont essuyé une centaine de coups de feu de petits calibres faisant 14 blessés, cette stratégie a été expérimentée par les militaires du groupement du Val-d'Oise. Elle a permis d'identifier et d'écrouer les tireurs. «Si on ne veut pas se contenter de subir, il faut être proactif dans l'interpellation ciblée, martèle de son côté le contrôleur général Thierry Ferré. Pour cela, nous avons engagé à Lyon et Toulouse des équipes mixtes en civil et en tenue, taillées à la mesure de chaque événement avec l'appui des brigades anticriminalité et des compagnies d'intervention. Des agents du renseignement territorial, des techniciens de la police scientifiques et des procéduriers ont été mêlés au dispositif afin que ceux qui veulent en découdre soient traités comme ils le méritent sur le plan judiciaire.» Le modèle est transposable à travers le pays, notamment dans les ZAD.
● Gagner la bataille des images et de la communication
Conscients que les images de clowns provoquant les forces de l'ordre et celles de confrontations sont «exploitées de manière très professionnelles par les activistes sur les réseaux sociaux», les gendarmes entendent reconquérir l'opinion de Français qui, selon eux, «n'acceptent plus l'expression de la violence légitime». «Dès qu'il y a des allégations de violences et des préjudices physiques, nous sommes souvent discrédités même si les tribunaux nous donnent raison bien plus tard, observe un cadre. Après la manifestation de Bure le 15 août dernier contre l'enfouissement de matières radioactives, lors de laquelle un manifestant a été blessé au pied, des mots d'ordre avaient été lancés et largement repris pour pourfendre la “stratégie de tension de l'État” et brocarder ses forces de l'ordre venues “casser les militants”.» «Cette stratégie de communication est d'autant plus redoutable qu'elle est asymétrique, déplore un responsable de la gendarmerie. Soumis au secret de l'enquête et ne pouvant juridiquement ni exporter ni faire diffuser nos images, il nous est impossible de faire de la contre-influence.»
Pour renverser la vapeur, une des pistes de réflexion porte sur la volonté de systématiser les dépôts de plainte dès que l'uniforme est ciblé pour donner lieu à des procédures et «mieux mettre en évidence le degré de violence qu'encaissent nos unités», souffle-t-on à la DGGN. Pour mémoire, 447 membres des forces de l'ordre ont été blessés en marge des manifestations contre la loi travail en 2016. Les gendarmes n'excluent pas non «d'intégrer pourquoi pas des journalistes revêtus de gilets pare-balles et de casques au cœur des unités pour rendre compte d'un travail pour lequel nous n'avons rien à cacher.» Enfin, les preuves par l'image vont se multiplier puisque les forces au sol pourraient utiliser leurs tablettes numériques en complément de vidéos prises par les hélicoptères et des séquences enregistrées par les caméras des unités mobiles ou de certaines unités spécialisées comme la Cellule nationale d'observation et d'exploitation de l'imagerie légale (CNOEIL).
Cordon de gendarmes encadrant la marche pour la Justice et le dignité en mars dernier.- Crédits photo : Simon Guillemin/Simon Guillemin
Au terme de plusieurs groupes de travail tenus collégialement durant l'été, le document esquissant les postures tactiques de demain est désormais sur le bureau de Gérard Collomb. Nul doute que l'hôte de la Place Beauvau, chantre du rapprochement police-population, va analyser ces recommandations avec un intérêt particulier. Et avec toutes les précautions nécessaires pour garantir le fragile équilibre entre sécurité publique et liberté d'expression.
● Filtrages et fouilles préalables pourraient se généraliser
De plus en plus de parcours sont appelés à être transformés en «bulles étanches», semblables aux fans «zones» mises en place à l'occasion de l'Euro 2016 ou des journées d'action contre la loi El Khomri. Pour maintenir à l'écart ceux qui veulent en découdre, les accès à la place de la Bastille, théâtre de potentielles échauffourées, avaient ainsi été filtrés le 22 mai dernier grâce à de hauts grillages fixés au sol, d'épais cordons d'hommes caparaçonnés et de fourgons entres lesquels étaient positionnés des canons à eau. Les casques, lunettes de skis ou de piscines étaient confisqués et les sacs, inspectés avec soin avant de pénétrer dans le périmètre.

Barrage lors d'une manifestation à Paris contre la travail dite El Khomri. - Crédits photo : François BOUCHON/Le Figaro
Si Gérard Collomb n'a pas souhaité que ce sujet soit abordé dans le cadre de la loi sur la sécurité intérieure, l'interdiction de paraître à une manifestation est une hypothèse explorée au sein des directions. Sur le papier, elle ciblerait en théorie les fauteurs de troubles déjà identifiés pour violences sur des précédents événements, sur le modèle des interdictions de stades pour les hooligans. En mai 2016, le ministère de l'Intérieur avait ainsi pris ces mesures coercitives dans le cadre de l'état d'urgence contre 48 personnes, en particulier des militants considérés par la Direction du renseignement de la Préfecture de police (DRPP) comme proches du Collectif antifasciste Paris-Banlieue (AFA) et du Mouvement interlutte indépendant (Mili). Les activistes potentiels avaient notamment été convoqués au commissariat au moment du rassemblement. Dans l'esprit des gendarmes, ces interdictions pourraient, le jour venu, viser certains «noyaux durs» zadistes. «Ce dossier n'est encore qu'au stade de la réflexioninterne», insiste-t-on au cabinet du DGGN. «Reste à transposer une disposition qui s'applique en temps normal à une enceinte privée recevant des spectateurs à la voie publique soumise aux principes constitutionnels de la liberté d'aller et venir», tempère un officier.
● Des canons à sons, le stroboscope et des billes de «marquage» à l'étude
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 29/09/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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Jean-Michel Quatrepoint : «La vente d'Alstom était un scandale écrit d'avance» (28.09.2017)
Par Alexandre Devecchio
Mis à jour le 28/09/2017 à 23h48 | Publié le 28/09/2017 à 17h00
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Pour Jean-Michel Quatrepoint, la vente d'une partie d'Alstom à Siemens était écrite. Un empire industriel a été détruit en quelques années, faute de volontarisme politique. Selon lui, les promesse d' «alliance entre égaux» ne seront pas tenues.

Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économiste. il a travaillé entre autres au Monde, à La Tribune et au Nouvel Economiste. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont La Crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir. Son dernier livre, Alstom, scandale d'Etat a été publié en septembre 2015.
- Crédits photo : fayard

