Paris : Philippe Goujon dénonce l’installation de migrants dans son arrondissement (19.08.2017)
Libye : Macron s'est entretenu avec le représentant spécial de l'ONU (14.08.2017)
Plus de 2400 migrants évacués des campements situés dans le nord de Paris (18.08.2017)
À Paris, 446 migrants hébergés dans le XVe arrondissement (18.08.2017)
Nice : un passeur éthiopien au tribunal (31.07.2017)
Migrants : les annonces de Macron au défi du terrain (27.07.2017)
Emmanuel Macron : «Pas un seul migrant à la rue, cela veut dire créer de nouveaux centres de premier accueil» (27.07.2017)
Migrants : des «hot spots» dans le désert libyen ? Le mirage de Macron (27.07.2017)
Hot spots en Libye : «Ce que le président a annoncé est tout à fait nouveau » (27.07.2017)
Macron fait le pari audacieux de stopper les migrants en Libye (27.07.2017)
Migrants: en perte de vitesse, Macron monte au front sur un sujet inflammable (27.07.2017)
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Voir aussi Crise des migrants en Europe.
Paris : Philippe Goujon dénonce l’installation de migrants
dans son arrondissement (19.08.2017)
Après l’évacuation vendredi de campements sauvages porte de
la Chapelle, près de 450 réfugiés ont été transférés dans des gymnases du 15e arrondissement.
Le Monde.fr avec AFP | 19.08.2017 à 10h39 • Mis à jour le
19.08.2017 à 11h46
Philippe Goujon est en colère. Le maire LR du XVe
arrondissement de Paris a protesté, vendredi 18 août, contre l’installation
d’environ 450 migrants dans son secteur. Vendredi matin, près de 2 500
réfugiés, originaires d’Afghanistan, du Soudan, de Somalie et d’Erythrée, ont
été évacués de campements sauvages porte de la Chapelle et ont été transférés,
selon la préfecture d’Ile-de-France, vers 18 gymnases à Paris et en
Ile-de-France, dont deux dans le 15e arrondissement.
« Je n’ai jamais été prévenu officiellement, affirme
Philippe Goujon. La méthode du gouvernement est indigne, il y a un mépris total
pour les élus locaux. » L’élu a également fustigé la situation dans une lettre
adressée à ses administrés. « C’est la troisième fois qu’un gymnase du 15e est
choisi, sans que j’en sois informé, pour être transformé en campement de
migrants dont la plupart, clandestins, ne sont même pas éligibles au droit
d’asile », a-t-il écrit dans ce courrier daté de jeudi et distribué vendredi à
des habitants. Le maire les assure de ses « efforts » pour « obtenir dans les
plus brefs délais l’évacuation de ce campement ».
« Les élus locaux ont été prévenus il y a deux, trois jours
que ce serait ce site-là », a répondu le secrétaire général de la préfecture
d’Ile-de-France, François Ravier, qui précise que des tentes, installées à côté
des gymnases réquisitionnés, seront également utilisées. Selon l’Office
français de l’immigration et de l’intégration, en tout, 449 personnes y seront
accueillies.
Silence « assourdissant » des élus LRM
« La même politique produit les mêmes effets », a déploré M.
Goujon, jugeant que les campements évacués à la Chapelle allaient se
reconstruire. « Je regrette que le nouveau président de la République suive la
même politique d’absence de maîtrise de l’immigration que son prédécesseur »,
a-t-il critiqué, dénonçant un silence « assourdissant » des députés La
République en marche du 15e arrondissement.
Venu sur place vendredi, Jean-François Lamour a également
fustigé « une politique de fuite en avant ». « Là où on accueillait une
centaine de migrants il y a quelques mois, on en accueille aujourd’hui 500 », a
accusé l’ancien député LR parisien. En juin 2016, Jean-François Lamour, alors
député LR, et Philippe Goujon avaient bloqué l’entrée d’un gymnase de
l’arrondissement qui devait accueillir des réfugiés. L’ex-ministre des sports a
ajouté :
« L’ouverture du centre de la Chapelle a créé un appel d’air
(…) qui envoie un message aux migrants, mais aussi aux trafiquants, qu’ils
peuvent venir librement. »
Florence Berthout, présidente du groupe LR au conseil de
Paris, a, quant à elle, critiqué la décision de la préfecture « au mépris de
toute information et concertation avec le maire ».
Lire aussi :
Migrants évacués à la Chapelle : «Ce genre d’opération coup de poing
n’a aucun intérêt »
L’évacuation vendredi de campements sauvages porte de la
Chapelle est la 35e opération du genre en deux ans dans la capitale. Il y a six
semaines, environ 2 800 migrants avaient déjà été évacués de ce lieu situé au
nord de Paris.
Plus de 2400 migrants évacués des campements situés dans le nord de Paris (18.08.2017)
- Par lefigaro.fr
- Mis à jour le 18/08/2017 à 17:14
- Publié le 18/08/2017 à 13:30
VIDÉO - Parmi les 2459 personnes évacuées, figurent 83 individus vulnérables, essentiellement des femmes et des enfants. Cette évacuation Porte de La Chapelle, dans le nord de Paris, est la 35e depuis juin 2015.
Pour la 35e fois en deux ans, les autorités ont procédé ce vendredi matin à l'évacuation de plusieurs campements dans le nord de Paris. Commencée vers 6 heures et terminée peu après 11 heures, cette action qui intervient quelques semaines après la présentation par le gouvernement d'un «plan migrants», prévoyant plus de 12.000 places d'hébergement pour les demandeurs d'asile et les réfugiés, a permis «la mise à l'abri» de 2459 individus, selon Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'Immigration et de l'Intégration (Ofii). Ces campements sauvages étaient installés depuis plusieurs semaines Porte de La Chapelle (XVIIIe arrondissement de Paris), près d'un centre humanitaire très vite saturé. Parmi les personnes évacuées figurent 83 personnes vulnérables, essentiellement des femmes et des enfants.
Dès l'aube, 350 policiers rassemblaient les personnes présentes, sac au dos ou petit sac de voyage avec eux, avant qu'elles ne soient évacuées à bord d'une trentaine de bus. «Plus de 2000 places d'hébergement ont été prévues» dans 18 gymnases de région parisienne, a précisé Didier Leschi.
Originaires essentiellement d'Afghanistan, du Soudan, de Somalie et d'Érythrée, les migrants, en très grande majorité des hommes entre 20 et 30 ans, patientaient dans le calme pour se soumettre au processus de filtrage mis en place par les autorités. Certains se protégeaient de la pluie avec des draps ou des sacs plastiques.
18 gymnases réquisitionnés, des élus indignés
Rachid est arrivé Porte de la Chapelle «il y a 21 jours». Sous la pluie, ce Soudanais de 24 ans patiente calmement: «Je ne sais pas où je vais mais j'irai n'importe où. C'est très dur, surtout quand il pleut et la nuit quand il fait froid». Dans la file d'attente, Mohammed, un Somalien de 25 ans, est lui plus inquiet. «On m'a dit qu'il fallait que je retourne en Allemagne», glisse-t-il.
Acheminés vers 18 gymnases, les migrants «feront l'objet d'un examen complet et approfondi de leur situation administrative» et seront orientés en fonction «dans des structures d'hébergement adaptées à leur situation», affirment les autorités. «Les primo demandeurs d'asile seront orientés dans le dispositif national afin de poursuivre leur démarche en France. Les personnes connues dans un autre État membre seront prises en charge temporairement le temps que soit organisé leur retour vers cet État membre, qui a seule vocation à instruire leur demande d'asile. Les personnes déboutées du droit ou en situation irrégulière auront vocation à être reconduites à la frontière», détaillent-elles.
Parmi les personnes évacuées, 449 ont été accueillies dans des installations sportives universitaires dans le sud de Paris (notamment dans le XVe arrondissement), provoquant l'indignation des élus et des riverains. Outre les deux gymnases réquisitionnés, environ 25 tentes ont été plantées sur le terrain de sport du complexe. Le maire LR du XVe, Philippe Goujon, s'est insurgé de «n'avoir jamais été prévenu officiellement» de l'installation de ce «campement de migrants dont la plupart, clandestins, ne sont même pas éligibles au droit d'asile».
Temporary #receptioncentre in #Paris 15 arrondissement @InfoMigrants @InfoMigrants_ar
Un dispositif nouveau pour combler des dysfonctionnements
À la veille de l'opération, Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile, association chargée des maraudes, avait parlé de «plus de 1.000 migrants», décomptés dans le quartier de Porte de La Chapelle. Le 7 juin dernier, 2771 migrants avaient déjà été évacués de campements insalubres installés au même endroit. Les autorités espéraient éviter la réinstallation de migrants sur place pendant l'été, mais les arrivées se sont maintenues au même rythme de 30 à 50 par jour minimum, «beaucoup plus», selon certaines associations.
» Lire aussi - Paris: des migrants de retour Porte de La Chapelle
Cette opération est «d'un nouveau genre», a plaidé le directeur de cabinet du préfet de police, Yann Drouet, car «l'ensemble des personnes vont subir un contrôle de leur situation administrative et seront ensuite orientées en fonction de leur situation».
«Nous sommes en train de réétudier le dispositif» pour «faire en sorte qu'il n'y ait plus ces lieux de focalisation mais que l'on puisse accueillir ces migrants dans le dispositif national d'asile, peut-être en amont de Paris», a affirmé, de son côté, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb sur RTL, estimant que les évacuations récurrentes depuis deux ans «montrent qu'il y a un dysfonctionnement dans le système parisien».
» Lire aussi - Migrants: le gouvernement en panne de solutions
Certaines associations se disent préoccupées des intentions du gouvernement qui a affiché sa volonté de distinguer réfugiés politiques et migrants économiques. «C'est très inquiétant, on se demande si ce tri ne va pas commencer par cette évacuation», explique le vice-président de l'association Utopia 56, Yann Manzi.
Fin juillet, Emmanuel Macron avait déclaré qu'il ne voulait «plus personne dans les rues, dans les bois» d'ici «la fin de l'année». «La première bataille: loger tout le monde dignement. Je veux partout des hébergements d'urgence. Je ne veux plus de femmes et d'hommes dans les rues», avait-il dit. Dénoncé par les associations comme un «énième ajustement d'une politique sans cap», «le plan-migrants» du gouvernement prévoit notamment des efforts sur l'intégration et de ramener les procédures de demandes d'asile de 14 à 6 mois, et un durcissement des renvois pour les déboutés.
À Paris, 446 migrants hébergés dans le XVe arrondissement (18.08.2017)
Publié le 18/08/2017 à 19:00
Le nouveau centre d'accueil provisoire des réfugiés et migrants du XVe arrondissement de Paris se trouve sur le campus sportif de Paris-II Panthéon-Assas. Crédits photo : Gilles ROLLE/REA/Gilles ROLLE/REA
INFOGRAPHIE - Les riverains n'ont pas été mis au courant de l'arrivée de ces clandestins venus du campement de la porte de la Chapelle.
C'est un site d'accueil parmi d'autres en Ile-de-France, mais il fait polémique. Vendredi, 446 migrants venus du campement de la porte de la Chapelle, à Paris, ont été déplacés rue Lacretelle, dans le XVe arrondissement parisien, près de la porte de Versailles. L'État, la préfecture de région, la Préfecture de police et la Ville ont investi le campus sportif de l'Institut d'éducation physique de l'université Paris-II Panthéon-Assas, propriété de l'Université de Paris. Une vingtaine de tentes blanches ont été plantées sur un terrain de sport et des centaines de lits de camp ont été installés dans les deux gymnases. Au total, le site peut accueillir jusqu'à 500 personnes.
Arrivés sous une pluie battante dans une dizaine de bus, les déplacés, essentiellement originaires d'Afghanistan, du Soudan, de Somalie et d'Érythrée, sont accueillis par un important dispositif de sécurité. Quatre-vingts bénévoles leur souhaitent la bienvenue. Un musicien joue même de la guitare à l'entrée du site. Plus loin, un petit déjeuner leur est proposé. À l'intérieur d'un des deux gymnases, beaucoup sont déjà allongés sur les couchages. «Ils sont épuisés, explique Perrine Dequecker, de l'association Aurore, chargée d'installer le site. Nous voulons qu'ils aillent mieux et qu'ils retrouvent l'envie d'avancer.»
Par petits groupes, les arrivants découvrent leur nouveau point de chute. Ils bénéficieront d'un examen médical et seront identifiés avant d'être réorientés vers d'autres sites d'accueil en France, en fonction de leur situation. «Les primo-demandeurs d'asile seront orientés afin de poursuivre leurs démarches en France. Les personnes connues dans un autre État membre seront prises en charge temporairement, le temps que soit organisé leur retour vers cet État membre. Les personnes déboutées du droit ou en situation irrégulière auront vocation à être reconduites à la frontière», ont détaillé les autorités.
Absence de communication
Les bénévoles d'Aurore sont sur le site depuis seulement trois jours pour installer tentes, sanitaires et couchages, mais aussi les points de restauration et de consultation médicale. Tout s'est fait dans l'urgence, provoquant la colère des élus et des habitants. «C'est catastrophique qu'on n'ait pas été mis au courant!» lance une passante. Philippe Goujon, maire de l'arrondissement, a fermement dénoncé l'initiative: «C'est une opération irresponsable. Le gouvernement fait cela en plein mois d'août dans le plus grand mépris des élus locaux. C'est une honte.» Dans une lettre adressée aux habitants du XVe arrondissement, il assure avoir appris l'installation du centre «fortuitement». «C'est la troisième fois qu'un gymnase du XVe est choisi, sans que j'en sois informé, pour être transformé en campement de migrants dont la plupart, clandestins, ne sont même pas éligibles au droit d'asile», écrit-il.
De leur côté, la préfecture de région et la Préfecture de police tempèrent. «Nous avons discuté longuement avec les riverains ce matin, assure Yann Drouet, chef de cabinet du préfet de police de Paris. Nous avons mis en place un dispositif de sécurisation visible, avant tout pour rassurer les riverains. Ce n'est pas une situation à risque.» Mais les élus grognent, d'autant que certains se seraient vu refuser l'accès au site par les CRS. Un incident que balaye François Ravier, préfet de la région Ile-de-France et préfet de Paris: «Le dialogue a été établi avec les élus. Je me suis rapproché d'eux pour leur dire que le site leur était ouvert.»
En tout, 2459 personnes ont été déplacées du campement sauvage de la porte de la Chapelle vendredi à l'aube. Soit la 35e opération du genre en deux ans dans la capitale. Quarante-cinq bus les attendaient, pour les emmener vers 18 sites répartis dans les départements d'Ile-de-France. Dont celui du XVe arrondissement. «C'est temporaire, assure Perrine Dequecker. Il est prévu que les migrants restent 15 jours, éventuellement renouvelables une fois, promet-elle. Le site sera libéré pour la rentrée universitaire. Dans un parfait état.»
La rédaction vous conseille
- Par Le
Figaro.fr avec AFP
- Mis à
jour le 14/08/2017 à 20:44
- Publié le
14/08/2017 à 20:38
Emmanuel Macron s'est entretenu aujourd'hui par téléphone avec le
représentant spécial de l'ONU pour la Libye, Ghassan Salamé. Ce dernier
effectue actuellement une tournée en Libye et dans la région.
Au cours de l'entretien téléphonique, M. Macron a "effectué un point
de la situation" et souligné, selon un communiqué de l'Elysée,
"l'importance de maintenir la dynamique créée par la réunion de la
Celle-Saint-Cloud, sous l'égide des Nations Unies, et par la feuille de route
adoptée à cette occasion", fin juillet. "Le chef de l'Etat a
salué le travail déterminant d'ores et déjà engagé par Ghassan Salamé pour que
toutes les parties s'approprient cette feuille de route dans le cadre d'un
processus inclusif", selon l'Elysée.
"La France maintiendra ses efforts dans les jours et les mois à venir,
aux côtés des Nations Unies et avec l'ensemble de ses partenaires dont
l'Italie, pour la paix en Libye", assure la présidence.
LIRE AUSSI :
- Par Le Figaro.fr avec Reuters
- Mis à jour le 31/07/2017 à 11:45
- Publié le 31/07/2017 à 11:37
Le Conseil d'Etat a rejeté
aujourd'hui les appels du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb et de la
mairie de Calais contre une ordonnance les enjoignant de mettre en place des
accès à l'eau pour les migrants, évoquant une "carence" des autorités.
Malgré la fermeture en 2016 du
centre d’accueil de migrants, plusieurs centaines de personnes se trouvent à
nouveau à proximité de Calais depuis le début de l’année, note la plus haute
juridiction administrative dans un communiqué.
Le juge des référés du tribunal
administratif de Lille a enjoint le 26 juin au préfet du Pas-de-Calais et à la
commune de Calais de "créer plusieurs dispositifs d’accès à l’eau
permettant aux migrants de boire, de se laver et de laver leurs vêtements,
ainsi que des latrines, et d’organiser un dispositif adapté d’accès à des
douches", rappelle le Conseil d'Etat.
Ce dernier "juge que les
conditions de vie des migrants révèlent une carence des autorités publiques,
qui est de nature à exposer les personnes concernées à des traitements
inhumains ou dégradants et qui porte donc une atteinte grave et manifestement
illégale à une liberté fondamentale".
"Il estime que c’est à bon
droit que le juge des référés du tribunal administratif a prononcé les
injonctions rappelées ci-dessus", ajoute le communiqué.
Nice : un passeur éthiopien au tribunal (31.07.2017)
- Par Le Figaro.fr avec AFP
- Mis à jour le 31/07/2017 à 12:54
- Publié le 31/07/2017 à 12:52
Un Ethiopien, dénoncé pour s'être
fait payer par des compatriotes pour les conduire depuis l'Italie auprès de
l'association de défense des migrants Roya Citoyenne à Breil-sur-Roya doit être
jugé en comparution immédiate aujourd'hui, a fait savoir le parquet. C'est
la première fois qu'un passeur est identifié dans les rangs des migrants aidés
par l'association.
"Cela fait suite à la
présentation par Cédric Herrou à la gendarmerie de Breil de quatre migrants
qu'il accueillait et dont l'un avait demandé de l'argent aux trois autres pour
les amener chez lui", a précisé la gendarmerie départementale.
"C'est l'arbre qui cache la
forêt, l'action de Cédric Herrou alimente ce genre de comportements. Les gens
ne viennent pas par hasard, nous avons face à nous des réseaux structurés. Le
dispositif de Roya Citoyenne permet à des gens aux intentions douteuses d'en
bénéficier", a ajouté la même source.
Roya Citoyenne a, de son côté, dénoncé
la reconduite à la frontière en cours des migrants qui avaient témoigné sur ce
réseau de passeurs à Vintimille, en Italie. "S'ils sont reconduits en
Italie leur vie est en danger. En leur qualité de témoin l'Etat français leur
doit protection", a estimé l'association, ce que la gendarmerie a
contesté : "Il n'y a pas de mise en danger d'autrui".
Roya Citoyenne a appelé à un
rassemblement devant les locaux de la police aux frontières à Menton, en
affirmant qu'onze personnes au total, ayant mandaté un avocat pour la demande
d'asile, étaient en passe d'être remis aux autorités italiennes dont un
Tchadien qui avait rendez-vous mardi à la préfecture.
Bloqué depuis 2015, le contrôle à
la frontière franco-italienne a été rétablie pour protéger la France du terrorisme.
Dans la pratique, ces contrôles conduisent à renvoyer en Italie les migrants
qui passent ou tentent de passer malgré les dangers. Gendarmes et militaires
sillonnent les routes. Barrages filtrants, contrôle des trains : il y a en
moyenne plus d'une centaine d'interpellations par jour depuis le début de
l'année.
LIRE AUSSI :
Emmanuel Macron : «Pas un seul migrant à la rue, cela
veut dire créer de nouveaux centres de premier accueil» (27.07.2017)
Par Rozenn Morgat — 27
juillet 2017 à 18:42
Alors qu’Emmanuel Macron a affirmé ce jeudi dans un discours
sur l’accueil des migrants à Orléans vouloir «loger tout le monde
dignement», le directeur de France Terre d’Asile Pierre Henry, qui a
soutenu le candidat En Marche, revient sur les enjeux migratoires qui
attendent le gouvernement.
Photo Pierre Andrieu. AFP
Que pensez-vous de l’engagement «plus personne dans
les rues» d’ici fin 2017, promis par Emmanuel Macron ?
C’est un combat que nous menons depuis plus de
deux ans. Bien évidemment, les demandeurs d’asile ne doivent pas rester
dans la rue. Les mots du Président réaffirment cet engagement fort du
gouvernement. Maintenant, il va falloir le tenir. Pour cela, la mise en œuvre
de moyens et de dispositifs est nécessaire. Pas une seule personne à la rue,
cela veut dire créer de nouveaux centres de premier accueil, sur le modèle du centre
humanitaire de la Porte de la Chapelle.
Mais le plan migrant présenté par le gouvernement le
12 juillet dernier ne prévoit pas la création de nouveaux centres de
premier accueil (CPA) ?
Les mots du Président impliquent donc un amendement du plan
migrant, tel qu’il a été présenté il y a quinze jours. Sans nouveaux
centres dans les grandes capitales régionales, ça ne peut pas fonctionner. Il
faudra donc modifier le plan exposé par le gouvernement.
Le Président a réaffirmé sa volonté d’une réduction du traitement
des demandes d’asile à six mois. C’est un objectif ambitieux ?
Si les moyens sont mis en œuvre, cette décision qualitative
ne sera pas remise en question. Oui, je pense que cet objectif peut être
atteint. Encore une fois, la réduction des délais implique une hausse
importante du budget consacré à l’Office français de protection des réfugiés et
apatrides (OFPRA) et à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). On ne peut
pas faire cette réforme avec des moyens constants. Mais quand on dit ça, cela sous-entend
la mise en place d’un plan pluriannuel, car réduire les demandes ne se fera pas
en quelques mois. On ne peut plus seulement proposer des solutions d’urgence.
La volonté d’anticipation, d’harmonisation et d’efficacité du gouvernement est
une parole publique importante.
Le Président a aussi évoqué dans son discours «l’inefficacité
complète» des reconduites à la frontière, qu’en pensez-vous ?
Ce n’est pas complètement faux. Mais c’est une question
complexe, car nous sommes dans un état de droit, avec des règles européennes.
D’autant plus que l’éloignement ne se pratique pas de manière collective :
chaque cas est différent, les dossiers sont examinés de manière individuelle.
Il me paraît légitime de reconduire dans leur pays les personnes qui se sont
vues refuser l’asile si cela, et j’insiste sur ce point, ne contrevient pas à
la Convention européenne des droits de l’homme.
L’intégration des personnes ayant obtenu l’asile est aussi
l’un des principaux défis du quinquennat ?
