Paris, ville toujours « inaccessible » pour les jeunes de
banlieue (11.07.2017)
Les milliards investis dans la rénovation urbaine, censée «
désenclaver » les quartiers sensibles, n’y changent rien.
LE MONDE | 10.07.2017 à 06h42 • Mis à jour le 11.07.2017 à
14h20 | Par Louise Couvelaire
Seulement vingt minutes le séparent de Paris, mais Yanis
Rezzoug emprunte peu la ligne 5 du métro. Et jamais en « survêt’ ». « C’est
impensable d’aller à Paris comme ça, il y a un dresscode là-bas, lance le jeune
homme de 19 ans, en pointant du menton son bas de jogging blanc. Je n’imagine pas
y aller sans mettre un jean. » Yanis Rezzoug habite aux portes de la capitale,
dans un immeuble HLM flambant neuf situé au cœur de la cité Karl-Marx, à
Bobigny (Seine-Saint-Denis), et suit des études de sciences politiques à
l’université Paris-VIII de Saint-Denis. De l’autre côté du périphérique, il se
sent « indésirable », « inadapté », « surveillé », trop « différent », trop «
arabe », trop « stylé banlieue », malgré ses efforts vestimentaires.
Les milliards investis dans la rénovation urbaine, censée
désenclaver les quartiers sensibles, n’y changent rien. Adolescents et jeunes
adultes issus des classes populaires de banlieue s’estiment toujours aussi «
illégitimes » à Paris, comme l’a écrit le sociologue Fabien Truong (Au-delà et
en deçà du périphérique, Métropoles, 2012).
« La rénovation a juste un peu agrandi les barreaux, estime
Yasmine Bady, 20 ans, qui habite le quartier de la Noé, à Chanteloup-les-Vignes
(Yvelines). C’est plus aéré, plus convivial, plus joli, mais mentalement, on
reste prisonnier. Paris nous paraît très loin. C’est une ville qui brille et on
a l’impression de faire tache, comme si nous n’étions pas à la hauteur. » « Il
faut avoir du cran pour sortir de cette prison et arriver à passer au-dessus du
sentiment que ce n’est pas pour nous », explique Massy Badji, 34 ans, qui a vu
la tour Eiffel pour la première fois à 24 ans et « rêve » d’organiser des
sorties à Paris dans le cadre de l’association qu’il a cofondée, Epsylon, à Châtillon
(Hauts-de-Seine).
« Interdit social »
Dans son étude,..