vendredi 28 juillet 2017

Pakistan


Le Pakistan dans le collimateur de Donald Trump (22.08.2017)
Au Pakistan, œil pour œil, viol pour viol (27.07.2017)

Pakistan : carte


Le Pakistan dans le collimateur de Donald Trump (22.08.2017)
Par Emmanuel Derville
Mis à jour le 22/08/2017 à 19h06 | Publié le 22/08/2017 à 18h34

VIDÉO - Le président américain a accusé le pays voisin de l'Afghanistan d'abriter des factions d'insurgés, dans son discours solennel prononcé lundi soir.

C'est le pilier de la stratégie américaine: mettre la pression sur le Pakistan, allié des talibans. Donald Trump n'a pas mâché ses mots contre un pays qui a reçu 20 milliards de dollars depuis 2001.

À Kaboul, les Afghans ont applaudi en écoutant ces déclarations musclées. «Si la guerre en Afghanistan dure, c'est parce que le Pakistan fournit des bases arrière aux talibans et au réseau Haqqani (l'une des principales factions insurgées)», martèle Sediq Sediqi, porte-parole du ministre de l'Intérieur.

En lançant son plan, Donald Trump pose une équation que ses deux prédécesseurs n'ont jamais résolue: comment persuader le Pakistan de rompre avec l'insurrection? Le problème est épineux. Tout repose sur un contentieux vieux de soixante-dix ans entre Kaboul et Islamabad. L'Afghanistan conteste le tracé de la frontière et veut le rattachement des régions pachtounes du Pakistan : les Pachtounes sont l'ethnie majoritaire en Afghanistan, ils doivent vivre dans le même pays. Face à cela, Islamabad a soutenu l'opposition islamiste dès les années 1970.

Tensions entre puissances nucléaires

«L'Inde gagne des milliards de dollars en exportant aux États-Unis, donc elle doit nous aider davantage en Afghanistan, en particulier en matière d'assistance économique et de développement»
Donald Trump

La tension entre Kaboul et Islamabad est d'autant plus vive que l'Inde a toujours pris fait et cause pour le pouvoir afghan, hormis le régime des talibans. Depuis la chute de ce dernier, en 2001, Delhi a dépensé 1 milliard de dollars pour la reconstruction. Et les services secrets pakistanais accusent l'adversaire indien d'utiliser ses consulats sur place pour soutenir l'insurrection baloutche, dans l'ouest de son territoire. Pas question dans ces conditions de laisser un régime pro-indien à Kaboul.

Donald Trump a pris le risque d'exacerber les tensions entre les deux puissances nucléaires d'Asie du Sud lorsqu'il a appelé New Delhi à s'impliquer: «L'Inde gagne des milliards de dollars en exportant aux États-Unis, donc elle doit nous aider davantage en Afghanistan, en particulier en matière d'assistance économique et de développement.» Bref, tout le contraire de ce que veut le Pakistan.

Islamabad reculera-t-il? Il s'est défendu en réaffirmant son «désir de travailler avec la communauté internationale pour éliminer la menace du terrorisme». Donald Trump, pour sa part, n'a rien dit des mesures qu'il comptait prendre. Un récent rapport du Center for a New American Security préconise des sanctions graduées, variant selon l'attitude pakistanaise : suspension de l'aide financière, lobbying au FMI pour empêcher l'octroi de prêts, inscription sur la liste des États qui soutiennent le terrorisme.
Mais le Pakistan n'est plus aussi dépendant des Américains. La Chine y déploie un «plan Marshall» de 55 milliards de dollars pour construire un corridor énergétique et routier, et les entreprises chinoises ont investi 1 milliard l'an dernier. Ensuite, les États-Unis ont besoin du Pakistan pour faire passer le ravitaillement des soldats, mais aussi pour persuader les talibans qui résident sur son sol de négocier. Enfin, d'autres pays financent l'insurrection, l'Arabie saoudite surtout. L'Iran, inquiet de voir les troupes américaines si proches de son territoire, aide aussi les talibans. Deux pays dont Trump n'a soufflé mot tandis que les talibans menaçaient de transformer l'Afghanistan en «nouveau cimetière» pour les Américains.

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Au Pakistan, œil pour œil, viol pour viol (27.07.2017)

Par Laurence Defranoux — 27 juillet 2017 à 16:32 (mis à jour à 17:40)

La jeune fille de 16 ans a été traînée au milieu de la nuit devant le conseil, et la «réparation» exécutée en public dans cette pièce. Photo SS MIRZA. AFP 
Dans le Penjab, 24 membres d'un conseil villageois ont été arrêtés après le viol public d'une adolescente en guise de représailles.