Les objectifs fixés par Emmanuel Macron sont évidemment
nécessaires pour améliorer l’intégration. Sur l’année dernière, près de
36 000 personnes ont accédé au statut de réfugié. Cette proportion
n’est pas marginale. En 2017, ce sera la même chose. En France, nos discours
de politique d’intégration sont toujours emprunt d’un grand lyrisme. Mais cette
politique publique est totalement déficiente, c’est l’enfant pauvre de nos
politiques publiques ! Déjà en termes de moyens. Prenons un exemple :
pour s’intégrer, il faut pouvoir parler la langue. Or, en France, notre
politique linguistique pour les primo-arrivants, c’est 200 heures de cours
de Français pour seulement un cinquième de ces primo-arrivants. Ce n’est rien.
A titre de comparaison, l’Allemagne prévoit 900 heures d’enseignement linguistique.
Que préconisez-vous pour améliorer l’intégration des
réfugiés ?
Déjà, il faut savoir que les réfugiés à qui on a accordé
l’accueil mettent, en règle générale, dix ans pour obtenir un emploi
stable. Et quinze ans pour se retrouver dans des situations comparables à
celle des «natifs». Je ne parle même pas des femmes réfugiées ou de celles
accueillies au motif du regroupement familial, dont le taux d’emploi est encore
plus faible. Ce qu’il faut absolument, c’est coordonner l’ensemble des acteurs de
l’intégration, qui sont aujourd’hui dispersés. En 2015, l’Allemagne a mis
en place un plan pluriannuel sur quatre ans, adossé à
75 milliards d’euros de budget. Toutes proportions gardées, je pense
que nous devons faire la même chose. Ce processus de programmation nous
permettra de rendre notre politique d’intégration plus efficace et plus
harmonieuse.
Migrants: des «hot spots» dans le désert libyen? Le
mirage de Macron (27.07.2017)
Par Mathieu Galtier,
Correspondant à Tunis — 27 juillet 2017 à 19:46
Un migrant attend dans un «ghetto» à Agadez (nord du Niger)
de rejoindre la Libye, d'où il compte franchir la Méditerranée pour gagner
l'Europe.Photo AFP Issouf Sanogo
Le Président a dit vouloir installer «dès cet été» des
postes avancés pour trier les candidats à l'asile en France. Un projet jugé
irréaliste par les ONG.
Xavier Bertrand voulait imposer un «blocus maritime» pour
empêcher les bateaux de migrants de sortir des ports libyens ; Federica
Mogherini, la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, avait
proposé dans un rapport en 2015 de «détruire» les navires
utilisés par les passeurs ; Emmanuel Macron a lui annoncé, jeudi, lors
d’une visite d’un centre d’hébergement de réfugiés à Orléans, la création
de «hot spots»,ces centres chargés de trier les candidats à l’asile
en France, «dès cet été» pour maîtriser l’arrivée des migrants
venus de Libye. Depuis le début de l’année, 112 000 hommes, femmes et
enfants ont traversé la Méditerranée du sud au nord et plus de 2 300 sont
morts durant la traversée.
L’urgence humanitaire fait consensus, les réponses avancées
jusqu’ici beaucoup moins. Celle du chef de l’Etat n’échappe pas aux critiques.
Première interrogation : à qui s’adressent ces hot spots ? En 2016,
l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a enregistré
85 726 dossiers émanant principalement de Soudanais, d’Afghans et d’Haïtiens.
Or la même année, les réfugiés arrivés en Italie depuis la Libye étaient, selon
l’Organisation mondiale sur les migrations, Nigérians (20%), Erythréens
(11,4%), Guinéens (7,4%) et Ivoiriens (6,4%). Hormis les Erythréens, les autres
ressortissants africains ne remplissent pas les strictes conditions
– persécutions en raison de l’ethnie, de la religion, de la nationalité,
de l’appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions
politiques – d’obtention de l’asile. Ce sont des migrants économiques. Et
Emmanuel Macron a bien précisé, dans son discours d’Orléans, qu'«il n’existe
pas, le pays qui peut accueillir tous les migrants économiques».
Prise en charge «en amont»
Quel est donc l’intérêt de ces hot spots ? «Eviter
que les gens qui seraient de toute façon déboutés de l’asile ne prennent des
risques inutiles en continuant leur voyage», indique l’Elysée. Même s’ils
ne représentent qu’une petite partie des migrants. «C’est un piège pour
nous enregistrer et nous ramener chez nous», craint surtout Stéphane,
un Camerounais joint par téléphone à Sebha, la capitale du Sud libyen. Emmanuel
Macron a souligné que ce «pré-traitement des demandes [d’asile]» doit
permettre d’éviter aux candidats au départ d’être abandonnés dans «des camps,
des hangars, [qui] ne relèvent même pas de l’humanité minimale».
Mais la Libye, territoire sans Etat, peut-elle sérieusement
accueillir des travailleurs français de l’Ofpra et garantir aux migrants un
examen serein et sécurisé de leurs demandes d’asile ? «C’est
gravement méconnaître la situation libyenne, commente Corinne Torre,
de Médecins sans frontières. Dans ce pays, les migrants se cachent de
peur d’être capturés, torturés, rançonnés. On risque de les exposer un peu
plus, de les mettre en danger.» L’Elysée reconnaît que «les
conditions de sécurité ne sont pas réunies»pour le moment. Et qu’il
n’est pas «pas possible aujourd’hui»d’installer les hot spots.
Seule une «mission de faisabilité» sera diligentée «fin août»,
rétropédale l’Elysée.
En revanche, la présidence assume cette volonté de prendre
en charge les demandes d’asile «le plus en amont possible»,notamment
au Tchad et au Niger. «La France peut-elle intervenir dans un pays
souverain ? Cela me semble difficile, relève Pierre Henry, de
France Terre d’asile. Nous sommes favorables à l’ouverture de voies de
migrations légales, c’est une bonne chose. Mais il existe déjà le
Haut-Commissariat aux réfugiés, qui a présenté un plan de réinstallation des
réfugiés, pourquoi sortir de ce schéma ?» D’autant qu’aucun Etat
européen ne s’est associé, jusqu’à présent, à la proposition d’Emmanuel Macron.
Offre de service
Deuxième question soulevée par l’annonce des hot spots
libyens : où les installer ? L’Elysée évoque «la région
Sud», c’est-à-dire le Fezzan. Logique, puisque l’écrasante majorité
des réfugiés y passe. Mais c’est justement la zone où les «conditions
de sécurité»sont les plus délicates. L'autorité du gouvernement reconnu par
la communauté internationale y est inexistante. Les trois principaux groupes de
la région – les Touaregs, les Toubous et la tribu arabe des Ouled
Slimane – estiment avoir un lien particulier avec la France, dont les
derniers soldats ne sont partis du Fezzan qu’en 1956, et cherchent à en tirer
parti. Senoussi Messaoud, membre du conseil des tribus des Ouled Slimane,
principale tribu de Sebha, la capitale du Sud, tend ainsi la main: «Si
la France nous aide, nous pouvons contrôler la frontière.» Les deux
autres clans font la même offre de service, promettant de transformer les 2000
km de frontière avec le Niger, le Tchad et le Soudan en zone sécurisée… Un pari
risqué. Prendre parti pour l’un des trois acteurs, c’est s’aliéner les deux
autres.
Quant au reste du pays, il n’est pas beaucoup plus sûr. La
route de 50 km qui relie Tripoli à Zaouiya, proche des plages d’où partent les
navires de migrants, est régulièrement bloquée par des milices hostiles au gouvernement
de Tripoli et par des bandes criminelles spécialisées dans les enlèvements. A
part l’ambassade d’Italie, aucune représentation diplomatique occidentale ou
internationale n’est revenue s’installer dans la capitale. C’était d’ailleurs
la principale raison invoquée par le ministre français de l’Intérieur, Gérard
Collomb, lundi à Tunis, lors d’une conférence interministérielle sur la
migration, pour écarter l’idée d’installer des centres pour les migrants en
Libye.
Migrants : les annonces de Macron au défi du terrain (27.07.2017)
Publié le 27/07/2017 à 20h46
DÉCRYPTAGE - Le chef de l'État a dévoilé jeudi un plan
global pour résoudre la crise du droit d'asile. Mais certaines des mesures
prévues se heurtent aux réalités du terrain et leur mise en œuvre s'annonce
difficile.
La montagne accouchera peut-être d'une souris, mais
indéniablement, ce
que vient d'énoncer Emmanuel Macron en matière d'asile et d'immigration, la
droite n'aurait pu l'exprimer plus justement. L'idée est simple : sortir d'une
ambiguïté longtemps entretenue à gauche, en faisant cette fois clairement la
distinction entre les migrants économiques, qui ont vocation, pour l'essentiel,
à rentrer chez eux, et les authentiques réfugiés, victimes de conflits, de
persécutions, pour qui la protection de la France va de soi.
Son initiative est humanitaire, diplomatique, sécuritaire.
C'est un plan global, une mise en perspective des pistes évoquées par le
premier ministre, Édouard Philippe, le 12 juillet dernier, pour «garantir
le droit d'asile et mieux maîtriser les flux migratoires».
Emmanuel Macron a donc inscrit dans ses tables de la loi
jupitérienne des principes quasi sacrés. «La première bataille, dit-il : loger
tout le monde dignement. Je veux partout des hébergements d'urgence. Je ne veux
plus de femmes et d'hommes dans les rues.»
Soit ! Mais, alors, il va falloir hâter le mouvement. Car
dans le programme dévoilé par son premier ministre, quinze jours plus tôt, on
ne prévoit que 12.500 places supplémentaires d'hébergement : 7500 iront à
l'hébergement de demandeurs d'asile - ils sont plus de 100.000 par an pour
54.000 places au maximum - et 5000 iront aux réfugiés.
2 milliards d'euros par an
Il faudra en outre deux ans pour que ces nouvelles places
soient toutes livrées. Entre-temps, et même après leur livraison, il faudra
encore héberger des dizaines de milliers de personnes à l'hôtel. Un hébergement
au prix fort. Il est inévitable, mais l'exécutif fait tout ce qu'il peut, c'est
vrai, pour en limiter les coûts. Rappelons la facture globale de l'asile
dévoilée en 2015 par la Cour des comptes: 2 milliards d'euros par an. Au
bas mot…
«Je veux partout, dès la première minute, un traitement
administratif qui permette de déterminer si on peut aller vers une demande
d'asile ou non», déclare aussi le président de la République. Sur ce point, il
a quelque marge de manœuvre. Il peut agir auprès des préfets. Car il faut des
mois pour qu'un migrant, pris en charge par les associations, obtienne un
rendez-vous en préfecture avant d'être orienté vers le guichet de l'asile. Les
instances de l'asile (Ofpra et CNDA), chargées d'instruire les dossiers, sont
en mesure, disent-elles, de réduire, pour leur part, le délai global de
traitement à six mois.
Mais ensuite, que faire de ceux qui doivent partir? L'an
dernier, sur 91.000 clandestins interpellés, seuls 31.000 se sont vu
délivrer une obligation de quitter le sol français et moins de 25.000 ont
effectivement quitté le territoire. Un solde d'autant moins satisfaisant que
seulement 13.000 sont renvoyés de manière contrainte. Les déboutés du droit
d'asile, eux, ne sont même pas un sur dix à repartir.
Par quel miracle le gouvernement obtiendra-t-il des pays-sources les laissez-passer consulaires sans lesquels aucun retour n'est
possible ? Comment réglera-t-il le problème très concret des refus d'embarquer
dans les avions des étrangers indésirables ? Et les avocats qui refusent
d'assister aux audiences du tribunal de Roissy pour les migrants ?
Le président Macron touchera-t-il à la circulaire Valls de
novembre 2012, qui garantit aux migrants une régularisation automatique après
cinq ans de présence sur le territoire ? Il promet des lois, en tout cas, des
négociations serrées, sur Schengen, sur les «hot spots», de la fermeté, de
l'audace. Il promet aussi une vraie politique d'intégration. Il faudra
maintenant inscrire cette
politique novatrice dans la durée.
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Hot spots en Libye :
«Ce que le président a annoncé est tout à fait nouveau » (27.07.2017)
Mis à jour le 27/07/2017 à 19h12 | Publié le 27/07/2017 à 18h22
INTERVIEW - Emmanuel Macron a annoncé jeudi la création «dès
cet été» de centres d'examen pour demandeurs d'asile en Libye. Pascal Brice,
directeur de l'Ofpra (Office Français de protection des réfugiés), réagit à
l'annonce du président de la République.
LE FIGARO.- Des «hot spots» en Libye pour
orienter les réfugiés avant qu'ils ne traversent la Méditerranée, est-ce
vraiment une nouveauté ?
Pascal BRICE.- Ce que le président de la
République a annoncé est tout à fait nouveau puisque cela ne s'est encore
jamais fait sur le sol africain. L'objectif est d'éviter la
traversée de la Libye et de la Méditerranée à un certain nombre de
ceux des migrants qui relèvent bien du droit d'asile. L'Ofpra réalise depuis
trois ans au Proche-Orient, au Liban, en Jordanie, en Turquie ou en Égypte des
missions visant à instruire la demande
d'asile sur place, dans de bonnes conditions. Depuis
2014, nos agents ont déjà pu entendre dans le cadre de ces procédures
délocalisées pas moins de 10.000 personnes. Il reviendra au gouvernement de
fixer les modalités et les objectifs sur le nombre d'hommes et de femmes à
protéger et accueillir en France dans ce cadre.
Mais la France ne peut agir seule sur un dossier aussi
complexe. Comment procéder, selon vous?
Nous avons l'expérience du Proche-Orient, où nous
travaillons avec le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). Une dynamique
européenne pourrait aussi se créer. Et puis il s'agit de travailler avec ces
pays africains de transit.
Cela dit, on risque de changer sérieusement de dimension,
vu les flux concernés. Y est-on prêt?
Il faut bien saisir le caractère très complet de l'approche
présidentielle. Son plan consiste d'abord à protéger le plus en amont possible
une partie des réfugiés sur les routes de l'exil. D'où son initiative
africaine. Il veut, dans le même temps, stabiliser
la Libye, lutter contre les passeurs, dépêcher des agents de l'Ofpra dans
les «hot spots», en Italie notamment, pour y instruire sur place les demandes
d'asile. Par ailleurs, en France, il désire un système qui fonctionne de façon
juste et efficace, en faisant bien le distinguo entre les réfugiés et les
migrants économiques.
La machine de l'asile peut-elle, comme il le souhaite,
régler un dossier en six mois d'ici à la fin de l'année ?
Oui, cela est possible et cela se fera. À l'Ofpra, nous
pourrons réduire le temps moyen d'instruction à deux mois, alors qu'il était de
neuf mois en 2015 ! Les délais sont déjà descendus à cinq mois aujourd'hui. Et
tout le monde va y gagner. Réduire
d'un mois le délai de traitement à l'Ofpra représente un
investissement qui permet des économies plus importantes en termes
d'hébergement. Alors, oui, c'est un effort budgétaire, mais il est rentable. Il
faudra aussi que l'Ofpra poursuive sa réorganisation engagée depuis quatre ans
de manière volontariste. Je suis convaincu pour ma part que, pour réussir une
réforme comme celle initiée par le chef de l'État, il faut savoir changer de
regard. C'est vraiment une question de culture, celle de l'asile.
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Macron fait le pari
audacieux de stopper les migrants en Libye (27.07.2017)
Par Maryline
Dumas
Mis à jour le 27/07/2017 à 20h52 | Publié le 27/07/2017 à 18h58
VIDÉO - Le président de la République a annoncé jeudi son
intention de mettre en place dès cet été sur le territoire libyen des centres
d'examen des demandes d'asile.
Tunis
«L'idée est d'ouvrir
des “hot spots” en Libye afin d'éviter aux gens de prendre des risques
fous alors qu'ils ne sont pas tous éligibles à l'asile», a annoncé jeudi
Emmanuel Macron, en évoquant une initiative française dès cet été. Alors que
112.018 migrants ont traversé la Méditerranée depuis la Libye en 2017 et que
plus de 2300 en sont morts, selon l'Organisation internationale pour les
migrations (OIM), l'idée
circule depuis des mois au sein de la communauté européenne. Elle se heurte
cependant à des difficultés de taille.
Ces camps installés en Libye permettraient d'examiner la
situation des candidats à l'asile avant tout départ, selon le plan français.
Or, la majorité des 800.000 à 1 million de migrants aujourd'hui dans le
pays - selon l'estimation française - ne peut prétendre au statut de réfugié.
D'après l'OIM, Nigérians, Bangladais, Ivoiriens et Gambiens forment le gros des
troupes arrivant de Libye : il s'agit de migrants économiques. La
création de ces «hot
spots» ne
devrait donc pas les décourager de prendre la mer.
Tensions régulières
Le président français estime que ces camps pourraient être
installés, «dès cet été», si
la situation sécuritaire le permet. Mais il est peu probable que celle-ci
s'améliore de façon significative dans les prochaines semaines. Certes, l'accord
signé, mardi à Paris, par le premier ministre Fayez al-Sarraj et Khalifa
Haftar, le bras armé du gouvernement rival d'El Beida (est), est un pas
positif. Mais il reste insuffisant.
Dans l'Ouest libyen, d'où partent la plupart des
embarcations de migrants pour des questions géographiques et climatiques, Fayez
al-Sarraj est loin de contrôler l'ensemble des groupes armés. Les tensions y
sont régulières. La route côtière entre Tripoli et la frontière tunisienne est
régulièrement fermée. Rivalités entre villes et brigades provoquent parfois des
combats auxquels il faut ajouter les kidnappings organisés par des gangs. Le
28 juin dernier, sept membres de la mission de l'ONU en Libye ont été
brièvement enlevés à Zawiya, à 50 kilomètres à l'ouest de Tripoli. Il y a à
peine dix jours, Sami al-Gharabli, chef d'une brigade à la pointe de la lutte
contre l'EI, était assassiné dans sa ville de Sabratha, où les Américains
avaient bombardé des camps terroristes début 2016. Située à 78 kilomètres à
l'ouest de Tripoli, cette cité antique est devenue un point de départ des
migrants vers l'Italie.
À l'est de Tripoli, c'est le reliquat des forces de Fajr
Libya qui posent problème. Début juillet, cette coalition islamiste, qui a tenu
Tripoli de 2014 à 2016, a tenté d'entrer dans la capitale. Ces hommes
ont été stoppés à Garabulli, autre plage connue pour les départs de migrants.
Enfin, les combattants de l'État islamique sont toujours sur place, même s'ils
ont perdu leur
territoire de Syrte en décembre dernier. Ils circulent également, tout
comme Ansar al-charia, dans le Fezzan, la région sud libyenne que traversent
les migrants arrivant d'Afrique subsaharienne pour rejoindre la côte
méditerranéenne. Installer des hot spots dans l'ouest ou dans le sud libyen
semble donc irréaliste.
Retour de la stabilité
Dans ces conditions, difficile d'envoyer des étrangers pour
mettre en place les structures voulues par Emmanuel Macron. Or les camps de
détention qui sont tenus par les Libyens, de façon officielle ou non, ne
peuvent être cités en exemple, comme a pu le constater Le Figaro à
différentes reprises. Ces bâtiments surpeuplés sont insalubres. Les migrants se
plaignent d'être battus - y compris à mort -, violés, sous-nourris et sont
parfois même revendus à des trafiquants. Le ministre de l'Intérieur français,
Gérard Collomb, en a conscience : «Il suffit d'avoir vu quelques documents
concernant les camps de Sabratha, par exemple, pour savoir qu'il y a des
conditions d'exploitation d'êtres humains qui sont totalement indignes»,
affirmait-il lundi au Figaro alors qu'il participait à une
réunion ministérielle sur la migration à Tunis.
La clé de la migration en Méditerranée réside avant tout
dans la stabilité de la Libye, qui pourrait résorber en partie le flux
L'initiative d'Emmanuel Macron semble s'inspirer de l'accord
passé entre l'Union européenne et la Turquie en 2016, lequel, selon Gérard
Collomb, «a tari des sources qui étaient quelques fois lointaines. Nous avons
besoin d'accord avec l'ensemble de ces pays (sources et transit, NDLR). D'abord
avec la Libye, mais, précisait-il, une Libye stabilisée». L'idée d'installer
des camps dans l'ancien pays de Mouammar Kadhafi, soutenue par l'Allemagne et
mentionnée dans certains plans de l'UE, n'est pas d'actualité, avait expliqué
le ministre de l'Intérieur en début de semaine : «On ne peut pas. On espère que
les choses vont s'améliorer progressivement.»
La
clé de la migration en Méditerranée réside avant tout dans la stabilité de la
Libye, qui pourrait résorber en partie le flux. Sécurité et reconstruction
encourageraient les migrants à rester dans ce pays où le travail ne manque pas.
En 2012, année relativement calme pour la Libye, ils étaient moins de 9000 à
tenter la traversée vers l'Europe.
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Migrants: en perte
de vitesse, Macron monte au front sur un sujet inflammable (27.07.2017)
Par Marcelo
Wesfreid
Mis à jour le 27/07/2017 à 20h38 | Publié le 27/07/2017 à 19h45
Alors qu'il avait assez peu détaillé ses idées pendant sa
campagne présidentielle, le chef de l'État a précisé sa doxa en matière
d'accueil des réfugiés.
On connaissait les promesses de campagne. Voici maintenant
les promesses de début de mandat. À la préfecture d'Orléans, Emmanuel Macron a
conclu, jeudi, une cérémonie de naturalisation, en prenant des engagements
ambitieux sur la question des réfugiés : création de centres de traitement
administratif («hot
spots») en Libye, examen des demandes d'asile en six mois et hébergement de
tous les migrants. «D'ici la fin de l'année, je ne veux plus personne dans les
rues, dans les bois», a-t-il déclaré. «Je ne veux plus de femmes et hommes dans
les rues», a martelé le président, qui a rencontré, le matin même, des femmes
rescapées d'Alep (Syrie) et a longuement pris dans ses bras le bébé de l'une
d'elles.
«C'est le genre de
promesses qu'on regrette ensuite d'avoir faites, grince un ancien conseiller de
François Hollande. Cela rappelle quand Lionel Jospin assurait qu'il n'y aurait
plus de SDF en France…» Confronté à ses premières difficultés sondagières et à
un début de contestation interne à l'Assemblée, le chef de l'État semble
déterminé à montrer qu'il tient la barre sans être impressionné par les vents
contraires. «Le président en appelle à une véritable refondation de la
politique migratoire, souligne-t-on à l'Élysée. Il lance un vaste chantier pour
le reste du quinquennat, c'est une ambition très importante portée au plus haut
niveau de l'État.» L'annonce de la nationalisation de STX offre une autre
illustration de cette posture volontariste.