FIGAROVOX.- Après la vente des activités énergie d'Alstom à General Electric, vous aviez dénoncé cette opération, en 2015, dans nos colonnes, puis à travers un livre, Alstom, un scandale d'Etat. La fusion d'aujourd'hui entre les activités ferroviaires d'Alstom et celle de Siemens était-elle écrite?
Jean-Michel QUATREPOINT.- Elle l'était. Dès le mois de mars 2015, le patron de Siemens déclarait que «dans le domaine du transport, une consolidation entre entreprises européennes reste encore possible».
À partir de ces propos, j'écrivais dans «Alstom, scandale d'État»: «dans un an, dans cinq ans, c'est inéluctable, Alstom Transport devra acheter ou se faire racheter. Siemens sera peut-être de la partie. Alstom n'ayant pas les moyens financiers, même avec le cash reçu de GE, de procéder à une grande acquisition, il lui en faudra passer par une alliance qui ressemblera fort à une vente. La boucle sera bouclée.»
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que sur ces marchés mondiaux, seuls les conglomérats ont pu, et peuvent s'en sortir. Il faut avoir plusieurs activités, afin d'optimiser les réseaux commerciaux, la gestion financière, les relations avec les donneurs d'ordre. En se démantelant peu à peu, Alcatel Alstom était condamnée, un jour ou l'autre, à disparaître.
Dans les années 90, Alcatel Alstom était un leader mondial, un conglomérat, un empire patiemment construit en quelques décennies. Un conglomérat, un empire patiemment détruit en moins de vingt ans.
Dans les années 90, Alcatel Alstom était un leader mondial dans les Télécoms, les câbles, l'ingénierie (Cegelec), l'énergie, le ferroviaire et les chantiers navals avec les Chantiers de l'Atlantique. Un conglomérat, un empire patiemment construit en quelques décennies. Un conglomérat, un empire patiemment détruit en moins de vingt ans.
Mais on nous annonce un mariage entre égaux dans le ferroviaire, et aussi entre STX et Fincantieri, et l'État se félicite de ces opérations…
C'est à chaque fois, la même comédie de communication. Alliance entre égaux, maintien de l'emploi et des centres de décision, création d'un champion européen, d'un Airbus du ferroviaire, du naval, etc.
Si ce discours stéréotypé, ces éléments de langage ont pu convaincre hier, aujourd'hui cela devient plus difficile. Chat échaudé craint l'eau froide! Car les promesses - je pense à celles autour d'Alcatel faites par Lucent, puis par Nokia ; à celles de General Electric ; à celles, dans un autre domaine, de Holcim dans la fusion avec Lafarge - ne sont généralement jamais tenues.
Là aussi, c'est de la communication pour faire passer la pilule et pour permettre à celui qui se vend, et au gouvernement français, de ne pas perdre la face.
Cependant l'État avait pris 20 % dans Alstom Transport, pour veiller justement à ce que cet accord avec GE dans les co-entreprises soit équilibré?
Encore une fois, ce n'était qu'un habillage médiatique. Pour éviter de faire perdre la face à Arnaud Montebourg. Bercy était contre. L'État n'a d'ailleurs pas acheté les 20 % dans Alstom, mais loué les titres à Bouygues qui détient 30 %, avec une option d'achat qui expire le 17 octobre 2017, au prix de 35 euros l'action. Mais l'État n'a plus d'argent, ou plutôt le gouvernement et surtout Bercy ne veulent en aucun cas débourser 3 milliards d'euros pour être minoritaire.
Il n'y a pas de fusion entre égaux. Il y en a toujours un qui rachète et un qui est racheté. Il y en a toujours un qui dirige, impose sa vision stratégique, et l'autre, minoritaire, qui doit plier.
Bref, l'option ne sera pas levée, Bouygues va garder ses 30 %, le temps d'encaisser le produit de la vente des participations d'Alstom dans les co-entreprises avec GE. Cette opération va se faire d'ici à octobre 2018 et les actionnaires toucheront 8 euros par action.
Ensuite, selon toute vraisemblance, la fusion avec Siemens sera l'occasion pour Bouygues de sortir définitivement d'Alstom, avec même une plus-value et de tirer un trait sur une aventure d'une douzaine d'années.
Il n'y a pas de fusion entre égaux. Il y en a toujours un qui rachète et un qui est racheté. Il y en a toujours un qui dirige, impose sa vision stratégique, et l'autre, minoritaire, qui doit plier. On a essayé de nous faire croire, pendant quelques mois que les co-entreprises créées entre GE et Alstom étaient à 50/50, c'était un mensonge. En réalité, General Electric a tous les pouvoirs et les exerce.
Ainsi, le groupe américain taille allégrement dans la filiale hydraulique (GE Hydro). Cette activité, où le français était un leader mondial ne l'intéresse pas. Ce qui l'intéressait dans Alstom Énergie, c'était les turbines à gaz qu'il a récupérées tout de suite à 100 % et le portefeuille de brevets logé en Suisse. Lui aussi, récupéré en totalité. Et le Grid (les réseaux intelligents). Les autres activités, y compris celles dans le nucléaire, l'intéressaient moins.
Ces grands groupes, à travers ces accords, cherchent à éliminer un concurrent, à accroître leurs parts de marché, à récupérer des brevets et les innovations.
C'est parce que Patrick Kron et son conseil d'administration, soumis à la pression des autorités judiciaires américaines pour des affaires de corruption, ont voulu se débarrasser de l'ensemble Énergie que GE a fait une offre globale. Mais maintenant, il va tailler et ne garder que ce qui l'intéresse et ce qui est, à ses yeux, rentable. C'est sa logique, qui n'est pas forcément celle des intérêts français. Il en ira de même, demain, dans le ferroviaire.
Ces grands groupes, à travers ces accords, cherchent à éliminer un concurrent, à accroître leurs parts de marché, à récupérer des brevets et les innovations (celui du train hydrogène d'Alstom est prometteur). Enfin, il faut, bien évidemment, rentabiliser l'investissement et faire en sorte que le taux de retour du capital soit le plus rapide possible. C'est la même chose pour Fincantieri.
N'y avait-il pas déjà longtemps que les Chantiers de l'Atlantique avaient été vendus à un étranger, à un Coréen?
Oui, c'est Patrick Kron et son directeur financier de l'époque, Philippe Jaffré, qui les avaient vendus à des investisseurs norvégiens, estimant qu'il n'y avait plus d'avenir pour des chantiers navals tournés vers des navires de croisière. Les équipes des Chantiers de l'Atlantique avaient alors réussi à préserver leur savoir-faire, leurs brevets, face aux Norvégiens.
Du coup, ceux-ci ont revendu au coréen STX. Ce fut la chance de Saint-Nazaire, car les Coréens étaient des actionnaires lointains et le marché de la croisière ne les intéressait pas particulièrement. Ils ont laissé les équipes de Saint-Nazaire remonter la pente et permis aux ex-Chantiers de l'Atlantique de redevenir un grand des chantiers navals. Mais Fincantieri ne sera pas un actionnaire dormant comme les Coréens.
On voit bien le danger qui guette Saint-Nazaire. Fincantieri prend le contrôle d'un concurrent pour une bouchée de pain, récupère son savoir-faire, et à terme «deale» tranquillement avec les Chinois.
Fincantieri est soumis à la pression de son principal client, le groupe américain Carnival (il possède notamment Costa), qui règne sur la moitié du marché mondial de la croisière. Carnival a poussé Fincantieri à conclure un accord avec les chantiers navals chinois. Avec un objectif: s'ouvrir le marché chinois des croisières.
On voit bien le danger qui guette Saint-Nazaire. Fincantieri prend le contrôle d'un concurrent pour une bouchée de pain, récupère son savoir-faire et, à terme, une fois le carnet de commandes de Saint-Nazaire épuisé, les Italiens pourront «dealer» tranquillement avec les Chinois.
Durant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a été accusé d'avoir bradé Alstom Énergie. Qu'en pensez-vous? Quel rôle a-t-il joué?
Il n'était pas décisionnaire sur ce dossier, mais en tant que secrétaire général adjoint, il l'a suivi au jour le jour. Au début, il était plutôt favorable à une solution alternative avec Siemens. Mais il a vite évalué les rapports de force.
Il a compris que François Hollande et la technostructure étaient favorables à la proposition américaine. Le lobbying de GE, la pression et la menace des autorités judiciaires américaines sur Alstom, la volonté de Patrick Kron, de son conseil et de ses actionnaires de vendre à l'Américain l'ont conduit à se rallier à cette solution et à s'opposer finalement à Arnaud Montebourg. Il est vrai que c'est lui qui a signé et approuvé définitivement les accords, en novembre 2014, mais il s'agissait des documents paraphés en juin par Alstom, GE et Arnaud Montebourg au nom du gouvernement français.
Aujourd'hui, Emmanuel Macron est cette fois pleinement responsable. Tout se passe comme si son projet européen, sa vision d'une Europe fédérale l'emportaient sur tout le reste.
Aujourd'hui, il est cette fois pleinement responsable. Tout se passe comme si son projet européen, sa vision d'une Europe fédérale l'emportaient sur tout le reste. En fait, il multiplie les gestes de bonne volonté à l'égard de nos principaux partenaires, afin d'obtenir leur soutien à ses projets européens.
Siemens a été maltraité sur le dossier d'Alstom Énergie, on lui donne donc Alstom Transport. En espérant qu'Angela Merkel, très à l'écoute des milieux industriels, appréciera le geste. Les Italiens jouent un rôle important dans les projets européens d'Emmanuel Macron, aussi, après avoir brandi la nationalisation de STX, on leur donne, à terme, le contrôle de Saint-Nazaire.
Le président de la République semble préférer les start-up aux usines, est-ce, selon vous, un modèle réaliste?
Non, il faut les deux. Il faut des usines, modernisées, robotisées, utiliser le numérique partout où cela est nécessaire. Bref, il faut s'adapter aux nouvelles technologies. Mais si on veut rester un grand pays, il faut aussi produire des biens d'équipement et de consommation, maîtriser des savoir-faire, ne serait-ce que pour offrir des emplois de qualité.
On ne peut pas vivre avec un déficit commercial et des comptes courants structurels. Les Américains le peuvent, parce qu'ils ont le dollar, qu'ils maîtrisent leur monnaie et sont encore la puissance dominante. Nous ne pouvons pas nous le permettre, sauf à accepter de basculer en seconde, voire même en troisième division. Quand on abandonne des entreprises comme Pechiney, Alcatel Alstom, Technip…, ce sont à terme des centaines de sous-traitants qui sont touchés.
C'est tout un tissu industriel qui irriguait nos territoires qui disparaît peu à peu. Un savoir-faire qui s'évanouit. Et il faut des années, pour ne pas dire des décennies, pour les reconstruire.
C'est tout un tissu industriel qui irriguait nos territoires qui disparaît peu à peu. Un savoir-faire qui s'évanouit. Et il faut des années, pour ne pas dire des décennies, pour les reconstruire. C'est très bien de développer des start-up, de favoriser des micro-Silicon Valley, mais ce n'est pas suffisant.
D'autant que ces start-up, dès qu'elles émergent, ont tendance à se vendre aux géants du numérique ou aux fonds d'investissement. Si notre tissu industriel s'est délité, c'est aussi parce que nous n'avons pas su, pas pu, pas voulu investir dans nos industries au sens large.
Or, dans la guerre économique mondiale, on ne peut pas prétendre lutter à armes égales si l'on n'a pas un actionnariat relativement stable, prêt à investir sur le long terme et à épauler les choix stratégiques nécessaires. C'est là tout le drame de notre industrie. Surtout, si on la compare à ses voisins allemands, voire même transalpins.
Mais il existe pourtant un capitalisme français dynamique?
Oui, mais il s'est développé dans d'autres secteurs que l'industrie. Dans la grande distribution, par exemple. Pour le meilleur, mais aussi pour le pire. On constate aujourd'hui les ravages de la prolifération des hypers: importations privilégiées, destruction des centres villes, destruction des petits producteurs locaux et des petits commerces…
Tant que nous n'aurons pas compris que la création de richesses, d'emplois qualifiés passe par une industrie modernisée, compétitive, nous n'inverserons pas les courbes de nos déficits commerciaux.
Dans le luxe, bien sûr, qui reste un de nos fleurons. Et dans la finance, où se sont recyclées une bonne partie de nos élites économiques comme politiques. Il est vrai que l'on gagne mieux sa vie en étant manager de fonds d'investissement ou senior advisor dans des banques d'affaires, surtout anglo-saxonnes, qu'à la tête d'entreprises industrielles.
Tant que nous n'aurons pas collectivement compris que la création de richesses, d'emplois qualifiés passe aussi et surtout par une industrie modernisée, compétitive, avec des actionnaires de long terme, nous n'inverserons pas les courbes de nos déficits commerciaux. Nous ne réduirons pas, de façon significative, notre dette.
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Ivan Rioufol : «Comment répondre au monde qui vient» (28.09.2017)
Par Ivan Rioufol
Publié le 28/09/2017 à 16h23
CHRONIQUE - Le «progressisme» macronien s'est condamné au dogmatisme et à ne rien comprendre du monde qui vient. Le candidat Macron avait bien diagnostiqué la fracture entre les dirigeants politiques et le reste de la société mais c'est cette rupture que le président reproduit.
La droite n'est pas en grande forme, c'est entendu. Mais elle s'est consolidée aux sénatoriales de dimanche. Et l'état de la gauche devrait la rassurer. Le PS cacochyme doit vendre son siège de la rue de Solferino, au cœur géographique du pouvoir. La CGT peine, depuisle 12 septembre, à faire descendre ses adhérents dans la rue. Les routiers en grève sont trop peu pour bloquer les raffineries. Les Indignés de Jean-Luc Mélenchon se sont dits 150.000, samedi, entre Bastille et République. La préfecture en a compté 30.000. Votre serviteur, qui était parmi la foule, a vu la vieille France nostalgique de son passé révolutionnaire. Certains avaient chaussé le bonnet phrygien, d'autres l'habit du sans-culotte. Un chœur reprenait Le Chant des canuts et Le Temps des cerises. Le tribun Mélenchon espère un «déferlement» sur les Champs-Élysées. Mais il n'a rien à dire, à part refourguer le désastreux communisme*. Il appelle maintenant à des casserolades, comme jadis les partisans de l'Algérie française. Avec lui, l'histoire régresse.
La société civile censée constituer le support de la majorité parlementaire a laissé place à l'indéboulonnable technostructure
En apparence, le macronisme fait belle figure. Les ordonnances sur la réforme du Code du travail ont été signées, vendredi dernier, en direct à la télévision par le chef de l'État. Macron remplit son contrat sur l'assouplissement des règles pour les employeurs. Les syndicats, qui ne s'étaient pas opposés à son élection, mettent en scène leur essoufflement. À leur tour, ils connaissent la ringardisation qu'ont subie les partis confrontés à l'irruption d'En marche! Néanmoins, le mouvement présidentiel lui aussi fait pschitt! Il a repris les mauvaises manières des formations isolées dans l'entre-soi. La société civile censée constituer le support de la majorité parlementaire a laissé place à l'indéboulonnable technostructure. Elle produit ses usines à gaz à la chaîne. Ces textes tentent de corriger une politique qui pencherait trop vers le libéralisme. C'est du moins ce que font comprendre les socialistes qui ont trouvé refuge auprès de Macron. Il traîne avec lui un monde empli de certitudes dépassées.
Le «progressisme» macronien s'est condamné au dogmatisme et à ne rien comprendre du monde qui vient. Celui-ci s'annonce réactif en tout. Charlie Hebdo critique la procréation médicalement assistée (PMA) ouverte aux lesbiennes. Les «celles et ceux» présidentiels, cette expression qui veut flatter le féminisme, débouchent sur l'exaspérante orthographe «genrée» (écrire: les lecteur-rice-s) qui rend la lecture impossible. Une désuète propagande montre le président en réformiste visionnaire, bataillant contre des monstres immobiles. En réalité, ses réformes économiques ne dérangent que les dinosaures. Il y a, oui, un côté Napoléon chez cet ambitieux. Mais seul le mauvais profil ressort. Chateaubriand disait de son contemporain: «Il croyait paraître d'autant plus grand qu'il abaissait les autres.» La réflexion s'applique au chef de l'État. Il ne dissimule rien de la haute idée qu'il se fait de lui-même et de la distance qu'il réserve à ses sujets. Évoquant l'Europe, mardi à la Sorbonne, il a parlé de «nos peuples» comme les parvenus disaient «nos gens».
À sa façon d'insulter les «souverainistes de repli», Macron a d'ailleurs confirmé son incompréhension des mutations de l'époque
À sa façon d'insulter les «souverainistes de repli», Macron a d'ailleurs confirmé son incompréhension des mutations de l'époque. L'espoir des Kurdes et de Catalans de se constituer en nation est le dernier épisode d'un réveil des identités et des cultures. La maîtrise de la souveraineté nationale est une idée qui, partout, gagne les indigènes confrontés à la mondialisation. Cependant, Macron balaie ces attentes, qu'il assimile à des «passions tristes». Son ardent plaidoyer pour une «souveraineté européenne» tourne le dos aux particularismes. Sa «refondation» de l'Union européenne aurait pu s'appliquer à mettre davantage d'âme et de démocratie dans cette union soviétoïde. Tout au contraire, son projet consolide l'institution technocratique, perçue comme un danger par les citoyens les plus vulnérables. La vision postnationale que défend Macron est un non-sens voué à l'échec. Le populisme qu'il combat se nourrit des discours qui, comme le sien, ne veulent entendre que l'écho de leurs propres voix.
Huile sur le feu
Le candidat Macron avait bien diagnostiqué la fracture entre les dirigeants politiques et le reste de la société. Il avait su se présenter comme le résultat de cette défiance. Pourtant, c'est cette rupture que le président reproduit. Il ajoute même une violence verbale inédite. Cette brutalité dessine un caractère despotique. L'autoritarisme est un travers qui avait été observé chez le chef de l'État, dans sa manière d'humilier le général Pierre de Villiers ou de chercher noise aux importuns, journalistes ou intellectuels. Dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, mardi, ses premiers mots ont été pour éreinter ceux qui critiquent l'Union européenne, qui est pourtant l'exemple de ce que la politique hors-sol peut produire de pire (voir mon blog). Reste que cette vieille méthode stalinienne, qui repose sur l'élimination de l'adversaire, interdit le débat.
Blanquer sauvera-t-il le macronisme de ses platitudes ?
Quand Macron déclare: «Je ne laisserai rien, rien, à ceux qui promettent la haine, la division ou le repli national», en désignant les eurosceptiques, il jette inutilement de l'huile sur le feu. D'autant que l'Allemagne vient de démontrer, ce week-end, la fausseté du raisonnement présidentiel qui soutient qu'une bonne santé économique serait la clé des problèmes sociétaux. Dans l'Allemagne florissante vient d'émerger, à l'occasion des législatives de dimanche, le parti populiste de l'AfD (12,6 % de voix). Il est l'enfant de la politique migratoire d'Angela Merkel, qui a accueilli un million de réfugiés en 2015. Il est aussi le fruit de la menace que représente l'islam politique pour une opinion qui sort lentement de sa torpeur. Ce sont ces voix indignées qu'il faut aussi entendre désormais.
Critiques de l'égalitarisme et du pédagogisme
Reste l'heureuse énigme du ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Ses critiques de l'égalitarisme et du pédagogisme ont poussé à la démission, mercredi, de Michel Lussault, président du Conseil supérieur des programmes : une machine de guerre aux mains des déconstructeurs de l'identité française. Lussault refusait d'enseigner une «nation française mythique qui n'a jamais existé». Il défendait «la pluralité de l'histoire de France». Il n'était pas en opposition avec Macron assurant: «Il n'y a pas de culture française.» Blanquer sauvera-t-il le macronisme de ses platitudes?
* Stéphane Courtois, «Lénine, l'inventeur du totalitarisme», Perrin

