Le Pakistan dans le collimateur de Donald Trump (22.08.2017)
Au Pakistan, œil pour œil, viol pour viol (27.07.2017)
Le Pakistan dans le collimateur de Donald Trump (22.08.2017)
http://lefigaro.fr/international/2017/08/22/01003-20170822ARTFIG00255-le-pakistan-dans-le-collimateur-du-president-americain.php
VIDÉO - Le président américain a accusé le pays voisin de
l'Afghanistan d'abriter des factions d'insurgés, dans son discours solennel
prononcé lundi soir.
C'est le pilier de la stratégie américaine: mettre la
pression sur le Pakistan, allié des talibans. Donald Trump n'a pas mâché ses
mots contre un pays qui a reçu 20 milliards de dollars depuis 2001.
À Kaboul, les Afghans ont applaudi en écoutant ces
déclarations musclées. «Si la guerre en Afghanistan dure, c'est parce que le
Pakistan fournit des bases arrière aux talibans et au réseau Haqqani (l'une des
principales factions insurgées)», martèle Sediq Sediqi, porte-parole du
ministre de l'Intérieur.
En
lançant son plan, Donald Trump pose une équation que ses deux
prédécesseurs n'ont jamais résolue: comment persuader le Pakistan de rompre
avec l'insurrection? Le problème est épineux. Tout repose sur un contentieux
vieux de soixante-dix ans entre Kaboul et Islamabad. L'Afghanistan conteste le
tracé de la frontière et veut le rattachement des régions pachtounes du
Pakistan : les Pachtounes sont l'ethnie majoritaire en Afghanistan, ils doivent
vivre dans le même pays. Face à cela, Islamabad a soutenu l'opposition
islamiste dès les années 1970.
Tensions entre puissances nucléaires
«L'Inde gagne des milliards de dollars en exportant aux
États-Unis, donc elle doit nous aider davantage en Afghanistan, en particulier
en matière d'assistance économique et de développement»
Donald Trump
La tension entre Kaboul et Islamabad est d'autant plus vive
que l'Inde a toujours pris fait et cause pour le pouvoir afghan, hormis le
régime des talibans. Depuis
la chute de ce dernier, en 2001, Delhi a dépensé 1 milliard de dollars
pour la reconstruction. Et les services secrets pakistanais accusent
l'adversaire indien d'utiliser ses consulats sur place pour soutenir
l'insurrection baloutche, dans l'ouest de son territoire. Pas question dans ces
conditions de laisser un régime pro-indien à Kaboul.
Donald
Trump a pris le risque d'exacerber les tensions entre les deux puissances
nucléaires d'Asie du Sud lorsqu'il a appelé New Delhi à s'impliquer:
«L'Inde gagne des milliards de dollars en exportant aux États-Unis, donc elle
doit nous aider davantage en Afghanistan, en particulier en matière
d'assistance économique et de développement.» Bref, tout le contraire de ce que
veut le Pakistan.
Islamabad reculera-t-il? Il s'est défendu en réaffirmant son
«désir de travailler avec la communauté internationale pour éliminer la menace
du terrorisme». Donald Trump, pour sa part, n'a rien dit des mesures qu'il
comptait prendre. Un récent rapport du Center for a New American Security
préconise des sanctions graduées, variant selon l'attitude pakistanaise :
suspension de l'aide financière, lobbying au FMI pour empêcher l'octroi de
prêts, inscription sur la liste des États qui soutiennent le terrorisme.
Mais le Pakistan n'est plus aussi dépendant des
Américains. La
Chine y déploie un «plan Marshall» de 55 milliards de dollars pour
construire un corridor énergétique et routier, et les entreprises chinoises
ont investi 1 milliard l'an dernier. Ensuite, les États-Unis ont besoin du
Pakistan pour faire passer le ravitaillement des soldats, mais aussi pour
persuader les talibans qui résident sur son sol de négocier. Enfin, d'autres
pays financent l'insurrection, l'Arabie saoudite surtout. L'Iran, inquiet de
voir les troupes américaines si proches de son territoire, aide aussi les talibans.
Deux pays dont Trump n'a soufflé mot tandis que les talibans menaçaient de
transformer l'Afghanistan en «nouveau cimetière» pour les Américains.
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Au Pakistan, œil pour œil, viol pour viol (27.07.2017)
Par Laurence Defranoux — 27
juillet 2017 à 16:32 (mis à jour à 17:40)
La jeune fille de 16 ans a été
traînée au milieu de la nuit devant le conseil, et la «réparation» exécutée en
public dans cette pièce. Photo SS MIRZA. AFP
Dans le Penjab, 24 membres d'un
conseil villageois ont été arrêtés après le viol public d'une adolescente en
guise de représailles.