«Humanité et efficacité»
Alors qu'il avait assez peu détaillé ses idées pendant sa
campagne présidentielle, Emmanuel Macron a précisé sa doxa en matière d'accueil
des réfugiés. Un mélange entre «humanité et efficacité». Entre «dignité» et
fermeté. Le président a musclé son discours, tirant à boulets rouges sur
l'angélisme et les «bons sentiments». «C'est exigeant la générosité, parce
qu'on ne peut pas donner plus que ce que l'on a.» Emmanuel Macron s'en est pris
à ces «Françaises et (…) Français, nés français», qui «finissent par penser que
la République ne donne que des droits, qu'elle n'offre qu'une créance sur le
reste de la société et pas de devoir». La situation nécessite une réaction
rapide, a poursuivi le chef de l'État. «Il y a aujourd'hui, au moment où je
vous parle, entre 800.000 et un million de femmes et d'hommes qui attendent
dans les camps en Libye.»
L'allocution d'Orléans intervenait deux jours après la
rencontre entre
les deux frères ennemis de la Libye, Fayez al-Sarraj et Khalifa Haftar, le
25 juillet, à La Celle-Saint-Cloud, à l'initiative d'Emmanuel Macron.
En clair, le président a voulu montrer qu'il abordait le problème des réfugiés
dans sa globalité, qu'il souhaitait donner une impulsion diplomatique là où ses
prédécesseurs ont échoué, notamment sur l'implantation de «hot spots» en dehors
des frontières de l'Europe - François Hollande, qui soutenait cette idée,
n'avait pu la mettre en œuvre ni convaincre ses homologues. «Le sujet a été
maintes fois débattu dans les Conseils européens, rappelle Arnaud Leroy, membre
du conseil d'administration de La République en marche. On ne peut plus
attendre indéfiniment une solution européenne.»
«Cette idée des hot
spots en Libye va dans le bon sens, estime aussi le sénateur LR du Rhône,
François-Noël Buffet, l'un des meilleurs connaisseurs du sujet dans sa famille
politique. Je la défendais, pour ma part, depuis 2015, et je me sentais bien
seul. Reste à savoir dans quelles conditions elle sera mise en œuvre.» Sur ce
point, comme sur bien d'autres, le président n'est pas rentré dans le détail.
Un projet de loi est attendu à l'automne, dont un volet portera sur les
reconductions à la frontière.
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A Metz, le camp de Blida surpeuplé et insalubre (26.07.2017)
Comme chaque année depuis 2013, quelque quatre cents migrants s’entassent sur un parking, d’avril à octobre.
LE MONDE | 26.07.2017 à 11h08 • Mis à jour le 26.07.2017 à 17h44 | Par Hélène Assekour
C’est très difficile, ici. Cette nuit, il a beaucoup plu, les vêtements sont mouillés. » Lindita vit depuis avril sur le camp de Blida, à Metz. Avec son mari, cette jeune femme de 28 ans a fui les menaces de mort de sa famille au Kosovo. Arrivés en février, ils ont vécu pendant deux mois dans la rue jusqu’à l’ouverture du camp, en avril. Un parking, situé en face d’une usine de traitement de déchets, à quelques minutes en voiture du centre-ville et transformé partiellement, six mois par an, en camp.
Là, quelque 400 personnes, dont 150 enfants, s’entassent dans des tentes collées les unes aux autres. Lorsque la pluie a succédé aux fortes chaleurs du début du mois de juillet, la grande bâche du coin cuisine a servi de parapluie de fortune. Les réfrigérateurs sont vides parce qu’on a trop peur des vols. Lorsque le soleil revient, les enfants jouent dans les flaques d’eau.
Des dizaines de familles y transitent en attendant une mise à l’abri
Habitat précaire et insalubrité, Blida a tout d’un campement sauvage. Pourtant, c’est l’Etat, via la préfecture, qui a ouvert ce site le 11 avril, comme chaque année depuis 2013, excepté en 2015, année où la préfecture avait estimé qu’il n’était pas nécessaire de le mettre en place. C’est dans cette avenue que se trouvait auparavant l’Association d’information et d’entraide mosellane (AIEM), qui gère le premier accueil des demandeurs d’asile. « Jusque-là, les personnes s’installaient devant le dispositif de premier accueil, elles dormaient dans la rue », se souvient Anoutchka Chabeau, directrice départementale de la cohésion sociale. La préfecture a alors préféré mettre à disposition un parking, en accord avec la mairie.
Depuis, quelques personnes seules, mais surtout des dizaines de familles y transitent en attendant une mise à l’abri. La plupart viennent des Balkans, surtout d’Albanie, comme Ilir. « J’étais menacé, je suis parti avec ma famille. J’ai travaillé, et je n’ai...
Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 26/07/2017 à 12h37 | Publié le 26/07/2017 à
12h01
Le mur antimigrants érigé près de Tabres lundi est tombé.
Selon la préfecture et des opposants, il a été détruit par les mêmes riverains
qui l'avaient construit. Lundi, des membres du collectif Séméac avaient muré
l'accès à un hôtel Formule 1, destiné à être transformé en centre d'accueil
pour migrants à Séméac.
"Ce matin, on l'a fait tomber. On avait fait des
propositions qui ont été acceptées par l'Adoma (ex-Sonacotra, qui va gérer le
centre d'accueil). On est satisfaits", a déclaré à l'AFP le responsable du
collectif d'opposants Laurent Teixeira.
Lundi, ce même responsable avait expliqué: "Nous ne
sommes pas contre l'accueil. Il faut faire quelque chose pour ces personnes en
difficulté, mais il faut prendre également en compte les citoyens." Le
collectif protestait en particulier contre la localisation de l'hôtel,
"dans une zone pavillonnaire", souligne Hugo Lacoue, buraliste à
Séméac et membre du collectif.
Cet hôtel Formule 1 d'une capacité de 85 personnes,
appartenant au groupe AccorHotels, fait partie des 62 établissements premier
prix de l'enseigne rachetés par la SNI (filiale de la Caisse des Dépôts) pour
devenir des structures d'hébergement et d'accueil, gérées par Adoma
(ex-Sonacotra).
Migrants : face au refus d’accueil du gouvernement, les autorités locales s’organisent (21.07.2017)
Une semaine après l’annonce d’un plan sans solution pour les
exilés qui campent à Paris, Calais, ou Dunkerque, élus et associations trouvent
leurs propres remèdes.
LE MONDE | 21.07.2017 à 06h39 • Mis à jour le 21.07.2017 à
11h34 | Par Maryline Baumard
Distribution de nourriture par l’association caritative La
Chorba, à la porte de la Chapelle (Paris), le 18 juillet.
Aux annonces politiques faites sous les ors de la
République, répond le pragmatisme du terrain… Une semaine après l’annonce du
plan migrants par le premier ministre, des solutions en contradiction directe
avec les desiderata du gouvernement se dessinent déjà, inventant sur ce thème
sensible, une sorte de désobéissance des territoires.
Le 12 juillet, Edouard Philippe avait annoncé un plan migratoire
sans solution pour les exilés qui campent à Paris, se terrent à Calais
(Pas-de-Calais), dans la vallée de la Roya (Alpes-Maritimes) ou à Dunkerque
(Nord). En marge de sa feuille de route, centrée sur la dissuasion, avec un
accent particulier mis sur les renvois massifs et le rêve de tarir les flux
d’entrée, le premier ministre avait souligné n’avoir « aucune solution » pour
les actuels points de crispation.
Les premiers signes de désaccord ont commencé à se
manifester dans la capitale, lundi 17 juillet. Pour la première fois de son
histoire, la Mairie de Paris s’est directement chargée de la nourriture des
migrants. Entre 18 heures et 20 heures, les bénévoles de La Chorba, une
association caritative, ont distribué 700 repas financés par la municipalité,
autour du centre de transit de la porte de La Chapelle, et vont continuer à le
faire.
Besoins vitaux
Officiellement, la Mairie a en effet accepté de prendre le
relais des associations de riverains, le temps des vacances. Solidarité Wilson
et d’autres lui avaient fait part de leur inquiétude à laisser sans nourriture,
faute d’assez de bénévoles, les migrants qui se massent dans ce quartier ; 800
sont déjà de retour alors que 2 700 avaient été évacués de la zone le 7
juillet.
« Pour le moment, la Mairie de Paris s’engage pour l’été,
observe Khater Yenbou, le directeur de La Chorba, mais nous espérons bien
qu’elle continuera à la rentrée. » Anne Hidalgo, maire socialiste de Paris,
offre donc dans les rues de la capitale cette réponse aux besoins vitaux que l’Etat ...
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2017/07/21/migrants-face-au-refus-d-accueil-du-gouvernement-les-autorites-locales-s-organisent_5163210_1654200.html
« Le plan du gouvernement pour les migrants ne résout rien
», selon le défenseur des droits (21.07.2017)
En visite, à La Chapelle, à Paris, Jacques Toubon pense
qu’il « s’inscrit dans la ligne des politiques successives qui dysfonctionnent
depuis 30 ans ».
LE MONDE | 21.07.2017 à 12h02 • Mis à jour le 21.07.2017 à
14h36 | Par Maryline Baumard
Le défenseur des droits, Jacquses Toubon, vendredi 21
juillet, au centre de transit de la porte de La Chapelle, à Paris.
« On commence par où ? » Le défenseur des droits, Jacques
Toubon, jette un œil à droite à gauche, opère presque un tour complet sur lui-même.
Il est 9 heures, porte de La Chapelle, à Paris, et les migrants affluent de
tous côtés. La file d’attente pour un petit-déjeuner chaud s’allonge, la file
devant l’entrée du centre de transit est déjà bien longue. C’est comme cela
tous les matins, dans le 18e arrondissement de la capitale.
Ce vendredi, Jacques Toubon est venu mesurer lui-même ce
qu’il se passe autour du point d’accueil mis en place en novembre 2016 par la
mairie de Paris et empêché de fonctionner à plein régime par l’Etat, ce qui
fait que l’endroit ne désemplit pas.
Le lieu est symbolique, fait-il observer, car « il permet de
voir les deux facettes de la politique. D’une part, il y a, à l’intérieur du
centre, des migrants qui sont bien pris en charge, preuve que l’on sait faire ;
de l’autre, il y a tous ceux qui ne parviennent pas à y entrer et qui montrent
que le plan annoncé par le gouvernement la semaine dernière est décevant. »
Pour M. Toubon, « il aurait fallu que le gouvernement
propose la mise en place de cinq à dix centres de premier accueil un peu
partout en France pour éviter aux migrants de dormir dehors, pour les nourrir
et apporter une réponse à leurs problèmes de santé ».
C’est la première fois que le défenseur des droits s’exprime
depuis l’annonce, le 12 juillet, du plan du gouvernement pour « garantir le
droit d’asile » et « mieux maîtriser les flux migratoires », basé sur une
politique sacrifiant l’accueil et augmentant la « dissuasion migratoire ».
En l’occurrence, l’ex-ministre de la justice (1995-1997) de
Jacques Chirac rejette la crainte d’un appel d’air, qui a amené le gouvernement
d’Edouard Philippe à prendre de telles mesures : « l’appel d’air, ça n’a aucun
sens, la migration, c’est une fuite, pas la quête d’un Eldorado », balaie M.
Toubon d’un revers de main.
Sur un plot en ciment, un groupe de Soudanais attend. Les
traits tirés après des nuits sur le terre-plein central au milieu du boulevard
des Maréchaux, l’un d’eux lève ses yeux fatigués. « Monsieur, pourquoi
êtes-vous là ce matin ? », lui demande M. Toubon. De fil en aiguille, l’homme,
qui attend de déposer sa demande d’asile, lui raconte le Darfour, la traversée
de la Méditerranée et son désarroi, ici.
« Cet homme incarne ce qui ne fonctionne pas, résume M.
Toubon. Chaque personne qui entre en France doit voir ses droits fondamentaux
respectés. Ce sont des droits inconditionnels et c’est à l’Etat à y répondre.
Or, une nouvelle fois, nous avons un gouvernement qui va proposer un nouveau
texte de loi à la rentrée au Parlement. C’est la même chose depuis 1974, et ça
ne résout rien. »
La crainte d’un été difficile
« Je pensais que le nouveau gouvernement allait faire un
état des lieux et prendre des mesures pragmatiques, poursuit le défenseur des
droits, sans lâcher des yeux l’homme qui lui fait face. Le plan du gouvernement
est décevant, je le répète, car il ne prend aucune distance. Il s’inscrit dans
la ligne des politiques successives qui dysfonctionnent depuis trente ans. Il
suffit de regarder ce qu’il se passe à Calais, que j’ai dénoncé. Il suffit
d’analyser ce qu’il se passe ici. »
Si M. Toubon craint que l’été soit difficile, il s’inquiète
aussi pour le sort que le gouvernement Philippe réserve aux « dublinés ». La
France considère qu’elle doit renvoyer en Italie, en Allemagne ou plus
largement dans un autre pays d’Europe, les demandeurs d’asile qui y ont laissé
leurs empreintes. Or, si ces renvois se multiplient, les retours en France sont
exponentiels.
M. Toubon rappelle que ces « renvois au nom de Dublin ne
sont pas obligatoires » : il existe « une clause dans le règlement de Dublin
qui permet à la France de prendre leur demande d’asile en compte, comme il
existe un article de notre Constitution qui permet aussi de le faire ».
Emmanuel Macron a, certes, déclaré, lors d’un Conseil
européen à la fin du mois de juin, qu’il fallait « accueillir des réfugiés, car
c’est notre tradition et notre honneur », mais en pratique « la volonté
politique » reste aux abonnés absents, déplore M. Toubon, en regardant autour
de lui les dizaines d’Afghans, Soudanais et Erythréens qui ne parviennent
qu’après moult efforts et bien des nuits blanches à déposer une demande d’asile
au pays des droits de l’homme.
Évacuation du plus grand squat d'Île-de-France (20.07.2017)
Mis à jour le 20/07/2017 à 09:04
Le plus grand squat d’Île-de-France est actuellement en
cours d’évacuation, rapporte le journal Le Parisien. Les forces de l’ordre sont
sur place.
» Lire aussi - Le plus grand squat d’Île-de-France sera
remplacé par un lycée
La cité industrielle de la Jarry, située à Vincennes abrite
depuis 2004 plus de cent personnes. Le lieu accueillait des familles et des
artistes. La municipalité et la préfecture avaient sommé les habitants de
quitter les lieux, suivant la décision de justice notifiant l’expropriation de
cet immense squat ayant hébergé entre 300 et 500 personnes.
Le Syndicat intercommunal, composé par les villes de Fontenay
et de Vincennes, est devenu propriétaire de cette bâtisse de 46000 km2, étalée
sur six étages.
Un arrêté de péril a été pris à cause de la dangerosité des
lieux. Le bâtiment, une fois détruit, va laisser place à un lycée flambant
neuf.
Migrants: tentative de rejoindre l'Angleterre par avion (18.07.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFPMis à jour le 18/07/2017 à 13:23
Publié le 18/07/2017 à 13:18
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/07/18/97001-20170718FILWWW00139-migrants-tentative-de-rejoindre-l-angleterre-par-avion.php
Sept personnes, dont quatre migrants, qui tentaient de
rejoindre l'Angleterre à l'aide d'un petit avion, ont été interpellées hier sur
le tarmac de l'aérodrome de Marck, près de Calais, une première, a indiqué un
source judiciaire.
» Lire aussi - Migrants : le gouvernement en panne de solutions
Le pilote ainsi que deux passeurs, tous de nationalité
britannique, ont été placés en garde à vue. Ils sont passibles du délit
"d'aide à la circulation d'étrangers en situation irrégulière en bande
organisée", a indiqué le procureur adjoint de Boulogne-sur-Mer Philippe
Sabatier.
Sur les quatre migrants ressortissants albanais, les
enquêteurs ont "perdu la trace" d'une mère et de son enfant qui
avaient été dirigés vers un hôpital voisin. Les deux autres personnes, un homme
et une femme, vont pour leur part "être placés au centre de rétention
administrative de Coquelles", selon le parquet.
Les interpellations ont eu lieu sur le tarmac de l'aérodrome
de Marck alors que l'avion était au sol et le pilote aux commandes de
l'appareil.
"Il est trop tôt pour connaître le profil du pilote,
les enquêteurs sont dans l'attente des renseignements que leur communiqueront
les autorités britanniques", a précisé le parquet. "C'est la première
fois que le parquet de Boulogne est saisi d'une tentative de passage de
migrants par voie aérienne", a-t-il encore souligné.
Rennes. Les migrants du squat s'installent Place de la Mairie (17.07.2017)
Modifié le 17/07/2017 à 15:51 | Publié le 17/07/2017 à 13:35
Les migrants de la Poterie se sont installés place de la mairie ce midi. Les migrants de la Poterie se sont installés place de la mairie ce midi. | Ouest-France.
Samuel Nohra
Comme ils l’avaient promis, les 175 migrants du squat de la Poterie ont quitté le lieu ce matin à 10 h. Ils se sont ensuite dirigés vers la place de la mairie où ils sont toujours. Ils ont transformé l’opération transat en ville en transat en migrants. Ils attendent que la ville ou la préfecture leur proposent des solutions de logement, du moins pour les plus vulnérables et les enfants.
Ils sont une centaine de migrants, après avoir quitté ce matin le squat de la Poterie, à s’être rendus place de la mairie. Et ils ont transformé l’opération transat en ville en transat en migrant.
Installés sur les marches de l’opéra pour profiter des zones d’ombre, ils attendent d’éventuelles solutions de relogement. Notamment pour les personnes les plus fragiles et les familles avec enfants.
Selon plusieurs sources, une réunion, à l’initiative de la ville, serait organisée à 15 h. Et la ville pourrait proposer un gymnase en solution provisoire.
Il paraît en effet peu probable que les autorités aient envie que la place de la mairie se transforme en squat de longue durée.
Un migrant irakien secouru au large de Dunkerque (16.07.2017)
Mis à jour le 16/07/2017 à 14:59
Un migrant irakien, tentant de rejoindre l'Angleterre, a été secouru dimanche matin par un plaisancier. A bord d'un radeau de fortune, il dérivait au large de Dunkerque, selon la préfecture du Nord.
» Lire aussi - Migrants : et si on les laissait passer enAngleterre ?
"Il serait parti seul hier aux alentours de 23h00 depuis Calais mais, ne pouvant guider son embarcation, il dérivait en direction de l'est" non loin des côtes françaises, a précisé la préfecture.
Agé de 46 ans, l'homme tentait de rejoindre les côtes anglaises à bord d'un radeau composé de simples planches en bois et de bouteilles. Un plaisancier a repéré dans la matinée l'embarcation et a recueilli à bord de son voilier le réfugié, en état d'hypothermie, avant de prévenir le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Gris-Nez.
» Lire aussi - Migrants : l'Angleterre doit prendre sesresponsabilités
"A 10h15, le voilier Citron Vert arrive à Dunkerque. L'homme est pris en charge par un véhicule de secours et d'assistance aux victimes du Service départemental d'incendie et de secours du Nord et confié à la Police aux frontières", a indiqué pour sa part dans un communiqué la préfecture maritime de la Manche et de la mer du nord.
A plusieurs reprises depuis 2016 et l'accentuation de la crise migratoire dans le Calaisis, des réfugiés désespérés ont tenté de rejoindre l'Angleterre à bord d'embarcations plus ou moins artisanales mais ont dû, le plus souvent, être secourus en mer.
La densité de trafic, les courants importants, les hauts fonds, du vent en permanence et une basse température de l'eau rendent la traversée de la Manche très difficile et extrêmement dangereuse.
Mis à jour le 14/07/2017 à 16h52 | Publié le 14/07/2017 à 15h36
Crise migratoire : le dessous des cartes par Elise Vincent (14.07.2017)
Mis à jour le 14/07/2017 à 16h52 | Publié le 14/07/2017 à 15h36
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Elise Vincent, auteur de «La Vague», livre enquête sur la question des migrants, revient pour le FigaroVox sur trois ans de crise migratoire. Elle décrit l'envers du décor de cet événement historique, la logique de l'État et ses rouages.
Élise Vincent est journaliste au Monde depuis plus de dix ans. Elle a couvert les questions d'immigration à partir de 2010, avant de rejoindre le pôle police-justice en janvier 2015. Son livre, La Vague, la France face à la crise migratoire (2014-2017) vient de paraître aux éditions Des Equateurs.
Quelques 2 800 migrants ont été évacués, il y a tout juste une semaine, de la porte de la Chapelle, puis mis à l'abri dans des gymnases. Le gouvernement a annoncé dans la foulée, mercredi 12 juillet, un vaste plan pour tenter de répondre à la problématique de l'asile et des flux migratoires. Comment en est-on arrivé là?
Si on parle des migrants de La Chapelle, les raisons sont multiples. Mais la principale, c'est que le campement humanitaire qui a ouvert ses portes à Paris, en novembre 2016, a atteint ses limites capacitaires. Il était prévu pour un flux de 50 à 80 arrivées par jour. Or rapidement, les 100 arrivées quotidiennes ont été dépassées. Avec la recrudescence saisonnière des tentatives de traversée de la Méditerranée - la mer étant plus calme à partir du printemps - la situation n'a fait que s'aggraver. Sous le quinquennat de François Hollande, des pas importants ont été faits en matière d'accueil des migrants. Le nombre de places d'hébergement a été multiplié par quatre. La création des centres d'accueil et d'orientation (CAO) aussi, partout sur le territoire, a été une petite révolution en soi dans la gestion des flux, même si les conditions d'hébergement sont rustiques. Tous les acteurs concernés savaient néanmoins que ce système allait vite toucher ses limites.
Peut-on dire que Paris s'est transformé en «Calais périphérique»?
Oui et non. Le démantèlement de la «jungle» de Calais en novembre 2016 et le verrouillage des voies de passages clandestines sur le littoral de la Manche par le renforcement des contrôles ont mécaniquement engendré un effet de report sur Paris. Mais le phénomène nouveau qui a pris des proportions inégalées jusqu'à présent, c'est le nombre de personnes relevant du règlement «Dublin» parmi les migrants. C'est-à-dire des migrants qui ne peuvent pas, en principe, demander l'asile en France, et sont censés retourner dans le premier pays d'Europe qu'ils ont traversé pour que leur demande soit examinée. Plus de 70 % des personnes mises à l'abri lors de la dernière évacuation le 7 juillet étaient dans ce cas. Une partie d'entre elles étaient des «déboutés» du droit d'asile venus d'Allemagne. D'autres simplement des migrants dont les empreintes digitales ont été prises à leur arrivée par la mer, généralement en Grèce ou en Italie. La mise en place des «hotspots» dans ces deux pays à partir de février 2016 a accéléré ce phénomène. La prise d'empreintes y est désormais quasi systématique, alors qu'avant, beaucoup de migrants passaient entre les mailles du filet. La difficulté, c'est que la Grèce et surtout l'Italie - devenue la principale voie d'entrée en Europe depuis l'accord euro-turc de mars 2016 - sont objectivement dans l'incapacité de gérer toutes ces demandes. La loi permet bien, au cas par cas, de ne pas appliquer le règlement «Dublin», et donc d'octroyer l'asile ou un titre de séjour à certains migrants. Cela a été fait à plusieurs reprises ces dernières années, notamment lors du démantèlement de la jungle de Calais. Mais aujourd'hui on est au bout d'un système. Les gens tournent en rond.