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Guillaume Roquette : «La ligue des béats» (29.09.2017)
Par Guillaume Roquette
Publié le 29/09/2017 à 09h01
ÉDITORIAL - Si les magistrats, le défenseur des droits et certains avocats combattent le projet antiterroriste du gouvernement, c'est parce qu'ils ne supportent pas que le peuple, indifférent à leur endoctrinement, réclame avant tout qu'on garantisse sa sécurité.
C'est un affrontement sourd, une opposition souterraine à la volonté des pouvoirs publics de lutter contre le terrorisme. Ceux qui s'y emploient n'ont recours ni aux insultes de Jean-Luc Mélenchon ni aux manifestations de rue de la CGT, mais ils n'en sont pas moins efficaces. Ils savent que les Français, dans leur écrasante majorité, veulent être mieux protégés mais ils n'en ont cure. Les 239 morts du terrorisme depuis 2015, les milliers de fichés S lâchés dans la nature pèsent peu à côté de leurs grands principes.
Eux? Ce sont les magistrats, pourtant chargés de faire respecter la loi, qui combattent ouvertement le projet gouvernemental d'inscrire dans le droit commun les principales mesures prises pendant l'état d'urgence. L'Union syndicale des magistrats (70 % des voix aux dernières élections professionnelles) vient de publier une note de 11 pages pour lister ses griefs contre le texte défendu par le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb. Tandis que, du côté du Syndicat de la magistrature, on en appelle carrément au refus de la loi.
«Le projet de loi antiterroriste constitue une menace sur nos droits car il remplace le fait par le soupçon»
Jacques Toubon, défenseur des droits
Eux? C'est aussi le «défenseur des droits». Nommé à ce poste en 2014 par le bon vouloir de François Hollande, l'ancien ministre chiraquien Jacques Toubon tire au canon, affirmant que «le projet de loi antiterroriste constitue une menace sur nos droits car il remplace le fait par le soupçon». Traduisons: c'est mal de soupçonner des gens d'être des terroristes islamistes, car c'est discriminatoire. Tant de naïveté ferait sourire si le dit «défenseur des droits» n'était pas une autorité officielle dotée de réels pouvoirs. Et qui compte bien sur le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme pour le rejoindre dans son offensive.
Eux, c'est encore l'avocat Henri Leclerc, grand manitou de la Ligue des droits de l'homme, qui ose parler de «loi des suspects» - allusion transparente aux mesures liberticides votées sous la Terreur en 1793 - pour qualifier le texte gouvernemental.
Tous ces gens affirment la main sur le cœur défendre nos libertés fondamentales, comme si la France était devenue une dictature depuis la mise en place de l'état d'urgence, en novembre 2015. En réalité, ils ne supportent pas que le peuple, indifférent à leur endoctrinement, réclame avant tout qu'on garantisse sa sécurité. Mais, à l'abri de leur statut, ni les magistrats syndiqués, ni le Conseil constitutionnel, ni la Cour européenne des droits de l'homme n'ont de compte à rendre aux électeurs. Ils n'en sont d'ailleurs nullement gênés. Les grands principes, c'est bon pour les autres.
MERCI! Le Figaro Magazine a conforté au premier semestre 2017 sa place de magazine hebdomadaire d'actualité le plus diffusé, devant (dans l'ordre) L'Obs, Le Point, L'Express, M, Marianne et Valeurs actuelles. Par ailleurs, la toute récente étude d'audience One nous crédite de plus de 2 millions de lecteurs, avec une progression deux fois supérieure à la moyenne de nos concurrents. C'est à vous que nous devons ces chiffres exceptionnels, merci de votre confiance!
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Quand la tentation indépendantiste se fait plus forte que l'appartenance nationale… (29.09.2017)
Par Eric Zemmour
Publié le 29/09/2017 à 09h01
LES INSOLENCES D'ÉRIC ZEMMOUR - Les Catalans comme les Kurdes préparent leur indépendance. Chacun croit son heure arrivée grâce à des boulversements mondiaux ou régionaux.
Ils ne se connaissent pas. Ils ne sont pas du même pays ni du même continent ; ne parlent pas la même langue et n'adorent pas le même dieu. Pourtant, ils ont le même rêve: devenir une nation, et ils usent du même mot magique, référendum. Les Catalans comme les Kurdes préparent dans la fièvre leur émancipation nationale, suscitant les mêmes réactions outragées des Etats-nations auxquels ils appartiennent encore. Mais l'Espagne est une démocratie et il est toujours difficile à une démocratie d'interdire un vote. Mais les Kurdes sont éclatés - et parfois opposés - entre ceux qui habitent l'Irak, la Turquie ou l'Iran, la Syrie. Dans les deux cas, les indépendantistes se réfèrent au principe des nationalités, inventé par la Révolution française et reconnu comme principe de base du droit international à la fin de la Première Guerre mondiale.
Les Catalans comme les Kurdes ont une revanche à prendre sur l'Histoire. C'est le petit-fils de Louis XIV qui, monté sur le trône d'Espagne, a fait rentrer par la force des armes les Catalans dans le giron des Espagnes en 1714. Les Kurdes ont possédé pendant quelques heures un Kurdistan indépendant, en 1920, avant que le chef de la Turquie, Atatürk, ne balaie le traité de Sèvres par une guerre victorieuse. Depuis lors, les Catalans ont rongé leur frein et les Kurdes se sont régulièrement rebellés, se faisant massacrer par les Irakiens ou les Turcs.
Les Espagnols ont désappris à être espagnols ; les Catalans ont réappris à être catalans.
Chacun croit son heure arrivée grâce à une intervention extérieure. C'est l'Union européenne qui, en favorisant les autonomies régionales, en donnant aux Régions un accès direct à Bruxelles, et à sa manne de subventions, a enflammé un irrédentisme catalan, mais aussi flamand, écossais voire corse, dont la Commission a un mal fou désormais, en pompier pyromane, à éteindre le feu. Ce sont les deux guerres menées en Irak par Bush père et fils qui ont redonné une chance au mouvement national kurde. Le combat contre Daech a mis à l'honneur les combattants kurdes, qui se révélèrent bien plus aguerris que la pitoyable armée irakienne. Les entreprises catalanes ont le grand marché européen pour exporter et faire vivre leur «pays». Les Kurdes ont du pétrole sous leurs pieds.
Il faut dire que l'Irak n'a jamais été une nation depuis son invention par le colonisateur anglais. L'Irak n'a jamais su être autre chose qu'une réunion d'ethnies tenues d'une main de fer par un tyran. L'instauration de la démocratie par les Américains a fait exploser le pays au bénéfice des diverses «tribus avec un drapeau», selon la forte expression de Samuel Huntington.
Pour l'Espagne, le processus historique est inverse: une nation longue d'une histoire millénaire, mais dont les intellectuels de gauche n'ont cessé de dénoncer le caractère «fasciste», «franquiste». L'école n'enseignait plus les hauts faits d'armes de la nation espagnole. Même la droite n'osait plus se dire «espagnolista». La déconstruction a mené à la destruction.
Les Espagnols ont désappris à être espagnols ; les Catalans ont réappris à être catalans. Quand un sentiment d'appartenance collective se délite, un autre lui succède. Et le progressisme de nos élites de gauche conduit directement à l'archaïsme tribal.
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Journaliste, chroniqueur
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Après 10 mois de silence, Baghdadi appelle ses combattants à «résister» (29.09.2017)
Par Le figaro.fr
Mis à jour le 29/09/2017 à 09h23 | Publié le 28/09/2017 à 23h31
VIDÉO - Plusieurs fois donné pour mort, l'enregistrement semble attester que le chef du groupe terroriste État islamique est bien vivant.
Le chef du groupe terroriste État islamique (EI) Abou Bakr al-Baghdadi a appelé ses combattants acculés de toutes parts en Syrie et en Irak à «résister» face à leurs ennemis, dans un enregistrement audio diffusé ce jeudi qui lui est attribué. Dans son premier message présumé depuis près d'un an et après avoir été plusieurs fois donné pour mort, le chef de Daech a enjoint ses partisans à «résister».
Les États-Unis ont indiqué effectuer des vérifications sur l'enregistrement audio, affirmant toutefois ne pas avoir de raisons de mettre en cause son authenticité. «Les chefs de l'État islamique et ses soldats se sont rendus compte que pour obtenir la grâce de Dieu et la victoire, il faut faire preuve de patience et résister face aux infidèles quelles que soient leurs alliances», a affirmé le chef de Daech.
Dans sa déclaration, Baghdadi s'en est pris aux «nations infidèles et en premier lieu l'Amérique, la Russie et l'Iran» qui mènent avec leurs alliés sur le terrain des offensives séparées contre le groupe ultraradical, lui infligeant une série de revers en Syrie et en Irak . «Ce qui importe ce n'est pas le nombre, les équipements et la force» des adversaires, a-t-il par ailleurs souligné à l'adresse de ses partisans.
Un enregistrement sans doute récent
L'enregistrement n'est pas daté. Cependant, Baghdadi évoque la récente crise coréenne, ce qui semble attester de la relative fraîcheur de l'enregistrement, selon Wassim Nasr, l'un des spécialistes du sujet:
Il évoque également les défaites militaires de son groupe terroriste, parlant du «sang versé à Mossoul, à Syrte, à Raqa, à Ramadi et à Hama». L'EI a en effet perdu la ville libyenne de Syrte en décembre 2016, la ville irakienne de Ramadi en février 2016 et Mossoul, deuxième ville d'Irak en juillet 2017. En Syrie, les dernières poches jihadistes sont sur le point de tomber à Hama et à Raqqa, leur ex-capitale dans ce pays en guerre.
Les États-Unis ont dit effectuer des vérifications sur l'enregistrement audio, affirmant toutefois ne pas avoir de raisons de mettre en cause son authenticité.
De rares manifestations
La dernière manifestation d'Abou Bakr al-Baghdadi relayée par un média affilié à son groupe, remonte à novembre 2016. Il était alors sorti d'un an de silence pour exhorter, dans un enregistrement sonore, ses hommes à résister jusqu'au martyre à l'assaut des forces irakiennes lancé en octobre pour reprendre la ville de Mossoul.
Le 16 juin 2017, la Russie avait dit avoir probablement tué Abou Bakr al-Baghdadi dans un raid fin mai, près de Raqqa. Elle avait ensuite souligné qu'elle continuait de vérifier s'il était bien mort. Le 1er septembre, un haut responsable militaire américain a affirmé que le chef de l'EI était sans doute encore en vie et se cachait probablement dans la vallée de l'Euphrate, dans l'est de la Syrie. C'est dans cette zone géographique que se déroule ce que Russes et Américains ont qualifié de dernière bataille contre l'EI.
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Les Européens face aux migrants (29.09.2017)
Par Judith Waintraub
Publié le 29/09/2017 à 09h01
SONDAGE - Réalisée par la Fondapol, une enquête inédite et exclusive, dans 26 pays, révèle de la part des citoyens européens la crainte d'une immigration massive et incontrôlée - doublée d'une inquiétude croissante vis-à-vis de l'islam. Le score de l'AfD le week-end dernier en Allemagne illustre ce raidissement.
Les craintes que suscite l'immigration, souvent associée à l'islam pour les citoyens européens, arrivent au premier rang des facteurs qui expliquent l'affaiblissement de nos démocraties et son corollaire, la montée des populismes. C'est le principal enseignement de l'enquête conduite par Ipsos pour la Fondation pour l'innovation politique et dont Le Figaro Magazinepublie en exclusivité les résultats les plus significatifs.
Première du genre, cette étude intitulée «Où va la démocratie? *» a été conduite simultanément dans 26 pays: 22 pays européens choisis pour offrir une bonne représentativité de l'Union européenne dans son ensemble, des pays qui n'en sont pas membres comme la Suisse et la Norvège, le Royaume-Uni, qui l'a quittée, et les Etats-Unis.
Après le Brexit, en juin 2016, et l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis, six mois plus tard, la plus récente illustration de ce que Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique, analyse comme un «dépérissement démocratique», vient d'être fournie par les législatives en Allemagne. L'entrée massive du parti d'extrême droite Alternativ für Deutschland (AfD) au Bundestag, pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, montre que ni la solidité d'Angela Merkel, sortie victorieuse mais affaiblie du scrutin, ni la bonne santé de l'économie allemande n'ont suffi à épargner à l'«homme fort» de l'Europe le sort commun à toutes les démocraties occidentales.
Déstabilisées par l'afflux des migrants sur leur sol, qui est l'une des conséquences les plus marquantes, ces dernières années, des processus de globalisation et de recomposition du monde, nos démocraties doivent se repenser. Et, difficulté supplémentaire, elles ne peuvent plus compter sur le moteur qui a permis leur épanouissement: la certitude d'un progrès matériel et humain.
Les inquiétudes d'ordre économique sont majoritaires dans les pays de l'ouest de l'Europe. A l'est, les préoccupations liées à la sécurité  terrorisme et délinquance  dominent.
LE FIGARO MAGAZINE - Le résultat des législatives en Allemagne peut-il s'expliquer par le rejet de l'immigration et la peur de l'islam que votre étude met en lumière?
Dominique REYNIÉ - Ce n'est évidemment pas la seule explication. Les grandes formations politiques sont frappées de discrédit partout en Europe et, en Allemagne, l'usure du «merkelisme» et une forme de lassitude à l'égard de la grande coalition droite-gauche ont joué. Mais il est clair que la naissance de l'AfD en 2013, ses succès électoraux constants depuis et sa poussée aux législatives sont liés à la politique migratoire d'Angela Merkel. Les moyens qu'elle a mobilisés pour accueillir les migrants, l'encadrement associatif et la pédagogie à laquelle la chancelière s'est efforcée n'ont pas empêché des problèmes de cohabitation nombreux et considérables. On l'a vu de manière spectaculaire avec les agressions sexuelles de la nuit du Nouvel An à Cologne en 2016. Elles ont d'autant plus ému l'opinion qu'en Allemagne, comme dans l'ensemble des pays nordiques, toute une partie de la classe politique et certains médias ont donné le sentiment de vouloir cacher la réalité pour ne pas «stigmatiser», selon la formule consacrée, les populations en cause. Ne pas décrire loyalement la réalité des choses est toujours la pire des solutions, d'où ce réveil brutal le soir du 24 septembre.