C’est une histoire sordide qui fait la une des journaux télévisés du Pakistan, où des femmes paient encore pour les crimes des hommes de leur famille. Le 16 juillet, F., une enfant de 12 ans coupait de l’herbe dans les champs dans la périphérie de Multan, une grande ville du centre du pays, lorsqu’elle a été attaquée et violée en plein après-midi par un jeune homme de 17 ans. Pas un bandit de grand chemin, mais un garçon du village, son cousin éloigné. De quoi éclabousser gravement l’honneur de la famille de F., dans une culture où la honte tombe sur l’enfant brisée, et non sur l’agresseur.

Le conseil de village, que l’on appelle panchayat ou jirga, s’est saisi de l’affaire. L’assemblée composée de 27 hommes a considéré que l’honneur de la famille de F. serait lavé si son frère violait lui-même la sœur de l’accusé. La jeune U., 16 ans, a donc été sortie de son lit et traînée au milieu de la nuit jusque devant le conseil, et la «réparation» exécutée en public. Viol pour viol, l’affaire, tristement banale, aurait pu s’arrêter là, avec la bénédiction de la police locale, comme de nombreux autres cas rapportés par la presse régionale. Dans ces zones rurales qui vivent sous le joug des seigneurs féodaux, ce système de justice parallèle, encouragé par l’éloignement et l’inefficacité des tribunaux, résout les différends entre les clans dans le vase clos de la communauté. Les jugements des conseils villageois relèvent du code tribal et n’ont rien à voir avec la loi officielle du pays.

«Barbarie continuelle»
«Nous sommes scandalisés par la barbarie continuelle de ces systèmes parallèles de justice, tous illégaux, confie à Libération Farida Shaheed, membre de la Commission nationale pakistanaise sur le statut des femmes. La Haute Cour du Sindh avait pourtant statué sur cette pratique il y a quelques années. C’est pourquoi toutes les militantes exigent que le gouvernement mette fin à l’impunité de ces groupes.» Dans la journée de jeudi, le chef de la Cour suprême et le ministre en chef du Penjab se sont saisis du cas et ont annoncé la suspension des policiers locaux. «La question est pourquoi la police n’a pas agi plus tôt?, se demande Shaheed, qui milite aussi au Forum d’action pour les femmes. Le viol semble avoir eu lieu le 16, or le premier rapport de police n’est daté que du 21. Le 18, la police locale s’était contentée de renvoyer la fille sur le centre Violence contre les femmes.»

Le premier centre Violence contre les femmes (VAWC) du Pakistan a ouvert en mars à Multan, une région du Penjab particulièrement rétrograde où de nombreuses attaques à l’acide, viols ou kidnappings sont recensés. Une avancée spectaculaire qui suivait le vote, en 2016, de la loi provinciale sur la «Protection des femmes contre la violence», adoptée malgré l’opposition des groupes religieux qui arguaient que cela «augmenterait le taux de divorce» et «détruirait le système familial traditionnel». Sur le modèle des «Women’s Crisis Center» qui existent aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, le VACW, bâtiment moderne entièrement géré par des femmes, abrite un centre de coordination judiciaire et médical, un refuge pour femmes battues et une antenne de police spécialisée.

C’est là que les parents de U. ont fini par se rendre, le 20 juillet. L'adolescente a été prise en charge médicalement et le VACW les a aidés à faire enregistrer leur plainte. Quatre jours plus tard, la famille de la petite F. a fait de même. Ce jeudi, le chef du conseil et 23 de ses membres étaient en garde à vue, ainsi l’agresseur de la petite F. Le violeur de U. a pris la fuite.

En octobre 2016, le Parlement pakistanais a durci les peines encourues pour viol, prévoyant jusqu’à 25 ans de prison, et s’est engagé à faire juger les cas dans les trois mois. «Tous les membres du conseil doivent être poursuivis, pas seulement les violeurs présumés, demande Farida Shaheed. Et la police et les autorités locales doivent être tenues pour responsables de la survenue de tels événements dans leur juridiction.» En 2002, un panchayat avait organisé le viol collectif d’une femme après que son frère avait été accusé - à tort - d’un flirt. Défiant le qu’en-dira-t-on, elle avait traîné ses agresseurs devant les tribunaux. Ils avaient finalement été acquittés pour «insuffisance de preuves».

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Laurence Defranoux

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