Comment l'Etat peut-il maîtriser ce genre de situation? Comment expliquez-vous son impuissance apparente?
Le plan présenté par le gouvernement prend le parti d'une ligne très dure envers les «déboutés» du droit d'asile. Il prévoit notamment la création de «pôles spécialisés» en région pour les migrants relevant de «Dublin», avec le développement de l'assignation à résidence. Apparaît aussi en filigrane, l'envie d'une diplomatie très offensive afin d'obtenir plus d'efficacité dans les accords de «réadmission» ou les éloignements vers des pays tiers. Mais rien ne dit que ces initiatives fonctionneront. Le droit des étrangers est très encadré. Par ailleurs l'un des principaux freins aux expulsions c'est le défaut de «laissez-passer» consulaires. C'est-à-dire un document au moyen duquel un pays reconnaît son ressortissant et accepte de le reprendre sur son sol. Or de plus en plus de pays s'y refusent. Le monde change, les rapports de forces s'inversent.
Ceci étant, il faut aussi comprendre que l'exécutif organise parfois lui-même sa propre impuissance. Comme je le montre dans le livre, choix a toujours été fait, ces dernières années, de ne jamais trop anticiper les arrivées migratoires. Et ce, par crainte de «l'appel d'air». Le système a donc toujours été sous-dimensionné ou organisé a minima. Et ce, sous la droite comme sous la gauche. Dans les milieux policiers ou préfectoraux, on considère que cela fait partie des «signaux» nécessaires à envoyer aux filières d'immigration pour dissuader les départs et que la situation serait pire s'il n'y avait pas cette fermeté.
Dans votre livre «La Vague», vous racontez trois ans de crise migratoire «vu de l'intérieur». Qu'est-ce qui vous a le plus marqué?
Le moteur de cette enquête était de comprendre comment un exécutif et ses principaux responsables politiques, avaient géré, en interne, au sein des cabinets ministériels, dans les préfectures, la hiérarchie policière, ce tournant de l'histoire migratoire récente. La France n'a été paradoxalement touchée que par ricochet en termes de nombre d'arrivées. Dans des proportions bien moindres que l'Allemagne ou les pays frontaliers de la Syrie (Liban, Jordanie, Turquie). Mais très vite, il a été visible que ce que l'on a appelé la «crise migratoire» prenait l'appareil d'Etat par surprise, et c'est ce «choc» intérieur, cette obligation de bouger les lignes malgré l'inertie du paquebot Etat et de son administration qui m'a intéressée. On s'était beaucoup penché jusque-là sur le sort des migrants, mais on avait peu prêté attention à ceux qui étaient aux manettes. L'enquête n'a pas toujours été simple, le sujet étant très sensible. Mais je pense avoir réussi à retracer avec précision ce qui s'est joué, avec le parti pris de raconter ces trois ans sous la forme d'un récit chronologique très séquencé.
Certains accusent justement la gauche de gouvernement d'avoir failli durant cette période. D'autres au contraire, d'avoir renié ses valeurs? Qu'en pensez-vous?
Je ne pense pas que le mot «failli» soit approprié. On analyse trop souvent l'efficacité politique à l'aune des discours. Nicolas Sarkozy en particulier, était très abrasif dans ses prises de positions. Mais d'un point de vue strictement comptable, François Hollande a mené par exemple une politique plus «dure» que lui en matière d'expulsions. Elles ont augmenté sous son quinquennat, je le montre dans le livre. Sur le plan des «valeurs», c'est une affaire de conviction, mais il est évident que la gauche de gouvernement a adopté une ligne bien plus pragmatique que ce que pouvait laisser entrevoir le parti socialiste lorsqu'il était dans l'opposition.
Le Front national a fait campagne sur les questions des frontières. Est-ce absurde d'imaginer leur retour?
C'est absurde dans le sens où elles n'ont jamais disparu. C'est une idée reçue. L'espace Schengen, contrairement à ce que dit le FN, n'a pas gommé les frontières. Même les experts de la police aux frontières (PAF) que j'ai pu rencontrer - peu suspects de laxisme - le disent… Les contrôles aléatoires aux points frontaliers depuis 1985 ont bien plus d'efficacité que les ancienne gardes statiques. Ils sont plus durs à contourner, plus imprévisibles. Une situation tellement vraie, qu'à l'exception des points clés de Vintimille et de Calais, le nouvel enjeu pour la PAF depuis avril 2016, c'est le maillage de l'intérieur du territoire plutôt que la concentration des moyens uniquement sur les lignes extérieures.
La question du «retour» des frontières se pose plus pour les limites extérieures de l'Europe. On a construit l'Europe sans s'en soucier vraiment, car tels n'étaient pas les enjeux à l'époque. Il est néanmoins vain d'espérer maîtriser un jour entièrement 42 000 km de côtes maritimes et plus de 7 500 km de frontières terrestres. Plusieurs «murs» ont déjà été construits à différents points, avec les drames qu'on connaît, sans succès. Même si le sort de la Libye était réglé et les morts en Méditerranée évités, l'histoire migratoire actuelle, telle qu'elle est en train de s'écrire, oblige à penser la frontière de façon beaucoup moins binaire. La politique de «dissuasion» qui se dessine en creux du plan présenté par le premier ministre Edouard Philippe relève de cette analyse. Il n'est toutefois pas le premier à tenter cette approche.
Quelle est la responsabilité de l'Europe dans cette crise migratoire?
Une grande partie du sujet migratoire échappe à l'Europe en réalité. Ce n'est pas elle qui est à l'origine des conflits partout dans le monde - même si on peut critiquer l'interventionnisme de certains États membres comme la France. Ce n'est pas elle non plus qui réglera d'un claquement de doigts, le fossé entre les taux de croissance économique du continent africain et la maturité politique de ses États. La faute de l'Europe tient plutôt aux failles de son processus de décision. Bien trop lent face aux drames - même si des efforts ont été faits - et très imprégné par des principes de «realpolitik» comme je le raconte dans ce livre pour lequel j'ai aussi rencontré un certain nombre d'acteurs européens. On le voit avec le mécanisme de relocalisation des migrants. Deux ans après l'idée initiale de le lancer, il ne fonctionne toujours pas, ou si peu.
Vous insistez, dans votre livre, sur la frilosité des responsables politiques vis-à-vis de l'opinion publique. Comprenez-vous cependant l'angoisse des classes populaires concernant les conséquences de l'arrivée des migrants?
Ce livre ne veut donner de leçons de morale à personne. C'est même une contrainte d'écriture très forte que je me suis imposée. L'idée est de donner à voir, à penser, chacun juge selon ses convictions. Ce que je montre à ce titre, c'est comment la «menace» que peut ressentir une partie de l'opinion vis-à-vis de l'immigration, est en réalité entretenue à son corps défendant par l'Etat. Par souci de ne pas attiser les extrêmes, chaque décision est prise dans la crainte permanente, paralysante presque, d'avouer une relative impuissance à contrôler totalement les migrations. J'ai des exemples de contorsions politiques presque à chaque chapitres. Le discours d'Edouard Philippe, en ce sens, mercredi 12 juillet, malgré la dureté des annonces, marquait un relatif changement de pied en la matière et une certaine humilité.
Vous soulignez la «percolation» entre migration et terrorisme. Pourquoi celle-ci a-t-elle été niée? Est-il possible de l'éviter?
Elle n'est pas niée. Mais il ne faut pas confondre. La «percolation» dont je parle est celle qui a vu, à partir de 2014-2015, un certain nombre de djihadistes emprunter les voies de circulations européennes (aériennes notamment) pour rejoindre la zone irako-syrienne et revenir ensuite par la route migratoire ouverte entre la Turquie et la Grèce. Les migrants ne sont pas des terroristes. Cette «percolation» a toutefois eu des conséquences importantes en termes d'organisation des services de sécurité. Les failles étaient identifiées depuis longtemps, depuis l'affaire Merah en 2012, mais les attentats du 13 novembre ont servi de levier politique pour faire adopter un certain nombre de mesures bloquées jusque-là. La France, au lendemain de la tuerie du Bataclan, a par exemple obtenu le feu vert discret de la commission européenne pour effectuer dans tous les aéroports, des contrôles d'identité approfondis des ressortissants européens. Une disposition qui n'est formellement entrée en vigueur au plan européen que le 7 avril dernier.
Diriez-vous au final que la France et l'Europe vont devoir relever un défi de civilisation?
C'est un défi de civilisation parce qu'une civilisation digne de ce nom ne peut pas se résoudre à fermer les yeux sur autant de morts en mer ou de misère sur ses trottoirs.
La rédaction vous conseille :
Défiance envers les migrants : les Français sont-ils racistes ? (13.07.2017)
Propos recueillis par Louis Hausalter
Publié le 13/07/2017 à 18:48
La réponse est bien plus complexe. Alors que le gouvernement tente de reprendre la main dans la crise migratoire, une étude de l'Ifop met en évidence les craintes des Français, liées à un sentiment global d'insécurité physique, économique et culturelle. Entretien avec l'un de ses auteurs, Jérôme Fourquet.
Le gouvernement a présenté mercredi 12 juillet un plan destiné à rendre l’accueil des réfugiés plus efficace, alors que plus de 100.000 migrants sont arrivés cette année sur les côtes du sud de l'Europe, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Dans ce contexte, une étude réalisée par l’institut Ifop pour l’association More in common met en évidence un véritable malaise des Français vis-à-vis de l’immigration. Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop, en détaille les raisons.
Marianne : Comment résumer l’état d’esprit général des Français vis-à-vis de l’immigration ?
Jérôme Fourquet : L’opinion publique est ambivalente sur la question. Il y a une inquiétude, avec l’idée que les capacités d’accueil seraient dépassées depuis longtemps, et en même temps une certaine sensibilité à la dimension humanitaire. Ces deux sentiments rivalisent et l’un prend l’ascendant sur l’autre en fonction du contexte.
Le contexte actuel semble favoriser une perception défavorable, puisque selon votre étude, 56% des Français jugent que l’immigration a un impact négatif sur la société française...
Oui. Il faut lire cette défiance à l’aune de quatre paramètres.
Un paramètre économique, d’abord, sur le registre de la fameuse phrase de Michel Rocard selon laquelle « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». L’Etat a des problèmes budgétaires et les Français sont pris dans des contraintes de pouvoir d’achat, ce qui ne dispose pas à la bienveillance et à l’accueil.
Le deuxième paramètre est sécuritaire, puisque l’opinion fait de manière plus ou moins nette un lien entre la maîtrise des flux migratoires et la menace terroriste.
Le troisième paramètre est sociétal : il recouvre la sensibilité aux problématiques d’intégration et à la présence de l’islam sur notre territoire.
Enfin, il y a l’attitude des acteurs politiques : est-ce que les décideurs suivent leur opinion publique ou est-ce qu’ils peuvent faire évoluer le regard collectif ? Sur ce dernier critère, c’est un peu la poule et l’œuf.
En Europe occidentale, les Français sont parmi les plus réfractaires à l’accueil de migrants. Comment l’expliquer alors que des pays comme l’Allemagne ou l’Italie en ont reçu bien plus que nous ?
Reprenons notre grille de paramètres.
Sur le plan économique, l’idée que notre pays a les capacités financières d’accueillir des migrants et que leur arrivée peut même être bénéfique est beaucoup plus répandue en Allemagne que chez nous, en raison d’un taux de chômage deux fois moins élevé, d’un budget à l’équilibre et d’une pyramide des âges vieillissante.
Sur le plan sécuritaire, la France a été bien davantage touchée que l’Allemagne et l’Italie par les attaques terroristes, d’où une sensibilité plus aigüe sur ce sujet.
En ce qui concerne l’intégration, tous les pays occidentaux sont confrontés à la question musulmane, mais ce sujet est particulièrement sensible chez nous.
Enfin, sur le discours des décideurs, on se souvient au moment de la crise migratoire de l’automne 2015 des déclarations frileuses, voire hostiles de Manuel Valls et de toute une partie de la gauche. Et à la différence de l’Allemagne, il existe en France un parti, le Front national, qui pèse entre 20 et 30% des voix en investissant ces sujets.
Toujours selon votre sondage, 38% des Français jugent l’islam incompatible avec la société française. Observez-vous une crispation croissante sur cette question ?
De nombreuses autres enquêtes ont déjà montré que pour une majorité de Français, la présence d’une importante communauté musulmane sur notre territoire n’est pas sans poser problème. Une partie de la population montrait déjà une attitude réfractaire avant les attaques terroristes. En posant cette question après Charlie et le Bataclan, nous avions enregistré une crispation supplémentaire parmi ceux qui étaient déjà convaincus que l’islam posait problème. Dans cette partie de l’opinion, des passerelles assez étroites se sont tissées entre la question migratoire et la question terroriste.
61% des Français estiment que la France doit davantage se protéger du reste du monde. Cela signifie que l’inquiétude sur l’immigration s’inscrit plus globalement dans une défiance vis-à-vis de la mondialisation ?
On aborde généralement la mondialisation uniquement sous son aspect économique : les délocalisations, les travailleurs détachés, les droits de douane... Il existe pourtant un autre aspect, celui des flux migratoires.
Or, ce sont souvent les mêmes publics qui sont inquiets de l’ensemble de ces phénomènes de globalisation. Une part croissante de la population française, dans les catégories populaires mais aussi désormais dans une partie des classes moyennes, vit sa condition sous le registre de l’insécurisation – on retrouve ici les thèses de Christophe Guilluy.
Ces Français estiment que leur cadre de vie se dégrade à trois échelles. D’abord l’insécurité physique, c’est-à-dire la petite ou la grande délinquance et désormais le terrorisme. Ensuite l’insécurité économique : c’est la problématique des protections sociales rabotées, de la mise en concurrence, des délocalisations. Enfin l’insécurité culturelle : c’est la question de l’islam, des menus hallal, du port du voile, des droits des femmes, etc.
D’une certaine façon, les migrants sont aux yeux de l’opinion l’incarnation physique de ces processus anxiogènes. En France, le lieu où ces trois formes d’insécurité sont concentrées de manière paroxystique, c’est Calais, ville très populaire et ouvrière dont la population est très peu issue de l’immigration. Les études que nous avons menées ces dernières années montrent que l’explosion du vote FN à Calais est très clairement liée à la pression migratoire, mais aussi aux fermetures d’usines et à la montée de la petite délinquance. En effet, la force du FN est d’avoir réussi à amalgamer ces trois formes d’insécurité de manière cohérente dans son discours, en pointant des responsables : Bruxelles favoriserait ce processus avec le soutien complice de nos dirigeants. Ce n’est pas propre à la France, on retrouve ce discours aux Etats-Unis parmi la classe ouvrière blanche, qui a voté massivement pour Trump, ou dans le discours des pro-Brexit au Royaume-Uni.
Votre étude met aussi en évidence le sentiment d’une « compétition entre les plus démunis ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Toute une partie de la population est très dépendante des filets de protection sociale. Or, quand vous êtes déjà fragilisé, vous avez une propension naturelle à vous inquiéter de ce qui peut vous fragiliser davantage. C’est le discours : « Cet argent qu’on va dépenser pour les migrants, ce sera en moins pour ceux qui en ont le plus besoin comme moi. » Ces catégories qui sont le plus en demande des services publics voient donc arriver ces populations nouvelles avec inquiétude. La situation Porte de la Chapelle, à Paris, symbolise bien cette problématique.
Sur Twitter, le maire de Grande-Synthe interpelle sur le sort des enfants migrants (13.07.2017)
Damien Carême a partagé sur Twitter des images d’enfants de migrants qui survivent dans des conditions inhumaines dans une forêt située sur le territoire de sa commune.
LE MONDE | 13.07.2017 à 17h02 • Mis à jour le 13.07.2017 à 19h58 | Par Violaine Morin
Un enfant de migrants dans le bois du Puythouck, à Grande-Synthe, début juillet 2017. Capture d’écran du site Observers.france24.com.
L’une des images partagées mardi 11 juillet sur Twitter par Damien Carême, le maire de Grande-Synthe, a quelque chose de tristement familier. On y voit un petit garçon habillé d’un pull rouge, endormi allongé sur le ventre. Il a sans doute à peu près le même âge qu’Aylan, le petit Syrien retrouvé mort, dans la même position, sur une plage turque en août 2015. La photo avait ému l’Europe et contribué à interpeller sur le sort des migrants.
Cet enfant-là est bien vivant, mais survit dans des conditions sanitaires déplorables au bois du Puythouck, sur le territoire de la commune de Grande-Synthe, dans le Nord. « On s’est tous indignés pour le petit Aylan, commente le maire. Mais j’ai l’impression que depuis, on s’habitue à l’horreur, et je ne veux pas qu’on s’habitue. Quand j’ai vu ça, ça m’a retourné. »
Ces images ont été transmises par les familles à une ONG britannique, puis diffusées par France 24. Le maire confirme que les associations et les agents de mairie de Grande-Synthe connaissent ces enfants, dont un aurait apparemment réussi depuis à passer en Angleterre avec sa mère.
Cette tentative pour interpeller les pouvoirs publics via les réseaux sociaux a connu un écho sur le Web, chaque photo étant retweetée plusieurs centaines de fois. Le maire de Grande-Synthe dit aussi avoir reçu de nombreux messages indignés ou demandant comment contribuer.
Côté gouvernement, cependant, rien de plus que l’audience qui lui a été accordée, mardi 11 juillet, par la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, Jacqueline Gourault, qui lui a répondu qu’elle « transmettrait » l’information, sans rien ajouter.
Mercredi 12 juillet, le premier ministre, Edouard Philippe,a dévoilé le plan du gouvernement sur les migrations. Rien, dans ce plan, ne concerne l’ouverture de centres humanitaires pour gérer les situations d’urgence de migrants qui n’ont pas encore déposé de demandes d’asile ou ne souhaitent pas le faire, comme ceux de Grande-Synthe.
« Il n’y a rien sur l’urgence, rien sur l’accueil. Quand le premier ministre est interrogé sur ce point, il répond clairement qu’il n’a pas de solutions pour nous », s’inquiète le maire.
Résultat, « je ronge mon frein tous les jours », dit Damien Carême, forcé de gérer une question qui ne devrait pas, en théorie, rentrer dans les prérogatives de la commune. Dans le bois de Grande-Synthe où vivent environ 350 migrants, les associations et la mairie ont installé des points d’eau et des douches, « au minimum », explique-t-il.
« De toute façon, je l’ai dit à la ministre, si vous ne faites rien, je rouvrirai un camp. » Un camp construit à Grande-Synthe a accueilli jusqu’à 1 400 migrants. Il a brûlé en avril après un an d’activité, àla suite d’une rixe.
Le gouvernement est contre la réouverture de camps, qui « ne génèrent que des problèmes », selon les mots du ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, lors de la présentation du plan sur les migrations.
« Leur crainte, c’est l’appel d’air, l’idée que les gens vont affluer si on crée des conditions à peu près correctes, s’énerve Damien Carême. Mais c’est ridicule. Quoi qu’on fasse, il y a un appel d’air, qui s’appelle l’Angleterre. »
« Les politiques passent, les non-solutions restent », déplore encore le maire, qui n’en est pas à sa première tentative pour faire réagir les pouvoirs publics, après avoir interpellé le gouvernement Valls en 2015 et avoir publié une lettre ouverte au président Macron, le 7 juillet 2017.
Migrants : le gouvernement en panne de solutions (12.07.2017)
Par Jean-Marc Leclerc Mis à jour le 12/07/2017 à 21:07
Publié le 12/07/2017 à 20:09
Le premier ministre Édouard Philippe et le ministre de
l'Intérieur Gérard Collomb s'apprêtent, mercredi, à présenter les nouvelles
mesures pour garantir le droit d'asile et mieux maîtriser les flux migratoires.
Sur le dossier des réfugiés, le premier ministre a défendu
mercredi un plan qui se voudrait «à la hauteur» des enjeux. Reste l'épineuse
question des retours effectifs des migrants économiques qui s'enracinent.
«Dignité», «solidarité», «humanité», «efficacité»… Édouard
Philippe a présenté mercredi à Paris son plan pour «garantir le droit d'asile»
et «mieux maîtriser les flux migratoires». À sa droite, Gérard Collomb, l'œil
malicieux, se détachait sans peine dans la cohorte des ministres encore novices
conviés pour l'occasion sous les ors de l'Hôtel de Marigny.
De cet exercice, il restera une formule: «Nous ne sommes pas
à la hauteur de ce que doit être la France.» Et un chiffre: 12.500, celui des
places supplémentaires d'hébergement à créer en deux ans ; 7500 iront à
l'hébergement de demandeurs d'asile - ils sont plus de 100.000 par an pour
54.000 places au maximum - et 5000 iront aux réfugiés.
Le chef de gouvernement veut raccourcir les délais de
traitement des demandes de 14 à 6 mois. Il attend des préfectures plus
diligentes en amont, espérant réduire à quatre semaines, au lieu de sept, le
délai entre l'enregistrement de la demande et le premier entretien (lire
ci-dessous) à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides
(Ofpra). Objectif : répondre rapidement à des personnes en détresse bien sûr,
mais aussi veiller à ce que des délais trop longs ne rendent pas illusoire tout
éloignement des recalés qui auraient fait des enfants et pris racine en France.
D'autant que la circulaire Valls de 2012 les incite plutôt à rester : elle donne
un droit acquis à régularisation pour tout étranger qui peut prouver cinq ans
de présence sur le territoire, comme l'avait révélé l'affaire Leonarda.
« Des chiffres qui ne sont pas satisfaisants»
Pour ces déboutés du droit d'asile, migrants économiques,
Édouard Philippe l'assure: «Les personnes feront systématiquement l'objet d'une
mesure d'éloignement dès le rejet de leur demande d'asile.» Il a même évoqué ce
que ses prédécesseurs cachaient consciencieusement: «En 2016, sur 91.000
étrangers interpellés en situation irrégulière sur le territoire, seuls 31.000
se sont vu délivrer une obligation de quitter le territoire français et moins
de 25.000 ont effectivement quitté le territoire, ces chiffres ne sont pas
satisfaisants», a-t-il détaillé. D'autant moins satisfaisants que seulement
13.000 sont renvoyés de manière contrainte. Les déboutés eux ne sont même pas
un sur dix à repartir.
Gérard Collomb l'a soutenu dans sa ligne intransigeante,
même si Édouard Philippe a déclaré qu'il fallait «faire preuve de beaucoup
d'humilité», car, a-t-il dit, «j'ai parfaitement conscience que la question qui
nous occupe aujourd'hui est une question difficile». Mais qu'est-ce qui permet
au nouveau gouvernement d'espérer faire mieux que par le passé?
D'abord, il ne
veut plus de nouvelle «jungle» de Calais, où les problèmes s'accumulent, sans
parler de l'effet d'appel d'air. Gérard Collomb s'est voulu ferme sur ce point.