C’est une histoire sordide qui
fait la une des journaux télévisés du Pakistan, où des femmes paient encore
pour les crimes des hommes de leur famille. Le 16 juillet, F., une enfant de 12
ans coupait de l’herbe dans les champs dans la périphérie de Multan, une grande
ville du centre du pays, lorsqu’elle a été attaquée et violée en plein
après-midi par un jeune homme de 17 ans. Pas un bandit de grand chemin, mais un
garçon du village, son cousin éloigné. De quoi éclabousser gravement l’honneur
de la famille de F., dans une culture où la honte tombe sur l’enfant brisée, et
non sur l’agresseur.
Le conseil de village, que l’on
appelle panchayat ou jirga, s’est saisi de l’affaire. L’assemblée composée de
27 hommes a considéré que l’honneur de la famille de F. serait lavé si son
frère violait lui-même la sœur de l’accusé. La jeune U., 16 ans, a donc été
sortie de son lit et traînée au milieu de la nuit jusque devant le conseil, et
la «réparation» exécutée en public. Viol pour viol, l’affaire, tristement
banale, aurait pu s’arrêter là, avec la bénédiction de la police locale, comme
de nombreux autres cas rapportés par la presse régionale. Dans ces zones
rurales qui vivent sous le joug des seigneurs féodaux, ce système de justice
parallèle, encouragé par l’éloignement et l’inefficacité des tribunaux, résout
les différends entre les clans dans le vase clos de la communauté. Les
jugements des conseils villageois relèvent du code tribal et n’ont rien à voir
avec la loi officielle du pays.
«Barbarie continuelle»
«Nous sommes scandalisés par la
barbarie continuelle de ces systèmes parallèles de justice, tous illégaux,
confie à Libération Farida Shaheed, membre de la Commission nationale
pakistanaise sur le statut des femmes. La Haute Cour du Sindh avait pourtant
statué sur cette pratique il y a quelques années. C’est pourquoi toutes les
militantes exigent que le gouvernement mette fin à l’impunité de ces groupes.»
Dans la journée de jeudi, le chef de la Cour suprême et le ministre en chef du
Penjab se sont saisis du cas et ont annoncé la suspension des policiers locaux.
«La question est pourquoi la police n’a pas agi plus tôt?, se demande Shaheed,
qui milite aussi au Forum d’action pour les femmes. Le viol semble avoir eu
lieu le 16, or le premier rapport de police n’est daté que du 21. Le 18, la
police locale s’était contentée de renvoyer la fille sur le centre Violence
contre les femmes.»
Le premier centre Violence contre
les femmes (VAWC) du Pakistan a ouvert en mars à Multan, une région du Penjab
particulièrement rétrograde où de nombreuses attaques à l’acide, viols ou
kidnappings sont recensés. Une avancée spectaculaire qui suivait le vote, en
2016, de la loi provinciale sur la «Protection des femmes contre la violence»,
adoptée malgré l’opposition des groupes religieux qui arguaient que cela
«augmenterait le taux de divorce» et «détruirait le système familial
traditionnel». Sur le modèle des «Women’s Crisis Center» qui existent aux
Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, le VACW, bâtiment moderne entièrement géré
par des femmes, abrite un centre de coordination judiciaire et médical, un
refuge pour femmes battues et une antenne de police spécialisée.
C’est là que les parents de U. ont
fini par se rendre, le 20 juillet. L'adolescente a été prise en charge
médicalement et le VACW les a aidés à faire enregistrer leur plainte. Quatre
jours plus tard, la famille de la petite F. a fait de même. Ce jeudi, le chef
du conseil et 23 de ses membres étaient en garde à vue, ainsi l’agresseur de la
petite F. Le violeur de U. a pris la fuite.
En octobre 2016, le Parlement
pakistanais a durci les peines encourues pour viol, prévoyant jusqu’à 25 ans de
prison, et s’est engagé à faire juger les cas dans les trois mois. «Tous les
membres du conseil doivent être poursuivis, pas seulement les violeurs
présumés, demande Farida Shaheed. Et la police et les autorités locales doivent
être tenues pour responsables de la survenue de tels événements dans leur juridiction.»
En 2002, un panchayat avait organisé le viol collectif d’une femme après que
son frère avait été accusé - à tort - d’un flirt. Défiant le qu’en-dira-t-on,
elle avait traîné ses agresseurs devant les tribunaux. Ils avaient finalement
été acquittés pour «insuffisance de preuves».
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Laurence Defranoux