L'hostilité à l'immigration est majoritaire dans toutes les catégories d'âges, y compris chez les 18-34 ans.
Vous attendiez-vous à un regard aussi négatif sur l'immigration dans tous les pays européens, ou presque?
Que le jugement sur l'immigration soit négatif ne me surprend pas, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aussi largement partagé au sein des démocraties européennes. L'idée d'accueillir des réfugiés, et même des immigrés, ne suscite pas d'opposition de principe: c'est l'absence de réciprocité qui crée le rejet. Les sociétés accueillantes ont le sentiment que les personnes qu'elles accueillent ne reconnaissent pas les valeurs des Européens, et c'est particulièrement flagrant quand la culture d'origine est l'islam.
N'est-ce pas tout simplement du racisme?
C'est la critique qui émane d'une partie des classes dirigeantes, politiques, intellectuelles et médiatiques, mais elle ne correspond pas à la réalité. Notre étude montre que, chez ces mêmes Européens qui ont peur de cet islam, l'esprit de tolérance domine. On ne trouve pas dans le monde de régime ni d'espace géographique où la tolérance, l'accueil des réfugiés et la sensibilité à la précarité de leur situation soient aussi répandus qu'en Europe. L'«islamophobie» au sens propre n'est pas un sentiment raciste envers les musulmans en général, ni envers leur religion, mais une peur née du constat que les problèmes de cohabitation, les contentieux interculturels, mais aussi les violences - sans parler des attentats - sont presque toujours associés à une certaine interprétation de l'islam.

Le bien-fondé de la politique généreuse de la chancelière n'est pas remis en cause, mais les Allemands sont loin de croire que l'immigration est une chance pour l'Allemagne.
Pourtant, le discours «ça n'a rien à voir avec l'islam» reste dominant, en particulier en France…
Malheureusement, les classes dirigeantes ont échoué partout en Europe à poser les problèmes de l'immigration, de l'islam, de l'islamisme et du conflit des valeurs dans des termes politiquement recevables. Il n'y a pas de débat ouvrant sur des décisions publiques, mais une dispute entre des positions polarisées à l'extrême. C'est particulièrement vrai pour la France. Notre culture républicaine fait de notre pays celui où la reconnaissance de l'échec de l'intégration est la plus difficile. Nous sommes parmi les plus mal à l'aise pour exprimer clairement la réalité des conflits interculturels. Mais à force de créer de l'indicible, de mettre les problèmes sous le tapis, ils prennent de l'ampleur sans qu'on le voie, sinon dans les urnes. Les démocraties sont exposées aux poussées régulières des mouvements populistes et protestataires. Elles déstabilisent la politique et finissent par menacer le régime démocratique lui-même.
«On entend beaucoup dire en France que la fin du chômage réglera les problèmes de cohabitation. C'est faux. Les pays sans chômage ou à chômage résiduel connaissent les mêmes problèmes»
Dominique Reynié
Ce rejet de l'immigration varie-t-il en fonction de la situation économique des pays d'accueil?
Je ne dirais pas que ça n'a aucun effet, mais c'est vraiment secondaire. Dans des pays bien portants comme les Pays-Bas, l'Autriche, la Suisse, la Norvège et les pays scandinaves en général, et comme on vient de le voir en Allemagne, le rejet d'une immigration sans réciprocité atteint des niveaux très élevés. On entend beaucoup dire en France que la fin du chômage réglera les problèmes de cohabitation. C'est faux. Les pays sans chômage ou à chômage résiduel connaissent les mêmes problèmes, quand ils ne sont pas plus aigus encore, comme aux Pays-Bas et en Autriche. Prenez la Suisse, qui a fait ce fameux référendum pour l'interdiction des minarets: c'est le pays le plus riche du monde!
Comment les démocraties européennes peuvent-elles sauvegarder leurs valeurs dans ce contexte?
Les principes et les règles qui régissent les conditions d'accueil en Europe doivent inclure cette exigence de réciprocité, qui est non négociable parce que parfaitement légitime. De leur côté, les immigrés porteurs d'une culture différente, notamment musulmane, ont à l'évidence un travail intense et urgent à faire sur l'adhésion à nos valeurs, la reconnaissance de la suprématie de la loi de la République, l'égalité hommes-femmes, la sécularisation de la société… C'est la base de notre contrat social.
* «Où va la démocratie?», une enquête  de la Fondation pour l'innovation politique sous la direction de Dominique Reynié. A paraître le 5 octobre chez Plon, 310 p., 25 €.
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Beata Szydlo : «Non à une Europe à plusieurs vitesses qui creuse les divisions» (28.09.2017)
Par Laure Mandeville
Mis à jour le 28/09/2017 à 20h26 | Publié le 28/09/2017 à 19h06
INTERVIEW - La première ministre polonaise s'explique sur la crise avec l'UE et réagit aux propositions d'Emmanuel Macron.
Envoyée spéciale à Varsovie
Les contentieux s'accumulent entre la Pologne et l'Union européenne, de la réforme de la justice polonaise jugée antidémocratique à Bruxelles, au refus des quotas de réfugiés, en passant par la remise en cause de la directive sur les travailleurs détachés et le projet de refondation de l'Europe d'Emmanuel Macron qui inquiètent ici. La première ministre polonaise s'explique.
«Je suis d'accord avec le président Macron sur le fait que l'Europe a besoin de réformes, mais pas d'accord avec lui sur le fond de ces réformes»
Beata Szydlo, première ministre polonaise
LE FIGARO. - Entre l'UE et la Pologne, la crise est-elle grave?
Beata SZYDLO. - Je ne parlerai pas de crise entre la Pologne et l'Union européenne, mais de divergence de points de vue. Nous sommes prêts au dialogue et nous ferons valoir nos arguments. Nous comptons que l'autre partie présente des arguments concrets. Pour répondre aux réserves exprimées par certains sur la démocratie polonaise, je rappelle que nous autres, Polonais, ne parlons pas des problèmes de la démocratie française, alors que vous êtes sous le régime de l'état d'urgence depuis deux ans et qu'une partie de l'opposition chez vous critique la loi antiterroriste mise en place. Nous n'interférons pas dans les affaires intérieures de la France et pensons que ses autorités sont les mieux placées pour répondre aux besoins de sécurité. Nous attendons la même chose. Le gouvernement polonais est démocratiquement élu. Nous sommes un membre loyal de l'UE et nous respectons les règles, donc nous souhaiterions que les institutions européennes, et notamment la Commission, agissent selon les pouvoirs impartis par les traités, pas au-delà. On a parfois l'impression que les interprétations politiques prévalent sur le fond. Ainsi la Commission a-t-elle lancé des accusations à propos de la réforme judiciaire en Pologne, avant même que le processus législatif n'aboutisse. De plus, les changements que nous souhaitons introduire sont les mêmes que dans de nombreux pays européens. Je suis d'accord avec le président Macron sur le fait que l'Europe a besoin de réformes, mais pas d'accord avec lui sur le fond de ces réformes. La Pologne pense que si l'on crée une Europe à plusieurs vitesses, cela renforcera la division et nuira à tous. Mieux vaut miser sur le développement de toute l'UE.
« Nous devons chercher des solutions pour aller vers l'unité afin de ne pas voir se développer de nouveaux mouvements antieuropéens»
Beata Szydlo, première ministre polonaise
Il y a un désaccord de fond entre la position du président Macron, qui veut faire avancer l'Europe de l'euro en ajoutant des «étages» à la fusée, alors que vous êtes pour l'élargissement plutôt que l'approfondissement et que vous n'êtes pas dans l'euro.
Les Polonais sont des euro-enthousiastes. 70 % d'entre eux jugent fondamentale l'appartenance à l'Europe. Pour ma génération, l'Europe occidentale fut longtemps un rêve inaccessible. C'est le développement et la sécurité qui ancrent notre désir d'Europe. La Pologne a des résultats économiques excellents alors qu'elle n'est pas dans l'euro. Elle a un haut niveau de sécurité. Il me semble que les plus grandes crises de l'Europe aujourd'hui affectent en premier lieu la zone euro. Il faut en tirer des leçons. Mieux vaut développer l'égalité, l'État de droit, la liberté et les valeurs chrétiennes qui ont uni l'Europe dans le passé mais qui ont été mises de côté. Nous devons chercher des solutions pour aller vers l'unité afin de ne pas voir se développer de nouveaux mouvements antieuropéens. Avec le Brexit, nous vivons une des crises les plus graves de l'histoire européenne. Il faut trouver des solutions pour la zone euro, car sinon cela pèse sur tout le monde. Mais il faut aussi créer une dynamique commune. Il est vrai aussi que, pour la Pologne, l'élargissement de l'Union est très important. Car vu notre passé, nous comprenons les pays qui veulent adhérer pour avoir une garantie de sécurité. C'est le cas des Balkans occidentaux et de l'Ukraine. Si on les laisse seuls, cela augmentera l'influence de la Russie.
«La Pologne porte de nombreux projets humanitaires, mais nous pensons qu'il vaut mieux aider ces peuples sur place, comme me le disent nombre de Syriens»
Beata Szydlo, première ministre polonaise
Sur la question des réfugiés, la Pologne a été farouchement hostile aux quotas de l'UE. Pourquoi? Est-ce après avoir constaté les problèmes du multiculturalisme en Europe occidentale?
Les racines chrétiennes de l'Europe ont joué un rôle fondamental depuis la création de l'UE. Je voudrais vous rappeler que l'un des pères fondateurs de l'Europe, Robert Schuman, est dans un processus de béatification… Je pense qu'il serait très étonné de voir l'Europe aujourd'hui. Le problème des réfugiés est très complexe. Beaucoup de Polonais ont perdu leur vie en voulant défendre leur liberté, donc, pour nous, l'aide aux réfugiés est fondamentale. Nous sommes solidaires. Il faut savoir que près de 1 million de ressortissants ukrainiens vivent ici. Pour revenir à la question des migrants d'Afrique et du Proche-Orient, il faut reconnaître que le processus d'identification des réfugiés et des immigrants économiques s'est révélé plein de failles. La Pologne porte de nombreux projets humanitaires, mais nous pensons qu'il vaut mieux aider ces peuples sur place, comme me le disent nombre de Syriens. Il faut aussi protéger les frontières extérieures de l'UE.
L'Allemagne sera-t-elle plus prudente qu'Emmanuel Macron sur l'Europe? L'apparition d'une force très eurosceptique, l'AfD, vous arrange-t-elle?
La vision de l'AfD est très différente de la nôtre, nous la jugeons difficile à accepter. Mais nous sommes contents qu'Angela Merkel soit toujours là.J'espère qu'elle pourra créer un gouvernement stable car la Pologne a besoin de stabilité et d'hommes politiques responsables. Plus il y a de crises, plus il y aura de mouvements radicaux. Nous devons donc mettre les sujets sur la table. L'Allemagne est un partenaire très important. Les différences d'avis vont continuer car nos intérêts divergent parfois. Mais la variété est une richesse pour l'UE. La question, c'est comment recréer l'unité. Le Brexit montre que la frustration populaire peut mener à des solutions désavantageuses pour tous. Il faut réformer de telle sorte que la tentation de nouveaux «exits» disparaisse.