Mais nul n'a évoqué une révision des accords du Touquet qui font des Français
les garde-frontières des Anglais. On sent le gouvernement embarrassé sur cette
question.
Ensuite, Gérard Collomb a imaginé toute une série de mesures
techniques censées fluidifier le système des retours. Un récent arrêté doit
faciliter la rétention administrative des déboutés. Il sera complété par une
réforme de la «retenue» des étrangers pour vérification du droit au séjour,
mais aussi par une révision du contrôle de la rétention administrative qui
avait compliqué la tâche des préfets sous Cazeneuve.
La question des migrants sous statut Dublin fera l'objet d'un
traitement particulier. Ces étrangers sont censés être renvoyés dans le pays
européen où ils ont fait leur première demande d'asile. Ils étaient 22.500 en
France en 2016 et sont quasiment tous restés. Ils représentent 70 % des
demandeurs d'asile de Paris et de l'Île-de-France, a révélé le premier
ministre. Ceux-là ont donc laissé leurs empreintes en Allemagne, en Grèce ou en
Italie et ont vocation à y retourner. Dix «pôles spécialisés» vont s'y atteler.
Un délégué interministériel sera aussi nommé pour tout coordonner en métropole
et en outre-mer. Mais quelle efficacité réelle espérer ?
«Intentions louables et incantations», regrette déjà Éric
Ciotti, chez Les Républicains. «Ce plan, c'est toujours la routine des années
Hollande», renchérit son collègue Guillaume Larrivé. Le LR François-Noël Buffet
au Sénat se méfie lui de «mesures floues» aux effets très relatifs puisque la
France dépend surtout du «bon vouloir» des pays sources d'immigration qui
n'accordent qu'au compte-gouttes les laissez-passer consulaires sans lesquels
aucun retour n'est possible. Une «action diplomatique» peut-elle débloquer
certaines situations ? Édouard Philippe veut y croire.
Il était fier d'annoncer que la France contrôlerait
systématiquement sa frontière avec l'Italie jusqu'en novembre. La vraie
question est pourtant de savoir ce qu'elle fera après ce mois fatidique où elle
aura épuisé son droit à tout filtrer. Puisque après le 11 novembre, l'Europe va
le lui interdire…
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Le gouvernement fait de la réduction du délai de demande d’asile une des clés du plan migrants (12.07.2017)
Cette évolution, déjà engagée, ne résoudra pas tout. Le texte doit être présenté en conseil des ministres mercredi 12 juillet.
LE MONDE | 12.07.2017 à 06h41 • Mis à jour le 12.07.2017 à 10h20 | Par Maryline Baumard
Protéger plus rapidement ceux qui ont besoin d’un statut de réfugié ; renvoyer plus efficacement les autres. Central dans la politique d’accueil d’Emmanuel Macron, ce double objectif passe par une réduction du temps entre l’arrivée en France et la réponse finale à une demande d’asile. C’est un des points clés du plan qui devait être annoncé en conseil des ministres, mercredi 12 juillet.
Aujourd’hui, l’instruction d’un dossier dure treize mois et ressemble à un parcours du combattant. La centaine de migrants qui arrivent chaque jour en France commencent par tenter d’accéder à une plate-forme d’enregistrement. A Paris, ils dorment des semaines à même le trottoir, devant le boulevard de la Villette, pour espérer se glisser au plus vite dans les bureaux de France terre d’asile, ou à La Chapelle, autour du centre d’accueil d’où 2 800 personnes ont été évacuées vendredi 7 juillet. Ils doivent en passer par là pour obtenir un rendez-vous devant le guichet unique de demande d’asile (GUDA).
Lire aussi : Politique migratoire, le partage des rôles
« En moyenne, on leur fixe un rendez-vous 25 jours plus tard. Mais cela varie considérablement puisque à Metz, il faut attendre 90 jours, 21 jours dans le Rhône », observe Gérard Sadik, coordinateur de l’asile au sein de l’association de défense des migrants Cimade. C’est seulement lors de ce second rendez-vous qu’un agent préfectoral prend les empreintes et qu’un représentant de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) remet une attestation de demandeur d’asile, marque de l’entrée dans le dispositif ; et rares sont ceux qui arrivent à ce point d’étape avant d’avoir dormi un mois et demi dans la rue.
Augmenter les effectifs pour accélérer la cadence
Une fois ce processus lancé, le demandeur dispose de 21 jours pour introduire son dossier à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), laps de temps utilisé par les associations pour écrire le récit de leur vie. Puis il reçoit une convocation pour un entretien avec un officier de protection instructeur. La plupart du temps, le rendez-vous est fixé un mois et demi plus tard.
Au final, il faut compter cinq mois pour l’étape de l’Ofpra, entre l’introduction du dossier et le départ de la lettre qui informe de la réponse. S’il est refusé, l’exilé fait alors appel devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), qui, à son tour, a besoin de six mois et demi pour statuer. Il s’agit là d’une procédure de droit administratif.
Ces données varient bien sûr d’un cas à un autre, mais le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, souhaite faire tenir ce déroulé en six mois en moyenne. Rien d’original, puisque c’est la suite du mouvement engagé sous le quinquennat Hollande. « Nous sommes passés de neuf mois à cinq aujourd’hui, et serons à trois en fin d’année. Avec des moyens supplémentaires et une modification logistique, on se mettra en situation d’atteindre deux mois », précise le directeur de l’Ofpra, Pascal Brice.
L’office est déjà passé de 60 000 décisions rendues en 2012 (avec, à l’époque, un stock de 30 000 dossiers à la traîne, dont 30 % avaient plus d’un an) à une capacité à traiter 110 000 dossiers à la fin de cette année (avec un stock de 10 000, dont 9 % seulement ont plus d’un an), rappelle son directeur. Pour cela, ses effectifs ont été multipliés par deux et devraient encore bénéficier de moyens nouveaux. Comme la CNDA et comme à l’étape du guichet unique « qui traite actuellement 568 dossiers quotidiens, contre 435 fin 2016 », a calculé Gérard Sadik. Mais là encore, il va falloir augmenter les effectifs des préfectures et de l’OFII pour accélérer la cadence.
Une autre approche de l’accueil à inventer
Reste que pour vraiment compresser les 45 jours avant l’Ofpra, c’est une autre approche de l’accueil qu’il faut inventer. Comme le rappelle Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile, « on a mis beaucoup de rustines pour faire tenir le système et pensé trop longtemps le système par segments. Si on veut vraiment avancer, il faut penser globalement et offrir un premier accueil réparti sur tout le territoire ». Un sujet d’autant plus crucial que les campements de rue sont en train de se multiplier en France, empêchés par la police comme à Calais, déjà enkystés comme à Metz, ou latents comme dans la vallée de la Roya.
Sur ce point de l’hébergement, la réponse apportée par l’Etat risque d’être très insuffisante, puisque pour Gérard Collomb, accueillir dignement entraînerait un « appel d’air », comme il l’a fait comprendre aux associations travaillant à Calais.
Son annonce, vendredi 7 juillet, à ces mêmes acteurs, de créer 7 000 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile a d’emblée été jugée insuffisante. « Officiellement, nous sommes à 83 000 places ouvertes, en additionnant tous les dispositifs qui existent. Il faut logiquement atteindre les 110 000 si on veut que tous les demandeurs 2017 soient hébergés », ajoute Gérard Sadik, qui observe que « 20 % de ces places ne sont pas occupées par des demandeurs, mais par des déboutés, des “dublinés” [selon l’accord de Dublin, un réfugié doit déposer sa demande d’asile dans le premier pays où il a été contrôlé, souvent la Grèce et l’Italie] ou des réfugiés qui n’arrivent pas à trouver un logement classique ». A ses yeux, ce sont donc « 140 000 places qui seraient nécessaires » pour éviter la rue… Un total bien loin de la promesse de Gérard Collomb.
Pour faire tenir son plan, le gouvernement table sur le renvoi de ceux qui ont laissé des empreintes ailleurs en Europe ou ont été déboutés de l’asile. Mais même avec une procédure à six mois, il y a peu de chance qu’il fasse mieux que ses prédécesseurs. A l’heure actuelle, 10 % des « dublinés » repartent et 3 % des déboutés sont renvoyés…
Quant à la baisse des entrées en France, attendue avec la multiplication des accords bilatéraux de renvois et des conventions avec les pays tiers, c’est du très long terme. Or, en attendant, 57 % des nouveaux arrivants en Italie sont francophones…
Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 12/07/2017 à 20h56 | Publié le 12/07/2017 à 20h51
Près de 200 personnes ont manifesté aujourd'hui devant le ministère de la Transition écologique contre l'expulsion de 150 habitants, dont une majorité de Syriens, qui occupent des maisons vacantes appartenant à l'État près de l'aéroport d'Orly.
Ces 150 personnes, dont 70 enfants, occupent depuis 2015 ces logements, vides depuis plusieurs années selon les associations, qui appartiennent à la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), rattachée au ministère de la Transition écologique.
Une procédure d'expulsion concernant 12 pavillons a été engagée par la DGAC, selon l'association Droit au logement (DAL), qui affirme qu'une cinquantaine d'habitants de la Cité de l'air à Athis-Mons ont reçu un commandement à quitter les lieux. Mais tous "risquent l'expulsion", précise l'association.
"Ils ont commencé à squatter il y a deux ans. Avant l'endroit était désert, il y avait de la prostitution, du trafic", a expliqué à l'AFP Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL, précisant que les nouveaux habitants avaient fait du lieu un "endroit super chouette".
L'association a indiqué avoir demandé à rencontrer Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique, dans un courrier resté pour l'instant sans réponse. "Montrez-vous, on veut un rendez-vous, Monsieur Hulot", scandaient les manifestants devant le ministère.
"Il y a des enfants qui sont nés à la Cité de l'Air, il y a des Syriens, des Bosniaques, des Roms, des Algériens, des Marocains, des Italiens... on vit ensemble", s'est exclamé au haut-parleur Sid Touahri, 54 ans, qui se présente comme le "premier" des habitants de la cité.
Le DAL demande à ce que l'État mandate une association pour gérer ce lieu, estimant qu'il n'y a "pas d'urgence" à expulser les habitants et que les reloger à l'hôtel serait "la plus mauvaise solution".
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Philippe présente un plan pour faire face aux migrations (12.07.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 12/07/2017 à 14h08 | Publié le 12/07/2017 à 13h19
La France va créer d'ici 2019, 7500 places d'hébergement pour les demandeurs d'asile et 5000 pour les réfugiés, a annoncé aujourd'hui le premier ministre Edouard Philippe, jugeant que son pays n'était pas "à la hauteur" sur le dossier des migrants.
"4000 places seront créées en 2018" pour les demandeurs d'asile "et 3500 en 2019", et par ailleurs "5000 places" seront créées sur la même période pour aider les réfugiés à accéder au logement, a indiqué Philippe en présentant un "plan d'action" pour les migrants.
"Nous ne sommes pas à la hauteur de ce que doit être la France" dans la façon "dont nous mettons en place des moyens pour accueillir les demandeurs d'asile et ceux qui ayant obtenu l'asile deviennent des réfugiés", a souligné le premier ministre.
Parallèlement, le chef de gouvernement a confirmé son intention de vouloir raccourcir les délais de traitement des demandes d'asile, qu'il souhaite voir passer de 14 à 6 mois.
Le gouvernement français entend bien distinguer les migrants économiques de ceux qui viennent chercher refuge sur le territoire français, et souhaite par conséquent se montrer ferme vis-à-vis de ceux qui seront déboutés de leur demande d'asile. Ces migrants feront "systématiquement l'objet d'une mesure d'éloignement" dès le rejet de leur demande, a déclaré Philippe.
"En 2016, sur 91.000 étrangers interpellés en situation irrégulière sur le territoire, seuls 31.000 se sont vus délivrer une obligation de quitter le territoire français et moins de 25.000 ont effectivement quitté le territoire, ces chiffres ne sont pas satisfaisants", a-t-il détaillé.
Un délégué interministériel, placé sous la houlette du ministre de l'Intérieur, sera également nommé, a précisé M. Philippe, sans toutefois donner de date. Le chef du gouvernement qui a déclaré que ces mesures allaient faire l'objet d'un projet de loi "en septembre 2017", a affirmé vouloir faire preuve de "beaucoup d'humilité" car, a-t-il dit, "j'ai parfaitement conscience que la question qui nous occupe aujourd'hui est une question difficile".
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Collomb veut régler le "problème fondamental" des demandes d'asile albanaises (12.07.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 12/07/2017 à 17h22 | Publié le 12/07/2017 à 17h11
Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a assuré aujour'hui vouloir résoudre "dans les prochaines semaines" le "problème fondamental" de la demande d'asile albanaise en France, qui concentre "75%" des dossiers albanais au niveau européen.
"Il y a évidemment une question qui est tout à fait fondamentale, dans la mesure où aujourd'hui (ces ressortissants albanais) n'ont plus besoin de visas. Mais dès qu'ils arrivent dans notre pays ou d'autres pays européens, ils demandent l'asile", a affirmé M. Collomb, lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.
Au niveau européen, "aujourd'hui, 75% de la demande d'asile albanaise se fait en France", a affirmé M. Collomb.
En 2016, l'Albanie a été le premier pays d'origine des demandeurs d'asile en France, avec 7.432 dossiers (mineurs compris), soit un doublement sur un an, selon l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
"Evidemment, pour notre pays, en particulier pour la frontière est, depuis Metz jusqu'au sud, c'est un problème fondamental", a ajouté M. Collomb. Près de 700 demandeurs d'asile, essentiellement albanais, passent chaque jour par le camp de Blida à Metz, aménagé en avril par l'Etat.
Paris : le campement de migrants évacué vendredi à porte de la Chapelle commence à se reformer (10.07.2017)
« Plus de 250 personnes » ont été recensées dimanche dans les divers campements porte de la Chapelle, selon Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile.
Le Monde.fr avec AFP | 10.07.2017 à 14h11 • Mis à jour le 10.07.2017 à 15h51
Lors de l’évacuation du campement de La Chapelle, le 7 juillet 2017.
L’évacuation de près de 2 800 migrants à peine terminée vendredi, plus de 200 Afghans et Soudanais ont recommencé à s’installer, lundi 10 juillet, aux alentours du centre de premier accueil porte de la Chapelle, dans le nord de Paris.
« Plus de 250 personnes » ont été recensées dimanche dans les divers campements de ce quartier populaire, selon Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile. « On était à 300 petits-déjeuners hier [dimanche] et on devrait en faire autant aujourd’hui [lundi] », témoigne Francoise Davisse, du collectif Solidarités Migrants Wilson, qui distribue chaque matin pain et thé aux abords du centre de la porte de la Chapelle.
A 9 h 30, une file d’hommes patientait devant les tréteaux dressés sous un pont, à l’abri de la pluie, a constaté une journaliste de l’Agence France-Presse. Quelques tentes sont installées sur les trottoirs, des hommes dorment entre les blocs de pierre du boulevard Ney, à l’endroit même où le campement a été évacué vendredi.
Lire aussi : A laporte de la Chapelle, « la répétition des évacuations de migrants tourne àl’absurde»
« Avant la fin du mois, ils seront mille »
« Il y a des nouveaux, et d’autres, qui reviennent des gymnases [où ils avaient été logés vendredi] parce que c’était trop excentré ou qu’ils voulaient retrouver des gens qu’ils connaissent », explique Mme Davisse, pas surprise de ce phénomène. « Avec l’été, on sait qu’il y a plus de monde, dit-elle. Avant la fin du mois, ils sont mille. »
Hamza, un Soudanais de 25 ans, est arrivé la veille de Vintimille. « On m’avait dit qu’ils prendraient les gens pour leur donner un abri, mais je suis arrivé trop tard », raconte-t-il, installé sous les voies de l’autoroute A1. « Cela fait une semaine que je ne me suis pas lavé. Je veux demander l’asile, mais j’ai mes empreintes en Italie », ajoute le jeune homme qui s’interroge : « C’est comme ça la France ? »
Les migrants évacués vendredi ont été mis à l’abri en Ile-de-France, notamment dans des gymnases. Cette grosse opération, la 34e en deux ans à Paris, intervenait deux mois après l’évacuation de 1 600 personnes au même endroit, le 9 mai. « Je suis ici depuis un mois mais j’ai raté l’évacuation vendredi, j’étais à Nanterre », dit Rachid, un Afghan. « Moi j’avais rendez-vous », raconte Morseid, un autre Afghan qui dort « près de la gare de l’Est ».
La maire de Paris, Anne Hidalgo, a appelé à l’ouverture d’autres centres en région, et mercredi le gouvernement doit présenter un plan sur l’asile et l’immigration.
Mis à jour le 07/07/2017 à 08:42
VIDÉO - Les préfectures de police de Paris et d'Île-de-France évoquent une opération de «mise à l'abri» pour mettre fin à des campements qui présentent des risques importants pour la sécurité et la santé de leurs occupants et des riverains.
Pour la 34e fois en deux ans, les autorités procédaient ce vendredi matin à l'évacuation de plusieurs campements dans le nord de Paris, à quelques jours de la présentation par le gouvernement d'un «plan migrants». Plus de 2000 migrants s'étaient installés depuis plusieurs semaines porte de La Chapelle, près d'un centre humanitaire très vite saturé. «Cette opération mobilise près de 350 effectifs de la préfecture de Police ainsi qu'une centaine de personnels de l'État et de ses partenaires», affirment la préfecture de police et la préfecture d'Ile-de-France dans un communiqué commun, précisant que les migrants se verront «proposer une solution d'hébergement provisoire en Île-de-France».
Plusieurs centaines d'Afghans, Soudanais, Somaliens se pressaient vers 6 heures en groupes serrés près du centre humanitaire pour migrants ouvert en novembre porte de la Chapelle dans l'attente de leur évacuation imminente. Cette opération mobilise une soixantaine de bus, selon la préfecture d'Île-de-France. Des journalistes présents sur place ont pu filmer l'opération de police.
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Paris - Grosse opération de police en cours à Porte de La Chapelle. Évacuation de 1500 migrants. #Refugees
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Conditions de vie dégradées
Milat, un Afghan de 19 ans, petit sac à dos pour tout bagage, est arrivé porte de la Chapelle il y a deux mois. «On a appris hier qu'il se passerait quelque chose. On va monter dans des bus et ils vont nous emmener dans des hôtels, des centres. Je ne sais pas où mais ce sera bien. Ici la vie n'était pas bien. Je dormais près de l'autoroute», raconte-t-il. La préfecture a indiqué qu'elle procédait à «la mise à l'abri» des occupants de plusieurs campements de voie publique «illicites, qui présentent des risques importants pour la sécurité et la santé de leurs occupants comme des riverains».
Cette évacuation était très attendue alors que le campement ne cessait de grossir et les conditions de vie s'y dégrader, aussi bien d'un point de vue sanitaire que pour les tensions communautaires. Les associations, redoutant pour la vie même des migrants, ne cessaient d'y dénoncer des conditions de vie déplorables et l'absence de structures sanitaires.
» Lire aussi - Paris: le camp de migrants de la Chapelle touché par une épidémie de gale
» Lire aussi - Qu'est-ce que la gale?
Un dispositif d'accueil saturé
Jeudi, le préfet d'Ile-de-France Michel Cadot avait parlé de 1600 migrants décomptés dans les quartiers nord de Paris, en promettant qu'une opération de mise à l'abri serait «rapidement» organisée. Selon Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile, association chargée des maraudes, le campement grossissait chaque semaine avec «200 personnes supplémentaires». Le 9 mai, un peu plus de 1600 migrants avaient déjà été évacués de campements insalubres installés au même endroit, dans ce qui constituait la plus grosse opération de mise à l'abri en six mois.
Compte tenu de l'accélération des arrivées de migrants dans la capitale, le dispositif d'accueil sature malgré les orientations vers des centres d'hébergement ailleurs en France, qui s'avèrent insuffisantes. Face à cette situation, la maire de Paris a voulu prendre les devants, en court-circuitant le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, qui prépare actuellement un plan sur l'asile. Jeudi, Annne Hidalgo a envoyé au gouvernement et aux parlementaires une proposition d'une dizaine de pages dans l'optique d'une «loi d'orientation et de programmation pour l'accueil des migrants humanitaires et pour une politique nationale d'intégration». Son projet comporte trois axes: l'accueil des migrants, la politique d'intégration et la refonte des structures de pilotage. Reste à voir lequel des deux projets l'emportera...L'exécutif pourrait bien être tenté de faire la synthèse entre la maire de Paris et le locataire de la place Beauvau.
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Anne Hidalgo lors d'une conférence de presse consacrée à l'accueil des migrants, jeudi, porte de la Chapelle, à Paris.
Anne Hidalgo lors d'une conférence de presse consacrée à l'accueil des migrants, jeudi, porte de la Chapelle, à Paris. Crédits photo : GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP
Face à l'afflux de clandestins à Paris, la maire fait des propositions, quelques jours avant les annonces de Collomb.
Un coup de com? Au cabinet du ministre de l'Intérieur, nul ne se hasarde à commenter plus avant l'initiative prise jeudi midi par la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, sur le dossier des migrants. Celle-ci vient, en effet, de communiquer une proposition d'une dizaine de pages dans l'optique d'une «loi d'orientation et de programmation pour l'accueil des migrants humanitaires et pour une politique nationale d'intégration». Le document a été adressé aux parlementaires et au gouvernement l'après-midi même.
L'affaire jette tout de même un léger froid. Car Mme Hidalgo n'est pas membre de la représentation nationale et, jusqu'à nouvel ordre, c'est l'hôte de Beauvau qui a en charge la politique migratoire, sous l'égide de Matignon. La «proposition» Hidalgo sort donc du chapeau alors que les équipes de ...
Le Panthéon accueille pour la première fois une cérémonie de naturalisation (06.07.2017)
Cent quatre-vingt-trois personnes ayant demandé la nationalité française ont été accueillies jeudi par le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, dans le monument.
LE MONDE | 06.07.2017 à 19h44 • Mis à jour le 07.07.2017 à 06h39 | Par Anne Guillard
Une cérémonie de naturalisation était organisée, jeudi 6 juillet en fin de matinée, au Panthéon, à Paris. Une première pour les récipiendaires, bien sûr, mais également dans ce monument de la République.
Ils étaient 183, venus des cinq continents et de soixante pays différents, à se presser sous la coupole du Panthéon pour voir entériné leur accès à la nationalité française, en présence du préfet de police de Paris, Michel Delpuech, et de la maire Les Républicains (LR) du 5e arrondissement, Florence Berthout. Etaient aussi présents pour l’occasion l’ensemble musical de la préfecture de police de Paris, la Musique des gardiens de la paix, et le chœur de l’armée française.
