Manuel Valls part en guerre contre les dérives de l'islam (13.02.2015)
Manuel Valls part en guerre contre les dérives de l'islam (13.02.2015)
Manuel Valls a annoncé jeudi devant le Sénat une série de
consultations sur l'avenir de l'organisation du culte musulman en France.
Par François-Xavier Bourmaud
Publié le 13/02/2015 à 18h27
Le premier ministre entend lancer une concertation destinée
à lutter contre l'influence des Frères musulmans et des salafistes en France.
Manuel Valls engage le combat contre les dérives de l'islam.
Un mois après son discours devant l'Assemblée nationale, dans lequel il avait
assuré que la France était en guerre «contre le terrorisme, le djihadisme et
l'islamisme radical», le premier ministre a annoncé jeudi devant le Sénat une
série de consultations sur l'avenir de l'organisation du culte musulman en
France. Ces rencontres seront dirigées par le ministre de l'Intérieur, Bernard
Cazeneuve, également ministre des Cultes. Le Conseil français du culte musulman
(CFCM) y participera mais sera loin d'être en position de force. Douze ans
après sa création, le constat de son échec est partagé jusqu'à la présidence de
la République où François Hollande lui-même estimait la semaine dernière que
cette instance n'avait «pas la capacité suffisante de faire prévaloir un
certain nombre de règles, de principes, partout sur le territoire».
Par le nombre de sujets qu'elle aborde, la réorganisation de
l'islam en France relève du casse-tête. Il y a d'abord la question du financement. Elle se cristallise sur la construction des mosquées, elle va en
réalité bien au-delà. «Comment accepter que l'islam de France reçoive des
financements d'un certain nombre de pays étrangers, quels qu'ils soient? C'est
une première question qui doit être posée. Et si on la pose, eh bien cela veut
dire qu'il faut prendre un certain nombre de mesures pour, demain, empêcher ces
financements, notamment quand ils confortent un certain nombre de
comportements», a fait valoir Manuel Valls. En France, des polémiques
régulières surgissent sur le financement de lieux de culte par certains pays
arabes, et notamment du Golfe.
Partant, se pose aussi la question des prêches proférés dans
ces mosquées. Selon le premier ministre, il faut ainsi «s'inquiéter de
l'influence des Frères musulmans, s'inquiéter de l'influence d'un certain
nombre de groupes salafistes qui se retrouvent dans un certain nombre de
quartiers». Or cette mouvance ultraorthodoxe a gagné du terrain dans les
mosquées, jusqu'à contrôler aujourd'hui une centaine de lieux de culte sur
2300.
D'où la demande de François Hollande à son premier ministre
de travailler sur la formation des imams. Le sujet est sensible dans les
mosquées mais aussi dans les prisons où s'opère le basculement djihadiste.
Aujourd'hui, 180 aumôniers musulmans «officiels» opèrent dans les lieux de
rétention, un chiffre largement en deçà des besoins aux yeux des experts.
Problème, en dehors d'organisations méconnues ou opaques, le
corps des imams n'a pas de représentation officielle. «Les musulmans ne
cherchent pas une instance représentative - ça, c'est le vœu des autorités -,
ils souhaiteraient une instance purement religieuse qui puisse rendre des avis
et trouver des arguments pour répondre en toute légitimité à la radicalisation
de certains jeunes», explique à l'AFP M'hammed Henniche, secrétaire général de
l'Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis. Pour le gouvernement,
le chantier est immense. Il est aussi politique.
Certes Manuel Valls a appelé à ne pas faire de cette
question «un enjeu électoral» susceptible d'alimenter les divisions du pays.
Mais l'élan républicain né des attaques terroristes contre Charlie Hebdo et le supermarché Hyper Cacher a aussi eu son revers. Au PS, on dénonce un
renforcement de l'islamophobie dont se nourrit le vote Front national. Il est
apparu dans le Doubs à l'occasion d'une élection législative partielle lorsque
la candidate du FN s'est qualifiée au premier tour et a échoué de peu au
second. À droite comme à gauche, on redoute de voir les élections
départementales puis régionales de cette année se traduire par une nouvelle
poussée de l'extrême droite.
Or l'offensive du gouvernement contre l'islamisme radical
demande du travail et du temps, ce que les électeurs ne sont pas forcément
prêts à lui accorder. Au bout du compte, c'est toute la question de la
compatibilité de l'islam avec la démocratie qui est posée. Il y a encore deux
ans, le sujet avait provoqué une polémique à gauche, lorsque Manuel Valls avait
soulevé la question à l'occasion d'un séminaire gouvernemental. «Il a franchi
un cap hallucinant», avait alors déploré un ministre. L'exécutif n'en est plus
là. Désormais, il tente de tracer une frontière républicaine entre l'islam
«tolérant, universel, et bienveillant» défendu par Manuel Valls et l'islamisme
radical pourfendu par le même.
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