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En Pologne, les rappels à l'ordre de Macron passent mal (28.09.2017)
Par Laure Mandeville
Mis à jour le 28/09/2017 à 18h01 | Publié le 28/09/2017 à 17h27
Tandis que les relations diplomatiques entre la France et la Pologne sont au plus bas, Emmanuel Macron défend le dossier politiquement très sensible des travailleurs détachés.
Entre la France et la Pologne, les «irritants» s'accumulent, comme on dit en langage diplomatique. Le grand projet de refondation de l'Europe d'Emmanuel Macron, qui mise notamment sur un approfondissement de la zone euro pour enrayer le délitement de l'Union, suscite de profondes inquiétudes à Varsovie, qui a gardé sa monnaie nationale et craint la marginalisation que pourrait induire une Europe à plusieurs vitesses.
À Paris, on est à l'inverse très agacé par une Pologne qui «refuse tout», a noté la ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, sur France Inter ce mercredi matin. L'annulation brutale, il y a un an, d'un contrat de vente d'hélicoptères Airbus au bénéfice des Américains a laissé un goût amer et le sentiment que Varsovie ne joue pas «collectif» en Europe. L'opposition persistante des Polonais à accepter les quotas de réfugiés établis en 2015 a confirmé ce présupposé.
80.000 Polonais travaillent actuellement en France
Paris s'inquiète aussi de la dérive clairement autoritaire de la réforme de la justice en cours à Varsovie. À ces points brûlants, s'ajoute le dossier politiquement très sensible des travailleurs détachés, statut largement discuté pendant la campagne présidentielle et qu'Emmanuel Macron a promis d'encadrer pour rétablir une forme «de concurrence loyale» en matière de paiement de charges sociales.
«Je suis d'accord avec l'idée que l'Europe n'est pas un supermarché. Mais le président Macron doit comprendre qu'en poussant des mesures protectionnistes et rigoristes il va accroître la division de l'UE» 
La première ministre polonaise, Beata Szydlo
Des mots très durs avaient été échangés au début de l'été, le président français appelant les Polonais (sans les nommer) à ne pas considérer «l'Europe comme un supermarché». La première ministre Beata Szydlo avait rétorqué que le président était «encore très inexpérimenté»… Le vice-ministre de la Défense, Bartosz Kownacki, avait été jusqu'à affirmer que la Pologne n'avait aucune leçon à recevoir des Français, auxquels les Polonais auraient appris historiquement «à tenir correctement leurs fourchettes»!
Emmanuel Macron s'est ensuite rendu dans d'autres pays de l'Est pour plaider sa cause, une tournée que la Pologne a perçue, non sans raison, comme une manœuvre d'isolement de Varsovie. «Je suis d'accord avec l'idée que l'Europe n'est pas un supermarché. Mais le président Macron doit comprendre qu'en poussant des mesures protectionnistes et rigoristes comme le rejet de la directive sur les travailleurs détachés, il va accroître la division de l'UE», a confié la première ministre polonaise, Beata Szydlo, au Figaro. Les diplomates français affirment que le dialogue continue activement en coulisses. La ministre du Travail polonaise, Elzbieta Rafalska, a rencontré la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, le 20 septembre. La ministre Nathalie Loiseau sera à Varsovie la semaine prochaine. «Macron a été perçu comme l'homme qui ne voulait plus des Polonais en France mais c'est faux. C'est au contraire le seul candidat français à avoir défendu le principe de la mobilité mais en l'encadrant mieux», note le député français d'En marche! pour les Français de l'étranger en Europe centrale, Frédéric Petit. «Notre idée est que plus on aura de mobilité (qui implique des statuts sociaux unifiés) et moins de détachement et surtout de fraudes, plus on va tirer les salaires vers le haut et unifier le marché commun», affirme-t-il. Quelque 80.000 Polonais travaillent actuellement en France avec un statut de travailleurs détachés.
Des procédures de plus en plus complexes
Baptiste Rougerie, grand géant de 40 ans à l'enthousiasme communicatif, a débarqué en Pologne il y a dix ans et y a créé une petite boîte de recrutement avant de la revendre à l'agence d'intérim Interimax, puis de devenir le numéro deux du groupe polonais HRBC, spécialisé dans le travail temporaire. Cet Auvergnat, membre d'une famille influente de Clermont-Ferrand, et frère du joueur international de rugby Aurélien Rougerie, regarde la polémique sur les travailleurs détachés avec un mélange de pragmatisme et de léger agacement. Tant d'idéologie! «C'est la même histoire que le plombier polonais, qui dans l'imaginaire français, est l'ancêtre du travailleur détaché», ironise-t-il. Baptiste rappelle quelques vérités premières, à savoir que «les travailleurs détachés, c'est un statut complètement légal». Il tord le cou à l'idée que les salaires sont inférieurs, car si on fait le total, le coût d'un travailleur français, c'est 19 euros, et le coût d'un de ses travailleurs polonais détachés est de 21 euros, précise-t-il, rappelant qu'il faut notamment, selon la loi, leur procurer un logement sur place.
Rougerie explique que tout est progressivement mis en place, au niveau français comme européen pour que les travailleurs détachés ne soient pas remplacés et disparaissent. «La pression administrative est très forte, mon entreprise a subi 90 contrôles en un an !», précise-t-il, évoquant les monceaux d'exigences et de paperasses qu'il convient de remplir en permanence. Lui a le sentiment qu'Emmanuel Macron mène sa barque avec plus de finesse que Manuel Valls, car il complique les procédures des travailleurs détachés au niveau français et européen, tout en allant vers un allégement de charges sociales en France, qui ira évidemment dans le sens de l'emploi français. «Le problème qui persiste, et qui ne sera pas réglé avant longtemps, c'est qu'il y a pénurie de main-d'œuvre qualifiée en France, d'où l'intérêt de faire venir des personnels polonais, qui sont extrêmement qualifiés, une vraie richesse de ce pays!», plaide-t-il. «Si demain on se débarrasse des travailleurs étrangers, les chantiers s'arrêtent, c'est simple!» dit Rougerie, prédisant qu'il faudra dix ans pour que la France se remette à fournir des ouvriers qualifiés, si la formation continue prévue par Macron prend forme.
«Gérer les différences culturelles et sociales»
Anticipant l'avenir, son entreprise a travaillé depuis deux ans à créer une agence de recrutement temporaire en France, qui fera des contrats de travail locaux pour les ouvriers polonais et paiera les charges sociales sur place. «Je trouve ça normal, on va continuer le travail mobile, mais le statut ne sera plus détaché», dit-il, voyant là un désir de rééquilibrage global de l'emploi en Europe «logique». Mais il dit qu'il faut y aller doucement pour ne pas créer un énorme appel d'air pour le travail au noir. L'entrepreneur prédit aussi que la Pologne, qui va souffrir de ce changement, essaiera de se rattraper pendant les négociations sur le statut des entreprises de transport polonaises, un secteur de son activité économique nationale.
«Toute la difficulté de l'Europe, c'est de gérer les différences culturelles et sociales entre pays, il faut que chacun y trouve son compte, la Pologne comme les autres, car derrière les travailleurs détachés, il y a des gens, qui travaillent très dur», dit-il. Rougerie invite les Français à ne pas s'enferrer dans le pessimisme. «L'Europe est une formidable opportunité». Il rappelle l'avoir expérimenté personnellement. «Je me suis exporté et j'ai trouvé ma place, car les compétences des cadres français, leur capacité à prendre des décisions, sont très prisées ici, il faut juste apprendre la langue.» Rougerie reconnaît en riant que cela lui a pris neuf ans et qu'il avait un atout maître: une femme polonaise.

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Fille au pair tuée à Londres : «Ce qu'ils ont fait, c'est inimaginable, horrible» (27.09.2017)
  • Par   Le figaro.fr 
  • Mis à jour le 27/09/2017 à 16:24 
  • Publié le 27/09/2017 à 10:52
VIDÉO - Au lendemain de l'audition des deux Français mis en examen pour le meurtre de Sophie Lionnet, 21 ans, son père Patrick confie sa stupeur et son désarroi au micro de RTL.
«Ma fille n'avait pas à finir comme ça. Elle était gentille, adorable, souriante. Beaucoup de gens la connaissaient comme ça. Ce qu'ils ont fait, c'est inimaginable, horrible.» Le père de Sophie Lionnet, jeune fille au pair retrouvée morte le 20 septembre dans le jardin d'une maison près de Londres, s'est confié mercredi au micro de RTL. Patrick raconte sa stupéfaction quand il a appris la terrible nouvelle à la télévision après avoir été réveillé par les gendarmes. «Trois jours sans dormir, il faut tenir le choc», explique-t-il, précisant aujourd'hui être pris en charge médicalement. «On n'attend qu'une chose: le retour de ma fille et faire le deuil, si on peut.»
« J'ai rien fait. Je n'ai jamais tué. »
Sabrina Kouider, 34 ans, suspecté du meurtre de Sophie Lionnet
Le corps présumé de Sophie Lionnet, 21 ans, a été retrouvé il y a une semaine chez le couple franco-algérien qui l'employait. Il n'a pas encore pu être formellement identifié. Ce sont les voisins qui ont alerté les autorités, intrigués par une épaisse fumée émanant d'une propriété située à Southfields, dans la banlieue sud-ouest de Londres. Les employeurs, Ouissem Medouni, 40 ans, et Sabrina Kouider, 34 ans, ont été mis en examen vendredi pour meurtre. Interrogés mardi depuis leurs établissements pénitentiaires, les deux suspects ont seulement confirmé leur identité. Sabrina Kouider a néanmoins nié les faits énoncés par le procureur: «J'ai rien fait. Je n'ai jamais tué.» Leur procès devrait s'ouvrir le 12 décembre.
La victime s'apprêtait à rentrer en France. La jeune fille au pair, originaire de Troyes, était à Londres depuis 14 mois pour y apprendre l'anglais. Elle s'occupait sur place des deux enfants du couple, âgés de 3 et 6 ans, et ne touchait qu'un maigre salaire de 56 euros par mois «Dès qu'on abordait le sujet de l'argent, elle éludait...» raconte au Parisien une amie Roxane. «Elle nous faisait croire que tout allait bien pour ne pas nous inquiéter», ajoute-t-elle. «Je n'avais pas d'appels au secours», explique le père de la victime. Il précise que Sophie lui avait tout juste fait état de tensions dans le couple. «Mais dans quelle famille il n'y a pas de tensions?»
Le meurtre présumé a provoqué une vive émotion parmi les jeunes au pair travaillant au Royaume-Uni. Cette affaire met en lumière les difficultés parfois rencontrées par ces femmes, souvent très jeunes et sans expérience, qui travaillent et habitent dans des familles à l'étranger, a déclaré à l'AFP Victoria, 21 ans, à l'origine d'une page Facebook ouverte en hommage à Sophie Lionnet, recueillant les témoignages émus d'anciens proches de la victime. «Malheureusement, à court terme, il n'est pas possible d'améliorer considérablement les conditions de vie des au pair, c'est à elles de redoubler de vigilance et d'avoir la force de quitter leur famille d'accueil si cela se passe mal. En revanche, à plus long terme, j'ose espérer qu'une reconnaissance juridique plus précise encadrera le travail des au pair», espère cette au pair à Warlingham, près de Londres.
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Une fillette de onze ans jugée «consentante» après une relation sexuelle avec un adulte (26.09.2017)
  • Par  Valérie Samson 
  • Mis à jour le 26/09/2017 à 20:34 
  • Publié le 26/09/2017 à 19:58
Le procès qui devait se tenir mardi à Pontoise est renvoyé au 13 février. La famille de la victime veut voir les faits requalifiés en «viol», alors que la justice n'a reconnu qu'une «atteinte sexuelle».
Un homme de 28 ans sera jugé en février à Pontoise pour avoir eu une relation sexuelle avec une enfant de 11 ans. Des faits qualifiés d'«atteinte sexuelle», que la famille veut voir requalifiés en «viol». Le procès de cette affaire, révélée par Médiapart, et qui devait à l'origine se tenir ce mardi devant le tribunal correctionnel de Pontoise (Val-d'Oise), a été renvoyé au 13 février, le temps d'examiner une question de procédure soulevée par la défense.
Les faits se sont produits le 24 avril à Montmagny, dans le Val-d'Oise. Ce jour-là, Sarah, une enfant de 11 ans, a suivi un homme, qui l'avait déjà abordée à deux reprises, jusqu'à son appartement où ils ont eu une relation sexuelle. Les enquêteurs ont considéré que cette relation était consentie car aucune contrainte physique n'a été exercée sur la mineure. La famille de la fillette conteste la qualification d'«atteinte sexuelle», expliquant que la fillette n'était «pas consentante» et que la relation subie correspond pénalement au viol puisqu'il y a eu pénétration. La mère de Sarah a décrit une enfant tétanisée, incapable de se défendre.
«Subir, ce n'est pas consentir»
Placé depuis mai sous contrôle judiciaire, le prévenu, par ailleurs père de deux enfants, est donc renvoyé pour «atteinte sexuelle sur une mineure de moins de quinze ans» car le parquet de Pontoise a estimé «que dans le cas d'espèce, il n'y avait eu ni violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise», selon une source proche du dossier. Au contraire, pour Me Carine Diebolt, l'avocate de la plaignante, «dans ce dossier on peut retenir l'absence de consentement» et tous les critères qui fondent l'agression sexuelle, sinon le viol: «la contrainte morale» -résultant de la différence d'âge-, «l'effet de surprise», «la violence» -«il s'est montré agressif dans l'ascenseur»- et même «la menace» -«il a menacé de ruiner sa réputation dans la cité si elle parlait»-.
Cité par Mediapart, Me Diebolt, spécialiste de ces questions, fait l'analyse suivante: «Beaucoup de magistrats n'ont pas été formés à ces questions et ne connaissent pas les mécanismes du cerveau lors d'un viol. La sidération et la dissociation conduisent à l'anesthésie. On ne ressent plus sa peur, comme l'a analysé la psychiatre Muriel Salmona. C'est d'autant plus vrai pour un enfant. Dans les films, on se débat. Mais dans la vie réelle, on est souvent tétanisé. Comme le disait Gisèle Halimi, “subir, ce n'est pas consentir”. Et l'agresseur n'a pas pu se méprendre sur le rejet et la détresse de Sarah».
Une exception française
De fait, le ministère public s'est fondé sur l'article 227-25 du code pénal, qui stipule que «le fait, par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur un mineur de 15 ans est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende». Il n'existe dans le Code pénal aucune atténuation à ce principe lorsque la victime est un enfant. Depuis 2005, la Cour de cassation considère cependant que la contrainte est présumée pour les enfants en «très bas âge». L'âge de la majorité sexuelle est fixé à 15 ans en France, en référence à l'âge de la puberté. En-dessous de cette limite, toute relation sexuelle avec un majeur équivaut à une «atteinte sexuelle», même si le mineur est consentant. Quant au viol, il se caractérise par la violence, la contrainte ou la surprise - donc l'absence de consentement - et est passible, quand la victime est mineure, de 20 ans de réclusion criminelle.
Une spécificité du droit français qui fait bondir les associations féministes et de protection des victimes. «La question du consentement ou de son absence ne devrait jamais se poser pour les mineur(e)s victimes de viol», a abondé l'association La Voix de l'Enfant dans un communiqué. Comme il l'avait déjà fait dans un avis publié en octobre 2016, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a une nouvelle fois réclamé qu'un seuil soit fixé par la loi - par exemple l'âge de 13 ans - en dessous duquel on ne puisse présumer que le mineur a consenti à l'acte sexuel. Ce qui d'ailleurs existe dans nombre de pays voisins. Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie, estime que ce seuil devrait être porté à quinze ans. En Angleterre et en Suisse, par exemple, la loi fixe à 16 ans la «présomption irréfragable d'absence de consentement du mineur victime d'actes sexuels». Ce qui veut dire qu'en dessous de cet âge, la justice estime qu'il ne peut y avoir de consentement. C'est donc la qualification de viol qui est automatiquement retenue.