« Un vrai symbole »
Habituellement, ce genre de cérémonie se déroule à la préfecture de police de Paris, salle Marianne, et accueille une cinquantaine de personnes, venant clôturer, après un séjour de plusieurs années en France, la longue procédure administrative afin d’acquérir leur nouvelle nationalité.
Ils sont 140 000 environ chaque année à demander à être naturalisés Français. « Avant je passais devant, maintenant j’y suis rentré », sourit timidement Kamel, originaire de Tizi Ouzou, en Algérie, pour qui le Panthéon « est un vrai symbole ».
Cette cérémonie exceptionnelle a été en partie rendue possible grâce au président du Centre des monuments nationaux, Philippe Bélaval, qui, dans un rapport intitulé « Pour faire entrer le peuple au Panthéon » remis à François Hollande en octobre 2013, préconisait de rendre son attractivité au monument, d’en faire davantage usage dans la vie républicaine, tout en continuant d’y faire entrer des personnalités importantes.
« Je me sens enfin Français »
Parmi les personnes recevant leur livret de nationalité contenant, entre autres, le précieux décret de naturalisation, David, un jeune Chilien de 25 ans, est invité à prendre la parole. Rescapé de l’attaque du Bataclan le 13 novembre 2015, son histoire s’est tragiquement inscrite dans celle du pays.
« Il y a un et demi, j’ai été pris en otage par deux personnes qui se sont senties dériver dans les valeurs de la France (…). Me sentant profondément Chilien, je ne voulais pas être Français, mais aujourd’hui grâce à ce que la France a fait pour moi, je me sens enfin Français. Les hommes de la BRI [brigade de recherche et d’intervention] m’ont libéré de l’assaut sanguinaire des terroristes. Je ne saurais comment remercier la France, les fonctionnaires et toutes les personnes qui m’entourent tous les jours. »
Son échange avec l’un des terroristes, Ismaël Omar Mostefaï, qui lui a demandé ce qu’il pensait de la politique française l’« a profondément marqué », explique-t-il par la suite. « A la question “Que penses-tu de François Hollande ?”, j’ai répondu “Je ne pense rien, je ne suis pas Français”. » Le terroriste lui demande alors d’où il vient. « Je suis Chilien », réplique David. Le terroriste lui laisse alors la vie sauve.
« J’ai senti un désintéressement, quelque chose qui s’est déconnecté dans son regard », se souvient David, encore troublé. « Un traumatisme provoque des transformations, explique-t-il. On veut se séparer de ce qu’on était avant. Devenir français est une forme de résilience. » Même s’il dit « détester ce mot-valise » et évoque plutôt « sortir du placard », tentant de mettre en mots des ressentis que l’on devine forcément complexes.
« Un moment inoubliable »
Le plus jeune de ces Français de fraîche date a à peine 18 ans, il vient du Cameroun ; le plus âgé a 87 ans et vient de Tunisie. Tous expriment leur émotion d’être Français et « d’être honorés aujourd’hui au Panthéon », dit Henri-Joël, 35 ans. Cela fait dix ans que cet Ivoirien d’origine vit et travaille en France, comme responsable comptable dans un cabinet d’audit.
« Ce n’est pas tous les jours qu’on vit ce genre de moment, ça fait chaud au cœur », dit Lilia, 37 ans, venue d’Algérie et responsable des ventes, ébahie de se trouver au Panthéon. Saima, 31 ans, arrivée du Pakistan à l’âge de 18 ans, « est contente pour ses quatre enfants. C’est un moment inoubliable », dit-elle, la voix encore empreinte d’émotion.
Il leur a fallu passer presque deux ans à fournir des montagnes de papiers, justifier ses ressources, passer un entretien d’assimilation à la préfecture ou prouver qu’ils n’étaient pas en délicatesse avec le fisc, ni avec la police et la justice, avant d’obtenir le précieux sésame, qui leur permettra de voter aux prochaines élections et de se déplacer librement.
A la fin de la cérémonie, le livre d’or à leur disposition se remplit des mots, « honneur », « merci », « vive la France », « vive la République »… Amine, 28 ans, ingénieur informatique, dit sa « grande fierté d’appartenir à cette belle nation », quand Dounia, 27 ans, chercheuse, déclare qu’« être près de Marie Curie, ça fait quelque chose ».
Laurent Bouvet : « L'insécurité culturelle est toujours là » (06.07.2017)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Selon l'enquête « Fractures françaises » parue il y a quelques jours, 65% des Français estiment qu'il y a trop d'étrangers en France et seuls 40% des citoyens ont une opinion positive de l'islam. Laurent Bouvet analyse les raisons du silence des politiques sur ces questions pourtant cruciales.
Laurent Bouvet est professeur de Science politique à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il a publié L'Insécurité culturelle chez Fayard en 2015. Son dernier livre, La gauche Zombie, chroniques d'une malédiction politique, est paru le 21 mars 2017 aux éditions lemieux. Il est l'une des principales figures du Printemps Républicain.
FIGAROVOX.- Une enquête réalisée fin juin 2017 révèle notamment que 65% des Français estiment qu'il y a trop d'étrangers en France et qu'ils sont 61% à estimer que les étrangers ne font pas d'efforts pour s'intégrer. Qu'est-ce que cela vous inspire?
Laurent BOUVET.- Une double réflexion. La première, c'est que ces chiffres sont élevés et qu'ils témoignent d'une difficulté, pour dire le moins, de la part de la majorité de nos concitoyens à appréhender l'immigration comme un sujet neutre de politique publique (c'est-à-dire ni comme un bien ni comme un mal en soi). On en reste à un doute qui non seulement concerne les populations étrangères qui arrivent et s'installent en France mais encore à l'égard des pouvoirs publics dans la gestion de cette immigration.
La seconde réflexion tient au fait que le sujet n'a pas été abordé pendant la campagne présidentielle, pas davantage que les enjeux, plus larges, du «commun», de ce que c'est aujourd'hui qu'être Français, des frontières du pays, de notre «identité nationale». Et que cette occultation n'a pas fait disparaître cet enjeu fondamental pour nos concitoyens, contrairement à ce qu'ont voulu croire certains observateurs ou certains responsables politiques.
Comment expliquez-vous un tel décalage entre les hommes politiques et les électeurs? Pour la présidentielle, les candidats ont fait campagne sur l'économie et ont délaissé le sujet de l'immigration...
Il y a plusieurs attitudes, plusieurs explications à cet «économisme» très dominant chez les politiques aujourd'hui.
D'abord, la conviction, érigée en véritable dogme chez certains, que les enjeux économiques sont premiers et déterminent tous les autres. C'est le cas aussi bien dans l'héritage marxiste à gauche: «l'infrastructure» détermine la «superstructure», les rapports de force dans la production déterminent la nature de l'État autant que les rapports moraux et les clivages politiques que dans l'héritage libéral: l'individu est réduit à un homo oeconomicus dont les besoins, les capacités et les intérêts déterminent les rapports sociaux, dans une société «civile» qui est avant tout un lieu d'échange, à la manière d'une place de marché. L'État lui-même n'étant que le régulateur extérieur de ce lieu premier, assurant son bon fonctionnement. Pour ces deux faces de la même médaille économiciste, politique, religion, morale… sont des conséquences de l'économie. Donc tout changement ou toute conservation passe par cette sphère première de l'activité humaine. Toute solution, y compris à une question comme celle de l'immigration, est économique.
Ensuite, il y a la crainte d'aborder des enjeux tels que l'immigration ou la place de la religion dans la société par exemple. Crainte de «faire le jeu du FN» dans le langage politique de ces 20 dernières années suivant un syllogisme impeccable: le FN est le seul parti qui parle de l'immigration dans le débat public, le FN explique que «l'immigration est une menace pour l'identité nationale», donc parler de l'immigration, c'est dire que «l'immigration est une menace pour l'identité nationale»! La seule forme acceptable d'aborder le sujet étant de «lutter contre le FN» en expliquant que «l'immigration est une chance pour la France» et non une menace. Ce qui interdit tout débat raisonnable et raisonné sur le sujet.
Enfin, les partis et responsables politiques qui avaient prévu d'aborder la question ont été éliminés ou dans l'incapacité concrète de le faire: songeons ici à Manuel Valls et François Fillon. Et notons que le FN lui-même n'a pas joué son rôle pendant la campagne, en mettant de côté cette thématique de campagne pour se concentrer sur le souverainisme économique, notamment avec la proposition de sortie de l'euro. Tout ceci a déséquilibré le jeu politique et la campagne, et n'a pas réussi au FN d'ailleurs qui s'est coupé d'une partie de son électorat potentiel.
D'après cette enquête, seuls 40% des Français ont une opinion positive de l'islam, et 74% d'entre eux pensent que les musulmans veulent imposer leur fonctionnement aux autres. Emmanuel Macron a déclaré lors de la clôture du ramadan que «personne ne pouvait faire croire que l'islam n'était pas compatible avec la République», balayant ces inquiétudes...
L'opinion majoritairement négative de l'islam de la part de nos compatriotes vient de l'accumulation de plusieurs éléments. Le premier, ce sont les attentats depuis le début 2015, à la fois sur le sol national et de manière plus générale. Les terroristes qui tuent au nom de l'islam comme la guerre en Syrie et en Irak ou les actions des groupes djihadistes en Afrique font de l'ensemble de l'islam une religion plus inquiétante que les autres. Même si nos compatriotes font la part des choses et distinguent bien malgré ce climat islamisme et islam. On n'a pas constaté une multiplication des actes antimusulmans depuis 2015 et les musulmans tués dans des attaques terroristes depuis cette date l'ont été par les islamistes.
Un deuxième élément, qui date d'avant les attentats et s'enracine plus profondément dans la société, tient à la visibilité plus marquée de l'islam dans le paysage social et politique français, comme ailleurs en Europe. En raison essentiellement de la radicalisation religieuse (pratiques alimentaires et vestimentaires, prières, fêtes, ramadan…) d'une partie des musulmans qui vivent dans les sociétés européennes - l'enquête réalisée par l'Institut Montaigne l'avait bien montré.
Enfin, troisième élément de crispation, de nombreuses controverses de nature très différentes mais toutes concernant la pratique visible de l'islam ont défrayé la chronique ces dernières années, faisant l'objet de manipulations politiques tant de la part de ceux qui veulent mettre en accusation l'islam, que d'islamistes ou de partisans de l'islam politique qui les transforment en combat pour leur cause. On peut citer la question des menus dans les cantines, celle du fait religieux en entreprise, le port du voile ou celui du burkini, la question des prières de rue, celle de la présence de partis islamistes lors des élections, les controverses sur le harcèlement et les agressions sexuelles de femmes lors d'événements ou dans des quartiers où sont concentrées des populations musulmanes, etc.
En plus de tout cela et peut-être à cause de tout cela, cette enquête montre aussi que la plupart des Français ne font pas confiance aux institutions politiques. La classe politique est-elle de plus en plus déconnectée de la réalité du pays? Jusqu'où pourrait aller cette crise de légitimité?
C'est une question très importante, très grave devrait-on dire, qui dépasse évidemment le cadre de la gestion plus ou moins réussie de l'immigration. La défiance se concentrait jusqu'ici sur l'économie justement, nos compatriotes jugeant majoritairement que les responsables politiques ne pouvaient plus (pour des raisons d'évolution de la mondialisation) ou ne voulaient plus (pour des raisons idéologiques par adhésion au libéralisme ou au projet européen notamment) agir politiquement, qu'ils étaient ou qu'ils s'étaient en fait dépossédés de leur pouvoir, et donc de la légitimité possible que l'on pouvait leur accorder.
Aujourd'hui, cette défiance s'étend à de multiples sujets, notamment aux enjeux sur l'identité commune et à l'immigration. Et, de ce point de vue, l'occultation de ces enjeux à laquelle on a pu assister pendant ces derniers mois, pendant la campagne dont cela aurait dû être un des points essentiels, est une très mauvaise nouvelle. Cela va encore renforcer cette défiance aux yeux de nos concitoyens car non seulement les responsables politiques ne peuvent ou ne veulent plus agir sur l'économie mais en plus ils tournent la tête dès lors qu'il s'agit d'immigration ou de définition d'une identité commune pour le pays et ses citoyens.
La rédaction vous conseille
Par Rozenn Morgat — 6 juillet 2017 à 09:00
Collectifs et associations s'activent devant la non-prise en charge des migrants qui affluent dans ce quartier parisien. Plus d'un millier vivent à la rue à proximité d'un centre de premier accueil totalement débordé.
A la Chapelle, les bénévoles inquiets du sort des réfugiés cet été
A la porte de la Chapelle, dans le nord de Paris, la situation n’est plus tenable. Pour les réfugiés installés aux abords du centre humanitaire totalement saturé, comme pour les bénévoles qui leur viennent en aide. Depuis le début du mois de juin, les associations et collectifs présents sur place alertent l’Etat et la mairie de Paris sur les conditions sanitaires dans lesquelles vivent près de 1 200 migrants sans-abri, le centre ne pouvant recevoir que quatre cents personnes. Or «une centaine de nouveaux primo-arrivants s’installent chaque jour» explique Clarisse Bouthier, du collectif Solidarité Wilson. En conséquence, le nombre de sans-abri dormant à même le sol ou sous des abris de fortune ne cesse chaque jour d’augmenter. «Avec les bénévoles, on est sur les rotules» souligne Clarisse Bouthier. Yann Manzi, le vice-président d’Utopia 56, dénonce aussi le «déni du gouvernement» : «Tous les gens à la rue sont pris en charge par des citoyens, alors que c’est à l’Etat de s’en occuper !»
Le système solidaire improvisé par des centaines de volontaires du quartier depuis novembre dernier fonctionne tant bien que mal. Mais depuis que le centre est totalement débordé par les arrivées en continu, tout ce petit monde peine à joindre les deux bouts. Mardi, le conseil de Paris dirigé par Anne Hidalgo a de nouveau tiré la sonnette d’alarme auprès de l’Etat, plaidant pour la «mise à l’abri» de ces réfugiés et l’ouverture de nouveaux établissements, notamment dans les «métropoles situées sur les routes migratoires».
Limite atteinte
En attendant des réponses concrètes, les volontaires de la Chapelle sont sur le qui-vive. Chaque jour, en plus de leurs boulots, ils distribuent le minimum vital : couvertures, sacs de couchage, eau. «Il n’y a que trois sanitaires pour 1 200 personnes !» constate Yann Manzi, «c’est comme si l’Etat ne voulait pas voir. On ne met pas de toilettes, comme pour dissuader les gens de se fixer près du centre.» Le collectif Solidarité Wilson offre, lui, un petit-déjeuner chaque matin. Les approvisionnements sont stockés chez les volontaires, déchargés aux aurores, puis remballés vers l’heure du déjeuner. «C’est une organisation de dingue» explique encore Clarisse Bouthier, pour qui la dernière distribution a duré près de dix heures. Face à l’afflux de nouveaux réfugiés à l’approche de l’été, la permanence des bénévoles atteint sa limite : «Hier, j’avais neuf cents gobelets. J’ai dû aller en acheter d’autres. Pareil pour le petit-déjeuner, j’ai fait trois allers-retours au supermarché. Le tout de notre poche.» Une cagnotte en ligne a été mise en place par le collectif, qui demande depuis des mois à la mairie un local pour stocker la nourriture et l’eau.
Pour tous, l’arrivée des congés d’été est une vraie préoccupation. «Pendant les vacances, nos effectifs vont beaucoup diminuer, alors que les réfugiés seront de plus en plus nombreux» s’inquiète Clarisse Bouthier. Pierre Henry, le directeur de France terre d’asile s’alarme aussi de voir la porte de la Chapelle devenir «un gigantesque entonnoir» pendant la période estivale, si aucun dispositif durable n’est créé. «On ne demande pas au gouvernement de financer l’extérieur du centre» explique le directeur, «mais on sait que l’Ile-de-France accueille 50 % des primo-arrivants, il faut absolument de nouvelles structures réparties sur l’ensemble du territoire.»
Epuisés et agacés, les bénévoles attendent les solutions promises par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, qui devrait dévoiler un «plan» sur l’asile dans les prochains jours. Sans quoi, l’été à la Chapelle se passera, selon Pierre Henry, «avec plus de sécurité [l’emploi de la force pour déloger les réfugiés, ndlr]». Et moins d’humanitaire.
Obligations d'aide aux migrants à Calais: l'Etat fait appel (06.07.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFPMis à jour le 06/07/2017 à 12:35 Publié le 06/07/2017 à 12:23
Le préfet du Pas-de-Calais Fabien Sudry a annoncé aujourd'hui que l'Etat avait fait appel de la décision du tribunal administratif de Lille ayant ordonné fin juin des mesures d'aide aux migrants à Calais.
"L'Etat vient de faire appel de la décision du tribunal administratif prise en référé", a déclaré M. Sudry en marge d'un déplacement consacré à la "renaturation" de l'ex-Jungle de Calais. "C'est une décision du ministère de l'Intérieur avec un appel devant le Conseil d'Etat", a-t-il précisé.
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Édouard Tétreau : «Ce que j'ai vu porte de la Chapelle à Paris» (05.07.2017)
Mis à jour le 05/07/2017 à 19:43
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2017/07/05/31003-20170705ARTFIG00231-edouard-tetreau-ce-que-j-ai-vu-porte-de-la-chapelle-a-paris.php
Des milliers de migrants sont entassés porte de la Chapelle, à Paris, dans des conditions déplorables. Crédits photo : CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP
TRIBUNE - L'État est dépassé par l'afflux des migrants, qui ne fait que commencer, s'inquiète l'essayiste.
Il est 12 h 15 en l'église Saint-Denys de la Chapelle. Le père Hervé, Guinéen arrivé en France voici quatre ans, concélèbre la messe de sa paroisse chargée d'histoire de France. Sainte Geneviève, en 475, construisit cette chapelle après avoir soulevé le peuple de Paris contre les Huns. Elle honorait ainsi la mémoire de saint Denys, premier évêque de Paris, décapité deux siècles plus tôt. En 1429, Jeanne d'Arc est venue prier ici la veille de son assaut pour libérer Paris des Anglais.
En ce jeudi de juin 2017, les fidèles, de tous âges, viennent prier, communier et se ressourcer, avant, pour la plupart d'entre eux bénévoles d'associations humanitaires, de repartir porter secours et assistance aux 1600 migrants de la porte de la Chapelle. Ceux que les médias et les autorités publiques ne semblent plus considérer ni nommer.
Nous ne voulons pas voir une réalité que nous essayons de contenir en bricolant depuis des années, et qui est en train de nous dépasser
Comment ...
Calais : rixe entre des migrants africains (01.07.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFPMis à jour le 01/07/2017 à 15:25 Publié le 01/07/2017 à 15:19
Une rixe opposant une centaine de migrants africains, des Erythréens face à des Ethiopiens, armés de bâtons et de pierres, a débuté vers 13h15 dans la zone industrielle de Calais, indique la préfecture du Pas-de-Calais.
"Il y a un blessé léger mais l'intervention était toujours en cours", vers 15 heures, a indiqué le directeur de cabinet de la préfecture, précisant que des précédentes violences hier soir, toujours entre Érythréens et Éthiopiens, avaient fait neuf blessés légers.
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Comment l'extrême-gauche instrumentalise les migrants (30.06.2017)
Par Rachida Samouri Publié le 30/06/2017 à 09:00
Manifestation, le 11 juin dernier, en faveur de l'accueil des migrants, Porte de la Chapelle à Paris.
REPORTAGE - A Paris ou à Calais, ils sont nombreux à se mobiliser pour porter assistance aux migrants. Mais, sur le terrain, des riverains dénoncent l'entrisme d'activistes d'extrême-gauche qui, sous prétexte d'assistance humanitaire, visent à déstabiliser le vivre-ensemble et à en découdre avec les forces de l'ordre pour instaurer le chaos.
«Pas de quartier pour les racistes ! Pas de racistes dans nos quartiers ! Solidarité pour les sans-papiers !» Le mot d'ordre de cette manifestation organisée le 25 mai dernier au cœur du quartier de La Chapelle était clair : dénoncer la stigmatisation des migrants symbolisée, selon leurs organisateurs, par une pétition dénonçant le harcèlement de rue subi par les femmes et relayée par un article du Parisien daté du 19 mai. Le cortège, réuni place de La Chapelle, entame un petit tour du quartier, pancartes à la main. Quelques migrants intimidés sont mêlés au groupe. Encouragés à prendre la tête de la manifestation, ils sont aussi poussés à donner de la voix dans le mégaphone, répétant maladroitement quelques slogans soufflés à ...
Niger: 51 migrants probablement morts (30.06.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFPMis à jour le 30/06/2017 à 07:14 Publié le 30/06/2017 à 07:13
Environ 600 migrants d'Afrique de l'Ouest ont été secourus depuis le mois d'avril dans le désert nigérien après avoir été abandonnés par des passeurs, a indiqué hier l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). L'organisation a toutefois estimé que les 51 migrants portés disparus la semaine dernière, après avoir été abandonnés en plein désert sur la route de l'Europe via la Libye, étaient probablement morts. Les 51 migrants "sont (donc) présumés morts", même si "les corps n'ont toujours pas été retrouvés", a-t-elle dit.
"L'opération de sauvetage de l'OIM a secouru depuis le mois d'avril 600 migrants abandonnés dans le désert du Sahara" qui ont été hébergés dans son centre du nord du Niger, dans le cadre de son projet "Aide et secours aux migrants dans la région d'Agadez" (MIRAA)", a indiqué l'organisation. La dernière partie de cette opération s'est déroulée dimanche quand 24 migrants, dont des Gambiens, des Nigérians, des Sénégalais et des Ivoiriens, ont été rescapés par l'armée nigérienne et transférés vers un centre de transit de l'OIM.
Ces miraculés faisaient partie d'un groupe de "75 migrants" ayant embarqué à bord de trois véhicules à Agadez pour la Libye, et ont alerté les autorités de la disparition de 51 de leurs compagnons, désormais donnés pour morts, selon l'OIM. Les autorités sont retournées là où elles avaient découvert les survivants dans l'espoir de sauver les autres migrants "mais ne les ont pas retrouvés en raison d'une tempête de sable", explique l'OIM.
Fatoumi Boudou, le préfet de Bilma (nord) a assuré que des recherches effectuées par les forces de défense et de sécurité (FDS) "dans un rayon de 65 km" ont permis de "découvrir une seule tombe" à côté de laquelle elles ont trouvé "une carte d'identité d'un étudiant du Nigeria". "Nous sommes restés dans le désert pendant dix jours. Après cinq jours, le chauffeur nous a abandonnés. Il est parti avec toutes nos affaires, en nous disant qu'il reviendrait nous chercher dans quelques heures mais il n'est jamais revenu", a raconté à l'OIM, Adaora, une rescapée Nigériane de 22 ans.
Début juin, 44 migrants, parmi lesquels des bébés, avaient été retrouvés morts en plein désert dans la région d'Agadez, sur la route menant à la Libye voisine.
Paris: 1200 migrants autour du centre La Chapelle (29.06.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFPMis à jour le 29/06/2017 à 13:55 Publié le 29/06/2017 à 12:29
Près de 1.200 personnes vivent dans la rue aux alentours du centre humanitaire pour migrants ouvert dans le nord de Paris, porte de la Chapelle, selon l'association France terre d'asile (FTDA) qui a été mandatée pour mener des maraudes.
"Nous avons décompté 1.178 personnes au cours de la semaine du 19 au 25 juin", a indiqué Pierre Henry, directeur général de FTDA, faisant état de "200 personnes supplémentaires par semaine". "Plus on attend, plus la situation est dégradée", a-t-il ajouté, jugeant une évacuation "obligatoire".
Le 9 mai, un peu plus de 1.600 migrants avaient déjà été évacués de campements insalubres installés autour de la porte de La Chapelle, dans ce qui constituait la plus grosse opération de mise à l'abri en six mois.
"Le vrai sujet est: que peut-on mettre en place pour éviter d'y avoir recours d'ici un mois ?", a ajouté le responsable de FTDA, plaidant pour l'ouverture d'autres centres humanitaires, ailleurs qu'à Paris. "Si rien n'est fait d'ampleur, on va continuer à gérer le bazar".
La maire de Paris Anne Hidalgo avait écrit au ministre de l'Intérieur fin juin pour lui demander la création de nouvelles places d'hébergement "sur toute la France", sans quoi "plusieurs milliers" de migrants risquent de camper dans les rues de Paris cet été.
FTDA organise des maraudes pour signaler les cas les plus vulnérables, à charge pour les gestionnaires du centre de premier accueil de déterminer les critères d'entrée dans le dispositif, a précisé M. Henry.
Les migrants, dont beaucoup d'Afghans, d'Erythréens et de Soudanais, se sont réinstallés dans des conditions d'hygiène et de sécurité déplorables, sous les ponts de l'autoroute A1 et entre les voies d'accès au périphérique. Ils campent autour du centre humanitaire, qui avait justement été ouvert en novembre pour mettre fin au cycle des installations et évacuations de campements en pleine crise migratoire. Mais faute de places où les orienter ensuite, le dispositif sature.
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Starbucks va embaucher 2500 réfugiés (21.06.2017)
Par Le Figaro.fr avec Reuters
Mis à jour le 21/06/2017 à 10:25 Publié le 21/06/2017 à 07:10
La chaîne de cafés américaine Starbucks a dit mardi qu'elle allait embaucher 2.500 refugiés en Europe dans le cadre d'un plan de recrutement de 10.000 réfugiés sur cinq ans dans 75 pays présenté fin janvier. Le groupe a précisé avoir commencé à recruter des réfugiés dans huit pays européens, l'Allemagne, l'Autriche, l'Espagne, la France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, le Portugal et la Suisse.
L'initiative de Starbucks, qui avait été prise peu de temps après le décret, toujours bloqué, de Donald Trump interdisant l'entrée aux Etats-Unis aux réfugiés de sept pays majoritairement musulmans, avait été mal accueilli par certains aux Etats-Unis. Mais il semble qu'il n'y ait pas de réaction similaire en Europe, avec seulement une poignée de personnes exprimant sur Twitter leur désapprobation de l'embauche de réfugiés.
Ces derniers représenteront quelque 8% des effectifs actuels de 30.000 personnes de Starbucks en Europe. Quelque 1,7 million de réfugiés et de migrants, en provenance surtout de pays ravagés par la guerre et les violences tels que la Syrie, l'Irak, l'Afghanistan ou encore l'Erythrée, ont afflué dans l'Union européenne depuis 2014.
L'engagement de Starbucks en faveur des réfugiés "montre que des entreprises comme les nôtres peuvent utiliser leur taille pour avoir un impact positif sur la vie des gens", a déclaré Martin Brok, président de Starbucks Europe, Afrique et Moyen-Orient, cité dans un communiqué.
Pourquoi la délocalisation des audiences à Roissy pour les étrangers fait-elle polémique ? (28.06.2017)
A partir de septembre, les étrangers non admis sur le territoire seront jugés à l’aéroport Charles-de-Gaulle. Des audiences tests se déroulent mardi.
LE MONDE | 28.06.2017 à 17h27 • Mis à jour le 04.07.2017 à 11h49 |
http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/06/28/pourquoi-la-delocalisation-a-roissy-des-audiences-pour-les-etrangers-fait-elle-polemique_5152613_3224.html
Par Jeanne Cavelier
L’annexe du tribunal de grande instance de Bobigny, près de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, le 28 août 2013.
Les premières audiences expérimentales, samedi 24 juin, n’ont pas éteint la polémique. La délocalisation, en septembre, des audiences pour les étrangers non admis en France du tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny (Seine-Saint-Denis) vers une annexe, à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, à Roissy-en-France, continue d’inquiéter.
Absence de visa, d’attestation d’accueil, titres de voyage falsifiés, périmés… Certains étrangers, arrêtés à leur descente d’avion, ne sont pas admis à entrer sur le territoire. S’ils ne sont pas réacheminés vers leur pays d’origine ou de provenance au bout de quatre jours, c’est à un juge de décider de leur maintien, ou non, dans la zone d’attente pour les personnes maintenues en instance (ZAPI). Le temps pour l’administration d’évaluer, par exemple, si leur demande d’asile est recevable.
Leurs situations étaient jusqu’ici examinées à Bobigny. Après les premières audiences tests, samedi, dans une salle de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, celles prévues mercredi 28 juin ont été annulées, la police aux frontières (PAF) ayant dû déplacer les personnes maintenues dans la zone d’attente pour des « travaux de mise aux normes des locaux », selon la police. Les prochaines et dernières audiences tests sont prévues le 4 juillet.
D’où vient le projet de délocalisation et quel est son objectif ?
L’idée d’une délocalisation des audiences à Roissy remonte à 2003. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, souhaite accélérer le renvoi des étrangers non admis sur le territoire. En 2012, Manuel Valls, Place Beauvau, reprend le dossier et finance la construction des locaux au sein de l’aéroport, pour un coût de 2,7 millions d’euros. Mais la ministre de la justice d’alors, Christiane Taubira, suspend ensuite le projet, affichant son opposition « à titre personnel ».
Un rapport, remis à la garde des sceaux en 2013, préconise plusieurs mesures préalables à l’ouverture de l’annexe afin de garantir les droits des étrangers : déplacements de clôtures, amélioration de la signalisation extérieure, séparation de la porte entre la ZAPI et la salle d’attente de l’annexe, etc. C’est Jean-Jacques Urvoas, successeur de Mme Taubira, qui demande la mise en service de la salle, à la fin de 2016. Ces travaux d’aménagement auraient coûté 1 million d’euros supplémentaires, d’après l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé).
La mise en service de cette annexe évitera, à partir de septembre, d’avoir à conduire les étrangers en passe d’être jugés à la ville et préfecture de la Seine-Saint-Denis. Jusqu’à présent, ils « doivent se lever très tôt, sont transportés par un car de CRS jusqu’au tribunal, où ils sont conduits au deuxième sous-sol, avant d’être groupés dans une petite salle d’attente borgne » et ne repartent que « très tard en fin de journée », décrit le président du tribunal, Renaud Le Breton de Vannoise, qui évoque des raisons « humanitaires » à cette délocalisation.
L’opération permettrait aussi d’économiser sur les allers-retours entre les deux lieux et sur la mobilisation des policiers pour les convois. Un argument que contestent les opposants au projet, évoquant le coût de la salle et des trajets des personnels du tribunal, ainsi que l’embauche d’interprètes supplémentaires sur place.
Pourquoi la délocalisation fait-elle polémique ?
Les avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis, qui dénoncent une « justice d’exception », ont décidé de boycotter les audiences expérimentales. Ils sont soutenus par des représentants du Conseil de l’ordre, du Conseil national des barreaux, de la Conférence des bâtonniers, du barreau de Paris et d’autres grands barreaux français, qui ont manifesté à Roissy le 29 mai.
L’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) s’oppose aussi à cette salle d’audience délocalisée. Il compte parmi ses membres l’Anafé, la Cimade, la Ligue des droits de l’homme ou encore le Syndicat de la magistrature. La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a, quant à elle, émis de fortes réserves.
Cette délocalisation porterait atteinte au droit de la défense, le lieu, situé à 35 kilomètres de Paris et mal desservi par les transports, étant difficilement accessible aux avocats. Un éloignement qui limite aussi de facto le principe de publicité des débats. « Si la justice n’est pas rendue ailleurs que dans les palais de justice, au cœur des villes, c’est qu’elle l’est au nom du peuple français, qui doit pouvoir y assister », souligne la bâtonnière de la Seine-Saint-Denis, Valérie Grimaud.
Présent à la première audience test, le président de l’Anafé, Alexandre Moreau, a dû par exemple aiguiller des proches de personnes maintenues, perdus à leur arrivée à l’aéroport faute d’indications claires. Les difficultés se trouvent multipliées pour les non-francophones et les familles disposant d’un revenu trop modeste pour payer le transport jusqu’à Roissy.
Pour les opposants à cette délocalisation, celle-ci menace également le droit à un procès équitable des personnes jugées. La proximité du tribunal avec la zone d’attente spéciale, un centre de rétention, et les liens quasi quotidiens du juge avec le personnel de cette zone peuvent brouiller l’apparence d’indépendance de la justice. « Après avoir rencontré le juge des libertés et de la détention, certains étrangers nous disent qu’ils ont vu “le juge de la police”, affirme Laure Palun, coordinatrice associative de l’Anafé. Comment la personne peut-elle savoir qu’elle est présentée à un juge impartial, et expliquer sereinement sa situation si le lieu est sous contrôle de la police aux frontières (PAF) ? »
L’OEE a déjà pu constater des problèmes similaires dans l’annexe du TGI de Meaux, mise en service à l’automne 2013 au Mesnil-Amelot, en Seine-et-Marne, qui jouxte le centre de rétention administrative. Les membres de l’OEE devraient publier une position commune à l’issue des audiences expérimentales.
Qui sont les étrangers concernés par ces audiences ?
Environ sept mille étrangers passent chaque année par la ZAPI. Leur maintien « est prononcé pour une durée qui ne peut excéder quatre jours », selon le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Si la PAF ne parvient pas à les réacheminer vers leur pays d’origine ou de provenance, elle saisit le juge des libertés et de la détention du tribunal de Bobigny pour l’autoriser à prolonger de huit jours ce maintien dans la ZAPI. Cette période étant renouvelable une fois, les personnes peuvent y rester pendant vingt jours.
Les étrangers maintenus sont répertoriés en trois catégories juridiques.
- Les « non-admis » ne remplissent pas les conditions nécessaires pour accéder au territoire français.
- Idem pour les personnes « en transit interrompu », qui ne sont pas en situation de poursuivre leur voyage vers un pays étranger.
- Enfin, certaines personnes sollicitent leur admission au titre de l’asile.
La PAF retient aussi parfois des mineurs non accompagnés. Le procureur de la République doit alors lui désigner sans délai un administrateur ad hoc, qui l’assiste et le représente dans toutes ses démarches.
Hongrie: dix accusés dans le procès du «camion charnier» (21.06.2017)
Par Florence La Bruyère, correspondante à Budapest — 21 juin 2017 à 10:57
Un des suspects dans l'enquête sur le camion charnier découvert en Autriche, à son arrivée le 29 août 2015 au tribunal de Kecskemét en Hongrie
Un des suspects dans l'enquête sur le camion charnier découvert en Autriche, à son arrivée le 29 août 2015 au tribunal de Kecskemét en Hongrie Photo ATTILA KISBENEDEK. AFP
C’est dans les environs de Kesckemét, ville située à mi-chemin de Budapest et de la frontière serbe que des trafiquants avaient embarqué des réfugiés dans un camion en 2015 pour un voyage mortel.
Hongrie: dix accusés dans le procès du «camion charnier»
La tragédie avait provoqué une vive émotion en Europe. Le 27 août 2015, alors que des milliers de réfugiés affluent sur le continent, 71 personnes sont retrouvées mortes dans le compartiment étanche d’un camion frigorifique abandonné sur la bande d’urgence d’une autoroute autrichienne, à Parndorf, à 11 kilomètres de la frontière hongroise. A l’intérieur du véhicule immatriculé en Hongrie, la police autrichienne découvre les cadavres de 59 hommes, huit femmes et quatre enfants dont un bébé de dix mois. Ils sont syriens, irakiens, iraniens, et afghans. L’entassement des corps et leur état de décomposition sont tel que les équipes médico-légales mettront une nuit entière à les dégager. Les victimes, prises en charge par des passeurs au sud de la Hongrie, non loin de la frontière serbe, sont mortes d’étouffement dans des conditions atroces.
La découverte du camion charnier, ainsi que celle, quelques jours plus tard, d’un enfant mort sur une plage turque, provoquent une onde de choc en Europe. «Nous sommes tous bouleversés par ces terribles nouvelles, réagit aussitôt Angela Merkel. Même les journaux allemands ultra-conservateurs appellent au soutien des réfugiés. En phase avec l’opinion publique de son pays, la chancelière prend l’initiative d’accueillir des centaines de milliers de fugitifs en Allemagne.
«1000 à 1500 euros»
Dans le box des dix accusés comparaissant ce mercredi à Kecskemét, neuf ressortissants bulgares et un citoyen afghan de 30 ans, chef présumé du gang de trafiquants. Ce dernier, Samsoor L., vivait depuis 2013 en Hongrie où il bénéficiait de la protection subsidiaire, un statut proche de celui de réfugié. Il disposait de la complicité de compatriotes établis en Serbie, qui lui adressaient des migrants transitant par ce pays.
D’après les enquêteurs, le réseau de trafiquants a généré d’importants profits en convoyant de février à août 2015 au moins 110 personnes à qui il était demandé «de 1000 à 1500 euros» chacune pour passer en Autriche. Les gains étaient rapatriés en Afghanistan.
Le crime est «d’une nature exceptionnelle» selon le parquet hongrois (l’affaire est jugée en Hongrie, lieu de décès des victimes selon les autopsies). Le jour même de la découverte du camion charnier, les trafiquants ont transporté un autre groupe de 81 migrants dans des conditions identiques ; ces derniers ont échappé de peu à la mort en défonçant la porte du camion.
Le procès s’ouvre sur une controverse. La police hongroise aurait-elle pu empêcher le drame ? C’est ce que soutiennent des journalistes d’investigation allemands du Süddeutsche Zeitung et des chaînes NDR et WDR qui ont eu accès aux transcriptions des écoutes. La police magyare avait en effet repéré les trafiquants dès juillet 2015 et les avait mis sur écoute 13 jours avant le drame.
«Pas question d’ouvrir la porte du camion»
Le matin de la tragédie, à 6h16, le chauffeur du camion, qui roule encore en Hongrie, appelle un complice bulgare. «Ils font un boucan pas possible à l’arrière. A la frontière, la police risque de les entendre, qu’est-ce que je fais ?» Le complice appelle alors le chef afghan qui donne ses ordres : «Pas question d’ouvrir la porte du camion […] ni de leur donner de l’eau. Dis [au chauffeur] de continuer. Et s’ils meurent, dis-lui de se débarrasser des corps dans la forêt, en Allemagne».
Mais si la police enregistrait bien ces conversations, qui ont eu lieu en pachtoun, en bulgare et dans un dialecte serbe, elle ne les écoutait pas en live. «Les autorités hongroises n’ont pu faire traduire et analyser ces informations qu’après la découverte du crime» a indiqué à Libération Gabor Schmidt, porte-parole du parquet de la région de Bacs-Kiskun. D’après les données recueillies les jours précédents, rien n’indiquait que les migrants étaient en danger de mort. «Les autorités hongroises n’auraient pas pu empêcher ce crime, vu le déroulement extrêmement rapide des événements» ajoute Gabor Schmidt.
Le procès devrait durer au moins jusqu’au 30 juin. Aujourd’hui, les chefs d’inculpation retenus sont : trafic d’êtres humains, crime en bande organisée, et assassinat commis avec une extrême cruauté. Des crimes passibles de 30 ans de prison, voire de détention à vie.
Florence La Bruyère correspondante à Budapest
Immigration : la grande faillite de l'Europe (23.06.2017)
Par Vianney Passot Publié le 23/06/2017 à 13:21
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l'institut Thomas More, fait le point sur la politique migratoire de l'Europe. Pour lui, on attend toujours une réponse claire et structurée de la part des États membres de l'Union européenne.
Jean-Thomas Lesueur est délégué général de l'Institut Thomas More. Il a publié en janvier le rapport «Propositions pour refonder la politique migratoire française».
FIGAROVOX.- La mort d'un homme causée par un barrage de migrants en début de semaine a remis la question migratoire au cœur de l'actualité. En parallèle de cet événement, Anne Hidalgo a appelé le gouvernement à l'aide, car elle n'arrive plus à faire face à ce problème à Paris. Où en sommes-nous vraiment en France et en Europe? Les flux migratoires sont-ils devenus ingérables?
Jean-Thomas Lesueur.- L'Organisation Internationale pour les Migrations a enregistré 81 292 arrivées (y compris les décès en mer) en Méditerranée pour le premier semestre 2017, contre 215 702 pour la même période en 2016. La porte grecque est globalement refermée, avec un peu plus de 8 000 arrivées contre 158 000 l'an passé (essentiellement grâce à l'accord avec la Turquie, que cela nous plaise ou non). L'Italie est toujours sous pression (69 000 contre 56 000) et certains s'inquiètent de ce qui se passe aux frontières espagnoles, même si les chiffres restent proportionnellement bas (un peu plus de 3 000).
On peut donc certes considérer que les flux migratoires à l'échelle européenne sont moins «ingérables» qu'ils ne l'étaient en 2016 et surtout en 2015. Mais le problème est qu'ils ne sont toujours pas sérieusement gérés…
C'est vrai à l'échelle européenne où la pression reste forte et les initiatives prises jusque-là, louables si l'on veut, mais insuffisantes. L'Europe doit faire de la garde de ses frontières extérieures une véritable politique structurée et coordonnée avec les États membres (et non contre eux) dans une logique de double ligne de défense. C'est vrai aussi à l'échelle française où les passes d'armes entre le maire de Paris et le ministre de l'Intérieur montrent qu'on n'a toujours pas de solutions.
À quoi peut-on s'attendre durant l'été qui commence? Une accalmie, ou au contraire une nouvelle augmentation des arrivées sur le territoire?
Je l'ai dit, les chiffres d'arrivée sur les côtes méditerranéennes sont en baisse mais restent importants. Les flux semblent à peu près sous contrôle en Méditerranée de l'est mais la pression se déporte sur la Libye, donc l'Italie. Flavio Di Giacomo, porte-parole de l'Organisation Internationale pour les Migrations à Rome, a indiqué que plus 4 800 migrants ont été secourus au large des côtes nord-africaines le week-end dernier… C'est dire que l'accalmie ne semble pas à prévoir, hélas.
Peut-on s'attendre à une réponse à la hauteur du problème de la part du nouveau gouvernement? La question migratoire est-elle suffisamment prise au sérieux en France aujourd'hui?
Il est un peu tôt pour en juger et je ne vais pas faire de procès d'intention. Mais il est vrai que la réponse de Gérard Collomb à Anne Hidalgo ressemble un peu à un vœu pieux. Et il est encore plus vrai que le programme d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle ne laissait pas entendre qu'il en faisait un sujet prioritaire.
C'est à une refondation du droit d'asile qu'il conviendrait pourtant de travailler, dans deux directions. D'abord, un durcissement des conditions d'accès - on a vu en 2015 que la fuite d'authentiques réfugiés a créé un appel d'air dans lequel se sont engouffrées des centaines de milliers de personnes qui, pour n'avoir sans doute pas une vie facile chez eux, n'étaient pas pour autant des réfugiés. Ensuite, une accélération des procédures de traitement des dossiers d'une part et une bien plus grande exécution des procédures d'expulsion en cas d'OQTF (Obligations de quitter le territoire français), d'autre part.
Ces mesures seraient à mettre en œuvre en même temps que la politique de surveillance des frontières extérieures européennes, comme je l'ai indiqué.
«Calais, c’est pas mieux que la Libye» (21.06.2017)
Libération
A Calais, le 15 juin, des hommes patientent près de la station-service où les camions font le plein avant de traverser la Manche. Photo Antoine Bruy pour Libération
Depuis le démantèlement de la «jungle», la situation humanitaire des quelque 500 réfugiés qui errent dans la ville est devenue intenable. Les forces de l’ordre les traquent sans répit et les associations ont bien du mal à les aider.
«Calais, c’est pas mieux que la Libye»
Calais, année zéro. Devenue depuis deux décennies un des principaux lieux de regroupement sur le sol français des exilés du monde entier, les côtes britanniques en ligne de mire, la ville du Pas-de-Calais vit un éternel recommencement. Bien que bunkerisée - on ne compte plus les kilomètres de clôtures et de fils barbelés déroulés à grands frais par les autorités - Calais reste un eldorado pour des milliers de migrants. Hier soudanais, irakiens ou kurdes, ils sont aujourd’hui principalement érythréens, afghans ou éthiopiens, à errer dans la cité, sans cesse traqués par des forces de l’ordre presque aussi nombreuses qu’eux.
RETROUVEZ NOTRE DIAPORAMA :
Migrants à Calais, la traque permanente
Spectacle absurde, aux premières lueurs de l’aube, de quatre CRS postés au bord d’une voie rapide et dissuadant quatre migrants, installés juste en face, de rejoindre une station-service où les poids lourds viennent faire le plein avant de rallier l’Angleterre. Calais, c’est un ballet permanent de silhouettes anonymes errant le long des bretelles d’autoroutes, un simple sac sur le dos. Des camionnettes de gendarmes et de policiers comme incrustées dans le bitume à certains points «stratégiques». Des discussions saisies à la volée, comme ces six militaires de l’opération «Sentinelle», racontant à la terrasse d’un café comment ils ont découvert, l’autre nuit, «sept Ethiopiens dans une voiture» au terminal Eurotunnel.
Novlangue
Il y a huit mois, l’Etat organisait, devant les caméras du monde entier, le démantèlement de la «jungle» de Calais, bidonville où vivaient près de 7 000 personnes. La majorité avait bénéficié d’un relogement dans un centre d’hébergement. François Hollande était président de la République, Bernard Cazeneuve ministre de l’Intérieur. C’était il y a une éternité. La seule obsession des autorités, depuis lors, est d’éviter la reformation d’un «point de fixation», pour reprendre la novlangue administrative. Envolées, les promesses de conserver un dispositif d’accueil dans le Calaisis.
«Cela fait huit ans que j’interviens ici et je n’avais jamais vu ça, soupire Vincent de Coninck, chargé de mission pour le Secours catholique. La politique renouvelée de Macron ? En réalité, il emploie des politiques à l’œuvre depuis quinze ans, qui ont fait preuve d’inefficacité et d’inhumanité.» La semaine dernière, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a dénoncé des atteintes d’une «inédite gravité», demandant aux autorités de ne pas s’obstiner dans ce qui s’apparente à un «déni d’existence» des exilés. «Peut-être que Toubon est devenu no border…» ironise Vincent de Coninck.