Blanquer contre les «pédagos»: la bataille ne fait que commencer (27.09.2017)
  • Par  Barbara Lefebvre 
  • Publié le 27/09/2017 à 15:43
FIGAROVOX/TRIBUNE - Le départ de Michel Lussault est encore un signe du désaccord entre Jean-Michel Blanquer et les «pédagos». Barbara Lefebvre précise que rien n'est gagné pour le ministre qui doit maintenant imposer ses idées plus profondément rue de Grenelle.
Barbara Lefebvre est professeur d'histoire-géographie, elle a publié notamment Élèves sous influence (éd. Audibert, 2005) et Comprendre les génocides du 20è siècle. Comparer - Enseigner(éd. Bréal, 2007). Elle est co-auteur de Les Territoires perdus de la République (éd. Mille et une nuits, 2002).

Autant le dire d'entrée de jeu, cette démission est le nom de… pas grand-chose.
D'ailleurs cette démission en est-elle vraiment une?
Que Jean-Michel Blanquer l'y ait poussé ou que Lussault soit parti de lui-même, le sens de ce départ est le même : la disparition du cénacle entourant Najat Vallaud-Belkacem se poursuit.
Que Jean-Michel Blanquer l'y ait poussé ou que Lussault soit parti de lui-même, le sens de ce départ est le même: la disparition du cénacle entourant Najat Vallaud-Belkacem se poursuit.
Après l'affectation comme rectrice à Nancy-Metz (beau recasage tout de même) de Florence Robine ancienne Dgesco, véritable cerveau de la ministre, voici le tour du président du Conseil Supérieur des Programmes également nommé sous Vallaud-Belkacem. L'agrégé de géographie, ancien président de l'université de Tours, sa ville natale, vient donc d'annoncer sa démission dans le quotidien Le Monde.
On s'attendait à une telle déclaration dans Libé, les Inrocks, voire le Bondy Blog, mais il est resté sobre. Homme de gauche fidèle au PS, c'est que ça l'agace d'être vu comme un gauchiste de salon ou devrait-on dire un pédagauchiste. C'est pourtant lui qui disait admirer les mobilisations de rue de Podémos et Nuit debout et avait offert une tribune aux adversaires haineux du «récit national» lors des auditions du CSP. Passons.
Fondé par Vincent Peillon, le CSP succédait au Haut Conseil à l'éducation crée sous le ministère Fillon en 2005 qui remplaçait lui-même le Conseil National des Programmes fondé en 1989 sous le ministère Jospin. Les socialistes revenus aux affaires installent donc le CSP en octobre 2013.
Les missions de ces conseils successifs sont identiques: rendre des avis au ministre sur les programmes, les connaissances et compétences à acquérir par les élèves dont le niveau monte comme chacun le constate… Mais il est des ministres de droite et de gauche qui, pour exister ou laisser une trace, eurent besoin de créer un comité Théodule de plus.
Ce méli-mélo tue à petits feux l'Education nationale depuis quarante ans, il a un nom: la basse politique. Et
Pendant que la politique politicienne joue sa médiocre partition, l'idéologie pédagogique prospère à l'abri des nominations dans ces comités et conseils qu'il faut bien alimenter en « experts ».
pendant que la politique politicienne joue sa médiocre partition, au dépens des élèves et des enseignants qu'elle méprise avec la morgue technocratique qui la caractérise, l'idéologie pédagogique prospère à l'abri des nominations dans ces comités et conseils qu'il faut bien alimenter en «experts».
Le CSP, devant nourrir la réflexion du Mammouth, se voulait une instance scientifique autonome et transparente. Pour la neutralité politique, on repassera: les prises de position publique de différents membres, le profil idéologique de personnes «expertes» auditionnées et la proximité connue et revendiquée de son président avec le PS ont largement démontré que le CSP était fait pour servir la ligne idéologique du ministère Vallaud-Belkacem.
Il ne s'agit d'ailleurs ni d'une infamie, ni d'un scandale. A l'Education nationale, comme dans d'autres ministères, les directeurs de telle ou telle institution sont nommés par le pouvoir en place et en reflètent les orientations. C'est même logique.
Mais ce qui est inlassablement surprenant, pour ne pas dire fascinant, avec la gauche c'est que lorsqu'elle est au pouvoir, elle prétend ne pas pratiquer ces nominations de connivence. Elle est morale, intègre sur le plan intellectuel, elle! La gauche sait laisser experts et intellectuels (les vrais pas les «pseudo-intellectuels») faire leur travail en toute indépendance.
Avec le CSP dirigé par Michel Lussault, on a été bien servi en matière d'indépendance vis-à-vis du ministère, de «structure non partisane», au point que plusieurs de ses membres ont démissionné, dénonçant le parti-pris politique de la commission. Il est de notoriété publique que Michel Lussault s'entretenait régulièrement avec sa ministre pour la tenir informée en temps réel de l'avancée des travaux du CSP sur «sa réforme» des programmes.
Michel Lussault n'a fait qu'obéir aux désidératas de Najat Vallaud-Belkacem, et pour cause il était d'accord avec elle sur toute la ligne, dès le départ.
Michel Lussault n'a fait qu'obéir aux désidératas de Najat Vallaud-Belkacem, et pour cause il était d'accord avec elle sur toute la ligne, dès le départ. Lorsqu'on a pour mission officielle de revoir de fond en comble, en moins d'un an, tous les programmes scolaires de la maternelle à la 3ème mis sous la forme de cycle de trois ans, n'importe quel observateur un peu connaisseur de l'Education nationale et de l'enseignement perçoit l'absurdité de la mission.
Pas Michel Lussault, qui trouvait cela «très stimulant et exaltant» (Libération, 10 juin 2015). Tout était en fait organisé d'avance. Un travail en parfaite harmonie entre le CSP soi-disant autonome et le ministère qui savait où il voulait aller avec son armada de conseillers et de pédagos acquis à l'idée du déracinement culturel des savoirs, à la promotion de l'interdisciplinarité et autre «pédagogie de projet» pour désennuyer les «enfants».
Sans oublier la pincée de numérique! La rue de Grenelle vouait un culte à l'égalitarisme qu'on appelle dans le langage courant «la promotion de l'égalité des chances». En son nom, on a achevé de tuer les lettres classiques déjà attaquées par la droite au nom de l'économisme (excepté sous le ministre Darcos), on a éliminé les classes européennes qui permettaient à des élèves de tirer leur épingle du jeu dans certains Territoires perdus de la République.
Malgré ses dénégations, Lussault avait bien validé la poursuite de la fameuse didactique de l'entrée thématique dans l'enseignement de l'histoire aux dépens de la chronologie.
On a continué de réduire la place de la littérature au profit d'activités pédagogiques transdisciplinaires où le ridicule le disputait à la malhonnêteté intellectuelle. Malgré ses dénégations, Lussault avait bien validé la poursuite de la fameuse didactique de l'entrée thématique dans l'enseignement de l'histoire aux dépens de la chronologie, il rêvait même que les enseignants composent, un jour, leur programme à leur guise.
On connaît ces militants de «l'histoire-problème», expression plus chic que dire qu'on va enseigner l'histoire quasi exclusivement sous l'angle des déclassés de l'histoire, des minorités et autres opprimés de père en fils.
Lussault et ses amis ont bien compris comment réduire à néant l'épithète «nationale» du ministère. Toute opposition aux idées du CSP fut caricaturée comme réactionnaire et passéiste (islamophobe en cas de danger suprême menaçant la doxa). La diabolisation des opposants à la réforme des programmes tua le débat dans l'œuf en 2015 quand des fuites informèrent l'opinion du désastre qui s'annonçait.
Les programmes furent à peine modifiés: l'idée de rendre des thèmes obligatoires et d'autres facultatifs fut abandonnée. Ces programmes tout comme la réorganisation en cycle de trois ans (qui reporte par exemple à la fin du CE2 la maitrise de la lecture!) ont été rejetés par l'immense majorité des enseignants dont la grogne fut ignorée par la ministre persuadée d'incarner, à elle seule, le Camp du bien et du progrès.
Comme toujours, on a compté sur le sens du devoir et le professionnalisme des enseignants. Hier comme aujourd'hui, ils appliquent les inepties que des idéologues ont pensées sans eux, contre eux. Ou plutôt contre les savoirs, contre la culture qui fonde le commun d'une civilisation.
Si le départ de Michel Lussault signifie qu'on en a fini avec cette vision égalitariste et donc niveleuse de l'enseignement, cela pourrait être profitable à l'Ecole, c'est-à-dire d'abord à nos élèves qui ont besoin qu'on leur transmette des savoirs solides et explicites.
Mais Michel Lussault n'est pas le responsable de l'aggravation d'un désastre scolaire qui se poursuit depuis trois décennies, gouvernement après gouvernement.
Démissionner les têtes pensantes du désastre est un premier pas, mais il faut reconstruire derrière. Michel
Démissionner les têtes pensantes est un premier pas, mais il faut reconstruire derrière. Michel Lussault ou Florence Robine ne sont que des figures symboliques d'un courant d'idées très puissant.
Lussault ou Florence Robine ne sont que des figures symboliques d'un courant d'idées très puissant par ailleurs. Et actif politiquement avec un net glissement actuellement du PS vers la France insoumise, voire chez certains une connivence à peine dissimulée pour le camp indigéniste du PIR et autres «racisés» pourfendeurs des «paniques identitaires».
Ces pédagos se disent en résistance depuis la nomination de Jean-Michel Blanquer qu'ils caricaturent en réactionnaire de la pire espèce. Pourtant depuis son arrivée, l'essentiel de ses mesures a été orienté en faveur des élèves de ZEP et de REP +. Le latin et le grec, comme les classes européennes, ne font l'objet d'aucune mesure officielle: le ministre laisse leur rétablissement à l'appréciation de chaque établissement.
Aucune remise en cause des Enseignement Pratiques Interdisciplinaires (EPI) qui volent des heures d'enseignement pour des activités sans lendemain où domine le ludique. Le ministre a annoncé dès sa prise de fonction qu'il ne retoucherait pas les programmes scolaires de son prédécesseur.
On le voit, les pédagos n'ont donc pour le moment que peu de raison de s'affoler. Même sur la méthode phonologique (syllabique) qu'il promeut à juste titre, le ministre rappelle sa confiance dans l'expertise de chaque enseignant, autant dire qu'on continuera de voir au sein d'une même école élémentaire des pédagogies à géométrie variable, selon «l'expertise» des maîtres…
Le magistère des pédagos demeure intact à l'université où ils dominent dans les «sciences de l'éducation» et dans les Espé où ils continuent d'avoir la main sur la formation des enseignants.
En outre, au ministère même - au sein de la Dgesco par exemple - des fonctionnaires ont été confirmés dans leur poste voire fraichement nommés - notamment à l'Inspection générale - dans les dernières semaines du ministère Vallaud-Belkacem, et ceux-là sont indéboulonnables. Ils font partie des centaines de petites mains du ministère, celles chargées de mettre en musique la partition du ministre.
On le voit, à l'instar de Michel Lussault, les démissions de quelques chefs d'orchestre montrent que la rue de Grenelle voudrait jouer une autre partition, mais dans l'orchestre, il n'est pas sûr que tous les musiciens soient prêts à jouer la même musique.
Jean-Michel Blanquer aime la grande musique, espérons qu'il ne soit pas déçu de voir sa partition finir en rap.
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Carole Barjon : «Une victoire par K.-O. de Jean-Michel Blanquer sur les pédagogistes»
Par Eugénie Bastié
Publié le 26/09/2017 à 19h59
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Michel Lussault a démissionné du poste de président du Conseil supérieur des programmes. Pour l'auteur de Mais qui sont les assassins de l'école ? (Robert Laffont) *, c'est la victoire du pragmatisme sur l'idéologie.
LE FIGARO. - Michel Lussault a annoncé hier sa démission au poste de président du Conseil supérieur des programmes. Vous l'aviez classé dans votre livre parmi les «assassins de l'école». Sa démission est-elle surprenante?
Carole BARJON. - C'est une victoire par K.-O. de Jean-Michel Blanquer sur les pédagogistes. Il fallait s'y attendre. En démissionnant, Michel Lussault est cohérent: sa vision de l'Éducation nationale était strictement opposée à celle du ministre. Il laisse les mains libres à ce dernier pour mener une politique en rupture historique avec les gouvernements des trente dernières années. Michel Lussault incarne une vision de l'éducation héritée de la loi Jospin de 1989, qui a consacré la victoire de ce qu'on a appelé les pédagogistes (en opposition aux pédagogues). L'idée fondatrice de cette loi était de mettre l'élève, et non plus le savoir, au centre du système, comme participant à l'élaboration de sa propre éducation. Lussault se situait dans cette lignée. Il a été directeur de l'Institut français de l'éducation, un avatar de l'Institut national de la recherche pédagogique, que dirigeait Philippe Meirieu, le pape des pédagogistes, conseiller de Jospin puis d'Allègre.
Le Conseil supérieur des programmes (CSP) est-il un lieu de pouvoir décisif pour orienter l'Éducation nationale?
L'Éducation nationale reconnaît la liberté pédagogique des enseignants. Mais les programmes fixent un cadre, une orientation et les formateurs des enseignants doivent s'y référer. Le CSP a par exemple introduit en grammaire la notion de prédicat, qui n'existait pas auparavant. «La grammaire n'est pas un dieu», disait Michel Lussault. On a donc cessé de l'enseigner en tant que telle, pour l'étudier à l'occasion de la lecture d'un texte. C'est un choix totalement contestable, car construire une phrase, c'est déjà raisonner.
Quels sont les ingrédients de ce «pédagogisme» tant décrié?
«Il y a aussi l'influence décisive de Bourdieu, qui a fait de l'école le lieu d'une “violence symbolique” et du “capital culturel” un facteur d'inégalité»
Si les nouvelles pédagogies sont toxiques, tout l'échec de l'école ne leur incombe pas: il y a eu aussi et surtout la réduction des heures de français, l'étalement dans le temps de l'apprentissage de la lecture, le manque de moyens. Mais le pédagogisme a certainement une responsabilité considérable. C'est la conjugaison de plusieurs mouvements. D'abord, l'importation de méthodes anglo-saxonnes d'éveil de l'enfant, qui insistaient sur l'attention portée à l'élève, la nécessité de comprendre avant d'apprendre (or, pour la lecture, cela ne fonctionne pas). Puis il y a eu Mai 68, et la remise en cause globale de l'autorité et notamment celle du professeur. L'idée que l'épanouissement personnel de l'enfant était plus important que l'apprentissage de connaissances. Il y a aussi l'influence décisive de Bourdieu, qui a fait de l'école le lieu d'une «violence symbolique» et du «capital culturel» un facteur d'inégalité. Enfin, on peut citer la place grandissante accordée à la linguistique, c'est-à-dire à la structure du langage, plutôt qu'à la littérature, dans les programmes.
«Nous n'avons pas réglé la question de la démocratisation de l'école», a déclaré Michel Lussault. Est-ce là un aveu d'échec? Les pédagogistes n'ont pas rempli leur promesse d'une école plus juste?
«Les nouvelles pédagogies peuvent fonctionner dans des petites structures comme les écoles Montessori, qui coûtent très cher et ne sont abordables que pour des familles aisées»
C'est tout le paradoxe. Les pédagogistes étaient mus par les plus belles intentions du monde (réduction des inégalités, justice sociale) mais ils n'ont réussi qu'à récolter une école plus inégalitaire. Les inégalités scolaires ont fortement augmenté, toutes les études le prouvent. Pourquoi? Parce que les nouvelles pédagogies peuvent fonctionner dans des petites structures comme les écoles Montessori, qui coûtent très cher et ne sont abordables que pour des familles aisées, mais ne sont pas généralisables à grande échelle.
L'école doit-elle être le lieu de l'égalité?
Il y a une ambiguïté sur le terme d'égalité. Si on parle d'égalité des chances, alors il est évident que c'est la mission de l'école. Mais certains sociologues comme François Dubet luttent contre l'égalité des chances, considérée déjà comme une forme d'inégalité. Ils veulent une égalité de résultats et donc supprimer tout ce qui pourrait établir une distinction de niveau entre les élèves.
Pour Lussault, le nouveau ministre Jean-Michel Blanquer satisfait les «bas instincts» des «réactionnaires»…
Je m'interroge sur la formule «bas instincts». Désigne-t-elle les instincts de ceux qui applaudissent au retour des devoirs surveillés? À l'interdiction des portables dans les classes? Au dédoublement des classes de CP en zones difficiles? Michel Lussault évoque le fait que le ministre ait fait les couvertures de Causeur et de Valeurs actuelles: il a fait aussi celle de L'Obs. Michel Lussault montre par là qu'il est avant tout idéologue.
Jean-Michel Blanquer, lui, n'est pas un idéologue?
Blanquer est avant tout un pragmatique qui a compris que le fait de revenir à des méthodes éprouvées n'était pas un crime mais une nécessité. Il a eu le courage d'installer l'idée de «retour». Ses réformes sont populaires, ce qui prouve que les excès du pédagogisme n'ont plus le vent en poupe. J'aurais un bémol cependant: il doit rester vigilant et protéger l'école de tous ceux pour qui elle est devenue un marché potentiel. L'introduction des grandes entreprises du numérique à l'école peut être problématique. Attention à ne pas glisser de l'ultra-égalitarisme à l'ultralibéralisme!
*Rédactrice en chef adjointe au service de politique intérieure de L'Obs.
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 27/09/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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L’inactivité physique a considérablement progressé en France (26.09.2017)
En cause, le temps moyen passé devant les écrans chaque jour, qui a augmenté de 53% depuis 2006.
L’inactivité physique et la sédentarité liée à «un usage massif» des écrans (smartphones, tablettes, etc.) gagne du terrain dans la population française, selon une étude rendue publique mardi par Santé publique France. L’Agence sanitaire propose de nouveaux outils pour combattre cette évolution néfaste à la santé.
La sédentarité, le temps passé assis ou allongé en dehors des temps de repas et de sommeil, est un facteur de risque pour des maladies comme le diabète, ou des problèmes cardiaques, qui s’ajoute au risque que constitue l’inactivité physique. Or entre 2006 et 2015, la durée quotidienne moyenne de temps passé devant les écrans chez les adultes a augmenté de 53% (+44% pour les hommes et + 66% pour les femmes), selon Santé publique France.
Ce temps devant les écrans est passé en moyenne de 3 heures 10 par jour à 5 heures 07, a déclaré à l’AFP le chercheur Benoît Salanave, co-auteur de l’étude nommée Esteban (Etude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition). L’étude a été réalisée d’avril 2014 à mars 2016, en France métropolitaine sur un échantillon national représentatif de 2.678 adultes et 1.182 enfants de 6 à 17 ans.
La proportion d’adultes passant 3 heures ou plus devant leur écran, en dehors de leur activité professionnelle, a ainsi atteint 80% en 2015. Un constat «alarmant», selon le chercheur. «Chez les enfants, parmi lesquels l’activité physique n’a guère progressé et même s’est dégradée chez les 6-10 ans, le temps passé devant les écrans augmente quel que soit l’âge», souligne Benoît Salanave.
Les femmes de 40 à 54 ans beaucoup moins actives
Chez les adultes, en 10 ans, on observe une «baisse préoccupante» (- 16 %) de la proportion de femmes physiquement actives et ce de façon plus prononcée chez celles de 40-54 ans (-22%), selon l’étude Esteban 2015. Sur la même période (entre 2006 et 2015), la proportion d’hommes physiquement actifs a augmenté de 10%, essentiellement parmi les 40-54 ans.
Seulement un peu plus de la moitié des femmes satisfont aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en matière d’activité physique, contre 70% des hommes. Or, l’inactivité physique est le quatrième facteur de risques de maladies non transmissibles (diabète, maladies cardiovasculaires, certains cancers...) impliquées dans plus de trois millions de morts évitables, d’après l’OMS, rappelle Santé publique France. Plus préoccupant encore, selon l’agence sanitaire, plus d’une femme sur cinq cumule sédentarité élevée et inactivité physique.
Au moins 150 minutes d’activité physique par semaine
Selon l’étude Esteban en 2015, 61% des adultes de 18 à 74 ans ont un niveau activité physique remplissant les recommandations de l’OMS pour limiter les risques de maladies non transmissibles: au moins 150 minutes «d’activité d’endurance d’intensité modérée» par semaine, ou au moins 75 minutes «d’activité d’endurance d’intensité soutenue». Une activité d’endurance d’intensité modérée correspond par exemple à une marche soutenue (6-7 km/h) pendant au moins 1/2 heure.
«La hausse importante des comportements de sédentarité que nous mesurons dans nos études doit trouver sa réponse dans la mise en place d’actions de prévention et d’information ciblées, scientifiquement évaluées, permettant à chacun d’adopter des solutions adaptées pour maintenir son activité physique», commente le Pr François Bourdillon, directeur général de Santé publique France.
Pour aider les Français, et plus particulièrement les femmes, à augmenter leur activité physique et à diminuer le temps passer assis, l’agence sanitaire a développé de nouveaux outils sur le site mangerbouger.fr (rubrique «bouger plus»).
Ils permettent de s’informer, d’évaluer son niveau d’activité physique et de piocher dans un catalogue des activités de différentes intensités parmi les 87 proposées.