«Des rescapés»
Quelque 500 migrants survivent aujourd’hui à Calais. A part renforcer la répression policière, l’Etat n’a rien prévu pour eux. Pour demander l’asile, ils doivent se rendre à Lille et risquer les contrôles, voire un placement en rétention. Pour boire, manger, se laver, ils s’en remettent aux associations. Le midi, la distribution de nourriture s’effectue dans la cour de l’église Saint-Joseph. Le père Jean-Marie Rauwel, 52 ans, a décidé de mettre l’espace à disposition des exilés et de leurs soutiens. Il explique : «Avant d’être des migrants ou des réfugiés, ces personnes sont des rescapés. Pour une grande majorité, ils ont perdu des proches au cours de leur périple, morts en mer, dans le désert ou parfois lâchement assassinés. Rien que cela mérite le respect et un minimum d’accueil.»
A l’ombre d’un mur, Haben, un Erythréen de 17 ans, patiente avec ses amis, le temps que la distribution de ce jeudi commence. Ils écoutent des chants religieux chrétiens sur le portable d’un des membres du groupe. «La seule raison pour laquelle on veut aller en Angleterre, c’est qu’on a de la famille là-bas, explique Haben. On essaie de monter dans des camions tous les jours, jusqu’à ce que notre Dieu nous donne notre chance. Mais on est fatigués. Certains sont là depuis un an ou deux.» Du français, il ne connaît que quelques mots. Notamment ceux-ci, martelés par les forces de l’ordre chaque nuit : «Allez, allez, allez, on bouge !» La traque ne s’interrompt jamais. Les migrants en font tous le même récit. L’irruption de CRS, en pleine nuit, dans les bosquets et fossés où les migrants tentent de grappiller quelques minutes de sommeil. Les lampes torches dans les yeux, les coups de matraque dans les jambes, les «sprays» de lacrymo dans les yeux et sur les duvets. «Si tu restes trop longtemps à un endroit, ils deviennent très agressifs», résume Haben.
Juste à côté, Youssouf prend le relais. Il porte une veste de jogging de la marque Macron, car les dons, ici, ne sont pas qu’alimentaires. L’adolescent a l’air aussi épuisé que ses camarades, mais il a très bien identifié les forces en présence dans le coin. Ainsi, raconte-t-il, les gendarmes sont «OK, t u peux leur parler». Les CRS, en revanche, l’effraient. Il montre une plaie sur le tibia, deux autres à chaque avant-bras. «Ça, c’est la police, dit-il. Calais, c’est pas mieux que la Libye.» Un troisième Erythréen, Mahari, complète : «Moi, mes blessures sont juste internes.» Il montre sa tête.
Quatre heures plus tard, dans la zone industrielle des dunes. C’est là, à quelques centaines de mètres de l’ancienne «jungle», que s’est organisé le démantèlement en octobre. Aujourd’hui, ils sont plusieurs dizaines à s’y cacher. On croise un groupe d’Ethiopiens. Pour Natnael, la vie se résume à «être en mouvement, tout le temps, sinon la police frappe». «On dort trente minutes d’affilée par jour», glisse-t-il.
Il est l’heure de la distribution du soir, la seule tolérée par les autorités, entre 18 et 19 heures. Pour s’y rendre, on serpente dans les fourrés, jonchés de vêtements abandonnés, car recouverts de lacrymogènes. Une longue file se forme devant les camionnettes de Refugee Community Kitchen, l’organisation britannique qui confectionne les barquettes de salade de légumes et de riz pilaf. Un groupe électrogène, auquel sont raccordées des multiprises, permet de recharger les téléphones portables. Un jeune Erythréen confie qu’il a pu appeler sa famille il y a trois jours : «Mais je n’ai pas dit grand-chose sur ma situation, sinon elle serait anxieuse.» A 19 h 30, réglés comme du papier à musique, les CRS font leur apparition. La foule se disperse dans le calme.
L’inconnue du soir
21 heures, rendez-vous est pris au grand hangar inter-associations, où sont stockés les dons et préparés les repas. La maraude d’Utopia 56 ne va pas tarder à partir. A son bord, Youssef, David et Sophia. Ils ont leurs habitudes et savent exactement où les réfugiés viennent demander un repas. Comment se comporteront les forces de l’ordre ? C’est l’inconnue du soir. Depuis des semaines, les bénévoles en sont réduits à un «jeu du chat et de la souris», n’échappant pas, souvent, à des contrôles d’identité plus ou moins cordiaux.
La camionnette marque son premier arrêt à «l’ancien Lidl», le long d’une voie de chemin de fer. A travers champs, on voit les migrants arriver. Il y a Shakran, un Afghan de 25 ans. Il a vécu quelques années au Royaume-Uni avant d’être expulsé, mais rêve d’y retourner, par la voie légale cette fois. Sa compagne, britannique, a donné naissance il y a trois semaines à leur premier enfant, prénommé Mohamad. L’homme espère obtenir un visa pour les retrouver. Arrive Nassir, un Afghan de 15 ans. Il montre le ciel quand on lui demande s’il a de la famille outre-Manche, puis lâche sur le ton de l’évidence : «Je veux aller là-bas parce que les gens ici n’aiment pas les réfugiés.» La camionnette repart. Elle circulera jusqu’au milieu de la nuit.
Cinq douches offertes
5 h 30, le jour se lève sur la rue des Mouettes, dans la zone industrielle. Quatre fourgons de CRS sont déjà garés sur place. Extirpés de leur sommeil, les migrants racontent que cette nuit a été plus calme qu’à l’accoutumée. Conséquence, peut-être, du coup de gueule des associations contre la répression policière. Déjà, des exilés se dirigent vers le «belgium parking», l’endroit où la plupart tentent de s’engouffrer à l’arrière d’un camion. Ils y vont comme certains vont au travail. On ne sait pas trop s’ils croient vraiment en leurs chances. Trois heures plus tard, la camionnette de l’association Salam se gare pour la distribution du petit-déjeuner. Il faut faire vite, les CRS pourraient s’y opposer.
CRS venus stopper la distribution alimentaire pendant la maraude de l’association Utopia sur « le parking de covoiturage »
Estelle et les autres bénévoles sortent les thermos de thé et de café et des sacs entiers de viennoiseries, récupérés dans les invendus de boulangeries amies. Un attroupement se forme vite autour de Brigitte, qui, chaque jour, «offre» cinq douches chez elle aux migrants. Ils l’alpaguent gentiment, s’accrochent à son bras, crient «Mamy, twenty days no shower !» Elle rigole : «Les fayots !» Il faudra néanmoins n’en choisir que quelques-uns. Très vite, des CRS déboulent, demandent aux bénévoles de remballer. Il y a cinq membres de Salam, quatre policiers et… deux réfugiés. Le dialogue tourne court. «Il faut qu’ils arrêtent tout», lâche un pandore. «Même de l’eau, on ne peut pas en distribuer ?» demande Estelle. Le chef : «Oh, ils se débrouilleront, ne vous inquiétez pas.»
Sylvain Mouillard Envoyé spécial à Calais Photos Antoine Bruy
Anne Hidalgo interpelle le gouvernement sur la crise migratoire qui reprend à Paris (20.06.2017)
La maire de Paris adresse un courrier à trois ministres, dont celui de l'Intérieur Gérard Collomb, pour alerter sur une nouvelle crise migratoire qui s'amplifie dans la capitale, alors que 1000 migrants campent actuellement dans les rues du nord de Paris.
Avec l'arrivée des beaux jours, la pression migratoire monte à Calais, où un chauffeur est mort cette nuit dans un accident provoqué par un barrage installé par des migrants, mais aussi à Paris. Dans un courrier adressé vendredi aux ministres de l'Intérieur, de la Cohésion des territoires et de la Justice, Anne Hidalgo alerte sur une hausse importante des arrivées de migrants ces deux dernières semaines dans les rues de la capitale.
«Si ce rythme des arrivées se poursuivait sans augmentation du rythme des prises en charge, ce sont ainsi plusieurs milliers de personnes qui seraient contraintes de vivre dans des conditions indignes au sein de la capitale au cœur de l'été», explique la maire. «Or, la situation actuelle est déjà difficilement tenable en l'état.»
Un campement de 1000 personnes à Paris
Un campement d'un millier de migrants s'est de nouveau reconstitué dans le nord-est de Paris. En cause, la saturation des «centres d'accueil humanitaire» de la porte de La Chapelle et d'Ivry. «Environ 70 migrants arrivent chaque jour au centre d'urgence de La Chapelle, pour 40 à 50 prises en charge par l'Etat dans des Centres d'accueil et d'orientation», explique-t-on à l'Hôtel de ville.
«Les tensions à l'entrée du centre humanitaire sont désormais quotidiennes tant les frustrations sont grandes et les rixes se multiplient», peut-on lire dans le courrier d'Anne Hidalgo. Boulevard de La Villette, la file d'attente devant le plateforme d'accueil gérée par France terre d'asile «est en passe de se transformer en campement permanent», poursuit-elle.
La maire plaide donc pour la création de places d'hébergements supplémentaires sur toute la France. «Il y a une incohérence majeure aujourd'hui dans l'accueil des migrants», estime-t-on à la mairie. «Un migrant qui vient d'Italie doit aller jusqu'à Paris pour obtenir un premier accueil d'urgence, avant d'être placé par l'Etat dans des centres d'accueils qui seront potentiellement dans le sud du territoire...» Anne Hidalgo demande donc la création de centres similaires à celui de Paris dans toute la France.
Le courrier aborde également la question des mineurs étrangers isolés, dont le nombre a «doublé en un an». Actuellement, la quasi-totalité de l'effort de prise en charge repose sur Paris et la Seine-Saint-Denis. La mairie de Paris pointe l'absence de coordination des différents services chargés de les prendre en charge sur le territoire français. «Il apparaît aujourd'hui essentiel de nationaliser la procédure d'évaluation de la minorité et de l'isolement, et que cette dernière soit confiée à des équipes disposant d'une taille suffisante», indique le courrier.
Anne Hidalgo appelle enfin à la création d'une instance qui associerait les services de l'Etat, les collectivités locales concernées et les principales associations afin de «construire une réponse collective» à la nouvelle crise migratoire qui se prépare pour cet été.
Lire aussi - Pas-de-Calais: un chauffeur tué dans un accident provoqué par un barrage de migrants
Migrants : et si on les laissait passer en Angleterre ? (04.03.2016)
Publié le 04/03/2016 à 12:37
Migrants : et si on les laissait passer en Angleterre ?
Crédits photo : PHILIPPE HUGUEN/AFP
FIGAROVOX/TRIBUNE - La jungle du Calaisis où s'accumulent des clandestins qui veulent passer en Grande-Bretagne marque le paroxysme de l'échec européen estime Alexis Théas. Pour lui, il est illégal d'enfermer les migrants dans l'espace Schengen.
Alexis Théas est juriste et universitaire.
La jungle du Calaisis où s'accumulent des milliers de migrants dans l'attente de passer en Grande-Bretagne marque le paroxysme de l'échec européen en matière de politique d'immigration et de frontière. Il n'est que la conséquence d'un dispositif absurde : la France a ouvert ses frontières intérieure, avec l'Italie, l'Allemagne, la Belgique, en vertu du dogme de la libre circulation, mais bloque la sortie des migrants qui veulent se rendre au Royaume-Uni. Toutefois, dans le droit européen, en particulier le règlement frontière du 15 mars 2006, rien n'oblige un Etat de l'espace Schengen à interdire à des ressortissants étrangers de sortir de cet espace de libre circulation. C'est même le contraire, en se penchant sur la question, il apparaîtrait bien vite que la France est probablement dans l'illégalité la plus totale en enfermant des migrants dans les frontières de cet espace Schengen.
En vérité, le dispositif policier et frontalier phénoménal que la France consacre au blocage des migrants sur son propre territoire pour protéger le Royaume-Uni est le fruit d'une histoire et des concessions successives des différents gouvernements, Jospin (1997-2002) puis Raffarin en 2002/2003, destinées à amadouer les gouvernements britanniques et à mettre fin aux tensions avec ce pays liées à l'immigration. Dans ce dossier, tous les gouvernements français ont fait preuve de faiblesse, acceptant, sous la pression de la Commission européenne et les menaces de la Cour de Justice, l'ouverture totale des frontières françaises et sous la pression britannique, de protéger la Grande-Bretagne de l'immigration. La situation est absurde, la France ouvre ses frontières et protège celle d'un autre. Le fruit tragique de cette faiblesse et de cette incohérence, dans un contexte de défaillance généralisée de la frontière extérieure européenne, nous l'avons sous les yeux avec la situation apocalyptique de Calais.
La France peut-elle envisager de mettre fin à la protection de la Grande-Bretagne par des moyens policiers hors normes qu'elle y consacre ? En droit, rien ne s'y oppose. La France n'encourt aucun jugement défavorable des tribunaux européens, aucune sanction. Que se passerait-il ? Les migrants parviendraient à passer massivement en Grande-Bretagne, par tous les moyens possibles: tunnel, Eurostar, embarquement dans des camions... Ils seraient interceptés de l'autre côté de la Manche où se mettraient en place de vastes zones d'hébergement et de retenue. Le désastre français du Calaisis, cette immense zone de non droit, serait dès lors transféré au Royaume-Uni. La France serait en principe contrainte, en vertu du règlement Dublin, de reprendre quelques demandeurs d'asile interpellés en Grande-Bretagne, mais cette procédure est lourde et inefficace et ne jouerait que marginalement. Le risque serait toutefois de provoquer dans le Calaisis un gigantesque appel d'air, cette région devenant un couloir ouvert vers le Royaume-Uni. Il est aussi de provoquer un chaos généralisé dans les transports vers Outre-Manche, Eurostar paralysé, tunnel sous la Manche envahi, camions pris d'assaut.
Une telle décision serait pourtant dans l'intérêt national de la France. Elle mettrait fin au chaos indescriptible du Calaisis. Mieux vaut être un corridor de passage qu'un cul-de-sac, une zone de non droit, un gigantesque bidonville à la fois désastre humanitaire et jungle livrée aux passeurs criminels. Mais surtout, elle provoquerait un électrochoc en Grande-Bretagne et une prise de conscience de ce pays pour prendre toute sa part à la résolution globale de la crise migratoire de l'Europe. La véritable solution au drame en cours, chacun la connaît aujourd'hui : une épreuve de force contre les groupes criminels qui jettent à la mer des millions de malheureux pour amasser des fortunes ou dans le but stratégique de déstabiliser le continent. Rien ne se fera sans une volonté politique commune des grands Etats européens pour assumer leurs responsabilités et prendre le contrôle des rivages de la Méditerranée livrés aux passeurs esclavagistes, quitte à un bras de fer diplomatique ou militaire. La Grande-Bretagne avec sa puissance navale doit prendre toute sa part à ce défi. Elle doit enfin comprendre que, du fait de la géographie, son destin est lié à celui du continent européen qu'elle le veuille ou non. Elle s'en sortira avec lui ou se perdra avec lui.
Migrants : l'Angleterre doit prendre ses responsabilités (30.07.2015)
Par Eléonore de Vulpillières Publié le 30/07/2015 à 10:47
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Après la mort d'un Soudanais tentant de rejoindre l'Angleterre, Henri Labayle décrypte la crise migratoire actuelle. Selon lui, l'Europe est confrontée à un défi sans précédent.
Henri Labayle est professeur agrégé de droit à la faculté de Bayonne et à l'université de Pau. Il dirige le CDRE, laboratoire de recherches spécialisé en matière européenne et notamment en droits fondamentaux, d'immigration et de sécurité intérieure. Il est membre du réseau Odysseus et directeur du GDR «Droit de l'espace de liberté, sécurité, justice».
LE FIGARO. - Cet incident révèle-t-il un échec dans le traitement des migrants en situation irrégulière, opéré par le gouvernement? Comment ce dernier pourrait-il régler ce type d'incident?
Henri LABAYLE: - La responsabilité de la situation excède largement celle du gouvernement actuel. Depuis plus de quinze ans, la question de Sangatte, hier, et de Calais, aujourd'hui, empoisonne le débat public sur la question migratoire. Elle coïncide avec l'ouverture du tunnel sous la Manche. Nul n'a donc de leçon à donner en la matière, à droite comme à gauche. Quitte à déplaire aux amateurs de solutions toutes faites, je crains d'ailleurs que la gravité du problème excède largement la compétence des acteurs en présence. Ni l'Europe dans sa globalité, ni la France dans sa singularité ne sont aujourd'hui en capacité de faire face à une pression migratoire sans précédent, directement issue des conflits qui nous entourent. Tant que l'on n'aura pas assimilé cette donnée et accepté d'aborder lucidement une question qui est d'une extrême complexié, nous serons réduits à contempler ce spectacle navrant. Il n'est peut être qu'un spectacle pour nous mais bien une question de vie ou de mort pour ceux qui en sont les victimes, comme dans ce cas. Gardons-le à l'esprit.
Alors pour vous répondre clairement : échec consternant, oui, évidemment. Echec de nous tous, Français comme Européens, à maîtriser les flux migratoires et le contrôle de nos frontières. Deux tempéraments pourtant à ce constat. D'abord, qui peut prétendre raisonnablement qu'un Etat pourrait aujourd'hui faire face, seul, à une vague de cette importance? Contrairement à ce que l'on prétend, Schengen n'est pas un échec mais n'a pas été conçu pour un contexte aussi grave. Crédible par temps calme, son fonctionnement appelle un renforcement dans les circonstances actuelles. De plus, la situation en Turquie s'aggrave alors qu'elle héberge l'essentiel des réfugiés fuyant le conflit à sa porte, quelle sera notre réponse demain ?
Ces migrants désirent rejoindre le Royaume-Uni, qui leur refuse l'entrée sur le territoire ; ils demeurent donc à Calais, ou en périphérie, dans la «nouvelle jungle», une ancienne décharge. Comment dénouer le double problème qui se pose: précarité des migrants et insécurité pour les Calaisiens?
C'est la quadrature du cercle. Rendez-vous compte: les migrants de Calais rencontrent aujourd'hui presque autant de difficultés à sortir de l'espace Schengen qu'ils en ont éprouvé à y pénétrer quelques semaines plus tôt, là aussi souvent au péril de leur vie. Ceci pour accéder à un Etat de l'Union, le Royaume Uni, qui refuse de faire partie de cet espace! Comment le comprendre?
Nous sommes aujourd'hui les garde-frontières d'un autre Etat, lequel est même prêt à nous aider à financer sa propre protection. Ici encore, soyons francs: ce qui se passe à Calais est directement la conséquence de la situation dérogatoire accordée à la Grande-Bretagne au regard de Schengen, ajoutée aux différents arrangements relatifs au tunnel sous la Manche, au début des années 2000, qui délocalisent les zones de contrôle frontaliers britanniques en France. Point à la ligne.
Ces migrants ne désirent en rien demeurer en France, ils sont en transit. Si nous étions aussi irresponsables que certains de nos voisins, nous fermerions les yeux sur leur passage, malgré les accords passés. Il serait donc peut être temps de gérer le dossier dans son intégralité, de façon enfin politique, au lieu de se féliciter des deux kilomètres de barrière que nos voisins vont bientôt nous livrer.
C'est dire l'impasse dans laquelle la politique migratoire en Europe se trouve et je me reconnais souvent dans les appels au réalisme et à l'équilibre que Maxime Tandonnet développe régulièrement dans vos colonnes. Il est vain, même en allant à la pêche aux voix, de se défausser sur «Schengen» ou sur l'Europe et de masquer ainsi les multiples défaillances des Etats ou leur refus de s'attaquer aux causes immédiates de cette pression migratoire. La première explication en l'espèce est en Syrie, au Soudan, en Irak, en Erythrée, en Afghanistan d'où ces migrants proviennent en majorité. Comment nier que, le plus souvent, leur vie soit en cause et que ce soit la justification de leur fuite? Le reste n'est que conséquence. S'il est une solution, elle est à l'extérieur, dans la recherche de la paix ou du développement.
Que font ces migrants durant des semaines voire des mois? Ont-ils une activité? Pourquoi veulent-ils aller en Angleterre?
Ils attendent, entre les mains des passeurs qui les oppriment et dont on pourrait se préoccuper davantage, en priorité absolue d'une action répressive qui pourrait être plus déterminée. Ils survivent grâce à l'action remarquable des associations caritatives, des ONG et de la ville de Calais. Et ils essaient chaque jour de passer . Quant aux raisons de leur attirance vers le Royaume Uni, on en connaît les causes, outre les facteurs linguistiques ou communautaires relatifs aux pays que j'ai cités: facilité d'emploi clandestin et absence de documents d'identité sont autant d'éléments que les passeurs font miroiter à des populations déjà convaincues. D'autant que, malgré le discours officiel de M. Cameron sur la «forteresse sécuritaire» que serait le Royaume-Uni, ce dernier demeure ouvert et donc attractif: Eurostat faisait ainsi état il y a quelques mois de ses 100 000 permis de résidence accordés en 2013 pour raisons économiques à rapprocher des 18 000 Français et des 27 000 Allemands. Pour qu'il y ait des migrants clandestins, il faut des employeurs.
Eurotunnel a renforcé sa sécurisation en augmentant son «dispositif de moyens humains et technologiques», indique la direction. L'entreprise demande à l'Etat de rembourser 9,7 millions d'euros liés à «cette pression migratoire» a indiqué son PDG. Est-ce à l'Etat ou à un groupe privé de payer pour les effets de cette immigration mal maîtrisée?
Poser la question est y répondre. Bien évidemment qu'il appartient à l'Etat et à lui seul d'assumer des missions régaliennes telles que celle-ci, quoi qu'en dise un ministre qui a, parfois, une fâcheuse tendance à reporter ses responsabilités sur ses prédécesseurs ou ses partenaires. Cela étant, le contrat de concession comme les différents accords applicables règlent vraisemblablement le débat et Eurotunnel a certainement des obligations à satisfaire en la matière. L'Etat aura sans aucun doute les moyens de l'y amener.
La réforme du droit d'asile - notamment l'assignation à résidence des immigrés en situation irrégulière, qui remplace le placement en centre de détention - portée par Bernard Cazeneuve est-elle appropriée?
La question du droit d'asile ne concerne pas Calais: ces migrants ne souhaitent pas demander l'asile à la France. On a d'ailleurs assisté, il y a quelques semaines, à un spectacle assez surréaliste où le ministre de l'Intérieur les incitait à le faire! En revanche, s'il est question de migrants effectivement inéligibles à l‘asile, c'est davantage de l'exécution réelle des décisions d'éloignement qu'il faut se préoccuper que de l'assignation ou pas à résidence. La question cruciale est alors de trouver un Etat où les reconduire.
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