Big Bang Santé, Maison de la Chimie à Paris, le 26 octobre 2017, de 8h30 à 19 heures

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Faire le ménage est bon pour le cœur (26.09.2017)
  • Par  Jean-Luc Nothias 
  • Mis à jour le 26/09/2017 à 19:33 
  • Publié le 26/09/2017 à 19:33
Une vaste étude menée par des Canadiens montre qu’il faudrait réintroduire des activités physiques obligées dans nos modes de vie sédentaires.
On ne le répétera jamais assez: toute activité physique est bonne pour le corps et le cœur. Que ce soit faire le ménage, marcher pour aller au travail, pour faire les courses ou effectuer une séance de gymnastique en salle, tout cela peut concourir à prévenir les problèmes cardiovasculaires. C’est ce que démontre une vaste étude menée par des Canadiens: l’étude PURE (Prospective Urban Rural Epidemiology), dont les derniers résultats sont publiés dans The Lancet .
Elle porte sur 153.996 personnes (57,9 % de femmes), vivant dans 17 pays, à PNB élevé (Canada, Émirats arabes unis et Suède), intermédiaire élevé (Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Chili, Malaisie, Pologne et Turquie), intermédiaire bas (Chine, Colombie, Iran) ou bas (Bangladesh, Inde, Pakistan et Zimbabwe). Ces personnes sont établies en milieu urbain (348 communautés) aussi bien que rural (280 communautés).
Atteindre les 150 minutes hebdomadaires d’activité physique pendant sept ans diminue le risque global de décès de 8 %.
Les chercheurs ont voulu savoir si ces personnes satisfaisaient ou non aux recommandations internationales qui sont d’un minimum de 30 minutes d’activité par jour ou de 150 minutes par semaine. Seules 3 % des personnes suivies atteignent ce niveau pendant leur temps de loisirs, mais 38 % le font sans faire de sport en plus de leurs activités quotidiennes. Le bénéfice sur la réduction des risques est net, mais insuffisant. Ainsi, le risque d’attaque cardiaque est réduit de 20 %. Atteindre les 150 minutes hebdomadaires pendant sept ans diminue le risque global de décès de 8 %.
Pour les réalisateurs de PURE, il faudrait réintroduire des activités physiques obligées dans nos modes de vie sédentaires. C’est le mode de vie et l’organisation urbaine dans son ensemble qu’il faut repenser, estiment-ils.
Il existe des différences importantes entre les pays à haut et à bas PNB. Ainsi, si l’activité physique de loisirs augmente avec le PNB, dans le même temps, l’activité physique «obligée» (activités professionnelle et domestique, transports…) diminue fortement. Les pays riches ne regagnent ainsi dans les loisirs qu’environ un quart de l’activité perdue à travers la sédentarisation professionnelle et la motorisation des transports. Le Pr Salim Yusuf (McMaster University), à la tête de PURE, a toutefois reconnu que le niveau optimal d’activité physique sur le plan sanitaire n’était pas connu.

Big Bang Santé, Maison de la Chimie à Paris, le 26 octobre 2017, de 8h30 à 19 heures

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Gonfler ses muscles pour faire grossir son cerveau ?

  • Publié le 30/11/2016 à 14:20
Deux études permettent de mieux comprendre comment le sport est bénéfique pour les fonctions cognitives.
Détendu et de meilleure humeur, mais aussi plus apte à se concentrer sur des tâches difficiles: l’esprit sain dans un corps sain n’est plus une supplique adressée aux dieux, mais bel et bien une réalité biologique. Et de nombreuses études montrent que l’activité sportive a une influence sur la santé de notre cerveau.
Des travaux présentés mercredi 30 novembre 2016 au congrès annuel de la Société radiologique d’Amérique du Nord (RSNA) apportent une nouvelle preuve des modifications cérébrales provoquées par le sport. Les auteurs ont fait faire de l’exercice, 4 fois par semaine et durant six mois, à 35 adultes atteints de troubles cognitifs légers (MCI), connus comme plus à risque de développer une maladie d’Alzheimer. 16 d’entre eux participaient à des activités aérobies (qui améliorent la consommation d’oxygène par l’organisme: ici, course sur tapis roulant, vélo d’appartement ou elliptique); les 19 autres faisaient des exercices d’étirements musculaires. Des IRM cérébrales ont été réalisées avant et après la période d’exercice.
Plus de matière grise
Dans les deux groupes, le volume de matière grise avait augmenté dans la plupart des régions cérébrales, notamment le lobe temporal impliqué dans la mémoire à court terme. Cependant, les auteurs notent que seuls les membres du groupe «exercices aérobies» ont vu une amélioration notable de leurs fonctions exécutives. L’augmentation de volume de matière grise tendait à être supérieur chez eux et, parmi les participants au groupe «étirements», une atrophie localisée dans la matière blanche (qui contient les fibres nerveuses reliant les aires de la substance grise et transmettant les informations entre neurones) a été observée. Les auteurs émettent l’idée que l’exercice aérobie serait donc plus efficace, mais il fut cependant noter que les participants du groupe aérobie étaient en moyenne plus jeunes (63 ans) que ceux du groupe étirements (67 ans).
S’il ne fait plus guère plus de doute que le sport agit sur notre cerveau, reste à en expliquer les mécanismes. Dans des travaux publiés en juin dans Cell Press, puis présentés mi-septembre au congrès de l’Association européenne pour l’étude du diabète selon le site d’informations médicales Medscape, une équipe du département de neurosciences des National Institutes of Health (NIH) à Baltimore (États-Unis) suggère que les muscles sécrètent lors de l’exercice des substances véhiculées jusqu’au cerveau via la circulation sanguine.
Les muscles commandent au cerveau
L’équipe a identifié l’action d’une protéine produite par les cellules des muscles en réponse à la contraction musculaire, la cathepsine-B. Cette protéine voyait son taux augmenté dans le sang de souris actives, mais pas dans celui des souris sédentaires; or les souris actives avaient une meilleure mémoire spatiale, et la «pousse» de neurones était activée dans leur cerveau. Les chercheurs ont alors travaillé avec des rongeurs manipulés génétiquement pour ne plus produire cette protéine: contrairement aux souris normales, l’activité n’améliorait plus leurs fonctions cognitives ni n’augmentait leur neurogenèse.
Les auteurs ont ensuite suivi 43 jeunes adultes, 20 d’entre eux soumis à une activité physique intense (trois fois par semaine, à 70 à 80% de leur rythme cardiaque, pendant 45 à 75 minutes), les autres à une activité physique modérée (deux fois par semaine, 50% de leur rythme, 10 à 15 minutes). Au bout de 4 mois de ce régime, les premiers avaient une meilleure forme physique, des taux de cathepsine-B plus élevés, et de meilleures performances mémorielles.
Point besoin d’inventer la «pilule du sport» elle est sans doute en vous: faites donc gonfler vos muscles, et votre cerveau grossira...
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Luc Ferry : «L'État Audimat» (27.09.2017)
Par Luc Ferry
Publié le 27/09/2017 à 16h34
CHRONIQUE - Dans la sphère politique, qu'il s'agisse des JO, du limogeage d'un général ou du Code du travail, toutes les décisions se ramènent finalement à la « com ».
Pendant longtemps, j'ai cru, comme beaucoup d'entre vous sans doute, que la logique de l'Audimat était un travers de la société politico-médiatique, un défaut parmi d'autres dans un univers hyper-narcissique marqué par des bouffées de démagogie. Comme vous aussi, probablement, j'ai tenté de me rassurer en me disant qu'il suffirait peut-être d'un «sursaut moral», d'un peu de rigueur intellectuelle, pour contenir ces «déviations» dont l'esprit critique allait peu à peu nous rendre tous conscients. Aujourd'hui, je mesure ce qu'un tel diagnostic avait de paresseux et de superficiel. J'ai compris que la logique de l'Audimat n'était pas un travers particulier d'un secteur lui aussi particulier de la société moderne, le secteur politico-médiatique, mais en réalité la structure la plus intime d'un univers globalisé dans lequel nous sommes tous aujourd'hui embarqués. Que nous ayons des électeurs ou des clients, des lecteurs, des spectateurs, des patients ou des admirateurs, cela revient au fond au même: nous sommes tous plus ou moins enrôlés dans cette logique de l'Audimat généralisé et le courage ou la lâcheté des uns ou des autres ne dépend en réalité que du plus ou moins grand taux d'exposition aux inconvénients de la vie médiatique.
Par exemple, de nombreux chefs d'entreprise ont pris l'habitude de dénoncer le manque de courage des politiques, mais eux ne sont pas élus, ils peuvent licencier les collaborateurs qui leur déplaisent, un président de la République peut difficilement se débarrasser de son peuple ou de ses opposants. Du reste, lorsque des grands patrons sont pris dans la tourmente médiatique, lorsque, pour donner un exemple que j'ai pu observer de près, ils font l'objet d'un boycott organisé par de puissantes organisations d'écologistes, ils deviennent dans le quart d'heure des militants verts de la plus belle eau. Il serait hélas facile de montrer que dans la sphère politique, qu'il s'agisse des JO, du limogeage d'un général ou du Code du travail, toutes les décisions se ramènent finalement à la «com».
Comment dès lors faire en sorte que l'État ne devienne pas, comme on le voit en temps réel sous nos yeux, un «État Audimat» qui transforme peu à peu les ministères en hyper-agences de pub?
Notre président a ainsi multiplié les gestes symboliques d'autorité pour se sculpter en chef des armées jupitérien. Il s'est ensuite posé en grand réformateur, allant jusqu'à signer ses ordonnances devant les caméras. Mélenchon lui sert de formidable faire-valoir, démontrant aux yeux de tous qu'il ne cède pas devant les fainéants, qu'il est capable de fermeté, ce qui lui vaudra un beau regain de popularité dans l'électorat de droite, et même le respect de ses opposants qui, tout bien pesé, n'apprécient guère qu'on leur cède trop aisément, leurs gesticulations ayant pour principale finalité de mettre en scène leur posture de révolutionnaires. Jeu de miroir dont tous les protagonistes sortent bénéficiaires. Les réponses moralisatrices qu'on oppose d'ordinaire à la logique de l'Audimat sont à des années-lumière d'être au niveau du problème. Parce que l'Audimat n'est pas un phénomène de surface, mais l'essence la plus intime de la politique comme technique. Située radicalement hors éthique, elle se caractérise désormais par le culte de la performance, par la mise en scène narcissique de soi indépendamment de toute finalité objective autre que son propre succès médiatique.
Comment dès lors faire en sorte que l'État ne devienne pas, comme on le voit en temps réel sous nos yeux, un «État Audimat» qui transforme peu à peu les ministères en hyper-agences de pub? C'est là que se situe à mes yeux le véritable enjeu d'une moralisation réelle de la politique, la loi votée dernièrement n'ayant pas même effleuré le sujet. La vérité, c'est que rien ne se fera sans une plus grande intelligence de l'opinion publique elle-même. C'est d'un peuple plus éclairé que nous avons besoin pour contrecarrer les effets dévastateurs de la communication déchaînée, pour éviter le devenir Audimat de la démocratie politique mais aussi journalistique, culturelle et intellectuelle.
L'utopie démocratique ne redeviendra crédible et viable qu'avec une opinion suffisamment consciente des réalités économiques pour être par elle-même en mesure de dépasser les mirages de la communication. Dans l'idéal, c'est d'elle, et pas de l'Élysée, que devrait venir la demande impérieuse de réformer en profondeur le marché du travail, les retraites, la formation professionnelle ou la protection sociale des nouveaux visages du travail, de même que c'est d'elle que devrait venir le refus de cette absurdité qui consiste à engloutir des sommes astronomiques dans des Jeux olympiques qui ne préparent en rien l'avenir de nos enfants.

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Catalogne : Madrid s'attaque à la logistique du référendum (27.09.2017)
  • Par   Le figaro.fr 
  • Mis à jour le 27/09/2017 à 09:58 
  • Publié le 27/09/2017 à 09:07
VIDÉO - Le gouvernement espagnol, opposé à la tenue du référendum sur l'indépendance de la région, est décidé à viser tous les mécanismes de l'organisation du scrutin.
À quatre jours de la date prévue pour le référendum sur l'indépendance de la Catalogne, personne ne sait dans quelles conditions la consultation va se dérouler. Le bras de fer se poursuit entre l'État espagnol et les indépendantistes. Le premier, farouchement opposé à sa tenue, est décidé à utiliser tous les moyens possibles pour empêcher la tenue du scrutin, qu'il juge illégal. Les seconds sont tout aussi déterminés à ce que le vote ait lieu, quelles que soient les modalités pratiques.
Les lieux de vote sous scellé
Après avoir utilisé les pressions judiciaires, Madrid a décidé mardi de s'attaquer aux moyens logistiques des indépendantistes. La police régionale a été dépêchée pour mettre sous scellé les lieux pouvant servir de bureaux de vote potentiels dimanche. Une zone de 100 mètres autour de ces derniers va être mise sous surveillance afin que le vote n'ait pas lieu à proximité, dans un bâtiment adjacent ou dans la rue.
Les personnes pouvant potentiellement prêter leurs locaux pour la tenue du référendum, tels que les directeurs d'école ou d'administration, ont été averties de «leur obligation de ne pas céder» aux pressions des indépendantistes sous peine d'éventuelles poursuites. Plus de 700 mairies catalanes sur 948 s'étaient dites disposées à participer à la consultation. En revanche, cinq des dix plus grandes villes n'ont pas voulu s'impliquer.
La police et la Garde civile ont déjà saisi près de 10 millions de bulletins de vote et quelque 45.000 convocations d'assesseurs. Et 59 sites internet de promotion ou d'information sur le référendum ont été fermés.
Tension palpable
En fin de semaine dernière, 14 hauts responsables du gouvernement régional ont été arrêtés. Les membres de la commission électorale ont dû démissionner, menacés d'une amende de 12.000 euros par jour. Le procureur général espagnol a suggéré en début de semaine qu'il était possible d'arrêter le président régional catalan, Carles Puigdemont, fervent soutien du référendum.
La tension est palpable en Espagne, à 5 jours du scrutin. Les deux tiers des forces antiémeutes du pays ont été dépêchées en Catalogne. Le premier ministre Mariano Rajoy a annulé sa participation à un sommet informel des chefs d'État et de gouvernement, vendredi à Tallinn. Le gouvernement a en outre aussi reporté l'adoption en conseil des ministres, attendue vendredi, du projet de loi sur le budget de 2018.
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Arabie saoudite : les enjeux de l'autorisation des femmes à conduire (27.09.2017)
Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 27/09/2017 à 09h54 | Publié le 27/09/2017 à 08h23
ANALYSE - Le prince héritier Mohammed Bin Salman réussit un coup politique au moment où il emprisonne des opposants.
Habilement, le jeune prince héritier et nouvel homme fort de l'Arabie, Mohammed Bin Salman, autorise les femmes à conduire leurs voitures, au moment où de nombreux opposants ont été arrêtés. Cette avancée est une mini-révolution dans un pays ultra conservateur, le dernier au monde à interdire aux femmes le droit de conduire. Elle devrait permettre à Mohammed Bin Salman (MBS), le fils du roi Salman qui a émis mardi le décret en ce sens, de lui épargner les critiques de ses alliés occidentaux sur cette vague de répression contre des critiques de sa politique.
À partir de juin 2018, les Saoudiennes n'auront pas besoin d'obtenir l'accord de leur tuteur légal pour passer le permis et la présence de ce dernier ne sera pas nécessaire lorsqu'elles seront au volant. Depuis des années, des audacieuses bravaient régulièrement l'interdit en conduisant elle-même, en se filmant parfois sur Youtube. Dernièrement, les Saoudiennes avaient également été autorisées à assister avec des hommes à des matchs de football.
Cette interdiction d'un autre âge - même chez Daech, les femmes pouvaient théoriquement conduire une voiture - constituait un boulet, social et économique. Toute Saoudienne désireuse de sortir de chez elle devait obligatoirement recourir à un chauffeur. Elle pénalisait également la participation des Saoudiennes au marché du travail. Or le nouveau prince héritier veut encourager la jeunesse à s'extraire du désoeuvrement à laquelle la culture rentière du pays l'a condamnait trop souvent. Sans compter que cette interdiction contribuait à alimenter la mauvaise image du royaume à travers le monde.
Mohammed Bin Salman à la manoeuvre
Si le décret a été signé par le roi Salman, nul doute que c'est son fils préféré, MBS, qui est à la manœuvre. Comme il l'a été dans l'éviction de son cousin du trône au début de l'été, et comme il l'est dans la crise qui oppose l'Arabie au Qatar. Or cette crise dure depuis quatre mois sans qu'une solution apparaisse. Comme dure la guerre que MBS a lancée au Yémen il y a deux ans contre les rebelles houthistes, soutenus par l'Iran, l'ennemi juré de la monarchie saoudienne. Jusqu'à présent, les initiatives diplomatiques du jeune et ambitieux prince ont été plutôt des échecs. Grâce à cette avancée, MBS reprend la main. Déjà aux Etats-Unis, pays sur lequel il mise pour son plan de transformation économique de l'Arabie à échéance de 2030, les commentaires sont laudatifs. «Il s'agit d'un grand pas dans la bonne direction», a réagi Washington.
Pourtant, ces dernières semaines, plusieurs dizaines d'opposants ont été arrêtés. Parmi eux des islamistes, influents sur les réseaux sociaux, mais aussi des personnalités plus modérées. Leur point commun: ne pas avoir soutenu clairement la guerre saoudienne contre le Qatar. Cette vague d'arrestation semble indiquer qu'à un moment charnière de son histoire, confrontée à la menace de Daech et de l'Iran, l'Arabie ne supportera pas plus qu'avant la critique. Or celle-ci pourrait naître du puissant establishment religieux conservateur, opposé à la conduite des femmes. Mais en desserrant le carcan social imposé à des millions de femmes, le prince héritier a probablement également gagné leurs cœurs.
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